REVUE ErVCYCLOPEDIQUE PCBtlEE PAR MM. H. GARNOT ET P. LEROCX. Liberie, EgalUe, Association. •^BOBBS^lfMAA&a AVRIL 4832. AU BUREAU DE LA REVUE ENC\CLOPflDIQUE , rue des SainU-Perej , N" 26 ; Ar^THi;S BERTRANU, RUE HAUTEFEUILLE , M al. PWIVCIPAUX ARTICLES ,p,5j-p] , I'AISONS DE LA ReVUE EnCYCLOPI:D1QV i CAHIER DE SETTEmEnE I83I. De la polilKluc intdrieurc ct cxtcricurc dc la France dcpuis la revolution ile 1850, p M. LA.CREKT. Stalist'quo mincralogiquc dc la France, par M. Fournel. Sur Ic clioldra-morbus ('pidemique, par M. Doublk. Religion : Aux pliilosophes , par M. P. Leroox. OAHIsa D'OCTOBRE. Dc la politique dc la France , par M. Laurent. Examen du Inii^et de 4 R32 , par M. EM:t.E Pereire. Cours d'liisloire dos srienccs natmcUcs dc M. Cuvicr , par M. Fuster. Observations sar le pcncliant au crime aux diffdrcns ages . par M. A Quetelet. Autobiographic de volcurs anglais et anidricains , par IM' ° Adelaide Momtcolfier. Podsic : Les fouiUes d'automne , jpar M. Jean Rey.>add. ' CAHIER DE lUOVEtlXBRE. Coup-doeil histoviquc sur les dernicres revolutions de la Suisse, pav M. Ciiakles Didier. De la conformity orfjanique dans les animaux, parM. Dor.Es. GiSologie asiatiquc dc M ,dc Humboldt , par M. J. Retnauu. Des chemins de fcr aux Etats-Unis , par M. List. Dela podsiede notrc epoque : Goethe ct Byrou , Waller Scott ct Cooper, par M. P.IiEiu Dc la podsie politique , par M. J. Revkahu. CAHIER DE D^CEIttBRE. Les monarchicns etles doctrinaires , parM. Laurext. P'nilosophie dn droit , de M. Lcrminicr , par M. Alex . SAUNT-Ciii^Rox De rusa(»e pliYsiologique de roxigfene, par M. Dutrochet. Dc la pocsie dc notre dpoque : Lamartinej Victor Iliiyo , Sainte-Bcuve , par M V. I,i;i oi Mcmoires d'un prcdicateur saint-simonien , par M. Edocaru Cbarton. CAHIER DE JANVIER 1832. De la tendance nouvelle des idccs. Dela socidld saint-simonicnne, par M. Jean Reykaod. Les trois principes : Rome, Vienne, Paris, par M. Charles Didier. Gonsiddralions sur les finances de la France et des Etats-Unis., par M. Emile pFREiRr. Sur les variations de la taille chcz les maramif^res, par M. Is.Geoffrot-Saist-Hilaii i DeTdducalion publique, par M. E. Souvestre. Fragmens sur la Valachie , par M"' Ad^laioe Moktgolfier. CAHIER DE F±VRIER. Dc Vindiffdrence politique et de I'innovation en matiero d'impot, par M. Lauren Doctrine d'association de M. Charles Fourier, par M. Abel Trawson. De rinflucncc des saiscns sur leg facullds de I'homme , par M. A. Qoetelet. Projct d'un chemin dc I'er de Gray a Verdun , par M. Hekri Fournel. Voyages des friires Lander en AlVique , par M '° Adi^laioe Moktgolfier. Le Feu du ciel par Lcuis Boulanger, par M. Edocaru Charton. CAHIER DE niARS. Du catholicismc ct du peupic a I'pccasion du choldra, par M. Charles Didier. De I'assiette de I'impot, par M. Emile Pereibe. Derni^res pages dc Goethe, expliquant a rAllema^nelessujcts de philosophic naturelle cij- troversds au sein de PAcademie des sciences de Paris. Voyage des freres Landar en Afrique ( 2' article), par M' " Adelaide Moktgolfier. Vision d'Udbal, de M. Ballanchc, parM. Alek. Saint-Chepow. CAHIER D'>AVRII.. Dolandcessitd d'unereprdsentafion pour lcs,proldtaircs, parM. LRetraud. De I'assiette de I'impot (2° article^ par M. Emile Pereire. Dcrniercs pages de Goethe ^2° article). Dc rinducncc philosophique dcsdiudes orientalcs, par M. P. Leroux. Podsie sanskrite : Anthologie d'Atnarou , parM. J. R^TI^Acn. k REVUE EJNCYCLOP^DIQUE. ^. /{pro . REVUE ENCYGLOPtDIQUE, PAR MI«. H. GARNOT ET P. LEROUX. Liberte , Egallte , Association . TOME LIV. PARIS, AU BUREAU DE LA REVUE ENCYCLOPEDIQUE , nUE DES SAINTS-PERES , «° 26. AVRIL — JUIIV 1832. Touics Ics sciences sont lc5 ramcaux d^unc nieme tigc. .. Bacon. REVUE EXCYCLOPfeDIQUE. NOTE SUR LES DERNIERS EVENEMENS. Notre numero etait presque entierement compose lorsque les mouvements d^ 5 et6 juin sont venus ea interrompre le tirage. Nous avons regarde comme un devoir d'en continuer I'impres- sion sans y appoi'ler aucuii cbangement; les eveneraents qui nous ont agites un instant auraient peut-etre donne a notre pensee une expression plus vive , niais le fond demeure toujoiirs le meme. Cependant la crise actuelle est trop grave pour qne nous puissions nous taire , et trop passagere peut-etre pour que nous puissions remettre "a une autre livraison la taclie de nous en occuper. Un grand citoyen etait mort, et Paris tout entier s' etait leve avec ordre et recueillement pour venir deposer sur un cercueil le religieux et solennel temoignage de son opinion et de sa voloute. Ouvriers , etudiants, bourgeois, gardes nationales de la ville' et de la campagne , soixante mille homines pieusement ranges a la suite du char, donnaient I'exemple d'une armee de citoyens remportant sur vme autorite malfaisante une victoire pacifique et definitive ; chacun savait qua la tranquillite seule etait attache le succes. L'imprudente exaltation de quelques hommes echauffes par la magnificence d'un tel spectacle est venue donner au ministere I'avantage d'une journee qui devait lui etre 5i funeste.Une scene de desordre, accueillie avec empres- sement par la force militaire , augmentee par des feux de pelo- tons et des charges de cavalerie, a repandu le tumulte dans la ville; le bruit de la raousquetterie a rappele au peuple lejour ( 2 ) lies barricades ; et , sans'chefs et saus ralliement , mais aussi sans obstacle et sans erapechement, des ouvriers encore desannes ont passo la soiree et la unit h dresser des barricades dans leurs rnes silencicnses et paisibles. Au matin tout I'apparcil de la guerre civile s'est deploye ; la ligne, la garde nationale , la banlieue elle-menie , ont ete con- voquees an sccours de I'etat en peril ; la fusillade a roule jusqu'ii trois heures avec la terrible regularite des batailles ; le canofl a groude , et battu long-tems les raaisons comme des ciladelles ; puis tout est rentre dans le silence , et Ton a compte les vaincus ct les morts. Alors on a vu que quelque troupe, agglomereeauhasard, s'etait aveuglcnient jetee dans les maisons , au Cbatelet , a la Bastille, dans la rue Saint-Martin , et partout s'etait maintenue avec un encrgique desespoir; le cloitre Saint-Merry, contre lequel on avait amoncelc des regiments et dresse des batteries , etait occupe par quarante hommes, et Tarmee y fit huit prisonniers. La ligne^ en deux jours de combat, avait eu trois cents hommes taut tues que blesses , et la garde nationale coraptait deux morts. . •' ' ' Voila le Complot, voilk le combat, voilk la victoire. Le juste milieu , enivre par ce triomphe d'emeute , a donne le signal aux trompcttes ministerielles ; et, croyant sa position changee par le haSard d'-un tumulte, il est venu mettre I'arbitraire a la place de la loi , declarer Paris en etat de siege , encombrer les prisons de dix huit cents citoycrts, tradnire la presse devant des conseils de guerre, livrerles accuses a la justice des commissions mililaires, placer la \ille tout entiere sous la crainte des froides executions ik la^sillade , ct jete'r I'alarme dans la province en y jetant les panc'gyriques d'une victoire de guerre civile. Nous concevons cette politique temeraire dc la part de qucl- qucs hommes qui , Iransfugcs du camp du pcuplc , ou avengles par des opinions slationnaircs qu'ils ont cu lart do faire pren- dre pour uiie doctrine, redoutent avant toulc chose le progres (3) de la demociatie , ct qui depiiis deux ans n'oiit pas dissiuiule que la perte du principe de la legitimite etait pour evix a jamais regrettable. Nous coucevons que , caches daus 1' ombre, ils pous- seiit a la violence avec uiie logique inflexible. Mais nous ne comprenons pas que les horanies politiques qui ont un interet personnel et sincere au maintien du gouvernement actuel puis- sent adopter leurs conseils et s'en faire les editeurs responsables . De la part des premiers , c est orgueil et calcul ; de la part des autres, la persistance dans cette voie ne serait que faiblesse d'es- pi'it et defaut d'arae. Avec quoi , nous vous le demandons , vaincrez-vous le car- lisme et la Vendee, si vous eteignez sous du sang I'ardeur pa- triotique? Et si par malheur vous aviez la guerre ! Vous cherchez un complot vous n'eu trouverez pas. Le complot , ce sont tous les malbeurs et loutes les fautes accu- mules pendant deux ans ; il etait dans Tair , dans I'atmo- sphere politique, si gros d'orages. Aujourd'hui les journaux ministeriels accusent I'opposition d' avoir seme la guerre civile : avec quel avantage I'opposition ne renverra-t-elle pas cette accusation au ministere et aux ecrivains qui le conseillent ! Dans la situation on etait Paris, il suffisait du moindre accident pour faire un incendie. Le seul bruit que des soldats avaient tire les premiers sur le.peuple suffisait pour pousser au combat des jeunes gens courageux et de braves ouvrlers. Mille impressions recues depuis deux ansde la politique exterieure comrae de la politique interieure ont suffi pour faire tirer I'epee et charger le fusil. Voila ce qui a renferme des hommes intrepides dans des barricades ; voila ce qui les a fait tenir du haut de quelques maisons contra Toute une armee. Du reste le hasard a tout conduit dans ces deux journees. Mais de complot, de direction , de plans concertes , il u'y en eut pas. Et vous iriez aujourd'hui continuer la fusil- lade sur des prisonniers, apres avoir soustrait a la fusillade les miuistrcs dc Charles X ! Ah! gardez-vous-en. Rappelez-vons que , commc I'a dit un poiflc , la sang appelle le sang. (•4) Pour qui meJite sur I'etat de la Frauce , toules ces agitations convulsives , toutes ces levees de boucliers des divers partis , nc sontque I'expression du malaise general de la societc. Et pour qui a foi dans le principc de liberie et dans I'effica- cite du gouvernement representalif qui en- est I'expression poli- tique , totues les questions se resunieut dans cet axiome : « Apres la revolution de juillet, il fallait un progres dans le gouverne- ment representatif, un progres analogue a celui que I'Angleterre accom^lit eu ce moment par la reforme. « Ce progres u'a pas ete fait ; il a ete obstinement refuse par cette mauvaise eoole politique qu'on appelle doctrinarisme. Voila la source de tout le mal ; voil'a la cause de toutes les eraeutes ; voila la cause de la Vendee et du 5 juin. Les besoins moraux et physiques de 1' immense majorite du peuple ne sont pas representes. Nous n'avoiis du gouvernement representatif, tel que Tout compris Montesquieu, Delolme, Benjamin Constant, tons les publicistes, que le nom. Est-il etonnant que les ideea progressives ne trouvant pas une issue, les plaies dela societe ne trouvent pas de remede , et que les interets et les passions , les passions les plus genereuses comrae les plus retrogrades , fassent explosion ? Aussi est-ce sur le progres a accomplir dans le fait de la re- presentation nationale que nous voudrions appeler I'attention serieuse de tons les ecrivains. Nous commencons dans ce numero a publier notre opinion theorique sur ce sujet , et nous la developperons de plus en plus, persuades comme nous le sommes, pour y avoir profondement rcflcchi , que devant cette question toutes les autres ne sont que secondaires. REVUE ENCYCLOPEDIOUE SCIENCE POLITIQUE. D£ LA NECESSITE D'UNE REPRESENTATION SPEGIALE POUR LES PROLETAIRES. PREMIER ARTICLE. « La puissance legisktive sera conficc et au corps des nohlts ( ^nViijgi'ej ) » ct au corps qui sera choisi pour representer le peuple , qui aurout » chacuD leurs assemblees et Icurs deliberatious a part , et des vues «t » des iotcrets separes. » Montesquieu , cb. De la constitution d'Anglelene. Le gouvernement representatif , qui paraissait "a tant de bons esprits, il y a quelques annees a peine, renfermer ©ii lui le principe d'une longue existence, dont on adrairait le mecanisme comme le chef-d'ceuvre de I'espiit Inimain et rinstriiment neces- saireaudeveloppementprogressifdela civilisation etde laliberte, est aujourd'hui publiquement tombe dans un discredit si pvofond qu'il serable que la nation le confonde tout entier dans le raeme mepris dont.elle a enveloppe ce juste milieu, auquel elle a laisse pour sobriquet le nom dont il s'etait lui- meme decore. L'etat de decomposition auquel il est parvenu dans les esprits est comma une gangrene intestine: et Ton dirait que, re])elle a tout remede, le mal, qui chaque jour s'avance, doit s'etendre de procbe en procbe jusqu'auxextreraites, etfrapper de pourriture ks membres doues encore d'un dernier resle de mouvement ct de spontaneite. Cependant il arrive sou.vent qu'un traitemcnt haljileraent me- 3 POLITIQUE. nage, ou un inembre sagement retranche, operant une revolution imprevue, ramenent la saiitc et font couler dans les veines ma- lades' mi sang plus actif et plus pur; et parfois aussi le mori- bond languissant et faiLle, trompant I'irapatient calcul des heri- tiers, les force chaquc jour a rejeter an lendemain leur esperance, et, dementant toute regie et toute experience, traine encore bieii au-dela des bornes de la saison fatale son souffle ralenti et glace. 11 font done, d'une part, etre attentif et reflechi, et ne point se hater dc condamner avant d'avoir pese toutes les chances de sa- int, et, de I'autre, craindre de se laisser emporter par des desirs anticipes, et se garder de donner toute conhance au tems, qui nous trompe souvent et rarement se soumet k notre ordre. Les uns out jete nn superbe anatheme sur la gueriille repre- sentative qui entoure les dorures du trone quasi-legltime ; et, pea- sant Ic priucipe aneanti parce que sa grossiere effigie, apres avoir ete marquee et flagellee, avait ete trainee par la foule dansle ruis- seaudes riies, ils se soiitenfiiis bienloin des theories anglaises, et se sont mis a voyager dans I'espace pour y decouvrir un principe gouvernemental nouveau et preparer la renovation universelle du genre humain par le puissant essor de leur genie inventif. Les autres, plcins de foi dans la Providence des peuples, et marchant a Tavenif aussi resolus et decides que si la loi de cette Provi- dence etait la loi de la fatalite , implorent pour I'Europe quel- ques jours sculementde fermentation etdebouillounement, assures que la consolidation et la paix doivcnt sortir du sein de ce tumulte et de cette effervescence, corame le raonde du sehi de Tautiquc chaos •, consacrant tout leur travail a accelerer cette cilsc salutaire, et ne voulant rien prejuger au-dela, ils se re- duiseut, pour toute conception generale, a demander que le sceau de Telectiori populaire soit impose sur le front du pou- voir executif. Sans doute il y a pour une tempete prochaine au- tant de certitude qu'il est perrais a I'esprit de I'homme d'en amas- ser; mais en ne se preparant que pour les jours d'orage, pour la regie desquels il n'y a ni prevision nl calcul , ne laissent-ils pas wne place libre au-dcssus d'cux "a ceux qui se transportent au- DE LA REPRESENTATION DES PROLETAIRES. 3 dela de la chute des derniers representans de la feodalite, et me- ditent surles combinaisons harmonieuses qui devront reunir les elemens affranchis? le temple d'Antium est detruit, et ceux qui adressent leurs prieres et leur vceux a la Fortune ne songent pas que cette sourde et aveugle deesse n'est plus qu'une impuissante idole. D'ailleurs , bien que I'histoire soit ouverte devant uous pour nous enseigner avec quels terribles mouvemens les peuples avancent dans la voie du progres, et bien qu'il ue soit guere permis de penser que I'Europe puisse se debarrasser sans vio- lence des liens qui I'oppressent encore , et marcher paci- fiquement a la liberte sous les tutelaires auspices de la royaute legitime , cependaiit la question de la guerre , si evidente chaqvi^e fois que Ton pese un peu sur la realite, est encore, enveloppee daus cette obscurite du terns si impenetrable a nos regards. II n'est point donne aux hommes d'eciire a I'avance leuj- histoire et de jalonner I'avenir avec des dates , comme ils en jalonnent le passe ; les plans traces pour le lendemain toujours reposent sur des hy- potheses et toujours se melent avec le tems, cet eternel element si difficile a introduire dans le calcul des probabililes politiques. Imprudens et temeraires ceux qui croient pouvoirtout trancher a la lame de I'epee , et tout resoudre au gre de leurs passions et de leurs desirs. La sagesse humaine consiste a savoir s'emparer des evenemens , alors meme qu'ils paraissent les plus rebelles et les plus rudes, pour les faconner et en faire des instrumens utilee. Depuis deux ans , cependant , tons ceux que passionne I'amour du mouvement ont-ils pense qu'il faut savoir pousser le char du peuple a travers la paix comme a travers la guerre? Entraine's par leur fougueuse impatience, ils n'ont cesse d'invoquer a grands oris la guerre, et de lui demander de rouvrir sa vasle carriere de perfectionnement et de propagande. Mais tout a elc etouffe, et la paix artificielle de la sainte-aliiance a continue a peser sur les peuples disciplines et groupes eh royaumes. Sans doute il cut ete difficile des I'origine, en jetant sa vue a deux annees en avant , de coEiprendre I'etat de I'Europe tel qu'il est aujourd'hui; sans .^ POLITIQUE. clonic on nc poiivait prevoir la paix , ni en presence cle la France <|ni, tout ('niue ct toute fiere d'avoir repris sa glorieuse initia- tive et reconqiiis rindepentlance desespcres, semblait enseigner htous , par son cxeniple, a qiioi tiennent les trones et comment on chasse Ics tyrans , ni en presence de la Belgique qui refoulait violcmment la HoUande dans ses marecages sous les yeux de Ja Priisse son alliee ct sa parente, ni en presence de I'Espagne dont nous armlons les frontieres, ni en presence des eclatantes sedi- tions de ritalie et de la sourde effervescence de rAlleriiagne ; sans doule il eut ete insense- d'y penser ce jour on les troupes de la Russie commencant a s'ebranlfer contre I'Occidcnt , la Po- logne , imitant le devouement des Thermopyles , resolut d'ar- r^'ter aux portes de la civilisation le nouveau Xerces; plus in- sense et plus lacbe d'y penser ce jour funebre t>ii circula la nou- velle de mort, et oii Yon ne trouvait plus de paroles que pour la colere ct la menace. Toutes ces cboses sont venues a. la suite , s'entassanl Tune sur I'autre ; et cependant la guerre a fait defaut, et revenenient a dementi toutes les prevoyances.- La guerre avait ete faite conditiqn d'avenement poiu' le peuple , et, la guerre )nanquant, le peuple est reste dans sa misere el dans son abandon. Dira-t-on que toutes chances ne soiit point perdues , et qa'il ne faut point se-depouiUer de tout courage et de toute esperance? Mais je rcpondrai que bien des bomraes dejh sont rcntres dans I'abattement et dans le degout del'avenir, qu'il n'est pas evident que.la republique universelle soit si voisine qu'on puisse en I'at- tendant prendre patience else resigner au present, qu'il nest pas de- raontre qu'on doive jeter bas tout espoir de salut en jetant bas tout espoir procLain de revolution et de secolisse. Je demanderai enfin ce que Ton propose de faire pour Tamelioratlon des masses tant que nous serous condamncs au regime batard qui nous gouverne ; je demanderai si nous n'avons pas porte dqj'a deux grandes anneesde cet iugrat systcmc qui aprcs avoir debute par rimmobilite s'enhar- dit jtisqu'a la reaction , et combien nous devons le porter encore sans espoir deprogres. Ne peut-onpasdirequesi les doctrinaires, conduits par la timidite et regoisme, ont tout sacrifie a la paix , DE LA REPRESENTATION DES PROLET AIRES. 5 les republicains, emportes par le devouement et I'ardeur, ont tout sacrifiea la guerre? II ont consenti a confierle sort dii peiiple a I'epreuve de cette balance dans laquelle Jupiter pese les destinees, etle plateau dela paix, en s'abaissant verslaterre, leur aenleve I'enipire et a donne la victolre a leurs conipetiteurs. Nous vivons en un tel tenis de desordre et d'incertitude que chaque jour il faut preparer pour le leudemain autant de solu- tions nouvelles qu'il y a d'evenemens nouveaux qui se balancent a rhorizon ; le vaste champ du possible s'agrandit bien au-dela de la France , et notre oeil a peine a embrasser I'etendue de cet horizon europeen. Notre raison a reeu le choc de taut de fails inattendus, que lepassedoit devenirpour elle une haute lecon, et lui apprendre qu'il faut toujours se mefier et toujours etre pret aux alertes; car souvent ce que Ton a rejete loin de soi en le traitant d'absurde et de chimerique se releve traitreusement cen- tre nous, et, profitant de notre iinprudente assurance, nous sur- prend et nous attaque au depourvu. Nous naviguons sur un ocean inconnu ; et , comme le matelot -experimente , nous de- vons tracer a la fois nos projets pour le calme et pour I'orage ; le ciel qui s'etend sur nos tetes, et qui semble couver la tempete, nous trompe peut-etre, et se prepare a nous renouveler encore la continuation de ces longues et accablantes journees de la restan- ration, qu'avait interronipues un instant le lourbillon passager de Touragan. Et si, en effet, I'apathie des esprits, ledefaut d'idees precises , la domination des circonstances etrangeres, le terns qui, en politique, parfois coule si vite et parfois si lentement; si toutes ces choses devaient s'unir pour soutenir le regne d'une seconde restauration au milieu de toutes les haines, de toutes les injures, de toutes les sourdes menaces , comme elles s'etaient unies deja pour soutenir le regne de la premiere, nous faudrait-il attendre quinze ans que le peuple, lasse de ne rien recevoir, se decidat enfin ? Ne devons-nous pas chercher des armes avec lesquelles nous puissions contraindre cette royaute , meme vivante et assise TOME LIV. AVRIl. 1852. i 6 POLITIQUE. siir sou trune, a tourncr scs regards vers les besoius et les soiif- frances de ceux qu'elle iiomme ses sujets, et pour le soidage- ment desqiiels elle geaiit de n avoir rieu kfaire? Cest 11 la presse, cet ardent foyer de ropiniou publique ([iii verse sur les masses qui Tentourent ses Hots de chaleur et de lu- miere, c'est a la presse qu il imporle surtout de se poser hardi- ment son but et de se creer sa tache. Jusqu'ici emportee daus le flagrant tourbillou de la politique, entrainee par la fougueuse fermentation ties passions ct des esperances, remettant "a d'autres terns le soin de preparer des coups mieux medites et mieux etu- dies , elle s'est donnee tout eutiere a cette marche bondissantc de nouvellisle commentateur ; ne cherchant d'autre aliment a ses en- seignemens que des textes puises aux portefeuilles des diploma- tes et des minlstres, elle seniblait en quelque sorte renoncer a la preseance, et abaudonner volontairement an pouvoir I'initiative eu toute matierc , a la seule condition de conserver pour elle la censure et la replique. Mais aujourd'hui qu eu Europe tout tu- multe s'apaise, que tout, meme I'Angleterre, devient silen- cieux et tranquille ; aujourd'hui , que notre gouvernement , protege par le calme qui I'environne, semble paisiblement rentre daus toute la jouissauce de sa nuUite, que sa mediocrite est chose conveuue et que lui-meme accorde , que ses mefaits, soi- gneuscnicnt recueillis durant deux ans, forment un tel mon- ceau quil est supcrflu de se baisser pour en raniasser davan- tage; aujourd'hui que le mepris a si bien imbibe et penetre toutes choses que la critique glisse a la surface et ne prend plus nulle part, aujourd'hui c est eu dehors du mouvemeut et de la pensee de Vautorite publique qu il faut chercher quelque vie et quelque inspiration . Le moment est vcuu ou le saint de la societe exige que la presse se place dans une voie plus large ; il ne s'agit plus d'escarmoucher et de se fatiguer a des combats d'avant-postes, il faut sc porter an centre des questions, et altaquer par leur base toutes ces mesquines operations et ces absurdes tripotages de la DE LA REPfiiSENTATION DES PROLET AIRES. 7 race batarde des mouarqucs doctrinaires : il n'y a que les enfans et les fous qui pcrdent le tems a se recrier contre les abus-, les sages cheichent le siege des abus et y portent remede. Et ne voyez- vous pas que si c est dans le vice de la representation nationale que se trouve la cause du lual, c'est a ce vice qu'il se fautadres- ser , et non point aux consequences qu'il eutraine apres lui. Tra- vaillez sans relache, fatiguez-vous a maintenir a pleins bords le ni- veau des affaires, versez-yk grands flots, pour en combler la mesure, le tributde vos corrections et devos ameudemens: nevoyez-vous pas que si le v^ase estraal joint, vous faites une oeuvre plusinsen- see que I'ceuvre des Danai'des , que vous vous repaissez d'illusion en vous repaissant d'esperance , et que votre tache , qui cheque jour est la meme et cliaque jour recommence, est une tache sans terme etsans raison? Et n'est-il pas evident que si les interetsdu peuple ont besoin, pour etre representes, d'empiunter le secours de votre parole et de votre eloquence, c'est qu'ils s'echappent et se perdent a travers les larges ouvertures de I'enceinte parlemen- taire? C'est done la que se trouve la question tout entiere, et c'est la surtout ce qui demande a etre gravement pese et graveniejit etudie. Toute la destinee de I'avenir semble comprise dans cette pensee du sage que la voix publique repetechaquejour,et qui cir- cule autoiu- de nous comme une lecon vulgaire , que bien pen arretent an passage pour la laisser retentir dans la serieuse pro- fondeur de leur esprit : « La voix du pc-uple est la voix de Dieu.« Dieu en effet, en creant les hommes egaux, a voulu les reunir dans des limites semblables a celles qui embrassent les enfans d'une meme famille, et, tout en permettanta la variete derepandre sur leurs figures des nuances et des dissemblances, il les a toutes com- prises cependant enti-e les bornes d'un type infranchissable , et il n'a pas voulu que la tete d'un bomme, quel que fiit son genie et sa force, jetee en contrepoids du plateau qui contient I'huma- 1. 8 POLITIQUE. nite toutentiere, put rebraulera elle seule, le soiilever ct le for- cer "a coder tlcvant ello. Pour faire conuaitre a I'humanite son ordre et sa voloiite , il iracccpte pas entre lui et elle des dolegues inteimediaires ; la uieiue puissance qui ouvre les coours aux pas- sions genereuses les a ouverts a la passion du progres; la parole du penplc est une parole qu'il inspire lui-meme, et. qui sans ccsse s'exliale, confuse, indistincte, ignoree, et c'est cette parole ce- pendanl qu'il iniporte de consulter et de comprendre ; car c'est elle qui rend aujonrd'luii les oracles, etqui sanctionne de son con- sentenicnt et de son accord les verites nouvelles dont la masse grandit et s'accroit d'heure en heure. Sans doute il fant savoir rendre aux grands hommes leur part , et ne point tomber dans les exces de 1' injustice en cherchant a fuir les exces de I'inegalite ; sans doute, dans la foule, bien des tetes se dressent et domiiient les auti-es : uiais des plus grands on vient aux plus petits par degres insensibles, et les geans n' existent que dans la tradition de nos peres. Tout a disparu dans le passe autour de ces hautes figures qui se tienuent encore debout, les pieds plonges dans la poussiere du terns; maissi nous pouvions aninier cette poudre silencicuse qui dort devant eux, et evoquer de son sein I'image inconnue de tant d'honiincs qui out vecu "a leur cotes et pai-- tage leur travaux sans partager leur gloire; si, dans les tresors dont ils uous ont laissc Therltage , nous pouvions separer le fruit indi- viduel de lour genie, du produit de I'impot percu par eux sur leurs coutemporaius ct rassemble piece a piece ; si dans I'inspiration de leur ame nous pouvions sentir tout ce qui s'exhalait de la chaleur du sieclc, alors nous penserions peut-etre que leur taille eutparu moins elevee, si Ton ne s'etait pas agenouille devant eux. Decla- rons done resoluiuent que ni la sagesse ni I'amour du bien public ne donnent le droit de faire la loi aux bommes, et que toulo pensee philosophique, avant de revenir epuree et digne de se re- pandre dans la realite, doit passer par I'epreuve du sentiment universel , qui seul la sanctionne de son autorite, et, transfor- mant son essence, d'humaine et d'imparfaite qu'elle etait, la rend toute sacree et loute divine. DE LA REPRESENTATION DES PROLETAIRES. Q Sans doute ce pouvoir moderne, ne de la liberie de la presse et llottant dans son independance sans recevoir de regie et sans enimposer, devenn de plus en plus le pouvoir du genie et de I'intelligence , et s'asseyant au centre des generations pour nour- rir leur esprit et animer leur progres , rayonnera libreinent un jour jusqu'au sein de ces masses aujourd'liui delaissees dans leur ignorance et condamnees kl'ilotisnie; sans doute, un jour, la lo- gique toute-puissaute du peuple affranchissant ses represcntans de toute tutelle et de tout patronage , ils cesseront de demeu- rer groupes aux pieds de cette idole gothique qui depuis qua- rante ans demeure sanstete pour porter la couronne, et qui, soi- gneusement mutilee de toutes les amies dout elle etait herissee , nous reste comme une relique du vieux temps , vetue de quel- ques oripeaux sous lesquelselle pretend abriter encore le privilege de sa mystique inviolabilite ; et sans doute aussi il sera alors donne a tous devoir et de comprendre comment la liberie s'accorde avec I'association , et comment riiumanite, pour ccWitinuer a marcher en avant , n'a plus besoin des prodiges d'une creation nouvelle ou d'une renovation universelle, mais seulement de I'epanouisse- ment naturel des gernies qu elle renferme et alimente sans cessQ. Mais, au milieu de tout ce mouvement, le progres de la represen- tation nationale est ce quil importe avant tout d'assurer et de soutenir; car c'est en lui que vieut se coucentrer tout le progres de la science gouvernementale : c'est lui seul qui ramenera pen a pen I'ordre et I'autorite au milieu de nos societes affrancliies ; c'est lui seul qui , reglant pen a peu Timmense assemblee du peuple, preciserale son confus de toutes ces voix et I'expression tumultueuse de toutes ces volontes , lui enfin qui, remplacant le sacerdoce des papes et la legitimite des rois, rounira au sein de I'humanite, en un foyer nouveau, la verite et la force avec I'inde- pendance. • D'oii vient done quece principe de la representation nationale, qui semble etre le sceau de I'alliance des gouvernemens et des 10 POLITIQUE. peiiplcs, etqui devrait, comme I'arche sainle, etre religieuseinent gaiilo par la veneration universelle ct protege par elle contra toute profanation et tontc impiete, d'ou vient qne ce principe, livre, aux insolens blasphemes ties ennemis tlu progres on de la li- berte, est anjoiu-il'lini abandonne aux outrages, et delaisse dans sa detresse par ses disciples les plus fideles? d'on vient que cette representation nationale elle-raerae , essence feconde merveilleu- sement distillee de la vie d'une grande nation, convention puis- saute qui devrait tenir en elle toute la force, toute la sagesse, toute la volonte dont dispose le peuple, d'ou vient que cette re- presentation nationale, placee an milieu des tems les plus fertiles en grands evenemens et les plus spacieux pour le deploiement des grandes choses, n'a su trouver en elle ni ame ni mouvement, et a semble prendre h tache d'ouvrir I'histoire de la France nou- velle par des pages semblables h ccUes des regnes indolens des successeurs abatardis du premier de ses rois ? Le principe serait- il faux et meprisafcle en effet, fait tout au plus pour une restau- ration de quinze ans , et bon pour servir de transition passagerc vers d'autres destinees ? le peuple serait-il incapable de compren- dre sa propre cause et de dinger son mouvement par sa propre pensee? et faut-il done alors , pour oser croire k la religion du progres , se declarer dans I'attente d'un messie inconnu on chercher la discipline de quelque genie revelateur? Certes nous ne rejetterons pas toute assurance de liberie pour nos en- fans , ct nous ne nous soumettrons pas "a n'avoir pour avenir d'autre espoir que celui d'un miracle du ciel ; nous demeu- rerons bien plutot convaincus, au spectacle dela deconsidcration et de Timpuissance de ce principe conservateur, que ce n'est pas sur lui que doit retoniber le discredit et le blame, mais bien sur la defectueuse application qu'on en a pretendufairc. Si la machine chaucele, et si sa force faiblit et tombcjiious ne nous ecrierons point avec dedain que la source qui I'alimente est froide et sans bouillonnement, on que la vapeurqu'elle exhale est sansenergie I't sans activile ;• mais nous croirous bien plulot que les membrures DE LA REPRESENTATION DES PROLl^TAIRES. 1 I sont disjoint es on les conduits obstrues, et que le principe mo- teur cache h nos regards s'ecliappe par quelque issue , ou peiit- elre s'amasse en silence a nos cotes et nous prepare de terribles eclats. II est done inutile de depenser sa peine a un sterile controle ; quand 11 importe avant tout de remonter a I'origine du mal , et de se servir de I'analyse des causes pour apprecier les conse- quences et appuyer son jugement et sa prevision. Or, si nous considerons la loi electorale, application du prin- cipe theorique a la realite actuelle, nous voyons que, dans sa formule la plus geuerale, partant de cette hypothese que dans la nation tons les interets sont seinblables et de lueme nature, elle siniplifie des I'abord la question en negligeant les interets inferieurs et tenant compte uniquement de ceux dont la valeur est la plus haute. Si, en effet, dans la nation les interets etaient, comme la loi le suppose, honiogenes et analogues, on pourrait se contenter de recueillir les plus eniinens et les plus forts, et siniplilier le mouvement social en n'admettant a la re- presentation que cette elite de I'opinion commune ; ou si, en effet, les societes avaieni; declare reconnaitre pour but de leur existence rimniobilite et le maintien du passe, et proscrire le changement et le progres vers I'avenir, il pourrait eti'e juste de rejeter comme dangereux et contraires au bien public tons les interets d'ame- lioration et de nouveaute, et de u'admettre comme reels et comme legitimes que les interets de stabilite et de conservation. Mais il est faux que dans la nation tousles interets soient les memes, et, cela demontre, il est faux que Ton puisse tenir compte des tnis et negligerles autres: le principe de la representation nationale ne conduit a ses vraies consequences que lorsqu'en I'appliquant a la realite on par v lent a representer en effet I'interet de la nation tout entiere. On est done entraine d'une parth I'erreur, en s'adressant a la richesse comme donnant garantie d'intelligence et de raison; car 13 POLITIQUE. Ton soutire en lueine leius toute I'essence d'egoisnie et d'aris- tocratic, et on laisse echapper tont ce qui repond au desir d'a- melioration des classes inferieures. Mais on tomberait egalement dans Tcrreur en supposant a tons les votes le meine poids, et en se conteiitant dc comparer les nombres ; le nombre et le poids font seids la mesure, et en otant ainsi toute influence a une mi- norite dont les ideas n'etaient pas sans valeur, on I'etoufferait in- justemeut sous I'exuberance d'une majorite numeriqueraent plus puissantc. On ne saurait done alteindre la verite qu'en classant par groupes honiogenes les interets de nieme nature , et en donnant a chacun son droit et son organe ; car cbacun represente sa part de I'interet social , chacun a sa legitimite , et chacun doit aussi avoir sa garantie. Dans I'avenir, sans doute, le contrat general d' association se rapprochant de plus en plus des conditions im- posees par Tegalite et par la liberte, bien des interets diflerens anjourd'hui'se rapprocheront, et finiront par se confondre en un meme accord ; niaisj usque-la il y a deloyaute ou deraison a vou- loir etablir I'equilibre en effacant un parti sous un autre plus riche ou plus nombreux. Or maintenant posons le pied sur le terrain de la realite pre- sente. Je dis que le peuple se compose de deux classes distinctes de conditions et distinctes d'interet : les proletaires et les bour- geois. Je nomme proletaires les hommes qui produisent toute la ri- chesse dela nation , qui ne possedent quele salaire journalicr de leur travail et dont le travail depend de causes laissees en dehors d'eux, qui ne retirent chaque jour du fruit de leur peine qu'une faible portion incessamment reduite par la concurrence , qui ne reposent leur lendemain que sur une esperance chancelante comme le monvement incertain et deregle de I'industrie , et qui DE LA REPRESENTATION DES PROLl^TAIRES. l3 n'entrevoient de salut pour leur vieillesse que dans une place a Thopital ou dans une mort anticipee. Je nonime proletalres les ouvriers des villes et les paysans des campagnes , soixante mille homraes qui font de la soie a Lyon , quarante mille du colon a Rouen , vintd^^Tiille du ruban a Saint-Etienne , et tant d'autres pour le denombrement desquels on peut ouvrir les statistiques ; riramense population des villages, qui laboure nos champs etcul- tive nos vignes, sans posseder ni la moisson ni la vendange ; vingt-deux millions d'hommes enfin , incultes , delaisses , rai- serables, reduits a soutenir leur vie avec six sous par jour. Voila ce queje nomme proletalres. (1) Je crois utile de rappeler ici un document statistique qui a d^ja dtd public plusieurs fois , et dont les chiffres , dans leiir langage concis , resument en quel- ques lignes une abondante matifere de reflexions et de discours. Sans doute en France la production de la richesse est trop d^rdglde pour qu'il soit possible d'en faire une evaluation bien ccrlaine ; mais, en jetant les yeux sur ce tableau, on con- viendra qu'on pcut laisser a Tcrrcur une belle place sans cesser de s'etonner de tant d'inegalit^ et de tant demisere. En rangcant la population totale de la France en douze classes, et en attribuant a chaque citoycn pour revenu la moyenne du revenu de.la classe dont il fait par- tie, on arrive aux resultats suivans : NOMBRE DINDIVIDCS. 1 52,000 1 50,000 1 50,000 400,000 400,000 1 ,000,000 2.000,000 2,000.000 5,000,000 7,500,000 7,500,000 7,500.000 REVENU PAR TETE fr. 4,000 2,500 1 ,G00 tiOO 400 550 500 250 200 150 120 PAR JOUR ET PAR TETE. l4 POLITIQUE. Je nomine bourgeois les hoiuraes a la dcslinee desquels la des- tiiiee des proletaires est soumise et encbainee , les boninies qui possedeiU des capitaux et vivent du revenu annuel qu'ils leiir lendont, qui tieunent I'industrie a leurs gages et qui I'elevent et I'abaissent au gre de leur consomination , qui ijtuisseiit pleine- nient du present , et n'ont de vceu pour leur sort du lendemain que la continuation de leur sort de la veille et I'eternelle conti- nuation d'une constitution qui leur donne le premier rang et la inoilleure part. Je nomme bourgeois les proprietaires depuis les plus riches, seigneurs dans nos villes, jusqu'aux plus petits, arislocrales dans nos villages, les deux mille fabricans de Lyon, les cinq cents fabricans de Saint-Etienne , tons ces tenanciers feodaux de I'industrie ; je nomine bourgeois les deux cent mille electeurs inscrits au tableau ., et tons ceux qui pourront encore augmeuter la liste , si Topposition liberale arrive "a son but et parvient a reduirele cens a un niveau plus bas. Voila ce que je nomme bourgeois. Dira-t-on que ces deux classes n'existent pas , parce qu'il n'y a pas entre elles une barriere infranchissable on une muraille d'ai- rain ; parce qu'on voit des bourgeois travailleurs et des prole- taires proprietaires? Mais je repondrai qu'entrc les nuances les plus tranchecs il y a toujours une nuance intermediaire, et que personne, dans nos colonies, nes'avisede nierl'existence des blancs et Texistence des noirs , parce que Ton voit entre eux des mula- trcs et des metis. Caracterisons actuellement I'interet des proletaires et I'interet des bourgeois sur les questions qui s'agitent autour de nous. Sur la question qui renferinela destinee de I'Europe , la ques- tion de la guerre, desaccord. L'ardeur belliqueuse des proletaires est soutenue par Theritage de la gloire militaire de la republique et de I'empire, qui appartint a leurs peres , soutenue par le desir de changcmcnt babitucl h ceux qui souffrent , par la pers- pective de la chance des batailles , oii tout est pese a sa valeur et Oil Tegalite subsistc dans toute sa justice et toute son etcndue ; le DE LA REPRESENTATION DES PROLETATRES. l5 salaire de leiirs families, reduitau strict necessaire, ne pent dinii- iiuer ; pen leur importe que la richesse, an lieu de se consommer dans les salons, aille se consommer dans les camps , et meiue les armees, en creant des dehouches nouveaux, doivent fournir du travail et ranimer I'industrie. D'ailleurs, les proletaires savent bien qu'entre les peuples et les rois il n'y a point d' alliance possible , et que, pour trouver appui a leur republique en Europe , il faut en chasser la servitude et affranchir les nations etrangeres. Les bourgeois se soucient pen de la guerre .- la restauration fut leur epoque la plus florissante et la plus belle ; tranquilles dans la jouissance de leurs biens, ils doivent redouter, par dessus toutes chos'es j de voir la richesse nationale , quittant son cours liabi- tuel qui la portait vers eux , aller entretenir I'exorbitante consommation des armees. D'ailleurs , grace au roi quasi-legi- time qu'ils ont assis sur le trone que les proletaires avaient brise, ils ont pu retablir avec les princes une sorte d'alliance ; et leurs ambassadeurs , quoique recus dans les cours etrangeres comme les marchands chez les seigneurs , trouvent accueil cependant et noueat les liaisons diplomatiques de la France avec celles de la Russie et de TAutricbe. Le retour au regime de la restauration , emane il y a quinze ans du consentement des potentats de I'Europe , est done ce qui convient a leur interet. Sur la question qui renferme la destinee de la generation a venir, celle de I'instruction publique, desaccord. Les proletaires, sou- tenus par le sentiment de I'egalite si actifchez les petits, deman- dent que I'instruction soit la meme la ou le genie est le meme, et que la constitution qui declare I'egale admissibilite aux emplois declare*aussi I'egale admissibilite aux ecoles. lis comprennent bien d'ailleurs que, la concurrence formant la seule loi de I'association interieure, ils seront necessairement vaincus si les amies leur raan- quent, et s'ils se presentent sans ressources en face de leurs rivaux riches de toutes les ressources que leur fournissent a la fois le pri- vilege et I'education. Sur ce point I'interet de la majorite de la nation est precis et evident. Mais quel motif pourrait engager les l6 POLITIQUE. bourgeois a consentiracequerenfance ties proletaires, soustraite au travail niccanique , fut consacrcc au developpement intellec- tiiel? quelle conipensatiou trouveiaient-ils plus tard a cette cle^xnise faite sur le fonds cominun en faveur des proletaires, a ce terns perdu al'etude et voue au dangereux exercicede I'ej-prit? lis senteut hieu que cet egal partage des lumieres leur serait fuiieste , car il rendrait leur domination moins assuree et leur preeminence moins facile sur cette classe nombreuse qii'ils ne primeraient plus par la puissance iutellectuelle ; il leur est aise d'ailleurs d'eiitrevoir, a la suite de cette egalite essentielle de la capacite, un mouvement social necessaire vers un etat moins charge de privilege et moins tolerant d'aristocratie. C'est done la ce que les bourgeois doivent avant tout redouter ; car ils savent bien que c'est le genie et non la force qui pent aujourd'hni affranchir les proletaires, et ils ont signale depuis long-tems le proletaire eloquent comme aussi re- doutable pour eux que le Spartacus antique pour les maitres d'esclaves. Sur la question qui enibrasse I'organisation actuelle du pays , cellederimpot, desaccord. La classe proletaire produitla richesse, en distrait pour son profit le strict necessaire, etabandonnetoutle reste au domaine de la classe bourgeoise : c'est sur ce domaine des bourgeois fourni par les proletaires que, directement on indirec- tement, I'imput est toujours percu. De cette difference deposi- tion par rapport a I'impot resulte une difference de position ana- logue par rapport au budget. Le budget doit etre considere comme compose de deux parts. Tune destineekla soldedes fonctions pu- bliques, I'autre destiuee a Teutretien des etablisseraens d'utilite generale. La classe bourgeoise est peu stiraulee "a reduire la pre- miere, quilui revient presqu'cntotalite; elle est au contraire for- tement exciteea reduire la seconde, (ini se reverse, non sur elle seulement, mais sur la masse entiere du pcuple. La classe prole- taire est portee a penser tout autrcnieiit sur ce dernier chapitre , qui, destine a ordonner on a encourager de grands travaux, doit etre pour elle une source nouvelle d'activite et de bien-etre, en DE LA REPRESENTATION DES PROLETAIRES. I7 lui foiiniissanl de rouvrage, et en rappelant en outre a prendre sa part commune dans le produit de cet ouvrage. II suit dela que les theories economiques adoptees par les bourgeois doivent les engager a eliminer peu a peu le gouvernement detoute interven- tion sociale, tandis que celles qui conviennent aux proletaires doivent les engager a demander peu a peu au gouvernement des mesures de prevoj^ance etd'association, et aexigerde'lui par con- sequent une garantie plus assuree et une moralite plus solide. En presence de ce fait fondamental , liberte on organisation en matiere d'industrie, le reste n'est que secondaire. L'impot indirect n'est avantageux a la classe hourgeoise que parce que son aboli- tion degreverait momentanement la classe proletaire, et qu'il fau- drait attendre des an]iees avant que Taction devorante de la con- currence ait aclieve de ronger I'accroisseraent momentane de la valeur du salaire, ct Vait enfin replace a son tarif habituel, celui de la stricte mesure des necessites de la vie. L'impot progressif nest qu'une contribution sur la haute aristocratic hourgeoise au profit de la petite. Done sur tons ces points desaccord, desaccord de sentimens et d'interets sur le present et sur I'avenir. Sous la restauration , la dissidence existait au fond, niais elle n'etait point a sa maturite et demeurait enveloppee. La lutte a soulenir contre la noblesse que les Bourbons s'essayaient a retablir unissait tout le peuple en un meme interet politique, et les bour- geois, en representantleurs interets, representaient en meme terns les interets des proletaires. Le mouvement de hausse que le com- merce dut necessairement eprouver a la suite des guerres de la revolution et de I'erapire faisait circuler la vie du proletaire au bourgeois et du bourgeois au proletaire, et les unissait en un meme interet industriel ; car a chaque accroissement dans la pro- duction repondait toujours un accroissement semblable dans la consommation. Aujourd'hui que I'aneantissement de la noblesse, prepare par les bourgeois et termine par les proletaires ,• est definitivement l8 POLITIQUE. consomme, des Iiiteiets negliges devant le danger comraun et de- venus plus pressans par les circonstances nouvelles se font jour. Le poiivoir de la bourgeoisie, qui, en presence du pouvoir de la noblesse , representait le progres, ne represente plus maintcnant que la stabilite ; les besoins d' amelioration pour le peuple se foijt sentir, et deraandent un organe. La population ou- vriere s'est aiigmentee de buit millions, et la consommation ne saurait continuer sa marche ascendante , si Ton ne consent a pre- parer au commerce des voies nouvelles , en cliangeant la condi- tion politique des prolelaires et en les appelant aparlementer au- trement que dans les rues de Lyon. Mais si nous pouvons al'iirnier que les vues et les inte- rets des deux classes du peuple sont separes, nous pouvons affir- meraussl qu'ils ne sont pas contradictoires , et que le progres devenu necessaire pour le uiaintien des societes pent etre acbete autrement que par la guerre civile. Les bourgeois et les proletai- res sont lies par une necessile puissante , celle d'eviter que la consommation nesoit soumise a aucun trouble : lesuns yperdent leurs jouissances , les autres leurs salaires. II faut done les ad- mettre a concourir legalement au pouvoir et a produire la loi par un comniun accord. Sans doute si Timprudence des rois enveloppe I'Europe dans la melee et ouvie de nouveau la lice pour le duel a mort des su- jets et des mailres , il sera question de batailles et non pas d'in- dustrie, etla puissance du norabre devra seule avoir le droit et la domination-, les theories 'd'liarmonie et d' organisation seront pour le jour on il ne s'agira plus de vaincre ou de moin-ir , et la presse , serablable a la prudeute deesse des combats se jetant dans Taicne sanglanle, n'aura plus h verser d'autre lumiere que celle ([ui allume Vincendie, ni h enseiguer d'autre pa- role que celle qui eveille le tocsin des villages et fait lever les baionneltes des campagnes. Mais jusque-la faut-il demeurer in- souciant ou immobile ? Nc faut-il pas indiquer la raison profonde dccette politique anti-nationale qui, depuis deux ans, suit son DE LA REPRESENTATION DES PROLETAIRES. 1 9 cours en depit de la resistance et des protestations ? Ne faiit-il pas faiie que la classe proletaire puisse parler h son tour et chereher remede a cette misere dont nul de ses maitres n'a soiici? Ne faiit- il pas que I'Europe apprenne que le grand Peuple n'est point mort, et que si elle ne reconnait plus ni ses traits ni sa voix , c'est que quelques bourgeois ne sont pas son image? II etait evident qu'un gouvernement issu de la classe bourgeoise ne devait, au dedans et au dehors, representer d'autre interet que celui de cette classe. C^est ce que depuis juillet, nialgre la clameur universelle, il a execute avec une severe et imperturl)a- ble logique ; c'est ce qui a fait sacrifier la republique a la qiiasi- restauration ; c'est ce qui a fait sacrifier I'lionneur du nom fran- cais, le sang de la Pologne, la liberte de I'Espagne et de I'ltalie a I'exigence et au despotisme des rois; c'est ce qui a fait sacri- fier toute amelioration du sort de la classe ouvriere a I'etroit egoisme de la classe bourgeoise, sacrifier aux menues fantaisies d'un fils de roi la sorame destinee a I'education des fils de cent mille proletaires; c'est ce qui a maintenu I'impot surles boissons et sur le sel , et rejete les bles etrangers par-delh nos froutieres ; c'est ce qui a ouvert nos provinces aux insolentes violences des carlistes , trouble nos villes aux eclats de la voix des proletaires sefrayant une issue sur les places publiques, souille nos regi- mens du sang des citoyens, et repandu de toutes parts sur le sol ces etincellcs qui allument la guerre civile au sein des nations. Et si Ton vient citer le don de la liste civile et la proposition des cereales pour pretendre que le gouvernement n'a pas toujours striclement agi dans I'interet de la classe dont il etait issis , je dirai que, dans les douze millions donnes a Philippe, je vois le bourgeois courtisan essayant de faire briller avec de I'or son trone quasi-royal, et dans I'importation des bles le bourgeois prevoyant craignant d'eveiller la colere du peuple et les emeutes de la famine. Voila ce qua produit et ce que devait necessaireraent pro- duire ce gouvernement, qu'on a si bien nomme le gouvernement 20 POLITIQUE. lies bourgeois. L'element dii progres liii luanqvie, et a rinteiven- tion des pioletaires est attache I'avenir de la France. J'ai essayc de montrer dans cet article que le salut et le progres de la France lie peuvenl ctre assures que par la representation veritable de ses interets ; j'ai prouve que deux classes, toutes deux puissantes et toutes deux distincles , coraposent la nation , et que le blame verse dans ces derniers teius sur le gouverneiuent represeutatif ne tombait en realite que sur le gouveraement oli- garch ique. J'aborderai directement la question dans un prochain ar- ticle , et montrcrai comment le gouvernement representatif , dont la monarchie anglaise, la restauration francaise la re- forme en Angleterre et le gouvernement des Etats-Unis sont des periodes , accompagnant la civilisation dans sou mouvement progressif vers I'egalite, s'avoisine incessamment du peuple, qui forme sa derniere liniite ; je prouverai que la classe bour- geoise et la classe proletaire , demeurees seules en France a la suite de la vaine tentative des Bourbons pour recons- truirela noblesse, forment naturellement l'element aristocratique et l'element populaire, necessaires an jeu et a I'equilibre de ce gouvernement ; et il sera alors facile de voir qu'en substituant en effet la bourgeoisie h la noblesse et le proletariat a la bourgeoisie, I'opinion de tant d'esprits distingues qui se sont occupes de cette niatiere s'applique immediatement a la representation simultanee des proletaires et des bourgeois , et soutient de I'appui de son autorite ce mouvement impose par la necessite des tems. Jean Reynaud. -yY\/,yiMyOi-eti^ ■ ECONOMIE POLITIQUE. DE L'ASSIETTE DE L'IMPOT. EXAMEN CRITIQUE DU TRAVAIL DE LA COMMISSION DE LA CHAMRnE DES DEPVTe's SUR LE RUDGET DES RECETTES. SecONO ARTICLE (I). t( Les lois ne creeut point la richesse , raais elles la preparent ; elles excitent a laproduiiM ; les nation's, commerindividu, font leur destinee. « Tels sont les principes que Irl. Humann a po- ses (2). Oui, certes, les lois influent d'une maniere sensible sur la prosperite des empires; mais, pour qu'elles puissent atteindre ce but , il faut que les legislateurs soient dans le cas d'apprecier quelles sontjes causes qui influent sur la formation des ricbesses. L'argent, le signe moiietaire, a etejong-tems considere comme la principale ricbesse; c'est sous Teajgiie de cetle _pceoccupatioa q-ue le mouvement industriel des di\^Ses^iiations europeennes a ete concu par les gouverneraeus ; la balance du commerce a ete le point culminant de la legislation commerciale. Lorsque les ex- portationsexcedaient les importations, I'etat etait prospere ; dans (1) Voyez la premiere partie dans le cahier de Mars i p. 528. (2) Rapport sur le budget des recettes , page 25. TOME LIV. AVRIL 1852, 2 l8 ECONOMIE POLITIQUE. le cas coiitraiio, I'etat etait en perte ; car, disait-on, il s'etait appauvri de tout le numeraire qui avail du sortir pour combler le il(''(icit des exportations. Ce prejugc funeste fiit une des causes principales dfs prohibitions qui frappereiit et I'iutroduction de certains produits et I'exportation desraetaux precieux ; la meme cause produisit en partie I'exageration des tarifs sur les impor- tations et los primes d'exportation. Les travaux des economistes ont fait justice , depuis plus d'un denii-siecle, des chimeres de la balance dn commerce; mais les progres de la science ue s'introduisent que lentement dans la pratique sociale ; les etats les plus avauces ont autorise la libra circulation des metaux precieux ; ils ont attenue les effets des prohibitions nbsohtes, mais les tarifs et les primes n'ont ete que faiblement modifies. Les droits de douanes etant devenus une source abondante d'impots, sous pretexte de protection accordee an travail, on les a maintenus et souvent augmentes. Nous ne pouvons toutefois nous refuser a reconnaitre que, dans certains cas, les prohibitions, les tarifs eleves , et meme les primes a la scrtie, ont ete d'utiles auxiliaires pour des industries naissantes ; ils ont permis d'effectuer des tentatives, de develop- per, d'accliraater des travaux et des cultures dont nous recueil- lons aiijourd'hui les fruits ; mais on ne pent les considerer que comme des sacrifices que nos devanciers se sont imposes pour nous. Ces sacrifices ont ete une experimentation , une verification a priori des forces reproductives de chaque etat. En France, la verification est k pen pres terminee ; on sait par experience quelles sont les industries et les cultures nationales, c'est-a-dire celles qui sont le mieux appropriees k la nature de notre sol et au genie de ses habitans •, on sait aussi quelles sont les industries et les cul- tures qui ne peuvent prosperer parmi noivs, et qui, par conse- quent, doivent cesser d'etre favorisees par des moyensJacticefX /v", ce qui, en finance, vout dive rniiieiix . Nous ne pretendons point cependant que, sur une semblable donnee, lesbarrieresde douanes soient subiteraent enlevees, e< la ' DE L ASS-IETTE DE L IMPOT. 1 9 liberie du commerce immediatement proclamee; nous savons qu'en fait d'industrie toutes les mesures brusques , toutes les grandes commotions produisent des effets desastreux : car si I'deuvre des legislateurs consiste dans le developpement des inte- rets generaux , ils ne doivent point faire abstraction des interets particuliers. Nous pensons toutefois que les principes de la li- berie du commerce doivent etre poses comme le point de mire de la legislation commerciale , et que la tendance doit etre la decroissance progressive des tarifs protecteurs, comme prepara- tion lente a leur entierc abolition. Ces principes se rapportent evidemment aux industries qui se sonl etablies a I'ahri des taxes ; les capitaux qui s'y trouvent en- gages, les moyensde travail qu'elles procurent, sont autant d' ob- stacles a un prompt changement de systeme. Mais ils ne sauraienl se rapporter aux tarifs qui n'ont qu'un but purement fiscal ; a ceux qui grevenl les denrees que noire sol ne pent produire, a ceux qui encberissent les matieres pre- mieres au detriment du travail; et c'est ici que nous avons be- soin de rappeler a M. le rapporteur la citation que nous lui avons deja erapruntee : cotop qu'on peut livrcr a 7 sous Taune , el sur Icsquclles leprix de lamatiere'l£n(u^e est trfes-imporiani j tandis que, pour les belles qualilcs qui valenl "a Mulhta§^5ra 40 sous I'aune , c'est la fQpon el non la valcur du colon qui en fail le prix'. DE l'aSSIETTF. DE L IMPOT. 2-7 L' importation des cotons en laine s'elevait en Angleterre : En 1781 a 5,198,778 livres. 1791 a 28,706,675 180< a 56,004,305 1811 a 91,576,555 1821 a 126,420,000 1830 a 242,000,000 Ainsi une Industrie , a peine existante il y a cinquante ans , a pu se developper depuis cette epoque avec une rapidite qui sem- ble tenir du prodige (dans le rapport de 4,650 pour -100). On ne trouvera point notre expression trop forte, lorsqu'on songera que, dans le court espace de neuf annees (de 182i a 1850 ), la fabrication du coton a a peu pres double ; lorsqu'on songera egale- mentque cette fabrication a ete, en 1850, presqu'aussi forte pour chacjue semaiiie y qu'elle etait en 1781 Tpour une arme'e entiere. (En1781,— 5, 198,778 liv.dansrannee; en 1850,— 4,768,000 dans chaque semaine). Mais ces resultats donnent cependant encore une tres-faible idee des avantages que nos voisins ont pu retirer de cet immense accroissement de travail; voicile mouvement de cette fabrication, calcule sur une quantite de 200 millions de coton brut. (On a deja vuqu'en 1 850 il y avait en un accroissement d'un cinquieme sur cette base.) ( Voycz If Tableau ci-contrc. ) 28 ECONOMIE POLITIQUE. FABUICAXIOIV DU COTON EJV ANGLETKKKE. Livrcs sterlingfl). Francs. Maiiorc preiiiiorc 6,000,000 — 151,200,000 Salaii'cs de liuit cent Irente-trois mille tisse- lantls, filciirs, blancliisseurs, etc., ii 24 1. sterl. par an (602 fr. 80 cent.) 20,000,000 — 504,000,000 Trailemens et salaircs de cent onze mille in- fjCnieurs, inecaniciens , forgevons, mapons, etc. a 50 liv. sterl. par an (756 fr.) (2) 3,353,000— 83,991, «00 Profits des manufacturiers , des siirvcillans, - ' .ichat de chai-bons , etc 6,667,000 — 168,003,400 Total 56,000,000 1, s. 907,200,000 f. Ainsi 200 millions de livres de colon brut representent an- iiiielleiuent un mouvenient de fabrication de 907 millions de francs. Si Ton en retrancbe le coiit de la matiere premiere , on voit <]u'independamraent du benefice de la navigation et des retours t;ommerciaux , les profits de cette fabrication , les richesses quelle, a cre'e'es s'elevent a 756 millions par an. Le capital necessaire pour le roulement de cette seule fabrica- tion est de S6 millions de livres sterling, soit un milliard (juatfe cent onze millions de francs (5) . Le nombre total des ouvriers qui vivent du produit de ce tra- vail et des diverscs industries qui s'y lattachent s'eleve de (1) La livrc sterling est calculcie a 25 fr. 20 c. CVst sa valeur intrinseqiie. (Voir Annuaire des longitudes, p. 66). (2) Le salaire se trouve ici plus dleve qu'ii I'articie precedent , par la raison <]iic dans les filatures on occupc dc.i enfaiis. (3) Tons ces chiffres sonl empruntcs au DicLionarf of commerce and colo- nial navii^ation , oiivragc dii plus liaut intcrct , cntiercinenl base sur des docii- mens oflicicls,- il u'csl pas craorc icrniiiic. DE l'aSSIETTE DE l'iMPOT. 29 1,200,000 a 1,400,000, soitJe onzieme de la population d'An- gleterre et d'Ecosse. Si des macliines n'etaient point employees dans ces manufac- tures, il faudrait-42 millions d'ouvriers pour fabriquer les memes produits. Ces resultats sont obtenus par une mise en oeiivre de 200 millions de livres de matieres premieres ; nous avons besoin de rappeler ici encore que dejk en i 850 on en avait employe 240 millions de livres (1). Lc genie industrial operait ces merveilles dune civilisation avancee , alors que I'arislocratie anglaise dilapidait vainement des milliards pour comprimer la revolution francaise, alors que , la dette publique s'accroissait dans une proportion telle que Na- poleon , qui n'avait pas senti toule la puissance de la production, annoncait chaque annee la banqueroute de I'Angleterre ! Ainsi dans la merae periode on le service annuel des rentes s'etait eleve cbez nos voisins h ciriq ou six cent millions par an- nee, la fabrication du coton,surmontant seule les obstacles qu'un pouvoir ignorant et cupide cherchait "a lui imposer (2), reparait (1) Les hoinmcs qui se sont pcu ou point occupes d'induslric, cciix qui s'ima- f;inenl encore que le luxe des riches est le principal aliment du commerce, ne peuvent se former une idee exacte de I'accroissemeiit de travail et de richesses qui resulte d'une legere amelioration dans Taisance gt'nerale. (2) Cliacun sait la ridicule protection que Taiistocratie anglaise accordait a la production des laines j Tcducation des bestiaux etant une branchfc imporlante du revenu des proprietaires du sol, cette Industrie ^tait favorisee, a Fexclusion de presqiie toutes les autres; pour bien constater cette predilection, le president de la chambre des lords s'asseoit bizarrement encore sur un sac de lainc. Par suite de ce prcjug^^des droits (Snormes ont long-tems frappe la fabrication des etoffcs de coton. On avail meme dtd plus loin, il avait et^rjiar une loi, defendu de porter des vetemens de coton sans melange de laine; les infractions claient punies d'une forte amende. Ce fait, a peu pres ignord en France, etonnera sans doulej nous ne parlous cependant point ici d'une epoque tres-reculee , car il y a trois ans a peine que cette loi a cle abrogce.... C'est dans de senibiables circonstances quo la fabrication du coton n'a cesse de s'accroitre, et que ceile des iaincs a relative- 3o ECONOMIE POLITIQUE. a petit bruit ccs lacunes , soldait les frais de ce long duel de la feodalite contre la democratie, et ^otait chaque anne'e les trois royaiimes d'une richesse d'un milliard de produits nouveaux ! Malgre ces progres prodigieux la condition du travailleur an- glais ne s'est presqiie point anielioree. Si en Angleterre Touvrier est un pen mieux nourri et loge qu'en France (ainsi que le con- state la difference qui existe entre les ravages du cholera "a Lon- dres et U Paris), il a une moins grande conscience de sa dignite, il est moins moral. Pour s'expliquer comment il se fait que la prosperite de I'industrie anglaise ait si peu profile aux travailleurs, il faut songer aux scandaleux privileges de I'aristocratie, a la taxe des pauvres, k I'assiette des impots, a la legislation des cereales. En France, pendant I'annee 1850, il a ete acquilte les droits . sur 29,260,4-55 kilogrammes de coton , ce qui represente 64,500,000 livres anglaises ; c'est a peu pres le (juart de la quantite acquiltee en Angleterre dans la meme annee. Pour la fabrication du coton , la France est cependant placee dans les memes circonstances que 1' Angleterre ; dans les deux pays les droits d'entree sont egaux ; dans I'un corame dans I'autre , la matiere premiere est un produit exotique , et meme chez nous la main d'ceuvre est moins elevee. Pour avoir la raison d'une telle anomalie, il faut remonter au monopole institue au profit des proprietaires de forets, qui, encherissant le prix des bois et des fers , augraente les frais de navigation (i ) , de construction ment et(S en decadence. C'est ainsi que les aristociates croient savoir proteger le travail. La mcsure dont nous venons de parler parait etrange, et cependant, au point de vuc do la veritable science <5conomique , elle est bien moins rbnquante el bicn moins pernicieuso dans ses effets gdneraux , que la loi des cereales der- nierement votde par la cbambre des deputes , sous le patronaj^e deJ|IM. Ch. Du- pin , de Saint-Cricq et La'irence ! (Voir la note p. 45.) (1) En 1795 il y avait en France 104,752 marins inscrits sur les conlroles , en 1851 ce nombre itait rtiduit a 89,258. (Voir le rapport de M. Beslay pere , sur la peclie de la morne.') Et cependant 5 a 4 millions sont vote's pour Tencou- rarjcment de la pecbc de la morue, sous pretexte de former des marins. Une protect! )n aussi cxageree produit des riisiiltats curieux : nous employons DE l'assiette de l'impot. 3i d'usines , de fabrication de machines , etc. ; il faut interroger en outre, en Angleterre, ces nombreuses banques deeredit, sources fecondantes du travail , qui font incessamnient circuler les capitaux dans les mains des hommes laborieux ; puis il faut voir chez nous I'industiiel abandonne a la protection irreguliere, capricieuse et chicaniere de quelques timides capitalistes de chefs- lieux, force de suivre obstinement une routine ruineuse, de repu- dier tous les perfectionnemens, et de regler toujours le develop- pement qu'il doit donner a &es travaux sur la parciraonie de ses bailleurs de fonds ; il faut encore interroger nos lois de douanes, qni grevent de droits enormes I'introduction des machines, ces elemens puissans de la prosperite industrielle ( I ) ; et si Ton trouve apres , que le travail en France est trop encourage, qu'on souscrive encore a 1' aggravation de droits sur les cotous que la commission du budget a reclamee! Les droits sur les cotons produisent actuellement six millioDS chaque annee; si, au lieu de la siu'taxe reclamee, on supprimait entierement ce droit, on rendrait un immense service a cette iu- dustrie, et le tresor public, prive en apparence de la chetive ressource de ces six millions, retrouverait dans un terns tres- court , par I'accroissement de prosperite qui en resulterait , un prompt dedommagement a ce sacrifice momentane. a cette peche 8,174 mariiiSj et TAngleterre , tjiii n'accorde point de primes, obtient deux fois plus de produits avec un nombre de marins qui s'e'leved peine au tiers de ceux que nous employons ; il est bon d'ajouter eo outre que dans nos colonies, ou les morues anglaises se trouvent en concurrence avec les notres , le prix moyen des morues anglaises est de 47 fr. 55cent.,tandis quele prix nioyen des notres n'cst que de 26 fr. 95 c. (ce cliiffre est produit au nom de la commis- sion de la chambre des deputes). Sur de semblables resultats , on nc saurait trop exalter les monopoles , les primes et les protections commercialcs ! (1) Les machines a vapeur sont assujcties a un droit egal a 50 pour 100 de' leiir valeur; le droit sur les autres machines est de 15 pour 100. 3d ECONOMIE POLITIQUE. SELS. Puisque nous venons , relalivenient a la fabrication ilii colon, de puiser des lecons en Angktene, notie devanciere dans celte riclie industrie , restons encore quelques inslans au-delk du de- tioit, et cherchons-y quelques enseignemcns touchant la ques- tion des sels. En 1820 le sel t5tait encore assujeti, en Angleterre, a des droits assez eleves. ( L'Irlande et I'Ecosse etaient regies a cet egard par une legislation differente. ) En Angleterre, une population de 12 millions d'habitans con- somraait a cetie epoque i 12 millions de livres de sel (4-. 25 kil. par individu ) , qui acquiltaient un inipot de 15 h 14 cent niille livres sterling , soit en moyenne 54 millions de francs; cet impot etait, relalivenient h celui qu'on acquitle aujourd'hui en France, tJy eleve d'environ 50 pour cent. II a ete depuis eiiU'erement smivrime; il n'y a plus d'impdts siiv le sel en Angleterre , en Ecosse, iii enlrlande. En supprimant cette capitation , I'aristocralie anglaise a fait en faveur des classes laborieuses un sacrifice que, selon toute apparence, on n'obtiendra point de long-tems encore des hom- ines qui, niembres de I'opposition sous I'ancienne dynastie, pre- naient pour theme de toutes leurs harangues la necessite de sup- primer cet impot vexatoire. Depuis que les taxes sur le sel ont ete abolies, la consomma- tion s'en est elevee en 1851, pour les trois royaumes, "a 55() millions de livres; sur 22 millions d'habitans cela represente 7 kilog. par tete. On a vu que, lorsque les droits existaient dans cc pays, la consomniation moyenne ne s'elevait qu'h 4.25 kilog. par individu ; Vaccroissement a done ete de plus de 60 pour cent (1). (1) II est probable que I'accroisscnicnt est beaucoup plus considerable; lors- qif une dcnrde d'unc aussi faible valour est franche de tout droit, il est difficile de DE l'assiette de l'impot. 33 Dans cet accroissement, il est juste de compreiidre Ics quan- tites qui out ete employees a Teiigrais des terres; neaiimoins, et bien que ce soit iin argument contraire au systeme que nous sou- tenons , il faut reconnaitre que, coninie engrais, le sel a ete d'un faible secours pour ragriculture anglaise, et qu'il n'a point re- pondu en cela a I'attente des agronomes. Cela depend du restc de la qualite des terres. Nous ignorons si a cet egard I'experience de I'Angleterre pent etre appliquee a I'agri culture francaise. Suivant le Rapport siir I' administraiion des fihances de M. de Chabrol, la consommation du sel en France, qui etait en 1817 de 6.05kilog. par individu, se serait elevee en 1828 a 7.04- kil. Ce calcul est inexact , et un semblalde resultat justifie les repro- ches qu'on peut adresser h ceux qui groupent des chiffres. Voici comment I'administration a etabli ses calculs : « La statistique , » de la France en 1819, dit le redactetir ofliciel (1) , portait la » population du royaunie a 29,054,000 ames ; en 1822, elle » etait de 50,465,291 ames, et en 1828, de 51,857,961 ames. » Le. tenne moyen de la population est par consequent de )) 50,450^578 ames pour la pe'riode de 15 anne'es (1817 a « 1828 ). » On a done pris ce nombre ^om diviseur cominun de I'ensemble de la consommation de chaque annee, et Ton est ar- rive aux resullats que nous avons signales. Or il est evident qu'une semblable moyenne devait considera- blement s'eloigner de la realite'j elle avait pour unique effet di\i\^m&vi\.ev Jictwemeiit la population des premieres annees et de diminuer celle des dernieres de la periode. C'est ce qui ex- piique la difference de la consommation apparente; car la con- sommation de 1817, se trouvant repartie sur une population plus forte qu'elle n'etait reellenient, devait donnerpar tete une consommation moyenne nioius elevee, et le contraire devait constater exactement les quantit^s introduites j il n'y a dans ce cas qu'un interet de statistique qui puisse engager a le faire. (1) Rapport de V administration des finances , ^tat n" 2( , folio 44. C'cst du reste un travail fort remarquable. TOME LIV. AVRIL 1852. 3 34 ECONOMIE POLITIQUE. •inivcr pour rannce 1828. Nous allons etablir ce calcul comine il (levrail Tavoii' cte, atiii de mieux faire saisir notre raisonnement ; nous niellrons en regard le rcsultatdu rapport : Consommation Popiilalioii. Consommation Consommation annuellc. n'elle par tele. Jiciit'efHT tele selon le rapport. 1819. — 190,694,000 kil. 29,054,000 6. 57 kil. 6. 26 kil. 1 822. — 207,252,600 50,465,291 6. 80 6. 80 1827. — 214,421,000 51,857,961 6. 75 7. 04 11 n'y a d'exact dans le tableau de I'adiniuistration que le chif- fre de 1 822 , parce que cette annee etait le terme nioyen de la periode. C'est cependant cette erreur, qui parait insignifiante de prime abord, raais qui cependant etablissait dans I'espace de treize annees un accroissement de seize et deini pour cent dans la consommation , qui falsait dire a Charles X, par son mi- nisfre : « Jamais I'aisance generale ne s'est mieux manifestee » que par cet indice particulier de la consommation habituelle « du peuple (1 ) ! » En somme, la consommation moyenne est, en France, pour les treize annees de 1817 k 1828 , de 6. 70 kil. par tete ; ce chiffre varie tres-peu. Ce resultat prouve que le sel est d'une ])lus grande importance en France qu'en Angleterre. Nous croyous inutile de reproduire ici tons les argumens qui ont servi a. prouver les vices de cet impot. Nous pourrions en trouver de tres-concluans dans les discours prononces a une au- tre epoque par la plupart des membres de la raajorile ministe- rielledei852. Nous nous bornerons a citer un passage du rapport de M. Hu- mann, dans lequel se trouve resumee I'opinion des membres qui , dans la commission , ont vote le inaintien de I'impot. « La justice, telle que vous I'invoquez, n'est (\u nne the'orie » inapplicable en matiere d' impot j pour la piatiquer logique- ( 1 ) Itapport de l'inh}nnistialii>ii iles finanrcs, folio 86. DE l'assiette de l'impot. 35 » ment, il fandrait exerapter de toute contribution, non-seule- » ment les indwidiis en e'tat hahituel d' indigence , mais quiconque » se trouverait mal a I'aise ; ainsi I' artisan prife' momentane- :>) ment de trauail , le cultiuateur perdant ses re'coltes par I'in- » tempe'rie des saisons, I'industi'iel ajant e'prouwe' des ret^e?'S , » et jusqu'au prodigue qui aurait dissipe sa fortune. Mais k ces » conditions, il ny a pas d'impot possible (1). Et quand vous » aurez reduit ou meme supprime les taxes , vous n'aurez point « satisfait a la rigueur de vos principes; elle vous impose le » partage e'gal du bien-ette et des miseres de la vie; c'est-a-dire y la tentative de reformer les lois de la Providence. On n'a pas )) le droit, dites-vous, d'iraposer les choses necessaires a la vie? » Pourquoi done demande-t-on a la terre qui nous nourrit tous , )) pauvres et riches, la plus forte part des charges de I'Etat? « Pourquoi le logement, les vetemens, non moins necessaires a n rhomme que I'usage du sel, sont-ils soumis a des contribu- )) tions diverses? Si ces impots sont legitimes, vous etes mal » fondes "a soutenir que la taxe du sel blesse la justice. » Nos observations sur un semlilable raisonnement seront courtes. Sans nous arreter a signaler la secheresse d'une pareille logique, nons dirons: Oui, pour que les conditions de Timpotsoient rem- plies, celui-l'a c^m est prit'c tyiomentane'meiit de trauail^ quia perdu ses re'coltes par I'intempe'rie des saisons , qui a e'proui^e des rei>ers commerciaux , en un mot, quiconque est mal a I'aise doit etre degreve; carl'impot, pour etre bien assis, ne doit porter que surceux qui peuvent I'acquitter, sans reduire leur necessaire; I'etat devant viser non point a eg^rt/werbrutalement /e bien-etre, mais a soulager les miseres de la vie ; le contraire ne saiirait etre dans les lois de la Proi^idence. Du reste comparer Timpotdu sei a celui des terres, c'est cora- mettre une grave erreur. L'impot des lerres est proportionnel au reuenu, qui n'cst point le fruit dun travail personnel ; il frappe (■1) Si une semblable conclusion etaitexacle, la France serai I bicn a plaindrc 7). 3G ECONOMIE POLITIQUE. done le contrihiiable eii raiso/i directe des proiUuts obteniis ^ tandis que Tiiiipot du sel, grevaiit plus particuliereraent le pauvre, pst di'S lors cu }-aisoii inverse des facultes contributives. M. Iliiinann dit plus loin : « Les iiulicidus iiotoireinent iiuli- y> sens sont exempte's, il estvrai, de la contribution person- » nelle; pourquoi? parce que cela est praticable pour un irapot )) dirt'ct; // en est tout autrement pour les taxes de consom- » mation « Si nousavions ete charge de donner une bonne raison "a I'appui de la suppression de ces taxes , nous n'en aurions pu trouver nne meilleure que celle-la. On sait cependant que M. Huinann a propose le niaintien de Fimpot du sel. On reconnait generalement que la liberie du commerce est eii the'orie une jjonne chose, mais cliacun recule epouvante devant Tapplicatlou de ce principe. On craiat les perturbations qu'une semblable mesure pourrait occasioncr dans I'etat actuel de I'in- dustrie. A certains egards cette craiute est fondee ; et, bien que nous pensions, aiusi que nous I'avons deja dit, que c'est vers la liberie ab- solueque coaverge le commerce de chaque peuple, nous reconnais- sons qu'uue seuiblable limite ne peut etre atteiule que successive- ment. Toutefois, nous avons reclame la suppression immediate des tarifs qui grevent les matieres premieres que notre sol ne peut pro- duire ct la reduction des droits qui frappenl celles qui sont pro- duites en France. Ces deux ameliorations sont tellemcnt essen- tielles pour le developpement du travail , elles sont tellement conformes aux plus simples notions du sens commun , qu'iln'est point permis de douter de leur prochaine realisation. Si 1 on vent se donner la peine d'envisager sons cet aspect I'impot des boissons , comment ponrra-t-on en proposer le main- lien? Tellcs sont cependant les conclusions de la commission. M. Huuiann va plus loin encore, il regrette le degrevement de 40 millions qui aele opere sur cet impot il ya 18 mois. M. Hu- mannestencela consequent avec sonsysteme; car si Fimpot est DE l'aSSIETTE DE l'iMPOT. 87 e'cjuitablementreparti, s il ne re'duit point la consommation , s'il ne nuit point au tmcail , en im mot s'il est destine a figurer a tout jamais dans les ressources dii lisc , ce degresement est un sacrifice benevole , qui a effectivoment pen profite aux contri- biiables, et qui a augraente les frais de perception de cette branche du revenu public dans une proportion ecrasante et rui- neuse (-1). Mais la question, reduite a ces termes, est d'uiie solu- tion facile; car nous pourrons en peu de mots prouver que Tim- pot des boissons ne remplit aucune de ces conditions : II nest point e'quitah lenient re'parti, puisqu'il n'a point egard aux qualites , et que le vin du pauvre est soumis aux mevies droits que celui du viche ; tandis que le contraire serait de la plus rigoureuse justice. // re'duit la consommation j car, dans les villes, il double le prix des vins qui , par leur faible valeur, sont a la portee des classes laborieuses, c'est-a-dire de 1- immense raajorite des con- sommateurs. II nuit au tramil ;cai; s'il leduit la consommation, ii diminue egalement la production, et par cela raerae il prive la nation de ricbesses qui auraient ete realisees si la consommation eut ete libre. L'impot des boissons ne peut done etre long-terns maintenu, lopar les causes fondamentales que nous venous de signaler; 2° parce quil est le plus impopulaire de tons les impels, et qu'un pouvoir quelconque ne peut, sans danger pour sa propre exis- tence et pour la paix interieure (paix qui n'est pas moins impor- tante que celle qui s'obtient on ne s'olitient pas avec des proto- coles), braver I'opinion publique , alors surtout que I'opinion publique a raison et que par consequent le pouvoir a tort. (1) On a vu plus haul que cet impot produisait brut. . . 69,800,000 fr. ct que les frais de perception s'elevaiciit a l7,oU0,000 Produitnel. . . 5i,000,OUO 17,800,000 de depcnse pour uu produit mt de 52 millions represenlent 34,23 pour 100. — Les frais de radminislration ccntrale ne sont point compris dans cettc evaluation. 38 KCONOMIE POLITIQUE. Si done les droits des boissons doivent finir par succoiuber, soit par les efforts des econoniistes et des philantropes , soit sous le poids de la reprobatioji populaire, pourquoi ne point se Hater de realiser ce bienfait ? Le systeme prohibitif, qui a ete fortilie par la legislation de 1822, a provoque contre nous des represailles dans tousles otats europeens, etnos vinsont ete repousses des marches qu'ils appro- visionnaientdepuis qiielqnes siecles (I ) . Les producteurs de vins, prives de debouches a I'exterieur, prives egalement de debouches suffisans a I'interieur, ont ete obliges de reduire I'extension de leurs exploitations (2). M. Ch. Dnpin, depnis qui s'est convertiau ministerialisme, et que par consequent il Vest fait I'avocat de I'impot des bois- sons qii'il attaquait jadissi vivement, parle souvent de renoriiie accroissement que la cultui'e de la vigne a eprouve depuis la re- volution francaise; nous voyons effectivement dans le Rapport sur les finances de M. de Chabrol (5), sur les I'esultats duquel il (1 ) Quclques siecles , le mot est ambitieux ; il est bon qu'on sache cependant que de 4686al6i)j I'importation des vins francais en Angleterre sVlevait a 18,000 lonneaux (162,000 hccto.) par annee moycnne , tandis que 150aprfes, pendant les neuf annces qui finissent en ISSS, Timportation du vin ne s'est dlev^e moyennement qu'a 1,364 tonneaux (12,276 hecto.). [Woir Discussion tie la chambre des coinniunes , 1 5 juiu 1 850. ) Enl 851 il a ei<5importii en Anolelerrc 278, 865 gallons impdriaux(12,66() hcolo.) de vins dc France , et 6,107,824 gallons impdriaux (277,295 hecto.) de vins dc Portugal , d'Espagne , du Cap , de Sicile , etc. La quantite de vin de France , importce en Angleterre , ne s'eleve done qu'a quatre pour cent , relativeraent a rensemble des vins clrangers que ce pays consomme. Lorsque les deux nations Jes plus civilisces du globe sont dans de tels rapports de bon voisinagc , cela ne fait point I'filoge de leurs gouvcrneniens respectifs. (2) De 1 827 a 1 829 on a arracbe 1 9,772 hectares de vignes, qui pouvaient pro- duirc 400,000 hectolitres de vin, soit a peu pres la moitie de la totality des ex- portations de la France • il est vrai de dire que dans la nicmc periode on en a plantd dans d'autrcs localit(5s 21,401 hectares; neanmolns , lorsqu'on considere le terns qui .s'ecoule jusqu'au moment oil une vigne plantce est en ctat de donner des fruits , ce resultat sera tres-allligcant ; il est memo honteux pour la civilisa- tion modernc. (5) Page 46. DE l'aSSIETTE DE l'iMPOT. ^CJ se fonde, que le iiombre d'hectares plantes en vignes s'elevait en France , En 1788, "a 1,555,475 hectares. En -1829, 'a 1,995,507 » Excedant pour quaiante-un ans 4-57,852 hectares. Mais il ne parle point de raccroissement a peu pres correspon- dant qui s'est opere sur le chiffre de la population. En 1782, Necker (1) portait la population de la France a 24,800,000 habitans ; Tassemblee constituante I'a evaluee a. 26,564,074. Elle devait consequemment s'elever en 1788 a 26,000,000. La population s'est accrue depiiis cette epoque de 6 millions d'individus , le nombre d'hectares devait done s'accroitre de 560,000. II y en a en realite 478,552. Le leger accroissement qui en resulte est loin d'etre en rapport avec les progres qui se sont operes depuis quarante ans dans I'aisance generale. On se preoccupe assez generalement du commerce exterieur, on soupire apres des traites comraerciaux, on s'indigne lorsque des souverains etrangers prohibent nos produits ; certes il serait preferable que nous pussions librement importer sur tons les points du globe nos vins, nos soies, nos etoffes peintes, notre ebenisterie, nos articles de gout, etc. , etc. Mais pourquoi fixer ainsi toujours les yeux sur les ligncs de doiianes denos voisins, et ne point considerer que nous etablissons volontairement, au cceur raeme de la France , de nombreuses lignes de douanes , au- tremeut funestes, autrement ruineuses pour les travailleurs et pour I'etat ? Nous rions des inquisiteurs et des petits fiefs fortifies dont au moyen age I'Europe etait couverte ; cette epoque est a nos yeux une epoque de barbaric ; mais que dire de la Finance in- dustrielle de 1852, subdivisee en qualre "a cinq mille princi- (1) AdimiUstralion iks /iiuincvs, t. l, cliap. 9. 4o ECONOMIE POLITIQUE. pautes graiules on petitos, toules enceintes de barrieies fiscalos, ayant chacuue ses surveilians inqiiiets, ses conlroleurs incom- modes ? En honne conscience, les preposes des octrois des villes et les agens des droits reiniis ne sont-ils point une insultc a notre civi- lisation? On reclame la liberie du commerce exterieur, mais quoii coniuiencc k etablir cette liberie dans nos propres foyers, aux porles de nos villes. Les douanes de nos frontieres peuvent bien encore proteger certaines industries , certains iravanx ; mais les douanes interieures u'ont meaie point un semblable pretexte a alleguer , car elles ne semblent an contraire etre instiluees que pour entraver la production, que pour proteger et entretenir la misere des travailleurs. L'entiere suppression de I'impot des boissons , combince im- niediatcmeut avec la reduction de cinquante pour cent sur tons les droits d'octroi (1) , serait de nature h produire ( il nest point permis d"en doutcr) un grand accroissement dans la consomma- tion generale de vin. Vcul-on par liypotliese evaluer cet accrois- sement seulenient "a trols bouleilles de vin par juois et par tete , et supposer le prix moyen du vin h quatre sous la boulcille ? Celte (I) Get abaisscmcnt dans les droits d'octroi ne portcrait cvidemnient aucnne attcinlc dans les produits reels de I'impot ; car la consommation devrail s'ac- croiirc dans les villes dans une proportion beaucoiip plus forte que partout ail- len^s. ^'eannioins ce ne serait qirun achcminement vers Tabolilion des octrois , qui doivcnt ctre ddfinitivemenl rcmplacds par la contribution inobiliere; le con- traire se fait actnllcrnent dans Paris, Lyon, Roncn, Bordeaux, Marseille, Nantes, Strasbourc; ct di\-lmit auircs villes d'un ordrc inferieur; e'est cependant un abus intolerable, en cc qu'il fournit le moyen dc rejcler sur rcnsemblc de la population , nolanimcMt sur les classes ouvrifcrcs, les conlribulions que les classes aisces de- \raienl sculcs acquittcr. Le produit (;ciRTal dc tons les octrois dc France sV-lfeve net "lenviroii 40,000,000 Les boissoiis ne soni comprises dans cet'.e somine que pour. . 25,000,000 L'octroi de Paris est compris dans cc produit general de 40.000,000, pour 25,000,000 DE l'ASSIETTE DE l'iMPOT. 4^ double supposition est loin d'etre exageree (1). Une telle aug- mentation dans la consommation produirait cependant un ac- croisseinent de lichesses pour la nation de deux cent trente mil- lions par an ! c'est-h-dire an dela de ce que coiite chaque annee a la France , I'interet de toutes ses rentes perpetuelles et viageres, de ses cautionneniens et de sa delte flottaute , la liste civile , les dotations de la chambre des pairs, de la Legion-d'Honneur etc. , etc. Si a cote de ces resultgts on vent parler des exportations "a I'e- tranger, qu'on reflechisse a ce simple rapprochement : Les trois bouteilles de vin par mois et par tete equivalent a une production de 8,750,000 hectolitres. Tandis que I'exportation des vins, en ■\ 850 , ne s'est elevee exactement qu'a la dixieme parlie de cette quantite, soit chiffre positif (2) B74-,6S0 hectolitres. (1) II y a tout lieu de croire qu<; cctle evaluation est au contraire au-dessoiis de la rcalile ; car si sur les lieux de production ii est des qualites inferieurrs qui ne coiitent que 2 a 5 sous la bouteille (les meincs qualites valent aujourd'liii a Paris 10 et 12 sous), il faut considerer que ce prix de 4 sous que nous por- tons est un prix nioyen pour toutes les qualites, et qu'il s'auginenic de tons les frais de tonnelleriCj de transport, commission , etc. ( Le prix moyen de tous les vins, en cerclc ou en bouteille, exportes en 1850, suivant les declarations offi- cielles , est de 40 centimes par bouteille , et Ton sait que les declarations de va- leur sont plutdt reduites que forcees.) (2) L'exportalion nioyenne des annces 1787, 1788 et 1789, a ete par ann(5e de 975,889 bed. Celle. des trcizc annees comprises entre 1 81 5 et 1 829 inclusi- vement a die par annee de 1,089,162 II y a pour la deuxicme periode un chetif accroissement de i 13,273 heel. Si Ton vent considerer, d'un cote, que 1788 et 1789 dtaient pour la France des anndes de grande agitation politique, et, d'un autre cote, qu'cn 1815 la na- vigation vcnait d'etre renduc libre (Fexporlation de cette annde s'est elevee a 1,545,243 hectolitres, tandis qu'en 1827 elle n'a ete que de 617,874 hectolitres), .on sera force de rnconnaitrc , malgrd le prestige a])parcnt des moyennes offi- 42 ECONOMIE POLITIQUE. D'apres les declaialioiis de valeur, ces 874- mille hectolitres exporles repiesentent une somme de A6,7i 5, i 99 fr. (1 ). Si, malgre toiites les reclamations, on vent absohiment grever les boissons d'lin impot; au lieu de maintenir les formes inqui- sitoriales et vexatoires des taxes actiielles , on pourrait leur sub- sUluer un impot direct sitpplementaire qui frapperait les debitans, marcbands en gros, biasseurs et distillateurs ; leur nombre s'e- leve, selon M. Huraann, a deux cent soixante-quinze mille ; la taxe fixe qui pourrait leur etre reclaraee varierait entre 50 el 150 fr. par an, soit 100 fr. en moyenne (2). Get impot produi- rait done 27,500,000 fr. , cette somme represente pour I'l^tat iin peu plus de la moitie du produit net de I'impot , tel qu'il est aujourd'hui , et le degrevement pour les contribuables serait de plus des trois cinquiemes de Fimpot , soit 42,300,000 fr. ; I'eco- ciellcs, que, tandis que, la pupulation et Taisance de TEiirope sc sont accrues dans unc tinormc proportion , tandis que Ic (-oininprce de tons les peuples s'est extraordinairement developpd, notre commerce de vin , Tun des phis importans de la France, a fortement decru. (1) Si les 8,750,000 hectolitres que nous avons suppose devoir ctre le produit dc Taccroissement de la consommation interieurc dtaient evaluds au prix des cxportations do 1830; raugmentation de ricbesse representative qni en serait In ri'sultat s'dleverait a 467 millions de francs par an. Cette supposition n'est pas absohiment impossible; car, par suite de la suppression des droits, la classc moyenne et la classc aisce arrivcraient a consommer des qualit^s de vin supd- rieurcs a cellos qu'clles consoinment aujourd'hui. (2) Le droit de detail actiicllemcnt porfu pourrait servir de base a la "radu.n- lion do la taxe; ce travail dc rdparlitioii a, du restc, ete fait en 1830 dans les villcs du Midi, ou la perceptions cl(5 forcemenl interrompue; c'est i)ar des moyennes basdes siir les recettes des annces antdrieurcs que la rdgie a pu recou- vrcr les sommes dont la rdvolte avail suspcndu le paiement. Cette nouvellc taxe directe pourrait ctre pendant trois anndes portde a 200 francs pour les dcbilans ct a 500 francs pour les marchands en gros qui s'etabliraient en suite dc cctle mcsurc; les employes salaries de la rd;;ie des contributions indircctcs qui vou- draicnt cxcrcer Tunc ou Taulie de ces professions seraient cxccptioniiellemcnl oxcmptes pendant ces trois annecs do la taxe snpplcmentsire ; ccltc favcur scr- virait dc rotraite a ccux qui rn voudraienl prnfitor. (Voir la nn(c p. 1!! ) DE l'assiette de l'impot. /{3 uomie dans les frais de perception explique cette difference. Le droit fixe auiait cet avantage qu'il ne restreindrait point la con- sommation , et qu'il serait relativeraent plus faible an fur et a inesure que le debit augmenterait, et qu'il se reparlirait, par con- sequent , sur une masse plus considerable de prodints vendus. On pourrait en outre augmenter de quelques centimes addi- tionnels speciaux les cotes des 2/18-4,000 proprietaires de vi- gnes , afin d'accroitre le revenu public sans blesser I'equite. Le midi serait ainsi rendu k sa culture naturelle, et ne viendrait point reclamer "a la legislation une protection draconienne en faveur de sa ?;ulture improdlictive des cereales (1 ) ; nous avons deja signale le fait deplorable de 19,672 hectares devignesqui avaient ete arraches en 1828 et 1829; lorsqu'on saura que surce nombre 12,000 hectares appartiennent a treize departemens du midi, on s'expliquera comment la legislation des cereales doit elre le corollaire indispensable du mainlien de l'impot des boissons. M. Humann , dans sa tendre sollicitude pour cet irapot, s'est eerie dans sou rapport, fo 50 : « L'asserablee constituante, an lieu » de reformer le systeme , de moderer les tarifs et d'adoucir les )) formes, ceda k I'effervescence de I'epoque et abolit en masse « les droits de consoramatiou ; on sait par quels moyens fut com- >) ble le deficit ; la constituante fit ressource des biens du clerge ; la )) convention battit monnaie sur les echiiiuds ; le directoire ve- » cut de banqueroutes ! — Que cette fatale experience ne soit » point perdue pour la generation actuelle ! » {i) Les droits qui frappent rimporlation des Lies Strangers sont , conime on sait, plus specialenient prohibitifs dans les regions nieridionalcs de la France- tes droits sont proportionnels au prix du ble; il en resuUe qu'en prenant pour base un prix. moyen egal de ^ 7 fr. 99 c. par hectolitre de hie , pour toutes les re- gions, les droits d'entree par navires etrangers sont ainsi etablis : A jMarseille, Toulon, Agde, etc., 1 5 fr. par hectolitre; a Bordeaux , Bayonne , etc. , I2fr. par hectol. ; a la Rotheile , TSantes , le Havre , Calais , Dunkerquc , etc. , 9 fr. par hectol.; par les frontieres dc I'Est (par terre) , 4 I'r. 75 c. par hcctoj. Un seniblable tarifa etc vote le 31 mars 18521 44 ECONOMIE POLITIQUE Voici bien des iiwiux! ils auraient ete eviles sans doute si Ton n'avait point aboli en masse les imputs de consommation? S'il existait encore dans quarante ans one chambre des deputes, et qu'un linancier charge de faire un rapport sur le commerce des bles vint dire \\ ses coUegues : « En mars 1852, M. d'Ar- » gout , cedant h Teffervescence produite par la clierte demesu- » ree dn pain, abolit enlierement la prohibition absolue des bles )) etrangers, et malgre les tarifs eleves que la chambre y substitua, )) on sait quels en furent les resultats; des les premiers jours » d'avril tons les h6[)itaux fui'ent encombres de malades ; une » raortalite effrayante se manifesta dans les classes taborieuses » Qne cette fatale experience ne soit point perdne pour la gene- » ration actuelle ! » N'y aurait-il point, entre le raisonnement de cet honorable fntur depute de 187:2 et celui de M. Humann en A 852, une grande similitude ? Cet irapot rentre dans la categoric de celui des boissons ; il presente cependant de moins graves inconveniens. Le privilege expire en 185-4; il fant espei'er que s'il est renouvele, il subira d' utiles modifications ; on nepourrait guere le supprimer aupa- ravant en raison des m^hes de fournitures qui out pu etre con- tractes; il faudra neanmoins que cette question soit resolue dans le cours de la session prochaine, par la raison que , dans I'hypo- ihese de sa suppression , il fiuit que les contribuables puissent profiter de I'abolition du monopole , et aient pu se mettre en mesure de suppleer "a la fabrication de ce produit , laquelle est actuellement effectuee par I'administration. Si Ton pouvait con- cilier la culture libre avec la fabrication administrative du tabac, nous n aurions point de repugnance a voir maintenir cet impot, qui produit -42 millions de revenu , et qui ne greve point une substance alimentaire, ni une denree de premiere necessite. II faut meme reconn'aitre que la fabrication unitaire du tabac offre de DE l'ASSIETTE DE l'iMPOT, 4^ grandes economies , que ne produiraient point des fabrications isolees et rivales ; la qnalite des produits est raeme plus exacte- ment constatee , etle consommateur raoins expose a des erreurs. Du reste, si le tarif des produits etait abaisse , ou ferait laire bien des reclamations , et on satisferait a lout ce qu il est possible au- jourd'hui d'accorder. Lorsque dans notre precedent travail (1 ) nous avons propose Tentiere suppression de cet impot , nous n'avons eu en vue que de rendre saillant le parti qu'on pourrait tirer de I'annulation du fonds d'amortissement ; aujourd'hui qu'il s'agit de nous pronon- cer sur la question speciale du monopole du tabac , nous devons declarer que nous sommes convaincus qu'il y a des services plus importans a soulager ou a pourvoir ; et c'est avec franchise que nous remplissons ce devoir. Nous ne disons point : « Perissent les colonies plutot qu'un principe ; » nous pensons qu'on doit toujours marcher avec le tems , et qu'entre deux maux on doit toujonrs choisir le moiudre. Apres avoir reconnu I'immoralite de cet impot , ses funestes consequences et I'insignifiance de ses resultats, la conunission du budget a propose de le maintenir jusqu'en i 856 ; nous n'hesitons point a trouverce delai tropeloigne, et nous croyons an contraire qu'il devient chaque jour plus urgent de niettre lin a cette odieuse exploitation de la credulite et de la misere du peuple. Pour mettre en saillie les tristes effets de cette deplorable com- binaison fiscale, nous allons resumer ses resultats depuis 1797 (an vi) , jusqu'en 1828 inclusivement ({) Examen du budget dc 1832 /|G ECONOMlli POLITIQUE. Dans cclto periode de trente-deux annees rensemble des mises sest eleven 1,771,896,217 f. 75 c. Les rembourseniens de lots ga- gnans (d-^iis la propoilion moyenne de 72.27 p. "/oO a 1,280,267,415 f. 57 c. ■ Benefice fait par I'etat. . . 491,628,802 f. 18 c. Les frais de perception , a raison de 51 .27 p. o/o en moyenne, se sontelevesa -156,592,686 f. 85 c. Produit net pour tiente-deux ans. . 555,256,1 1 5 f. 55 c. Si Ton veut bien considerer en outre que I'Etat a perdu le travail des individus qu'il a occupes "a la perception de ces 555 millions, travail qui pent etre evalue a 156 millions, puisque c'est ainsi qu'il a ete improductivenient renumere, on verra que le produit net n'a ete en definitive quede 169 millions. On a vu que la somme qui avait ete pevcue par la loterie eu trente-deux annees s'elevait a uw milliard sept cent soixante- onze millions, soit moyeunement ciiKpiante-cinq millions et demi par an (1). Si une somme egale avait ete employee en achat de rentes cinq pour cent au pair, il n'y aiirait pas \\\\ centime de dette publiqiie en France. Si la meiiie somme de cinquante- cinq millions avait ete, depuis 1797, versee chaque annee a la caisse d'epargnes , elle aurait produit en 1 828 trois milliards neuf cent millions. Pour percevoir I'impot de la loterie , TEtat a sacrifie environ cinq millions par an en traitemens ; il a perdu en outre pareille somme dans le travail improductif de ses fonctionnaires. Si ces 5 millions de francs et le travail de ces memes fonctiounaires (1) On pourraiiretpndre que TEtat a rcmboursc! 40,000,000 par an en lots ^af;nans ; niais cetlc restitution a eld faite a quelques-uns, landis que rensemble des contribuables a toujours r(?f>ulierement paye I'impot. On sait du reste que le produit des miscs se prdleve sur le necessaire de lous les joueurs , tandis quele produit des lols sc yaspillc d'ordinairo en dcpenses exlravaj'.antes. DE l'aSSIETTE DE l'iMPOT. 4? avaient ete consacres a I'educatioii du peuple , de ces classes la- borieiises qui il y a peu de jours se livraieiit "a d'cpouvantables exces, ne seraient-elles point aujouid'hui plus morales et plus prosperes ? Ell presence de pareils fails, comment est-il possible qu'on ne se bate point de repudier une semblable ressource? Get inipot est le produit d'un service public de la plus grande utilite ; service que les gouvernemens seuls peuvent bieu rem- plir et dont I'adminislration en France s'acquitte avec zele et intelligence. II resterait h examiner si, en abaissant le prix de la taxe des lettres , on ne donnerait point a Tindustrie, au com- merce, a la civilisation, un plus grand developpement, sans pour cela nuire au revenu de I'Etat. Nul ne pent apprecier a priori le resultat d'une telle amelioralion ; nous n'essayerons done point de le faire. Nous pensons toutefois que cette experience est dune assez baule importance pour la prosperite publique, pour qu'on puisse en faire la tentative. II ne faut pas perdre de vue que les frais de cette administration s'elevent en France a 52.80 pour iOO; tandis qu'en Angleterre le merae service ne coiite que 50.50. Une diiference aussi sensible s'altenuerait in- failliblement, soit qu'on maintint, soit qu'on abaissat les tarifs, si une meilleure direction etait donnee au commei'ce et a I'in- dustrie. R£SUM]C. Apres avoir passe en revue toutes les branches du revenu de I'Etat, apres avoir discute leur merite respectif, signa'e leurs vices et indique des modifications dans 1' ensemble du systeme qui regit actuellement nos finances, pense-t-on que nous nous fassions illusion sur les resultats de la discussion qui va s'ouvrir sur le budget des recettes? Nous I'avons dit en commencant : la 48 ECONOMIE POLITIQUE; Chambre des deputes a inontre jusqii'a ce join- peu de synipathie pom- les innovntions, et die sera obligee de rester consequente avec ses principes. Qiioi qu'il en soit, si notre travail est utile , nous nous feliciterons de Tavoir public, car il en pourra resulter des germcs qui fructilieront dans le cours des prochaines legisla- tures. Lapeasce qui a preside ace travail est celle-ci : Pourvoir les services publics de mauiere "a ce que l'impot ne trouble point la production j, a ce qu'il atteigne principalement les refemis independaus de loui trafciil j el enfin a ce que son re- couvrement s'eflectue avec la plus grande econoinie possible de capitaux et de forces. Telle a ete notre pensee ; voici en resume I'enseinble des me- sures "a I'aide desquelles nous voudrions la voir niettre en prati- que dans la loi de finances : II faudrait ajouler K la contribution fonciere les trente centimes additiounels percus en 1 851 ; Reuuir "a I'impot foncier I'impot des portes et fenetres, au raoyen d'un supplement de centimes additionnels sur les pro- prictes baties ; Reunir en un seul impot de quotitj^ les contributions per- sonnelle , mobiliere et des patentes ; cet impot, ayant pour base le prix des loyers , devrait etre progressif, et atteindre , sans au- cune distinction , les commercans etles non-commercans ; Augmenter les droits d'enregistrement sur les mutations par deces et les donations entre-vifs ^ en ayant egard aux differens degres de parente, c'est-a-dire en augraentant les droits au fur et "a mesure que les degres sont plus recules •, Abaisser le droit du timbre et les tarifs de la poste aux lettres. Gette double modification aurait pour effetde repartirplus equi- tablement ces deux impots et en meme tems de les rendre plus productifs ; Proceder successivement a la vente des forets de I'etat et con- DE L ASSIETTE DE L IMPOT. ^f) vertiren rentes le produit del'alienation des biens des communes ; Dans la legislation des douanes : abaisser successiveinent les tarifs appelcsprotecteurs; supprimer on reduire imniediatement les tarifs qui grevent les matieres premieres , afin de donner an travail un nouvel aliment ; appliquer imniediatement ces prin- cipes a une reduction du droit sur les sucres bruts et a I'annula- tion du droit sur les colons en laines ; Avoir en vue la suppression complete de rimp6t*sur le sel cette question devant selier a celle de I'amortissemenl; . Supprimer immediatement I'impot des boissons et le rempla- cer en partie : l" par un droit fixe sur les debitans , marchands en gros, brasseurs et distillateurs ; 2° par quelqiies centimes ad- ditionnels speciaux sur la contribution fonciere des vignobles ; Introduire des ameliorations dans le nionopole du tabac , mais lie songer h le supprimer entierement que lorsqu'on aura pu pourvoir a des services plus urgens. Enfin supprimer entierement I'impot de la loterie. Aumoyen de ce systeraeplus iinitaire.^, on arriverait a reduire considerablement les frais de perception. Maintenant, et sans parler des reductions d'impot qui seraient la consequence d'une reduction de Tamortissement ou de quel- qu'autre chapitre des depenses, voici quels seraient les resultats des modifications que nous proposons d'introduire dans le budget des recettes : ^ D'une part I'accroissement du revenu porterait : 1° Sur les 30 cent, additionncls de la contribution fonciere 46 458 808 fr. 2° Sur reconoinie des frais de perception de Tiinpot des bo'ssons I 7,800,000 5° Sur Feconomie des frais do perception dc la lolerie \ S7A 700 4" Sur Teconoinie dans les frais dc I'administralion centrale des finances, pour ce qui se rapporle a la suppression des deux impots ci-dessHs (I j <,000,000 Accroissement total fi7,l 15,508 fr. (I) Pour dcdommagor les fonctionnaircs .'ian* oniploi , on pourrait accorilci TOME LIV. AVRU. 1852. 4 5o ECONOMIE POLITIQUE. D'autre part il y aurait reduction : i° Sur Tiinpol forme ? Telle csl la question (jn'on se propose d'apj)rofondir dans cet oii- )' vragf. Yoycz Ic Disconrs pri'liminairc du premier volume :; 1818. \ ^Notedti trMlncttur). I DERNIERES PAGES DE GOETHE. 65 phrase plus haut citee , dans laquelle , h la date de ^ 755 , le conite de Buffon reconnaissait qu'zY existe un type primitif, un dessiii general,, quon pent suivre tres-loin, sur lequel tout semhle avoir ete construit. Qu'aurait-oii besoin actuellement d'un autre temoignage? Je vais toutef'ois y ajouter, parce que je ci'ois un nouveau develop- pement possible at sous quelques rapports necessalre. Je vais le faire sortir des suites des debats survenus dans I'Academie de Paris ; j'en reprends Thistorique au point oii je I'avais laisse dans mon pi'emier article. II faut rappeler que I'ouvrage francais ou j'avais puise mes premiers raateriaux avait pour date le 1 5 ami \ 850 ; tons les journaux du tems s'interesserent a son contenu, prenant parti pour ou centre. Les editeurs de la Revue Encyclope'dique publierent de leur cote une partie de cette curieuse polemique, inclinant a la pre- senter'sous un jour favorable h Geoffrey. Cependant ils irapri- merent dans toute son etendue le principal ecrit sur la matiere (i ). Ce Memoire, d'un talent si reraarquable , merite d'etre recher- che : car il y est expose d'une nianiere lucide, en meme tems qu'habile et concise, comment les attaques ont commence et se sont poursuivies. Pour comprendre combien cette lutte fut passionneey il faut savoir quelle agitait d'aussi grands esprits^ encore en juillet, alors que la fermentation politique avait atteint le plus haut degre dexaltation. Cela est d'un tel interet,que je me laisse aller, voulant en suivre le fd, a raconter en quoi consistent les rap- ports journaliers et intimesdes academiciens francais. Car, pour que cette mesintelligence n'cclatat pas plus tot , il a fallu le con- cours des circonstances suivantes. (1) ConsiJdratlon-i iurlci inollusques, et en piii ticiilier xw Irs cdplialopoile^s, par 1\I. le baron Cuvier. ( Revue Encjdopedique , t. XLV , p . I . J TOME LIV. AVRILi852. A 06 lilSTOlRE N\TURELLE. Fort anciennement , les seances de VAcadeniie so tenaient a huis-clos : les inembres reunis seuls y jouissaient de la plus grande liberie pour y rapporter leui-s experiences et pour en sui- vre la discussion. Mais peu a pen on se relacha : on comnienca d'abord par tolerer I'entree a I'Acadeiaie de quelques amis ; bientot a[M-es on ne put la refuser a I'exigence de quelques amateurs distingues des sciences; si bien, sans d'ailleurs qu'il eu ITit pris une decision i'ormelle , que Ton finit par se trouver en face d'uii public nombreux. Or, en observant la marche des choses , Ion ne pent sN^nipecher de reconnaitre que toute discus- sion publique, quelle soit religieuse , politique on scientitique, prend tot ou tard un caractere grave et d'une solennite impo- saute. Ilenfallut prendre son parii : niais comme d'ailleurs personne ne vonlait s'ecarter des usages de la bonne compagnie, on s'ab- stint de toute discussion dont les debats auraient pu devenir ar- dens et hostiles. Les Memoiies presentes etant renvoyes "a I'exa- men de commissions competentes , celies-ci les traitaient a leur gre ; et puis, la recompense des Memoires digues d'encourage- ment etait une mention honorable et le droit acquis d'etre in- sere dans un recueil de 1' Academic, dit des Sai>ans e'trangers. Voilh du moins ce que j'ai pu apprendre touchant ces usages. Mais on m'a depuis mande que les debats de \ 850 les avaient modifies : et cela se manifesta surtout a la seance du 19 juil- let suivant. Les deux secretaires perpetuels , Cuvier et Arago, eurent ensemble a cette seance mie assez vive altercation. Jus- que-l'a on s'etait borne, dans la redaction des proces-verbaux destines "a donner le somraaire des lectures de la seance prece- dente, "a transcrire le litre des Memoires lus: par cette reserve, on evitait toules blessures aux amours-propres des auteurs, toute re- clamation de leur pai't. Mais Arago, nouveau secretaire^ voulut elendre son premier proces-verbal h un exlrail detaille des lec- tures faites. Cuvier reclama contre cette innovation, dont il ex- liquales inconveniens. Arago ne se rendit pas a cette observa- DERNIERES PAGES DE GOETHE. C7 tion, et Geoffroy-Saint-Hilaire , de son cote, protesta que la forme nouvelle etait preferable, citant 'a I'appui de son opinion I'exemple de plusieurs autres societes savantes ou les clioses se pratiquaient ainsi. Apres de nouvelies repliques, la decision resta indefiuiment ajournee. Cependant "a la seance du i I octobre de la meme annee, Geof- frey vint lire un nouveau Memoire sur I'oreille osseuse des cro- codiles et des teieo-saurus . Une des parties de cette oreille avait, dit-il, ele omise dans un traite ex-professo deCuvier sur ce sujet. Cuvier prend aussitot la parole : il se croit et se dit attaque par cetle reraarque , et il defendra ses idees dans la seance suivante : nouvel exeniple de I'effet facheux d'une discussion publique sur des matieres si hors de la portee commune : le moindre inconve- nient qui en resulte estdedegenererenpersonnalites. On etait prevenu pour la seance suivante , qui devait avoir lieu le 25 octobre; mais je ne puis mieux faire, pour en rendre compte , que de citer les propres paroles de Geoffroy. ' « La Gazette me'dicale et les autres feuilles publiques ayant repandu la nouvelle de la reprise de I'ancienne controverse entre M. Cuvier et moi , on est accouru a la seance de I'Academie des sciences pour entendre M. Cuvier dans les developpemens qu'il avalt promis de donner sur le rocher des crocodiles. La salle etait pleine de curieux ; par consequent ce n'etait pas seulement de ces zeles disciples animes de I'esprit de ceux qui frequentaient les jardins d'Acaderaus : ony distinguait les manifestations d'un parterre athenien livre a bien d' autres sentimens. Cette reraarque communiquee h M. Cuvier le porta a remettre pour une autre seance la lecture de son Memoire. Muni de pieces, j'etais pret a repondre. Cependant je me suis rejoui de cette solution. Je pre- fere a im assaut a,cademique le depot que je fais ici du re'sume suivant ; resume que j'avais redige a I'avance et que j'eusse, apres Timprovisation devenue necessaire, remis sur le bureau a titre de ne varietur (\). » (1) Extrait de la Gazette medicate, t. I , p. 301 , 68 HISTOIRE NATURELLE. D'apres les details dans lesquels je vieus d'enlrer, Ton se con- vaincra de toate laltention que j'ai portee a line aussi grande explosion scientifique, meme apres celle qui a eu lieu dans I'or- dre politique. Mais aujourd'hui , tenant k en marquer le souvenir, je me plais a declarer que c'est cliez lesPVanoais seuleinent quede tout tems on a su trailer ces hautes questions des sciences , avec au- tant d'esprit et d'independance dans la pensee. C'est avec xine vive satisfaction que nous avons vu honora- blement mentionnees dans le cours de ces celebres del)ats les re- cherches de nos savans alleniands dont les nonis suivent : Bo- janus, Cams, Aiebneyer, Meckel , Oken., Spix et Tiedemann. A present que le nierite de ces homnies si recommandables est aussi bien apprecie, que leurs ouvrages sont recbercbes et em- ployes, nous perniettions-nous d'en conclure que la maniere al- lemande de pbilosopber se repand et doit de plus en plus ac- querir du credit? Alors nous pourroits de ce cote du Rbin nous rejouir de I'interet et de la cooperation qui lui sont maintenant accordes ; assentiment atteste par tous les temoignages dont nous vcnons de rendre compte. PHILOSOPHIE. DE L'INFLUENCE P H I LOSOP H I Q U E DES ETUDES ORIENTALES. Nous somraes aujourd'hui a une epoque analogue a celle de la Renaissance. G'est une verite que tout le inonde commence h sentir vaguement. La conquete de rinde par les Anglais et lesFrancais, cora- raencee depuis plus de deux siecles, est le pendant des croisades, Les travaux de William Jones et de I'Acaderaie de Calcutta, qui ne sont venus qu'a la fin du dernier siecle, c'est FHoraere ap- porte en Italia k la prise de Constantinople. Nos socletes orien- tales de Berlin , de Petersbourg , de Loudres , de Paris , res- semblent a ces academies qui , libres ou sous le patronage des grands, favoriserent la culture des lettres grecques et 1' im- pression des manuscrits. Au quinzieme siecle, aussi , quelques lettres commencereat la Renaissance, obscurs, delaisses, sans que le monde soupconnat Tetonnant resultat qu'auraient leurs travaux ; puis vinrent les princes , quand la vole fut bien ou- verte et ileurie, qui s'acqairent a bon marche une grande gloire, les Mediois et les Francois V^. Au lieu des princes , nous I'espe- rons , ce seront les nations elles-memes qui feront dans quelques annees une part dans leurs budgets pour cette conquete pacifique de rOrient. Croyez-vous, en effet, que I'etude de I'histoire, c'est-a-direla 70 PHILOSOPHIE. culture de tout I'heritage de Thunianite , lie soit pas aussi impor- tante queTetude dela nature, etcroyez-vous que I'etude de la na- ture n'ait pas a en profitor beaacoup ? SI vous pouviez avancer de dix ans I'epoque ou Thistoire de I'Orient sera connue, vous auriez prodigieusement servi I'liumanite; vousauriez fait, pour les besoins de notre epoque, ce que la Convention et Napoleon firent pour les besoins de leur terns, en encourageant la chimie et la physique. Sachez que les Monge, les Laplace, les Berlhol- let de notre teins seront ceux dont les regards percans liront et feront lire les traditions du genre huraain. D'ou est sorti tout notre inonde moderne, sinon de la Re- naissance, c'est-'a-dire de la greffe de I'Orient, ou plutot de la Grece , sur I'arbre sauvage du Nord ? Parce que plus tard , et par amour pour la Renaissance, on a oublie , meprise, in- sulte le Moyen Age , qui n'a plus paru qu'une suite de siecles barbares , il ne faut pas que notre reaction recente en faveur du Moyen Age nous rende injnstes pour la Renaissance. Tout le ressort de civilisation de notre Occident a ete trempe a cette source. Cette civilisation elle-meme n'est qu'une sorte de lu- miere composee, melange de Tinspiration spontanee de I'Oc- cident et du savoir transmis du quinzieme au dix-septieme siecle par I'etude des Grecs et des Remains. Tout nous est venu de Ik, tout, jusqu'aux sentimens republicains avec lesquels nous avons secoue la feodalite et mine le catholicisme. C'est un malheur de n'avoir qu'un mot; car o'est ime idee bien fausse, ou au moins une idee bien etroiteetbien mutilee, de n'appeler Renaissance que le commencement de cette grandepe- riode qui s'etend jusqu'a nous et qui enserre encore notre berceau. Le mouvement , il est vrai , commenca par I'erudition, et conti- nua par I'art , en attendant la philosophic. II fallait des savans , des peintres et des musiciens , qui commenceraient a amollir le Moyen Age, a faire renaitre unelumiere antique et un air nou- veau, oil la liberte de penser pourrait respirer ; les Manuce et les Etienne, Raphael et Michel-Ange, le Tasse cr Camoens, en atten-. DE l'iNFLUENCE «ES ETUDES ORIENT ALES- 7 I dant Descartes, qui dirait au monde : la Renaissance est arrivee a sa virilitc ; I'age de la reflexion est venu pour elle ; la pliilosophie commence. Erudition, art, philosopliie , politique, voila les terraes du developpement de celte grande periode, consideree dans son unite; et ces termes correspondent aux terraes de tout developpement huraain : s'instruire, sentir, concevoir, realiser. La Renaissance a eu son bouton, encore cnveloppe et ferme,aux quinziemeetseizieme siecles, safleur aux seizieme etdix-septieme, son fruit mur au dix-huitieme et au commencement du notre. D'abord, au quinzieme siecle, des savans plains d'esperance et ne sachant pas le but de leur esperance , cultivant I'erudition pourl'erudition meme, tout entiersau plaisir de dei^layer, amas- sant des materiaux comme des macons pour batir une maison qu'ils ne doivent pas habiter et qui s'elevera d'apres un plan qu ils ne connaissent pas. A ceux-la des successeurs qui, sans se donner taut de peine, veulent s'approprier et transformer h leur usage ces precieuses de- pouilles que leurs devanciers ontdecouvertes. Alors le genie mo- derne vient donner la main au genie antique. Le gothique se melant aux formes architectoniques de la Grece, nous eumes la belle, riante et coquette architecture de la Renaissance. L'etude d'Homere et d'Anacreon se greffant sur I'inspiration des trouba- dours , nous eiimes I'ecole de Ronsard ; et , a partir de la, toute notre litterature ne fut plus qu'uue perpetuelle oscillation entre le moderne et I'antique, une combinajson en proportions diverses de ces deux elemens , tantot plus rapprochee du sens moderne , comrae al'epoque de Richelieu a laquelle appartieuuent et Cor- neille et Moliere et Lafontaine , tantot plus classique, plus my- thologique, sous le grand roi , a I'ecole de Boileau et de Racine, qui ne sont nullement les contemporains des genies vigoureux que nous venous de citer, genies bien plus trempes de moderne , hom- mes d'une autre generation , et qui appartiennent par leurs pro- ductions comme par leur age "a la premiere partie du dix-sep- lierae siecle, on plutot a ce premier dix-septieme siecle qu'on ^j1 PHILOSOPHIE. confond, bien a tort, avcc le second. Et ce qui est vrai de la France est vrai de toiite I'Europe. Ce fiit I'occupatioii de toute TEurope pendant deux cents ans de moderniser ainsi et de frap- per a un nouveau coin tout ce que Ton avait mis deux cents ans a deblayer. Tout, depuis la jurisprudence jusqu'a la poesie, de- puis les idees astronoiuiques de Ptolemee reprises par Ticho- Brahe , jusqu'aux plus fugitiis caprices de la fantaisie, jus- qu'aux traits de la satire la plus individuelle, tout entra dans ce creuset , pour en sortir rajeuni par ce travail d'imitation , qui, a vrai dire , fut k bien des egards une creation aussi originale qu'aucune autre : car I'esprit humain ne cree qu'avec des ele- mens qui lui sont donnes , et qu'importe qui nous les fournisse , ces elemens , de la nature ou de Ihistoire , du present qui nous entoure ou du passe, pourvu que nous sachions les animer de la vie que nous sentons en nous? Enfin au dix-huitierae siecle paraissent des hommes tout nou- veaux , une race qui n'est plus la race du moyen age , et qui ne connait guere plus ses ancetres que le fruit d'une saison ne connait le fruit muri par un autre ete ; une race qui n'est plus chretienne, et qui n'aplus rien des Gaulois ni des Francs ; ignorant le moyen age et le meprisant , connaissant bien *iieux la religion de Jupiter que la religion de Jesus , Thistoire des republiques grecques que I'histoire de France ; ayant pour saints non plus les saints du pa- radis, mais les heros de I'antiquite ; faconnee enfin par les let- tres et les artistes de la Renaissance , et apprise des I'enfance, dans les colleges des jesuites , a ne connaitre , a n'aimer , a ne venerer du passe que les Grecs et les Romains ; poursui- vie, depuis le berceau jusqu'a la tombe, par cette venerable antiquite , ou plutot par son cmbre ; la retrouvant parlout, dans les vers de ses poetes et a I'opera , dans ses tableaux, dans ses monumens publics , dans ses maisons ; et tombant, sous le rap- port de I'art comme sous celui de la religion, dans ime sorte d'hebetement bien nature!, pnisqu'en fait d'art elle n'avait qu'un art postiche, et qu'cn fait de religion elle en avait deux , et no DE l'iNFLUENCE Ul^S ETUDES ORIENT\LES. 78 croyait ni a I'une ni a I'autre. Est-il etonnant qu'apres avoir tra- vesti tout a Fantique , elle se soit depouillee de tout, et que, quand la crise est venue, elle u'ait pourtant reve autre chose que des plans de reconstruction a. I'antique ? Cela devait etre ; car , nialgre la longueur du chemin, les travaux des Saumaise condui- saient tout droit aux apostrophes repuLlicaines de Jean- Jacques , aux theories de Mably , et finalementde Robespierre et de Saint- Just. Ces terribles revolutionnaires , s'affublant de nonis de ci- toyens grecs et romains , ferment la marclie solennelle qui a commence au quinzieme siecle par des savans affubles aussi de noms grecs et latins. Le champ tout entier avait ete parcouru. Ainsi le monde a change en quatre siecles,depuis que lesliom- mes du Noi'd se reconnurent, se trouverent jeunes enfans, et s'in- clinerent devant leurs afpitx. Aujourd'hui d'un uouveau contact avec rOrient vont sortir des fruits nouveaux. Les hommes du Nord sont alles cbercher des a'ieux plus anciens. La Grece! mais cen'etait quele bord de FOrient. Nous crumes avoir epuise un monde dont nous avions a peine sonde le rivage; et voila qu'en penetrant plus avant, nous decouvrons des horizons gigan- tesques. Depuis trenteans les Societes bibliques s'occupent incessamment de traduire la Bible dans tousles idiomes et dans tons les dialec- tes ; elles consacrent anuuellement k cela des sommes conside- rables, et elles y empioient le zele et le savoir de leurs missioiinai- res. C'est bien : c'est rendre k I'Orient ce qui lui appartieni ; c'est apporter son tribut k la grande bibliotheque de riiumanite, oil tout livre important sera traduit en toute kngue. Mais il y a autre chose a faiie de beaucoup plus utile pour le progres general de rhumanite : c'est de faire connaitre aux sectateurs monies de la Bible toutes les autres Bibles de FOrient. Quand cela sera fait, Fesprit humain aura change d'horizon, et le christianisme aura pris place dans Fhistoire. II aura cede le gou- vcrnoment de la vie humaine a une religion plus comprehensive. Au quinzieme, au seizieme siecle , quel homme en Europe eiit 74 PHILOSOPHIE. ose prendre la Bible pour im livre liumaia ? Quel homme, an contraire, n'y voyait pas partout la marque d'une inspiration su- perieure, d'un souffle divin , le doigt de Dieu ecrit a chaque page? C'estquela Bible n'avait pas alors d'analogue; il n'y avail pas d'autre type auquel on put la comparer. En effet, dans tons ces livres que les savans enlevaientavec taut d'ardeur aux decombres de I'antiqiiite, quel livre je ne dis pas comparable a la Bible, mais qui en olfritmeme un pale reflet? Plus I'erudition fouillait, plus elledecouvraitdo ricliesses, etplusladifferenceentrecestresorshu- mains et le tresor d u christianisme eclatait. La conclusion etait toute naturelle. Ainsi quand nous comparons les aerolithes "a tous les mi- neraisde la tcrre, et que nous ne retrouvons nullepartleursana- lognes, nous sommes bien forces de conclure que ces pierres sont tombees du ciel. De quoi s'agissait- il en effet dans les livres grecs et romains ? Des clioses d'Athenes on de Borne : rien de la race bumaine. De citoyens et de barbares, de maitres et d'escla- ves : rien pour la race humaine. De ce qui s'etait passe tel jour aux forums d'Athenes ou de Rome , de la lutte du senat et du peuple, des guerres et des conquetes sous tel archonte ou sous lei consul, de la gloire et des verlus de tel citoyen, en un mot des inlerets et des passions de quelques milliers ou de quelques rail- lions d'hommes dans une cerlnine periode d'annees , et rien de plus ; toujours I'horizon borne , rien qui embrassat le monde , rien qui eut cette projection infinie dont 1' esprit humain a besoin. Homere et Herodote elaient les seuls qui eussent quelque analo- gie lointaine avec la Bible ; mais Homere et Herodote ne faisaient qu'indiquer la source antique , sans y penetrer. Tous ces livres, quelque beaux qu'ils fussent , avaient done un autre caractere que la Bible, et un caractere qui leur etait commun h tous; ils procedaient d'un aulre ordre d'idees quelle, etelle etait vraiment d'une aulre essence ; il n'y avail pas de mesure commune entre eux; rapproches d'elle, ils ne pouvaient qu'en faire ressortir la parfaile originalile ■, par eux-memes il ne pourraient pas plus en donner I'idee que I'argent ne donnerait luie idee de I'or, ou la, ^ DE l'iNFLUENCE DES ETUDES ORIENTALES. 'j5 lumiere de la lune des rayons du soleil. Cette tradition, si am- bitieuse, qui ose, remontant jusqu'a Dieu, assigner la solution des eternels problemes ; cette histoire du genre humain , si mi- nutieusemeut suivie et si pleine de miracles ; cette peinture de la vie primitive, oii k chaque instant se revele a. nu le coeur humain tout entier et dans tons ses abimes ; ces grandes figures et ces al- legories , ou se deploie toute I'imagination orientale; ce sublime du style qui jaillit du contraste de la grandeur la plus gigantes- que avec I'expression la plus simple; ^tte poesieenfin de I'liomme vivant sans cesse sous le ciel , et faiSant intervenir la nature en- tierepour assister aux passions ardentes de son coeur et lui resou- dre les doutes de son esprit ; toutcela nous depass^iit de cent cou- dees, nous, liommes du Noi'd, qui avions quitte nos forets nati- ves , et y avions laisse , avec les ossemens de nos peres, la poesie de nos peres, qui avions oublie nos chants ossianiques et nos vieilles epopees, faites sur des traditions erapruntees elles-memes a rOrient, mais transformees par nos a'ieux , dans le long pele- rinage qui les amena des plateaux de I'Asie aux glaces du nord , pour les disperser ensuite, comme une semence feconde, sur I'Al- lemagne, I'Angleterre, I'Espagne et la France. Nous avions oublie tout cela, nous avions delaisse notre he- ritage, repudie la dot que la nature nous avait donnee , et nous etionsvenus, pour ainsi dire corarae de petits enfans qui ne savent pas encore parler, nous faire heritiers et disciples des Re- mains et des Grecs. Or les Grecs eux-memes , cette souche que nous adoptions, avaient autrefois perdu leur tradition, et, de- coupant leur mythologie du fond religieux de I'Orient , ils s'e- taient fait un monde sans raclnes. L'Orient etait done perdu pour nous, perdu sans ressource , comme I'Atlantide disparue sous les eaux ; et la Bible seule surnageait , arche merveilleuse du monde antique, qui en avait conserve tons les echantil- lons. La Bible done et I'Evaugile s'elevaient, sur ce sol de I'Eu- vope , couvert de momunens inferieurs et d'un autre style , 76 PHILOSOPHIE. comme un monument li part, inoui , sans pareil , sans modele ct sans imitation. C'etait en grand I'impression que produirait au- jourd'luii quelquc admirable edifice gothique qui serait demeure absolument seul de sa race, et entoure de notre fourmilliere dc palais et de theatres qui siugent si grossierement les monumens d'Athenes et de Rome. Est-il surprenant que devant la Bible et TEvangile le genie moderne se soit arrete eperdu aux limites du protestantisme? Ou plutot n'etait-il pas natiirel ^'embrassant avec plus de respect , avec plus d'adoration, ces livtes si mysterieux, "a niesure qu'il en sentait niieux I'originalite, le seizieme siecle , semblable a Lu- ther, se montrat embrase pour la Bible et TEvangile d'une sorte de fanatisme , rait sou genie a les comprendre , a les traduire , et s'en fit une arme pour combattre I'Eglise romaine , qui lui pa- raissait si miserable aupres de taut de grandeur, si pen simple au- pres de tant de simplicite , si pauvre de poesie aupres de cette poesie divine ? Ainsi les protestans s'enchainercnt a. la suite des livres saints, et y sont restes enchaines. A leurferveur pour ces livres, lecatholi- cisme aurait dii s'emouvoir : il resta muet et froid comme un ca- davre. Unseul catholique, Bossuet , accepta le combat; c'est-h- dire qu'il tenta d'eleverle moderne a la hauteur biblique etd'har- moniser le catholicismeet la realite presenteavec les livres memes souslesquelsonpretendaitles ecraser. Voila, suivant nous, la plus haute formule de Bossuet : la est tout son genie, sa politique comme son Histoire unwerselle , comme son style. Voila pourquoi cette grande figure dominc et le catholicisme de son tems , et les pon- tifes de Rome , et le doux Fenelon qui prit plutot I'inspiration d'Homere que celle de la Bible, et le protestantisme lui-raeme ; voila pourquoi Bossuet nous apparait seul, dans la decadence du ' christianismc , face h face avec Luther, et pourquoi spontane- ment la multitude I'a appelele dernier des peres de I'Eglise. Mais ce fut en vain qu'il voulut restaurer rimmense unite pour y en- fermer de nouveau le monde , et, par une parole et une pensee DE l'iNFLUENCE DES ETUDES ORIENTALES. 77 a la fois moderne et biblique, relier son siecle au premier mot de la Genese. Legislateur assis sur des mines, il ne put rendre le monde k Jesus et k Moi'se ; il ne put que donner la mesure de son genie. Les philosophes, qui vinrent apres, n'eurent plus le sen- timent ni r intelligence de la Bible. Le dix-huitieme siecle passa devant le monument en I'insul- tant. Voltaire n'a pour la Bible qu'un rire sterile. S'il en avail senti la grandeur , il n'aurait pu accomplir I'oeuvre de son tems. II fallait qu'il fiit comme ces heros de I'lliade qui combattaient contre des divinites sans les comiaitre , et qui auraient senti toutes leurs forces defaillir si leurs yeux aveugles se fussent des- silles. Un seul homme alors s'arrete pensif a contempler I'originalite de la Bible et de I'Evangile ; c'est Rousseau. Leur majeste, dit- il, I'etonne, et leur simplicite parle a son cceur. Frappe , cap- tive , raais n'ayant pour les juger aucun ternie de coinparaison, ne sacbant a quelle source les rapporter , cetbomnie , le plus poe- tique de son tems, reste sous I'impression que ces livres produi- saient avant I'ere pbilosopbique ; et, tout philosophe qu'il est, il les consacre, et declare I'Evangile divin , tout en niant la divinite de son auteur : contradiction etrange, que ses contemporains lui ont tant reprochee, et quilui donnait a leurs yeux im air d'hy- pocrisie ou de superstition. Quant a nous, aujourd'bui, plus lieureux, nous pouvons, tout en les venerant et les aimant, ces grands livres , les restituer a I'humanite. Comme la riante mythologie de la Grece, comme la poesie religieuse d'Homere , la Bible et I'Evangile viennent pour nous se fondre dans leciel oriental , dont elles etaient des etoiles detachees. L'etude de I'Orient a pour ainsi dire decompose la Bible, comme le prisme decompose la lumiere. Chacune des par- ties de ce merveilleux recueil a enfin treuve des types pour s'y parangonner. La Genese a son pendant dans le Zend-Avesta des Persans ; le Pentateuque a ses analogues dans les lois de Menou et les Vedas. Job, dans sa sublimite , c'est le chant eternel de "7 8 PHILOSOPHIE. I'Arabe, depuis les poesies antiques dii desert jusqii'au Goran reformateui". Esther, Tobie , et tant d'autres episodes , viennent se placer aupres des riches fictions des Mille etuneNiiits, la ou riiiiagination se joiie "a I'aise avec lesnibis, les fleurs, toute la parure de la terre , toutes les richesses du travail de Thomme , et se plait aux changemens inatlendus de scenes , aux peripeties miraculeuses , comme le genie de Shakespeare dans le Songe d'une nuit d'ete. Eclaires de cette lumiere qui commence a sillonner tout I'ho- rizon, pourquoi nous bornerions-nous mainlenant an Pantheon juif ? Ferons-nous comme les Grecs , qui se croyaient autoch- thones , les enfans ! qui croyaient avoir invente et leur mytho- logie , et leur laaigue , et leurs arts , ignorant que leur langue leur veuaitderOrient, qu'ilsavaient lesinemes ratlicaux, lememe mode de conjugaison et de declinaison, la meme langue enfin que les gymnosophistes de I'lnde , que leurs dieux n'etaient que les dieux de I'lnde, egares pour ainsi c^ire et ayant perdu le sou- venir de leur naissance et de leur patrie , et que leurs poetes , a commencer par le grand Homere, ne faisaient que refleter , en les transformaiit, d'antiques traditions ou d'antiques symboles chantes autrefois par d'autres poetes , et inscrits, pour servir de temoignage apres que la Grece meme serait passee, siir les has- reliefs des temples gigantesques creuses dans les cavernes de rinde? Ferons-nous comme eux, nous dirons-nous autochthones? c'est-h-dire ne verrons-nous daus I'hunianite que le rameau de- tache qui s'appelle le christianisme , la revelation de Moise et la revelation de Jesus? Non, nous voudrons un Pantheon plus vaste , lur Pantheon qui reponde a ce mot humaniti^ , de si nou- velle invention , "a ce mot que les hommes , parques autrefois dans des limites de families, de castes ou de nations, ne connu- rent jamais. Nous ne sommes les fils ni de Jesus, ni de Mo'jse : nous sommes les fils de Thumanite. Les hommes d'aujourd'hui sont les boutons de I'arbre qui a traverse tons les siecles ; et la seve qui les anime et qui les fait vivre et fleurir coule pour eux de toutes ses racines. UE L INFLUENCE DES ETUDES ORIENTALES. 79 Nous avons vn que la Renaissance eut deux effets ties-dlffe- rens, et au premier coiip-d'ceil contradictoires, quoique egale- ment necessaires et parfaiteinent conciliables. Le premier fat de rapprocher de la Bible et de rEvaiigile les plus cliretiens d'entre les Chretiens, les honinies les plus vertueux du quinzieme et du seizieme siecles, les plus forts d'entre les penseurs, les plus grands genies de leur tenis, et meme des populations entieres , tant que le christ anisrne eiit encore de la vie. Que la reforme ait eubien d'autres causes, qu'elle aiteusesinteretsmateriels, sesrai- sonspolitiques, nouslesavons : niaiscettetievredechristianisme, qui senibla ressusciter le zele ardent des premiers siecles etla fer-r veur des martyrs , de quoi se nourrissait-elle, sinon de Venthou- siasnie que la Bible excitait , et pourquoi cet enthousiasme , cette adoration, sinon parce qu'en memetemsquelespritsepolissaitpar la Renaissance , il ne trouvait dans la Renaissance rien qui piit remplacer pour lui la Bible et satisfaire son zele religieux? Ainsi la Renaissance prepara et servit pulssammcnt la reforme : et de la, nous I'avons dejh dit, le protestantisme, exalte et rigide , Te- belle et devot, insurge centre I'eglise et enchaineaux Ecritures. Le second effet fut de detruire la religion meme des peuples et d'affaiblir le sentiment religieux, d'abord dans les liommes les plus instruits, et ensuite dans les masses, par la propagation des livres de Tantiquite, et par les mceurs nouvelles et le nouveau milieu de civilisation que ces livres creerent. On pent prevoir qu'il en sera de meme de la seconde Renais- sance , c'est-a-dire de la connaissance nouvelle de I'Orient. EUe aura deux effets bien differens et pour ainsi dire contradictoires. Le premier sera de rapprocher du christian isme, et du catholi- cisme en particulier, quelques-uns de ceux qui I'aborderont dans le commencement , des horames devores du besoin de reli- gion, niais encore courbes sous les impressions cbrctiennes, un certain nombre d'ames ardentes, d'imaginatious reveuses, d'es- prits philosophiquespuissans. Le second sera d'achever la com- plete destruction du christianisme et deservir a I'edification d'une nouvelle doctrine srenerale. 8o PHILOSOPHIE. On peut meme dire que ces deux resultats ont. commence a se raoutrer. L'Allemagne, ou Tinflueuce du christianisme est en- core puissante, a cause du protestaptlsme qui s'y est developpe et qui reccle veritablement la vie du christianisme echappee de- puis long-tems du sein des pays catlioliques , TAllemagnena pas eu plus tot aborde I'Orient et sonde sa profondeur, qu'un retour singulier vers les doctrines catlioliques s'y est fait sentir. On a vu des pliilosoplies deserter la pliilosophie , des protestans abandon- ner le protestantisme ; et tout "a coup de la Germanic est sortie line ecole catholique, comptant quelques noms celebres, impo- sante par son erudition , et qui est venue mettre aux pieds du pontile romain un savoir que le vieillard assurement ne saurait comprendre. Ainsi , en France, M. de Laraennais , enchainant raalgre lui sa logique et son eloquence , conserve pour suzerain un gouverneraent spirituel qu'il meprise. Defenseurs du chris- tianisme, votre sort est bizarre ! le catholicisme , froid conirae un niort, nerepond pas a I'ardeur de votre vie ; la papaute vous de- daigne ou vous craint; elle ne trouve en vous que des penseurs trop remuans, et la lignc qui pour elle vous separe des hereti- ques est bien legere. Quoi qu'il en soit, cet effet des livres de I'Orient nouvelle- ment decouverts par 1' erudition et exhumes de la nuit du terns n'a pas lieu de nous surprendre, puisque nous avons vu que le seiziem" siecle a deja presente un phenomene analogue. La Re- naissance contribua a engendrer la Reforrae avant d'engendrer la Philosophic. Les grand livres orientaux viennent tout a coup se reveler, Bon pas dans leur plenitude et d'un seul coup , mais par lam- beaux encore tout couveits d'obscurite , et se placent entre les livres qu'on appelle saints, d'un cote, et, de I'autre, les livres que j'appellerai humains , c'est-a-dire ceux que la Renaissance nous rendit autrefois et ceux que la philosophic et I'art raoderne ont eiifantes. Quel effet cette interposition va-t-elie produire ? II y avait combat entro les deux especes de livres, et la lutle UE l/lNFLlIENCE DES ETUDES ORIENTALES. 8 1 menie etait arrivee a ce point qii'il fallait opter entre I'ldee chre- tieune et sa negation. 11 anivera done necessairement qne TO- rient feva pencher la balance d'un cote on d'un antre. Or siipposez des lionimes qui ne soient pas de force a com- prendve pour rhumanile xm nonvel avenir religieux, soit que ^ parleur age> leurs etudes, le milieu on ils ont vecii, ils soient resles courbes sous la loi cbretienne, soit que le scepticisme les ait envahis, mais un scepticisrae purement soientifique, etqui ne sent pas au fond de sni , ct jusque dans sa revoke , le germe des destinees nouvelles de I'hunianite. La balance pour ces hoinmes penchera necessairement vers le christianisme. II n'y a pas jusqu'a I'orgueil humain , jusqu'a leur vanite de savans, qui ne soit inte- ressee "a faire incliner lenr coeur vers ce qui s'eloigne le plus des opinions regnantes ; et par une sorte de reaction contre les pbi- losopbes dudix-buitieme siecle, qui attaquaient si ficrement I'an- liquite cbretienne sans en connaitre les sources profondes, eux qui les connaissent, ils se feront neo-cbretiens. Les livres grecs et romains rebaussaient la Bible et le cbristia- nisme par contraste, par difference, par inferiorite. Les livres orientaux rebaussent la doctrine catbolique, et I'elevent, aux yeux des hommes dont nous parlons, par. similitude, par analo- gic avec elle. Les opinions protestantes viennent , pour eux , sc placer dans la ligne des opinions philosopbiques , etle protestan- tisme, sans racines , s'eclipse devant cette profondeur antique. Le principe catbolique devient pour eux, au contraire, le fon- denient merae de la religion ; c'est la cbaine eternelle tendue de- puis la revelation primitive jusqu'a nous ; c'estle tissu, la trarae, dont les Vedas comme la Bible ne sont que la bordure. Ainsi lo sens moderne leur ecjiappe, eblouis qu'ils sont par I'antique. Et de Ih cette doctrine d'un cbristianisnie anterieur au chfiS- tianisme que recole allemande a mise en avant, ct a I'usa^ do laquelle I'ecole de M. de Lamennais s'eiforce atijouid'bui en France do preparer des armes logiques. Mais il est aise de prevoir ce qui arrivera quand I'csprit phi- TOME MY. AVRIL 1832. 6 82 PIULOSOPIIIE. losophique abordeia ces questions. L'effet inevitable sera , conime nous le disions tout a I'heure, de creer dans tous Ics esprits le sentiment d'ua Pantheon plus vaste , ou le passe tout eniier sera adiuis et prendra place , niais oii le cliristianismc u'occupcra que la sienne ; et ce Pantheon , il n'est donne qu'a une doctrine ge- rierale nouvelle de I'elever : ce sera son monument et son temple. Cependaut les chretieus dont nous parlous sont utiles en travaillant avec ardeur k faire connaitre I'Orient dans I'interet de leur foi nouvelle. Ainsi les jesuites autrefois servirentbeaucoup a leur insu la Renaissance et la Philosophie, en donuant "a toute la jeunesse ce gout pour I'antiquite grecque et romaine qui devait amener a grands pas la decadence du christianisme. Ce second resultat des livres orientaux sera en effet analogue a ce qui advint , il y a deux siecles, de la familiarite de tous avec les lettres grecques et latines , et de I'habitude que Ton prit de I'antiquite, quand elle toraba dans le domaine commun. Des a present les esprits les plus progressifs sentent profondement que ce n'est pas a faire rentrer dans le christianisme des colosses re- ligieux , tels que les auteurs des Vedas , Bouddha , Confucius , ou Mahomet , qui representent chacun tant de siecles et taut d'innorabrables generations d'homraes , que ce n'est pas Ih , dis-je, qu'il faut tendre. En laissaut meme de cote et hors de la question tout le camp des philosophes , depuis Socrate ou Epi- cure jusqu'a Voltaire , par quelle justice distributive metlriez- vous tous les grands legislateurs religieux de I'humanite aux pieds de I'un d'entre eux , qui date d'une epoque assez recente, surtout lorsque sa loi n'a pu resister en Europe a I'inlluence des- tructive de la Renaissance et de la Philosophie ? Ce n'est plus I'ceuvre de Bossuet qu'il faut faire ; ce n'est pas a uilfe section du passe qu'il faut relier le present; c'est "a tout le passe qu'il faut I'attacher, pour le. lancer dans I'avenir. '', ' ■ '■ -P. Leroux. LITTERATURE. ANTHOLOGIE D'AMAROU (1). L' etude des monumeas litteraires de I'lnde reunit a la fois tout I'interet des choses les plus antiques et tout le charme dcs choses les plus modernes . Les vagues recits de ceux qui ont ap- proche de ces gvandes ecritures et de ces grands poemes exci- tent en nous une sorte de curiosite studieuse que la raison nous porte a moderer et a reduiie, depourvus coinmenous le sommes de's moyens de I'entretenir et de la satisfaire. Ce que nous savons par oui-dire est immense, et reraplit notre imagination comma ces merveilleux tresors de la fable , ou la fantaisie pent puiser sans relaclie pour donner a ses reves leur nourriture , mais ou I'esprit ne pent lien arreter ni saisir pour donner a ses medita- tions la substance solide qu'elles reclament. Ce que nous tenons de notre propre temoignage, ce que nous savons pour I'avoir senti et savoure nous-memes est si peu, qu'il semble que cette faveur nous ait ete menagee, non pour calmer notre ambition, mais pour I'animer encore davantage. Ondirait que nous sommes semblables a ces peuples barbares, qui, assis sur le sommet de leurs rochers de- serts, suivaient du regard les barques inconnues de la Grece, glis- sant legereraent devant eux sur la plaine onduleede lamer, et en- tendaient alors avec admiration et surprise les chants d'Homere qui s'elevaient par instant vers eux comme une revelation nou- velle d'harmonie et de plaisir, puis s'effacaient bientut et se per- daient dans I'espace lorsque le pilote avail double leur etroit pro- [i) Amarou-Sjj|;acam. ylnthologie e'lotique iTAinarou , Irailiiite du Sanscrit par A.-L. AroDT. — Paris , Dondej-Dupre , 1831. 6. 84 LITTER ATURE. montoire et delnisse leiirs arides rivages. Du Mahabharata ct du Raraayana , la France connait deux citations , la delicieuse his- toire de Sacountala et le discours funebre du roi Dasarathas : de ces deux, celestes oceans de religion et de pocsie, elle possede ceque rapporte une coupe que Ton plonge au hasard; des Poura- nas ct des Vedas, elle connait h peine quelquc esquisse rapide et nuelques fragniens bi'ises ; de toute cette couronne tlieatrale si gracieuse et si riche , elle possede un joyau , le plus eclatant et le plus pur, il est vrai ; mais de I'eclat oriental de Sacountala si bieu menage par I'lieureuse adresse du traducteur, son admiration est contrairite a redescendre k ces pales copies imitees de Tanglais , arrachees deux fois du sol oii elles etaient plantees , ct epuisees par un double exil et une double langueur. L'Inde qui, en deployantle faslueux heritage de I'art et de la science de ses peres, suffirait pour deborder Tenceinte denos bi- bliotheques, se resume pour nous en quelques volumes depareilles et incoraplets ; et si elle consent a. presider elle-nieme "a uos etu- des, ce n'est que pour un instant qu'elleenhardit notre confiance de I'appui de son autorite ; apres quelques seraaines , elle nous abandonne a d'autres , et cesse de nous inspirer de son proi3re genie et de sa propre parole. En une telle necessite et une telle penurie, la moindre traduc- tion nouvelle est une fortune et lui evenement. Au printems, lorsque I'esperance s'eveille et ne voit autour d'elle qu'une terre sans parure, la premiere fleur est la premiere joie, et la premiere est a la fois la plus douce et la plus vive ; et a ceux qui sont pau- vres, la moindre obole est une ricliesse, elle double leur avoir et dore leur avenir. D'ailleurs les grands poetes out ce privilege, qui n'est qu'k eux, de concentrer, pour ainsi dire, toute leur ame sur cbacune de leurs paroles , et de permettre aux liommcs tie mesu- rer la hauteur de leur taille, en mesurant Tempreinte qu'ils out laissee sur chacun de leurs vers; comnie ces geans qui, traver- santla canipagne, gravent profonderaent sur le ^1 le signe dc chacun de leurs pas, et, par cette seule trace de leur passage, frap- pent d'clonnemcnt et d'adniiration ceux qui survienncnt apres ANTHOLOGIE d'aMAROU. 85 eux, et qui- ne saveat point encore quel vaste pays ils out par- courii durant I'espace d'uu liiatin. La poesie est fille du ciel, et lorsqu'elle descend sur !a terre , comme la deesse , on la reconnait des I'aljord , a sa demarche majestueuse, sans qu'il lui soit besoiii » d'etaler tout Fappareil de sa puissance et de sa gloire. II suflit d'entr'ouvrir un instant les poemes de Dante ou de Milton pour sentir instinotivement ce voisinage du genie qui fait courirpar lout le corps nn secret fremissement ; et si parfois Homere som- meille, certes sa veille est longue, et durant le repos sa figure imprime encore le respect comme celle d' Agamemnon dans sa couche royale. Amakou, dont le nom, eiu'ichi de quelqiie epithete louangeuse pour tout ornement et pour tout commentaire, etait a peu pres tout ce qui, depuis la publication du texte Sanscrit "a Calcutta, etait parvenu au domaine commun , vient enfin de paraitre lui- merae devant nous. Sans doute TOrient ne nous laisse pas en- core, comme la Grece et I'ltalie , puiser a pleines mains dans ses manuscrits et ses souvenirs, etla presse, dans ses efforts pour dis- parser sur le monde tant de travaux enfouis et ignores , est bien eloignee encore de Theureuse periode des ceuvres completes et des editions repetees. Si nous ne possedons Amarou qu'en abrege, ce n'est du moins qu'en abrege de sa licliesse et non point de sa grace, et I'extrait de \ Amarou-Satacam , pour etre resserre dans une etroite'raesure, ne perd cependant ni de son charme ni de son importance. L'art n'a point de dimensions, et le gout pese ses jouissances et ne les corapte pas. Qu'importe que le poeme se borne a quelques pages , si leur fi-aicheur et leur pu- rete les rendent tonjours vierges et toujours nouvelles? G'est done une veritable fete pour nous que I'arrivee de cet bote etranger qui, Venn pour nous joindre de regions si lointaines dans le terns et dans I'espace, a pris de notre France rharmonie du langage tout en conservant I'eclat de sa couleur asiatique, et, grace a I'e- legance de son introducteur , tient desormais son rang dans le cortege litteraire dont nos poetes out entoure I'aniour. 86 LITTER.VTURE. Cest presque a im seiil liomme en France, a M. Chezy, que nous devons tous les progres que nous avons faits depuis quel- ques annees vers la connaissance de la langue sanscrite et des tresors qu'elle enveloppe. Marchant sur la trace des Anglais , niais avec uu sentiment plus fidele et une metliode plus sage , s'appuyant a la fois sur la science pour agrandir le royaume des lettres et Temucliir de precieuses.conquetes, et sur les lettres pour verser la vie et la cbaleur sur les debris antiques que lui apporte la science , il semble qu'il lui ait ete donne de pouvoir reunir sur cbacun de ses travaux la gloire des lettres a celle de la science. La double jouissauce a laquelle il nous avait des I'ori- gine initie, en nous donnant "a la suite de sa version de la mort d'lajnadatta la traduction litterale en latin et I'analyse gramma- ticale de ces divins slokas , et en effacant en quelque sorte par la le pecbe d'ignorance chez ses lecteurs pour les admettro a partager I'intelligence du texte sacre , et a penetrer avec lui dans la pen- see originate du poete createur , nous laisse aujourd'bui des re- grets an milieu de la satisfaction que nous cause chaque travail nouveau ; et ni les notes exquises de Sacountala, ni celles non nioins gracieuses de rAmarou-Satacam, ne pev.vent compenser tout ce que nous aurions voulu seiitir par iious-raemes et appre- cier a notre propre balance. Rien ne trouble cependant le sentiment de reconnaissance res- peclueuse que nous vouons k celiu qui , apres avoir prete a Ca- syapa le secours de sa critique savante et de sa plume facile, et force la France a payer an genie de ce grand liomme son tribut d'admiration et de louange, vient d'acquerir encore un titre a I'estimepublique en important parmi nous la poesie legere et les stances amoureuses du Tibulle oriental. II est impossible de se refuser a une vive expansion de plaisir, lorsqu'en parcourant la centurie d'Amarou , on apercoit tous ces chnrmans caprices qui se deroulent, sc renouvellent , se succc- dent comrae les nuances fleuries de la premiere aurore , toujours changeantes, niais toujours eclairees par la meraelumicre. On s'e- ANTHOLOGIil DAMAROU. 87 tonne d'abord, a la-pensee de ce :\oyage dans le domaine de la langue sanscrile qui -fait reinonter I'iraagination a travers les ages, et liii fait traverser les grandes mers pour la transporter chez des peuples incoiinus; niais Ton est bientot fiappe d'une heureuse surprise en renconlrant toujours les meraes homines, et Ton se rejouit, en econtant les coeurs qui palpitent sous ces poi- irines brulees par un autre soleil , d'y trouver toujours les memes battemens et les niemes concerts. Certes , alors meme que nous n'aurions ni la divine Ourvasi, ni Sacountala, fleur des bois sacres, ni Vasantasena elle-meme, I'Aspasie orientale, alors meme que toutes ces ames tremblantes de timidite et d'ardeur ne se- raient pas ouvertes devant nous pour nous enseigner comment les fenimes de I'lnde savent conserver les chastes emotions de la piideur au milieu des briJantes jouissances de I'amour, il nous suffirait d'Amarou pour savoir quelle est au bord du Gauge cette science infinie de volupte confiee a I'homme pour I'exereice des ressorts les plus delies de sa delicatesse ; et si , pour apprecier les deux mondes quele soleil eclaire tour a tour, on voulait essayer a la meme balance les poesies erotiques de-rEurope et del'Inde, la grossierete du principe materiel pourrait bien entrainer notre plateau vers la terre tandis que son rival raonterait versle del. II n'est pas de passion dans Ihommequi mieux que I'amour aille semarier et s'unir avec la haute pensee religieuse et s'en penetrer tout eiitiere; c'est qu'aussi il n'est point de passion qui, plus que I'amour, soit dans la dependance iutime de ce principe myste- rieux qui forme a la fois la cause et I'essence de la vie. Cette force qui vient coucourir aux plus impenetrables phenomenes de la creation, et qui, a la surface de la terre, entretient I'activite d'une genese perpetuelle , semble, comme toutes les forces deslinees a la conservation instinctive des etres, avoir ele souslraite aux dere- gleniens et aux caprices de notre volonte ; et ce n'est pas sans une raison profondequele consentement unanime deshomraes aliepar une etroite chainc les mouvemens de I'amour et les mouvemens du coeiu' , soumis tons deux a une domination incoiniue qui dans 88 LITTERATURE. sa liaiilom- dc|iasse notre liberie, et qui , plus puissanU! que nous sur nous-incnies, retarde on precipite, conime il liii plait, la lievrc de Tame et la ficvre dii corps. Cette passion , que par une etrange confusion nous avons nominee aveugle, parce que notre vue etait trop laihle pour la sonder et la comprendre,est, comme le feu celeste qui anime les etres, demeuree hors du domaine de rhoranie ; et Ton dirait que Dieu, qui a reniis a notre arbitre et a notre direction le soin de tant d'autrcs interets et de tant d'autres desirs, a voulu en garder dans sa main la regie et la niesure, ainsi qu'il y a garde la regie et la mesure de la naissance et de la mort. Placee entre la loi humaine et la loi universelle comme un solide anneau que rien n'ebranle , et que sa trempe divine met au-dessus de toute atteinte et de toute entreprise, se soutenant sur sa propre virtualite, comme par une communica- tion superieure avec le foyer de verite, elle demeure egalement inaccessible au droit d'affranchissement et au droit de contrainte dont la raison essaie parfois de s'arrogoi I'empire. Lorsque la science, apres avoir cherche a monter par un essor audacieux au-dessus du sejour habituel de la nature humaine, redescend ii la terre, pensant rapporter avec elle la loi du bien et du mal etle secret des destinees, et vent alors maitriser la vie humaine sous son commandement, et la soumettre a la tlieorie philcsophique on religieuse dans laquelle elle pretend envelopper I'univers , I'a- mour, dans son inebranlable fermete, rejette la seduction quelle exerce, et proteste contre I'autorite dont elle se pare. C'est par le don de cette incorruptible essence que pendant que les doctrines spiritualistes et les doctrines materialistes mo- deraient et tyrannisaient a leur gre tant d'autres passions et tant d'autres jouissances , tantot par un ardent mysticisme les sublimant j usque dans les espaces nuageux du ciel, tantot par ini pesant sensualisme les comprimant jusqu'au plus bas niveau du sol,ramour seul se rel'usant a I'etroite prison de leurs categories, et seul deraeurant toujours a la face du ciel et a la face de la terre, est reste comme Tinviolable tenmiu de cet eternel pantheisme ANTIIOLOGIE DAMAROU. 89 doiit est nee riiiimauite, et vers Icquel elle s'elevc. 11 y avail done uue pretelition bien chimerique ou uue deraison Lien pro- fonde chez ces liommes qui , projetant de compenser la liberie de I'esprit par la licence de lac coalisant pour leur projire sc'curile, et pour assurer Tassujctisscment d'une multitude indistinctcment foule'ea leurs pieds. » (Page 'Ji4(>) Get e'tat de cboses doit ctre acccpte avcc transport par rEurope , il lui a c'te impose de force , et c'est maintenant son salut , sa gloire , le gage de scs liautes dcstine'cs. Qu'iuiporte quo ralliancc des rois ait c'te' , dans I'origine, forme'e contre les peuplcs. E!le est aujourd'biii la source d'une fraternite' qui ira croissant. C'est entre tous maintenant qu'il y aura alliance , et pour le salut de tous. M. Webster est I'un des bommes les plus distingue's des Etats-Unis : ct , nous le rcpe'tons, par son caractere, sa vie , son genre d'e'loqiiencc, ETATS-UNIS. 99 il est le type de rAmcricain, dans ce que la tendance naturelle a sc compatriotes a de plas estimable , le calme de la sagacite , I'esprit et le talent des affaires , et surtout une admirable raison. ■2. Remains of the Rev. , etc. — Fragmens dii re\>erend Edmund O. Griffin, re'unis par Francis Griffin, sijivis des Memoires biographiques du dece'de , par le reverend John M. Vickar,D. D. professeur de philosophic et de morale au college de Colombia. New- York, 1 83 1. Deux vol. in-8°. Get cuvrage est d'un inte'ret toiit-a-fait local. Edmund Griffin , ne en i8o4 a Wyoiiring , en Pensylvanie, d'unefamille presbyte'rienne , e'co- lier distingue dans plusieurs colleges , enlra dans les ordres au sortir des classes, et mourut a I'age de vingt-six ans d'une inflammation d'en- trailles. Son histoire n'a d'intcret vif que pour ceux qui I'ont connu et aime , ce qui semble avoir etc meme chose. C'est son frere et son professeur qui ont rccueilli scs notes , les extraits du cours dc iit- te'rature qu'il professa comme supple'ant de son mailre et biographe Vickar , quelques effusions poe'tiques , des lettres ct un journal , e'crits pendant un voyage de dix-huit mois en Europe que sa sante le con- Iraignit de faire. 11 vit plusieurs des horames les plus distingues en France, ca Italic , dans les Provinces-Unies , en Angleterre et en Ecosse. Ses observations dans sa tourne'e en Italic n'ont presque, comme c'est I'usage des voyageurs en ce pays, rapport qu'aux arts , juge's avec le gout en peinture d'un litterateur et d'un Ame'ricain, c'est-a-dire d'un bomme de'pourvu de I'instinct , et de cette culture des sens ne'cessaires pour jouir recllement des arts , ct quiconque n'cn jouit pas ne les peut juger. Son journal en France et en Angleterre se compose de passages de'tache's, parmi lesquels sc trouvent les portraits des horames connus qu'il a eu occasion de voir dans les deux pays , Southcy : Mackenzie, « la mervcille de notre age » , ainsi qu'il appelle sir Walter Scott , jc ne veux pas comprendre dans cette liste le jardinier de Voltaire, et les anecdotes du grand bomme et de Gibbon, qui ont quelque pcu I'air con- trouve'es. Jc pre'sume que Ferney , Ermenonville , ics De'liccs , rEnni- tage , etc. , etc. , ont toujours au service des candides voyageurs un jardinier , un fauteuil , une e'critoire de Voltaire ; une eternelle canne de Rousseau , une immortelle alle'e oil fut compose' I'Emile , et le millc 7. 100 LIVRES ETR ANGERS. et unieme excmplairc dc la plume qui e'crivit rHc'lo'isc. J'ai memc eu occasion d'obscrver que rcnthousiasrae des voyageurs n'est pas scrvi avec moins de soiu que leur curiosile. J'ai vu dans la maison do campagne, consacre'e par les souvenirs de Rousseau et de Gre'try , deux belies plan- ches peintes en blanc , fort bien vernisse'es , et de taille a servir de ta- blcttes a Gargantua , afin que cliacun put y graver le dimancbe et dans la semaine les inspiiations on les emotions de son ame , proprement la- vees tons les samcdis soirs avec une e'ponge : c'etait I'ingenieux moyen invente par Tingenieux proprie'taire pour conserver la blancheur de ses murs nouvellement recre'pis. Entre les portraits fails par Griffin , on n'aurait peut-etre pas e'te fache de lire la description d'un cours de M. Cousin , donnce par le jennc Arae'ricain. Elle est a peu prcs telle que I'aurait faite , a la racme e'po- que , 1828 , ia plupart des jeunes gens qui sc rendaient en foulc a la Sorbonne, quand le jVrofesseur de pliilosophie devail parler. Les vers de M. Griffin sont ceux d'un jeune liomme qui a fait d'ex- cellentes etudes , ct qui puise ses inspirations poe'tiques dans les emotions qu'il a dues a la lecture des grands auteurs classiques grecs et romains. 3. Notes on Italy. — Notes sur V Italic, par Rembrant Peale. Philadelphie , i83i; Carey et Lea. Li-8". Le prenom de M. Peale indique de suite de quel point de vuc il a du considc'rer I'ltalie , et que sa vocation pour la peinture e'tait appele'e _, de'sire'e par tout ce qui I'entourait. Effectivement son pere, Charles- Wilson Peale, fonda leberceaudesarts en Ame'rique^ et batiten 1786, a Philadelphie, une salle d' exposition ou la premiere collection de pein- ture qui ait paru aux fitats-Unis fut pre'sente'e au public. M. Peale , comme la plupart des nombreux voyageurs qui ont visitc' I'lfalie., n'a vu en elle que la patrie des arts , et cette belle surface sillonne'e de ruines qui charme les yeux de tons ceux qui la parcourent , et ra- mene leur imagination, avec une douce mclancolie, vers le passe', seul lointain qui se voile de vapeurs sous ce ciel cclatant. M. Michelet, dans sa courte excursion dans la presqu'ile , a porte' les se'veres et per- fans regards de I'historien sur cette nature a la fois riante et de'sole'e , et a cherche a dcduirelc present du passe'. La vive imagination deM""^ de Stael avait ranime' cette ombre charmantc de I'ltalie, ct lui avail donne ETATS-UNIS. 10 r line vie d'arts , de parfums et de fleurs ; ct lord Byron , deja depuis long-tems, a vu I'avenir des Toscans et des Romagnols , prets a sortir, vivans , d'lin torabcau que la puissance temporelle et la puissance spiri- tucllc du moyen age , dans leur decrepitude , veulent en vain sceller a jamais d'un sceau qui a perdu sa verlu magique. Le peintre ame'ricain n'a la pretention ni d'e'veiller les souvenirs du passe , ni de raviver les jenchantcmens du present, ni de soulever le voile de I'avenir. Son voyage ne s'isole pas par de savantes investigations , ni par ces rapides intuitions proplie'tiques qui n'appartiennent qu'au ge'nie , des nom- breuses tourne'es en Italic, si communes cbez ies Franfais et les Anglais depuis et avant Dupaty. Tant de monotones descriptions d'une nature seulementvue; de chefs-d'oeuvre d'arts analyses, admires, mais nonsentis jusqu'a I'ame, e'taient faites presque pour;, degouter d'un pays dontelles ne donnaient que la poussiere; il faudrait que les voyageurs fussent comme les Boliemiens, pour lesquels voir c'est avoir. Mais 1' Ame'ri- cain tout bonneracnt examine etraconte- il est exact, il admire ce qui a c'te justement admire' de tout tems , en regardant flu point de vue oil le cicerone place ctaque admirateur a tour de role; il considere les chefs-d'oeuvre les plus prone's, juste a la distance convenable. II voit dans Venise : « un beau port , ressemblant a une grande riviere bor- de'e de bonnes maisons et anime'e par les mouvemens varie's de vaisseaux et de bateaux nombreux. » La reflexion que lui arrachela magnificence des palais qui s'e'levent des deux cote's du grand canal est des plus naturelles a im Ame'ricain habitue' a des maisons neuves. « Quelle ne devait pas avoir e'te' leur beaute quand Venise e'tait dans la ple'ni- tude de sa gloire, et que tous ces palais de marbre e'taient neufs ou nouvellement rcpare'spn Cependant, grace a la liberte' duport,M.Peale a vu replatrer quelques briques , et rebatir quelques bicoques ; c'est toujours autant de fait pour la restauration dela vieille re'publique et de sa gigantesque aristocratic. II fautdu moms savoir gre' a M. Peale d'une complete simplicite'; il n'y a d'affcctation d'aucun genre dans son style, et quelque chose d'hon- nete et d'exact dans ses re'cits. On voit partout dans son ouvrage uu jugement sain et de la conscience. Mais dans les arts et dans la littera- lure, il faut une autre justice, une autre ve'rite, bouillante, volcanique, qui pousse en dehors la nature toute vive, toute remuante. Oh! pour 102 LIVRES l^TRANGERS. sentir et pcindre I'ltalie, il faut plciiier sur un passe ou haleter aprcs iin avcnir ! Jc crois (juec'cst unc regie sans exception que, pourdecrire ct memc pour juger , il faut , avant tout , sympathiser avec ce qu'on de- crit, avec ce que Foa juge; et afia de mettre mon dire en liarmonie avec Touvragc dont je parle, j'ajouterai que c'est pour ccla que Ton a institue le jugement par jury , sans que je pre'tende en infe'rer qu'il faut institucr un jury de voyages. C'est bien assez d'en avoir un pour les vaudevilles. . Ad. Montgolfier. 4. Manual of materia medica. — Manuel de medecine et de pharmacie de 11. M. Edavards ct de P. Wavasseur, docteurs en me- decine, traduit du francais par Joseph Tocho D. M. , et menibre dc la socie'tc de medecine de Philadclpliie et E. Durand , membre du college de pharmacie de la meme ville. New- York , Carey et Lea. 5. Life of gouverneur Morris — Fie du gouverneur Morris^ avec un choix de sa correspondance et de ses papiers, donnant d'inte- ressans delailssur les revolutions americainc et franc aise,et Vhis- toire politique des Etats-Unis; par Jared Sparks. Boston, Gray ct Bowen. 5 vol. in 8". G. The history of Portland. -^^wto/re de Portland depuis sa premiere colonisation, et notices sur les villes voisines et change- ment de gouvernement dans le Maine , par Willam Willis : Pre- miere partie , Portland, i832 ; Day Eraser et compagnie. In-8°. •J. TnE- law Summary. — Sommaire deslois; collection de fails le- gaux sur des sujets d^une application habituelle dans les affaires par Benjamin L. Olivier , conseiller. Boston, i832j Marsh. Ca- pen ct Lyon. In-8°. GRAIVDE-BRETAGIVE. 8. Observations on the pestilential cholera, etc. — Obser- vations sur le cholera, pestilentiel (asphyxie pestilentielle ) , tel qu'il s'est monlre a Sunderland dans les mois de noverabre et de- cembre i83i , et sur les mesures a prendre pour le prevenir et le guerir, par W. Ainswortu Ec. Londres, i83?. ; Ebers et C. In-8" de 17?. pages. GRANDE-BRETAGNE. lo3 g. History and medical treatment. — Histoire et Iraitement medicinal dii cholera , tel quil s'est declare a Sunderland en i83i, etc.; par W. Hazlewood , D. en rae'd. , et W. Mordey^ cLirurgien. Loodres, i832; Longman et C. In-8° de i5i pages. 10. Cholera, etc. — Du cholera, tel qu'il s'est recemment mon- tre dans les villes de New-Castle et de Gateshead , etc.; par M. Greenhow , D. en me'd. de la Socie'te' royale. Londies , iBSa ; Wilson. In-8° de 'ji pages. 1 1 . Lectures, etc. — Lecons sur le carbone, I'oxigene et la vita- lite , pai' Georges Rees , D.-M. Londres , Higliley. In-S" de 107 pages. 12. Essay on cholera. — Essai sur le cholera, etc., par James Lawrie , D.-M. , etc. Seconde edition. Glasgow, i832 ; Londres , Longman et C. 1 3. Observations on cholera, etc. — Observations sur le cho- lera, faites durant une visite a Sunderland , par Georges Par- sons, chirurgien de I'liopital de Birmingliam. Birmingham, i83'J. 14. Observations on the epidemic cholera of Asia and Eu- rope. — Observations sur le cholera epidemique d'Asie et d' Europe, par James M'' Gabe, D.-M. Cheltenham, i832. 1 5. Thoughts, etc. — Pensees sur les meilleurs mojens de di- minuer les progres destructifs du cholera , en une Icttre a I'hono- rable vicomte Melbourne, par Joshua Brookes, de la Societe royale de me'decine. Londres , 1 83 1 . 16. Rules for the prevention of malignant cholera, etc. — Regies pour prevenir le cholera asiatique , par W. Ingledew , Esq. Cheltenham , 1 83 1 . 17. Observations on the nature. — Observations sur la na- ture du cholera epidemique , par A. P. W. Philip, D.-M., de la Socie'te royale. Londres, i83i ; Renshaw et Rush (i). CHOLERA. — ASPHYXIE PESTILENTIEIXE. On voit que nos voisins u'ont pas plus que nous menage I'cucre dans (1) A I'exmen de ces ouvragcs publics en Angleterre , nous joignons celui de deux orts auec le cholera occidental, par le doctcur Ernest NOLT. ■TS" Die nioLERA morbus. — Lectiolc'ra-niorbus, sa propagation, Ics traileinens essaydi jusqu'ici , ses singulnrile's et les moyens de le combatlre sur une large e'chelle , avcc lajcartc dc sa marche el de ses progres , par Ic doctcur Schkurrer . Deuxienie edition . In-8" . GRANDE-BRETAGNE. I o5 dccins franfais. Les premiers sont adonncs a la pratique, les seconds a la tbe'oric, et nos compatriotes , melant les deux choses, chercheut, plus qu'aucuns dc leurs voisins , a e'dairer I'une par Taulre. M. Ainswortli a suivi le cholera, depuis sa premiere apparition a Sun- derland, dans les diffc'rentes villes oii il s'est re'pandua New-Castle , a Gateshead , etc. , et a Locdres ou ses travaux ont etc assez appre'cies pour qu'il ait c'te attache' re'cemment a plusieurs maisons de secours e'tablies dans Hanover - Square , et a I'hopital fonde pour les choleriques a Mount-Street. Comme M. Becker (r) , dont nous avuns deja parle , M, Ainsworth est partisan du systeme de contagion , et ne manque pas plus d'exemples que les anti-conlagionistes pour appuyer son opinion. La mere de M. Embleton , chirurgien de Sunderland , que ses devoirs conduisaient sans cesse parmi les malheureux frappe's de I'affection que I'auteur regarde comme pestilentielle , prit la maladie par Ic contact de son fils et moui-ut. Ses draps furent envoyes a Louisa Woodhall , sa blan- chisseuse, age'e de quai'ante-deux ans, qui vivait dans une des parties les pins elevees et les plus ae'rc'es dc la ville : cette ferame, ayant beaucoup d'ouvrage, jeta ce linge sous le lit oil elle couchait avec son raari et un petit enfant: d'abord attaque, ce dernier mourut. Sa mere le suivit apres treize heures de maladie , et le niari , Georges Woodhall , tomba sans s'etre plaint prece'demment d'aucun mal, pendant qu'on emportait le corps de sa femme , et expira du cholera au bout de vingt-quatre heures. Plusieurs porteurs de cercueil,des entrepreneurs d'enterremeus ont c'te frappe's, et M. Ainsworth cite plusieurs medecins, connus par leurs travaux sur le cholera , entre autres M. Kennedy , qui partagent son opinion. lis regardent le raalade et le mort, les vetemens, les hardes qui les ont entoure's , les meubles qui leur ont servi , le lit, le cer- cueil , le brancard , enfin la clwmbre et la raaison , comme des foyers d'infection, d'oii la maladie rayonne. Cette opinion fut-elle vraie, be'ni soil le ciel que nos me'decins n'aient pas adopte une idee si funeste au malade et a ceux qui le soignent. Voici les symptomes de la maladie, tels que les de'crit M. Ainsworth, ct le traitement qu'il indique : {\) Revue encyclopediqiie. T. XLII, noi'eiiibre 1851, p. 457. io6 LIVRES ETRANGERS. TlfPEDES DIFFEREITES PUASES ET PERIODES DK L'ABPHIXIE PESTILEMTIELLE. i'° periodc. Oppression. 2' pdriode. Evanouissement. (Collapse). 3° pdriode. Fi6vre. Defaillancc (prostration de N forces ) , ct quelqiiefois j _ diarriiec prdliminaire. \ Se termine par la mort , ou 1 Evacuations ; froid estd- I guerison saiis convalescence, ricur ; paleur. ) Action febrile. 1 Se termine par uno courte ) convalescence. Douleurs a I'dpigastre,- dva- cuations; crampes. Absence de secretions ; re- froidissementde Phaleine; sensation d'engourdisse- rncnt; jeux renversdsj clialcur animalc, pouls , voix, manqtiant tout a la fois; assoupissement. Se termine par la mort. ' Fie\Tc peu forte , se termine par une courte convalescence. I \ Se termine par une convales- , Fievrc violenle. I cence fort longue, des in- llamniations successives ou par la mort. V° pdriode. Oppress' on. 2° pdriode. Evanoiiissement. ( Collapse ). 5' pdriode. Fievrc, PLAN DE TRAITEMEiVT. 'Diarrbde. Calomel et opium , melanfjds de magndsie. Defaillance. Saignde, sels ou moutarde , dmetique. I Evacuations. Pillules de calomel, carbonate de soude oil ammoniac. ' , Froid extdrieur. Cbaleur, frictions avec des flanelleschau- des , bains de vapeur ou d'air chaud. ' Paleur. Boissons cbaudes et restaurantcs. ^Action febrile. Apdritifs doux, sudorifiques. ^Douleurs deTdpigastre. Cataplasmes de moutarde ou dpis- pastiques liquidcs. Evacuations. Lavemens chauds^ injections de Idrebenthine. • Crampes. Sinapismes , frictions , caimans (sddalifs). I Absence de sccrdtions. Esprits aroniatiques , huilcs vola- tiles csseiitielles , calomel. I Refroidissemenl de rhalcine. Oxigene, oxide nitreux. Perte de la scnsibilite phy- ; sique, declialeur, de pouls etdevoix. Aspersions froides. Fievre pen forte. Bains ticdcs , doux apdritifs. I Ficvre violcntc. Saignccs locales, vcsicatoires , purgatifs , [ sudorifiques. GRANDE-ERETAGNE. I07 On voit que M. Ainsworth met en usage a peu pros tous les diffe'rens spe'cifiques dont on a parle' jusqu'a pre'sent, et qu'ilfait de la me'decine purcment symptomatiqiie. Les gens de Tart diront si ce n'est pus la plus raisonhable, quand on ignore la cause du raal. Fidele au caractere dc sa nation, le docteur Ernest Nolt cherclie pour expliquer le cliole'ra a Latir un de ces e'dilices , comrauns dans son pays, construits sur I'air, avee des ide'es qui s'engendrent les unes desautrcs, et se coordonnent admirablement : architecture toutc logique, dont loutes les parties s'appuient et se tiennent tellement que cliaque pierre fiiit clef de voute; e'branlez-la , tout croule. Ne'anmoins si les systemes apres les systemes tombent, se de'truisent, les observations qui ont servi a les clever rcstent, excellcns materiaux, prels pour de plus utiles constructions. Le docteur allemand cbercbe les causes du cbolc'ra dans un manque d'e'quilibreentre deux forces qui se combaltent, se pondc'rent, et reagis- sent I'uue sur I'autre, comme les clectricites positive et negative. Ces deux puissances sont les electricite's celeste et terrestre : la derniere pouvant bien , selon lui , n'etre autre chose que le magne'tisnie. II y a derangement, dit-il, dans les rapports de ces deux forces. La grande comete de 181 1 , en donnant une preponderance extreme a I'e'lectricite de I'air, a amcne des suites d'orages, de vent , de tempetes , de pluies. L'annee de la famine, i8i6 a 181 j , e'poque ou le cholera e'clata dans rinde , fut I'apoge'e de cc periode , et , bien que les oi-ages et les pluies aient continue' depuis lorsjusqu'en 1823, uneseriede pbe'nomenes ter- restres, commen9ant en i8'2o, par le tremblement de terre de Zante, a prouve la reaction de la force terrestre. Depuis , les tempetes de I'air sont devenues plus rares , ccUes du globe plus fre'quentes : en 1 824, inondations, et successivement nombreux chocs de tremblement de terre , eruptions volcaniques , enfin en i83i , nouveau volcan lance dans la Me'diterranee , et le 7 Janvier apparition de la grande au- rore bore'ale, qui depuis trente ans palissait, reculant vers le pole. Les lueurs obseiTc'es les soirs, cet automue, apres Ic couchcr du soleil, jusqu'a une hcure avance'e, rongeurs qui formaient un arc dont le centre ne tombait pas juste a I'endroit ou le soleil avail dis- paru , mais entre cette place et le nord ; re'le'vation de la temperature de la mer Baltique ; la mort des poissons , rcjetes par milliers sur les pla- 108 LIVRES ETRANGERS. gcs sablonneuses de la Livonie; les brouillards sees: tons ces phe'nomenes re'cens s'aceordcnt aiissi avec les observations du docteur Nolt; mais ooinnient il s'en suit que Ic cholera vienne du manque d'equilibre entre les forces magnc'tiques terrestrcs , et e'lectriques celestes , ct qu'ii soit le symptotue d'unc maladie de noire globe , c'est cc que je laisserais le soin de de'montrer au docteur allemand , et a plus habiles que moi , aiusi que la marche , re'gulierc selon I'auteur , des plie'noinenes terres- trcs et celestes, du sud-cst au nord-ouest ct reciproquement. Ceci indiquerait, a ce qu'il croit, que la terre a un me'ridien e'lectrique dans cette direction. La carte des progres du cholera , a la suite de I'ouvrage du doc- teur Schnurrer, est un document curieux s'il est exact. La maladie a e'clate d'abord dans les parties de I'lnde les plus sujettes a la mal aria, aux fievres intermittentes et pernicieuses ; dc la, dans sa marche die a voyage a Iravers I'archipel indien , le long du golfe Persique , du lac Aral , de la mer Caspienne , de la mer Noire , de la Baltique , et , jusqu'a Archangel, a travels tons les grands lacs de Finlande, mais elle s'arrete a la Me'diterranne'e , couvrant en grande partie Tare , qui sur une largeur de plus de cinquante degre's semble ceindre la terre , en quelque fafon comme I'anneau de Saturne entoure sa planete. Le doc- teur Schnurrer , aussi e'loigne de la doctrine d'infection que la plupart de nos me'decins francais , fait observer que si la maladie suit le cours des rivieres et des eaux, cen'est pas , ainsi que le pretendent les conta- gionistes, parce que ce sont les routes dc communication du commerce. De meme que les tremblcmens dc terre, elle se manifcstc principale- mcnt aux soiuxes et a rembouchure des fleuves , et ne s'cinpare du cours enticr qu'apres avoir attaque' les deux extre'mite's : le docteur fait rc- marquer que nul cordon sanitaire n'a pu arreter , ni meme raoderer la violence du mal ; que des vaisseaux ont e'te tout a coup frappes du fle'au au milieu de la mer, et apres avoir e'te long-tems e'loigne's de toutcs les cotes. II croit la maladie causce par des exhalaisons terrestrcs , qui sc re'pandent sur une grande partie de la surface du globe , et cile plusicurs faits curieux a I'appui de cette opinion. II dit entre autres choscs que, dans rinde, certaines especes de roseaux mouraient sur les rivages des lacs et des rivieres , a nlesure que le cholera e'tendait ses ravages sur leurs bords. GBANDE-BRETAGNE. IO9 Les travaux de MM. Hazlewood et Mordey,sur la pathologic du cho- lera, sent mis en premiere ligue en Angleterre, et tons deux se rencontrcnt avec M. Ainsworth dans leurs idees sur le caractcre contagieux de la maladie , telle qu'elle s'est manifestee a Sunderland. Bicn que diffus, et prc'sentant fre'quemment comme observation habituelle ce qui n'est qu'un 5as d'exreptiou , I'ouvrage de M. Greenhow , qui ne croit pas, lui, a la contagion, a des points inte'ressans , parcequ'il enja de locaux ; il donne une se'rie de fails qui sesonl manifeste's a Newcastle, et ne sont pas sans inte'ret pour la me'decine. En general nous aurions besoin , en toutes sciences, des observations provinciales , si Ton peutparler ainsi, et individuelles. Toutc de'couverte , tout point de vue neuf, vrai ou faux, est, en quclque sorte , une originalite, I'ceuvrc de quelque intelli- gence qui, toute remplie d' observations personnelics , ouvre la Voie : les socie'te's savantcs des capilales, avec I'c'change et les comparaisons conti- nuelles qu'elles e'tablissent entre toutes les ide'cs a mesure qu'elles se montrent , sont excellentes pour servir en quelque sorte de pierre de louche aux de'couvertes , les coordonner, faire naitreles me'thodes, mais elles ne favorisent peut-etre pas autant les idees nouvelles et les theories audacieuses qui vont , en enfant perdus , a la conquete de la ve'rite. Si Ton cherche un re'siJlat , une idee commune ressortant de tons les ouvrages que nous avons annonce au commencement de cet article , on trouvera qu'un sentiment moral en fait en quelque sorte Ic somraaire et donne , comme premier pre'servatif du cholera , ainsi que de tons les fle'aux qui attaquent I'homme dans les principes de sa vie : pour les particuliers , la rc'gularite' de conduite , re'loignement de tout exces , une ame et une conscience calmesj et pour la socie'te une repartition plus egale des biens de ce monde. Du pain et des fetes disait le peuple de Rome. Du pain et I'e'ducation , dit le notre bien plus e'loquemment, car il le dit par sa misere et ses erreurs. 18. The Contrast. — Le Contraste, pai Lord Mulgrave , auteur Ae. Mathilda: Oui et Won, etc. Londres, i832 j Colbiu-n et Bentley. 3 vol. in- 1 2. 19. Eugene Aram; a Tale, etc. — Eugene Aram, conte, par M. BuLWER, auteur de Pelham, Devereux , etc. Londies , i832, Colburn et Bentley. 3 vol. in-8". 110 LIVRES ETRANGERS. ao.'NoRMAN AUBKY,etc.. — L' Abhujc de Norman,conte de lafore'tde Sherwood, par une dame. Londrcs, i83'^; Cochrane ct C. 3 vol. in- 1 a. 21. L'Opeua, par I'aiitcur dc Mothers and Daughters. Londi-cs, i832, Colburn ctBontlcy. 3 vol. in-i2. 22. Arlington, parM. Listeu, ^nicwvA' Herbert Lacj-^ Granbj,Qlc. Londrcs, i832, Culbiirn et Bcntlcy. 3 vol. in-8". ROMAIVS FASIIIONARLES. Un dc nos plus spiritucls critic[iies nous donnait dcrnieremcnt une re- cctDe pour reVeiller Ic public dc sa torpeur , d'ou tous Ics assassinats , toutes les atrocite's dcs pirates de mer ct des brigands de terre ne pcu- vent le tircr. 11 nous apprenait qu'aus theatres dcs boulevards, quand la queue de mouton n'altire plus la foule , on jircnd le mouton tout entier. Quand le parterre est blase sur un elephant , quclquc puissant teagique qu'il sc montre , prenez-en deux , prenez-en trois , plus , s'il le faut et que la place le pcrmctte. En Angletcrrc , quand I'astre e'cossais , quand Walter Scott a com- mence' a pencher vers Toccident, pour ranimer la curiosite des lecteurs, on n'a pu retrouver son pareil ; mais Walter Scott n'e'tait qu'un ba- ronnet, apres tout, de nouvellc creation meme, sije neme trompej el des lords, Normamby, Mulgravc, etc. sont vcnus caver au plus fort , si ce n'est en talent (comme la ve'rite nous oblige cl'cn convenir) , eu rang ct en naissancc. Si nous avons de puissans acteurs, nos aristocratiques voisins ont, dans une autre acception , de puissans auteurs. Celui du Contraste a vouln nous faire connaitre les malhcurs de ceux qui n'cn ont jioint. Mon erudition ne va pas jusqu'a donner la statistiquc du nombre de romans et d'ocuvrcs litte'raires qui re'clament la pitie' publique poiu- ce genre d'inforlune; mais c'est bien la vingt on trenticme fois que ma syuipalliic est appele'e sur ceux dont une feuillc dc rose, plie'c dans leur couchc de ])lume, interrompt le sommeilj qui sont malbcurcux. , mais cruellemcnt malheureux, parcc que trop de belles dames a la mode se disputent leurs regards, ct qui finissent, pour faire quelquc chose de iicuf, par c'pouscr une bcrgi're. Pas bergere a soulicrs roses, tablier GRANDE-BRETAGNE. I 1 I de dentelles ct pantalons de soic de I'opc'ra; cc de'noument est iinc realite trop commune cliez les pairs d'Angletcrrepour terminer la car- riere romanesqiie d'un hc'ros tel que lord Castleton. II c'pouse une vraic paysannc , donl la brise de mer n'a pas fane Ics fraichcs couleurs , ct dont la taille de sylpliide ne s'est point alte're'e sous la Inu'c ni dans Ics travaiix dcs cliamps. J/ heureitx c])0iix n'cn est que plus malheureux ; elle est tendre, naive, lidclej son noble seigneur et maitrc n'cn est que plus infortune. Si cela vous e'tonne et que vous sachiez I'anglais , lisez le Contraste. Si vous ne comprenez que votre langue maternelle, vous aurczhicnmicux afaire; car vous prendrez4e Theatre de Clara Gazul page 234 de re'dition de i8'i5 , et vous lirez ce toucliant drame c'crit sous la dicte'e d'unc si admiralde , si exacte , si vivace observation , dont les caracteres sont dessinc's si fincmcnt et si fierement tout a la foisj et vous A-errcz dans Inez Mendo, si cliarmante, dont les gauclic- rics sont si gracicuses , I'acccnt paysan si matinal ct si frais , le type le plus vrai , le plus fe'cond dcs mallieurs d'une alliance dispropor- tionnce. Eugene Aram est aussi d'un auteur fashionable qui aurait mcrite comme rang litte'raire, d'etre en tete de la listc- mais naturellcmcnt quand il est question d'un pays ou tout sc classe aussi re'guliercment qu'en Anglctcrre, il faut qu'il cede le pas a I'auteur du Contraste, noble pair ct gouverncur-ge'ne'ral de la Jamaiquc. C'est Pelham qui a com- mence la reputation dc M. Bulwer : ce premier roman , le plus re- raarquablc a noire avis, ae'te suivi, a courts intervalles, du Disowned, le Dc'savoue , Devereux , Paul Clifford, Aoni cette Revue a rendu romptc succcssivcment , et enfin Eugene Aram. M. Bulwer s'est cm- pare dansce dernier ouvrage d'une liistoirerecUc, ct aussi incompre'ben- sible que dramatique. Le proces et la vie du fds du pauvre journalier de Ramsgill dans le comte d'York , tres-rae'morablcs a ce qu'il parait en Angleterre, sont peu connus en France. Eugene Aram, destine' a sui- vrc la profession de son pere, tout jeune acbetait, de ses pctites c'pargnes , des livres qu'il apprenait par coeur. En proie a I'ambition du savoir, il parvint, parses ^euls efforts, a une connaissance e'tcndue des langues savantcs, des antiquite's , de I'liistoire; il enseigna re'criture et le latin dans differentes maisons d' education a Londres, il profita de son scjour dans cette ville pour accroitrc, par tons les moyens, une 112 LIVRES ETRANGERS. erudition deja ctendue. En lySS, il etiiit depuis qiielquc tcnis sous- mailrc dans la classc dc grammairc a Lynn (Norfolk) et travaillait a un dictionnaire compare des langues celtiqiie, anglaise, latine, grccquc ot lic'bra'iqiic , lorsqn'il fut saisi ct arrete' a I'entrce de la cour de recrea- tion par deux o'trangcrsdu Yorksliire. Aram e'tait accuse de I'assassinat d'un cordonnier, nomme Daniel Clark, qui avait disparu depuis plus dc treize ans, ct dont les os venaient d'etre de'terre's dans la caverne dc Saint-Robert. Le paysan, le savant, le maitre d'ecolc, Ic criminel Aram, fort pour n'importe quelle destine'e , egal a toutes les fortunes coinrac il Ic dit dc lui-meme, avait menc a Lj-nn unc condulte irrc'pro- clialjle : son caractere y avait paru studieux, me'Iancolique ct solitaire : les jours de fete et de recreation il errait , sans compagnon et sans joic , le long dcs plats marc'cages que borde la riviere d'Ousc , ct jamais ctre au nionde nc Tciit soupconne' d'une faute , pas meme le penetrant pro- viscur, qui, depuis re've'nement, a raconte les dangers qu'il avait courus et a frissonne au souvenir dc son sous-maitrej mais, avantlcpro- ces, pas un, entre ses superieurs, ses e'gaux on sesjcunes eleves , u'cut prononcc ini mot contre le gi'ave et e'rudit grammairien. Devant le tri- bunal, ilsuivit, avec un sang-froid prodlgicux, Ic dc'veloppcmcnt des preuves qui s'amassaicnt contre lui : puis , se levant , il pronon^a une defense d'un incroyable talent : il attaqua, avec la plus intrcpide pre- sence d' esprit cbaque point qui pouvait laisser une chance a la discus- sion; ctjusqu'a I'identite' du squclettc, vu la dtfficultc' de distinguer a quel sexe apparticnnent des os. Convaincu, malgre les plus habiles so- pliismes, ayant e'clioue' dans ses tentatives pour fuir et pour s'cmpoison- ner , il fut pendu en 1759, montrant Ic meme ferme et impassible cou- rage sur la funeste echelle que sur le banc des accuses. Voila le terrible sujet choisi par M. Bulwer, et quel que soit I'inte- ret qu'il ait rcpandu sur les caractcrcs d'invention du vieux Lester et de ses deux filles , nous doutons qu'il fut possible , meme a son talent , d'ajouter quelque chose a la vivacite des couleurs de cette histoirc en sa nudite. Quelles circonstances, quels details inventes pourraient accroitre I'impression terrible que donne le spectacle de cette forte intelligence , en pleine possession d'elle-meme , lultant contre les souvenirs ravive's d'un ancien crime, une conviction qui I'enloure, la presse, ct Te'cha faud en vue I C'est par les contrastcs que le roraancier a voulu fairc GRANDE-ERETAGNE . 1 1 3 valoir ses teintes. En effct, la fe'licite domcstiquc, le rcpos villageois que Madeline , fiance'e d' Aram , goiitc avec son pere et sa soeur dans le petit inte'rieiir cliampelre , dont la description ouvrc Ic premier yo- lume du roman, sont de naturca fairc paraitreplus terribJcslc mystcre qui precede et I'horrible catastroplie qui suit. II est assez singulier nut Ton se soit servi du succcs populaire d'un ouvrage d'imagination, comme celui de M. Bulwcr , pour attaquer Un philosophe, un des premiers disciples de Gall, qui a travaillc long- tems avec lui , apres lui et autrement que lui, cliercliant a faire mar- cher une science, que Ton pent combaltre assure'ment, raais qu'il est lourd et pen sense' dans le siecle oil nous sommes d'attaquer par le ridicule. Tout Lomme qui s'efforce consciencieusement d'e'clairer les homines dans I'etude d'eux-memcs on physique ou morale, ou en chei- chant a unir sous une seule loi cette double nature , a droit aux e'gards et a la reconnaissance do tons : ses vues peuyent etre errone'es , un es- prit de systeme pent fausscr ses observations, mais des qu'il sait , des que son travail est obstine et consciencieux , il est indubitable que, sur quelques points , il aura fait marcher I'humanite'. C'est une gloire sur laquelle les plaisanteries des correspondans de la Literary ne mordi'ont point. Le docteur Spurzheim a, disent-ils, mal connu , sur I'inspection du crane, le caractere d'Eugene Aram; ce qui divertit infiniment quel- ques Anglais qui paraissent avoir he'rite de la le'gcrete' qu'on nous repro- chaitdans le^dernier siecle. II est possible que la phre'nologie ait ete' en de'faut ; il est possible aussi que le crane ait ete change en passant du gibet dans les cabinets de trois savans ou curieux, de i-jSg a 1817 ( il est a pre'suraer que les museums particuliers , en Anglcterre , ne sont pas plus en siircte ct plus inviolables que nos bibliotheques nationales); mais ce qui probablement est exact, c'est la lettre du docteur allemand, telle que la donnent ses antagonistes. Elle a un ton de candeur et de simplicite honnete qui auiait dii desarmer la malignite. « La boite qui . contenaitles deux cranes est arrivo'e, ecrit-il , etjevoussuis tres-oblige de votre affectueuse bonte a m'offrir une occasion de plus d'e'tudier I'honime. C'est seulement dans cette viic que jc fcrai mention de ceqiie je pense des cranes , d'aprcs nos pre'cedentes observations , pret tou- jours , cependant, a etre corrige ct e'claire' par de nouveaux faits. » Et , apres avoir donnd ses jugcmens ( errone's si les cranes sont ideuti- TOME Liv. avril1852. 8 U4 HVRES STRANGERS. qiies), il poursuit ainsi : « Je voiis piie, appronez-raoi Ics noms, actions ft caractcrcs do cos deux pcrsonnes , autant qu'cllcs peuvcnt yous etre connues , dans lo hut dc confirruor, rc't'uter ou modifier nos oljsorvalions. » Qiiand on apportc ccttc loyale simplicite , cottc probite dans Ics expe- riences , le role de ceux qui ne trouvent ceuvrc a faire qu'a s'on raillor est pen lionorable. Me voicibicn loin de N orman- Abbey , histoirede lord Byron et dc Newstead-Abbey sous des noms supposes , et qui a la froideur d'un roman d'allusiou dans un temps oil tout se dit en face , et en parlant d'un liomme dont toutes les paroles allaient ou il les lanjait , commc les fleclies d'Ulysse, tremblantlong-tcms dans laplaie qu'oUes ont faite. Ainsi qu'on devait I'attendre de I'autcur AeMothers anclDaughters, r Opera offre un piquant tableau des mceurs anglaises, dans cette haute socie'te oil les formes non-seulement cachent raais de'truisent le fond. II est d'autant' mieux de peindre le ridicule ici qu'il n'y a que cela. La coupe de I'habit, la couleur de la robe, le tour de la phrase sont choses ^llcctives J le costume s'adopte par uniforme, les phrases par mot d'ordre. La conversation, comme la tenue , a ses regies. « Je n'ai ja- mais entendu, » dit I'auteur de V Opera ^ parlant de la population de jeunes misses distinguees qui approvisionnent Londics ct Ics bals dans la saison; Bath, Bristol, les eaux et les bains r?rtn5 la saison; les chateaux a laChristmass, etc., etc.; « je n'ai jamais entendu sorlir d'une de ces bouches unc phrase qui ne fut commune a toute cette tribu de femrao sottes , qui souricnt , babillent , s'habillent dcjiuis lo terns de mcsdames Sem, Cham et Japhet, jusqu'aujourd'hui , sans quo pas uneait eu une idee dans la tete, hors ccUc-ci : commenlpasserai- je la saison 7 » Le monde a la mode a fourni aussi le sujet A' Arlington : il est vrai qu'il ofTre unc mine inc'puisablc a la raoquerie ; mais ce genre d'obser- vation , n'abordant jamais que des surfaces, parce qu'il n'y a quo cela , fatigue a la longue, quelles que soient la finesse d' esprit de I'observa- teur et la piquante varie'te dc ses tableaux : par exemple , celui des voyageurs anglais. « M. Theobald parlait on co moment a lord Bolsover : — « J'alLiis justcmcntvousdirece quej'avais fait. Bruxcilcs , Francfort , Berlin , Vicn- nc, Munich, Milan, Naples et Paris, tout cela en deux mois. Nul homme n'en a jamais tant vu en si peu de tems! u — « Pasmal , » reprit lord GRANDE-BRETAGNE. I ID Bolsover, « c'est aller vile, maisjecrois que j'en ferais autant si j'avais un bon courrier. J'ai eu une fois un di'ole qui vous galopait ses cent milles par jour , quinze jours de suite. » — « Je suis venu de Vienna a Ca- lais, dit le jeune Leighton , en moins de terns que I'estafette du gouver- nement. II n'y a pas d' Anglais qui ait fait cela. » — « Hem , hem , ce n'est pas certain, » reprit Ic lord, « raais je in'en vais vous dire quelque chose de mieux. J'ai ete' dc Rome a Naples en dix-neuf heures j c'est un fait , sur mon honneur. Et de Naples a Paris en six jours. » — « En partie par mcr ? » — « Non I tout sur terre , » re'pliqua Bolsover d'un air d'orgueilleuse satisfaction « J'ai beaucoup voyage' de nuit , » dit Theobald. « Dans une dorineuse €t avec une lampe de voyage , c'est fort agrealile , et un moyen par- fait pour faire beaucoup de chemin. » — « J'en conclus que vous pouvez honnetement aflirmer avoir dormi en plus belles contre'es que qui quecesoit? » dit Denbigh. — « Oh .'j'ai vu le pays de meme , c'cst-a-dire tout ce qui valait la peine d'eti'e vu. Mon courrier etait au faitde tout cela et avait coutume de faire arreteretdem'eveiller des qu'il y avait quelque chose qui en valait la peine. Diable , je suis paye pour m'en souvenir, car j'ai attrape le rhume le plus infernal en allant avec ma lampe de riuit admirer une cascade; aussi ma foi , est-cela derniere cascade que j'aie e'te tente' de voir. » Les choses qui paraissent les plus extravagantes ne sont en ve'rite pas le moms du monde cxage're'es dans oes peintures de gens qui s'efforcent de se contrefairc , et de n'etre plus.hommes afm de sc sortir de la foule. Lorsqu'en 1814 et i8i5 I'Angleten-e versa sur le continent ses es- saiuis voyageurs , je me rappellc avoir bien ri en voyant des Anglais , fraichement debarque's , presse's de repartir, arpenternos belles et im- mensesgaleriesde peintures, les yeux constamment Gxe's sur le parquet luisant, comptant lem"s lai-ges enjambe'es, n'ayant couru~le risque bour- geois d' admirer ni les salles , ni les magnifiques tableaux , ni statues , ni bas-reliefs , mais sachant le noinbre de pas , depuis la porte du salon , jusqu'au bout dc la galerie de Correge et Titien. Ces romans de racenrs aristocratiques , amusans d'aboijd, lassent vile. Pour s'inte'resscr fortement a une lectuj c , on a besoin qu'elle vous presentc des natures plus vraies, plus varices : qu'elle mcltc devaiit vos yeux I'homme gardant encore quelque noble emprcinte de la main di- nG LIVRES ETRANGERS. vino qui Ic cri-a , ct non tel qu'il s'est soUcnicnt j;rinie devani un nii- roir. Ccs nouvelles , divcrscs de litres , sont pour la plupart dcs tableaux exacts d'un ordre de clioses faux et d'une socie'te contrefaitc juscpi'a ne plus gardcr sentiment liumain , si cc n'cst la vanite. Ad. Montgot.fier. ■23. Natural theologv. — The'ologie naturelle ou Essais sur V existence de Dieu et de sa providence , sur la spirilualile de I'dirie, et Vetat futur;T^Av le reverend Alexander Grombie. L. t. D. Londres, 1829. 2 vol in-S". 24. The Drama brought , etc. — Le Drame eproiwe a la pierre de touche de VEcrititre. EdimJjourg, i83o. In-S". Nous n'avons pas besoin de dire que ce second ouvrage est une suite des tentatives des sectesde puritains et de me'thodistes pour faire, au- tant qu'il est en eux," deux parts sur cette terra : celle des enfans du monde, ct celle des enfans deDieu. Aux premiers, lesplaisirs du theatre et les pompcs de Satan; aux seconds los austerltes en cette vie, et le royaumcdu ciel dans I'autre. La part dcs premiers est en ve'rite si pen de chose anjourd'hui, quant a ce quiregardele theatre, qu'il y aurait injustice manifeste en ce partage, n'cn de'plaise a Vevangelique autcur. La thcologie du reverend Grombie rcmplit une dcs lacunes du rcmar- quable ouvrage de Paley, etcherchant a remonter a la cause premiere de t out ce grand et bel univers, attaque pied a pied les argumens de rallicisme, a5. The Progress OF the revolutions OF 1640 and \%2>o.—Pros,res des revolutions de i64o et i83o. Loudrcs, i832. 2G. On the present Balance. — De la Balance actuelle des par- tis dansl'Etat, par sir John Walsh Baronnet. Londres, i832. 2". Some Reflections OF a church OF England man. — Quelques reflexions d'un liomme d'e'glise sur la conduite du secretaire d'etat au departementde Vlrlande. Londres , i832. 28. True causes , etc. — T'raies causes de la rebellion et des emcutes , ou Petition au roi en faveur des prisonniers condamnes par la derniere cour speciale a Bristol et Nottingham. Londres. In-8". f832. On a peine a annoncer des ouvrages politiques; les eve'nemens mar- chent avec une telle rapidite que ce qui a paru liier est vieux anjour- d'hui, et sera dementi demain. II faut un terns plus calnte, plus dc'gage de jxission pour que les hommes graves et a vue pcrfante tirent quel- GRANDE-BRETAGNE. II7 que instruction des c've'ncmens et ajoutent quelque chose a la politique qui, petit a petit, prenantune direction semblable a celle de toutes les connaissances humaiues, au lieu de n'etre qu'une arene pour la plus vio- lente pole'mique et les luttes terribles des partis, apportera comme toutes Ics autres sciences sa: part de biens a la masse de lumieres et de bonheur commune a tous les liommes. •2C). Principles of Geology. — Principes de ^eologie dans les- quels on tente d'expliqiier les premiers changemens de la sur- face de la terre par les causes encore en activite maintenant ; Charles Lyell, e'cuyer, raembredcla Societe I'oyale, professeurde geologic au college du roi. Londi-es, i832. La vie du globe, quoique moins active aujourd'liui que dans les an- ciens ages ge'ologiques , n'est cependant pas comple'tement eteinte, et les phe'nomenes de marees,d'inondations, de trembleraens de terre, de sour- ces mine'rales et d'e'ruptions volcaniques peuvent servir a eipliquer bien des faits dont la surface du sol porle encore I'empreintc. Lc present est issu du passe', mais par une modification lente et progressive; et, pour revenir du present au passe , il n'est pas toujours necessaire d'appeler a son aide le secours d'hypotheses extraordinaires ou liirarres : il suflit souvent de de'velopper ce qui s'accomplit encore sous nos yeux et de laisser a la nature minc'rale ses habitudes actuelles , en lui docnant plus d'e'nergie et plus de grandeur. Les ide'es de M. Lyell se rattachent a la the'orie du mouvcment continu. 3o. Description of more than three hundred animals. — Descrip- tion de plus de trois cents animaux , auec de belles planches gravees sur bois, par Wuithingham. Nouvelle edition, fort augmentee. Londi'es, i83'2j Baldwin et Cradock. 3i. History of the civil wars of Ireland. — Histoire des guerres civiles d'Irlande, par C. Taylor. Edimbourg , i83i j Constalole. 2 vol. in-1'2. 3-2. Sketch of the reformation in England. — Esquisse de I'histoire de la reformation en Angleterre , par le Rev. J. Blunt. Londres, i832: Murray. lu-iaavec vignette. 33. The private Correspondance. — Correspondance particuliere r?e David Garrick T. ii. Londres, .i83i; Colburn et Bentley. KUSSIE. 34. POH'IX'LAN DE LA MEll NoiKE ET UE I.A MEH d'AzOV , OU Description des c6tes dc ces deux mers , a I' usage des naviga- teurs , par E. Taitbout de Marigny. Odessa, i83o; imprimcrie de la villc. Iu-i'2 avec atlas in-8". I,E BASSIK DE LAMER IVOIRE. — SON COMMERCE ET SES HABITAKS Maintenuc pendant trois centsanssousla jalousedomiuationdesTiuxs, la Mer Noire fiit de'robe'e a lacuriosite' dc la science, a la ge'ne'reusc au- dace des voyageurs vers I'dpoque precisement oil se renversait la vieille e'cole, et ou la tourmcnte des passions aventureilses cliassait dcvant elle les homnies de I'Occident avidcs do respircr plus au large que sous I'at- mosphcrc lourde et e'touffante de I'Europe catholique. Apres la prise do Constantinople par Mahomet II , cette nappe d'eau liit interdite a toutc autre navigation qu'a celle des embarcations turques, Elle fut soigneu- sement dcfcndne comme un harem de pacha. Aprcs que le traitc'de Kainardji, en I'y^G, cutlivreaiix Russes la na- vigation dc la Mer Noire etle libre passage des Dardanelles, cet avantage fut bientot partage' par les Autrichiens , puis accorde a presque toutes les puissances de I'Europe, lorsque les Francais par la conquete de I'E- gypte I'obtim-ent pour eux-raemes, et enfin, ces jours derniers, il vient d'etre e'tendu aux Ame'ricains. Depuis cc fameux traite' de Kainardji , on put pre'voir I'influence qu'exercerait sur le commerce europe'en la mise en circulation de ce joyau jusquc-la the'saurise. Le prodigieux ac- croissement de la Russia et ses pretentions avoue'es sur le de'troit des Dardanelles quifont chaque jour mesurer avec plus de soin, par la poli- tique e'quilibriste, le poidsqu'impriment les provinces maritimes du sud au bras de levicr dont Pe'tersbourg est le centre ; la guerre qwi , du- rant la longue pe'riode de paix europe'enne que nous venons de traver- ser , s'est poursuivie presque incognito sur les frontieres de la Perse , pour de la inquic'ter les possessions anglaises de I'lnde, qui gronde sour- dement encore entre le palais des tzars etle sc'rai du sultan, etferapeut- etre explosion en merae tems que le nuage orageux jete' du Cairo sur Stamboul ; I'e'tonnante sagacite' de Mahmoud , qui avec la civilisation de I'Occident se forge patiemmont un bouclior contrc le choc du Nord , et qui s'embellit de I'energie avec laquelle il poursuit dans son empire fefodalisel' unite musulmane : le spectacle de tous ces inte'rets qui s'agi- RIISSIE. 119 tentaux confins dc notre continent europe'en , me justifiera sans doute d'entrcr dans quclques de'tails snr ccs riches et myste'rieuses contre'esjon en appreciera d'autant mieux I'utilitc de I'ouvrage dont j'ai a rendre coinple. De toutes les nappes d'eau qui , sur le globe , varient les accidens des montagnes et la monotonie des plaines , la Mer Noire est peut-elre la plus remarquable pour la diversite des productions dont die est le de'bouche, pour I'opposition des caracteres d'liommcs dont ellc porle les embarcations et pour le piquant des episodes historiques dont elle a e'te le theatre. A droite , en quittant le de'troit de Constantinople, c'est tout le versant septentrional de I'Asie mineure ou de I'Anatolie; pays monfa- gneux et boise , riche surtout en bois de construction , en goudrons , en matures, qui au commerce du lin et du chanvre pourra facilemcnt ajtuter, par I'exploitation eiu'ope'ennc, celui du cuivre dont elle pos- sede de nombreuses mines. De I'uu et de I'autre cote du Caucase , la Mingriilie, la Ge'orgie , les Ossetes, les Cabardiens-, les Abazes, les Tcherkesses n'out ete alteints que rarement par les revolutions qui ont tourbillonne si fre'quemment aupres d'eux • il offrent un champ vierge a exploiter. Les bois de con- struction et le buis, le miel et les pelleterics n'attendent qii'un navire pour les prendre , tandis que le ilanc des montages est sillonne' de filons prccicux. Aux.limites des chaincs du Taurus et du Caucase s'e'lcvent les monts armeniens qui se I'attachent a ceux de la Perse. Ti^ebizonde , Arze- roum , Erivan , sont les tentes de repos pour les nombreuses caravancs qui fourmillent , circulent et vivifient sans cesse les productions commerciales entre les Turcs hautains et les diplomates Ills d'Ali : sur ceux-ci regue Feth-ali-Schah , predecesseur de Mahmoud et, de Me- he'mct dans la carriere rcgc'nc'ratricc de I'Orient, et troisieme tennc de celte trinite musulmane dont 1' inflexible volonte recrute a pleines fourne'es, pour I'association universelle, les hommes du plateau del'Iran, des rives du Nil et des montagnes de I'Asie mineure. En s'acheminant du de'troit de Constantinople vers I'Orient , la ci- vilisation revet un caractere farouche et nomade d'autant plus prononce qu'on s'eloigne davantage de I'Europe et des cotes de la iner. Les men- 120 LIVRES ETRANGERS. tagnes de 1' Anatolic sont deja prcsquc inde'pendantes h la lisicre du ca- nal, ne payaut que par force Ics rcdcvanccs, et parcourucs par des tri- Ijus dc Curdes guerricrs ct volcurs. Passez Trc'bizonde et vous tombez au milieu des Lazes , peuple a demi sauvage , aux formes athletiqwcs , de'robant mal sa nuditc ct ses sales haillons sous des armes richement garnies d'argent. Puis viennent les Abazes , piratant a la cote les na- vires que-lc calme y retient , ct rc'duisant les marins en esclavage dans des relraites inacccssibles. Plus loin se prc'sentent les TcLerkcsses dont les relations politiques sont presque complctcment fc'odales, et dont les mceurs reproduisent souvent avec une minutieuse fide'lite les souvenirs qu'on nous a transmis sur les Spartiates. C'cst la que les pourvoyeurij de harem voiit chercher ccs femmcs que Ton dit belles , dont Ic buste et la gorge, e'trangle's des le bas age dans un inflexible corset virginal, accroissent de toute leur raaigreur Tenorme amplitude des Lancbes. II y aurait unc bonne mois- son de poesie a recolter chez ce peuple inte'ressant et mal connu ; il est comme unc tradition vivante , comme la stereotypic d'unc antiquite tres- recule'e ; semlolable a ccs vieux monumens oil Ton pent saisir sur Ic fait une phase de I'art , il a continue' inlactc une des phases de la civilisa • tion huraanilairc. II faudrait les e'tudier, les manier avec de'Hcatessc comme ces oiseaux rares qu'on obtient a grand' peine ; mais , vraiment , la civilisation nou- vellc a bien d'autrcs manieres; voyez-la a I'oeuvrc : ce sont des cosa- ques , cosaques de tout poil et de tout age, cosaques indigenes, cosa- ques transportes-, iraplante's, cosdques bruts , cosaques de'grossis ati ba- ton, cosaques caresse's a Paris , fcte's aux Galeries de bois, cosaques inslitue's par les Russcs pour etre profcsseurs, instructeurs et conser- vateurs desTcherkesses, Cabardiens, Ossetes. C'est une malcncontreuse echelle ascendante. Arrives en Russie, nous Irouvons des productions plus abondantcs et un commerce e'tabli. D'abord lamer d'Azov, restrcignant dc siccle en sieclc ses limitcs mare'cageuses et mal termine'es, s'achcmine a ne plus etre que rembouchure da Tana'is; Taganrok, qui latermincau N.-E. , fournit les pelleteries , le caviar, les graincs , Ic suif et les cordages , etc. EUe correspond avec Odessa, foriiiant avec celte citerivale comme deux mauiclles gonlle'es par oil s'cchappent aboiidammcnt les richesscs de RUSSIE. 121 I'empire. Ici , quelques considerations geographiques feront micux ap- pie'cier I'influence de ces deux ports. La mer Noire , en effet , n'est pas seiilement importante par sa li- siere , elle Test surtout par les relations que les cours d'eau e'tablissent entre elle et les contrees iate'rieures. En renouant les anciennes commu- nications avec la Caspienne, on rehausse I'importance de celleci. On rapproche le lac Aral ; on souffle sur cette nappe isole'e une pense'e civi- lisatrice qui, par I'Oxus , par I'Yaxarles , remonte vers les sources de rindus , et pe'netre au cceur des villcs populeuses, entrepots des pro- duits du Thibet, tandis que le Ja'i'k au nord va percevoir aux monts Ouraliens la redevance de leurs mines a peine sonde'es. Anciennement les communications hydrographiques entre la mer Noire et la Caspienne ont eu lieu par le Phase , le Kour et le Koubane ; on pourra par la suite en tirer parti : mais les plus faciles a cre'er, et par consequent les plus prochaines s'effectueront entre le Volga et le Tanais. Ces deux fleuves , dont I'un porte Astrakan et I'autre Taganrok , se rapprochent tellement un peu au-dessus de ces deux villes qu'ils semblent inviter I'homme a les reunir. Le Volga , ainsi lie aux eaux de la Me'diterra- ne'e , ouvrira a la Russia europeenne centrale un facile debouche pour les marchandises pesantes. Ce fleuve, le plus grand de I'Europe , prend sa source non loin du golfe de Finlande, aux hauteurs du Valdai; et presqu'en naissant devenu navigable , il s'unit en plusieurs points de son cours avec les de'pendances de la Newa et de la Baltique, jetant aifisi comme une artere vivifiante entre les deux extremite's du grafd empire. La quantite de ses affluens est prodigieuse 5 le Kama, qu'il de- vore vers le milieu de sa course , est la branche principale d'un ra^ meau de rivieres qui descendent le vcrsant occidental de I'Oural et qui, se rapprochaut plusieurs fois du versant oriental , se sont prcsque en- trelace'es avec ua second raraeau hydrographique dont les frcntici-es chinoises , a quinzc cents lieucs de la mer Noire , cachent les dcrniers embranchemens. Le Volga ne jouit point seul du privilege de jeter un pont entre le bassin du nordet celui du midi ; le Dniester, dans les marais de Pinsk, le partage avec lui , et par divers canaux s'associe au re'seau do fleuves qui arrosent les cotes prussicnnes. Puis le Dnipecr et autres sollicitent d'immincns travaux, par lesquels la conununication deja existante entre 122 LIVRES ETRANGEBS. la Pologne ct Ics colonics riisses dc la raer Noire sera singiiliercmcnt ftn'orisc'e. Enfin le Danube , ([ui rase le sommet dc I'Adriatiquc , en qui se coiil'ondent les eaux des Krapacks ct ccUes des Balkans , ne tardera pas sans doulc , en se rattarhant a la mer du Nord , d'accomplir la pen- see (le Charlemngnc. Le Danube marie les moeurs originales du peuple hongiois ct ses formes a peine e'mousse'es avec les souvenirs Litins et les habitudes faciles des nations valaqucs. Ces dernieres souffrent impa- tiemment le joug des Turcs; mais el les renient encore plus energique- ment celui desRusses centre lesquels unehaineprofondeles anime. Dans la tourmente qui s'apprete a disjoindre I'empire des Turcs, elles.s'or- ganiseront sans doute , I'Eurojie occidentale aidant, en un e'tat inde'pen- dant et fe'dcratif dont la mer Noire facilitera les relations exterieures et Temancipation. Par les apercus geograpliiques qui precedent , on volt que la mer Ndire, aide'e de la Caspienne et de 1' Aral , qu'on peut conside'rer comme ses dependances, prolonge dans le nord de I'Europe centrale et j usque dans le centre de I'Asie le rameau europe'en de la Mediterrane'c. Dans la periodicite des saisons I'roides et chaudes , il arrive souvent que pour quelques contre'es interieures elle balance avec avantage les routes de la Baltique et la mer du Nord. La civilisation de cette raer est d'autant plus importante a conside'rer que les provinces rae'ridionales de la Russic prcnnent un plus grand d^eloppement. Une de ces plus brillantes provinces est la Grime'e , que termine le port de Se'vastopole , e'mule des plus magnifiques ports du monde ; la Crime* qui , sourdement excitee conlre la suzerainete' de la Turquie , n'a brise ses relations fe'odales que pour se voir denationali- se'e par sa perfide conseillere. La une ancienne noblesse tarlare acheve d'y ronger sa fierte', pendant qu'a ses cote's on travaille avec une ardeur quelquefois mal combine'e ct mal administre'e , mais toujours pleine de seve, a dresser une marine qui fasse le pendant de celle de Cronslidt. Ainsi aux deux extre'mite's des golfes europccns du nord ct du sud , la Baltique et la Me'diterranee , on voit la luxurieuse lillc de Catherine c'tendre ses deux gi'ands bras pour e'touffer I'Europe dans im mons- trueux embrassemenl. Laissons-la faire. A I'aide de ces etreintes nous penetrerons a son coeur, et trompant au benefice de la liberie son am- RUSSIE. 123 bition gueiriere et despote , nous labourerons sa ])oitrine et ses reins avec notre fouet voltairien , nous I'inonderons de notre dissolvante politique , de tout notre sentiment critique enfin qui s'cst fait chair et os en la personnedu tourist le plus musque'de nos salons. On peut d'ailleurs re- marquer que la civilisation occidentale luiadeja expe'dic ses e'claireurs. La part que les ctrangers ont prise dans I'accroissement de ces provin- ces surpasse de beaucoup les efforts des Russes eux-memes. Pour en donner un exempic, voici quelle e'tait, vers l8o3, la composition du personnel daas la direction des cotes russes de la mer Noire. La flotte etait sous les ordres du marquis de Travcrsay , emigre fran- cais ; un des deux contre-amiraux e'tait anglais ; un capitaine grec commandait Ic port de Se'vastopole. Le gouverneur general d'Odessa et de la province e'tait M. le due de Richelieu; un Anglais commandait la ville. M. Harting, hollandais, dirigeait le genie sur toute la mer Noire et la fronticredu Caucase; le corps de rartillcrie e n Crime'e obc'issait a un Alleriiand ; enfin le gouvernement general dc Caffa e'tait cbnfie a un Anglais, M. French. Aujourd'hui encore , c'est un amiral anglais qui commando la flotte russe de la mer Noire. Toute cette influence europe'ennc a obtenu des re'sultats eclatans. Tout vient avec abondance en ce climat favorise. II s'y prepare de maT gnifiques approvisionnemens pour I'Europe , en grains et en goudrons ; la et plus loin encore, dans la Pologne et dans les steppes d'Astrackan, des e'clats de joie re'pondent aux ge'missemens de nos proprie'taires de ce'- reales ; la aussi la vigne croit a merveille et peut-etre nos proprie'taires de vignobles a leur tour ne tarderont-ils pas a subir le facheux contre- tems de la concurrence... — Eh Dieu nous garde I vont-ils tons s'e'crier... grains, vins , tabacs, boeuf sale's , chanvre, suif, goudrons , bois , si tout peut venir de cc funeste pays, que nous restera-t-il done?.. — C'est tres-peu inquietant , bon proprie'taire. Pendant que ces rustres expri- ment leur sueur sur des sillons , qu'ils ecorchent leurs moutons , qu'ils tripotent le suif, se noircissent de goudrons et s'escriment avec une ha- che tranchante autour d'arbres noueux, nous, nous e'tablirons des fermes modeles ; nous planterons des jardins de botanique et d'agre'ment, nous cultiverons la vigne dc treille et les raisins de table; nous leur fe- 124 LIVRES ETRANGERS. ions dcs cliapcaux et dcs bijoux , des liqueurs et des velours j nous lour cnseignerons I'hygienc ct rastrononiie ; nous les appelcrons a nos colle- ges, a nos ateliers, meme a nos bals et a nos fetes. La Russic se dis- pose a faire travailler pour nous des peuplades bourrues qui sc pillcnt, se mutilent , se violent , s'e'gorgent et se noircissent le teint au soleil , ou se gelent les pieds dans la neige; tant mieux : pre'parons-nous a leur donner des bains , rimpiimerie et les chansons de Be'ranger. Un nuage traditionncl environne la raer Noire et les montagnes qui I'entourent. S'il faut en croire dc profondes recherches, cette mer d'Azov, si che'tive aujourd'liui et qui se comble chaque jour, au- rait e'te' un lac immense dontla mer Noire et la Caspienne n'e'laient que des golfes ; I'Aral y confondait ses eaux. Tout I'immense affaissement des terres dont la Caspienne est le centre , qui s'e'tend d'une part vers les plateaux du Thibet , qui de I'autre remontevers I'Oural et semble se prolonger sous les lacs de Sibe'rie , tout cela aurait e'te les palus me'o- tides. Unies peut-etre a la raer Blanche, a la mer Baltique, ces eaux auraient fait une veritable ile de notre continent curope'cn , ime tie Atlan- tique. Elles se seraient pen a peu e'vapore'es , accumule'es dans le bassin qui forme actuellenient la mer Noire, et airetees par les montagnes de THe'raus , du Taurus , du Caucase , de la Crime'e , a un niveau bien superieur a celui de la Me'diterranee , niveau dont les traces sont encore e'videntes. Puis, un trembleinent de terre, un volcan , un soulevement, que sais-je ? rompant la digue des ce'lebres Cyane'es , les Qots emprison- nc's auraient traverse le Bospbore , et sous le nom de deluge de Deuca- lion auraient inonde' les parties basses de I'Egypte , de'verse du cote de rOce'an I'exces de leur niveau , et enfin se seraient echappe'es par le de- troit de Gibraltar, crcusc' peut-etre ou du moins agrandi a la meme e'po- que, pendant que seraient revenues au jour les tics de Grcce et d'Asic, d'abord domine'es par les vagues. Voila ce qui a e'te affirme par divers auteurs , tant anciens que mo- dernes; pour moi je le raconte, et ne veux point en charger ma con- science , pas plus que du voyage des Argonautcs , pas plus que des avcn- turcs d'Oreste et Pylade, quoique Ton montre encore en Crimcfe la pierre oti s'accomplissaient les sanglans sacrifices. Pendant les beaux siccles dc la Grecc ct de Rome , les riyages du Pont-Euxin furcnt peu frc'qucntcs , parcc que la uiauvaisc re'|)ulation de RUSSIE. 125 la nier sc mariait adrnirablement a celle des habit ans pour opposer unc double barriere aux plus curicux voyageurs et aux plus avides trafi- quans ; tous ce pays ne commcn^a a prendre du renom , quant au com- merce , que lorsque Alexandrie conmiise par son" fondateur au trafic de rinde eut vu tarir, par les guerres des Sarrasins , le Pactolc oil Car- thage et Corinthc s'e'taient baigne's , oil Cleopatre enivre'e essaya d'e'- puiser les derniers secrets de la profusion , oil I'empire romain et celiii d'Orient plongerent encore pendant long-tems. Alors le courant des tre'sors reflua et s'clan9a vers Constantinople par deux • voies qui toutes deux aboutissaient a la mer Noire : par I'ln- dus , rOxus, la Caspienne , le Kour et le Phase , ou bien par le golfc Pcrsique, le Tigre, I'Euphrate et Tre'bizonde. Ici se placent les rivalite's coinmercialcs des Genois et des Ve'nitiens: les premiers remportcrent , mirent a profit rcngourdisseraent des Grecs pour diriger tout le commerce. Plus d'une ruine sur les cotes attestent encore Icur sejour. lis ouvrirent aux marchandises de I'lnde une hou- vclle route 5 ils leur faisaient remonter la Caspienne et le Volga jus- qu'au coude qui touche le Tanais ; la ils les transportaient parterre a ce dernier fleuve , d'oii elles descendaiciit jusqu'a Taganrok et rejoignaient I'entrepot general de Caffa. Enfin viennent les Turcs et tout se voile. Pendant trois siecles que I'lgnorance turque pesa sur ce bassin , on perdit le souvenir des navigations italiennes , on tomba dans la plus complete confusion ge'ographique ; aussi, long-lems encore apres le traite dc Kainardji de 1776, conserva-t-on la croyance que cette mer n'avait rien adouci de son inhospitalitc traditionnelle; on comptait mille histoires romanesques sur des courans d'une force inou'ie , sur des e'cueils sans nombre , sur des tcmpetes inconnucs aux autres mers. Ajou- tcz-y le peu de sociabilite' des habitans , qui tuaient sans facon les vi- siteurs. C'e'tait presque le seul rccoin du monde aquatique pour lequel on put avec be'ne'Cce fabriquer unc uouvclle edition des voyages de Sind- bad le marin. Ala France, il e'tait reserve de donner les premieres indications exactes que I'Europe posscde sur la navigation de cette mer. Anthoine , liaron de Saint-Joseph , fondateur du commerce franjais en ces parages, a donne' le signal. Des navires franjais , bloqucs dans la mer Noire vers 126 LIVRES ETRANGERS. •1 806 par les croiscurs anglais dc la Mcditeriane'e , ont dissipc les crain- tcs fantastiques qui planaient encore. Eofin , M. Gautliier , capitaine dc vaisseau, a parcouini cette mer en i8io avec M. Benolt, inge'nieur hy- drograjihc , il a releve avec cet ofllcier toutes les cotes , determine les positions , sonde le long de terra , et a public avec lui au depot de la marine, a Paris, la premiere carle authcutique de cette mer. Les cartes de la Russie , en i8o4 et 1807 , celle de 1' Anglais Arrowsmith , en 1818, sont fautives. Mais M. Gautliier, ne pouvant descendre a lerre (juc trcs-rarement, a fait la majeure partie de ses operations sous voile ct n'a pu recueillir un ensemble d'instructions detaille'es soit pour les at- lerages , soit pour les entrees dcs ports , leurs qualite's et la securite de leiirs niouillages , soit pour les vents et courans. M. Taitbout de M4- rigny, qui liil aussi est Francais, complete en partie I'ouvrage de M. Gaulhier par la publication de son Porlulan de la mer Noire. Un portulan , peut-etre cst-il necessaire de donner cette explication a ([uelques-uns de nos lecteurs, un portulan est une description des cotes , de leurs dangers , des courans , de la profondeur des eaux , des bancs de sable ; indications pour se rendre dans les niouillages ; res- sources de la cote en cas de naufragcs ; liste des phares et feux , des balises , des signaux, etc. 5 un portulan est un breviaire indis- pensable aux inarins; il contient des details auxquels pent etre at- tache le salut de Tequipage , et qui , par leur nature , ne sauraient etre exprimc's sur des cartes marines ; un portulan pent ctrc modific , cor- rige'd'unc f'oulc dc-mcnues indications, d'additions , de supple'raens , plus vitc et moins cbcrement qu'une carte. Quand un batiment ne pent se procurer un pilote cotier , ce qui arrive la plupart du terns , un por- tulan pout y supple'cr en partie.' Malheureusement ccs ouvrages sont encore pcu nombreux , ce qui ticnt a ce que le plus grand nombrc des remarques particulicres demeurcnt isolces les unes des auti'es , ine'dites, ou bien pcrdent leur valeur faute d'etre rcunies et coUationne'es ; aussi I'undes plus grands services que Ton puisse rendre a la navigation con- sistert-il a recueillir sur les licux ces details qui s'e'garcnt et se dc'natu- rent , et de les publier avec toutes les preuves que Ton pent donner a I'appui. Sous ce rapport seulement M, Taitbout dc Marigny nje'rite- rait tons noscloges; raais il en est doublement digne. Ses instrudions sont ccritcs avec facilite.ct, ce qui est plus important encore , avec RUSSIE. 127 clartc et precision. Malhcurcusement cet autcur, n'ayant indiqiic que tres-legcrement Ics bases et les sources de ses travaux , les a par cette imperfection de'pouille's d'une partie de la confiance qu'ilspourraient sans doute jiistifier. Mais nous pouvons dire que des faciiite's particulicres nous ayant mis a meme de ve'riGer quelques parties de la publication de M. Taitbout, ellcs nous ont bien fait augurer des autres. La plupart des instructions pratiques lui appartiennent ; il a guide plusieurs expe'- ditions dans la mer Noire; il a love lui-meme quelques plans de ports. ' II a rccueilli pareillcment les remarques des pilotcs russes et autri- chiens , et il a pu avec ces donne'es faire suivre son Portulan d'un atlas portatif, lithographie a Odessa, contenant trente-six plans, cinq trace's approximatifs , vingt-cinq vues de cotes au simple trait. Les trois quarts de ces plans e'taient ine'dits ; ainsi , pour les marins , c'est vrai- ment une bonne fortune. Les instructions gene'rales ne contrarient nullement et corroborcnt souvent quelques notes publie'es AawsXcs Ann ales mar itimes {tome \i\), par M. Barral , officier de I'expe'dition Gauthier. Elles s'accordent aussi avec divers details inse're's dans les Annales de Malte-Brun , et prove- nant des travaux de deux officiers frangqis envoye's par M. de Ver- gcnnes pour examiner quelques points de la mer Noire : entre autres Sinope, Tre'bizonde et le golfe de Bourgas. Des details tout re'cens , rc- cueillis dans les Annales maritimes , sur Sevastopol , Odessa , Sam- soune, ne pre'sentent rien de discordant. Enfin, la relation d'une expe'- dition clicz les Tcherkesses , commandee par M. Taitbout de Mari"-ny en personne , et imprimee par M. Kiaproth a la suite des voyages du corate Potocki dans les steppes d'Astrakan , nous fait voir que I'autcur a leve lui-meme le plan de Ghelindjik , et sans doute aussi de Pcliiate sur la cote des Abazes qu'il a plusieurs fois longe'e de tres-prcs.l Quant aux longitudes , elles sont presque toutes extraites de la carte de M. Gauthier, et les differences qui sc trouvent quelquefois relati- vement aux latitudes sont trop faibles pour laisser la moindi'e inquie- tude. — En resume , cet ouvrage est un veritable present fait a la na- vigation; nous ne saurions trop le recoramander a tons les capitaines de commerce qui se rendent dans la mer Noire; c'est le meilleur conseiller qu'ils puissent prendre. Nous espe'rons que M. Taitbout ne se bornera pas a cette premiere edition, et que la publicitc donnc'e aux observa- 128 LIVRES ETRANGERS. tioDs rccucillies par lui provoquera de la part des navigateiirs" une foule de remarques dont il poiirra profiler. Nous ne lui ferons qu'iinc recommandation , c'est de nous indiquer d'aprcs quelle autoritc cliaquc plan a ete dressc, et de reviser avec soin scs e'preuves pour les cliifjfres de latitude , longitude et gisemens de cotes. Ceci est important , car d'une faute d'irapression pent de'pendre Ic sort d'un navire. INous en avons trouve plusieurs qui sont heurcusement trop grossicres pour etre dangereuses. ' P. EURVALE C. 35. Grammatik der mongolischen Spracue , etc. — Grammaire de la langue mongole , composc'c par J. J. Schmidt, docteur en philosophic , racmbre de I'academie des sciences dc Saint-Pc'tersbourg ct des socie'te's asiatiques dc Paris ct Londres . Saint-Pe'lersbourg, 1 83 1 - Grand in-4° , avec une lithographic. Des travaux importans ont depuis long-tcms signalc M. Schmidt comme I'un des oricntalistes qui ont particulieremcnt etudie la langue et la litterature mongole (i). Le defaut de documcns rendait cct idiome presque inabordable a la philologie; c'est done un ouvrage de gi-andc utilite' pour elle qu'une grammaire compose'e , a la suite de profondes e'tudes , sur des monumens la plupart totalemcnt inconnus en Europe. Le meme auteur s'occupe d'un vocabulaire mongol et d'un aperf u gram- matical de la langue kalmoucke en tant qu'elle s'eloigne des regies de la langue mongole. ALLEMAGNE. 36. ZuR Vermittlung der Extreme in den Meinungen. — Pour la conciliation (mediation) des extremes dans les opinions, par Fred. Ancillon. Tome ii. Berlin, i83i. In-8° de 384 pages. On ne s'altend pas a ce que nous traitions ici la question de Veclec- (i) M. Schmidt est auteur des ouvrages suivans : JRecherches dans le doinairie de I'histoire religietise, politique et littdiaire des peiqdcs de la moyenne Asie. Saint-Pdtersbourg , 1824. — Appendice phUologujue a deux lettres , e'crites en langue mongole, et adressdet a Plulippt-le-Bel par les rois de Perse, d' Argun et d'Oeldschaitu. Sainl-Petersbourg , \ 824. — Histoire des Mon- goles et de lews souverains , traduite du mongole. Saint-Petersbourg , \ 829. ALLEMAGNE. 1 2q jtisme, que Ic nom de M. Ancillou souleve a I'instant ou il est pro- nonce. L'e'clcctisme n'est pas moins faux en philosophic qu'en po- litique. Sans doute il y a une conciliation entre Ics systemes les plus oppose's , quant a ce qu'ils peuvent avoir de vrai et de bon j mais cette conciliation ne saurait etre que la consequence d'un systeme supericur a eux. Si vous voulez seulement opcrer pour ainsi dire me'caniquement sur deux ide'es, vous nc re'ussirez pas il les unir, ou vous nc fercz qu'nn amalgame de'goutant. C'est dans le secret ineme de la vie et dans le de'vcloppcment successif de I'humanite' qu'est le ravstere de la trans- formation qui doit les assimiler. Trouvez done I'ide'e supe'rieure qui doit les remplacer un jour, et poussez vers cette idee. La devise qu'a prise M. Ancillon , inter utrumque tene, et ce mot de Pascal: « C'est sor- « tir de I'humanite' que de sortir du milieu, » ne prouvent rien en cette question. Ajoulons que ces horames de milieu , comme ils s'appdlcnt, ont eux-memes fort souvent des ide'es tres-exclusives et tres-partiales. C'est le reproche que Ton a fait au premier volume de I'ouvrage de M. Ancillon , qui a paru en 182,5, a six ans de distance de celui que nous annoncons; c'est encore le reproche que Ton fera a celui-ci. Le premier volume e'tait consacre a I'histoire et a la politique. Dans le second, M. Ancillon traite plus particulierement des questions phi- losophiques. C'est une exposition claire, precise, [elegante, des con- troverscsles plus importantes sur diffe'rens points de la philosophic etde I'art. Sous ce rapport , nous ne connaissons pas de livre recent qui pre- sente une lecture plus instructive et plus utile. Le champ que I'auteur cmbrasse est on ne pent plus vaste. On confoit , en effet , qu'au point de vue oil s'est place M. Ancillon , toutes les tendances contradictoires qui agitent aujourd'hui 1' esprit humain , et qui pourraient peut-etre se rapporter a deux grandes divisions, impulsions retrogrades et impulsions vers I'avenir, ont du se placer dans la balance du philosophe e'clectique qui se fait conciliatpur et arbitre. Une espece de table de matieres , comme nous pouvons la donner dans cette annonce, fera juger de I'im- mense variete qui regne dans ce volume. M. Ancillon y traite successi- vement, en politique, de I'autorite et de la liberte, en d'autres ter- mes, des limites de Taction gouvernementale; en philosophie , de I'au- torite encore et de la libertc , en d'autres termes , du general et du particulier , par rapport au fondement de la certitude; de I'ide'alisme , TOME LIV. AVRIL 1852. 9 l3o HVKES ETRANGERS. dii matcrialisinc, dti dualisiue ; dc I'absolu ct dii rclatif- en morale ^ de la libertc ct de la ne'cessite , de I'amour inte'resse et de I'amour pur, de la foi et de rincrcdulitc ; cnfin, pourr«r<, des rapports de I'ide'al et de la rc'alitc, de la poe'sie classiqiie ct de la poe'sie romantiquc, on plutot du mouvciiicnt poctiquc dans les dix dernieres annc'cs. Un Ap- pendice c'tend le point de viie a la [)Oc'sie italienne ct a la poe'sie espa- j^nole, dont il n'e'tait jias question dans I'ouvrage; ici M. Ancillon a re- uionte plus loin que dans Ic cliapilrc correspondant de son livre, et son cxamcn cmLrassc les cinquantc dernieres' annc'es. On voit que les niatiercs abordees par M. Ancillon sont des plus gra- ves; nous ne connaissons pas de questions plus ge'ne'rales, plus e'leve'es, plus importantes. Mais, il faut le dire, le fond ne re'pond que faible- ment a ce magnifique cadre ; car la vraic profondeur pbiloscphique sc liiit partout de'sirer. M. Ancillon e'crit pour une certaine classe de per- sonnes qui aiment a savoir, sans se donner bcaucoup dc peine, ou en sonl les grandes questions; ct il posscdc a un baut degre le talent de sa- tisfaire et de cbarmer cetle sorte de lecteurs. Un style lucide etbrillant, une grande babilete d'exposition , voila des dons e'minens de ]M. An- cillon. Mais il y a, en France menie, et dans Tccole analogue aux opinions que M. AnGillon repre'sente , des exemples qui prouvent assez que ces dons peuvent fort bien s'allier avec une certaine me'diocrite pbilosophique. Peut-etre la partie la plus substantielle et la plus soli- dcnicnt traite'e du livre de M. Ancillon est-elle le niorceau snr la poe'sie; c'cst du moins celle que nous avons lue avec le plus d'inleret. La ques- tion A'esthetique y est assez le'gerementeffleure'e; mais on y trouve une histoire succincte de la poesie moderne de 1' AUeinagne , de 1' Aogleterre et dc la France ; le style de ce uiorceau a loutcs les qualite's du style dc M. Ancillon, et les ide'cs annonccnt une profonde et e'gale conuaissance de CCS trois litte'ratures. 37. WiNKF, zuu KiiiTiK Hegels, ctc. — Indication pour servir a la critique de Hegel , a V occasion des pretentions pen scientifi- ques de M. G-s , dans la Gazette d'etat de Prusse. Munich, 1 83.;. ; Georges Tranz. In-r.>. de 3(5 p. ■ VIE DE HEGEL. Cette petite brochure, ccrite avec clartc et precision , est une re'ponse aux assertions cmises par IM. Gans, au sujet de Hegel, son maitre ct son ami, dans la Gazette d'etat de Prusse, en y annonfant la mort de ALLEMAGNE. l3l ce celebre pliilosophe. Avant d'entrer dans I'examen de cette re'ponsc , nous aliens donnor quclqiies extraits de I'artick de M. Gans, qui for- raent une notice biograpliique sur Hegel, et nous paraissent de nature a inte'resser nos lecteurs. « George-Wilhelm-Fre'de'iic Hegel naquit a Stuttgart, le 27 aout 1770. A I'age de 18 ans, il se rendit a I'universite de Tubingue, ou plutot a I'e'cole tbe'ologique de cette ville,.pour s'y adonner aux etudes de the'olo- gie et par suite a celle de la philosopbie. H y f'ut pendant plusieurs an- ne'es le corapagnon de cbambre de Schelling : une e'troite enceinte rcnler- mait alors en meme tems et celui qui dans son jeune enlhousiasnie devait donner une impulsion nouvelle a la philosophic, et celui q;ii e'tait appele a I'e'Iaborer avec une male profondeur. Jamais Hegel n"a perdu le souvenir de cette affection de jeunesse ; jamais scs amis Ics plus intimes ne I'ont entendu deVerscr le moindre blame ni sur la pcr- sonne de Schelling , ni sur sa doctrine au-deSsus de laquelle, cepcndant , il a su s'e'lever.La premiere pe'riodede la vie de Hegel coVncida avec une e'poque d'agitation critique : a I'ouest, les ide'es du 18'' siccle avaient obranle la constitution politique; a Test , le fondatcur de la philosophic moderne (Kant) avait renverse' le dogmatisme vide qui re'gmiit avant hii. Hegel fut saisi a la fols par ces deux mouvemens el re'solut de se voucr tout entier a la philosophic. Lorsqu'a la fin du 18'' siecle,Fichte appanit avec taut d'eclat sur la scene , il compta pendant quelqiie tems parmi ses disciples Schelling et Ilegcl , eux qui ne devaient pas tarder a le combattrc et a le de'passer. • » En 1800, Hegel ayant recueilli rhe'ritage de son pere se rendit a ' le'na , ville d'universite qui s'e'lait e'leve'e au premier rang en AUcma- gne pour I'enseigncment philosophique. II chercha a y re'pandre les principcs de Schelling , publia un livre snr la difference des systcmes de Fichte et de Schelling , ainsi que plusieurs articles remarquables dans le Journal critique de Philosophie , et entreprit un cours auquel assis- tcrent des honimes que leurs importans travaux ontplus tarcl fait connai- tre, Icls que Gabler de Baircuth ct Troxlcr de Lucerne. Son sejour a le'na le mit aussi en rapport avec Schiller ct avec Goethe, dont la saga- cite devina des lors le germe fe'cond cache en lui sous une e'corce un pcu rude. Cependant les circonstances politiqucs empechercnt long-tems Jc qouvcrncmont de rien faire jiour Hegel, et lorscju'en i8o6 , apres Ic 9. l32 LIVRES ETRANGEBS. depart de Schelling , il fiit nomme professenr extraordinaire de philo- sopliie, il no refut encore qu'un traitcment des plus raodiques. Ce fut ail bruit de la bataillc de le'na que Hegel fermina sa phenomenologie de V esprit, ouvrage dans lequel il sc se'para pour toujours de re'cole dc Schelling. II y c'tablit, contradictoireruent aux principes de ce phi- losophe , que la science ne consistc point dans la simple intuition dc I'absolu ', que I'intuition intellectuelle est la conquete du savoir pbiloso- plnque dans son re'sultat dernier , qu'il y a ne'cessile d'une re'forme dans la philosophic, pour en faire disparaitre ce pindarisme , ce ton de mys- tique enthousiasme qui constilue le principal defaul des disciples de Schelling , ct pour ramener la philosophic a sa veritable forme , la forme scientifique. » Nomme, dans I'automne de 1 808, recteur du gymnase dc Nuremberg, oil il se maria avec mademoiselle de Tucher qui lui survit aujourd'hui apres vingt ans d' union , Hegel de'pioya ses talens et son activite dans une direction nouvelle , celle de I'enseignement. — La paix qui suivit la restauration ouvrit aux travaux philosophiques une vaste carriere, et ce que Hegel n'avait jusqii'alors repre'sente que pbenome'nologiqucment se dessina peu a peu dans son esprit sous des formes objectives. II pu- blia sa Logique , premiere et principale partiede la philosophic, et qui ne se compose pas seulement des formes de la pense'e subjective , car sous le nom de loglque Hegel comprend aussi la mc'taphysique. » En 1816 il accepta une chaire de philosophic qui lui fut offerte a Heidelberg. Ici commence la pe'riode brillante de sa carriere philoso- pliico-academique : autour de lui se rassemble un cercle de jeunes e'lc- ves de toutes les faculte'sj I'originalite' et la profondeur. de son systeme percent a travers une exposition encore obscure , et se I'c'velent meme a ceux qui ne le comprennent pas encore completement. Le nom de Hegel, qui jusqu'alors n'avait etc' connu que des homnies voue's spc'cialement a la science philo&ophique, devient celebre dans toute I'AUemagne. Mais c'etait surun autre theatre que Hegel devait donner a ses ide'es tout leur de'veloppemcnt , et acque'rir une renomme'e curopeeune. Lorsqu'cn 181 7 il eut public' son Encyclopedic des sciences philosophiques , le pre- mier acte du grand homme d'etat , place alors a la tcte de I'instruction publique en Prusse , fut d'appeler Hegel a I'universite' de Berlin. Mal- gre' les efforts du gouvemeroent badois pour le retenir , Hegel , jaloux ALLEMAGNE. l33 d'agi-andir sa sphere d'action , accepta le poste qu'on lui ofirait. II par- tagea I'enseignement avec Solger durant la premiere anne'e, puis en remplit seul la fonction pendant douze ans , et , assiste' par ses e'leves , dont plusieurs e'taient devenus maitres a leur tour, il donna a sa pbiloso- phie unerenomme'eeurope'enne.Lesjouissances de tout genre qu'iltrouva a Berlin lui rendirent I'ardeur de la jeunesse ; il fit successivement a runiversite'neufcourssurlalogique et la rae'tapliysique, la nature, lapsy- cbologie et le droit , Thistoire , I'art , la religion et I'histoire de la phi- losopliie. Son exposition manquait de cette facilite' , de cette prompti- tude de diction que possedent souvent des liommes me'diocres ; mais celui qui savait ne pas se laisser rebuter par cette apparence se tiou- vait transporte conime dans un cercle magique, par la luciditc' que le professeur savait donner a toutes les questions et par I'e'nergie de sa pa- role. » Dans la derniere annee de sa vie , le roi de Prusse lui te'moigna son cstime en le de'corant de I'aigle rouge de troisieme classe. Alors aussi son nom et ses ouvrages pene'traient chez les nations etrangeres. Les Franfais se sont surtout occupe's de ses principes sur la pliilosopliie de i'histoire. Cousin, Chateaubriand, Lherminier, Michelet, et en dernier lieu les saint-simoniens Font e'tudie' et fait connaitr'e : les Anglais pla- f aient ses e'crits dans leurs biblictheques ; son nora et ses travaux pene'- traient dans le Nouveau-Monde. Hegel estmort le i4 novembre i83i, jour anniversaire de la raort de Leibnitz ; il repose a cote de Fichte , son illustre pre'de'cesseur. Sa perte sera vivemcnt sentie dans le monde philosophique,danslequel il laisse un vide impossible a combler. Kant dans sa vieillesse a vu Fichte s' clever ; Fichte animade son esprit I'in- telligence pre'coce de Schelling ; Schelling a vu grandir Hegel a ses co- te's, et maintenant, e'loigne depuis vingt ans des travaux philosophiques, il survit a son ami. Hegel laisse une foule de disciples distingue's , il ne laisse pas un successeur. La philosophie a maintenant acheve le cer- cle qlielle devait parcoiirirj ses progres ulterieurs ne peuvent se fonder, pour le moment, que sur la m,ethode traces avec autant de vlarte que de precision par le grand homme dont nous pleurons au- jourd'hui la perte irreparable. » Ce sont particulierement ces dernicres phrases qui ont provoque la ve'pliquc de M. de L— i, rc'pliique tant soit peu acerbe dans sa forme : l34 . LIVRES ETRANGERS. rautcur s'y clevc contre la trop grande importance attribue'e, selon lui, nn\ travaiix plnlosophiqucs lIc Hegel. ICn meme terns que Hegel, dJt-il, vivait, iin autre pliilosoplie d'un esprit original, vaste et indcpen- dant, dont la doctrine est, dans sa base et daus scs re'sultats pratiques, infiniment supe'rieure a celle de Hegel ; cc philosophe est M. Frederic Krause ( actucUement a Munich). Si jusqu'a ce jour Krausc n'a pu exercer son activite dans une vaste sphere, c' est que les gouvcrneniens, qu'il n'a jamais flalte's, Tout laisse sans aucun appui ct se sont meme ef- furces de lui raettre obstacle ; mais le monde ne pent tarder a reconnaitre la haute porte'e the'ologique ct pratique du systeme de Krause. — Pour nous qui tenons aussi a honneur d'etre un disciple de ce philosophe, nous sommes partie inle'resse'e dans cette lutte , et nous souscrivons plei- nement a tout ce qu'avance M. de L — i sur sa doctrine et sa' personne. On pent regarder cette brochure comme I'avant-coureur d'un plus grand combat , qui ne saurait tarder a se livrer entre dcs principes aussi diffe'- rens que ceux de Hegel et dc Krause. Les questions fondamentales de la critique ct du jugement y sont nettement posees. Le grand me'rite de Hegel est d'aToir puissammcnt contribue par sa logique a e'tablir la philosophic sur une base profonde , absolue , et de I'avoir de'fendue contre la tendance superficielle qui menacait de prendre le dessus en Al- lemagne. Tout cela recoit de la partde M. L — i une juste appreciation; mais' en meme tems il e'tablit que la philosophic de Hegel , prise comme point de depart, ferait retrograder la civilisation de plusieurs siecles , et que ses consequences sociales , par lesquelles on pretendrait attacher le regne intlni des idces a la donne'e d'un certain lieu et d'un certain tems , presenter I'liumanite' comme parvenue a son plus haut degre de de'velop-* pement dans les institutions e'tablies au bord de la Spree, imposer en un mot pour mission a la science philosophique d'etre la monographic de I'e'tat prussien , sont contraires au veritable esptit de I'humanite' j qu'enfm un disciple de Hegel ferait mieux d'observer le silence sur cette )>artie dela doctrine de son maitre. Le systeme de Krause, au contrairc, (lit I'auteur, comprend I'humanitc' dans toutes ses phases intellectucUes et sociales. Le nouvel esprit de la civilisation demandait cette doctrine pour guide dans sa route d'avenir. Avcc elle commencera une ere nou- velle pour I'huraanite. Nous ne poursuivrons pas ici ces ide'es qui nous sont communes avcc ALLEMAGNE. 1 36 M. L — i. Nous avons promis de donner sur le systeme pliilosopLiqiie de Kraiise uue exposition qui sera admise dans un procliain cahier de cetle Revue. Le public fran§ais se trouvera alors en mesuie de portei' uu jugement sur ce systeme. H. Ahrens , de Goettingue. 38, MoRGENL^NDiscHE DicHTUNGEN , etc. — Poemcs oricntaux , par A. Oehlenschl.'eger , Leipzig , i83i j Brockhaus. Deux voL in- 1 2 de 3i7 et 241 pag. Les Orientales du poete danois ne ressemblent ni a cellos de Goethe, ni h celles de Victor Hugo. Ce sont des contes arabes pre'sente's sous une forme dramatique , et orne's de toutes les ricliesses d'unc briliantc poe'sie. Oehlensclilaeger avait deja montre par son Aladdin combicn sa fp'conde imagination excclle a traiter ces fables gracieuses , en leur conservant le ton naif, enjoue' et parfois aussi plein de sentiment qui les distingue ; peut-etre meme sa muse se plait-elle davantage au milieu des, fees etdes gc'ans des Mille et une Nuits que parmi les Scaldcs et les Walkyries du Nord qu'elle a long-tems fre'quente'sj elle scmble du moins retrouver sous leur beau climat la chaleur de sa jeunesse. Cliacun des deuxnouveaus volumes contient un poeme dramatique; le premier , la Fille du pecheur, nous semble supericur en invention et en poesie au second , les trois Jumeaux de Damask. Gelui-ci est une come'die , dont plusieurs situations fort amusantes feraientpeut-etrc fortune a la scene , si nos theatres ne les avaient deja un peu, usees. Nous ajlons essayer de donner une idee de I'un et de I'autre. Un pauvre pecheur habite avec sa fille et deux petits enfans une mi- serable cabane au bord de la mer Rouge. Un marchand d'esclaves des- tine'es aiix scrails des princes s'arrete en ce lieu, et y fait camper pour une nuit sa belle caravane. Celui-ci, pecheur aussi comme il le dit , mais « pecheur avec les filets de la ruse dans le grand fleuve des passions, » propose a sou pauvre confrere, aprcs toutefois s'etre informc s'ilestbonmusulman, vrai crojant, tel enfin que le fruit de'fendupuisse lui sembler d'aulant meilleur , de vider ensemble une cruchc de vin do Geylan: il I'enivrc , et peu a peu le determine a troquer s,i fille contre mille pieces d'or. Amine est euqiorte'c endormie de la chaiimieie paler- nelle sous la tente du marchand d'esclaves. — Le lendeinain matin , I 36 LIVRES ETR ANGERS. quand Jcs vapciirs- dc I'ivrcsse sont dissipe'cs , Sandi'b , au dc'sespoii' d'avoir conclu cct odicux marclie , jctte a la mer For qu'il a refu. line fee , habitantc dcs caux , prend pitie de ses p6tits cnfans , prive's des soins maternels de leur sceur ; elle depose de terns en terns sur unf rocher du rivage une dcs pieces d'or que leur peie a jete'es a la mer, afin que le plus jeune des enfans, le petit Lolo , la trouve lorsqu'il vient y joucr avcc des coquillageS, Ces premieres scenes sont peut-etre lesplus agrc'ables de I'ouvrage. Amine , vendue par le marchand d'esclaves au fils du sultan , inspire une vive passion a celui-ci, qui, selon I'usage des amans grands seigTieurs dans nos operas, se de'guise en jardinier, afin de raeriter sa tendresse avant de lui dc'couvrir son rang. Cependant Agib a de'daigne' I'amour d'une mc'chante fee^ nomme'e Florestane , qui , pour se venger de lui et de sa rivale , expose I'un aux attaques d'un demon des bois , et I'autre aux morsures d'un serpent ; mais les amans e'chappent a ces dangers, et sont unis. — Florestane ne se tient pas pour vaincue : au moyen d'un breuvage diabolique, elle tourne la tete a la pauvre Amine , et lui fait croire que le prince , pour la se'duire , a pris la forme du beau jardi- nier auquel elle avait donne son affection, et change celui-ci en un vilain petit Maure , qui fait metier de vendre des prieres aux de'vots musul- mans. La fidele Amine reporte alors toute sa tendresse sur le vilain petit Maure , elle fait pour lui toutes sortes de folies , s'habille en noir, fait tendre de noir ses appartemens et ne veut sortir que dans I'obscu- rite' de la nuit , tout cela par amour pour la couleur sombre de son favori. — Pendant ce tems, le sultan Machmud , pered'Agib, excite aussi par la me'chante fee , prend la resolution de faire mourir son Cls ; il envoie chercher son me'decin , Duban , et lui demande a cet effet un bon poiso0, que celui-ci refuse. Ici se passe entre eux une scene bien connue par les contes orientaux : le sultan fait couper la tete de son me'- decin pour causer ensuite avec elle ; puis , sur le conseil perfide de ■cette tete, il veut parcourir un grand livre ou sont renferme's , dit-on , des secrets importans , et mouillant ses doigts a sa bouche pour en de'ta- chcr les feuillets , il s'empoisonne : il meurt , et Duban le me'decin rc- prend gaieinenl satetc ; avis aux tyrans trop curieus! Par suite de cclte morf , ie prince Agib monte sur lotrone. Ainsi se termine la premiere partie du drame , composce comme la seconde de c inq actes. ALLEMAGNE. I'd'] Florestane poursuit le coiirs de ses vengeances. Le nouveau sultan se fi^che des fre'qucntes visiles de son e'pouse chez le Maure Abdallah, qu'elle prend^ toujours pour le veritable Agib. ~Celui-ci tue le vilain Maure j et Amine , qui a reju de la fee une baguette magique , change en pierre la partie infe'rieure de son corps , toute sa suite en poissons et en grenouilles , et le pays entier en un vaste lac. D'autres scenes se passent au bord de la mer Rouge. Florestane a de'- couvert que la vie du petit Lolo , frere d' Amine , met sa propre exis- tence en danger ; elle le jette dans les Acts , d'oii il est sauve par la fee protectrice de cette famille. Le pere croit son enfant perdu et se livre a sa douleur. Arrive un voyageur europe'en , lequel trouve cette douleur fort ridicule de la part d'un homme qui pent voir chaque jour de sa fenetre le lieu ou Moise passa la mer a pied sec ; le voyageur, amateur de curiosite's , achete un caillou avec lequel Pbaraon , dans sa colere , blessa le prophete , et qui conserve une petite tacbe rouge provenant , dit-il , de sang pe'trifie' ; il coramande a son peintre un dessin des pyra- mides en grandeur naturclle. Le pecheur jette ses filets et retire de la mer une cassette , il I'ouvre ; une grande fume'e s'en exhale, s'e'paissit , prend un corps et se re'sume en un ge'ant. Nous connaissons cette histoire par les Mille et une Nuits. Le geant promet au pecheur de lui faire retrouver sa fille; il le conduit au bord du lac enchante , qui fut naguere le royaume d' Agib ; la, Sandib prend dans ses filets quatre poissons eltraordinaires par leurs formes et leurs couleurs ; cc sont des personnages de I'ancienne cour transfor- mes par la baguette d' Amine ; il les porte au sultan Selim. Celui-ci, tout surpris, veut visiter le lac; il y trouve le pauvre Agib fixe' sur son trone par ses jambes pe'trifie'es , et sa folic e'pouse le fustigeant chaque matin sur ses e'paules demeure'es sensiblcs. — Le petit Lolo a seul le pouvoir de rorapre cet enchantement : arrae d'un talisman qu'il a en- leve a sa soeur , il contraint Florestane a se blottir dans la cassette , oil elle-ineme avail lenu renferme' pendant des siccles le ge'ant son mari : celui-ci I'emporte dans les airs. Le lac redevient alors un royaume , Agib recouvre ses jambes , Amine sa raisoii , et les poissons et les grenouilles redeviennent leurs fideles sujets. Tel est le canevas de ce joli conte dramatique. Le second n'est pas emprunte au domaine de la fe'erie ; toute son intrigue repose sur la res- semblance extraordinaire de trois jumeaux. l38 LIVRES ETRANGERS. Deux d'entre eux , pauvrcs comme Job, anivent a Damask , pour y re'clamer I'assistance de leur fiore, dcvcnu riche. Cclui-ci cherche a s'en dcbairasser, car il est avare et jaloux , et il craint qtie ses ireres n'esploitent leur parfaite ressemblance avec lui , soil aupres de sa propre ferninc , soit pour einprunter dc I'argent sous son nom. De la une foulc de scenes comiques dont pourraient s'enrichir nos Menechmes. Un aubergiste s'imagine servir a diner au ricLc Babekan , tandis que c'est un des pauvrcs freres qui en profile 5 il tourne le dos , et I'autre frerc , prenant aussitot la place du premier, se met a manger de plus belle J et I'aubcrgiste d'admirer le prodigicux appe'tit de son bote, qu'il croit tonjours le meme. — Plus tard Lira, femme de Babekan, ayant pitie' de ses malhcureux beaux -freres, les cache dans la cave de son mari : ils y boivent jusqu'a tomber endorrais. Lira , fort em- barrasse'e j appelle un portefaix , et cachant I'un des deux ivrognes , elle fait eraporter I'autre au caveau des morts ; puis , lorsque le porte- faix rcvient , elle lui raontre le second, et se plaint de ce qu'il n'a pas exe'cute'sa commission. Le portefaix , etrangement surpris, cmporteson nouveau fardeau ; mais au retour sa surprise est bien plus grande en- core , lorsqu'il rencontre le troisieme frere, qu'il prend toujours pour le meme ; il le charge de force sur ses e'paules et va le dc'poser avec les autres dans le caveau des morts. La , les trois freres sont enleve's au lieu de trois jeunes fdlesqui devaient y etre cache'es. Toute cette affaire est portc'e devant le sultan Haruu-al-Rascliid, qui pour s'e'gayer fait pren dre a nos jumeaux une boisson soporifique. A leur re'veil les deux pau- vrcs se trouvent berce's par des houris dans un jardin qu'ils prennent pour le paradis terrestre , tandis que le riclie Babekan , entoure' de diables qui le harcelent, se croit descendu dans les enfers : il se corrige de son avarice, et cede a ses freres une portion de sa fortune. 39. Fragmente ueder die Religion des Zoroaster , etc. — Frag- mens sur la religion de Zoroastre , traduits du persan , et accom- pagne's d'un comnientaire etendu, avec la vie de Ferdusi, tirc'e Ae la. Biographie des poetes dc Dauleischah , par le docteur J.- Aug. WuLLERs. Bonn, i83i. In-8" dc xxxii et \-i."j pages avec 1 3 pages de textc persan. La vie du cclebre autcur du Sc hah- name h , e'cnlc en persan par ALLEMAGNE. 1 89 Daiiletschali Samarcandi, avail c'te tradiiite et publiee en francais par M. Sylveslre de Sacy dans le qiiatricme •volume des Notices et ex- traits des manuscrits de la Bibliotheque dii roi. M. WuUers a con- suite' cctte traduction ^ mais, en corrigcant plusieurs inexactitudes , lui- meine cependant s'est laisse cnlrainer a reproduire quelques erreurs du menie travail, crreurs que pciit-etre il eiitevite'es s'ilcut marche' sans au- tre guide que sa propre connaissancc de I'ldiome original ; c'est ce que M. de Sacy a fait remarquer lui-meme avcc cette bonne foi qui sied bien a un grand talent, dans un article du Journal des Savans, auquel nous empruntons ces renseignemcns. Les Fragmens aussi avaient e'te' extraits des manuscrits de la Biblio- tbeque du roi, et public's a Paris, enpersan, par M. Mohl , en 187.9, mais sans traduction. M. WuUers fait done, en les tiaduisant, une ceuvrc nouvelle et utile. Ces fragmens sont au nombre de trois. Le premier, souvent cite' par Anquetil-Duperron , est intitule: Oulemdi-islam (les Docteurs de la religion masulmane). C'est un petit traite ou, sous la forme de questions faites pas des docteurs musulmans , et de re'ponses atlribuees a un Parse, on expose les dogmes principaux de la religion de Zoroastre. I»e deuxicme morceau n'est qu'une notice tres-seclie des vingt-un nosk OU parties dont, s'il faut en croire la tradition des Parses, se composait primitivement le Zend-avesta , et dont un seul, le Fendidad, nous a e'te conserve. Le troisieme est une reunion de divers fragmens du Schah- nameh. Selon I'e'diteur franfais de ces fragmens , les trois premiers font partie du poeme de Dakiki, que Ferdusi a inse're dans le Schah- nameh, et le dernier lui appartiendrait en propre. 4o. AixNALEN DES KiRCHENRECHTs , ctc. — Annoles du droit eccle- siastique , cathoUque , protestant et Israelite ; publie'es par le docteur H.-L. Lippert. Premier cabicr. Francfort, i832j Andreai. La premiere livraison de cet ouvrage pe'riodique contient plusieurs articles importans dont nous allons indiquer les titres : Observations sitr les Concordats avec la cour de Rome , par le professeur Bren- dcl , de Wiirzbourg ; sur les Limites respectives des autorites spiri- tuelles et temporelles , par le cure Pfeiffer, de Stcinhcim j sur le Droit de lever la dime , par le conseiller hcssois Steiner ; Examen l4o LIVRES ETRANGERS. Ae proces' remarquables en dissolution de manage , par Tediteur (111 rccneil , M. Lippert. 4i. Df.k sterbende Gregoire, etc. — Gregoir^ mourant condamne :par V archevcque de Paris, i83i ans apres I'ere chretienne , ou preiive que le papisme romain nest point chretien , par Chris- tian Antiromanus. — Muaich , i83i , ct Vicnne, chez Gcroldi 4^. Die Zeit , etc. — Le Terns, fcuille constitutionnelle. Augsbourg, a rimpriinerie d' Albert Volkhart. Prix d'abonnement , 3 florins par trimestre. » Cc journal quotidien, dont le redactcur responsable est le docteur Henri Kurz , parait depuis le i*^"" aviil. II est exclusivement con- sacre' aux affaires politiques de I'Allemagne , et reproduit avec c'tendue les dcTjats des assemble'es legislatives. « Nous proce'derons avec calme et moderation lorsqu'il s'agira des pcrsonnes , dit le Prospectus , mais en fait de principes, nous n'apparticndrons jamais au juste-milieu. » 43. Renea von Este und ihre Toechter, etc, —Rene'e d^Este et ^ ses Jilles , Anne de Guise, Lucrece d'Urhin, et Eleonore d^Este, par Ernest Munch. Aix-la-Chapelle et Leipzig, iB3i; Mayer. In-8° de xiii et 4oi pag. Le second titre de ce volume {Femmes remarquables de I' Italic, leur histoire et leurs ecrits , tome i"' ) semble le rattacher a une grandc collection , qui ellc-mcmc se rattache a une collection plus grande encore , ainsi que I'auteur I'indique dans sa pre'face : « Mon in- tention , dit-il , est de composer peu a peu une histoire suivie des femmes les plus illustres de tous les tems et de toutes les nations , telles qu'cUes nous sont pre'sente'es , soit dans leur vie re'elle , soit par les tra- ditions , les le'gendcs ct la poe'sic ; car les cre'ations ide'ales ont aussi leur existence historique dans I'esprit de I'liumanite'. » II faut que M. Munch corapte sur sa prodigicusc facilife' de travail pour entrepren- dre a lui seul une pareille tacbe; mais ses pre'cedens sont de nature a t-n fairc espe'rer la realisation. ALLEMAGNE. l4r 44- Neuer Nekrolog der Deutschen. — Nouveau Necrologue des Allemands ; Luitieme annee , contenant des Notices biogra- phiques sur quatorze cent soixante-six personnages remarqua- bles marts dans le cours de V annee i83o. llmenau , i83i j Voigt. Deux vol. in-S"; prix , 4 ih. Voici quclqucs-uns des noms qui figiirent dans ces deux volumes : La grande-duchesse Louise de Weimar ; le general prussien York ; Lecoq , ge'ne'ralissime de I'arme'e saxonne j le comte de Dankelniann ; le baron de Drais , inventeur des draisiennes ; I'e'veque Munter , dc Copenhague; les ihe'ologiens Gannabich , Delbriick et Regis; le natu- raliste Sce»mraering ; le ge'ograplie Stein ; le peintre Poclunann ; le gra- veur Gothard de Muller; les poeles et romanciers Weisbaupt et Wai- blinger ; I'auteur des Itineraires de la Suisse , Ebcl , etc. , etc. 45. Briefe eines Verstorbenen , etc. '— Lettres d^un defunt ; journal fragmentaire d^un voyage en Angleterre , dans le pays de Galles , en Zelande , en France , en Allemagne et en Hol- lande. Deuxieme edition , avec gravures et lithographies. Stuttgart,- l83i; Hallberger. Quatre vol. Nous avons annonce' les deux premiers volumes de cet ouvrage ; la nouvelle edition en eontient deux de plus , comprenant le voyage de I'auteur eu Hollande et en Allemagne. Les Lettres d'un defunt ont excite une vive curiosite : on les a traduites ct publie'es en An- gleterre {Tour in England, Ireland and France , etc., by agerman prince) oil elles ont e'te'd'abord attribue'es au prince Piickler de Muskau , bien connu dans les cercles de Londres ; inais la ff^estminster Review est venu dernierement de'mentir cette opinion ; I'auteur des Lettres d'un defunt n'est pas , suivant elle , le prince Piikler de Muskau^ mais un jeune Irlandais , de bonne famille , qui les aurait e'crites pen^ dant qu'il se trouvait au service d'une puissance e'trangere , et I'aumd- nier de son regiment les aurait traduites en allemand. lA2 LIVRES ETRANGERS. ITALIE. 1 40. Pbincipj di civile economia. — Piincipes d'e'conomie civile, par G. ScuDiiii. ISaples. 4 vol. SCIENCE tCONOMIQUE EN SIGILE. Scuderi est professeur d'e'conomie politique a I'liniversite de Catane, en Sicilc ; le livre que nous annoncons est la collcclion de ses Icfons puLliqucs. Ellcs lui out acquis dans son ile et sur le continent italien la reputation d'lioniuic fort, quoique an fond son e'conoraie politique ne soit pas neuvc. II a le rneritc d'avoir importe et presque popularise' en Si- cilc Ics doctrines ultraraontaincs. Que M. Scuderi ait pose en principc la necessite' d'une intervention gouvernemcntale dans les affaires de I'industrie, ce n'est pas, du ra.oins dans ces termes, ce qui poiirrait nous blesser; nous aussi nous croyons qu'a la guerre meurtricre qui se livre sous le nom de concurrence doit un jour succc'der un systeine d'asso- ciation et de direction des tra\'aux iudustricls, sous la pre'sidence d'une administration e'claire'e et pliilanlropifjue. Mais cc qui a bien droit de surpi'endre , c'est que I'c'conomiste italien ait conserve cette doctrine en presence desexemplesqu'il avait sous les yeux, a moinsqu'il ne les en ait de'tourne's pour se cre'erunide'alplussatisfaisant. Tant que le gouverne.- raent demeura ctranger, ou a peu pres , a I'industrie et au commerce si- cilien, I'un et I'autre furent assez florissans; aujourd'luii qu'il s'y est immisce et qu'il les domine en despote , ils languissent. Je veux bien que les circonstances exte'rieures , en operant une revolution dans les rapports mercantiles de 1' Europe , aient frappe4a Sidle d'une atteintc funeste; mais toujours est-il que la lourde main du pouvoir adminis- tratif a non-seulement ete'impuissante a la parer, mais qu'elle n'a raeme pas reussi a en adoucir la rudesse. La Sicile est restee sous le coup. II faut dire aussi que je gouvernement napolitain semblc avoir pris a tache la ruine de toute industrie nalionale. Je me souviens de deux faits cini mcttent au grand jour son ignorance ct sa folic. Des Sicilians avaicnt fonde pres de Palerme , I'un une manufacture de vcrre , I'autre une de drap. Que fit le gouvernement? Poussant le despotisme jusqu'a I'absurde, il frappa la premiere, en guise de patente, d'une taxe arbi- ITAI^IE. 143 traire excessive , surtoiil pour une entreprise naissanle , et la tua du coup. L'autre eut le meme sort. L'e'tat voulut fixer iui-meme le prix lies draps; il le fit si maladroiteracnt que la manufacture ferma et faillit. Des essais si malheureux n'etaient pas propres a encourager. lis n'onl point trouve' d'imitateurs , et force est toujours a la Sicilc de se pour- voir de tout a I'etranger. Loin de moi I'ide'e de rendre le savant professeur complice des aveu- glemens du pouvoir : cependant du systeme qu'il soutient ct qui suppose pour etre bienfaisant une organisation sociale toute particuliere , de inauvais gouvernemens ont su tirer les consequences les plus abusives. Telles sont les prohibitions commerciales dont M. Scudcri se fait I'apolre. Nulle part ce systeme n'a e'te' plus rainutieusement et plus ri- goureusement applique' -que dans le royaume des Deux-Siciles, et nous ne voyons pas ce qu'y a gagne I'industrie publiquc. Malgre les droits exorbitans qui grevent aux frontieres tout produit e'tranger , il ue s'cst jamais e'leve' dje ce pays une manufacture en e'tat de soutenir la concur- rence avec la France ou I'Angleterre. Cependant les matieres premieres n'y manqucnt pas : laine, liuile, lin , soie , tout y abonde; mais tout s'exporte en nature. lis vendentun ou deux aux Anglais les laines brutes de la Pouille el les raclictent d'eux vingt ou trente , ouvre'es sous forme dcdrap; de meme de I'huile. Marseille s'enapprovisionne a Tarente , a des prix che'tifs , et renvoie son savon a Naples a des prix fort e'leves malgre les droits de douane et des vexations de tout genre. Voila ou en est I'industrie dans cet admirable royaume. Riclie et fertile en tout il est le plus pauvre de I'Europe. En presence de tels fails , il est triste de voir la science formulcr ct de'fcndre les doctrines prohibitives : son devoir serait de protester au lieu d'applaudir. EUe n'est vraimenl bonne et utile qu'autanl qu'clle arbore Te'tcndard de la liberie. Aussi I'ouvrage de M. Scuderi a-t-il e'te' fort bien vcnu a Naples , el le gouvernement I'a-t'-il accueilli comme un champion; cela seul suffirait a jeter sur lui de la de'faveur. On dit bien que radministration napolitaine a tcntc quelqucs efforts pour fairc servir a I'avantage de I'industrie nalionale le systeme oj:)pressif de douanes qui enveloppe Ic pays comme d'un mur d'enceinte. Je ne sais sur (juelle base il aura travaille; quoi qu'il en soil de ses accesd'esprit public, les fails que j'ai cites n'on subsistent pas nioins. Je les ai re- cueillis sur les lieux. 1 44 LIVRES ETRANGERS, C'cst siir Ics lieiix aussi , c'cst en Sicile que j'ai lu Ic livre do M. Scuderi. II avail la pour moi, e'tranger, curieux des choses du pays, iin inte'lct de localite qui m'cn rcndait la lecture fort instructive, car <^'ost dans I'e'tat dc la Sicile , dans son liistoire ct dans ses besoins, que lo profcsscur catanais cherche continucllemcnt ses applications. La par- tie agricolc m'a snrtout intc'rcssc , car sous ce rapport la Sicile est dans une situation unique en Europe. L'abolition des djoits baronaux et plus tard des fidci-comrais y date d'hier. Cctte grande mesurc , ccttc luesm-c radicalc opcrc'c brusquemcnt et sans prepai-ations , a jcte' la no- blesse dans un'c'lat voisin dc la misere, atlendu que les noiuLreux crc- anciers des barons sc sont precipite's comme une nue'c de sautercllcs sur lenrs patrimoines devenus des lors alicnables et les ont partout expro- prie's. Le noinbrc des ruinc's est immense; ct bien des fils ont paycpour leurs pcrcs en lie'ritant de dcttcs qu'eux-ra^mes n'avaicnt pas contrac • tecs (i). Jc sais un prince palermitain, porteur d'un des premiers noms du royaume , et dont ks iiefs c'taient innombrablcs , qui vit aujourd'hui d'une petite pension que lui fait un vienx ciusinier; car, disons-le en passant, on trouve dans la classe des serviteurs siciliens des liommes d'lrac fide'lite a toute e'preuve. J'en pourrais citermaint exemple, raais ce n'est point ici le lieu. Ce morcellement subit de la proprie'te' a mis I'agriculture sicilienne aux arises avec des embarras inaccoutume's , car elle a cre'c des rap- ports inaccoutumc's : aussi I'inexpe'rience des nouveaux proprie'taires cut tout d'un coup a bitter avec un etat de choses sans exemple dans le passe du royaume. L'occupation anglaise compliqua la situation, etagite'e de secousses souvcnt violentes , I'lle est loin encore d' avoir trouve son assiette. Ces oscillations dureront long-tems, car le gouverneracnt na- politain scmble avoir pris pour regie administrative ce mot de la rcinc Caroline ,• que la Sicile est une e'ponge d'or. Elle la prcsse done h souliait pour en cxprimer le plus de sue possible , ct ses raesures agri? 5 , So , il alia memc, ra'a-t-on assure, jusqu'a 60. Or, ces frais de transports, a la charge du proprictaire , sont fort clevc's. Un proprie'taire d'Ugento, chcz qui je dcmcurais, payait pour i5o rotoli, liuit carlins (f. 3 0.0); or, Ugento n'cst qu'a dix millcs dc Gallipoli et le clicmin est en plaine. On pent baser la-dcssus une moycnnc. L'huilc se charge sur Ics hhcs de somme , dans des outres faites pour I'ordinaire de pcaux dc chevrcs qui lui communiquent souvent un gout de'testable. Outre la chcrte, les lenteurs, les mille de'savantages d'un parciF mode, il a rimmensc inconvenient d'enlevcr a I'agriculturc un nomlue conside'ral)lc dc bras et d'aniraaux proprcs a la culture. C'cst ainsi que, dans un mauvais ordre de choses, tons les abus se lient et de'coulent ri- gourcusement les uns des autres. Sur ce point le royaurae des Deux-Si- ciles mc'rite unc prime entre tons les e'tats mal adrainistre's. Autrefois la Sicile avait des rc'glemens agraires passables ; on cite en- core ceux de la dynastie soualje. Recemment I'agriculturc sicilienne re- 5Ut une impulsion , non par les soins du gouvernement , mais par ceux de quelques particuliers zelc's. Le prince Torre-Muzza et les deux pre- lats Airoldi et Ventimiglia firent voyagfr a leurs frais Paul Balsamo de Termini, qui connut Arthur Young en Angletcrre, et qui rapportadans son lie les raeilleures methodes agronomiques ; mais ellcs ne sont point encore descendues de la ihe'orie sur le terrain des applications, et la meme routine, les memes prejuge's, les memes rivalite's municipalcs subsistent et entravent tout. . Nous avons vu avec quelque satisfaction une de nos relations person- nelles , le chevalier Sant-Angelo , appele' par le roi de Naples au minis- tere de I'inte'rieur. Successivement intendant (pre'fet) de diverses pro- vinces , il a fait prcuvc de capacile administrative , suilout dans la (i) Le ducat napolitain vaut 4 fr. 4o c. La soma est dc \ 60 rotoli , le rotolo de trenle-trois onces. Ccst Ic poids du pays. Mais le rololo variesuivant lesmar- cliandises el meme les lieux ; le rololo de la viaiide, par pxcmplc, est de 48 onces. Dcll'i des confusions sans nomlire. ITALIE 1 47 Reorganisation dn TavoUere di Puglia. On a lien d'cspercr qn'il por- tera iin ceil e'clairc siir une luiserc tonjours croissante et la main a des abus aussi crians. Quoique ces de'tails soient en partie e'trangers an livredeM. Scndcri, ils s'y rapportent et ne nous ont pas paru de'place's ici. Si morcele's ct isoles qii'ils soient, ils peuvent jeter quelque luraiere sur une situation socialc a peu pres inconnue en France. Avant d'en finir, nous dirons que le professeur de Gatane n'est pas sans rivaux en Sicilc. II a un e'mule et au moins un e'gal dans la personne d'un professeur palermi- tain, le docteur San-Filippo , qui a aussi pulilie (Palerme, i8'28) une economic politique en deux volumes. II appartient a re'colede Smith et de Say, et n'a fait guere que les reproduire avec clarte. Mais, raoins pratique, plus scientifique, plus abstrait, il a trouve' moins d'e'chos dans son ile natale et y a e'veille moins de sympatliie. Aussi est-il moins populaire que son rival, sans, nous lerepe'tons, le lui ce'dcren talent ni en savoir. II nous semble en agriculture de I'e'cole de Balsamo , c'est-a- dir§ de I'ccole anglaise } on ne pent certes suivre de meilleurs mai- tres. On a du remarquer , sans que nous Fayons dit , que les divers ouvra- ges que nous venons de citer ne brillcnt pas par Foriginalite , et qu'ils ne sont, les uns ni les autres, de nature a faii-e avancer la science. Leurs auteurs nous semblent meme en etre reste's aux simples e'le'mens, a cette economic politique que I'on pcut appcler ancienne , quoiqu'ellc ne soit pas vieille d'anne'es , mais que la nouvelle a laisse'e bien loin derriere elle ed e'levant un^ science toute de rapports au rang de science sociale et la playant sur ses vraies bases. Get article n'est, du reste, qu'un rapport a I'opinion publique sur Fe'tat de la science dans les regions meridionales de I'ltalie. Nous au- rons sans doute a y revenir. S. R. 47. Prime letture dei fanciulli , etc. — Premieres lectures. pour les enfans de trois a quatre ans , publie'es par Bianca MiLESi MoYON. Milan, i83i ; Foutana. L'ltalie est un des pays peut-etre oil il y a le plus de femraes pa- triotes, dans le sens pur et primitif du mot ; c'est-a-dire de femmes pas- sionne'es pour les gloires antiques de la patrie , et pretes aux sacrifices / ID. 1 48 LIVRES ETB ANGERS. que I'avenir reclame. Madame Moyon est de cenombre. Elle sent au coeur Te'tat present de I'ltalic, mais elle sail que 1' education d'un peu- ple commence par celle des citoyens , et celle-ci des le berceau. Mere tendre, mais e'claire'e, elle a re9U les cnfans que Dicu a commis a sa garde comrac un depot dent elle est comptablc a, son pays, et c'est dans un but tout patriotique qu'elle dirige I'education de ccs jeuncs plantcs italiennes, nees en des jour-; d'orage, et qu'elle espere voir fleurir sous un cicl, plus clement. ly'enfant est sacre. Le sort d'un empire et du monde repose peut-etre sur cette tete fragile qu'un souffle pent briser. Abritez-la done avcc sol- licitiide ; fortificz-la afin qu'elle porte un jour sans flcchir le poids de ses destine'cs. Les Gracques naissent des Come'lies. Les Grecs voulaicnt aiipres de Icurs Cls des nourrices morales et cultive'es; madamc Moyon est le type de celtc institution antique et per- due, car elle n'a pas votdu, elle, qu'un lait mcrccBaire nourrit les siens, et mettant en pratique les saints pre'ceptes de Rousseau , elle a donne aux meres italiennes un cxemple trop pea suivi. Et apres avoir repu d'elle le ])remicr aliment du corps . c'est d'elle encore que ses enfans ont recu les premiers enscigncmens de I'esprit. Ces premieres lejons de I'enfance, simples comme I'enfancc elle-merae, elle les offreaujourd'hui aux femmc« d'ltalie, comme elle leur offrit naguere le spectacle d'unc matei'nite se'rieuse et de'voue'e. Nous ne saurions assez applaudir a d'aussi bons exemples , ni les re- commander avcc assez d'empressement. Si chacun, dans la sphere ou Dieu I'a mis , prenait ainsi a coeur ses devoirs , la chose publique en irait mit^ux, car ce n'est que de I'accord et de I'union des parties que peut naitre I'union et 1 harmonic de I'ensemble. Disons en tcrminant que le mari de madame Bianca Milesi, M. Moyon, fils d'un celebre cliimiste cspagnol, est un habile chimiste lui-meme , et exerce la me'decinc a Genes avec distinction. Persc.nne plus que lui n'eut e'te' proprc a seconder les nobles efforts de sa femme dans I'edu- cation de leur jeune famille ITALIE. l49 48. Della prima e della seconda Giovanna, regime di Napoli. — De Jeanne F* et Jeanne IF , reines de Naples , fragtuens curieux et importans de I'histoire italienne au moyen age ; par DoMENico Crivelli , Ye'ijiticn. Padoue , iSSt. LES DEUX JEAKHES DE NAPLES Get ouvrage ne nous est connii que par I'annonce superficiclle d'un journal italien; mais le siijet nous en a paru intc'ressant , et nous en consignons aumoius le litre dansl'inte'ret des e'ludes liistoriques. Les aventiires des deux Jeannes tiennent fort du roinan et en ont tout I'inte'ret. Aussi bien , pour lua part, ne sais-je pas de roman plus intc'- ressant que riiistoire elle-menie dans toute sa nudite'. Les romanciers et les poetes dramatiques se donnenl beaucoup de mal a invcnter des combinaisons ct des fails ; mais ils ont beau faire , ils I'esteront toujours au-dessousde I'liisloire : le niicux serail peut-etrede s'y tenir au moins de loin , de la prendre telle quelle, el de la fe'conder sans rallc'rer. On serail sur alors de rester dans le vrai , et on ne risquerait pas de lom- ber dans ccs ecarts qui de'shonorenl les lellres el la scene. Le regne de Jeanne seconde est loin cerles d'etre e'difiant , mais il est fertile en eVe'nemens romanesques. Tour a tour captive et geoliere de son mari , Jacques de Bourbon . elle resta mailresse du champ de balaillc , et ce demi-roi manque alia de de'goul et d'ennui se re'fugier sous la robe monacale; el, mourul cordelier a Besangon. Alors com- mence , pour sa royale mci''ie , le regne des favoris. II faut qu'elle ait pousse' loin le scandale pour que ses dc'sordres aienl fait e'poque dans I'hisloire. Carraccioli eul le plus long-terns les honneurs du boudoir, et sa bonne fortune I'enhardil el lui fit pousser I'irreVerence jusqu'a souf- fleler sa royale mailresse. Tant d'intrigucs el de de'baucbes finirenl par la ruine du royaume; et , Catherine sans genie, Jeanne la consommapar ses nombreuses adoptions. Avec elle s'e'leinl la dynastie angevine ; la mo- narchic napolilainelombe au joug de I'Aragonais, et Rened'Anjou , sou compe'tileur, tout charge' de litres et i-oi sans royaume , finil ses jours en France au sein des lettres. II faul savoir gre'aux Angevins de la protec- tion accorde'e par eux aux lettres italiennes. Jeanne fonda pour sa part , a Naples , les universite's de droit et de mc'decine. li'histoire de Jeanne V, protectrice des lettres , est plus roina- l5o LIVRES ETRANGERS. ncsquc encore. Ses cjuatre maris I'ont rendue ce'lebre. Quelle part prit- ellc ail mourtre du premier? Cetto question I'histoire nc I'a pas re'so- lue d'unc maniire si satisfaisante qu'il n'y ait plus rien a dire a ce sujct. Ce qu'elle adit sculemcnt , c'est que Jeanne e'tait jeune, son mari brutal, Ics intrigans du palais puissans ct ruse's, et la postcrite, plus touclie'e pcut-etre que convaincue , a eu pitie de la jeunesse et de la beaute , et a reju pour bonnes ses justifications. Ce fut un grand proces dans le tcms , ct tout le siecle en est plein. La cour d' Avignon , ou la jeune reine vint pjaider sa cause en personne , I'acquitta , et I'histoire n'a pasvoulu se montrer plus severe que le tribunal infaillible. Voltaire lui-meme la plaint. Sa mort, une mort atroce, etait certes bien faite pour de'sarnier I'avenir. EUe fut e'touffe'e entre deux matelas dans le sombr*? chateau de"lVIuro, en Basilicata. C'e'tait en i38i. Ce sont la des roraans comme on n'en invente pas ; et quand I'histoire se mele d'en faire , elle les fait grands et pathe'tiqucs ; elle de'fie les plus habiles et les laisse bien loin derriere elle. Nous ignorons queiles lumieres nouvclles I'historien ve'nitien a jete'es sur ces tableaux du passe. Nous signaloBS seulement I'apparition de son livre , et nous attendrons qu'il nous soit tombe sous la main pour de- cider si, comme le dil un pen fastueusement le titre, il est vraiment curieux et important. 49. Teatro thagico. — Theatre tragique de Coiuolano di Ba- GNOLO. i*"^ vol. Turin. Nous avons plusicurs fois eu I'occasion de parler des traductions qui se font en Italic, et nous avons encourage' les Italiens a un genre de tra- vail qui nous semblc propre a rectifier quelques-uns des prejuge's na- tionaux les plus enracine's dans la Pe'ninsule sur les lilte'ratures elran- geres. Mais voici venir un nouveau traducteur , ou , pour mieux dire , un arrangeur qui a pris a partie notre Pierre Corneille et le ref'ait. Ce premier volume conticnt Rodogiine, Polyeucte et le Cid, non tels que les a enfante's le genie de Corneille, mais jete's dans le moule de M. Bagnolo. En A'e'rite nous ne voyons pas I'utilite', quoi qu'en disc I'au- teur, d'unc pareilie i estauration , et puis, a notre avis, il faut etrc doue d'une trempc d'esprit assez c'trangc pour se plairc a broder ainsi sur un canevas rempli. Des ouvrages ainsi faits sont sans charnic, ils perdent IT A LIE. l5l leur couleur piiuiitive ct n'acquierent auciin des caracteres dc I'origi- nalite; ni Fran^ais ni Italiens, ce sont des batards. M. Bagnolo en a jiigc autrement, et se vantc dans sa preface d' avoir rendu au theatre ita- lien un service signale. II est vrai qu'en litte'ratiire il en est encore a feu M. de LaHarpe, qu'il n'appelle rien moins que le profondo svisce- ratore d'ogni letteratura. On ne s'attend pas sans doute a ceque nous rendions compte de toutes Jes parties du nouveau costume dont I'auteur italien a rcvetu les person- nagcs franjais. Deux mots siir le Cid seulement. Le but du restaurateur de Corncille es4 de faire courir la poste a ses trage'dies. Ainsi a-t-il fait du Cid. Pius d'Infante, plus d' Arias, plus de Le'onore,plus d'Elvire. Mais il re'sulte de re'limination de ladernierc un inconvenient quelque peu grave : c'est que la scene touchante du troisieme acte ou Cliimene confesse a Elvire son amour pour Rodrigue , ignorant que celui-ci est cache et I'entend, est perdue ou au moins en- tiereraent de'figure'e, car, dans I'arrangeur italien, c'est Rodrigue lui- meme que la pauvre enfant est obligee de prendre pour confesseur. Des lors le charme de la situation est detruit , et la delicatesse de la vierge espagnole singulierement alte're'e. Nous sommes loin de prendre la defense de ces froids confidens qui gatent tant de nos pieces , et nous ne voulons point justifier ici les lon- gueurs de Corneille. Que dans des pieces actuelics on n'imite pas ses de'fauts , d'accord ; mais lorsqu'il s'agit de le faire passer dans ime langne e'trangere, il nous semble legerement ridicule d'habiller ce grand vieillard a la moderne, en frac court et en chapcau rond. Laissez-lui sa perruque et ses chausses. Soyez de votre siecle, vous, je le veux bien , raais laissez-le du sien , lui? - — Traduttore, tradiiore, dit le proverbe italien. I^IVRES FRAN^AIS. 5o. Messianisme, Bulletin de I'linion (intinomienne . Paris , i83r2; aiix bureaux de runion antiuomienne , rue Montmartre , 164 et rue Bellefoml,n''5. In-4°. DOCTBISE MESSIAMIQIIE DE M. WROSSKY. ijQ premier inuuc'ro clu bulletin dc la socie'te' antiiuonicnne public' par M. H. Wronsky vicnt de paraitre. Cette publication, dont plusieurs circon- stanccs coutniiient la pc'riodicitc, doit faire suite au prodrome du mes- sianisme dont nous avons derniercment expose Ics idecs fondamcntales, et presenter Jes applications des principes de la pliiiosophie absolue aux questions ge'ne'ralcs de IV'poque actuelle. La livraison que nous avons sous les ycux offre peu d'intc'ret , en ce qu'clle ne rcaferme aucun deVeloppement nouveau de la doctrine que I'auteur se propose de reVe'Zer incessamment; ce sont toujours Ics memes declamations sur Vcffroyahle antinomie sociale et les memes jiro- messes sur sa destruction finale. Ce bulletin contient une introduction a une e'pitrc a S. M. le roi des Franjais siy I'urgence d'e'tablir des principes absolus pour le salut de la France et du monde civilise, et une lettre d'envoi a M. le pre'sidcut du conseil des ministrcs. L'intro- duction est destine'e a de'velopper les causes de I'opposition des deux partis qui divisent I'opinion publique , division fatalement impose'e a notre e'poque durant laquelle les liommes, n'ayant pas conscience de I'ab- solu , cherchenl les uns le bien rclatif et les autres le vrai relatif et ne peuA^ent par consequent arriver ni a la conciliation ni a la victoire, car aucun d'eux n'est en e'tat de donner entiere satisfaction aux justcs exi- gences de I'autre. Ces deux partis ine'vitablcs ne pourront marcher de concert que du jour 011, se proposant I'un et I'autre un but, non plus re- latif, mais absolu , leurs pretentions philosophiques ou religieuses, hu- maincs ou divines, se Irouveront associc'cs et confonducs. C'est ce que renfermaitde'ja fort a u long le prodrome du messianisme. Dans sa lettre au pre'sidenl du conseil M. Wronsky lappoile des loi- LIVRES FRAN^AIS. 1 53 mules fort curieuses relatives a rinflucnce respective du parti du mou- vemcnt et du parti Icgitimisfe. Cette application dcs sciences mathematiques a la determination des problemes politiqiics n'est pas nouvclle. Cliacun se rappelle les inte'- ressans re'sultats auxqnels est arrive' Laplace en soiunettant aux regies du calcul les prbliabilitc's humaines dont les probabilites poliliques fer- ment une importante division; sous le regime de la restauration, cet il- histre gc'ometre cmploya meme celte arme savantede I'analysequ'il ma- niait si bien,a I'examen de plusieurs questions legislatives debattuesala cliam])re dcs pairs, dont il faisait alors pgrtie. II n'est pas douteux que la traduction en langage alge'briqne de plus d'une question vivement dis- cute'e aujourd'hui ne conduisit a des solutions inge'nieuses et inallendues, entacbe'es, il est vrai, commc toutes cellcs de ce genre, de 1' absence de I'e'lement sentimental si difficile a appre'cier rigoureusement, mais sus- ceptibles ne'anmoins d'uue vc'rificalion a posteriori toujours simple et usuelle ctrevetues d'une sorle d'autorite a la fois e'trange et se'rieuse. En de'signant I'anarcliie par ' et le despotisme par 'J, par m et n la valeur nume'rique de cbacun dcs deux partis et par p et rleur e'cartement respectif de la perfection absolue, M. Wronsky arrive aux expressions : -("+")"~'G)""%==(»-^")-T'e)'^'. En sujiposant les valeurs nume'riques du parti illiberal et du parti libe- ral dans le rapport i : 4 qui nous parait plus voisin de la ve'rite' que le rapport i : a adopte par M. Wronsky , et men*ie en consentant a ad- mettre avec lui que leur e'cartement de la ve'rite soit le memc et egal au maximum qui est I'unite', on trouve : a = 1 6 , 0 = -■- lO Le juste milieu qui s' est place dans la balance entre : et ", et pour la denomination duquel I'alpliabet grec semble presenter tout expres une lacune de consonnancc pen flalteuse , pourrait etre i-epre'sente par une moyenne ge'omctriqtie enti'e les valeurs precedentes. De sorte que les nombrcs i, i6, ^56 repre'senteraient dans la gravitation politique le poids des opinions carlistes, philippistes et re'publicaines. - Nous teniiinerons cet article en engageanl se'rieusenicnt M. Wronsky, dans riiite'rel de sa proprc dignite, a abre'gor iin peu tout ce faste de l54 LIVRES FRAN^AIS. prefaces ct dc discours prclimiuaircs, et a laisser cnfin paraitre siir la scone cettc Genese messiaiiiquc tanl annoncc'e et tympanise'e , si dii moins clle est en ce moment a sa disposition et suffisamment dc'gagec de ses voiles et de ses nuages pour elre facilement aperjue du public. Jus- (pi'a ce que Ton connaisse la conception unitairc qui pre'side a tous ces preludes et morceaux detaches , il n'est gucre possible de porter dcvant le public un jugcnient bien decide : on pourrait craiudre , ea se prononfant pour I'absurde ou la mauvaise foi , de se laisser trop facile- ment emporter par la pre'somption et I'apparence. J'ajoutc un dernier mot relatif a la socie'te' saint-simonienne que M. Wronsky attaque avcc une violence un peu intempcstive aujourd'hui que cette socie'te' est rentre'e dans un silence et une inaction dont elle ne parait pas devoir etre condamne'e a soitir. Le re've'lateurde I'absolu, du sein des regions mystiques qu'il habile, reprouvant impitoyablemcnl tout ce qui n'est pas revetu de son cachet e'nigmatique, jette loin de lui tout ce qui sent le de'gradant sejour de la terre , et dans son indignation ne trouve point de paroles assez ameres pour qualifier des huts aussi faux et aussi vils que V organisation pacifique des travailleurs , Yassor ciation universelle , etc. ; et il altribue a V extreme bassesse de ces buts infdrnes qui ne pouvaient trouver acces pres de la nation francaise , qui est si supe'rieure a ce qui regarde V existence ani- , male de Vhomme , la chute de la socie'te qui se Ics e'tait proposes. Quant a nous qui , en pre'scnce des privations de toute nature que supporle le peuple, avons la grossierete' d'etre fort touche's de ce qui re- garde son existence animale, et I'impudence d'avouer hautement notre sentiment sur ce sujet, nous croyons que, sans s'exposer a rencontrer nuUe part une contradiction bien opiniatre , il est permis d'affirmer que la chi:te de cette socie'te est venue d'une cause directement oppose'e , I'a- bandon de ces doctrines toutes terrestres ct positives pour des doctrines toules the'ologiques et mystiques. M. Wronsky peut au resh; regarder cet exemple comme un enseignement utile sur les dispositions ge'ne'rales des esprits de la generation a laquelle il s'adresse. J. R. 5i. — Dissertation sur le vingt-deuxieme chapitre de la Ge- NESE : Sacrifice d' Abraham j par J. B. G. B. Leroux-Moisand, ancien magistrat, Paris, iSSi j Hachettc. In-8° de 89 pages. On salt que, scion Diipuis et Volney, le zodiaqne, tel que nous le LIVRES FRAN^AIS. l55 possedons , vient de cctte partic de I'figypte qui touche a I'Etbiopie ; (ju'il c'lait siinplement AaM 1^ principe un almanach rural et astrono- miquej que les figures dont il sc compose, images parlantesde I'e'tat de la terre et du ciel aux diffe'rentcs saisons de I'anne'e , n'ont jamais pu s'adapter dans Icur ensemble a d'autres climats que celui de rfigyple. Par I'effet de la precession des solstices et des equinoxes, ces figures ayant perdu leur caractere, on imagina successivement des symboles sup- plc'mentaires emprunte's aux astres ex!ra-zodiacaux. Mais ce systcme de'- passait , par ces nombre\ises complications , la porte'e des intelligences populaires. Des lors , les pretres firent de ces figures nouvelles des ins- pecteurs , des de'cans , des dieux. Les signes du zodiaque et les constel- lations exlra-zodiacales ne furent j>lus des signes et des symboles , mais on les pre'senta comme des causes de ce qui devait arrivcr dans les cieux et sur la terre, dans I'oidre materiel comme dans I'ordre moral. Ainsi, les pretres e'gyptiens auraient e'te les cre'ateurs de I'astrologie. De la position des astres combine'e avec les figures de leur invention , ils de'duisirent , dans un ensemble de fables , de pre'tendus voyages , des alliances suppose'es , des guerres et des conquetes. Puis, a leui^s dieux imaginaires, exposes a I'adoration du peuple , ils e'levcrent des autels et des temples ; et enfin , ils transmirent , sans explications scientifiques , leur zodiaque aux peuples circonvoisins , aux Perses , aux Chalde'ens , aux Phc'niciens , aux Grecs. De la cette conclusion ge'ne'rale que toutes les cosmogonies , mythologies et religions ont eu leur source dans la science des Egyptiens. Comme on a dit : et Mouses eruditus est omni sapientid yEgjptia- rum, etc. , les livres de Mdi'se doivent done offrir les traces de I'astro- nomie et de I'astrologie e'gypticnnes. C'cstce qu'y a cherche M. Leroux- Moisand. Frappe' des difficulte's que lui pre'sentait le sens litte'ral du cliapitre de la Genese oil il est question du sacrifice d' Abraham , il s'ef- force de de'montrer que le sujot de cette histoire est pris dans I'aspect des constellations au trente-deuxieme degre de latitude, tellcs qu'elles e'taient connues et denomme'es par les anciens. En effet , il y reconnait Abraham ct Isaac, I'autel, le bois et le feu; le be'lier que regardc Abraham en lui tournant le dos; la terre de visions et ses montagnes ; le moment precis du depart et cclui de I'arrivee , etc., etc. Rien n'y manque; les noms seuls d' Abraham et d'isaaC, qui sont Perse'e et le l56 LIVIIES FRANCAIS. Cocker, se trouvent changes. P.ir la, cctte proraesse divine: Benedi- centitr in semine tuo omnes Rentes, gcq#iert une inter| re'tation fa- cile , piii.sqne I'apparition de ces signcs jiriutaniers ramcnc sur la terre la luiniere et le bicn-ctrc. En 1806, I'aulcur avail deja pi'L-senlc' a Diipuis sa dissertation dont les resultats donnaient a la fable du sacrifice, un sens astrologique. Mais sur les conseils de ce savant , il a laisse an terns le soin murir son travail. Anjourd'hui il se borne a liii reconnaitre une doune'e astrono- mique , en constatant toutefois un fond d'astrologie dans les autres roles que la Genese fait jouer par Abraliam et par sa famille. L'auteur tcrminepardes rapprocliemens entre les douze fds de .lacob (douzc apolres dc Je'sus) et les consiellations reprc'sente'es par les doiize signcs du zodiaquc ; entre Abraham et Saturne ; entre le systeme dont il s'est scrvi pour expliquer une des allegories de Mo'isc et le sens suppose des livrcs , conteiiant la veritable cabale , attribue's a Esdras et condam- ne's comme apocryphes par rinquisilion de Rome. Apres tout ce qu'on a dit sur les vues historiques de Dupuls , nous croyons superflu de rien ajouter a cette simple indication des malieres traite'es par M. Leroux-Moisand. B. J. 52. Lettre a m. le ministre de l'instruction publiqve et des cultes , sur quelques nouvelles questions de philoso- PHiEj par I'auteur du Vrai Messie et du Dictionnaire de la lan- gue de la nature. Paris, i83.i ; Locquin , imprimcur. In-8° de 16 p. M.OEgger, ancien vicaire de la cathe'di-ale de Paris, connu par la consciencieuse demission qu'il donna de cette place ii y a queiques an- uees, est I'auteur de cette lettre oil il reclame contre I'interdiction uni- versitaire que hii out attire'e des ide'es einises dans une chaire de pliilo- sophie en Basse-Bretagne. Ces ide'es , que sa lettre a pour objet de justifier , voici comment il les re'sume lui-meme : i" « La philosophie concoit une laugue anterieure aux langues de convention et par sonsarticulc's; les traces dc cette langiie peuvent etre rctrouve'es, et il est utile de s'occuper de leur recherche (c'est a ce tra- vail qu'est consacre' un autre ouvrage de M. OEgger, le Dictionnaire de la langue de la nature). LIVRES FRANCAIS. \5'J 2° » II est urgent que la philosophie fassc enfin une distinction enlie Dieu considere en liii-meine et Dieu considere dans ses rapports avec riwinme. Cette distinction conduira iniiailliblement au rapproclie- mcnt de la philosophie et du cliristianisme. 3° » La liberte'est conseive'e c'ternellemcnt intacte a tous les humains, et il n'cst pas prouve que la propagation de cette vc'ritc soit aujourd'bui de'favorable a la morale pulilique . 4" » L'ame Inimaine ne saurait etre con9ue se'pare'e de la forme hu- maine, ct on a eu tort de Ten se'parer. Cette doctrine donne une ide'e claire de I'immortalite' et de'courage Ic mate'rialisme. » 52. NOUVELLES COIVSIDERATIONS HISTORIQUES ET CRITIQUES SUR l'aU- TEUR ET LE LiVRE DE l'Tmitation DE J.-C. , ou PrecJs et Rcsiime des fails et des motifs qui ant determine' la restitution de ce livre a Jean Gerson, chancelier de Veglise de Paris, par M. J. B. Gence, c'dilcur et traducteur du texte del'Imitation. Paris, iS3'i; Treuttel et Wiirtz. In-S° de iv-88 pages; prix., a fr. Voila une discussion qui dure depuis long-tems. Jean Gerson , clian- celier de I'e'glise et de runiversite de Paris , vers la fin du quator- zieme siecle et Ics commcncemens du quinzieme , parait re'nnir pourtant lestitreslcs plusre'elsa la gloircd'avoir compose T/m/f^ffOM. M. Gence, auquel on doit une bonne traduction de ce livre, s'est constitue' le cbajn- pion du pretre franf ais , et le de'fend avec terveur contre ses rivaux , dont le plus redoutable est Thomas de Kempis, ne' a Cologne. Nous ne le suivrons pas dans I'e'talage des preuves qu'il accumule pour corro- borer son 02iinion. On sait du reste qu'elle pre'vaut parmi les biblio- philes les plus instruits, et que M. Barbier, entre autres, I'avait con- sacre'e par son adbe'sion. IMais ce luxe d'argumens nouveaux n'est pas inutile pour mettre dans tout son jour une ve'rite' que plusieurs s'obsti- nent a nier encore. *** 54. LeTTRE a M. le dug de LuYNES SUR LES GRAVEURS DES MON- NAiES GRECQUES , par M. Raoul-Rocuette , membre de I'lns- titut , consei-valeur du cabinet des me'dailles et anliquite's. Paris , i83i ; imprimerie royale. Debure freres, Treuttel et Wiirtz. In-4" de 49 p. , avec 4 planches. On s'est e'tonne depuis long-tems du silence absolu que I'antiquite' I 58 LIVRES FRANg\TS. tout ontiiMT a garde sur les j^ravcurs dc ses monnaies. f^e savant Eckel, Ic lc';4;islaleur cle la nuinismatiqiie , a rcconnii qn'il ne restait an sujet dc cettc classe d' artistes aucun renseigncment direct ni indirect. Winckel- mann , ((iii n'a consacre que quclques mots a la numismatique , n'a rien dit des graveurs; et cette absence de liimicres sur un point si important de riiistoire de I'art antique est d'autant plus surprenante que Pline ct d'autres auteurs , en citant les noms des graveurs en pierres fines, au- raient pu ajouter a leur liste celle des graveurs de monnaies. De la , on a cru pouvoir conclure que les coins antiques et les pierres fines e'taient graves par les meraes artistes. Un seul fait s'e'tait presente jusqu'ici pour reveler le nom d'un gra- veur de monnaies , c'est I'inscriplion trouve'e sur une piece de Cydonie, ville de Crete, ou le nom Ae Nevantos est accompagne' du mot EIIOEI ( pour EnoiEl ), feeit , a fait. Los noms des magistrals , comme ceux des peuples, e'tant ordinairc- ment places du cote du revers , on a p'tu induit a penser que quand les noms inscrits du cote de la tete n'etaient pas ceux de la divinite a la- quolle la monnaie e'tait consacre'e, ils pouvaient etre ceux des gra- veurs. M. H. Meyer , savanl commentateur de Winckelmann , a c'crit le pre- mier que les noms place's sur les medailles pouvaient appartenir a des artistes el non a des magistrals monetaires. M. Noeliden , antiquaire anglais, a applique celle observation aux medailles de Syracuse. M. le due dc Luynes a rappele cetle question , et i'a apjuye'e dans un article de I'lnstitut arche'ologique , et M. Raoul-Rochette , embras- sant cette ide'e avec plus d'etendue, en a fait le sujet d'un Me'moire dans lequel il rc'unit tons les exemples qui peuvent jusiifier cette opi- nion. Cependanl, dit-il, il ne faudrait pas rapporlcr exclusiveraenl a des artistes les noms ou les initiales de noms grave's dans le champ des monnaies grecquos : ce serait s'exposer a confondre des notions qu'il importe de distinguer. Si c' e'tait un abus de voir uniquement sur la monnaie grecque des monogrammes , des initiales , ou des noms de ma- gistrals , cc scrail un autre exces que de n'y plus voir mairitenant que des noms d'artisles. Les noms inscrits d'une maniere plus ou moins de- LTVRES FRANgAIS. IDQ guisc'c^ et pour ainsi dire furtive , tanlot sur unc tessere , tantot snr iin djptique , le plus souvent sur le bandeau dc la coiffure d'uue tele de divinite', quclquefois enlin sur le devant du casque de Minerve , peu- vent nous apprendre comment ct a quels signes le nom de I'artisle se distingue de celui du magistrat qui occupe une place importantc pres du nom du peuple, et toujours d'une maniere ostcnsiblcj puisque ce nom e'tait un signe de I'autorite' et une garantie de la valeur dcs pieces. Le Me'moire de M. Raoul-Rocbettc traite a fond cctte question; il est appuye d'autorite's puisees dans i'cxamen des monumcns , et de preu- ves qui paraissent re'unir tous les caracteres de I'e'vidence. En admirant les monumens des arts, on aime a connaitre leurs au- teurs. Les noms de plusieurs statuaires habiles et d'excellens graveurs sur pierres fines nous etaient parvenus avec leurs ouvragoi; on ne re- trouve sur les monnaies antiques que deux de ces noms, ceux XAyol- lonius et de Sostrale : mais il n'est pas certain que ce soient ceux des memes artistes , car plusieurs peuvent avoir porte le meme nom. La liste des artistes anciens se trouve malntenant enrichie de vingt-cinq noms nouveaux : c'est ainsi que les monumens pretant leur appui a riiistoire, re'parent son silence et ses oublis, et que la numismatique , cette source si fe'conde d'instriiction,apporte denouvelleslumieres dans le champ souvent obscur de I'antiquite' historique. Quarante ct une me'dailles grave'es enrichissent ce Me'moire , et ap- portent dcs preuves mate'ricllcs qui peuvent consclider les opinions ^mises par M. Raoul-Rochette , dont les conjectures ont toule I'appa- rence de la certitude, DUMERSAN. 55. COUBS d'hISTOIRE du PROIT politique et CONSTITUTIONNEL EN Europe , par M. Ortolan. Paris , 1882 ; a la librairie de juris- prudence de Fanjat aine', rue Christine , n" 3. In-S"; prix, 7 fr. , et par la poste , 8 fr. 5o c. Voici un volume oil sont eXpose?s d'une maniere anime'e, rapide, ct par-dessus tout consciencieuse , les vues ge'ne'rales qui re'sultent , pour une portion de I'histoire du droit , de I'e'tude des monumens legislatifs ; c'est la re'union de dou/.e lefons prononce'es, il y a quelques mois, au Lyce'e , pres dc la Sorhonne, par un jcune profcsseur, dont le travail l6o LIVRES rR\]StgA.IS. mc'iitc , sous tons les rapports , iiiie publicitc plus e'tenduc que ne le pcimrttail Ic ccrcle de son auditoirc. On nc pent s'enipeclicr dc rendre lioniniaqe u tout cc qu'il a fallu de courage opiniatrc et modcstc pour rcstrcindre a un cadre aussi etroit lant de docnnicns rassenible's a grand' peine , tant dc mate'riuux epars et ine'dits sur la constitution politique de tous les peuplcsgrands ou pctits qui out eu en Europe une nationalitc. Pendant trop long-tcras on nous a dislribue, sous forme de resume's et de manuels, une sortc dc science de scconde main qui ne peut guere pro- duirc que la confusion dcs ide'es , ou la fatuite des notions superliciellcs, dcs jugemcns tout faits, choses pires que I'ignorance. Maisquand meme nous scrions plus i-iches en manuels, e'labore's avec talent et conscience, comme les savans les plus illustrcs de I'Allemagne n'ont pas de'daigne d'on composer pour leurs eleves , nous pourrions encore reconimander I'ouvrage de ivf. Ortolan ; c'est un guide a la direction duquel maitres et eleves peuvent sc confier pour traverser ce champ immense de I'histoire, ou s'ouvrcnt de nos jours quelques routes nouvelies , oil tant d'autres en- core rcstcnt a frayer. Le veritable but de celui qui enseigne n'est-il pas d'inipirer aux autrcs le dc'sir dc connaitre par e;our les LIVRES FRANCAIS- 1 63 campagncs , admission dc toiitcs les classes aux asscmblees publiqiies ; dans le second groupe , pas de liie'rarcliie fe'odalc pour la noblesse , mais sorvage deplorable pour les campagnes, restriction en faveur de la noblesse entiere et de quelques vilks du droit d'assister aux assemble'es publiques ; enfin , dans le troisieme groupe , bie'rarcbie fe'odale pour la noblesse , servage pour les campagnes, restiictioo plus c'iroite en- core , en faveur seulement dc quelques princes et de quelques villes en petit nombre , du droit de prendre seance aux assemble'es publiques. Telle est la progression de'croissante que nous avons remarque'e dans les institutions de ccs pays. » Cependant , iandis que le principe de I'existence et de la represen- tation nationale se pre'sentait ainsi plus ou moins imparfait dans le flord , dans le midi il e'tait entierement de'lruit ou suspendu par I'anar- chie, par la disorganisation, par I'oppression feodale , ou par les inva- sions. » Mais la, et plus tard aussi dafls les parties du nord que la fe'odalite avail le plus envahies, nous avons vu s'ope'rcr unc reaction inimicipale €t populaire , et les villes et les diverses nations revenir tour a lour au sentiment de leur existence publique , a des institutions plus libe'rales pour les masses , moins oppressives pour les hommes. » D'abord s'est presentee I'ltalie , dont les cites , dc neuf cent soi- xante-trois a onze cents environ , ont seeoue le joug imperial el se sonl crigc'es en re'publiques. » L'Espagne , a laquelle la domination mauresquc avail e'pargne en grande partie la feodalile, et donl les divers royaumes^ fonde's par le Iriomphe des Espagnols contre cette domination, ont repris les institu- tions dont le souvenir s'e'tait conserve. » Ensuite, les villes des Pays-Bas et de la ligue hanse'atique, qui ont «'tpndu leur commerce et forme leurs assemble'es gc'ne'rales dans le cours du douzieme siecle. » L'Angleterre avec sa grandc charte en 1 2 1 5. » La Francq reprenanl ses elals ge'ne'raux en 1 3o3 , apres avoir d'a- bord e'rige' ses communes el detruit en grande partie le servage dans ses campagnes. » Enfin , la Suisse commen^ant a e'chapper a I'empire d'AUemagne et au duche d'Autricbe, en i3o8. » li'ordre moral dc ces mouvemens n'a pas ete partout en rap}X)rt avec l64 LIVRES FRANgAIS. I'ordre chronologique. Tel pays, entre plus tard dans'la voie des ameliora- tions populaires, y a marclieplus vite, plus ferme et a de'passe' les autres j mais quels qu'aient e'te ccs divers degre's , et le caractere propie a cha- que peuplc, toujours est-il que, des les premieres annc'es du qnatorzieme siecle, les dietes dc Suede, deNorvc'ge, de Danemarck, de Pologne, de Hoogrie , de Bolieme , d' Allemagne ; les asserable'es des republiques d'ltalie, des e'tats dos Pays-Bas etde la ligue hanse'atique-j les cortes des Espagnes et du Portugal ; le parlement d'Angleterre et les Etats-Ge'ne- raux de Friflice; les assemble'es des cantons Suisses , nous ont montre sur toute la face de I'Europe les nations representees d'une maniere plus ou moins etroite , il est vrai , mais enfin , debout , delibe'rant eiles-memes lorsqu'il s'agissait de leurs grands inte'rets. « Quels etaient les vices de ces institutions? quelles consequences fu- nestes devait-il en de'couler? comment a-t-on vu les principes de liberie qu'elles contenaient , comprime's , e'touffe's sur plusicurs points par des dominations e'trangcres , par des monarques despotes ou conquc'rans , par la ruse ou par la force, faire place au pouvoir absolu des rois? Comment les a-t-on vus rcnaitre et s'e'tendre de I'Europe jusqu'au. Nou- veau-Monde? Comment, tandis que le Nord estreste long-terns station- naire, le developpement de I'intelligence et de la philosophic a-t-il e'leve a un si haut degre la science et le sentiment des droits publics dans quelques parties meridionales de I'Europe? Comment la propagation d'un pcuple a I'autre , qui jadis marchait si lentement , court-elle aujour- d'hui avec tantde rapidite? » Ces promesses de M. Ortolan , qui terminent son ouvrage , servent aussi a le completer ; en eftet, si le professeur avait neglige dc nous in- diquer par la formellemenl la raison d'une lacunc que nous avions cru remarquer dans la partie critique de son oeuvre , nous aurions eu peut- etre un grave reproche a lui adiesser. Pre'occupe du but louabie d'en- cager ses contemporains par le spectacle des liberte's des terns passes a conque'rir oil a defendie les leurs , il semblaitn'avoir pas suffisammeut indique le caractere nouvcau qui doit distingucr la cite et la liberie modernSs, ou plutot futures , de celles que nous avait Icguees le moycu ace tout empreint de feodalile barharc et de patriciat romain. Ce scrait meconnaitre compje'temenl les besoins nouvcaux qui agitenl en ce mo- ment les nations place'es en tctc de I'humanite, que leur conseillcr, pour unique remede, de ressuscitcr et derapprendre la languc suraune'e que LIVRES FRANgAIS. 1 65 parlaient leui-s ancetres au terns des vieilles franchises; car il manquait ■a cette langue un mot appelc a de Lautes destine'es , un mot que i'anti- quite ni le moyen age n'ont jamais prononce' ni compris , le grand mot d'EGAtiTE devenii de'sormais inseparable de celiii de liberie' a dater du jour ou le ge'nie moderne a fait de tons deux re'unis son cri de reVolte • conlre tout le passe'. Co mot on pent le voiler un instant , mais on ne I'eflfacera plus de I'e'- Jendard ou il fut inscrit pour la premiere fois en langue franfaise , et qui est destine' a devancer toutes les nations dans cette route de pro- gre's inconnus que leur promet le malaise general , symptome pre'cur- seur d'une crise glorieuse, dont elles sont travaille'es aujourd'hui. Ce sera un beau spectacle , et dont nous sommes impatiens de jouir, que celui de contempler, dans le nouveau volume qui nous estannonce, la se'rie entiere de ces immenses mouveraens sociaiix, d'y voirpourquoi les scmences de libeitc dont nous venons d'e'tudier I'origine et les pre- miers dc'veloppemens durent etre e'touffe'es sous les accroissemens de'me- sure's que Charles -Quint, Louis XIV et quelques autres donnerent a i'autorite' royale , que ne pouvaient pas empecher bien long-tems sur son chemin des concessions octrojees jadis par elle. II sera beau d' entendre raconter et pre'voir, avec la sagacite' et I'esprit d'cxamen qui ont preside' a la composition de ce livre, comment, depuis I'avenement du principe d'egalite, la liberte' si long-tems abattue est assure'e de'sormais , fortifie'e d'une pareille alliance , de reconque'rir plus de terrain qu'elle n'en a jamais perdu. Pour nous , spectateurs avides de cette lutte solenncUc, ne nous plai- gnons pas de la voir se prolonger , puisque nous avons parie' que lepeu- ple, rude et ge'ne'reux champion, terrasserait son ennemi et lui ferait grace : nous sommes trop surs de gagner pour ne pas prendre un peu patience. J. M. 56. DicTiONNAiRE HisTORiQUE , OU Histoive obvegee des hommes qui se sont fait un nom par leur ge'nie , leurs talens , leurs ver- tus, leurs erreurs ou leurs crimes, depuis le commencement du monde jusqua nos jours; par F.-X. de Feller. Troisieme edi- tion. T. I. Paris, iSSa; Paid Me'quignon , e'diteur, rue Belle- Chasse , n° 6. In-8" de 5i4 p- ; prix du vol. , 4 fr- Cette nouvelle edition, dirige'e par M. Henrion J aura vingt volu- l66 LIVRES FRAN9AIS. mes in-b" iinpriiues a deux colonnes; son prix est excessivement mo- dique. Jj'e'ditcur piomet bcaucoup : plus de mille articles nouvcaux j des supplcmens et intercallations en grand nombre , una revision severe et ineme une refonle des anciens supple'mens , des tables me'tliodiques e'tendues , etc. , etc. Nous aurons besoin dc voir plusieurs volumes jjour appre'cier les avautagcs de celte edition, qu'en attendant nous nous bor- uerons a annoncer. * 57. J. SULKOWSKI. MeMOIRES HISTORIQUES , POLITIQUES ET MILl- TAiRES sur les revolutions de Pologne, 1 792, i "jg^; la campagne d' Italic, 1796, 1 797 J V expedition du Tyrol et les campagnes d'Egypte, 1798, 1799; par ^ortew5«M5 rfe Saint-Albin. Paris , 1 832; Paulin; Heideloff et Campe. In-S", avec un portrait de Sulkowski ; prix , 6 fr. Lejeune auteur de cet ouvrage, qui paie un noble tributala nation polonaise et a I'un de ses plus dignes citoyens, fait preuve d'un veri- table talent et d'un caractere ge'nereux. 11 est toujours utile d'arra- cber a I'obscurite' , pour les offrir a I'imitation , de grands talens ct dc modcstes vertus ensevelis dans un injuste oubli. En lisant celte bio- graphic lemplie d'interet , on admire la purete' du caractere , la gc'nc'ro- site' des sentimens patriotiques , unies a un attachement invariable aux principes de Ia.liberte j un courage he'ro'ique et presque stoique ; unc rare activite qui a su re'unir tant de choses dans une vie si courte j une jeune et belle destine'e , qui renfermait tant depromesses et tantd'espc- rances , e'touffe'e dans son premier gcrme par une fin pre'mature'c. Un genie superieur , inspire par une amc re'publicaine , s'e'tait re've'le tout entier a un homme d'un genie extraordinaire , mais despotc par na- ture , par instinct , par penchant , par besoin , par volonte' ; ct I'homme de genie , investi de la toute-puissance , veritable ge'ant politique et mi- litaire , n'a point menage les jours du jeune heros dont les principes austcres, les talens, la passion forte et ardente pour la Hbertc lui an- noncaient piesque un e'gal, ct peut-etre un rival futur et une obstacle a ses projets d'usnrpation et d'cnvahissement du pouvoir absolu,confus et mc'ditc's dcpuis long-tems , ajourncs par necessite' et par prudence. La mort funeste dc Sulkowski , massacre par les Arabes dans ime insurrection (je 21 octobre 1798), n'arracha pas nicme une larmc ni uii regret a son general en clicf . Cettc juorl , qui lui cnlevait un ofiicicr LIVRES IRAN^AIS. I 67 j)re'ciciix , Ic plus capable peut-etre de le remplacer a la tete de sou arrae'e , priva la France , la Pologne et 1' Europe d'un liomme de guerre et d'ua homrae politique qui aurait pu , conime les Marceau, les Hoche, les Klcber, lesDcsaix, les Joubert , les Ricliepanse, moissonnc's aussi avant le tems , rendie d'importans services a Ja^^ause de la civilisatioD ct de riiumanite' , et preserver la France libre et victorieuse de cette domination prolonge'e , qui , en la fajoniiant a la servitude , fiuit par la livrer aiix deux ignobles fle'aux de I'invasion etrangere et de la restau- ration. La lecture et I'e'tude d'une telle vie doivent e'chaiiffer de jeunes ames , leur offrir des lecons , des exemples , de hautcs espe'rances , et conduire a la realisation de cet avenir de liberie fortement constitute et de prosperite vers lequel nous tendons avec effort depuis tant d'annees. M. A. J. 58. Principes de melodie et d'harmonie , deduits de la theorie des vibrations, par le baron Blein, ancien officier-gsne'ral du genie. Paris, i83'2j Bachelier. In-8" dexv-ioo pages, avec des tableaux^ prix , 3 fr. Cet ouvrage a pour objet d'asseoir les regies de la composition musi- rale sur des principes plus surs et mieux coordonne's entre eux que ceux des traite's publics jusqu'a present sur cette matiere. Accoutume par I'etude des sciences exactes a des deductions rigou- reuses, I'auteur s'est trouve cheque' avec juste raisondu de'faut d'ensem- ble, de clarte , de me'thode qu'il a rencontre dans les traite's les plus accre'dite's sur la science de la musique. Des principes vagues et incer- tains, appuye's de raisons peu concluantes, y sont expose's avec une assu- rance et un ton dogmatique propres a faire illusion au lecteur. Celui-ci fait de vains efforts pour comprendre des choses mal con9ues par son guide lui-meme , il prend bientot un juste de'gout pour une etude fati- gante et peu fructueuse. M. Blein a e'tabli les principes exposes dans sou ouvrage sur des experiences d'acoustique entreprises par lui-meme et suivies avec pcr- se've'rance pendant plusieurs anne'es. II en indique sommairement les re'sullats renvoyant pour les de'tails a des me'moires communique's a 1' Academic des sciences pendant les anne'es de i8i3 a r8a5, ct publie'es en re'sume' en 182'y. 1 68 LIVRES FRAN^AIS. C'cst un tait ile])uis long-tems connu,qii'ime corde me'tallique tenduc, e'tant pinco'eelabandonnc'ea ellc-jneme, fait entendre, outre un son prin- cipal, deux autres plus faibles formant I'un I'octave de la quinte, rau- Irc la double octave de la tierce majeure du premier sou : on fait ordi- naircment de'rivcr dc c«tt» experience I'harmonie du mode majeur. Aucun|rapprocliement de meme genre n'avait eu lieu a I'e'gard du mode miueur ; il fallait faire de'river celui-ci des convenances de I'oreille, incoherence cboquante dans les principes. D'aprcs les experiences de I'auteur, un cylindre rigide a extre'mite's libres fait entendre en le f rappant , outre le son principal , deux autres sons plus graves qui forment I'harmonie du mode mineur. Les vibrations de plaques triangulaires carre'es circulaires lui ont fourni des sons indiquant les jntei'valles de seconde majeure , de tritoD, de sixte mineure, etc. Ainsi tous les intervalles employes dans I'echelle musicale peuvent etre fournis par rexpe'rience directe. L'auteur fait voir plus loin qu'au moyen de I'inversioH et de la com- binaison des sons fondamcntaux du mode majeur ou du mode mineur, on pent aussi produire tous les intervalles en usage, et par suite ce que Ton nomme la gamme diatonique et la gamme chromatique. II fait sentir, en parlant de cette derniere gamme, I'un des vices de la notation actuellement employe'e, et developpe les avantages que Ton trouverait a supprimer les signes de diece et de be'mol, et a ecrire la musiquc en porte'es de six ligues ou chaque note de la gamme chromati- que aurait son nom particulier et sa place marquee. A cette notation nouvelle se rattachcrait une nouvelle distribution des touches des claviers. Deux ordres de touches correspondraient aux no- tes e'crites sur les lignes et sur les intervalles. Avec un tel clavier , il n y aurait jamais que deux doigte's pour le meme trait , dans tous les sons possibles, au lieu de douze doigte's qu' exigent les claviers actuels. Ainsi se trouveraient simplifiees a la fois la lecture et I'exe'cution. La suite de I'ouvrage, oil beaucoup de choses sont dites dans un petit cspace , est consacre'e a de'duire des pri\icipes d'abord pose's les regies de la melodic; les passages d'un ton a I'autre par des modulations con- venableraent me'nage'es , puis la generation des accords , leur. classcment, Irur em|)loi , etc. Les deductions sont concises ef ne'anmoins claires et LIVRES FRANgAIS. 1 69 facilesasuivre. La lecture de cet ouvrage inte'ressera, nous n'en doutons pas, les esprits exacts qui s'occupent de la the'orie de la musique. S. C. 59. — Voyages historiques et litte'raires en Italie, pendant les annees 1826, \^i-j et iSnS, ou l^Indicateur italien , par M. Valery. Tom. in. Paris, i832; Lenormant, rue de Seine-Saint- GermaiD,n°8. 10-8° de 443 pagesj prix, 7 £r. (Voy. t. lii , p. 223.) Nous avoDS anoonce', avec quelque detail, les deux premiers volumes de cet excellent ouvrage, destine, nous le pensons,- a devenir I'indis- pensable compagnoa de route des nomhreux explorateurs de I'ltalie , un veritable £&eZ italien. C est le meme cboix judicieux, la meme precision de details , plus , ce qu'appelait le sujet et promettaient les etudes, le gout et le tour d'esprit de I'auleur , une intelligence vive de la litte'rature , des arts, des moeurs , de la situation politique de cette terre si favorise'e du ciel et si maltraite'e de la fortune. II n'y a rien a retrancher des e'loges accorde's, sous ces divers rapports, aux deux pre- miers volumes j peut-etre meme la justice commande-t-elle d'y ajouter quelque chose, et ce troisieme volume, grace au progres naturel qui re'sulte de la continuite du travail cbez ceux qu'elle n'accable pas, est- il supe'rieur a ses aine's. Cela est d'un favorable augure pour celui qui doit completer cette revue de I'ltalie par ce qu'elle offre de plus impor- tant et de plus difficile, la description de Rome. En attendant, ]M. Valery nous fait visiter avec lui Florence, Pise, Livourne, la Romagne, les Abruzzes, Naples, et la route qui mene de cette derniere ville jusqu'a VeHetri , jusqu'a Albano, d'oii il de'couvre tout a coup, des hauteurs de la villa Barberini, le terme de ses longues coursec et de son livre, la matiere de son dernier voliune. « Toute la campagne de Rome, desert inculte, parseme de mines, d'oii la ville pontificale , avec ses domes dore's, ses colonnes d'airain , ses obe'lisques degranit, ses palais immenses, apparait comme un majestueux. oasis de monumens. » L'histoire litte'raire continue d'occuper la principale place dans lesdc- veloppemens de M. Valeiy. EUe est I'habituel cicerone qui lui ex- plique les licux, et a son tour elle trouve dans leur description son plus instructif et plus inte'ressant commcntairc. Je souhaile fort qu'il lui soil I'JO LIVRES FR\NgAIS. possible de nous donncr a la fin de son ouvrage , comme cela sc prati- ([iiait autrefois, un index de noms propres de personnages historiques, de savans, d'artistcs, etsurtout d'e'crivains , re'pandus 5a et la dans ses cliapities, et qui pcimettrait d'en rcconstruire, en les parcourant, une hisloirc plus anime'e et plus vivante que cclle qu'cn oilVent les biogra- phies ct les livres de critiques ordinaircs. Panni les fails curieux que recueille, sur sa route et dans ses cons- ciencieuscs investigations, M. Valery, il en est toujours quclques-uns qui interessent I'histoire de notre propre litterature; tel est celni que ic vais rapporter. On a souvent cite' le te'moignage que le maitre du Dante , Brunetto Latini a rendu dans son Tresor, en i '266 , a la supe- riorite', a I'universalite' de notre Llngue. Or M. Valery en de'couvre un autre , de la meme e'poque a peu pres , et exprime' en termes presque semblables dans un manuscrit de la bibliotlieque Riccardi a Florence; une histoire de Venise, depuis I'origine de cette ville jusqu'en 1275, traduite en fran9ais , d'apres d'ancienncs chroniques latines. «L'aateur, maitrc Martin Canale , declare dans son introduction qu'il a choisi cette langue « parce que la langue francoise cort parrai le monde, ct est la » plus delitable a lire et a oir que nu-lle autre. » Quclques personnes ont trouve' que le livre de M. Valery, si com- plct et si exact pour tout ce qui interesse I'histoire, la science, I'art, la litte'rature, accordait trop peu de place aux beaute's naturelles. Mais pcut-etre I'auteur a-t-il fait sageinent d'e'viter des descriptions que la poe'sie seule des Chateaubriand et des Lamartine peut e'galer a leur objet ; du moins a-t-il rendu fidelement et vivement ses impressions personnellcs , et quelqucs pages du volume que nous annon^ons sont elles-memes comme oolore'es d'un reflet du soleil de Naples et de I'eclat azure de sa mer : « La Me'ditcrrane'e , depuis les longs voyages sur TOcean et les de- couvcrles des grands navigateurs modernes , ne paratt plus qu'une es- pece de lac a I'usage des poctes et des gens de lettres; elle n'est point la mer du commerce et de I'industrie, mais la mer de I'Odysse'e, de TEnc'idcj ses rivages ont vu les scenes immortelles peintes par les his- toricns de I'antiquite'; et, pour peu que Ton se pique de goiit et de lit- te'rature, il scmblc on ve'ritc que Ton s'y trouve chcz soi. La beautc, LITRES FHANCAIS. 171 i'e'clat de ses flots, n'ont point e'te ternis par Ics ages, et clle a conserve le meme sourire : Tibi rident sequora Ponti. Pulsae (und2E) Proccdunt , leni resouant plangore cachinni. C'est aux poetes , c'est aux peintres a rendre les encLantemens du golfe de Naples , et le melange a la fois gracieux et imposant de bois , de monts, d'habitations, de forts, d'e'glises, de chapelles, de mines cjni de'corcnt ce magnifique amphitliea/rc. » Quoique j'admelte volontiers cette excuse de prosateur, je trouve cc- pendant que M. Valery est trop exclusivcment prc'occupe de rhomme et de ses ceuvres. II est vrai qu'il explique Ics unes et qu'il analyse I'autre avec beaucoup de finesse, et dans un style dont la correction et I'elegance ne sont point communes aujourd'hui. J'en veux encore donner un cxemplej c'est ce portrait du peuple napolitain : « La vaste place dii marcbe fut le theatre du soulevement de Masa- niello, veritable tribiin napolitain, et non pas de Rome , qui avait pre- lude a son insurrection , en allant avec les gamins du tems montrer son derriere sous les fenetres du vice-roi. Le peuple de Naples, malgre nos pretentions nouvelles, doit etre regarde' comme le premier peuple de la terre pour Temeute : il existe un livre italien intitule : Relation de la vingt-septieme revolte de la xREs-FiDELE-uiZie de Naples. Mais ces liommes mutins, emporte's, ne sont ni cruels ni furieux, et malgre leur vivacite et I'ardeur du climat qui les brule , leur Listoire n'offre aucun de ces grands massacres populaires dont I'Listoire des nations plus civi- lise'cs n'a que trop d'exemples; les horreurs dc la revolution de 1799 vinrent dc Nelson et de la cour; de vrais Napolitaius n'auraieat jamais destitue Saint-Janvier comme jacobin et protecteur des jacobins , pour le remplacer comme on fit par Saint-Antoine. Les diverses dominations e'trangeres qui ont occupe ce pays , successivement grec , arabc , nor- mand , espagnol , autrichien , franfais , produisirent sans doute chez les habitans leur habitaideperpe'tuelle, leur facilite d'imitation : onretrouve jusque dans les moeurs actuelles beaucoup de traces des mceurs espa- gnoles, telles que I'exagc'ration , la jactance , le gout des ceremonies , et depiiis vingt ans le militaire a singe tour a tour les Fran^ais , les An- I '^2 HVRES TRAN^AIS. glais et les Autrichicns, en pienant toujours, comme il arrive a ces sorlcs de copistes, ce qu'il y a de pire dans Icurs modeles. Si la nature dii Nnpolitain est peir e'leve'e, son instinct est bon, compatissant ; et, quoique ignorant, inapplique', il a de I'imagination ct une vive intelli- gence, trcs-susccptible de culture; son lang.ige est pittorcsque, figure, quelquefois eloquent.... Les chansons populaires que j'ai souvent ecou- te'es le soir dans les ruos n'avaient point le caractcre bouffon ou licen- cieux que je m'attendais a y. trouver; plusicurs couplets offraient une 5uite de preceptes moraux sur la conduite de la vie et la fragilite' des choses d'ici-bas ; ils e'taient comme une paraphrase du Linquenda tellus et domus ; le rhythme en e'tait grave et mclancolique. . . » M. Valery a obtenu I'approbation de ceux qui ont visite I'ltalie, ct, ce qui est plus difficile et plus rare, des Italiens eux-raemes. Ce suffrage doit etre la plus douce recompense de ses efforts, son plus vif encoura- gement a des efforts nouveaux j il te'moigne hautement du me'rite de son ceuvre et garantit sa dure'e. H. Patin. Go. OEuvRES DE Victor Hugo. Torn. I et II : Le dernier jour d'un Condamne , Bug-Jargal. Paris, i832j Eugene Renduel. Deux vol. in-8° de xxxvi-xxxii-SyG et 4ii pag- Nous pourrions nommer une douzaine d'hommes de lettres de 1' em- pire et de la restauration , qui ont employe ou qui emploient en- core leur fortune ou I'he'ritage de leurs enfans a I'e'dification , la plus somptueuse qu'ils peuvent , de leur monument. Ils font le depouil- Icment et le recueil de leurs ceuvres avec soin et maturite, comme on fait son testament quand on est riche et qu'on a beaucoup de biens meubles et immeubles a laisser a ses he'ritiers. Mais leurs ceu- vres vont s'ensevclir avec eux. Nous ne ferions pas cette remar- que, qui a quelque chose d'affligeant, si ces litterateurs , tant qu'ils eurent quelque credit , n'avaient pas fait aux vrais poetes , avec un infernal acharnement , tout le mal qu'ils ont pu. L'edition que nous annon^oDS n'a aucun rapport avec ces augustes ce'notaphes que le ge'nie s'e'rige a lui-meme et de son vivant. M. Hugo a encore bien des ailes a clever a son monument : memc les litterateurs dont nous parlions tout a I'heure le traitcnt peut-clre encore de jcune homme, d'enfaut LIVRES FRAN5AIS. 1^3 qui debute et s'e'gare , et les plus impartiaux. pourraient bien s'avcntu- rer jusqu'a re'pe'ter aujourd'hui ce mot d! enfant sublime , dont M. de Chateaubriand le baptisa autrefois. Mais les divers ouvrages que depuis dis ans sa plume fe'condc a enfante's manquaient dans la librairie, comme disent les libraircs, et on les reimprime. L'Gditeur a commence' par les remans. Le dernier jour d'un Con- damne et Bug-Jargal sent en vente, Quand la Notre-Dame de Paris sera publie'e , nous reviendrons sur ces trois ouvrages , et nous parle- rons en general des romans de M. Hugo. La preface nouvelle ct fort e'tendue que I'auteur a donne'e cette fois an Dernier jour d'un Condamne est en elle-meme un ouvrage , et c'est une des plus belles choses qu'il ait faites. Reclamer I'abolition de la peine de mort n'est pas nouveau ; c'est ce que font vingt e'crivains depuis dix ans. Mais , avec ce sujet use , faire palpiter le coeur , frap- per I'imaginatiou d'une trace inde'lebile , et inquie'ter la justice en son metier , voila ce qui ne s'e'tait pas vu encore , voila ce que pas un des Filangieri de notre tems n'avait su faire dans aucune page de leurs enormes livrcs. Et tous ces froids argumens des raisonneurs ste'riies qui se pre'tendent bommes d'e'tat , comme il les foudroie ! comme il culbute toute cette mauva-ise logique du doctrinarisme ! comme il marque d'un fer cliaud toiKe cette infamie des parvenus qui , malgre' de solennelles promesses faites dans la peur, ont conserve la peine de mort pour le peuple , apres avoir astucieusemcnt soustrait chcl l88 LIVRES FRANgAIS. des Che'riisqiics ; mais Hermann en aime une autre , Thusvelda nc sera pas son c'pousc. Phanie vint habiter parmi les Che'rusqucs ; elle se Irouve au milieu de leurs chesses , do Icurs repas , de leurs pre'paratifs de guerre , et la le jeune chef voit avec douleur la limidite et la faiblcsse de cclle qu'il aime 5 a mesurc qu'il rcdcvient Germain , qu'il depouille sa nature craprunte'e de Romain civilise, son amour s'en va , et Thusvelda lui apparait plus grande , plus noble , plus belle j enfm c'cst quand , par la pcrfidie de Varus , tous ses sentimens de barbare se reveillent en soq coeur , quand la vengeance lui fait jeter ses armes roniaines pour revetir le costume et saisir I'armure du Chc'rusque ; oh I c'est alors qu'il dit adieu a Phanie . et que la pretresse de Teutsch est sa bien-aime'e I J'affaiblis a regret le charme pathe'tique de cet amour ; la lutte des deux sentimens dans le coeur de Hermann est de'ciite dans le roman de M. Moke avec beaucoup de de'licalesse et de sensibilite. Le caractere de Hermann est trace avec chaleur et naturelj les deux jeunes filles, Phanie et Thusvelda, sontpleines de poe'sie : Fopposition de ces deux natures de femmes est dramatique. Je ne puis oublier I'ami , le frere d'armes de Hermann, Cariovalda; rien de mc'lancolique comme cette existence toute de de'voiimcnt , corame cet amour manque , presque fatal. M. Moke , dans son livre, montre la plus vive predilection pour les representans de la barbaric; les Germains apparaissent de'sinteresse's braves , sinceres, faisant honte a re'goisme , a la lachete , a la perfidie de leurs ennemis. Le plus souvent les auteurs qui ont cherche a repro- duire la vie barbare ont e'te faux , exagere's. M. Moke , au contraire , est plcin de simplicite et de naturel. II faut lui reprocher cependant d'avoir rendu Varus trop ridicule et trop niais ; toute la civilisation romaine du tenis d'Augusle est peinte sous des couleurs chargc'cs , peu vraies , a force d'avoir voulu I'opposer a la civilisation germaine. Sous ce rapport , M. Moke aurait pris le souvenir des Martyrs , de M. de Chateaubriand, qui, lui aussi, a mis en scene la civilisation et k barbaric , mais eu conservant au monde romain en de'cadence un carac- tere de puissance et de majeste. Comme Cooper, M. Moke reproduit avec originalite' les coutumes, les v-assions , le langage de la vie sauvage ; il sail inte'resser pour les LTVRES FRANgA.IS. 189 personnages de son roman. On sent qu'il les airae; mais je voudi-ais retrouver dans son livrc cette ravissante poe'sle du romancicr ame'ricain , cette poe'sie de la nature qui identifie I'liomme avec les lieux qu'il lia- bite , avec la terre ou la raer , cette poe'sie qui donne la vie au monde ext'e'rieur comme a dcs etres doue's de pensee et d'amour. Je I'avoue , je n'ai encore trouve que dans Cooper cette de'licieuse inspiration poe'tique , ct c'est pourquoi je I'aime mieux que Walter Scott. Cooper selil jusqu'a ce jour a su reveler cette association intime et pe'ne'trante de I'liomme avec le globe , cette unite' myste'rieuse d' exis- tence, cette sympathie vivante pour le soleil, la terre , la mer, la na- ture entierc', si admirablement personnilic'e dans Bas-de~Cuir. Nous terminerons par ce souvenir nos observations sur le livre de Y aiUteur de If ermann. Sr.-Cu. 66. La Table de nuit, equipees parisiennes , par M. Paul de MussET. Paris , iSS^ ; Eugene Renduel , rue des Grands- Augus- tins , n° aa. In-8° de 388 pag. ; prix , ■j fr. 5o c. Ce rccueil de contes occupe un rang honorable dans le genre Loffina- nique , dont le regne expire. En politique , les revolutions , toujours imminentes , ne se succedent pourtant qu'a de rares intervalles : comme les grandcs roclies , clles se balancent et ge'missent pendant beaucoup de jours et beaucoup de nuits, et c'est souvent au moment oil Ton commence a de'tourner les yeux et a ne plus les craindre que tout-a-coup ellcs se precipitent avec fracas; una fois lance , un char de roi , si chetif et si mal attelc' qu'il soit , fait long- tems voler la poussiere avant de briser son essieu et de tuer son guide. Dans les arts , les revolutions sont plus rapides , les rois plus vite ren- verse's. C'est une mer sans cesse tourmente'e. Mais nous sorames seuls a entendi'e les sifflemens du vent , les cris de de'tresse , nous qui , par e'tat , errons sur le rivage de ce petit monde , regardant au loin avec une constante inquietude et interrogeant autour de nous les debris. Mort et mine I Chaque vague roule un corps d'homme. A peine a t-on le tems de prendre haleine de tems a autre quand sui"vient un rayon de soleil , une e'chappe'e de vue a travers les nuages , un assoupissement perfide des flots , reyant sans s'arreter comme les chevaux de poste. 190 LIVRES FRANgAIS. D'orclinaire , les naufrages sont cii tcl nombre qu'il faut deja un protli- gieux effort tie ine'inoire pour sc rappellcr ceiix de la veille. Rccueillons done nos souvenirs : les avant-derniers naufrage's, Ics pilotes el les matelots des scenes liistoriques (une flottille entierc !), ont ete' jetc dans le grand monde , sur Ic sable aridc a des ministeres : ils gisent mise'rablcment Sur la grcve des bureaux »; on dirait qu'ils sont encore cliauds et palpitans. jNou , bien re'elleincnt ils sont morts. Un instant apres une bourrasrpic a de'inalc cclte jone corvette , la Revue de Paris , capitaine Veron , qui f'lxait tons les regards. Sa car- casse jaunc et videparait encore voguantau grc'dereauj tout son equi- page a etc disperse en pleine mer ; ceux-ci ont clicrclic un refuge vers les Gent-Un , ceux-la vers Alger, s'accrochant avec crapressemeul a tons les canots, a. toutes les planches. Le soir , une foule d'oinbres fantastiques sc sont levees a I'liorizon , du cote du nord. La premiere d'entre cllcs etait c'trange et gigantesque; les autres , informcs , bizarres , accronpies , efOlc'cs , fatigantcs a voir. J'en ai saisi une plus rcmarquablc ct ])lus dislincle que le resle : car il est au moios possible d'affirmcr que c'e'tait un liomnie ou un Jivre , du papier ou dc la chair. Quoi qu'il en soit, en conside'rant ccfoltjct sous la forme humaine , voici ce que jc pourrais en dire si Ton mc dcman- dait mon avis : C'etait I'ombre d'un jeune elegant dont la conversation e'tait fort agre'able. On ne s'ennuyait pas en causant avcc lui, et il y avait tant de grace et devivacite' dans ses paroles qu'on.eiit oublie volontiers* que c'e'tait un etre imaginaire , sans cceur et sans ame. II m'a racontc' avec esprit diverses aventures. D'abord cc fut I'histoire Inconvenantc d'un de ses amis , un certain Rodolphe , habitue du boulevard de Gand , courtisant patiemment un mari , afin de pouvoir etre a son aise I'amant de sa fcmme. — Gcla pent etre vrai, dis-je, mais cela est' immoral et excite des pense'es dcsagre'a- bles. — L'ombre fit un c'clat de rirc prolonge' sur I'air de T'edrai ca- rino , ct npprocha dc ses yeux ses binocles , apparcmmeiit pour raieux mc voir. Ensuite il rae murraura d'e'traiigcs choscs qui mc carrcssaient de'Ji- cieusemcnt I'imagination. II me dit comment la lillc d'un jugc valsait d'unc fa9on bien myste'rieuse j de quelle fa^on Horatius , au lieu decher- LIVRES FRAN^AIS. I9I chcr, comme Newton , la pesantcur des corps , ne poiirsuivit que Ic ver caclie dans une pomme, et comment Nestor sc croyait un liorame passionnc , parce qu'il aimait les olives, etc. — Encliante', je voiilus saisir le bras du contciir • son air dc fatuitc moqueiise m'arreta. II commenca une hlstoire scntimentale. Le jeime prc'cepteur d'une noble faraille s'enaraoure d'une demoiselle a laquelle il donne des le- cons. — Nc prcncz pas la peine , disjc, je connais cettc celebre intrigue. Ah ! que Te'loqucnt Saint-Preux repve'scnte admirablemcnt la consc.cnce en revolte ct plcine d'angoisses du dix-liuitieme sicclc ! Dans qud abime de passion ct de rcmords se jette cette belle raison pour extraire goutle a gouttc du fond du coeur, et soumettre a I'analyse la vertu spe'- culative de nos a'l'eux. Qu'il est douloureux de - — Arretez , mon bon ami, vous etes dans I'erreur , reprit en ricanant le dandy fantas- tique. En effet son precepteur n'e'tait qu'un dandy d'une autre sorte , peu soucieux de se chagriner et de combattre I'ancienne morale ou de se metlre en quete d'une morale nouvelle. Apres avoir seduit sa jeune e'leve oil s'etre laisse se'duire par elle , il s'enfuit. A I'oncle de la pauvre enfant qui le rcjoint ct lui rcproclic sa lache conduite, il re'pond : « Je suis a vos ordrcs, monsieur , j'ai quclques connaissanccs dans Fart de I'-escrime. » Sa maitresse se marie ; il s'introduit furtivement pres d'elle avec le de'sir de la posse'der encore. Ouelques mois s'ecouleni;, el on le retrouve a Marseille , oil il donne des lefons de g^uitarc et de chant a une fort jolie dame. — Hum! hum!.... et je me senlis cntraine dans un cours d'ameres reflexions , tandis que le voyageur continuait a parler des face'^ics d'un homme mort , des miseres d'nn homme qui avail la main malheiireuse des rodomontades d'un homme pcrplexe. Je nc Fc'coutais plus, et re- marquais sculement qu'cn m6me terns qu'il faisail tourner ou siffler d'une main sa baguclle d'e'bene , ct que de I'aulrc main i! s'cfforcait de fixer un pli de sa cravate , tout son ctre semblait sc dc'formcr : sa chevelure e'tait he'rissee dc plumes de corbeau ; sous son crane , au lieu de cerveau, brillait et remuait de la poudre d'or; sa poitrine e'tait faite d'un busc d'acier et dc baleines transvcrsales 0 horri'de ! most horrible! comme dit Hamlet devant I'csprit Tout a coup il dispa- rut avec des gestcs de desespoir. Eo. Qn. iga LIYRES FRAN^AIS. 67. La duchesse de Guise, ou Jntdrieur d'une famille illustre du terns de la Ligue , drame en trois actes , par madamc de Souza , autcur A' Adele de Senanges. Paris, 1.832; Ch. Gossclin, rue Saint-Germaln-des-Prc's , n° 9. In-S" de i34 pages j prix, 4 fr- Madame de Souza s'est fait iin npm par scs productions romancsques, ou elle a su ex[jrimer avec grace ccrtaincs nuances delicates des plus doux sentimens du cosur. Ge nic'rite est encore celui du drame que nous annoncons , raais peut-etre s'y trouve-t-il im pen liors de proportion avec I'importance liistorique des personnages qui y figurent , peut-etre aussi le tour des ideas et du langage y est-il .trop moderne, trop con- temporain. Je suis loin de regrettcr que I'auteur n'ait pas augmcnte' le nombre des pastiches maladroits qui ont la pretention de nous rendre I'idiome du seizieme siecle , et qui y reussissent a peu pres comrae ces jeunes visages d'acteurs, alfuble's, pour paraitre vieux, de quelque vieille barbe mal ajuste'e. Mais aussi c'est un autre abus de mc'tamor- jilioscr un mterieur dc ces anciens terns en un salon du dix-neuvieme siecle. Entre ces deux exces la route est difficile , et il ne se pre'sente guere de guides qu'ob puisse suivre pour la trouver. II en est plulot dont il faut se gai'der , et dont madanie de Souza parait avoir pris a tache d'e'viter les traces : notarament certain drame liistorique, du reste plein d'effet , oil Ton voit les mignons de Henri III lancer en presence du roi des boulettes au due de Guise, et cclui-ci se de'faire d'un rival par un assassinat. II semble que madame de Souza ait voulu reliabi- liter , pour le sentiment des convenances et la gene'rosite , la reputation de Saint-Megrin ct du due de Guise. Elle ne pouvait manquer d'y re'ussir, mais cela ne suffit point encore a la verite' liistorique et a I'in- te'ret dramatique; aussi, a vrai dire, la duchesse de Guise est-elle plu tot une inge'nieuse et agre'able esquisse morale , qu'un drame ou unc chronique , comme Ton dit a present. H. P. *»&^^<^sa^~- IffOUVi:i.I.Z3S SCIEIffTIFIQUES LITTERAIRES ET INDUSTRIELLES. ETATS-UIVIS. DECOBVERTE D'OSSEMESS FOSSILES AlIX ETATS-CNIS, MM. Cooper , Smith ct de- Kay ont adrcsse an lycc'um d'histoirc naturelle un rappoi't dont nous donnons ici Textrait siir unc collection d'o^fossiles trouve's a Big-Bone-Lick , dans le Kentucky (i). Plus de la moitie' des os dont se compose cctte collection appartient au grand mastodontc, et la piece la plus remai-quable est unetetede cet animal, incomplete a la vc'rite, maisbicnmoinsquetoutescellesqueron flvait trouve'es jusqu'a present, et a I'aide dclaquelle on pourra se former unc ide'e beaucoup plus juste de la configuration de cette importante partie. Le crane est tres-de'prime, ce qui suffit pour distinguer, au premier coup-d'ceil, cette tete de celle de I'e'lephant. Lesdeux defenses existent I'une tenant eni-ore a 1' alveole, et I'autre ayant e'te' Irouvc'e a pen de distance. (1) On trouve dans les plaincs ties deux Ameriqucs des sources d'causaumatrc trfes-reclierchecs par les herbivores originaires du pays , et par ccux que les Eu- ropcens y ont apportcs. Quelquefois Tcau ne fait que suinter: dansce cas les ani- iTiaux ne se conlcntent pas de boire le liquide qui s'en amasse, rnais ils Ifechent encore avidenient la lerre qui forme les parois du bassin. C'est ce qui a fait ddsigner ccs licux pai le nom de Jdchoirs, en anglais. Licks ; en espagnol , lait:- liediros. Big-bone-lick , signifiele lechoir au\ grands os , ce qui prouve que les premiers colons qui se sont fixes en cet endroil, et lui ont impose son nom, y decouvrircntdcs le principe des os d'animaux gigantesques, comme ccux qui font Pobjet de ce rapport. TOME LIV. AVniL 1852. 15 194 NOUVELLES SCIENTIFIQUES ET LITTERAIRES. II y a en outi'c : i" Plusicurs defenses cnticrcs, dont cinqont de six picds el derai a dou/.e picds de longueur , et divers fragmens qui semblcnt avoir ap- partenu a des defenses plus grandes encore; u" Sis. portions de raacboires superieures contenant toutes dcs dents ; 3° Quinze portions de machoires infe'rieurcs offrant chacune d'une a trois machcliercs; 4" Soixante-trcize dents molaires de'tache'es; 5° Divers os dcs extre'mite's anterieiu'cs, savoir: cinqomoplates,srpt liume'rus, trois cubitus ct un radius, en general en assez bon etat dc conscnation ; 6" Os appartenant aux cxtre'inites posterieures ; six os innomme's , dix femurs et cinq tibias. II ne serait ccpendaiit pas impossible que parmi les os longs ct Ics defenses de'tache'es plusieurs appartinsscnt , non pas au mastodonte , mais a I'e'le'pbant, la mutilation dc plusieurs d'cntre cux rendant assez difficile une determination pre'cise. Apres les os de mastodonte , les plus nombreux sont ceux d'e'le'phant fossile. II y a entre autres pieces un fragment de tete appaitenant a un jeime individu plus complet que tous ceux qm avaient e'te' trouves jusqu'a present dans les foats-Unis. Ce fragment se compose dc la ma- choire supe'rieure ct de rinfc'ricure , avcc six dents molaires , le tout bien conserve. II y a en outre plusicurs grands fragmens de machoires et vingt molaires de'tacbe'es. En fait d'animaux ruminans , il y a plusiciu's ^ranes de bison de respece perdue, nomraee par le docteur Algn bos bombifrons , et d'une grande espece du genre cercus qui parait diffe'rer peu du cervus alces. II y a aussi plusieurs fragmens considerables du squelctte d'un ani- mal dont I'osteologic ne nous est encore que tres-imparfaitement con- nue, du megalonjx. Le morceau le plus important est un os maxil- laire infe'rieur du cote' droit , avcc quatre dents contenues encore dans leur alveole, et unc dent dctaclie'c qui paratt proveuir de la maclioirc supe'rieure. H y a aussi un tibia de la jambe droite, et meme on su])- \ ETATS-UNIS. ITALIE. 1^5 pose que parmi les fiagmens non encore bicn determines il en est plu- siciirs qui appartiennent au meme animal. Mais les pieces les plus inte'ressantcs peut-etre de toute la collection sont des debris de cheval qui ont etc trouve's avec les autres os, de sorte qu'on ne peut guere douter qu'ils n' appartiennent a la meme e'poque. 11 Y a un assez grand nombre de dents tres-grandes , Ires-bien conservees , et quelques autres pieces osseuses qu'il n'est guere possible de me'con- naitre. On n'avait pas encore , a ce que nous croyons , trouve dans le Nouveau-Monde d'os de cheval fossile. Les commissaires ne seraient pas e'loigne's de conside'rer la grandeur des dents qui ont e'te soumises a leur examen, comme indiquant une race de taille supe'rieure a celle que nous connaissons aujourd'liui. Tous ces OS ont e'te' trouve's , comme nous I'avons dit , a Big-Bone- Lick. , a une profondeur d'environ vingt pieds; mais il parait qu'on en a trouve pre'ce'demment beaucoup plus pres de la surface. La collection que Ton fait voir pour de I'argent, doit, a ce qu'on assure, partir pro- chaincmcnt pour Londres , et venir ensuite a Paris. Le poids de tous les OS qui la composent est maintenant de cinquante-trois quintaux. ' Une seule paire de defenses pesait six cent livres, lorsqu'on la retira de la terre. Les defenses des mastodontes sont beaucoup plus courbe'es que celles des e'le'phans. On compare leur forme a celle d'une faucille qui aurait e'te courbe'e sur le plat. R. ITALIE. I'ROJET n'lI\E ECOLE TUEORICO-PRATIQUE B'AGRICl'I.TURE ES TOSCAXE. L'agriculture toscane a e'te fort vante'epar les Italiens et par plusieurs ctrangcrs meme. M. de Sismondi, dans un ouvrage special, plus tard 1\L LuUiu de Chateauvieux , en ont fait un grand e'loge, et beaucoup d'economistes apres eux. 11 est de fait que la science agricole a refu dans le Grand-Duche une impulsion progressive; la socie'te agrono- miquc des Ge'orgopliiles , et le journal agraire , public' a Florence Font puissamment servie; il s'en faut cependant que les bonnes me'thodes soicnt populaires, et nous avons vn nous-memcs combicn de prc'juge's rc- 15. 196 NOUVELLES SCIENTIFIQUES ET LITTERAIRES. gnent encore quant aiix applications, jusquc dans ce val d'Aino que les agrononies preconisent comrae un Eldorado. lln pen d'exage'ration est focile aux voyagciirs qui passent. Lcs na- tionaux sont plus e'claire's. Un dcs plus zelc's, M. le marquis Cosme RiDOLFi, ne parait pas se faire illusion sur Fc'tat vrai de la science e'conomique en Toscane , dans tout ce qui tient a la partic agraire ; et c'cst pour dc'racincr dcs prejuge's funcstcs , dont il a vu les consequences , qu'il propose I'c'tablissement d'uoe e'cole the'orique el pratique d'agri- culture , a I'iiistar de quclques ctablissemens pareils fonde's en Suisse. EUe serait dcstinc'e surtout a I'inslruction des facteurs et des petits proprie'taires , et aurait I'immense avantage de populariser les saines ,doctrines. II expose son plan d'e'ducation rurale dans une petite broclnire pu- blie'e a Florence a ce sujet. Outre I'application du systeme ge'nc'ral des poderes , adopte en Toscane ^ il propose de re'server quclques parties de la terre oil serait e'tablie I'ecole, aux experiences , a I'essai de me'- tliodes nouvcUes et an perfectionnement de certaines cultures ; ce serait une sorle de fcrme modele. II ne borne pas a I'agriculture seulc reducation dcs e'leves ; il y joint les connaissances propres a faciliter lcs moyens et a feire des agricul- teurs rationnels , telles que la botanique , la geologic , la chimie , la ge'ome'trie, la nie'canique , I'art ve'te'rinaire. II met, avec un de'sin- te'ressement lo liable , une de scs terres (a Meleto, dans le val d'Elsa), a la disposition de la science pour la fondation qu'il propose. L' Acade- mic des Ge'orgopliiles, a qui la proposition a etc' soumise, I'a prise en consideration , et nous savons que des commissaires ont etc iiommc's pour I'examiner scrupuleuseraeut. Nous ignorons les destinees idtc'rieu- res du projet; nous desirous sincerement I'accomplissemcnt de cette bonne ceuvre publique, et felicitons M. Ridolfi de sa patrioliqne ini- tiative. AMT1QCITE3 R0MAI9IES A PA VIE KT A PI.\ISA!\iCE. II y a quclques nnue'cs que Ton exhuma sur le territoire de Dorno in Lomellina, pres de Pavie, phisieurs milliers d'antiques me'dailles de families romaincs , en argent, jusqu'aii second consulat d'Augustc. Elles e'taient renferme'es dans un vase de terre cuite et dans un ctat de ITALIE. 197 conservation parf'aite. On de'terra en merae terns grand nombre d'antres me'dailles, do vases d'argile et de me'tal et divers aiitres objets d'anti- quite's. Au mois de Janvier dernier, on a dc'couvert non loin de la a Zi- nasco, dans une terre de M. Charles Grassi de Pavic , cent quarante-six nouvelles me'dailles imperiales d'Arcadius a Anastase, sous le regne duquel il parait qu'elles furent enfouies. EUes e'taient aussi ren- fermc'cs dans un vase de terre , peu profonde'ment et pres d'un se'pulcre de tuiles oil I'oa a trouve encore les restes d'un cadavre. EUes sont tou- tes merveilleusement conserve'es; celles des derniers empcreurs surtout serablent sortir de la Monnaie. Voici la se'rie des types exliume's : D. N. ARCADivs. P. F. AVG. — Buste de face avec casque, e'cu , dia- demc et lance. — En revers : concordia avgg. Rome assise avec sceptre et victoire. Sur I'exergue : cojfOB. qui selit sur toutes. D. N. THEODOsivs. P. F. AVG. — Memc bustc. — Revers : vox. xx. MVLT. XXX. Victoire avec grande croix. D. N. MARCIANVS. P. F. AVG. MemC buStC. RcVCrS : VICTORIA AVGG. Victoire comme ci dessus. D. N. LEO. PERPET. AVG. — Meiue bustc — memc revers. D. N. ZENO. PERP. AVG. — Mcme bustc — meme revers. \ D. N. BASiLiscvs. P. F. AVG. — Hem. — Idem. D. N. ANASTAsivs. P. F. AVG. — Idem. — Idem. D. IV. ANASTASIVS. P. F. AVG. — Tctc d'Auastasc enprofil avecdia- deme. — Revers .- victoria, avgvstorvm. Victoire avec couronne et croix. — M. Cortesi de Plaisance, conduit par divers indices arcbe'ologiques, a entrepris avec quclque succes des fouilles sur les bords du P6 et dans le lit meme du fleuve , avec I'assistance d'un habile plongeur. Les ob- ■ jets I'endus ainsi a la lumiere sont de diverses sortes. Quelqiies frag- uiens de colonnes de mosa'i'que et d'ornemens divers , les uns en mar- ble blanc de Verone , d'autres en mai'bre de CaiTare; une inscription sur plomb , oil le seul mot de PLACENTINORVM est lisible : quel- ques me'dailles , assez insigniGantes, et enfin une petite statue de bronze fort bien conserve'e. Elle porte Tare et la cuirasse et semble repre'senter Apollon ou Adonis. Nonobstant I'opinion de M. Cortesi sur la haute et presque fabuleusc antiquitc de sa villc natale, il ne parait pas qu'aucun 198 NOUVELLES SCIENTIFIQUES ET LITTERAIRES. dos objots cxliinne's remontc au-dela des Antoninsj Ic style artistiquc dc ces divers monumens somblc porter le cachet de ce teins et plusieurs des me'dailles trouve'es aux iiiernes lieux sont de cette e'poquc. ' BELGIQUE. acad£mie des sciences de uruxem.es. Sdance tlu 7 avril. M, DeweZj secretaire, donne communication d'lmc note qui lui a etc adresse'e par M. de Chenedolle , professeur de litte'rature francaise au college de Liege ^ annon^ant qu a Fizcnne, village de la province dc Luxembourg , a deux lieues de Durbuy , on a de'couvert , au raois de fe'vrier dernier , 120 me'dailles d'origine gauloise, supe'rieurcmcnt con- servees. Ces me'dailles sont toutes en or , ct ne portent qu'une seule cm- preinte. EUes pesent ciiacune trois esterlins et vingt-scpt as. Quant a la forme, au sujet et au module , elles sont entierement semblables a celles qui ont e'te de'crites par I'abbe Gbcsquiere , ancien membre de I'Acade- raie , dans un ouvrage ayant pour titre : Memoire sur trois points in- teressans de Vhistoire mone'taire des Pajs-Bas. — M. le baron de Reiffenberg donne lecture de la premiere partic de son Memoire contenant des particularites inedites sur Charles-Quint et sa cour, qu'il a pre'sente' a la derniere seance. Apres cette lecture , il depose sur le bureau la seconde partie de ce Memoire , qui fait con- naitre les occupations littcraires de ce j^riuce , ct le moutre livre' a de paisibles e'tudcs au milieu des camps , des soucis de la guerre et de I'ambition . — M. de Reiffenberg inforrae ensuitc TAcademic que M. Delmotte , bibliothc'caire de la viljc dc Mons, a rctrouve' dans les comliles de I'c- glise de Sainte-Waudru le chartrierdu ci-devant cbapitrc de cette cgli^e, que Ton croyait de'truit depuis long-tems , et qui e'tait contenu dans plu- sieurs sacs. Les diplomes les plus anciens appartienncnt au regne de Baudouin V^ ily en abeaucoup de Baudouin VI, dit dc Constantinople. On y trouve aussi I'original dc la fameuse cliartc de 1200, qui re'glail BELGIQUE. 199 la legislation des fiefs dans leHainaut, et line liste des offices he'rc'ditai- res de la cour de Hainaut, forme'e au commenceiuent du XIIP siecle par Gislebert, le meme a qui Ton doit une chronique publiee en 1784 par le marquis duChasteler. M. I'archiviste Gachard s'est empresse de se rendre sur les lieiix pour constater I'etat de ce veritable tre'sor. — M. Pagani presente un Me'moire sur la theorie des projections algebriques el sur son application au mouvement de rotation d'un corps solide. Rcnvoye a la commission des sciences physiques et mathe- matiques. — M. Sauveur met sous les yeux de I'Acade'mie des ossemens hu- mains fossiles de'couverls dans les cavernes d' Engihoul et Engis , et dont il a e'te'fait mention a la derniere seance. — M. Quetelet communique ses observations sur la declinaison , I'inclinaison et Vintensite magnetique a Bruxelles. En pre'sentant , dit-il , a I'Acade'mie les re'sultats de mcs observations sur I'etat des e'lemens du magnetisme terrestre a Bruxelles, j'aurais de'- sire pouvoir lui fairc connaitre les variations que le tems a fait si:bir a ces e'le'mensj mais , malgre toutes mes rccherclics , je n'ai pu trouver aucune observation antcrieure un peu pre'cise sur le magne'tismc , je ne diraispas pour Bruxelles , mais meme pour tout notre royaume. Jedois done me borner a citer mes propres observations , et une observation de I'intensite' magne'tique, que M. le capitaine Sabine a faite a Bruxelles , dans lejardin de I'observatoire , le 5 novembre i8i8. Les e'le'mens qui suivent ont e'te' tons determines dans le jardin de I'observatoire, entre 2 et 4 heures de I'apres-midi , avec d'excellens instrumens de MM. Troughton ct Simms : chaque nombre est le re'sul- tat de plusieui's observations, Declinaison du I'aiguilLc mui^neliqiie. Ociobre 1828 'S.i'"S.W 5\" ,\ Mars 1850 22" 25M8",t Mars 1832 22''18'5y",2 IncUnaisoa de I'tiigiiille. Octobic 182a .. 08" SI.', ."i' Mars 1830 G8" 52",6 Mars 1832 G8" 49'M 200 NOIIVELLES SCIENTIFIQUES £T LITTERAIRES. Ainsi, pendant ces qiiatre dcrnieres anoe'cs, la de'clinaison aurait di- miniie de lo niimUes environ, et rinclinaison de 5 'I'. . Quant a I'intensite horizontale du magnc'tisrae terrestre, j'avais dc'ja de'tciinine sa valeur pour Briixelles , rclativemcnt a un grand nomljrc de points remarquables de France, d'Allemagne, de Suisse et d'ltalie. Les nombres qui suivent serviront de verification a ceux que j'ai publics dans les Memoires de VAcademie ; ils ont etc obtenus avec un instru- ment construit a Bruxelles, et destine a I'observatoirede Geneve. M. Pla- teau, en le portant a Paris, a bien voulu observer les aiguilles dans Ic jar- din de I'observatoire, avec M. Nicollet, qui les a observees de son cote sur les bords de la rade de Brest , en profitant d'une excursion qu'il faisait pour des exaniens de la marine. Les re'sultats ont ete corrige's des effets de la temperature , au moyen de la formule de M. Hansteen. J'ai mis a la suite de ces re'sultats ceux que j'avais obtenus ante'rieurement , et j'ai pris pour unite' I'intensite' magne'tiqiie horizontale observe'e a Paris. Intensitd horizontale . Observaleurs. Paris , septcmbre 1 831 . \ ,0000 MM. TNicollet et Plateau. Bruxelles , aout 1881, 0,9607 MM. Plateau et Qiietelet. Brest, septornbre 1851. 0,9770 M. NicoUei. Gen6ve, fevrier1832. 1,0812 M. Gauthier. Observations Je \ 830 . Paris 1,0000 Bruxelles 0,9697 Genfeve 1.0803 M. Gautier , directeur de I'observatoire de Geneve , en me Iransmet- tant ses observations , me pre'vient qu'elles ont ete' faites au lieu meme ou, un anet demi auparavant, j'avais obtenu un re'sultala pen pres iden- tiquement le meme que le sien. Les rcsultats de Bruxelles, pour i83i, different un peu de ceux de I'annc'e pre'ce'dente , et tiennent a pen pres le milieu cntre ceux-ci el ceux obtenus par M. le capitainc Sabine, qui e'taient pour Paris et Bruxelles dans le rapport de loGSi et ioi5G, ou comme i a o,g5o9. M. Quetelet met cnsuite sous les yeux de 1' Academic une carte rcpre- sentant les positions successives de diffe'rentes taclies (ju'il a observers sur le disque du soieil , et dont il continue a suivre la marche. FRANCE. ACADEMIE DES SCIENCES. SEANCES nV MOIS d'aVRIL. Sdiince du 2 (H'ril. Le minisire de la guerre annonce avoir nommd a la place de profes- seurde physique a I'e'cole polyteclinique M. Lame, qui ctait le candidal pre'senle' par rAcade'inie. — M. Geoffroy pre'sente un Me'moire sur un enfant qui presente iin double train de derriere ct qui en ce sens peut etredit quadrupede. Get enfant , ne a Paris, a maintenanl deux ans; il jouit d'une tres- bonne sante et inarche tres-bien. Les cuisses anoiynales sont distinctes quant aux os, mais re'unies par les parties molles; les deux jambes qui en naissent sont tout-a-fait isole'es ; I'une est coraple'tement ankylose'e au gcnou. Le pcre de cet enfant est un garcon cai'ossier nomme Evrard. La grosscsse de la mere n'a offert aucun accident. — M. Magendie demande que TAcade'inie fasse faire des analyses de Fair pris en diffe'rens points de Paris, afin de reconnaitre si I'atmos- phere a e'prouve depuis quelque teins une alteration dans sa composi- tion chimique , alteration que certains me'decins adxnettent et qu'ils pre'sentent com me cause de re'pide'mie actuelle. L'Acade'mie , conforme'ment a cette demande , nomme une commis- sion compose'e de MM. Thenard; Gay-Lussac et Serullas. Sur la demande dc ccs trois acade'miciens, M. Magendie est adjoint a la com- mission. — M. Latreille fait un rapport verbal tres-favorable sur un ou- vrage de M. Duponchel relatif aux le'pidopteres. Physiolofjie. — M. Fi.ouRENs lit un Me'moire sur la force de contraction des veines principales dans les grenouilles. L'honorablc acade'micien est arrive, par une suite d'expc'rienccs qui ne semblent gui;re susceptibles d'objections , a prouver que les veines principals des grenouilles jouissent de la faculte de se contracter de maniere a faire marcher Ic sang qu'elles renlcrment dans leur cavite. II 202 NOTIVELLES SCIENTIFIQUES ET LITTERAIRES. cxiste done pour la circulation clicz ccs aniraaux un second prineipe de raouvement, outre celui qu'ils ont en coramun avec les verteTire's d'ordrc supcrieur. L'cxistcncc dc ce nouvel agent d'impulsion est pro- bablemcnt rcndue ne'cessaire cIick les batraciens par le peu d'c'nergic dos organcs appartenant au systeine dc la circulation arte'riclle et par I'absencc des causes qui chcz les mammiicres influent d'une manicre indirecte sur la rapidite du cours du sang , comme sont les mouvemens du thorax. Anatomie gdndrale. — M.CuviERlitunMemoire sur les ceufsde la seiche, mcinoire qui n'cst que I'exposition d' observations qu'il a faites il y a plus de dix- sept ans. Les preparations anatoraiqucs qui servaient de base a cc travail sont reste'es depuis expose'es dans les galeries du Museum , et la de'- monstration en a e'te faite a diverses reprises dans les cours publics. Cepcndant, malgre ce genre de publicite, I'histoire dcs de'veloppcmens dcs moUusques ce'pbalopodes est encore considere'e gene'ralement comme un des points les moins connus de la zoologie. L'ceiif de seiche est un sphe'roide elliptique assez semblable aux grains de certains raisins, et offrant, comme ces grains, a une extre- mite, un petit point saillant, et a I'autre un pedicule plus on moins allonge' et termine par un anneau a I'aide duquel cet oeuf est fixe sur quelque corps marin , une tranche de fucus, une e'ponge, etc. En coupant transversalcment I'oeuf a la base de son mamelon ter- minal , on voit dcs lignes circulaires infiniment plus nombreuses que celles d'unc section faite vers le milieu de I'axe, et il semble meme en quelques points que ces lignes forment une spirale unique, en sorte que la coque de I'oeaf serait forme'e de I'enroulemeot d'unc meme substance tirec et contourne'e plusicurs fois sur ellc-meme. II serait fort interes- sant de suivre la seiche au moment oil elle depose ses ceufs, et de s'assu- rer de la maniere dont elle Icur donne cette enveloppe , car elle ne peut guere avoir etc forme'e ainsi dans I'oviducte. L'anneau par lequel le pedicule s'attache ne peut avoir e'te produit qu'au dcliors et par Taction de la mere. Lorsqu'on a ouvert la coque opaque de IVeuf , on Irouve dans son in- tcricur une mcmljrane traiisparcnte fixee aux deux poles par deux proc- FRANCE. 2o3 minenccs que Ton pent comparer a des chalazes, laquellc crabrasse a la fois le vilellus et Ic germe : elle se divise elle-meme en deux tu- niques. Dans les oeufs qui viennent d'etre pondus, la membrane ne contient encore qu'une substanjce glutineuse et asset limpide. Les cbangemens qui s'opercnt depuis cet e'tat primitif jusqu'a une certaine e'poque du de'veloppement n'ont pu etre suivis par M. Cuvier. Ge genre d' observa- tion, exigeant des ceufs trcs-frais, doit se faire pour ainsi dire au bord de la mer, et c'est im sujct inte'ressant de recLerches pour un naturaliste qui re'sidcrait sur quelque point de la cote pendant la saison conve- nable. C'est seulcment dans les dernieres pe'riodes de son de'veloppe- ment que M. Cuvier a pu suivre la petite seicbe. Elle s'est montre'e a lui couche'e sur le vitellus, tantot en travers, tantot obliquement , et quelquefois selon sa longueur j c'est par la face ventrale qu'elle y re- pose. Le vitellus a une membrane propre diffe'rente de celle que nous ve- nous de de'crire, et qui embrasse a la fois le vitellus et le foetus. Quand au foetus lui-meme , il est douteux qu'il ait sa membrane enveloppaute distincte ; du moins M. Cuvier n'a pu lui de'couvrir d' amnios. Le sujet le moins de'veloppe' que I'auteur ait obsei've' avait a pen pres le quart de la longueur du vitellus , auquel il adbe'rait. On distinguait deja son sac et quelques-uncs de ses tentacules ; les deux yeux e'taient cbacun presque aussi grands que le sac , ce qui lui donnait quelque rap- port de figure avec un papillon. A- mcsure que le foetus avance en age , les yeux reprenncnt leur pro- portion, mais pendant long-tems la tete reste comparativement fort grosse, et elle est encore plus large que le sac , lorsque le fretus couvre deja les trois quarts du vitellus. Les deux tentacules infe'rieures , c'est-a-dire les plus voisines du cote' de Tentonnoir, dcmeurent presque jusqu'a la fin plus e'carte'es en dehors et Irancbantes par leur bord externe. Les deux longucs tenta- cules, celles qui u'ont de ventouses qu'a I'extre'mite' , sent reploye'es cntre la paire infe'rieure et celles d'au-dessus , elles demeurent ainsi jusqu'au moment oil la jietitc seiche e'clot. L'objet le plus important de cette recherche etait de determiner a quel cndroit le vitellus communique avec Ic corps et a quelle partie dc 2o4 NOUVELLES SCIENTIFIQUES ET LlTTl^RAIRES. I'iiitestin Ic canal de araUelement aux axes,fera connaitre les de'placemens et FRANCE. 29.6 les composantcs dcs vitesses des memes points a la mcme e'poque que dans le systerae propose. L'expression ge'ne'rale de cos systemes partiels ctant forme'c , ce qui n'oftre qu'une ditficulte'd'un ordre infc'rieur, on en fera la somme par une inte'gration relative au terns. L'auteur donne les forinules ainsi calcule'cs , qui se rapportent aux vibrations d'un sysleme de points mate'riels en nombre quelconque. II fdit ensuite I'application de la meme me'thode a une question ou les niou- vcmens vibratoircs sont reprc'sente's par une equation aux differences partiellcs, et choisit pour cela le cas particulier traite autrefois par M. Poisson. La forraule de ce ge'ometre differe d'ailleurs de la sicnne autant que les deux proce'de's different I'un de I'autre. Ces applications suffiront pour faire comprendre avec quelle simplicite' la me'thode pro- pose'e s'apjdiquc a toutes les questions traitces jusqu'i'ci , et auxquelles se trouve ajoute'e une difficulte d'un ordre plus e'leve. CLASSIFICATION DES CO.NNAISSANCES HUMAINES, PAR M, AMPERE. Pour fixer dans la me'moire la classification dcs sciences , propose'e par M. Ampere dans le cours qu'il a fait cet liiver au College de France, les principals divisions dont elle se compose ont e'te indique'cs dans les vers mne'moniques suivans. Afin que le lecteur put juger de la maniere dont ce but a e'te rempli, nous pre'sentons en meme terns un tableau synoptique 'de cette classification. On y verra comment toutes les ve'rite's qui sont du ressort de la raisou humaine se diviscnt et se subdivisent en regnes, sous-regncs, embranchemens et sous-em])ran- cheraens ; et comment enfin cLacun de ces sous-embranchemens se par- tage en ce que M. Ampere nomme dcs sciences du premier ordre, qii'on doit regarder comme des classes de ve'rite's. Si , pour un sous-embranchement quelconque , on considere les deux sciences du premier ordre, dans lesquelles il se divise, on voit que dans la premiere I'objet est cunside're en general, tandisque dans la deuxiemc il est ctudie'dans la parlie qui est plusspe'cialcment relative a Fbomme. Pour les sciences mathe'matiques, par cxemple, c'est dans cette deuxieme science du premier ordre qu'on etudie la realisation dans I'espace et dans le mondeque nous Labilonsdes ve'rite's que comprend la premiere. Pour 224 NOUVELLES SCIENTIFIQUES ET LITTEUAIRES. Ics trois autros ouiLranclicinnis dcs sciences cosmologiqucs , la seconde science dii preinicr oidre applique a I'utilite de I'Lommc Ics connais- s.i,iccs qu'il a acquises, dans la premiere, tant sur Ics corps inorga- iii(|ucs que sur Ics ctres vivans. Dans Ic rcgnc dcs sciences noologiques , ccs caractercs se rcti'ouvcnt c'galemcnt pour Ics qualrc sous-euibrancliemens , puisque dans chacun J'cux la premiere science est relative a la simple connaissance , ou , conime on le dit , a I'enlcndemcnt , tandis que la seconde s'occupc de cc qui concerne plus iinme'diatcnicnt I'liomme, puisqu'il y est question de ses sentiuiens, de ses passions et de tout ce qui est relatif a sa vo- lonte. Chaquc science de premier ordre cmbrasse toutcs les vcVite's relatives a un memo objct, soit general, soit ])articulier ; mais les vcrite's <|u'ellc comprcnd se distribuent en quatrc groupcs diffe'rens, suivant les qtiatre pqi^its de vues sous lesquels , dans les ide'cs de M. Ampere, le meme obj[fet peut toujoui's etre conside're'. On a de la sorlc quatre sciences de second ordi'e , qui sont , par rapport aux ve'rite's que I'au- teur s'est propose de classer, ce que sont les families nalurelles en bota- nique et en zoologie. Voici maintenant quels sont les quatre points de vue auxquels cor- respondent autant de sciences du second ordre. Le premier, ou le point devue autoptique, est relatif a toutcs les vc- rite's auxquelles nous arrivons en ctudiant I'objet qui nous occupe , tel fiu'il se pre'sente a nous , aux yeux de I'esprit ou a ceux du corps , ou meme dans les re'cits des observateurs pour ce que nous ne pouvons ob- server nous-memes. Ledeuxieme, ou le point devueanaljtique, se rapporte aux connais- sances que nous acqueions, lorsqu'a I'aide de la decomposition physique uu de I'analyse rationnelle ou par tout autre moyen propre a determiner les inconnues du probleme, nous chercbons ce qui est renfermc ou cache dans les objets que nous venons d'e'tudier dircctement. Dans le troisicme, on point de vue comparatif, on se propose de de- terminer les lois ge'nerales auxquelles conduit la comparaison des dif- fe'rens e'tats par ou passe siiccessivemcnt lui objet ou cellc des divers objets d'une meme classe. Dans le quatrierae , ou point de vue etiologique , on cherche a licr FRANCE. 2 25 les objets par les relations de ca'usalite , soit en remontant d'effets connus aux causes, soit en partant des causes pour pre'voirles effcts. • Cette division fondc'e sur la distinction des deux objets, I'un general, I'autre paiticiilier, susccptibles chacun de quatre points de vue , ne se pre'sente pas seulrment dans chaque sous-embi'anclipmcnt , mais aussi dans renserable de nos connaissances , et c'est sur elle que repose leur premiere distribution en deux regnes subdivise's chacun en quatre em- branchemens. La distinction des quatre points de vue queM. Ampere trouve a e'tablir danstoutes les sciences du premier ordrc s'offre immediateraenl dans quel- ques-unes oil elle a e'le marquee, en quelque sonle, par les diverses c'po- ques de la science. Ainsi, pour la connaissance du ciel, a laquelle il donne le nOm d'uranologie , I'objet de cette science a e'te' etudie sous le premier point de vue par Hipparque, sous Ic deuxieme par Copernic, sous le troi- sieme par Kepler, et sous le quatrieme par Newton. « De meme, ajoute le professeur, la zoologie est a son premier degre' dans les c'crits de Buf- fon , au second dans ceux de Daubenton^ au troisieme dans les ouvragcs de M. Cuvicr, et au quatiiemc dans ceux des jjbysiologistesj la pby- siologie , en effet , ayant pour objet de determiner les fonctions des or- ganes et les causes de la vie, est evidemment le quatrieme point de vue pour la zoologie. » Dans I'argument place en tete de cos vers , M. Ampere a indique les objets auxquels se rapporto cbacun des seize sous-cmljrancbemens dans lesquels il a divise' toutes nos connaissances, et dans les vers eux-meines I'auteur a indique non-seulement toutes les sciences du premier ordre, mais encore la subdivision en sciences du second ordre d'un certain nombre de celles du premier, savoir: la me'canique , I'uranologie , la geologic, la zoologie, I'liygiene, re'lbique , la glossologie, I'hie'iologie, rc'conomie politique et la pc'dagogique. On vcrra , en jrtant les ycux sur le tableau synoptique, qu'il y a dans chaque embranchcment une science du premier ordre au moins qui se trouve ainsi de'vcloppec. Quant aux aulres sciences du premier ordre, tantot elles sont lappclccs simplcmcnt sans aucuae subdivision , tantot plusieurs de leurs subdivisions sont groupe'es sous une indication commune et d'autres exprime'es a part : TOME LIV. AVRIL 1852. ' 15 226 NOITVF.LLES SCIKNTIFIQUKS KT LITT^RAIKES. SCIENCES du PREMIER ORDRE. 1 _a*.'5.=f.^-^l,c:C.O-2;r5-;^.0r,»^O5;|q«^^g^«gg :^«3 J 1 f 1 fl II il il ll ^1 1 ilf 1 .1 J 1 f 1 If 11 1 1 W2 M a [J CD w en P o C/5 _-s = >>:??g-;^j^j^^ = ^>,^ 3 g" . ■ I i '■ i '■ 1 ■ i ^ ; 1 s 1 M . .1 1 1 1 fill 1 1 1 1 i 1 \ a g 3 1*1 "^ ^. t I -a; Pliilosophiques. . . . Dialegmatiques. . . . Historiques IPolitiques w O ■w D O CoSMOLOGlQUES proprcment dilcs. Phtsiologiques. noologiques proprement dites. SoCIALES. U5 COSMOLOGIQUES. < NOOLOGIQUES. < SCIENCES FRANCE. CARMIIVA MIVEMOMCA. ARGDMEXTCM. Quceque aniino peragrare licet tihinosse volenti, Sunt octo in inun'do totidemque in mente nutanda. Mensurani ' primiim , motns,^^ et corpora '" diaces, Tellurein^, omne genus plantarum^, animalia^' eti/nde Aut vigeant aut cegrescant '^", morhisque mederi Quel possis curd durosque arcere dolores ■^'". Turn mente.m '^ et rerum naturam scire Deumque ^, Et verba ''•' ingenuasque artes ^h tractare libebit ,• Turn populns , facta ^'" etleguin meditabere jura '"v^ Qua pact ac belle valeant imponere morem Arte duces xv^ felicem et cives degere vitam xvi. OPTIMO FILIO ET CARISSIMO. I. Si scrutari avcas qiiidquid cognoscere fas est, Prima tibi nunieros , casus ' ac discere formas Cura, et concrescant queis rerum elementa figuris'. II. Et motus, et cum pulsum in contraria vires Corpus agunt, ubi stare queat , quorsumve moveri , Quoque modo hjcrescant, trcpident quo corpora prima '; Sidereasque vices, tellus quos crret in orbes , Et quae sint coeli leges atque insita rerum Seminibus quae vis undfe astra per Ktlieris alii Volvuntur spatia et cursus indectere discunt '* . III. Prseterea nosse in terris ut cuncta gensntur, Ut movcant scnstjm , formas vcrtantur in omnes Corpora, queis atomis atomorum et viribus exstent ; Turn disces varia utilitas quas protulit artes , IV. Tum maria et campos, turn saxa etflumina , tellus Corporibus stratisque quibus conGcta sit intiis , Haec ut longa dies imis formaverit undis, Utque efferbuerint olim ignivomi undique monies ', Eruat ut caecis occlusa metalla latebris , Fossor et ardenti tractet mollita vapore . V. Jam quae plantarum species ubicumque vigcscant Scire velis, jamque ut crescanl et semina fundant ', Quo pacto laetas fruges ferre imperet arvis Agricola et servare queat quod terra crearit ' °. J 28 NOLIVELLES SCIENTIFIQUES ET LITTERAIRES. VI. Quas soboli tradant ceneralim animalia formas , Corporis ct ^jiiee sit compares intiina, vitre Scrutari leges ct opertas quaercrc causas ", Bombyces curare et oves, armenta tucri , Et caplare feras ct lino i'allere pisccs ". VII. Vitam miilta juvant animantum multaque Ixdiint. Hinc inorbo alTiciunlur et inde levamina poscunt ' ', Not! tamen ars mcdica cSt ulii tcntanda priusquam Discat ut infundant nobis natura genusque Tarn varies liabitiis , quorum cognoscere sif;na Est opus ut valcas venienti occurrereniorbo, Tuni noris cur ille vifjens , cur debilis ajlcr '^, VIII. Et morbos, causasquc mali, causasque saiulis'', Ind6 quis et qua sit languor sanabilis arte, Quis metus immincat , qua spcs sit mixta timori '^. IX. Mens ipsa et nostra; quae sunt primodia mentis '", Affectus horaiuum, .itudia , oblectamina , curae, Quae signa ing^nii morumque arcana recludunt , Quod decet et qua sunt metuenda optandaquc '^ et un"de X. Non tantum se noscit homo, sed resque Dcumque '', Quae recti aeternae leges , quae praemia sontes Insontesquc manent, ainimos impeUcre certant Ut nova discendi semper rapiamur amore ^^ . XI. Nunc verborum usus et verbis quae sit origo, Diversos ut apud populos mulentur, et und6 Concessa humano generi tam mira facultas Quidquid inest aaimo ut voces expromere possini, Explorare libi libeat^', nunc alma poesis , Nee minus arridens interdum sermopedestris", XII. Relliquia; populorum, aevi monumenta vetusti ^' , Ingenuaeque artes pergunt dulcedine mcntem PcUicere ad studium longosque levare labores '^ . XIII. Tnm loca, mm gcntes dabitur '^, turn discere facta "", XIV. Humanas leges '' ac dogmata rclligionnm , Symbola qux celant mysteria sacra profanos El quo sit cultu venerandc aeterna potestas , Quoque mode veri mutans praeccpta priora Diffusus lat6 genles invaserit error "'. FRANCE. 229 XV. Mox regimen populonim "* et munera noscere belli '",■ XVI. Mox et opes , quo fonte fluant, qua civibus arte Divisse atlulerinl jucundae conimoda sortis, Infelix praesertim ut sit gens inscia rerum Cum segnes torpent mentes meliora perosae '', Denique ut edoceat sapientis cura magistri Discipulum, ingcnium tenlct fingatque vicissim Ad studium veri prsescriptaque munia vitse ^'. COCRS DE PHILOSOPHIE DE M. JOUFFROY Quatrieme article (1). Le precedent article a e'te consacre a cherclier dans les faits les plus gene'raux de la -vie prc'sente de rhomme la formiile rigoiireuse de ses conditions necessaires, ct a de'finir plusicurs circonstances importantes qui s'ensuivent dans le de'veloppement dcs faculte's liumaines, et no- tamment de I'intelligence et de I'activite'. Maintenant arretons-nous pour etudier plus particulierement dans son detail , et plus profonde'ment dans ses lois ^ la faculte dite sympathie dontnous avons jusqu'ici e'carte I'examcn, tantpour le caractere propre du mode de son de'veloppement, que pour la complication obscure et la mobilite des phe'nomcncs qu'offre son allure presque toujours instinc- tive. Plusieurs grands systemes de pliilosopliie et de morale ont nie I'cxis- tcnce de ce principe d' expansion en dehors , du de'sir qu'e'prouve riiomme de s'unir aux existences semblables a la sienne. lis ont pre- teudu que tous les motifs des actions des hommes se ramenent a I'o'- goi'sme. Si la nature liumaine e'tait toule entieie dans.les deux grands princi- pes prece'dcmment de'crifs, intelligence ct activite, nous aimerions leur de'veloppement qui serait noire bien par pur amour pour nous-memes; puis a ce point de viie, les objcts se prc'scnlant a nous commc dcs moyens de de'veloppement , ou comme dcs obstacles , nous les aimerions ct les liairions en raison seulcmcnt de leurs rapports avec notre bien. Ces deux raanicrcs d'etre seraient subordonnccs a I'existence et au caractere de ces rapports et en re'fle'cbiraient toutes les modifications continuelles. • (1 )Nons avons donnd Tanalyse des premieres Iccons de M. Jouffroy, dans notre livraison deJc'cemhif 1831, p. 785 ; enjant'ieriSo'2. p. 200; et en mars, p. 726. 23o NOUVELLES SCIENTIFIQUES ET LITTERAIRES. L' appreciation de nos relations , soit avec les objcts de la nature , soil avec nos semblables , serait base'e tout entiere sur Ics ide'es de I'utile ou du nuisible. La conduite de riiorame serait exclusivcment intcfresse'e , et die le serait de toute ne'cessite, attendu qu'il est dans toute nature de tendre a etre et a se couserver , non de sacrifier son de'veloppement a celui d'autrui. On a voulu identifier le desinteressemcnt avec. la justice. Mais il est clair que la justice, relevant uniquementdere'tat desocie'te', n'estqu'une circonstance du fait moral total, de meme que les rapports sociaux , qui en sont le berceau et I'occasion, ne forment qu'un des e'le'mens de la des- tination totale de rhomine. II faut done voir si I'existence Lumaine ne nous raontre pas quelque fait d'un autre genre , qu'on ne puisse faire rentrer parmi les amours et les haines cliangeantcs , qui expriment Taccomplissement plus ou moins difficile desonbien, sous ledouble aspect de I'intelligence etde I'activite'. Lorsque nous voyons une fleur e'clatante s'elever avec elegance sur sa tige en re'pandant une suave odeur, un peuplier se balancer paisible- raent au souffle d'un vent frais , uri papillon voltiger avec le'gerete' , une fauvclte se.jouer avec grace sur un rameau flexible, une figure humaine pleine de franchise sourire avec bienveillance , nous e'prouvons un sen- timent de plaisir incontestable. Si , au contraire , nous avons devant les yeux une fleur basse , ram- pante , de couleur sombre , un arbre contourne battu au bord d'un pre'- cipice par le vent qui le mutile , un limafon qui traine pesamment sacoquille, un oiseau de nuit a la figure disgracieuse, un visage humain beurte' dans ses line'amens , exprimant la ruse ou I'hypocrisie , nous ressentons quelque chose de pe'nible , nous subissons une impres- sion qui nous met mal a I'aisc, en un mot, nous sommcs repousse's. Ccpendant nous pouvons n'e'prouver de la part d'aucun de ces objets ni bien ni mal ^ iis ne nous sont ni utiles ni nuisibles : ce n'est pas a ce litre qu'ils nous plaisent ou nous dc'plaisent ; cette double modification peut se produire en nous sans qu'il y ait lieu de songcr un seul instant aux avantages ou aux inconve'niens qui re'sulteront de notre contact avec eux. On doit meme observer que ce sentiment , qu'on pcul appclcr de la beaute', et le sentiment de I'utilite, lorsqu'ils s'appliquent a un meme objet, se dc'veloppeut eu sens inverses. L'impression du beau dimiiiue FRANCE. 23 1 a mesure que s'accioit celle de I'litile, ct reciproquement. La pluparl du terns il arrive que I'une des deux absorbe et de'truit I'autre. Loi-sque nous considerons une peche , elle peut se presenter a nous corarae belle ou comme bonne a manger. Une lutte s'e'tablira entre notre admiration et notre soif, et si c'est la soif qui I'emporte, Fobjet sera de'truit, et de'sormais le plaisir esthe'tique_, produit par la vue de I'objet, rendu im- jwssible. De memo une foret, pour le proprie'taire qui I'exploitc donnc lieu a des speculations financieres. Pour le pcintrc ou pour le poete, c'est un sujet d' emotions et de reveries. De meme encore, un tableau rc- pre'sente certainement une valeur d'une toute autre espcce pour le mar- chand que pour I'artiste. Cos deux sentimens sont done bien distincts , ainsi que leurs principes. Les faits qui se rapportent a la faculte' dile sympatliie sont independans de ceux qui se rapportent au de'veloppement de I'intelligence et de I'activite : ils n'expriment plus I'amour de soi , ou s'ils I'expriment, ce que nous croyons, c'est d'une maniere tout a fait differente. Mais il faut cherclier quelles sont les causes , taut en nous que hors de nous, el les situations qui leS de'terminent. De meme qu'il y a dans notre nature une predisposition particuliere, il y a aussi dans les etres exte'rieuis une proprie'te' particuliere qui y correspond. Si nous prenons le fait dans son e'tat le plus simple et a son plus bas degre, nous trouvons que notre impression re'ponddans les objets a I'en- semble de propric'te's qui represente use action. Les differences nous donnent le moyen d'en juger. Ainsi de simples lignes trace'es sur un ta- bleau , si elles sont diverses , ne nous affectent pas toutes de la meme maniere. Nos itopressions a I'aspect d'une ligne droite et d'une ligne brise'e, d'une ligne ovale et d'une ligne serpentine, ne se resseniblent pas. Les sons aigus parlent tout aulreraent a I'ame que les sons graves , le raouvemcnt saccade' que le mouvement continu et lent, les formes an- guleuscs que les formes rondes et polies. L'action , la force, voila la qualite essentielle dans les objets pour la production des phenomenes de sympatliie les plus simples.. A la force s'ajoute la matiere qui I'enveloppe ct les propric'te's qui servent a la raanifcster par les formes et les mouvemcns. Ge sont ccs trois choses qui constituent I'expression , premier fait cstlic'tique. Mais la cause pro- fonde des emotions de cette nature, c'est cc qui est actif, vivant , et se 232 NOUYELLES SCIENTIFIQUES ET UTTER AIRES. rc'vcle coninu; scmblable a nous au travcrs dji dcssin de la robe inate- rielle qui couvre les principcs dcs etrcs. . En presence d'unc force en dc'vclpppcmcnt, noire nature c'prouvc dans le sien quelque cbosc d' analogue au caractcre de celui qui la frappe, elle lend a sc melli-e k I'unisson dc I'elre qui est en action dcvant eJle. C'cst cc qu'cxpiimc le inot de sympalbie, qui vcut dire souffrir twoc. De la vient qu'une forme ovale nous plait mieux qu'une forme an- guleuse , parce qu'cUe re'vele une activite d'un deVeloppement plus facile et plus re'gulier. De la vient la sensation de gene que nous donne la vue d'un limacon ct le sentiment noble et grandiose que fait uaitre celle d'un lion. Tout ce qui est anime renferme un ele'ment d'inte'ret , ct voila pour- quoi les artistes, dans leurs compositions, cmploient Ic laid ainsi que le beau pour concourir au meme effet general. Mais la vie ne se pre'sente pas dans toutcs les parties de I'univers au meme degre et avec un c'gal deVeloppement. Les symboles qui la mani- festent sont plus ou moins clairs, complets, clevcs'. Au milieu des nom- brcuses analogies de proprie'tes communes a tons les etres , s'e'tablit par le nombre infini dcs differences etdes dissimilitudes une grande e'chelle hie'rarchique dans laquelle s'ordonnent, suivant une succession de nuan- ces insensibles, tons les etres, depuis le dernier des mine'raux jusqu'a la plus clcvee de toutes les existences, celle qui est inflnie et qui les do- niine commc leur centre, leur principc et leur fin. Ainsi concu, le )nonde n'est qu'une collection dc symboles, et comme un grand alphabet dont cbaque ctre repre'sente un ele'ment plus ou moins significatif et im- portant. Dans le caillou la vie et la pense'e sont immobiles et commc ef- face'es; c'est un signe illisible, un symbolc qu'on ne pent comjirendre. D'autres etrcs succcssivement forraent comme des mots, d'autres des plirases, puis d'autres des discours entiers. Enfin c'est I'existence de I'homme qui pre'sente le sens le plus complet et le plus profond. Ainsi done, les e'motions qui sont produitcs en nous par le spectacle de la nature exte'rieure, de'rivent de la ressemblance profonde de sa vie avec la notre. Nous voyons en elle un reflet de nous-meme. Le rctentis- srraent de toutcs sjcs modifications se fait dans notre scin a travers les formes qui tout a lafois nous la voilent etnous lamanifestent. C'est la ce qui fait que nous sommcs porte's a nous confondre au sein de toutes les puissances qui se mcuvent sur le theatre dc I'univers^ a nous imir a- la FRANCE. 233 force qui fait vivre les inscctcs et les ve'getaux , a I'cau qui court , a la mer qui gronde, a la tempcle qui rauglt, que nous desirous de nous perdre dans I'ocean de la vie universellc dont nous entendoils dans ud jour de printems les bruissemens prolonge's. Mais il faut analyser plus au long les lois de la sympathie. Nous avons dit que V expression , manifestation de I'analogie dcs natures du. monde exte'rieur avec la notre est la premiere nuance du caractere que doit offrir I'oLjet, et qu'a cette disposition re'pond en nous un mouve- ment comme instinctif d'assimilation d^action par lequel nous tendons a nous mettre avec lui en liarmonie. A ce premier faifs'en ajoute un autre qui lui est supe'rieur : I'expres- sion dans I'objet nous figure un c'tat qui peiit , lorsque nous I'e'prou- vons, nous paraitre bon ou mauvais. Alors ce que nous trouvons perfec- tion en nous devient le beau liors de nous j ce que nous trouvons im- perfection en nous devient le laid dans la nature extc'ricure. Un arbre, par exemple, dans une situation donnec , est a nos yeux le symbole d'un e'tat moral, ct I'impression que nous en recevons determine a sonegard^ par une sorte de relour sur nous-memes , un motif soit d'attraction , soit de repulsion. Tel que nous le voyons , il nous agree ou nous re'pugne. II y a dans ce cas symi^athie , mais sans re'ciprocite' ; c'est le sentiment estlife'tique. Mais lorsque la sympatliie se de'veloppe de I'homme a I'liomme , elle acquiert un degre' tout autre d'inlensite par I'effet de I'ldcntite' complete des deux natures. Cliacune d'elles a re'ciproquement I'intelligence de I'e'tat de I'autre : leurs pense'es et leurs senliraens se communiquent , et quelle que soit la divergence d'ide'es, de sentimens et d'liabitudes qui puisse les eloigner I'une de I'autre, le rapprochement est toujours plus intime que dans le fait esthe'tique , parce qu'il est plus complet ; Timi- tation de dispositions plus profonde, par ce qu'il y a plus de tuobilesj tons les plienomenes sont redouble's, parce que les conditions ont atteint un de'veloppement plus eleve. Mais en outre dc ce fait commun a tous les hommes, s'il arrive que les deux ames comprennent de la meme facon le but de la vie ct s'en- tendent sur les moyens propres a I'attcindrc , cette idenlilc de concep- tion sur la nature de la condition liumaine ajoute au plaisir ([ui re'sulte du simple contact, celui d'une harmonic nJorale. Si de plus, les deux ind'lvidus ont de'couverl un but materiel, un 234 NOUVELLES SCIENTIFIQUES ET LITTERAIRES. avantage, un profit que la reunion en commun de leurs clfoits ieiu- icnde plus facile a acqueVir, une association mate'rielle s'e'tablira entre elles. Mais Ton peut fort bien etrc uni d'intc'ret et n'avoir pas les memes idccs morales et reciproquemcnt. Ne'anmoins si I'harmonie des idees morales se joint a I'harmonie des inte'rcts , I'lmion est plus puissante et Ic plaisir plus vif. Aussi les plus fortes de toutes les associations sont- elles celles qui ont pour lien la conception d'unprojet utileal'liumanite', et dont la realisation est conside'ree comme sainte par tousles membres. Le rapprochemenl des individus est plus foil dans I'amitie' et se fondc sur de nouvelles conditions. L'e'Ie'ment ne'cessaire, c'est la convenance. Expliquons-nous : deux hommes de nature parfaitement identiques, re'unissant les memes qualite's et les memes de'fauts , quelque parfaite- ment qu'ils s'cntendissent , n'auraient pas besoin I'un de I'autre, ils ne deviendraient pas amis. II ne suffit done pas d' avoir une mcme direc- tion d'ide'es : il faut encore que chacun ait relativement la capacite' de suppleer a ce qui manque a I'autre , et de corriger les imperfections de son ami par ses propres qualite's. L'harmonie des idees et le contraste des caracteres , telles sont les deux conditions qui doivent etre re'unies pour produire I'alliance de I'amitie, et qui sont impuissantes se'parement. De la vient que bien rarement I'envie se glisse dans I'amitie, car les ressources et les spe'cialite's d' action e'tant bien distinctes pour les deux natures, aucune n'enleve a I'autre, dans leur tendance harmonique vers le meme but, quelque acte dont celle-ci se soit senlie capable. L'amitie' neparaitpas possible entre un grand nombre de personnes. D'abord un choix convenable des caracteres est de la plus grande dif- ficultc. Puis I'amitie exige une connaissance reciproque si approfondic et des confidences si completes , que ne'cessairement eile doit se horner a un cercle cxtrememcnt restreint. II n'en est pas ainsi de I'association qui n'est qu'une somme d'cfforts, un total et non pas une unite. L'admiration et la pitie, ou bienveillance, sont comme les deux par- ties et les deux moitie's se'parees du fait de I'amitie. Deux natures sont en pre'sence, dont I'une est tres - supe'rieure a I'autre. D'uuc part, la seconde porte envie a la perfection qu'elle voit dans la pre- miere et qui lui manque^ de I'autre, la premiere se sent porte'e a aider la seconde en lui pretant qucJquc chose de sa force. L'amitie ne se produit d^ns aucun des deux cas, parcc qu'il n'y a pas de reciprocitc. FRANCE. 235 L'amonr est le degre culminant de la sympathie. C'cstlui qui accom- plit I'union la plus intime , ct qui seul forme un etre complct. Le ma- riage , qui est comme la consecration de Tamour, re'unit tous les degre's des unions humaines : convenance dans toute Te'tendue de I'ide'e , puis unite de but; enfin tarmonie d'inte'rets marquee par la nature avant d'etre dicte'e par la loi. Ceci fait comprendre la tendresseque le pere et la mere ont pour leur enfant. Dans ce jcune etre qui semble tenir a la fois de I'un et de I'autre s'est opere'e, en quelque sorte, I'union spiri- tuelle complete a laquelle ils ont aspire'. II en est devenu comme le symbole. II existe des associations humaines bien plus vastes que toutes ces dernieres. Ce sont celles qui forment les provinces , les nations, et dont le lien principal reside dans la communaute d'inte'rets et le con- cours de tous les membres au but gcne'ral par I'iinpot, les elections po- litiques, le service militaire, etc. Le sentiment que Ton fait partie d'une grande association donne naissance a un plaisir qui croit en proportion de I'etendue de cet en- semble. Mais la grandeur de I'association diminue le noml^re des iute- rets communs a tous en raison dc I'extension du cercle qu'elle cora- prend , en sorte que I'accroissement de largeur des sentimens patrio- tique fait obstacle a leur profondeur , et qu'on pcut les de'e'omposer eu deux tendances , e'galement e'nergiques , qui marchent en sens inverses. Ainsi voyez dc nos jours, le sentiment de la nationalite franjaise est bien plus large que celui des petites nations antiques sous le rapport de I'etendue ; mais en retour il est incomparablement moins individua- lise ; I'ide'e de patrie est devenue mille fois plus abstraite. Si I'inte'ret mate'riel est domine'pariminterctintellectuel, rassociation en recevra beaucoup plus de force et de stabiilte'. Telle a etc le fonde- ment de la dure'e des communaute's religieuses. La encore est la source des prodiges qu'accomplit le patriotlsme , lorsqu'une meme idee, s'em- parant de plusieurs millions d'ames, les re'unit toutes ensemble dans uu meme effort, pour remplir de cc-ncert une meme mission eu laquelle elles ont foi. Mais des qu'il cosse d'exister un but general qui concentre les intelligences, arrive le de'sordre, et par suite la faiblessc. Les faits que nous observons dans les associations, savoir, le lien mo- ral des ide'es, le lien des inlerets ct la rc'union de tonics les puissances 236 NOIIVELLES SCIENTIFIQUES ET LITTERAIRES. individuelles pour raccomplisseraent commun de leiir fin a toutes nous conduiscnt a la definition des conditions necessaires pour constituer une association parfaitc. La premiere de.ccs conditions est dans une communication parfaite des idecs. Or sans doute nous voyons les relations cntre les diverses parties dn, corps social s'agrandir et s'etendre et les idecs se re'pandre, mais il s'en faiit beaucoup qu'elles se re'pandcnt parlout en e'galc quan- tite et c'galcmcnt vite. Une antre condition, c'cst un meme degre d'e'ducation intellectuelle pour tons. La difference de lumicres des divers membres de la socie'te est un grand raal, car il s'ensuit des opinions toutes diffc'renies sur les memes questions et par suite des pratiques souvenl tout oppose'es. Cette ine'galite do lumiercs d'un individu a I'autre, qui e'tait extreme dans I'antiquile, s'efface de plus en plus chaque jour. Les religions par Ifeurs pre'dications , I'e'ducation publique par ses enseignemens , faisant des- cendre les ide'es des parties e'claire'es de la socie'te aux parties ignoranles, ont e'tab'ii un certain fonds d'ide'es communes, d'ou derive entre les in- dividus une harmonic qui a e'te' la base des plus grandes socie'te's. Mais la perfection de cc re'sultat sera toujoui's borne'e par les particularite's propres a cbaque esprit dansl'acquisition deses ide'es et par la diversite' des moyens et des formes de I'instruction individuelle. Une tr6isicme condition d'association , c'est I'unite' rigoureuse d'in- te'ret, ou en d'autres termes I'identification de I'inte'ret particulier avec I'inte'ret general. L'idc'al de I'organisation socialc serait dans un e'tat oil chacun sentirait la part et la quantite d'action qu'il apporte dans le mouvement universel au sein duqucl il poursuit son de'veloppement. Et en cffet , le re'sultat ,du progres de la civilisation a ete d'c'tablir de plus en plus dans les esprits le sentiment du rapport de chaque action particuliere avec Taction ge'ne'rale. C'est ce qu'il est aise de verifier par des coraparaisons successives entre toutes les organisations , en remontant, de eelle de nos jours, a celle de I'ancienne inonaichie, de la fc'odalite, deRome,derfigypte, etc., jusqu'aux constitutions les plus antiques de rOricnt. C'est sur im progres piirement intellcctuel que repose le perfectionne- ment de I'association politique. Car I'harmonie des inte'rets pent etre dans la nature des choses, ou bien ressortir tout entiere de I'application des verita])les principes de I'organisation politique; ce qui est I'objctde FRANCE. 287 deux de'couvertes qui appartiennent exclusivcmcnt au domaine de I'in- telligenee. L'e'conomie politique est parvenue a cette demonstration que I'intc'ret particulier de chaque individu et de cLaque nation est en accord avec I'in- te'ret de tous les individus ct des autres nations parce que les satisfac- tions se correspondent. Ellc a commence a faire sentir c'galeraent que la guerre que se de'clarent les industries parliculieries, dans une meme se- rie de travaux , est une imperfection qui devra disparaitre. La rivalite ne derive pas de la natiu'e esscntielie de I'homme , qui veut I'liarmonie. Elie tient aux conditions pre'sentes. Mais la tendance de I'liuraanite' est de retourner, au prix de ses sueurs ct de scs efforts, a cct e'tat, qui ost sa yraie destine'c , par la diminution et le renversemcnt des obstacles qui I'entravent. Ainsi s'accomplit son progres sous toutes ses faces. Sen ignorance primitive s' efface de jour en jour par le de'vcloppcmcnt des sciences. Sa faiblesse originelle de'ci'oit par les triomphes de I'industrie sur les forces naturelles. Quant a I'association , elle s'e'tend d'une maniere continue par I'accroissement d'intensite des sentimens affectueux , par I'union de toutes les forces particulieres et la realisation do plus en plus radicale de Tegalite' faisant concourir tous les individus au mouvement social avec une moindre' de'perdition de forces. Mais I'ardeur de la sympathie est ine'puisable. De la vient que sous quelque aspect qu'on la considere, jamais elle n'est satisfaite. Les senti- mens estte'tiques ont dans les beaute's sans nombre de la nature des sources qui devraient paraitre intarissablcs. Et cependant ils sont plus c'tendus que ce nombre infini. Aussi les grands artistes, apies leurs ex- tases en presence des grands spectacles de la nature et de I'art, ne sont- ils bientot conduits a travers mille dc'gouts, qu'au de'sespoir de Tim- puissance. Les amities et les amours humains no trouvent pas I'etre qu'ils clier- cbcnt; et si par extraordinaire ils.le trouvaicnt, impos^ble d'accom- plir cette union spirituelle , qui est Ic but des ames ardcntes; tristesse, douleurs, illusions. La fin a Jaquelle aspircnt tous les de'sirs de la sympathie humaine se- rait d'unir toutes les individualite's les unes aux autres, toutes les asso- ciations en une seule , et enfin de les rallicr toutes dans I'unite e'lernelle et primordiale du principe createur. 238 NOUVELLES SCTENTIFIQUES ET LITTER AIRES. Lrs diffci'cns .tgcs font subir i'l cctte tendance e'ncrgique diverses trans- formalions. Dans la jciincsse, c'cst un bcsoin immense et insatiable, qui-s'altache a toutes choses, sc prcnd a toutes les csperances, a toiites les illusions. Ij'age mur,. qui a c'tc bcaucoup dc'fu, concentre ses af- fections et les fixe sur ;ui seal etre. La vicillcsse, fatiguee de ses longucs e'preuves, abandonne ce cliamp du monde ou elle ne trouve plus satisfaction ; elle se tourne vers Dieu avec un de'couragement amer qui remplit sa religion de tristessc. Le panthc'isme brulant de la jeunesse acbeve de disparaitrc; il ne reste que I'adoratiqn plus pure d'un etre spiritual et consolatcur. L. L. G-D. COURS DE LITTiSrATURE SC4NDI9IAVE, PAR M. AMPl^RE FILS. Dons cc siecle d'agitatioDS politiques, d'inquietude sur I'avenir et memc sur le present , au milieu de ce de'placement de toutes les exis- tences, lesultat inevitable d'une revolution, il devient difficile dc sc li- vrer a de longues et se'rieuses etudes; pour cela, il faut une grande se'- curite' d' esprit et de coeur, il faut avoir foi dans sa destine'c et posse'der cette patience du genie qui sait bien que le tems ne lui manquera pas. Mais atijourd'hui, qui done en ve'rite pent re'pondre de^son lendemain? Les preoccupations les plus vives des hommes distinguc's de notre e'poque se portent sur les re'formes sociales , la en effet se trouvent les questions les plus palpitantes, ceiles dont la solution importe davantage. La science est done im pcu e'clipse'e dans ce moment , il est de plus en plus rare de voir les jeunes gens se livrer a des spe'cialites philosopbiques ou litte- raires, les approfondir, en faire I'oeuvre de leur vie; on parle de tout, on c'crit sur tout, ce qui donne aux esprits des habitudes superficielles. M. Ampere fils n'est pas du nombre de ces voltigeurs universels. II a cmbi asse avec ardeur une specialite litteraire , a laquelle il s'cst de'voue avec passion , dont il a fait le but de longs travaux et de voyages, c'est la litte'rature scandmave. Cetle litte'rature, par son importance , me'ritait une etude particulicre. En offet , comme M. Ampere I'a tres-bien dit dans son discours d'ou- FRANCE. 289 vcrtnie , le nord , par sa civilisation , sa religion et Ics migrations de scs peuples tient a I'orient et a rEurope; sa litte'rature nous initio aux inystcres les plus profonds dc la tradition orientalc et aux origines les plus obscures des nations modernes j eile joue done un grand role dans riiumanite'. M. Ampere n'a pas renfermc son sujet dans les limites etroites d'une critique purement lilteraire , il a su se rattaclier a I'histoire , au dc've- loppement de la civilisation tout entiere , aux lois ge'ne'rales de I'esprit liumain. La Scandinavie comprenait autrefois le Danemark , la Suede ct la Norwe'^e; elle fut liabite'e successivement par les Finois et les diverses races germaniques qui se pre'cipitaient snr I'Europe. Ici le professeur , en s' occupant de I'origine des peuples scandinaves, devra aborder la question ge'ne'rale des migrations des barbares; cettc question est immense et de I'interet le plus dramatique. Nous aurons a contempler , dit M. Ampere , ces populations innom- brables entasse'es au centre de I'Asie, presse'es les unes contre les autres, comme les flots de la mer, et pousse'esa franchir leurs montagnes, a tra- verser leurs fleuves pour clierclier d'autres terres et errer dans des pays lointains. Qui les entraine ? elles ne savent I Oil vont-clles ? Elles ne saventi Comme I'homme dc BossUet, elles sont pre'cipite'es par une force invincible qui leur crie : marcLe ! marclie I La Scandinavie est le depot sacre de toutes les traditions et de la poe- sie de ces populations germaines disperse'es de par le monde, c'est dans rislande surtout que cette poe'sie se conserve originale. La se trouvait le foyer principal de la litte'rature scandinave , la se parlait la lang^ue scandinave ou islandaise. M. Ampere fera connaitre dans son cours I'e'tat politiqne de I'lslande, son histoire , ses moeurs , puis son langage. II s'occupera des etymo- logies et prouvera les rapports des langues germaines avec les langues grecque et latine , et leurs analogies avec les idioraes de la Perse. Ces e'tudes , quand elles ne se perdent pas dans de minutieux details de grammaire , sont du plus haut inte'ret. II est bon, en effet, de re- chercher ces analogies entre les peuples nouveaux et les peuples an- ciens • elle servent a montrer que I'humanite est une , qu'il n'y a pas de solution de continuite' dans son developpement. a/fO NOUVELLES SCIENTIFIQUES ET LITTERAIRES. L'e'tiide dcs langues ainsi con9uc est profondc'ment pliilosopbiquc; elle rclie cntre cllcs les civilisations diverscs; cllc renoiic le fil, sou- vc'nt roinpu en apparencc, do I'liistoirc de I'cspcce liumaine; elle rat- laclic les lines aux aiitres les nations e'tiangeres ct oppose'cs. Apres CCS considerations dc races ct de langues , M. Ampere pas- sera a celles dc religion. Iln'estplus pcriuis aiijourd'luii , a dit le jcune professeur, de ne voir dans les mythologies qii'une reverie I'antastique dcs" peuples , qii'un ca- price , un jeu dc leiir imagination. La religion a sa source profonde dans les entrailies de I'liumanite , dans ses Icis ge'ne'rales , elle est la brillante crislaUiSation de ses traditions et de ses cspe'rances , dc sou histoire , dc ses pense'es , de ses passions. La mylhologie scandinave est une dcs plus vastcs et dcs plus pitto- resqucs ; le profcsscur se propose de de'vclopper ce dramc immense qui commence par la cre'ation du monde, cmbrasse id naissance des dieux , racontc Icurs qncrelles sanglantes ct leur mort. C'est la religion dc la destruction universcllc ; celte mylhologie est empreinte d'une tristesse belliqueuse , d'une mc'lanc'olic sombrej nous verrons apparaitre tons ses fantomcs du Nord , si e'clatans , si he'ro'iques ct si fugilifs ! M. Ampere fera I'histoii'e dc cettc mylhologie dans ses rapports avcc les religions de 1' Orient et de ranliquite. Cctte elude acheve'e , le professeur arrivera enfin aux, monumens dc la litte'ratnrc scandinave; ils sont de plusieurs especes. II y a VEdcla , le plus ancien monument poelique de la Scandinavie : c'est une reunion de poemcs varies , les uns comiques et meme burlesques , les autres tragiques, he'ro'iques. Les Nibelungen sont un dcs depots les plus curieux de la poc'sie germaniqnc ; ils ont uric grande analogic avec VEdda ; de plus , il y aura a chcrcher dans toute I'Eurojie les fragmcns e'pars de ce cycle im- mense , le rctenlisscment eloig'ne et mc'lodieux de cettc le'gendc mcr- veillcuse. Les Sagas sont une des parties les plus inte'rcssuntcs de la poc'sie scandinave. La Saga n'est pas un poeme , mais un rc'cit en prose; c'est a la fois une histoire, un drame , un roman. Enfin M. Ampere annonce qu'il tcrmincra son cours par 1' elude dc la poe'sie lyrique dcr. Scaldes, creation origiuale encore du genie poelique de la Scandinavie, FRANCE. 241 mais deja moins naive, moins religieiise, cnipreinte tie ee faux gout •d'une mythologie en decadence qui s' efface et s'cpuise. Tel est ie sommairc du cours de M. Ampere. Notre curiosite suivra avec cmpressement ccs lefons qui doivent nous initier a la connaissance d'une litteiature si originale , d'une poc'sie qui 'conticnt la solution de proljlenies liistoriqucs encore si obscurs. Au plaisir d'apprcndre ce qui fait le sujet special des- etudes de M. Ampere se joindra le cliarmc des souvenirs de ses voyages du Nord, qui devront donner a ses lecons une couleur locale et toutc vi- vante , pleine de poc'sie. Le public nombreux ct clioisi qui assistait a la Sorbonne a cette pre- miere lecon de M. Ampere lui a prouvc par ses applaudissemens combien il comptait sur toutes les promesses de ce discours d'ouverture. St. Ch. LETTRE SCR LES THEATRES. Nous revenons a grands pas vers le bon tems ou Ton avait a pen pres deux ou trois premieres representations cliaque jour ; on nous donne toutes les pieces retarde'es park cliolc'ra, sans prejudice du courant. 11 faut convenir qu'il y a de la part des directeurs la meilleure volonte du raonde pour ramener le public j mais ce malin public s'obstine a rester cbez lui. Le seulconseil que j'aic a vous donner est d'en faire aiitant et de laisscr jouer devant les banquettes Ics trente et quelques rapsodies qui ont paru depuis un mois. Theatre-Francais. — Le fait capital du mois dernier est le deliut de mesdemoiselles Orel et Martin dans la trage'die. Mademoiselle Orel est e'levc de M. Dumilatre , et joue passablement les heroines de MM. Viennet et Jouy , et aussi celles de Racine. Ce theatre a donne le Duelliste , drame de M. de Longpre. Tin honune qui provoquerait le premier venu en duel, quiferait me- tier de se iDattre , un duelliste de profession serait aujourd'hui beaucoup plusqu'odicux,ilserait ridicule. Aussi le caractere du principal person- nage de la piece est-il non-seulement mal developpe' , mais encore faux TOME LIV. AVRIL -1852. 16 242 NOnVELLES SCIENTTFIQUES ET LITTER AIRES. irmi Ixmt ;i rauli-e. Ajoulcz a ccla unc intrigue ininU-llij^iljlc, dcs vers monotones , clcs scenes languissantcs , cl voiis aurcz iinr idee exactc dela • piece. M. de Longpre a voulu fle'trir le duel , ct il a eu raison , niais sa piece ne proiivc rien , sinon que de bonnes intentions ne siipple'ent pas a I'absence d'inte'ret. — I/auteur, docile a la critique, a retire son ou- vrage dii tlicatrc. Vaudeville. — Le Vaudeville a donne dans le couranl du mois i^/a- dame du Chdtelet , comedie Ac M. AvcEi^OT , dont une intrigue bien mene'e et un dialogue spirituelont fait lesucces. M. Ancclot a e'te moins bien inspire en composant avcc M. Xavier (Saintine) iin Caprice de grande dame, — Une grandedamc a atlireles regards du prince royal. La grande dame, qui, comme dirait M. Bouilly, joint aux cliarmcs de la beaute les perfections de la vertu , s'enfuit a sa terrc, prcs dcLyon, cspe'rant l)ien que le prince viendral'y cberchcr. Mais il paraitque Taction sc passe dcpuis la campagnc de novemlire; car I'hc'ritier pre'somptif a I'immoralile' de la laisser tranquille. lude irce. Cependant, comme il est u terrae a tout , et qu'enfin il faut bien se distraire , la grande dame trouve fort piquant de se faire aimer de M. Jacques , jar- dinier-fleuriste de son chateau , ct que jc soupfonne fort d'etre un des- cendant des bergers de Scude'ry. M. Jacques devient cpcrduement amou- reuxde la grande danie, et conge'die mademoiselle Dorothe'e sa future. Mais au moment oii Taction se complique, arrive un oncle qui remet tout asa place, et fait e'pouscr mademoiselle Dorothe'e parM. Jacques. Cette intrigue est absurde. Depuis bientot deux ans il n'y a plus de grandes dames J depuis la meme e'poque les dames n'ont plus de capri- ces. On ne dit plus ma terre , c'est tout au plus si un grand monsieur ose dire mes electeurs. 11 n'y a plus de jardiniers-fleuristcs a sentimens, il n'y a plus d'oncles chevaliers de Saint-Louis ; il n'y a de vrai que Taloenation complete de deux hommes qui gaspillent leur esprit dans un genre use dont le public ne veut plus. Gymnase. — Le Gymnase suit toujours Te'chelle de'croissante de ses recettes. Gonlhier et Legrand Font quitte'j et pour achever d' eloigner le public, voila qu'on nous donne le Bandeau, verita])le mystification de MM. Vandebbuch ct Bouilly. C'est une piece iuvraisemlilable , en- nuycuse, fade, sans esprit, mais d'unc innocence sans pai'eillej c'est une morale de Bcrquin arrange'e pour le Theatre Bonne-Nouvelle. FRANCE. 2 '{3 M. Poirson n'a oiililie que deux choses pour c'tablir la concurrence com- plete avcc M. Comte. C'est de mettrc sur rafGclic la formule du theatre Clioiseiil: La mere sans danger j conduira sa fille , ot d'intituler le vaudeville nouveau : la Curiosite punie. Voici ce donl il s'ap,it. On sail qu'il y a toujours au Gymnase une jeune veuve et uu colonel , inamoviblescomme Arlequin et Colombine auxFunambulcs, et qu'ils pos- sedent chacun un million ; niais comme nous entrons dans la voie des economies, le colonel et la veuve ne possedent plus qu'un nnllion cntre eux deux, et encore ledit million est enterre' a la caisse des depots et consignations jusqu'a ce qu'une decision des tribunaux I'ait adjuge' a Tun ou a I'autre. Or le colonel convient de I'e'pouser pour toucher de suite le million , mais dc I'e'pouser un bandeau sur les yeux ; je ne sais pas trop pourquoi , mais enfm c'est ainsi. Voila que devant le notaire le co- lonel, avant dc signer, fait ce que vous el uioi aurions fait a sa place, leva le bandeau. Voila aussi la veuve qui, indigne'e de ce manque de foi, ne veut pins entendre parler dc mariage. II faut que cette union si bien assortic soit renoucc par ime ruse , tout-a-fait digne d'un nolaire de Mon- targis. — La piece a e'te' vivement applaudie par les claqueurs solde's : Ic lendemain il n'y avait personne dans la salle. Palais-Royal. — Le theatre Montansier , qui de'cide'ment parait tircr auxlarmes, a joue' avec succes la Ferine de Bondy etAnna. La premiere piece , puise'e dans les Contes de V atelier , est une assez vive protesta- tion contre la conscription de I'empirc, et est pleine d'interet. La se- conde, dont I'auteur est I'infatigable M. Ancelot, a scrvi auX debuts de mademoiselle Ida-Ferrier , qui s'e'tait deja montre'e a rOpe'ra-Comique dans Teresa. La debutante a obtenu un grand succes. Nous ne dirons rien d'un asscz mauvais vaudeville , qui a paru a ce tlie'atre sous le nom de Francklin. Le drame des deux Freres , re'duit en deux actes, a e'te bien accueilli , malgre les pauvres couplets qui y ont etc' ajoute's. Ambigu. — Que de gcnies enfouis jusqu'a cc jour s'est charge de nous reveler le directeur de I'Ambigu. Depuis trois raois nous avons eu a ce theatre des pieces de M. Palmyr, de M. Rameau, de M. Octo, de M. Octave, de M. Ratier, de M. Saint-Yves, de M. Lucy, de M. Maxi- miljen , de M. Charles , de M. Paul , de M. TjTthc'e et d'une douzaine d autres poetes dramatiques aussi connus. Comme je ne veux pas sup- poser que I'esprit e'troit et tracassicr de M. C ait eloigne de ce 16. 244 NOUVELLES SCIENTIFIQUES ET LITTERAIRES, theatre Ics aulcurs en reputation , j'aimo mieux penser que I'adminis- tration se plait a frayer lui chemin aux talens anonymes , ce qui est as- sure'ment fort bien. Ce qui Test moins, par exemplc, c'est dc donner an puLlic cles pieces commc Han d'Islande , Atar-Gull, on la Repu- tation (Vune feminc Si vous dc'sircz connaitrc Ic sujet de cettc der- niere, lisez dans Michel Raimond Ic cliarmant conte du Grain de sable et snrtout n'allez pas ensuite a rAm-bifju. Cirque-Olympique. — Les deux Elephans. — Voici I'analyse de loutes les pieces faites et a faire sur les e'le'phans : On est en revolution, ceci est dc rigueur. La scene se passe aux In- des, parce qu'il n'y a que ce pays-la oii les elephans aient, a raa con- naissance , re'tabli la le'gitimite. Le roi a etc assassine et son heritier le'- gitime se saiive dans les bois. La le'gitimite ne doit etre age'e que de sept on luiit ans. L'e'le'phant la prcnd avec sa trompe et la met sur son dos. L'cle'phant prend un sceptre qu'il lui met dans la main. La le'gi- timite' est-elle prise fante de charbon , Te'Iephant brise les portes de son cachot. La le'gitimite' est-elle attaquee par les rebelles , I'clephant vient a son secours ; enfin , a la derniere scene du troisicme acte une toile de fond se leve et I'e'lc'pliant assure le triomphe de la legitimite'. Le lende- raain la Qitotidienne fait reloge de 1' elephant. Si j'analysais encore la Famille d'une choriste, Pere et Cito^en, les Enfans du soldats , la Caseinie , les deux Diligences , et le Cafe de Charenton, il ne me resterait plus qu'a parlcr d'une vingtaine dc nouveau'te's. J'aime mieux me taire en re'servant toutefois la Tour de Nesle pour le prochain article. Ch. G. CHRONIQUE MUSICALE. PAGANINl. Malgre la terrcur qui s'est empare'e des Parisiens depuis I'invasion du cholera, la vaste salle de I'Ope'ra n'a pu suffire a recevoir tous les amateurs qui se sont empressc's de se rcndie aux appels successifs FRANCE. 245 de Paganini. Beaucoup d'habitiie's rctardataires n'y out point encore trouve place; Ces concerts ont c'te maghifiques : le be'ne'ficiaire s'y est montre' d'une maniere aiissi brillante qu'a I'e'poquc de son premier voyage. A cet e'gard nous ne pouvons rien ajouter a ce que proclament les premiers violons de Paris. Paganini est un homme qui n'a point d'e'gal et dont aucun des artistes qui se sent fait entendre avant lui , quelque distingue qu'il puisse etre , n'a pu nous donner une ide'e. Nous voyons avec beaucoup de regret bien des personncs nier ce- pendaut encore la puissance de son talent. Eblouies sans doute par le prestige de son execution^ elles restent insensibles a I'expression c'ton- nante de son chant, et ue veulent voir en lui qu'un homme qui fait des tours de force merveillcux. D'autres se contentent de lire et de com- menter le programme extraordinaire qu'il livre au public et le traitent de cbarlatan. Toutes 3ont injustes. Paganini est un homme qui a in- vente' de nouvelles difiiculte's et qui les surmonte avec une dexte'rite' pro- digieuse, cela est vrai; mais, sans nuire a la purete' de ses intonations, I'exe'cution de ces difficulte's a etc la source de nouvelles bcaute's incon- nuesjusqu'a lui, puisqu'elle lui permet de nous faire entendre uue foule de passages de chant qu'aucun autre n'a ose et n'oserait encore aborder. Aussi I'artiste ne saurait-il se montrer avec son immense supe'riorite' que dans ses propres compositions. Les ouvrages e'crits par les violo- nistes les plus ce'lcbres, anciens ou nouvcaux, ne pourraient nous faii-e oonnaitre qu'une faible partie de son talent. La critique porte surtoutsur ses gestesetses mouvemens d'archet qui accompagnent certains traits bizarres, sur I'imitation de la voix d'une vieille femme qu'il a introduite dans sa c(^tredanse des sorcieres , ca- price d'artiste, sans doute, mais en meme tems imitation si exacte qu'il n'est aucun de nous qui n'en ait e'te' frappe' comme de la chose la plus singuliere qu'il fut possible d' entendre; sur les chants religieux qu'il place dans la coulisse, tandis que sur le theatre son violon jette des ac- cens plaintifs , sorte de priere douloureuse , voix d'un damne qui prie Dieu d'interrompre ses souffrances , et de I'admettre au nombre des angcs ; sur ces sons harmoniques en double cordc qu'il entremcie de notes pince'cs ou violemment enleve'es ]iar I'arcliet pour mieux en faire scntir toute la qualite. Ces divers cffcts , objet d'une critique injustc, sont au contraire si etonnans que nous avons vu des personnes se trou -• 246 NOUVELLES SCIENTIFIQUES ET LITTER A IRES. ver mal dans dc ceitains moincns , d'auties parler sericiiscrncnt d'un secret lucrveilleiix que Pagantni rie communique a pcrsonnc ct qui mouna avcc lui. Le secret, c'cst le travail et le ge'nie. Lcs compositions de Paganini ne se distinguent ccpcndant j)as par un e'gal nie'ritc. Quclques-unes n'ont pas assez de bcautes pour encourager un talent du premier ordrc a surmonter les liorribles difficulte's dont elles sont herisse'es. En revanche, la fautaisie sur son theme de Haydn, les variations sur Nel cor piii non mi sento , et surtout le grand concerto compose pour Paris sont des chefs-d'oeuvre. II laut avoir ciUcndu cclte derniere composition pour connaitre toute la puissance du violon cntre les mains de Paganini. Les trois parties en sont e'galement belles. II n'est rien qui puisse sui-tout se comparer a I'adagio rcligieux de ce morceau. C'est la surtout que Ton pent enten- dre ccs accens de voix humaine, ces notes plaintives , agite'cs , trem- blantes, ces sons fde's que I'artistc lie avcc tant d'expression. Lcs mati- nes de Saint-Bernard n'ont point etc goiite'es du public; qui a cherche vainement le but de ce morceau. Peut-etre une seconde tentative sera- t-elle plus heureusc. Ccltte composition est la seule jusqu'ici qu'il ne nous ait point fait cntcndi'e a Tepoquc dc son premier voyage a Paris. — On rc'pete activemeut en ce moment a I'Ope'ra le ballet de la Tentation de Saint-Antoine , qui sera entremele' dc choeurs. La musi- que est dedeux compositeurs, dont I'un s'est deja fait connaitre sur deux theatres royaux. COMCERTS DU CONSERVATOIRE. — CONCERT HISTORIQUE. Les concerts du Conservatoire sont termine's pour I'annce i83i. La petite salle ou ils se sont donnes n'a pu , cette anne'e comme les pre'ce'- dentes , contenir les nombreux auditeurs qui se sont presente's pour y avoir place, et ccpcndant I'administration de ces concerts se refuse a les faire entendre ailleurs, dans la crainte sans doute que ce merveil- leux orchestre ne perde une partie de sa puissance dans un espace plus vaste. II arrive de la qu'une grande quantite' de personnes ve'ritablcment dignes d'assister a ces raagnifiques seances en ont e'te' privees par la difficulte' de sc procurer des billets. Tl serait cependantdansrintc'rctde Part ct de la reputation des artistes de rcnouveler ou d'augmenter I'au-. FRANCE. 247 ditoire pen noralneux , resserre dans la salle du Conservatoire, et d'y introduire beaucoup d'amateurs distingucs eld'artislcs de tout genre qui • n'ont pu y avoir acccs aussi souvent qu'ils I'eussent desire'. Nous ver- rions alors renaitre avec plus d' eclat cet entliousiasme qu'avaient excite' pendant les premieres anne'es les symphonies de Beethoven , exe'cute'es par I'e'lite des instrumentistes de Paris. On n'a point cesse d'admii-er, on appre'cie meme davantage ces grandes compositions en les examinanlj mais les transports cause's par la surprise n'existent plus. Aussi cette rapide e'tincelle , ce mouvement e'lectrique qui passait tour a tour et se communiquait del'orchestre au public, du pidilic a I'orchestre, nes'est- elle point fait sentir cette annc'e avec la raeme vivacite'? Aux causes que nous venons d'indiquer , il faut joindre le peu de stabilite des affaires publiques, le manque de confiance, I'inquie'tudc repanduc par un fle'au qui n'a cesse' ses ravages a Paris que pour les e'tendre dans la pro- vince , et le de'couragemcnt oix jette les artistes le peu de protection ac- corde' aux arts par le gouvernement. L'adininistration des concerts du Conservatoire noasta fait connaitre cette anne'e quelquesmorceauxnouveauxj un kirie et un gloria extraits d'une messede- Beethoven; une symphonic en fa du meme auteur, wi n'a aucun rapport de proportion avec ces immenses compositions que nous avons deja entendiies , mais oil Ton trouve toute la grace et toute la suavite' iraaginables : I'andante de cette symphonic a c'te couvert d'applaudissemens, le public I'a demande' pour le concert suivant ; une ouverture de M. Felix Mendelsohn, jcune compositeur et pianiste al- lemand distingue' -. cette composition , e'crite avec une liberte excessive , a paru un peu de'pourvue de chant , de'fauts qui tiennent a re'cole allc- mande actuelle; une belle symphonic de M. Onslow; un magnifique concerto de Beethoven , exe'cute' par M. Mendelsohn avec un rare talent d'expression; le finale deMe'de'e, que peu de personnes, connaisscnt et qui n'avait jamais e'te' exe'cute au Conservatoire : c'esl un morceau d'un grand effet et dont on ne saurait trop regretter de voir la scene privee ; un tres-Leau duo pour soprano et tenor du meme ope'ra ; et cnfin dfs fragmens de quatuors de Beethoven , executes par tons les violons, altos et basses de I'orchestre avec le meme ensemble , la meme purcte' , la meme dc'licatesse d'expression , que si chaque jiartie avail etc' occupe'c par un seul pupitre. 248 NOUVELLES SCIENTIFIQUES ET 1.1TT:ERA1RES. Lcs borncs de cct nrticlc ne nous pcrmcttcnt pas de consacrer plus d'espace a rcxamcn de ccs divcrscs compositions , ct dc pailer ici de beaucoiip d'instDuraentistes distingue's qui sc sont fait entendre pendant la dure'e de ccs concerts • ccpcndant nous ne saurions passer sous silence le nom dcM. Brod, auqucl nous devons unc vive reconnaissance pour leplaisir que nous ont procure ses cliafmantes compositions, qu'il exe- cute avec une dclicatesse et une expression que I'on nc pent trop ad- mirer. Dans I'intervallc de deux de ces magnifiques concerts, M. Fc'tis, savant profcsseur et prcsque le seul qui entretienne en France la litte'- rature musicale , a eu I'heureuse ide'e de placer une seance bistorique musicale a laquelle s'estporte' enfoule tout ce qui dans Paris s'inte'resse auxprogres dc I'art.Cette se'ance , infinimcnt curieuse et d'un genre en- tieremcnt ncuf, a e'te' divise'e en trois parties. Chacune d'ellcs ctait pre'- ce'de'e d'un discours sur I'histoire ct les revolutions dc Topc'ra en Italic, en Allemagne et en France. Le premier discours, ouplutot la premiere partie du discoftrs general divise en trois, a cmbrasse I'origine de I'ope'ra et ses progrcs de i58t a i65o. M. Fe'tis a fait sentir le merite peu e^recie aujourd'bui ct ccpcndant immense des premiers inventeurs de I'ope'ra. Pvebutc's des combinaisons barmoniques que I'on'entendait par- tout et qui e'taicnt devcnues monotones pnrce qu'cllcs e'taient prive'es de chants , ils imaginercnt im nouvcau genre de composition oil le chant se trouvait uni a rbarmonie. Perti , Montei'erde , Cacclni , furent des hommes de genie. Ontrouve dans leurs re'citatifs ct dans Icurs airs des passages d'une tres-belle expression , et surtout rmc grande varie'tc' d'ide'es re'sultant de la ne'cessite' de chercher des combinaisons susceji- tiblcs d'effet. Aprcs cc discours, des morccaux de diverses natures etde pays diffe'rens , compose's pendant I'intcivalle dc tems dont M. Fe'tis venait d'exposer I'histoire et accompagne's avec les instrumens de chaque e'poque, depuis I'orgue jusqu'a la guitare, ont e'te exe'Cute's par les ar- tistes les plus distingue's de Paris. G'est ainsi qu'on a entendu des frag- mensd'Or/eo e Euridice (rSgo), composes par Perti et Montei'erde^ execute's parRubini , Dupont et M™*^ Daljadie. Ccs I'ragmcns ont e'te couverts d'applaudisseraens par un auditoirc e'tonne de se trouver vive- ment e'mirpar ces chants anciens, et aecompagne's du corte'gc des violes et des basses dc viole. Les fragmens du ])allet coraique reprcsentc' sour. FRANCE. 249 Henri IJI, aux noccs duduc de Joycuse (i 58i) , ont inspire la merne curiosite, mais n'ont point touclie de nieme I'auditoire. Une scene ex- pressive de Romolo , musiquc de Caccini , chante'e par M"" Mori Gosselin, a e'tc cntcndue avec plaisir. Le second discours de M. Fe'tis sur le progrcs de I'ope'ra en Italic , en France et en Allemagne, de i65o a 1730, n'a pas e'te ccoute' avec raoins d'interet que Ic premier. On a senti tout cequ'il y avail d'injusle dans le de'dain qu'on aftecte aiijourd'hui pour les anciens compositeurs, et ce qu'il y avait au contraire de fonde dans la reconnaissance dcs ar- tistes e'claire's pour les ameliorations successives qu'ils ont introduites. M. Fe'tis a fait comprendre e'galement qu'en adoptant I'usage de cer- taines choses qui e'taicnt bonnes , on avait imprudemment renonce a I'usagc d'autres qui I'e'taient e'galement, entre autres a une varie'te'dans I'emploi des instrumens J qui n'existe plus aujourd'liui. Cette seconde partie du discours. a e'te' suivie de divers morceaux qui ont e'te entendus comme les premiers avec un rcligieux recueillement et souvent avec une e'motlon visible. L'air dc Basilius (1694), entre autres, rausique de Keiscr, chante' par M™"" Schi'oeder et accomjjagne' par des violons a I'unisson, aparu a tons les auditcurs plein de sentimient et de passion, et a fort e'tonne' ceux qui e'taient venus a cette se'ance avec la persuasion qu'elle ne pouvait etre amusante que par le ridicule qu'on y trouverait. Loin de la : cctle belle scene, l'air de Scarlati, de'licieusement chante par Rubini, el d'autres morceaux, ont fait voir que ce n'e'tait pas seulc- ment dans les bous ouvrages des compositeurs de nos jours qu'il fallait clierchcr du sentiment ct de I'expression. Les formes d'un ouvraged'art peuvent vieillir, mais tout ce qui *rf'te le rc'sultat d'un sentiment vrai et profond restera e'ternellement. La troisieme partie du discours a embrassc' I'liistoire de la musiquc dramatique depuis 1760 jusqu'a i836, et a etc' suivi de morceaux c'cou- te's avec la mcme attention. C'e'tait le duo de la Faiisse magie, Ic duo ^ Armide , Esprits de haine et de rage^ et quelques autres morceaux plus modernes. Le trio de Guillauiae Tell, clief-d'ceuvre d' expression dramatique et de cbant noble et se'vere , a termine' cette belle se'ance. Nous essaierons de revenir plus tard sur cette idee delNL Fe'tis , si fe'conde, et qui, nous n'en doutons pas , servira de modcle .a d'autres se'ances du memc genre. Quel inte'ret comparable en cffet j)eiivent pic- 25o NECROLOGIE. scntcr Ics concerts nombreux ct monotones ofi'crts tons Ics ans h la cu- riosite puljliquc , concerts oil Ton entend sans cesse Ics mcmcs mor- ccaux de chant, fort beaux sans doutc, mais toujours privcs de I'attrait qu'offre la nouveautc, et du prestige de la scene ou ils paraissent ac- compagne's par un orchcstrc brlUant qui double la verve des chanteurs? Nous le re'pc'tons, cette idc'e pent ctre presentee au public sous beau- coup de formes , ct trouvera ccrtainenient des imitatcurs ; mais I'lion- neur de I'uivention n'cn sera pas moins grand pour celui qui I'a con- cue le premier. Ch. Dufort. -ni i>Jornici])al et fidi'leropre'-- 25a NECROLOGIE. senlant dc notrc nation , qu'il fin it par gouvcrner souverainement en prince dc la poesic ct grand-pretre des arts. Tons venaicnt comparailic volontaircnicnt devant son tribunal; car si rAUcmagnc pout etrc ap- pclec Ic creiir dc I'lMiropc civilise'e , parcc qii'clle admet ct s'assiinile tons les idiomcs , toutes les connaissances et les decouvertes du passe et du present , parcc qu'cllc lit , analyse ct commentc toutes les produc- tions dc I'esprit , Goethe dc son^cote' avail parcouru toutes les langucs, et re'uni , non pas sculcmcnt dans son Divan, (i) I'oricnt ct I'occidentj il c'tait bibliotlic'caire ct directeur dc miise'es dans le sens Ic plus large , la bibliotbeque de Goeltingue s'en souvient, cellcs d'lena et de Wei- mar le rcconnaisscnt , et les frercs Boissere'c (-2) peuvent en rendre tc- moignagc • il e'tait aussi I'un ct I'autrc dans le sens le jihis rcsscrre' , et sa maisou renfcrmait tin tre'sor inestimable de livres , dc tableaux , de raarbres , de manuscrits , de rarete's naturcUes ou artificielles qui , af- fluantvers lui de toutes les parties de I'Europe , y e'taient classes et dis- poses jiar son coup d'tcil de maitrc. La nature I'avait traite en favori ; ellc en avait fait I'un des jeuncs liom- raes les plus beaux ct les plus robustes de son tems : il eut certainement alors Ic pouvoir ct la volonte de devenir un Faust; mais heurcusement pour lui et jiour tons, une sage the'orie de moderation le conduisit jus- qu'a sa qualrc-vingt-troisieme annc'c. Goethe fut un des ctres les plus heurcux du monde ; la de'esse Occasion semble avoir continucllement pris soin dc frayer sa route et d'e'carter devant lui les obstacles. Jusqu'aux funestcs scenes de Texpe'dition en Champagne , a laquellc il assista , n'eurent pour lui d'autre rc'sultat que dc lui fournir quclques-unes de ses pages les plus intc'ressantcs. Sa bonne e'toile le fit conduire par Herder aux fianfailles du due de Weimar Cliarks-Auguste , a la courduquel il trouva,au milieu d'un cercle e'minemmcnt c'claire, la pre- miere place, la place d'honneur, dc'sormais dispense dc toute inquietude a regard des besolns materiels (3). Sceptiquc rc'llechi , il airaa mieux (1) West-ocstlichcr divan. ■ — Divan oiicnlal et occidental. (2) Sulpice ct Melchior Boisserce sont a.sscz connus par Icur bel ouvrayc sur le dome de Cologne ct par la conservation d'une foulc de prccieux inoniimcns. (3) Goelhe joiiit jiisqiriv sa niort , daiis la deliciciise habitation qui lui avait etc donnee par 1(! prince , d'un revcnu annuel dc 4 a 5,000 thalcrs (1 5 a 1 8,000 fr.), GOETHE. 253 jouer spr celte scene le role d'Antonio que cclui du Tasse. Lc rare bon- heur de pouvoir, comme lc Phenix, se coDStruirc iin nid avec des feuilla- ges odorans que lui-raeme avail vu croitre, ce bouLeur hii fut reserve ; dans sa vieillcssc , mais jcune dc tontc sa yigueur d'inlelligence , il put recueillir , clioisir ct publier scs ouvrages , terminer son Faust , dispo- ser toutes clioses selon le plan qu'il s'e'tait cre'e depuis des annc'es , ct statuer paisiblemcnt sur le sort dc ses productions , comme sur celui dc son riche musc'e et de ses manuscrits. Son gout pour I'art dramatique trouva a se satisfairc par I'organisation et la direction d'un theatre, et lorsqu'il se relira devant un acteur quadrupede (i) , il dcvint pour ainsi dire I'intendant supreme de lous l.es theatres de TAllemagne. Son jubile fut fete par mille voix et sur toutes les scenes nationales , ct unc me'- daille fut frappce a son effigie en meme terns qu'a I'effigie du prince et de la princesse, qui se trouvaient heurcux d'etre ses botes et le procla- maient ainsi leur e'gal. Chaque anniversairc dc sa naissance e'tait une apothe'ose; des sou- verains lc paraient a I'cnvic de leurs de'corations ou cnvoyaient des artistes pres de lui avec mission de reproduire son image; un sculp- teur franfais fit le voyage dc Weimar pour modeler son bustc colossal, qui cependant ne fit pas oublier le bel ouvrage de Ranch ; pen dc se- maines^ncorc avant sa mort Tarchitecte Zahn lui envoya dc Pompe'i le dessfn dela Casa di Goethe qui vcnait d'y etre de'couverte et ainsi bapti- see ; il lui annongait eu meme tems une prochaine visite de sir Walter- Scott. S'il eut a pleurer la perte d'un fils, mort a Rome en i83o, il jouit jusqu'a la fin des tendres soins de sonaimable bclle-fille Ottilia, et fut entoure de deux p'ctits-fils , Walther et Wolf, qui, de meme que leur soiur Alma, promcttent deja de perpc'tuer digncmcnt son nom. Enfin la fortune lui accorda encore le dernier et le plus precienx des bicnfaits , celui qu'il avail maintes fois desire , un depart^e cetle vie exempt de souffrances et de'guise au milieu de projets d'avenir; il s'endormit dans un fauteuil : — Nous dirons tout-a-l'heure comment revenu que I'editcur de scs oeuvres , Cotta , augmentait par des honoraires consi- derables . (l"! Goethe quilta la direclion- du theatre de "Weimar parte qu'on y joua , malgre son opposition , le Chien de Montargis. 254 NECROLOGIE. il fut porle ct depose avec iine pompe royalc, a cote' dc SdiiHer et a ("otc (111 couple souverain auqucl sa destine'e avait c'te' Jong-tems iinie. 11 faut bien toutcfois reconnahre que ce favori dc la nature et de la fortune savait aussl arranger tonics choses avec une excessive prudence que Ton a souvent prise a tort pour de I'insensibilite et de IVgoisme, parcc qu'il e'tait difficile de gagner sa confiance et de porter un regard dans son ame; son babilcte, e'gale a ses autres talens, savait tout mcttre ;i profit. Adroit a later le pouls de 1' esprit contemporain , il explolfait souvent des circonstances donnc'cs ; la catastrophe d'un aniant de'sespc're' a Wetzlar fut I'inspiration de son TVerlher ; Goetz lui fut fourni par des cbroniques; il emprunta Clavijo aux me'moires de Beaumarchaisj dans Eugenie el dans Hermann et Dorothe'e il saisit le c6tc' poelique de la revolution ; dans Meister, dans les Affinites electives il ne pre'senta que des fails qui lui e'taient jwrticuliers ; c'est ainsi qu'il se modela presquc tonjours d'aprcs son cpoque. Mais il savait imprimer avec tant dc puissance son cachet a tout ce qui passait par ses mains, que dans ce qu'il cniprunla a son terns il se montra au-dessus de son tenis, et donna, meme sur le terrain de la politique, dc nouvellcs et vives impulsions. A la ve'rite, les hommes les mieuxinstruitsvenaienl atoutehcure le trouver, et livraient a son insatiable avidile de savoir chacun ce qu'il (jtesse'dait de plus prc'cieux dans sa spe'cialite : Wolf de'eomposait Homere devant lui et comnientail Winckelmann ; Zcller (i) et Raucb lui apportaient le tribut des beaux-arls; il y avait cbez lui une sorle d'exposition perma- nente de tableaux ; les plus habiles chimisles , me'decins , anatomistes , lui communiquaient aussitot leurs de'couvertes ; I'universite entiere d'le'na etait a son service ; les me'moires et monograpbies les plus inte- ressans sur tons les sujets affluaient dans ses mains en manuscrits : ja- mais paVeds avantages n'e'taient advenus a personne , et jamais personne n'avail su en profiter aussi bien. Goethe finit par conside'rer toutes ces choses commetributs legitimes, el ilnedemandait ni ne disait pas tonjours (I) Zeller, compositeur celebre en AUemagne , n'a pas long-lems surv^cu a sou ami; il csl mort a Borliii deux mois apres. II dirigeait avec Spontini, le 31 uiars dernier, ceiitieme anniversaire de Haydn, rorchestre de quatre cen.t cin- quanlc personncs qui cxecuta la Creation de ce grand musicien. GOETHE. 255 dc quelle source il les tenait. II y avail en lui unc nature de Titan avec le sentiment de sa Jiizeraincte. 11 respirait I'encens et la fume'e des sacrifices comme les dieus. d'Houjere , mais sans en elrc jamais enivre , ainsi que plusieurs I'ont pre'tcndu. II riait de ses courtisans et ignorait ses zoiles, e'carlant, avec un soin que son entourage imitait , tout ce qui pouvait le toucher de'sagre'ablement , jusqu'a acheter dans ses dcrniers jours la maison du voisin , pour ne pas etre incommode par le bruit. II eut et il merita d'avoir des amis fideles ■ la plupart I'ont precede. Plusieurs cependant vivent encore, qui ne parlcnt de sa personne qu'avec un sincere cntliousiasme j Miiller , Reinier , Henri Meyer et quelques autres intimes a Weimar , le comte Reinbard , actuellcment ambassadeur francais a Dresde , Frederic Rocblitz , a Leipzig , et un grand nombre encore cbez Icsquels sa me'moire se conservera. Tieck termine ainsi son epilogue dramatique prononce le 29 mars sur le thea- tre de Dresde : Nous nous rejouissons de vivre encore, afin de I'aimer et de I'honoier en nous. Goethe n'eut pas le moindre prcssentiment de sa mort , que ses ad- mirateurs appellent la plus belle des metamorphoses de'crites par lui dans sa morphologic. Le i5 il avait cause vivement et long-tems avec la grande-duchesse , qui venait regulierement lui faire visite : apres cette conversation , qui probablcment fatigua sa poitrinc , il fit une promenade en voiture et se refroidit ; quelques douleurs catharrales I'assaillirent. Mais cette fois encore , sa forte constitution sembla devoir triompher ; le me'decin eut bon cspoir. Et comment ne pas etre trompc par cette force d'iutelligence , cette sere'nite avec laquelle il parlait sur toutes choses , et particulieremcnt sur sa the'orie des couleurs , dont il s'occu- pait alors de preference ? Le 2 1 au soir, il expliqua a sa fdle les con- ditions de la paix de Bale , il voulut que Ton menat les cnfans au spec- tacle , et dit qii'il se sentait fort bien , que les soins de la medecine produisaicnt leur effet , que deja il respirait plus libremenl , et il se rejouissait de I'air printannier dont il espe'rait un prompt re'tablisse- meut. II demanda les Seize mois de M. Salvandy , quoique le me'- decin lui cut interdit toute occupation fatigante; mais celui-ci e'tant sorti un instant , il sc fit apporter deux lumieres, et voulut lire. Ne le pouvant pas , il tint quelques momens le livre devant lui , puis dit en plaisantant : «Eh bien, fa-sons du moins comme les mandarins. » ■25(j NECROLOGIE. Son clcnii-soinuicil paraissait occiipc d'agreablcs souvenirs. Cet e'tat dura jusqu'au malin tin 2?,, ou il causa gaiemcnt avet sa fille , scs petils-en- fans ct fjuclqucs amis. A sept heures , il so fit apportcr par sa lllle un portcfeuillc pour. observer sur des dessins quelques phe'nomenes de co- loration, et se mit a tracer des caracteres dans I'air avecsamain droite qui s'abaissa peu a peu jusque sur son genou et y continua le meme 5];cstc. Vers dix licures, il cessa presqu'entiercraent dc parlcr , retint dans scs mains la main de sa fille assise a ses cote's, ct tourna vers elle, avec une expression plcine de tendressc , ses yeux a demi-fcrme's. Ccile-ci avcc I'autrc main soutint Toreillcr ou reposait la tete dc son pere jusqu'au moment ou il rendit le dernier soupir. Une aspiration plus forte qu'a I'oidinaire fut le seul combat qu'eut a livrer cette puis- santc nature avant dc se dissoudre; ce fut une veritable euthanasie. Sa tete demeura dans la meme situation , ainsi que ses mains , sans au- cune convulsion. C'est ainsi que sa fille c'tait rcste'c immobile , lorsque plusieurs personnes entrerent et assisterent a cc douloureux spectacle. Oltilie ferma pour jamais les beaux yeuxdu poete , et appela ses enfans pour le voir encore une fois; puis elle s'eloigna pour pleurer. Les restes du poete furenl porte's a leur derniere dcmeure avec le ce'- rc'monial usite aux fune'railles des princes de la famille re'gnante, apres avoir e'te' exposes cinq lieures dans le vestibule de la maison mortuaire , ou la foule se prcssait silencieusement pour imprimer dans sa me'moire les grands traits de cette pLysionomie auguste et calme comme elle I'a- vait toujours e'te. Le ]3re'ce'dent grand-due avait fait clever dans le nou- veau cimetiere qui se Irouve au midi de la ville , sur le penchant d'une coUine , une cliapelle dont les caveaux e'taient destines a la famille sou- veraine. Lui-meme y est depose ainsi que la grande-ducliesse Louise ; c'est la aussi que repose Schiller , c'est la que Goethe vient d'etre re'uni a ses amis. A quatre heures de I'apres-midi le son des cloches annonca le com- mencement de la ce'rc'raonie. Lc cercucil , place sur le char funcbre des princes et trainc par quatre chevaux des e'curies clucales, se dirigea vers le cimetiere. A la tete du convoi se trouvait le grand mare'chal de la cour , M. de Spiegel , repre'sentant le grand-due que sa douleur rete- nait a Eisenach. Apres lui vcnait le ministerc tout entier , les colleges de re'gence , une deputation de I'universitc d'le'na, compose'e , outre les GOETHE. 25n profes5«urs, de plus de deux cents jeunes gens, et dix etudians qui re- pre'sentaient celle de Halle , le personnel du theatre et de la chapelle ducale , et un nombre infini de citoyens de Weimar et d'e'trangers ac- courus de Gotha , d'Eisenach , meme de Francfort. Le docteur Rcehr, pre'dicateur de la cour , prononpa sur la tombe un discours plein d'e'- nergie etdepense'es. Le theatre de Weimar demeura ferme pendant quatre jours. Le 27 mars on y repre'senta le Tasse, cette piece si propre a retracer les sou- venirs du tems oii la cour de Weimar ressemblait sous biendes rapports a celle du due de Ferrare. Deux stances de 1' epilogue compose pour cette circonstance par le chancelier Miiller, I'ami intime de Goethe , rappelerent d'une maniere touchante sa liaison avec Schiller, et com- ment , aprfes la mort pre'mature'e de celui-ci , Goethe s'etait peu a peu e'loigne' de la poe'sie pour s'adonner aux sciences. Cette derniere stance produisit sur rassemble'e une impression profonde : « II demeure a jamais sacre, le lieu oii de grands hommesont exerce leur action. La vague du tems emporte les heures, mais non pas les grandes choses qu'elles ont vu preduire. Ce que la puissance du genie a cree se purifie sans cesse comme I'air des cieux^ son apparition est fu- gitive, ses ceuvres sent e'ternelles. » TOME LIV. AVRIL 1832. -J7 TABLE DES MATIERES CONTENUES DANS LA 160' LIVRAISON DE LA REVUE ENCYCLOPEDIQDE. AVRIL 1 833. Pages i. De la ndcessit(?J'iine representation pourles proldtaires.. Jean Reynaud. ^ 2. De I'assiette de Timpot (2° article) JEinilc Pereire. h7 3. Derniefcs pages de Goethe (2" article) 54 4. De Finfluence philosophique des «itudes orientales P. Leroux, 69 5. Anthologie d'Amarou (po^sie sanscrite) J. Reynaud. fi3 BULLETIIV BIBLIOGRAPHIQUE. LIYRES ETRANGERS. Etats-Unis. — Discours et plaidoyers de Daniel Webster, 95; — Restes du rdv. Edmund Griffin, 99; — Notes sur I'llalie, 100; — Manuel de ra^de- cine et de pharmacie , 101 ; — Vic du gouverneur Morris , ibid. ,• — Histoire de Portland , ibid. ,• — Sommaire des lois , ibid. Grande-Bretagne. — Dix <5crits sur le choldra (asphyxie pestjlentielle) , 1 02 ; — Romans fashionables , 1 09 ; — Thdologie naturelle , 116; — Le drame dprouv^ par TEcriture , ibid. ,• — Progrfes des revolutions de 1 640 et 1 850 , et autres ccrits politiques , ibid. ; — Principes de gdologie , par Lyell ,117; — Description de plus de 300 nnimaux , ibid. ,• — Histoire des guerres civiles d'lrlande, Hid. ,• — Esquisse de Thistoire de la rdforme , ibid. ,• — Corres- pondance de Garrick , ibid. RussiE. — Portulan de la mer Noire et de la mer d'Azov : ddtails sur les mcfiurs des habitans de celte contrde, 118; — Grammaire mongole, 128. \ TABLE DES MATIERES. ^5g Allemaone. — Pour la conciliation des extremes, par Ancillon, 128 ; — Vie de Hegel , 130 ; — Poemes orientaux, par (Eehlengchlaegcr, 135; — Fragmens sur la religion deZoroastre, 138j — Annales du droit eccldsiastique , 139; r— Gr(5goire mourant, condamne par Tarcheveque de Paris, 140 ; Le Terns, feuille constitutionnelle, ibid.; — Rdnde d'Este et ses fiUes , il>id.; — Nouveau necrologue des Allemands, 141 ; — Lettres d'un defunt, ibid. ItAiie. — Science economique en Sicile , 142; — Premieres lectures pour les enfans,147; — Les deux Jeannes de Naples , 149; — Theatre tragique de Coriolano di Bagnolo, 150. LIVRES FRANCAIS. Doctrine messianique de M. Wronsky, 1 52 ; — Dissertation sur le 22° cha- pitre de la Genese, 154; — Leltre sur quelques nouvelles questions do pliilosophie , 1 56 ; — Nouvelles considerations sur I'auteur de V Imitation de J.-C. , par M. Gence , 157; — Sur les graveurs des monnaies grecques , par M. Raoul-Rochctte, ibid.; — Histoire da droit politique et conslitutionnel en Europe, par Ortolan , 159; — Dictionnaire historique de Feller, 165; — SuUtowski : M^moires historiques , politiques et militaires, 165; — Principes dc melodic et d'harmonie, par M. Blein , 167; — Voyages historiques et litle- raires en Italic, par M. Valery, 169,-" — CEuvres de Victor Hugo, 170. — Por- traits et critiques litt^raires , par Sainte-Beuve , 1 74 ; — Les Matinees suisses , 1 76 ; — Histoire de la soeur Ines ( par madame Merlin) , 178; — Le Coin du feu d'un Hollandais , 183; — Hermann, ou la civilisation et la Barbaric, par Moke , 1 85 ; — La Table de nuit , dquipees parisiennes , par Paul de Musset , 1 89 ; — La ducliesse de Guise , par madame de Souza , 1 92. IVOUVELLES SCIEIVTIFIQUES ET LITTi^RAIRES. Am^^rique-Septentrionale. — Ddcouverte d'ossemens fossiles aux Elats- Unis, 193. Itawe. — Projet d'une ^cole th^orico-pralique d'agriculture en Toscane, 195 ; — Antiquites romaines a Pavie et a Rome, 196. Belgiqiie. — Academic des sciences de Bruxelles : stance du 7 avril, 198. France. — S<5ances de V Acaddniie des sciences en avril 1 832 : M^moire de M. Geoffrey sur un enfant qui presente un double train de derriere, 201 ; — M^moire de M. Flourens sur la force de contraction des veines principales dans les grenouilles , 201 ,• — M^moire de M. Cuvier sur les oenfs de la seiche , 202 ; — Recherches expdrimcntales sur les propridtds alimentaires de la gela- tine , par MM. Edwards et Balzac , 206 ; — Lettre de M. Darcet sur le mcme sujet, 212; — Note de M. Thdnard sur les moyens de preparer aisemenl Teau 26o TABLE DES MATIERES- oxygdn^.e ; 213 ; — Lettre de M- Moreau dc Jonn^s but la nature contagieuse du choldra-morbus , 214; — Note de M. Bureau de Lamalle sur la consom- mation journalifere moycnne en bl^ d'un indiridu, en France et en Italie, 215 ; — M^moire de M. Serres sur le sidge du choldra-morhus , 216; — AdrolLthe prdsentd par M. Cagniard de la Tour, 230; — Mdmoire de ML Duhamel sur les vibrations d'un systfeme quelconque de points matdriels, 221 . — Classification des connaissances humaines , par M. Ampfere, 223. — Cours de philosophie de M. Jouffroy , 229. — Cours de lijtdrature scandinave de M. Ampfere fils , 238. — Lettre sur les theatres, 241 . — Chronique mddicale: Paganini, 244; Concerts du Conservatoire, Concert historique . 249. KECROLOClt. — Mortde Goethe, 259. ^- AVIS. . On pent se procurer la collection de Tannee 1851 et celles des annecs prccedentes All Ijineau de la Revue Ea'cyclop£diquz, rue des Saints- Peres, no 26. . An.prix de 46 fr. pour Paris. 53 fr. pour les departemens. 60 fr. pour I'etranger. Chaque cahier deteche coute 5 fr. Aux Academies et aux Socidtds savantes de tons les pays. Les academics et les soci^e's savantes, et d'ulilite publique , frangaises et etrang^res , sont invite'es a fairs parvenir exactement , franc de port , au directeur de la Revue Encyclopedique , les comptes rendus de leuis travaux et les programmes des prix qu'elles proposent. Aux ddileurs d' outrages et aux libraires. MM. !es e'diteurs d'ouvrages periodiques , frangais et strangers , qui de'sireraient cchanger leurs recueiis avec le noire , peuvcnt compter sur le bon accueil que nous ferons a leurs propositions d'e'change, et suF une pronipte annonce dans la Revue des publications de ce genre , et des autres ouvrages nouvelleraent publies , qu'ils nous auront adresse's. Aux libraires , et aux ^diteurs d'nuf rages en Allemagne. MM. Dyck , libraire a Leipzig , et J^GER , libraire & Francfort-sur- le-Mein , sent charge's de recevoir et de nous faire parvenir , par I'inter- me'diaire de MM. Heideloff et compagnie, de Paris, les ouvrages pe'riodiques qui sont destines i I'e'change , et les ouvrages que MM. les libraires , les editeurs et les auteurs, dcsireraient faire annoncer dans la lievue En- cyrlopedique. ' Aux libraires, et aux e'diteuri d'ouvrages en Angleterre. MAf. DrLAr et Co , libraires a Londres , sont charges de recevoir et de nous faire parvenir des ouvrages periodiques qui sont destin^ al'dchange, et les ouvrtges que Ton ddsirerait faire annoncer dans la Revue Encyclopddique. €ontf\txom trr la Qomai^tm. La Revue EncyclopAlique paraU mensuellcment , depuis janvicr iSO , par cahiors dc plus dc 200 pages d'iniprcssion. Trois cahiers formcnt un volume , ter- mini par une Table analytique et alphahAitfue dcs muUereso Chaquc ann^e est inddpcndantc des anndcs prccddentcs , et ofl're Un Annuairt scienti/iqtie et Utt^raire en 4 volumes in-8°. A dater du iS juillet 1882 , la REVtJE ENCYCLOPEDIQUE /JOruZ/rfl lous les quinze jours, le i" ei le i5 de chaque rnoi's. Pour les pcr- sonnes qui souscriront Mant cette epoque, les prix seront maintinus aux conditions suivantes : A Paris. .• 46 fr. pour un an ; 26 fr. pour si!i mois. Dans les tldpartcmcns. S3 » 30 » A IMlranjjer CO 1 34 » Chaquc caliicr se vend separemcnt 5 fr. Lc montant de la souscription, qui doit eire pay^ d'avance et envoy«S par la postc; la corrcspondancc , et tout ce qui concernc la redaction; les livrcs dc tout genre , les gravure* , etc. , dont on ddsiro (sire rendre compie , doivcnt etre adres- s(?s , franc de port , au directeur de la Jievue Encyclop^dique. , rue dcs Sainls- Pferes,n°26. ♦ On souscrit, a Paris, chez les libraires cl-apres : Theuttel et Wcrtz , rue de Bourbon , n" \7 \ — Rey et Gravier , quai des Augustins, n" ."iS ; — Chiri.es B^cnEX, quai des Aogustins, n° 55; Roret, rnc Haulefcuille n° 42; — J. Rewouard, rue de Tournon, n" 6; — Heidei.off, rue Vivienne, n° 1 6 j — Cordies, rue de la Vrillifere , n° 2 ; — Paulix , place de la Bourse. Dans les princtpales villes des dfiparUtnens el -des pttys Strangers , chez Madrid , Dcnne ; — Peics. Marseille , Camoin ; — Maswert. Manheim , Arlaria el Fontaine. Milan , -Dumolard. Mons , Leroux. Moscott , haulier ; — Riss ; — Urbin . Amsterdam, Delacliaux. Berlin, ScLlc^inger^ Boideaux, Deljiccb. Boston ( Elats-Utiis ), Bnfdiilt el C". Breslait , Keygel. Brurelles , Deraat; — librairie pavisieone ; — librairic tnodeme, jWontagne dt; la'Cout n. a. Copenhague , Gyldendal. Florence , Piatti ; — Vieusseux. Fraicforl-sur-Mcin., Jugel ; — Jaeger. . Genivs. Chcrbulicz. Havre, ycaVQ t)uHo. Kanigsbeig, Borntrangcr. - Leipzig, Brockhaus ; — Dyck; — Miflinlseo. Liege, Desoer; — Colardin, hnndres, Pulau, clcoropago'ic; — ^Ticutlel il > Wurtr ; — Bossange , Birtliez et Lowel. Lyon , veuve RaUlard ; — Deveis. . Nantei , Forest. Xfiptes , Eorel ; — Morortta et Virtirpandock. New-york, Foieign aod classical bookstore ; — Berard et Mondon. Nouretle-Orleans , A. L. Boimarc. Pe'tersbourg, F. Bellizord el contpagnie ; — Craef. ftdlhe, dc Romanis ; — Scalabri*i. nouin, Fri-re. StUttgait'elTubingne , Colta. Varsovie, Gluckabcrg. fienne ^ Autricbe ) , Ceroid. On souscrit anssi clicj tons las dircctears dfts postes, ct chez les aub-cs libraires dc la France et des pays dtrangers. luprineric d'IJIV£r.a7 , rne da Ctidrau, o." IC tmmaam WiMMran REVUE ENCYCLOPEDIQUE ptjbli/;e PAB MM. H. CARNOT ET P. LEROUX. Libert^, Egallte, Association. MAI — JUIN 1852. PARIS. AU BUREAU DE LA REVUE ENCYCLOP^IDIQUE , rue des Saints-Peres , N" 26 ; AaXHCS BERTRAKD, RUE HAUTEFEUILLE , N° a3. PRINCIPAUX AJRTICLES INSERES DANS LES DEftiNlERES HVKAISONS DE LA ReVUE EncVCI.OPE'dIQUI 1830, i CAHIER SE SEFTEraBRE 1831. De la polllrquc iiuerieure et exiericure dc la Fi'ance depuis la rdvolntion d M. Laurent. Stalistiquc mindralogiquc de la France, par M. Four.tel. Sur le choldra-morbus epidemique, par M. Double. Religion : Auxphilosophes, par M. P. Lkrovx. CAHIER S^OCTOBRE. De la politique dc la Franco , par M. Laurent. Exanicn du budget de 1852, par M. Em;le Pireire. Cours d'liistoirc des sciences natureiies de M. Ciivicr , par M. Fuster. Observations siirlc penchant an crime aux diflcrcns ages . par M. A Qckxelet. Autobiograpliic de voleurs anglais et amcricains , par M ' Adblaidb Montcolfier Podsic : Les feuilles d'automne, par M. Jean Reyi\ado. CAHIER SE NOVEMBRE. Coup-d'ocil historique sur les dernieres revolutions dc la Suisse, par M. fiiiAiiLEs Di De la conformiic organiqne dans les animaux, parM. Duces. G<5oloi»ie asiatique de M.,de Humboldt , par M. J. Reynaud. Des chemins de fer aux Etats-Unis , par M. List. Dc la podsie dc noire cpoque : Goethe et Byron , Walter Scott ct Cooper, par M. P. Lem De la pocsie politique , par M. J. Keynauu. OARIER BE DECESIBRX;. Les monarchions dies doctrinaires , parM. Laurent. Philosophic dii droit , de M. Lerminier , par M. Alex. SAiNT-CnifiRon. De I'usagc physiologiquc de roxigenc, par M. Dutrochet. ^ De la podsie de notredpoque : Lamarline, Victor Huijo , Saintc-Beuve , parM. P. Lero Mdmoires d'uu prddicateur saint-sinionicn , par M. Edouard Cbarton. CAHIER DE JANVIER 1832. De la tendance nouvelle des iddes. De la socicie sainl-simonicnnc, par M. Jean REYNArn. Les trois principes ; Rome, Vienne, Paris, par M. Charles Didier. Considerations sur les finances de la France et des Etats-Unis , par M. Emile Pf.reibf., Sur les variations de la tailie chez les mammiferes, par M. Is.Geoffroy-Sawt-Hilaire De lYducalion publique, parM. E. Souvestre. Fragmens sur la Valacliie , par M"" Adelaide Mohtgolfier. CAHIER DE FEVRIER. De I'Indiffdrence politique et de I'innovation en mati^re d'impot, par M. Laurent. Doctrine d'associ.ition de M. Charles Fourier, par M. Abel Transo.-?. De I'inllucnce des sa/scns sur les facullds de riiomme , par M. A. Qdetelet. Projet d'un cheinin de ler de Gray a Verdun , par >L Henr[ Fournel. Voyages des frercs Lander en A rlquc , par M A'Di5LA:r>E Montgolfier. Le Feu du ciel par Louis Boulanger, par M. Edooaru Charton. CAHIER DC MARS. Du catholicisme ct du peuplc a I'pccasion du cholera, par M. Charles Didier. De I'assiette dc limpol, par M. Emile Pereire. Derniferes pages de Goethe, expliquant a rAIIeinagnelessujets de philosophic naturelle troversds au sein de I'Academie des sciences de Paris. Voyage des Ireros Lander en Afriqne ( 2° article), par M"" Adelaide Mohtgolfier. Vision d'Hdbal^de M. Bailanche, parM. Ales. S.unt-Ch£ron. CAHIER D-nebrcs occupent I'espace ; aprcs cc kalpa dc repo< la premiere periode rcconinience. Cette cosmogonie orientale , qui , mcme dans sa divagation , conserve quciqu'' riiosc de la niagnifirciicereligieuse, of:rc, dans les assertions positives dont son detail ahondc, bcanroup di' rapports aver la inanicrc arfirmalivc de M. Fouric!.. DE l'uMTE DE la revue. 267 a laquellelalune, cessant d'accompagner la terie, sera remplacee par quatre lunes nouvelles ; ou bien encore a assigiier les tems noil nioiiis remarqiiables oil I'espece huniaine , eprouvant iiu changement dans sa forme , verra son organisme actiiel enriclii d'lin appendice en forme de trompe, M. Fourier soit destine a donner lui-meme la niesure des consequences auxquelles conduit le principe absolu sur lequel il se fonde. Nousrepoussons scs doctrines historiques , parce que, quel qite soit I'ordre arlificiel dans lequel ou pent grouper les evenemens humains, il nous semlile contraire a toute idee de providence de croire qu'il n'ont concouru vers aucun but general , autre que celui de donner a M. Fourier les materiaux necessaires a lacon- qui en differe surtout par uiie proportion beaucoup plus modeste dans la niesure de ses images el de ses noniLres. La duree du genre humain , dit ce philosoplie , est de quatre- vingt milie ans; cette carriere se subdivise en quatre phases et trentc-deux periodes ; chaque periode est caracterisde par une creation nouvclle. Nous entrons aujourd'luii dans la huitieme periode , qui doit durer quatre cents ans J a la fin de cette periode , la population de la terre sera de deux milliards d'habitans, le globe sera cullive jusqu'au 60° degre de latitude nord ; alors Tau- rore bordale se fixera autour du pole , et formera un anneau analogue a celui de Saturne, qui donnera aux contrees glaciales un climat semblable a celui de la Sicile. II y a pour le genre liumain une decadence comnie il y a eu une en- fance, et le deelin commence a la vingt-cinquieme periode ; en somme les ages de bonheur durenl sept fois plus que les ages d'infortune. Je no pousse pas cette analyse plus loin; elle suffit pour montrcr le role im- mense qui est attribue a des nombres hypothetiques ; ils coupent les cbapitres, el Timaginalion les remplit. Si Tabsence des connaissanccs fournies par les sciences pbysiquesexiiliquerclran;;esingularitc des dograes orientaux, on peut voir, d'a- pres les proprcs paroles de JL Fourier, que ce vice fondamentsl doit se retrouvei- dans la plupart de ses conceptions sur la tlieorie de I'univers ; voici comment il termine un de ses cbapitres , apres une longue declamation contre la vanity des pbilosopbes : « Pour completer Topprobre de ces Titans modcrnes , l)ieu a » voulu, dit-il , qu'ils fusscnt abaltus par un inventeur etranger aux sciences , ct )) que la ibcorie du mouvement universel echut en partage a un homme presquo )) (7/iteVe'; c'est un serpent de houliquc qui va confondre ces bibliotheques poli- » tiques et morales, fruit bonteux des cbarlaianerics antiques ct modernes. n 268 DE l'uniti5 de la kevue. struction de sou premier Plialanstere , parce qu'il nous semble contraire a toute idee de continuite de renoncer a la tradition du passe en le reprouvant tont entier , et de pretendre que riiuma- nite va subir, sous Tiiifluencedu genie d'unseul homme, une re- volution fondamentale dont rienj usque la u'avait donnel'idee. Nous repoussons ses doctrines morales , parce qu'en assimilant les passions de la vie humaine aux attractions mecaniques de la matiere, elles renversent toute notion du juste et de I'injuste , et arrivent a legitimer des passions dont le nom est infame , et qui ne trouvent leur existence que dans le vice de I'organisation so- ciale. Sans doute le mal n'est pas inherent a I'liomrae , et de- pend de la societe dans laquelle il vit ; mais c'est se tromper etrangement sur le caractere des societcs que de les prendre pour des mecaniques d'hommes, et de prendre I'lioinnie pour un fait absolu et invariable : on ne saurait abstrairerbomrae de I'bunia- nite , et leur perfectionnement est simultane et progressif. Quant aux details purement economiques de I'association do- mestique et agricole , nous reconnaissons volontiers qu'ils par- tent d'un esprit ingenieux et delie , en declarant toutefois que nous ne prenons pas I'ampleur pour de la grandeur, ni la ri- cliesse d' imagination pour de la ricbesse de pensee. L'idee de I'industrie attrayante par seances varices et de courte duree nous parait iieuve, et d'une portee fort etendue, si elle conduit effccti- vement "a d'beureux resultats dans la pratique. L'idee de liberie pent assurement se concilier avec l'idee de travail , si la peine de la production est equilibree ou depassee par le plaisir de la con- sommation qu'elle procure ; mais organiser la production de ma- nifere h en cbanger la peine en plaisir serait certainement ouvrir a I'industrie une carriere toute nouvelle d'activite et de jouis- sances. Nous approuvons done, comme une des entreprises in- dustrielles les plus importantcs de notre epoque , I'essai que M. Fourier vent faire du procede dont il est I'inventeur, per- suades que la nature de I'esprit de ce pbilosopbe le met h memc plus que tout autre dc construire et de diriger un etablissemenl DE l'unIT]^ DE la revue. 269 de ce genre, et persuades en outre que toute tentative ayant pour but de faire travailler les proletaires sous la loi de I'association , au lieu de les faire travailler uniquement sous la loi de la pro- priete, ne pent etre que fort avantageuse pour le succesetla propagation des theories de i'economie politique nouvelle. Voila notie opinion sur cette doctrine. Nous blamons I'exor- bitante jwetention de i'auteur, qui vient presenter aux hommes et aux planetes son levitique et son deuteronome, sans autre ga- rantie que celle de sa parole ; nous acceptons et nous encoura- geons I'experience du phalanslere , convainciis que tout perfec- tionnement dans la construction des villages et la disposition des travaux agricoles se trouve place sur la voie du progres social. Get exemple nous semble tres-propre a montrer I'esprit dans lequelsera dirigee notre critique, et le fondenient sur lequel elle demeurera toujours assise. Du reste notre Refue sera libreraent ouverte a toutes les opinions qui nous paraitront douees de quel- que nouveaute et de quelque importance en philosophic et en litterature ; et nous esperons que I'amour de la justice et de la verite, quiseul nous dirige, saura toujours maintenir sur la ligne du progres I'instrument de publicite dont nous disposons et au- quel nous vouous une partie de uos travaux. POLITIQUE. DU COSMOPOLITISME ET DE L' ASSOCIATION. Le cosmopolitisine fiit long-tcms tenii pour un litre de repro- che et d'injure ; c'etait le synonyme d'indifference , d'ego'isme. On disait d'uu liomme ; Cest im cosmopolite , pour dire uu liomme sans liens , sans passions socialcs , sans affections , sans ame; c'est ce qu'on appelle aujonrd'hui , niais avec plus de raison , un eclectique. Des lors le nom d'etranger etait un titre d'anathenie; il re- pondait, ou peu s'en faut, et surtout en France, ace que les Grecs appelaient un Barbare. Rousseau y revient a diverses re- prises (1). Etranger lui-raeme, et place par la vis-a-vis de ces Francais qu'il aima tant dans luie position equivoque , le citoyen de Geneve se sentait les bras lies, pour combattre bien des abus qui rindignaient ; et ce prejuge, dent il etait victime, lul fit abandonner non-seulement son travail sur I'abbe de Saint- Pierre, mais soiweiit, comuie il le dit lui-meme , des projets beaucoup plus cheris. C'est dans ce meme tenis que Voltaire, ju- geant Shakespeare du bant de la natioualite d'alors, traitait Til- lustre Anglais de barbare et de sauvage ivre, comme avant lui deja Boileau avail fustige Tasse el Milton. La France applau- {\) Deja dc son terns Montaigne so plaignait de TcsprU cxtlusif do scs compa- triotcs. II dit "a cc propos des clioses fort sages et fort piquantcs. Je voudrais les ciler, mais il y aurait trop a faire. J'aimc inieiix renvoycr a son chapitre des Cunntbaliis. DU COSMOPOLITISME ET DE L ASSOCIATION. 27 1 dissait aux arrets de ses grands-prelres litleiaiies , quoique si evidemnient dictes par la partialite et lesprit d'exclusion. Mais n'oublions pas, pour comprendre et apprecier cette phase dii genie Inunain , que la France avait besnin de fonder en Europe une initiative dont 89 , et phis tard i 850, out nion- tre Ja puissance et la portee. Or, cette initiative, dont les amies et la preponderance politique de Louis XIV avaient jete les pre- mieres bases, avait besoin d'etre fortifiee , etendue, et ce fut la le role des lettres francaises ; role magnifique , parce qu'il fut civilisateur, et qu'il preparait "a la liberte ses triomphes. De la naquit une partialite qui, pour avoir ete parfois trop exclusive, n'en servit pas moins avec energie la grande cause europeenne. Si elle rejeta momentanement dans 1' ombre des choses grandes et belles, ces choses n'etaient pas d'urgence , et avaient devant elles pour etre adrairees I'avenir tout enlier. Si elle mit en relief, si elle placa sur le premier plan du tableau social des idees et des figures qui nous semblent anjourd'hui secondaires, c'est que celles-ci n'avaient pour accomplir leurs destins qu'une se- conde; etil faliait, pendant cette seconde, reunir sur elles seules toute la Inmiere et les faire briller d'un eclat d'autant plus vif qu'il devait raoins durer. II etait plus important, en 1760, de battre des mains aux pompeuses tirades republicaines de la 3Iort de Cesar ou Ae. Brutus, et aux sentences anti-sacerdotales de MaJiomety qu'a la ravissante poesie de Romeo et Juliette et de la Tempete , h la profonde analyse de Hamlet. Et si la prevention degenera quelqucfois en outrage, la cri- tique en brntalite, c'est que les passions publiques ct privees s'en melerent, et egarerent les esprits. II faut , en toute chose , leur faire une part et la leur faire large. C'est un nialheur , mais une necessite. Leur role est de s'imniiscer "a tout , de compliquer tons les phenomenes hmnains ; mais en les modifiant, en les exagerant, elle ne les detruisent point. Les esprits legers s'ar- retent aux superficies, et ne saisissent dans une question que les circonsiances, les caracteres accessoires ; les autres ont soiu 272 POLITIQUE. de se placer dans les vralcs conditions de rhumanite, ct, dega- geant le fait social de tout I'alliage qui Taltere et souveut le de- guise , ils mettent a nu la verite. C'est la que git le coup d'oeil de I'historien , car I'histonen a son coup d'oeil corame le general d'armee. Ajoutons, quant a Shakespeare, que la reaction centre le moyen age etait dans toute sa violence au dix-huitieme siecle, et frappait d'une commune reprobation tout ce qui y touchait par quelque point. Mais ceci ne detniit point ce que nous avons dit du sacerdoce litteraire et philosophique que la France exercait alors sur le reste de TEurope. Elle s'etait faite centre , et citait a son tribunal les produits etrangers de la pensee avec une supe- riorite qu'on avail fini par ne lui plus dispiiter. Ses oracles en matiere de goiit etaient europeens, et, conime FantiqueSibylle, elle parlait avcc autorite. Et bien qu' alors la reaction fut gene- nerale , c'est la France qui marchait en tele. Ce vasselage intel- lectuel, qui tendaita I'unite autour de la suzerainete francaise, n'etait au fond qu'un acherainement a un cosmopolitisme plus large et independant. L'evenement I'a prouve. Voilk pour leslettres, voyons pour la politique. Prenons Rousseau, celui de tousles publicistes du dix-hui- tieme siecle dont la mission fut la plus liaute , puisqu'il lui fut donne a lui, proletaire etranger et citoyen du monde, de popu- lariser par I'empire d'un style tout-puissant et la chaleur de son ame les principes les plus audacieux de la politique. Sa position equivoque, et pour ainsi dire excentrique, en lui interdisant des travaiix de critique actuelle et partielle, le forca de s' clever "a des hauteurs oi^i ne put I'atteindre la susceptibilite servile et monarchique des courtisans de Louis XV. L'humanite y a-t-elle perdu? Nous repondons hardiment non. Pareil a I'aigle de ces Alpes on il etait ne, son genie planait sansentraves et sans contrainte par-dessus toutes les considerations vulgaires d'une nationalite etroite et puerile ; habitant des sublimes re- gions iutellcctuellcs, c'elait au profit non d'un peuple, mais du DU COSMOPOLITISME ET DE l' ASSOCIATION. 2'j3 monde , qu'il explorait I'avenir , et ce ne sont pas quelques esclaves seals qu'il convia a la liberie, c est rhumaaite tout en- tiere. Voila comment les prejugesmeme d'un siecle servent au siecle qui suit. Les anneaux de I'immense chaine de causes a effets qui lient les generations Tune a I'autre, pour n'elre pas egale- ment sains et forts, u'en tiennent pas raoins chacun sa place , et font ainsi chacun son oeuvre. Nier ce principe, c'est recounaitre que le monde est livre "a des forces aveugles et brutales qui le trainent au liasard et a plaisir dans le sang et les larmes, sans consolation , sav dedoramage- ment , sans esperances. Or cela n'est point : riiommc est fini , voila pourquoi il erre et devie de la ligne droite; mais il est per- fectible, et voila aussi pourquoi, malgre ses erreraens, ses ecarts, il avance toujours comme lui voyageur qui, ponr s'egarer quel- qnefois, n'en arrive pas moinsaubut. L'avenir u'estpasun pays ouvert et battu. Peu de routes y sont tracees , et les trouver n'est pas facile. Quelques lueursbrillentbien dans les tenebres, quel- ques jalons se dressent bien ch ct fa dans le desert ; mais la cara- vane Immaine est indocile , parce qu'elle est libre et passionuee; elle est curieuse, parce qu'elle est intelligente; bien des illusions la seduisent ; elle s'arrete trop souvent a des excursions sans fruit •, les longueurs et les fatigues des voyages la lassent , I'irri- tent, et la voix des guides n'est pas toujours ecoutee. Et cepen- dant on va toujours ; on souffre, on meurl, mais on marclie, et les vues providentielles s'accomplissent. Souffrir , il i'aut bien y consentir puisquc telle est notre condi- tion sur terre , puisque la douleur est necessaire a la vie et a Jioti'e conservation propre, puisque sans elle il n'y a ni grandeur nijoie; mais souffrir pour rien , c'est ce que nous ne voulons pas. Le laboureur consent bien "a quitter avaiit I'aube son lit et sa chaumiere, et, le dur soc en main , "a semer peniblement son champ; mais il a dans le coeur, pour fortifier son bras, I'espoir de la moisson ; il voit eu idee les epis d'or ondoyer au soleil d'aoiit, 2^4 POLITIQUE. il serie dejk les gerbes dans ses granges , etpartage le pain nou- veaii "a sa famille. Otez-le liii, cet espoir, et le voilh qui brlsera le soc contre'lcs locheis, qnijettera la seraenceaux vents. Etnous aussi qui labourons et ensemencons le charap de larmes, nous voulous biea fatiguer, uiais nous voulons aussi que la semence geniie,siiion pour uous, pour ceux au moins qui viendrontapres ; car nous ne croyonspas que lout ici-bas se borne a nous et qu'apres nous il n'y ait plus rien. Nous avons recueilli I'heritage de uos peres , e: uos fils recueilleroul le iiutre. C'est justice. L'bonime se survitparla pensee, et se perpetue dans ses oeuvres. Cost la uii des articles fiesi^ loi nouvelle ; article fondamsntal sans lequel plus d'efforts nidividuels , et partanl plus de force commune, plus de sociele possible. Nous voici ramenes au cosmopoliiisme, qui n'est que le pre- mier pas "a I'association. Point de grands resullats possibles sans la reunion des efforts de tons vers un but commun ; et sans cette comrauaaute , sans cette universalitede but, pas de motifs suffi- sans , pas de mobile , pas d'interet aux efforts individuels. A cette revolution de 89 quiprit Tiaitialivc de tantde grandes choses, qui proclama de sa voix puissante taut de vcrites, qui jeta parmi les nations taut de principes, "a elle, dis-je, etait re- servee la gloire d'introduire daus le calecliisme social le dogme fecond ct immense du cosmopolitisme. II est formule tout entier dans le vote de la Convention qui , mettant les rois hors la loi , declarait la Republique I'alliee naturelle de tons les peuples, fon- dant aiusi uon phis seulemeut dliDuuue "a liomme, mais de na- tion a nation, une solidarite qui est passee desormais en principe, et qui, chaque jour mieux comprise, va chaque jour se perfection- nant et s'aifermissant. Cc n'etait point, comme Tout voulu dire des esprits ou bor- nes ou partiaux, ce netait point de I'enflure ni de la folie; c'e - tail de la raison , mais de la raison haute et forte ; c'etait de la po- litique sociale et comme une revelatiou ncuvelle. Aujourd'hui que nous avons tons vu la portee de ce principe, la folie serait DU COSMOPOLITISME ET DE L ASSOCIATION. ayS de lenier. Notre devoir, aiijourd'hui qu'il est pose, est de I'ela- borer, pour le feconder, pour en tirer toutes les consequences possibles , dans un large systeme d'associatiou universelle et paci- fique. C'estTa qu'est Tavenir de rhumanite. II fautle dire cependant, la Repiiblique constatait plus quelle a'inveutait (et qui iuvente? ); elle developpait un droit ancien plus qu'elle n'eu foiidait un nouveaii ; car la cosmopolitisme est explicitenient contenu dans la loi cliretienne ; laparnhole du Sa- maritain n'est que cela ; la cliarite universelle est le fonderaent du christiauisme. — « Tn aimeras , dit-il, ion prochain comme toi-memc ; telle est la loi et les proplietes. » — Telle est aussi la base de loute association. Mais il y a loin de I'enonce tlieorique et pour ainsi dire ins- tinctif d'un principe, a son application rationnelle, a sa pratique intelligente. Cette notion de prochain que Jesus-Cbrist avait crn suffisamment eclaircir par ses similitudes, et qui aujonrd'bui nous parait sievidente, elle est restee vague et indefiniependantdes sie- cles. Elle a traverse toutle moyenage, obscure etinappliquee, et sile serf et le baron ne croyaient pas a deux enfers et a deux para- dip(ce qu'il neserait memepas impossible de contester), il est cer- tain qn'ils croyaient bien I'un et I'autre a deux etats sur terre, h deux economies bien trancbees, a deux natures bnraaines. Le progres done etait, d'abord de proclamerles droits de I'bomme , ainsi fit la Republique ; puis de les etendre de I'individu a I'es- pecetout entiere, noire on blanche, chretienne ou non, ainsi fit- elle encore en faisant la premiere descendre sur le terrain clair ct precis de la politique une ide'e jusqu alors abslraite ou pen s'en faut. II ne laliut pas pour cela moins de millo sept-cent-qua- tre-vingt-neuf ans. L'ere nouvelle ouverteen 89 n'esl done qu'un pas du christia- nisme, comme le christiauisme lui-memene fut qu'un perfection- nement de la philosophic antique . Dejh avant Jesus une voix s'etait elevee dans Rome, et avait proclame le pi incipe sacre du cosmopolitisme. Fut-ce un senateur ? un palricien? Ce ne fut 276 POLITIQUE. pas meme un plebeien, pas meme iin roraain. Ce fiit un esclave d'Afrique , sans autre nom que celui desonmaitre, qui , tout meurtri encore des fers de la servitude , s'ecria sur le theatre de Rome : — « Homo sum.... Je suis homme, et rien d'bumain ne m'est etranger (1 ). « A ce cri d'humanite, si nouveaii et si touchant, les assistans s'emurent. Uu applaudissement universel I'accueillit et retentit parmi le peuple-roi. Les envoyes des nations conquises qui assis- taient en grand nombre au theatre releverent la tete avec or- gueil; uu principe d'egalite venait d'etre proclame et applaudi. Les ecrivains latins sesontplu aretracer cette scene, et en effet je nesache pas que rantiqiiite en offre une plus grande ni luie plus pathelique. Elle se passait cent cinquante ans avant le Nazareen, et I'esclave qui I'avait provoqnee, plus heureux que le crucifie, fut I'ami des Scipions, I'idole de Rome , et alia raourir en Ar- ea die. Ce n'etait la que le point blanc qui precede I'aurore. II fallait que le soleil se levat sur une croix sanglante , puis eclatat de nouveau au milieu des terapetes uon nioins sanglantes de la Convention ; comrae s'il etait ecrit que le sang doit elre le sceau et le bapteme de toute grande oeuvre sociale. Malgre sa morgue de soldat et de conquerant, le cwis roma- nus n'en rendit pas moins involontairement hommage au cosmo- politisme en subissant I'ascendant intellectuel des races grecques ; c'est d'elles que les Romains recurent une theologie, une philo- sophie, luie legislation. La Sicile leur donna sa Ceres, et avec elle I'agriculture dont el'e nest que I'embleme; Tarente, Locres, Crotone, toutes les republiques de la Grande-Grece , celles de la Grece, les eurent pour disciples; ce sontleurs arts a toutes qui vinrentpeuh peu adoucir la rudessedes moaurs militaires; leurs (1) « Homn sum ; huinani nihil a me. rilieniim pnto. » [Tkrf.uct, , dans V Ilemitontimoriiinenns . ) DU COSMOPOLITISME ET DE L ASSOCIATION. 2 sciences qui equanirent ces intelligences grossieres; leurs lois qui a Rome substituerent le droit "a la force. 11 n'y eut pas jus- qu'a Pyrrlius I'Epirote et AuniJ^al le Cartbaginois de qui elle ap prit I'art de la guerre. Et cesGrecseux-memes, pour qui les noms de barbare et d'e- tranger etaient synonymes, n'bumilierent-ils pas aussi leur na- tionalite superbe devant de la science des etrange'rs? Leurs dieux, leur culte, leur pbilosopbie, leurs arts, a quelles sources les a^'aient-ils puises ? L'antique Thales ne fut-il pas initie aux mysteres de JMerapbis? N'y apprit-il pas raslrononiie, la georae- trie, toutes les sciences d'alors, et ce panlbeisrae profond, vasle ocean intellectnel d'oiv partireut si long-lems , pour s'y perdre , tous les systemes de la Grece? Et lorsqu'bonore des faveurs du roi irtrirtz-e, le pbilosopbe grec quitta I'Egypte, loin de repousser ses conuaissances elrangeres, ses compatriotes ne baptiserent-ils pas du nom de sage I'adepte de Merapbis? Ainsi fut de Pytbagore, un siecle plus tard. Appele vers I'O- rient par un instiugt de genie et par des traditions confuses , c'est la, c'est dans cet antique berceaude tout savoir humain, qu'il voyagea pour s'instruire. II ne rougit pas, lui Grec, d'ap- prendre des Cbaldeens la science des astres , des Brachmanes de rinde la tbeorie des ames, et d'emprunter a I'Egypte jusqu'a ses locutions embleraatiques et ses tours figures. 11 n'en devint pas moins le legislateur de la Grande-Grece. C'est a I'etranger aussi, c'est en Egypte, qu'Herodote, que Platon allerent chercher I'un I'histoire, I'autre la pbilosopbie; et ce sont la autant d'eclatans bommages rendus au cosmopolitisme ; autant d'infraclions et de dementis a cet etroit esprit de nationalite dont tant se targuent , €t qui a pour resultat inflexible la sterilite de la pense'e et la de- gradation des races liLiinaines. L'antiquite tout entiere depose done en faveur du cosmopoli- tisme. Civilisees ou non, toutes les nations I'ont pratique au moins en quelque point, ou par le commerce de I'intelligence, ou par une bospitalite reduite en preceptes dans picsque tous les codes TOME LIV. MAI ET JUIN 185:2. - 19 278 POLITIQUE. ecrits ou non ecrits, a toutes les epoques, dans tous les niondes. L'hospitalite privee, ce caractere sacre quelle iinprimait a I'e- tranger, est la premiere forme qu'ait reveUie le cosmopolitisrae , la seule qu'il revete encore dans les contrees arrierees , et qui ne se perd dans les autres que pour faire place par degres a une hospitalite publique, a une sorte d'egalite civile bien autrement large et concluante. L'universalite d'uu sentiment prouve qu'il est dans rhomme, qu'il est une condition de sa nature, et certes jamais sentiment ne fut plus eloquemment defendu, plus universellemeut prati- que. L'humanite tout enttere, ancienne et moderne, plaide pour lui, et en fondant sur cette base I'edifice de I'association univer- selle, nous savons bien que nous ne batissons pas sur le sable, et que nous I'asseyons sur le rocher des siecles. Independante des terns, deslieux, des choses, des hommes, notre base du- rera, et I'edifice avec elle. De la notre confiance, car nous sommes dans la vraie loi , dans la loi naturelle , eternelle. Non scripta, sed nata lex. De ces idees douces et tranquilles d'hospitalite antique , d'as- sociation future , lieux de i-eposou aimea s'abriter la pensee, on eprouve quelque erabarras , quelque honte a redescendre vers un present de division et de haine. II le faut cependant; ce present qui nous attriste et nous revoke, il estle champ de batailie oil les principes sont aux prises , et d'ou I'avenir sortira triomphant. Abordons-la done, sinon sans tristesse , sans decouragement du moins et sans crainte , cette realite que I'ou nous fait si dure. Aussi bien est-ce une loi recente, loi d'inbospitalite et de fai- blesse, qui nous a mentalement entraines a ces hautes etpaisibles considerations de fraternite et d' amour. Revenons au point de depart. Ce n'est pas notre faute a nous si la chute est rude et la transition brusque. Cette loi qui nous afflige et qui nous fait monter le rouge au front est celle du 21 avril dernier, qui rejette les refugies etran- DU COSMOPOLITISME ET WE L ASSOCIATION. 279 j»ers hors du droit commun, et les soumet dans leur exil adesnie- sures exceptionnelles. Et d'abord relevons un sophisme du pouvoir. II s'appuie dans ses considerans, et ses orateurs avec lui , sur la loi du 28 vendemiaire an VI qui armait le ministere d'un pouvoir insolite, et lui permettait de deporter Tetranger qui troublait I'ordre public, loi qu'il regarde comrae non abolie et encore en vigueur. II aurait tout au|si bien pu invoquer la loi terrible du 29 juillet 1792 , celles de I'an V ( 4- nivose ), de I'an VII ( 22 messidor ) ou celle enfin du 25 tbermidor an VIII, qui au- torise Temprisonnement de Tetranger dans les formes les plus inusitees, les plus arbitraires. Son principe pose et admis, il n'y avait pas de I'aison pour qu'il s'arretat k Tune plutot qu'a I'autre , pour qu'il ne puisat pas et ne puise pas encore cha- que jour , comme en un arsenal comrcode , dans le vaste et iuex- tricible repertoire du bulletin des lois. Quant au fait, c'est un abus criant. Si les cinquante mille lois , decrets, ordonnances quequaranleans y ontentasses, ne sontpas abolis de droit comme ils le-sont de faitj s'il est loisible au pouvoir des'en armer indistinctementsuivantsonbon plaisir, iln'y a pi us pour le citoyen, ni siirete, ni garanties, puisque ceslois, d'excep- tion pour la plupart , furent dictees les unes, par les circonstances imperieuses ou la coalition etrangere et la guerre civile avaient mis la Republique; les autres, par le despotisme militaire de Napo- leon. Au terns de paix et de liberie ou nous vivons, elles sont nulles et comme non avenues. Le droit actuel presuppose I'abolition du droit ancien; sans cela il n'y a plus dans la legislation que confu- sion , et pour le pays provisoire et dechiremens ; toutes les liber- ies ne sont plus qu'un mot (i ). Ceci est de I'arbitraire legal, mais le sophisme n' est pas la. Le voici. (1) Aussi bien toutes lois et ordonnances de cette nature ne sont-elles pas annuldes et abrog^es implicitement par I'article 70 de la Cliarle ! 19. 28o POLITIQUE. Le sophisuic est d'avoir pretendu mettre la Convention en con- tradiction avec cUe-nieme. Eneffet apres le principe de cosmopo- litisme et de solidarite europeenne, proclame par elle, n'y avait- il pas inconsequence a sevir au-dedans contre les etrangers ? La contradiction n'est qu'apparente. N'oublions pas que laRepubli- que etait alors en guerre avec I'Europe, et que son sein etait de- chire par la coutre-revolution monarchique et sacerdotale ; que toutes lescoursetTAngleterresurtMit avaient des emissaires sur toute la surface du territoire frantfais, et jusqu'au centre de la capi- tale; que mille trames s'ourdissaient dans I'ombre, que Tor etran- ger circulait sourdenient dans des vues contre-revolutionnaires , que le pays enfin etait en danger. En de telles conjonctures les voies de rigueur sont de droit, et ce n'etait point en tant qu'etran- gers que les etrangers etaient en suspicion et sous un code a part, luais en taut qu'espions, c'est-a-dire ennemis de la revolution. C'est comrae tels encore que I'arrete de nivose an VI mettait leurs biens au sequestre. Etpour ne parler que dela loi de vendemiaire de la meme an- nee invoquee par le rainisiere du i 5 mars , il suffit de jeter un coup d'ceil sur le discours de Jean de Bry , qui en fut le rappor- teur, pour se convaincre quelle fut coramandee par la rigueur du moment : — « Considerant , dit-il, qu'on ne pent trop prevenir )) les dangers qui menacent la Republique, etc. . . » — Lepays done, comrae nous I'avons dit, etait en danger , et la loi un acte d'ur- gence; et voila Tepee ardente que Ton tire du fourreau en pleine paixpour frapper de malheureux proscrits qui, bien loinde pouvoir seulement etre suspects k la revolution de juillet, n'ont perdu leur pays etleur existence que pour en soutenir les prin- cipes. Le rapprochement est faux sous toutes les faces, et la seule- ment est la contradiction. Mais il y a plus, il y a liaine et vio- lence. Une loi pareille est une profession de foi anti-europeenne, line iibjuration qui n'a aucuij precedent dans la revolution de 89, et dont elle est , grace k Dieu, completeraent innocente. Non content de la charger d'line responsabilite que les fails DU COSMOPOLITISME ET DE l'ASSOCIATION. 281 repoussent et que nous repoussonsen son noni , on a pris a partie I'Angleterre. Cest tout simple; quand on estfaible de principes, on cherche de la force dans les exeraples , quoiqu'en de telles matieres les exemples n'aient pas de valeur, et qii'ils ne prouvent qu'eux-memes. Sans entrer ici dansdes considerations oiseuses , nous nous bornerons a faire observer combien I'exemple est mal choisi , puisque la loi anglaise sur l^s etrangers , promulguee en -1826, et actiiel lenient en regne, est infiniment plus philantro- pique et plus cosmopolite que celle du 21 avril. II y est dit en propres termes que 7iul e'tranger ne pent etre expulse du rojaume malgre lui ; tandis que la loi francaise porte que le gouverne- ment pouira leur enjoinch^e de sortir du rojaume y s'il juge leur presence susceptible de trouhler I'ordre et la tranquillite' pu- hlique (art. 2 ). Citer k I'appui d'une mesure exceptionnelle une loiqu'on aggrave , voila certes une tactique peu'adroite : c'est nous forcer d'avouer que , quant k la pratique des droits et de la liberie , I'Angleterre est de beaucoup en avant de nous. Je ne sais rien de plus funeste en politique que de constituer le gouvemement juge et partie , juge legal et sans appel des choses, et surtout des hommes ; c'est detruire dumerae coup toute garantie , et par la toute independance. Voilk cependant ce que fait laloi contre les etrangers. EUe les rejette hors du droit; elle les livre pieds et poings lies a la merci d'une police discretion- naire et violente qui a mission de les trainer de ville en ville, et de les Jeter, sur un soupcon et sans jugement , comnie sans res- ponsabilite , hors du sol de cette France , qui devrait etre le lieu d'asile de la liberie du nionde, et par Tiuiiialive d'une hospila- lite large et intelligente , oiivrir les voies de cette solidarite , de cette association universellereclamee par les faits, iioii moius que paries principes, et sans laquelle il ne peut y avoir desorniais , pour elle-merae et pour I'Europe, ni repos, ni independance, ui bOnheur. C'est Tale termeousavance le moiide. La conscience humaine est eveillee , elle a le sentiment et rintelligeiice de ses besoiiis. 282 POLITIQUE. G'est a les satisfairc qu'il faut tendre , au lieu d'etouffer par la force les voix qui les proclament , de dresser des embi\ches aux pas qui tententles routesde Tavenir. Ilfautdes eclaireurs hrarmee qui s'avaiice ; il liii faut des guides daus les defiles iuconnus , et I'humanite est aujourd'hui dans un defile dont elle a hate de sortir. Croyez-eu le passe et ses mille experiences , il vaut mieux aplauir les cherains que de les herisser d'obstacles. Les obstacles ne font qu'irriter ; et pour arriver uu jour plus tard , le monde n'en arrivera pas moius ; seulement malheur k qui lui dispute le terrain et s' oppose a son passage ! Etpuis ces susceptibilitesbourgeoises, cespuerilescraintessont- elles digues de la France et du noble role ou Dieu I'appelle? Huit mille bannis , tons de la couleur et du camp de juillet , sont venus du nord et du midi lui deraander asile et protection, lis se sont abriles sous le'drapeau iricolore comme sous leur propre dra- peau ; ils out embrasse les autels de France comme leurs propres autels, et voilk que vous suspendez sur leur tete Tepee de Da- mocles, que vous leur disputez, que vous leur deniez I'hospita- lite nationale , que vous les punissez des sympathies populaires. . . Demain vous les chasserez. QuV gagnerez-vous , et que crai- gnez-vous d'eux? Si quelques-uns violent, je ne dis pas Thospi- talite, mais les lois , le pays n a-t-il pas ses tribunaux , ses juges , uu jury , son code? A quoi bon les mesures d' exception , les ga- ranties lui mauquent-elles ? G'est done fa une rigueur inutile que rien n'a provoquee, que rien ne justifie; moins une mesiire de siirete qu'un outrage graluit a la solidarite europeeune, une hostilite au principe d' association. G'est de ce point de vue que nous avoas pris la loi du 21 avril, et qu'il faut la prendre pour la concevoir; c' est pour cela aussi que , quoique de circonstance et passagere , nous nous y sommes arretes et I'avons traitee avec plus d'etendue quelle n'en parait merirer. Sans vouloir reprendre en sous-oenvre une discussion oublKe ct dont I'un des plus braves champions vieut de descendre au tojn- bcau, il est nn principe pose h cette question par un oratcur minis- DU COSMOPOLITISME ET DE l'ASSOCIATION. 28.) teiiel qui merite d'etre redresse, parce qu on lui a donne de I'iin- poilance. M. Giiizot, car c'est lui, ne reconnait d'autres garanties civiles et politiques que les garanties materielles. Les autres, il les nie. C'est anuuler d'mi mot tout ce qu'il y a dans Thomme d'intel- ligence et de moralile. La garantie des idees, des principes, n'en est-ce done ^as une ? n'est-ce pas de toutes la plus inviolable, la plus sacree? Etrauge maniere de gouverner les homraes que de les depouiller preventlveiu'ent de tout ce qui fait leur force et leur grandeur, pour les reduire aux conditions de la vie materielle, de la vieanimale! C'est les mutiler, c'est faire des peuples castrats. La virilite des nations est dans I'intelligence, et vous n'en au- rez de vrairaenl fortes et grandes que lorsque vous fonderez leur existence sur les triples gaianlies physiques, morales et intellec- tuelles, trinite sainte qu'il est lems enfin de mettre sur Tautel. De meme qu'on ne gouverne que par I'intelligence, on n'obeit non plus que par elle. L'autre obeissance, purement brute et pas- sive, n'estque la terreur de I'esclave sous le baton du maitre, la servilite de I'eunuque au serail. L'obeissance de I'homme doit etre libre comme sa pensee , et rationnelle comme tous les actes de I'esprit. La volonte de rhouime est independante et fiere, et cependantil faut qu'elle plie souvent devant la volonte sociale, car la sociele»vit des sacrifices de tous au profit de tous ; placez done haut les motifs, si vous voulez que cette volonte superbe flechisse sans murmure et sans honte. Voila le secret du pouvoir. Enuoblir l'obeissance, tout est Ta. Ce n'est pas du reste un principe nouveau -, c'est I'indepen- diance 4e la pensee , c'est le libre arbitre humain proclame il y a deux raille ans du haut du Calvaire : — « Je vous parle, disait » I'apotre, comme a des etres intelligens, jugez vous-memes.)) — Hors de Ik violence et abrutissement. Nous sommes loin encore des vrais dieux. Mais nous y mar- chons, et il faudra bien que la societe s'assoie sur les seules bases qui desormais lui assurent vie et duree. Le regne de la violence 284 POLITIQUE. est passe. U laiil en fiiiir avec elle. 11 n'y a plosv de force que dans les idees. A elles done 1' empire. Notre devoir a tons est de rehabilitee partoiit le peuple, c'est-a-dirc de ciiltiver son intelli- gence en friche; il est tems qn'elle recoive partoiit la senience de vie et porte ses fmits. Rehabilitation universelle du peuple ; telle est la loi nouvelle. Tons les ca;nrs I'appellent de leyrs vceux ar- dens, tontes les oreillessont onvcrtes pour la recevoir: qnelques voix Font deja prechee ; les principes sont poses, bien plus ils sont acceptes. Les formnles nianqueut encore, formnler done est notreffiuvre. Nous I'avonsditailleurs, ledix-huilieme siccle ent sa philosophie qui fut toute de critique et de destruction , le dix- neuvieme aura la sienne, qui sera eminemraent social isa trice. Et c'est en vain qu'aujonrd'hui des rhetenrs s'efforcent a en- rayer par des sophisraes le char social : I'inipulsion est donnee, elle est reciie; malgre eux il roule, il les traineh sa suite, et , apres taut d'obstacles et de combats, il portera le peuple en triomphedans son heritage usurjie. C'est Ih notre conviction pro- fonde, et nous la professons h la face des cieux et de la terre, parce quelle est fondee sur la justice. Voifa ce que nous avions a repoiidre a M. Guizot. Quant a la loi des etrangcrs qui nous a amenes ici , je n'y reviendrai que pour faire un rapprochement historique. Cette loi j qui fut luie des dernieres de la session , et qui la conronna, coincide aved'apparitionmeurtriere du cholera-mor- bus a Paris ; le fleau etait deja dans toute sa fureur lorsqu'elle fiU proposee , discutee et votee- La preseuce d'unesi grande cala- mite et d'un peril comraun serablait faite pour ramener les ames ministerielles k des senlimens d'huuiauite, et a cette occaeion un trait analogue dc Thistoire florentine ine revint en menioire. L'effroyable famine de 1 547 , qui decima I'ltalie, maltraita cruellement Florence , alors repnbliqne democratiqne. La sei- gneurie nourrit le peuple , envoyant de maison en maison deux pains par tetc "a cliaque familie. Plus do quatre-vingt-quatoiv,.,^ mille pcrsonnes en recevaient ainsi dv Total ; cl par un de ccs 1)U COSMOPOLITISME ET DE l' ASSOCIATION. 285 elans de charite chretiemie qu'excitaient toujours au moyen age les calamites publiques , les poursuites juridiques furent suspen- dues , les debiteurs de la commune liberes , et beaucoiip de pri- sonnfers elargis. Mais voici ce qui a plus immediatement trait a mon sujet. II y avait alors a Florence un grand nombre d'etrangers ; il s'accrut encore pendant la famine. Chasses de ville en ville, ils inondaient par torrens les champs florentins, et faisaient irrup- tion dans la ville affamee ; telle fut cependant la generosite de la Republiquequ'ils furent tons recus en freres , qu'elle partagea avec eux son pain , et que , durant le cours de cette longue famine, pas un seul ne fut renvoye ; la charite pnblique et privee suffit k tout. « Aussi , dit naivement un historien con- M-temporain , devons-nous esperer en Dieu qu'il ne regardera •» point les peches enormes de nos concitoyens ; helas ! nous I'a- » vons dit, notre ville n'en est que trop souillee ; mais si c'est « son bon plaisir et sa misericorde , il corapensera nos fautes w par les aumones de nos botis et verlueux citoyens, comme « il le fit de Ninive : car il I'a dit lui-meme, la charite efface le >> peche. » Je laisse au lecteur le soin du parallele. II nous semble, quant a nous , peu favorable a notre age. La fiere et dure monarchic du dix-neuvieme siecle n'a-t-elle pas a toujours perdu le droit d'accuser de barbaric la republique democratique du quatorzieme? Celle-ci aumoins avait des entraillesJ Je n'entends pas dire que les motif's d'humanite soient pour nous ce qu'ils etaient il y a cinq siecles. La societe d'aujourd'hui n'est plus dans le systeme de remuneration d'alors. Mais s'il y a deplacement des motifs, les fins sont les memes. Le principe de fraternite humaine, dont nous venous de voir une si touchante application , n'a point varie. II n'a fait que se developper et s'e- lendre. De la morale privee il a passe dans la politique , c'est-a- dire dans Taction xuiiverselle : la est ' le progres. La solidarite europeSnne en est nee, et tel est dcsormais le but unique ot ration- nel dela politique. 286 POLITIQUE. C'est aussi vers ce but eternel que nous marchons, et la poli- tique, science ou pratique, n'est pour nous qu'un moyen d'y atteindre. C'est une Auale erreur que de la prendre elle-nierae pour but et fin ; et pourtant cette erreur est commune a beau- coup. On a fait du gouvernement des homraes une science a part, un art excenlrique ou tout est fiction et deception. Le peuple n'est plus qu uu instrument doiit on use et qu'on brise. De la ce systerae d'exploitation qui I'enchaine dans la misere et rignorance; enormite sociale que la justice et I'humanite reprouvent, et qu'il est terns de faire disparaitre du code poli- tique. Apres avoir ete parquees en troupeaux dans leurs limites, les diverses fractions du peuple europeen ont ete parquees en na- tions, c'est-a-dire en ennemies naturelles du voisin. C'etait con- stituer I'anarchie dans un corps qui ne pent marcher droit que par I'accord unanime. Taction harmonique de toutes les parties. Des sceurs on a fait des rivales; on les a divisees d'inlerets, tandis que leur interet sur terre est commun , comme leur des- tinee; ou a suscite entre elles des inimities profondes, d'inex- tinguibles haines, tandis que la loi divine et humaine est toute amour et charite. Et ainsi partagees et haineuses, il n'a pas ete difficile de les lancer les unes contre les autres comme des mo- losses aveugles et furieux, an profit des exploitateurs. Ce systeme factice et odieux de parcage humain subsiste en- core, et toujours dans les memes vues. Cependant une science nouvelle est nee, I'economle politique : oeuvre des siecles et fruit de I'experieuce , elle a formule ce dont Thuraanite eut toujours une conscience vague ; elle a recueilli, combine les faits, rap- proclie les effets des causes ; et apres de longs tatonnemens, de laborieuses investigations , elle a sape I'antique sophisrae des Machiavel et des Hobbes, que la guerre est Tetat naturel des so- cietes et des nations entre elles , et demontre victoricuseraent que la guerre est uu etat hors de nature , contraire a Tinleret bien enteadu de tons , puisqu'en fait, vaincus et vainqueurs. DU COSMOPOLITISME ET DE l' ASSOCIATION. 287 tous y perdent; les pretendus profits de la conquete sont done ilhisoires , et le conqueraut s'appauvrit reellement lui-meme en appaiivrissant le conquis. Ce principe est un pas immense vers rassociation, et I'avenir de reconomie politique est vaste et brillant si, edifiant sur cette base, et sans s'arreter et se perdre aux faits secondaires, elle entre franchement et hardiment dans la question sociale, la seule vraie aujourd'hui. Mais si nous u'avions pas pour nous la science et la conscience de rhumanlte , Tetat seul de TEurope nous suffirait. 11 milite si imperieusement eu notre faveur, il plaidesieloquemment partout la grande cause du cosmopolitisme et de I'association , que nous u'aurions pas besoin d'autreauxiliaire. Partout 1' exploitation du peuple y esterigee en principe et passee en droit ; et si I'associa- tion des exploites est entravee partout et partout frappee d'ana- therae , celle des exploitateurs au coutraire est uu fait. La sainte- alliance en est la demonstration evidente et comme la derniere formule. Le principe admis , il u'y a plus qu'a en deplacer, qua en etendre l,es applications. Notre tache a. nous est done de pro- pager , par tous les nioyens que la presse met en nos mains , ce principe d'association inter-nationale , seul contrepoids possible aujourd'hui a la solidarite des trones , seule garantie d'abord de force exterieure, puis de calme et diudependauce au dedans. Voila la Propagande legitime et sociale que nous avouons. Gre- goire XV I'a fondee et executee, par ses missionnaires, au profit du calbolicisme et de la papaute ; nous la feroiis, nous, par la presse au profit de la liberie et de la fraternite bumaine. Le cosmopolitisme , nous I'avous dit , est un pas vers cette grande communion populaire que nous precbons ; c'est par lui qu il y a ecbange d'idees, diffusion de lumieres ; par lui que les distances se rapprochent, que les baines s'eteiguenl et que s'eva- nouissent les prejuges. C'est par lui aussi que la science se gene- ralise, et que, descendue sur le terrain des applications, elle lie les peuples par une communaute de resultats. II y a long-tems 288 POLITIQTTE. dii reste que la scieuce est cosmopolite. Nous avoas \\i Tliaies et Pythagore Taller puiser aux sources antiques ; aujourd'hui les houimes ii'ont plus ])esoin de Taller cliercher au loin ; grace^h la prcsse , elle vient d'elle-meme a eux. Jadis elle restait concentree en quelques mains, aujourd'hui elle est aux mains de tous : aux tenebres des mysteres et des initiations a succede le grand jour de la publicite. C'est encore "a la presse que ce bienfait est du. Avec elle il n'est plus possible de liraiter ni de parquer la pen- see. Elle a rompu ses fers el pris son vol. Levier tout-puissant des terns modernes , Timprimerie, en simplifiant les moyens, a hate les resultats; instrument d' union et de force, c'est elle qui a mis de loin les hommes en communi- cation, qui les rapproche par Tesprit. La presse est la grande voix de Thumanite souffrante ; du nord au sud il n'y a qu'un cri de douleur, et c'est elle qui Texhale, criant partout au ciel grace et merci. Byron n'est-il qu'anglais , Schiller qu'allemand , La- martine francais? lis sont hommes avant tout, et quelle que soit la forme que revet leur plainte, elle va frapper au coeur de tous , sans distinction de peuples ni de lieux. Et apres de si illustres exemples , des manifestations si eloquentes, si imiverselles, oil est cette loi puerile de nationalite et de coterie que quelques-uns revent encore et qu'ils veulent iraposer au monde, comme un maillot a Tenfant qui va seul? Loin denousles langes ! Loin de nous toules ces mesquineries violentes erigees en lois, comme autant d'oulrages a ce droit na- turel de Thomme qui doit constituer aujourd'hui et k jamais le droit europeen. Notre Beranger Ta dit : c'est le tour des peuples de former leur sainte-alliance et de se donner la main. Que la France done, au lieu de retirer la sienne, la tende la premiere ; car c'est a elle qu'apparticnt Tinitiative. Vaste arene des prin- cipes rivaux , que le sol francais soit ouvert a tous, et que celui qui y met le pied soit declare sacre comme le citnyen lui-meme. C'est i<;i que la lutle est engagee ; elle n'est pas seulement fran- caise, elle est europeenne : que les raugs done s'ouvrent pour DU COSMOPOLITISME ET DE l' ASSOCIATION. 289 tons. Que Ion iie dciiianuc plus au couibattaiit : « Qui es-tu ? » Mais : (( — Que veux-tu, et quel est ton diapeau? » — Ce principe une fois pose, les lois exceptionnelles ne pourront plus etre ambigues dansleurs motifs-, il n'y aura plus a s'y mepren- dre, leur but et leur esprit seront clairs a tons. Elles ne seront plus qu'une arme d'lin principe centre I'autre, une hostilite ou- verte contre rassociation, c'est-a-dire contre le progres social. Cri arj.es Didiek. ECONOMIE POLITIQUE. DOCTRINE D' ASSOCIATION OE M. CHARLES FOURIER. DEl'XIEME ET DERMEK ARTICLE. J'ai insiste, en teiniiiiaiU moii precedent article (1), sur la ne- cessite d'aborder le probleme de rassociation humaine par son terme le plus simple , la constitution du menage , persuade que toule autre voie serait a la fois antilogique et funesie "a la liberie. D'ailleurs M. Fourier atres-bien sent! qu'une fois la destinee de riiinuanite nettement definie , on pouvait y marcher non-seule- inent par la realisation d'une association modele qui serait une epreuve et une garantie de la decouverte, mais qu'on aurait pu s'y acheminer lentement et par degres , en provoquant des mesures d'administration et de politique generale propres k transformer successivement et sans secousses les institutions de la societe actuelle (2). Sons ce rapport, c'est-"a-dire en (l)Voyez Rei'tie Encyclopedique , cahier de fevrier, p. 271 . (2) M. Fourier terniinc le premier volume du Traite d'association , par une notice dont il c\plique ainsi Fobjet : n Lorsque j'ai donnd dans le cours de ce volume des aperfus du bonheur de lassociation, chacun a cH^ fondc a me rc- pondre que, d'apres les habitudes de la civilisation , on n'a pu songer "a de pa- reillcs speculations ; qu'on a dii placer I'esprit liberal dans les mesures les plus utiles a la masse d'un peuple organise en mc'nagcs isolcs , en morcellcmcnt agri- cole , tel qu'on I'a vu jiisqu'a present. » Je vais parlir de cette base , et speculer sur des m<5nages non associes, exa- miner les ressources que or regime incobdrent pouvait fournir au\ vrais libe- raux. ). (T. I, p. 542. ) DOCTRINE d'aSSOCIATION DE M. FOURIER. 29 1 fait de moyeiis traasitoires , la theorie de M. Fourier n'est ni raoins precise ni moins feconde que relativement aux vues d'or- ganisation definitive. Mais M. Fourier considere avec raison, comme une preuve de la superiorite de sa theorie vvNiri uni- VERSELLE, la possibilite d'une epreui^e locale. M. Fourier se croit un plus grand reformateur que tous ceux qui ont jamais pris ce noui ; il croit que I'adoption de ses idees changera tresr rapidement la face du globe : niais enfin il ue demande pas qu'ou s'eu rapporle a lui sur sa parole. Sa decouverte est etayee de preuves extremement norabreuses et tres-detaillees (1); et sa (1)M. Fourier a publie, en 1851 , centre les scctatcurs d'Owen ct conire les saint-simoniens iinc brochure dans laquelle il avait le tort de refuser la bonne foi et la bonne intention "a des tentatives d'association qui , sans doute n'elaicnt pas etayees d'une veritable doctrine, ainsi que la suite Fa bien fait voir, mais qui au moins auront eu pour resultat do preparer les esprits a la solution du pro- bleme social. Dans cette brochure , on trouve une s^rie de conditions a remplir pour r^aliser I'association qui suffirait pour faire sentir que M. Fourier a entendu cette question bien plus largement que personne ; peut-eire memo qu'on comprendra a la simple lecture de ce tableau , beaucoup mieux que par tout ce queje pourrais dire, qu'il y a ici quclque chose de vralment neuf, une science r^elle, une decouverte de la plus grande importance, et qui merite un examen consciencieux ; c'est ce qui me decide-a le transcrire. CONDITIONS DE I.'INDVSTRIE SOCIETAIRE. \. Mecanisme d'attraction industrielle, rcpandantle charme et renthousiasme dans les cultures ct dans les ateliers. 2. Procedes en opposition a nos methodes , comme I'exercicc en stances courtes , varices , intriguees , etc. 3. Repartition satisfaisante a cliacun avec dividendes allou^s distinctcment aux trois facultds , capital, travail et talent. 4. Agregation la plus nombreuse, evitant les deux exces, rencombrement et les lacunes de travailleurs. Determination motiv^e du nombre convenable clo/it ilfaut se rapprocher. 5. Garantie a chacun de plusieurs travaux a option, et non d'un seul sans convenance pour I'ouvrier. 6. Application aux trois classes actives, dites sauvages, riches oisifs etenfans. Garantie de Icur adhesion sponlan^e. 292 ECONOMIE POLITIQUE. doctrine n'a pas hcsoin, pour etre verifiee, d'avoir fait la cou- queted'un empire ou raeme d'une province. Ilsuffitde I'appli- quer a la fondation d'lm canton d'essai (d'une liene carree en- viron ), qui serait cultive par un menage socie'taire ou phalange industvielle , de seize a dix-huit cents personnes. . -.t^Aiit^-.s 1 Le mecanisme societaire de M. Fourier a des proprietes si saillantes, si opposees a tout ce qui est connu (attraction in- dustrielle, emploi utile de tous caracteres , fusion des classes ex- tremes , equilibre passionne' eu repartition des benefices, etc. ) , que sa realisation dans le canton d'essai serait en effet la voie la 7. Faculty d'experience locale et sufflsannc d'un seul cssai pour opercr Tinii- talion gdneralc. 8. Mecanisme des discords , des repugnances , des antipathies ct des inegaliles ntilisccs parconcours indirect. 9. Libre essor des passions , caracteres et instincts, et coniropoids aux exc6s, par raffluencc des plaisirs. 10. Concours des deux intdrets collectif et individuel, toujours opposes en ci- vilisation. 1 1 . Mecanisme de participation dchelonnde, dlevant Ics moyens de jouissance en raison des incgalit^s do {;out. ■12. Garantie de vcritd en toutcs relations individuelles et de fortune par la pratique de la justice et de la veritd. 13. Avancc d'un minimum decent, remboursable sur les produits de I'indus- trie attrayante. 14. Education unitaire , libre, sollicildc par fes e'lei'es , rcciproquemeni attrayante ( c'est-a-dire pour les maitres ainsi que pour les elevcs) ct fournie a toutes les classes. 45. Concours du mecanisme societaire avcc !a restauration climaterique et les garanties sanilaircs ( extirpation des pcstes , virus, etc. ). 16. PIS ALLER d'enorme bdndfice pour les fondateurs. 17. Equilibre de population sans voie coercitii'e. ( Malthus a reproclic a nos economistes leur impiiritie surce probleme. ) 18. Garantic d'elablisscnient des unites d'aclion en langage, poids et mesurcs, monnaies, alpbabel , typographic , etc. Tel est le terrain sur lequel M. Fourier appelle la sainc critique pour y dis- culer sa propre theorie el (oules cclles qu'on pourrail proposer sur Tassorlalion. DOCTRINE d'ASSOCIATION DE M. FOUBIER, 298 plus prompte pour convaincic les masses des avantages de I'asso- ciation. D'ailleurs une pareille tentative , une exploitation agri- cole, ne saurait blesser aiicun interet iii porter ombrage a per- soune. Le pis-aller de Tentreprise serait encore un benefice considerable pour les fondateurs dont les capitaux auront ete employes a une oeiivre qui , par simple benefice d'economie, sera eminemmeiit productive. En cas de reussile , nefut-elle cjuepar- tielle, les fondateurs auront la gloire d'avoir accompli la plus belle ceuvre sociale ; ils auront constate le moyen d'extirper la raisere generale et detruit tout d'un coup toute cbance de re- volution violente. Ces considerations sont puissantes : M. Fourier les reproduit sous toutes les formes , et persuade que c'est par la realisation d'une association modele que doit commencer le mouveraent ge- neral qu'ilprevoit, il a donne dans seslivresjusqu'au detail d' es- timation des depenses en preparatifs, constructions, achats, etc. Pour les memes motifs , je vais m'appliquer principalement a faire connaitre I'organisation et le mecanisme du menage so- cietaire. LE MANAGE SOCIETAIllE. M. Fourier explique d'abord les dispositions materielles qui procurcront k tons la ricliesse et la saute. II faut, avant tout, satisfaire au premier besoin de I'attraction , creer le luxe com- pose (interne ei externe) , c'est-a-dire que celui qui veut asso- cier doit savoir premierement loger les hommes , les uoufrir, les vetir, etc ceci est la marche naturelle. Ala verite , c'est surtout dans I'essor et I'harmonie des passions que brille- ront les merveilies de I'association; c'est par la que Thuuia- nite constalera la superiorite de sa nature, et c'est bien la aussi que M. Fourier a vu le but qu'il devait atteindre. « Notre objet » principal dans cet ouvrage , c'est , dit-il , I'equilibre passion- »-nel Jusqu'a present les curieux n'ont pu admirer dans les TOME HV. MAI ET JUIN IS-'^S. 20 294 ECONOMIE POLITIQUE. » ouvrages de riiomme que du beau materiel. Pour la premiere » foi's , ils pourrovit voir le beau passionnel , dire qu'ils ont vu » Dieu en personne et dans toute sa sagesse ; car qu'est-ce )) que I'esprit , la sagesse de Dieu , sinou rharmonie des pas- » sions , leur developpement coiiiplet sans aucun conflit et en » accord aussi parfait que cclui d'uu excellent orchestrc ! Ce bel )) ouuvrc est le seul qui puisse donner aux humains une idee de >) la gloire et de la sagesse de Dieu. Nous connaissons jusqu'a » present sa sagesse nialerielle , qui eclate dans rharmonie des » spheres celestes et dans la mecaniqne des objets ciees ; mais » nous n'avons aucune idee de sa sagesse politique et so- )) ciale, etc. » (Trnite de rassoc. dam. et agi\ , torn. II. ) Cette simple citation suffira-t-elle k faire revenir de lenrs pre- ventions ceux qui, jugcant tranchement un livre sur son titre, ne veulent pas croire que celui de M. Fourier puisse renfermer autre chose que {jueLjues proce'de's mge'nieux d'orgauisation in- dustrielle. Quoi qn il en soit , pour se rallier k I'ordre meme de la nature , il faut placer d'abord I'kumanite dans les condi- tions Ics plus favorables a I'existence physique. Occupons-nous en premier lieu de son habitation. LePhalanstere. Le menage societaWe, phalange industt^ielle de seize k dix-huit cents personnes , cultivaut environ une lieue carree en superficie , occupe uu edifice dont la construction n'est point arbitraire ; « car il est pour les edifices des methodes adaptees k chaque periodesociale.... Les logemens, plantations, etables d'une societe qui opere par series de groupes , doivent differer prodigieusement de nos villages ou bourgs affectes a des families qui n ont aucune relation societaire , et qui operent contradictoirement. » II serait difficile dans une simple analyse de donner une idee complete de la distribution du phalanstere. Ce que cette distri- bution presente de plus frappant et de plus original , c'est I'eta- blissement d'une rue-galerie , chauffee ou rafraichie selon la difference des climats et des saisons. Le sol de cette rue DOCTRINE d' ASSOCIATION DE M. FOURIER. agS couverte est au niveau du premier etage. De chaque cote sont des corps de logis a trois etages , prenant jotir d'une part sur la galerie , et de I'autre sur la campagne, ou sur des cours interieures , garnies de plantations agreables. Cliacun a son logementparticulier proportionne a sa fortune ; niais tous les travaux, tant de I'interieur que de Textericur , s'exercant par groupes et series de groupes , 1' edifice renferme un grand nombre de salles puldiques dites se'risteres. (cLe centre du phalanstere est affecte aux fonctions paisibles, aux salles de repas , de bourse , de conseil , de bibliotbeque , d'etudes , etc. Dans ce centre sont places le temple, la tour d'ordre, le telegraphe, les pigeons de correspoudance , le caril- lon de ceremonie, I'observatoire , etc. » L'une des ailes reunit tous les ateliers bruyans , comme charpente^ forge, travail au marteau ; elle contient aussi tous les rassemblemens industriels d'enfans, qui sont communement tres-bruyans en industrie et meme en musique. Par cette simple disposition on evite un facheux inconvenient des villas chili- sees , oil Ton voit a chaque rue quelque ouvrier au marteau , quelque marchand de fer ou apprenti de clariuette , briser le tympan de cinquante families du voisinage. » L'autre aile contient le caravanserai avec salles de bal , salles de reception des elrangers , etc. » Tous les enfans, riches ou pauvres, logent a I'entresol , pour jouir du service des gardes de nuit , et parce qu'ils doivent dans beaucoup de relations etre separes des adultes. Les patriar- ches logent au rez-de-chaussee. « «Les salles de reunions ne resserablent en rien k nos salles pu- l)liques oil les relations s'operent confusement , sans graduation. Un bal , un repas ne formenl chez nous qu'une assemblee sans subdivisions: I'etat societaire n'admet pas ce desordre; une serie a toujours trois, quatre, cinq divisions qui occupent autant de salles contigues : chaque seristere a des pieces et cabinets adhe- rens "a ses salles pour les groupes et comites dft chaque divi- 20. 296 ECONOMIE POLITIQUE. sioii, etc... >) — Ce detail est beaucoup plus iiuportant qu'on pour- rait le croire au premier abord. II eix resulte que uon-seulement on n'est reuni en serie pour tout exercice de travail, ou plaisir, re- pas, etc., qu'avec uuecompagniede son choix, mais que la nierae on pent circouscrire encore autant qu'on veutses relations. Vous voyez done que deja , c'est-a-dire sous ce premier rapport des dispositions materielles, I'ordre societaire respecte au milieu de V association les droits les plus precieux de Yindii'ida. Ici les plai- sirs de I'intimite ne sont jamais compromis par les inconveniens de la cohue , non plus qu'etouffes par la monotonie de la regie. Ici , chacun est libre ; chacun dans toute cspece de relations sc fait a lui-meme sa propre sphere. On est toujours passionne'ment attire a prendre part aux travaux et aux plaisirs de quelque groupe : mais enfin, s'il vous plait aujourd'hui de rester seul et de diner cliez vous , nul n'y trouvera rien a reprendre. La vie du phalanstere est de tout point opposee a celle du monastere : et il le faut bien , I'humanite ayant une aversion decidee pour les couvens. Descendons maintenant ces grands escaliers. Nous voici dans \e -porche ferine. « Ceci est un precieux agrement, dont les rois merae sont depourvus en civilisation ; en entrant dans leur pa- lais, on est expose a la pluie, au froid; en entrant dans la pha- lange, la moindre voiture passe des porches converts aux porches fermes, etchauffes ainsi que les vestibules et escaliers...)) » Un harmonien des plus miserables monte en voiture dans un porche bien chauffe et ferme ; il communique du palais aux etables par des souterrains pares et sables ; il va de son logement aux salles publiques et aux ateliers par des I'ues-galerles , qui sont chauffees en hiver et ventilees en ete. On pent en harmonic par- courir en Janvier les ateliers , etables , magasins , salles de bal , de refectoire , d'assemblee , etc., sans savoir s'il pleut ouvente, s'il fait chaud ou froid ; et les details que je donne si ce sujet, continue M. Fourier, m'autorisent a dire que si les civilises en trois mille ans d' etude n' out pas encore appris a se loger, il est DOCTRINE D'ASSOCIATION DE M. FOUKIER 297 pen surprenant qu'ils n'aient pas encore appris a dinger ct har- moniser leurs passions. Quand ou manque les plus petits calculs en materiel, on peutbien inanqiier les grands calculs enpassion- nel. » A peine avons-nons entrevu quelqu'une des plus simples mer- veilles du wouveau monde, et je crains bien que mon lecteur s'effarouche et hoche deja la tete en signe d'increJulite ; sur- tout s'il est du nombre de ces lionnetes personnes qui crient "a I'utopie aussitot qu'on annonce quelque chose de neuf et qu on veut sortir du cercle des choses usuelles. Quelle utopie plus grande en effet ! il ne s'agit pas moins que de snppriraer imme- diatement toute cause derhumes, catharres, fluxions de poi- trine, etc... ; il s'agit de faire que Thumanite soit naturellemenl exempte de maladies, etque sous le rapport hygienique au moins nous ne soyons pas au-dessous des animaux. Certes voila un pro- jet bienbardi, vu I'etat oil nous somraes. — Mais ce plialanstere, c'esl done un palais ! — Oui, vous dis-je,un veritable palais. Mais si ce palais, pour contenir troisou quatre cents families, est plus ecouomique que les trois ou quatre cents maisons qui formeraient aujourd'hui quelque bideux village? or comptez avec M. Fourier I'immense economie de materiaux, de terrain et de main-d'oeuvre que vous gaguerez a la suppression des murs de cloture, liaies vives et fosses de toutes ces proprietes morcelees; songez a I'economie de cons- truction , gestion et manuleniion obtenue par la substitution des cave, magasin, grenier et cuisines unitaikes aux quatre cents cuisines, greuiers, magasins et caves particulieres ; songez que le simple fait de Tassociation reduirait k peu pres au dixierae le nombre des employes necessaires aux fonctions domestiques , et permetlrait d'appliquer le surplus "a d'autres travaux ; pesez aussi Textreme simplification de toute relation exterieure, comme vente et achat. Apres tout cela, vous commencerez "a sentir que M. Fou- rier pourrait bien avoir raison de vouloir construire pour I'asso- 298 ECONOMIE POLITIQUE. elation domestique unpalais (1)! Et puis, croyez-voiis serieiise- ment que les huttes de la Basse-Bretagne, ou les caves de la rue de la Mortelleriea Paris, soient des habitations d'hommes ? Non ! il ne se pent pas que les uns demeurent aiusi epai's dans de sales cliau- mieres, isoles de tout secours, etrangers "a tout inouvement social, aussi incultes de corps que d'intelligence; et les autres n'ont pas ete fails non plus pour croupir entasses dans des rues infectes, nianquant d'air et delumiere, ne connaissant I'eau et la terre que par la boue de leurs ruisseaux. Soyons done plus confians a la providence, ou plutot sachons etre justement exigeans envers elle ; car les niaux de riiumanite ayant ete sans mesure , il faut que sur elle enfin se leve un soleil de prosperites eclatanles. Ainsi ne repoussons pas les plus belles proiuesses ; ne les re- poussons pas an moins , avant de les avoir serieuselnent exa- minees. D'ailleurs cette distribution du phalanstere, ou sejour de la pha- lange dont j'ai donne un simple apercu, n'est pas seuleinent la plus favorable au regime Iiygienique; elle est une donditioa indispen- sable au coraplet etablissement de I'harmonie passionnelle qui est I'objet principal de la theorie societaire. On verra en effet que cette harmonic repose sur une base qui est uwe : « La formation des series passionnees etleur exercice en courtes seances. « Or la (1) II y a une grande economic sur le coinbiisliWe lualgre le chaulTagc des communications. Cette economic ticnt surtout a la concentration des cuisines , et aussi ace que les liarmoniens demeurent presque toufe la journde aux salles puldiques ou ateliers. Mais, pour tous ces objcts , il faut voir le detail dans Pou- vrage de M. Fo.urier. Le Icctcur doit etre prevenu aussi que ces dispositions sont celles de pleine harmonie. On pcut dtablir Tassociation sur une reunion de qualre-vingts families pauvres , et ohtcnir ddja de grands Lcncliccs ct de brillans rdsultats, parce que ce nombre permct la formation des series passionnees; dans ce cas il suffit d'unc avancc en materiel ou numeraire de la valeiir do 500,000 fr. Enfin on pent commencer Tessai de pleine association avec deux, millions. (Voir \c Nouvcau inonde industiiel, p. 157.) DOCTRINE D ASSOCIATION DEM. FOURIER. 299 formation des series suppose la concentration des habitations in- dividuelles en un seul edifice pour que chacun soita laportee des salles de reunion; et I'exercice en courtes seances , produisant des deplacemens frequens, necessite aussi le luxe des communi- cations abritees et temperees, puisque sans cette precaution la sante des travailleurs serait conslarament compromise dans tout le cours de la mauvaise saison. II y a done, entre le materiel et le passionnel, une correlation parfaile qui produit Y accord dii hon et du beau. Get accord est un des caracteres distinctifs de I'ordre societaire, par opposition a I'ordre subversif on raorcele, dans lequel I'agreable et I'utile sont toujours separes. Voyez-vou8 aujourd'hui une maisonbien tenue, elegante^ somptueuse; vous pouvez dire : « Ceci est la demeure du plaisir ou de I'oisivete , I'habitation du travailleur etant presque toujours aw-dessous de la mediocrite. » Le luxe aujourd'hui n'a pas de resultat niieux (joustate que de trancber plus profondement Tintervalle qui se- pare les classes diverses de la societe. Dans I'ordre harmonien , le luxe aura iin effet tout contraire. La concordance du materiel et du passionnel n'est pas moins remarquable dans rordoiniance des cultures du menage societaire que dans la distribution de ses edifices. J'ai fait voir, dans le pre- mier article , que le travail en courtes seances avait le principal avautage de permettre a un merae individu de prendre parti dans un grand uombre de groupes; d'ou il resulte , comme bien individuel, le de't^eloppement integral des facultes; et comme bien coUectif, I'absencede Xe'go'isme corporatif. — Dans la tlieo- rie de M. Fourier, i'ordonnance des cultures vient corroborer I'effet du travail en courles seances, en favorisant de nombreu- ses relations entre les series, pendant la duree meme de leurs oc- cupations diverses. « Chaque serie agricole s'efforce de jeter des ranieaux sur divers points; elle engage des carreaux detaches dans tons les postes des series doiit le centre d'operations se trouve eloigne du sien, et par suite de ce melange , le canton sc trouve parseme de groupes; la scene y est animee, et le coup 300 ECONOMIE POLITIQUE d'oeil varie et pittoresque Mais cet engrenage des cultures , agreable sous Ig rapport da coup d'ceil , tient encore plus a I'u- tile, h Tamalgame des passious et des intrigues Ces alliages ont pour but d'amener divers groupes sur uu nieme terrain, et de laisser le moins que possible un groupe isole dans ses travaux, quoique bornes a de court es seances, etc » 11 fliut voir dans I'ouvrage nieme la description brillante de I'aspect que pre- sentera la campagne ainsi cullivee et le cliarme que repan- dront sur les travaux les rencontres mutuelles des groupes de travailleurs. Sous le rapport simplement econoniique , M. Fourier fait remarquer qu'aujourd'hui le regime morcele force le cultivateup h entasser vingt sortes de cultures dans un enclos etroit , et le prive dc planter en verger et potager une foule d'expositions qui servient favorables , mais qui , trop eloi- gnees de son habitation, ne seraient point h I'abri dn vol et de la devastation : an lieu que, quand cliaque canton sera cultive imi- tairement J c'est-h-dire corame appartenant a un seul individu, on pourra , sans crainte d'aucunlarcin , entremeler toutes especes de cidtures, comme graminees, flenrs, fruits et legumes, selon les convenances da terrain. Done, ici encore, et c'est sur quoi j'insiste, il y a coincidence des dispositions les plus favorables , soit a Teconomie , soit a I'agrement , soit enfin au resserreraent des liens de Tassociation. C'est par cette propriete constante que les dispositions mate'rieUes du menage societaire sont reellement d'une tres-grande importance. N'oublions pas qu'en exercice agricole chaque groupe a ses tentes mobiles ponrse garantir des ardeurs du soleil : cliaque se- rie a son castel place au centre de ses travaux pour y deposer ses habits et inslruniens , y prendre les rafraicbissemens on collations envoyes du phalanstere, etc. En un mot, tout est prevu, ordonne de maniere k creer reraulation, le charme, la variete, Y attraction dans toutes les operations de culture. — Inu- tile de dire que la culture elle-raeme se trouve elevee a un degre de perfection tout-a-fait inespere de nos jours. Car, a n'envi- 4 DOCTRINE d'ASSOCIATION DE M. FOURIER. 3o I sager qu'un detail minime de la pratique , I'ardeur des groupes ue leur laisse rien negliger, comiue abritement des jeunes pous- se^ et fleurs contre les gelees matinalcs ou la trop grande chaleur du jour, etc. Si I'averse ou la grele menacent, devoueraent de toute la phalange, comiue lorsqu'uu batiment fait eau, ct que tous , equipage et passagers , se uietteut k la manoeuvre. — Enfin chaque phalange a son jardin botanique , ses serres chaudes et fraiches, etc., toutes choses qu'aujourd'hui le proprielaire le plus riche ne peut creer et entretenir que sur une petite echelle et a grands frais, et qui , par le bienfail de I'association , seront de nouvelles sources de plaisir et de benefice. Lesoin des etables, de la basse-cour, da colombier, etc., n'ont pasmoins d'importance que celui des vegetaux. La encore I'at- traction s'etabllten raison de I'elegance etdelaproprete des edi- fices, s'etablit par la division parcollaire dii travail qui permet "a chacun de ne s'occuper que du detail qui liii plait, surtout par la cooperation de sectaires passionne's pour le meine travail : car aucun groupe n'admettrait un associe indifferent an succes ge- neral. Enfin le menage societaire ne s'applique pas seulement a I'a- griculture. Independamment des travaux de forge, charonnage , uiaconnerie, etc. , qui se lient imniediatement a cet art , la pha- lange a plusieurs fabriques qu'elle tient en activite, principale- ment dans la mauvaise saison. C'est encore Fattraction des asso- cies qui determinera le choix de ces fabriques ; ii iinporte qu'elles soient de nature h occuper passionnement hommes, femmes et en- fans ; car, si ragriculture est occupation essentielle , ou , comma dit M. Fourier, pivotale du menage societaire, c'est entre au- tres raisons parce qu'elle offre dans la grande variete de ses tra- vaux un puissant attrait a tous les ages. Lorsque I'organisation unitaire du globe sera etablie, toute phalange exercera en fabrique sur quelqiies produits exotiques, re qui aura I'avantage de I'anir particidierement d'interet, et de la mettre en correspondance directc avec quelques phalanges des 302 ECONOMIE POLITIQUE. coiilrees les plus eloignees. Elle aura d'ailleurs de nombreuses relations avec les phalanges vicinalcs , soit par I'echange des den- rees, soit par cooperation en travaux d'lirgence, soit enlin par la formation de cohortes cantonnales appliquees a des travaux d'un interet comraun ou qui exigent par leur nature un lenfort d'attraction. C'est ainsi que pour la plupart des operations d'in- dustriemetallurgique, chaque phalange d'un menie canton fonr- niradans le cours d'une canipagnequelque cohorle "a laquelle se- ront reserves de grands avantages. Ce serait peut-etre ici le lieu de donntr uiie idee de I'organisation des armees industrielles classees en divers degres , selon que leurs travaux se rapportent a I'interet general d'un canton, d'une province, d'un royaume, etc., ou en fin a la culture integrale du globe. Des son premier ouvrage (1808), M, Fourier donnait a cet egard de grands de- tails. Mais , dans la necessite de me borner , je ne puis que ren- voyer le lecteur au traite de -1825^ dans lequel il trouvera les vues les plus grandioses sur la reslauration des climatures , le reboisement des montagnes , I'attaque des deserts, etc. Ces vas- tes operations supposantl'elablissement prealable de I'liarmonie, c'est-a-dire de I'association domestiqne agricole, c'est a quoi je reviens ; et maintenant que nous avous donne un coup d'oeil ;i I'ensemble des dispositions materielles, nous allons suivre I'au- teur dans I'examen des questions les plus importantes de I'ordre passioimel . DE l'eQUILIBRE PASSiONKEL. Lesmoyens proposes par M. Fourier, pour etablir I'haruionie des inteiets et maintenir la concorde geuerale, forment un en- seml)le systematique dont toutes les parties sent parfaitement - eiichainees. J'ai fait connaitre dans mou precedent article le procede di" iiiecanisnie societaire, procede uii ct un'n>ersel {V& formation des series passionnees ), principe v raiment fecond a I'aide duquel DOCTRINE d' ASSOCIATION DE M. FOURIER. 3o3 M. Fourier altaque avec succes les difficultes les plus ardiies, et doiit I'emploi, ii'ayant rien d'aibitraire, eleve la tlieorie d'as- socialiou au rang de science fixe. 11 ya ensuiteplusieurs conditions essentielles a I'etablissement de /'w/^/fe'sociale, conditions faciles a femplir par I'application du regime seriaire a une reunion de trois on quatre cents families, et dont la realisation corablera les vceux de tous les veritables phi- lantropes. Entre ces conditions il faut meftre au premier rang : I' attractiun industrielle , le minimum integral ^ I' education uni- taire. ('l'')J'ai deja insiste sur I'importance de la premiere condition, sur la necessite de cieer I'attractlon industrielle. Jueque la tout progres reel vers I'association est impossible, puisque ceux que leur position plus heureuse dispensera de produire se borneront, aussi long-tems que le travail sera une peine, au role de con- sommateurs . On s'est beaucoup felicite d'avoir deracine le pre- juge qui subordonnait les interets de I'industrie aux iiiterets -de la guerre , et qui deconsiderait tout travail pacifique ; mais quel a ete le sens de ce progres? c'est-a-dire de quelle facon les classes superieures ont-elles pris part aux operations de I'indiistrie? Les a-t-on vues se meler aux travaux du peuple, entrer dans ses ateliers et apprendre de lui a trauailler? NuUement : elles se sont por- teesdans les entreprises induslrielles non pas de leurs personncs, mais de leiirs capilaux, laissant au peuple tout le soin de faire fructifier leur argent.; seulement elles se sont reserve quelquefois les emplois les plus agreables, comme direction et negociations. Ce vice avait ete profondemenl senti par la doctrine saint-simo- uienne , puisqu'elle se recriait contre t'oisii^ete des capitalistes ; mais les saint-simoniens etaient ignorans sur le moyen de faire disparaitre I'oisivete : les ricbes, dt M. Fourier, auro)it rnison d'aimer I'oisivete aussi long-tems "qu on ne leur presenlera qu'un travail repugnant par lamonotoniedesfonctlons, la longueur des seances, etc. 11 y a plus : c'est que toule doctrine, comme toute mesure politique, qui aiuait la pretention dameliorer notable- 3o4 ECONOMIE POLITIQUE. ment le sort des masses sans transformer le travail eii plaisir ^ sera it sans autre resultat que de pousser h I'oiswete. Cette obser- vation de M. Fourier nic parait aller a la racine dn mal. C'est quen effet, ponrun travail repugnant, abrutissant, il n'y a dc vehicules possibles que la faim et la misere, sinon les coups de fouet qu'on donne aux esclavcs (1). (2") La possibilite de garantir au plus pauvre associe un mi- «j/«u7K decent delo^ment, vetemeivt, noiu-riture, et meme de plaisirs, comme droit de cliasse ou pecbe, entree aux theatres, etc. Cette possibilite repese, comme je I'ai dej'a fait voir, sur la crea- tion de riudustrie attrayante.Ce qu'il importe ici de reconnaitre, c'est que lai garantie du miiiimwn est necessaire a la fusion de tontes les classes. Elle fait disparaitre jusqu'a la tentation de vol , qui d'ailleurs est impraticable dans una association ou Tusage de I'objet derobe serait impossible. Elle est un gage pour le riche que tons ses cooperaleurs d'industrie sont de francs compagnons de plaisir, adonnes comme Ini par passion au travail commun. (1)M. Fourier remarque fort judicieusement qu'au-dela d'un certain defjr^ Td- levation des salaires produirait dans Ic pcuple qdi chome deja le lundi un chcimagc de deux ou Iroisjoursdela semaine, comme en Espagne. A quoi on ne manquera pas d'opposer les progresdu pcuple par la propagation de C instruction priinaire. Sans doute I'instruction donne aux ouvriers des habitudes d'ordre et d'economie, cc n'est pas nous qui blamcrons les el'forts qu'on fait pour la repandre. Mais Y instruc- tion e'loigne le peuple du travail industriel. Voici un fait recent qui prouve bicn la vdritd dc cette assertion. Au commencement dc la dcrniere session legislative, M. Arago, proposanl une reforme des ecoles d'arts et metiers , se plaignait que les jeuiies gens elevds dans ces ecoles n'y pulsent pas de goTit pour les travaux de Tindus- tric. Ilrajiportait ace sujetundictonrcpandu dans les fabriques sur le comptedes clevcs de Ciialons : Cesont des Messieurs cjuiont peur de se salir les doigts! Apres cela que conclure ? Prdtcndra-l-on que des ouvriers doivent neccssaircment sc complairc dans la maiproprete, ou bicn ne vcrra-t-on pas ici encore un des millc exemples du cercle lucienx dans lequel la sociclc cstcngagec; no poiivanl jamais mener de front deux pcrfcctionncmcns a la fois. Veut-elle perfectionner I'indus- trlc ; elle .ibrutit I'industriel par la division du travail , nc sachant pas joindre a celtc division Fexercice en courtes seances. Veut-cllc perfectionner i'industriel : Maisbienint Tindustriel repugnc "a Tinduslric , <7 (7 a raison. DOCTRINE d' ASSOCIATION DE M. FOURIER. 3o5 Elle seule enfin peut procurer au peuple la veritable liberte; car tant que le peuple demeurera expose a tomber dans rindigence, il ne pourra pas choisir librement et par gout ses occupations; s'il a des droits politiques, il pourra bieu les vendre, corame on fesait a Rome et comme on a souvent fait en Angteterre ; en un mot il restera en proie a toutes les seductions dont le ricbe vou- dra I'entourer. (5<') Quand on aurait rempli ces deux premieres conditions (attraction industrielle et miuimuin integral), 1' association se- rait encore impossible, si la diversite de ton et de maniere entre les classes extremes empecliait comme aujourd'hui leur fusion. 1j' education unitaire, c'est-k-dire donnee collectivement a tous, peut seule prevenir cet inconvenient. « La politesse ge- nerale et I'unite de langage , dit M. Fourier, ne peuvent s'eta- blir que par une education collective, qui donne a I'enfant pauvre le ton de Tenfant riche. Si Tharraonie avait, comme nous, des instituteurs de divers degres pour les trois classes, riche, moyenne et pauvre , des academiciens pour les grands , des pedagogues pour les moyens , des magisters pour les pauvres , elle arriverait au meme but que nous, k rincompatibilite des classes et a la du- plicite de ton , qui serait grossier chez les pauvres, mesquin chez les bourgeois et raffine chez les riches. Un tel effet serait gage de discorde generale : c'est done le premier vice que doit eviter la politique harmonienne ; elle s'en garaniit par un sys- teme d'education qui est ujv pour la phalange et pour tout le globe , et qui ctablit partout I'unite du bon ton. » M. Fourier rcmarque ici que Y unite ji'est pas I'e'galite, c'est- a-dire que I'education collective, tpii procurera a tous les enfans le deWloppernent integral de leurs facultes spirituelles et corpo- relles, ne saurait aucuuement constituer cette egalite sociale qui resulterait du nivellement de toutes les fortimes, egalite aussi injuste en elle-meme qu'elle serait impossible a realiser et surtout h maintenir. Le travail accompli , le talent acquis , les dons natuiels tendront de plus en plus a faire ressorlir I'inegalite 3o6 ECONOMIE POLITIQUE. entre les hoinmes. Je dis depliis en plus , pavce que la ou la classe la plus nombreuse est courbee sous le niveau de la misere , et atropliiee dans son developpemeiit par Tapplication a une fonc- tion unique , linegalite naturelle est relativeraent pen sensible , et il reste k ehacun fort pen de chances pour se degager de la forme comnume. JJ inegalite soc'ia.\e est un fait general dansThu- raanite, uu fait qui se developpe incessarament h mesure que riiunianite avance. Mais il faut reconnaitre a ce sujet, preipiere- nient que dans I'ordre subversif oil nous somnies, toute inegalite naturelle ou acquise, acquise par des voies legitimes ou ille- gitimes , tend k former dans I'huraanite des classes ou castes incompatibles par leurs interets autant que par leurs habitudes , ce qui explique et justifie assez I'erreur de taut d'esprits eleves qui , pour avoir ignore Tissue a I'ordre actuel , ont tout sacriiie a la chiniere de I'egalite. — Apres, il faut tenir pour certain que I'inegalite , puisqu elle se presente comme un fait necessaire et universel , est en elle-meme un ressort tres-puissant d'harmonie sociale , sauf invention et application du veritable niecanisme societaire. Dans Tassociation par groupes et series passionnees , I'inega- lite perd les proprietes funestes qu'on lui voit aujourd'hui , pre- raierement , parce qu'en raisou de la division parcellaiie , chacuu acquiert necessairement une superiorite inconteslable dans quel- qu une des nombreuses fonctions auxquelles il pent prendre part(1) -, ensuite , parce qu'en vertu de la propriete qu.'a I'orga- nisation seriaire d'exciter des rivalites cabalistiques, le pauvre s'attache passiounemeut au riche, et I'iguorant au savant quiont les nioyens de faire briller la corporatioji dans laquelle ils pren- nent parti. N'oublions pas d'ailleurs que les denominations de riche et pauvre appliquees a I'elat harmonieu n'ont qu une valeur relative. Dans le menage societaire il n'y a pas de pauvre J) Voir.lc premier article. DOCTRINE d' ASSOCIATION DE M. FOURIER. Soy veritable , puisque la condition materielle du dernier harinonien est elevee parle minimum an niveau de celle des classes moyennes de la societe actuelle ; elle lui est nienie superieure sous beaucoup de rapports, ainsi qu'on a pu en juger par les dispositions gene- rales du phalanstere ; et il n'y a pas non plus d'ignorant, dans le sens absolu du mot , puisque tous recoivent I'education int^- GRALE coMPosEE , c'cst-a-dirc ledeveloppementcompletde toutes leurs facultes tant spirituelles que corporelles. Au reste I'education a, dans la theorie dont nous essayons ici de rendre convpte, un caractere absolument neuf, et qui suffirait pour separer tres-nettement I'ordre societaire de tout ce qu'on a imagine jusqu'ici. C'est ce qu'on sentira bientot, si Ton vent d'abord faire quelqu'attention aux principes sur lesquels M. Fou- rier etablit I' e'quilihre passiounel. Ayant pose cette conception fondamentale que I'aW'action pas- sionne'e est la loi .unique dumouvementuniversel, est la loi unique dumouvement social, ilne pouvait suffire a M. Fourier de faire sortir du precede d'association, qui doit donner essor a I'attrac- tion, quelques brillans avantages, comme les trois conditions generales que nous venons d'examiner. II fallait encore , par un expose methodique du mouvement, justifier I'attraction dans tous ses effets (i ) . Sans doute il semble qu'a la premiere vne des bienfaits de I'association , veritables merveilles dont je n'ai pu donner qu'une tres-faible idee, mais que M. Fourier a de- crites avec une puissance et une richesse d'imagination inepui- sables; il semble, dis-je, que pour vealiser tant de biens, chacun (1) Ai-jc bcsoin de rappeler qu'il ne s'agit aycunement dc jusiifier les ecarfs oil rhomme est enlraind par ses passions dans I'ordre actuel? M. Fourier a pre- venu, sous ce rapport, toute objection en adineltant avec Tunitc du mouvemcnl le principe de la duulite d'essor , et en»reconnaissant tres-explicitemcnt que dans I'essor subvcrsif, dans le regime morccle, la loi chretienno qui ordflnnc a 1 homme de reprimer ses passions, est indniinent sage ct superieure a tou'.c autre. 3o8 ECONOMIE POLITIQUE. serait dispose a faire autant que possible le' sacrifice de ses pas- sions , si, pour retablisseraent et le mainlien d'un si bel ordre, ce sacrifice etait necessaire. Les philosophes et les nioralistes ne uous ont-ils pas appris que riiorame doit abandonner quelques- uns de ses droits naturels pour jouir des avantages de la societe? et si pareil principe a pu etre eiiseigne et adniis dans des societes oil le plus grand uombre n'a que la misere en partage, qui done ne s'efforcerait pas de le mettre en pratique pour procurer I'ave- neraent d'un ordre de clioses qui, par sa nature nieme, garanti- rait au moindre des liommes une existence heureuse et le deve- loppenient integral de toutes ses facultes. Mais la realisation de I'ordre societaire n'exige aucune sorte de sacrifice, et ici il est facile de voir que M. Fourier domine dans tout son ensemble le vaste plan qu'il s'est trace. Comine il a presente d'abord une analyse reguliere du systeme passionnel , il s'applique h montrer que, loin d'embarrasser le mouvenient, cliacune des passions devient un ressort essentiel du mecanisme, et fournit les plus puissans moyens de ralliement entre les classes et les ages qui pa- raissent aujourd'hui le plus naturellement antipathiques. ■ — Et coinme cette demonstration repose sur I'application constante d'un procede fixe (I'ordonnance par serie) , on ne peut discon- venir que I'auteur avait raison d'annoncer ea 1808 la decou- verte d'une nouvelle science exacte , la science du mouvement social. Que les passions dites sensithes puissent devenir des gages d'harmonie, a proportion qu'elles seront plus developpees etplus raffinees, c'est ce qui me parait bien rigoureusement eiabli par tous les details que donne M. Fourier sur I'iiistitutgastrosophujue et sur Y opera. Mais de quelque importance que soient ces ob- jets, et ils sout d'une grande importance, puisqu'il s'agit d'une part d'attirer et d'interesser directement le consommateur aux plaisirs productifs de la culture et de la preparation , et surtout de « faire participer le peuple h ces raffinemens de bonne chere ement social. Ceci est capital et cette simple idee me parait devoir consti- tuer aupres de tout esprit serieux une tres-forte presouiption en faveur de la Theorie societaire. Car quel plus beau temoignage pour un ordre social que d'etre saus danger pour I'enfanGe! bien TOME HV. MAI ET JTJJN 1852^. 21 3lO ECONOMIE POLITIQUE. plus, de s'appuyer sur les vertus d'lin age qui ne connait encore que verite, justice et devouement! Et conibien uu tel ordre de choses nous paraitra-t-il desirable si nous faisons attention an sort de i'eiifance dans les socictes nio- dernes. — Le verfectionnement de I'iinliistrie peirnet a la civi- lisation d'employer les enfans dn prolctaiie ! la civilisation uti- lise les enfans du peuple ! voici comment : M. Huskisson , ministre du commerce disait, en propres ternies a la cliambre des com- munes, 28 fevrler 1826 : « Nos fabriqnes de soierie emploient » des millieis d'enfans qu'on tient h I'attache depuis trois Lcures » du matin jusqu'a dix heures du soir : combien leur donne-t-on » par semaine? Un schelling et demi [trente-sepl sous de France, » environ cinq sous et demi par jout) pour elre a I'attnche dix~ » neuf heures , surveilles par des contre-maitres munis dun » fouet , dont ils frappent tout enfant qui s'arrete un instant. » — Et ne croyez pas que des ameliorations reelles aient ete appor- tees a im si horrible regime : naguere encore un journal quoti- dien ( le Terns ) racontait I'affreuse destinee des femmes et des enfans dans les fabriqnes de I'Angleterre , et il reconnaissait haU' tement que Torganisation actuelle de I'industrie maintient de fait I'ESCLAVAGE an milieu des societes civilisees. — Mais , s'ecrie-t-on , encore une on deux revolutions comme celle de juillet, et nous pourrons garantir a tons les enfans Y instruc- tion primairel on rouvrira les ecoles centrales, etc. — A la bonne heure. Je sais tout le bon desii- et le devouement de ceux qui font de pareils projets, c'est pourqnoi je suis assure qu'il se- ront saisis d'un vif enthousiasme en voyant dans le livre de M. Fourier comment, par le simple fait de I'association en tra- vaux domestiques agricoles, il est possible pre?iiierement denour- rir les peres, et ensuite de procurer a tons les enfans une instruc- tion complete, une education int^grale , une education for- mant "a la fois le coeur , le corps et I'intelligence , en un mot , une education superieure a celle des plus bautes classes de la so- ciete actuelle, puisque le plus simple phalanstere substitue a DOCTRINE d'ASSOCI/VTION DE M. FOURIER. 3ll qiielque miserable village unira tous les exemples de la prati- que aux enseignemens cle la theorie, possedant avecles fabriques et les cultures les plus varices toutes les ressources de la science, comme bibliotbeque, observatoire, cabinet de pbysique et chi- mie , collections d'histoire naturelle, etc. (i). Toutes ces choses que j'indique ici d'une maniere generale sent exposees dans le livre de M. Fourier avec le plus grand de- tail. L'education y est traitee completenient : rien ne reste dans le vague : tout est precise de maniere a ne laisser aucun doute sur 1b possibilite de realiser de si belles promesses. Jeme borne a annoncer que I'enfance fournit par son intervention dans les operations du menage societaire un des plus beaux liens de I'association, un des plus forts ralliemens. Les ralliemens passionnels sont soumis , comme tous les details de la theorie d'association , "a des regies fixes. En effet, I'emploi d'une passion en mecanisme societaire doit etre distingue, suivant qu'il a pour resultat de lever quelque obstacle a la fusion des classes extremes, ou bien de creer entre elles un motif direct d'affection. De plus le ralliement est direct ou inverse, suivant qu'il attache passionnement I'inferieur au superieur , le riche au pauvre , le jeune homme au vieillard , etc. , ou iw'ersement le superieur & I'inferieur, etc. D'apres cette analyse , M. Fourier montre qu'en harmonie chacune des affectives produit quatre ralliemens distincts, et il pose en principe que Chaque equilihre d'amitie j, d' amour , d' ambition , de fa- milisme , depend du concours interne de ses quatre ressorts , et du concours externe des trois autres ralliemens , e'quilibre's de la meme maniere a quadruple ressort. {\) Ce qui D'exclut pas Tavantage des capitales de provinces et d'empires ait les sujets les plus distingu^s iront se perfectionner au\ lefons des professeurs ce- lebres. Mais il s'agit seulement dans toute cette analyse du simple manage. 21. 312 ECONOMIE POLITIQUE. Jj'iiiten>eTition comhine'e de cea (jnatre tjundriUes d'accords prnduit le'tjuilihre pwotal ou unitaire , but collect if tie I' as- sociation. 11 m'est impossible d'entrer dans le detail des ralliemens d'aniitie , iion plus que dans les ralliemens founiis par les trois autres affectives. II suffit en effet que je mette le leoteur a memo d'apprecier Tensemble du systeme social de M. Fouriei' ; seule- ment je place en note (i) quelques citations relatives a ces rallie- mens, citations qui prouveront assez que, malgre Tapparente difficulte de son sujet, I'auteur en reste loujours inailre. (t) Ambition. ((Noussommesa la plus redoutable do toutcs les passions, acelle qui est specialemenl chargde des maledictions de la pliilosophie Quel dommao;e qu^a repo([ue ou Dieu crea les mondcs et les passions , il ne se soil pas irouvc pres de lui un philosopliepour lui dire : « Eternel, veux-tu savammcnt equiiibrcr » Tunivers, selon le voeu de la saine morale ? Cree des mondessans ambilion, des » mondes ou les hommes meprisent toutes les ricliesses, el n aiment que Ic brouet » noir, et les abstractions nietapliysiqufes. Voilales sentiers du vrai bonheur de- » gage daTibilionj voila, Eternel, comment tu dois organiser les mondes, pour » te rendre diune du beau nom de createur pliilosopiie. » II est probableque Dieu aurait obtempere "a ces sages conseils, et qu'il nous aiirait cree;; tous ennemis de I'ambition, dedaignant les grandeurs, etc... Mais puisque Dieu, dansses creations, n'a pas ete assistc des lutnieres de la philosophic, et qu'il nous a irrdvocablement assujelis a Tambition, consentons "a etudier les methodes qu'il a adoptees, pour fairc de cette passion un levier de haute harmonic sociale. » )) Accorder tons les humains par reiitremise de cette ambition qui les pousse au- jourd'hui a tant de perfidies et de fureurs! La tache va sembler effrayante , et nous aurons a cc sujet un principe fort neuf a (Stablir; c'est que les hommes civi- lises, meme les plus insatiables de pouvoir, n'ont pas le quart de I'ambition ne- cessaire en harmonic sociale » (T. 1 1 . par 179). Amour. » La passion la plus rebelle aux systemes des moralistes, I'amour , va purer parmi nos jeunes tribus parvenus a quinze ou seize ans et passant aux choeursde jouvcncelat. Comment les ploycr, en affaire d'amour, aux convenances d'harmonie sociak j comment les y faconner par attraction.' ; faire que le monde galant, que la fongueusc jeunesse, degagde du frcin des lois, se rallie de son plein gre aux mesures d'unite sociclaire et de concorde generale? X Dans le coiirs des notices qui precedent, j'ai refute les systemes d'education qui ne savent utiliser aucune des impulsions naturelles de renfanne. Ici leurs au- leurs pourront esp^rer de prendre leur revanche. « Voyons, dirant-ils, comment DOCTRINE d'aSSOCIATION DE M.FOURIER. 3l3 EyuiLiBiiE uNiTAiiiE ou PIVOTAL. M. Fouiiei' appelle aiiisi I'accoj'dpassioime en vGTpiwlilion des benolices. Cctte operation est de la premiere importance ; c'cst de son succes que depend le maintien derassociation; car jamais association n'a dure lorsquc les associes ne tombaient pas d'accord sur I'attribution des divi- dendes. » vos theories, en dmancipant de bonne heureleejVuncs filles, pourront les garantir )) de donner dans le travers. Vous pretendez utiliser loute impulsion naturelle. » Nous vous prenons au itiol. DItes-noiis comment les jouvencelles de la plia- » lan[;e, libres d'obeir aveiiglement a I'altractinn, pourront tenir une conduile sa- il tisfaisante pour les peres, et conforme au maintien de la morale piiblique. i> Surtout point de faux-fuyans, point d'escobarderic. Tenez en plein votre 11 parole d'harmoniser toutes les passions par la seule attraction. En voici une des 11 plus retives : Tamour, surtout dans le jeune afje, ne se concilie guere avec les 11 vues de la societe (de la societe civilisee ou barbare). Metez en jeu vos savan* 11 contre-pnids de series composdes et bi-composees, et sans user d'aucunc con- 11 (rainte, sachez amener Tamour lihre a une plcine coincidence avec les deux au- 11 loritcs administrative et patcrnelle, en tout ce qui louche a Tinteret et aux 11 mcEurs. — Si vous echouez sur ee problumc, Irouvez bon qu'on ne croie pas a 11 la possibilite de vos equilibres precedcns, et que d'avance on revoque en doute 11 ceux que vous annoncezpour les seclions suivantes.ii — C'est convenu, j'acceptu le defi sans aucune reserve, quclque ri<;oureuses que paraissent les conditions Prealablement jetons un coup doeil sur les proucsses de notre Idjislation en pa- reille matiere, etc... (T. H . p. 290.) Familisme. «Un des effcts a obtenir en ralliement de paternite est la Tranche affection de I'heriticr, le desir sincere de prolonger la c.irricre du donateur. II n'est guere en civilisation de cole plus degoulant que les sentimens secrets des 1<5- gataires pour leurs blenfaiteurs. L'elat actu.el met aux prises I'lrf/ectioii et Cin- te're't ,• il est clair que les '/,„ des heritiers n^dcouteront que la voix de I'inleret et souhaiteront un prompt depart a celui dont ils atlendent I'hoirie. D'autre part la civilisation habitue chaque pere a oublier tout sentiment de philantropie et de charite pour etablir sa lignee directs, ne voir le monde social que dans cetle reu- nion d'enfans , et souvent dans un aine a qui Ton immole les cadets et les fillcs. . Le ralliement familial doit remedier a cette double depravation des peres et des enfans; le probleme est: J'^tablir entre les testateurs et les le'gataires , soil consanguins , soil adoplifs , line affection assez vi\>e pour que L'hdrhier desire prolonger la vie du testatenr quil est aujouid'hui si impatient de conduire an monument. » ( IVouveau Monde , p. 5ii3. ) 3l4 ECONOMIE POLITIQUE. Jiisqu'ici, dit M. Fourier, on n'a su letribuer que proportioii- nellement au capital , ce qui est ires-facile et ii'exige que la con- naissance de la plus simple arllhiiu'tiquc. Mais trouver un precede de repartition applicable au talent et au travail et qui soit de nature h saiisfaire les inleresses , comme I'application de la regie de trois salislait des actionnaires capitalistes, ceci parait d'abord au-dessus de la puissance humaine. Dans les associations qu'on a tentees ou proposees jusqu'a ce jour, on n'a coiinn que deux moyensde retribulionau travail et au talent : ou I'egal partage des beuefice^f selon le principe de la comnuuiaute de biens; ou la dispensation paries supericurs et chefs delasnciete, consideres comnie les plus capahles. Relativement a I'egal partage, tout le nionde convient que rien n'estplus incompatible avec la justice et la veritable liberte qu'une telle sorte d'e'galite. Ce premier precede esquive done la difficulte du probleme et nc le resout pas. — Quant a la dispen- sation par les superieurs, c'est le principe de I'autorite catbo- liaue mis en action. Les saint-simoniens voulantqu'il fiit donne a chacun selon ses ceiwres , ne surent, faute de genie , qu'emprunter au passe cette seconde solution ; et coranie il fallait a tout prix sortir de la loi brutale du salaire que le maitre impose a I'ouvrier, ou que I'ouvrier arrache au maitre , ceux-la seuls auraient pu sur ce point, comme sur beaucoup d'autres, condamnerle saint- simouisme, qui auraient propose quelque chose de mieux. Dans le probleme de la repartition , ainsi que dans toutes les autres questions, M. Fourier est absolument en dehors de toutes les voies comnumes; mais ici, comme toujours, il est fidele a sa houssole sociale, I'attraction passionnee , fidele a sa melhode d'association par groupes et series de groupes. « En fait de principes , dit-il , ma theorie est UNE , et inva- riable dans tous les cas ; quelque probleme qui se presente sur I'accord des passions , je donne toujours la jvxeme solution ; Ibrmer des series de groupes libres , les developper selon les trois regies iYe'chelle coiiipacte ; cxercice parcellaire et courtex DOCTRINE d' ASSOCIATION DE M. FOURIER. 3l5 seances , afin de doniier cours aux trois passions , cabaliste , COMPOSITE et PAPiLLONNE , qui doiveiit diriger toule serie pas- sionnee. » {Noui^eau Monde , p. 278.) Et, en effet, cetle simple disposition suffit pour prevenir tout conflit en matiere d'iiiteret. Mais, avant d'exposer les princi- pales regies de requilibre en repartition , il faut dire quelques mots sur la nature de I'autorite administrative dans le phalan- stere , cette matiere ayant uu rapport direct avec celle qui nous occupe. II y a en association un grand nonibre d'cmplois lucratifs et honoritiques ; c'est le seul moyen de satisfaire I'arabition : mais il n'y a pas, a proprement parler, d^autoritc dans le sens oii ce mot a ete entendu jusqu'ici, c'est-"a-dire que mil individu ou reunion d'individus n'a le droit d'imposer ses volontes "a d'aiitres. Icila deference doit etre libre et passionnee , c'est le regne absolu dela LIBERT^ (1). Dans le phalanstere, dans la province ou I'empire, les fonctions d'administration seront presque toutes electives. Mais lesysteme d' elections aura perdu toutes les absurdites qu'on lui reproche (1) Je crois utile de rapporter l" passage suivant, qui montre nettement la ma- niere liont M. Fonrier envisage cette importantc question du pouvoir et de la li- berty : » Ici vous devez remarqiier une difference entre la maniere dont nous po- sons la question de hierarchie et la maniere dont les saint-simoniens I'ont posee. Je reconnais avoir fait un grand profjres, en changeant les ternies du probleme. II ne s'agitplus de concilier I'autorite et la libertc; la conciliation n'est pas autre chose que la confiscation do la libertd du gouverne, au pro fit de la liberie du gou- vernant-conciliateur. Or , pour qui comprend ainsi les choses , il faut , ou retour- ner aux voies ct moyens de Tautorite ancienne , ou continuer dans la voie du sifecle, et pousser plus avant nos desirs et nos meditations sur la liberie. L'auto- RiTE ou LA. LiBERTE, voila deux termcs entre lesquels nous avons a choisir ; aujour- d'hui lechoix en fait pour la liberte....Sur toute la surface dela tcrre, lespeuples demandent la libertd ; nolle part ils ne Tout obtenue ni ne Tobticndront avec hi mojens connus, etc...( Exposition du sysleme social deCh. Fourier par Jule» Lechcvalier , t. \. p. 201 ). Get ouvrage se trouve chez Paulin , place de la Bourse , et au bureau du Pkalanstere. 3l6 ECONOMIE POLITIQUE. justcnieiit iuijourcriiiii; cai'preinieremeut lo litre electoral reposera toiijours sur la capacite de Telecteur , etant loujours relatif a sa fonctioii. Ea d'autres tcrines , cliacuii sera appele a aonimer le chefdesgroupes aiixqiielsila]ipartien(]ra,lcs chefs de sa serle, de son plialanstere, et aiiisi de suite en s'elevant dansl'ordre politi- que; mais mil a'auravoix deliberative dans iin groiipe, on serie, oil plialanstere, etc. , dans Icsqiiels il u'aiirait pas d'eniploi : de plus le droit electoral seraproportionnel a la capacite, parce que le norabre de voixde cbacun dependra du nombre de groupes et se- ries dont il sera membre : Telecteur sera done toujours compe- tent dans ses choix , et la puissance elective, si Ton veut bien me passer cette expression , setrouvera exactement graduee selon .e merite reel des individus (I). Les autorites ainsi constltuees par election n'exercent jamais qu'unpouvoir (^opinion. Dans le menage societaire, par exem- ple, K I'areopage n'a point de statuts afaireni a. maintenir, tout etant regie par I'attraction, ct paries esprits de corps des tribus, des chcEurs , des series. II prononce sur les affaires iraportantes , moisson , vendange, constructions, etc. Ses avis sont accueillis passionnenient conmie boussole d'industrie, mais iJs ne sont pas obligatoires : un group e serait Uhre de diffe'rer sa re'colle , mal- grel'avis de I'areopage. » {Nouueau Monde, p. 45-4) (1) J'entends faire sur ce sujot une difficultd a laqucUe 11 peut etre bon de re- pondre. On objectc qu'un individu habile dans un grand nombre de fonclions iris-diversfis, mais toutes pcu iniportantcs, se trouverait affilie a un grand nombre de groupes ct sdries, et aurait done comme elecleur plus d'influence qu'un bomme dont la capacite serait superieure, mais aple seuiement a un plus pclit nombre dc fonclions. Jc ri'ponds premieremcnt que^ dans un ctat dc theses qui yirocwxe'b. (\i»C'in\c emeTis. Disc, preliinin. , p. 35 et 38.) Abel Transojv. PHILOSOPHIE. DES RAPPORTS DE LA DOCTRINE DE CONFUCIUS AVEC LA DOCTRINE CHRETIENNE. Notre intention est de faire connaitre, dans cette Revue, soit par des traductions, soit par des analyses, le plus que nous pour- I'ons des monumens de Thistoire orientale. C'est une nianiere de faire de la pliilosophie de riilstoire qui pour le moment en vaut bien une autre. Car, faute de ces livres originaux, notre esprit reste irabu des prejuges de nos peres, ou se reniplii de chimeres nouvelles ; et quand nous nous lancons dans d'ambitieuses con- jectures sur la vie de I'bumanite, trop souvent nous errons dans le vide, et nous batissons sur le sable. Pour citer un exemple, si I'bistoire de rOrient etait un peu mieux connue si du moins ce qu'on en sait etait d'une lecture plus vulgaire, M. Enfantin et ses disciples auraient-ils debite pendant plusieurs mols, dans un journal quotidien, leurs incon- cevables reveries sur I'Orient et I'Occidejit, sur I'esprit et sur la matiere, sur I'amour sensuel et I'amour platonique, reservant le spiritualisine a TOccident, et dotant I'Orient d'un materialisme grossier, I'Orient qu'avec bien plus de raison on dirait tout mys- tique, I'Orient patrie des moines et des anachoretes ! Si le Goran, cette admirable poesie, nous etait aussi bien tra- duitqu'il Test pitoyablement ; si nous avions un bon resume des traditions sur le prophete contenues dans la Sunna ; si seule- ment la Vie de Mahomet , par Abulfeda, etait mise en francais et plus connue , le public en serait-il encore sur Mahomet aux \ DE LA. DOCTRINE DE CONTUCIIIS . 3^5 rontes atroces d'un raoiiie du ueizieme siecle et au jugement ab- surile de la tragedie de Voltaire ; et IVJoljomet , cet homme d'eri- thousiasine et d'inspiration, nous apparaitrait-il encore comme un subtil iiiiposteur, iin fourbe adroit, un couquerant farouche? Ce sont surtout les grands monuinens, les livres primitifs , que nous voudrions voir connus , et non pas seuleiuent connus de quelques erudits , mais vulgarises et repandus jusque dans les ecoles, comme le sont Honiere et \a Bible. II s'est forme dernie- rement , a Londres , une Societe pour la traduction des livres' oi'ientaux. Cette Society a prorais de publier quelques-uns des Vedas. Assurement elle ne pourrait pas rendre de plus grand service. On ne connait encore en Europe les Vedas que par quelques fragmens et par quelques parties de leurs commentaires. Voila pourtant de ces livres qui resuraent et expliquent tout , qui renferment la cendre de tout un monde, et d'ou tout un monde est sorti. C'est le privilege des livres originaux de repandre simultane- ment surtous les points une vive lumiere, tandisque tout cequi est fait de seconde main esttoujours defectueux , plein d'obscurites et de taclies, faute d'atteindfe a re rgmplet, a cette luiite qui en tout est la vie. Le petit traite cfe Confucius dont nous donnons aujourd'hui la traduction en apprend plus sur la doctrine de ce philosophe que tout ce que les missionnaires en out rapporte. On s'est en effet beaucoup occupe, au dix-huilieme siecle, de Confucius, de sa doctrine, des idees des Chinois sur la mo- rale et la politique. Voltaire , rEncyclopedie , de Paw , une foule d'autres auteurs, en ont raisonne d'apres les missionnaires. Tout ce qu'on a ecrit la-dessus bien etudie, nous doutons qu'on a'if une idee aussi nette , aussi profonde , que celle que Ton retirera de la lecture du Ta-hio, que M. Pauthier vient de traduire pour la Remie , malgre les defauls qu'une telle traduction doit nectf^- sairement presenter, dans I'etat d'imperfection ou setrouve encdre' chez nous I'etude de la langue et de la litterature chinoises. TOME LIV. M.\l IT JUIK 1852. 22 32() ' PHILOSOPHIE. De tout ce que nous avious lu h ce sujet , nous avioiis retire que Confucius etaitun sage, qui prcchait aux homnies la vertu la plus pure. De plus, nous avTons retenu tie lui un certain uonibre d'aphorisnies nioraux, qui nous paraissaient Texpression d'une conscience droite et vertueuse; et ces maximes avaient tant de rapport avec le christianisme , qu'il ne nous surprenait pas que les pluseclaires des jesuites aient traite Confucius comme un homme divin, une espece de saint, qui se placait involontaire- ment dans leur esprit a cute du legislateur des chretiens. Nous nous represeiitions done Conl\fcius, suivant Fopinion commune, comme un homme plein de douceur et d'humanite , plus occupe de morale que de theologie , ou plutot uniquement preoccupe de la morale ; ce qui cxplique d'ailleurs I'admiration des pLiloso- phes, qui, voj^'uit que Confucius n'avait pas reglemente ce qui leur paraiissait plus specialemenT et presquc uniquement compo- ser le (lomaine religieux, a savoir les questions relatives a la na- ture divine, et les rapports de la creature au createur, soit comme duree eternelle de la creature, soit comme vie anterieure et vie future, sesont pris d'enlhousiasme pour lui, I'ont proclame phi- losophe, et lui out, par esprit de parti, si I'oii pent ainsi dire, attribue sur les I'evelateurs religieux, tels que Jesus , une supe- riorite de raison et de bonne foi , qui en a eatralrie quelques-uns, Voltaire par exemple, Jusqu'au dernier degre de Tengouemeut et de rinjustice. Mais, d'un autre cote, cette admiratiou meme des philoso- phes du dix-huiticme siecle pour quelque chose d'essentiellement incomplet, (car qu'est-ce qu'une morale sans uietaphysique , et quelle morale pent exist er sans religion? qui a jamais dit aux hommes quejque chose de piofond sur I'humanite, sans avoir contemple I'autre champ du probleme, c'est-a-dire les rapports de rhomme et de Ihumanile avec I'etre infini? ) cette admira- tion, dis-je, nous empechait de comprendre Confucius legislateur des Chinois depiiis vingt-trois siecles. Le reproche d'atheisme qu on fait "a sa doctrine, et qui est assez generalement consenti , achevait de nous deroutcr. Ce nom d'athee a quelquefois ete DB LA DOCTRINE D£ CONFUCIUS. 827 doniie aux hommes les plus profondement religieux, precise- laent parce qu ils comprehaient Dieu autremeiit que le vulgaire. Comment concevoir uiie institution qui est fondee sur I'atheisrae et qui dure vingt-trois slecles? Que peut-on fonder sur I'a- theisme? Quelle "morale peut-on elever sur una metaphysique athee ? Cette grande figure de Confucius nous apparaissait done pleine de contrastes, et restait pour nous sans explication. Mais ces quelques pages ,. appelees le ta-hio , nous ont fait com- prendre jusqu'a un certain point ce puissant genie que nous ne comprenionspas. Prenez separement cette multitude de reflexions morales expri- mees avec une simplicite fine , et souvent sous uue forme tres- poetique et tres-artistique : vous n'aurez que de-belles et bonnes maximes, mais vous n'aurez pas le sens de la doctrine de Con- fucius. Vous pourrez comparer ces propos du sage avec des maximes analogues de I'Evangile, on, .dans une sphere moins haute , avec des preceptes socratiques, on meme avec les traits naifs et spirituels de moralistes pleins de bon sens, mais sans proforideur, tels que Franklin. Ce sera en partie tout cela, ou meme tout cela a la fois, et ce ne sera rien : Confucius vous echappera. Or voifa precisement ce qu'oat fait les missionnaires, et ceux qui ont ecrit d'apres eux. lis n'out donne du philosophe que des maximes detachees, membra disjecta, des lambeaux de son idee, incomprehensibles souvent a force d'etre mutiles , et non pas son idee (1). C'est an contraire I'unite de ses idees qui fait sa force, qui le constitue ce qu'il est dans Fhistoire de I'humanite. (1) Les jesuiles, il est vrai , ont public des traductions, tres-pcu litterales , des livres memes de Confucius. Mais pour avoir iraduit ces livres d'une fafon assez louche, en ont-ils compris Funit^, et surlout Tont-ils lait coniprendre? Nous ne devons pas outlier cependant que I'ua d'eux , au moins, sc fit une rdputalion dMii^resie pour avoir mis en parallelc la doctrine de Confucius avee telle dc Jesus-Ctirist. 22 328 PHILOSUPHIK. C'est I'idee wie qui reluk dans ses ouvrages qui en fait la beaute et k puissance. C'est ce caractere d'une puissante syntliese que les Chinois, depuis taut de siecles , doivent admirer dans Gon- fiitzea. Car c'est la I'effet que produit toujours le genie, parcela meme que le genie n'existe qua cette condition : le genie , c'est la syiitbese; c'est le sentiment de Tunite et des parties de I'uniCey et de rharmonie de ces parlies entre elles et dans I'unite. Comment une idee peut-elle etre assez comprehensive ponr regir la politique, etre la mesure des lois , le criterium de la justice, la base des relations des bonnnes'enU'e eux, la regie de conscience de chacun, enfin le principe universel de toute la sociabilite? Nous aurions de la peine h le coniprendre , si nous n'etions pas nous-memes habitues a dire que le christianisrae tout entier est dans un des preceptes de I'Evangite. C'est ce spectacle d'une pensee religieuse et sociale d'une portee aussi vaste que la pensee religieuse et sociale de I'Evan- gile qui nous a surtoul frappe dans le ta-hto; et c'est la ce que nous allons essayer de mettre en lumiere. Ce qui est de Confuqius dans le ta-hio se reduit a inie page ; tout le reste est de son disciple Thseng-Tseu. Mais, a notre avis, celte page resume toute sa doctrine. Nous citerons- ici litteralement ces paroles de Confucius, quoiqu'elles se trouvent deja dans la traduction de M, Pauthler , impriniee avec notre ar- ticle dans ce numero. Les voici : « 1. La voie de la sagesse consiste a mettre en lumiere, » cultiver on developper la nature rationnelle, ou la faculte in- « telligente, que nous avons recue du Ciel en naissant, "a renou- » veler le peuple , et a ne s'arreter que lorsque Ton e^t par- )j venu a la perfection. « n. La fin on le but auquel on doit tendfe etant une fois w connu, I'esprit prend une determination ; ayant pris line de- ■>i termination , il pent se reposer tranquillement dans cette de- » termination ; etant en repos dans sa determination , I'anie DE LA DOCTRINE DE CONFUCIUS. 829 » -estsereiue et calme; rame etant sereineet caline, elle considere » attentivemeiit la nature des choses ; ayant bieii considere la » nature des choses , elle est siire de parvenir a soa but de per- » fection. )) III. Les choses [dans la nature vegetale] ont des racines » et des rejetons : Ipute affaire a un comraencement et une fin. » Connaitre ce qui vient le premier ( la cause ) et ce qiii vient » apres ( I'effet ), c'est approcher de la Supreme Raison ( du »Tao). » IV. Les ancieiis qui desiraieut rendre k. sa purete pri- » mitive et remettre en lumiere dans tout I'empire la vertu ( ou » la facultevertueuse) que nous tenons du ciel s'attachaient d'a- » bord a bien gouverner leurs provinces; — desirant bien gou- 5> verner leurs provinces, ils commencaient par bien administrer » leurs families ; — desirant bien administrer leurs families , ils » commencaient par ornerleur personne (c'est-a-dire^ar se cor- » riger eux-memes) ; — desirant ornerleur personne, ils com- » mencaient par rectifier leur coeur (ou principe intelligent) ; — * » desirant rectifier leur coeur, ils commencaient par purifier {litt.: )» verum-facere) leurs intentions ; — desirant purifier leurs in- » tentions, ils commencaient par perfectionner leurs connais- » sances ; perfectionner ses connaissances , c'est penetrer la na- A ture de toutes choses. )) V. La nature des choses etant peiielree , la connaissance » de I'esprit sera ensuite parfaite; — etant devenue parfaile, »> les intentions seront ensuite puritiees ; — les intentions etant » purifiees, le coeur sera ensuite rectifie ; — le cceur etant rectifie, « la personne sera ensuite ornee ( corrige'e); — la personne etant » omee , la famille sera ensuite bien administree ; — la famille ' » etant bieu administree, le royaume sera ensuite bien gouverne ; » — le royaume etant bien gouverne , alors tout ce qui est sous » le ciel sera tranquille et heureux. » VI. Depuis lefils du ciel {I'Empeveur) jusqu'au dernier du M connnun des hommes , devoir egal pour tous : orner sa per- 33o i»HiLosopniF,. » soniiu i^se corriger soi-meme) cstle londemeHt {i driez que les autres vous fissent. » « Ce que vous haissez dans ceux qui sont au-dessus de vous, )) dit Thseng-Tseu , ne le pratiquez pas envers ceux qui sont » au-dessous ; ce que vous haissez dans vos inferieurs, ne le pra- » tiquez pas envers vos superieurs ; ce que vous haissez dans >) ceux qui vous precedent , ne le laissez pas k ceux qui vous » suivent ; ce que vous haissez dans ceux qui vous suivent, ne » le faites pas a ceux qui vous precedent : ce que vous haissez » dans ceux qui sont a votre droite, ne le faites pas a ceux qui 5) sont a votre gauche ; ce que vous haissez dans ceux qui sont a » votre gauche , ne le faites pas a ceux qui sont "a votre droite : )) voila la raison et la regie de toutes choses. » (1) TCHODKO-YOL'NG, on Invariable Milieu, Iraduclion dc M. Abel Rd- niusat. (2) LUN-Yl' , oil Diaiogues Moranx. \ DE LA DOCTRINE DE CONFUCIUS. 335 Dans un autre endroit , s'adressant aux gouvernans, et repon- dant a cette objection : L'art de gouveraer les homraes doit etre Lien difficile ? quel est cet art? comment Tapprendre? « Aimez, aimez, repond Thseng-Tseu, voila le premier » point. Une mere ne commence pas par apprendre a nourrir » et & el ever ses enfans pour se marier ensuite. Si le coeur de la 3) mere est reellement attentif aux desirs de son enfant, quoi- ». qu'elle ne connaisse pas exactement ce qu'il desire, elle ne se )) meprend pas beaucoup sur I'objet de ses voeux. « Et ailleurs , toujours dans le traite que nous publions , il de- finit une nation : desfreres et sceurs de diffe'rens dges^ et rap- pelle, comme principe general de la politique, ce vers du Chi- king:'v Faites ce qui est convenable entre freres et sceurs de » differ ens ages.» Nous le demandons, ne semble-t-il pas entendre un fragment du sermon sur la montagne, ce resume de I'Evangile et de tout le christianisme ? N'est-ce pas la meme morale, saisie a la meme profondeur, et le meme style? Nous termiuerons ces citations par cette forniule de Confucius, ou le mot charite' Tprend une grandeur qu il n'a jamais eue dans tout le christianisme que pour quelques horames superieurs ; ou la vie humanitaire n'eot pas seulement entrevue , niais vue ; oii I'humanitesepresente comme un etre collectif, a la vie duquella vie de chaque homme est attachee de fait, et doit religieusement se rattacher; telle en un mot que les plusprofonds defenseurs du christianisme ne pourraient mieux faire au dix-neuvieme siecle pour transformer et generaliser la parole de Jesus : La cHARiT^ est cette affection coiistante et ratsonne'e qui nous inimole au genre humain , comme s'il ne faisait ai^ec nous quim indif^idu , et qui nous associe a ses malheurs et ci ses pros- pe'rite's (1). (1) Maximes de Confucius, Encvclop. , t. Ill , p. 547. 336 PHILOSOPHIE. 11 n'est done pas etounant que les Jesuites aient troiive tine sorte d'identite entre TEvaugile et la doctrine de Confucius. U n'est pas surprenant non plus que le proselytisme chretien ait ^te iinpuissaht h la Chine. Les missionnaires, I'Evangile a la bouche, crurent arriver en vainqueurs : ils purent bien seduire et surpas- ser les Chinois avec nos instrumens de physique et d'astronomie ; mais enleur portant la morale de I'Evangile, nous ne leur portions que ce qu'ils avaient deja. Car, je le repete encore, en portant I'Evangile a la Chine, les missionnaires n'y portaient pas autre chose que ce grand axiome religieux : « Tu aimeras Dieu et ton prochaiii comme toi-meme; » Forraule fondamentale , peusee qui a deux faces , qui regarde a la fois le ciel et la terre, et qui, sous le rapport uniquement hun^iain se reflete dans ce second precepte : « Ne faites pas a autrui ce que vous ne voudriez pas qu'ou vous fit. Faite? aux autres ce que vous vouilriez que les autres vous fissent. » Or, les Chiixois pouvaieat repondre avec I'axiome religieux de Confucius : « Tu t'approcheras de Dieu en cultivant la raisou que tu as recue du ciel, et en aimaut Thumanite, en travaillant a sou perfectionnement » ; Forniule fondamentale, pensee qui , comme celle de Jesus ,a deux faces, qui regarde ia la fois le ciel et la terre, et qui, sous le rapport uniquement humain , se reflete dans ce second precepte de Confucius : « Ne faites pas aux autres ce que vous ne voudriez pas qu'ou vous fit. Bien plus, vous etes partie de I'humanite; vous vivez de sa vie, et votre vie lui est due. Immolez-vous au genre hu- main; associez-vous a ses malheurs et a ses prosperites ; » Second precepte qui a, avec le premier, le meme rapport d'har- nionie qui existe entre les deux principes corrcspondans de .lesus-Christ. DE LA DOCTRINE DE CONFUCIUS. 33^ Les deux principes de Confucius, en effet, se rapportent a une conception de Dieu que les chretiens etroits essaieraient vai- nement de flelrir du nom de pantheisme; tandls que les deux preceptes de Jesus au contraire iions paraitraient entaches d'un grossier niosaisme, si d'ailleurs I'Evangile et tons les grands nlO- niimeus du christianisme n'etaient pas empreints au fond de la pensee de saint Paul : In Deo sumus, ih Deo vwivms. Pour nous resumer , ou a beaucoup celebre, et avec raison , le double precepte de Jesus-Christ ; de generation en generation . il a ete la chaine qui a lie entre eux tous les menibres du christianisme. C'est pour ainsi dire le fond de lout I'Evangile . la parole par excellence, c'est le mot A\\m charite'^ se faisaiit jour pour la premiere fois dans notre Occident ; c'est la voix anticipee de I'Eglise qui devait reraplacer Jesus sur la terre, et donner , pour panacee a loutes les douleurs humaines , ce pre- cepte, qui est a la fois une regie absolue du devoir et I'indica- tion de la source de la vie. Saint Jean, le disciple cheri , de- venu vieux , ne savait plus autre chose que repeter sans cesse cette parole de son maitre, plutot comma un precepte d'aniour que comnie une regie de devoir. Mais comme precepte positif et obligatoire, comme reglie de devoir, comme loi enfin, c'est' assurement le reSume de toute la loi morale; c'est, conmie dit Jesus , la loi et les prophetes. Dans ce precepte est done la source de la charite chietienne. II y a meme aujourd'hui des docteurs chretiens qui, quand on les pousse , admettent que toutes les formations religieuses anlerieures a Jesus-Christ ont ete pour ainsi dire les prolegomenes du christianisme, mais qui, lorsqu'on leur demande pourquoi ils veulent conserver le nom de christianisme et I'etendre "a toute la serie des initiations de I'humanite, soit a celles qui precederent Jesus, soit aux trans- formations ulterieures de la pensee humaine que I'avenir re- cele encore dans son sein, repondent que la loi chretienne seule a toiiche le grand point , et donnent le sacrifice pour le carac- tere qui differencie essentiellement le christianisme de toute au- 338 PHILOSOPHIE. tre religion coinme de toute philosophie, pretendant que la na- ture humaine, par elle-meme, ne saurait produire un tel fruit, et qu'il a fallu une parole divine pour le faire naitre. Or sur quoi se fondent-ils pour atlribiier cette superiorite exclusive au christianisme, et pour faire ainsi de lui le type parfait et original de la religion dans tout son cours depuis la naissauce du genre huraaiu jusqii'au dernier jour du moude?C'est sur le precepte que nous rappelons qu'ils s'appuieut. 11 est done tres-iniportant de constater que Tame humaine avait rendu ce son sublime, et qiie la logique humaine avait produit cette loi du devoir, bien des siecles avant la naissance du legislateur des chretiens. Par cette remarque, assurcment, nous ne voulons ricnoter de la subli- mite de Jesus ; mais la gloire de I'humanite tout entiere nous iraporte plus que celle dun rameau de I'liumanite. Mais, nous dira-t-on, pourquoi isolez-vous ainsi la morale de Jesus pour la comparer a celle de Confucius? Le christianisme, ajoutera-t-on, n'est pas seulement un grand precepte moral, c'est toute rhistoiie religieuse du genre huraain : le peche , la chute , la redemption par Jesus, la vie future. II y a, nous dira-t-ou encore, toute la tradition de Jesus, toute I'histoire hebraique, toutes les ,pvopheties qui I'annoncenf, il y a sa passion, il y a son martyre : ou])liez-vous que Jesus a ete , suivant I'expression de Novalis , la figure du peuple et le grand martyr du genre hu- uiain? Nous repondrons que la morale enseignee par Jesus a ete pour ainsi dire le centre de formation et la cause du christianisme, que sans elle jamais I'Occident n'aurait adopte aussi litterale- ment les traditions juives. Si vous voulez examiner I'Evangile en laissant de cote tout ce qu'on y a rattache par la suite , en le separant des traditions juives on orientales avec lesquelles il n'a ({u'un rapport d'har- monie, mais qui existaient avant lui, ou se sont formulees plus tard ctamalgamees avec lui, vous verrez que I'Evangile ne ren- ferme en lui-meme ni une genese ni une theodicee , mais qu'il DE LA DOCTRINE DE CONFUCIUS. 339 renferine essentiellement uiie morale , laqiielle se reduit , comme celle de Confucius , au grand precepte de la charite , a cette loi de bienveillance universelle et de philantropie qui devait ame- ner plus tard en Europe ie regne de I'egalite. Aujourd'hui toute la constitution historique du christianisme^ toutes les solutions donnees par lui des grands problemes, sont ce qu'il y a de plus delabre , attaquees conune elles I'ont ete par les sciences et la philosophic. La genese chretienne est renversee, les propheties n'ont plus de partisans, les miracles ont ete rame- nes aux faits naturels park critique et par lestravaux siir Yextasey et quant aux institutions , je les cherche et ne les trouve plus. Mais ce qui reste inebranlable, et ce qui, aux yeux de quel- ques-uns, cache et derobe encore la mine complete du christia- nisme , c'est sa morale et la beaute poetique de Jesus. Tandis que la multitude insulte aujourd'hui Jesus sans le connaitre , comme autrefois la multitude I'adora ne pouvant le comprendre , quelques hommes d' elite se prosternent avec amour devaut cette noble et sublime figure ; et , croyant sa morale in- comparable et tout-a-fait particnliere k lui, ravis de cette pen- see qui regarde k la fois le ciel et la terre, et qui, disent-ils, ne se trouve que chez lui , ils le prennent avec piete comme un type surnaturel, et, embrassant sa statue, la seule statue de grand homme qui ait pour piedestal un gibet , ils s'etourdissent sur la chute du christianisme et en esperent quelquefois la resur- rection. Or aujourd'hui la piete envers Jesus seul est petite et etroite. II faut aux hommes de notre tems une piete plus etendue et plus eclairee. II n y a que deux voies pouv I'humanite : la theorie des reve- lateurs, ou plutotd'unrevelateur ( car les revelateurs s'excluent I'ua r autre ) , et la theorie de I'humanite consideree comme source de toute certitude. 11 faut opter. Nous croyons que les travaux du dernier siecle ont decide le probleme. Les revelateurs religieux doivent etre rehabilites des injures et 34o PHILOSOPHIE. (les fausscs appreciations de la philosophie dii dix-lmiliefne siecle. Mais ils doivent etre ramencs a I'hnmanite. Un grand hoiume parait : il accomplit peiiiblement son oeii- vre, a tiavers nulle obstacles, la niisere , Toiibli , Techafaud on Ifi croix ; dedaigne, persecute d'abord, admire ensuite, plus lard on en fait un Dieu ; c'ctait un liberatenr, on en fait un despote ; il vint pour affranchir, etle terns arrive lot on tard oii il faut s'affranchir de liii ; il vonlut pousser rhumanite en avant vers de nouveaux cieux, et avec le tenis sa lol retarde et arrete I'huina- nite dans sa marche. Cbacjue grande fraction de I'bumanite s'est ainsi fait ses idoles, et a meconnu on insulte celles que les antres a leur tour s'etaient faites. Point de generation uon plus qui n'ait ses grands^ hommes tyrans, et qui ne brule siir leursautels un encens qui la couvre elle-meule de tenebres et rempeche de voir. Aussi restaurer la splendeur de certains nonis, effacer I'aureole usurpee par d'autres, pour arriver un jour a faire a cbacun sa part , dans le travail accompli eii commilii ])ar rhumanite tout entiere , tel a toujours ete et tel sera tonjours le devoir de la philosophic et de I'esprit lluraain. Hen est absoluiuent de la figure de Jesus-Christ coirime de la Bible et de I'Evangile. Les memes raisons qui firent considerer ces livres comme divins , parce que pour nous lein-s analogues n'existaientpas, contribuent encore, malgre toute la critique du dix-huitieme siecle , a donner a cette figure de Xesus un caractere surhuniain. Soixante generations se sont prosternees devant lui. Nous le voyons transfigure par tout ce que la prosternation devant TEtre supreme a pu rever de plus divin dans la figure hmnaine, soit par la meditation de I'intelligence, soit par I'extase de Ta- mour. Devant lui, au contraire, tons ceux qui pour d'autres races d'horames ont accompli des oeuvres analogues, restent dans une' obsfcurite complete , ou sont pour nous comrae des statues a peine degrossies. Certes si le chretien veut retrouver precisemeut son ideal et DE LA DOCTRINE DE CONFUCIUS. 34 1 son maitre dans ces liommes qui furent I'ideal d'autres fractions de rhumanite aussi vastes ou plus vastes que le christianisme, il ne le retrouvera pas. Mais que le cliretien considere aussi quelle concession il demande pour cette superiorite qu'il exige qu'on accorde a cette figure de Jesus, son ideal. S'il se contentait de dire : « Jesus, que je connais, est superieur "a tous les legisla- teurs religieux, que j'entrevois a peine, » on concevrait cette pretention. Mais il dit : « Bouddha, Confucius, Mahomet sont des horames, et Jesus est Dieu. » Pour une difference dans la mesure el dans le degre, il conclut a une difference sans mesure, il franchit un abirae incommensurable. L'esprit liumain , dans notre Occident , a ete sous le servage d'Aristote, sousle servage d'Horaere , et il est encore aujourd'hui sous le servage de Jesus-Christ. Conibien a-t-il fallu de terns pour arracher la science a I'empire a bsolu d'Aristote ! Apres la Renaissance , combien de tems pour soustraire I'art au respect superstitieux des poetes de I'antiquite ! Que d' efforts pour que nous en soyons venus "a comparer les produits naturals du genie poetique des peuples du moyen age avec les epopees anciennes, et h soupconner que les plus belles de celles-ci pourraient bien etre Toeuvre spontanee d'une epoque plutot que I'oeuvre d'un seul homme ; pour que nous en soyons venus k croire que Shakespeare ne relevalt de personne , pas meme d'Homere ; pour que nous en soyons venus a ne voir au- cune inferiorite des grands penseurs modernes , tels que Keppler, Galilee, Bacon, Descartes, Spinosa, Pascal, Newton, Leib- nitz, Kant, Saint-Simon, compares aux plus grands penseurs de Tantiquite ! Le dix-huitieme siecle soutint sur cette these uue lulte de cin- quante ans, et, apres cette lutte, le prejuge des anciens et des grands horames tyrans survivait encore , et paraissait avoir le dessus. Tous ces progres pourtant se sont accomplis isolement et suc- cessivement ; et niaintenant est veuu le moment d'un progres TOME lAV. MAI ET JUIN 1852. • 23 342 PHILOSOPHIE. seinblable pour la religion, c'est-a-direpour la synthase generale lie toute la connaissance humaine. Cette marche devait avoir lieu ; cela devait etre. L'emancipation devait s'accomplir partiel- lement, avant d'etre proclaraee pour la totalite dela pensee hu- maine, c'est-a-dire pour la religion. Nous nous sommes emaucipes d'Aristole et d'Homere. Le progres actuel est de nous eraanciper de Jesus. La philosophie critique du dix-huitieme siecle ne nous a qua demi emancipes , parce quelle a ete injuste, parce qu'elle a nie an lieu d'expliquer, parce qu'elle s'est prise d'uue haine aveugle et anti-sociale centre toutes les religions et contre toute religion. Ainsi , dans la premiere partie du meme siecle , et pour une ceuvre analogue , les Lamotte et les Fontenelle , voulant affran- chir I'art moderne du prejuge antique, au lieu d'etre poetes eux- meraes et d'exalter les poetes , commencerent par nier la poesie. On ebranle ainsi , on ren verse meme , mais on n'affermit pas sa victoire. La scolastique ne continua-t-elle pas de regner jusqu'au moment 011 Descartes et ses successeurs eurent eleve leurs monu- raens? Comment le prejuge classique s'est-il eteint?, n'est-ce pas a mesure que, le sentiment poetique se developpant chez nous, nous avons compris et senti Dante, Shakespeare , les Romanceros, les poesies primitives , tons nos grands poetes modernes , et jus- qu'k nos contempoftiins ; aujourd'hui meme I'admiration ex- clusive pour Homere et pour les poemes qui portent ce nom ne chancelle-t-elle pas devant les torrens de poesie des grandes epopees de rinde ? Voila comment on se fait uu champ et un vaste horizon. Or il en sera pour la religion comme pour la science et pour I'art. Nous I'avons deja dit , nous voyons comme resultat procliain de 1' etude de I'Orient , venant ajouter son impulsion puissante k tout le mouvement scientifique mo- derne, une noble emancipation. Les grands honnnes , et parmi eux les legislateurs religieux, ceux que la faiblesse humaine a separes de I'humanite, et a appeles Dieux, lils de Dieu, prophe- tes inspires de Dieu par des revelations particulieres, seront tou- jours grands , mais ils seront homnies. DE LA DOCTRINE DE CONFUCIUS. 343 A mesure que les figures orientales se devoileront, celle de Jesus, sans perdre de soiidoux eclat et de sa rayonnante majeste , deviendra plus humaine. Par la comparaison, nous saisirons mieux sa nature veritable , ses traits d'homme , la pliysionomie deson ame. II sera encore un guide pour Thumanite, un jalou place sur sa route ; mais il ne sera plus , ce qu'on I'a fait , un tyran. Ainsi le point de vue de I'esprit humain changea quand I'as- tronomie eut appris aux homines que ce soleil qu'ils regardaient , comme un astre unique n'etait pas seul de son espece, et que ces etoiles dont les premiers hommes, pendant tant de siecles , faisaient son cortege et les signes de sa demeure , etaient aussi des soleils. P. Leroux. 25. HISTOIRE. LE TA-HIO, OU LA GRANDE ETUDE, OUVRAGE DE CONFUCIUS ET DE SON DISCIPLE TSENG-TSEU, (Tradiiit litloralcmcnt dii cliiriois *. ) A-f TA HI0(1). — 1.A GRANDE fiTUDE. ^^ I. La voie de la grande etude consiste a mettrc en lii- raiere, cultiver ou developper la nature rationnelle, ou la faculte * Cettc traduction a et6 faitc sur tin texte chinois grav^ a Paris, qui se trouve iTiaintenant a la librairie orientale de Dondey-Dupre ; mais elle a die revue sur un texte plus correct imprimd en Chine, et accompaf;nd d'un commentaire du cdlebre philosophe Tchou-hi, dorit on a traduit des extraits. II existe dcja plusieurs traductions plus ou moins fideles de cet ouvrage, en latin, en francais et en anglais. Cello qui suit est aussi litterale qu'il a 6t6 possible de la faire en franpais. (1) Le cdlebre commentateur philosophe Tchou-hi dit que le premier ca- ractere de ce titre se lisait anciennement Tat , mais qu'aujourd'hui on le pro- nonce a la maniere accoutumde OTa. Ce Iwre est le premier des Sse-chou , on Qtiatre Lwres Clainn ■ (lu Uxl« Icliiii.ii!, , cl d'lili 1 l-.-.-3r nAu jiubic Jc comiucul a plas dc quatic mo!5,>_a iiii .-..,., >i.MO , el.,hlir ;. I'linpi in lux IVais du gnuvcriiemenl LE TA-HIO DE CONFUCIUS. 34? vemm-facere ) leurs intentions ; — desirant purifier leiirs in- tentions , ils commencaient par perfectionner leurs connais- sances; perfectionner ses connaissances, c'est penetrer la na- ture de toutes choses (I ). § V. I^a nature des choses etant penetree, la connaissance de I'esprit sera ensuite parfoite ; — etant devenue parfaite, les intentions seront ensuite purifiees ; — les intentions etant purifiees, le cceur sera ensuite rectifie; — le coeur etant rectifie , la personne sera ensuite ornee (corn'gee); — la personne etant ornee, la famille sera ensuite bieu administree; — la famille etant uienadministree, le royaume sera ensuite bien gouverne; — le royaume etant bien gouverne , alors tout ce qui est sous le ciel sera tranquille et heureux (2). § VI. ]|j^uis le fils dn ciel {V Empereur de la Chine) jusqu'au dernier du coiumun des homraes , devoir egal pour tons : orner sa personne ( se corriger soi-meme ) est le foudement ( de toute la politique. ) (1 ) i< Ceux qui rendent d sa pureie priiniiwe et renietleiit en lumiere dans tout I'empire la nature rationnelle de rhoinme, ou cettejaculle' -vertueuse re- cue du ciel en naissant, font «n sorte que tous les homines puissent rappeler leur nature ou faculte' vertueuse a sa. puretd primitive. Le cceur, ou le principe intelligent, est ce qui commande au corps, ou a la personne, a Vindividu orga- nlsd.... La nature des c/toici- s'entend des actions, des affaires de la vie hu- maine. Ces liuit choses sont les categories ou les classes distinctes {Tia6-mo') de la Grande etude.. " Tchou-hi. (2) oie de la syn- these etde I'analyse. La nicthode, qui indique la droiturc dc I'esprit et I'exercicr . du jugemcnt,semontrc ici dans toute sa simplicite. A defaiit du syllogisme r^p,u- lier, la fnrinule logique que Ton nomine sorile est ici cxprimee avcc precision .; r'est un \oritablr prnccde d'csprit piiilosopliiquc. 348 HISTOIRE. § VII. La priacipale affaire (celle de se corriger soi-meme) etant troublee, en desordre, comment celle qui n'est que secon- daire {lafamille et le rojaame) serait-elle bien gouvernee? — Trailer legereraent ce qui est le principal ou le plus important , et gravement ce qui n'est que secondaire : c'est agir contraire- ment a la raison. Le chapitrc dti King ou [Jire qui precede , conticiit les propres pa- roles de CoNFncins , recueillics par son disciple Thsenc-Tseu , qui les a commcntees dans Ics dix sections ou chapitres suivans , renfer- mant ses propres iddes, recueillics 'a leur tour par ses disciples. Dans les anciennes copies se trouvent quelques fautes que Tchiivg-Tseu a cor- rigees : nous avons suivi ses lejons dans letexte suivant revu par nous. TCHOU-UI. COMMENTAIRE DE THSENG-TSEU (9 CHAPITRE PREMIER. § 1 . Le Kang-Kao (2) dit : « II etait c&^d.h\e{Wen-fVang) de rendre a la vertu sa purete et son eclat primitif du ciel . •> (1) Thseng-tseu, pour prouver la veritc et la sup(5rioritd de la doctrine de son maitre Cosfocius , recourt a des auloritds tiri^es des anciens livres reveres des Chinois ; methode constamment suivie par Fdcole de Confucius , qui semble appuyer toutes ses doctrines sur Fautorite des exemples , et non pas sur des rai- sonsintrinsequesphilosophiques tirees duraisonnement ou de la nature desclioses, comme font les pliilosopliesde Tecole deLAO-TSEU,et Lao-tseu lui-meme, qui en a donne Texemple a ses disciples. Le contraste est si frappant entre les deux dcoles, que Confucius et ses disciples poussent Tabus de ce moyen de persuasion jusqu'a en etre extremement fastidieux^ landis que Lao-tseu ne cite pas une sculefois uii nom historique chinois, ou tout autre quelconque a I'appui de ses doctrines, qu'il deduit plus ou moins judlcicusement de la nature des choses ct du ccEur dr rhomme, d'apres des traditions que ce n'est pas ici le lieu d'exposcr. (2) Un des chapitres du Choii King , ouvrajje compile et mis en ordre par Confucius. II a 6lc traduit en franj^ais par Gaubil el public par Dkgdk.nls ^ en 1770. LE TA-HIO D£ CONFUCIUS. 349 § 2. Le Tai-Kia (1 ) dit : « Le roi Tang etait sans cesse oc- » cupe a developper et h (;iiltiver le don de I'intelligence qu'il » avail recu du ciel. » § 3. Le Ti-Tieii (2) dit : « 11 etait propre ( Yao ) "a lain; » briller la haute vertu. » Tons developpeient et cultiverent par eux-aiemes leur natnre rationnelle (5). Le Premier C/uipitre qui precede ( du Coininentaire de Thsewc- TSEu) expliquece que Ton doit entendre par /«e«/;t' en lurniere, cultii'er ou developper la nature rationnelle ^ la faculty intelligente que nous avons recue du ciel en naissant. (§ I du texte de Conf.). CHAPITRE II. §1. Des caracteres graves sur la baignoire de renipereur Tan^ disaient : « Renouvelle ( OMp' « Quoique leroyaumcde Tcheou fut tres-ancien ( eul Jes habi(ude« inv^lerees ) , )> ffen-N^^ang , eu sc conformant i la volonlii du ciel , opera uiie r^noTation. » ^". 4. Cela prouve qii'il n'y a rien en dehors du pouvoir du sage , quaudil vent user de tous ses efforts pour parvenir a la perfection. Le Second Chupitre qui precede explique cc que Ton cntead par renouyeler le peuple. CHAPITRE III. § 1 . Les Odes disent : (I Cest dans un rayon de mille Zi (cent lieues) de hi residence royale )) Que le peuple aime a fixer sa demeure(2). » <^" 2. Les Odes disent : « L'oiseau jaunc au chant plain til iniin-indn )) Demeure dans le creux touffu des montap,nes (3). » Tseu ( Confucius ) observe : « En se reposant, I'oiseau connait le lieu qui lui est conve- » nable ; le pouvoir est a riiorame, et il n'en sait pas autant que » I'oiseau ! » admirer dansnos salons, portent de semblahles inscriptiops analogues aux lieux ) Ghi-Kinc. , Siao-Ya , cli. il, ode C. , LE TA-HIO DE CONFUCIUS. 35 1 § 3. Les Odes disent : « Que la vertu de JP'en-fF.ang iStait vaste et prol'onde ! » Comnie il sut reunir et faire briller toutes les vertus , en atteignant » la perfection ! » Comme roi , il faisait consister la perfection (A ) on la premiere qualite d'uu prince, dans riiumanile, qui est la bienveillance uni- verselle ; comme ministre , dans le respect ; comme fils , dans la piete filiale ; comme pere, dans la tendresse paternelle : comnie niembre de la societe, dans la sincerite et la fidelite. § A. Les Odes disent : « Regarde la-bas sur les bors du Ki , » Oh ! qu'ils sont beaui et abondans lesvens bamboiis I i> Telle est la vertu de rhomme superieur. » Comme I'ivoire divis^ et uni ; » Comme les pierres precieuses taillees et polies^ » Qu'elle est exquise ! qu'elle est imposante! » Qu'elle est resplendissaiile ! qu'elle est illustre » La vertu de Thomme superieur ! » Elle ne peut jamais tomber dans Poubli (2)! » Comme on dipise et polit I'ii^oire , I'tiomme sage embellit son esprit en etudiant la supreme raison. Comme on taille et polit les pierres precieuses , il corrige et orne sa personne. Les expressions : qu elle est exquise ! quelle est imposante ! desi- gnent la veneration qu'inspire sa vertu. Quelle est resplen- dissante ! quelle est illustre! expriment combien cette vertu est majestueuse et belle. La vertu de I'homme sage ne peut jamais (1 ) Le point de repos , ou Ve'lat de perfection auquel on doit tendre et dans lequel on doit se fixer. « Le saint liomme ou le sage, dit Tchoii-hi, ne s'arrete que lorsqu'il est parvenu au souverain bien ou a la perfection. » {'!) Cin-KiKG, Jfei-Foung , ch. 5, ode \, a la louangc du prince Ou- Koiin^ , dcsigne par les deux caracleres Kiun-tsvn , qui sif;n fient honiim- superieur, hoiiitiie snt^e el prince. 352 HISTOIRE. etre ouhlie'e , caracterise cetle perfection de la raison , celte su- preme vertu quale peiiple ne peut oublier. § 5. Les Odes disent : « Coinmr la iiic-inoire des stnciens rois [fJ'ouet If'ang) est restec dans le»oii ■ » voiiir dcs lionimcs ! « ' Les sages ( on ies bons princes ) doivent imiter leiir sagesse , et cherir ce qu'ils cherissaient. Les hommes inferieurs (le peuple) se rejoulssent de ce qui fut leur joie et prohtent de ce qu'ils firent de bien et de profi- table. Voila pourquoi lis ne seront point oublies dans les siecles a venir. Lc Troisicnie Chapitre qui precede cxpliqiic ce que I'oii eiitend par ne se reposer qu'au soinnet du soiu'erain-bien , nu lorsqiie I'on a atteint la perjection. CHAPITRE IV. § i . Aoiuig-Tseit ( Confucius ) a dit : « En econtant plaider, je juge comnie les autres hommes; )) niais ce qui serait necessaire , ce serait de faire en sorte d'em- )) pecher les proces el les dissensions. Ceux qui sont fourbes et )) mecbaus, il ne faut pas permettre qu'ils acconiplissent leurs )) mauvais desscins. Par la un respect salutaire pour la vertu » s'empare de 1' esprit du peuple. Cela s'appelle le fondement ou » la racine de la science (1). » Le Qiialricine Chiipilre qui precede explique la racine et les bruii- dies uu les rejclons : ou !e principal et lc seconJaire. {\\ « Les paroles de Con/iicius indiquent que le saint hoinme ou le sajie peul faire en sorlc que les hommes foui bes et medians ne puissent pas ou n'osenl pas cpuiser leurs mauvais desseins ; car nous , en rendant a la vertu, a notre facult<5 vationnelle, son primitif eclat , sa purcte premiere , nous eclairons par consequent leur esprit , el le peuple ressent un respect salutaire et naturcl pour une vrrin liriilantc. » Tc:hou-hi. LE TA-HIO DE CONFUCIUS. 353 CHAPITRE V. ^ 1 . Cela s'appelle le fondement ou la racine des connals- sances. § 2. Cela s'appelle le dernier tei'ine de la prudence. Le Ciriquieme Chapitre qui precede (il n'y a qn'un court fragment) expliqiie la consideration attentiue de la nature des clioiex; il est maintenant presque entiercmenl perdu. TcHOU-Hi ajoule : Lerestcdu Cinqideme Cha/)itre, qui explique avec rectitude laperjection des connaissances, commc conduisaiit "a la connaissance parfaitede la nature des chases, ^tant maintenant presque entiercmenl perdu, j'ai essaye de recourir aux id^es de Tchiki.-tseu [autre commentateur de Confucius , un peu plus ancien que Tchou-hi^, pour suppleer a ccttelacune. II observe que ce qui est appele dans le texte la connaissance parfaite qui consiste dans une perception distincte d,e la nature des choses , c'est comme si Confucius avail dit : n Celui f/uide'sireatleindrelaconnaisianceguejepossede, doit m^diter long-tems surune chose , et examiner attentiuement son principe = sa raison d'etre ■ car, comrae la raison ou I'intelligence de Phomme n'est pas tSvidcmment incapable de con- naitre, = ou est adequate a toute conYiaissance : {^mou pou yeou tchi : liaud nan habet scientiam , vel sciendifacultatem), et que les choses du monde ou de la nature ne sont pas sans avoir un principo, une cause, ou une raison d'etre ( /i); ce n'est qu'en cxamlnant, en scrutant attentivcment ccs causes , ces prin- cipes , que Ton peut obtenir une connaissance parfdle ■ autrement ellc est in- exacte et incomplete. C'esl pourquoi le Ta-hio, la Grande Etude, commence par enseigner que Tetudiant de la sagesse doit examiner attentivcmcnt loutes les choses du monde (Jitt. : qui so'il sous le del, == les actions humaines, el les etres de la nature) qu'il ne rcstc point salisfait avant d'avo.ir approfondi les principes des choses, ou leur raison d'etre fZ/), et qu'il s'applique constamment a aug- menter ses connaissances, en cherchant a pendlrer dans la nature la plus intime des choses. En exerfanl ainsi ses facultes intellecluelles , toute son ^nergie (//, fo"ce}, pendant long-lems, IVspril parvient enfin a acqucrirune comprehen- sion ou connaissance pro''onde des choses; alors la nature inlrinsique el extrin- seque '^lilt. : le i>iteinent ou I'aspect exteneur, et la partie la plus cacli^e du I'dlement ou I'inte'rieur ) , I'essence intime la plus abstraite , el la partie la plus groii/ere des choses seront completement connues, et notre intelligence ^tant 354 HISTOIRE. pour ainsi dire incorporee avec leur substance, par une longne investigation , une experience suivie, noire esprit deviendra parfaitement dclair^ sur la nature des choses. Cela s'appelle per/ectionner ses connaissances , cela s'appelle p^ne- trer la nature des choses (1 ) • " CHAPITRE VI. § i . Ce qui est appele purifier les intentions (est ceci) : Ne t' abuse point toi-meme , hais le vice conMiie une odeur desa- greable ( une contagion dangereuse ) ; aime la vertu comme ime belle couleur cni une belle forme. Voila ce qui est appele le contentement de soi-meme. C'est pourquoi le sage veille at- tentivenient sur ce qu'il a en lui de plus secret. § 2. Les hommes vulgaires retires dans leur interieur ne pra- tiquent point la vertu; il n'est rien qu'ils ne poussent h I'exces. Quand ils voient un homme sage , alors ils feignent de lui resserabler, en cachant leur conduite vicieuse , et en faisant parade d'une vertu simulee. § 5. L'homme sage les voit, et il est comme s'il penetrait leur foie et leurs reins; alors a quoi leur sert-il (de dissimuler)? C'est la ce que Ton entend par le proverbe : tt la droiture de V interieur se montre au dehors. » C'est pourquoi le sage veille attentivemeut sur ses pensees intimes (on sur ce qu'il a en lui de plus secret). § 4. Thseng-tseu a dit : « De ce que dix yeux regardent quel- qu'un, et de ce que dix mains le designent, qu'a-l-il a re- douter ? >> § 5. Comme la richesse orne une malson, la vertu orne la (l)Cesiddes du cdlebre commentateur de Confucius, Tching-tseu, qui vivait un peu avant Tchou-hi , vers la fin du onzieme siecle de notre ere , sont remarquables. LE TA-HIO DE CONFUCIUS. 355 pereonne. Le cccur etant agrandi , le corps profile de meme ; c'est pourquoi le sage doit purifier ses intentions. Le Sixieine Chapitrequi precede explique le pr^cepte de purifier les intentions. CHAPITRE VII. § 1 . Ce qui est appele « orner sa personne » consisle k j^ec- tijier son ccBiir; le coeur etant trouble par la passion de la co- lere , alors il ne pent obtenir cette rectitude ; etant livre a la cralute, alors il ne pent obtenir cette rectitude ; etant agite par la passion du plaisir , alors il ne pent obtenir cette rectitude; etant oppresse par la douleur, aiors il ne pent obtenir cette rectitude. % 2. Le ccEur n'etant point maitre de lui-meme, on regarde et on ne voit pas ; on ecoute, °t on n'entend pas ; on mange , et on ne connait point la saveur des alimens. § 5. Voila ce qui est appele orner sa personne y consistant a rectifier son coeur. Le Seplieme Chapitre qui precede explique le precepte de rectifier son ccBur pour orner sa personne. CHAPITRE VIII. § 1 . Ce qui est appele hien administrer sa famille consiste K orner de vertus sa personne (ou commander ii ses passions). Les hommes sont partiaux envers ceux qu'ils aiment : ils sont aussipartiaux (injustes) envers ceux qu'ils meprisent etqu ils hai's- sent; envers ceux qu'ils craignentet qu'ils respectent, ils sont ega- lement partiaux (serviles) ; envers ceux dont ils ont pitie et qu'ils protegent , ils sont partiaux (pen indulgens); envers ceux qu'ils traitent avec sup^riorite, ils sont egalement partiaux (bautains). Cest pourquoi aimer, et connaitre les defauts de ceux que Ton aime , liair, et reconnaitre les bonnes qualites de ceux que Ton hait , est une chose bien rare sous le ciel ! 356 HISTOIRE. § 2. De la vient le proverbe qui dit : « Les peres ne veulent pas recomiyitre les defauts de leurs enfans , et, les laljuureiirs la fertilite de leurs champs. » § 5. Cela prouve qu un liomme qui ne sail pas orner sa per- sonne (ou se corriger soi-meme) est incapable de bien admi- iiistrer sa famille. Le Huilienic C/injiUre qui precede expliqtic ic prccepic iTorner de vertus sa personne on decnmtnander a ses passion'' pour bicn ndini- nistrer la fainiUe. CHAPITRE IX. § \ . De merae celui qui est appele a goiwerner un royaume doit avant tout savoir bien adnv-iistrer sa famille. Qnelqu'un qui ne saclie pas instruire sa faniille , et qui soit capable d'ensei- gner une nation d'honimes , cela ne s'esl pas encore vu. C'est pourquoi le sage, sans sortir de sa famille, est capable de seper- fectioinier dans I'art dinstruire et de gonverncr un peuple. Ce- lui qui lionore ses parens sert par la le prince ; celui qui rcmplit ses devoirs fraternels sert par Ta ses snperieurs ; celui qui est bienveillant eteud cette bienveillance a toute la mullilude, § 2. Le Kang-Kao dit : ( Un prince doit veiller sur son peuple ) cc comme une mere veille sur son jeune enfant. » Si le coeur de la mere est reellement attentif aux desirs de son enfant , quoiqu'elle ne connaisse pas exactement ce qu'il desire , elle ne se meprend pas beaucoup sur Tobjet de ses vreux. Une mere ne commence pas par apprendre a nourrir et n elever ses enfans pour se marier ensuite. § 3. Si la famille du prince est humaine et charitable , la na- tion acquerra ces memes vertus. Si la famille a dos manieres condescendantes et polies , la nation deviendra condescendante et polie ; sile prince est avare et cupide , la nation se livrera aux troubles et a I'anarchie, LE TA-HIO DE CONFUCIUS. 357 § 4. Fao et Chun gouvenierent I'empire avec Tamour de I'liu- nianite, et le peuple les imita. Aie et Tcheou gouvernerent Tempire avec cruaute , et le peuple les imita. Les choses qii'ils ordonnaient de suivre etaient contraires h ce qu'ils aimaient, et le peuple ne s'y soumit pas. C'est pourquoi le prince doit (lui- meme) pratiqiier la verlu, et ensuite inviter les autres homines a I'imiter. Sa conduite doit etre irreprochable; alors il pourra le- prehender celle des autres liommes. Que n'ayant rien de bon dans le ccEur et dans sa conduite , on puisse etre capable de comman- der aux hommes ce qui est bon ! cela est impossible. § 5. C'est pourquoi le bo7i goiwernemeiit d'une nation se trouve dans la bonne administration de lafamille. § 6. Les Odes disent : u Que le pechcr est ddlicieux et ravissant! » Que son feuillage est abondanl ! » Telle une fiancee entrant dans la demeure de son (5pou\ , » El metlantle bon ordre danssa famille. » Mettez le hon ordre dans votre famille ^ ensuite vous pourrez truire et diriger une na § 7. Les Odes disent : instruire et diriger une nation d'hommes « Faites ce qui est convcnable entre freres et soeurs de differens ages. i> Si vous faites ce qui est convenable entre freres et soeurs de differens ages , alors vous pourrez instruire et diriger une nation d'hommes. § 8. Les Odes disent : « Le prince dont la conduite est exempte de fanics verra tout son royaunic u imiter sa droiture. )i II reraplit ses devoirs de pere , de lils , de frere aine et de frere cadet, et ainsi le peuple I'imite. TOME LIV. MAI ET JUIN \ 8^2. 2-4 358 HISTOIRE. § 9. Gela veul dire que le gonuernement d'une nation consiste dans (lesmeines priiicipes que ) la bonne administration de la famille (1 ) . \je Neuvicnie Cliapilrf qui precede expliqut le prcceple (ju\7 faitt bien savoir (idiitinistrer la f'aiidlle. pour Intii ^oin'erner nne nation CIIAPITRE X. J^) 1. Celui que Ton dit pacifier la terra , c'est celui qui admi- iiistre bieii son royaume. Exaltez (lionorez) la vielllesse respectable, et le peuple aura beaucoup deplete filiale ; exaltez la superiorite d'age, et le peu- ple sera plein de frei'es cadets qui aurout des egards pour leurs freres aines; exaltez celui qui a pitie de I'orplieliu, et le peuple ne le delaissera pas. C'est ce qui fait que( en donaaut ainsi I'exeniple lui meme ) un prince a en lui la regie et la niesure des choses (2). (1) Pa^is la politique i1e ces pliilosophes chinois, chaque famille , comine I'a ddja observe Coilio, est une nation ou dtat en petit, et toute nation ou tout diat n'est qu'une grande ."jinille : Tune et I'autre doivent elre gouverndes par les memes principes de sociabilitd et soumis aux meraes devoirs. Ainsi , conime un homme qui ne niontre pas de vertus dans sa conduile et n'exerce point d' empire sur ses passions n'est pas capable de bien administrcr une famille ; de meme un prince qui n'a pas les qualites qu'il faut pour bien adminislrer une famille est cgale- ment incapable dc bien gouverncr une nation Ces doctrines ne sont point con- stitulionnelles, parce qu'olles sont en opposition avec la doctrine que le cbef de Ve'tat regrie et ne gotwerne pas , et qu'elles lui atlribucnt un pouvoir exorbitant sur ses administres , celui d'un pere sur ses enfans , pouvoir dont les princes , en Chine, sont aussi portes a abuser que partout ailleurs; mais d'un autre cotd ce caractere d'assimilation au pere de lainille Icur impose des devoirs qu'ils trou- vcut quclquefois assez gcnans pour se decider a les enfreindre ; alors , d'apres la meme politique , lesmembres de la grande famille ont le droit , sinon toujours la force, de deposer les mauvais rois qui ne gouvernent pas en vrais p6res de fa- mille. On en a vu des exemples. (2) Cela revient au principc fondamcntal et universel qui se trouve exprimd on propres Icrmes dans le Tcltourig-Young on Invariable milieu do Confit- LK TA-HIO 1)E CONFUCIUS. 35c) § ^. Ceqiie vous haissez dausceux qui sout au-dessus de vous, lie lepratiquoz pas envers ceux qui sont aii-dessous; ce que vous haissez dans vos inferieurs , iie le pratiquez pas envers vos supe- rieurs ; ce que vous haissez dans ceux qui vous precedent , ne le laissez pas a ceux qui vous suivent ; ce que vous haissez dans ceux qui vous suivent , ne le faites pas a ceux qui vous prece- dent ; ce que vous haissez dans ceux qui sont "a votre droite , ne le faites pas a ceux qui sont a votre gauche ; ce que vous haissez dans ceux qui sont a votre gauche , ne le faites pas a ceux qui sont a votre droite : voila ce qui est appele la raison et la regie de toutes choses. § 5. Les Odes disent : « Quelle vive joie pour un prince » D'eti-e le pere el la mere de son peuple ! » Ce que le peuple aime, Tairaer ; ce que le peuple hait, le hair ; voiia ce qui est appele « etre le pere et la mere da peuple. >; § A. Les Odes disent : « Voycz au loin celle grande montagne de I'Orienl » Avec ses roehers entasses et menaf ans ! » Ainsi, souvcrain Yin , tu brillais dans ta fiertt^ ! » Et le peuple te contemplait avec terrcur ! » Celui qui possede un empire ne doit pas etre negligent (du honheur de son peuple ) ; s'il ne tient compte de ces principes, alors la mine de son empire en sera la consequence. cius ; Celui qui est sincere et altenti/'d ne rien /aire uux mitres de ce qu'il ne I'oudrail pas qu'on luijlt, n'est pas loin de la loi: ce qu'il desire qu'on ne liiijhsse pas , qu'il ne lej'asse pas lui-mdiie aux autres. (^Tchoung-Youm^ , cli. 13, §. 3. Traduction de M. ylbel licnmsat) j et dans le Liin-Yu ou Dialo- gues moraux , du meme ; Ce qu'on ne db'sire pas pour soi~m4r)ie , qu'on ne le fasse pas aux autres. Cela a ete efcrit on Cliinr plus de cinq cents ans avant notre ere. 24. 360 HISTOIRE. § 5. Les Odes dlsent : » Avant (jue le prince de la dynastie do Vn cut perdu raffoclion dii pfiipic, » II <5(ail capable de inarclicr r«5gal du Trcs-IIaut. » Nods pouvons considercr dans I'n , comme dans un miroir, » Que Ic d^cret ou la volonte Au ciel n'cst pas facile a conserver. » Ce qui YCUt dire : Obtiens Paffection du peuple, tu obtiendras et conserveras rempite ; Perds Taffection du peuple et tu perdras Tempirc (1). § 6. C'est pourquoi un prince doit, avant tout, se livrer soi- gneusement a la pratique de la vertu. S'il possede la vertu, il possedera le cocur des horaraes ; s'il possede le cceur des liommes, il possedera aussi le territoire ou la souverainete; s'il possede le territoire, il en aura les revenus ; s'il en a les revenus, il pourra en faire usage ( pour 1' administration de I'etat). (1) Un conimentateur ajoute ; « La fortune du prince depend du Ciel, et la volonte du Ciel e\isle dans le peuple. Si le prince obtiont Taffci tion et Tamonr du peuple, Ic Tres-Haut le rcgardcra avec complaisance et affermira son trone; mais s'il perd Tamour et Taffcction du peuple, le Tres-Haut le rcgardera avec colere, et il perdra sa puissance. » Par Tres-Haut, I'M. : SuprSine Einpereur [Chang-ti), les Chinois entendent un pouvoir au-dessus de I'empereur auqucl cclui-ci doit obeir : pouvoir vague non ddCni , souvent confondu avec le ihien, ciel visible et invisible qui indue et doniine sur toutes choses ; c'est 'a cette puissance supreme que les Ciiinois a(- tribucntle pouvoir d'affermir et de renverser les trones. II parait, reniarque le rev. Collie, que la niaxime : vox populi, vox Dei, n'est pas d'hier, mais qu'elle a ele profcssde par les ccrivains politiques de cette nation, dont le gouvcrnemcntaetd regarde comme un modele de dfspotisme. Un principe conslamment profess^ par Mencius et d'autres pbilosoplics cbinois, c'est que , « toutes les fois qu'un prince rdgnant perd I'affeclion de la grande majorite » du peuple, en agissant contrairemcnt 'a ce que le peuple regarde comme le bicn )) general , ce prince etait rejetc ou d(?savoud par le Ciel , et devait etre detront^ » par cclui qui, au moyen d'un vertueux cl bienvrillant accomplissement de ses » devoirs, a gagnd le coeur de la nation. » LE TA-HIO DE CONFUCIUS. 36 I § 7. Celui qui possede la vertu possede la cliose priiicipale; celui qui possede la richesse possede la chose secondaire. § 8. Quaud la premiere (la vertu) est repoussee, et que la se- conde (la richesse) est accueillie , le peuple se livrek la discorde et a la violence. § 9. C'est pourquoi, en accumulant les richesses, vous dis- perse/, (ou eloignez) le peuple ; el en dispersant ces richesses, vous reunissez le peuple. § -10. C'est pourquoi, si quelqu'unlaisse echapperdes paroles contraires a. la raison( injustes ), il en recevra de contraires h la raison'; si qiielqu'un acquiert des richesses par des moyens con- traires a la raison (injustes), il les perdi'a aussi par des moyens contraires a la raison. § M . Le Kang-Kao dit : « La faveur du ciel (^la possession du royaume) ne dure pas « toujours. )) Ce qui signifie qu'en suivant la vertu, on pent I'obtenir; en ne la suivant pas, on la perd. § 12. Les chroniques de Thsou disent : « La nation de Thsou ne regarde pas les richesses comma » precieuses : mais pour elle, la vertu seule est precieuse. » § ^o. Rioue Fan a dit : « Homme errant et fugitif, je n'ai rien troiive de precieux (sur « la terre); Thumanite, et I'amitiepour ses parens, soiit ce que » j'ai trouve seidement de precieux. » § 14. Le Tsin-chi ( instruction du roi de Tsiriy dans le Chou- King) dit : (c Que n ai-je un ministre d'une droiture parfaite , quand » meme il paraitrait n'avoir d'autre habilete qu'un cccur grand » et genereux ! Lorsqu'il verrait des hommes de grande capacite » il se les associerait, et n'en serait pas plus jaloux que s'il )) possedait (leurs talens ) lui-meme. S'il venait a distinguer un )) homme d'une vertu et d'une intelligence vastes, il ne se borne- )> rait pas a en faire I'eloge dii bout des levres, il I'estimerait 36^ HISTOIRE. » avec cordialite et I'eniploicrait dans k's aflaiics. Uii lei ininis- >) tre pourrait proleger iiies enfans, Ifurs cnlaiis ct le peuple. » Quel avantage n'en r(isulterait-il pas? )) Mais si un ministre est jaloux des homines de talent et qu'il » eloigne ou tienne a I'ecart cenx qui possedent une vertu el » nne habilete eniinentes , en ne les emplt>yant pas dans les char - « ges importantes, — tin tel ministre, qnoiquo possedant desta- )) lens , est incapable de proteger mes enfans , leiirs enfans et le » penple. Ne pourvait-on pas dire alors que ce serait unecalamite?» § 15. L'homme vertueux et plein d'hunianite pent seul eloigner de lui de tels hommes, et les rejeter parmi les barbares des qualre extremites (de la terre ), ne leur permettant pas d'ha- biter dans le royanme du milieu (la Chine ). Cela veut dire que l'homme vertueux et plein d'hunianite seul est capable d'almer et de hair convenablement les hommes. $ ^6. Voir un homme de bien et de talent, et ne pas lui donner de I'elevation ; lui donner de I'elevatioii et ne pas le traiter avec toute la deference qu'il merite , c'est lui faire injure. Voir un homme pervers et ne pas le repousser ; le repousser et ne pas I'eloigner "a une grande distance , c'est une chose condam- nable (pour un prince). § 17. Un ( prince) qui aime ceux qui sont I'objet de la haine generale, et qui bait ceux qui sont aimes de tons, fait ce que Ton appelle un outrage a la nature de l'homme. Des malheurs menace.it cerlainement un tel prhice. § 18. C'est pourquoi le prince qui a sa grande regie de coii- duite tracee par la propre dignite qu'il occupe, la conservera in- violable par sa confiance dans le peuple et sa fidelite au peuple ; I'orgueil et la violence la lui feraient perdre. (^ 15). 11 y a un grand principe pour accroitre les revenus(de Tetat on de la famille). Que ceux qui les produisent ( les revenus) soient nombrcnx, ct reuxqui les dissipent, en petit nombn'. Que ccnx qui vculont en ainassci- se dduuciit bcauconp do peine; Revue Xaicyclopcdjque . numtro de Mai cl Jiiin Pap.'<^2 JerUtme/U - Jus/t -ej^cjstruil ~ luiu/iertJ - t^cif C Criu^iC' ■iU' J^ff/aJ - ^^uJence ^u Je/rcsjc '/ravcu^jr inaiJjiru/s — ^lunj vu perie • Kent ^ J^upt/er - A^mmurs — t^^n^£^ - ^tu^^jC ^ > '^u^ed^r — ami r^ndij^ . f /fr/i^t£ - lacifnjianrc - nyari^c aearruiC'. I , .- ybortpar me/anwiif . plu/tJ speaciimtnt Li pojj' on it dejordrr uiMoturU surl^u/ icic^ cAametU d'horuudtr ijicyclopcdiqu de.Maitl Jum Pap.' I ifjfnf/L^ ae. lege, ri Jr ta mertretpf-reetrtuait-r^/e^l/f C .fUiir A fa li^nf de » Jiauere de la loi au Sarrazin, qui nous montre avec quelle haute et profonde philosophic se balancaient des le qiiatorzieine siecle ces deux immenses religions qui s't'laienl sJi loMg-teins enlre-choquees an brnil des armes; nous rappellerous 368 LITTERATURE. loul ce qu'offrirait J'iuteiet et de cliarme la publication du lie- nard-le-Contrefaict, qui fournirait de si precieux elemens au grand debat des piincipes de la legitimite loyale etde lasouverai- iiete populaire ; nous rappellerons enfin tout ce que nous prepare le zele de tant de savans voues a la patiente exploration de nos tresors raanuscrits. Voici M. Paulin Paris qui entame une edi- tion des romans des douze pairs de France, en nous revelant le beau poeme du roi des raenestrelsa la fin du treizieme siecle, le roman de Berte anx grans pie's , fleuron brillant de la cou- ronne poetique diAdenes. Mais comme si la presse devait regler ses liberalites et n'etendre ses faveurs qu'h ceux qui sont dignes de les apprecier, ce livre n'esttire qua deux cents exemplaires , et n'empruute pour ainsi dire "a la puissance de I'imprimerie que ce qu'il lui faut pour raettre son existence h I'abri des chances d'un incendie ou d'un larcin. M. Paris a peut-etre juge avec trop de severite les habitudes superficielles du public , en raaintenant si loin de lui notre poete du treizieme siecle , mais a coup siir il s'est bien clairement mepris en pensant que la lettre dont il a fait preceder sa publication ne serait pas aujourd'hui d'un iuteret ge- neral ; quant a nous , nous croyons remplir un devoir en augmen- tant du moins en partie sa publicite et en consacrant quelques pages de notre Rewue a en donner un extrait. ROMANS DES DOUZE PAIRS DE FRANCE. Ily avaitpourlesTrouveursou Troui^eres du moyen age, inde- pendarament des sujets pieux , trois grandes sources distinctes de poesie : les traditions de I'antiquite , celles des Bretons, et celles des Francais. Toutes les grandes compositions en langue vulgaire , jus- qu'au treizieme siecle, se rapportent h I'une de ces trois sources. La premiere nous offre les nombreux poeraes d' Alexandre -le- Grand, de Philippe Macedo, d'Eneas , du preux Hector, de Ja- son et de Thesee. Mais cet ordre de traditions a perdu toute son importance par I'etudeque, depuis, nous avons faite des verita- bles elemens de I'histoire ancienne. Plus Ton s'est eloigne de I'an- POESIES DU MOYEN AGE. 869 tiquite, et mieux onl'a connue. Les ecrivains dii moyen age out tons ele plus 011 inoins la dupe de leur tenis. Jamais ils n'out pu comprendre que les fictions, jadis permises aux poetes des ages historiques , etalent defendues aux ecrivains en prose , et c'est ainsi que , confondant toujours les recits les plus mcrveilleux et les plus vraisemblables , ils ont fait des fastes de I'antiquite un tableau confus prive detoute espece de perspective. Nous ne pon- vons done lirer aucun parti de leurs candides imitations, et leur bonne foi, aussi grande dans Ovide que dans Cornelius-Nepos , ne tarde guere a nous paraitre insupportable. Les traditions bretonnes, du moins, presenteiit un vif interet de curiosite. Les ronians de la Table Ronde qu'elles ont inspires nous reportent a une epoque glorieuse pour les anciens peuples de I'ile d' Albion, epoque dont, par un singulier liasard, I'ecri- ture a neglige de nous transraettre les evenemens distincts. Seu- lement, nous savons d'une mauiere certaine qu'au cinquieme siecle , tandis que notre Clovis jetait les fondemens de I'empire francais, les Bretons, plus lieureux quelesGaulois, repoussalent les hordes de Pictes, d' Angles et de Saxons qui les menacaient de toutes parts. Artlius etait alors leur chef. Devenus un siecle plus tard la proie decesmemes barbares , les Bretons garderent lame- moire d'un heros dont le nom representait ce qu'un peuple gene- reux a de plus cher au monde , religion et independance. Car les chants de gloire serablent toujours I'ceuvre des vaincus, et les prophetes sont des consolateurs qui manquent raremcnt aux na- tions oppriraees. Ainsi naquirent et se developperent ces recits, depositaires de la gloire d'Arthus, dans lesquels au souvenir des anciennes victoires se lialt la promesse de victoires futures. A une epoque plus ou moins rapprochee du dnuzleine siecle, m\ pretre recueillit ces diverses traditions, ou pkitot les cacha sous les developpemeus religieux dans lesquels il jugea pieusement convenable de les encadrer. Ce recueil , ecrit en latin , fat traduit enprosevulgairesousleregne de Henri II, poredeRichard-Cceur- de-Lion ; et cette traduction, bientot rcproduite eu vers dans 370 LlTTERATUREr tous les idiomos vulgaires de TEurope, offrirait encore aiijoui- il'luii mie lecture reinplie de charine. Mais, dans tons ces romans de la Table-Ronde , il ne faiif, pas esperev des traces d'une verite historique .- les embellisseniens y ontetouffe jnsqu'au germedes recits primitifs. lis u'oiit plus rieu, je ne dirai pas de celtique ( ce qui ne rappellerait a I'espiit rieu de positif ) , mais menie de bieton , si ce n'est le nom du heros dout on y trouve les avenlures. Ardius y deploie encore une grande valeur ; mais son courage s'exerce contie des geans , des betes fe- roces ou des adversaires de la beaute persecutee, et non pins contre les oppiessenrs de sa patrie. Son clieval est d'ailleurs barde de fer, et son ecu se fait reconuaitre auxcoaronnes d'or dont est seme le champ d'azur, tandis que sa bonne epee Excalibur sem- ble plutot forgee par un habile onvrier normaud que par les an- ciens forgerons de I'Armorique. N'y cherchons done pas I'histoire des tenis anterienrs kla domination romaine, saxonne ou meme normande ; nous perdrions entierement nos peines. Mais nous pourrons etre satisfaits d'une pareille lecture, si nous ne desirous que de piquantes aventures d'amour et de galanterie , de grands coups d'epee, de terriJjles melees de pai'ens et de chretiens, et sur- tout si nous avdns soin de la faire dans les traductions en prose les plus anciennes. Restent maintenant les grandes compositions , dont la source est empruntee a nos traditions nationales. C'est le veritable titre de notre ancicnne poesie. Jusqu'a present, pour n'avoirpas assez compare les productions varices du moyen age, nous avons pris I'habitude de les jnger pour ainsi dire en bloc , et d'un seul trait de critique. Pour ceux que le rOman de la Rose ou les conies de Barbasan avaient rebu- tes, notre vieillelitterature n'oflVe qu'un amas d'inventions gros- sieres ou fastidieuses. Pour les autres que des etudes classiques moins approfondies out rendus plus indulgens , ces memes com- positions apparaissent sous un jour entierement contraire, el nulle expression creee ne pent en exprimer la grace, lecharme, la POESIliS DU MOYEN AGE. 37 1 naivete. 11 suffit qiriin nianuscrit soil iioirci at et honteux , il aille scul et sans compagnon ; ne le laissez pas long-tems en repos dans le merae lieu; qu'il ne trouve rien a bon marche. Mal vandra , mal anptoiera. Qu'il ne conduise rien a bien ; mais que chacun lui soubaite la mort. Que les riches , au coniraire, soisnt moult prises ; leur renommec sera bonne; leur fortune leur tiendra lieu de sagesse. Que leurs propri^t^s soient gardees soi- gneusement et leurs families respectees ; vins , viandes , chevaux seront pour cux. Tout sera leur , et inons et vaus : Tous aront les biens de ce monde- A ce s'accordent li baroD. — Par saint Pierre! repondit Nobles le lion, il y en aura beaucoup de greves ; mais comme vous etes d'accord , je ne laisserai pas de le faire sceller : mais en verite les uns en ont trop le meilieur ; enfln , que chacun se tienne 'a ce qu'il a Jusques Diex lor veiUe amander. Faites ecrire et mander a tous que cettc sentence soit tenue et qu'on ne m'a- dresse aucune reclamation. » Gel comraaut Sanz dire pour coi ne commeut. II fit done sceller cet edit , > Et Hst de cette inducium Fere une constitucium avec defenseUe I'enfreindre sur peine de la vie. Les pauvres, niecontens, ne firent pas conime les riches, qui en prirent copic ct la garderent si bien qu'elle passe pour leur propri^te. Par ce fait, les pauvres perdirent leur bel etat, furent separes de la nation ; on leur enleva leur argent et leurs terres ; ils perdirent ainsi toute leur joie de coeur ici-bas. Toute cesle iulroductium Et ceste coDstitucion ■ ' pensee el diclee par Renard , fut sccllee sans contradiction , ou si elle fut contre- dite , les raisons contraircs furent tenues a ucant. VARIETES. CHIROMANCIE. ( EPISODE DE LA VIE DE CLAUDE TARI.\. ) Lundi dernier, an commencement de la nuit, nous sommes monies dans I'atelier deLaure. Sur leplus eleve de ses chevalets etait etendne une grande toile peinte en noir, ou il avait seule- ment menage au-dessiis de laligned'liorizon un clair presqn'hn- perceptible etd'un contoui' vague qui tremblait et rayonnait sous le regard. Charles s'approcha, et fit une exclamation qui nous ras- sembla tons autour de lui. Plusieurs resterent fascines. A travers ce point blanc, comme dans le cercle magique d'une chambre obscure, semblaient se mouvoir, parmi des nuances changean- tes, mille petits signes confns. Pierre et Jean y voyaient une im- mense assemblee de penple celebrant quelque anniversaire pro- phelique; Laurent, une scene de la convention; Jules, un plia- lanstere; Abel, ainsi que dans le conte allemand, des anges et de belles femmes parcourant le ciel : Hippolyte seul assurait gra- vcment, quoiqu'ily eiit un mouvement sardonique indefinissable sur ses levres , qu'il iV y voyait rien du tout. Einyale, qui a une explication philosopliique pour chaque chnse , declara, en se coucliaiit siir le sopha on poseiit d'ordi- naire les Vierges etlcs Venus, qu'il etait facile d'intcrpreler I'em- Lleme de Laure. Selon lui, ce globule lumineux etait simple- ment I'etoile de la vie qui, au plus sombre des desencbanleraens et des douleurs, nous attire en jetant toujours en avaut de nous denouvelles lueurs d'esperance, et uous force de conlinuer a la CHIROMANCIE. S^y suivre , ne fiit-ce qu'a la nianiere du fou de Louis XIII , dans Marion Delorme , par curiosite. — Yoilh une pensee de Claude Tarin , gronda la voix melal- lique de Jeau. On lie distiuguail deja plus que les platres et quelques pales figures irailees de Vandyck et de Rembrandt append us aux mu- railles. Sur nos tetes le plafond de verre etait gris conime un brouillard. Claude Tariu ! ce uom avait rappele de Iristes souvenirs. On oublia la loile pour parlor de ce pauvre ami, pour deviser sue ses fantaisies, ses aventures , ses projets singuliers sitot eva- nouis. Peu d'hoinmes , vraiment, out jamais plus etrangement que lui meiie I'exislence. Dieu sait le nombre, la varieie , la rapi- dite de ses pas depuis le jour ou il sauta en bas de son berceau jusqu'a celui ou nos mains I'ont pieuseraent descendu dans un trou de terre : il a passe devant nous du train d'une boule de billard qui s'elance de la baiide, se heurte, tourbillonne , se precipite en zigzags, et tout a coup s'ensevelit dans Tune des fosses du tapis vert. Excellent Claude! jamais il ne disait : a quoi bon? que faire? . a quoi cela sert-il? Jamais on ne le voyaij elargir sa boucbe en un ovale de trois pouces pour enfanter ce mot ridicule : Je m'en- nuie ! En quelque lieu et en quelque moment qu'on I'eut rencontre , on Feiit trouve passionne, actif d'esprit et de corps. II courait apresles emotions que laplupartdes homines fuient deniere leur porte avec un effroi tiraide, ou attendenl avec une folle coufiance accoudes k leur fenelre. II etait continuellement "a la piste des ac- cidens bons ou mauvais, des interrogations et des reponses , des tressaillemens , desjoies, des afflictions, des opinions, des syste- raes ou des croyances. II les pourchassait a pied, "a chcval , en di- ligence; sur les naviresj il nageait, il patinait, il courait, il val- 38o VARIETJES. sail, il galopait, il dansail , il gravissait Ics montagnes : il tirail a lui tout ce qu'il pouvait s'approprier d'element vital dans le luacrocosrae conime dans le microcosme, l)raqiiaiit des telesco- pes vers le del, des microscopes vers la terre, des binocles au spectacle, des lorgnons a la promenade, des lunettes et des lon- giies vues dans la campagne on en pleine nier. A viugt-six ans il y avait en Uii plus de souvenirs, d'observations, d'anecdotes, d'eveneraens; d'allusions ou d'hypoiheses qu'il n'en faudrait pour faire eclater le front le plus bleme d'entre tons les savans ou le front le plus liale d'entre tons les voyageurs. C'est qu-'il avait visite en grande partie ce que le procureur Bergeot appelait « les circoustances et dependances du patrimoine indivis des en- fans de Dieu », et qu'il lui avait ete donne d'extraire le sue d'nne conversation, d'un discours ou d'un in-folio, avec la meme ai- sance qn'un seigneur allemand met a vider un llacon de vin du Rhin. Excellent, excellent Claude! il jouait ici-bas son role avec entraineraent, presque sans reprendre haleine, ct sans trop s'in- quieter de sa part dans la catastrophe, connaissant nn denoue- ment qu'il etait toujours libre de choisir, s'il avait quelque motif d'en. redouter un plus malheureux. Toutefois on I'entendait rarement exprimer d'opinion sur ce grave sujet : car il n'etait pas de ceux qui a tout propos penchent et secouent la tete, plissent leur front, soupirent bruyamment , voilent leurs yeux , recueillent sur le dos de leurs mains deux larmes ou quatre, et ne manquent jamais une bonne occasion de faire comprendre par de sourdes interjections quelque projet sinistre ; gens qui empoisonnent I'air des autres, raoins avares d'avertissemens mortuaires qu'un coramissaire k cheval de- vant une emeute, plus redondans que le crieur recommen- cant toujours a annoncer aux encheres publiques les derniers feux. Pourtant il avait souffert, et certalnement il avait nourri parfois nne pensee secrete, excusable dans le tems present, poinvti que- Ton ait encore foi er espoir en quelque chose CHiROMANCiE. 38 1 (autrement il est phis profitaljle aprcs tout fie gaider sa place a ce spectacle sans pareil, et tie s'arretera voir nos petits Cesars pietinant dans la vase du Rubicon), niais il ne se souciait point' de se kisser deviner. C'est seulement a la curiosite d'une per- sonne, qui depuis a prouve cruellement son repentir, que ses amis doivent d'avoir appris ce que contenait une petite cassette de chene richement encadree d'acier, et qu'il n'ouvrait jamais. Claude y avait dispose avec metbode , par importance de genres et d'especes , certains objets dont la decouverte aurait " pu suffire pour attirer sur lui un mandat d'arret, sil avait assez vecu pour s'aviser dans ces derniers mois de monter prendre I'air sur les plombs de Notre-Dame , de se proraener nuitamment aux environs de la rue des Prouvaires, ou de s'ecorcher le tibia en escaladant an mois de juin la fenetre d'une belle, et d'envoyer cbercber par megarde un chirurgien doctrinaire, en supposant qu'il s'en fut trouve un seul dans Paris. On voyait dans la case superieure une corde forte et lisse, roulee autour d'un puissant anneau de fer ; a cote , uh petit sac plein de charbon soigneusement ferrae pres d'un petit rechaud cisele comme une cassolette d'encens ; plus loin, deux pistolets a douijle detente qui avaient appartenu a un celebre duelliste ; des stylets de diverses grandeurs, depuis la fine et gracieuse lame qui au- rait pu se cacher entre deux doigts, ou s'accoler a un beau genou , jusqu'au .fier et etincelant poignard de Calabre, armes si seduisantes, qu involontairement on en tournait la pointe vers son cceur avec ce ravissement qu'on eprouve "a regarder I'eau du bant d'un pont, ou le pave du balcon dun troisieme etage. Le premier plancher enlSve , en trouvait un precieux assorti- ment de liijoux , de cristaux , et une collection de choses utiles d'ailleursa tons ceux qui etudient I'histoire naturelle; des buUes invisibles d'acide hydrocyanique etaient captives dans I'imperGep- tible cbaton d'une bague, dans la tete perlee d'une epingle d'or -, des flacons friables a la moindre pression recelaient des gouttes d'acide phtorique ; au-dossous etaient rangees des poudres arse- 382 VAftlETES. uieuses de toutes nuances, couleur de rose dans luie capsule d'ar- gent, couleur tabac d'Espagne dans une boite d'ecaille. II 3^^ avail aussi des acides miueraux concentres , des oxides inineraux, la stricLnine, lanoix vomique, les mercurielles, la morphine , I'o- pium:;sous des clochettesde verre, des champignons, qu'on eiU pris pour des papillons de nuit ; le minium , des cantharides , et une foule d'autres corrosifs anti-vitaux on stupefians , dont la troplongue nomenclature iie serait peut-etre pas sans inconve- niens pour qnelques lecteurs. • — II etait done millionnaire? dirait M. de Fongeray , en cos- tume de financier morose. — 11 n'avait done pas de mere ? dirait mie dame , en serrant son Adolphe sur son sein. — ll n'aimait done personne ? dirait, en hesitant, une ainiable demoiselle Suspendez vosjugemcns, de grace, mesdames et monsieur , repondrait Sterne, on'Hoffmann, ou Nodicr. Notre ami , mousienr, n'avait d'autre titre de fortune qu'un mince diplome de docteur-raedecin , qui I'autorisait a s'appro- cher detems a autre sur la grande route deceux qui s'arrelaient , pour sc faire payer par eux son ecot, moyennant qiielques me- naces ou quelqiips promesses. — II aimait tendreinent son pere et sa mere, madame ; et d'autres personnes encore , made- moiselle. Mais avant dix ans le monde possedera une biographic com- plete de Claude Tarin dans laquelle la plnpart des grands pro- bleuies sociaux seront resolus, a son occasion, en detail et avec conscience. Le soir ou nous trausporte ce recit , il fut nnique- ment question, sans digression aucune, de I'un de ses innom- brables caprices qui I'avaient conduit a etudier une science enlierement oubliee par les physiologistos et les astronomes mo- dernes . C'etait un beau jour de priutenis dans la grande galerie du Louvre, on la fraicheur de la ^ Seine et la runieur des ponts montaient ensemble par les larges fenetres. Le ciel clair et pur etait d'une profondeur inlinie. A droite et a gauche les ta- CHIROMANCIE. 383 bleaux se deroulaieat a perte de vue, livres merveilleux a un seul feuillet , eciits en raille langues diVerses ; instrumens melo- dieux, rendant d'eux-memes incessamment des sons divins , comme ces harpes jadis abandonnees aux vents par les mains glacees des bardes ; miraculeuses ouvertures faites par des genies eleinls aux voiles du passe, et peut-etre de Tavenir. Qa et la, les curieux et les curieuses nouaient, denouaient en passant leurs groupes. Tarin allait et venait, respirait , re- gardalt avec d'ineffables delices : a la fin ses yeux se fixerent sur une admirable peinture du Caravage , on Ton voit nn joli cava- lier adolescent livrant sa main aux presages coniplaisaiis d'une bonne jeune Boheniienne (1). — Eh! pensa-t-il, jeneconnais rien en chiromancie. Que si- gnifient , an dire des devineresses , loutes les lignes des mains? Quels sont les fondemens faux on vrais de cette vieille science? Et poussant a fleur de levres un certain cri furt bizarre, qu'en 1822 il' avail rapporte d'Islande, il ajouta en se dirigeant du cote des escaliers : « Tu sais cela , sans aucun doute , mon cher Phili}^3s Rolls ? » Philipps Rolls , qu'un evenement tragique a depuls rendu tris- teraent celebre, demeurait alors au deuxienie etage d'une niaison de bonne apparence, situee dans un repli de la rue du Dra- gon. La singularite de son esprit investigateur lui avait gagne le coeurde Claude. Sescharabres et sa bibliothequeoffraient d'ail- leurs des raretes et des curiosites d'un certain ordre, qu'on cher- cherait en vain dan^ nos etablisseniens publics les plus renommes , quand bien menie quelqu'un , a moins d'etre fiuorise de la protection d'un employe on d'un Suisse, aurait la patience de lutter contre le desordre de plus en phis desesperant des catalogues , et la gravite de plus en plus grondeuse des conservateurs. Ses meu- bles (itaient converts de machines en miniatures , d'instrumens bizarres, de compositions prestigieuses. Ceux qui I'ont visite vers cette epoque peuvent se rappeier entre autres choses un plancher mouvant, un coffret resonnant, phisieurs androides , un orgue .')84 VARIETES. hydrauliqiie , iin oiseau a la Robertson , le plan d'une sallc de spectacle reunissant tons les effets d'optique du panorama, ou il eiit ete agreable de voir violer indefiniment Tunite de lien, et on la Inmiere croissait et decroissait progressivement , an lien d'arriver on de s'en aller avec la prestesse d'nn valet quand I'ac- tenr dit , en regardant la coulisse « Oh! vo la le jonr', ah I voici la nnit. » Un cabinet de moyenne grandeur etait tont entier oc- cupe par nn onvrage mecaniqne tres-remarqnable , une pe- tite lie animee , eclairee par nn brillant soleil de cristal. On ne seserait jamais lasse d'y regarder a la loupe les tnmnltes des marches , les embarras des rnes , les mysteres des charabres , les travaux des champs, les parties de chasse dans les bois on les parties de peche sur la riviere. Ce n'elait pas, .comnie on etait d'abord tente de le croire , la faraeiise ile de Lilliput , qn'un navigatenr anrait, sans plus de scfnpules que lord Elgin , rap- portee dans sa valise ; mais nn pays civilise , nn etat modele dedie a toutes les nations d'Europe. On pouvait facile- ment le reconnaitre a Finnombrable quantite de canaux qni rongeaient et retrecissaient la terre en tons sens^ aux my- riades de bateaux a vapeur qui enfumaient Tatmosphere, et a un nouveau systeme de chemins de fer , sur lesquels des voitures sans chevanx emportaient et cnlbutaient de petits bons hommes qui baillaient de toute leur force pour avaler un pen d'air respirable et onvraient de grands yeux , afin de surprendre a la derobee un point de vne sur cent. Ge que les personnes graves et sensees y remarquaient de plus curieux , c'etaient les rouages et les ressorts dun gouvernement representatif perfec- tiomie , qui , pour le definir avec precision , ressemblait presque h quelqne chose d'analogne a ce qu'on peut iraaginer d'une mo- narchic entouree d'inslitutions republicaines Ce grand travail avaitcoutcaVautenrbeauconp d'efforts d'esprit, ijcancoup de pe- tits outils d'acier et beaucnup d'huile. Eniin la machine paraissait cnelat d'allcr pendant quelque tenis, aumoins jnsqn'an prochain CHlROMANCIt. 385 chaiigcmeiit de saison, quoiqu'on entendit continuellement, iion sans inquietude, uii bruit sourd, occasione par les froissemeiis in- evitables des cordesa boyaux, qui chassait , a des iiitervalles "a peit presegaux , une nuiltitude iunnense sur les places, brisaitles vi- tresdes palais, agitait les cloches, et mettait surtout fort en colere le gros chat brun d'un voisin , professeur de philosophic, vrai chat sauvage , animal autocratique , toujours ' pret k detruire d'un coup de pate le bienheureux equilibre politique de ces mal- heureuxmirmidons. Rolls savaital'improviste changer du blanc au noir le reflet d'un habillement, griiuer artistement un visage, t'aire entendre des soupirs on des eclats de rire dans I'air. II avait retrouve le secret de peindre la pupille de I'oeil , que possedaient quelques dames de lacour du tenis de la regence. 11 assurait en avoir fait I'epreuve avec succes sur plusieurs anonymes de distinction. Lui-meme avait metamorphose ses yeux gris , et s'etait donne des prunelles tres-originales , la couleur de Tune tiraut sur le vert, et la couleur de I'autre sur I'argent, ce qui ne I'empechait pas de voir encore assez distinctement , quand il portait une enorme paire de besides de son invention. C'est a lui qu'on doit ce petit me- canisrae ingenieux du collier, surmonte de deux legeres pinces qui s'adaptent sous les deux oreilles et glissent dans la chevelure, de nianiere "a soutenir moUenient la tete pendant les sommeils I'urlifs du jour. II en a fourni plusieurs assemblees, et notam- ment le Palais de justice. Cette circonstance, generalement peu connue, serth expliquer pourquoi il en voulait tant au cou de ses juges pendant son proces devant la cour d'assises, et pour- quoi , malgre son innocence d'intention , sinon de fait , il s'e- cria , apres avoir entendu prononcer sou jugement : « Je I'ai bien raerite! » L'amitie de Philipps Rolls etait une bonne fortune sans pa- reille pour les petits et les grands enfans. Aussitol que Claude Tarin I'eut informe de son nouveau desir, il le mena devant une planche d'armoire ou etaient entasses quel- ques-uns des ohjiels les plus iudispensables a I'elude de la chiro- 386 VARIETES. inancie, et, donnant ensnite im libre coins a son enthousiasine, il sc piit a discourir sur la necessite d'une sainte croisade eu fa- veur de la memoire des alcbimistes , astrnloijues, divinateurs et autres princes des sciences absconses. II pensait qu'eu redescen- dant versces tems maudits park voix pnissante du dix-buitienie siecle, on trouverait encore de viyes elincelles de genie parmi les cendres disperse'esdela vieillescience, conmieen creusantprofon- dement la terrenous decouvrons encore des tresors meles.a la pons- siere des anciens monumens. Claude , ajouta-t-il, frappant d'un bras distrait sur le gros cbat bruu qui s'elanca avec uii cri plaintif vers la lucarne de son inaitre, mon bien-aiine Claude, sans parler du grand monde, runivers, arrivera-t-on jamais aconnaitreseule- ment le petit raonde, I'bomme, si Ton s'arrete, eu haine des syste- mesepuises, a considerer isolcment, une a une, les fibres de sou corps et"les pensees de son auie. Cependant pnisqu'autonr de vous on continue a se dispnter les diiferentes parties de son etre, son foie, son coeur, sa physionoraie , son cerveau , son crane , emparez-vous de sa main, et avaucez en toute liate, car Theure de la nonvelle syutliese approche oil les conceptions agrandies du passe recevront une justification eclatante. — Et parlantainsi, sans y songer, tete une et en babouches, il reconduisit son ami a tra- vers les rues, prononcant avec des gestes animes une belle orai- son funebre-, d\uie erudition formidable, qui dut consoler dans Vexil ou leurs omJjres sont errantes les chirpmanciens , chiro- nomiens, necromanciens, playsiognoiiies , psycbagogues , phy- loscopes , tbeomanciens , lecauomanciens, gastromanciens, ca- toptromanciens, alectryomanciens , aeromanciens ,^ aeroscopes , hleroscopes , extispiciniens , bydromanciens , crithomanciens, crystallomanciens , onymanciens, ononiaiiciens, oomanciens, oenomanciens, ooscopes, ocoscopes , oryctoscopes, oneirocretes, oneiroscopes , oeinisticiens , oneiropores , axinonianciens, dac- tylomauciens, anthropomanciens , geomanciens, geos(^opes , pa- lomanciens, arithraanciens, logarithraanciens, anagrammatistcs, metagrammalisles, tepbrauianciens, aleuromanciens, pyroscopes, CHIBOMANCIE. 38'J pyromaiiciens, meteorologuesj keromanciens, cleromancieiis , teratoscopes , zooscopes, hepatoscopes , hyclatoscopes, capno- manciens, lil)anonianciens, castinonianciens , botanomanciens, kephalocnoinanciens , stichioiiiancieiis , cosciaoniaucieiis , me- toposcopes, childomancieiis , gyromanciens , geloscopes, cory- linianciens, el le rcste (2). Claude, asyourdi, se precipita en bas dii trottoir entre plu- sieurs voitures luttant de rapidite, des lan.daux bourgeois avec arraoiries, flanques de (-itoyens en livree. Quand il fut arrete de- vant le guichel du Carrousel, il jeta uu adieu definitif a Rolls, qui achevait immobile sa peroraisou a I'autre bord, et il courut s'enfermer avec son precieux fardeau dans rappartement que lui avail cede avant son depart Jules Ra^nal, liotel du Rhone. Les jours suivans, avide de livres et de manuscrits, il fit damner les bibliolhecaires et les libraires , adressa une circulaiie a tons ses correspondans , bonleversa lontes les boiles des quais et s'intro- duisit, malgre les portiers et les ferames de cliambre , dans les ca- binets d'etude de ses amis. II parvint ainsi a rassembler en peu de tems les oeuvres des chiiomanciens les plus digues de re- nora, Sur sa table elalent amonceles les formats divers de Pa- trice Tricasse, Codes, Jean Bellot, Andre Corue , Gaspard Peucer, Cardan, Rodin, Artbaud, de la Chambre, Flud, Ro- dolphe Goglenius et son homonyme, Gozelin , Jean de Hagen (Joannes delndagines), Moldenate , Jean Tesnier et Savana- vole(5). Unefois enbaleiue", il traversa en tons sens le moyeii age, descendil vers le Bas-Empire, vers la Grece, et ayant meme penetre pendant une nuit jusqu'au furaier ou gemit eternelle- . ment la majestueuse iufortune de Job , il enieudit ces paroles du vieillard : « C'est Dieu qui met comme un sceau sur la main de tous les » hommes afin qu'ils reconnaissent leurs ceuvres (4). » En meme tems, il s'entoura de mains de toute matiere, d'ivoire, de buis, de cire,- surtout de mains de platre moulees sur nature , se mefiant avec raison de celles des scidptcurs , 388 VARIETES. fussent-elles de Michel-Aiige , qui, sans mechancete, par pure iguorance, le diviu maitre! a mis au bout des bras de plus d'uu saint les mains d'un diable. Apres vingt jours et vingt nuits de patientes elucubrations , d'analyses, de resumes, de commeulaires avec figures, un ma- tin , au moment de se decider a se lever , il s'apercut tout a coup qu'il etait en etat de lire courarament dans ses deux mains. 11 sauta hors du lit , et, apres s'etre approche de la fenetre pour se convaincre qu'il n'etait pas le jouet d'un songe , il se courba en arriere, etendit les bras , et se mit a eclater d'un rire bruyant comme une fanfare, songeant qu'il etait certain "a I'avenir de por- ter toujours avec lui en tout lieu au couronnement de ses man- chettes, un nioyeu naturel de distraction, uii sujet inepuisable de pressentimens et de reveries poetiques dans Tinterprelation des profonds mysteres des lignes, etoiles, croix , leltres , nom- bres, arcs, angles, triangles, quadrangles, orbes, fourches, cro- chets , points , chainettes , rameaux , serpens , grillages , noeuds , excavations , montagnettes , et couleurs qui couvrent , mobiles on immobiles, lessinuositesdes metacondyles, condyles, pzocon- dyles, le creux de la vole, les contours du stethos, du thenar, de I'hypothenaret de la rascette (5). Aussitot il mit de cote la tra- dition ecrite ou imprimee , modelee on peinte, et resolut de ne plus experimenter que sur la chair vivante. Or , dans toutes ses actions, si folks ou insignifiantes qu'elles pussent paraitre, Claude (le biographe a presque honte de le dire) , Claude se proposait un double but : I'utilite de tons et sa propre satisfaction. 11 sera pardonne pour cette vieille manie de jeune horame par les bonnes ames qui se soht douloureusement • resignees a I'ego'isme, parce qu'elles avaient honte depenser au- trement que tout le monde et de se faire remarquer . Quant aux per- sonnes qui seraient tentees de plaisanter ou de s'irriter , elles dai- gneront peut-etre se rappeler que Tarin etait un etre evidemraent anormal, et qu'il a nial fini, comme cela devait etre, ayant ete surpris au milieu de ses utopiques exaltations par une mort pre- maluree. I I CniROMANCIE. 889 II resolut done de chercher "a decouvrir iin grand homme, suivant les besoins de son siecle, et ensuite une honnete femme, suivant les desirs deson coeur. II entenJait chaque parti demander luie main de genie audes- tin, a la providence ou aux electeurs. — Pour guider les renes de Fetat, disaient les' uns en serrant les dents et fermant les poings, il faudrait une main de fer. — Derriere eux il y en avait qui psalmodiaient ces mots : Quelle main se levera comme la main de Moise au combat de Raphidim, et fera descendre du ciel sur nos tetes la paix et la concorde ! — Quelques autres , boiis et genereux , mais tourmeules de souvenirs dechirans , sorabres comme F.Lemaitrc dans ses plus beaux transports : Qui done cache sous son manteau une main assez forte, assez pure pour arracher au bourreau son glaive , pour en frapper d'un der- nier coup vos sceptres vermoulus, vos faux diademes, batards orgueilleux, et brisant ensuite ce fer rougi du sang du peuple, pour le precipiter au loin dans I'oubli du passe avec les debris de vos trones et de vos echaflnids ! — Et d'autres encore , aussi melodieux que la flute dumont Ida: ce qui nousconviendrait le mieux , 6 mes lionorables coUegues , ce serait une main habile- meut construite dont tous les ressorls resteraient dans nos mains, 6 mes lionorables collegues, et qui ne serait jamais tentee de donner de soufllets ni a droite ni a gauche. Tarin ne comprenait pas les uns, il craignait de trop sympa- thiser avec les autres, et il s'inquietait peu des desirs des der- niers, que Rolls eut pu satisfaire moyennant un juste prix. II se crea lui-meine un type dans un moment d'enlhousiasme, en sortant de diner au Cafe anglais. Sous les arbres du boule- vard, il crayonna une petite main avec des indications dont la typographic ne pent reproJuire que la partie la plus vulgaire. « La cardiaque et sa soeur claires et profondes ; — quatre lignes au carpe ; — I'hepatique et la voie lactee avec etoiles regar- dant le mont mercurial , bien apparentes ; — toutes les lignes principales continues, regulieres et jointes aux angles ; — la TOME LIV. T\lA.l ET JUIN -1832. 26 390 VARIETES. saturnienne fourchue aux cxlremites et traversal! t ea croIx la mensale ; — la crplialique, iiioyeiine natuielle, s'cpanouissant d'lm cote h la fin de riiepatique , de raiitie a la fin de la vitale- les montagnes de Jupiter et de Saturae haiites et fermes; — pa- rallelisuie parfait au quadrangle ; — uniforraite de teiiite a la plaine de Mars, n Parmi les signes particuliers etaient des deltas, des cyclo'fdes et plusieurs lettrcs sidcrales , se referant surtout au tubercule jovien et ti la ligne solaire (5). En regard, il ecrivit difierentes notes confuses : « Qu'il.n'ait qu'nn seul amour : Faniour religieux du peuple ; qu'une source de poesie : la souffrance du peuple 5 qu'une ambi- tion : la delivrauce du peuple ! » Que tout privilege excite sa baiue comiue rni vice. Que la \ue de toute niiserc et de toute degradation le trouble comme un remords. » Que pendant son sonnneil ces seals aiots soieat murmures par ses levres : I'aveair du peuple! et que pendant le jour ces memes mots ne puissent etre prononces devant liii sans que sa poitrine frissonne et que des larmes brulantes etincellent a ses regards. )> Toutes les vertus qu'il voulait daus I'etre de raison qu'enfan- tait son desir n'etaient pas encore iascrites sur son forget me not, Iprsque, versle declin ducrepuscule, il fit macliinalenient nn demi-tour en face de la Porte-Maillot. II ne lui fallait rien moins en veritc qu'un ennemi irreconciliable du je et du moiy un esprit d'une superiorite manifeste qui eiit en horreur la domi- nation , un demi-dieu a qui I'odeur de I'encens donnat des nau- sees; pour tout dire, un ecbautillon de la perfection infiaie qu'a trouvee seul jusqu'k ce jour M. Hoene Wronsky. II rentra chez lui , ferma sa fenetre en souliaitant du regard une bonne unit k sa voisine et a ses voisins , et , en sybarite ac- compli, se concha sans lumiere. Des qu'il eut pose sa tete sur son chevet , au moment ou la priere du chretien s'eleve vers Jesus: « Peres de la chiromancc, sojTz-moi en aide , murmura- CHIROMANCIE. 891 \-i\. La mala qui doit relever de leur abjection et de leur indi- gence tant de millions d'homraes s'ignore sans doute elle-meme, et a cette heure peut-etre caresse le noble col d'un cheval mek- lerabourgeois ou d'une bouteille de Xeres, roule une cigarette on joue sur un piaiw le Di tanti palpiti. Ah ! que je parvienne seu- lement a reconnaitre, a saluer le predestine qui la porte , et je lui revekrai sa puissance, et je lui dirai (ce sera toute jna part de gloire) : Allons , aliens , le terns est venu , leve-toi, Messie ! » D'abord il tourna ses pas naturellement vers les rangs de ceux tju'une heureuse etolle a fait naitre dans une condition favorable au developpementde toutes leni's facultes, qui ne sont pas lespri- sonniers du travail, qui sont en verite les pins libres d'entre tons ces esclaves qu'il y a deux mille ans on a convies a I'humilite en les declarant « egaux devant Dieu » , et qu'on a enorgueillis d'une vaine llatterie, il y a quarante ans, en les noramant « egaux dcYantla loi ». ( Connaissez-vous la loi? C'esl une divinite, je suppose ; la seule qui, survivant a ses luysterieuses conipagnes des mytholo- gies paiennes et chretiennes , ait remonte jusqu'a nous a travers les siecles. On ne lui connait pas de fete reservee ni d'autel fixe. Parfois elle se montre au meme instant a une foule de points differens du tems et de I'espace. II serait raoins aise de decouvrir saretraite habituelle que de dire si la penseehumaine repose pres dela glandepineale, au-dessns ou au-dessousdu diaphragme, ou dans les fioles d'Alstophe. Elle est assurement multiforme : elle se glisse dans les discours de tous les partis, dans les philippi- ques de toutes les gazettes ; elle se roule dans les plis de la pre- miere pourpre qu'elle rencontre ; elle aimante la pointe de Tepee tlu sergent de ville; elle agite les drapeaux que gonflaient autre- fois des chants devictoire; elle ecrit d'un doigt invisible ses or- dres sur les mursdenosvilles; elle s'elancedusommetdenos tours, fuit avec le vent et tombe a I'improviste ch et la, comme une flot- tille de ballons creves et perdus, sur la tete des prefets. Certaines fomniles d'evocation ont sur elles une influence magique : placez-. 26. 392 VARIETES. vous dans uu endioit public, dans un carrelbur ou phisieius rues se traversent encroix, deriiere quelques paves, s'il est possible, et ciiez par exemple h haute voix ces paroles : Honneur au courage denosperes! pitie pour les peuples! libertel esperauce?... Et sur- le-charap, sous la figure d'un garde municipal, d'un coramissaire, d'un niarchand d'epices, d'un general, ou d'un collenr, pen im- porle ! elle apparaitraau milieu des eclairs ct du lonncrre, et vous repondra avec de longs retentissemens : ctRespect ! Je siiislaloi !» — Depuis quelques annees on a dans plusieurs occasions re- pandu le bruit quelle s'etait exilee : c est une erreur ! Mes amis, parlons has , elle est partout, vous dis-je! Argus avait moins d'yeux, Briaree moins de bras, et Vepouse dn lieros que Nodier a immortalise dans les Cent et Ln moins d'enfans prets "a sortir de son sein tout armes pour la defendre ) (6). A qui sont reserves les dons du genie, songeait Claude, si ce n'est a ceux qui peuvent respirer a I'aise et lever "a leur gre , aussi long-tems qu ils veulent, leurs yeux auciel, ceux qui ne sont pas h tout instant surpris dans les elans deleur coeur et ramenes de force aux soins materiels de la vie par le son d'une cloche , d'un tambour, d'une horloge, ou par les prieres des marmots qui de- mandent en pleurant quelque chose h manger avec leur pain ou des sabots neufs. Peut-il raisonnablement avoir des pretentions a leguer sa memoirea la posterite, riiomme dont la vie entiere est un combat a outrance centre la mort, qui entend sans cesse gemir dans tout son etre : comment ferai-je pour vivre demain? qui chaque soir, accable de fatigue, montanta son grabat, con- sume malgre lui scs rapides loisirs a poursuivre dans lombre le spectre en haillons de sa vielllesse. . Oh! vive a jamais, pour le bonheur et la gloire de I'espece humaine, cet elernel privilege du petit nonibre de pouvoir pui- ser des le jeune age abondamment aux plus douces emotions, de voir, "a mesurequ'on grandit, s'agrandir devant soi et se teindre de mille nuances ini horizon sans fin, de se faire a soi-meme s« partde I'epos et sa part de labeur, d'attendrel'inspiration, de se CHIROMA.NCIE. 3()3 preparer a la recevoir , ou, si Ton aime mieux, d'aller au-devant d'elle, de I'invoquer , penche sur les ruines des villes antiques, ou dela saisir, de I'etreindre sur sa poitrine embrasee dansl'at- luosphere des chefs-d'ceuvre des arts , au milieu des grands spec- tacles dela nature. Claude, a la suite de cette apostrophe qu'il se fit a lui-meme et qu'il applaudit avec une satisfaction impartiale , composa uno ode en prose a la Fortune, et, afin de se conforraer au gout du terns, il prit ime epigraphe, ces lignes de Pascal : «C'est un grand avantage que la qiialite , qui, des dix-huitou vingt ans , met un homme en passe , connu et respecte , corame un autre pourrait avoir merite "a cinquante ans : ce sont trente ans gagnes sans peine. » Impatient de commencer sa recherche, il se lanca plus avant que jamais dans la haute societe , c'est-h-dire « parmi deux ou » trois cents personnes bien nees, appelees le monde, je ne sais » trop pourquoi, moi qui le connais, « dit cet insolent et su- blime lord Byron. Onle voyait avec surprise aborder hardiment les gens les plus renommes , les plus fiers , les plus taciturnes , les plus fats, les appelant ses amis, ses maitres^ avec de vives demonstrations de joie , et parvenant loujours k leur saisir la main gauche (7), et h y plonger le regard : Fi hncio le mani, sigiior. ' — How do jou do , sir. — Sous quelles fenetres avez- vous recu cette noble cicatrice, marechal. — Voici une imper- ceptible tache d'encre , M. le comte, qui trahit vos vellles. Si I'ingratitufle politique ne pent affaiblir tant de devouement, du moins vous devez menager votre saute pour vos amis. — Ah ! mon cher monsieur, les doigts de Paganini avaient deux lignes de moins qae les votres , je vous jure. « II etait tellement decide a ne laisser perdre aucune chance d'experimentation qu il eiit volontiers disloque sans pitie les doigts qu'il n'eutpu serrer avec tendresse, afin d'avoir occasion de les considerer "a loisir en s'of- frant pour les remetlre. Cependant les jours s'ecoulaienf, pen de personnes echap- 394 VARIETES. paient a ses pieges, et son esperance se melait de doiite a chaque epreuve nouvelle. La plupart descouleurs lui apparalssaientlivi- des ou fades, les llgnes indistinctes ou caves, ternes ou obscu- res ; la vie s'epandait a peine, stagnante ou sans vigueur a tra- vel's ces mille rivelets , les uns engorges, les autres vides ; au mont mercurien conime au triangle , de nonibreuses intersec- tions courtes et rompues , semblables a de petits rameaux desse- ches , indiquaient une orgueilleuse timidite de conception et une insondable diffusion de science. Aux symboles du cceur, son ceil exerce reconnaissait , dans les inegalites informes des dentelures presque toutes emoussees, les traces d'une vieillesse preraaturee de sentimens qui le faisaient tressaillir toutes les fois que rele- vant ses regards il rencontrait des fronts fortement onibrages de cheveux noirs, un teint bien nourri, et des accidens osteologi- ques "a rendre stupefait d'admiration un eleve cranomancien. II etait surtout attriste lorsqu'a I'aide d'empreintes de cire que Rolls lui avait confiees , il comparait aux mains revolutionnaires et imperiales les mains de la restauration , miroirs on glissaient tour a tour les ombres d'uii rlieteur sopliistique , d'un grammai- rien politique , d'une marquise acariatre, d'un abbe haineux , d'un journaliste speculateur, d'un agent de change nouvelliste ,. d'un traitant philantrope, d'un chanteur oud'un dauseur phil- hellenes, et ii lour suite d'une auguste corporation de legislateurs affames. Assurement il y voyait aussi quelques figures imposantes qui semblalent avoir survecu a leurs races eteintes; msis il compre- nait qu'il faudrait pen de terns a I'indignation et au decourage- ment pour creuser leurs tombes. « Voila done , s'ecriait-il , comme a fletri notre sol cette dou- ble irruption de flots souleves par les imprecations des monar- chies agonisantes ? Yoila ce qu'ont repandu de fetides exhalaisons dans I'air ces restes corronipus de I'ancien regime tout a. coup rejetes sur nos tribunes et sur nos arcs de triomphe? Voilacequia succede 9 la generation qui couronnait le sonnnct oii .se sont joints CHIROMANCIE. 3g5 les deux siecles, une generation fiere de son materlalisme politi- que, insouciante d'accroitre rheritage de liberie que lui out legue ses peres , oublieuse de la noblesse d'energie et d'enthou- siasnie qui eclairail son berceau ! » La misantropie frappait le pauvre Claude de ses ailes chau^ ves, et refroidissait sa foi dans I'avenir; mais il n'etait pas homme a se declarer si tot vaincu. II se raartela le front de ses deux points, et s'invectivant de mille injures , il nous dit : J'e- tais bien sot de ni'attaoher a ces mains que I'oisivete enerve, que jamais la necessite ne stimule. Le ciel confonde' ma stu- pidile! c'est au sein du peuple lui-meme que je trouverai le grand hotome ! Nousavons toujours soupconne que I'lm de ses discours les plus chaleureux sur le proletariat fut compose vers cette epoque. C^ qui est plus certain c'est qu'il changea subitementde costume etdelangage; il parcourutles ateliers,, les marches, les ports, les barrieres : il devint le niedeciu des pauvres. On lisait sur une plaque de cuivre incrustee dans sa porte : Consultations gratidtes, etdu matin au soir, au logis et en ville, son soin etait d'inter- roger les ouvriers surleur saute , sur leurs travaux , sur leurs af- flictions, sur leurs esperances. Mais, helas, helas ! a quoi bon le suivre dans ce dedale d'in- fortunes ! II se perdait au milieu de cette plebe immense qui de- vantses pas s'etendait de plus en plus sombre et douloureuse. rc ct Tesprit pose'e arbitrairement , sans preuve , sans fondement , a recu , par la fer- mete Icgicienne de celui qui I'avait e'taUie, una de ces demonstrations negatives employees en geometric sous le nom de demonstration par I'absurde, et qui servent a enscigner la faussete d'un principc par la faussele des dernicres consequences auxquclles il conduit. C'etait e'vi- demment la seule melliode applicable a une hypothese pose'e a priori, et je crois que rien n'a manque' a I'eutier aclievement de la demonstration. Apres toutes les the'ories morales et gonvernementales deduites du principe , la raison est aussi fonde'e a nier la pre'tendue e'galite de I'esprit et de la matiere , que Teg^lite' du cercle ct du polygone inscrit ou circonscrit. Cette incroyable assertion est a peu pres semblable a cclle que pour- rait faire un ge'ograplie , (jui , apres avoir reconnu que le globe se com- pose de terre et d'eau , e'tablirait en principe que la terre est I'cgale de I'eau , et construirait ime the'orie physique sur I'entiere assimilation de leurs fonctions et de leurs qualite's. Nous nous contenterons de citer quelques extraits du discours de M. Ribes pour montrer I'esprit dans l?quel il est confu, ne pouvant le suivre dans tous les de'veloppemens auxquels il est entraine' par le sujet special qu'il se propose d'examiner. Voici le de'but : « Nous ne saurions faire un pas sans avoir un but, et nous ne marchons avec quelque securite qu'a I'aide d'un principe general qui nous sert de guide. » Un but que nous aimions, un principe qui nousdii'ige,voilacc qu'il faut a notre activite , voila ce qui jamais n'a manque' a I'homme. Or , quel but nous proposerons-nous aujourd'hiu? et quel est le fil conducteur dont nous sommes arme's pour I'atleindre au milieu des difficulte's qui nous attendent ? » L' HOMME, LA societe,l'univers, sont les objets que nous voulons connaitre , les sujets de recherche que Ton s'est propcse's dans tous les tems ; et successivemcnt on a raieux connu I'homme, la socie'te, I'univers. » L'esprit humain est parti du chaos, c'est-a-dire de I'unite confuse, et s'est avance' par des progres successifs veis I'unite harmonique. 1) J'ai caracte'rise dans une autre circonstance chacune des phases de 4 12 MELANGES. son de'veloppcment. Aujourd'liui je veux. sculement vous rappelei qu'un des tcrmcs dii progrcs, celui qui est le plus voisin dc nous, sc resume de la maniere suivante ; » h'homme, c'est une ame et un corps. » La societe , c'cst un pouvoir spiriluel et un pouvoir temporel. » h'unwers est renipli par un esprit infini qui regit le monde materiel. » Ici V esprit est seul la vie^W gouvcrne la maticre, qui, de sanature, est inorte ; et il en est ainsi dans I'liommc , dans la socie'te', dans I'uni- vers. » Des acquisitions immenses ont e'te le rc'sultat de I'application de ce princIpe general , qui a seryi de classcment a tons les faits pendant une longue periode de tems. » Voyez-Ie dans Tctude de I'liomnie qui doit fixer principalement Totre attention. » La vie est dans I'csprit : par consequent I'etudc de I'ame ou des faits spirituels, I'e'lude de la psycliologie sera I'objct constant des recherches les plus subtiles ; les faits ge'neraux et les faits abstraits seront examine's, approfondis avec un soin minuticux. » Mais ce corps, re'gi par I'ame, ne vitpas sculement par elle. » Si la vie est I'esprit , si la matiere est inerte , notre corps , en tant que vivant , est compose' d'wra prhicipe de vie et d'organes. » Et ce dualisme dirigera Tobservation et le classement de tons les faits ge'ne'raux, al^straits, vitaux , e'piorganiques de la vie du corps. » Ce n'est'pas a moi de vous dire comment la conception de spiritua- lisme servit a la marche des socie'te's et a I'etude de I'univers; il est cer- tain que , pendant une longue suite de siecles , tous les sentimens , tou- tes les ide'es, tous les actes , furent domine's, lie's par elle, et qu'elle fut bonne, puisqu'on s'avanca a la faveur de sa lumiere et qu'on I'a^raa. » Elle fut verifie'e commc un axiome par tous les travaux qu'il est donne' a I'liomme d'accoraplir, paries beaux-arts, par la science, et par I'application de la force materielle. » Mais un jour ce principe a cesse d'etre bon ; car les hommes les plus progressifs du tems , et blentot la majorite de ceux donl le suffrage a de r importance , se sont trouve's en dehors de lui. » Des ce moment on n'a plus foi enlui,'et toute activite' est employee k de'truirc le dualisme dans I'liomme, la socie'tc, I'univers. MELANGES. 4 '3 » Les sciences physiques donncutle signal : Ic sommet de redifice dii passe s'e'croule , et peu a peu re'bianlemcnt sc communique jusqu'a la base. La matiere, qui a e'te' re'prouve'e , flc'trie, sc releve et reagit avec violence contre I'esprit. Le doute a remplace la croyance aux princi- pes. h^analxse , qui divise , disseque , observe minutieusement les de'- tails , devient toute la metbode : par elle chaque jour s'accumulent des fails nouveaux que Ton a cliercbes avec I'intcntion d'infirmer le sys- temedu dualisme. » C'est avec des fails mate'riels qu'on infirme le spiritualisme. Le ma- te'rialisme , qui d'abord se conteole de nier , gagne chaque jour du ler- rain j les sciences physiques et leurs applications font des progres rapi- des, I'Encyclopedie , cette oeuvre immense de critique , s'elabore; I'his- toire naturelle , I'anatomie , la cliirurgic , c'est-a-dire I'aspect materiel de la science del'liomme et du monde extcrieur, sont I'objet de toutcs les investigations; la matiere, cnfin, va, se rehabilitant sous toutcs les formes; bieutot elle dominera I'esprit, essaiera de I'etouffer, et la dis- solution du passe' sera consomme'e. » Oui , messieurs, le regne du dualisme chrc'lien est fmi:tout ce qu'ii renfermait d'utile est e'puise' ■ les hommes ont cesse' de croire a I'utilite de la distinction d'un esprit infini separe des mondes ; les socie'te's ne veulent plus reconnaitre un pouvoir spirituel et un pouvoir temporel ; les savans rejeltcnt la distinction de I'ame et du corps , du principe vi- tal et de I'organisation. » Trois siecles de critique ont fait justice de 1' existence de I'esprit et de la matiere comme deux entiles. » Cepcndant la raison humaine ne saurait rester dans le doute. Certes, c'est beaucoup d'avoir dclruit un systeme qui ne servait plus le progres , ni dans les sciences, ni dans les arts; une the'orie qui ne liait plus tous les ftiits. » Mais la negation n'est qu'un e'tat transitoire. » Le doute nesaurait amenerlarc'alisation d'aucim actc : lescepti'cisme, c'est la mort,,.; etlavie, au contraire^ est une affirmation. Ainsi , aprcs la demolition , apres le materialisme , cette grande negation du spiritualisme, le besoin d'une conception positive, propre a une reorga- nisation nouvelle, se fait sentir; et pour le remplir, la metbode analyti- que, tant vante'e aujourd'hui , ne nous suffit pas. 4l4 MELANGES. » L'analjse ct la sjnthesc iie sont que deux moyens de verification d'un principe : cclle-ci precede des fails particuliers aux fails gene- raiix; I'autre des fails ge'neraux aux fails particuliers. » Mais pour justifier iin principe il faut I'avoir. Or , nous venons de repousser celui qui a servi de fondcment a la science passc'e , nous ve- nons de nier le dualisme chre'lien : raais qu'affirmons-nous ? » Nous affirmons, messieurs, I'unitc' et la multiplicite; I'liarmonie de deux e'le'raens qui ont e'le jusqu'ici cii guerre dcpuis Platou et Aristote ; que le cliristianisine avail lie's en subaltcrnisant I'un a I'autre , que re'clectisme a re'cemment miUes ensemble, avec I'cspoir pcu fonde de les voir cesser d'etre cnlulte, et qu'enfin nous allons combiner. » Aprcs avoir montre' que la matierc et I'esprit , ces deux conditions de tout ce qui est , sont associe'es et fondues ensemble pour former I'unite homme, et I'unite infinie, Vunwers , M. Ribes termine ces considera- tions ge'ne'rales en disant : « L'homme est done una unite harmonique , et non plus une dualite anarcliique. Plus de lutte entre I'ame et le corps, plus de guerre entre nous et ce qui est hors de nous ; I'liomme s'associe de plus en plus avec tout ce qui I'environne, avec ses semblables ct avec I'univers.M Le professeur aborde , apres ce prc'ambule pliilosopliique , le sujet spe'cial de I'liygicne dont I'enseignement lui est confie'. II montre qu'a cette question fondamentale : De quelle nature sont les rapports de V homme avec le monde exterieur, il y a dans I'c'tat actuel de nos con- naissances deux re'ponses qui font que la science de i'hygiene s'offre a nous partage'e en deux systemes. Dansle premier systeme, l'homme est subalternise' au monde exterieur, dont il subit passivcment les lois; les objets qui I'impressionnent sont la source unique de toutes les modifica- tions qu'il offre dans le cours de la vie , ct ils en sont , a proprement parler, les ageris. Ce systeme est celui de Vorganicisme. Le me'dccin possede en lui , par I'etude des accidens que produisent les circonstances exte'rieures , de nombreux moyens d'augmenter ou de diminuer Taction de cliaque organe, et pretend changer a son gre' I'exercice de la vie dans chaque individu. L'cducation ou 1' ensemble des ressources qui favoriscnt le developpement de I'individu a une valeur immense , qiu n'cst limilee que par les conditions natives de I'organisation. MELANGES. 4'^ Dans le systeme oppose , I'liomme est centre , il est independant du milieu dans lequel il vit ; ce qui I'enTironne lui est subordonne'. La vie est dans I'esprit , dans la cause vitale , dont les lois doivent etre e'tu- die'es dircctement en elles et non pas en dehors d'elles. Ce systeme est eelui de Vactwite , de la spontaneite. Lc me'decin s'applique moins a Te'lude du monde exte'rieur , et beaucoup plus a I'e'tude directe du corps vivant, a I'observation dcs faits d'unite' et d'activite'. L'action de re'ducation , Taction de I'hygiene , le cedent entierement a I'activite du systeme j soil que Ton s'adresse a I'ame , soit que Ton s'adresse au corps , en tant que vivant , I'effet des tentatives est borne, puisqu'elles portent sur des etrcs libres et spontane's dans leurs actes. Ces deux systcmes sur les relations de I'homme avec son milieu protcsteut continuellement I'un contre Tautre. La science comme la so- cie'te est divise'e en deux camps : dans I'un se de'fendent les vitalistes, partisans du passe' de la science ; dans I'autre , les liommes du pre'sent les attaqucnt et propagcnt les docti'ines du mate'rialisme medical. Une organisation nouvclle dc la science est ne'cessaire , car aucune des theories prc'ce'dentes ne donne satisfaction a tousles faits. llfautune conception plus ge'ne'rale ; il faut pouvoir se placer au point de vue si- multane de I'homme et dc I'univcrs ; il faut comprendre que I'homme est un etre itn , qui a divcrses manifestations. Tantot son pouvoir sc montre plus apparent, tantik c'estle pouvoir du milieu qui I'environne. On passe par transitions insensibles des cxemples ou lesfaculte's propres a I'etre vivant ont la pre'dominance , a ceux dans lesquels Taction des causes exterieurcs prend une influence de plus en plus grande. Mais , dans tous les cas , le systeme dc Tliomme est actif ; il Test dans ceux meme ou il obeit le plus manifestement , de meme qu'il est passif dans les cas oil son activite parait le plus commander. M. Ribes, apres cette profonde et savante analyse des partis qui di- visent aujourd'hni la medecine , revient a Tapplication de la doctrine pantheistique a la science : « Que je vous montre maintenant , dit-il , comment notre conception a pouvoir de Her tous les faits au point de vue de Tesprit et de la ma- tiere; c'est-a-dire , comment clie donne une attention e'gale aux deux aspects de Tetre , aux faits positifs que Tinteliigence appre'cie, ct aux faits positifs qui sont du ressorl des sens. 4l6 MELANGES. » Pom le me'dcciu matenaliste , riiomme est tout enticr dans ce qui est palpable en lui ; tons les fails positifs sont physiques ou cbiraiques. » Pour Ic me'decin spiritualiste , il y a des phe'nomencs matc'iicls et des phc'nomcnes vitaux : ccux-ci , dans lenr genre de posilif , sont ve- ritablement supcrieurs aux. aiitrcs; ils dependent dc la cause efftciente. » Nous quipartons de I'ide'e premiere que Tetre viyant est un ; qu'il a deux faces , la face spiriluelle ou accessible a la re'flexion , la face mate'rielle ou accessible au sens ; nous estimons autant , dans les condi- tions physiologiques proprcs a rhomme , ccUcs du premier ordre que cellcii du second. » Pour nous tons les faits sont a la fois organiques et vitaux ; et si nous gardons la distinction pre'ce'dente , ce n'est qu'avec la condition qu'elle ne consacre pas I'existeuce de deux entite's dans Yetre. ■» J/Iaintenant , toujours en ce qui concernc le corps vivant , tantot les conditions des plienomenes offrent cette particularite' que le plus grand nombre de leurs caracleres pent etre observe' par les sens , et le moins grand nombre par I'intelligence ; tantot c'est I'inverse : c'est-a- dire qmeles conditions d' action sont principalement du ressort de Tintel- bgenc<; , et peuvent etre a peine caracte'rise'es par quelques circonstances de la jihysique ou de la cliimie ordinaire. » La e'galement deux series inverses : dans I'une les conditions prin- cipalement organiques vont du maximum au minimum de de'velop- pement , tandis que les conditions principalement \>itales s' offrent dans un etat oppose. » Dans I'autrc, I'influence la plus grande appartient d'abord aux faits pi incipalement vitaux , tandis que la moindre est du cote' des faits organic ]ucs, jusqu'a ce qu'on arrive a ceux dans lesquels on voit de nouvesm se manifester le contraire. » Ai nsi s'cffectuc la combinaison des deux theories du passe , au point de vue de I'etre vivant , abstrait de son milieu , ou en ce qui concerne I'e'tudc des influences qu'il apportc dans les actes de la vie. » Apres des considerations me'dicales fort importautcs et fort eleve'es sur la conception dc la sanle ct dc la maladic , M. Ribes termine ainsi son disconrs : «Cliaqucetrc s'avance dans la vie aumoyen dc la double action dccc MELANGES. 4^7 qui lui appartient par constitution primitive , et dc cc qui apparticnt au milieu qui agit sur lui dc toute part. » Dans le coiirs de sa vie foetale , riiomme tient au placenta pai- Ic cordon ombilical, et il vit de sa vie propre tout en vivant de la vie dc sa mere. )) li nc passe a une phase nouvcllede developpemcnt qu'a la condition dc se licr dans le milieu dans lequel il cntre , comme a iin placenta nouveau. »Etamcsure qu'il dc'roule sa vie, les liens qui Tattaclicnt au mondc environnant sent plus nombreux, scs relations de plus en plus e'levees et e'tendues. »Dans cctte evolution successive del'elre, il y a toujours une double action a calculer : I'osuf de'vcloppe sa vie a la faveur de la chaleur ct de rdlectricitc sans doute; mais ccs deux agcns n'auraient point d'ac- tion sans les conditions et dispositions de A'ie existantes deja dans I'ceuf. » Le noiiveau-ne' ne pent vivre sans air, sans alimens, sans clialeur ; mais ccs agens supposent dans I'ctrc vivant des faculte's, des conditions qui lui sont proj)rcs, et par I'activite desquelles il se sert de I'air, des alimens et de la chaleur. » Les scntiraens,Tintelligence,la force mate'riellc,supposcut dans leur escrcice des objets et des circonslanccs exte'rieures nomlireuscs; aussi bicn que des faculte's sensitives, inteliectuelles et molrices, conditions organiqucs-vivantes qui imissent harmoniquement leur action a Taction exte'rieure, pour que des affections, des ide'cs, des actes physiques puissent etre realises. » Enfin, la realisation de cettc triple action suppose et le concours des deux sexes, et I'association de I'homme avec d'autres hommes. » L'e'ducation embrasse la serie f ntiere dc ccs developpemens. Son objet est de donner a chaque disposition de I'individu , en son tcms, les moyens de croitre et de se manifester^ de meltre chaque individu en face des circonstances qui convienncnt a I'exercice de scs modes d'ac- tion , dans tons les ordres de relation que comporte sa nature. » L'activite de I'individu (choses naturclles), I'activite du milieu qui I'entoure (choses non naturclles), voila les deux factcurs de son de've- loppemcnt et de sa conservation. )>La premiere est quelquefois si intense, les dispositions et les voca- 4l8 MELANGES. tions sont si prononcc'es, qu'en vain essaierail-on de les comprimer el dc les vaincie : toute puissance e'choue. » Mais dans certaines occasions il faut bcaucoup d'ai-t et de sagacitc', beaucoup de peine pour eVeiller I'activite' native et lui donner une di- rection salutaire. Le pouvoir de 1' education est alors le plus fort, et Ic de'veloppcment normal de I'etre ne s'obtient qu'a la faveur de toutes les ressources combine'es du rae'decin liygie'niste et du pre'ccpteur. » Entrc ces deux termes , s« rangent les cas les plus ordinaires , dans lesqucls la soUicitation et la reaction se correspondent a dcs degre's moins ine'gaux, et sont proportionnelles. » Telle sera la conciliation des vues des mc'dccins ou des philosoplies qui exagerent la part des dispositions primitives, et de ceux qui accor- dent une influence trop exclusive au pouvoir de I'e'ducation et du re- gime, pour modifier la nature de I'liommc. » DES LOIS DE L'HEREDITE ORGANIQUE. (SOCIETE ANTHROPOLCGIQUE DE PARIS ). Enannoncant,dansun precedent article, la fondation de la Socie'te An- thropologiquc (i), nous avons essaye' de donner une idee de son but so- cial et dc sa portc'e possible a une e'poque de transition ccmrae la notrc. Aujourd'liui nous venous rendi-e comptc dc quclques-uns deses premiers travaux , en nous attacbant surtout aux donnc'es utiles et d'une applica- tion gc'ne'rale. Nous nous efforcerons dc grouper et de coordonner les faits divers qui out etc pre'sente's par les membres dc la Socie'te touchant rhe're'dite organiquc. Nousne nommerons personne , car les noms n'ap- prenncnt rien , et la vc'rite' est a elle-meme son meilleur appui. Cepcndant nous devons a la justice de dire que ledocteur Spurzheim, president de la Socie'te, en dirige la mai-cbe, en cclaire les discussions avec une activite , un tact , un talent remarquables. Ce que ses labo- rieuses rechercbes , sa longue experience et son ge'nic analytique lui ont appris sur la pbre'nologie et la science de Tbomme, ill' expose a la [\) No-^cj. \e iium^ro dcjanvier de la Revue eiicyclope'Jique , p. 520. MELANGES. 4 ' 9 socie'te dans la premiere partie de chaque seance. II vent en amener ainsi les divers membves a un degre' commim de lumicres, qui leur permette d'appliquer plus surement les principes de ces sciences. Ses efforts ne seront pas perdusj et si , corame il I'a annonce , il se dispose a fairc dans rAme'rique septentrionale un voyage scientifique, la So- cie'te' , dent il fut le principal fondateur , et qui I'a nomme son pre'si- dent perpe'tuel , saura , nous n'en doutons pas , demeurer en son ab- sence fidele a ses larges directions et docile a I'impulsion progressive qu'il lui a imprime'e. La premiere question soumise a I'examen de la Socie'te' est celle-ci : Quelle est Vinfluence de la nature et de ses lois , et quelle est celle des circonstances exterieures sur les conditions humaines? Les circonstances font les hommes : chacun re'pete ce dicton devenu populaire. Cepcndant il n'en est point ainsi : les circonstances de've- loppent , mais ne font point les hommes. Elles ne peuvent pas plus d'un sot faire un ge'nie que d'un ge'nie un sot. Au-dessus d'elles dominent toujours les dispositions , les faculte's que chaque homme apporte en nais- sant, ou dont la nature le done a un age plus avance. Cettc influence de I'inneitc', la philosophic et I'e'ducation I'ont a tort ou me'connuc , ou negligee dans la pratique. Les faculte's inne'es se manifestent en nous par des mouvemcns , par des actes. Ces actes, ces mouvemens s'exe'cutent tons par I'interme- diaire d'organes, ou d'appareils d'organcs. La physiologic I'avait prouve depuis long-tems pour la fonction nutritive , la fonction loco- motrice et les sens exte'rieurs ; Gall et Spurzheim , en de'montrant dans le cerveau des organes pour les instincts , les sentimens , I'intelligence , ont complete sur ce point le cadre de la science. Quoique de nos jours des preoccupations plus philantropiques que rationnclles , une vne trop re'tr«'cic sur la providence gene'rale aient tenlc d'e'tablir en principc I'e'galite' des intelligences humaines, leur inegalite' , leur diversite essentielle , n'en demeure pas moins certaine pour la plupart des hommes. L'expe'rience de chaque instant la justiCe j nos discours la reproduisent sous miile formes. Ce qui existe pour I'in- telligence , se verifie davantage encore pour le caractere moral et la constitution physique. Leurs varie'te's sont proverbialcs. Or , d'innoiiil)rables fails montrent jusqu'a I'c'vidence que les 420 MELANGES. diversitc's , Ics incgalites physiques , morales ou intellectuelles sont. toujours lie'cs a dc8 ine'galites, des diversite's correspondantcs dans rorganisation. Selon que les instrumens , Ics organcs sont plus ou moins sains , delicals , complcls , les fonctions s'exe'cutcnt avec plus ou moins dc promptitude , de facilite , d'e'tendue. Si Ton veut modifier I'liommc , ce sera done par son organisation qu'il faudra' I'attaqucr ; ear I'ame, cette force puissantc et myste'rieusc qui donne I'impulsion a la vie, ct y maintient I'harmonie et I'unite, e'chappc a nos observations, et ne nous laissc aucune prise sur sa nature insaisissable. Mais, pour agir sur I'organisation Inimaine, il faut la connaitre dans ses details , dans son ensemble , dan's ses lois ; il faut I'avoir e'tudic'e sur une grandc c'cbelle, ct dans tons ses rapports appre'ciables. Alors scule- ment il sera possible dc distinguer en elle ce qui est individucl dc ce qui appartient a I'espece , ce qui est normal de ce qui est anonial , ce qu'il faut restreindre de ce qu'il faut de'vclopper. Alors seulement nous pourrons connaitre la hie'rarcbie de predominance qui existe entre les lois de notre nature , et chacun dc nous , en y conformant ses pense'es , ses projels , ses actions , pourra s'associer par I'intelligence a la volontc dc I'Etre des elres , concourir pour sa part a I'barmonie univcrscllc. Silesfacultc'sde I'hommcsont innc'es,sielles ne scmanifcstcntqucpar des fonctions, ct si ccs fonctions ne s'accomplissent que par des organes, I'etude des organcs, et cellcs des lois en vertu desqucllcs ils se transmcttcnt aux generations successives , dcvicnnent du plus liaut interet. Aussi est-ce par la recherche des lois de I'he're'dite' organique que la Socie'te' anthropologique a vonlu commenccr a rcsoudre le problcme qui lui a etc' soumis. Nous allons exposer, aussi clairement que nous Ic pour- rons, ses premiers rc'sultats , et nous essaierons d'en tircr quelqucs con- se'quences. Voici la principale loi que I'obscrvation lui a prouve'e : Tout enfant a sa naissance he'rite plus ou moins des instincts , des sentimens , de r intelligence de son pere , de sa mere ou de ses aieux , et il leur ressemble au moral comme an physique. Ainsi , toutes choses d'ailleurs e'gales , des parens sains , sages, intelligens , auront une pos- terite plus belle sous tons les rapports que des parens maladifs, vi- cieux ou incultcs. Ainsi se rattachc au bien de Tcnscmble tout perfec- MELANGES. 4^1 tionnement individucl; ainsi s'ennoblit la cariiere de I'homme, s'agran- dit le doraainc des veilus prive'es. Larcssemblance des formes exterieures fragpe tout le monde.Poiir la resscinblancc inlellectuclleet morale, quoiqu'on enaitune intuition con- fuse, et qu'on soit biensouvent tente de dire .- Tel pere, tel fils , on n'en est pas communc'ment aussi convaincu. Que chacun y prenne garde, cependant, et I'etudic dans sa propre famille, il la retrouvera 'sans aucun doute. Mais qu'il se rappelle que la loi, toute ge'ne'rale qu'clle est, ne seve'rifie que pour les tendances fondamentales. Quant aux applications de ces tendances, ellespcuvent varier a I'infini. Cette b^'e'dite organique s'etend meme aux maladies et aux diffor- raite's. On I'observe dans la folie, dans la pbtbisie, dans les affections du coeur et de I'estomac, et dans d'autres encore. Le goitre est be're'di- taire en Savoie et dans le Valais. Des families entieres naissent avec six doigts aux mains. On trouve en Angleterre et en Ecosse beaucoup de paysans qui , sur le visage , portent des tacbes couleur lie de vin. Dans la famille des Conde's , on a compte plusieurs ge'ne'rations de borgnes. Nous pourrions citer mille autres cas encore. Quelque opinion qu'on adopte sur I'origine des races humainesj qu'on y voie des groupes isolc's , et qui se deVeloppent parallelement ; on , ce qui est plus vraisemblable , plus conforme a I'analogie , plus propre a socialiser les hommes , qu'on les rcgarde comme des rameaux d'un seul et meme tronc , plus ou moins developpe's par le climat , les circon- stances , les institutions ; toujours cst-il que rhe're'dite organique est la loi qui preside a lour distinction, a leur persistance, et que leur per- sistance meme est une des plus grandes preuves de cette be're'dite. Or, une seconde loi reconnuc dans I'organisation montre que Vin- fluence des dieux et des parens est d'autant plus evidente sur leur pos- te'rite que la race a laquelle Us appartiennent demeure plus pure, se melange moins avec les autres. Le pcuple juif peut ici servir d'exemple. Ses institutions religieuses et politiques , en I'isolant plusieuis milliers d'annees au milieu des nations, lui ont conserve' son type primitif , son caractere originel dans les circonstances ct sous les climats les plus op- pose's. Les savantps ct inge'nieuses recherches de M. Edwards nous si- gnalent plusieurs races dans la population de la France elle-menie , et chacune d'ellcs se montre a lui d'autant plus distincte qu'elle a eu moins TOME LIV. MAI ET JUIN -1852. 28 422 MELANGES. dc relations avoc Ics a litres. Pour Ic dire en passant, le parallelc dcs caractcres nationaux avec I'organisation externe et interne des races ouvre a I'histoire un cliainp fertile. Pliisicurs y sont deja entre's , mais il prc'sente encore de riclics raoissons. De ce que les caracteres physiques et moraux des races se repro- duisent par I'hercdite', et de ce qu'ils se confondent par leur ine'lanj^e , il de'coule unetroisieme loi d'une baute porte'e. C'est que le croisement des races humaines modifie jmissamment Vespece. On dirait , lors- qu' on suit dans riiistoire la marclie progressive de I'luiraanite, et les bouillonnemens, les fusions continuclles dps populations, on dirait qu'une force irre'sistible les y entraine , et que les homraes avanccnt d'autant plus vers leur entier de'velopperaent qu'ils se nielangent davantage , et se depouiUent , comnic d'un vetcment hors de saison, de ce que les cir- constances ont laisse' d'cxclusif dans leur nature. Les famdles humaines, apres s'etre de'sunies pour remplir la terre , scmhlent marcher vers une grande association , une grande fusion , pour n'etre qu'une scule et im- mense famille. Quoi qu'il en soit de ces ide'es, il est de fait que le croisement de deux races produit une race mixta , qui participe plus ou moins de I'une et de I'autre. Ce cioisement peut les ame'liorer toutes deux lorsqu'elles se distinguent par des caractcres tranche's et opposes. II peut les de'grader toutes deux lors(|u'elles sont toutes deux de'prave'es ou degene're'es. II peut aussi amcliorer Tune aux depens de I'autre , et celle-ci descend alors daas I'e'chelle humaine. Le grand legislateur Moise parait avoir su combien le melange des races modifie I'organisa- tion, et infliie sur rintelligence et la moralite. Car il attribue la cor- ruption des fils de Dieu a leur melange avcc les filles dcs hommes. Ou connait d'ailleurs ses lois seVere's pour maintenir par I'isolement la race heliraVque dans sa purete. Les Arabes , qui prennent de si grands soins pour consei'vcr intacte la belle race de leurs chevaux , se fondent sans doute sur une observation analogue. Comme nous I'avons dit pour les races, il semlde que la nature pousse aussi les families a s'allier : c'est la une des conditions ne'ces- saires de leur prospc'ritc. II est vraiment admirable que tout ce qui tend a unir les hommes tende aussi a leur bicn-etre, physique et moral. L'egoi'sme, I'orgueil restent sourds h ces enseignemens de la nature. MELANGES. 423 Les aristocraties , les families royales dc'daignent dc meler leur noble sang a du sang ple'Le'ien , et resserrent toujours plus le cercle de leurs alliances. Qu'en re'sulte-t-il ? C'cst que les aristocraties , les families royales de'ge'nerent , et que le pouvoir ecliappe a des intelligences sans lumieres, a des volonte's sans e'nergie , a des mains sans vigueur. De ce point de vue, les lois qui, dans I'antiquite et de nos jours, prohibent les manages entre procbcs parens, sontde la plus b ante sagesse. L'ide'e religieuse qui les a toujours accompagnees montre toute I'importance qu'y ont attachee les legislateurs. Quelle que soit Taction exercce sur les races , on ne pourra les mo- difier profonde'ment sans beaucoup de terns. Car c'est une quatrieme loi constante et gc'ne'rale , qu'il nefaut pas moins de trois generations pour donner aux races une direction positive. Mo'ise, en parlant des punitions que Dieu inflige aux idolatres , semble y faire allusion , lors- qu'il dit qu'ellcs s'e'tendent jusqu'aux troisieme et quatrieme genera- tions. II ne faut pas un inter\»nlle plus court pour ope'rer par des croise- mens la conversion des negres en blancs, ou des blancs en negres. Lorsque des mariages entre phthisiques se font piusieurs fois de suite , la maladie acquiert toujours plus d'intensite, mais ne devient pas be- re'ditaire avant la troisieme ge'ne'ration. Pour nous servir ici d'un exemple, tire de I'histoire des animaux, nous citerons un essai fait en Ame'riquc , il y a quelques anne'es. On a voulu dresser a la chasse une race de chiens qui y raontrait peu de disposition, et ce n'est qu'au bout d'xm certain nombre de ge'ne'rations qu'on a vu les jeunes chiens ac- que'rir sous ce rapport ime grande e'ducabilite' , et faire spontaneinent , et comme par instinct, ce qu'on avail e'te oblige d'enscigner a leurs parens. Si , comme beaucoup de fails semblent le prouver , le meroe tems est ne'cessaire pour de'velopper dans I'huuianite les vertus et les lalens, on en devra conclure a la vanile de nos educations inipatienles , et a la ne'cessite' de cultiver long-tems le terrain qu'on ensemence. En examinant I'histoire , d'apres ce principe , on rcvient sur quel- ques jugemens pre'mature's , et Ton ne critique plus si ameremcnt cerlaines institutions , telles que les castes de I'lndc ct de TEgyple. On conceit qu'elles ont pu avoir dans des tems grossiers une influence civi- lisatrice, et que, servant d'ecoles aux peuples,elles ont pu les faire mar- 424 MELANGES. flier rapidernent. Lciir fiincste influence commenca avec I'exces de lour tliire'c : unc seniblablc e'cliication, prcsijue nc'cessaircment exclusive, ne (levait etre que tt'iiporairc. L'lnimanitc' grandic sous plusieurs faces , ilfallait, aprcs queli|ues generations, lui laisser poursuivre en liLerte son perfeclionneraent. Aux grandes lois stir riicre'ditc s'en raltaclient d'aulres trop souvent oublie'es, et qui, secondaires en apparence, n'en sont pas moins Ircs-im- portantes. II cslreconnu , et Montaigne avail deja lixe I'altention sur ce point , il est reconnu que le moment de la conception exerce sur la sante et I'esjjrit des enfans une tres-grande injluence. S'il se pe'- ne'trait bien de ce principe , I'liomme se pre'parerait a la reproduction comme a la fonction la plus grave de son existence. II s'appliquerait a lui-meine les memes regies qu'il impose aux animaux qu'il eleve. En general, on ne devrait songer a seperpetner dans I'espece que lorsqu'on est doue de I'exces de vitalite individuelle qui y entraine. Les enfans de I'amour, concus presque tons dans un moment d'cxaltation , sont presquc tous gens d' esprit. D'Alembert , le mare'clial de Saxe en font preuve. Ici ilfaut, s'il est possible, repondre a unc objection. Pourquoi , demande-t-on souvent , les liommes de genie ont-ils souvent dcs enfans dc'biles , soit au physique , soit au moral ? Et I'on cite Alexandre , Cesar , Socrate, Cice'ron, Charlemagne et bien d'aiitres. Au premier aspect cette observation parait contredire ce que nous avons avance plus hautsur I'he're'dite' des formes et des faculte's. Mais la contradiction n'est qu'apparcnte. Sans parler des circonstances prive'esoii ccs homnies ont pu se trouver, disons que c'est une loi de I'organisme que deux actions n'y peuvent avoir lieu simultanement avec une e'gale e'nergie , et que I'exces d'activite d'une fonction , non-seulement nuit a toutes les autres, mais pent trouidcr , dc'truire meme ses propres or- ganes. En ce cas ce n'est plus I'usage qui devient funeste, c'est I'exces : or , ce n'est que dans I'e'quilibre de de'veloppement que I'individu comme I'espece pent prosperer. Cette consideration semlile iraposer a I'liomme, presque exclusivement intellectucl, un redoublement de pre- cautions. D'aillcurs ilest prouvc que les meres ont une tres-grande influence sur V organisation de leurs enfans. A priori on eutpu I'affirmer en se MELANGES. ^23 lappclant que la vie de ceux-ci a e'te comme entee siir la leiir , et que lefniit est boil quand I'arbre estlui-meme bon et vigoureux. Mais ce qui paraitra singulier, c'est que la mere semble se re'fle'chir surtout dansles enfans males, et les pcrcs dans les enfans fcmelles. L'affection reci- pioque des parens et des enfans parait en harmonic avec cettc confor- mite d' organisation. S'il fallait des preuves, elle se pre'senteraient en foule ; chacun les pourra clicrcher dans le cercle de ses propres re- lations. Une observation non moins constantc a montre 1' influence de I'age sur la reproduction. Des parens trop j'eunes on trop vieux nonl le plus souvent que des enfans faibles (V esprit et de corps. Les pre- miers nc'sd'un mariage precoce sont rarement distmguc's. Bacon I'avait deja observe'^ lui-meme n'c'lait pas I'aine' dc sa famille. On voit par la combien est peu fonde en raison le droit de piimoge'niture, tel qu'il regne encore en lantdelieux.Les agriculteurs appliquent cette loi dans leur e'conomie rurale. Rarement ils gardent pour leur usage le premier poulain ; jamais il n'e'lcvent le premier vcau , ,ni ne font couver les pre- miers ceufs. Moi'se de'fendait de conserver le premier ne' des troupeaux. On devait on I'immoler a Dieu ou le manger. Dans le cas d'une trop grande jeunesse, on saisit sans peine que les parens ne peuvent transmet- tre a leur poste'rite un de'veloppement , une vigueur qu'il n'ont pas encore acquise. Dans le cas d'un trop grand age , le meme effet est produit par une cause diffc'rente. Comment au de'clin de la vie un corps qui s'affaisse propagerait-il une sante, une force, une e'nergie qu'il n'a plus? On a encore signale' certaincs alternatives d'influence dans la succession des enfans. Mieux c'tudie'cs, elles pourront peut-elre un jour etre formu- le'es en loi. En Ecosse, les enfans d'un brasseur, au nombrcde cinq, vinrent alternativement au monde avec des mains calleuses et rudes , comme celles de leurperes, douces et polies comrae celles dc leur mere. Cette alternative se reraarque aussi dans la famille de I'homuie porc-c'pic dont parle Blumembach. Sur quatre enfans qui composent une famille maintenant a Paris , deux jouisscnt de tons leurs sens , deux autres sont sourds-muels : meme alternative dans leur naissance. On la voit souvent s'etendre a la propagation des maladies, de la phthisic, par cxemple, et ccla non-sculemont aux enfans dans leur succession, mais quelquefois meme aux generations successives. 42G MELANGES. De cc qu'on vient deliic, on pent concluie que Tenlaiit ne vient point ail monde comme une table rase, aiiisi que Ton pense' Helve'tius et d'autrcs ptilosoplies ; que la reproduction est soumise a des lois tres-constantcs ct tres-gcnc'rales ; qu'un des plus puissans moyens de re'ge'ne'rer et de pf rfeclionncr Tcspecc serait de suivre ces lois ; enfiu , qu'cn supposaut Ics liommes disposes a une rcforme , il faudrait ne pas oublier que rien dans la nature ne se fait brusquement. Quelle que soit 'a rcssemblance entre les parens et leur proge'ni- ture , jamais elle ne sera complete. Fe'conde dans ses combinaisons de Ibrmes et de faculte's , la nature joint toujours a I'unite' une varie'te ad- mirable. Jamais deux arbres , deux fruits , deux feuillcs, deux agncaux, deux horamcs entiereraent egaux. Quelque modification spe'ciale, phy- sique ou morale, fait de cliaque etrevivant une individualitc distincte. Les lois liumaines doivent done laisser une large carriere aux volonte's individuelles. Des institutions qui pre'tendraienl tout re'glomcnter , tout fixer , lout encbainer , fcraient ne'cessairement un nombre infini de mal- heureux. En contradiction formelle avec notre nature, elles nous de'- graderaient ou nous les briserions. Si I'influence des parens , si I'inneite ont sur la vie des Lommes un si grand pouvoir qu'elles de'cident presque toujours de leurs ten- . dances et de Icurs caracteres, il ne faut pas cependant lui tout attribuer et tomber ainsi dans un autre genre d'exclusisme. L'hommc n'cst pas unetrepurement instinctif: il a le privilege de se replier sur lui-meme, de sender les motifs de ses actions, de se modifier par la pense'e. C'est la , non ,sa degradation , comme Rousseau le pre'tendait , mais sa gran- deur. Ce qu'il a juge bon pour lui-meme, il I'adapte a ses enfans , aux etres qui lui sont cbers : de la 1' education. Les circonstanccs cxterieures varient , d'ailleurs , a chaque instant , et le monde est dans une me'- tamorpbose perpe'tuelle : comment I'etre dont il est I'babitation ne s'y modifierait-il pas profonde'ment? Nous exposerons , dans une autre occasion, ce que la Societe Antbropologique aura re'uni de principcs sur I'influence de re'ducation et des circonstanccs cxterieures , tant acciden- telles que pre'parees. Ses se'ances devenant plus rares avec la belle sai- son, nous n'aurons probablement a revenir sur ses travaux que vers la fin de Tannee. David Richard de Geneve. MELANGES. 4^7 PROGRES DE LA GEOLOGIE EN 1830 ET 1H31. ( SOCIETE GEOLOGIQUE DE FRANCE. ) La geologic est la science dont le mouvement est aujourd'liui le plus actif. L'e'tonnanle lapidite avec laquelle elle est parvenue en quelques anne'es a acquerir 1' extension et la popularitc dont elle jouit aujour- d'luii est un de ces nombreux pbe'nomenes dus a la disposition particu- liere des esprits de noire e'poque, jaloux a la fois dcshautes conceptions pliilosophiques et des me'thodos rigoiireuses de I'observation. Des so- cie'te's nouvclles se sent forniees de toutes parts [)oiir entretenir le zele , coordonner les de'couvertes , rccueillir les niate'riaux ; les savans sc sont partage les travaux : les uns, parcourant a grands pas les pays, ont trace les cadres, esquisse les formations ; les autres, patiens explora- teurs dn de'tail , se sont attaclie's aus descriptions locales , analysant cbaque coucbe, cbaqiie accident, cbaque fossile; auciin voyage n'a e'te entrepris que la ge'ologie n'y fut admise avec honneur et ni la fatigue ; ni les dangers n'ont arrete' les ge'olognes , sans cesse entraine's a agran- dir le cbamp de leurs investigations , et poussant leurs recberches jus- que dans les contrces les plus recule'es et les plus impraticables. H y a quelques anne'es , ['imagination batissait ses tbe'ories et ses cbimercs sur quelques lambeaux de plaines ou de montagnes capricieusement de'tacbe's de I'ensemble, et contraints le plus souvcnt a subir le joug d'une loi syste'matique et a se laisser n;utiler a la fantaisie du cre'ateur d'bypo- tbesesj mais , aujourd'liui, pour suivre la niarcbe des obsei'vateurs et la base sur laquelle ils appuient leurs deductions et leurs calculs , il ne suffit plus, comme bier on le pouvait encore, d'etaler devant soi quelque carte de France ou d'Allcmagne , il faut embrasser a la fois le pole et I'e'quateur^ et promcner le compas sur la sphere. La marcbe de la science est si prompte que I'enseignement ne peut la suivre , les traite's e'lcmcntaircs vieillissent en un an, et les richesscs nouvelles affluent avec une telle abondance qu'on a peine a les ranger , et que, faute d'etre analyse'es et classe'es , ellcs demeurent inconnuesaun grand nombre. Heureusement des journaux spe'cialement consacre's a 428 MELANGES. ccttc branche iraportanle dcs connaissances luimaincs ont e'te fondc's dans tons les pays, et transportent en tons sens le bulletin dcs decou- vertes et I'annonce des ouvrages. Mais Ic norabrc de ces publications , rembarras de la de'pense, et surtout I'cntrave de tant de langues diver- ses, formentde puissans obstacles a I'c'change et a la communication des ide'cs. Ce n'est done qu'a un tres-petit norabre de savans qu'il est donne d'appre'cier et de sentir I'cnsemble du raouvcment, et de s'cn faire par consequent les arbitres et les re'gulateurs , de rcnouer au rc'seau com- mun les faits nouveaux qui se produisent , de re'sumer les progrcs ac- complis, et d'indiquer les lacunes a remplir et les questions a de- cider. II e'tait devenu du plus haul inte'ret de rassembler les donne'es et les renseignemens e'pars et isole's dans les lecueils et les journaux de tons les pays du globe, et de s'en servir pour tracer rcsquisscderciatactuel de la ge'ologie. La Socie'tc de ge'ologie a senti I'importance et la ne'ces- sitc d'uu pareil tableau , et a confie' a I'un de ses membrcs les plus dis- tingue's le soin de clore le cours annuel de ses travaux par ce coup d'oeil jete en arriere sur la ge'ne'ralite des conquetes accomplies durant I'anne'e e'coule'e; I'e'tendue des rclatious de M. Boue qui le raettent , pour ainsi dire , en correspondance ge'ologiqiic avec cliaque contrc'e, sa rare faci- lite des langues e'trangercs, et sa longue et profonde habitude de la science , faisaient de lui un de ces bommes pre'cicux pour qui il e'tait permis de dire qu'une tache, si difficile a tant d'autres, seraita euxune taclie facile. Nous aliens parcourir dans une revue succincte les traits les plus sail- lans du savant travail de M. Boue' , dont la lecture a occupc plusieurs se'ances de la Socie'te' Ge'ologique. De cette universalite d' etudes et de travaux re'sulte la plus vive impression sur le consentcment unanimc des bommes de tous les jiays a se vouer avec ardeur a 1' etude de la terre , pour penc'trcr ces mysteres des tems que le passe nous de'robe , luais que la science nous devoile peu a peu. Les troubles politiques et I'agitalion presque continuelle de I'Europe, durant Tannc'e i83i,ontnui un peu a la formation de socie'tes savantes nouvelles, mais n'ont exercc' aucune faclieuse influence sur I'activite MELANGES. i[2g individuelle des ge'ologues, si Ton en doit juger par le nombre des des- criptions et des rae'raoires qui en ont ete le fruit. Jj'Ecosse a e'le visite'e par plusieurs savans , et en particulier par MM.d'Oeynhausen et de Dechen, si connus par leurs travaux sur I'Al- leraagne ; ils y ont recucilli des faits multiplies a I'appui des theories huttonniennes, dont rcinpire se consolide de plus en plus. Le sol de V Angleterre , si ardemment e'tudie depuis quelques annees, s'est en- core enrichi d'une multitude de me'moires et de monograpliies particu- lieres . et la carte ge'ologique de Virlande a ete' entame'e et sera bientot completement aclieve'e. En France , MM. de Beaumont et Dufrenoy poursuivent !a construc- tion de leur grande carte ge'ologique, dont le besoin se fait si vivement sentir,et dont le gouvernement ne saurait trop favoriser la publication. II faudi'ait un volume pour re'sumer tons les travaux des ge'ologues qui, aujourd'hui e'tablis a demeure dans cliaque dc'partement, font connaitie le detail des localite's qui les entourent. Dans les Pajs-Bas , plusieurs me'moires destine's au releve' ge'ologi- que ge'ne'ral ordonnc' par le dernier gouvernement ont. vu le jour j mais ne'anmoins les troubles politiques ont entrave' cette entrepi'ise , qui est du plus pressant inte'ret , car la HoUande forme presqu'une la- cune entre les terrains du nord de la France, bien connus aujour- d'hui , et les terrains de I'Allemagne. Les montagnes si intc'ressantes du He'gau ct du Kaiserstuhl , dans le duche de Bade , ainsi que plusieurs autres points relatifs aux fonna- tions secondaircs , ont furme' le sujet de descriptions fort curicuses. En- fin VAllemagne tout entiere, loin d'etre e'puise'e par la longue se'rie de travaux auxquels elle a deja donne'lieu, a laisse' dc'couvrir encore h la science une foule de richesses dans le TVurtembers , la Saxe , la Sile'sie, le Ilarz, le Meklembourg. Les relations des Carpathes avec les Alpes ont jete un grand inte'ret sur la discussion relative a ces montagnes qui, jusqu'ici, avaient etc peu explore'es. La Moravie, la Transylvanie , la Gallicie , ont e'te I'objet de quelques notices iso- le'es. En Suisse, des observations de la plus haute importance ont e'te faites sur les Alpes bernoises, par M. Hugi. M. Lusser a donne une coupe des montagnes, depuis le Saint-Gothard jusqu'a Altdorf, et 43o MELANGES. MM. Mc'iian et Reiigger out eclaire la structure de la parlie seplentrio- nale du Jura Suisse. Du rcstc , I'exploratiou habituelle des Alpes a Iburni sa nioisson annnclle de fails ct de consideVatioDS nouvelles. Ij'Italie possede aujouid'liui bon noinlirc dc ge'ologues, et elle a e'te visite'e en outre par plusieurs savans e'trangcrs ; la liste des travauxexe'- cute's, dans la partic seplcntrionale surtout , est assez nonibreuse. Les mc'moires de la Soqicte' de Catanc contieniient sur la Sicile des rae'inoi- res ge'ologiques fort inte'ressans , et M. Hoffmann , qui y voyage , a pu- blic des lettres sur les terrains quaternaires de cette ile , dans lesquels se trouvent les coquilles de la Me'diterrane'e. L'Etna et I'lle recente de Julia ont fourni a des observations nouvelles pour la discussion des ide'es de M. de Buch sur la thc'orie des cratcres a soulevement. On attend pour la Sardaigne la description dont s'occupe M. de La Marmora. La rarete' des connaissances que Ton possede sur YEspagne a fait ac- cueillir avee empressement quclques travaux relatifs a cette contrc'e. M. Lyell a visite le nord de la Catalogne, M. de Beaumont a pousse' une reconnaissance depuis les Pyrenees jusqu'a Pampelune , et enfin M. Haussmann, qui a traverse le royaume , a trace une premiere es- quisse et prepare une relation de son voyage. L'Espagne parait pen dispose'e a se laisser envahir clle-meme par le zele des etudes ge'o- logiques. La Pologne e'tait dcmeuree pendant quelques annecs presque com- ple'tement dclaisse'e par les ge'ologues ; le plateau primaire de la Podolie, les formations tertiaires et interme'diaires des parties meridionales ont donne lieu a plusieurs travaux. Dans les blocs erratiques qui sont e'pars sur ses plaines , M. Jackson a reconnu des blocs transporle's de la Fin- lande, et des rocliers venus de I'lngrie , renferraant des fossiles inter- me'diaires. Les richesses mine'rales renfermc'es dans le sein de I'Oural , les gites d'or, de platine et de diaraant que Ton y a successivement rencontre's, ont donne a la Russie un mouvement ge'ologique qui a subilement suc- cede a 1' indifference dans laquelle elle s'e'tait long-tems renferme'e, Les seigneurs se sont empresses de faire visiter leurs terres par des ge'olo- gues , ct I'empereur , comprcnant I'importance de cette source nou- velle de prosperite pour ses e'tals , a augmente les dotations des Societe's MELANGES. 4^ ' d'histoire naturelle de Moscou ct de Saint-Pe'tersbourg , a ouvert son empire aux investigations de M. de Humboldt, et fait voyager dcs sa- vans dans presque loutes les provinces ; le releve de la carte ge'ologique de la Lithiianie , de la Courlande , de VEsthonie et de la Lh'onie a e'te' execute par son ordi'e. Lc Journal des mines renferme une multi- tude de documcns sur un grand nombre de points et de sujcts tres-nou- veaux et tres-varie's; la Cri?ne'e, les hords dii Don, le Caiicase , V Oural , font dcsormais partie du domainc de la science. Nombre de me'moires et de descriptions ont cu pour objet dcs loca- hle's de la Siberie. M. Ermann, de Berlin, a traverse I'Asie septentrionalc , a passe dans I'Amerique russc, et eu est revenu en touchant a Otaiti et a i?«o- /rtwetVo. Ses observations sur le nord deT^sie, \cs iles Aleoutes et la Californie scront du plus baut inte'ret : elles seront accompa- gne'es d'une carte ge'ologique d'une partie de la Siberie et du Kamts- chatka. MM. Ledebour, Meyer et Bunge ont voyage dans les cbaines de V Altai ct du Koliwan. M. Hess a visite les contre'es a Test du lac Baikal- d'autres geologues ont parcouru ia. steppe des Kirghiz, et pu- blic xm essai mine'ralogique sur ce pays inconnu jusqu'ici. D'autres en- core ont observe les rives de la mer Caspienne et de la mer d' Aral. Le Caucnse a etc visite avec soin par un grand nombre de savans qui s'en sont partage 1' etude; les terrains tertiaires , renfermant des co- quilles encore vivantes dans la mer Noire et dans lamer Caspienne, s'y eleventjusqu'a 3,ooo pieds sur les pontes d'un systeme crayeux et are'- nace. Des recherches mine'ralogiques sur quelques contrees de la Georgie , de VArinmie^An Lib an , des bords de YEuphratc, ont e'galement con- tribue ,i rc'pandre un premier jour sur la constitution de I'Asie. Le goiit du prince Chretien pour les sciences naturelles active , en Danemark, I'avancement des connaissances ge'ologiques, ctl'on aura sans doute avant pen tons les ele'mens ne'cessaires pour une carte ge'ologique de ce royaume, Les savans norwe'giens ont pousse leur investigation fort avant dans le nord, et M. Keilliau a donne une notice ge'ologique «ur le Spitzherg ct les iles de Cherrj. 432 MELANGES. La structure ge'neralc de Vislande est assez bien connue , ct les lies de Fero'e ont etc' revues dernicrement par diverses pcrsonnes. La connaissance de la geologic de YAfrique a fait e'galeiiient qucl- ques progres. M. Ehrenberg a fait connaitre les contre'es de Y oasis de Siwah, ct les calcaires coquilliers qui fonnenl le plateau du desert qui se'pare cct oasis de la vallc'c du Nil ; il a fourni , ainsi que M. Riippel , des renscignemens fort inte'ressans sur Y Arable petree , le Kordofan , et quclques ties de la mer Rouge. M. Rozet a profile de ses courses militaircs dans le pays d' Alger pour observer les environs d'Oran et le petit Atlas. Le journal du Cap de Bonne-Esperance contient dcja quelques notices sur les terrains de cette autre extre'mite de I'Afrique. Le reste dece que nous savons sur ce continent consiste en quelques re- lations et quelques notes sur la Cjrena'ique, sur la route de Tripoli au lac Tchad , sur Sierra-Leone , le Congo, le Senegal, Madagascar, ct quelques ties. La ge'ologie acquiert un de'veloppcment de plus en plus rapide aux Etats- Unis, et les ouvrages se succedent avec una grande vivacite sur les divers points de ce large territoire. Le voyage pousse' jusqu'aux monta- gnes rocheuses a donne' unc reconnaissance de rAme'rique scptentrionale. M. de Humboldt a public' des notices sur le sol de Carlliagenc et de la Nouvelle-Grenade , et se propose d'acliever incessammcnt son voyage aux regions equinoxiales. MM. Spix et Martius ont public leur voyage au Bre'sil qui , entre autres descriptions , renferme celles de rinimense bassin An fleuve des Ainazones, des terrains de la cote de Bahia , et des amas coquilliers re'cemment abandonne's par la mer a cause du soulevemcnt du continent. Du Perou et du Mexique , il est e'galement arrive quelques i-enseignemens et quelques cartes. Enfin le capilaine King a donne' une notice extremement curieuse sur la ci'aie et le gres vert qui se trouvent dans la Patagonie , pres du detroil de Magellan. Le nivellement de Yisthme dc Panama n'a fourni aucun rc'sultat di- rect a la ge'ologie; il a seulement servi a constater une difference de niveau entre les eaux de la mer Pacifique ct celles du golfe du Mexique. La geologic des Antilles est assez bien connue. On ])ossede depuis quclques anne'es deja des details stir les ties de Y Ascension , de Tristan d' Acunha , de Timor, dela Noiwellc Shet- land, etc. MELANGES. /\^3 M. Webster a piiblie quelques notes sur la terre des Etats an siul du cap Horn. Une espe'ditiou a visite rinterieur de la Nouvelle-Guinee , ct y a trouve line re'colte gc'ologique fort abondante. Quelques points de la Nouvelle-Hollande , entre autres un volcan tres-singiilier, ont donne lieu a diverses descriptions. Les me'moires sur les possessions anglaises de VInde ont e'te' nom- breux. Nous citcrons entre autres la geologic du paj^s des Marattes , de \' Himalaya , de la presqu'ile Malaise. Aux frontieres du Thibet, a dix-sept mille six cents pieds au-dessus du niveau actuel de I'Oce'an , on a observe des champs converts de coquillages aussi frais que si la mcT venait de les abandonner j sur les frontieres du Ladak ct du Bus- sahir , les rochcs coquillicres atteignent en ge'ne'ral une hauteur de seize mille pieds. La de'couvcrtc du lias salifere et du gres bigarre dans le nord de I'lnde e'tablissent avec nos terrains d'Europe im rapport digne de remarque. Des renseignemcns nouveaux sur les iles de Salsette , de Singapor, de Manille , dc Borneo , de Java et de Sumatra. , sont c'galement parvenus. Ceylan etait deja connu par I'essai mine'ralogique de M. J. Davy. II est arrive de la Chine une description des puits arte'siens sale's qui donncnt lieu a des jets de gaz hydrogene carbone : M. Klaproth a extrait des livi-es chinois des renseignemcns sur six volcans de I'inte'- rieur du continent. Enfin le Japon , pays d'un acces si difficile, est ouvert depuis quel- ques anne'es aux recherches de M. Siebold, qui doit en rapporter des observations ge'ologiques. Le nombre des cartes ge'ologiques publie'es dans le cours de i83o et de 1 83 1 s'e'leve a soixante-et-dix-huit; elles embrassent des localite's fort diverses, mais, comme on le pense bien, appartcnant la plupart a I'Europej nous en passons le detail. Les Traites ge'ne'rau.v de geologic ont e'te assez nombrcux ; ne'an- moins nous devons rappeler qu'en France le besoin d'un manuel clas- sique propre a populariser par une propagation facile les elc'mens de la science se fait toujours sentir, nialgre' la publication des ouvrages de MM. Brongniart, d'Omalius, etc., mentionne's avec e'loge par M, Boue'. 434 MELANGES. La paleontologie , science plus modcrne que la geologic et plus at- trayante encore pour I'imagination, en est devenue le complement nc- cessairc, et son secours est des aujourd'hui phis important peut-etre et plus usucl que cehii de la mineralogie. Dc nombrcux travaux ont cte' public's sur cette matiere. Nous n'insisterons pas sur I'examcn de ces divcrses monographies se rapportant a des especes nouvelles de mol- lusques, de poissons et de reptiles. Une des de'couvertes ics plus inte'ressantes est celle que M. Buckland vient de faire des coprolites ou fceces fossiles de divers animaux dans les couches solidcs de presque toules les formations neptuniennes. Les formes bizarres et varie'es de ces corps, difficiles a rapporter a un type prc'cis , embarrassaient depuis long-temps les ge'ologues; M. Buckland conduit parl'induction des /'cscei d'hyene qu'il avait le premier signale'es dans les cavernes a ossemens, est arrive' a attribuer la meme origine aux empreintes de meme nature conservees dans les couches plusanciennes. L'e'tude de ces restes singuliers conduira a des re'sultats fort curieux sur la foVme des intestins des animaux qui les ont produits et sur la na- ture de leurs alimens; ceux que Ton trouve dans les couches peuple'es par les ichtyosaures renferraent des e'cailles de poissons^ des ossemens brise's et des debris corne's de ce'phalopodes ; leur grande analogic de composition et d'aspect avec les matieres que renferment les intestins des rcquins et autres animaux voraces est un caractere frappant. M. le docteur Proust, qui en a analyse des e'chantillons , soup^onne que la matiere qui les colore en noir pourrait bien etre I'encre des seches dont ces animaux devaient faire une partie de leur nourriture. Le depot de guano des tics de la cote du Pe'rou doit etre conside're geologiquement comme e'tant de meme nature que le depot des copro- lites. M. Rivero a donnc des details sur ces araas d'cxcremens d'oiseaux maritimes dont I'cpaisseur atteint souvent cinquante et soixante pieds. Des dunes de sable qui recoiivrent cette maticrc ont tait penser que sa formation pourrait bien etre en partie ante'rieure a cellc des dernieres alluvions. MM. de Behrendt et de Munster se sont occiipe's de la description des insectes fossi'es dc Solenhofen et des bords de la Baltique. La classe des mammiferes a donnc lieu a des observations fort cu- rieuses et a des discussions fort remarquables par leur portee philoso- MELANGES. 4^5 pliique. Parmi les animaux signale's sont une cinquieme espcce depte- rodactjle , deux renards, des ossemens de boeuf el de viammouth qui ont permis d'e'tablir plusieurs especcs nouvellcs. Le ])lie'iioiiicne si long-temps controverse' des animaux conserves dans des blocs de glace en Sibcrie , a recu son explication : ces grands animaux ont pu etre entrainc's du centre de I'Asie par un cliar^ riage violent , et transporte's jusque sur les Lords de la mer Glaciale, ou ils auront e'te saisis par le froid , qui aura aide a conserver leurs chairs, tandis que, dans les circonstanccs ordinaires des alluvions, on n'aurait rencontre que leurs ossemens dcpouille's. On pent done conserver I'es- poir de retrouver encore , dans ces agrc'gats glaces , d'autres cadavres propres a jeter im jour nouveau sur une partie de I'ancienne popu- lation du globe. Les cavernes a ossemens ont donne un aliment fort actif aux discus- sions ge'ologiques qui touchent de plus pres au domaine historique et a I'existence de I'liumanite' , a cause des squelettes humains de diverses natures qui s'y sont rencontre's melang(?'s avec des fragmens de poterie, des instrumens grossiers et des restes d'ours, de cerfs, d'e'le'plians, etc. Quelques ge'ologucs se sont prononce's pour la contemporane'ite' de tous ces debris , d'autres pour une introduction successive dans les memes asiles et un remaniemcnt poste'rieur par les eaux. Aux Etats-Unis on a de'crit une caverne a restes de me'galonix ; au Bresil des cavernes- a restes de me'galonix et de megatherium. Les ca- vernes de ces contrees rece'leraient done des animaux e'trangers a ceux de I'Europe, et seraient prive's des animaux qui abondent dans les siennes. Les maslodontes seuls sont re'pandus avec profusion dans les deux hemispheres. Quelques ouvrages ont etc public's sur les vegetaux fossiles. Plu- sieurs savans se sont prononce's contre I'assertion de M. Ad. Brongniart qui avait avance' que les dicotyledons e'taient une creation secondaire re'ccnte ; leur existence dans le terrain houiller paraif de'montre'e. Des etudes fort de'licates ont ete entreprises sur les traces que Taction des vagucs et du flux et du reflux des anciennes mers ont du iaisser dans les depots neptuniens, et sur celles que Taction des courans diluviens a imprime'cs aux flancs des valle'es qu'ils ont parcourues. Les connaissances sur les volcans et les depots igne's ont recu peu 436 MELANGES. d'accroisscnicnt. M. dc Leonhard s'occupc d'un travail special sin- Ics accidcns dcs roclics basaltiqucs. M. Voltz a appiiye sui-lcs circonstanccs particulicies an giscmcnt du gypse qui occupe presque toujours des fonds de bassins ou de crevasses ; il tendrait a regarder sa formation, dans la plnpart dcs cas, comme due a I'cffet de sublimation intc'rieure , et a donncr ainsi a la theorie de la dolomisation dc M. dc Buch un nou- vcau degrc de generalisation. L'c'tudc Acs failles et dcs filoiis s'cst cnrichie de quelques observa- tions, mais ne'anmoins cette branche de la geologic re'clamerait des ob- servations plus assidues et plus suivies que cellcs qui lui sont con- sacrc'es. M. Boue a termine' son rapport par des details snr Ics sources mi- nerales et \e forage des piiils arte'siens. Nous ne Ic suivrons pas dans cette derniei'e partie de son travail , qui offre un intc'ret moins ge- neral. Nous avons dii nous bonier a un resume rapide de ce vaste tableau des progres de la geologic sans accompagncr I'autcur dans Ic detail scientifiquc dcs explorations , et sans insister sur les apcrcus inge'nieux et pbilosophiques qu'il en a frequcmment de'duits. Cette esquisse fi- gure sulfisammcnt la ligne dcs positions extremes qu'occupe dcja la geologic dans son vaste envahissement du globe , pour laisscr entrevoir quel court espace de tems lui sera ne'cessairc pour devenir parlout la compagne de la geographic. Les re'sultats directs que recucillera la science gene'rale lorsquc la nature esscntielle du sol sera connue pour cbaque pays , aussi bien que sa configuration exte'rieure et sa delimita- tion par les eaux dc la mer, seront imc immense conqiiete, et les e'le'- mens qu'ils fourniront a la ge'ograpliie successive du globe dans ses di- vers ages sont incalculablcs Les personnes dont I'esprit est habitue a spe'- culer sur les hautes questions socialcs sont dcs aujourd'hui en c'tat d'ap- pre'cier le role immense que la Genese ge'ologique est appele'e a remplir dans les conceptions religicuses et positives qui scrviront de base aux socie'te's de I'avcnir . J. R. MELANGES. 4-^7 INSTITUTIONS POLITIQUES DE LA POLOGNE. INTENTIONS DE LA DERNIKRE REVOLUTION POLONAISE A l'eGARD DES PAYSANS. Lorsquc la Pologne , sc'duite par rexemple de la France et comptant sur son appui , tenta de reconquerir son inde'pendance et de renverser la domination e'trangcre, I'e'lan patriotique fut unanime dans toiites les classes^ ct cependant ni la communaute' du peril, ni Tardeur du com- bat, ne parent empecher les partis de se dessiner : car la division d'in- te'rets du parti aristocratique et du parti de'mocratique e'tait un fait que lejoug imperial pouvait effacer en apparence, mais non en re'alitc. Les jours de lutte ont vu les recriminations et les accusations se meler et s'e'clianger d'un parti a I'autre- et aujourd'liui que le dcspotisme regne a Varsovie , ce debat se continue sur la terre etrangerc , et la dis- sension se'pare les exiles comme elle separait les patriotes. Noas croyons fort utile, pour I'opinion politique dont nous sommes les organes , de faire connaitrc quelqucs details sur la constitution de la Pologne, consigne's dans une lettre adressc'e au re'dacteur de Z« Tribune, par M. Theodore Morawski, membre de la diete polonaise. II est remar- quablede voir avec quelle rapidite et quelle clarte la question de la pro- prie'te est venue s'e'tal(^- a la surface des affaires, avant meme que la ques- tion de vie ou de mort fut de'cide'c, et des la premiere secousse revolution- naire dc ce pays, dans lequel les paysans sont en general fermiers ou sa- laries, ct rarement proprie'taires d'un fonds de quelqne e'tendue, et dans lequel les nobles repre'scntent particulierement la proprie'te riche et oi- sive, Les considerations sur I'existence et la formation de la chambre populaire et de la chambre aristocratique , bien que peu etendues et peu de'taille'es, nous paraissent cependant d'un baut inte'ret; et, comme M. Morawski , nous pensons que la France aurait franchi dans le de'vc- loppement du principcrcpre'sentatif un pas immense si ses assemhlees electorales e'taient compose'es comme les assemhlees communales de la Pologne . « La constitution de I'^gi posales premieres bases de I'emancipalion des paysans en Pologne. Ce sacrifice n'a pas e'te arrache de force a la TOME HV. MAI ET JUIN 1832. 29 438 MELANGES. noblesse polonaise : clle Ic fit de son propre raouvement. La charte du duche de Varsovie , qui abolit delinitivement I'esclavage , en 1 807 , y trouva aussi tons les esprils prepares. Des lors I'egalite' devant la loi , ce noble principe du code civil franfais , cpii est aussi, depuis 1808, celui de cette partie de rancicnne Pologne, dcvint une loi pour tous ses habitans ; et le titre de noblesse n'y est plus qu'un simple souvenir Listorique , pour les families qui vculent s'en honorer , sans donner aucun droit, aiicun privilege. Ainsi^ depuis plus de Irente ans , les paysans du royaume de Pologne, tel qu'il a e'te' constitue' en i8i5, ont cesse d'etre attache's a la glebe : jamais ils n'ont ete esclaves, dans le sens strict de ce mot. Depuis lors, toutes les carrieres de la vie pu- blique e'taient ouvertes a ceux d'entre eux qui avaient les moyens de les parcourir. Ceci est une ve'rite' si incontestable , que je pourrais la prouver, en citant, au besoin , des noms propres. Mais je prouvcrai plus : non-seulemcnt ils sent admis , depuis cette e'poque , aux droits civils , mais les cb-oits politiques meme que leur reconnait la nation polonaise sont plus libe'raux que ccux de tous les etats constitutionnels de I'Europe. » Api'es avoir divise les colleges e'lcctoraux en dietines, pour les no- bles, et en assemhlees communales pour la bourgeoisie et les paysans, la charte de 1807 , et aprcs elle , celle de i8i5 , par son article i3i , admet aux assemhlees communales : « I . Tout citoyen proprie'taire non noble , payant de sa proprie'tc » fonciere une contribution quelconque. » 1. Tout fabricant et chef d' atelier ; tout raarchand ayant un fond » de boutique ou magasin c'quivalant a un capital de six mille francs. ^> 3. Tous les cure's et vicaires. » 4 • Les professeurs , instituteurs et autres personnes charge'es de » I'instruction publique. » 5. Tout artiste distingue par ses talens , ses connaissanccs, ou par » des services rendus, soil au commerce , soit aux arts. » » Si I'on veut bien re'fle'chir que rejection directe est e'galement ad- mise dans les assemble'es communales , corame dans les dietines , cer- tes on conviendra que la loi pouvait difficilement etre plus libe'rale. Le seul principe qui se'pare la noblesse de la bourgeoisie semble etre dicte par I'esprit aristocratique. Mais le reproche serait ici plus apparent MELANGES. 4^9 que reel. Leurs droits e'tant absoluinent Ics memos , et I'esprit de caste e'tant , par suite de Tabolition du droit d'ainesse , entierement e'touffe' , on ne saurait voir dans cette separation qu'un hommage aux vieilles traditions liistoriques , bommage superfiu , il est vrai , mais qui n'em- porte aucun privile'ge pour les uns, ni aucun dommage pour les autres. D'ailleurs cette separation est , pour le moment , tout a I'avantage de la bourgeoisie : car la noblesse formant encore , a cause d'anciens pri- vileges , la classe la plus aise'e et la plus e'clairee , semparerait facile- mcnt , dans le cas contraire , d'une influence entiere dans les elections, tandis qu'elle est ainsi exclue, par la Iqi elle-meme , de la moitie pres- que des colleges electoraux. Toute la difference entre les dictines et les asscrable'es communales ( et ceci est encore une de ces reminiscences historiques) consiste en ce que celles-ci etaient des deputes , et celles-la des nonces; mais les ims et les autres sie'gent dans la meme cliarabre, et jouissent des memes droits , des memes prerogatives. Aussi I'auteur de I'aiticle de la Tribune allemande , qui voulait de toute force prou- vcr combien les institutions polonaises e'taient aristocratiques , a-t-il e'te' oblige de recourir a de fausses citations. II a dit : « Qu'un noble pou- » vait etre nomme depute', tandis qu'un bourgeois ne pouvait , au con- » traire , etre e'lu nonce. » Je demande pardon au patriate polonais , signataire de I'article, mais voici ce que je trouve a I'article 121 de la charte : » « Pour pouvoir etre e'lu membre de la chambre des ?ionces (seconde » cbambre) , il faut avoir I'age de trente ans revolus , jouir de ses droits » de citoyen, et payer une contribution de soixante francs. » Le titrc de noblesse n'est done point exige par la loi comme condition d'cligi- bilite. » Tels sont, M. le re'dacteur, les droits politiques recc jnus, par la na- tion polonaise , a toutes les classes d'liabitans. Tout exigeant qu'on vouscroit, vous ne deiaandericz point, j'en suis sur, une legislation po- litique plus large pour votre patrie. » Mais il ne suffit pas d'avoir des droits : il faut encore savoir et pou- voir en jouir J il faut que I'aisance et les lumieres rendcnt le citoyen ca- pable d'en profiter. Ainsi , malgre les institutions les plus libe'rales , a peine une faible parlie des paysans peut-elle user en Pologne des ses droits : la misijre et I'ignorance font que , pour le reste , ce droit n'est 29. 44o MELANGES. qu'une lettre morte. Voila done ce qui restait a faiie a la revolution. Elle n'avait pas a proclamer les droits de Vhomme : vaine declamation, bonne tout au plus pour couvrir d'une fausse gloriole quclque tribun ambitieux j elle devait procurer aux paysans la faculte' de jonir de leurs droits. Elle devait : » I " Amcliorer leur bien-etre materiel ; » 2° Leur offrir les raoyens de s'e'clairer. » Voyons cc que la revolution a fait sous ce rapport. » II serait superflu, entre gens de bonne foi,de deraontrer icique ce n'est qii'a la paix , et non pendant la crise re'volutionnaire , qu'on au- rait pu se'rieusemcnt penser a I'instruction publique. II suffira de re- marquer que le choix meme des ministres de I'instruction indiquait assez clairemcnt les intentions de la revolution a cet e'gard. Ccs mi- nistres etaient le professeur Lelewel , un des savans les plus distingues du pays , et le professeur Garbinski , directeur de Te'cole polyteclini - que , homme eminemment populaire , qui n'a du son elevation qu'a ses connaissances , et qui , quelques mois auparavant , avait re'uni I'unani- mite de la bourgeoisie de Varsovie , pour la pre'sidence de la munici- palite de cette ville. Si, malgre cela , les intentions de la noblesse po- lonaise pouvaient encore etre soupfonne'es , je rappellerais que leprogres des lumieres , si rapide dans les derniers tems , en Pologne , n'est du principalement qu'a ses propres efforts. C'est pour des efforts de ce genre qu'entre autres le prince Adam Czartoryski et Thade Czacki , en Lithuanic , ct le comte Stanislas Potocki , en Pologne , encourureut la disgrace du tzar. Les agens de la Russie ont ete' forces, en 1823, d'ar- reter, par ordonnance, la propagation des e'coles primaires qui s'c'ta- blissaient partout aux frais des nobles, proprie'taires des campagncs. A cette e'poque , ^es e'coles d'enseignement mutuel devenaient presque ge'nerales j plusieurs furent meme e'tablies depuis dans les villages , mal- gre les entraves que le gouvernement mettait. Quelques mois avant la revolution, les proprie'taires (nobles) du palatinat de Kaliscli se sont engage's par e'crit, dans une reunion populaire, a e'tablir, chacun dans sa campagne, une e'cole pour les paysans, dans le cours d'une annee. » Quant a I'amelioration du bien-etre materiel des paysans, vous juge- rcz, monsieur le re'dacteur, par ce qui suit, a quoi ils devaient s'at- tendre dc la part de la revolution : MELANGES. 44^ i> 1° Des ses premiers Jours , un nombre considerable de proprietaires assurerent, de leur propre mouvement, une partie de leurs terras aux paysans qui prcndraient les armes. » -2° Trente repre'sentans formerent, le 3 mai i83i , une associatiou dile des .^mis des paysans , dans le but , » Dc leur i'acililcr I'acquisition d'une propriete' , » De re'pandre parrni cux les lumieres, 1' Industrie et Ic sentiment de I'inde'pendance nationale. » Legouvernement national non-seulement autorisa, en date du2i juin, cette association , mals il lui a offert un yaste local et toutes les facilite's de'sire'es. » 3''Par une ordonnance du , les paysans furent de'livre's de deux impots , les seuls qui leur e'taient one'reux > savoir : du contingent pour I'entretien de I'arme'e^ et de I'impot pour les ponts- et-chausse'es. Par la loi du lio mai, ils furent e'galement libres de toute contribution pour la formation des nouvelles troupes. » 4° Le 1 9 fe'vrier, la diete a vote dix millions pour les soldats , c'est- a-dire pour la masse arme'e de laboureurs • la guerre alors commencait a peine. Certes , avant qu'elle eut fini , cette somme aurait ete double'e et triple'e meine. Un fait inte'ressant se pre'sente ici a ma me'moire. Lorsque, ce meme jour, une deputation est allee annoncer aux troupes , pendant le combat , le don de la diete : « Et que nous importent les » milHons? rc'pondirent unanimement les soldats j croit-on done que » nous voudrions exposcr nos jours pour de I'argent? Qu'on nous » donne du pain et de I'eau-de-vie, car nous sommes exte'nue's de fati- » gue; voila tout ce que nous demandons. » Avec de tels liommes , les concessions de circonstance sont inutiles , elle sont meme un ou- trage. » 5" Le projet de loi qui assurait le bienfait le plus important a la classe laborieuse pouvait attendre paisiblement son tour de role pour ctre discute' dans les cbambres : c'etait le projet qui destinait les do- maines nationaux a etre distribue's parmi les paysans. On sait I'immen- site'de ces domaines en Pologne. II y a des palatinats , comme par exem- plc celui d' Augustow , dont ils formcnt la moitie'. Pendant des siecles ils sufGrent k alimenter le tresor public , a couvrir les de'penses de la couronne , ct a re'compenser les citoyens qui avaicnt bien rae'rite dc la 442 MELANGES. patrie {Panis bene merentium ). Quelle masse de paysans aurait pro- fite' de ce bienfait ! Et cependant la diete n'y voyait qu'un acheminement a line ceuvre plus complete , a laquclle les propriete's privc'cs de la no- blesse devaient e'galement concourir. » Voila, monsieur le re'dacteur, les vraies intentions delareVolution polonaise par rapport aux paysans; mais, me re'pondra-t-on peut-etre , ce n'est que quatre millions d'habitans de la Pologne constitutionnelle qui devaient jouir de tous ces bienfaits; et qu'a-t-on fait pour les an- ciennes provinces , qui prirenl aussi les armes ? pour les paysans de ces mallieurcuses contre'es sur lesquelles le joug de fer du tzar fait encore peser I'esclavage du moyen age ? » Est-ce de bonne foi qu'on pourrait m'adressercette question? et peut- on croire qu'a I'organisation definitive d'une Pologne inde'pendante et grande , on eiit pu refuser aux paysans litlnianiens les concessions faites aux paysans polonais? Si on ne Icur a pas proclame' d'avance tous ces bienfaits, c'est que, jc le re'pete une fois encore, on croyait superflues toutes les concessions de circonstance ; ce mobile n'etait pas ne'cessaire pour exciter I'ardeur des masses. Je I'ai dcja dit dans ma lettre prece'- dente , les bras et le courage ne nous manquaient pas, D'ailleurs la le'galite' e'Lait un principe sacre' pour la revolution polonaise ; c'est elle qui I'a rendue si pure, si glorieuse , et si cmincmmcnt populaire. Par suite de ce principe, la diete, en re'pondant, le 3 fe'vricr de I'anne'e passe'e , a I'adresse des Litliuaniens , Icur a declare' solennellemcnt : » Nous ne voulons pas vous imposer des lois; c'est a vous-memes que » nous abandonnons Yepuration de vos coutumcs , de vos lois et de vos » institutions Ensemble avec vous, nous voterons une charte com- » miine , etc. » Toutefois , quand , le 1 9 mai de la meme annc'e , la diete fiit appcle'e a voter I'organisation provisoire de la rcpre'sentation nationale lithua- nienne, elle a dc'clare' positivement dans I'article 4 : « Auront droit de voter dans les assemble'es coramunales litliuanien- » nes , tons les liabitans des villes ct des villages qui ont une pro- » prie'te fonciere , tout le clerge scculier , tous les marcliands payant » une patente , les docteurs de toutes les faculte's , les professeurs et les ») institutcurs , les avocats , avoue's , artistes, artisans et les chefs d' ale- Ml^LANGES. 443 » liers ayant au moins quelques ouvriers; enfm tous les fermiers » payant un bail determine. » » L'article 7 de la meine loi dit : « Pout etre depute', tout proprietaire ayant droit de voter et age de » ti'cnte ans. » » Toute reflesdon serait superfine apres un texte aussi clair , aussi po- sitif. » Je ne saurais , monsieur le re'dacteur , mieux terminer cette Icttre , qu'on citant un extrait du manifeste , en date du 1 3 mai , qui a precede I'entree de I'arme'e polonaise en Lithuanie. II est signe' ct ecrit de la propre main du pre'sident du gouvernement national, de ce prince Czartoryski , le plus ricbe proprietaire de la Lithuanie , et que la ca- lomnie se plait a proclamer le type de I'aristocratie en Pologne : « Freres et concitoyens , dit le prince aux Lithuaniens , commencez » a agir simultane'ment , et agissez de la force de tous. En paix comme ') en guerre , c'est le peuple qui cre'e la force : toumez vers lui vos re- « gards et vos cceurs. Fils dignes de vos peres , vous ferez comme eux ; » vous romprez des liens odieux , et vous ciracnterez la sublime al- 1) liance du bienfait ct de la reconnaissance. Ailleurs, c'est par le fer » et le feu que le peuple reconquit ses franchises 5 chez nous il les re- » foit comme un don de ses freres. Un acte gene'reux, juste et neces- » saire devicndra Yoeuvre de votre propre volonte. Vous declarerez » vous-meme au peuple sa deli\>rance , et c'est ainsi que vous sa- » luercz le retour des aigles polonaises parmi vous. Les champs ne pei'- ') dront ni en culture , ni en prix, quand des bras libres en soigneront » les produits. Vos cceurs se seront ennol)lis aux yeux de I'Europe » civilise'e, et la patrie aura gagne' des millions de citojens qui, a » I'instar de nos liraves cultivateurs , voleront a la defense de la li- » berte , pour repousser une domination dont la servitude est le carac- » Icre , etc. » 444 MELANGES. CHANSONS POPULAIRES D£S BUSSIENS. La langue russienne est un dialecte de la langue slave, parle dans les provinces polonaises que Ton nommait autrefois Russie rouge et Russie noire, et qui coraposent aujourd'luu les gouverncmens de Wolbynie, de Podolie, de Minsk, de Grodno, et une partie de celui de Wilna. Jusque pendant la premiere moitie du dix-septieme siecle , ce dialecte fut aussi la langue ecrite ; le statut litlmanien, les actcs adniinistratiis et judiciaires du grand-duche'.e'taicnt alors re'dige's en langue russienne ; mais la lan- gue polonaise s'est depuisfort etendue, et il n'y a plus guere que lespay- sans ou la classe inferieure desvillesqui conservent encore I'ancien idiome. Les pliilologues allemands, pom* le distinguer de la langue russe ou moscovite, ont couturae de I'appeler le dialecte reusse, d'apres le nom que portaient autrefois les provinces dont nous avons parle plus liaut ; les Russes le de'signent par celui du pays oil ils Font entendu pour la premiere fois , la Russie blanche ; mais le peuple chez qui ce dialecte est en usage s'appclant lui-meme russien, le nom de dialecte russien nous parait pre'fe'rable a tout autre. Ainsi que nous I'avons dit, il a cesse' d'etre le langage ordinaire de re'criture,mais il est le langage du chant. Schaffarik , dans son Histoire de la langue et de la litterature slaves (Ofen^ 1826), ouvrage justement estime, en parle comme e'tant singu- lierement riche , le plus riche pcut-etre de tous les autres idiomes de la meme famille , en chansons populaires , qui se distinguent ge- neralemenl par un caractere ele'giaque. I^a parole chante'e qui s'e'lance d'une poitrine c'mue est designee d'une manicre trcs-frappante dans ce dialecte par le mot Duma {reve ,pensee). Ces chansons n'ont point e'te re'unies en collection , mais plusieurs , recueillies sur les Icvres des paysans , ont e'te imprime'es dans des feuilles publiques : le Memorial de Lemberg, journal polonais, en a fait connaitre quelques-unes. On ne sera pas fache peut-etre de trouver ici la traduction de trois de ces morceaux. Pour I'intelligence du premier , il faut savoir que la plupart des nobles^de ces provinces sont polonais , et que le paysan russien donne au Polonais le nom de Lech ou Liach. Les expressions de haine centre le Lech que contiennent ces stances sont bien plutot le cri du serfcontre I'exploitation de son seigneur, que Ic reflet d'une inimitic MELANSES. 44^ nationale. Les Russiens, aucontraire, lie's d'affection a la Pologne, ont fait cause commune avec elle dans toutes ses luttes centre la puissance moscovite , ct leurs chants populaircs pre'sentent de nombreux passages qui espriment a cet c'gard leur ve'ritalale sympathie. La Societe lithua- nienne et des terres russiennes , que viennent de former a Paris les re'fugie's de ces provinces nous fera bieutot connaitre , il faut I'espe'rer , les monumens curieux de cette lilte'rature. La seconde chanson fait allusion a une fete populaire du pays : au soir de la Saint-Jean les jcunes fdles ont coutume de jcter des fleurs et des couronnes dans la riviere , tandis que les garfons , sur le rivage ou sur des barques, s'effoixent de les sai- sir au passage ; puis , d'apres le sort de ces fleurs ou de ces couronnes , scion qu'elles siunagent, qu'elles abordent, qu'elles sont recueilb'cs ou qu'elles font naufrage , on pre'dit les destine'es futures des jeunes gens , I'e'poque de leurs mariages , etc. Les derniers e've'nemens pretent un in- tcret de plus a ces chansons, originaires d'une contree oil deux peuples viennent de se livrer a une lutte sanglante. « J'aimerais bien a partir pour la guerre , pour la guerre en butin si fe'conde , pour la guerre , vrai plaisir des Russiens I Mais I'intcndant ne le vcut pas ; du Lech ( Polonais ) il faut garder les taureaux. » J'aimerais bien a jouer la guzla , qui excite le chant , qui excite la danse; vrai plaisir de la vierge aux fraichcs couleurs ! Mais I'intendant ne le veul pas • du Lech il faut garder les brebis. » J'aimerais bien courir a la chasse avec les chiens, avec la carabine, vrai plaisir de rhomme au bras robuste ! Mais I'intendant ne le veut pas; du Lech il faut garder les chevaux. » Adieu, belle jeune fdle ; ne fais pas de bruit, mon vieux sabre ; au galop , joyeux Russien ! Qu'ils restent abandonne's , chevaux , taureaux , brebis , et qu'il pe'risse le Lech orgueilleux ! » II. « Je jette ma couronne de fleurs dans le Bug, et avec elle va flotter mon espe'rance ; volez, fleurs prophe'tiques , volez sur cet humide tom- l)eau I 446 m:^langes. » Evifez le sable et les rocliers du rivage , e'vitez surtout la main du Lech ; ah I qu'un poisson vous de'vore plutot qu'unc telle main vous sai- sisse. » Mais non , vous rencontrerez celle d'un jeune .imant qui frequente notre e'glise , et quand il m'altendra sur Ic seuil dc la maison de Dieu , il vous tiendra a sa main, » A I'occasion de cette derniere strophe, il faut encore observer que les Russiens professcnt Ic rile grec , tandis que les Polonais , comme on le sail , sont catholiques latins , ce que la jeune fille , attachee a sa croyance , parait n'avoir pas oublie. La iroisiemc chanson porte I'em- preinte c'le'giaque dont parlc Schaffarik : il est difficile d'exprimer en termes plus simples a la fois et plus touchans la douleur d'un amant qui pleure sa maitresse : III. « Tu es blanche , ma belle amie , tu ne le seras jamais davantagej je t'aime tendrement , ma belle amie , jamais je ne pourrai t'aimer davan- tage. » Helas! quand elle fut morte , clle etait plus blanche encore j he'las ! quand elle fut morte, jc I'aimais davantage encore. » ■a»4MH>4iM^ BULLETIN BIBLIOGRAPHIQLE. I.IVRES ETRANGERS. ETATS-UIVIS. 68. General protestant episcopal union, etc. — Societe gene- rale des proiestans de Veglise episcopate pour la fondation d e- coles du dimanche : cinquieme rapport annuel du comite exe'cutif du conseil dirigeant, presente au meeting (assemblee) tenu a New- York . le 3o juin i83i ; avec un appendix. New-York, i83i; Imp. de I'eglise protestante c'piscopale. In-12. 69. Proceedings of the Board of Directors , etc. — Jctes du conseil dirigeant de la Societd des missions, a Vinterieur et a Vetranger, de Veglise episcopate protestante dans les Etats-Ums d'Jme'rirjue, presentes au meeting tenu a Philadelpliie , en mai 1 83 1, avec le rapport du Comite exe'cutif pour i83o et i83i. PLiladelphie , i83i ; William Staveley. In-i'i de 44 pages. ']0. Annual report, etc. — Rapport annuel et compte rendu du tresgrier de la Societe de Philadelphie , pour les litres a V usage des apprentis , lus au meeting du i4 mars i83i. Philadelphie. i83i ; Young. In-12 de 8 pages. 71. Annual discourse delivered, etc. — Discours annuel pro- nonce a la Societe historique de Pensylvanie , le 24 octobrc i83i , par Job.-B. Tyson. Philadelphie, i83i ; E.-I.. Carey et Hart. In-iade Sa pages. 44^ LIVRKS ETIJANGEHS. 72. Acts ok the gem-ral assembly, etc. — ^ctes de V Jssem- ble'e ge'nerale relative aux penitentiaires d'etat de I'Est , et aux nowelles prisons de la ville et da comte de Philadelphie. Phila- (lelphie , i83i ; J.-W. Allen. In-i2 de -i/^ pages. 73. First and second annual reports, etc. — Premier et se- cond rapports annuels des inspecleurs dii penitentiaire d'etat , pour le district de I'Est de Pensyhanie , fails a la legislature , pendant les sessions de 1 829-80 et i83o-3i. Philadelpliie , i83i; Thomas Kite. Bien des ameliorations importantes introduites dans le regime des prisons apparticnnent aux philantropes des Etats-Unis d'Ame'riquc. La legislature tient pour ainsi dire une fcrme-modele constamraent en acti- vite, oil s'experimcntent les natures rcbelles aux prescriptions de la ci- vilisation. On ne s'y borne point, comma le font la plupart de nos polices d'Europe, a rendre les prisons un pen moins de'le'teres, ou la vie phy- sique des prisonniers un pen moins dure en augmentant leur ration , ou en leur donnant les moyens de gagner plus d'argent. La, plus qu'ail- leurs , ou plutot la seuleracnt , on est des a present pene'tre de ce prin- cipe : qu'il s'agit, non de chatier et de contraindre, mais d'amender les coupables. Depuis deux ans environ un nouveau systeme penitentiaire est en essai dans I'etat de Pcnsylvanie. II consiste dans la re'clusion ou confinement solitaire, avec travail cl instruction morale et rcligieiise. Chaque detenu a une cellule particulicre sc'pare'e , d'oii il ne pent communiquer avec les autres detenus de rctablisseracnt ; aucune personne du dehors ne peut le visiter sans la permission cxpresse du gouvcrneur. Si le prison- nicr ne connait pas dc rac'tier ou n'en connait qu'un qui ne puisse s'exercer dans sa re'clusioTi , sur sa demande on lui en apprcnd un qui le met a meme de subvenir a ses dcpenses. D'apres le rapport que nous avons sous les yeux , I'expe'rience jus- qu'ici a ete' fort satisfaisante; et bien que trop courte encore pour etre decisive , les directcurs dc re'tablissement I'ont crue assez avance'e pour soUiciter de la legislature la fondation de nouveaux pe'nitentiaires et la substitution de ce regime a I'ancien pour tous les cas passibles de la re'- clusion de'finitive aux travaux force's. ETATS-UNIS. — GRANDE-BRETAGNE. ^g Aucune des previsions contraires au succes de rexperience ne s'est ve'nfie'e. D'abordles craintes relatives a I'enormite des frais que dcvaient sup- porter les comtes se sont evanouies. Le travail des detenus a larsement rerabourse les frais de Icur entretien. On craignait aussi que I'isolement complet des detenus n'alterdt leurs facultes morales et physiques par sa seVerite. Mais loin de la le peu de pnsonniers qui sont morts ont di\ au traitement qu'ils ont recu au penitentiairela prolongation de leur existence. La solitude a generale- ment reuss, , elle n'epouvante que les xncorrigibles , et dans tons les cas elle est d autant moins penible que le detenu a plus de repentir L, majonte paralt resignee , sinon heureuse, et la plupart sont indus- tneux. En resume il parait que ce systeme, tel qu'U est pratique en Pen- .ylvanie, embrasse dans ses details tons les avantages et evite la plu- part des inconveniens attaches aux regimes connus. P-R. GRAIVDE-BRETAGIVE. 74. PuMSHME«T OP Death, etc. - De la peine de mart; sene de courts articles qui paraitront successivement. Les cinq premiers nu- meros contiennent:N° i. Disco.rs ^e«>Wi..i.M MznHniTH a la chambre des communes en !,„. _ N" .. Discours du comte Gkev etde lord Gkanvi..e a la chamhre des lords en i8i3.- N 3. Substance des discours de S. L..sHmoTo. et de J. Svd.ev TAv.oa .. ,83i.-N» 4. Etat compare de la legislation penale T" '' "" ^''^'"'"'"■^ '' ^" ^"^^^^^-- ' rar SV..EV Tavlok. -W .. Petmon desjures deLondres, presentee a la chambre des lords, par le due be Sussex, en i83,. -Londi-es, i83i - Har- vey et Darton. (Publie par la Societe pour la propagation des renseignemens relatifs a la peine capitals. ) 75^- The late EDmBUHCH Petition, etc. -Demiere petition d'E- dunbourg contre la peine de mort pour crime de faux. - Deci- sion du meeting tenu h Morrison (Dublin) por.r pro.o^uer des pe- Unons contre la peine de mort pourcnme defau., eic. -E.traits 45o LIVRES ETRANGERS. des journaux, relatifs aux condamnes de Newgate, etc. Trois feuillets volans. -5, ._ Anti-Draco, etc. — VAntl-Dracon on Motifs pour abolir la peine de mort pour crime de faux. — Seconde edition. Lon- dres, i83o J James Ridgway. In-i.i de 5o p. DE LA PEINE DE MORT EX AI\GLETERRE. Taiidis qu'en Angleterre la I'c'forine electorale est sollicite'e avec ar- deiir et qu'un pouvoir prodigieusement te'ineraire dans sa lachete' vient de roctroyer a peu pres comme on accorde une ville prise d'assaut, la reforme criminelle y est pendante devant une opinion puLlique , qui s'est fortifie'e de toute la fougue qu'excite la resistance , et qui , sous peu sans doute , I'imposera de toute son e'nergie aux cceurs desse'clic's de la caduque aristociatie. Des qu'un peuple sent la honte de sa cor- ruption politique , il doit sentir deja la de'raison , la cruaute des peines sanglantes; quand il songe a balayer la fange des bourgs-pourris, ilne peut se complaire long-tems encore au drame legal du pilori et aux scenes hideuses de I'echafaud. C'est ainsi que , lorsqu'il s'e'vcille a la libcrtc, tout s'illumine et se purifie dans le cceur de rhommc. Toutes ses "randeurs sont solidaires : la liberte en est le noeud, la vie; et lorsque revendiquant ses franchises politiques , I'liomme reprend sa dignite, il te'moigne bientot que le sentiment de sa propre force est in- separable de I'amour et du respect de ses semblablcs. Nous ne savons guere en France combien est encore airie're'e, sangui- naire la legislation criminelle anglaise. C'est comme un monument tout vivant et intact de la fe'odalite'. Par elle et par son genie industricl , r Angleterre plonge d'un cote dans le moyen age, et de I'autre elle touche aux portes de I'avenir. C'est le passe et le present avec leurs de'bris et leurs germes. Cependant ce code ne remonte pas si haut qu'on pourrait le croire. Ce n'est que sous Elisabeth qu'en furent e'crites les premieres pages homicides. Depuis, chaque regne y ajouta un feuillet, et cela pre'- cise'ment a mesure que se deployait ce gc'nie industriel qui en lui- meme est un titre de gloire et une source de bien-etre social : car ces lois furent faites en tres-grande partie au profit des classes mercantiles, qui pendant long-tems ne virent de securite' qu'au prix du sang. Cela est surtout vrai pour ce qui regarde le crime de faux dans les transac- GRANDE-BRETAGNE . 45 1 tions et billets de banque, etc.; mais voila qu'aujourd'hui les banquiers eux-memes de'clarent par des petitions nombreuses que ces moyens sont aussi insufiisans qu'ils sont barbares. Depuis un quart de siecle tons les coeiirs d'e'lite, en Angleterre, as- sie'gent pour ainsi dire I'une ou I'autre cliambre avec la plus tenace persistance. Cbaque anne'e les petitions se renouvellent , les brochures se multiplient; et aujpurd'hui encore, tandis que la presse franjaise poursuit I'abolition complete de la peine de mort , les plus ge'nereux publicistes anglais croiraicnt obtenir un grand triomplie s'ils ravissaient a la peine capitaie les hommes coupables de debts contrc les droits de propriete, mais surtout les coupables de faux. Non-seulement les cas de haute trahison , qui tous enlrainent la peine de mort, sont nombreux et vagues ; non-seulement I'incendie, le raeurtre, le faux monnayage sont indistinctement venge's par Ic sang, sans e'gard aux circonstances atte'nuantes, maisil est une effrayante se'rie de cas oil le couteau de la justice est abominablement prodigue. Voici la substance de ce code infernal : Pe'ne'trer de nuit et avec effraction dans une maison hablte'e , avec in- tention coupable, que Ton de'robe ou non. Cbatiment dans tous les cas: la jnort. Les termes de la loi sont si vagues, ou plutot si positivement cruels, que souvent il arrive que des enfans sont condamne's a mort comme burglars (voleurs nocturnes avec effraction), pour avoir casse' un car- reau de feneti-e de boutique et avoir enleve un gateau. — Voler de jour, avec effraction, dans une maison quelconque. Chatiment : la mort, quelle que soit I'exiguite' du vol. — Vol , sans effraction , dans une maison habite'e , qu'il y ait ou non quelqu'un , pourvu que I'objet vole soit de la valeur de cinq livres sterling : la mort. La loi ayant ete amende'e dans ces derniers terns par sir Robert Peel , ce ministre crut faire acte d'humanite' en substituant, cinq Iwres aux quarante schellings que portaient les anciens statuts ! — Vol de jour ou de nuit , dans une maison , tandis qu'il y a quel- que personne, et si Ton cause de la fi-ayeur a cette personne , dans tous les cas : la mort. — Vol sur les personnes , par violence ou si on les epouvante. Dans tous les cas : la mort. 452 LIVEF.S ETR ANGERS. — Vol de chevaux : la mort. — Voler moutons , beliers, brebis , agneaux, ou tuer I'un de ces animaux avec intention d'cn enlever la carcasse, ou la peau , ou quel- que partie : la mort. Remarquons encore que dans la loi amendee sir Robert Peel a trouvc moyen de raffincr sur Ics clauses ancienncs , et que le cas de la peau convoite'e a ete' pour la premiere fois introduit par lui. — Rapt. Dans tons les cas : la mort. — Mutilation ou blessures graves. Les termes de la loi pretent telle- ment a I'arbitraire que le coupable est dans ralternalivc de perdre la vie ou d'etre comple'tement absous. — Le duel. La mort dans beaucoup de cas; raais cette loi est tombe'e en de'suetude. Rarcment on I'applique , a moins que le cas n'offrc le ca- ractere certain d'assassinat. — Adultere. Aucune peine. La loi anglaise n'y rcconnait point de crime. — Faux. Selon la loi amendee , contrefaire , alte'rcr, etc. , le grand sceau des trois royaumes et le sceau prive du roi , ceux de I'lrlande et de rficosse; contrefaire, alte'rer, etc., les billets de re'cliiquier , de la banque d'Angleterre, les billets de change, les bons de la compagnic des Indes,etc.; faire de fausses promesses ou acceptations de paiemens; alte'rer les e'critures des comptes et grands livres de banque, etc. ; opc- rer de faux transferts de fonds publics, etc. ; ou bien etre complice, connaitre ccs faux, mettrc en circulation de faux billets , sacbant qu'ils sent faux, etc., etc.; en tout, quarante-un cas Aefaux qui ernportcnt la peine de mort. Les autres cas de faux sont sourais a des peines se- condaires, et la cour laisse a la discretion du pouvoir la determinatiouet Tinfliclion de la peine, laquelle est prcsquetoujoursdure ct accablante. — Vol de bcstiaux. D'apres la loi amendee, dans les derniers terns, par le ministre Robert Peel : — Dc'rober taureau, bceuf, vache ou ge'nisse : la mort. — Tuer taureau, boeuf, vache ou ge'nisse, avec intention d'enlcver la carcasse ou uneparftede la carcasse, ou la peau : la mort. — De'rober un veau : la mort. — Le tuer avec intention d' enlever la carcasse ou une partie de la carcasse , ou la peau : la Tiiort. GRANDE-ERETAGNE. 4^3 Ici, comme pour le vol dc raoutons, la clause relative h la peau de ranlmal a e'te inlroduite par sir Robert Peel. Ainsi, le conseiller in- time du roi de la Grande- Br etagne fait profession de priser la peau d'un veau a I'e'gal de la tete d'un liomme I Devant ce fait , qui ne s'e'tonne- rait de I'admiralion exclusive des Anglais pour leur civilisation I C. P. "]•]. Comparative account of the population of Great Bri- tain, IN THE YEARS 1 8o 1 , 181I, I 8^ I AND I 83 I . Rapport comparatif sur la population de la Grande-Bretagne dans les annees 1801, 181 1, 1821 et i83i, Londres , 1882; imprime parordredu parlemcnt. Petit in-folio de 4' 8 pages. (Ne se vend pas). Ce livre , rare ct prccieux , contient les donne'es numc'riques obtenues sur la population de I'Angletcrre etde Tjircosse , par les quatre recense- mens ge'ne'raux qui ont eulieu, de dix a^s en dix ans, depuis le com- mencement de ce siecle. C'est I'oeuvrc officiellc la plus c'tendue , la plus complete et la mieux coordonne'e, qu'aucun gouvcrnemcnt de I'Europe ait encore livre'e a I'impression. La France ct la Suede possedent des mate'riaux pour un pareil ouvrage, et pourraient meme en e'tendre le cadre; mais, jusqu'a present, la Grande-Bretagne est le seul pays qui ait ti"-' le ses archives une statistique de la population, embrassant une periode aussi longue, avec autant de details i-amenes a une parfaite uniformite' dans les no- menclatures ge'ographiques ct dans les types de calcul. Celui qui dirige cette belle entreprise, poursuivic si long-tems avec la meme perseverance, est M. Rickman. Le premier statisticien dc I'Eu- rope, men illustre ami, Joseph Fourier, accordait toute son estime aux travaux dece laborieux et savant Anglaii. L'immcnse collection de chiffres qu'il vient de pre'senter au parle- ment britannique ressemble beaucoup aux hie'roglyphes e'gyptiens. Une multitude dc donne'es importantes pour I'histoire , la politique, I'a- griculture , I'industrie , sont cache'es sous ces caractercs ; mais il fau- drait pour les en faire sortir un travail special et ardu. Je me bornerai a quelques re'sultats ge'ne'raux. Les progres de la population , dans la Grande-Brctagnc , ont e'te ainsi qu'il suit pendant les ti'cntc premieres annees de co siecle : TOME I.IV. MAI ET JUIN 1852. 50 Galles. Ecosse. Totalis. 13 — 14 - 15 '/4 17 — 16 — 14 12 — 15 — 15 454 LIVRES ETRANGERS. Anndes. Anp;lctcrre. Galles. Ecosse. Armde et marine. Totaux. 1801 — 8,331,454 — 541,546 — 1,599,068 — 470,598 — 10,949.,64G 1811 — 9,551,888 — 611,788 — 1,80'),688 — 640,500 — 12,609,864 1821 - 11,261,457 — 717,438 — 2,093,456 — 319,300 — 14,591,631 1831 — 13,089,558 — 805,256 — 2,365,807 — 277,917 — 16,537,597 Pendant oliacune des periodes de dix ans , forme'es par ces e'poqiics, raccioisscment de la population a ete, pour cbaque centaine d'habitans, ainsi qu'il suit : Angleterre. 1801 a 1811 — 14^/£ 1811 a 1821 — 177/3 1821 a 1854 — 16 Ces chiffres rcvelent une foule de verite's liistoriques mieux que les pages e'tudie'es et de'cevantes des papiers d'etat ; ils montrent la popula- tion de I'Angleterre s'accroissant constamment dans une proportion bien plus grande que celle des autres parties de la Grande-Bretagne • et malgre quinze ans de guerre, en trente anne'es, s'augmentant de moitie' en sus du nombre d'habitans qu'elle posse'dait au commencement de ce siecle. lis font connaitre cette extension singuliere de la population gal- loise , qui, de 181 1 a 1821 , s'e'leve presqu'aux progres les plus rapides des provinces anglaises ; et qui , s'arretant ensuitc , descend au mini • mum d'accroissement des lies britanniques. Ils font voir I'Ecosse e'prou- vant des effets analogues , quoique raoins prononce's , et pcrdant plus dans les dix dernieres annees qu'elle n'avait gagne dans les dix pre'ce'- dentes. Au total , depuis 1 80 1 , la population de la Grande-Bretagne s'est augmente'e de plus de cinq millions et derai d'habitans; ce qui, en trente ans, fait un accroisseraent de moitie' en sus, et lui promettrait a la fin de la generation qui commence plus dc vingt-quatre millions d'ames , s'il e'tait possible que cette progression ne se ralentit pas en se prolon- geant. Unepartie considerable de cet accroissement a eu lieu dans la popu- lation des villes: GRANDE-BRETAGNE. /^55 ^^OL ISSI. Accroissement. Londres. — 864,845 — 1,474,069 — 609,224 Edimbourg. — 82,560 — 162,405 — 79,046 Manchester. — 94,876 — 257,852 142,956 Glasgow. — 77,585 — 202,426 — 125,041 Birmingham. = 75,670 — 142,251 — 68,581 Liverpool, — 79,722 — 189,244 — 109,522 Bristol. — 65,645 — 105,886 — 40,241 Ainsi , la population de cettc derniere ville s'est accrue des deux tiers du nonibie qu'ellc offrait il y a trente ans. Celle de Londi-es a e'prouve un accroissement de trois quarts. A Manchester, a Glasgow, a Liver- pool , le nombre d'habitans se'st augmente du double au triple. A ]&dim- bourg et a Birmingham , la population est une fois plus grande qu'elle n'c'tait au commencement de ce siecle. Get agroupcment d'hommes immense et rapide n'cst point forme , comme celui de Versailles sous Louis XIV , par une colonic de courti- sans et de valets , ou, comme celui de Pe'lersbourg , par des serfs et des soldats. C'est une population libre , laborieuse , intelligente , qui se multiplie et se concentre ainsi par la protection puissante d'une indus- trie dont tons les pays du monde sont tributaires. Dans un tems plus propice, nous reviendrons pcut-etre sur cette multitude de phe'nomenes sociaux et e'conomiques , dont on pent faire sortir la connaissance des chiffres rassemblc's par M. Hickman avec tant de soin et d'habilete. II nous suffit aujourd'hui d'avoir signale son im- portant ouvrage, comme un document essentiela I'histoire de la civili- sation moderne , et comme un modele recommande a I'imitation des principaux pays de I'Europe par son utilitc scientifique , administrative et gouvernementale. A. MOREAU DE JONNES. 78. Annals and antiquities of Radjasthan. — Annales et antiquites de Radjasthan ou des e'lats radjpoutes occidentaux de Vlnde; par M. le lieutenant-colonel James Tod, etc. Londres, i83i; Paris, Dondey-Dupre , rue Richelieu, n° 46. 2 vol. in-4<' ornes de magnifiques gravures ; prix , 280 fr. Les deux volumes annonces ri-dessus sont le plus magnifique ouvrage 50. 456 LIVRES ETRANGERS. qui ait ete public dcpuis long-tcms, meine en Anglcterrc j le premier a paru en 1 829 et nous en avons rendu un compte e'tcndu dans le Globe de i83o (n"* 78, i58 et '218) ; lo second vicnt dc paraitre, et il nele cede en ricn au premier sous le rapport de rinte'ret liistoriquc et dc I'exe'cution niateViellc typograpliiquc. De noinLreiiscs vucs dc I'lndc, dessinces avec beaucoup d'art par feu Ic capitainc Waugh , ami de rauteur,et grave'es parlecelebre burin de Findcn,ajOutent un liautprix a cct ouvrage qui est le fruit dc trente annces de recherchcs laborieuses et de de'vouemcnt dc la part dc I'auteur. Lc dernier volume contient plusieurs dessins de monumens d'arcliitecture indienne execute's par des artistes du pays, et qui e'tonncnt par leur originalite et leur richesse arcbitecturales qui ne ressemblcnt en rien a ce que nous connaissons de I'antiquite' c'gypticnne et grecque , ni aux creations du moyen age. Cc second volume comprend Ics annales du Marwar , cclles de Bikanir , de Djissonlmir, d! Amhir ou d'Houndar, de ffdrawdti, e'tats radje- poutes , et lc journal ou la narration des voyages de I'auteur dans ces contrc'es, comme agent politique du gouvernemcnt anglais. Dans les an- nales du Marwar, il a de'crit la conquete d'une immense region par ime poigne'e d'ctrangers qui I'ont peuplee ensuite dc leurs dcscendans. L'espace nous manque ici pour faire connaitre cette nouvelle mine ou- verte a I'histoire, qui ne pent plus de'sormais se bornei' aux Grecs et aux Romains pour tracer I'origine ct la filiation des pcuples dont le berceau parait chaque jour dc plus en plus avoir ete re'ellcment place' dans la haute Asie vers laquelle toutes les origincs et toutcs les traditions re- tournent comrae vers leur source unique et primordiale. Nous nous pro- posons de faire cor-naitre plus en detail , dans un prochain numc'ro dc cette Kef'iie , lc beau et savant ouvrage de M. le colonel Tod; nous nous bornerons a dire ici que c'est le plus richc tresor de documens et de traditions qui aient ete' re'unis sur une contree de I'lndc, et qu'il a fallu une perse've'rance et un zele sans bornes pour la science , joints a un vaste savoir, pour exccuter un scmblable travail qui doit jeter un grand jour sur I'histoire de I'lnde encore si peu connue. G. Pauthier. GRANDE-BRETAGNE. 4^7 IQ. Pen and pencil sketches, etc. — Esquisses a la plume et an crayon , formant le journal d'une tournee dans I'Inde, patle ca- pitaine IMundy, dernier aidc-de-carap de lord Combermere. Londres, i832 ; Murray, i vol. in-8". Le litre conviendrait parfaiteinent a I'ouvrage et en donnerait une juste ide'e, a I'aide d'une ie'gerc transposition : il s'agirait de mettre seu- lement le crayon avant la plume. Les planches sont ce qu'il y a de mieuxj elles sont cliarmantes. Un dessin facile, un sentiment de'licat, un vif amour du pittoresque, s'y fontpartoiit remarquer. Get e'trange ct gigantesque pays, oil Ton cliasse le tigre avec des meutes d'e'lephans , oil, pour lancer sur des hordes fuyantes d'antilopes I'agile leopard, on enleve son chaperon, comme naguere , en nos contre'cs taillees sur des proportions moins colossales, on de'capuchonnail le faucon pour le lacher snrquelque pauvre perdrix j ces Jungles, foretsderoseanxet demauvaises herbcs, ccs plaincs, qui sont comme des oceans sans vagucs, ces monta- gnes , ces Himalayas qui voient rouler les nuages a leurs pieds, cette nature si nouvellc pour nous est rendue avec autant de bonlieur que d'esprit ct de verve. Cc sont biende simples esquisses, mais plcines de sentiment et de ve'rite'. Le textc ne porte pas a beaucoup pros I'empreinte d'un e'gal talent. Les descriptions sont loin de donncr ar.tant a penser au lecteur que les traits, ct le capitaine Mundy point assure'ment mieux avec le crayon qu'avec la plume. Du reste il se glorifie de n'etre e'rudit en nuUe chose, et proteste, avec une e'le'gante affectation, de sa pro- fonde ignorance. Le dandysme a remplace I'ancienne aristocratic : on ne declare plus ne pas savoir signer, a vu qu'on est genlilhomrac)), mais on s'excuse avec aisance de glisser le'gi^reiuent sur tout, de n'apporter a nuUe observation une attention soutenue : les emotions fortes, les couleurs tranche'es, le travail assidu, tout cela est bon pour le peupte.Toute ac- tion dont le but n'est pas comple'tement personnel est au-dessous d'un homme distingue, d'un homme a la mode. Celui-ci a tout vu sans avoir regarde ; tout parcouru sans avoir e'tudie ; ct cette insouciante course, gracieuse dans les premieres pages, dcvient a la longue mono- tone et fatigante. a Rien de lourd comme le vide», disait madame de Stael , et une le'gerete' se'millante et paresseuse , soutenue pendant deux volumes in-octavo, lasse singulierement le lecteur de tant de chasscs 458 LIVRES ETllANGEUS. sanglantcs, oii il n'y ani terreur, ni pitic; de tant d'excuisions , au mi- lieu de pciiplcs divers, sans un seal detail de moeurs. Tout le voyage est de surface, la nature et les horamcs y sont a peine entrevus. Cependant la cliasse ayant etc la plus laboriciise occupation du ca- pitaine, on obtient de lui sur ce point quclqucs details curicux ; entre autres sur la cliasse au chetah. On appcllc ainsi le leopard dresse a pour- suivre I'antilope , ct a scrvir do cbien.courant. Cbaque cbetah, les yeux couverts d'un capuchon de cuir, est fortement lie' , a I'aide d'une cour- roie et d'un collier, sur I'arriere d'une charrette plate et sans bords, sem- blable nuxhaceries des paysans, cliariots dont I'aspect est assez faniilier aux hordes sauvages et timides des gazelles de I'lnde , pour qu'elles se laissent approcher a deux outrois cents pieds de distance. Arrive' la, un des gardiens du leopard lache ses liens, I'autre leve le capuchon. Des que la bete fe'roce apercoit le daim , elle descend tranquilleraent de la charrette, du cote' oppose a cclui oil clle voit le gibier, vers Icquel elle se dirige a pas lents, rampant, profitant de chaque broussaille , de cha- que ine'galite de terrain, pour se cacher. Mais sitot que I'antilope semble prendre I'alarme, le pas du le'opard s'allonge, se presse,et en trois bonds il est au milieu de la horde, isolc un daira, le court, I'atteint bicntot, le renverse , le roule d'un coup de griffe, ct a I'instant , la gueule attache'c a sa gorge, sucele sanget la vie. Le gardien s'elance alors , chaperonne le chetah , coupe la gorge a la victime, et reccvant quelques gouttes du sang dans une large cuiller de bois, la pousse sousle nez du le'opard^ qui obtient aussi une jambe de daira pour re'compense. Le chetah est long, Ic'ger, efllanque'; sa tete est petite et fine , et sa queue est plate au lieu d'etre arrondie. Un ou deux monumens de I'lnde re'veillent aussi I'amour du pit- torcsquc naturel au capitaine, de facon a fairc rcgrctter qu'il ait cru de bon ton dc ne s'y point livrer , et qu'il ait eu si peur des descriptions. J'aurais voulu une esquisse, aumoins, du beau, du riche ct elegant mau- sole'e e'rige' par le grand empereur Shah-Jchan , sur les restes de sa jeune e'pouse , la belle Arjemund Banu ; savoir que ce monument fut I'cenvre dc vingt ans ct quatorze jours de travail , qu'il a coute' plus de dix-huit millions, bien que Ic roi eut force ses enncmis A'^aincus a fournir et a transporter sur lieu le marbre et la pierre necessaires ala construc- tion de I'e'difice; savoir quele dome a deux cent soixante pieds de haut; GRANDE-BRETAGNE. 4% tout cela est bien peu de chose pour inoi , et je crois pour tout lecteur qui aime a lire, bien qu'il soit rare que le voyageur se permette tant de details. J'aurais voulu que I'Anglais cut senti quelque emotion a la vue de cet immense monument, de ce dome majestucux flanque' de ses quatrc minarets d'un blanc de neige , e'lalant pour ornemcns les plus delicates gunlandcs de flours et de feuiilcs en mosai'ques de pierres pre- cieuses, oil la cornaline, lejaspe, le lapis-lazuli , des milliers de va- rie'te's d'agatlic iucrustes dans le marbre, surpasscnt en e'ciatles fleurs meme de I'lnde, et, pour les imiter, sont nuance's avcc tout I'art des ge'- nies qui balissaicnt j;idis,sous un cicl aussi pur, le palais d'Aladin. J'au- rais vonlu que le capitaine Mundy se laissat aller, a la vue de ces mer- veilles, a un sentiment d'admiration assoz vif, asscz cliaud pour qu'en le lisant j'cn sentisse quelque chose. J'aurais voulu en savoir plus sur le. Koiitub-Miiiaj; momiment indien dutrcizicmc siecle, tour la plus haute du monde , et du sommet de laquelie on domine la richc ville des Mo- gols, Delhi, et ses vastes plaines qui ne sont plus qu'un ocean de mines , ou des tombes , seules reste'es debout, disent I'histoire de I'lnde et de tout pays conquis , histoire de devastation et de mort. Une foire indienne , des bazars remplis de monde , le bain du Gange oil des milliers d'hommcs , de femmes , d'enfans , descendent dans le fleuve par le Ghaut, escalier de cent pieds de largeur; les jungles de- serts oil la tigresse cache et defend ses petits ; les plaines brule'es , les monts glace's, s'e'levant de vingt-six mille pieds au-dcssus dn niveau de la mer J les forets de pins de cent trcnte a cent soixante pieds de hau- teur ; les rois vetus de soie et d'or , avec leur suite sur des e'le'phans ca- paraconne's de brocards ; et les champs de myrthe qui senlent le jasmin, et les taillis de pechers et d'abricotiers j les villes de marbre, et les chaumicres de roseaux ; tout cela cfflcure', vu comme dans une lan- terne magique , n'est pas assez pour inte'resser : tandis que la descrip- tion d'une simple lleur des champs, faitc par le savant ou le poete , qiiand I'ame de Thornme s'est e'muc devant, quand son esprit s'cst plu a I'etudicr et a la coraprendre , suffit pour occuper long-tems et heurcu- sement nos pense'es. 46o LIVRES ETRANGERS. 80. CoNTARiNi Fleming, a psychological autodiography. — Con- tarini Flemins, , autobiogr phie psjchologique. Londres, iS3-i ; Murray. 4 vol. II n'y a point de nom d'auteur sur ces quatre volumes; mais pcu de merabies de cette petite coterie que Ton appclle le monde en Angle- terre ignorent que Contarini est frere de f'u'ian Gre}- , roman connu par ses mordantcs allusions ; de Literary Character , que des notes marginales de lord Byron suffiraient a rendre ce'lebre ; des Cammen- taires sur la vie et le regne de Cliarles /" , dont nous avons parle' il y a un an (i), et de plusicurs aulres ouvrages. D'Israc'li, aulcur fashio- nable , vient de faire dans Contarini une sortc d' etude psycliologique , que Ton pent difflcilcrnent regarder comnie une ceiivre d'art ; car 011 il n'y a pas d'enserable , il n'y a pas creation, il n'y a pas vie. De brillans de'tails, e'pars ca et la, rendcnt te'moignage a I'esprit rayonnant, al'imagination vagabonde de I'auteur; mais, c'estavec peine que nousic disons , ces qualite's si remarqualdes , si sc'duisantcs , c'cliouent. II faut, encore une fois , plus de chaleur, plus de force , plus de tenuile ( si I'expression peut etre admise ) pour cre'er quelque chose qui ait vie. li'auteur lui-meme semble sentir cette insuffisance et en souflVir. Son imagination travadlc et s'epuise, et les moyens de produire diTaillent. La force physique ou I'aptitude ne'cessaire a de consciencieuses etudes lui manqurnt. II a reve de brillans mondes a produire ; des creations ont llotte devant lui, dans la vapeur, entre le ciel et latcrre , des ombres a forme humaine ont crre autour de lui, demandant ame et corps j il n'a pu les donner , et d'indeciscs ebauches ont senlcs e'chappe' a sa plume. C'est la peinture de I'e'tat d'une ame poe'lique a laquelle les fortes et fe'condes conditions d'cnfantement ont manque, qui est la partie la plus rcmarquablc de Contarini. On voit que I'auteur faisait alors re'elle- ment sa propre autopsic morale , et celtc etude , quoique le scalpel n'ait pas profonde'mcnt pcnetre, est loin d'etre sans inte'rct; elle est vraie.Ce hvre, qui n'est ni un traite de philosophic , iii uu roman , ni un voyage, est comme I'ombre jiortc'e de ces trois genres. Les premieres divisions (1) hei'iie encfclojedujue, t. L, juin •I80I , ji. 53',) ot 543. GRANDE-BRETAGNE. 4^1 forinent une sorte d' etude psycLologlqiie ; la troisierue partie est roraa- nesque : ce sont d'iiuprobables visions , dcs passions sans clialeur, une sorte de merveiileux. magne'tique , qui n'a pas la premiere de toutes les vraisemblances , I'inte'ret. Les rencontres fortuites , les declarations exa- ge'rc'es , Ics spasmes , le mariage , I'enlevement , la mort d'Alceste , tout cela est de glace. Les seules pages inte'ressantes de cettc partie peignent Ic sejour de Contarini et de sa jeune e'pouse a Candie , dans une espece de paradis terrestre, parterre de fleurs et d'orangers , a fontaines jail- lissantes , a legers portiques de raarbre , Eden dont ils sont I'Adam et rfeve. Une mort subite de'barrasse I'auteur d'un bonlieur dont il ne savait plus que faire , et rend Contarini a sa carriere inde'cise. Philoso- plie, ambitieux , revcur, diplomate, amoureux, dandy, il est tout, et se croit poete. Mais dans toutes ces carrieres essaye'es non parcourues , c'est toujours la couronne place'e aubut qui attire ses yeux , tandis que le poete aime les fleurs qui jjordent la route • elles distraient meme ses regards de cellcs un pen i'anc'cs , bien qu'immortcUes , que promet la poste'rite. D'lsraeli s'abuse lui-mcme. C'est la vanite , I'amour de la gloire , des vains discours des lioimnes et des commc'rages de salon, qui troublent le repos de Contarini , ei non la secrete et solitaire muse qui ne voit les hommes qu'au loin , jiar-dcla les mirages qui roulent autour d'elle, la poe'sie , qui n'entend la voix de la foule que comme le loin- tain murmure de I'Ocean qui accompagne sourderaent ses concerts. La dernicre partie de ce volume est un immense ct court voyage. L'ltalie , I'Espagne, la Grece , I'Asie-Mineure, la Turquie , I'Egypte, sont parcourues comme dans une table des raatieres. II m'est de toute impossibilite' de supposer que Contarini se soit amuse en route , et s'il y a gagne' quelque instruction , il ne la communique pas a ses lecteurs. « Pierre qui roulc; » je n'acheverai pas le vulgaire proverbe : mais ici il s'applique si parfaitement juste , qu'il est impossible qu'il ne se pre'sente pas tout d'abord a I'csprit. Je reviendrai avec plaisir sur la premiere partie, qui , seule, me'rite d'etre analyse'e, tal^leau d'une cnfance reveuse, portrait d'unejeune ame qui ne sait oil se prendre, et a laquelle le positif de la vie ne suffit pas. C'est uneabeillequi n'a pas encore apprisafaire du miel, qui trouve que les parfums et les riches nuances des fleurs ne sont pas asscz pour elle , et se demande a quoi ccla sert ? Les premieres anne'cs de Contarini re'- 4^2 LivKES etrangj:rs. veilleront dans plus d'un Iccteur de frais souvenirs, gracieux dans leur insaisissable pne-ilitn.Onaiinea songcra ccttc e'poquc on Ton avail tant de longucs ct inle'rcssantes conversations a vec soi-ineme , tant de reves divers, lorsque, coiiche surl'herbe, ou sur le petit lit blanc que la lumicre de la lune carcsse, on se raconlait des cboses incffablcs, des re'cits inouis qui s'allaient pcrdre en poussicre d'or, dansTaurcole lumi- ncuse qui entouraitalors toule chose; car il y a un prismc dans Ics yeiix de Tcntant, une melodic dans son oreille , et c'cst pourquoi , seul , il jouit de ces joies qui s'e'panouissent en rires sans fin, de ces emotions qui s'e'puiscnt en larmes , de ces terreurs soudaines ct sans motifs ; cnfin de lout cc briliant, ce varic prelude d'une vie quelqucfois si raorne et si de'senclianle'e. En racontant I'cnfancede son be'ros, d'Israc'li reveille des souvenirs , et fait vibrcr dans Tame des cordes qui semblaient rompues j malheu- reuscment son oeuvre est incomplete, et trabit a la fois de la le'gerete et de rinsuffisance. II ne tcrmine rien. Son style est plcin d' etrangetes , de ne'ologisme : quelquefois briliant , quelquefois attccte dans son Ian- gage, ct dans sa composition il e'cume I'e'colc moderne. « Enfant de la nature, apprends a de'sapprendre, » lui dit le vent du desert, maisilpro- fite peu dela Iccon. Nombre de reminiscences se lieurtent , mal amalga- mees dans ces pages , la psychologic de Godwin , les maximes et le ton mondain de Chesterfield , les brigands de Schiller puerilises , les aven- tures de Gil Bias rapetisse'cs , I'esprit sophistique de Rousseau , tout est la sans former un tout. Dans les voyages , quelques pages d'effet , epar- ses ca et la , semblent aussi coupe'es a divers voyagcurs : n'est-ce pas , Slidell , le jeune Americain dont nous avons analyse I'anne'e en Espagne, qui a fait cet e'loge si chatoyant de Taga^ant e'ventail des Espagnoles ? II me semble aussi qtie plus d'un Anglais a point ces cours d'Albanie dia- pre'es des costumes de tons les pays : je ne me plaindrais pas do trouver en un bouquet les flcurs de miile parterres, mais leur reunion forme un bouquet ct non unarbie. Encore une fois, je ncpeux voir dans Gontarmi une oeuvre; c'est un choix, quelquefois heureux,ct ou les pages quiap- particnnent uniquemeiH a M. d'Israc'li sont, sans comparaison , les plus remarquables ct les meilleurcs. Anr'l,. MONTGOLFIER. GRANDE-BRETAGNE. ALLEMAGNK. ^6^ 8i. Repertory of patent mvE^fTIONS. — Repertoire d' inventions brevelees et aiitres de'coiwertes etperfectionnemensdansles arts, les manufactures, etc. (pour Janvier i832.)Londres , iSS^jRush. In-B** avec supple'mcnt; prix , 6 fr. 82. A TREATISE ON THE PROGRESSIVE IMPROVEMENT OF THE MA- NUFACTURE OF PORCELAIN AND GLASS. — Traite sur Vorigine, le perfectionnement progressif et I'etat actuel de la fabrication de la porcelaine et du verre. Londi-es , 1882 ; Longman. In 8" ; prix , 6 sli. 83. Biographical sketches of quadrupeds. — Esijuisses bio- praphiques et anecdoctes authentiques sur les quadrupedes ; par Ic capitaine T. Brown. Glascow, i83i ; Fullarton. In-12. 84- Anecdotes of William Hogarth. — Anecdotes sur Wil- liam Hogarth, ecrites par lui-meme, avec des notices sur sa vie ct ses ouvrages. Londres, i832j Nichols ct fils. ALLEMAGNE. 85. JOANNIS GaNTACUZENI EX-IMPERATORIS HISTORIARUM LIBRI IV. — Histoire de Cantacuzene , ex-empereur , edition grecque et la- tine, revue par M. Schopen. Tom. iii etiv. Bonn, i83i et i83?.. 2 vol. in-8^ Dans notre cahier de Janvier 1829 (p. i82-i83), noiis avons si- gnale' I'apparition du premier volume de I'liistoire que Cantacuzene a e'critc dans sa retraite, et nous avons rapporle le severe jugemcnt que Gibbon a prononce' sur cet ex-empereur, devenu detestable e'crivain , aprcs avoir e'te fort mauvais souverain. La mort de M. Nicbuhr n'a point fait abandonner la publication des bistoriens de Byzancc : la penscc de ce grand homme fe'conde encore la littcrature de son pays , et nous lisons, sur le tilre general I'originc de ce bienfoit : Editio consilio Niebuhrii instituta. On continue cettc publication sous les auspices ct la direction de r Academic de Berlin, et de la sorte la inarche d'une si belie en- trepri.ie est assure'e. Cantacuzene est im utile bavard dont le verbiage , insupportable au lecteur , offre I'appat des recherches aux savans de profession. On nc manque point de notes ni de commentaires pour les. 4^4 LIVRES 1?TRAWGERS. rendre plus lacilcs : on nc saiirait tlonncr trop d'c'logcs an travail tic- M. Schopcn dont nous avons fait connaitrc Ic plan di-s notre premier articlej nous rccommandcrons ccpcndant encore la lect'ire d'un excel- lent morccau qui vient dc paraitre dans les Me'moires de 1' Academic de Berlin sur les rapports de I'crapirc de Byzance avec divers peuples barba- res. Quoiqu'on n'y parle que de I'epoque e'coule'e entre le neuvieme et le donzicme sieclecl quoique notre empereur soit du quatorzieme, c'est une exccllentc etude pre'paratoirc , un achcminement vers le nouvcl e'tat de choses dont on va faire la connaissancc. L'usurpation de Gantacuzene date de i3455 dix ans apres il se retirait dans un monastere au niont Athos, apres avoir pris I'babit de moine en presence de toute sa cour. Si nous I'avons appclc mauvais empereur, ce n'est pas qu'il manquat de qualite's; ile'tait bon general et grand polilique.mais il fut perfidc. Comme ecrivain, il ne fut par de'pourvu d' elegance, mais son histoire dc iSjo a 1 354 n'est qu'un plaidoyer ou il trahit a chaque instant la ve'rite. C'est un discourcur sans fin ; toujours il compose , apres coup , des ba- rangucs qu'il s'attribue comme les ayant prononce'es. Get auteiir en- nuyeux par ses minutieux de'tails a etc traduit en francais par le presi- dent Cousin. Terminons par un coup d'ffiil rapide sur les principaux fails du quatricme livre. Ce sent le second coui-onnement de Gantacu- zene a Constantinople, les noces d'He'lenc sa fille, la prise de Cbio par les Ge'nois, et les qucrcUcs de Veuisc avcc Genes , ainsi que les diffe- rens traite's conclus a ce sujct entre Byzance et Vcnise, Ph. G. 86. Urkundliche Gescuichte, etc. — Histoire diplomatique de I'origine de la hanse teiitonique de M. G. F. Sartorius, en son vivant profcsseur a I'universitc de Goettingue , publie'epar M. J.-M. Lappenberg, arcbiviste de la ville de Hambourg. Hambourg, i83oj F. Pcrtbes. a vol. in-4'' de 3i8 et -jGo p. De simples marcbands s'asseoir parmi les puissances , trailer avec les tetes couronne'es , s'cn faire redouter , a une e'poque oil la separa- tion des rangs e'tait nctte et Irancbantc, el ou , jjar un prcjuge de I'edu- cation , Ton se repre'scnte volontiers d'un cote quclques etres privile'gie's le sceptre a la main , le diademe au front , entourc's de courtisans barde's de fer des pieds a la lete , de I'aulre le reste de la terre a genoux , c'est la un prodige digne d'etre examine, e'tudic dans ses causes appa- rentes ou cacbees , et mis sous les ycux de ces politiqucs a qui les ALLEMAGNE. ' 4^5 abstractioDS seules savent plaire, plcins de me'pris d'ailleurs pour les inte'rets mate'riels dcs nations. La ligiie lianse'atlque avail depiiis long- tems attire , en Allemagne , rattention des savans. J.-A. van Werden- bagcn, J. -P. Willibrandt, F.-C. J. Fischer, G. Biisch , en avaient trace' I'histoire; Liinig . Drcyer, Haehcrbn, avaient recucilli un grand nombre d'actes qui la conccrnaient ; J. Hagcmaicr ct J. Klcfcker avaient dans des dissertations particidicrcs pre'sente quelque vues sur ce beau snjet: mais M. Sartorius est , aproprcment parler, Te'crivain qui sel'est rendu propre. La premiere edition de son ouvrage, imparfaite comme une premiere edition, parut a Goettingue, en 1802 , en trois volumes in-S"; et, trois ans apres , un e'crivain genevois , M. P.-H. Mallet, en donna un cxtrait , en s'aidant de quelques-unes des sources que je viens d'indiquer. L'edition, revue ct augmente'e par M. Lappenberg, pent etre conside're'e comme un ouvr;ige entierement neuf. Les documens seuls formentun volume de sept cent soixante pages in-4°, et offrent une mine pre'cieuse ou les historicns de tons les pays commercans puiseront avec avantage. — Puisquc Foccasion s'en pre'sente , je de'poserai ici une ob- servation que je ne me souviens pas d'avoir vu faire encore. Dans I'liis- toire de la hanse , dans celJe des diffe'rentes provinces des Pays-Bas , souvent de simples villes font des traite's en leur nom avec des souve- rains e'trangers. On a gene'ralemcnt regarde ccla comme une spe'cialite' toute moderne ct qui re'sultail de quelques idees confuses ne'es de la fe'o- dalite et de Fetablissemcnt dcs communes. INLais avant la fe'odalite un pareil spectacle frappe nos regards. C'est dans I'affaiblissement de I'empire et dans les traditions du systeme municipal des Piomains qu'il faut en chcrchcr la cause. Salvien , Sidoiue Appollinaire, Gre'goire de Tours, nenous montrentils pas dcs cites traitant directement avec les rois barbares , et Valcntinicn HI n'avait-il pas autorise leurs citoyens a se defendre et a attaqucr sous leurs propres auspices ? Ce n'est done pas seulement a I'esprit fe'odal qu'on doit dcmander I'explication de ce phenomene politique, et il n'est point particulier a notre moderne Eu- rope. De Reiffenberg. ^7. FORTGESZTE BeVTRAEGE ZUR GeSCHICHTE DER StADT FrEY- BURG. — Suite de documens et de recherches pour servir a Vhis- toire de la ville de Fribourg, par Henri Schrefder. Fribourg, i83'i. Petit in-8" de 5o pages. L'objet dc ccttc petite broclnue est de faire bicn connaitre le siege 466 LITRES Strangers. que soutint Fribourg en i-j/^'i?*^* rc'poquc oil Ic grand Fre'de'ric, sepre'- cipitant sur la Boheme, contraigiiit le prince Charles de Lorraine d'ac- coiirir aiiprcs de Marie-Tlie'rese , et d'abandonner 1' Alsace qu'il avail envaliie. M. Schreiber a eu d'excoUentes sources incdilcs a consuller : cinq journaux du siege encore manuscnls , quclques documens des ar- chives , enfin un niauvais poeme de circonstance iinpriuic' a Colmar en IT44' Lc but de Louis XV, en faisant rex]iedition dont il s'agit, pa- rait avoir etc beaucoup plus vaste. Ses troupes devaicnt gagner le lac de Constance, Bregenlz, le Tyrol ct la Lombardie; inais nous n'avons a nous occuper que de Fribourg. M. Schreiber adopte la forme de journal , mais il ne se borne pas aux faits strate'giques , et en rapporte plusicurs qui ont uu veritable interet pour toute sorte de lecteurs. II en est d'autres qui sont e'tranges ou bizarres : tel I'incendie de 2,5oo cor- des de bois, et la A'ive lumiere que, dans la nuit du i'""' octobre, il jeta sur les pittoresqucs montagnes et les chateaux qui dominent la ville. Bientot les raalheureux habitans eurent a souffrir, outre les horreurs de I'incendie, le pillage des pandours, qui profitaient de ce de'sordre pour s'introduire dans les caves et de'foncer les tonneaux. En vain la bour- geoisie veut capituler : on le Uii refuse ; mais , par une convention sin- guliere, M. de Coigny accorde au vceu du commandant la conservation de la belle fleche gotliique de la cathe'drale , en compensation de quoi la garnison devra s'abstenir de tirer sur le monticule de Lorettc , d'oii le roi veut assister au siege. Louis XV, retabli de sa maladie de Metz, avait pris son quartier-ge'ne'ral a deux lieues de la , au college de Mun- tziegen, dans le chateau de Kagcneck. La venue du monarque est le signal d'un nouvcau bombardemcnt, les de'sastrcs sont a Icur comble, et cependant on tient toujours. Les sources autrichicnncs et fribourgcoises different sur le denouement de ce terrible drame. Nous trouverons dans la version locale beaucoup plus de precision et d'inte'ret.Lcs ne'gociations pour la reddition de la place nc nous en presentent pas autant. On avait tire de I'intcrieur i oo,3 1 3 coups de canon , i ,656, 1 1 5 coups de fusil et 1 8,979 bombes. Les vainqueurs avaient perdu beaucoup de monde. Les rapports que M. Schreiber a sous les yeux parlent de 7,35o morts et de 9, 2 26 blesses. Imme'diatement apres I'entre'e des Franfais, il firent sauter les fortifications qu'ils avaient eux-memes construitcs en 1677. Les considerations qui suivent snr la paix d'Aix-la-Gliapelle ont quel- ALLEMAGNE. 4^7 que chose d'amer contre la France , que I'auteur aurait pu absoudrc des petitesses de son roi et des intrigues do madame de Pompadour. Ph. G. 88. Deduktion dkr Rechte , etc. — Expose des droits de M. le due C.-F.-G.-F. de Looz-Corswarem sur la principaute de Rheina-JFolbeck , par M.-J.-M.-F. Birnbaum. Aix-la-Chapelle et Leipzig^ i83o J J. -A. Mayer. In-4° avcc un supplement (Nach- traegliche B emerkungen) imprime en i83i. L'histoire de la principaute de Rlieina-Wolbeck inte'resse sans doute fort peu le public. II ne lui importe guere que cet autre royaurae d'Y- vetot apparticnne ou non an ducde Looz-Corswarem; mais ce qui inte'- resse , ce qui importe vcritablement , c'est de bien connaitrc cette vieille constitution de I'empire germanique dont les derniers debris , raalgre de re'centes reparations , menacent mine de toutes parts, c'est d'e'claircir les points obscurs, ct il y en a unc infinite, des annales de cette fc'o- dalite , sujet de tant de declamations rcbattues , de tant d'erreurs pre- tenlieuses , de tant de calomnies injustes, de tant de regrets insenses. Or, a une question d'inte'ret personnel, M. Birnbaum, qui appartient a I'ecoie liistorique de jurisprudence, a su ratlacher des discussions ex- tremement importantes, des discussions vitalcs pour le moyen age. Done d'une grande sagacite' , guide' par une erudition scrupuleuse et severe , il a fait d'un me'moire judiciaire un morceau d'bistoire pre'cieux , sur- tout pour la Belgique dont il re'tablit, sous certains rapports, les ori- gines et les antiquite's. On nc lira ccrtes pas sans fruit tout ce qu'il dit , par exemple , sur la nature des yivoueries aux Pays-Bas , et prin- cipalement dans le pays de Liege. — M. Birnbaum a public aussi re- cemment un Traite' sur les dimes, oii Ton trouve le meme savoir et cette prudence qui craint qu'on ne grave les destine'es des peuples d'aii- jourd'hui sur des tables rases , comme les philosoplies de la sensation inscrivaient autrefois les premieres ide'es de I'homme sur des tablettes vides. De R. 89. Atlas de l'Europe en 220 feuilles ou sections. VLivraison : France. Fribourg, i832j Lith. de Herder. Grand in-folio. Nous avons deja dit pre'ce'demment que la base de ce beau travail avait e'te posec par un ce'lebre ingc'nieur francais , M. Weiss, I'auteur des cartes de Suisse et de beaucoup d'autres plans qui se Irouvent an 468 LivKES Strangers. depot de la guerre. M. Wcei'l, qui public aujouid'bui 1' Atlas dc I'Europe, etait assure'ment digne d'etre son continuateur. II n'est sorte de soins qu'il ne prcnne pour arriver a une exactitude complete. Deja seize cartes de France out paru; nous avons nomnie et dc'crit toutes cellcs des premieres livraisons. Voici maintenant Lyon , Marseille, Brest, Besan- con. Les coordonne'es des points d'intersection , des me'ridiens et paralle- Ics sont etablies d'apres les principes du savant Me'moire sur la projec- tion des cartes goograpliiques, par le colonel Henry. Nous rappellerons encore a nos lecteurs que la prcpcrtion est de i : 3oo,ooo, ce qui per- met de tracer des positions de moindrc importance. Les cliaines de mon- tagnes et meme Icurs ondulations, leurs valle'es se pre'sentent fort dis- tinctement a la vae, et les routes marque'es a I'cncre rouge^ le sont de maniere a ce qu'au premier aperfu on connaisse leur importance. Quant aus. villes , aux bourgs et aux villages, il est des signes qui, a eux seuls, valentune description ge'ographique. Vous apprencz , en les regardant, s'il y a une universite, des mines, des salines, quel est le nombre des habitans; et pour toutes ces clioses ilregne une nettete , une precision qui plaisent a I'oeil, autant qu'elles satisfont a la science. Nos cartes , on I'a deja dit, sont toutes ou trop grandes ou trop petites. Sur vingt cinq cartes dont se composera la France, nous en avons deja seize, et I'activite des presses de M. Herder nous en promet bientot le com- plement : or lallvraison ne revenant qu'a 12 francs ou environ, il s'en" suit que Ton pent se procurer a un trcs-bon compte un Atlas de France qui ne laisse rien a de'sirer sous le rapport de I'exe'cution. Le roi des Franfais a accepte la de'dicace de I'ouvragej les e'tats de Bade ont , dans un rapport officiel, te'moigne' leur satisfaction des progres que M. Herder fait faire a la science , et il n'est peut-etre pas un journal en Allemagne , dans ce pays de la franchise et de la critique , qui n'ait joint son suffrage a tant d'autres suffrages. Disons quelques mots de la livraison nouvelle -. la carte intitule'e Lyon se place entre celle de Di- jon et celle de Montpellier ; vers le sud-oucst elle s'enfonce dans Ics raontagnesdel'Auvergne, nous pre'sentc Clermont, le Mont-d'Orct Saint- Flour; ausud-estjclle descend avec le Rhone, parViennc et saint-Val- lier, jusq'u'au dela de Tournon , etnous offre dans I'intericur des terres Annonay , Saint-£tienne et Montbrison ; tandis qu'au nord nous nous elrvons jusqu'aTournus et Moulins. La deuxieme carte, intitule'e Mar- ALLEMA(VNE. 4^9 seilie et Nice , doit ic joindre a celle de Geneve et Turiu ( car il ne faut pas perdre de vue que cet atlas est pour I'Eiirope entiere ). Nous y voyons le golfe de Genes , dcpuis Saint-Tropez jusqu^a Porto-Mauri- zioj au Slid elle se coiupletera par la carte de TouJon; a Test nous sommes en Italic, et nous voyons Alba et Mondovi , taudis qu'au nord nous allons jusqu'a Brianfon. Rien n'est plus beau que les raouvemens du sol, que ces cretesdes Alpes et leurs norabreuses sinuosite'sau milieu desquellcs nous apercevons Digne et Gap. On ne nous donne sur la troi- sieme carte quunelangue de terre tUi de'partement du Finistere, Quim- per, Brest et les flots du vaste Ocean. Ici nous ferons remarquer que les cotes et les iles re'ussissent adniirablemcnt selon le beau proce'de' li- tbographique imagine jiar M. Woerl. Passons brusquement a Test, c'esl-a-dire a Bale ct a Besancon. L'extremite occidentale porte a sa li- siere Neucbateau , Bourbonne , Auxonne , et nous posse'dons ii I'oppo- site une partie notable du ducbc' de Bade et la Suisse jusqu'a Lucerne et au Saint-Gothard. N'oublions pas de dire que les fails militaires sont tous marque's au moyen de mille'simes. Tels Grandson, Mcrat, Sempach, Fribourg,ctc., etc. Eu re'unissanta cette collection celle des sie'gcs et bataillcs de M. Kausler, on sera pourvu de toutes les ressourcrs qu'exige I'e'tude de I'liistoire. P. Goi.BERr. 90. AuSFLUCUT EINES RuSSEN NACH DeUTSCHF.AiND. — ExCUrsiOTl d' UTL Basse en Alleniagne , roman en leltres , par Nicolas Gretsch: traduit du russe, par C. Eurot. Leipzig, i83i 5 Brockbaus. In-8" de 4o4 pages. 11 nous est deja vcnu de la Russie plusieurs romans de mceurs qui ne sont pas pre'cise'ment remarquables par la profondeur de I'observation. Dans un pays gouverne despotiquement , un e'crivain , s'il veut ecbap- per a la censure , ne peut pas peindre avec e'uergie les abus du pouvoir, les prejuge's de la naissance, I'orgueil de I'aristocratic , les vices des fonctionnairos publics. II faut qu'il s'en tienne a des ridicules de socie'te qui , n'offensant pas la police , obtiennent un passeport pour paraitre en public. C'est a cela aussi que s'est borne' M. Grctscb , connu par de bons oiivrages, notamment par une excellente Grammaire russe , qui a e'te traduite en francais a Pe'tersbourg meme. Son roman est un peu TOME LIV. MAI ET JUIN 1 852. , 51 470 I.IVRES ETR ANGERS. verbeux , mais i! est animc j les aventurcs y sniU entremelees dc des- criptions de localites. L'auteur russe est bon patiiote , car il cxprinic partout une tri's-liautc opinion sur sa nation ; il pretend qu'a I'etran- gcr elle est trcs-ve'nerec : il est vrai que I'onvragc a e'te c'crit avant I'a- neantisseraent des droits de la nation polonaise. M. Gretscli a clioisi unc partie de scs heros dans les families allemandes en Russic , ce qui lui donne occasion de peindre leurs moeurs. 11 dit a cc sujet (page 1^6) ■ « II est remarquable que les Allemands , tout en conservant leur acti- vite' et leur courage , non-seulcmcnt oublient en liu:«ie toul-a-fait les rapports politiques de leur patrie , mais deviennent de tout leur cceur, de toute leur amc , des sujets russes. Les Anglais , a Pe'tersbourg , portent le deuil a la mort du roi d'Angleterre; les Fran9ais y conser- venl les senliinens de royalistes ou de libe'raux : maisrAllomand depose a la douane dc Cronstadt ses affections de sujet pour Ic due d'Anhall- Koethen ou de Schwartzbourg-Sondei'shausen. Yoila i'effet du demem- brement de rAUemagne et du cosmopolitisme allemand. » L'auteur cherchc a expliquer pourquoi les Allemands ne jouisscnt pas en Russie de I'eslime due a leurs qualite's. II repond que c'est parce que les Russes et les Allemands ne s'entendent pas , et que leurs caracteres ne ■ .s'accordent point. En bon Uusse, il trouve que scs compatriotes belli- queux sont les Romains de notre tems ( quels Romains, en Fologne .') que, cedant facilement a I'cntliousiasme, ils se laisseut entrainer ; qu'ils sont legcrs , insoucians et tant soit peu parcsseiixj tandis que les Alle- mands sont pose's , patiens , minutieux , pe'dans. Dans le midi de la Russie, on retrouve cliez les babitans quelques-unes des qualite's des Allemands. Parmi dix me'decins en Russie ^ on trouve trois Allemands , six originaires de la Petitc-Russie , et un veritable Russe. Dans les armes qui demandent du savoir , par exemple , dans le genie , dans I'ar- tillerie, dans I'elat-major, il y a en proportion plus d' Allemands que de Russes. L'auteur ajoute que les Allemands de'plaisent en Russie par leur parcimonie. 91. Franzoesische Gramma riK. — Grammaire francaise pour les gymnases , ecoles industrielles , etc. ; par le docteui: P. -J. Leloup. Deuxienie edition. Treves i832 ; F.-A. Gall. In-S" de 34o pages, Le jugemcnt que nous avons porte sur la premiere edition de ccltc ALLEMA6NE. 4? ' grammaire' parait avoir ete ratifie par le public. On a trouve la Gram- maire de M. Leloup si utile , que le gouverneraent prussien I'a recoin- mande'e pour renscignemcnt dans les e'coles. M. Leloup a revu ct aug- mente' son ti'avail. 11 y a ajoute' des morceaux tire's des auteurs modernes de la litte'rature francaisc. Un me'rite de cette granimaire, c'est d'ex- poser les regies d'une maniere trcs-claire et precise, et de les appuyer toujours d'exemples pris dans les meillcures autbrite'sj les gallicismes sont signale's avec soin , et mis en comparaison avec les expressions e'quivalentes en allemand. Pour liahituer re'lcvc aux tournures fran- caises, I'auteur a traduit des morceaux de litte'rature en allemand , et il a indique au bas des pages les expressions franr^aises pour que les e'leves trouvent eux-memes le style de I'original. Ces cxtraits pourraient etre plus varies : il e'tait inutile par exemple tie transcrire d'aussi longs passsages de YHistoire de la Campagne de Riissie , par M. de Se'gur. II aurait mieux vaUi n'cn donner que deux ou trois pages , et faire connaitre par d'autres extraits la varie'te' du style en francais. g'2. Taschenbuch ohne Titel. — Almanack sans litre pour Van- nee i832. Leipzig, i832 ; Brockhaus. In-i8. Nolis avons rendu comptede I'Almanacli public' sous cc litre I'anne'e derniere ; a cette occasion nous avons fait remarquer combien il est dif- ficile de composer un livre rempli de plaisanterics, dans un pays oil tout ce qui ale moindre pouvoir en main prc'tend etre inviolable , et oil la censure est la pour empecber I'e'crivain qui vcudrait se livrer aux ins- pirations de sa verve satirique d'altaquer aucun abus prote'ge' par les princes , par les ministres , par les se'nats , par les bourguemestres , par le clerge , par les ge'ne'raux. C'est la liberte avec toutes les restric- tions dont parle Figaro. Aussi ne trouvames-nous gflere plaisant V Alma- nack de 1 83 1. Celui de I'anne'e prcsente est de la meme qualite'. Par- tout on y reconnait des efforts pour faire de la satire ou des allusions , et partout on reconnait aussi les traces de la ferule de la censure, II en resulte un livre insipide pcur nous. Parmi les e'pigrammes , il y en a qiielques-unes qui sont bonnes : apparemment les censeurs ne les ont pas comprises ; car il les auraient vraisemblablement rayees. h' Alma- nack sans litre donnc une triste idee de la liberte de la presse en Saxe. ■ Depping. 51. 47 2 LIVRES ETRANGERS. y3. Geschichtx der letzten funfzig Jahren , elc. — Histoire des cinqiiante dernieres anne'es, par C.-F.-C. Ludwig. I" pailio. Altona, i832; Hammerich. In-S" j prix, i tli. 8 gr. y4- BiLDUNG zuR DEUTSCHEN Beuedsamreit , etc. — Preparation a V eloquence allemande : Lettrcs adiesse'es a un homme d'etat , par Theodore He I NSius. Berlin, iSSaj Duncker ct Hiimblot. In-B"; prix , 1 2 gr. M. Heinsius est auteur d'lin oiivrage sur I'histoirc de la langue, de la poe'sie et de I'eloquence eu Allemagne. g5. Georg Venlot , etc. — Georges Fenlot, noiwelle accom- pagnee d' arabesques , publie'e par Julius Mosen. Leipzig , i83i ; Schumann. In-S" ; prix, i tb. 96. Anselmus ODER DIE Fbuchte des Wahnes , ctc. — Aiiselme , oil les fruits de Verreur, roman de Paul Hellmuth. Leipzig, 1 83 1 ; Wienbrack. Deux vol. ; prix , 2 tb. 8 gr. SUISSE. t)'^. Vita di Ugo Foscolo. — Vie d'Ugo Foscolo , par Joseph Pecchio. Lugano. Giuseppe Ruggia. Nous avons parle de Foscolo dans un de nos pre'cc'dens cahiers , (Voy. t. LITI, fe'vrier i83i , p. 386) a I'occasion d'un recueil d'assez raauvais vers mis au jour apres sa mort , on ne sait pourquoi , car cettc de'pouille posthume ne valait pas la publicitc. Voici venir un nouvcau biographe de I'auteur des Sepulcres , exile' comme il le fut, en Angle- terre, et qui s'est deiii fait connaitredans les lettres italicnues par divers ouvrages , entre autrcs par une bistoire estime'e de re'conomie politique en Italic. L'originalite' lyrique de Foscolo , sa vie aventureuse , Ja bizarrerie de son caracteie, son origine lointaine, car il e'tait ne en Grece, son exil et sa mort en Angletm'e out fait de cet boiume e'trange un sujet inte'res- sant de biographic. C'est une bonne fortune dont M. Pecchio a su tirer un habile parti, et son livre est certainement le plus exact ct le plus complet qu'on ait e'crit sur Foscolo. L'exil de M. Pecchio ct son e'ioignement des sources italiennes n'ont SUISSE. ITALIE. 4?^ point appanvii sa plume; elle est aussi fe'conde en faits neufs et origi- naux qu'elle aurait pu I'etre a Florence , a Milan , dans tout autre cen- tre litteraire de la Peninsule italique. Et puis, je ne sais, cette destinee commune d'exil et de malheur etablit entre le pocte et son historien comme une fraternite, une familiarite intime pleine de cliarnie et d'in- te'ret. C'est un lien de plus entre eux, et le biograplie semble avoir ac- quis par la une intelligence plus complete et plus profonde de la pense'e ctde la vie dont il racontc les phases et les vicissitudes. C'est en vain queM. Pecchio demande grace pour les omissions et les erreurs que sa position a trois cents lieues del'Italieexcuseraitdereste; on n'a la-dessus ni grace, ni pardon a lui accorder, il n'a point pe'clie. On annonce de Rome une nouvelle vie de Foscolo, par le tra- ducteur italien dc I'histoire de la litterature grecque de Schoell. Grec de naissance aussi , du moins je le suppose , le nouveau biograplie aura ce rapport de plus avec lui, mais celui-ci ne vaut pas I'autre. On a d'ailleurs quelqne raison de suspecter I'esprit politique qui pre- sidera a sa nouvelle biographie. On craint de la partialite, pis en- core peut-etre, et il sera bien, je crois, de s'en tenir a celle de M. Pecchio; pour notrccompte, c'est cc que nous ferons. ITAIilE. f)8. Dell' origine, progressi e stato di ogni letteratura. — De I'origine, des progres et de Vetat de chaque litterature ; par I'abbe Giova>m Andres. Nouvelle edition. Venise, i83o-3?,. Huit volumes in-8". L'abbe Andres a le me'rite d'avoir senti I'un des premiers , le pre- mier peut-etre en Italic, de I'aveu merae des Italiens , Tutilite d'une histc'.re universelle de la litterature. II I'a execute'e , mais quelque prix qu'ait d'ailleurs son ouvrage, ses forces ont faitde'faut dans Texccution, et il est reste' au-dcssous d'un si vaste sujet, en ce sens qu'il n'a pas su trouver un lieu commun qui re'unit toutes les productions de I'esprit humain , de manicre a en former un tout un et compact. II fallait pour cela du genie; mais qsand il manque , erudition ou talent , rien n'cn tient lieu. L'esprit de systeme pent c'garer quand on prend un systeme 474 LIVRES ETRANGERS. pour but, luaiS;, piis coinme moycn , il est d'un secours puissant uou raoins dans la recherche que dans I'eTtposition de la vcrite. Toutefois , comme ouvrage elc'mcntaire , il reste au tableau de I'abbe Andres Ic rae'rite d'une nomenclature assez complete de la litte'rature ge'ne'raie. Comme moyen d' etude la lecture en est instructive, et c'est la. comme autant demate'riaux deja reunis qui n'attcndent qu'unc njain ha- bile et cre'atrice pour former ua edifice litte'raire d'un haut style. 99. InTERNO all' indole DELLA LETTERATliRA ITALIANA , CtC. Sur le caractere de la litterature italienne au dix-neuvieme siecle, ou de la litterature civile ; essai de Difendente Sacchi. Pavie , Luigi Landoni. ESPRIT DE LA LITTERATURE ITALIENNE CONTEMPORAINE. « La poe'sie , aux yeux de qui la considere exactement , passa tou- » jours par trois grandes periodes; savoir: la poe'sie ibeocratique , » la poe'sie heio'ique, la poe'sie civile, suivant les formes diverscs » qu'elle refoit des horames dont elle peint les modifications morales » et intellectuelles. La premiere surgit alors que, presse' du besoin » et manifestant a I'cxterieur les sensations internes, riiomme cree le » sentiment de I'infini , invoque et adore la force moirice de la na- » ture : la poesie embrasse alors toute la sagesse du siecle ; elle est la » langue unique dc toutes les connaissances humaines. La seconde git » toute dans I'expression des sentimens ge'nereux, tant paries puissan- » ces d'une imagination ardente que par les croyances propres a entrainer » une ame passionnee. La derniere, enfin, agit sur la raison j elle s'at- V tache a la ve'rite , elle exprime les sentimens , les affections des con- ') temporains, et se tient a des souvenirs plus re'cens. » Ainsi park M. Sacchi , dans son premier chapitre. Quoi qu'il en soit de cette triple dc'finition, du vague, de I'arlntraire qui la caracte'rise, et de ce sentiment de I'infini cree par I'homme , I'auteur part de la, et s'attache a de'montrer ou plutot admct comme un fait que non-seulement ritalie , mais I'Europc tout entiere, en est aujourd'hui a cette troisiemc pc'riode, que d'autres ont appele'e romantique et qu'il appcUe , lui , ci- vile ; e'poque de raison et d'actualite oil , las de vaguer dans un passe mort , et foulant les croyances antiques, comme un enfant les jouets de ITALIE. 4?^ la veille , le geiiie humain se replie sur liu , s'abime dans ses propres pense'es, et bicn qu'agite toujours des preoccupations d'avenir et dc destine'e future , se leDferme dans le ccrcle du present , et s'y case pour rouler incessamment sur soi-meme coinme Ixion sur sa roue; cette phase de me'ditation triste , de profonds de'gouts , de transition et comme d'attente, se resume admirablenient dans Byron, A lui seul il la repre- sente tout entiere , et son oeuvre monumentalc apparaitra dans I'avenir comme \.ne pyramide sur uu tonibeau. C'e'tait bien d' Alliion que devait partir cette voix de larmes , qui tout a coup est venue c'lnouvoir le monde, de cette Albion ou la raison a des long-tems un culte , et qui marche, parmi les nations , si gioricuse de sa civilisation partiale et de'eevante. Cette auste'rite si vantce , ces institu- tions offertes en modele a lous , ces richesses , cette prospe'rite si en- vie'e, ce luxe immense qui semblait transporter au nord I'Orient et ses delices , le jour est vcnu oil la vanite de toutcs ces clioses a e'te mise au jour, et c'est la poe'sie qui a fait a I'Europe cette tardive re've'lation. EUe a de'cliire le voile d'uue main audacieuse , ct la vieille Angleterre a paru dans toute sa nudite'. L'liypocrisie des moeurs , la fe'odalite des lois, la misere profonde et sans bornes, le spleen enfin et le dc'sespoir, lepre incurable de toute civilisation avorte'e, sont venus effrayer le monde comme autant d' apparitions monstrueuses ct inattendues, et I'ont comme force' a un long et triste retour sur lui-meme. Ainsi de'pouillee , 1' Angleterre a eu lionte • elle s'est enveloppe'e des lajnbeaux de son voile d'or ; elle a frappe d'anatheme son poete , eile I'a rejete' loin d'elle, I'a condamne a re'ternel exilj elle a de'verse sur son grand nom la caloranie et I'outrage. Mais le coup e'tait porte; le monde avait vu. De Byron date I'ere nouvelle. — Ce n'est pas qu'avant lui deja quelques voix ne se fussent e'levc'es dans le desert pour precher comme Jean-Baptiste la venue du Messie. Le Werther de Goethe, le Charles Moore de Schiller, ct parmi nous Oberinan et Rene, avaicot e'te comme les pre'curseurs de Childe-Harold et de Don Juan. Mais les csprits n'y etaient pas encore ; le fracas de la revolution fi-ancaise , le cliquetis des conquetes de 1' empire e'toufferent ces premiers cris ; et puis aucune de ces voix eloquentes n'avait encore parle' avec I'autorite' du poete an- glais. II fallait ses images puissantes, son vers iinperieux et fort pour 47^ LIVRF.S ETRANGERS. niailristT li'S aines; il tallait sa poe'sic claire ct protonde |)oiii' etre en- tenclu et send, son nom d'anglais poiir etre cm. Cette Italie oii il avaitve'cu, c'crit, aime', tut la derniere <': le com- prendre ; elle le comprend mal encore. Elle se rend mal compte dc ce grand raouvement des esprits qui nous travaille, et ])lus d'une fois ces inspirations magniCqncs a la fois et douloiireuses furent taxees par elle d'e'carts ultramontains. Les conditions politiques de la Pe'ninsiilc italiquc expliquent cc blaspheme, car e'en est un, et liii servent d'ex- cuse. L'absence de tout organe librc de la pensc'c, de toute publicite , a comme enraye' les esprits; en litte'rature , ils en sont encore an passe; ils ne revcnt ricn au-dela du Tasse,de Pe'trarque ct d!Alfieri. L'imitation est flagrante dans tOMtes les ceuvres contemporaines ; on imite jusqu'a Timitation , car Alfieri qu'est-il, sinon un copiste des theatres grcc et francais combine's? C'est lui cependant que I'anteur, M. Sacchi, proclarae le cre'ateur du theatre cwil en Italie , apparemnicnt a cause dc son Garzia et de scs Pazzi. Novis nous sorames explique's sur Alfieri dans quelques articles antc'rieurs, et pour aujourd'hui nous n'y reviendrons point. Qu'ilnous suffise de dire qu' Alfieri n'est point, a nos yeux du moins, un homme d'avenir , qu'il n'a pas conipris son terns et n'a pas meme su constater les faits conteniporains. C'e'tait un esprit court. Hostile a la re'volution comme uu [ictit marquis I'aurait pu etre, hostile a la France , dont ilne sentaitpas la mission sociale, il se lia au passe et nc vit rien au-dela. Cependant il fut contemporain de Schiller qui crea Posa , de Goethe qui fit Werther et Faust ; aussi ne nous serable-t-il qu'un pygmee au- pres de ces deux ge'ans de la pense'e , et ses drames des squelcttcs auprfes des figures larges et pleines de leur crc'ation. Du reste, pour revenir a I'ouvrage annonce, si M. Sacchi ne nous parait pas plus que ses compatriotes avoir une intelligence complete du mouvement europe'en, il sent du moins qu'il pourrait bien etre terns, pourl'Italie, d'cn finir avec l'imitation. Dante fut de son terns; soyez du votre, dirons-nous aussi aux Italiens. Ce qui est fait est fait; a quoi bon le copier et recopier mille fois?Ce n'est qn'en se repliant pro- fonde'ment sur elle-meme, en appre'ciant ses forces, en c'tudiant ses be- soins dans des vues d'avenir, que I'ltalie pent espc'rcr un nouveau role intellectuel; mais, avant tout, il faut qu'elle se persuade bienqu'ellc ITALIE, 477 n'est qu'un raiueaii de Tarbre europe'en , et que sa vie , a elle , est lie'e et corame subordonne'e a la vie ge'ne'ralc. Rendons justice, en cela , a M. Sacchi , celte position ne liii a point echappe. 11 croit a ime littera- tiire euiopeenne, et de plus il la croit procliaine. 11 rcste toujours evident qu'une lilte'rature europe'enne , si universelle qii'elle soit dans ses principes, subira toujours de pays a pays les modi- fications qu'impriment a I'esprit de chaque peuple, la langue d'abord et le caractere national, puis la situation geographique et les autres cir- constanccs , tant cxte'rieures qii'internes , d'une nation. Unite dans I'en- semble et le fonds , varie'te dans les details et la forme , c'cst la loi meme de la nature, et la nature n'est ni fatigante ni monotone. Pourquoi la ht- te'rature le serait-elle? Qu'elle tende a la generalisation et a I'unite , cela nous semble di- montre par le fait meme , et le raisonnement seal suffirait a I'elablir. Comme I'eau et la chaleur, la civilisation tend a I'equilibre; or la lit- te'rature, n'4topt que I'expression de la civilisation, doit tendrc au meme equilibre. C'est la , ce nous semble , une ve'rite mathe'matique , et I'e- ve'nement le prouve chaque jour. II serait e'trange , certes , que la socie'te se renouvclat , que les rap- ports changeasscnt, que tout marchat, se modifiat, ct que I'art seul restat stationnaire. Raphael naitrait aujourd'hui qu'il ne serait pas le Raphael du seizieme siecle, pas plus que Dante ne serait le Gibelin du qua- torzieme. Imiter done I'un ou I'autre au dix-neuvieme est un non-sens absurde. Machiavel" ecrirait aujourd'hui son Prince que le siecle lui rirait au nez, aussi s'en donnerait-il bicn garde. Politique et art tout raarcheftout va en avant. On n'est grand qu'a condition de comprendre son terns etde marcher en tete ; ainsi fit Voltaire, ainsi Rousseau. Celui qui se jette ou travers du siecle est e'crase , et le siecle passe. Pour en finir avec I'ouvragc de M. Sacchi , nous le fe'liciterons de ne pas partager plusicurs des prejugc's de son pays , et de professer une impartialite assP'. rare au-delii des Alpes, dans les questions litle'raires. II ne croit pas coiame tant des siens que le reste de I'Europe litte'raire soit nn tas debarbare;. II semble penser que Vltalie n'aurait qu'a gagner a s'ihspirer de barb! res tels que Byron, Schiller et Lamartine. Nous le pensons aussi, et nous le souhaitons aux ltaliens,nonqu'ils doivent, nous lere'petons, copier I'un ou I'autre; s'inspirer n'est pas copier; c'est se re- 4']8 LIVIIES ETRANGEKS. tremper it des sources noiivellcs , quand les sources antiques sout lanes. Ce n'est qu'a ce prix qu'il est donne' a un peuple d'entrer dans la con- naissance cxacte de son terns et de prendre place dans le mouvement europecn ; ct in;ilhcur au pcuple ([ui voudrait I'airc aujourd'hui de I'e- go'isme et dc I'exclusion I S. R. . loo. Il terremoto del i83u. — Le Tremblement de terre de iH3z dans lesEtatsccclesiastiqit.es, tableau historique. Italic, i83j. Brochure. TREMBLEMENS DE TERRE DE l'oMBRIE. Cette petite brochure ne contient guerequela rc'pc'tition de quelques- uns des faits qne nous avons rapporle's des premiers dans une note de notre nume'ro dc fe'vrier dernier. L'auteur sc borne a la peinture des calamite's de I'Ombrie , et cite, au sujet du flc'au quelques circons- tances qui n'etaient pas encore connues. INous savions et i^us avons dit que des sources d'eau chaude avaient tout a coup jailli de terre dans les campagnes de Modene; niais nous ignorions que ce meme phe'nomene se fut reproduit dansrOmbrie , a quelques lieues de Spolete. — «Deux sources d'eau melee d'e'tranges matiercs , dit l'auteur , sortirent de terre , s'eleverent en jet a plnsieurs pieds , et formercnt durant deux heures un torrent rapide assez volumineux. La , comme a Cannara et a Spello , de larges fissures s'ouvrirent dans les champs. Les curieux. qui s'en .approcherent pretendirent qu'elles exhalaient une odeur de souffre. » Un phenomene atmosphe'rique non moins cmieux , et dont %e parle pas l'auteur , cut lieu au royaume de Naples. La nuit qui j)re'ccda le tremblement de terre de Potenza , chef-lieu de la Basilicata , on vit ua globe de flammes descendre du ciel avec une luraiere aussi vive que celle du soleil; il dura une minute, et s'e'tcignit avec 1' explosion du ton- nerre. L'auteur de la brochure cntre dans beaucoup de details sur les villes et villages mines , et en particulier sur la magnifiquc basilique de Sainte- Marie-des-Anges , au-dessous d' Assises, Un grand nombre de novices etaient dans I'eglisc a psalmodicr et prier, quand le fle'au I'atteignit ; ils virent le toit du choeur s'ouvrir a diverses reprises, et trois larges ITALIE. 479 troiis setbrmersur les trois grandesfcnetres {J'enestroni). Huit colonnes furent rompues comme des roscaux ct pUisicuis pilastrcs coupes franc. Au dehors la coupole et la tour se rappioclieient plusicurs fois, comme si elles cussent voulu se lieurter. Perouse , Assises , Spello ct surtout Bevagna , la patrie de Properce, re^urent des breches considerables ; tout le Val Ombre en fiit de'vaste. Les particula rite's rapporte'es par I'auteur n'ont qu'un interct local ; nous ' y renvoyons les curieux. Quant aux sentences politiques et reliE DiSTRiBuziONE DEI PREMj. — Solciinelle distribution des prix et exposition de 1 83 1 , dans V Academic provinciale des beaux-arts de Bavenne. Ravrnne , i(S3'.i. LE PEI\TRE LONGHI DE RAVENNE. Nous ne parlons de ces opuscules que pour rappeler aux artistes Jc nom d'un confreie inconnu , ou .1 pcu pres , dontrcloge est en tete, c'crit par son compatriote, le comte Alexandie C.ippi ; c' est' Lucas Longhi, que Ravennc regarde commeson plus grand peintre, et je -croi^ son uni- que. II uc quitta jamais sa ville natale, et fut contcmporain de Georges Vasari , qui Ic connut ct en parle.en quelques mots dans sa vie des peintrcs. « Longlii, dit I'aristarquc florentin, a travaille' et travaille avec etude et patience, ct j'en peux faire foi , ayant demeure'a Ravennc deuxmois , durant lesquelsje le pratiquai beaucoup , et ra'rntretins avec lui des choses de I'art. » II le plaint ailleurs de n'etrc jamais sorti de cliez lui ; « car, assidu et diligent comme il I'e'tait , et avec son beau ju- gement, il se serait certaiuement e'leve' a une bauteur rare. » Lanzi , dans sa Storia pittorica , en parle plus brievement encore. Le comte Cappi s'e'Ieve ardemment centre la Ic'gcrete et I'injustice des deux critiques; il leiir rcproche vivement leur partialite Rationale , et entreprend la rehabilitation de son concitoyen. II cite, comme son cbef- d'ceuvrc , une adoration de Jesus enfant , oil la splendeur divine du Messic naissant , le saint c'tonncment des patrcs et la chaste beaute de Marie , sont peints d'une main habile et savante. Bethleem brille dans le loin- tain sous line raontagne qui fcrmc I'horizon. Le ciel est serein , I'heure matinale; I'etoile miraculeuse luit encore , ct son dernier rayon se fond merveilleusement clans Fair. Un des patrcs est a genoux , el leur rudesse un peu sauvage a tons les deux, conlraste avec la grace et la modeste majestc de la jeune mere. Ses cheveux blonds , divises au milieu du front , vont se reunir derriere les oreilles. L' amour maternel se confond dans ses yeux a une liumilite toutc feminine. Elle s'etonne d'elle-meme , ct peut croire a peine a I'honneur ou Dieu I'appelle. Saint Joseph est assis aupi cs d'clle ; simple ct grave , ses habits sontpauvres , mais sa physionomie est noble , et le charpentier de Bethleem sait bien qu'il est de la famille de David. ITALIE. 4^3 M. Cappi vantc fort le dessin et le colons du tableau, la simplicite Ac I'ensemble ct la correction des details. Quoiqu'il futpermis detenir pour susjjcct Farret du panc'gyriste , nous voidons bien le croire sur parole. Quelque artiste lui saura gre , peut-etro , de lui avoir rappele ou fait connaitre un collegue mcconnu , et c'est dans cc but quo Luca Longhi a trouve place dans notre Bulletin. Lorsque Jean de Bologne eut expose' sur la place du Grand-Due , oil il est encore, son magnifique groupe de I'enlevement des Sabines , la rumeur d'admiration fut si grandc en Italic , que plus d'un amateur fit expres le voyage de Florence pour le voir. Heureux tems oil I'art avait encore des autels et oil Tenthousiasme briilait au coeur des hommes I Malgre toute I'eloquence de M. Cappi, il est douteux qu'il s'en trouve nn schI aujourd'hui dans les quatre parties du monde qui fit dii inilles pour voir un chef-d'oeuvre, fut-il dc Kaphaiil. Nous nous bor- nerons done a recommander celui de Luca Longhi aux artistes que leurs affaires meneront a Ravenne ; ils y trouveront de plus le tombeau du Dante , et la belle foret de pins si harmonieusemcnt , si melancolique- raent chante'e par Byron. io3. Lezioni di fisiologta. — Lecons de physiologic , de Lorenzo Martini. Turin, i8'26-i8v32. Douze vol. in-S". Ce n'est ici qu'une simple annonce bibliograjihiquc. Un ouvrage scientifique de cette dimension demande plus , et nous aurons sans doute I'occasion d'y revenir. Nous ignorons du reste si I'ouvrage est cntierement termine'. 104. Opuscoli di cuiRVRGiA. — Opuscules de chirurgie ^ par le professenr Antonio Scarpa. Pavie , iSSa. Les trois premiers volumes seuls ont paru. BELGIQUE. io5. Carte de la Bei,gique, d'apres Ferraris, augmentee des plans des six villes principales , et de Tindication des routes- canaux el autres travaux execute's depuis 1777 jusqu'en i83i . Bruxelles, i83a; Vander-Maelen. In-plano oblong dc 43 feaiiles. Le comtc Josej)h de Ferraris , ne;i Lune'ville le 10 avril 177O, c'tait 484 LIVUES ETRANGERS. iin soJdat iulicpidc el un officier instruit. Nomme en i-jG-j dircctcur- ge'ne'raldc rartillerie dans IcsPays-Bas autrichicns, il s'occupa a lever la carte des provinces qui les composaient. Co Lei ouvrage, termine en 1 1']'], est en vingt-cinq feuilles grand aiglc, et a la meme e'cheJle que la carte de France, par Cassiui, avcc laquellc, malgre quelques inexac- titudes de details , il peut , sous beaucoup de rapports , soutenir la comparaison. La copie qu'on en a faitc a Paris en 1796 , et qui est forme'e de 69 petites feuilles , est bien moins estimc'e. CelJe de M. Van- der-Maclen , quoique siniplement lithograpliie'e, n'est pas au-dessous de Foriginal. Cependant il faut dire qu'en faisant disparailre quelques- unes des fautcs qu'on rcgrettait de rcmarquer dans le travail de Fer- raris, il y en a ajoute plusieurs autres. Par exemple, pour ne parler que de lieux qui nousenvironnent , dans la feuille seizieme, la route de Louvain a Diest s'e'carle de la vraie direction aux environs de Saint- Joris-Wingi • cclle dc Diest a Hirck est marquee comrac faite , quoi- qu'elle n'existe encore qu'en projct , et la limite dii Brabant vers Beits n'est pas conforme a la realite. Mais ce ne sont la que des laches le'geres amplement raclietccs par I'execution dc I'enseniljle. Le Beige qui par- court les quarantc-deux feuilles publie'es par M. \ andcr-Maelen ne rencontre pas toujours son pays 5 les nume'ros i, 3 , 3, 4, 5, i?. , 18 , ne lui pre'sentent que des contours limitrophes , et son coeur se serre en voyant quelles mutilations a fait et fera subir peut-etre encore au sol de la patrie le caprice de la conference de Londres. Ccs reflexions pe'nibles rappellent une discussion extremeraent importanle qui ful souleve'c dans la convention nationale de France , le6 oclobre 1795. II s'agissait de I'urgence de re'unir les Beiges a la re'publique francaise. Roberjot, qui joua dans la diplomatie un role si funeste , prononca a cette occa- sion un discours e'tendu , et fort de raisonnemens. En voici quelques passages qu'on ne sera pas fache de retrouver ici. Nous les extrayons lidelcment du Moniteur, quatorzieme nume'ro de I'an IV : « En proposant Tindependance des Beiges et des Lie'geois , on » presume , sans doute , que la re'publique sera mieux affermie , et » qu'elle sci'a propre a nous garantir .i nous memes plus sureraent notre » independance. — Moi , je pense , au contraire . que si vous pronon- » cez rindependance de ces peuples , vous ne conclurez qu'une paix » pre'caire et simulec : vous livrcroz pendant plusieurs anne'es ccs riches liELGIQUE. 4^5 1) contre'es au llcau de la guerre et aux liorreurs de I'anarc^hie : vous » alimenterez I'ambition et les espe'rances de la maison d'Aiitriche; » vous tournerez a votre de'savantage la balance politique , et vous r*?- » trograderez la revolution... — L'Anglcterre, qui s'apercoit que cette » guerre, qu'elle a conduitc dans des vues de cupidite et de jalousie, » lui a enlevc une partie des debouches qu'elle s'e'tait approprie's sur la » Hollande , sur la France et dans le Levant , et qu'ils diminueraient » encore par la reunion de la Belgique, cherche par cette mesure (I'in- » de'pendance ) a se de'dommager de ses pertes Sentant qu'il lui est » important de s'ouvrir ks portes du commerce en AUeraagne, do pro- » liter de I'inde'pendance que vous accorderez ausL Beiges, pour ane'antir » dans quelque terns cette meme inde'pendance , s'emparer des ports » d'Anvers et d'Ostende , ouvrir un debouche certain aux produits dc » ses manufactures , s'approprier le commerce de transit pour leur des- » tination a 1' AUeraagne , et placer, puisqu'il faut le dire, le due » d'York sur un trone qu'on doit lui fonder, I'Angleterre n'a cesse » d'avoir en vue la prospe'rite de son commerce , toutes mesurcs lui ont » paru bonnes ; il est done dans ses principes de risquer de nouveaux » troubles pour pre'venir sa mine et ne pas perdre les avantages qu'elle » avait acquis. » II y a trente-six ans que ces paroles ont retenli au sein de la France : Roberjot lisait dans I'avenir. Io6. DiCTIONNAIRE GEOGRAPHIQUE DE LA PROVINCE DE NamUK ( rc'- dige par M. Meisser , public par M. Ph. Vander-Maelen ). Bruxelles, iSSa; e'tablissement ge'ographique. In-S" maj. de 3i3 p. et 8 tableaux. Les publications de M. Vander-Maelen sc succedcnt avec une rapi- ditc qui explique quclques negligences , en attestant uuc activite' e'ton- nante et des etudes immenses. Le dictionnaire de la province de Namur est re'dige' sur le meme plan que celui de la province de Lie'ge, que nous avons annonce dans notre livraison de Janvier dernier j sculement ici les details historiques sent moins comple'tement de'daigne's. Les preliminaires contiennent un article intitule' Anlhropologie , et oii il est question de temperature plutot que d'autres choses. Or ce n'est pas la pre'cisc'mcnt un point de vue anthropalogique. On pourrait remarquer a cette occa- sion que les Namurois , quoique doues d'un esprit vif, d'une concop- TOME LIV. MAI ET JUIiV 1852. O'l 486 LIVRES ETRANGERS. tion prompte , sont cle tons les peuples dc la Bclgiquc , ccux qui comp- tent le moins de savans et d'artistes , et que c'est a Namiir qu'on a im- prime le plus tard , qu'on a le moins imprime' proportionnellcment aux autres chefs-lieux. de province , enfin ou Ton a imprime Ics e'crits les moins dignes d' attention. Voila un re'sultat que ranthropologie pouvait recueillir : il n'est pas fait pour flatter les amours- proprcs de localite' j mais la science ne compose pas avec ces petites faiblesscs. Les liuit ta- bleaux qui suivent le texte montrent les routes existantes, celles en projet et les rivieres uavigables. Les Flores et Faunes qui servent d'ap- pendice au Dictionnaire de la province de Liege n'ont pas dans celui-ci d'analogues. De Reiffenberg. Z.IVRES FRAN^AIS. 107. Conferences de philosophie catholique. — Introduction h la philosopfiie de Vhistoire; par M. I'abbe Ph. Gerbet, 1", IF, IIF Conferences (i), Paris , 1882; aux bureaux do I'agencepour la defense de la liberie' religieuse , rue Saint-Germain-des-Pre's , n" 10 bis, et cliez E. Renduel. Trois caliiers in-S" , formant ensem- ble 148 pages. La re'union dcs conferences , au nomljre de i5, doit former un volume , dont le prix pour les souscripteurs est de 8 fr. ; cliaque conference se vend separe'ment i fr. NOUVELLE ECOLE CATHOLIQIE. Depuis quatre siecles , le defaut du catliolicisme n'a pas e'te un pcn- cliant trop vif a des changcmens d'aucun genre. Le Dieu et rautorite' du Vatican a travers bien des bouleversanens sont demeure's constararaent les memes , fi-appant d'un analbeme aveugle toute re'forme et tout re'for- mateur, imraobiles en religion, immobiles en physique ct en politique, disant a tous les novateurs de cc monde un nescio I'os aussi impi- toyable qu'aux reprouves de I'eafer. Mais les societe'sraodernes, avec leurs instincts progrcssifs, reconnais- sant moins la sagesse a ces resistances que cette debilite qui suit la de'- crepitude, ne se sont pas laisse' emouvoir et ont marche toujours a leurs destine'es. Tandis que I'Eglise se constituait I'appui et souvent le jouet des superbes du monde qu'elle avait rccu mission d'abaisser, le peuple arboraitpour etendard le principe d'e'galitej tandis que les theologiens (1) La r.iaiivaise san(e tic M. Gorbot Vn Torcd At; SiisncnJrp re* conft-rrnccs ius- qu'a son rdtablissement. 52. ^88 LIVRKS riUNCAlS. lapnorlaienl toutc idee et toule chose a leurs tcxtes , mesure absolue dc toute verite, la science, sans s'inquie'terdeleiirs condamnations, explorail I'univers , rindiistiie, sans s'inquie'lcr dc Icur silence a son c'gaid, pour- suivait son avenemcnt dans I'ordre social. Enfin il est arrive' graduelle- mentque le catholicismc a e'te repousse paries masses populaires comme un ami du privilege , par les liommes d'intelligcnce comme nnc autorite' e'troite, par les liommes de production etd'industrie comme une doctrine ignorante des interets dc ce monde. Or de tout ccla que conclure naturellcment ? Que le catholicismc , comme doctrine et comme institution , doit perir , ou sinon que !e dix-neuvieme siecle doit renoncer a toutes les de'couvertes intellectuellcs et a tons les changemens sociaux qu'il re- garde comme sa gloire. En effet I'alternative a ete ainsi pose'e. Ccs deux sentences ont e'te I'une etl'autre prononce'es , cellc-ci par le catholicismc , ccUc-la par ses ennemis. Voici qu'aujourd'hui cependant \me e'cole puissante et active pretend qu'on a mis trop de hate a conclure , et trop peu de gravite' a examiner les questions. Un sentiment protbnd de I'e'tat religieux du siecle et des vucs hardies sur I'avenir ont, des I'origine , etc le caractcre des travaux de M. de Lamennais. Domine' par une ardeur de renovation dont son orthodoxie, erige'e tout a coup au milieu de riacre'dulite' ge'ne'rale, n'a peut-etre elle- meme e'te qu'une expression , il a cherchc a la fois du cote du passe et de celui de I'avenir la chaleur religicuse dont il vcut ranimer le foyer. Apres avoir pre'sente I'autorite' et la tradition comme le seul rcmede a rindiffe'rence , il arrive maintenant par le de'veloppement de ses prin- cipes h dire que la science et la libertc , loin de contredirc la foi , en sont la vraie consequence ct doivent seidcraent y cherchcr Icur regie , leur sanction , Icur cnseignement , y trouvcr la garantie et le criterium dc leur vc'rite. Suivant lui, le calholicisme n'c'tant que la synlhcse des fails ge'ne'raux propres a rintelligcnce hiimaine dans Inus les Irms et dans tous les lieux , (juod semper, quod uhique , quod ah otnuibus , fournit impli- citement le point dc depart de tous les progres dc rintelligcnce ct de la societc. Or, dans le moyen age, un de'veloppement philosophique s'est LTVRES FRANCA IS. 4^9 piocluit sur ce fond. Mais, incomplet ct exclusif daus sa foniie , il a re- pousse Ics tentatives scientifiqucs rcvetues d'lin caractere difl'erenl , en telle sortc que Ics savans sont devenus hostiles au clirisllanisine raeme , et bien des chre'tlens liostilcs a la science par attachcmcnt pour la tradition. Cepcndantleniouvementexcentriquc et irreligieux poursuivi a travers ses deux phases , Ic protestantisme ct la philosophic , s'c'puise ea proic tout enlicr au principe de dissolution duquel il est parti ; et de menie le catlioHcisnie touche au terrac de la suspension passagcre dc son acli- vitc. 11 va reprendre avec plus d'e'tendue sa domination siu- Ics cs- prits ct sur les choses , s'e'pandre dans la science et dans la socieic , et restaurer scion ses principes toute la j)hilosophie et toute la politique. L'figlise , tout en s'occupant de relever I'autorite des vieillcs croyan- ces par le renouvcllement d'une sorte d'apostolat et dc verlus austeres trop long-tems oublie'es dans le sacerdocc, aboidera un ensemble d'ide'es a la fois ]ihis ge'ne'ral ct plus reel que la philosophic du moycn age, oii son but sera de mcttrc en rapport la foi de tons les tcms avec les con- naissances ct les besoins du notre , et par suite de diriger tous les chan- gemens aujourd'hui nc'ccssaires. Ccla fait , les esprits les plus eleve's qui sont en quete de croyances , relrouvant dans I'unite ge'nc'rale la force d'impulsion qu'ils ont cruee'pui- se'e , y rentreront ; et le catholicismc , sans abdiquer son caractere es- senticllement traditionnel , sans cesser de se rapporter aux memes ide'es centrales autour desquelles il a toujours gravite' et cherche la certitude, re'gularisant cctte ardeur d'innovation jusque-la febrile , et s'agrandissant de tout ce qu'elle a produit de vrai , e'tant a la fois le plus invariable et le plus avance, ralliera tons lesprogres a lui, parce qu'il compren- dra tous les e'le'mens du deVeloppement humain. Telles sont en relief les vues et les espe'rances de cctte nouyelle e'cole. Ce qu'elle a done hate de faire , c'est dc se saisir de tout ce qu'il y n d'actif et de puissant dans nos nations modernes , et de le rcndre au catholicismc. Descendant des hauteurs de la the'ologie , die cherche a chaquc chose un role et unc place dans sa doctrine , et sur chacunc ne pretend pas etre moins neuve que profondc. Nous I'avons vue se meler avec autant de vigucur que d'eloqiicDce aux 490 LIVRES FRAN^ATS. luttes quotidienncs dc la politique, ct prccher la liberie avcc uue hardiesse le'publicamc. Nous la voyons s'occuper de theories industrielles , traiter des interets mate'riels , et clicrclier le rc'glement e'conomique de la socie'te. Elle poursuit sa marclie : et dans ces conferences voici que M. Ger- bet erige le progres en une sorte de dogme , dont il rapporte la gloire au cliristianisme , et qu'il emploie a produire sous ses auspices beaucoup de cLoses peu en faveur jusqu'a cc jour aupr^s de lui. N'allez pas croire ne'anmoins que rien soil change a ces autorite's ca- tholiques que nous savons si stationnaires. L'horizon s'e'tend , si vous le voulez , la circonfe'rence s'e'largit ; mais vous ne changez ni de terrain ni de centre. Voycz en effet ces lutteurs courageux et hautains , ces pro- moteurs infatigables de liberie' de conscience ; voyez-lcs sur un repro- che d'he're'sie, empresses a I'obe'issance et a rhumilite , implorer une absolution du vieillard qui continue saint Pierre , vieillard sans puis- sance au spirituel comine au temporel , et qui ne sait ou n'ose juger I'entreprise qu'un pretre guide en son nom contre sa volonte. Ainsi partage's entre deux allures et deux principes contraires , ces esprits eleve's accomplissent des recherches fe'condes avec toute la ferme confiance de novateurs convaincus. Ces conferences en sont un des ter- mes les plus remarquables. Nous nous bornerons a en extraire une es- quisse de leur doctrine sur I'esprit humain , qui mettra a meme de saisir le sens rationnel de tout ce mouvement si digne d' attention. Le de'veloppement reel de I'existence humaine se rattache tout entier a trois principes : I'intelligence d'abord , puis I'amour , enfin I'ac- tivite'. Les faits de I'intelligence donnent lieu a une division fondamen- tale. En premiere ligne , ce qui frappe en elle, ce sont des croyances unes, absolues , ne'ccssaires, qui forment comme la substance de tonte action fiitcUectuelle , Ic lien essentiel de notre esprit avec la ve'rite' j puis ea opposition , des conceptions individuelles , contradictoires , par suite in- certaines. Mais entre ces deux especes d'ide'es, les unes ne'cessite'es , les autres variables , ily en a un certain nombre d'inhe'rentesa la nature humaine et en ce sens ne'ccssaires, qu'il de'pend ne'anmoins de notre liberte d'ad- LIVRES FRANCAIS. 49* mettrc ou dc lejetcr; de meme, suivant I'expFession dc M. Gcrbct, qu'il depend de nous de.satisfaire ou non au bcsoin de manger, quoi- qu'il soit unc loi dc notre nature. Ccs croyances sent le lien entre la raison commune et la raison parti- culicre, le fondement de notre certitude dans tous les genres de connais- sances. Notre esprit y adhere commc a quelque chose de supe'rieur. II fait un acte de foi a leur e'gard. Elles constituent un ordre de foi. Mais uue notion universelle repue d'une maniere passive ne contient pas la determination de tous les rapports auxquels elle se lie , n'impli- que pas I'intelligence ni la vue claire du vrai. Or chaque esprit tend a concevoir jiar ses propres forces et a expliquer les choses : d'ou nait uix ordre de science ou de conception. En taut qu'issus d'une meme unite, ces deux ordres sont harmoni- ques. Le premier impliquc le second, mais lui donne sa regie. Ghaquc individualite doit se deVelopper librement suivant son e'ncrgie et sa di- rection , mais sans sortir de I'unitc des croyances universelles. Telle est la loi gene'rale de 1' esprit humain. La the'orie catholique repousse e'gale- ment le mysticisme qui, n'admettant que la foi, nie I'activite individuelle, et le rationalisme exage're qui , n'admettant que la science , nie la loi d'unite'. Elle fait consister la perfection de la raison a unir la certitude a la clarte dcs conceptions. Le but qu'elle propose , c'est I'accord de plus en plus complet et general dcs deux ordres , enfin le piogres continu dc la science appuye'e sur la raison commune. Les sentimens sont engendres a la suite des ide'es. Ici meme divi- sion. L'amour a pour objet le bien. Le bien en tant qu' universal et immuable, c'est le juste, en tant que relatif a chaque individualite', c'est Futile ; Ic premier correspondant a l'amour de tous , le second a l'amour de soi. Un lien s'e'tablit eutre ccs deux amoui's par le sacrifice ou I'acte de charitc qui consiste a placer 1' utile pour soi dans ce qui est I'utile pour tous , lequel engcndre le bonheur, comme I'acte de foi engeudre la cer- titude. Ici done se place uu ordre de charite , fondement de la morale. Mais, de meme que chaque individu tend a se cre'er des conceptions qui lui soient propres , il tend a se procurer a chaque moment son bicn- etre personnel. Ceci est I'objet d'un ordre de jouissance auquel se rapi- ]iorte I'industric. 49* LIVKES FRANCAJS. C'est ainsi que la doctrine catholique comprend dans son sein les jouissances matc'ricUes. Egalement cloignc'e du stoicisme qui me'connait I'utilc , et du sensualismc qui rac'connail I'amour de tons , elle veut I'ac- cord re'ciproque dcs inte'i ets male'iiels ct de la morale , en donnant cellc- ci pour regie aux premiers. Les ide'es ct les senlimcns se rc'aliscnt par ractivite au milieu dcs hommes; ct conse'quemnient les doctrines pre'cedentes deviennent des doctrines politiques oil la division des deux ordres se trouve consacre'e depuis long-tems sous les denominations ce'lebres de spirituel ct de temporel. Le premier, qui repose sur la conscience ge'ne'rale et la loi indestruc- lible et universelle de justice , fondement divin de tout e'tat social , con- stitue la socie'te' spirituelle dont le propre est Vobeissance dcs intelli- gences. Puis imme'diatcment de la ue'cessite de la socicte' derive cellc d'une socie'te' temporelle, c'est-a-dire d'une volonte' qui pour chaque na- tion constitue un centre d'action, et d'une force puLlique qui mainticnnc cette volonte'. Ceci est absolu. Mais quelles doivent etre les formes d'organisation ? Quels seront les de'legue's du pouvoir ? Conmient seront-ils choisis? cc sont la des ques- tions qui dependent des conventions, dont la solution appartient a la communaute' , se modifie selon ses besoins et constitue le domaine de la liberte. Cette doctrine, qui e'tait celle des tlic'ologiens catholiques du moyen age, fut nice paries premiers docteurs protestans , qui prc'tendi rent que I'e'tat social e'tait un re'sultat des conventions bumaines. En sens inverse, mais sans plus de raison, les docteurs des e'glises anglicane etgallicane e'rigerent en principe I'obe'issance passive et rinamissibilile du pouvoir. Rousseau re'pliqua a ces doctrines de despotisme par le Contrat social, oil il nia que Tc'tat de socie'te fut naturelj et depuis ce terns, nombre de Chretiens effraye's n'ont plus voulu qu'il fiit question de pactes sociaux, et ont refuse aux peuples loute intervention dans le gouvernement. Le veritable but du catholicisine est de faire marcher d'accord le principe de conservation dont I'essence est la soumission , ct le principe de progres dont I'essence est la liberte, en d'autres tcrnics, d'unir de mieux en mieux I'ordre spirituel et I'ordre temporel. Iri apparaissent dcs difiiculle's. LIVRES FRAN^AIS. 49^ Que veut-on-dire par cette formule : union du spirituel et du tempo- rel , sinon que la conformite des actions humaines a la loi divine cons- titue la loi ge'ne'rale des sode'te's ? Mais les societe's dans Icur de'veloppement passent par deux e'tats diffe'rens qui correspondent a I'enfance et a I'age miir dans I'individu. Dans Ic premier elles accomplissent leur e'ducation sous la main d'une autorite' paternelle, mais severe; des restrictions sont apportees a leur liberie : elles font le bien , mais un peu par contraintc. Dans le second , les actes de chacun n'ont plus pour regie que sa raison et le libre assen- timent de sa conscience. Ainsi I'accomplissement de la loi religieuse a lieu sous deux formes , d'abord avec I'aidc de la force , plus tard uni- quement par la raison individuelle. Voila ce qui explique comment M. de Lamennais et son e'cole sont conse'quens a leur doctrine du catholicisme lorsqu'ds re'clament la liberie des cultes , de I'enseignement , la separation complete de I'e'glise et de Tetat, etc... Ge libe'ralisme n'est pas seulement, pour eux, un pis-alicr de quelques jours appropric' a re'tat transitoire d'anarcliie intellecluelle au milieu duquel nous vivons , et a empecher I'oppression d'aucune croyance , y comprise celle des catlioliques , jusqu'a la reconstruction de I'unite religieuse ; e'est un etat de'finitif oil la religion doit etre pratiquc'e en vertu de la liberie' , et la liberie' respecte'e au nom de la religion. Au rcslc voici les paroles de M. Gerbet sur ce point: « On pent, dil-il, » raisonner dans trois suppositions. Ou le regime de liberie e'tabii cbez » un peuple y de'truira la foi catholique , et dans ce premier cas il est » evident qu'il ne pourrait plus etre question de reconstruire Tunion ;> de 1 c'glise eldc re'tat; ou la division des croyances se perpe'tuera in- » de'finiment sous ce regime, et dans ce cas la separation de I'ordre spi- » rituel et de I'ordre temporel, concue comnje I'e'tat necessaire d'un mo- )) ment de crise, devra continuer; ou cnfin les croyances so rcconsti'ui- » ront dans les esprits par la liberie', el dans celle supposition, qui est la » noire parce que nous avons foi a nos croyances , il scrait absurde, ini- » que et en outre contraire aux vrais iuterets dc la religion, de de'lruire ') en son nom le regime qui I'aurail sauve'e et qui, par cela raeme qu'il ') aurail e'te' re'paraleur, serait a plus forte raison conservaleur. » Maintenant on a prevu que le projire de I'ordre temporel c'est le pro- 494 LIVRES rRAN(J\IS. grcs. Or ici Ic progres consistc dans la diminution dc la force legale en vue dc raccroissemcnt de la liberie', et comprend deux points de vuc cssenticls d'application , d'un cote I'extension des droits politiqucs , de I'autre I'extension des avantages sociaux a un nombre croissant d'indi- vidus. On prevoit encore que Ics systeraes qui absorbent re'ciproquement I'un dans I'autre Tordre spirituel et I'ordre temporel , ceux qui admet- tent en memeteinsl'indefectibilite' absolue des deux autorites, a la facon du gallicanisme , sont e'gal.nnent cloigne's du catLolicisme qui distingue radicalcment , mais consacre a la fois un ordre de faits divins en tant qu'invariable , un ordre de faits humains en tant que progressif. C'estdans cet ensemble de doctrines que M. Gerbet s'est propose de chercher les lois du de'veloppement social et de prendre le point de de- part de son introduction a la philosophic del'histoire. Trois genres de travaux viennent naturellement s'y rattacher; les uns ayant pour objet de de'finir la foi dans tous les genres de connais- sances; les autres de faire, d'aprcs les donnees de la foi, un classement des conceptions scientifiques ; les derniers de former sur cette double base une vaste encyclopedic dont la foi fournirait comme le tcxtc, et la science les notes , et qui repre'senterait tout 1' esprit humain. Ces travaux seraient , a notre sens , ne'cessaires pour pressentir com- ple'tement les destine'es de cette i-eorganisation catbolique. C'est au com- mentaire de la formule gene'rale qu'il appartient de nous apprendrc tout ce qu'elle contiendra , oii seront rigoureusement fixe'es les limitcs de cet ensemble absolu de croyanccs qui est la foi , ou commencera le champ libre de la science. Ces points jusqu'i present nous ont paru pcu de'ter- mines , et peut-etre n'est-ce pas matiere a reproches : la latitude meme laisse'e a rinterpre'tation indique le sentiment de toute rc'tcnduc des rc'- novations necessaircs pour rendre I'initiativc au catholicisrae. Ainsi , pour appre'cier les assertions de M. Gerbet, il faut attendre qu'il en ait fait une application c'tendue i I'histoire; et bien mieux, pour juger avec complete assurance Tccole a laquelle il appartient , il faut attendre les grands travaux qui nous sont proniis deM.de Lamcnnais, el oil ilse propose , en recourant a toutes les donnees de la connaissancc moderne^ d'edifier le systeme de la philosopUie catholique. LIVRES FRAN^AIS. 49^ Cependant , sans e'mettrc une affirmation trop prononcee , nous n'au- gurons pas exactement pour I'avenir de cette e'cole tout ce qu'elle sc proract. De meme que beaucoup d'hommes partis de I'incre'dulite', en mar- chant vers la foi , ont rencontre bien des questions long-tems oubliees , ces croyans partis de I'orthodoxie absolue , apres avoir donne' a 1' intel- ligence sa liberie , verront s'eVanouir bien des idees qu'ils ont crues eternelles. Quand ces pilotes hardis auront mis en mouvement ce na- vire si long-tems stationnaire , ils comprendront que Ton n'avance pas sans changer de climats et de cieux , et verront de'cliner sur rhorizon I'e'toile immobile qu'il ont pour guide. Leur position ne differe pas bien essentieUement de celle de tous les hommes qui n'ont pas exclusivement borne leur amour au passe' , et leur pense'e a I'e'goisme du present. lis cherchent comme tant d'autres. L'avenir , soit qu'il doive etre invente de toutes pieces, soit qu'il doive etre assis sur les anciens fondemens , est au bout de ces travaux accom- plis sous des bannieres differentcs. Et certes , si I'humanite n'est qu'une race solidaire dans sa dure'e , il ne sera pas sans aucun lien avec les ide'es et les travaux des terns e'coule's , il y trouvera ses ante'ce'dens , les degre's de sa longue preparation et de profondes analogies. Sans doute il y a quelque ensemble de croyances , qui est comme le fonds de la vie morale de I'hnmanite , le patrimoine conunun de toutes les generations. Une pense'e religieuse plane incessamment sur elles , et grandit d'age en age , poursuivant son de'veloppement progressif qui est sa loi meme , et revetant une suite d' expressions de plus en plus glorieuses , entre lesquelles a brille le catholicisme. Mais son institution n'est pas rattachee a une mission extraordinaire de quelque homme divin , ni sa destince contenue dans les limites de I'autorite' papale , ni son sens restreint a I'interpre'tation de I'Eglise. A travers bien des destructions et des re'novations , elle va toujours se tran sfigu- rant ; ses formes changent comme toute la condition des hommes , le mode de conception et celui d'enseignement , le mode d'exercice dc I'au- torite' et celui de I'obe'issance. Les institutions et les autorite's , comme les enveloppes re'fractaires d'une vie qui va croissant, sont brisees. Ainsi , le souvenir d'une papaute jadis populaire ne sauvera pas la pa- pautc retrograde de nos joers. Le Vatican, quoiquc soutenu par des 49^ LIVRES FRAN^AIS. mains puissantes, s'e'croulera coranic Ic sanctuairede Jerusalem taiil tie ibis rclevc. Mais si I'ldce principale dcs catholiqiics est celle d'uue unite intcUec- tuelle dc toute riuimanile, i! faut dire ([u'ils I'ont concue en sens inverse de sa vraie fonne. La destine'e de riiumanitc n'est pas dans celle du thrislianisme : le christianisnie est dans ia vie de riiuinanite. Ne rac- surcz pas le monde a la portee de votre vue I Ne le borncz pas a votre hon'zoi) , afin de vous en faire le centre. 11 en a e'te Lien long-tems en religion a pen pres conime en astrono- inie. De mcme que les astronomcs ont place' la terre au centre des cieux, oaque doctrine s'est concue comme pivot du systeme general, non comme I'un des rouages nombreux qui en composent I'harmonie. Ainsi font encore quelque pculescatlioliqucs, quoique partis de la conception de I'unite bumaine. Mais alors que I'bistoire se deploicra de toutes parts en deiiors des dix-huit cents ans qui leur apparlicnnent, voudront-ils tout faire relever de la Jude'e et de Rome? Feronl-ils des soleils qui jieuplent I'cspace, les serviteurs du globe terrestre? Diront-ils, comme ce roi sauvage qui ne connaissait au monde que son royaume : le soleil est a moi, car il a toujours e'claire' mes sujets. Non. Les limites de la conception catholique seront deborde'es par tout ce qu'ils seront contraints d'y renfermer. A force d'e'largir en tous sens cette unite qui n'a pas e'te' faite pour s'e'tendre , ils finiront par la briser, et le sang jeune ct bouillant qu'ils infusent dans les veines de ce corps , e'puise loin de produire le renouvellement de sa vie , en aura jpeiit-etre avancc le lerme. Cepcndant ils exerceront leur action sur notre terns. He'ritiers lout a !a fois de la democratic et dc la tradition , ils pourront rc'concilicr bien des do'mocrates avec le sentiment rcligieux et bien des ortliodoxes immobilcs aver les sentimens modcrnes. G'est done avec sympatliie que nous e'coutons leurs pressentimens qui nous pro- mcttent unc atmosphere plus large que celle oil nous sommes aujour- d'iiui presse's. Les previsions des amcs e'lcvees de notre terns alle'gent rinccrlitudedescceurs; etsi nousne savonsbien ni quels cieux ni quelle terre nous sont destines , nous devons esperer micux que le present oil les cieux sont voile's et I'liorizon terrestre cbaque jour si re'treci . L. L. Gadki!i,ed. L1VRES FRANgAIS. 497 108. Les crimes des faux catholiques consideres comme la prin- cipale cause des troubles et des calamites de la France et de leur prolongation , par M. A. Madrolle , avcc cetto dpigraplie : <( Beprenez devant tout le monde ceux qui sont coupables de crimes , afin que les autres aient de la crainte. » Saint Paul. Paris , iHSa; Moutardier. In-8" de 120 p.; prix, i fr. 5o c. Ceci est un acte d'accusation en forme contre la Gazette de France. L'auteur, catholique lui-merac, la met au pilori dans la personne de son re'dacteur en chef, M. de Genoude, avec une impitoyable violence, II le convainc de tergiversation , de duplicite, d'liypocrisie. 11 n'est pas jusqu'a I'arscnal des personnalite's oil il ne fouille pour pulve'- riser son advcrsaire; puis il conclut en dernier terme a ce que le gouvernement s'arme contre lui d'un pouvoir exceptionnel pour I'a- ne'anlir. Cc n'est pas, quant a nous, la conclusion que nous approuvons. Quelque peu de sympathie que nous ayons pour la doctrine representee par la feuille de M. de Genoude, nous ne saurions provoquer contre elle les raesures ardentes de la persecution. G'est chez nous une affaire de principe. Liberie avant tout de pense'e et de discussion pour nos en- nemis comme pour nos amis. Quant aux theories de la Gazette , il n'est pas besoin de dire le cas que nous en faisons ; sauf la perse'cution , que nous repoussons , nous pensons sur elle comme M. Madrolle lui-meme , quoiquc prcbablement dans des vucs diverses. Nous avons ri de pitie' a cette re'cente come'die des e'tats gene'raux et du suffrage universel si ardemrasnt reclame's par I'antique organe de la faction le'gitimiste. On eiit dit a I'entcndre que jamais les liberies francaises n'eurent de plus chauds de'fenseurs. C'e'tait elle qui se constituait scule avocat du pcuple et plaidait sa cause ; elle qui invoquait I'instruction pour tons , qui s'e'levait contre les ambages de la prcsse et de I'industrie nationale, que sais-je encore? on aurait dit qu'elle seule e'tait et avail toujours ete' sur la brechc ; ct qiiand on voyait tout cela signe' Genoude , I'apotre de la restauration , c'e'tait, nous le repetons , a rire de pitie'; une telle confusion de roles e'tait trop grotesque pour tromper personne , et le bon sens de tous en a fait justice. 498 LIVRES FRANgAIS. D'accord avec M. MadroUc sur cc point, nous differons suv Ics au- trcs , ct sur la doctrine du sermcnt qu'il etablit, ct sur Ic respect passif c-t re'signe' de tout pouvoir constitue qu'il profcsse , ct sur la souverai- nete populairc qu'il combat ct que nous soutcnons de toutes nos forces. Sa brochure toutcfois a cela d'intcressanl qu'elle met a nu I'anarcliie du parti calbolique , ct c'est un fait a constater. Tous les oracles du parti passent sous sa ferule , qu'ils se nomment Lamennais , Bonald , Chateau- briand ou Cottu , aucun n'est e'pargne , chacun a sa part de censure ct d'ardentes recriminations. C'est bien la un parti qui se meurt. Anar- chic dans les homraes, anarchic dans les doctrines, anarchic partout. Les plus beaux clans de I'eloqucnce sont impuissans a rallicr ce qui est divise', ct dans cette grande ct tumultueuse dc'faite chacun tire a soi. Je ne sache pas de plus e'videns symptomes de mort prochaine ct de disso- lution complete. Qu'il me soitpermis, avant de finir, de parler un instant de moi. J'en ai le droit , car il s'agit d'unc justification. L'auteur , M. MadroUe, a bien voulu me citer plusieurs fois , et je I'en rcmercie , mais il est une erreur ou ilest tombc et qu'il me convient de relever. II me taxe de saint-simonien j ct je declare que je n'appartiens et n'ai appartenu, en au- cun tems, ni deloin ni de pres, a la religion saint-simonicnne, que je n'en connais pas meme de vue le grand pretre Enfantin , et que nies opinions sont inde'pendantes et individuelles. Qu'il ait reconnu dans I'e'crit qu'il cite de moi, sans amertume du reste et avec une parfaite bienveillance , quelqu'un des principes politiques qu'on est convcnu d'appeler saint- simonicns , cela se peut ; le saint-simonisme , qui a mis en circulation taat d'ide'es , n'a fait que constater des pense'es, des sentimens, des be- soins, des sympathies qui germaient dans tous les cceurs de cette gene- ration jeune , entreprenanle et sincere a laquelle je me fais gloire d'ap- partenir. Aussi bien nous sommes-nous deja ct a diverses reprises explique's dans notre Revue sur la question saint-simoniennc ; un fort bel article ecrit par un de nos amis ( M. Jean lleynaud) , et inse're' dans le cahier de Janvier dernier , est comme notre profession dc foi a tous sur ce point ; nous ne pouvons micux fairc que d'y renvoyer M. MadroUc et tousceux qui, ainsi quelui , nous suspcctentdc saint-simonisme. Charles Didier. LIVRES FBAN^AIS. 499 log. Du MAINTIEN DE LA PEINE DE MORT , par M. F.-A. SiLVELA. Paris, 1 832; Delaunay, Palais-Royal; Videcoq, place du Pantheon, n° 6. In-S" de 4i6 pages; prix, 7 fr. Le litre de ce livre donne a penser et a craindre. Dans les circonstan- ces oil nous sommes , il serait par trop cruel qu'unc the'orie spe'cieuse Vint sanctionner la pratique de nos hommes d'etat. Hcureuscmcnt per- sonne plus que I'autcur du Maintien de la peine de mort n'en re'- prouve I'application aux delits politiques. Selon M. Silvela , dans ces sortes de jugemens Timpartialite' est presque toujours bannie. « Avouons-le, dit-il, quelquc pe'nible que soit » un tcl aveu , te'iaoins , juges , jure's , defenseur et spectateurs , tous » sent plus ou moins agite's par les passions qui divisent alors les ci- » toyens Tantotdes te'moins, preVenus par I'esprit de parti, s'exa- » gerent ce qu'ils ont vu ou entendu , tan#!is que d'autres rcgardcnt le » mensonge comme un pieiix devoir; tantot les jugcs croicnt sau- » ver I'e'tat en se'vissant, tandis que, dans lemerae cas, d'autres jugcs sc » flattent d'adoucir I'aigreur des partis en se montrant gene'reux » Dans les crises politiques , il est toujours a craindre que I'aecord de » chacun ne soit que le complot de tous , que la justice ne soit que la nfaiblesse des uns et la -vengeance des aiitres » Ce passage nous rappelle un trait cite par Bentham : « II faut meme » observer, dit-il, relativement a ces delits politiques, que, si la mort » delivred'unhomraedangereux, c'est souvent en lui donnant des suc- » cesseurs plus redoutables. C'est un mot a me'ditcr que celui d'un » vieux Islandais qui , dans une guerre civile , etait tomlje entre les » mains de ses ennemis. Le bourreau venait d'abattre une tete : on la » lui porte toute sanglante : — Regarde , malbeureux , la tete de ton » fils. — Mon fils , re'pond-il , a plus d'une tete. » Ce mot, nos ministres le mc'diteront-ils aiijourd'hui , eux qui I'cus- sent si volontiers mis en relief il y a deux ans , lorsqu'il s'agissait de ravir a la justice politique la tete de grands coupables? Disons d'abord les conclusions de I'auteur, nous exposerons ensuite les argumens qui en sont les premisses. M . Silvela range les crimes suivans parmi ceux anxquels Ic le'gis- 50O LIVRES FRAN^AIS. lateiir doit attaclicr Ics idc'es dc « peril social , de me'fiancc absolue illi- mitc'e, d'incoiTigibilite du coupablc et d'immoralite portc'e a son coin- blej » en consequence il les regarde comme emportant Ic'gitimemcnt l.i peine de inort. Sans premeditation : Le parricide , Le fratricide , Le meurtre de Vepoux , Le meurtre avec jouissance des soiiffrances de la victime. Avcc pre'mc'ditation : L'homicide perjidement execute. Tons ccs crimes commis par dcs etres que la loi pe'nale declare ma- jeurs. Hormis ces cinq cas , Fauteur semble conclure pour I'abolition de la peine de mort. M. Silvela se declare partisan du principe de Vutilite commune de Benlham. Toutefois , il n'y trouvc pas la raison suffisante de la le'giti- mite' du droit de tuer que s'arroge Ic pouvoir social , ou du moins il prc'ferc cherclicr cette le'gitimite' dans I'ide'e du juste. Selon lui on ne sera apaise' sur cette question que lorsqu'on y aura trouvc' une solution pliilosophique ; c'est pourquoi il pretend dc'couvrir dans les lois memes de I'organisation de I'individu toutes les conditions de cette solution. Si Ton consulte 1' analogic physiologique , on vcrra que la nature nous force a nous conserver par les raemcs moyens qu'clle nous de'truit , et que par consequent les mots de'truire et conserver ne sont pas en oppo- sition absolue J ainsi I'acte de la nutrition entraine la destruction lente, il est vrai , mais infaillible des organes digestifs : et pourtant c'est un droit , c'est \m devoir de nous nourrir , nous ne pouvons Ic'gitimeraent renoncer a la vie. Si done on transporte cette opposition relative dans le domaine moral , cc qui semble rationcl a M. Silvela, ellc pourra se traduire ainsi : 11 est permis de nous conserver par les mojens qui nous delrui- sent le moins , et de la maniere la plus convenable. II nous est permis de nous detruire par les moyens qui nous con- servcnt le mieux et le plus long-tems. LIVRES FRAN^AIS. 5o I « l\i«n done, poursiiit rautciir, ne pent etre plus Ucite, plus rai- i> sonnable , plus moral et plus juste qu'un facte par lequci nous ac- n que'rons une certitude presque matc'rielle de conservcr notre vie le » plus long-tems possible , et de la raaniere la plus douce et la plus » commode. , sons une condition qu'il ne tieiit qu'a nous d'accomplir , » qui ne nous impose pas la plus legere obligation de faire, mais I'o- )> bligatioo de nous abstenir , c'cst-a-dire de respecter la vie des au- » tres, condition telle que, loin de nous etre a charge, elle nous devient n reciproqiiement utile, puisque c'est de la conservation et de la co- » operation des autres membrcs qui composentla socie'te' que depend no- n tre bonheur aussi bien que le Icur. Est-il possible dere'unir des termes » plus raisonnables et plus avantageux ^oiir justijier un tcl pacte?... » Par ce pacte-nous acque'ronsla presque certitude que quinze, vingt ou » trente millions d'individus avec lesqucls nous vivons respecteront » notre existence » Ce pacte peut ^e foimuler ainsi : « Vous respecterez mon exis- 1) tence,' vous la defendrez ; de mon cote', j'agirai de meme cnvers » vous. Consentons re'ciproqueraent a etre detruits. si nous^irivons in- » justement de la A'ie un de nos seiublables. » Tel est, suivant M. Silvela, la raison profonde de la legitimile de la peine de mort ; «etce pacte, dit-il , n'est pas une vieille utopie , il » existe impliciteraent.Ce pacte n'est point dans I'intentiou des parties » une deception , mais bien une convention franchement accepte'c , » utile, ruisonnahle et morale. » Pour nous , nous I'avouons , il nous est impossible de voir dans tout cela autre chose que des abstractions ; ce pacte social est un tissu de clauses illusoires , tantot cruelles , tantot ridicules , qui jamais ne furent ni franchement accepte'es , ni utiles, ni raisonnables, ni morales. Jus- qu'ici, en cffct , il est clair comme le jour que ce pacte, par toufe la terre, est insidieux , sans garanties re'ciproques , cflicaces , inclividuel- les; qu'il est fonde' en ne'cessite, mais non en raison , et que tous les ' droits que vous pourriez de'le'guer an pouvoir social sont entache's de ce earaclere. Demandcz aux vingt-deux millions cinq cent milie prole'taires ^ui ve'getent sur Ic sol fran^ais , si les moyens employe's pour les cora- 5ert'er vienuent d'eux, si ces moyens sont ceux qui les detruisent le moins, et de la maniere la plus conuenable? Demandcz-leur , rn un TOME MV. MAI ET JUIN 18152. 55 5o2 LIVRES FRAN^AIS. mot s'ils se trouvent sur la tcrre de la maniere la plus douce et la plus commode. lis vous diront que pour cux la tcrre est encore uno valle'e de larmes et de niisere. Rien n'est done plus injuste que ce pacte que vous imaginez exister entre eux , et ceux qui disposent de la force coercitive. 11 est par trop evident que la socic'te est I'aite au profit d'un petit noniLre. Quoi done ! est-ce respecter V existence des deux tiers de la population que de lalaisser croupir dans I'indigence , dans I'igno- rance et la depravation? N'y a-t-il pour le le'gislateur que V existence qu'on assassine par le fer? n'y a-t-il pas aussi celle qu'on assassine et que Ton torture par la misere et le de'sespoir ! — Les publicistes nous parlent sans cesse des droits et des devoirs , conime si les vrais droits de riiomme n'e'taicnt point me'connus encore partouc. Et , par exemple , en quel pays reconnait-on le droit au tra- vail , le premier, le plus juste , le plus important , le seul que reclament aujourd'luii les populations affame'es? et ce que nos le'gislateurs appel- lent droits et devoirs , quelle en est la repartition ? Je vois clicz les uns tous les droits , chez les autres tous les devoirs. S'il en est ainsi , toute definition du de'lit et de la peine, reposant es- sentielleraent sur Tide'e du droit et du devoir, ne pourrait etre aujour- d'hui que vague , imparfaite ou pre'mature'e , les mots qui la de'finiraient n'etant point eux-memes de'finis et determines. C'est ce qui est arrive a M. Silvela : il donne une nouvelle definition du de'lit et de la peine , qui en general nous a paru plus large qUe toutes celles connues jusqu'ici; mais elle a I'inconvenient de dire plutot ce que devraient etre le de'lit et la peine que ce qu'ils sont en re'alite de nos jours ; et meme I'inconvenient est autre , elle est vague , aussi vague que I'ide'e de droit qu'elle coraprend. Le de'lit , dit-il , « c'est la privation d'un ou de plusieurs droits d'au- » trui , obtcBue avec intention de nuire, ou non obtenue, mais intente'e » ettoujours pre'cede'e de la meme intention. « Nous preferons I'ancienne definition : action defendue par une loi ; car il n'est que trop reel qii'il suffit qu'une loi defende, a tort ou a raison , pour que faction* devienne delit ( il y avait tout au plus a ajouter a eette definition la condition d' intentionalite) , tandisque celle de M. Silvela exige qu'on ait prive autrui d'un de ses droits : il faudrait dire d'un droit legal. II en est de racme de sa definition de la peine. LIVBES I'RANgAIS. 5o3 M. Silvcla nc donne nuUe partiine definition bien nette du droit; mais on pent apprc'cier la valeur qu'il donne a ce mot par cc qui suit : « La socie'te' , dit-il , ne cree et n'aneantit aucun droit , et , de son cote', » I'homme ne pent se depouiller de ceux qu'il a.,... C'est un systeme » ( la socie'te) calcule tacitement ou cxpresse'ment cnye tous ses mem- "»bres comme Ic meilleur moyen qu'on ait trouve d'user de tous les n droits , sans en excepter un seul , et cela pour satisfaire a tous nos « devoirs, qui n'admettent pas noa plus d' exception, » Nous laissons au lecteur a juger si c'est la la re'alite'. Ne parlons done pas du juste social, il n'en est point encore dans I'bistoire ; surtout n'appelonspasyusttcel'actesanglantpar Icquella socie'te' re'parcpourelle les suites de ses propres injustices. Sans quoi il y aurait done justice aussi cbez les Turcs et partout oil , pour faire respecter les pretendus droits des plus forts, il faut faire pe'rir un tiers dcs bommes; aux co- lonies , il y aurait done justice dans le barbare traitemeot des negres csclaves ? Vous dites : « Le sacrifice de la vie sur I'e'cbafaud se justifie de la » memo maniere que le sacrifice de la vie sur le cbamp de bataille. De » quel droit dirait-on a rboinme : a AUez vous faire tuer ! » C'est la » menie tlae'orie, I'utilite de cbacun si intimemcnt lie'e a I'utilite cora- » mune. » ' ' •• En ve'rite' , quand on vient dire cela au prole'taire , je* ne vois que le droit du plus fort : c'est comme si on lui disait : « Toi qui n'as rien , vas te faii'e tuer pour ceux qui ont tout. » II n'y a point encore la de le- gitimile rationnelle. Vous dites encore : a Qu'il se commette un seul assassinat , et le le- » gislateurqui aboliraitla peine de mort devrait s'attendre a ce reproche : « Vous ne m'avez point protege, vous avez neglige' le seul raoycn peut- » etre de me sauver des mains de I'assassin. » — Eh ! mais I'assassin lui avait deja crie' dans son abandon et dans sa misere: « Vous ne m'a- vez point prote'ge', vous avez ne'glige' le seul moyen a coup sur dc me sauver des mains du crime. C'est ainsi que , pour n'etre pas tous respecte's , les droits de I'lm an- nullent les droits de I'autre, aux yeux de I'irapartiale raison et de I'impartial le'gislateur. Mais ici nous sommes lieurcux d'entcndre M. Silvcla s'e'crier lui- 35. 5o4 LIVRES FRANCAIS. meme : « Nc voyez-vous pas ccninie cause dc tons les crimes loutes Ics « passions basses qix'engeudreiit les vices de I'organisalion sociale. » Aprcs cctle exclamalion , nous avons peine a comprendre comment on impiiterait a crime aux individus, du moins a crime jusqu'a la mort , ce qui est tngendrc par quelque cliosc en dehors d'eux; rt com- ment M. Silvela a pu se decider a e'crire pour Je raaintien de la peine de mort plutot que pour la rcforrac de I'organisation sociale. La justice est done mailvaise, reslcra mauvaise tant que les socie'tc's resteront fondces sur dos comhinaisons mauvaises, ct la le'gitimite dc la repression des crimes ne sera jamais que celle d'une barl)are neces- site. A cette e'chelic il pent bien etre question de savoir quel sera le plus sur , le plus court parti , cruel ou non, de maintenir ce qui est; maisalors il faudrait prendre le langagc de- Montesquieu qui enscigne it cha(jue pouvoir, fiit-il cclui de Maroc ou du Paraguay, comment il doit faire pour maintenir sou principe , mais qui jamais ne specule poiu- donner une valeur morale, pour legitimer ce principe. Dans ces termes nous conviendrons sans peine que c'est une obliga- tion imperieuse pour la plupart des gouvernemens d'Asie et meme pour certaine dc nos societe's d' Europe d'avoir un gibet permanent sur les places detoutes leurs villcsj mais cette olDligation est celle dos canniba- If'S qui mangent pour n'etre pas maligc's. Le nombre des criminds a ren- fermer -y serail- trop grand : il faudrait couvrlr le pays de prisons et lever une armec dc gardiens. Duns tous les cas si I'ordre se maintient la ou I'cn coupe force tetes, ce n'est point a cause dc refficacitc de Texemple , mais parce que le bourreau ne desempare jamais. Toutefois il est ici une autre question j comme cette ne'cessite se fait plus ou moins sentir , selon que les mceuis sont plus ou moins grossicres , il faut se dc- mandcr s'il n'est point dc nations qui dejii les ont assez douccs pour rendre les peihcs inutilemenl rigoureuses ? Or >, dans une de'route mo- rale comme celle qui arrive de nos jours en France, ci!i cliacun est ii- vre a sa prcpre mcrci , ct vog\ie vers tous les vents , expose a tous les genres de corruption, oii nul penchant naturel n'a son essor bbre, nuUe faculte son dc'veloppenicnt integral , nid besoin sa satisfaction le- gitime , oil nuUc se'curite n'est donne'e au pauvre pour Ini-meme , an peie pour scs enfans , ou I'industiie , en doublant le luxe et les jouissan- ces des riches, quadruple'les tentations etiesmalheurs desprolctaires, el LlVllES FllANyAlS. 5oO eii cependant la loi religicusc est suranne'c , ridiculisc'e , pulve'rise'c ; en un mot dans iin teras oii la plupart des droits sont contestc's , et le mal et le bien confondus, nous le demandons, n'est-il pas prodigieux qii'il se commette si pen d'atiocites , et a'est-ce point asscz alors d'empecher de nuire , par la re'cluslon , le petit nombre que Ton croit a jamais cri- minals et pervers ? Car il faut bien I'avouer, leur crime, dcvant un pou- voir vraiment liumain , leur est a peine imputable , ou du moins la part de la fatalite , c'est-a-dire dc Vincurie sociale , est assez grande pour que la part d'imputabiiite n'aille point jusqu'a leur mc'riter la mort. Noiis croyons done que pour la France la necessite n'en exige point davantage. C'est a la legislature a hater par ses ameliorations la dispa- rution des vices qui, de voire aveu, fontles crimes, eta diminuer ainsi les causes et le danger amesure qu'elle diminue la rigueur des peincs. Qu'oa e'tablisse au plutot le sjsteme pe'niteatiaire des Etats-U nis ,• qu'on double, qu'on triple les moyens desurveillance, afin d'e'pargnerles alarmes a la socie'te'et que les reclus solent morts pour die. Les parricides, fra- tricides etc., furenltoujours rares ea France etle nombredesmeui triers par e'tat diminue chaque jour. Tout cela est done tres-faisable et nous ne dev.ons pas couseiller des actes extremes sous peine d'inconse'quence et d'insensibilite. Ge sont sans doute des considerations de cette natui'e qui ont fait abandonner la question de droits celle de la le'gitimite de la peine de mort, par les 'dit'ie'rens orateurs ues chambres legislatives depuis la re- volution ( et entre autres.par MM. Be'renger et Dumont, dans ces der- niers tems ) comme une question redoutahle qui trouble la conscience et embarrasse la raison. C'est qn'en effct avec !a solution philosopbi- que, toute bonne et vraie qu'elle soit intrinsequement, nos society's fon- de'es sur la contrainte et le droit du plus /brf seraient en peril de dis- solution complete. « Ge qui est utile, ne'cessaire a I'homme , vraiment indispensable, est a jamais legitime, » dit I'auteur; sans doute, mais il n'est pas du tout prouve que Te'tat de choses actuel , les relations et combinaisons in- dustrielles , domestiques et politiques soient vraiment indispensables. G'cst cependant cet e'tat de choses qui engendre tons les crimes. « Pre'vcnir, re'parer, corrigcr, dit-il encore, voila les trois e'le'mcns de la peine. » Nous le pensons aussi , mais vous en concluez que quand oq 5o6 LIVRES FRANgAIS. ne peut iii rcpaier, ni corriger , coinme pour le parricide ct Ics crimes atroces , il faut immoler. Ici nous en appclons a vos propres paroles : « Cen'est pasvengeance, dit M. Silvela, c'est reparation qu'exerce le pouvoir social. » Que reparcz-vous en tuaul le coupable? et d'aillcurs n'oublions pas qu'il y a ici deux niaux simultane's a reparcr , et a ex- pier : la perte de la personnc assassine'e sans doute, mais aMssilA peruer- site A^a coupable qui peut ^tre I'oeuvre de V organisation sociale ; etce dernier point, M. Silvelane s'en pre'occupe point assez. Son erreur est de faire du Icgislateur un ctre de raison , et de lui oter le caractere de paternite'; tandis qu'il doit avoir des entraillcs , etre de chair et de cceur. Plus le crime est atroce , plus il accuse rimpre'voyance de I'e'tat social. L'incorrigibilite du coupable I'accuse e'galement en pro- portion. Plaignez-le done davantage , et songez moins a le faire mourir en vue de I'exemple. Vous ne sauriez se'parer sans injustice rimpre'- voyance du pouvoir social de la peine qu'il inflige. Quoi ! vous le faites victime, et vous vous e'tonneriez qu'il fit des victimes a son tour. M. Silvela pense que les scele'rats plus que personne craignent la peine de mort au-dessus de toutes les peines, et cela lui suffit pour la meltre a profit. II se peut que, quand un grand crimlnel est condamne a mort , il pre'fe'rerait une peine autre s'il en avait le choix ; mais la n'est point la question : il s^'agit de savoir si , avant d'exe'cutcr le crime , de s'abandonner a sa brutale passion , Tide'e de peine de mort encourue viendrait arreter sa main la ou I'ide'e de reclusion eternelle et de tra- vaiix laborieux aurait e'te' impuissante. Pour nous nous croyons avec Bentham que ccs dernicres peines /bwt une impression plus profonds ,endujuees ; par cette disposition, il explique trcs-clairement ses desseins : une province in- corporee peut encore jouir d'une repre'sentation dislincte et d' institutions nationales 5 il n'en est pas de mcme d'une province revendique'e , qui perdtoute administration distincte, et dcvient, sous le rapport politique, une partic integrantc dc la puissance (jui feint de I'avoir revendique'e. Et cette fiction n'est pas sans motif; ellc se fonde sur la conduite dc rempereiu- russe. II a prouve et de'veloppc ses intentions par d'autres ukazcs. Ainsi il a aboli dans tons les gouvernrmeas polonais le statut LIVRES FRANigAlS. f)l3 lithiianicn, ct les T'oliimina Legum; il a fail intioduire I'usage de la lanc;ue nissc dans tous les tiibunaux, dans toiites les e'coles de ces gou- verneraens; il a de'pouille la noblesse de plusieurs droits re'cls ,il a an- nule les diplomcsdes nobles en ordonnant qu'ils fussent obliges de fairc confirmer a Pc'tcrsbourg leurs litres de noblesse, cequi est impossible pour laplupart d'entre eux, a cause de I'e'normite des frais, renversant par cet ukase la seulc barricre qui s'opposait encore a son despotisme ; il a de'pouille' les citoycns du droit d'e'lire leurs jugcs et leurs ionction- naires, droit dont ils jouissaient encore avant le partage de la Pologne ; il a fait fermer les se'minaires et les e'glises catholiqucs des villages, etc.» Certcs, le traite de Vienne n'est aux yeux de chaque Polonais qu'un des dernicrs re'glcmens du partage de sa patrie • la Pologne a des droits plus sacre's a son independance j ct ce n'est pas en verlu de I'acte des rois qui I'ont tue'e qu'clle deinande I'assistance des peuples. Si done I'auteurde ce memoire insiste uniquement sur le traite' de Vienna , c'est qu'il n'a pas voulu exposer aux peuples les griefs de la Pologne , raais il s'est propose' d'appeler I'attention des cabinets europe'c-ns sur leurs nou- veaux griefs contre le cabinet russc. Puisse-t-il concoiu'ir a inspirer aux puissances d'aujourd'hui des acles qui adouciraient I'cselavage de nos freresl B. J — i. 111. L'empereur Nicolas et la constitution polonaise de i8i5. Paris, iSSa. In-S" de ii6 pages. 11 y a encore des personnes qui cx'oient que les Polonais out les pre- miers rompu les liens par Icsquels leur pays tenait a la Russic, et que par le fait meme de la re'volution du ag novembre i83o, ils cnt re- nonce aux bienfaits de la constitution de i8i5, accordc's en execution du congres de Vicnne. Pour les tirer d'erreur, I'autcur de cette brochure choisit, parmi les traits du despotisme russe exerce'en Pologne, deux fails inconteslables, q'ui montrent avec quelle impudeur les garanties contcnues dans cette constitution ont etc viole'es, et qui prouvent que les autocrales russes «nt ainsi eux-niemes justific d'avance la levee de bonclieis a laquclle la nation polonaise s'est vue contrainte pour reconque'rir ses droits. Un jour la police du grand due Constantin lui raj»porla qu'un de'ser- teur avail IravaiUc en journc'cs dans plusieurs brasseries appartcnanl a 5l4 LIVRES FRANgAIS. de notables hahitans de Varsovie; le grand due aussilot fait arrcter ccs citoyens; et au me'pris de toiite forme judiciaire, sans qu'ils aient seu- lemenl subi un interrogatoire , il les fait condamner par le commandant de place a la peine infamante des travaiix force's. Get arret fut execute sur-le-cbamp , et le public frcmit en voyant dos citoyens bonorables at- teles a des lirouettes, et charriant de la boue sur la place de Saxe. Le fameux proces intente' en iSi.6 centre des citoyens faussement accuse's de haute Irahison fournit a I'auleur un second exeniple de la violation des garanties constitutionellcs. L'empcreur avait d'abord, con- trairement aux dispositions expresses de la Charte , noninie un coruite' extraordinaire d'enquete compose de Russes et de Polonais indignes de ce nom, et ce n'cst qu'apres deux ans de detention illcgale, pendant lesquelles on avait fait endurer aux pre'venus tons les genres de vexa- tions et de cruautes, que Tempcrcur daigne les rcuvoycr par-dcvant le tribunal compe'tent , c'est-a-dire la haute commission nationnlc , com- pose'e de tons les membres du se'natj il ne le fit neanmoins qu'en pres- crivant a cette cour une nouvelle procedure , et en s'arrogcant ainsi le pouvoir le'gislatif. En outre des mesures furent prises pour cmpecber la publicite des debats; on ne laissa entrer que quelqucs individus en grande tenue; et non seulement on dc'fendit aux journaux d'en faire mention , mais on alia jusqu'a surveiller la lithographic des plaidoyers des avocats, dont il ne put etre tire que le nombre d'exemplaires rcquis pour les jugcs. Lorsque, malgre' toutcs ces pre'cautions et les menaces du grand-due, le se'nat polonais, fidele a scs devoirs et a I'honneur national , cut ac- quitte' les accuses, I'autocrate, usurpant encore le pouvoir judiciaire, fit suspendre la publication de I'arret , et transporta la plupart des pre'venus dans les prisons deSaint-Pe'tersbourg. C'est ainsi que declares innocens ils subirent \a '^cme de V emprisonnement a I'etranger, tandis qu'aux termes de I'article 25 de la Charte on n'avait pu le'galement leur faire subir leur peine, meme en cas de condamnation, autre part que dans le royaumel L'un d'eux, le brave lieutenant-colonel Krzyxanowski, gc'mit encore dans les fers, sans que ses proches et ses amis connaissent le lieu de scs souffrances, et sachant meme s'il a survc'cu a ses malheurs ! LIVRES FRAN^AIS. 5l5 1 12. Indignation d'un Americain , au sujet de MM. pe Chateau- briand ET Perier. Paris , mai i832 ; les marcliands de Douveaute's. Brocli. in-S" de 63 pages. II y a bien sept a huit mois que M. de Chateaubriand a public' sa bro- chure relative au bannissement des Bourbons ; celle-ci en est une refu- tation sortie de la plume de M. Archibald Howls, ancien ami dunol)Ie vicomte , qui « s'est promene' , dlt-il , bien des fois avec lui le long de rOhio , qui a peche' avec lui dans le lac Ontario , qui lui a entcndu faire de poe'tiques et philosophiques re'flexions au pied de la cataracte de Niagara. » Lorsqu'on e'crit de I'autrc cote de I'Oce'an des brochures de cir- constance pour nous , on n'aspire pas sans doute au me'rite de I'a-pro- pos } quelques anecdotes assez piquantes donnent cependant encore de I'inte'ret a I'opuscule de M. Hovels ; nous le joignons a la longue liste de ceux que la meme occasion a provoque's. (Voy. Rei>. Encycl. , octo- bre i83i , pag. 2i3. ) L'auteur n'en a fait tirer qu'un millier d'excm- plaires pour ses intimes amis. * 11 3. Histoire de la Papaute ; par M. Henrion. Paris, i832; a la Socie'te des bons livres , rue des Saints-Peres , n" 69 ; Bricon , rue du Vieux-Colqmbier, n" 19. Trois vol. in-i^ de 3ii , aSG et 190 pages ; prix, 1 fr. 25 c. le volume. M. De Maistre a e'crit sur le pape un livre admirable de the'ologie politique, d'audace a braver toutes les opinions riouvelles , de verve mor- dante , d' erudition ine'puisable etvivifiante, c'estle cLef-d'oeyvre de cet ardent adversaire de son siecle. Cet apotre du passe, comme I'appelle M. Ballanchc , sentait si profonde'ment le besoin d'ordre, d'unite' , de hie'rarchie , d'infaillibilite , que par de'goiit pour une socie'te en disso- lution , il avait erabrasse avec passion la cause de toutes les institutions catholiques. Mais ce fier genie avait beau faire, il n'emljrassait que des mines, et son livre nous est reste comme une magnifique inscription turaulaire. Apres M. De Maistre, il est difficile de dire quelque chose de neuf en favcur de la papaute- apres toutes les attaques legitimes dont elle a e'te I'objet, depuis Luther et les philosophes du dix-huitieme siecic , au milieu de I'etat d'abaissement et de nullitc'ou elle est descendue, il est 5l6 LIVRES FRAN^AIS. difficile anssi cVajoiitcr a tout cc qu'ou a Jit conlre cefte institution ca- tliolique. Un jour cependant il faudra revcnir et sur les admirations et siir les antipathies trop excliisives qu'elle a escitees , il faudra donncr ' un nouveau jugcment sur cette monarchic spirituelle , sur cette dynas- tic sacre'e qui so pcrpe'tuc dcpuis dix-huit sicclcs, il y aura la unc belle cemnre pour I'historien. L'ouvrage que nous annoncons est fort loin de rdpondre a la gran- deur du sujet ; public par la Socie'te' catholique des bons livrcs , il a pour but de populariser I'histoire des papes , et de prouvcr, comme dit I'autcur, la necessite et les bien fails du souvcrain pontifical , qui esl le fondement de I'Eglise de Jesus-Chrisl , et sans lequel la re- ligion naurait pu se conserver. Ce livre n'est done qu'une simple biographic des papes qui se sont succc'de dcpuis saint Pierre jusqu'au pape actucl , Grc'goirc XVI. Tout en restant dans les limites qu'il s'e- tait trace'cs , nous eussions desire que I'auteur cut execute son osuvre d'unc maniere plus large et plus complete. Pour ne monlrcr que les saints , il oublie trop les papes , ccs hommes mele's a tous les grands eve'nemens politiques dc leur terns, qui, malgre la parole de leur maitre, mon rojaume n^ est pas de ce inonde , avaient embrassc dans leur haute sphci-c tout le mouvement social du moyen age< Un autre reproche que j'adresserai a ce livrc , c'est d'avoir etc' e'crit comme s'il ne devail etre hi que par de vieilles commercs bigotes , en melant au recitde la vie des souverains pontifcs de niaiseshistoircs dc mi- racles, fort inutilcs aujourd'hui pour faire comprendre I'importance de la papaute I Certes , sans manqucr a I'orthodbxie , vous pouvez tres-bien vous contenter, pour la gloire des saints-percs , du miracle irrecusable de la civilisation chre'tienne, pendant quinze sieclcs dirige'c par eux avec unc actlvite puissante et feconde. Cost le caracterc de la plupart des publications de la Socie'le des bons Hires , que ce catholicisme e'troit de vieilles femmes, cette superstition abrutissante. 11 scrait tems cependant, quand on a la pretention d'instruire le peuplc, de n'etre pas au-dessous de lui , et dc lui donner unc palurc plus morale et plus intelligente. Arrive anx papes modcrncs , I'auteuv cntre dans de plus longs dc- velopperaens , et mele davantage leur histoire a celle de leur e'poque ; il tcrmine cette biographic par nne philosophic de Vhistoire de la pa- LIVRES FliANCAlS. 5l" paute , qui est le resume de tous les arguraens catholiques en faveur dc cette institution. La conclusion de tout I'ouvrage est celle-ci : Sans le pape pas de religion. L'auteur a raison ; aussi dirai-je : plus de pape , plus de religion ! Or il n'y a plus de pape au monde , car depuis pkisieurs siecles celui qui est a Rome ne marclie plus a la tete de I'liumanite , ne con- sole plus ccux qui souffrent, n'emancipe plus ceux qui sont esclaves. II n'y a plus de pape , car je ne vois pas cette puissance qui sacrait les rois , qui melait sa voix a celle dcs pcuples , qui apparaissait au milieu des revolutions et des ckangemcns de dynasties. II n'y a plus de pape , car riiomme qui est a Rome , a cette beure , n'a plus de fideles pour le de'fendre , et est oblige' d'aclieter a prix d'or quelqucs mcrcenaires suisses ; il est plus me'prise' et plus ba'i dans son Italic que I'Autricbien qu'il excommuniait jadis j il est plus lache et plus cruel que les bandits qu'il confesse. Plus de pape , plus de religion ! A.-St-Ch. 1 1 4- CouRS d'histoire moderne, professe' a C Athene e rojal de Paris; par M. Filon. — De la France et deVAngleterre ; seconde et troisieme lecon. Paris, i832 ; Hacbette. In-S" de 5o pagesj prix du cours entier qui comprendra lalecons, lo fr. Nous avons eu dej-i I'occasion d'annoncer Ic cours d'histoire mo- derne de M. Filon (voycz Rei>. Enc. , tome LII , pag. '^3o, de'ccmbre i83i ). La seconde ct la troisieme Icfons sont aujourd'bui publie'es, el l'auteur, fidele au plan qu'il s'est trace , apres avoir fait ressortir I'in- fluence du climat sur le de'veloppement de I'bumanite, donne la de- scription ge'ographique de la France et de TAngleterre. Passant ensuite au melange des races, M. Filon nous montre les Cellcs ou Galls de la Cale'donie , les Kymrys , Cambriens ou Bretons , les Saxons et les Nor- mands occupant le sol de la Grande-Brctagne , et il explique par leur fusion , plus ou moins complete , les principaux traits du caractere an- glais. En France, les Gaulois, les Grecs , les Romains, les Francs, les Bourguignons et les Wisigotbs, les Bretons de TArmorique, et enfin les Normands modifient successivemcnt I'esprit et les moeurs de la po- pulation primitive des Gaules; toutes ces races diffe'rentes se rappro- cbent avec le tems • tous ces ele'mens divers se fondent dans le meme TOMF. I.IV. MAI ET JUIN i'6o2. oA 5l8 LIVRKS raAN(JAIS. moule et dc cc moiile sort line nation. M. Filon , anivant an niomenf , encore voisin de nous, ou ont e'clate' toute sa puissance ct toute son unite, f ermine ainsi : o. Rappelcz-vous, Messieurs, les premiers jours de la revolution francaise ; transportcz-vous par la peusee dans I'assem- hie'e constituante, a Versailles, au Jen de Paume , ce 20 juin d'eter- nelle mcmoire. Voyez-vous tons ces hommes , debout, I'ceii fixe, les bras leve's devant ces murs nus et sombres , raais revetus de la majeste de la nation et jurant entre les mains du venerable Baillv, honneur des sciences et martyr de la liberie' , de ne jamais se separer et de se ras- sembler partout oil les circonstances rexigeront, jiisqua ce que la constitutioji da royaume soil etablie. II y a la des descendans de toutes ces races que nousavons vues apparaitre dans notre paysauxdil'- ierentes e'poqucs de notre histoire. Les vieux Gaulois, les plus anciens raaitres du sol doivent dominer dans les rangs du tiers. Mais , a cote d'eux , rcconnaissez-vous le Remain qui a apportc en Gaule la notion du droit e'crit, I'lberien, le Grec oommerfant de Massalie, Ic Breton, le Normand d'origine scandinave, et les Francs qui vont abdiquer apres quatorze siecles une noblesse londc'e sur la conquete ? Les peres de ces hommes n'ont pomt parlc la mcme langue , obei aux raemes lois, ni servi Ic meme dieu. Enncniis les uns des autres , ils ont combattu pour des inte'rets diffe'rcns et sous des bannieres oppose'es, ct voila que leurs fils sont venus de contrecs eloigne'es pour se donner la main , et comme les Suisses du Rutli , sceller lour liberte' commune en prenant Dieu pour te'moin. A datcr de ce jour, il n'y a plus en France qu'une seule faraille. » L. Am. Sedillot. I i5. DiCTiONNAiRE HiSTORiQUE, ou Histoire ahvegee des homines qui se sont fait un nom parleur ge'nie, leurs talens, leurs vertus, leurs erreurs ou leurs crimes, depuis le commencement du monde jw:- qu'a no s jours ; par F. X. de Feller. Troisieme edition. T. II. Paris, i83'2; Paul Me'quignon , e'ditcnr, rue Belle-Cliasse , n" G. In-8" de 5io pages; prix du vol., 4 f'- En attendant que la publication d'un certain nombre de volumes nous mette a meme de juger des ameliorations promises pour cette edi- tion , nous nous bornons a annoncer simplement les livraisons succes- LtVKES FRANCA IS. 5\C) sives que raclivitc do I'cditciir promct dc nous domicr ;i dc courts in- terval Ics. 16. AlVTIQUlTES DU r.RAND CIMETIERE d'OrLEANS , par M. JoLLOIS , ingenieur en chef dcs ponts-et-cliausse'es, membre de pliisicurs so- cic'te's savantes; Paris, t83i. In-4°, avec de tres-belles planches litliographices. Les aiitiquite's decritcs dans ce volume suffiraicnt peut-etre a elles seiiles pour re'futer I'opinion des personncs qui s'obstincnt a transposer a Gicn le Genabuiu gaulois, opinion que nous avons nous-niemes plus d'une fois repousse'e, et que le judicieux antiquaire dont nous annon- 90ns le livre n'a jamais admisej lui qui, pendant hien des anne'es, a fait, sur le terrain meme, les recherclies les plus consciencicases. Le grand eimetiere d'Orle'ans n'a e'tc compris dans la ville que lors de la construction de la dcrniere enceinte commence'e sous Charles VIII , et termine'e sous Louis XIL M. JoUois de'crit d'abord la porte du sud qui est sous la galerie de I'ouest : toutes ses sculptures sont exe'cutees avec le fini precieux , la grace et le gout que les artistes italiens , ap- pele's en France sous Francois F'', mettaient dans leiirs ouvrages; beaucoup d'autres edifices d'Orle'ans de cette e'poqne en offrent des cxemples. Quelques-unes des galeries qui entourent le eimetiere sont d'une tres-haute antiquite; et pres de celle du sud, I'auteur signale un puits qu'il cioit dc construction ordinaire. Aujourd'hui le batiment de la halle au ble a e'te construit sur I'emplacement de I'ancien eimetiere ■ les galeries sont devenues des greniers pour y deposer les graines; et celle de Test a ete reconstruite sur le plan de celle de I'ouest. Ces travaux ont mis a de'couvert beaucoup d'objets d'antiquite. M. Jollois se trouvait a Orleans, ils nc pnuvaient done etre perdus pour la science; et ringe'nieur en chef auquel les Vosges doivent tant de bons me'moires e'tait destine a illustrer aussi les monumens du Loiret. Le fait le plus incontestable est I'existence d'une manufacture considerable de pote_ rie et de toutes sortes d'ouvrages en tole. D'abord sept puits se sont pre'- sentes, d'ou Ton a autrefois extrait la substance propre a fabriquer la poterie. En travaillant, on remarqua que le sol ne rendait pas un son bien net, et la pioche creva la voute d'une ancienne carriere a plusieurs endroits. M. Jollois a remarquc des masses de glaise qui paraissent 54. 520 LIVRES FRANCA IS. avoir etc prepare'eset raises en magasin pour servir a la fabrication. La description dcs nombreux vases dont M. Jollois a re'iini les fragmens ne pcut etre re'pe'te'e ici, mais nous appellerons I'attention de nos lec- teurs sur Tc'lcgancc ct Ja grace qui distingucnt la plupart dcs ornemens, ce dont ils pourront sc convaincre a la vnc dcs dcssins de M. Pcnsc'e. II serait a de'sirer que I'antiquc fat toujours rcproduit avcc autant de talent et d'intelligence. Le catalogue des nombreuses mcdailies de'teri'ees dans ces fouillcs est tres-important : dies ont etc' trouvees fort avant dans les terres. M. Jollois en conclut que cette manufacture, etablie des I'invasion des Romains dans les Gaules, a dure jusqu'au rcgne de Constantin , ct peut-etre plus long-tetns encore. Le savant auteur de ce me'moire promet de nous donner incessamment un ouvrage sur les antiquitc's du nord du Loiret : il re'unira sans doutc, comnie toutes ses autres publications , la bcaute' de rexe'oution a la profondcur des vues, a I'exactitude des details : nous I'attendons avcc d'autant plus d'impa- tience que Ic sujet est d'un grand inte'ret. Ce serait une injustice que de DC point parler plus particulierement des sept premieres planches qui font lionneur au talent deja si connu deM. Jorand, antiquaire lui-meme, et I'un de nos plus habiles dessinateurs de monumens. P. DE GOLBJCHV. 117. Voyage de la corvette l'astrolabe, pendant les annees iH^G-iSa-j-iS^S-iSaf), sous le commnndcment de M. J. Dcmont d'Urville, capitaine de I'aisseau, public' par ordonnance du Roi. HisTOiRE DU VOYAGE : t. 11. ct t. III. PaHs , i83i ct i83'2; iuipr. de J. Tastu. 2 vol. in-8" de G3'.i et 796 pages, avec 3 cartes; prix , 28 fr. Dans notre premiere analyse (\ oy. Bei'. Enc, t. xlvii , p. /i.3-54)i nous avons laisse' Z'^i^roZate a Port-Jackson. La premiere partiedut. n coDtient le rc'cit de sa travcrse'e a la baic Tasman ( Nouvclle-Ze'lande) , puis de I'anse de I'Astrolabc a la baie Houa-Houaeta la baie Wangari ; enfin la description de la baie Shouraki et la de'couverte du canal de TAstrolabe. Cette exploration, qui a dure depuis le 1 o Janvier jusqu'au 11 mars 1827 , a commence par le 4'-*" 20, latitude sud, et a e'te pous- se'e jusqu'au 35" 5o, au cap Otou , partie la plus septentrionale de la Nouvelle-Zelande. La geographic en a acquis la connaissance precise de LIVRES FRANCAIS. r>2} plus de 4oo lieucs de cotes. Pliisieurs fois les compagnoiis du capitaine d'Urvillc ont c'te menace's d'un desastre pareil a celui qui fitperir La Pe- rouse, et la plupart des tiavaux de la premiere Astrolabe. Le journal historique du commandant contient les de'tails de la navigation , ses A'icissitudes , les observations recueillies pour assurer la marche des vaisseaux qui fre'quentcront ces parages • chaque journe'e apporte ses aventures et ses dccouvertes ; les investigations nautiques sont entreme- le'es d'apercus de geologic et de botanique , de descriptions de lieux sauvages ou pittoresques. Parrai les scenes de la nature australienne , on aime a trouver le tableau des coutumes et du caractere des peuplades indigenes. Cette relation, varie'e par des extraits des journaux des naturalistes et officiers de I'expe'ditioa , prepare le lecteur a sentir I'inte'ret qui s' at- tache a la deuxieme partie , oil sont de'posees les recliercbes faites par M. d'Urville pour procurer la connaissance approfondie de la popu- lation si curicuse de la Nouvelle-Zelande. L'ordre analytiquc n'a point assez rigoureusement preside' a la distribution des matieres : c'est surtout quand il s'agit de peuplades presque a I'e'tat primitif qu'on de'sire etudier cliez dies I'organisation de la famille , noyau de toute socie'te. Apres les premieres notions STir la topographic d'un pays, et des aper9us sur le physique de ses habitans, on veut pe'ne'trer dans leurs cabanes. L'inventaire du foyer domestique est un document essentiel pour etudier la vie civile et les arts. Qu'il y a plaisir pour les homilies d'une ci\alisation raffince a surprendre , au sein de la hutte , la nature humaine , avec ses passions natives ! c'est ainsi qu'on parvient, en des- cendant de I'origine des choses , a suivre surement les progres de la so- ciabilite'. L'Essai sur la Nouvelle-Zelande traite d'abord de la de'couverte et de i'histoire de cctte grande terre de I'Oce'anie. Tasman , en iG4'2 , de'- couvrit la Nouvelle-Zelande, dont I'interieur n'est pas encore reconnu ; mais on ne doit pas s'en etonner, puisque la Nouvelle-Guine'e , Celebes , Borneo, quoiqiie situe'es pres de la voie principale adoptee par la navi- gation europe'enne dans les Indes , n'ont pas e'te entierement explore'es jusqu'ici. L'histoire , cliez un peuple qui n'a jamais connu I'cmploi dcs signes de re'criture , se re'dnit ne'cessairement a des traditions peu nom- iireiiscs et pea ancicnnes. Tontrfois depuis le coimnencemcnt du dix- 522 LIVKES FRAN^AIS. ncuvicmc siecle , plusieurs chefs zelandais ont fait dcs voyages a Porl- Jackson,et merae en Europe; Tepalii, en propageantla poraine de tenc dans la baie des lies, a ete' un autre Parmentier : son neveu Doua Tara , malgre la perfidie des capitaines anglais et la miserc qu'il.avait c'prou- ve'e a Londres , a attire et protege des missionnaires dans sa patrie. Comnie jadis le tzar Pierre, Shongui a visite I'Angleterre, niais pour rccueillir dcs armes et des munitions afin d'c'tendre ses conquctes et de se rendre la terreur des autres trihus. En i83i , un pont a etc jete sur une riviere de 60 pieds de largeur ; la culture de nos cereales prenait de I'accroissement ; un nioulin a cau allait etre construit, et une impri- iiicrie avait deja re'pandu plusieurs cliapitres dc I'ancicn ct du nouveau Testament. Les grandes ties australes , que les gc'ographcs de'signent sous le nom de Nouvelle-Ze'lande , ont environ 400 lieues de longuear sur 25 a 3o lieues de largeur moycnne. M. d'Urville, s'appliquant a conscrver dans son ouvrage les noms dc lieux dans I'idiome du pays , n'a pas imite' ces navigateurs qui ont impose aux contre'cs de I'Oce'anie dcs noms de princes ou de ministres europe'ens, couvrant d' adulations leurs cartes, et sacrifiant la gc'ograpliic a I'ambition. C'estainsi qu'autrefois les mis- sionnaires et les voyageurs imposercnt aux fleuves et aux c'tablisscmens de I'Ame'rique les listes du martyrologe romain. Exceptc' quclques cri- ques et fonds de baies , V Astrolabe n'a pas laissc a de nouvelles expe'di- tioos I'cspoir de faire dcs de'couvcrtcs lelong du littoral qu'cUe a ex- plore; mais il reste la cote oiicntale et la partic la plus considerable de rile septenlrionale qui n'ont point encore etc' reconnues. Vigourcux , bien constitue's , gcnc'raleraent beaux , les Zelandais ap- partiennent a deux races distinctes. Ceux qui sont dc la moindre taillc , plus trapus , ayant la couleur fonce'e des mulatres ct aussi les cbeveux crc'pus , paraissent descendre dcs aborigenes. La deuxiemc race, don*, le teint est un pcu plus fonce que cclui des Siciliens ou des Espagnols, et la taille souvent haute de plus de 5 pieds 6])ouces , semble issue des conque'rans du pays. Ces races ont dii par Icur melange accroitre la teinte blanche, comme bientot cellc-ci effacera la couleur rouge dans Ic nord de rAme'rique. Les femmes ont a se plaimhc a la fois et dc la na- ture qui a refuse dc I'cxprcssion a leurs traits, etdc leur ordre social qui les assujc'til aux rudos travaux, aux dures privations. Les Europe'ens ne LIVRES FRANgAIS. 523 se sont pas home's a exage'rer les vices dcs sauvages , ils ont souvent donne I'exemple eux-memes de vices [)lus graves. Les perfidies de plu- sieurs capitaines anglais excusent prcsque les Zelandais d'actes atroces qui n'ont e'te' que des represailles. Oq concoit ce que peut etre la haine chez des guerriers qui , comptant avoir rcfu par des e'changes de la pou- dre , se sont pre'cipite's dans les perils de leurs combats cruels n'ayant leurs fusils charges que de graines de chou. Aussi ces insulaires appli- quent-ils maintenant leur grande aptitude pour le commerce d'abord a ne pas se laisser tromper. La guerre a preside' aux premieres associations deshommes. De quel- ques brigands, les Grecs firent plus tard des he'ros : pareil sort e'chut aux fondateursde Rome. Un jour peut-etre les Ze'landais, aidant leurs tradi- tions des e'crits de nos navigateurs , honorcront a leur tour la me'moire de Pomare, et celle de Shongui qui a mange' ce cbef rival. Touai , I'ami de M. d'Urville, aimait a raconter sa presentation a Bonaparte , lors de son passage par Sainte-Helene , et il qualiGait de Panapati un des plus fameux guerriers de son pays. A de'fautdu droit divin , I'aris- tocratie pourrait s'e'layer de I'e'tat primitif des peuples. La caste des rangaiiras ze'landais, ou nobles par les armes, n'a pas moins de me'pris pour les esclaves, que les bramines n'affectent de superiorite envers le reste de la population bindoue. Les clans d'Ecosse, les septes de 17r- lande se retrouvent parmi ces peuplades. Mais le prejuge de la nais- sance n'a e'te nuUe part aussi exclusif : fhomme de la derniere classc peut parvenir par des exploits eclatans au commandement militaire , sans jouir jamais des privileges derangatira. Un rangatira-uoui et de plus ariki, premier chef et grand-prctrc d'un canton, montc a bord dc V Astrolabe avec un sei-viteur. Mais la corvette continue ses explora- tions, et ils paraissent se rcpentir de leur envie de voyager. Un jour ils seplaignentdu froid au commandant, qui leurindiquelefeudela cuisine. Le serviteur repond aussitot que I'ariki etant tapou-tapou , sacre au plus haut degre , s'il se chauffait au feu commun des gens de Tequipage, son afoMa (dieu) le tuerait. Ncanmoins done d'un appetit vorace, commc celui de tous ces insulaires, le rangatira et son valet faisaient re- guliereraent , apres leur dejeuner , la revue des gamelles pour de'vorer ce que les matclots pouvaicnt y avoir laisse. C'est peul-ctre au prejuge dc mesalliance qu'esl due la fidoUle dcs^ 524 LIVRES FK\N(;AIS. ^poux zelandais. Lafemmc , dont Ics tresses relevees sur la tete de'signcnt ]a haute condition, n'a jamais do faiblesse. Mais les jciine filles, surtout celles qui no sent pas nees , accordent volontiers leurs favcurs aux e'trangcrs; et le prix dc ces galantcries est rcmis par elles au chef de la peuplade. Une montre escamote'e a un officier de V Astrolabe fut re- trouve'e aux mains du pere supreme du canton de Houa-Houa. Vingt a vingt-quatre ans est I'agc auqucl on contracte mariage. Outre Ic con- sentement des parens de la lille, il faut qu'cUe nc pleure pas a la de- mande de sa main , du moins qu'ellc ne verse pas de larmes a la deuxieme visite du pre'tcndant, qui est tenu d'offrir des cadeaux. A la beaute, a la jeunesse, les Rangatiras de haute vole'e pre'ferent le rang et le cre'dit de la famille a laquelle ils desirent s'allier : quelqucfois ces chefs se permettent plusieurs femmes, qui alors habitent se'pare'mcnt , ct ils ne se dispensent guere d'e'pouser celles de leurs esclaves qu'ils ont rendues meres. Tons les travaux du menage sont de'volus a la femme , laquelle plutot que d'endurer des reproches irait se pendrej c'est leur genre de divoixe. II n'entrait pas dans le plan de YEssai sur la Noiwelle-Zelande , de comparer les coutumcs de ce pays avec cellc des autres contre'es de rOceanie. Sans chercher a e'tablir des paralleles entre les pcuplades qui les habitent , il me semble qu'un aperfu de leurs usages pent indi- quer combien Ics sciences morales ont encore a acquc'rir, par les obser- vations rccucillies dans des voyages re'cens. Le mariage, principe de la famille et de toute organisation sociale , est certes le sujct le plus inte- ressant. La Nouvelle-HoUande s'offre d'abord : la civilisation luit sur un point de ce continent plus vaste que I'Europc; mais les rares tribus d'indigcnes lui preferent leur e'tat sauvage. Le jeune homme, poui' prelude d' amour et comme preuve de son habilete', soutient une espece de combat centre ses camarades. Son choix est-il fait , il jette une peau de kangarou sur les e'paules de sa bien-aimc'e, lui crache plusieurs fois au visage J et apres lui avoir trace surle corps des raies de toutes cou- leurs, il la somme de le suivre dans un lieu isole. EUe refuse , il la menace : si elle ne cede pas, la violence et des coups completent sa de'- claralion. Cette raanicre de faire la cour plait aux australicnncs, qui sont souvent I'objet de combats meurtriers. Les maris^ quoique poly- games, portent a leurs enfans une tcndre affection. LIVRES FRANCAIS. 52,J La tendi'esse paternelle est aussi une vertu des Tasmaniens de la terre de Van-Dicmen; mais ils vouent leiirs I'emmes a la servitude. Dans la Noiivelle-Guine'e , les Papous, qui habitent le littoral, les Al- fourous, quivivent dans rinte'rieur, conservcnt cnvers leurs e'pouscs uu caractere jaloux et defiant. Ces bommes n'ont d'industrie que pour fa- fonner des armes, et leurs femmes, avides d'omemens, s'en couvrent toutle corps. A I'exemple du le'gislateur des Indous, Solon avail pres- crit aux Athcniens de ne pas laisser lears e'pouses manquer de parures, sans doute pour empecber qu'cUes ne cbercbassent elles-memes a s'en procurer. Dans les Nouvelles-He'brides , les bommes seuls portent des ornemens. La condition des femmes y est miseral}le, comme dans la Nouvelle-Cale'donie : cbarge'es de lourds fai'deaux , elles obeissent au moindre signe de leurs tyrans, qui leur refusent toute assistance. Mais a quelques degre's au-dela de I'e'qnateur, aux iles Carolines, le gouvcrne- ment doit de n'etre pas une anarcbie sauvage au mariage qui est sou- mis a de certaines regies. Les chefs sont polygames , et les femnies sont exclues du trone; mais ces insulaires croient que les maris qui ont e'te bons, qui n'ont jamais battu leurs femmes, sont admis au-dessus des nuages pour y etre eternellcment beureux. Kotouma se trouve placee comme pour initier robsei*v'ateur aux moeurs polyne'siennes. Le roi y regie a son gre le mariage des jeunes filles : elles n'e'cbappent a cette contrainte qu'en sacrifiant leur virgi- nite', et en renonjant a I'hymen. Apres des ceremonies diverses, le fiance' et la fiancee vont se baigner dans la mer , et de nombreux te- moins chantent ime sorte d'e'pitbalame. Leur union devient alors indis- soluble. L'adultere est condamne' a etre noye' : sa complice pe'rit sous le casse-tete du cbef du canton. Les femmes sont assez respecte'es et exemptcs de travaux trop pe'nibles. « Les femmes ne sont pas proprcs aux ouvragcs fatigans : elles ne doivent s'occuper que de ceux qui leurs conviennent. Comment aimer unefemme qui a les inclinations d'un bomrae? » Ainsi re'pondircnt des in- sulaires de Tonga a des naturels de Fidji, qui disaient que la guerre doit etre I'uniquc occupation de Tbomme. Cbcz les peupladcs des lies des Amis la puissance du mari est absolne mais il se montre protecteur plutot que maitre. La moindre insulte a une femme est denouce'e au roi , qui 5-26 LIVKES FRANCAIS. re'prijuande le coupable dans une assemble'e publique. La aussi existc uiic aristocratic ; mais , comme parmi les ancienncs tribus de TAme- rique septcntrionale , c'est le ventre qui anoblit. Dans les fcslins, lesfemmcs d'un raugc'gal a celiii des bommes sont servies les premieres. Li principalc cpouse d'un chef ne jouit de quelque preeminence que sous la reserve , en cas de pre'deces du mari , d'etre e'trangle'e ou en- sevelie avec lui. Les gens des equipages de Dentrecasteaux. e'taient ob- sede's par les instances de chefs de Tonga-Tabou , qui leur offraient de jeunes Giles, quand la reine Tinee arriva et monta a bord avec un cor- tege de femmes : a son aspect , toute licence cessa. Ta'i'ti ct tout rarc]ii])el de la Socie'te ont presente aux navigateurs europe'ens les mceurs primitives jointes a la corruption la ])lus rafllne'e. La prostitution autorise'e par les pretres de I'antiquc Asie , le libcrti- nage descapitales modernes, n'ont rien de plus infame que 1' association des Are'eoies, association qui heureusement a maintenant disparu de Taiti comme des lies Marquises. La jeune Tailienne, uiaitresse de sa personne, avail autant d'amans qu'il lui plaisait d'en avoir : lors- qu'elie devenait enceinte , ses parens lui choisissaient un mari. Celui qui I'avait rendu mere ne I'e'pousait qu'autant qu'il adoptait I'en- fant. Le futur promettait de fournir nne subsistance suffisante a sen bcau-pere; la ce're'monie nuptiale consistait en chants, en un repas et un bain pris a la riviere. Les rois et les prelres , aux iles Hawa'i (Sandwick) aussi bienqu'a I'archipel de la Socie'te, semblaient s'etre en- tendus pour fairede la polygamic un ])rivilegea leur profit. Ne'anmoins la loi confeiait la couronne a la jirincipale e'pouse. A la mort d'un noble ))toprietaire , les biens e'che'aient au roi qui les rendaital'aine, et celui- ti s'obligeait de nourrir ses frereset sceurs. Un liomme d'Hawai entrait dans une cabane , proposait dix brasses d'e'toffe en cchange d'une jeune lille. et prouvail qu'il posse'dait de quoi la nourrir. Accepte par la famille, il emmenait la lille, et pendant pliisieurs jours il pouvait ou rompre le luaicheoule ratilicr. A File des Navigateurs, il n'auiait eu que le droit d'un exainen niomentane, mais approfondi. Cook i'ut pris d'abord par les nalurels des iles Hawni pour un de leiirs rois qui, dans un transport de colere, avail lue sa femine, et qui, de doulcur ayanl perdu la ralson, erra parmi les ties et disparul : ce qui le fit lueltic an rang des dicux. Micux convaincns que le inenrtic LIVRES FRAN^AIS. 52^ d'une epouse est un crime , les Polyne'siens iie se fussent pas attribue iiii droit de vie et de mortsur leursfemmes. Cependant c'est par I'union de deux etres que Ics Tattlens, comme tous Ics peuples primitifs , expli- quenl la creation de I'uuiversj I'institution du mariage est comme ia cle de leurs the'ogonies. L'etre supreme , aux iles des Amis , est du sexeic- minin,etnommeKallafootonga. Leurs Eatuas, race de dieux inferieurs, repondent aux divinite's subalternes de la Grece,de I'figypte, del'Asie occidenfale, aux divinite's generatrices de I'lnde. I.e lingam hindou se retrouve aux iles Marquises. Le tatouage , dans la Polyne'sie, a perdu de son importance; ses signes sont neanmoins en- core pour les chefs distinctifs de leur caste et caracte'ristiques de leur pouvoir. En Europe, la moustache tombe sous le rasoir ; les rubans ou decorations sont plus inhe'rens a I'habit qu'a la personne, tandis que le moko, s'll de'formele visage , lui imprime un aspect plus belliqueux, el ses figures presques inde'le'biles se compliquent en raison du rang et des exploits de I'individu. A la Nouvelle-Ze'lande, les esclavcs sont exempts des operations douloureuses du tatouage : leur condition aussi estmoins ])e'nible que cclle des negrcs dans les colonies. Revenons a V Astrolabe. Les Zelandais out une poc'sie : leur fameux hymoe Plche est execute dans chaque circonstance solcnnellc. Les ravages d'uiie tempetc dans leurs champs de patates, la inert d'un habitant surpris par sou ejftemi, boaucoup d'autrcs sujets sont decrits en vers. Voici un chant d'adieii adrcsse a un naturel du pays qui s'cmbarquait sur un navire an- ;lais E taka 10 c au ki le i ou niaranpai Y wioiia mai ai koinya dou anp;a , Jai cawa nei ki le poiikc ki ere a ou , etc. « Lefort ct irresistible vent qui souffle du nord oragcux , a fait une im- » [)ression si j)rofondc sur mon esprit, en pensant a toi , (5 Taoiia, que » J ai gravi la montagne jusqu'ati sommet le plus e'levc pour etre te'moiii » de ton depart. Les vagues roulantesvontprcsque aussi loin que sti\'ers » (etranger qui visita labaie des lies). Tu cs entraine vers i'est, loin, au » large... Tu m'as fail don d'une natte, aliii que je la j>orle paramour » pour toi ; rt cc souvenir de ta pari me rendra hcuiriix quand je la 1)28 LIVRES FRAN^AIS. » nouerai sur iiies cpaulcs. Lorsque tu scras arrive au port oii lu vcui » allcr, uies aflcclions y serout avec toi. w Si , dans presque toulcs les descriptions dc moeurs des peuples loin- tains, le chapitre religieux se troiivc si pen important , qii'on est re'duit ale placer apres ccnx qui traitent des arts nie'caniques , des usages do- mestiqnes, c'est bien la i'aiite des hommes qui ont passe' sous silence ou denature tout co qui pouvait contraricr leurs ojiinions. M. d'Urville de- clare que les documens manquent encore aux Europe'ens sur ce sujet. « Les » missionnaires e'tahlis depuis 12 ou i5 ans parmi cespeuples, auraient » pu nous procurer des details intc'ressans , dit-il , raais la nature raemc » de leur institution, latournure de leur esprit, et, ilfaut bien ledire, le » peu d'e'tendue de leurs lumieres et leur de'faut d' education les ont jus- » qu'a pre'sent empeclie's d'aliorder francliement cette raatiere. » Nous Sa- vons seulcment qu'un Dieu supreme , plusicurs divinite's subalternes et une trinite de Mawi, dont i'aine forma la premiere femme des cotes de I'hommc, passent pour composer la the'ogonie des Ze'landais. Si les cnseignemens de ces missionnaires ont c'te fails dans I'esprit qui vient d'inspirer des mandcmens francais a I'occasion du cholera , il n'est pas surprenant que les naturels aient attribue au dieu des chre'tiens la coque- luclie qui , en i8'i8 , a cxerce des ravages terribles a la baie des lies, et qu'ils lui reproclient d'etre un Dieu cruel. Da" diverses emeutes, les missionnaires se sont bien trouve's dc I'o- pinion des Ze'landais que tout liomme qui a des rapports avec Dieu estun etre inviolable. Leurs arikisou mieux Tohoungas (doue's del'in- telligence) ont le privilege de calmer les orages, de fa ire des prophe'- ties, etc. Ces pretres y joignent , comme chez tousles peuples nouveaux, I'art de gue'rir. La dicte et I'eau froide sont leurs prescriptions ordinai- res. Les Ze'landais croient a I'inimortalite de Fame, a des relations entre les raorts et les vivans. Ni les mace'rations hindoucs, ni les dcuils e'gyp- tiens , ni les jeunes catlioliques n'ont autant de rigueurs que I'institu- tion a la fois rcligieuse et politique du tapou , qui asservit toute les peuplades de la race polyne'sicnne. Les Nouveaux-Ze'landais , barbares envers leurs cnnemis , anthropo- pliagcs menie, sont affeclucux envers les etrangcrs. lis n'ont qii'une danse de guerre , et plusieurs manieres de faire accueil. Leur langue, a laquellc les fcmmcs donnent <]e la douceur, est d'ime expression cnergi- LIVRES FRANgAIS. ^29 que dans les discours que les chefs prouoncent au scin de leurs asscm- blc'eswGomme le malais et d'autres idiomes, elle n'a ni de'clinaisons i)i conjugaisons; des particulcs indiqucnt les cas; les prononis sont assez compliqiies; les^iersonncjs suivent toujours le verbe; rarcmcntlrs mots ont plus de deux syllabes. M. d'Urville , a son premier voyage sur la Coquille , avail presume que ce pcuple employait la numeration onde'- ciraale ; il a reconnu cnsuite que, comme tous les Polync'sicns, i!s se servent de la decimale. D'apres diverses donne'es, ce" navigatcur estime a 25o,ooo individiis la population actuelle des deux ties de la Nou- vellc-Zelande ; des cantons sont devenus presque de'scrts dcpuis I'in- ti'oduction des armes a feu , et ce n'est qu'a la parlie nord de I'ile Ika- na-Mawi que les Europe'eus ont pu Lien e'tudier la A'ie domestique ctles institutions du pays. Le vingtieme cliapitre traite succinctemcnt des regnes mineral , ani- mal et vegetal. Dcja, dans ses pre'cedentcs navigations, le commandant de I'yistrolahe avail fait preuve de connaissances e'tendues dans les sciences naturcllcs. Pcut-etre il a trop prefe're a ses propres observations celles des navigateurs qui I'avaient precede a laNouvelle-Ze'landc; mais lorsqu'il compare ou corrige leurs re'cits, c'est dans I'inte'ret de la ve- rite et de la science , sans engoument pour un peuple qui jiarait ncar- moins supe'rieur a toutes les autres tnbus de I'Oce'anie. Le tome III se compose enlierement d'extraits des relations , jour- naiix ou correspondances des voyageurs qui ont e'crit sur cettc grande terre , particulierement des missionnaires qui y ont reside ou qui y con- tinuent leurs travaux e'vange'liqucs. Nous connaissons peu de livres aussi riclies de fails ncufs et varies , de peinlures , de moeurs curieuses que la collection des chrojiiqites de la Nouvelle-Zelande . C'est de la litlerature maritime de franc aloi ; les baleiniers et les navigateurs n'v paraissent , ni des forbans, ni des loups de mer. Au milieu de re'cits aventureux et tragiques , on Irouve les excursions pacifiques de fervcns apotres anglicans; s'ils savent se preserver des exage'rations fre'qucntcs de la part des missionnaires je'suites, d'un autre cote routiniers conmie la liturgie, Icur esprit n'e'tend pas ses meditations au-dcia du breviaire- aucun ne possedeles connaissances varices des Charlevoix; elbicn infe- rieurs aux missionnaires fran^ais en Chine , ils eussent a peine ete clas- ses parmi les lettre's du plus bas degrc. II faut pourtant dislinguer 53o LIVRES FKANCJAJS. M. Kiclianl Cruise ct Marsdrn (pii ont alladic Iciirs noius el (Ic'voiii' lenr existence a la Nouvellc-Zelandp. Lc capitaine Diimont d'Urvillc, en tradiiisaiit dc I'anglais ces pieces justificatives , et en rapportant dcs passages e'tendus des navigateursscs dcvancicrs,faitpreiiveala foisd'a- uiour pour lc progrcs dcs sciences morales , de modcstie et de loyaute. Get excraple meritcrait bien d'etre imitc, et inallieureusement il est nouvcaii. Isidore Le Brun. T iq. ElEMENS d'uNE NOUVELLE legislation des CHEMINS VICINAIX. srandes routes, chemins de fer, rivieres et canaux, par M. Emile Beres, du Gers. Paris, i83i ; Carilian Goeury, cpiai dcs Angustins, n" !\\. In-S" de 1 19, pages; prix, i i'r. Tons les esprits eclaires sont aiijourd'lmi d'accord sur la nc'cessite d'arac'Iiorer en France nos voies dc communications, et d'en creer de nouvelles : le bien-etre du peuplc ne pent s'accroitre que par le de've- joppement progressif de notre prosperite industrielle et agricole ; et ce deVeloppemcnt ne pent s'ope'ier que par la procbaine confection de li<^nes de transports, tant par eau que par terre, sillonnant en tons sens notre territoire, et distribuant sur tons les points les produits de notre sol et dc nos manufactures. Or, la plus grande difficulte qui s'op- i)ose aujonrd'bui au creusement des canaux, a la construction des che- mins de fer, a re'tablissement des moindres routes, a I'ouverture enfin de toute espece de communication, ce sont les formalite's nombreuses qui precedent et accompagnent I'espropriation pour cause d'utilitc publique, et les avantages enormes que la loi accorde a tout proprie- taire oblige de ce'der son terrain pour une construction d'un inte'ret ge- neral. La Cbarte de i8i4 a dit, et celle de i83o a rcpete, que nul pro- prie'taire ne pourrait ctre de'posse'de, sans une indemnite pre'alable; la loi de iBio a voulu que le chiffre de rindemnite fiit fixe par les tri- bunaux : ainsi I'administration publique ne pent occuper un terrain , quelque besoin qu'elle en ait , a^-ant d'en avoir paye le prix au pro- prietaire, et quand il faut en venir a la fixation de ce prix, I'admi- nistration doit ou accepter les conditions que le proprie'taire lui im- pose, ou se soumeltre a toutes les lentcurs d'une estimation judiciaire. LIVRRS FRANCAIS. 5,)l Les fails out dc'moiilrc depuis loiig-Icnis les A'ioes d'unc pareille legis- lation : nous avons vu les travaux d'nn canal arretc's pendant cinq an- nces, par le caprice d'un proprie'laiic qui, avant de ce'der son terrain, voulait e'puiser toutes les juridictions des tribunaiix; nous pourrions citer encore un terrain qui fut estimc i5,ooo francs par un expert im- partial, qui donna lieu, de la part du proprie'taire, a une demande en indemnile dc i -25,000 francs. Et il est l)on de remarquer que, quand il s'agit de de'possession , tous les frais des proces qui s'e'levent entre un particulier et Tadministration sont an compte de cette derniere, quel- que absurdes que puissent etre les pretentions du proprie'taire, raeme dans le cas ou le jugement qui intervient re'duit I'indemnite' a la somine offerte de prime-abord par les agens ou les repre'sentans de I'Etat. Quand la loi appelle sous les drapeaux nosjeunes conscrits, et lesen- voie porter les armes sur une terre e'trangere; quand I'ordonnance d'un pre'fet convoqiie tous les me'decins de la capitale a un service gratuil , pe'nible et dahgereux, et les oblige a donner Icurs secours aux raal- heureux aiteints du cholera, il n'est nullemcnt question d'indemnite : la socie'te' tout entiere, representee par le gonvernemcnt , au nom de I'honneur national ou du saint coinmun , demande aux uns le sacrifice de leur existence, aux autres le tribut de leur industrie et de leur sa- voir : cliacun se soumet sans muruiurer aux charges que la patric lui impose. Mais, quand il s'agit d'ouvrir un canal, d'e'tablir une route, quand I'administration , dans I'interet ge'ne'ral, demande a un proprie'taire la cession d'une portion de son terrain, celui-ci reclame une indemnite, et il pent la fixer a son gre, car ainsi le veut la loi, ou obliger le gouvernement a suspendre pendant quatre , cinq, six anne'es, I'exe'cu- tion des projets les plus urgens et les plus utiles au bien public. Et qu'on ne dise pas qu'il n'y a aucune analogic entre les exemples que nous venons de citer, qu'il y a salut public, ne'cessite' irape'rieuse dans un cas, et qu'il n'y a qu'utilite' et convenance dans I'autre; non, I'ou- verture de nouvelles voies de communication est aujourd'hui indis- pensable a la prospe'rite de I'industrie, et la prosperite' de Tindustric est le seul remede a cette maladie terrible , honte et fle'au de notre pretcndue civilisation, qui excrce partout ses de'sastres, qui occasionne les emeutes, qui ebranle la socie'te' jusque dans ses fondcmens , et (iii'il 532 HVRES FRAN^AIS. faut a tout prix et sans retard cberclier a dc'truire, la misere, qui fait senlir encore ses angoisscs et ses douleurs aux qualre cinquiemes de nos populations. Necker c'crivait, il y a quarantc ans, dans un me'moire sur la legis- lation et le commerce des grains , ces ligncs reraarquables : « En » arretant la pense'e sur la societe et sur ses rapports , on est frappe » d'une idee ge'ne'rale qui merite bicn d'etre approfondiej c'est que » presque toutcs Ics institutions civiles ont e'te failes pour les proprie- » taires. On est cffraye, envoyantle code des lois, de n'y de'couvrir )) partout que le te'moignagedecelte ve'rite'. On dirait qu'un petit nombre » d'liommrs, aprcs s'etre partagc laterre, ont fait des lois d'union et » de garaulic centre la multitude, comme ilsauraicntmis des abris dans » les bois pour se dcfendre des betes sauvages. Cependant , on ose le » dire, apres avoir c'tabli des lois de propriele, de justice, dc liberie, » on n'a presque rien fait encore pour la classc la plus nombrcusc des » citoyens. Que nous importcnlvos lois de proprictc? pourraicnt-ils dire, » nous ne possedons ricn. Vos lois de justice? nous n'avons rien a de- » fendi-e. Vos lois de liberte? si nous ne travaillons pas , demain nous » mourrons. Les proprie'taires et la classe de la nation qui vit de son » travail sont des lions et des animaux sans defense qui vivent ensemble. » On ne peut augmenter la part de ccux-ci qu'en trompant la vigilance » des autres ct en les empecbant de s'e'lancer. » Les iois sur I'expropriation ont c'td faites depuis Necker : qu'on les lise, qu'on voie la mauicre dont les tribunaux les appliquenl, la ge'nc- rosite avec laquclle ils disposent des tre'sors de I'fitat pour indcmniser le proprie'taire rcfduit a la dure ne'cessite d' avoir ses terrains traverse's par une grande route , et Ton reconnaitra que le mcme esprit et les memcs interets ont preside et president chaquc jour encore a la redac- tion et a I'application de nos lois I Ces reflexions preliminaires nous ont e'te sugge're'es par le sujet que nous avons a traitcr : si elles paraissent singuliercs a quclqucs-uns dc nos lecleurs, elles ne sembleront que bien natureilcs a tous les agens de compagnies concessionnaires de travaux publics, a tous les inge- nieurs du corps des ponls-et-chaussees, et a tous ceux enfin qui ont eu quelquefois a s'occuper d' expropriation : I'autcur de I'ecrit que nous annonfons ne s'exprime pas sur celte matiere. comme nous le verrons LIVRES FRAN^AIS. 533 dans Jc coiirs de ccttc: analyse, avec inoins de cl.aleur ft do conviction que nous. M. Bcres expose d'abord la necessite de I'e'lablissementd'un Taste sys teme de communications, desline a procurer un debouche facile aux ncbes et nombreux produits de notre territoire; il cite I'exemple de la Grande-Bretagnc, qui possede , dit-il , quarante mille lieues de routes en bon etat, une grande quantite de rivieres navigables, douze a quinze cents beues de canaux, plus de cent lieues de chemins de fer et qui est ba.gnee sur toutes ses frontieres par les eaux de I'Ocean , taiidis que la Prance, sur une ctendue de territoire deux fois et demi aussi conside- rable, ne compte que qumze cents lieues de routes, en general r.ssezmal entretenues, cinq cents lieues de canaux dont plus de moit.e non encore terminees, et quclques lieues seulement de chemins de fer. \ I'appui de son opinion , notre auteur rappelle ce passage d'un ecrit de M Say • « Coml3ien on verrait pius de produits agncoles en France , et combien » d autres prodmts agricoles y acquerraient de la valeur,s'ils pouvaient .. sort.r des l.eux ou ds out pris naissance. ,, Et il fa.t remarquer avec raison que ce que notre cclebre economiste dit de I'agnculture pourrait s appbquer avec non moins de justesse a I'exp'.oitation de nos mines et nous ajouterons a presque toutes les branches de notre industrie manu factnnere. En .8..4, lorsque le parlement anglais proccda a I'enquete qui avait pour but de connaitre I'etat de I'industrie franjaise, un in- genieur , interroge sur la question de savoir si les Franpais , en' suppo- sant qu'ils possedassent d'aussi bonnes machines que les Anglais pour raient rivaliser avec ces derniers "pour leurs produits, repondi't qu'il en doutait, a cause de la cherte des moyens de transport dans notre pays. Pen de personnes contesteront I'opinion de M. Bcres sur I'lmportance des voies de communication , et sur les heureux re'sultats que leur eta- bhssementamenerait; on sera d'accord aussi avec notre auteur sur les dif ficultes nombreuses qui entraventaujourd'hui I'execution de tons les pro" jets nouveaux de routes , de chemins de fer et de canaux : les vices de la loi sur I'expropriation doivent icifigureren premiere ligne. « lis sont tels ., ditM. Beres, «que nous tenons avec M. Hely-d'Oissel pour impossibles » tons nouveaux travaux publics, a moins que le gouverncment ne se re- »signc desormais, pour satisfaire une cupiditetoujours croissaute, a Jeter TOME I.IV . MAI ET JUIN 1852. oi) 534 LIVRF.S FRANQAIS. » des millions h la tete tVavides, disons meme, de mauvais citoyens.... » car pre'tendie exiger le centuple d'une equitable indcmnite, user meme » d'artifice pour cre'er ce droit, ce n'est en tous terns, en tous lieux,en- » vers tout le monde , autre chose quetromperie et spoliation coupable. »C'est al'opinion publique, qui juge plus sainement aujourd'hui, a re'- » former nos mceurs sur ce point. » L'auteur a raison d'cn appeler a I'o- pinioD publique : il trouvera en elle un juge sage qui lui donnera gain do cause , mais qui malheureuscment n'apportera aucun cbangeraent aux lois et aux habitudes existantes : il eiit etc plus nalurel de s'adi-es- ser aux Chambres ; M. Beres n'en a pas eu le courage , et , nous I'a- vouerons , nous n'osons pas Ten blamer , car nous ne croyons pas qu'il y eiit trouve' des appuis bien puissans. Parmi les inconve'niens qui s'op- posent a la creation de noiivelles lignes de transports , on doit mention- ner encore I'insuffisance des fonds affecte's en general par I'e'tat, les de- partemens et les communes, a rexe'cution et a rentretien des ponts, routes, canaux et chemins de fer , et enfin la complication des disposi- tions le'gislatives , des formalites administratives , et des re'glemens de police qui re'gisscnt les di verses raatieres. M. Beres, apres avoir ainsi, avec beaucoup de raison , critique' I'or- dre de choses actuel , aborde la question d'une re'forme complete , et propose une nouvelle legislation pour la voie publique. Le cadre de cet article ne nous permet pas de le suivre dans la discussion des diffc'ren- tes dispositions renfermc'cs dans son projet de loi ; mais nous devons dire que , sur beaucoup de points , nous ne serious pas d' accord avec M. Beres j nous attaquerions vivement 1' organisation de ces tribunaux spe'ciaux e'tablis , dans chaque commune et dans cbaque arrondisscment, pour statuer sur toutes les difficultt's qui peuvent s'elcver en matiere de grande et de petite voierie : I'esprit e'troit de localite , et les petits egards que croient se devoir entre eux de bons voisins de campagne , y exer- ceraient trop souvent leur deplorable influence ; nous n'admettrions pas davantage la creation par commune d'un commissaire-voyer sans appointemens , parce que nous craindrions que, malgr* les avantages que la loi lui accorderait de porter re'charpe nationale et dc prendre rang dans les ceremonies publiques apres les adjoints , le commissaire-voyer n'apportat pas dans I'exercice de ses fonctions tout le zele et toute I'in- dependance desirables.— Un ministrc a dit aux Chambres: « Me'fiez- LIVRES TRAN^AIS. 535 » vous des capacite's a bon marclie. » Nous dizons a M. Beres : a. Me'fiez- vous des capacite's gratuitcs, que vous ayez a faire k un voyer de commune, ou a un depute de de'partement. Malgro ces critiques que nous pourrious e'tendre davantage sans avoir cependant la pretention de substituer des dispositions nouvelles a toutes celles que nous blamons dans le projet de loi de M. Bei-es , nous recon- naitrons que I'e'crit qui fait I'objet de cet article a c'te' couronne' a juste litre par la Societc d'agriculture, sciences et arts de Chalons-sur-Marne, qu'il I'enfcrme des vues sages et d'excellentes ide'es, et qu'il pourra.etre consulte' avec fruit par tous ceux qui s'occupent d' administration et de legislation; nous appSaudirons surtout an plan meme de I'ouvrage, ou I'auteur ne se borne pas , comrae tant d'autrcs , a exercer une critique facile et de'courageante sur tons les objets qu'il lui plait de soumettre a son examen , mais ou il signale le remede a cote' du mal , la legislation a cre'er a cote des lois a abolir, et les espe'rances de I'avenir a cote des inconveniens du present. 120. Du FER DANS LES FONTS SUSPENDUS , par ^MILE MaRTIN, aU- cien e'leve de I'Ecole polytechnique. Paris, iSSa; Carilian-Gceury , quai des Augustins , n° 4 1 • In-4" de i-j. pages, comprenant 4 tableaux d'expe'riences sur la re'sistance des fers. L'auteur de cet e'crit commence par nous dire qu'il est marchand de fers , et comme tel interesse' a I'adoption exclusive du fer forge dans la construction des ponts suspendus : nous croyons remplir les intentions de M. Emile Martin en iraitant sa franchise , et en ne clierchant pas a era- peclier la prevention que la qualite de l'auteur doit faire naiire dans I'esprit de nos lecteurs. Au reste , il s'agit dans cet e'crit de faits posilifs , d'expe'riences pre- cises; les constructeurs seront a meme d'appre'cier le me'rite des opi- nions e'mises par M." Emile Martin. Les ponts suspendus , que Ton execute depuis plusieurs annees sur tous les points de la France , se divisent en deux classes bien distinctes: les uns sont suspendus a des cables ou a des faisceaux de fi\s de fer , les autres a des cLaines forme'es par des barres de fer forge'. — Parmi les premiers sont les ponts construits sur le Rhone ; les ponts de Paris , sur la Seine , ( ct tous les ponts execute's en Angleterre ) appartiennent a la 55. 536 LIVRES FRAN^AIS. seconde categoric. Quel est celui de ces deux systemes que Ton doit pre'fe'rer sous le triple rapport de la solidite', de la dure'e et dc recono- mie ? telle est la question que M. Eniile Martin a traite'e. Et d'abord , il fait remarquer que Ton doit distinguer dans I'emploi meme du fer forge en banes deux qualite's de fer bicn differentes : les fers durset forts, d'une part, les fers doux lamines de I'autre. — Des experiences nombreuses sur ces deux especes de fer ont ete faites a Gue'rigny, dans les forges de la marine royale , avec tout le soin que Ton devait attendre de la part des officiers charge's de ce service : il s'agissait de re'soudre tuic question de la plus haute importance pom* la marine, cellc de savoir quelle espece de fer il convenait d'employer dans la fabrication des cables de vaisseaux. On crut d'abord que le fer dur et fort, qui est la premiere qualite'reconnue dans le commerce, de- vait etre pre'fe're ; mais on changea bientot tl'avis, et on en est arrive au- jourd'hui a I'emploi cxclusif du fer doux lamine , que Ton de'signe meme sous le nom de fer a cables. Cette derniere qualite' de fer a une tenacitc moins grande que la premiere, mais elie a le grand avantage , sous une forte charge ou sous un choc violent, de s'allonger , tandis que le fer fort et dur de la meillcure qualite e'prouve une rupture subite. L'homoge'ne'ite du fer doux lamine est telle qu'unc barre, sous ime charge convenable, peut s'allonger du quart de sa longueur primitive avant de rompre. On concoitle gi'and avantage d'une parcillc proprie'te' dans les chaines des ponts suspendus comme dans les cables des vais- seaux; lorsque I'allongement se produit, le danger commence , et Ton y porte remede en soulageant la chaine; le fer dur et fort au contraire rompt brusquement sans pre'venir par aucun signe le marin ou le cor- structeur du peril qui Ic menace. Nous croyons qu'il est difficile de ne pas se rendre a la longuc experience des officiers de la marine royale attaches a I'etablissement de Gue'rigny, et de ne pas admettre avec eux que le fer doux lamine est preferable au fer dur et fort dans la fabrication des cables de vaisseaux, et par suite aussi dans la construc- tion des ponts suspendus oil le fer est soumis a des efforts analogues (quoique moins violens) a ceux qu'il a a supporter dans les cables. Reste maintenant a comparer les chaines en barres de fer doux la- mine' avec les cables en fil de fer. Ici, M. Emile Martin n'a plus, coramc dans la premiere partie de son travail , des epreuves concluantes LIVBES FRANCAIS. SS'] etdes avitorite's recommandahles a citer; il est oblige d'attaquer la ques tion par le raisonncinent : cette fois encore il la re'sout en faveur du fer doiix lainine. Cette opinion , nous dcvons Ic dire , nous a paru con venabiement motive'e. L'auteur commence par fairc remarquer que la solidite d'une con- struction en barres de fer choisies ne saurail etrc contestee : la force absolue du fer soumis a un effort de traction a e'te' rigoureusement de'- termine'e en Angleterre et en France par de nombreuses e'preuvesj I'emploi qu'on a fait de cette matiere dans plusieurs travaux , et I'usage aujourd'hui ge'ne'ralement adopte' par la marine de cables en fer re- connus comine bien supe'rieurs aux cables de clianvre, doivent inspirer une certaine confiance dans I'adraission du fer en barres pour les chaines d'un pont suspcndu. Les faisceanx de fil de fer sent bien loin, el le fait est incontestable, de presenter une mesure de resistance aussi posi- tive et aussi connue. M. Emile Martin discute ici le petit nombre d' ex- periences qui out etc faites sur cette matiere , et il attaque , non sans raison , les consequences que Ton y a de'duites sur la force moyenne d'un fil de fer faisant partie d'un cable; il observe d'ailleurs, et il n'est guere d'ingenicur qui n'ait en occasion de faire la meme reflexion , que dans un faisceau il est toujours a craindre que quelques fils ne soient pas tendus , et que la traction ge'ne'ralc ne se reporte sur un uombre de fils moindre ( et par consequent sur un cable moins fort ) que celui que Ton croyait employer. Quant a la dureo , la question ne parait pas douteuse : I'oxidation , (pii est la cause la plus active de destruction pour le fer, doit agir avec bien plus de jiuissance sur le grand de'veloppement de surfaces que lui pre'scntent les fils de fer d'un faisceau que sur le contour unique d'une forte barre de fer; le vernis solide et inalte'rable qui doit preserver le fer de Taction de I'huraidite, et qui serait si nc'cessaire a la conserva- tion des faisceaux de fil de fer, est encore a trouvcr; el toutes les peintures que Ton a employees jusqu'a ce jour ne remplissenl que bien imparfaitement leur objet. M. Emile Martin traite cnfin la question de reconomic, el il trouve (jue , meme sous ce dernier rapport , la preference doit elre accorde'e au fer en barres : I'opinion opposec a ele soulenue par liop de construe- 538 LIVBES FRANf^AlS. teurs, et par des constructeuis d'lin Irop grand me'rite, M. Vicat, par exemple, pour que nous donnions ici gain de cause a notre auteur j nous laisserons au lecteur le soin de revoir les calculs el les estimations que pre'sente M. Emilc Martin, et dc decider s'ils sont tons base's sur des hypotheses parfaitement cxactes. Nous remarquerons seulement que I'economie que doit produire I'adoption de I'un ou de I'autre systeme est bien moins importante qu'on pourrait le croire : ainsi les calculs de notre auteur offrcnt une economic de a,ooo francs sur un pont qui doit avoir coute' environ 200,000 francs. Supposons que cctte economic, au lieu d'etre en faveur du fer forge', fiit au contraire en faveur du fd de fer , et c'est a pen pres tout ce que peuvent pretendre les partisans de ce der- nier systeme, de quelle importance serait-elle, et qui pourrait vouloir la prendre en consideration , si , comme nous le pensons , et comme M. Emile Martin nous parait I'avoir de'montrc, les avantages d'une plus grande dure'e et d'une solidite plus assure'e sont en faveur du fer en banes? Les conclusions de I'auteur sont, comme on a pu le pre'voir, I'exclu- sion complete du fil de fer et I'adoption exclusive du fer en barres doux lamine', dans la consti'uction des ponts suspendus. Nous invitons les inge'nieurs a lire I'c'crit dont nous venons de presenter I'analyse : s'ils n'adoptent pas toutes les opinions de M. ifcmile Martin , ils trouveront au moins dans ce petit ouvrage des renseignemens utiles et des fails interessans. Ad. J. 121. Memorial encyclope'dique et progressif oes connaissances HUMAiNES , ou Revue mensuelle des decouvertes et acquisi- tions de V e sprit hinnain. Paris, i832jon s'abonne rue du Jar- dinet , n" 8. Chaque cahier contienl I'analyse de lout ce que les journaux et recueils franfais et e'trangers , les ouvrages , bro- chures , memoires , seances des societe's savantes , ont offert de nouveau ct d'intc'ressant dans les sciences ■, lettres et beaux-arts , les arts industriels , manufactures et metiers , I'histoire , la geographic et les voyages , durant le mois precedent, avec des notices hiographiques sur les hommes distingue's morts re'cem- raent , et le catalogue de tous les tons outrages public's ou reirapri- me's. — Ce rccueil est re'dige avec ('assistance du Conseil de per- LIVRES FRANgAIS. 5^9 fectionnement de I'Union cncyclopedique pour la propagation des connaissances utiles , sous la direction de M. C. Bailly de Mer- LiEux. — 11 se compose , par anne'e , de doure cahiers de 1 28 pages , ou trois forts vol. grand in-3'2; ou de douze cahiers de 32 pages , formantun vol. grand in-B" a deux colonnes. Prix d'abonnement par an , I o fr . a Paris , 1 1 fr. dans les de'partemens , et 1 2 fr. a I'e'tran- ger. — On adressera un caJiier pour specimen aux personnes qui en feront la demande. La premiere annee , actuellement complete , vient d'etre reimprime'e sous le titre de : Archives universelles desprogres , indentions , per- fectionnemens , decouvertes faites en i83i dans toutes les branches des connaissances humaines, et dans toutes les parties du monde. (i vol. in-S" a deux colonnes, ou 3 forts vol. gr. in-32, papier ve'lin, prix , 9 fr. , franco 10 fr. ) 122. COURS DE CHIMIE ELEMENTAIRE ET INDUSTRIELLE APPLIQUEE AUX ARTS , AUX SCIENCES ET A l' AGRICULTURE , dcstine ttux gens du monde , par M. Payen , manufacluriei-chimiste , membre des So- cie'te'sphilomatique , d' encouragement , et de plusieurs autres socie'te's savantes. Paris, iBJa; Thomine , rue de la Harpe , n° 88. In~8° de 32 pages J prix, 9 fr. La Societe des methodes d'enseignement a fonde plusieurs cours gratuits a I'usage des gens du monde , dans son local de la rue Taranne. Ces cours em]:)rassent des sujets de science tres-varies; M. Payen s'est charge' de celui de chimie. L'e'tat de I'industrie en France impose aux chimistes I'obligation de repandre autant que possible les proce'de's d'une science tellement utile aux arts qu'aucun progres ne peut plus de'sor- niaisetrefait dans les manufactures si Ton neglige d'etudier les principes qui lui servent de base. Les gens du monde , que leur position semble rendre le plus indifferens a ce genre de connaissances les refoivent avec- inte'ret dans le cours de M. Payen, qui sait les mettre a leur porte'e. Ce professeur public ses Icfons sous forme de bulletins, pour rappeler a ses auditeurs les sujets qu il a traites; ces publications sont rc'unies en un ouvrage , dont le premier volume, compose de seize livraisons, pa- ra\t actuellement. La clarte de la redaction n'est pas le moindre merite de cet estimable volume ; les faits y sont exposes avec me'thode , e6 54o HVKES FllANCAIS. eleve's au niveau des connaissances modernes. C'est un nouveau service que M. Payeii a rendu a I'lndustrie manufacturiere. F b. 123. Repertoire complex et analyse des diyerses methodes de TRAITEMENT APPLIQXJEES AU CHOLEP.A-MORBITS EN FrANCE ET DANS LES PAYS ETRANGERS, Ui'ec line description des sjinptomes ^ de la marclie , des diverses formes de la maladie et des lesions cada- veriqiies quelle laisse apres elle ; par Ch. Fraisse et F. Fran- cois , attache's en permanence a I'un des Bureaux de secoars pendant re'pide'raie de Paris. Paris , i83'i ; Mansut fds , rue de I'ficole-de- Me'decine, n" 4- In-S" de 1 1 1 et 936 pag. ; prix , 4 fr. C'est ici un ouvrage consciencieux dont I'utilitc' sera gene'ralement sentie. Re'sultat du de'pouillement d'un nomlire imn^ense de volumes sur le cholera dans I'lndc , la Russie , la Pologne , I'Angleterre ct la France , il Ics resume dans ce qu'ils offrent de plus important, la partie the'rapeutique. II pre'senle en outre le tableau complet des traitemens si multiplies , si divers , qui , des rinvasion du fle'au en France , ont ete tente's dans tous les hopitaux de Paris. Ces essais , plus ou raoins heu- reux, auraient e'te'pour la plupart oublie's et pcrdus, si, des le principe, MM. Fraisse et Francois n'eussent pris la resolution de les recueillir avec soin. lis pre'virent des lors que les memes dii'ilculte's , les memes embarras ou se trouvaient , en face du cholera , les me'decins les plus renommes de la capitale , renailraient plus tard pour ceux des de'par- temens, etpeut-etre aussi pour ceux des pays voisins. Malheureusement leurs craintes se sont deja en partie justlfiees; ils veulent, en publiant toutes ces tentatives , epargner a d'autres bien des tatonnemens, bien des erreurs. On trouvera done dans ce repertoire , au-dcssous du nom de chaque me'decin des hopitaux de Paris , la me'thode de traitemcnt qu'il a suivie pendant que le cholera y se'vissait , et des details sur le plus ou moins de succes qu'il a obtenus. Ceux qui ont suivi le mouvement des divers hopitaux pourront ainsi rassembler et comparer leurs souvenirs. Ceux qui, dans Ic niomentle plus critique, se trouvaient loin de la capir tale puiscront dans ce repertoire des documcns qui sont tous pre'cieux , puisque tous ils sont des documens pratiques. Si , coramc le rcdoutent phisieurs me'decins , le cholera menace de demeiuer ende'mique en Europe , on ne saurait trop recueillir do faits LIVRES FRAN^AIS. 54 I pour aclicver de le connaitrc , sinon dans sa nature , du moins dans son point di- depart, ses symptomes , sa maiclie et ses diverses formes. Ce que MM. Fraissc et Francois en disenl au commencemcnl de leur repertoire est ecrit avec Inciditc , avec talent , et forme uu excellent resume sur la matiere. Aetifs, de'voue's au jour du danger, ils ont acquis le droit de donner leur avis sur la contagion du cliole'ra : apres avoir expose' les faits quimilitcnt pour et contre, voici comment ils se re'sument sur cettc grande question : « La masse des faits ne'gatifs a la contagion du cholera est immense , » II ne nous est pas permis d'assurer qu'il ne sc soil jamais pre'sente sous » cette forme ; mais, observaleurs attentifs de ce qui s'est passe a Paris, » nous avons vu notre croyance a I'opinion contraire s'affermir a me- » sure que Tcpidemie suivait son cours. Que ne pouyons-nous en don- » nerdeces preuvesquipersuadent et entrainent les esprits I Nous serious » d'autant plus heureux de propager cette conviction , que la re'pu- » gnance de Leaucoup de gens a soigner les cliolc'riques nous a fait plus » d'une fois deplorer I'imprudente facilite' avec laquelle des faits incer- » tains ont e'te donne's au public comme des preuves evidentes de conta- » gion. Dans lebut de rassurer lespersonnes intiraide'es par ces bruits , » nous avons , vers le milieu d'avril, fait a la Commission centrale sa- » nitaire la projiosition (qui, a notre regret, ne fut pas accepte'e) de » re'pe'ter toutes les experiences deja pratique'es de I'inoculation du sang » et des fluides d'e'vacuation ; et de plus , de partager le lit d'un cho- » le'riquc a la pe'riodc algide jusqu'a Tissue de la raaladic. » Nous ne dirons rien de cette courageuse proposition ; chacun jugera par lui-meme du degre de confiance qu'elle doit inspirer pour les hommcs dc'sinte'resse's qui I'ont faite. Quant a la contagion , on a tellement abuse de cette idee , la politi- que , les ri^alite's commerciales, la hlcliete s'en sont fait un pre'texte et une arme si souvent , qu'on ne saurait user de trop de circonspcction avant de I'admetlre. Nous partagcons comple'tcment sur ce point I'opi- nion de MM. Fraisse et Francois. Le volume que nous annon9ons sera bientot suivi d'un second quii en sera le complement , et qui contiendra, avec mie statistique tres-de'tail- le'e sur re'pide'miede Paris, une analyse critique plusampledes me'tliodes expose'es dans ceJui-ci. T>. R., de Geneve. 542 LTVRES FRANCAIS. 124' f'fJi'RS DE LECTURE iiEDBAiQUE , ov\ Methode fucUe pour ap- prendre seal et en pen de terns a lire l'l).e'breu, pour acquerirla connaissance d'un grand nombre de mots et les premiers princi- pes de la grammaire , contenant des exercices oil la lecture estfi- guree en caracteres francais , quelques morceaux avec traduction interlineaire , et plusieurs autres avec traduction en regard ; suivi d'un vocABULAiRE HEBREu-FRANCAis J par S. Cahen , autcur de la nonvelle traduction de la Bible. Deuxieme edition corrigee et aug- mentee. Paris, 1882; Tauteur, rue des Singes , n" 5 ; The'ophile Barroisj Dondey-Dupre'. In-8° de 80 pages; prix, 1 fr. 5o c. L'hebreu , dans 1' education religieuse des israelites , joue a peu pres le meme role que le latin dans celle des catholiques ; c'est la langue sa- crc'c, la langue des ancetres. Du reste la synagogue, coinme I'c'glise, tient son cnseignement pour suffisant lorsqu'elle a mis les fideles a meme de lire , sans les comprendre , les livres dont se servaient leurs peres , et d'imitcr vaguement les sons par lesquels ils repre'sentaient ja- dis leurs pense'cs. Aux clirc'tiens la tache est plus facile, la traduction la- tine des psaumcs suffit aux exigences du culte , ct devant I'autel la lan- gue originale du propliete fait place a la langue des premiers pontifes de Rome. Chez les juifs , le respect pour les livres saints est plus pro- fond, on craindrait de les profaner en les vulgarisant pour les ce're'mo- *«ics du culte, et I'licbreu, I'antique hebreu, fsit encore retentir les murs des synagogues des meraes sons qui vcnaient frapper les draperies flot- tantes du tabernacle de Moise et les colonues dore'es du temple de Salo- mon. De la , la ne'cessite' d'enseigner aux enfans la lecture , smon I'intelli- gence de I'alphabet hebraique ; c'est pour les e'coles primaires un exer- cicc de I'esprit a peu prcs aussi fructueux et aussi utile que cclui de nos catc'chismes , manuals fails pour la rac'moire a I'age oil tout dcvrait etre fait pour le cceur. Le cours de lecture licbra'iquc de M. S. Cahcn , auteur d'une nouvelle traduction de la Bible qui a le me'rite de se tenir aussi pris du tcxtc que possible , nous parait fort sagement dispose' pour atloindre son but. Les details sur I'accentuation permettent d'approcher de la prononciation de la langue , autant qu'il est possible lorsque I'dii est de'pourvu drs secours d'un maitrc donl la voix seulc pent en- LIVRES FRAN5AIS. 543 seigner la viaie connaissaiice des sons. Enfin les chapitres consacre's a la lecture propreraent dile sont suivis de quelques morceaux avec une traduction interline'aire, ou avec une traduction litte'rale en regard ; c'est comma un commencement de chrestomathie he'bra'ique, et une e'tude attentive du petit livre de M. Calien pent mettre sans trop de peine un lecteur attentif au courant des premieres notions de cette langue si ori- ginale et si poe'tique. J. R. 125. — D'Egmont, Paris et Saint-Cloud, au 18 erumaire. Paris, i83'2 ; Fournier jeune. In-B" de 35o pages ; prix, 7 fr. 5o c. Qui n'a songe au directoire, en voyant la situation politique au mi- lieu de laquelle nous vivons ? Si jamais I'homme qui sent en son cceur I'amour de la patrie et d'une patrie qui represente le monde, I'liomme dont I'imagination s'est laisse' entrainer a de sublimes espe'rances, a de vastes reveries d' emancipation j dont I'ame s'est exalle'e par I'enthou- siasme d'une grande ceuvre a accomplir; si jamais cet hoinme a pu desespe'rer de I'humanite, c'est bien en face d'un pouvoir faible et in- capable, sans intelligence de la situation politique, en face d'une so- cie'te' sans chefs, sans ide'es, sans bannieres, livre'e a la lutte des partis e'puise's, dc'vore'e par la lepre d'une misere qui ronge incessamnient les masses qui babitent dans son sein. En 1799, quand il y avait encore de I'e'nergie, meme dans la force de dissolution, cette socie'tc a pu s'in- carner dans un homme, coimne Bonaparte, qui I'a ranime'e par I'exal- tation de la victoire, qui I'a rendue a I'ordre , mais a I'ordre d'une ca- serne, et I'a trainee haletante de cbamp de bataille en champ de liataille, d'un monde dans un autre monde , de Rome a Alexandrie , de Paris a Moscou I Mais aujourd'hui, personne n' attend un de ces hommes qui brisent comme un jouet le de'bile pouvoir place a la tete de la socie'te : elle ne serait pas de force a le produire , il I'e'craserait de son poids. Quoique le pouvoir actuel soit plus faible encore et plus insignifiant (]iie le directoire, il n'y a pas de place aujourd'hui pour Tusuipation d'un homme nouveau. L auteur de ce livre a voiilu peindre les me'coraptes d'un ami de I'humanite au milieu d'un e'tat social scml^lable au notre , la lutte de la liberie contra le despotisme; il a vouln surtoiit montrer I'impuissance du despotisme, meme le plus eclatant et le plus e'ncrgique, a dompter 544 LIVRES FKANCAIS. la force d'un principe piogicssif, a arreter le rnoiiveinent de la civili- sation; Tautciir de ce livre a compris qu'il nc faut jamais de'sesperer du saint de riiumanite , de la realisation de la loi d'affranchissemcnt , il a done voulii nourrir de sublimes cspe'rances. Je ravoucrai, en oiivrant cet oiivrat;c, je m'attendais 'a rencontrcr encore iine dcces ceuvres litte'raires, comme il en fourmille, banales et superficielles, e'crites sans conviclion, sans but noljle et de'sinteresse' ; j'ai e'tc' e'inii de lire enfm une ceuvre consciencieiise , rac'dilc'e, Ic fruit d'une pense'c qui est unc croyance , remplie de vucs larges et fc'condes. D'Eguiont n'est pas une re'alite historique , mais un type, mais la personnification de toutes les ide'es d' emancipation qui feruientent dans la socie'te dcpuis quarante ans; un de ces liommes, comme dit I'auteur, qui conservent en leur coeur ce secret d'un avenir social que les e've'ne- mens seuls peuvcnt e'claircir, cet ideal d'un perfectionnement que le tems doit re'aliser. « Lien mysterieux d'un ordre de civilisation a un » autre, d'Egmont, avoc les souvenirs de I'ancienne socie'te', devra » faire pressentir la nouvelle. II y aurait en lui le contre-coup de tous » les bouleversemens passes, et I'altente inquiete des biens a \enir. » II est raiiie de cette generation aujourd'bui mure , et tout e'levee » sous nos yeus. Elle a des espoirs infinis, des convictions profondes, » une ambition tumultueuse , mais droite ; quelquefois aussi le doute la » travaille, et souvent elle s'cstlaissee aller a un dc'sespoir incurable. » Son lie'ros ainsi concii , I'auteur le jette au milieu de ce draine c'cla- tant et grotesque, patlietique et rapide, vrai dramc ronianlique, mele de sublime et de ridicule , appele le 18 brumaire ; il le pose en face de cette grande llgurc, toule bronze'e par le solcil d'ltalie et d'Egypte, en presence de Bonaparte qui deja se montre audacieux , indomptable , avecles allures d'un maitre bientot empereur. D'Egmont suit avec ardeur et inquietude la marche de I'intrigue; a mesure que le denouement approche, il presse cgalenient le jeune ge- neral , sonde sa pensee , se pre'sente sans cesse a lui coniuie un remords, comuie la malediction du genie re'volutionnairc, train, abandonne. Oh ! la singuliere e'poque! dans laquelle vous voyez un pouvoir me- prise, e'tourdi de la rapidite du mouvement qui I'entraine, se precipi- tant et a droite et a gauche pour so garder et de scs amis et de ses enne- mis, ne sachani a- triotes, par tons ces bommes babituc's a ce'der aux necessites politiqucs, de'Iaisse par cette multitude inerte, impassible, incapable d'agir spon- tane'ment. Quand le drame est acheve , quand le vainqueur d'ltalie et dcs pyra- mides a foule aux pieds cette guenillc appele constitution et disperse a coups de plat de sabre cette troupe de bavards a la parole intaris- sable , quand Bonaparte a pose le pied sur le premier degre' du trone sur lequel il doit s'asscoir, alors d'Egmont pousse un grand cri et s'enve- loppe la tetc de son manteau; toutesses illusions sont c'vanouies, ses es- pe'rances d'affrancbissement s'en vont aux acclamations de cette foule qui salue le premier consul ; il a doute de la liberte et dc I'avenir du raondc ! Mais d'Egmont etouffc sa doulrur el ses larmes; il ine'ditc et repasse en sa me'moire tant de de'sastres accomplis, tant d'e'vcnemens eVoule's , une inspiration divine descend dans ce ccinir ulcere; il cmbrasse toutes 546 LIVRES FRAN^AIS. les parties dc ce grand raouvcraent social dont la re'volutiou francaise est la crise. Et icl je resume les pcnse'es de I'autcur : La viie intellectuclic de d'Egmont, francliissant les terns et Tcspace , pe'netrait les causes premieres et les suivait, imperturbable, dcrobant a chacune le secret de ses transformations ; il ne voyait plus la revo- lution contenue seulement dans Paris, la France et I'Europe elle- raeme ; elle lui apparaissait comme I'etincelant symbole de tout un monde qui , apres s'etre affranchi par la pensc'e , veut entrer dans I'exercice de ses franchises par la religion et la libcrte. II voit dans I'histoire de I'liumanite action et reaction continucUes de la force qui crec et de la force qui detruit pour rcfairc. Et il vient un jour oii les forces de la pensce e'mancipe'e se concentrent dans la France ; les peuplcs civilises sont les rayons d'un cercle immense dont I'axe pose sur Paris. D'Egmont de'couvre dans la fusion des c'le- mens sociaux, en lutte depuis des siecles , I'aurore d'une civilisation nouvelle. Cettc intuition lui rendit foi et courage. Arrive' a cette hau- teur, il pent juger I'e've'nement qui s'est passe sous ses ycux, et lui donner sa place dans Thuraanite' dont la cause ne pent jamais etre perdue. L'avenement de Bonaparte , comme le dit tres-bien I'auteur , n'est qu'une des pliases de la revolution, et non pas la revolution faitc homme; elle a continue' en dehors de Taction de Bonaparte, en opposition a ses ide'es et a ses voeux. Alors d'Egmont , comme pour se venger de sa de- faite, se met afaire la part a Bonaparte j il le montre comme un he'ros de transition, comme un sublime guerrier destine' a vaincre, a tuer, toujours domine par la passion des armes et du pouvoir, mais nuUe- ment par une pensee de civilisation. Quand d'Egmont est ainsi parvenu a retremper son courage et a se redonner de I'espoir, il acheve de raconter froidement les dernicres journc'es de 1' usurpation de Bonaparte. Ce livre nous plait par la since'rite' des sentimens, par la chaleur avec laquclle sont c'crites plusieurs pages , par la ve'rite de plusieurs por- traits, par I'elc'vation des pense'es. C'est la foi de d'Egmont qui nous anime, c'est sa confiancc dans I'a- venir qui nous soutient a la vue des miseres dc notre epoque , de ce LIVRES FRANgAlS. 54" pouvoir cbancelant, indigne de dinger les destinies de la France; a la vue des partis divise's, de'bande's, qui se chicanent si honteusement siir des minuties; a la vue surtout des souffrances du peuple, victime de rincapacite des gouvernans , de la niaiserie de ces partis. Ce n'est pas d'un ravageur du monde que nous attendons le salut de la socie'te, mais de la production d'ide'es organisatrices capablcs d'etre comprises de tous, re'alisees par tous. St-Ch. 126. Sextus ou LE ROMAiN DES MAREMMES, suWi (V Essuis de'tachcs sur Vltalie, par madame Hortense Allartde Tiie'rase, auteur de Gertrude, Jerome, etc. Paris, i83'>. ; Heidcloff ct Campe , rue Vivienne, n" iG. In 8" de 496 pages; prix, ■] fr. D'abord qu'est-ce que les Maremmes ? — Ce ne sent point des marais comme on le croit ici, mais d'immcnses plaines qui, de I'cmbouchure de rArnoetmeme du Serchio, descendent jusqu'aux frontieres duroyaume de Naples; c'est-a-dire qu'elles occupent dans une e'tendue d'a pen pres cent lieues tout le littoral de la Toscane et les marines occidentals de I'Etat Remain. Get immense espace est le domaine du mauvais air (i). La population have et de'cime'e fuit, I'e'te', sur les lieux hauls et ccux que la misere retient dans leurs bourgades s'y trainent comme des om- bres sous le soleil mortifere de ia canicule. De giands troupeaux et des buffles farouches peuplent ces vastes royaunies Ae la fievre; les san- gliers y vivent en paix dans leurs forets jusqu'a ce que Icsbergcrs abruz- zais et,lucquois descendent de leurs montagnes , et vetus de peaux comme le palre de Calabre, reraplissent par la chasse leurs longs loisirs. Les voyageurs parcourent pen ces deserts ; ils se contentcnt d'un coup d'ceil rapide sur la campagne de Rome, et passent. La ccpendant la na- ture est forte et vierge , et ricn que je sache en Europe ne pent en don- ner I'ide'e sinon peut-etre, mais en petit, quelques marines de Sicile , qiie Ton ne connait guere mieux. C'est un Romain nourri dans ces solitudes que madame Allart a pris pour be'ros de son nouveau roman. Sextus , prote'gc ou meme Ills du car- dinal Salviati, a la surveillance de ses proprie'te's des Maremmes, et c'est (1) Voir notre numero de fevricr dernier , page 469. 548 LIVRES FRAN9AIS. la que son anie toiilo rornaine s'cst c-saltee an souvenir des grandes Glio- ses d'lin passe que Ic desert rappcile plus cloquemment que la socie'te raoderne. < Cependant il n'esl point c'lrangcr an monde; la moitie de sa vie se passe a Rome , et dc la hauteur de ses regrets et de ses pense'es il tombe la au milieu dcs intrigues, aux pieds des femmes. II s'y livre avec loute I'ardeur de son solcil, et le cardinal lui-memeest le confident de ses volages amonrs. Une jeune veuve franfaise belle et digne, Therese de Longiieville, passe a Rome. II la voit et I'aime. Gomme son genie, la beante de Sex- lus est antique , Therese est touche'e , bicntot cllc est subjugue'e. Ici commence une suite de de'vcloppemens qui e'chappenta I'analyse, n'e'tant que de I'analyse cux-memes, et qu'il faut lire. C'cst le contrastc de deux pays , la lutte de deux natures. Rendu timide par de recentes souffrances, le cceur dc Therese est surses gardes jse'duite par leRomain ancien elle craint le Roniain moderne et des habitudes prises. EUe op- pose au laisser-aller du midi, a la licence des rapports, la dignitc des mceurs. Mais Sextus est licr. Tant de defiance le blesse ; il se tait, il souf- fre , mais il aspire a guerir et part. II voit la France et TAngletcrre. Paris lui scmble mesquin. Hommes et choses y sont uniformes et de convention. La brumcuse Anglelerre, mornedans sa grandeur, I'attristemais il estjaloux dcs deux rivales et leurs tribunes rctentissantestroublent Icsommeil de cc Roraain orphelin, qui n'a plusde forum. Etpuis ces ciels pales, ces soleils blancS, ce ne sont pas Ics siens. II reve d'ltalie, il soupire a ses Maremmes; c'«st la qu'il veul ensevclir sa lionte ct sa doulcur. L'amour est mele a tons ces souvenirs de patric ct de soleil ; lie a tout ce qu'il aime, a tout ce qu'il ve'nere ; il revicnt plus tendre encore et plus passionne. Tant de silence et de sacrifices rae'ritaient une recompense^ et Therese vaincue e'pouse Sextus. Tel est le squelctte de I'ouvrage dc raadame Allart. Si dc'charne que nousl'ayonspresente, on pent encore en saisir les dimensions. C'est la peinture d'une nature eleve'e , I'oeuvre d'une ame distinguee, nourrie des -rands exemples. II y a dans I'esprit de raadame Allart de la viri- lite; quelque chose dc machiavelesque, si Ton pent dire. Mais ne pour- rait-on pas Ini roprochcr, s'il nous est permis de hasarder cette critique, LIVRES FRA.N9AIS. 549 quelqu'abus de la precision un pen seclie du secretaire florentin? Un ou- vrage d'art est-il susceptible de cette rigueur que supporte I'liistoire? Ne demaude-t-il pas plus de laisser-allcr? H y a quelquepeu de raideur, une sorte de puritanisme dans la pose de ses ligures ; on aimcrait plus de niobilite dans leurs traits, une expression moins soutenue et parl'ois plus abandonne'e, dut-elle meme desceudre jusqu'a la familiarite. Le tableau y gagnerait peut-etre en mouvement et en varie'te. L'autcur scrait alors et naturellement amene'c a multiplier ses tours , et a substituer a ces formes de succession qu'cUe semble affectionner une maniere plus rapide et raoins uniforms Elle peindrait, au lieu que trop souvent elle ne fait que de'crire. La franchise , la rudesse meme de nos censures font foi de notre es- time pour le talent dc Fauteur. C'est une bonne fortune pour la critique que d'cn trouver a qui Ton pent tout dire ; il y en a tant qui n'en va- lent pas la peine. Voila pour i'ensemble. Quant aux details, madamc Allart a su ha- bilement grouper autour des personnages principaux des figures secondai- res qui relevent, pour ainsi dire, d'eiix , en meme terns qu'cUes les mettent plus en relief par les contrastes. Ainsi le rigorisme anglais de lord Nor- folk fait mieux lessortir la facilite un peu libre des Italiens de Rome^ de meme que I'amour intuitif et brillant de Marianna dans les Maremmes n'cst pas la passion re'serve'e et pour ainsi dire savante d'une femme dc Paris, de madamc de Longueville. Les antitheses n'ont de prix qu'au- tant quVllcs donncnt corame ici , plus de saillie aux faits ou aux carac- tcres; hors de la elles ne sont que pue'rilite's et jeux d'esprit. La gravite severe , la distinction de rensemble , une sortc de lyrisme re'pandue sur toute I'ceuvrc, ]>lacent I'auteur dc Jerome au rang des ta- lens qui se respectent, ct qui respectent encore les lettres au milieu dc ce deluge de bourreaux , d'orgies , de vulgarite's repoussantes , dont la litte'rature actuelle est deborde'e. Les fragmens qui suivent le roman de Sextus sc distinguent par la meme cle'gance soutenue , le meme sentiment profond et vrai de la na- ture et de I'liistoire italienne, qui distinguent les dcrniers e'crits de ma- dame Allart. On sent a quel point le long sejour de Fauteur en Italic ct le commerce journalier de ses grands hommes Font initice dans la con- naissance des clioses italiques. Les Essais sont le prodiiit d'e'iudcs se'rieu- TOME LIV. MAI ET JUiN 1852, 3(J 55o LIVRES fran(;ais. scs; ct la f'emmc d'espril se cache souvcnt sous la gravit(! conscicnciciisc (111 publiciste. lis rcnferment sur Naples, la Toscane ct Rome, dcs de- tails d'adininistration a pen pres inconnus jusqii'a oe jour^ ceu\ sin- Rome surtou! out tout rinte'ret dc ractualitc. S. R. I'l'j. — Lf. TnAPPisTE d'Aiguebelle , par Charles-Henri d'Ambel. Paris, i83->. ; Heidclolf ct Campe. ln-8" dc '^4"*^ P^g*^^; P^'i^ ? 7fr. La question du ce'libat des pretres est depuis long-lems souleve'e , c'cst la base de tout I'ordre catholicpie et c'cst la que ses ennerais s'a- charnent a IVapper. L'e'glise sent bicn qu'il y va de sa vie, aussi elle rc'- sistc avec la pins opiniatre e'nergie et n'entend rien ce'der sur ce terrain. Celte question du ce'libat a e'te' traite'e sous toutes les formes, depuis les violentes protestations de Luther jusqu'aux plaisanteries de Voltaire et aux e'loquentes sorties de Rousseau ; ellc n'est pas cpuise'e , le deljat dure encore et se poui'suivra jusqu'a Taneantissement du clerge catlio- lique. L'esprit public s'est depuis long-tems prononce en faveur du ma- riage des pretres, mais il faut dire qu'il n'a pas toujours compiis la grande valeur du ce'libat, commc force nccessaire a I'institution du ca- Uiolicisme a i'e'poque ou il exer^ait dans la socie'te' une influence salu- tairej sous ce lapport il a etc' facile a M. De Maistre de so joucr avee sa poignaute ironie des declamations de quelques e'crivains superficiels ct e'iroils. Lc cote le plus exploite' de la question du celiiiat est toujours celui des souffrances morales d'un etre condamne a des sacriflces contre nature, a une abnegation homicide ; puis vient le tableau des de'sordres qui re'- sultent de cette existence anti-humaine. P.-L. Courier a laisse sur ce sujet quelqucs-uncs de ces pages originates qui ne s'oiiblicnt jamais. En de'crivant I'ctat moral du pretre catholique condamne' an ce'libat, les ecrivains oublient trop I'immense influence exerce'e sur la nature de I'homme par une foiardente, par I'exaltation religieuse , par le senti- ment d'une grande oeuvre a accomplir; I'homme alors est capable de dc- vouement, de sacrifice, il pent aA^ec joies'immolcr, ou se meurtrir. A repoquc ou le pretre catholique avait la conscience de s;i mission civilisatrice, quand en face des barbares ou des empereurs, il se dc'clarait le proterteitr du vaincu ou du coupable , quand au milieu de tons les LIVRES FRANg^IS. 55 1 dc'sorih'cs tie rcrajiirc lomain il voulait rclcvci- la dignilc' Iminaine , alors , dans rcxaltatioii dc sa I'oi, il ii'avait a se plaindrc iii du martyre, ni des mortifications de sa chair condamne'e par I'e'glise. C'est dujoui oil rceuvrcdii prctre catlioliquc a c'te'terminec, oil sa foi devenue sterile n'a pu le soutenir ct I'exalter ni lui commander des sacrifices inutiles, c'est a cc moment que son vceii dc virginite a pu lui pescr et lui causer de cuisan- tes douleursj il fallait en effet une exaltation surliumaine pour e'touffer line nature d'liorame : mais du jour oil s'est arrcte I'entrainement reli- gieux, le pretrc a senti sa chair morte se ranimer., il a voulu aimer, comrae I'liomme aime , il a tcndu les bras vers les etres qui entourcnt un pere ct il s'cst souvenu avec cf'froi d'un scrment insense'. ISulle existence ne doit etre aussi intolerable que celle d'un jeune pi etre catholique en face de cette socie'te qui le renie, au sein de ce clerge' impuissant, sans e'nergie, sans enthousiasme j supposez ce jeune homme dc bonne foi, ardent, avec une amc aimante, expansive, ct devinez ce (}ui doit se passer dans cette vie solitaire. Jc connais un jeune vicairc des environs de Paris , done d'une raison eclaire'e, d'une imagination brillante; cntraine' par le besoin de se de» vouer , il s'est jete dans les ordres , espe'rant trouver la des homraes de- voue's aussi etsurtout une ceuvre utile a I'humanite , mais il n'a rencou- tre encore que des liommes e'goistes , jaloux , des hommes a metier et a routine J il s'est vu exerjant une fonction de'daigne'e ct devenue pres- qu'inutile, puisque la philantropie fait aujourd'hui cc quautrefois le zeie catholique exe'cutait. Le de'goiit s'est cmpare du jeune homme, le doute a pe'ne'tre la aussi; cette robe funebre lui est bien pesante ; a cette heure ce sermcot garde avec lide'lite' , paree que le jeune homme est pur et ne veut pas etre iinposteur , ce scrment lui ronge le cceur et bicn des larmes coulent silencietisement , dans la nuit, dans la chaire, a I'autel, pendant le service divin auquel il ne croit plus! Le jeune homme a voulu abaiidonner une fonction qii'il ne peut rciii- plir avec foi, mais cette socie'te est ainsi faite aujourd'hui, qu'il n'aiirait nulmoyen de s'y replacer j et, en attendant, il preche au peuple une croyance qu'il n'a pas , il ment ; il communie et fait coimnunier , et il ne croit pas a la presence re'elle de Dieu , il est sacrilege; il a des desirs secrets d'amour, ils sont inipics ! Telle est la situation d'un pretre qui n'a jdiis de mission a remplir 56. 552 LlVllES FRVNgAIS. dans line socictc, el qni rcste ficlelc aux lois d'une religion sterile. Beau- conn (le jeunes homiucs sont -vietimes anjourd'lini , eomme le jeune vi- caire tlont je parle , il fant les plaindre. L'liistoirc du trappiste d'Aiguebelle est faite ponr prouver rimmora- lite du cclibat des pretres ; I'auteur n'a pas dc grandcs pretentions litte- raires; il raconte la vie d'un trappiste dc la. Drome devenu prelre par la volonte dc sa famille , e'prouvant lonte la violence d'un amour auquel il succombe et se retirant pour expier sa faute dans le convent d'Aigue- belle. L'histoire est simple et c'crite avec inte'ret , c'est im argument dc plus en f'aveur d'une question resobie aujourd'hui par tout le monde. A. St-Ch. 1 28. Mademoiselle Justine de Liron , nouvelle suivie de : Le me- canicien-roi, par E.-J. Deleclxjze. Paris, i832; Charles Gosselin, nie St-Gcrraain des Prc^, n" 9. In-8" de '297 pages 5 prix, G fr. « Si jc vous aime? singuliere question en vcrite, apres les marques » d'amitie que je vous donne ! mais si vous etes assez fou pour croire » qu'une fdle de vingt-trois ans est elle-meme extravagantc a ce point » d'e'pouser un jeune liommede dix-neuf, vous vous etes si ngulierement « abuse, monsieur Ernest. » C'est mademoiselle Justine de Liron qui parle a son cousin. lis vivenl pres I'un de I'autre, seuls dans une maison dc canipagnc avec le vieux pcrc de la demoiselle , oncle du jeune liomme : ils s'aimcnt , mais Justine ne pense aumariage qu'avec une repugnance raisonneuse et passionne'e, qui est surtout inexplicable et de'sesperaute pour un cogur de dix-neuf ans : les pricres d'Ernest , ses caresses , sa frene'sie , ses menaces sonl impuis- santes pour faire changer la resolution de sa cousine : et pourtant il arrive une nuit impre'vue , une nuit de transports de desespoir et d'un bonheur de'lirant qui scmblerait devoir effacer toute la disproportion dc son age et lui assurer le droit de s'unir a jamais a Justine : il n'cn sera ricn : alors meme Justine esl inflexible : dans le mot le'paration ellc ne trou- verait pas de sens. Les emotions violentes dc cctte nuit ou sa volonte a consenti a se laisser subjuguer par la passion ne se renouvelleront plus! Et lerestede sa vie est en ci'fet chaste et pur.; c'est unelultecontinuelle entre les seductions d'un souvenir, et un caprice virginal, ce n'est point pour obeira I'arret d'une inoialc tradilionnclle : ce n'est pas par res])ectpour LIVRES FRAN9AIS. 553 I'opiiMon [)uhli([iic : il lui conviciidiaitpiutourclie la iiiuiucsse d' Ernest etde braver Ic dcdaiii du monde, que de dcveiiir son c'pousc : ellcpreicrc avant tout rcster son ainie, s'exposer a demi avcc Ini dansde doux on- Irctiens, dans les e'panchenicns librcs d'une conliance plcine de se'rcnitc, d'lin abandon que rcntraincment solbcite et que I'illusion exalte sans jamais triompher. Tons deux redeviennent ainsi fiance's : cette fermen- tation de rimagination ct du coeur les jette ensemble dans une singu- iicre ivresse, et au milieu de cette existence e'trange, paradoxale , sans caractere determine, sans nom, mais altendrissante et dramatique, nn mal pbysique, unc consomption ou unanevrisme, lue lentementmademoi- selle de l.iron , ct Ernest suit en pleurant son regard qui s'e'teint , regard de fierte et d'amour , regard long et penetrant qui parfois uous a rap- pele I'expression du jeu de mademoiselle Fay. II y a ensuite quelques details sur un manage de convcnancc quo dans la suite fit le jcune homrae. Peu importe ! apres avoir tourne la feuille oil meurt Justine , nous n'avons plus rien entendu. Cette nouveile nous a paru plus originale , plus consciencieusement ecrite qu'aucun des romans public's pendant le cours des dernieres annc'es. M. Delc'cluze sacrifie avec un talent remarquable et avec une sensibi- hte veritable au gout litte'raire du sieclc, quoiqu'il manque raremenl une occasion de le critiquer : s'il y a contradiction , c'est que peut-etre ■sa poe'tique n'est que dans sa lete. Le dernier conte, intitule le Mecanicien-roi , n'a pas plus de quarante pages : on y voit un couteiier de la rue Saint-Honore, qui croit avoir le secret du mouvemcnt perpe'tuel et, dans sa folic, pre- tend avoir cre'c sur un lac un monde entier qu'il gouvcrnait a son t;re. Les exactions , les crimes dont il se persuade qu'il s'est rendu coupable envers sessujets, Icur mine que son egoisme a cause'e , sont pour lui les causes d'affreux remords. ]<;d. Ch. log. OEuvRES DE Charles Nodier , romans, contes et nouvelles. Troisieme livraison. Paris, i83a; Eugene Renduel, e'dileur-libraire, rue des Grands- Augustins , n" 22. In-8", prix , 7 fr. So c. Cette nouveile livraison contient Smarra ou les Devious de la nuit, le bej- Spalatin, la femme d'Asan, la Luciole , Idylle de Giorgi , Trilby, la Filleule du seigneur, une Heure ou la Vision, le Tom- 554 LI MIES FRANgAlS. beau des ^rwes du lac , Sanchette on le Laurier rose ot V llisloire d^Helene Gillet.Les ilciix piincipaiix conteS;, Sniarra ct Trilbj-, sont precedes dc prefaces. L'e'dileur a public se'pare'mcnt le Dernier Chapi- tre de mon roman qui forme ainsi un demi-volume. On rctrouve dans Ics diffe'rcns oiivrages qu'on vient de nornnier tomtes les nuances du ta- lent de Nodicr. Us pourraient suffire a qui voudrait juger la richesse de son style et de son imagination.il y a entre le Dernier Chapitre de mon roman et VHistoire d'Helene Gillet un immense intervallc que comblcnt assez naturellement les poesies raorlaques et Ics gracienscs et touchantes fantaisies du Lutin d'Jrgail. Nous attendons maintenant avec impatience la Fee aux Miettes , qui aura paru lorsqu'on lira ces iignes, et les Reveries litteraires, morales et fantastiques. * i3o. Le Suicide, roraan par Servan de Sugny. Paris, i83'J! ; veuve Charles Be'cliet. In-8" de lxix-sSo pages ; prix , 6 fr. i3i. Satires coNTEMPORAiNEs, \>ar le meme. Paris, i83?. j memc librairie. In-8° de 2'j5 pages ; prix, 6 fr. Qiiand une existence de citoyen et d' artiste , riche dc fruits et de promesses prend fin avant le terns (i) , c'est non-seulement un coup poile a une famille , a dcs amis , c'est encore un deuil pour le pays , pour la sainte cause dc la civilisation , et aussi pour la vie toutc uiyste- rieuse de I'art. Que s'il reste de celui qui n'est plus quelque eTiauche a laquelle manque la derniere main , quelque oeuvre interrompue , incom- pletes revelations de pense'cs qui , comme le dit I'ltalicn , in noi dor- mir non ponno (Tasso) : alors, a dc tellcs pages s'attaclic un in- te'ret tout special , leur lecture devient en quelque sortc un actc so- Icunel , c'est I'ouverture d'un testament. La critique , oublieuse de ses droits, se demande ce qu'elle a fait de son liumeur severe , et il faut jn-esque du caractere pour se retremper a I'axiome antique a amicus Plato , etc. » Connaissez-vous la riche et belle Amsterdam , Amsterdam avec la ( eintnred'e'difices dont elle enserre I'Amstel a sa naissancc , avec son im- posante physionomie d'ancienne capitale ; ses deux cent quatre-vingls (1)\oy. Tfec. Enc, t. LI, seplemhrc 1!ijf . |>. .'i87 , uiic notice iiccioIiii;i- que sur Servan deSiigny. LIVRES FRANgAIS. 555 ])onts , sa presque centaine d'lles ; Amsterdam , avcc ses comptoirs ou les deux mondes puisent • son change re'gulateur , le cosmopolitisino dc son port ; Amsterdam , avec les merveilles de son banc de sable et dc boue , derriere lequel ellc se rit du redoutable element ? C'est la que sc passe Taction du roman de M. Servan de Sugny , action sans rien de neuf nide dramatique,ilfaut le dire, et, qui pis est , sans morale. Qu'on en juge ! Le theme de I'aut^ur se re'duit a donner un seul tort a I'liorame qui en finit volontairement avec sa vie.... C'est que sur la capricieuse roue de la loterie il y a toujours virtucllement au moins un quaterne ; pourquoi quitter la partie avant d'avoir c'puise toutes les chances? Qui sait , au moment ou vous verouillez votre porte pour disposer le char- bon d'asphyxie , si la fortune ne va pas y frapper ? — Malheureux Jeune homme I tu n'as pas eu sans doute d'autres espcrances , puisque c'est ta propre histoire que tu nous legues. L. Ph. iSi. Les Femmes poetes francaises du dix-«euvieme siecle ; par Frederic Degeorge. Arras, juin iSSa. In-8° de 4° P^g^s. ( Ne se vend pas.) M. Degeorge , directeur de I'un des principaux organes de la presse de'partcmentale {le Propagateur du Pas-de-Calais) , n'est pas tcUe- ment absorbe' par les discussions politiques , qu'il ne consacre une portion de ses heiircs a la litte'rature. Son nouvel opuscule est un hommage a mesdames Tastu , Desbordes- Valmore , Denne-Baron, Celeste Vien, Babois , Waldor , etc. , dont il apprecie avec sagacite les dit'fe'rentes natures de talent. Parmi les assez nombreux morceaux poe'tiques cite's par I'auteur, nous le remercions particuliereraent de nous avoir fait faire connaissance avec un conte de madame Desbordes-Yalmore , inti- tule I'Ecolier, petit chef-d'oeuvre de grace et de naivete. * 1 33. — Distractions, par Henri Monnier. — Album. Dessins. Paris, 1 832; Paulin, place de la Bourse. Londres, Colnaglii son and c", pall-mall east. Prix, 6 fr. en noir; — lo fr. en couleur; — 20 fr. grand papier de Chine. — Petit Pierre? — Monsieur. — Laissc-la ton plumcaii, ct vieiis ici. Sais-tu e'crire? — Oh I oui, monsieur, j'ai raemc la plus jolie main de tons les e'levcs de M. Aurloycr; je suis rcstc trois mois chcz Iiii a 556 LIVRES FRANCAIS. apprendre a t-crire gratis, j)Our faire une experience. — C'est fort heu- reux. AJors tu vas mc faire iin article de journal que rimprimeur cn- vcrra clierclier aAanl midi. ■ — Monsieur vent dire que je vais copier — Non, non. Je suis oblige de sortir. Laisse cet album ouvert sur la table , et place ton papier sur cettc console. Voici I'hcnre de uies ren- dez-voiis. Plusicurs personncs viendront me demander. Tu auras soin deles faire entrer etde leurparler en rcculant jusqu'a ce qu'cUcs t'aient suivi pros des caricatures. Alors c'coute et e'cris scrupulcusement tout ce qu'elles diront. Comprends-tu? Petit Pierre, le plus intelligent des Ills de portier que j'aie jamais vus, sourit avec im air de fierte malicieuse, et fit sur le champ ses pre'- paratifs. Je me liatai de sortir, et il e'tait terns, car je coudoyai, sous la grandeporte, un de mes visiteurs , boutonne jusqu'au menton, qui, fnrieux par habitude, se disputait avec son cliien de Terre-Neuve. En moins d'unc heure mes courses e'taient achevees. — Comment, monsieur, vous e'tiez sorti , me dit la portiere en me royaut rentre'. Pen- dant votre absence au moins six personnes sent monte'es chez vous. II , estvenu d'abovd. — Bon, je sais. — II faut que mon petit Pierre, le vau- rien ! leur ait dit des drolcs de choses, car on Ics entendait rire aux e'clats en descendant I'escalier. Petit Pierre e'tait radieux. II avait ren/pli du haut en has six pages de papier. Mais hc'las I Chacun de mes visiteurs e'tait venu scul , e'tait rcste' seul avec petit Pierre, et s' e'tait retire seul, en sorte que chacun d'enx n'avait pro- nonce' que des exclamations et des mots entrecoupe's. Tous avaient ri hors de mesure , et , comme Tobserva judicieusement , a sa maniere , le te'moin de leur joie , il eut e'te plus facile de rendre compte de Icurs cri- tiques et de leurs e'loges avec une clarinctte qu'avec xnie plume — C'est e'gal , mon enfant , quelques-unes des lignes que tu as re- cueillies seront imprime'es, quoiqu'elles aient une physionomie singulie- reraent ridicule. Ce sera un juste chatiment de ma parcsse et de ma sotte bizarrerie. Le colonel B.—Ohl oh ! oh ! — Ah ! ah ! ah ! ah ! — A bas Cesar ! — ah I cctte tournure de militaire! vicux croquemort, avec tes mousta- ches, va. — Hum I tout un bureau decore', chefs, sous-chefs , soUici- tcurs , flaneurs. (Froissant son rnl>an rouge avec colcrc) ^a le fle'trit LIVRES FRAN^AIS. 557 tons les jours. — De combien tie couleurs de sang cst-il teint mai- teiiynt! Le docteur U. — He ' he I — Hi I lii I hi ! le petit Cousin de la bonne! (cntre les dents en se carcssant le raenton), il faudra que je fasse voir cela a Madeleine. Hem! la pigrieche de maitresse, avec sa mine effare'e. Vraiment elle a de faux airs de madame U. — Hola, la_, la, la! line Baignoire ridicule. Stupide vieillard! — Bravo I Inutilite. C'est tout a fait mon neveu Christopbe. C'est frappant. H faut que je m'en souvienne pour en parler a diner, aprcs le premier ser\ice. Le gros iailleur TF. — Oh ! ah ! hu ! hi ! hi ! Letises ! helises. C'est ridicule : il n'y a pas d'homnies fails comme cela. Comment pourrait-on les hahiller? Ah! une Capacitel Je reconnais pourtant cette e'norme tete et ces jambes maigrcs. C'est M. de le pair de France. N'est-ce pas petit Pierre? Quoi qu'il dise, je porte mes chapeaux encore plus larges que les siens. Ujie Cour d' assises! J'ai e'te' jure dans celte af- faire-la. Oui, nous e'tions entre aulres trois confreres et quatre e'piciers, Le coquin de journaiiste et son complice le dessinateur, nous les avoas fait condamner a un an de prison. lis tuaient le commerce. Eh bien, ils le tuent toujours : lis c'crivent et ils dessincnt raeme en prison : il faut avoir la rage dans les doigls. Felix B. — Sais-lu quand il... — Ah ce cher Prud'homme I — ren- trera. — Tu lui diras que je le trouverai ce soir a... — Tant d'amis iront le fe'liciter cette fois rue Rochechouart que son proprie'taire — ce soir a I'ope'ra. — son proprie'taire le chassera. — Parfait! — J'em- porte I'album , petit? 11 a emporte' I'album! c'est commode. Messieurs, je ne puis rien voiis dire cette fois d'Henri Monnier, sinon que ses dessins sont de plus en plus vrais et naturels, qu'il a quitte' le Vaudeville, qu'il va voyager dc nouveau en Angletcrre, et qu'a son retour nous verrons s'accroitre la collection de ses ouvragcs , dont voici tons les titres : Rencontres pari- siennes. Illustrations de Bernnger. Recreations. Grisettes. Passe- tems. Mceurs ndministratives. Illustrations de La Fontaine. Esquisses parisiennes. Foyage en Angleterre. Illustrations du terns. Les Petites Miseres. Les Petites Felicites. Les Quartiers de Paris. Boutades ; et Distractions. Ed. Ch. 558 LIVRES FRANtjlAlS. 1 34 HlSTOIRE DES PROGUES DE LA VILLE DE NaNTES , par A. GuE PIN, D.-M. Nantes, i832; Sebire. In-8° de 36o pages avcc \m plan dc Nantes. 1 35. StATIsTIQUE DES CANAUX DE LA BuETAGNE ; par A. GuEPIN. Nantes , i832 ■ imprimerie de Mellinet. In-8° dc 48 p. 1 36. Des arts comme moyen de gouvernement , et de la nouvelle constitution a donner aux theatres. Nantes, i832; impr. de Mel- linet. In-8" de 38 p. Nous rcndrons comptc dc ces trois ouvi'agcs , qui se trouvent a Pans , clicz Is.Pesron, rue Pavee-Saint-Andre'-des-Arls , n" i3. LE BRETON, JOURNAL DE NANTES (l). A I'occasion de I'anniversaire procliain des journe'es de juillet, le Breton , I'un de nos raeilleurs journaux des departeraens , I'un de ceux qui s'occupent le plus aclivement d' economic politique et des intercts des prole'taires , public I'article suivant , ou respire un entbousiasme qui fait plaisir et qui soulage de la mesquinerie des hommes qui ont ote a la revolution de juillet tout grandiose , tout e'!an, toute rcprc'senta- tion et toute dignite. Si quelque doctrinaire jetait par hasard les yeux sur les lignes du journaliste de Nantes , il sourirait en disant que ces sentimens sent bicn jeunes, que I'auteur qui soupire avec tant d'ardeur apres des fetes publiques est apparemment bien jeune. Nous avons pour- tant des raisons de croire que ces pages sont d'un liomme qui a lait preuve de connaissances e'tendues et solides en economic politique et en histoire. Mais , braves gens qui ne concevez d'autre vie sociale que la vie des salons , vous ne vous doutez pas des grands spectacles et des pompeuses fetes que verront un jour les places publiques. L' esprit qui inspira Jahn en Allemagne , et qui lui fit voir dans les fetes un des (i) Le Breton parait cinq fois par seniainc j on s'abonnc a Nanlcs , chcz M. Mellinet, impriniciir. Prix de rabonncnicnt, a Nantes, 48 fr. pour un an, 58 fr. dans Ic departcmpnl de la Loirc-Infericurc , ct 66 fr. pour le reste de la France. LIVRES FRANCA IS. 55c) plus piiissans luoyeiis dc renovation, cet esprit avait pris autrefois nais- sancc en France pendant notre revolution. 11 n'est pas totalement e'teint chez nous, ct il ferincnte aujourd'hui dans toute rAllemagnc. Ham- bach, ces jours derniers, e'tait iine grande fete, et qui en appelle d'au- trcs. Vainement, aprcs juillet, avez-vous empeche , a force de petites ruses , I'essaim du peuple de se re'pandre dans ses rues ct de jouir de sa gloire en consacrant au Pantheon Ics noms de Manuel et de Benjamin- Constant. Des urnes se'pulcrales porte'es avec devotion devant tout un peuple vous ont fait peur. Vous avez essaye de dc'grader jusqu'aux marques dcs halies et des boulets que la mitraille grava sur nos e'difices. Et on effet vous n'avez rien dans I'ame , ricn dans vos desseins , rien dans votre politique, qui put aller avec des fetes publiques, qui piit ex- citer I'enthousiasme des grandes foules ni en soutenir I'c'clat. Cette cha- leur du peuple eut e'te de'vorantc pour, vous , et vous avez bien fait de la fuir. Mais, parce que les conseils que le Breton adresse aux hommes du pouvoir ne sont pas a la taille de leur politique , ce n'est pas une raison pour rcnfermer dans son cceur des sentimens ge'ne'reux. Les gouvernans d'aujourd'hui passeront , et le terns des fetes populaires viendra. Fairc naitre le de'sir de ces fetes , c'est aider au de'veloppement des ide'es so- ciales dont elles seront I'expression : LE PEUPI^E ET LES FETES PUBLIQUES. « Autour dc nous plus de croyances, plus d'arts. Etrangers Jes uns aux autres , nous vivons au jour le jour sans aucun lien qui nous unisse, sans chcrcher autre chose que notre bien-etrc individuel. La poe'sie ne prophctise plus I'avenir, rarchiteclure se re'duit aux pro- portions des maisons particulicres , le catholicisme accole a la le'gitimitc ressemble a iiu chene antique dont chaque anne'e brise et desseche quel- ques raraeaux, pendant que des millicrs d'insectes en rongcnt le tronc; enfin , au milieu de cette anarchic d'opinions, de sentimens et de vues qui de'truisent notre bonheur , nous marchons vers I'avenir comme jadis au desert le peuple hebreu s'avancait , malgre ses cnnemis et ses divi- sions , vers la terre promise. » Mais pourquoi d'tinc epofpie de crises, dc combats, nc fei'ions- nous pas le commencement de I'une dc ces pe'riodes dans lesquellcs I'hu- 56o LIVRES FRANgAlS. manitc, fatigiie'e d'instilutions vicillies, sVn cle'poiiillc, pour rcvt'tir un nouvcl aspect. Aux phases siiccessivcs dti dcvcloppemcnt dc certains ctrcscoiTcspondent line organisation et une pariire particniiercs; auxdi- verses phases do la vie dcs peuples , des mosurs et dcs crovanccs totil-a- tait diffe'rentes. » Les I'etcs puljlicpics sont I'exprcssion matc'rielic des doctrines , elles en trahissent les formes, elles en niontrcnt I'origine et le but, et de plus elles contribuent puissamment a Icur accomplisscment. 11 ini- porte done que Ton en connaisse la valeur comme moycn de gouvcrne- ment » Ici I'auteur de I'article raontre par I'liistoire comment les fetes de rantiquite furent I'expression des croyances et de ['organisation sociale qui re'gnaient alors. Arrive a I'e'poque de dissolution dc I'erapire re- main, oil toutc la politique se rc'suma dans ccs mots: Panem et cir- censes , il continue ainsi : « Mais de I'Orient une voix puissante ayanl jele dans le monde ces paroles liberie, egalite , Jraternite' , le peuple, las de saturnales et d'esclavage, se prit a penser. La doctrine de Je'sus etait une vie nou- velle,des raoeurs nouvelles, une politique nouvclle, unepoe'sie nouvelie: il I'e'tudia avcc ardeur, I'accepta plus tard avec amour. Alors eureut lieu les plus grandes fetes dont I'histoire nous ait conserve' le souvenir. Des bommes de'voiie's a leurs opinions surent braver pour les propager les plus horribles supplices. Bientot ils curcnt fatigue leurs bourreaux , consacre la puissance de leur conviction , e'teint de leur sang la cire qui brulait encore an pied des idoles et ramene I'empire romain a I'linitc de croyances. Voila la puissance de ces fetes que les voltairiens livrent aii ridicule et aux plates narrations du martyrologe , dont les poetes parlent comine Chateaubriand, devant lesquelles les philosopbes s'inclinent avec admiration. » Que dire maintenant des processions du moyen age, sinon que le clerge' avait alors la mcme influence qu'en Kgypte ; mais qu'affuble'e des oripeaux du paganisme , de'tourne'e de la direction que lui avait impri- me'e son fondatcur, la religion chre'tienne etait devenue un melange de spiritualisme et de maJerialisme, qui remplacait partout les sylphes et les nyraphes par dcs saints et des saintes , sans comprendre qu'cllc marchait a sa mine en restant en arriere du progres. LIVRES FRAN^AIS. 56 I i> A Dim ne plaise que nous jugions ici Ics homines de la Convention par les calomnics dc leurs adversaires I Sans prc'tendre les clever plus qu'ils ne rnerilent , nous devons reconnaitre la pensc'e profonde des discours a I'Elre supreme et I'utilite des fetes de'cre'tees par la re'pu- blique j I'avenir comprendi'a mieux encore que notre e'poque ces orgies de poesie et de mysticisme philosopliiquc qui ont contribue puissammcnt a soutenir les chefs de la montagne et a pre'parcr les jours qui s'appro- chent. » Et maintenant apres cette courte revue pcnsc-t-on qu'il n'y ait rien a faire? Quoi I vous n'avez plus de fetes , plus de lien , et vous n'en crc'ez pas ? Vous vous bornercz aux revues dc la garde nationale , aux mats de cocagne, et aux autres jeu?. que I'empire a transmis a la res- tauration ct que vous tenez de cette derniere par heritage I vous laisserez pe'rir dans I'isolement toutes les nobles inspirations qu'une reunion fait naitre , toutes ces grandcs pcnse'cs que I'ame conjoit daus un moment d'cxaltatiou I Apres avoir dctruit au peuple son paradis et brise ses saints et scs angcs , vous ne lui donnericz rien pour cncourager son travail , exciter son activite , developper sa moralite I Vous n'appelleriez pas les artistes a rendre populaire la pensc'e qui doit dominer aujourd'hui , a benir et chanter les grandcs entreprises, a rc'vcillcr les travailleurs , a eteindre toutes les haines I comment done concevez-vous que les hommcs puissent etrc gouvcrne's? » La paix doit etre une source de ricliesscs et de bicn-etre et non la stagnation des affaires ; la paix doit etrc le moment d'action des savans et des artistes, ct non rassoupissement dc leurs faculte's • la paix doit couvrir la mer de voiles , nos routes dc voyageurs el de pioduits , les Icrrcs incultcs d'arbres ou dc moissons , remplir nos villes d'usines et percer la France de noiivelles communications ; la paix doit assurer aux ouvriers laborieux du bien-etre , I'education primairc ct professionncllc gratuite a tous les enfans; elie doit donner securite complelc a ceux qu! possedent ou qui spe'culent, reformer dans leur base les vices de nos institutions, meltre a la porle'e de tous les jouissances morales qui doublent I'existence, et placer sur cetle terre meme la fc'licitcque le ca- tholicisme promet aux e'lus. Voila, si nous ne nous trorapons, ce que les prochaincs fetes de juillet devraicnt redire en mille manieres dans toutes nos cites. » nrOUVELLES SCIENTIFIQUES LITTER AIRES ET INDUSTRIELLES. GRANDE-BRET AGIVE. SOCIETE ROYALE DES SCIENCES DE LONDRES. On a fait lecture clans les dcrnieres sc'anccs d'un Me'raoiredudoctcur Marsuatx Hall siir la respiration des animaux. Les viies dii docteur sont en opposition avcc cellos de I'illustre Ciivier , en ce qui concerne les rapports cntre la respiration ct I'irritation du coeur. Selon 1' Anglais, la quantite de la respiration est en raison inverse de I'irritation. De nou- veaux moyens ont ete' mis en usage par I'c'crivain pour determiner le changcment chiraique produit sur une quantite' d'air donne'e par la res- piration de diffe'rcns animaux. : a I'aide de deux instrumens, \e pneu- matometre et Yae'rometre , il a determine' I'exactitude des rechcrches de MM. Allen et Pepys, d'apres lesquelles le gaz acide carbonique serait produit en quantite' c'gale a la quantite d'oxygene absorbec ; et il a pu ap- pre'cier Topinion de ceux qui affirraent qu'indepcndamment du gaz acide carbonique, il reste encore une partie d'oxygene libre. L'appareil dont M. M. Hall s'est servi a e'te mis sous les yeux de la Societe , et a paru excessivement inge'nieux . Apres avoir rendu compte des rapports entre I'irritabilite du coeur et la quantite' de la respiration , le docteur a parle' de ses rechcrches sur lesommeil, rengourdissemcnt de quelques animaux, pendant la dure'e de I'hiver , phe'nomene qui a excite' vivemcnt I'intcret des natural istes , et qu'ils designent sous le nom A'hi- hernation. Cot engourdissoment differe totalement dans toutes ses circon- stanccs du sommcil ordinaire. La rcspiraiion est prcsquc cntiercmcnt GRANDE-BRETAGNE. .563 suspcnduo ; I'oxygenc n'cst point absorljc, et I'irritabilite dii coDur, dont la partie gauche se contracte , raaintient la circulation du sang. La tem- perature du corps , semblable a la matiere inanime'e , est egale a celle de ratmosphcre environnante , mais revient rapidcment a la chaleur san- guine , des que I'animal rentre dans I'activite : il en est de meme des se'- cre'tions , totalemcnt suspendues pendant cette torpeur , et qui rcprennent et se succedent promptement quand I'animal se reveille. Sa sensibilite' sc conserve durant cet e'tat de le'thargie que le plus le'ger attoucliement peut troubler ; le terns pendant Icquel chaque animal se peut alors passer de nourriture varie selon les especes et meme les individus. Les extremes du froid et du chaud sont egalement peu propres a amener ce genre d'as- soupissement , que provoque une chaleur mode're'e , et il est tout-a-fait distinct de I'engourdisseraent produit par le froid. M. Hall a trouve que dans Fe'tat d'hibernation un animal pouvait restcr dans I'eau pendant dix a quinze minutes sans en e'prouver aucun mal , tandis que dans I'e'tat d'activite trois minutes suffisaient pour le faire mourir. Ces experiences, faites principalement sur les chauve-souris, les he'rissons, les loirs, doivent modifier les theories de Hunter, Edvrards,et des autres physio- logistes qui ont ecrit sur ce sujet. BIOGBAPHIE DE BYRON. On annonce en Angleterre une nouvcUe vie de Byron , contenant le re'cit de'taille' de ses diffe'rens sejours a Geneve , Venisc , Ravenne et Pise , par Thomas Medwin. C'est une contre-partie des Me'moires de Byron , public's par Thomas Moore. Le capitaine Medwin a pris a tachc la reputation de lord Byron ; elle le gene. Semblable a cette dame que Ton accusait de pardonner a une autre femme d'etre belle ou d'etre spirituelle , mais de ne pouvoir supporter la reunion des deux avanta- ges, M. Medwin permet a lord Byron d'avoir du genie , a condition que de caractere ce soit un monstre comple'tement depourvu de mo- ralite , et I'original de tout ce qu'il y a de personnages criminels et terribles dans ses ceuvres. La reputation de lord Byron a , comme son ge'nie , marche a pas de ge'ant , et de telle sorte que nous sommes deja pour lui presque la poste'rite. Les contemporains cnvieux s'e'teignent, disparaissent devant son nom . et de jour en jour, ce besoin de toutes 564 NOnVELLES SCIENTIFIQUES ET LITTER/VIRES. les araes honnetes et bonnes, ce besoin d'admirei- et d'aimcr celui dont les ceu\Tcs ont si vivement emu votre coeur, ont crce de nouvclles facul- te's, dc Jiouvellcs pense'es envous , sc fait davantagc sentir.On oublie ses faiblesses , on oublie ses eneurs , et Ton est tcntc de dire a cehii qui s'efforce de les aggraver, et d'en revedler la mcnioire, les paroles si justes de notre La Fontaine : Vous vous toiinnenlez vaincmcnt, Croyez-vciis quo vos dents iniprimcnt leurs outrages Sur tant de beaux ouvrages? lis sont pour vous d'airain , d'acier , de diamant. OEIIVRES DE MISS EDGEVVOllTII. Les propric'taires des ouvrages de miss Edgewortb font paraitre^ en ce moment , une superbc e'dition des Contes et Nouvelles de cette dame avec de tics-bclles gravures et dans le format des ceuvres de son ami, sir Walter-Scott. Ce dernier, dans une des belles prefaces cpii encadrcnl ses romans, a raconte qu'il devait aux vivantes peintures de I'lrlande de miss Edgewortb, a Y Ennui, i \'u4bsence, etc., la premiere idee d'illustrer comme elle I'histoire de ses compatriotes, quetant de toutes les ames , par des tableaux de mceurs vrais et anime's , I'admiration et la sympatbie pour sa patrie. Tandis que , faisant suite aux romans du baronnet e'cossais , ceiix de la ce'lebre irlandaise se re'impriment avec tant de luxe , ses ouvrages d'e'ducation modifies , remanie's , disposes avec un tact et un jugement rarcs , paraissent en France sous une forme plus modeste , mais non moins elegante. Madame Sw. Belloc a fait dans tout ce qu'a public IMaria Edgewortb le cboix le phis judicicux , le plus approjirie' aux moeiu's et aux usages franfais , et en a forme , en I'augmentant de re'cits attacbans , de faits curicux , de vues nouvclles dans les diffcrcntes brancbes des connaissances bumaines, un petit coui-s d'insti'uction et de morale qui parnit par scries dc deux volumes cbaquc, et qiii est dc beaucoup le plus rcmarquable ouvrage pour les enfans que nous ayons encore vu. RLS8IK. ETAT DE l' AGRICULTURE E.\ CHIMEE ET AU KAMSTCHATKA. Un voyageur , qui a long-tems reside en Crime'e , et qui a visite spe'cialement en Europe lous les pays dc vignobles, assure que !e com- merce des vins entre la Tauride, Hambourg et I'Angletcrre peut avcc Ic tems devenir trcs-conside'rable. Les progres dans la culture de la vigne sont remarquables. Les forts vins du sud de la province remplaceraient parfaitementle vin de Porto : le kokour, vin particulier a la Crime'e , doit aussitrouver un facile debit. En i83i , la presqu'ile a produit 600,000 vidros (9,600,000 bouteilles) de vin , vendu en totalite : et Ton attend, pour cette anne'e , ime re'colte d'un million de vidi'os. Les Tartares eux- memes commencent a cultiverj le prix des terres s'eleve. Des especes de di • licences , assez commodes , doivent s'e'tablir en Tauride dans le courant de juin. II y a plaisir a penser que ce sont nos compatriotes qui ont com- mence la prospe'rite de cette colonic de Crime'e , et de voir que la France remplisse si bien , de toutes fafons , sa mission d'e'clairer et de re'gene- rer le monde. Tandis que la tribune, la presse, des institutions libe'rales et notre marche rapide vers tous les perfeCtionnemens , servent d'appui et d'exemple aux. autres nations , ceux qui parmi nous s'efforcent a re- culer vers le passe , et se refusent a laisser tomber les institutions vieil- lies , les gouvernemeus use's , e'migrent , et portent parmi de sauvages et ignorantes tribus une civilisation et des arts fort avance's pour elles. C'est, si je ne me trompe, M. de Richelieu efM. de L. qui ont le plus fait pour le bonheur et I'avancement de la Tauride. Pendant que le midi de la Russie prend ce rapide accroissement , le nord , meme dans les provinces les plus recule'es , marche encore avei- plus d'e'nergie dans la route de la civilisation. Dans le port de Saint- Pierre et de Saint-Paul au Kamtschatka , les diffe'rentes classes d'habi- tans , clerge, commerce et militaircs, se sont re'imis, et ont souscrit pour une somme considerable , destine'e a former un fouds pour favoriser I'iu- troduction de I'agriculture. Le plan a e'te soumis au gouvernement , et au printems de 1 83 1 les travaux ont commence. IjC 3 1 avril , le go>»- TOME LIV. MAI ET JOIN -1832. 37 566 NOllVELLES SCIENTIFIQUES ET LITTER AIRES. verneur, accompagne de tout le peuple de Petropawloski , s'est rendu aiix cliain[is laboure's , a quarante verstes du port , sur les herds de la riviere Watslia , pro's Staroi-Ostrog. Le premier mai , le Te Deum a e'te' chante dans les champs ou le hie e'tait depose'. Le service divin a e'te ce'lehre an milieu d'un desert , enclos de hautes montagnes ; et des lar- mes d'altt-ndrissement ont arrose les sillons , appclc's pour la premiere fois a ce'der des raoissons , a em'ichir et a faire germer de nouvelles co- lonies, de nouveaux groupes d'hommes. Ces conquetes qui ne coutent point de sang sonl , je crois , les seules certaines , les seules re'ellement belles. AIXEMAGIVE. TORTUnE DA\S LE UA^OVRE. Un ouvrage pe'riodiqueallemand, tres connu , les .Annates de juris- prudence criminelle allemande etetrangere {Annalen der deutschen, etc. ) , publie'es a Berlin , rapporte , en i83 1 , plusieurs proces , dans la juridiction de Hanovre, quifournissent les preuves les plus e'videntesque la torture est encore aujoul-d'hui en usage dans cette province. Elle y prend le nom de terreur (territion), vcrbale ou re'elle, selon qu'on s'en ticnt a la menace , ou qu'on en vient au^s cffels. Voici un cxemple donne dans le recueil dont nous parlous : une femme avait ete amene'e , par le moyen de la terreur verbale , a confesser un vol : elle se retracta en c'lffirmant que cette confession e'tait I'effet de la terreur, et fut ne'anmoins condamne'e a etrc enfcrme'c dans une maison de correction, la retractation n'etant regardee comme valahle quautant que la terreur reelle ( la torture ), aurait ete appliquee ; on voit que la legislation est en vigueur et les cas pre'vus. HAPPORTS ENTRE LES PRIX DES TIVRES ETLES MOUVEMENS DE L.I POPULATIOn. La chertc' et le bon marche des vivres ont une influence remarquable sur le nombre des naissances et des de'ces , ainsi que le prouve le tableau suivant public par la Gazette de Prusse. BELGIQUE. 56 « Le prix moven du boisseau de ble a ete calcule sur soixante marches differens du royaunie. Annees. Prix du boisseau. Naissances. D^cfes. Exc^ant. <821 MOO thaler. 504,160 287,, '573 2)6,587 m2 1.224 502,962 .3H,524 m,'458 1823 <.or2 498,686 318,899 178,787 ^^^"^ "•''2' 505,358 518,520 186*818 1825 0.688 525,655 327,554 196,299 <^-« "-a^l 5-25,623 355,139 170,'49) ^^2" <-^0(l i;;0,(;r5 565,585 125,090 ^^-^ <-456 499,507 572,880 126,627 ^^-9 < 294 495,483 388,255 107!228 1830 1.594 497,94) 590,702 106,559 BELGIQUE. .VC\SEMIE DES S0IEM;ES ET BELLES-LETTRES DE BRUXELLKS. Sdance du 2 juin. M. le baron de REiFFE.\BERr. fait lectum <\c la seconde partie de son Memoire contenant des particularites inediles sur Charles-Quint et sa couTi CCS recherches , qu'il avail presentees a la seance du 7 avril der- nier, sont renvoyoes a la commission des lettres. — II depose sur le bureau un recueil de Memoires sur les anciens grands fiefs de la Belgique. Histoire des comtes de Durbui, de la Roche et de Daelem. II en seia donne lecture a Tune des prochaines seances. — M. QuETELET lit ime lettre de M. Bolvard, membre de I'insti- tut de France et correspondant de TAcademie , relativement au passage de Mercure sur le soleil , qui a eu lieu le j mai dernier. A Paris, I'ctat du ciel n'a permis d'obserrer que I'entre'e de Mercure sur le disque so- laire : I'obscrvation a ete faitc par MM. Mathxeu , Savary et Eugene Bouvai-d. M. Arago s'est occupe de mesurer le diametre de la planete. M. Gambart a pu obsen-er , a Marseille, le commencement et la fin du 57. 568 NOUVELLES SCIENTIFIQUES ET LITTERAIRES- phenomene; il a de plus observe Mercure et le soleil a leur passage au me'ridicn. M. Que'telet communique aussi les observations qu'ila faites, a Bruxelles , malgre re'tat ne^Jiileux du ciel et la me'diociite' des instru- mens qui seuls- ont pu ctre places jusqu'a present a I'observatoirc , par suite de Tabandon des travaux ; il a pu observer la sortie, le passage des deux astres au me'ridien et le contact inte'rieur de Tentre'edes nuajres o n'ont pas permis de voir le contact exte'rieur. Anthropologie. — M. QuETELET donne aussi lecture de scs Recherch.es sur lepoids de rhomme , presentees a la seance prece'dente. Les principales con- clusions de ce travail sont : 1° Des la naissance, il existe une ine'galite, pour le poids et pour la taille , entre les enfans des deux sexes : le poids moyen des garcons est a Bruxelles de 3 ''. ao ; celui des fdles ie i ^. g\ : la taille des garcons est de o". 49^; celles des fdles de o™. 483. ■2° Le poids del'enfant diminue un peuj usque vers le troisieme jour aprcs sa naissance , et il ne commence a croitre sensiblement qu'apres la premiere semaine. 3° A e'galite d'age , I'homme est ge'ne'ralement plus pesant que la femme ; vers I'age de douze ans seulement , un individu de I'un ou de I'autre sexe a le meme poids. 4" Quand I'homme et la femme ont pris leur developpement complet , lis pesent a peu prcs exactement vingt fois autant qu'au moment de leur naissance ; et la taille n'est qu'environ trois fois et un qiiart ce qu'elle etait a la meme e'poque. 5" Dans la vieillesse , I'homme et la femme perdent environ six a sept kilogi'ammes de leur poids et sept centimetres de leur taille. 6° Pendant le developpement des individus des deux sexes , on peut regarder les poids aux diffe'rens ages , comme proportionnels aux cinquiemcs puissances des tailles. 7° ^pres le developpement complet des individus des deux sexes , les poids sont a peu pres comme les cane's des tailles. On de'duil des deux relations prece'dentes que I'accroissement en hau- teur est plus grand que raccroissement transversal , comprenant la lar- yeur el I'e'paisseur. BELGIQUE. 569 8" L'homme atteint le maximum de son poids vers 40 ans ; et il commence a perdre d'une manierc sensible a 60 ans. 9" La femme n'atteint le maximum de son poids que vers I'age de 5o ans. Pendant le terns de sa fe'condite, c'est-a-dire de 18 a 4° ^s , son poids augmente d'une raaniere peu sensible. I o" A e'galite de taille ,1a femme pese unpen moins que rhomme avant d'avoir la hauteur de i ". 3o; elle pese un peu plus pour les tailles plus e'leve'es, 1 1 " Le poids moyen d'un individu , quand on ne considere ni le sexe ni I'age, est de 44 ''• 7 5 ^t , en tenant comple des sexes , il est de 47 ''• pour les hommes et de ^1 ''. 5 pour les femraes. Seance du 5 mai. Aniiivcrsaire de la premiere stance de la Soci^te litteraire de Bruxellcs , qui eut lieu leSmai 1709(1). L'Academie avail propose , pour le concours de i83'Ji, cinq questions pour la classe d'histoire et six pour celle des sciences , sur lesquelles il n'est parvenu qu'un me'moire , e'crit en flamand , en re'ponse a la premie- re question d'histoire , ayant pour objet les anciens monumens d'archi- tecture du Brabant et du Hainaut. L'Academie a trouve ce me'moire trop superficiel et trop incomplet pour remplir I'objet de la question. Elle propose, pour le concours de i833, les questions suivantesj prix propose's : CLASSE d'histoire. PREMIERE QUESTION. — Qucls sout Ics priucipaux monumens d'ar- chitecture qui, dans la province actuelle du Brabant, ont e'te construits, a commencer de la pe'riode chre'ticnne et pendant le moyen age, jusqu'au commencement du seizieme siecle {anne'e i5oo), et qui , ou n'existent plus , ou existent encore de nos jours? (1) Ceti"^ socidt^ a etd drigde en AQa,ddmie imptiriale etroyale des sciences et belles-lettres, per leltres patenles de I'impdratrice Marie-Thdrese , du 46 dd- cenibre 1772. Elle tint sa premiere seance , sous le litre d'Acaddtnic , le 13 avril 1773. 5^0 NOUVELLES SCIENTIFIQUES ET LITTERAIRES. DEUXiEME QUESTION. — Determiner qud tut I'e'tat de la poe'sie fla- mancle depuis le commencement dn treizieme siecle jusqirau quinzieme exclusivement, et quels genres furent le plus cultives? TRojsiEME QUESTION. — Quels c'taicnt les droits et les attributions des etats dans les diffe'rentes provinces des ci-devant Pays-Bas autri- chiens, d'apres les constitutions et le droit public de cliaque province , jusqu'a I'e'poque dela reunion dela Belgiqiu-ala France, en I'lgS. QUATRiEME QUESTION. — ludiqucr Tcpoque precise des inventions, importations et perfcctionnemens qui ont successivcment contribue' aux progres des arts industricls dans les provinces de la Belgique, depuis les dernieres anne'es du dix-huitieme siecle jusqu'a nos jours, et assigner, autant que possible, les principalcs circonstances qui les rattaclient a I'introduction des diffe'rentcs de'couvcrtcs ct nouvelles niethodes dans les fabriques , usines et ateliers, avec I'indication des personnes qui , les premieres, en ont fait usage parmi nous. ciNQUiEME QUESTION. — Quelle a etc' I'origine et la nature des ap'0Kerie5 dans les Pays-Bas? — Y en avait-il de plusieurs especes ? — D'oii le pouvoir des avoue's proce'dait-il piimiti\ ement? — A quelles usurpations a-t-il donne lieu , et quelles modifications a-t-il subies dans la suite des tems ? sixiEME QUESTION. — Quel e'tait I'e'tat de la Flandre pendant le gouvernement de Baudouin de Constantinople et celui de ses deux Giles, les comtesses Jeanne et Marguerite, sous les rapports de I'e'tat des villes et la condition des babitans , de la religion , de la legislation , du gou- vernement civil, des e'talilissemens ecclesiastiques et de bienfaisance, du langage , des connaissances philosophiques et the'ologiques , des moeurs , des arts et des metiers, des fabriques et manufactures , de I'agriculture, du commerce, de la navigation et de la monnaie; et quelles etaient les relations de la province avec le pape , les e'veques de Tournay, d'U- trecbt, de Cambrai et de The'rouane , 1' empire d'AUemagne, la France , I'Angleterre, le due de Brabant et le comte de HoUande? L'Acade'mie propose , pour le concours de 1 834 ' '^ question sui- vante : Quels sont les principaux monumens d'architecture qui , dans la province du Hainaut, ont ete' construits, a coramencer de la pe'riode rhre'tienne et pendant le moyen age, jusqu'au rommencement du seizie- BELGIQUE. 571 me siecle {annee iSoo), et qui , ou u'exislent plus, ou existent cncoic de nos jours? CLASSE DES SCIENCES. PREMIERE QUESTION. — Dc'crirc la constitution gcolocjique de la province de Limbourg; de'terminer avec soin Ics cspeces minerales et les fossiles que les divers terrains renferment, et indiquer la synonymic des auteurs qui en ont deja traite. DEUXiEME QUESTION. — Donncr la tlic'orie matlie'matiquc de I'honi- me et des animaux, conside're's comme agens rae'caniqucs. — Les concur- rens sont prevenus qu'ils doivent rapporter les mesures des forces a I'u- nite connuc sous le non de djname. TROisiEME QUESTION. — Comparer, pour la Belgique, les avanlages qui re'sultei'aient de i'etablissement des cliemins en fer avec ceux qu'of- frent les canaux. QUATRiEME QUESTION. — On demaude la tlie'orie malbematique des vibrations intestines des corps clastiques, en ayant egard aux cir- constances physiques qui altenuent d'abord et qui finissent par de'truire le mouvement primitif. ciNQUiEME QUESTION. — Exposcr Ics phc'nomcnes que pre'sente le de'veloppement de re'Iectricite par la clialeur dans les substances cris- tallise'es. sixiEME QUESTION. — Deciire et figurer la germination de I'agaric des couclies {agaricus campestris), et d'une espece de lichen au choix des concurrcns", ainsi que leurs developpemens successifs jusqu'a la fruc- tification. SEPiiEME QUESTION. — Decrirc la constitution geologiquc de la pro- vince de Brabant; determiner avec soin les especes minerales et les fos- siles que les divers terrains renfernicut, et indiquer la synonymic des auteurs qui en ont deja traite. L'Acadc'mie propose pour le concours dc i834 la question suivante: Sous quelle forme et a quel degre' dc saturation le chlore se trouve-t-il dans les chlorurcs a oxides solubles? — A quels corps peul-on iinir les composes chimiques sans alte'rcr leur nature? — Enfin quel est leur mode d'action comme inoyen de'sinfectanl. — M. Quf'tei.et pre'sente un Mc'nioire rie sa composition sur le poids 5ja NOUVELLES SCIENTIFIQUES ET LITTER AIRES. de Vhomine aux diffcrens ages , pour fairc suite aux recLerches sur la croissance de I'homme , ct sur le penchant au crime aux diffe- rens ages , qu'il a inso'rccs dans Ics nouvcaux Memoircs de rAcade'mie. MagiK^tisine tcrrcstre. 11 communique en meme tems les rc'sultals des observations que M. Rudberg, professeur de physique a I'universite d'Upsal , vient de faiie a Bruxelles , dans le jardin de I'observatoire , sur I'intensite du magne'tisme tcrreslrc. Ce savant , en faisant usage de deux aiguilles con- struitcs par Gambry , et en comparant scs re'sultats a ceux qu'il vcnait d'obtenir a I'oliservatoire de Paris , a trouve : l^.NTE^SITF, TOTALE. A Paris. A Bruxellrs. D'aprcs rai!;uillo , m" i 1,001)0 1,0216 M. Rudberg a pris , dans ses calculs , pour inclinaison magnc'tique , la moyenne des angles de 6']" 4'' /^^ et Gt" 4*^' 54? q^'il 3 observes le 3 fe'vrier dernier , a I'observatoire de Paris j et pour Bruxelles , 68" ilg' , I . Ses observations , qu'il a compare'es aux observations de merae fspece qui ont e'te faites successivemcnt a Bruxelles et a Paris , en i8/8, ])ar M. le capitaine Sabine ; en i83o, par M. Quctclet; et en i83i , par MM. jVicollet, Plateau et Quctelet (voy. ci-dessus , avril i833, p. 20o), pre'scntent des rcsultats parfaitcment d'accord avec ceux de 1 83o, qui kii ont donne' pour intensitc totale a Bruxelles i jO'Jt 1 8, en pre- nant pour unite riiilensitc totale a Paris. — Le directeur donne lecture d'unc lettre par laquelle M. Le Hon , ministre plc'nipotentiaire de S. M. a la cour de France, adrcssc de la partdeM. Moreau de Jonnes , corrcspondant de cette Academic, un Rapport sur le cholera-morhus pestilentiel , dont il fait liommage a la compagnie. M. Moreau de Jonnos , dans unc lettre adresse'e a M. De- wcz , sous' la date du 9.8 avril , avait annonce I'envoi de son ouvragc. Celte lettre contient des details fort importans sur la raarclie du cliole'ra , qu'il a suivic , il y a pres de quinze ans , sur les bords du Gange , o\i elle e'tait alors confine'e. 11 cxplique comment , malgre les precautions et lf5 mesures sanitaircs prises par les gouvernemens russe , autrichien et prussien , un concour.s dr cirronstancrs extraordinaires, occasione'es BE-LGIQUE. FRANCE. D']3 par la politique au detriment de rhiimanite , favorisa I'irruption du fle'au dans la Pologne, la Gallicie, la Prnssc orientale, I'Angleterre et la France, et la maladie fiit ainsi laisse'e lilirc dans son cours de'sastreux. Edim- bourg n'en a point e'te atteinte. « Environnee dc villages infecte's , cette » capitale de I'Ecosse , se defend encore au bout de trois mois centre le » chole'ra , qui , a chaque instant , est pres dc I'envahir. Aussitot qu'un » individu en est atteint , on lui prodigue des soins dans son domicile , » s'il refuse de le quitter; raais on envoie sa famille dans la maison » d'isolement , a Queensberry-House. La contagion s'est de'clare'e qua- » rante fois parmi les personnes ainsi se'questre'es ; mais elle ne s'est » point propage'e parmi les deux cent mille habitans de la capitale , et » cent soixante-onze fois la maladie a e'te entierement e'touffe'e. » Yoila done un moyen efficace de salut; la difficultc est de trouver » ailleurs , comme a Edimbourg , des circonstances favorables a son » execution. » — M. Cornelissen pre'sente une Notice sur le tomheau de Jacques Jordaens , peintre ce'lebre de I'e'cole flamande , contemporain de Rubens. FRANCE. ACADEiniE DES SCIENCES. SEANCES DES MOIS DE MAI ET DE JUIN. Seance du 7 mai. M. Collart de Martigny annonce que , long-tems avant la lecture des Me'moires de MM. Edwards et Balzac sur les proprietes nutritives de la gelatine , il avait e'mis sur ce sujet une opinion toute semblable a celle de ces deux me'decins , et qu'il 1' avait , des I'automne dernier , com- munique'e par e'crit a plusieurs membres de TAcademie. Cette lettrc est renvoye'e a la commission de la gelatine. — M. Firej' confirme la remarque faite par M. Bureau de Lamalle relativement a la position elevee de I'oreille chez les juifs , et assure que la meme particularite se retrouve chez plusieurs peuples de I'ln- doustan. Elle e'tait aussi , dit-il , commune aux nations bataves; du 5']4 NOIIVELLES SCIENTIFIQIJES EJ .LITTERAIKES. inoins s'il nous est perrnis de juger de la configuration de leiir tele par celle des statues grossicrcs qu'il nous ont laisse'es. Inilieiis dc I'Urafjiiay. — Le ministrc de la marine annonce qu'un Ame'ricain appartenant a la tribu des Charruas , tribu qui habite les bords de I'Uraguay , vient d'arriver en France sur la gabarre I' Emulation. 11 transmct en meme terns une notice dans laquelle le commandant de la gabarre , M. Barral, a re'uni divers reuse ignemens relatijs a la nation ckarrua , les uns piiise's dans des livrcs deja connus, les autres recueillisprcs dcsliabitans lie Monte- Video. Les Cliarruas , qui formaient autrefois iine nation puissante , sont maintenant re'duits a un petit nombre de fflmilles j mais leur aversion pour les e'trangcrs est encore la meme qii'au premier terns dc la con- quete , et s'ils ne peuvent plus se flatter de I'espoir de chasser hors de leur pays ces intrus . de de'truire leurs e'tablissemens , du moins ils les harcelent de leur raieux. Apparaissant tout a coup pres de quelque ferme isole'es, ils en e'gorgent les habitans, et apres s^re empare' de ce qui pent etre emporte' , ils de'truisent le rcste , incendient les edifices , renversent les clotures , coupent les jarrets aux animaux domestiques qu'ils ne pourraient emmener dans leur retraite prc'cipite'e , et en un mot font tout le mal qu'ils peuvent faire. II est assez difficile d'user en- vers eux de represailles , car maintenant on ne sait trop oii les aller chercher. Gomme ils n' ont jamais eu bcaucoup do goiit pour I'agriculture, ils sont pcu attaches au sol , et maintenant qu'ils ont des chcvaux, s'ils craignent d'etre inquie'te's dans un lieu , ils se transportcnt sans regret en un autre, puisqu'ils ne laissent que de raiserables cabanes qu ils peu- vent reconstruirc en deux jours. Cependant , malgre' les facilitiis que leur donne ce genre de vie a derai noraade , pour e'chapper aux poursnitcs des Creoles , ceux-ci , lorsqu'ils ont e'tc trop long-tems tourmcnte's , dc'- cidcnt enfinle goiivernement a entreprendrc quelque expedition dont le succes depend de la promptitude qu'on met a I'exe'cuter. La dernierc dc ces entradas , commeon les appelle dans le pays, eut lieu en i83i. Le ge'ne'ral Ribera tomba a I'improvistc sur le campement principal des Charnias , leur tua beaucoup de mondc , ri fit prisonniers environ cent FRANCE. 575 cinquante individus , qu'il amcna a j\Ionte-\ ideo. L'lndien conduit en France par le commandant de V Emulation e'tait du nombre do ceux qui furenl pris alors. Les Charruas sent excellens cavaliers , ct se servcnt avcc l)caucoup d'adresse de la longue lance , du lacet a boulc , de la fronde et de Tare. II ne parait point qii'ils fasscnt usage de fleclies empoisonne'es. Les ce'- re'monies qu'ils pra'iquent a la raort de Icurs parens ont un caractere ^ingulicr : la perte d'un pere , d'un mari ou d'un frere adultc, oblige les femmes a se coupcr une phalange d'un doigt ; les hommes nc se mu- tilent point ainsi , ct nc portent point le deuil des femmes , mais a la raort de leur pcre , ils se transperccnt le bras d'un long roscau , et s'entcrrent jusqu'a la ceinture. Apres etre reste ainsi vingt-quatre heures , ils re- tirent de leurs bras Ic rcscau qui le tenait embroche. Alors commence un jeiine tres-rigoureux , qui dure une dciui-lune , jeunc dont Tutilite' est re'elle, quoiqu'clle u'ait pas etc' sentie par ceux qui I'ont institue'c. Apres uneblessure graA'c comme celle qui resulte de 1' introduction d'un roseau qui laboure toutes les chairs du poignet a Tepaulc , si le patient se livrait aux exces de table qui , chez d'auti'es nations , accompagnent toujours les fune'raiiles , sa vie serait certainement en danger. Du reste il ne faudrait pas juger des suites que pourraieht avoir ces blessurcs chez les Charruas d'apres ceque nous observons chez les nations civili- se'es. En general , dans les blessures qui n'inte'ressent point un organe important, la gravite est en raison du degre de sensibilite du patient. Or il parait prouve que , chez les sauvages , la sensibilite est beaucoup moins vive , de sorte que sous ce rapport ils se rapprochent des fous , chez lesquels, comme on sait , des blessures par dc'chirement ct par arrachcment, qui scraient trcs-dangercuses chez d'autrcs, causent assez pen de douleur, etn'araenent qu'une inflammation mode're'e. ■ — M. Arago donne lecture d'un rapport faita TAcademiedes sciences de Pe'tersbourg , rclativement aux observations magnetiques faites a Pekin par M. Fuss. — M.Dumas lit deuxMemoires de chimie, I'un sur les chlorures de soufrc, I'autre sur la densite' de la vapeur de quelques corps simples. Nous en parlerons a Toccasion des rapports. — M. Arago rend compte des observations relatives an passage de Mcrcurc sous le disquc du soleil. 576 NOUVELLES SCIENTlFIQUES ET LITTERAIRES. Seance du \ 4 mai. — l.e president annonce a 1' Academic la mort de M. Cuvier. Cctte pertc immense occupant tons les esprits, la lecture de la correspon dance se fait sans que personne y prete attention. La seance cependant conti- nue; M. Geoffroy-Saint-Hilaire fail part de la mort de M. Huber de Geneve; M. Delessert lit une lettre qui rcpre'sente comme probable celie de M. Berterot , naturaliste voyageur. Enfin M. Arago commence la lecture d'un Mc'moire de M. Tournal fils , et la suspend en voyant qu'elle n'est e'coute'e ni des acade'miciens ni des autres personnes pre- sentes . Geologie. — Le Me'moire de M. Tournal, dont nous avons eu depuis commu- nication, est relatif aux roches volcaniques des Tourbieres, raonta- gnes situe'cs sur le versant oriental des Pyrenees, et qui forment. un petit groupe compris tout entier dans le departenient de I'Aude. Les roches qui font I'objet des observations de M. Tournal offrent par leur position et par plusieurs autres caracteres une analogic assez marqiie'e avec ccUes qu'on rencontre dans le terrain d'opliite des Pv- re'ne'es decrit par MM. Palassou, Charpentier et Ami Boue. Elles se pre'sentent habituellement sous forme dc pctites buttes coniques ou de petils mamclons lie's enlrc eux et qui semblent adossc's au calcairc se- condaire, mais qui, dans Ic fait, lui sont infc'rieurs. Elles occupent en gene'ral les points ou les forces qui les poussaient de I'inte'rieur du globe ont eu a rencortrer le moins de resistance. Ainsi on les trouvc dans les ravins profonds du terrain calcairc et au pied des escarpemens, ou meme au centre des crateres de soulevement. Tout Ic terrain sccondaire a etc' rcmue violemment et disloque' au loin par le fait de cette eruption qui, suivant M. Tournal, doit avoir eu lieu au commencement de la periode tertiaire, c'est-a-dire a une e'poque bicn ante'rieure a 1' apparition de I'hommc sur la surface du globe. Les roches volcaniques, avons-nous dit , occupent habituellement les points de moindre resistance; aussi ne se moatrent-elles jamais sur le faite des hautes montagnes, elles sonl circonscrites et recouvertcs par FRANCE. 577 un calcaire gris secondaire a aspect jurassique qui , dans les environs des roches ignees, prend un aspect particulier et passe au rauh wake. Ces roches n'ont nuUe apparence de stratification , ne renferment ja- mais un fossile et sont accompagne'es de raarnes rougeatres et de grands amas de gypse fibreux reufermant des cristaux de quartz prisme. M. Tournal rend compte de cette liaison du gypse avec des roches ignees, en supposantque chaque paroxisme yolcanique occasionait Tissue de sources thermales charge'es d'acide sulfurique , acide qui aui ait agi par suite sur les calcaires environnans. Les roches volcaniques des Gorbieres ont toujours un aspect mat, elles se divisent aise'ment en fragnlens polye'driques et paraissent for- me'es en general par du pyroxene, du feld-spath alte're', de I'argile et de I'oxide de fer. On y trouve, mais plus rarement, du fer oligiste, de pe- tites lames de mica et des grains d'un beau vert porame qui pourraient bien etre de I'oxide de chrome. Dans les cavites bulleuses que pre'sentent ces roches on trouve sou^ vent un enduit de quartz rose ou de chaux carbonate'e. Sc'ance du 21 iifui. Le president annonce a 1' Academic la maladie de M. Serlllas, pris du cholera a son retourdes obseques de M. Cuvier. — M. Falenciennes prc'sente les dernieres livraisonsde la partie zoo- logique du voyage de MM. de Humlioldt et Bonpland. Ces livraisons sont destinees spe'cialement a la description des mollusques teslace's rap- porte's par les deux ce'lebres voyageurs; elles comprennent plus de cent cinquante especes, la plupart entierement nouvelles. On y trouve en par- ticulier I'anatomie tres-complete du concholepas, moUusque fort rare et dont la seule espece connue habite les cotes du Pe'rou. M. \alenciennes donne aussi la description de'taillee du poisson sin- gulier que M. de Humboldt a le premier fait counaitre sous le nom d'e- remophilus Mutisii, et assigne a cet etre anomal le rang qu'il doit occu- per dans la se'rie ichtyologique. MM. Geoffroy-Saint-Hilaire et Dume'ril sont charge's de iaire un rapport sur la se'rie de me'raoire pre'sentes par M. Valenciennes. — M, Libri prcsente un me'moire sur les fonctions discontinues. Ces fonctions, que les ge'ometres ont jusqu'a present representees par des 5']S NOIJVELLES SCIENTIFIQUES ET LITTKRArRES. scries infinies ou par dcs integralesdelinies, sont exprime'es par rauteui- ail moyen de formules qui ne sortent point du doiuainc de I'algebre or- dinaire, n'offrant qu'une combiuaison d'exponcnliellcs. M. Libri a fait rapplicalion de ces formules a la the'orie des nombres ct il en a deduit I'cxpression finie dc plusieurs transcendantes nume'ri- qucs qui e'taient reste'cs jusque-la rebelles aux efforts des analystes. C'est ainsi qu'il a obtenu une formule gene'ralc qui exprime en tennes finis un nombre premier plus grand qu'une limltc donne'e , en fonction de cette limite et dc tousles nombres infe'rieurs. Ce probleme, objet des rechercbes de Fcrmat, d'Euler, de M. Gauss et de plusieurs autres mathe'maticicns distingucs , avait fini par etre range' dans la classe des questions insolubles. — M. Dupm lit un Me'moire sur les diffe'rentes operations relatives krabattage, au transport par terre et a Vembarquement de I'obe- lisqiie de Thebes, surlagabarre le Luxor. L'lionarahleacadc'micien pense qu'une pareille serie de travaux executes avec an plein succes au milieu de tons les obstacles qui re'sultaient de la paresse ou de la mauvaise volonte des naturels , de la chaleur du climat , de la nature meme du sol sur lequel on avait a raanoeuvrer, doit donner a I'inge'nieur qui les a dirige's des titres au prix de mc'canique fonde par M. de Monthyon. M. GiRARD combat cette proposition. « Je suis, dit-il, dispose a croire que I'inge'nieur a fait tout ce qu'on pouvait attendre de lui, mais il n'a droit a la distinction demande'e que s'il a fait quelque chose de plus que ce qu'on savait fairc avant lui, et on m'accordera , jc pense , que les difficulte's qu'il y avait a vaincre pour abattre ct embarquer I'o- belisquc ne sauraient etre mises en parallcle avec celles qui durent au- trefois se presenter quand il fallut I'amener des carrieres de la Nubie et le dresser sur sa base. Je dois merae faire remarquer qite robc'lisque abattii par I'inge'nieur fi-anyais n'est qu'un fragment de celui qui avait e'te pri- mitivement e'/ece'par I'ingcnieur egyptien. La niauiere dont sontcoupe'es par le milieu les dernieres lignes d'hieroglyphcs prouve que le mono- litbe que nous avons trouvc debout etait le tronfon supericur d'un autre plus ancicn renverse, soit par la main des hommes , soil par un trem- blement de terre , et brise dans sa chute. » M. Diipin rc'pond qu'il n'a ppint pre'tendu etahlir une comparaison FRANCE. 579 entre le luerite de I'ingenieur e'gyptien el celui de I'iugenieur liaiifais; mais , ajoute-t-il , si Ton vent consiaerer la chose sous ce point de vue , il faut tenir compte des differences de position. Or le premier pouvait faire mouvoir des milliers de bras , tandis que I'autre, qui n'avait a dis- poser que d'un petit nomhre d'bommcs , sut compcnser cet avantage a I'aide de moyens aussi simples qu'iuge'nieux. M. Bureau de la Malle soutient que les Egyptiens, dans leurs gi- gantesques Vravaux. architectoniqucs, out employe des moyens tres-analo- gues aceux qui sout encore en usage parmi nos constx'ucteurs. Nous sommes aujourd'liui certains , dit-il, que I'Egypte ancienne ne comptait pas plus de huit millions d'babitans. Nous savons qu'elle fabriquait en grande quantite' des produits que les e'trangersaclietaienl a un haul prix j la main- d'ceuvre par consequent y devail eti-e cherc , et on n'eut pas songe a cle- ver tantde monumens, et sur ime e'cLelle colossale, si Ton n'eut trouve dans la me'canique un moyen d'economiser I'emploi de la force brute. J'ai fixe, ajoute-t-il, la population de I'Egypte a environ huit millions d'hommes, en supputant la quotite des re'coltes annuelles en cere'ales, d'apres I'aire des terres cultivables. M. Letronne , qui a proce'de' par un moyen tout different , est arrive sensiblement aux memes resultats. M. GiRABD considere les evaluations de MM. Bureau de la Malle et Letronne, comme plutot au-dessus qu'au-dessous dc la ve'rite'. M. Geoffroy Saint-Hilaire fait remarquer que parmi les ouvrages des Egyptiens il en est quelqucs-uns oii toutes les ressources de la me'ca- nique n'ont pu etre d'uue grande utilite' , et qui ont certainement exige' le travail d'un grand nombre d'hommes , continue pendant un tems treS-conside'rable. Je citerai seulement pour exemple , dit I'honorable academicien, la statue colossale dc Memnon, statue taille'e dans un silex fort dur. Lorsque les Perses , sous Cambyse , envaliirent I'Egypte , ils voulurent de'truire ce morceau , mais la resistance de la matierc les re- buta , et ils abandonnerent leur oeuvre de devastation avant de 1 'avoir comple'te'e. Bien des siecles apres , les Franfais s'attacherent aux de'- bris qu'avaient laisse's les Perses , et se proposerent d'emporter en Eu- rope un de ses fragmens. Un bras entier e'tait trop volumineux pour qu'on songeat a le transporter, on se proposa d'en detacher le poing : plusieurs ouvriers s'y mirent , et au bout d'une semaine ils avaient fait une rainure qui ne figurait guerc que comme une ride de la peau du 58o NOUVELLKS SCIENTIFIQUES ET LITTERAIRES. ge'ant. L'ouvrage fut iuterrompii et la main reste encore unie au bras comme elle I'e'tait au moment de la retrailc de Cambyse. Nous en sommes reduits a des conjectures sur le degre de connais- sances auquel e'taient arrives les Egyptiens dans les arts mecaniques ; maisce qui ne peut etre pour nous I'objet d'aucun doute , c'est leur infa- tigable perseverance , et c'est la un element qu'il faudra toujours faire entrer dans les calculs qui auront pour objet les monumens qu'il nous ont laisse's. M. Navier. Nous ne connaissons point les proce'de's des Egyptiens; aussi n'est-ce point avcc leurs operations que nous devons comparer celle qui fut Tobjet du rapport de M. Dupin , mais avec les operations de meme nature qui se sont faites de nos jours. M. DupiN. Eh bicnl que Ton compare les operations exe'culc'es pour I'abattage de I'obelisque de Thebes avec celles qui ont eu lieu a Rome sous Sixte V, pour 1' erection d'une obelisque d'un moindre volume , et Ton vcrra que la premiere I'emportera de bcaucoup sur les autres par la simplicite' des moyens. M. GiRARD. L'asscrtionde M. Dupin relalivement aux deux cbe'lisques qu'il compare n'est pas exacte , puisque I'aiguiile dc Sixte V est des deux la plus volummeuse et la plus pesante ; je ferai remarquer d'ail- leurs qu'en choisissant pour terrae de comparaison un travail exe'cute depuis plusieurs siecles , on s'expose a conf'ondre ce qui est du aux progres de la me'canique dans I'intervalle des deux operations , avec ce estdua I'ingenieur qui a dirige'la derniere. M. Arago. Les Indous elevent encore aujourd'hui des edifices qui ne le cedent guere pour la grandeur des proportions a ceux des Egyptiens, et dans lesquels entrent e'galement des blocs de pierre e'normes, Ces pierres sont e'leve'es et mises en place par des moyens fort simples , dont on trouvcra la description dans un des derniers nume'ros des Tran- sactions de la Societe des sciences d'Edimbourg. Seance du 28 mai, Lc pre'sidcnt annonce lamort de M. Servllas. Dans la derniere se'ancc cet habile chimiste avait e'te e'lu candidat de I'Acade'mie pour la ctaire de chimic , vacante au Jardin-des-Plantes par la mort de M. Laugier. Unc nouvelle presentation devant avoir lieu , la section est invitee a se FRANCE. 58 1 renuir le plus promptcment possible , afin que I'e'lection puisse avoir lieu dans la procliaine se'ance. Gonchyliologip. M. DuMERiL I'ait, en son noni et celui de M. Geoffroy-Saint-Hilaire, un rapport tres-favorable sur les Me'moires dans lesquels M. Valen- ciennes a de'critet classe' les mollusques et les coquilles rapporte'es des regions intertropicalesdeV Amerique , par MM. de Humholdtet Bom- pland. Le premier Me'moire , relatif aux coquilles marines bivalves , com- mence par des vues ge'nerales sur la distribution ge'ograptique des es- peces. On y trouve e'galement, sur les genres auxquels I'auteur rapporte les especes qu'il de'crit, des considerations qui prouvent combien cette partie de la science lui est familiere. Les genres venus , donace et tellme, se trouvent par ce travail enrichis de nouvelles especes. Dans le Me'moire qui traite des coquilles fluviales, on trouve un tra- vail remarquable sur le genre Unio , genre aujourd'hui Ires-nombreux , graces aux travaux de Barnes, Lesueur et Ralincsque. Le troisieme Me'moire , relatif aux coquilles fluviatiles imivalves , offre la description de vingt-deux especes rapporte'es aux six genres pe'lice, bulime, agathine , lymne'e , paludine et ampullaire. Le dernier Me'moire enfin est relatif aux coquilles marines univalves : I'auteur en de'crit soixante-dix-neuf especes rapporte'es a vingt-sept genres. En tenant compte de la proportion des diffe'rens diametres des tours de spires compare's a la hauteur de la eoquille , il a trouve des caracteres commodes pour la distinction des especes. Plusienrs de celles qu'il dccrit inte'ressent beaucoup le gc'ologue , a cause de leur grande analogic avcc quelques-unes des coquilles fossiles des environs de Paris et surtout de Grignon. Dans la discussion de toutes ccs ques- tions, qui offrent tantd'importance pour la geographic, M. Valenciennes, disent les commissaires, n'a omis aucune des considerations qui pouvaient naitre du sujet. Dans cette partie de son travail _, commc dans ceUe qui a rapport a la deteimination des especes vivantes , il a montre' une cri- tique judicieiise qui prouve a la fois en faveur de la rectitude de son esprit et de I'e'tendue de ses counaissances. TOME T.IV. MAI ET JUIN 1852. 38 582 NiUTVELLES SCItNTlFIQUKS LT LITTERAIRES. M. Gf.offeov-Saiint-Hilaibf. adressp au president de rAcademi*- la letlre siiivantc : « Monsieur \c J^-e'sidrnt , » En considerant Ic vidr iinmrnse quo laisse parmi nous la pcrte de rhommc miiversel qui rrmplissait la place de secretaire perpctucl de cette Academic pour les sciences naturcUes , il n'est personne qui ne doive reculer devant la pensee d'un si pesant heritage. Ce n'est done pas avec le sentiment pre'somptueux de remplacer M. Cuvier, mais avec Tespoir de bien faire encore apres lui , et dans la pensee qu'il faut lais- ser a I'Academie le terns de peser les liommcs ct leurs caracteres dans un choix de cette importance, que j'annonce ici , de bonne heure pent- etre , une candidature franche , loyale , publique , a I'honneur insigne de devenir I'organe de I'Academie dans les fonctions e'minentes du se- cretariat. A I'appui de cetle demarche , je produis queJques litres devant les savans qui doivent elire ; ces t tres sont les suivans : » Au sujet de la capacite exigible pour la redaction des notices his- toriques , je m'en re'fere aux fragraens biograjihiqucs joints a ma lettre; chacun de ces morceaux ne s'en tient pas a exprimer des sentimens con- venabks a tons les deuils ; on y apercevra I'intcntion d'entrer dans I'examen approfondi des hommes et de leurs osuvres. » Au sujet de la variete'des connaissances que re'clamentlcs fonctions ressortissant de I'emploi vacant , je demande la permission de rappclcr qu" outre mes travaux relatifs a la zoologie , a I'anatomie, a la physiolo- gic , ct plusieurs ecrits sur des questions de medecine , je me suis livrc' depuis quatrc annees a des recherches gc'ologiques j le cahier que je de- pose ci-joint est Jacinquieme partie de mon travail sur les fossiles de la Basse-Normandie. » Eleve d'Haiiy, j'cntrai dans I'etude des sciences naturelles par des travaux de physique , de cristallographie et de mine'ralogie , et ce fut meme comme mineralogistc que je fusd'abord attache au museum d'his- toire natureilc. Depuis, livrc a des recherches sur les etres organise's , je ne suis cependant pas rcste indifferent aux progres immenses qu'a faits la science des mineraux depuis mes premieres etudes. » Quant aux litres que je croirais pouvoir trouver dans les travaux auxquelsj'ai consacre ma vie, ce n'est pas a moi qu'il appartient de les FRANCE. 583 appre'cicr. Mais je puis du moins nie permettre de produire ci-joint un e'crit que le nora de son auteiir et les circonstances vraimeni solennelles ou il a ete public scnil)lent placer hors dc ligne. « Goethe , philosoplie et naturaliste en meme terns que poete , s'est constttue le rapporteur de la controverse philosophique qui eut lieu en mars i83o au scin de votre academic, et le dernier produit du genie fe'cond toujours puissant de cet homme prodigieux est une analyse de mes nouv-clles vucs de philosophic zoologique, un jugement sur mes pnncipcs nouveaux de determination et sur I'influence qu'il les croit appele's a exercer sur les progres des sciences et de la philosophic.)) Chimie. — M. Dumas lit un Me'moire sur la composition du minium. II cxiste, comme on sait, deux oxides de plomb bicn de'finis , le pro- toxide ou massicot et le peroxide ou oxide pur j le minium est un troi- sierae oxide interme'diaire en re les deux que nous venons de nommer. Sa composition, qui paraissait bien etablie par les recherches de Berze- lius, a fait naitre depuis quelques doutes ; et en effet il eait presqu'im- possible, tant qu'on agissait sur le minium du commerce qu'on arrivat deux fois de suite a des re'suitats identiques ,puisque ce produit, comme I'a reconnu M. Dumas, est un melange en proportion variable de mi- nium pur et de protoxide de plomb. La quantite d'oxygene est plus ou moins grande suivant qu'on a ex- pose plus ou moins de fois le massicot a Taction de I'air par une haute temperature, ou , pour se ser^^ir de I'expression en usage , suivant le nombre de feux qu'on a donne's. M. Dumas a reconnu que .pour cent parties de minium la proportion d'oxygene absorbe' e'tait pour : 1 feu 1,!^ 2 feux 1,22. 3 feux 1,36. 4 feux ij5o. 5 feux t,55. 8 feux 1 575. La couleur devient plus vive avec le nombre de feux; mais comme le 58. 584 NOUVELLES SCIENTIFIQUES ET LITTER A.IRES. prix augmcnte beaucouppar ces operations successivcs, il est rare pom le minium du commerce qu'on aille au-dela dii troisieme feu. Pour ob- tenir la mine orange, ce n'cst pas Ic massicot qu'on expose a cliaud a Taction dc I'air, maislace'ruse. L'oxygcnation est bien plus complete : cc qui tient probablcment a I'e'tat de division plus parfaite oil se trouvent les parties qui doivent s'unir a I'oxygene. La mine rouge en effet con- ticnt pqur loo parties 2,23 d'oxygene , quant au minium jmr , il contient selon M. Dumas pour I oo parties 2,33 d'oxygene , On peut I'obtcnir dc trois manieres differcntes, savoir : I ° En cbauffant la mine orange dans le gaz oxygene. 1° En enlevant dans le minium du commerce le protoxide qui s'y trouve melange au moyen derace'late dc plomb. 3° En se servant pour le memeobjet d'une dissolution dc potassc. Le minium obtenu par ces divers precedes est parfaiteraent identi- que. C'est un oxide compose' dont la formule est repre'sente'e par deux atomesde protoxide pour un atome de peroxide. Geologic. — On commence la lecture d'un Me'moirede M. Marcel de Serves, sur de nouvelles cavernes a ossemens qui existent dans les environs de Mialet prcs Anduze , departemcnt du Gard. La principale de ces cavernes est connue dcpuis Jong-tcms comme ayant servi de retraite aux Camisards, qui I'avaient dispose'e de maniere a en faire une sorte de forteresse capable dclesmettrea I'abri d'un coup dc main. Ellc avail etc a diffe'rentes fois visite'e par des curieux, mais ce n'est que depuis peu dc tems qu'on a rcconuu qu'elle rcnfermail des ossemens fossiles. Cette caverne, creuse'e dans une dolomite compacte, se trouve e'levec de 35 metres environ au-dessus du lac du Gardon , qui dans scs ernes bai^ne le pied du roc dans iequel elie est pcrce'e. Son ouverlurc se prc- sente comme une arcade a plcin cintre dc H metres de liauteur , laquclle se prolonge en un vestibule large d'cnviron 4 metres. Ce vestibule com- munique avec plusieurs galeries , dont les deux principals situe'cs I'une au-dessus del' autre se re'trecissent a mesure qu'on s'avance.L'infe'rieure pre'sente a 1 5 metres environ du vestibule un planchcr de stalagmite sous Iequel on trouve, au milieu d'un limun scmblable a celuiqui forme le lit du Gardon, des ossemens bumains assez peu alleres, des debris FRAINCE. 585 de poterie, dont quelque unes sont extiememeat grossieies, et des os dc ruminans appartenant aux especes vivantes. Dans quelques enfoncemens on a decouvert , pele-mele avec les memes debris , des fragmens d'os , provenant d' especes perdues ; mais ce qui raontre que ce limon a e'te' re- manie' a una e'poque tres recentc , c'cst que dans les memes points on a trouve, avec les ossemens d'animaux ante'diluviens et les ossemens d'hommcs qu'on eat aussi volontiers legarde's comme ante'diluviens , una petite statue de bronze e'videmment de fabrique romaine. STANCES DU MOIS DE JUIN. Seance du [\juin. L' Academic devant presenter un des candidats pour la place de pro - fesseur d'anatomie compare'c , vacante au Jardin-des-Plantes par la mort de M. Cuvier, M. le docteur Duvernoy , professeur d'liistoire naturelle a la faculte de Strasbourg , soUicite son suffrage et rappelle les travaux qui peiivcnt lui donner droit d'aspirer a cette distinction. Absent de Paris a I'epoqua ou les professeurs du Jardin-des-Plantes ont e'lu un candidal, il n'a pu leur rappeler ses titres en terns opportun ; toutefois il espere , dit-il, que leur premier vote n'entrainera pas ne'- ccssairemcnt celui qu'ils aurout a donner bientdt comme acade'miciens. M. Duvernoy, e'leve deM. Ciivier, e'tait devenu ensuite soncollabora- leur pour les trois derniers volumes du Traite d'anatomie compare'e et devait c'galeraent prendre part a la publication, de laseconde edition de cet ouvrage. Sa nomination ala chaire vacante lui permettrait de com- pleter cetouvrage, de le continuer dans la pense'e de son illustre auteur et en profitant des immenses mate'riaux que depuis trente ans celui-ci s'occupait de re'unir dans ce but. Tableaux melhodiques du regne animal. — M. Jchille Comte adresse a I'Academie les deux premieres li- vraisons d'un ouvrage, oiTrant, en une suite dc tableaux synoptiques, la distribution methodique du re^ne animal , telle quelle a ete eta- hlie par M. Cuvier. Charge d'cnseigner I'histoire naturelle aux elevcs d'un des colleges de 586 NOUVELLES SCIENTHIQUES ET LITTEKAIRES. Paris, M. Comte a reconnu que , tandis que les jeunes auditeurs ecou- taient avec aviditc et retenaient aise'inent tout ce qui tenait a I'histoire de chaque animal en particulier, ils apprcnaient au contraire lentement et oubliaient vite ce qui e'tait relatif a la distribution de ces etres , en ordres, classes, families, genres , etc. Cependant , comme on ne sau- rait se passer de ces classifications, tout ce que pouvait faire le pro- fesseur e'tait de chercher un moyen qui rendit leur etude moins re- butante , et qui servit en meme terns a les mieux. graver dans la me- moire. C'est dans ce but qu'il a imagine' les tableaux synoptiqucs dont nousparlons , et les essais qu'il en a fails jusqu'a pre'sent scmblent plei- nement justifier ses espe'rances. Nous reviendrons sur ce sujet a I'occasion du rapport qui sera fait par MM. Geoffroy et Dume'ril j pour le moment nous nous contenterons de dire que M. A. Comte a cherche' a tirer parti de tous les secours que la me'raoire des mots peut rccevoir de celle des formes. — M. Fee fait hommagc a I'Acade'mie d'un ouvrage qu'il vient de faiie paraitre , ct qui a pour litre : F^ie de Linne'e , redigee sur les do- cumens autographes laisses par ce grand homme , et suivie de Vanaljse de sa correspondance avec les principaux naturalistes de son epoque. Lithotritic. — MM. Hume etBrodie, chirurgiens de Londres , adresscnt a I'A- cade'mie une leltre destine'e a justifier M. Heurleloup des reproches qui lui ont e'te' adresse's relalivement a Tope'ralion exe'cule'e sur le colonel Ranken , operation donl ils ont e'le I'unet I'autre Ic'moins. II est faux, disent-ils, quel'une des branches de I'inslrumenl a percus- sion se soil brise'e dans la vcssie , et il y a eu seulemenl entre elles [un e'cartement de trois lignes. Une incision ayant e'le pralique'e a I'uretre , les deux branches ont e'le' rapprochc'es tres-aise'ment , apres quoi I'ins- trument a e'te retire sans difficulte. Si I'operation de la laille a e'le faite ensuite, c'est sur la demande de M. Heurleloup lui-meme. La mort du malade arrivJ? environ deux mois apres , et lorsque la cicatrisation des plaies e'tait deja presque complete, n'a rien qui ait lieu de surprendie chez un homme age; il ne semble pas que la tentative de brisement ait beaucoup contribue a ce resultat. Quoique cette tenlative ait etc a peine FRANCE. 587 continuee pendant deux iniiiiiles , elle avail bnse en phisieuis cVlats la pierre, tres-voluraineuse , que portait le patient. Anatomic et physioiogie ard fait, en son nom ct celui dcM. Gay-Lussac, un rap- port tres-favorable sur un Me'moire dc M. Dumas relatif a la densite de la vapcur de quelques corps simples. Lorsque M. Gay-Lussac eut de'couvcrt que les gaz se combinent dans des rapports tres-simples , il soupfonna qu'il en dcvait etre de meme pour les vapcurs, et il trouva que la mcme loi avait lieu en effet pour toutes cclles qui proyiennent de liquides dont rc'bullition a lieu a une tempe'raturepeu elevc'e. Afin de donncr toutc la ge'ne'ralite' possible a cette belle de'couverte qui avait e'te'sifeconde en consequences pour la tlie'orie ge'nc'rale et .si utile en pratique pour la ve'rification des analyses, il e'tait necessaire de mesurer aussi la vapeur des corps qui ne bouillent qu'a 4oo° et meme au-dela, c'est ce que fit M. Dumas en 1826. Des cette e'poque il avait de'termine' la densite' de la vapeur du soufre par des ex- periences directes, et quoique toutes lui eussent donne'desrc'sultats idcn- tiques, ces rc'sultats s'eloignaicnt si fort de ceux qu'on admettait gene'- ralemcnt, qu'il he'sita a les faire connaifre ; ccpendant ayant depuis peu repris les memes recherclies enpre'sence de M. Mitscherlicli, il est exac- tcment retombe' sur les meraes nombres, ct il s'est de'cide a soumettre le faitaux meditations des cliimistes. Pour determiner la densite' de la vapeur du soufre, on s'e'tait appuye sur I'analogie connue de cette substance avec I'oxigene. Ainsi de la va- peur d'eau est forme'e d'un volume d'hydrogenc et d'un demi-volume FRANCE. 595 d'oxygene; on en conchiait que le gaz hydrogene sull'ure contenait dr meme un demi-volume de soufrc pour un volume d'hydrogene. Or la densite' de rhydi'ogene e'tant de 1,1 912. celle dc la vapeur de souiVe devait elre de 2,24. Tel e'tait en effet le cliiffi-e ge'ne'ralemenl adoptc, et pourtant M. Dumas, dans plusieurs experiences conduites avec le plus grand soin, a trouve un nombre qui est sensiblement le triple de celui-la et qui conduirait a admettre seulement un sixieme de vapeur de soufre dans I'bydrogene sulfure comme dans I'acidc sulfureux. Le pbosphore a ete soumis par RI. Dumas aux memes experiences que le souffre , la densite de sa vapeur a ete' de meme trouve'e diffc- rente de celle qu'on avait dcduile de la densite' et de I'analyse du gaz hydrogene proto]3hosphore , d'apres I'analogie suppose'e entre le phos- pbore et I'azotej cette densite' mesure'e directement a c'te trouve'e c'galc a 4?3'2 , nombre double de celui qui est commune'ment admis. L' Academic, sur la proposition de scs commissaires , declare que le travail de M. Dumas sera imprime dans le Recueil des Savans etran- gers. — M. Geoffroy-Saint-Hilaire fait, en son nom et celui de M. Dume'ril, ini rapport tres-avantagcux sur les tableaux du regne animal de M. Achille Comte. Dans le premier concours entre les colleges de Paris et de Versailles, concours e'tabli pour encourager les e'tudes d'histoire naturelle nouvel- lement introduites dans I'Academie de Paris , ce fut a un des e'leves de M. Comte qu'e'cbut la couronne de'cernce , et il est a pre'sumer que le mode d'enseignement suivi par le prot'esseur est entre' pour beaucoup dans ce succcs. « Nous pensons , discnt les commissaires , que M, Comte ne s'est point trompe dans I'espoir qu'il a concu de faciliter aux jeuncs gens I'e'tude de I'bistoire naturelle par sa nouvelle et inge'nieuse ma- niere d'exposer les propositions ge'ne'ralcs de cette science. Si les ta- bleaux synoptiques ne se recommandent pas par des vues neuves et ap- pele'es a former un notable accroissement au domaine de I'histoire naturelle , du moins elles aident a la propagation des meilleures ide'es qui sont en circulation, et sont pour les e'tudes du premier age un se- cours utile et habilement menage. — M. le docteur Velpeau lit une notice sur uae Jistule laryn- gienne guerie au mqyen d'une operation nouvelle. 596 NOTJVELLES SCIENTIFIQUES ET UTTERAIRES. Ccttc opc'ralion a cte praliqufc siir un jcune liomme, qui s'e'tanl coupe la gorge dans un moment cle dcscspoir , avait conserve au larynx une ouvcrture qui , apres la cicatrisation dcs Lords , offrait encore pres dc dcu\ pouces en largeur. La respiration, par suite de cette fislule, etait singulieremcnt genee, la deglutition I'ctait aussi; et la parole no pou- vait s'ex.e'cuter que tant que le mcnton etait appuye' sur la poitrine. La dcperdition de substance avait etc Ires-grande, aussi une premiers tentative de gucrison par le simple rapprochement des liords supe'rieur et infe'rieur e'choua-t-elle complelement. M. Velpeau coD9ut alors I'ide'e de fermer I'ouvcrture par un bouchon vivant qui se coUerait a son pour- lour. II forma le tampon aux- de'pens d'un lambeau de la peau du cou roule sur lui-merae , et le maintint en place au moyen de deux longues aiguilles et d'une suture entortillec. Le succes de cette operation a ete' complet. Le malade qui , avant son entiere gue'rison , avait e'te' pris dn cbole'ra dans I'hopital meme , jouit maintenant d'une parfaite sante', et les diverses functions qui avaient e'te' plus ou moins profonde'ment alte- re'essont revenues cntierement a Tc'tat normal. II est pre'sent a la seance, • et re'pond d'une voix qui offre a peine un peu d'enrouement aux ques- tions qui lui sont adresse'es. Seance du 'ZSjiiin. Rapports du ddvcloppemcnt du cholera avec les phenomenes m^teorologiques. L' Academic, nyant approuve les ide'es de MM. Bernj et Lagasquie sur Vutilite qu'il pourrait resulter d'une etude comparatwe cle la marche du cholera et de la succession des phenomejies meteorolo- giques , le ministre des travaux publics a arrete qu'il serait forme une commission charge'e dc mettre ce plan a execution , commission compo- see de neuf mcmbres dont quatre clioisis par 1' Academic de me'dccine el les cinq autres par I'Acade'uiie des sciences. En coasequencc de la com- munication qui lui est faite de cette decision , TAcademie procede a I'e'- lection des cinq mcmbres qu'elle doit fournir a la commission; MM. de Mirbel, Cliaptal , The'nard, Dume'ril, Cbevreul et Serres re'unissent la majorite des suffrages. Ilydrojjraphic. — Le ministre dc la marine adresse le troisieme volume du Pilote FRANCE. 597 francais , volume qui complete la description des cotes occidentales de la France , executee par les inge'nieurs liydrographcs de la marine , sous la direction de M. Beautemps-Beaupre. Chaire dc zonlogic au museum d'histoirc naturdlCs — M, Geoffroy Saint-Hilaire annonce que la section de zoologie, charge'e de presenter une liste pour I'e'lection d'un candidat a la chaire de zoologie vacante au jardin des plantes par la mort de M. Cuvier, se trouve maintenant par I'absence de plusieurs de ses membres re'duite a trois individus dont un, M. de Blainvillc, a un inte'ret direct dans cette nomination, ayant dcja c'te prc'sente comme candidat a cette chaire par ^'administration du Museum. II ajoute que la section, ainsi re'duite en nonvbre, a cru devoir consulter I'Acade'mie pour savoir s'il ne serait pas convenable qu'on lui adjoignit quelques nulres membres qui concourus- sent avec elle a la formation de la liste. L' Academic, prenant en conside- ration le scrupule honorable qui vient dc lui etre exprime , decide que la commission sera comple'te'e par deux autres membres pris dans les sections des sciences naturelles. L'election se fait , et MM. Serres et Flourens sont adjointsa MM. Geoffroy, Dume'ril et Blainville, membres de la section de zoologie, maintenant presens a Paris. Ehtomolof;ie. — M. DuMERiL fait un rapport tres-favorable sur la premiere livrai- son d'un ouvrage intitule: Centurie des lepidopteres de Vile de Cuba. L'auteur, M. Poey, profitant d'un sejour dc 8 anne'es dans cette ile , en a de'crit les papillons , parmi lesquels il a trouve prcs de 80 especes nouvelles. II donne dc tous des descriptions tres completes et des figures qui repre'sentent pour chaque espece non seulement le male et la fe- raelle j mais souvent la chenille et quelquefois la chrysalide. Tous les details dans ces figures sont execute's avec beaucoup de soin et avec tant d' exactitude, que si Ton voulait par exemple se servir un jour du mode de ramifications des nervures des ailes pour une distribution des lepi- dopteres, on pourrait, en consultant les figures dcM. Pocy, re'partir ccs insectes avec antant de crrlitudc que si Ton avait les individus penic sous les yeux. TOME l.IV. MAI ET JUIN 1852. 51) ^9^ NOIJVELLES SCIENTIFIQUES ET LITTERAIRES. Anatomic comparde. IM.Flourens lit un Me'moire sur V anatomie de la moelle epiniere de la tortue franche. La moelle c'piniere offre chez, la plupart des vertebrcs un certain nombre de renflemens qui correspondent anx origines des principaux en- sembles de nerfs. Ainsi chcz I'homme , et chcz les mammiferes en gene- ral , on trouve denx renflemens aux regions d'oii partent les nerfs des membres thoraciqnes et les nerfs des merabres abdominaux. Outre ces deux renflemens ge'neraux , on en voit quelquefois qui correspondent spe'cialement a une paire de nerfs. Tel est le cas pour toutes les paires qui se rendent au train de derriere chez les zebres, les chevres, etc. II en est de meme pour celles qui se rendent aux ailes dans les trygles et a I'appareil e'lectrique dans les torpilles ; enfin le lump , comme I'a re- connu M. Cuvier, offre un renflement pour cliaque paire spinalc. II sem- ble done y avoir un rapport constant entre les renflemens de la moelle et la naissance d'un nerf ou d'un ensemble de nerfs, destines a un or- gane important de mouvemens. Cependant unfait de'couvert par M. Flou- rens vient de fournir I'exception la plus remarquable a cette loi qui semblait si ge'ncfrale. Chez la tortue franche ou tortue verte, il y a, comme chez le lump, changement du diametre a la naissance de chaque paire ; mais, au lieu d'un renflement, c'est im e'tranglement qui a lieu- la tortue verte est d'ailleurs parmi toutes celles que I'auteur a o])servecs la seide qui lui ait pre'sente' cette anomalie , les autres cheloniens ren- trant sous ce rapport dans le cas general des vertebre's. — M. Geoffroy fait un rapport tres-favorable sur la premiere partie desfragjnens d' anatomie de M. Duvemoj. Nous re'serverons ce rapport pour le joindre a ceux qui se feront sur les autres parties, afin de donner une idee plus complete de I'auteur sur I'organisation des serpens. Pour le present nous nous contenterons de dire que FAcadcmie, sur la proposi- tion de ses commissaires, ordonne I'impression du me'moire de M. Du- vemoy dans le Recueil des savans etrangers . ROULIN. FRANCE. 599 sociETE d'encouragement pouk l'i.\dustrie \atio\ale. Seance g^nerale Ju T7 juin 1832. Cette association des amis des arts se niontre toujours de plus ea plus digne de son mandat. Un rapport, fait au nom de la commission des fonds, par M. Ladoucette, et celui de M. le due de Montmorency, comme censeur, prouvent quel discernement et quelle economic president aux depenses. Les recompenses en sont une partie notable : la Socie'te d' en- couragement avait , en novembre dernier, consacre a des prix une somme de 18 a ig,ooo fr. Dans sa se'ance du 27 juin iSSa, elle a de'cerne, pour une valeur de 6,5oo fr. , des medailles a ceux, qui les avaient me- rite'es par des succes industriels d'une grande importance; les rappor- teurs e'taient MM. Mallet, Francoeur, Payen, He'ricart deThury, Gau- thier de Claubry, Derosne, Vallot, Josselin et Ame'de'e Durand. Le premier a rendu un compte tres-inte'ressant des travaux de M. Fiard, des Hautes-Alpes , pour I'encaissement des rivieres ; ils avaient deja fixe I'attention de la Socie'te' royale et centrale d'agriculture , principalement sous le rapport de la conquete de vastes de'laisse's , qui , limone's et a I'ar- rosage , sont susceptibles des meilleurs produits. La Socie'te' a distribue' , au milieu de vifs applaudissemens , six me- dailles d'or de premiere classe , dix de seconde , six d'argent et trois de bronze , ainsi qu'il suit : Mddaillcs d'or de premiere classe, 1° A M. Robinet, ouvrier verrier a Baccarat (Meurthe), pour son appareil a souffler le verre • 2° A M. Dumont, ne'gociant a Paris, pour les perfectionnemens qu'il a apporte's dans la filtration des sirops , au moyen du cliarbon d'os en grains ; 3" A M. Girardet, artiste, rue de I'Hirondelle , n° 18, a Paris, pour son proce'de litlio-typographique ; 4° AM. Gonfreville fils, teinturier a Deville-les-Rouen , pour les services qu'il a rendus a I'industrie francaise par ses reclierclies sur les arts pratique's dans les Indes orientales , et notamment par I'importation du moyen d'employer le cliaya-ver dans la teintiire ; 59. 600 NOUVELLES SCIENTIFIQUES ET LIITERAIRES. 5" A M. Bordier-Marcet , ingenieur-lampiste a Paris, pour ses nombrenx et iraportans travaux dans la construction des appareils d'e- clairage ; 6" A JVnVI. Ziiber et compagnie , fabricans de papiers peints a Mul- housc (Haut-Rhin), pour les perfectionnemens reinarquables qu'ils ont apporte's dans la fabi'ication des papiers peints. Medailles d'or de deuxiemcclasse, 1° AM. Fiard ainc, architecte a Gap, pour son moyen d'encaisser les rivieres, et le.s ajjplications qu'il en a faites a la Durance (Hautes- Alpes); •1° A MM. Mention et Wagner, joailliers4)ijoutiers a Paris, pour avoir introduit en France et perfectionne' la fabrication des nielles ; 3° AW.Barth, a Paris, pour I'ingenieuse invention des ressorts agissant par torsion , et pour les utiles applications qu'il en a dcja faites; 4° A M. Laignel, inge'nieur-me'canicieu , a Paris , pour les nouvelLes et heureuses dispositions qu'il a introduites dans la construction des vfa- gons et I'e'tablissement des chemins de fer j 5° A M. Louis Lebeuf, a Paris , pour la bonte' et la beaule des iaiiea- r.es a email dur de sa fabrique de Montereau (Seine-et-Marne) ; 6° A M. Hoyau, inge'nieur-me'canicien , rue Jean-Robert, pour sa fabrique d'agrafes par me'canique et autres travaux ; n° A M. Roth, a Paris, pour son appareil a concentrer les sirops; 8° A M. Nichols , a Paris , pour son refrigerant j g" A MM. Menier et Adrien , rue des Lombards, n" Z'] , pour la cre'ation d'un e'tablissement unique en son genre , et qui re'unit un grand nombre de machines destinccs a la pulverisation de diffe'rentes substan- ces aliraentaires ou me'dicinales , a la fabrication du choeolat , et a ceilc du gruau et de I'orge perlc ; lo" A M. rfe Bruchmann , architecte du roi de Wurtemberg, pour avoir eu I'ide'e d'employer I'eau des puits fore's a e'lever en hiver la tem- perature des usincs et des ateliers , a fondre la glace qui arrete le raouve- m«nt des roues hydrauliquos , et a pre'venir sa formation. M^dailles d'.irgcnt, i" AM. Bayvet, a Paris , poiu- les ameliorations qu'il a appnrlws d.ins le raflinage du sucre; FRANCE. ()0I 1* A M. Chappelet, a Paris, pour le meifle motif; 3° AM, Lecocq, a Paris, pour la fabrication des cuivres vernis imitant ladorure; 4" AM. Camus-Rochon J pour la fabrication d'outils d'acierfondu sur fer (marteaux de moulin) j 5° A M. Bosc, a Besanjon, pour son encre indelebile ; fi° A M. Josselin, a Paris, pour ses corsets mecaniques. Mddailles de bronze, i" A M. Collardeau, pour safabrique d'instrumeus en vene; '1° AM. Danger, pour sa fabrique d'appareils en verre ; 3" A M. Salmer, a Paris, pour ses instruraens de chirurgie en caoutchouc pur. HEVUE DES THEATRES. Theatre-Francais. — Debuts de M. Jermann et de mesdeinoi- selles Morales et Elisa-lVentzel. — Tandis que le soleil d'e'te' exerce sa fatale influence sur Ics recettes de nos theatres , et que Ics chefs d'em- ploi parcourent les de'partemens , de jeunes de'butans paraissent , sans profit et souvent sans succes devant le petit nomlire de spcctateurs qui garnissent les banquettes. Les premiers pas dans toutes les carrieres e! surtout an theatre inspirent un me'diocre interetj ainsi nous avons vii deliuter depuis un mois a ce theatre mesdamcs Martin , Orel ct Morales, sans que le public s'en soit aucunement inquie'te , raalgre la nc'cessite bien constate'e de rafraichir le personnel du Theatre-Franjais. II n'en a pas etc' tont-a-fait de merae de M. Jermann. Les journaux avaient pris soin a I'avance d'annoncer que cet artiste, qui s'est fait une certaine re- putation a Vienne et a Berlin , avait c'tudie notre langue dans le but unique de paraitre sur la scene fran9aise. Aussi cette innovation avait- elle pique la curiosite. M. Jermann a obtenu du succes, mais il s'est e'trangement trompe' s'il a cru pouvoir sc crc'er un avenir dans la trage- dic anciennc, genre de'laisse par Ic public. M. Jermann a, dil-on , dr 6o2 NOUVELLES SCIENTIFIQUES ET LITTERAIRES. In chaleur ct de I'ame ; si ccla est vrai , sa place n'est pas au the'Atre de la rue Richelieu. Au moment ou de jeunes auteurs vont chercher dans les repertoires e'trangers de nouvelles combinaisons diamatiques , il ap- partiendrait surtOMt a M. Jermann de nous en faire appre'cier I'origina- lite'; c'est dans cette oeuvre que lui-meme pourrait nous faire voir ce qu'il a e'te' sur une scene ou il a brille. Vaudeville. — Le Contrebandier , par MM. Brazier, Carmou- che et de Courcy. — Avant de quitter le Vaudeville, Henri Monnier a voulu paraitre encore une fois dans une piece a travestisscmens. Sur les donnees de I'artistc , trois auteurs lui ont compose' un vaudeville oil il y a tout juste assez d'action pour lui laisser le terns de s'lialiiller quatre ou cinq fois. Quoique le sujet soit comple'tement nul , les roles remplis par Monnier sont aussi vrais que comiques. Tour a tour sous I'liabit d'un vieux marquis , d'un inilord , d'une douairiere et enfin d'un groom , il a enleve tons les suffrages. Maintenant il va parcourir les departemens et s'y faire applaudir de nouveau. — M. Jacques Arago , qui n'est ni le directeur du Vaudeville , ni I'auteur d'un volume de vers qui a paru re'cemment , ni le membre de 1' Academic des sciences , a presente sur la scene du \ audeville Chabert , histoire contemporaine en deux actes , tire'e d'un contc de M. de Balzac. Ce colonel, mart a Eylau^ qui re- vient convert de cicatrices et trouve sa femme marie'e a un autre , se voit lui-meme nie'connu , chasse de chcz lui sans avoir d'autre asile qu'un uiise'rable grenier , qui est traite comma le dernier des intrigans et ne ])Out se faire reconnaitre pour le comte Chabert , voila du di'ame , et M. Jacques Arago a exploite ce sujet avec un rare bonheur. II faut dire qu'il a e'ie' Ijien seconde dans cette tache par Volnys et madam.e Dussert. Varietes. — La Reine de Siam, par M. Jean Giskan. — C'est une parodie passablement amusante de la Tour de Nesle. Cette reine de Siam e'pouse un de ses sujets chaque soir et le fait jeter le lendemain matin dans la mer, aux acclamations de son peuple, qui ne craint pas ainsi de voir la puissance se perpe'tuer dans les mains d'un seul. Un jeune Frangais re'cemment de'barque, que la reine choisitpour son epoux, parvient a iuteresser le premier ministre. A sa place on jette a I'eau dans un sac le singe de la reine, et tons se sauvent en France. Odry, qui ;i>ait fait assaut de comique avec Lcgrand dans cette piece, est venu li- FRANCE. 6o3 vrer au public le noin de M. Jean Giskan, sous lequel se cachent ceiix de deux hpmmes connus par une foule de productions spirituelles. Les Deux font la paire , par MM. Bayard et Farm. On ne peut nier que ce nc soit une fort belle chose que la decence ; raais le parterre des Varie'te's , pris siJjitement d'un acces de pudeur, n'en est pas moins un fait curieux. a mentionner. Voici done I'histoire. C'e'tait la semaine derniere, etTonjouait pour la premiere fois la piece de M. Bayard. Des les premieres scenes , un petit nombre de spectateurs donna des marques non equivoques de de'sapprobation. Un dialogue spiri- tuel , une facture digne de I'ancienne comedie , le jeu plein de verve de Legrand et d'Odry, tout cela ne put de'sarmer une malveillance evi- dente. Bientot , a I'apparition de quelques mots , ua peu licencieux il est vrai , bon nombre d'assistans crurent leur honneur engage' a faire chorus avec les autres , en sorte que le spectacle se termina au milieu des huees et des sifflets, Justement les auteurs avaient place a la fm de la piece un couplet oil ils prechaient Thumanite' auxvainqueursduG juin ■ il ne manquait plus que cela , les mode're's se mirent a siffler de plus belle. Disons toutefois , pour I'honneur du public des Varie'te's, que la piece s'est comple'tement releve'e , et qu'elle attire beaucoup de monde tous les soirs. II est a remarquer que ces memes spectateurs, dont la chastete' s'est trouve'e blesse'e en voyant la Reine d^Espagne et les Deux font la paire, applaudissent vivement la fin du troisieme acte di u4ntonj , et lisent sans scrupule Moliere. Gymnase. — Le Gyranase existe-t-il toujours? est-il mort oil est-il vivant? Un habitue de cethe'atrera'assure que riea n'y est change, qu'on allume le lustre vers six heures , comme autrefois , que les acteurs font toujours semblant de joucr de soi-disant comedies , que les affiches sont toujours placarde'es aux memes endroits , et qu'il n'y a de mutation no - table que le remplaccment des spectateurs payans par les spectateurs paye's. Je tacherai de ve'rilier tout cela pai' moi-meme avant mon pro - chain compte rendu. Palais-Royal. — Le Sj'lphe , par MM. Rochefort , Farin et Desvergers. Le sylphe , c'est mademoiselle Dejazet. Le sylphe s'intro- duit par la fenetre , s'enfuit a travers les portes , enleve son amante par la cheminee , franchit les torrens , recoit un coup de fusil a bout por- tant sans etre atteint. Mademoiselle Dejazet joue avec sa grace et soi'. 6o4 NOUVELLES SCIENTIFIQUES ET LITTERAIRES. esprit accoiituines. Paul , dans Ic role d'un garde-cbasse , est toujours le memo , c'cst-a-dire excellent. En somme la pifece attire la foule. — La Chemine'e dt: 1748, ?par M. MeUsville. — M. Me'lcsville a decou- vcrt qu'il existait rue dii Ghemin-Vcrt ime chemine'e tournante , et il a bati sa piece la-dessus. Un pauvre mari croit que sa femme introduit iin amant par cette chemine'e mccanique , tandis que ce n'est que son frere qui y entre. Bien d'autres y seraient trompc's. Le &ylphe et la Chemine'e fonnent un spectacle fort agreable. Les theatres, vulgairement dits des Boulevards , n'ont rien repre- sente' qui me'rite mention spe'ciale. Le Riisse , de M. Charles Des- noyers , a e'te' joue' a VAmhigu. Si des sentimens patriotiques , de la chaleur et dc-la verve suffisent pour faire rc'ussir une piece , on n'a rien a reprochcr a celle-la. Ch. G. NECROLOGIE DU PREMIER SEMESTRE DE 1832. Nous nous bornoDS ici a une simple liste que la presence du cholera dans Paris a rendu longue , nous re'servant de consacrer plus tard des notices aux bommes les plus rcmarquables qui s'y trouvent de'signe's. En Angleterre , la mort a frappe , pendant le mois de feviier , le poete Crabbe , a I'age de soixante-treize ans ; I'acteur Joe Munden, age de soixante-quatorze ans ; et le docteur Andre Bell , qui naquit ea rn53 , a Saint-Andrew, dans le comte de Fife , en Ecosse. C'est a lui que Ton doit I'introduction en Europe et le perfectionnemcnt de la me'- thode d'instruction primaire , connue d'abord sous le nom de Madras sjstern , puis de systeme de Bell et Lancastre , et qui s'est raodifie'e en se popularisant chez nous dans les ccoles si long-tems persecute'es de I'en- seignement mutuel. Bell est mort a I'age de quatre-vingts ans, et ses restes ont etc deposes a Westminster. Viennent apres le ce'lebre compo- siteur et pianiste Muzio Clementi, mortle 10 mars, a I'age de qua- tre-vingts ans 5 John Taylor, journaliste a la mode, auquel ses criti- ques spirituelles , ses poesies le'gercs, el surtout ses petits ouvragcs dramatiqiics plcins d'originalite el dc gaiete ont fail une certaine rcpii- FRANCE. 6o5 tation parmi lejmonde fashionable ; puis mistriss Musters qui, lors- qu'elle portait encore le nom de miss Chaworth , inspira a lord Byron une vive passion et des vers si purs et si beaux. Sa mort (a I'age de qua- rante-six ans) est la suite du froid qu'elle a eprouve et de la frayeur dont elle a e'te saisie lorsque les ouvriers re'volte's de Nottingham sacca- geaient sa maison , Cohvick-Hall , en octobrc dernier. Deux grandes peites ont ensuite signalc, dans ce pays, une epoque qui semble avoir e'te surtout fatale aux plus illustres de nos contempo- rains : Bentham et Mackintosh ont e'te' fiappe's presque au nieme in- stant que Goethe et Cuvier. Bentham, qui venait d'atteindre sa quati-e-vingt-cinquieme anne'e, est mort le 3 juin. On a remarque que le celebre philantrope et M. de Tal- leyrand, ayant fait partie ensemble du ccrcle politique auquel appartinrcnt aussiBrissot, fitienne Dumont et d'autres hommescelebresdudix-huitieme siecle, se sont retrouve's dernierementaLondres, apres une separation de quarante ans • et le Morning Chronicle a parle dernierement d'un diner qui re'unit, dans la maison de Bentham, pres du pare Saint- James, en un piquant tete a tete , le doyen des diplomates et le doyen des publicis- tes, peu de tems avant la maladie de ce demier. Sir James Mackintosh , dont la renomme'e a eu moins de retentissement en Europe que celle de son venerable compatriote , e'tait un des ornemens du parlement anglais , et un des re'dacteurs les plus distingue's de VE- dinburgh Review. Au moment de sa mort , survenue le 3o mai , lors- qu'il entrait dans sa soixante-troisieme anne'e , le troisieme volume de son ffistoire d^ Angleterre , son dernier ouvrage, venait de paraitic. Suede. — T. Ornie , ecrivain fort distingue , s'est asphyxie le 3 juin avec dft charbon, dans sa terre, a six lieues de Stockholm, On attribue ce suicide a des chagrins domestiques. Pour YJllemagne , nous n'avons encore recueilli que peu de noms .- — Saiber , e'veque bavarois , I'un des plus savans the'ologiens de I'Al • lemagne catholique; — le conseUler auliquc Frederic de Ge>tz, moit a Vienne le 9 juin, a soixante-huit ans ; — Zeller, compositeur , ami ' de Goethe , mort le 1 5 mai , a Berlin. — Nous avons deja consacre quel- ques pages a la me'moire de Goethe qui clot ici cette partie de notre liste. La Suisse a perdu Bonsletten , ecrivain philosophe, I'ami dc Hal- 6o6 NECROLOGIE. ler, de Matliison, de I'historien Muller, dont nous avons souvent an- nonce les c'crits, et que nousferons mieux connaiitre a nos lecteurs dans une procliaiue notice; — puis Naeff , fondateur de I'institution des sourds-mucts du canton de Vaud, mort aYverdun dans un age peu avance'. En Italie, scut morts le comte de Saurau, ministre autricliien pres la cour de Toscane (en juin); — le cardinal Pacca (en avril, a Rome); — le prince Camille Borghese, beau-1'rere dc Napoleon (en mai, a Rome); — L'abbe' don Angelo Cesaris , prcmiei" astronome de I'ob- servatoire de Milan , et directeur de I'institut imperial et royal des sciences , Icttres et beaux - arts ; redacteur pendant un grand nonibre d'anne'es des Ephemei'iiles astronomiques de Milan. En France, les deux cliambres ont fait des pertes nombreuses; dans la premiere, nous citerons Casimir Perrier , president du conseil des ministres; — le general Lamarque, depute des Landes (i*'' juin); — le marquis Francois de Chauvelin, qui ne sie'geait plus, il est vrai, mais qui fut sous la restauration I'un des de'fenseurs les plus ce'lebres de la cause liberale ; — M. de Martignac, connu par son rainistere de juste-milicu sous Charles X ; — Adam de la Pommeraye , depute' du Calvados; — de Berthois, depute d'I!le-et-Vilaine ; — Loyer , depute des Cotes-du-Nord , etc. Dans la chambre des pairs : I'alibe' due de Montesquiou, ancien ministre de Louis XVIII, membre de 1' Academic franfaise , mort au chateau de Cirey, le i*^"^ fc'vrier; — le general comte Belhard , mort le 3 fe'vrier, a Bruxelles , ou il repre'sentait la France , en qualite' de ministre ple'nipotentiaire aupres du roi Leopold ; — le baron Boissel DE Monville , auteur de travaux ge'odesiques et d'un ouvrage philoso- phiquc public' en 1824 sous le titre de Peut-etre. (Voy. Rev. Enc, t. p.) (Mort a Paris a I'age de soixante-huit ans); etc. La magistrature a perdu : de Malleville, pair de France, conseil- ler a la cour de cassation, auteur de pliisieurs ouvrages sur I'arche'o- logie ; — Henri de Cassini , pair de France, president de la cour royale de Paris, botaniste et membre honoraire de 1' Academic des sciences; — Le baron Bailly, doyen des conseillers a la cour de cassation (mort le 1 1 juin). II remplissait les fonctions d'accusateur public a la haute cour de Vendome, lors du proces de Babceuf ; — Guillonet de Mer- NECROLOGIE. 607 ViLLE, conseiller honoraire a la courde cassation; — Cahier, ancien avocat-ge'ueral pres la meme cour. Dans rai-me'e : les ge'ne'raux Mo rand (avril); — Dalesme, comman- dant de riiotel des Invalides ; — Forbin Janson; — HuguesMeunier, auteiir de plusieurs ouvrages sur I'art militaire , ne a Mont-Louis en 1758, moil a Poitiers en fevrier; — de Glandevez , gouvemeur des Tuilcries sous la restauration;— Frevtag, auteur de Me'moires sur les guerres de I'empire, etc.; — le vice-amiral Leissegues. Dans les sciences : Georges Cuvier, secretaire perpe'tuel de la sec- tion des sciences physiques de 1' Academic des sciences ; — Georges Si- mon Serullas , chimiste et raembre de I'Acade'mie des sciences, ne' a Poncin (de'partement de I'Ain), eu 1774^ mort le aS mai, a Paris; — Christian, ex-directeur du conservatoire des arts et metiers, mort a Ai- genteuil le 27 juin; — Joseph Liard, inspecteur-ge'neral des ponts-et- chausse'es , ne' a Rosieres-aux-Salines (Meurthe) le 1 7 de'cembre 1747? morta Besanfon le 21 avril ; — Auguste Duvau, botaniste distingue, ne a Tours le 1 4 Janvier 1 771, mort le 8 Janvier a sa terre de la Fariniere; — EvAR!STEGALLOis,jeuneprofesseurdematlie'matiques, impliquedans la plupart des proces intentes a I'opinion re'publicaine , tue en duel le 3 1 mai ; — les docteurs Leroux , ancien doyen de la faculte' de me'- decine de Paris, me'decin de la Charite , et collaborateur de Coi-visart, mort a quatre-vingt-trois ans; — Alberic Deville , ancien professeur d'histoire naturelle a Te'cole centrale d'Auxerre , auteur de fables et de poe'sies; — Audin-Eouviere , auteur de la Medecine sans medecin; — Meyranx , professeur d'histoire naturelle au college Charlemagne , connu par d'utiles travaux, mort le 3o juin. Dans les lettres : Jean-Francois Champollion , cclebre par ses travaux sur les antiquite's e'gyptiennes , ne a Figeac en de'cembre 1 790 , mortle 4 mars ; — Abel Remusat , membre de 1' Academic des inscrip- tions, ce'lebre orientaliste ; — BERGASSE,d'aboidradversaire deBeaumar- chaisdansunprocescelebreet connu depuispar la perse've'rancede ses opi- nions contre-re'volutionnaires, mortle 29 mai. — Guillaume-Louis-Ju- LiEN Carre , professeur et doyen de la faculte de droit a Rennes , auteur d'un grand et savant ouvrage sur le Code civil et de beaucoup d' articles de jurisprudence dans le supplement a rEncyclopedic moderne, ne' a Rennes en 1 777, mort le i o mars ; — Ballet, ancien depute' et avocat ge'ne'ral, 6o8 NECROLOGIE. jnrisconsulte celebre, auteur du Nouveau Salviat, morl a Limoges, le 3o avril ; — Haffner, professeiir et doyen de la faculte de the'ologie protes- tante, a Strasbourg, nc en i-ySi , mort le-Ji mars; — Musset-Pathey, auteur d'une vie dc J, -J. Rousseau, pere de deux, horames de lettres dejsk connus, 1\IM. Paul et Alfred de Musset, mort le 8 avril;— M. Lenor- MANT, impriraeur, mort a Ggans; — Faroes de Taschereau, Lomme de lettres et aocien ambassadem* ea Espagne ; — Le docteur Clerjon . auteur d'une histoire de Lyon, non termine'e, ne'le 7 mars 1800, mort a Lyon le 22 fevrier ; — Charles-Joseph-Maximilien-Auguste Col- net , ancien rcdacteur de la Gazette , ne a Yervins , en 1 768 , moit a Belleville le 3i mai; — Castel, ancien membre du corps legislatif sous I'empire , ancien inspecteur-ge'ne'ral de I'Universite , auteur du poemc des Plantes, mort en juin a Reims; — Lebailly, auteur de fables estiraces, mort le 1 3 Janvier; — Escousse et Auguste Lebras, jeunes auteurs dramatiques connus par quelques succes , qui ont termine leurs jours par un deplorable suicide , I'un a I'age de vingt ans , I'autrc a peine age' de seize ans , le 18 fe'vrier ; — De Longchamps , auteur de Ma Tante Aurore , du Seducteur amoureux , etc. ; — Barre , auteur de nombreux vaudevilles , mort le gmai ; — Pus , chansonnier et vau- devilliste presquc aussi celebre que De'saugicrs, Armand Goufl'e et au- trcs illustrations du Caveau , mort le 22 mai. Dans les beaux-arts : Goillaume-Guillon Lethiere, peintre d'his- toire, de TAcademie des Beaux- Arts, auteur dc la Mort des fils de Bru- tus, et de la Mort de f^irginie, ne' a la Guadeloupe en 1 760 , mort le 2a avril, a I'age de soixantc-onzeans; — Anthelme Lagrenee , peintre, ancien dirccteur de I' Academic de France a Rome, flls du fondateui- de I'A- cade'mie des Beaux-Arts a Saint-Pe'tersbourg ; — Naigeon, peintre, con- sei-vateur du musec du Luxembourg , mort le 23 juin , a I'age de soixante- seizeans; — Charles Bourgeois, peintre, auquella chimie des couleurs doit surtout de grands progres, mort en juin , a I'age de soixante-dix ans ; — Augustin , celebre peintre en miniature, mort a Paris, a I'age de soixante-onze ans; — Delaistre , doyen des sculpteurs , de I'ancienne Academic de peinture et de sculpture , mort a Paris, a I'age de quatre- vingt-six ans, auteur de la Vierge de Saint-Nicolas-des-Champs , d'une statue de Phocion au musec de Bordeaux , d'un groupc de VA- mour ct Psjcliii au musc'e du Luxembourg, et de plusieurs bas-rc- NECROLOGIE. 609 liefs de la colonnede la Place Yendome; — De Guerchy, arcliilecte, connu par la part qu'il a prise a la construction ou a la rcstauration dc plusieurs theatres, mort le 7 mai, al'agedecinquanteans; — Francois Louis Perne^ compositeur et auteur de plusieurs bons raorccaux de litte'rature musicale , ne' a Paris en 1772, mort a Laou , le '26 mai • — Manuel Garcia, clianteur et compositeur, pere de madame Ma- librau , son e'leve , ainsi qu'Adolplie Nourrit et d'autres artistes distin- gue's, mort le 10 juin, a un age peu avance' ; — Frogere , doyen des acteurs , mort a Paris , dans un age tres-avance j — Mademoiselle Des- MAREs , ancienne actrice du Vaudeville. Nous citerons encore : — le barou Beyts, ancien membre du Conscil des Cinq-Cents, connu pour avoir proteste contre I'usurpation de Bona- parte au 18 brumaire, ne en Belgique, et mort a I'age de soixante-dix. ans; — Bigonnet , ancien membre du Conseil des Cinq-Gents et de la CLambre de i8i5, mort a I'age dc soixante-dix-sept ans; — Jean- Dominique Blanqui , ancien depute a la Convention , ne a Nice , et inorl a Paris au commencement de juin , a I'age de soixante-quinze ans j — Charon , membre de la premiere municipalitc dc Paris , president de la federation du 1 4 juillet 1 790 , mort a I'age de soixante-treize ans ; — Cathelineau , fils du general vende'en , tue dans une ferme de la Vendee, en mai iSSi. Enfin, parmi les etrangers habitant Paris : — le general espagnol Bal- lesteros , mort le 29 juin j — le poete italien Balochi , auteur d'un grand nombre de libretti d'opera ; et , pour terminer cette liste : — Le prince de Castelcicala , ambassadeur de Naples a Paris. Sous ce nom, qui rappellc tout au plus quelques intrigues diplomatiques contre la cause libe'rale, se cache une mallieureuse cele'brite , celle de Fabric io Ruffo , membre du tribunal d'inquisition jjolitique etabli a Naples par la reinc Caroline et le ministre Acton. TABLE DES MATIERES CONTENUES DiXS I-ES 161'' ET 162'^ LIVRAISONS DE LA REVUE ENCYCLOPEDIQUE. MAI ET JUIN 1 832. Pages 1 . De Tiinit^ de la Revue Encyclopddiqiie 261 2. Du cosniopolitisme et de I'association Charles Didier. 270 3. Doctrine d'associationdeM. Charles Fourier (2" article) ,^ie/ Transon. 290 4. Des rapporU de la doctrine de Confucius avcc la doctrine chrelienne. P. Leroux. 324 5. LeTa-Hio de Confucius, traduit lltt^ralement du chinois. G. Pauthier. 344 6. Poesies du moyen age. — Romans des douze pairs de France. 365 7. Chiromancie. — Episode de la vie de Claude Tarin. . . Ed. Charton. 378 ^ MELANGES. 8. Du panth^isme en m^decine Ribes. 410 9. Des lois dc I'h^rddite organique D. Richard. 418 < 0. Progriis de la gdologic en 1 830 et 1 H31 J. R. 427 \ 1 . Des intentions de la derniere revolution polonaise en faveur des paysans Th. Morawski. 437 12. Chansons populaires des Russiens 444 BULLETIIV BIBLIOGRAPHIQUE. Etats-Unis. — Society des protestans de I'eglise dpiscopale pour la fondation d'ecoles du dimanche, 447 ; — Actes du conseil de la Societc des missions, idid.i Rapport de la Societe de Pliiladelphie pour les livres a I'usage des ap- prentis, ibid.:, — Discours prononc^ a la Society hislorique, ibid.; — Assem- bl^e relative aux p^nilentiaires d'^at, 448 ; — Rapports des inspecteurs du pe- nitcntiaire d'etat, ibid. Grande-Bretagne. — De la peine de mort en Angleterre , 449 ; — Rapport sur la population de la Grande-Bretagne, 453 ; — Annales du Radjaslhan , 455 ; —Journal d'une tournde dans Tlnde, 457; — Contarini Fleminj;, autobiogra- TABLE DES MATIERES. 6ll phic psychologique, 460 ; — Repertoire d'invenlions brevelt-es, 4G3, — Traite des proj^res de la fabrication de la porcelaine cl du verrc, ibid.:, — Esquisscs biographiques sur les quadrupfedes, ibith ; — Anecdotes sur W. Hogarth , ibid- Allemagne. — Histoire dc Cantaciizene, 463 ; — Histoire de Foriffine de la hanse teutonique , 464 ; — Documens pour I'histoire de Fribouri; , 465 ; — Ex- pos^ des droits du due de Looz-Corswarem sur la principaule de Filieina- Wolbeck, 467 ; — Atlas de I'Europe par Woerl et Herder , ibid. ; — Excur- sion d'un Russe en Allemagne , 469 ; — Grammaire francaise , par le Loup , 470 ; — Alnianach sans litre , \7\ ; — Histoire des 50 deriiieres anneos, 472 ; — Preparation a Teloquence alleinande, ibid.^ — Georges Venlot, nouvelle, ibid. ; — Anselme ou les fruits de Terreur , roman , ibid. Suisse. — Vie d'Ugo Foscolo , par Joseph Pecchio , 472. Italie. — De I'origine et des progres de chaque litterature , 475; — Esprit de la litterature italienne contemporaine , 474 ; — Tremblemens de tcrre de POm- brie, 478 ; — Grands hommes napolitains, 479; — I,e peinire Longhi dc Ra- venne, 482; — Lefons de physiologic, *83 ; — Opuscules de chirurgic , par Scarpa, ibid. BeLGiQUE. — Carte de la Belgiquc, 483; — Dictionnaire geographique de la province de Namur , 485. France. — Conference de philosophic catholiquc par Fabhe Gerbet, 487; — Les crimes des faux catholiques, par Madrolle, 497; — Du maintien de la peine de niort par M. F. A. Silveia , 499; — Griefs nouveaux des cabinets europ^ens centre le cabinet russe, 509 ; — I^'empereur Nicolas el la constitu- tion polonaise de 181 5 , 515; — Histoire de la papaute , 515 ; — Cours d'his- toirc moderne, par M. Filon, 517 ; — Dictionnaire historique de Feller, 518 ; — Antiquites du grand cimetiere d'Orleans , 519 ; — Voyage de la corvette I'Astrolabe , sous le commandement de M. d'Urville , 520; — Elemens d'une nouvelle legislation des chemins vicinaux, 550 ; — Du fer dans les ponts sus- pendus , 535; — Memorial encyclop^dique, 558 ; — Cours de chimie ^lemen- tairepar M. Payen , 559 ; — Repertoire complet du cholera-morbus , 540; — Cours de lecture hebraique , 542 ; — D'Egmont , Paris et Saint-Cloudy au \ 8 brumaire, 543 ; — Sextus, ou le Romain des Maremmes, 547 ; — Le trap- piste d'Aiguebelle , 550; — Mademoiselle Justine dc Liron , 552; — CEuvres de Charles Nodier, 555 ; — Le Suicide, roman et Satires conlemporaines , par Servan de Sugny, 554 ; — Les femmes poetes franpaises du 19° siecle, ibid.j — Distractions par Henri Monnicr. 555; — Le Breton, journal de Nantes, 558. NOUVELLES SCIEIVTIFIQUES ET LITT^RAIRES. Gr.ANDE Bretagne. — Societ(5 rovale des sciences de Londres, .162; — Biographic de Rvi-on , 563; — CEuvres de miss Edgeworth , 564. Oia TABLE DES MATIERES. Rcssir. — Etatde raE-KliE- TAGNE. Anna, vaudeville de M. Ancelot , 243. Annales du droit ecclesiastique , par Lippert, 159. deRadjastiian, par J. Tod, 455. .\nselme . ronian de Paul Hellmntli, 472. Antholosjie d'Amarou . M., 83. Anthropologie , 418, 568. Antilt>es, 597. Antiquites. Fof. Archeologie. Antiquit^s romaines dcrouvertes "a Pa- vie ct a Plaisance, 197. du clmetifcre d'Orlcans, par Jo'.lois, 519. Arap,o (Jacques). Foy". Cliabert . Aiiciir.oi.oGir, 157, 19G, 198, 4.')5, 519. Arlington , par M. Lister, 1 10. Arts (Des) comme nioyen de pou/er- nement , 558. Arts industriels. Foy. Industrie. Arts niecaniques chez les anciens. M<5- moire sur ce sujet , parM. Jom.nrd , 591. AsiE, 118, 455, 457. Association, /^or. Doctrine deM. Fou- rier. AsTRONOMiE, 154, 567, 575. Atlas de I'Europe en 220 feuilles, pu- bli<5 par Herder, 467. B Sai^nulo [C- (li). Teatro tra^ico , 160. Bailly de Morlicux. Foy. Memorial Balance ( De la) actuelle des partis, 116. Balzac. Foy. Gelatine. Bandeau (Le^ , vaudeville de MM. Van- dcrbuch et Bouilly , 242. Barral. Foy. Uraguay. Bayard. Fo) . Deux. Beaux-Arts , 1 00 , 1 57 , 1 67 , 482 , 555, 658. Beloique , 1 98, 485, 567 Belles-Lettres. For. Litterature. Beres. (E). For. Elemens. BiBLIOGRAPHIE , 157. B,OGRAPHiE,95,99, 102,117, 130, 140.141, 149, 165, 174, 198, 463, 472, 479,482,50,3,586. Birnbwmi {J.-M.-F.). DeilnJ5. • Caprice (Un) de f[rande dame , vaude- ville de MM. Ancelot elXavier,242. Carmouche. F'oy. Contrebandier. Carte de la Belglque d'a[)res Ferraris, 483. Cavcrnes (iNouvelles) a ossemens, de- crilPs par M. Marcel de Serres, 584. Chabert, histoire conleiiiporalne en 2 actes, par l\r. Jacques Arago , 602. Chansons popuiaires des Russiens, M., 444. Charlcs-Quial. Particulariles inedites sur ce prince cl sa cour , reeueiliies par M. de Reiffenberg, 198. Charlon (Kdouard), C. , 40(). Cheminee (La) de 1 748, vaudeville par M. Melesvilie, 604. Chemins vicinaux. f^oy. El^niens. Cherbulicz P"oj\ Matinees. Chimie, 215, 539, 571, 583, 588. Chuiomakcie, 378. Chirurgie. f^oy. Sciemce!> medi- CALES. Giilorurcs (Mcinoire sur les)de soufre, parM. Dumas, 588. Cholera (Du), ))ar Grcenliow, 103. — (Dissertation sur le), parHufelaud, 214. Cholera-morku.s, 102, 105,213,214, 216, 540, 572,588, 596. — (Lc), par le docteur Schnuncr , 104. — Memoire sur le siege de cette mala- die, par M. Serres, 216. Classification dcs connaissances hu- niaines, par M. Ampere, 223. Coin (Le) du feu d'un Hollaiidais, par Paulilinf;, 185. Comte (Achille). P^oy. Tableaux. Concert hislorique de M. F^lis, 248. Concerts du Conservatoire , 246. CONGHTLIOLOGIE , 581. Conciliation (Pour la) des exlren\i.',s , 128. Conferences de pbilosopliiccallioliqiie, par I'abbe Gerbet, 487. '".onfucius. p^oy. Doctrine. — f'oy. Ta-Hio. Considcratinns(l\ouvelles) surTauteur ct le livre de ITinitation, parGcnce, 157. Consomnialion moyennc en ble d\ni indivldu en France et en Itaiie , Memoire de M. Dureau deLamalle , 215. Contiirini I'^Leiidng , autobiographic psychologiquc, 460. Contraction (Force dc) dcs veines dans les grenouilles; Memoire surccsujet de M. Flourens , 201 . Contrasle (Lc) , par lord Mulgravc , 109. Contrebandier ( Le ) , vaudeville par ADL Brazier , (]armouche et de Courcy, 602. Cooper (sir Astley). A'oj". Glandc. Corneille. Imitation italicnuc dc ses tragedies ,150. Correspondauce particulierc de Gar- rick ,117. 6l(i TAULE AP« Cosmupolilisine {D» ) el (If Tassocia- •ion, par M. Cliarlcs Didier, M. , 270. Colon (Question du), 25. Courcy (de). P'or- Conlrebaiidier. Cours d'hisloire du droit politique en Europe, par Ortolan , 1 59. — de philosophic do M. Joiiflroy , 229. — de Ulteralure scandinave, par M. Ampere fils, 238. — d'histoire moderne, parM. Filon , 517. — de chimic elemeiilairc ct indus- trielle, par Payen , 559. — de lecture hcbraique,parS.Cahen, 542. Crim^e f^oy. Agriculluve. Crimes (Les) des faux callioliqucs,pav M. A. Madrollc, 497. Critiques el portraits litteraires , par Sainte-Beuvc , ■174. Crivelli{D.). Delia prrna et tlella secunda Giot'anna , 149. Crombie [A) . Natural theology, ^ ^ ^ Cuba. V^of. Lepidopleres. CrLTE. f^oY- Sciences rfxigiedses. Cuvicr (G.). Koy. Seiche. Dareel. Koy. Gelatine. Dejjeorges (F.). f^oy. Femmcs. Delecluze. /^of. Mademoiselle. DeppinfT , C. 471 . Description de plus de trois cents ani- maux , par Whillinoham ^ 1 1 7. Des vergers. T'^oy. Sylphe. Deux (Les) font la paire , vaudeville, _par MM. Bayard el Varin , 605. Dictionnaire hisloriquede Feller, nou- velle edition , 165, 518. — f;eographique de la province de Na- mur, par ^IM. Meisser et Vander- maelen , 485. Didier (Charles), C. ,270,498. AL'YTIQUE D!PI.OMATH)L'E , 198, 464. Discours de D. Webster, ^95. — annuel prononcd a la SocidtiJ histo- rique de Pensylvanie , par Tyson , 447. Dissertation sur le 22° chapitre de la Genese , par Leroux - Moisand , 154. Distractions, par Henri Monnier, 555. Distribution des prix et exposition de 1851 dans TAcademic des Beaux- Arls do Kavenne , 482. Doctrine (La) d'associationdeM. Char- les Fourier, exposee par M. Abel Transon , M. , 290. — (De la) de Confucius , et de scs rap- ports avec la doctrine chreticnne , par M. P. Leroux , M. , 324. Dorumens pour servir a FHistoire do Fribourf; , par Schreiber, 465. Douancs , 21 . Drame (Le) dprouve a la picrre do touclie do I'ecriture , 116. Droit. Voy. Legislation. — politique. T^oy. Cours. Duihatclet (Madame) , vaudeville de M. Ancelot , 242. Duelliste (Le), drame, par M. do Longpre , 241 . Dufort(Ch.), C, 250. Duhamcl. P"oy Vibrations. Dumas. T'^oy. Chlorures. J^oy. Minium. J^oy. Vapeur. Dumersan , C. , 1 59. Dumont d'Urville. For- Voyage. Dnpin (Charles). F'oy. Obelisques. Durand (E.). T^oy. Manuel. Diireau de Lamalle. P'oy. Consom- malion. Duvernov. T^oy- Tableaux. Eau oxygcnde. Moyens dela preparer, parM. Thdnard, 213. DES MATIERES. da'Micultiirc en Ecolc ( pi'ojet il'iiii Toscane, 195. ECONOMIE DOMESTIQUE , 20(5, 212. — POLITIQUE, 21 , 142, 215, 290, 550. — (principfs d') civile, parScuderi, H2. Edgeworlh (Miss). Publication do ses oeuvres, 564. EnUCATION, 1 47. Edwards. Joy. Gelatine, — / oj'. flannel. Ewinont (D'), Paris et Saint-Cloud au 18 brumaire, 545 Elemens d'une nouvelle legislation des chemins vicinaux, etc., par Eniile Beres, 550. Eloquence(Preparation al') allemande, parHcinsius, 472. Episode de la vie de Claude Tarin , par Ed. Charton, M. , 578. Esquisse de I'hi.stoire de la reforma- tion , par le rev. Blunt ,117. Esquisses d'une lournee dans Tlnde, par Mundy , 457. — biographiqiics de quadrupedes , 465. Essai sur le cliolera, par James Law- rie, 105. Etats-Ukis, 95, 195, 447. Eui{ene Aram , roinan , par M. Bul- wer, 109. Eurot. Voy. Excursion. Excursion d'un Russe en Allemagne , par TV. Gretsch, Iraduit du russe par Eurot , 469. Expose des droits du due de Looz- Corsvvarem sur la principaute de Rhcina-Wolbeck , 467. Fee. f^oy. Vie. Feller. Voy. Dictionnaire. Femmes (Lcs)poetes franraises du dix- neuviemc siecle , par F. Dcgeorge, .^55. O17 Fcr (Du) dans Ics pouts suspendus , par Emile Martin, 555. Fetis. T^oy. Concert. Filon. V^OY- Cours. FiNAKCES, 21. Fistulo laryngienne guerie par M. Vel- peau au moyen d'une operation nouvelle , 595. Flautl (G.). GLi uomi'U illiistri , 479. Flourens. P^oy. Contraction. — f^or. Moelle. Fonctions (Memoire sur les) disconti- nues, par 51. Libri, 577. Fostolo (U(;o). f^oy. Vie. Fossiles (Diicouvcrte d'ossemcns) aux Etats-IJnis, 195. Fourier. P^oy. Doctrine. Fraissc. P'oy. Repertoire. France, 21" 152,201,487,575, 605. Franfois. V oy. Repertoire. Frejus. V^oy, Geologic. Gadebled(L.-L.),C.,496. Garrick [D.) His corresponddiice , 117. Gelatine. Recberches sur ses proprie- tes alimentaires, par MM. Edwards el Balzac, 206. — Lettre de M. Darcet , 212. Gence. ^^o>'. Considerations. Genesc. T^oy. Dissertation. Geofl'roy-Saint-Hilaire. P'oy- Train. Geographie, 118, 467, 485, 485, 520. Geologie , 1 1 7; 1 95 , 427. 478 ,571, 576, 584, 592. — Ses pvogres en 1850 et 1851, M. , 427. — des enviionsde Frejus, parM.Texici\, 592. Geometric. Voy. Matuematkii'es. Georges Vonlot , nouvelle, par Mosen, 472 (Verbcl. J'^oy. Conrcreiices. 6l8 TABLE ANALYTIgUE (ilande Thymus. Son anatomic ct s» phyvsiologic , par sir \stley Cooper, Goethe. Ses dernieres pajjes expliquant a I'AUcmaniie Ics siijcts de philoso- phic naturellc coiilroverses aii seiii dc TAcadcmie dcs sciences dc Pa- ris, 54. — Details sur sa mort , 250. Golb.5ry (P. de), C, 469, 520, ct les articles signcs P. G. Grammaire,128,470, 542. — de la lang'je mongole, par J. -J. Schmidt, 128. — franfaise, par P. -J. Leioup, 470. Grande-Biietacne, 102, 453, 562, 604. Graveurs des monnaics ffrecques. Let- tre a leur sujet, adressde au due de Luynes , par M. Raoul-Rochette, 157. Gravure, 1 57. Greenhov.'. Cholera, 103. Grdgoire mourant condamiie par lar- chevcqiie de Paris. 1 40. Gretsch (iN). Aus/iiiclit eines Hinsen nuch Dcittchland, 469. Griefs des cabinets europecns centre le cabinet russc, parX. Bronikowski , 509. Grifjin {E. O.). Remains, 99. Guepin. T'^oy. IJistoirc. — f^O'W Statistiqne. Guise (li ducliossc de), dramo , par madamc de Soiiza, 192. Gymnase (Theatre du), 242, 603. Hellmuth {P.) Jnsclwus, 472. Uenrion. ^oj . Histoire. H«Sr<;dit<5(Dcs lois de V) organique.par M.-D. Rich.ard, M., 418. Hermann, ou la Civilisation ct la Bar- baric, par Moke, 185. Histoire, 102, 117, 149, 154, 159, 165, 198, 215, 544, 455, 465, 464, 465, 472, 487,515,517, 518, 558, 5G9. — de Portland, par W. Willis, 102 — des Guerrcs civiles d'Irlande , par Taylor, 117. — de Cantacuzenc , edition revue par M. Schopen, 463. — diplomatique dc la hanse teutonique, par Sartorius, publieepar Lappen- bcrjj, 464 — des cinquante dernieres aunecs, par Ludvvig, 472. — dc la Papaute, par Henrion , 515. — dcs progrcs de la ville de Nantes, par Guepin , 558. — du cholera , par Hazlcwijod et Mor- dey, 105. — de la Socur Ines, 1 78. Ilogarl/i [y^ntcdotes ofJJ.), 465. Hommes (les) illusires de Naples, par (i. Flauti, 479. Howls. T^oy. IndiPualioii. Hufeland. f^oy . C\wUv3 . Hugo (Victor). Voy. QSuvre-;. Humboldt, Koy- MoUusques. HYnROGRAl'IIIE, 118, 596. I H Hanse teutonique. T'^yy . Histoire. Hazlewfjod (/^".) and IT' . Moidey. His tory and medical treatment of the cholera, 105. Hegel. Notice siu'sa vie, iSO. Ifege.l's [f^'inke ztir Kritik), 150. Ileinsius {G.) Rildiinj^ zur dcuts- chcn Bcicd.iiiniheil, 472. Imitation, f^ov- Considerations. Impot(De Tassiettc de P), par M. Emile Pereire, M., 21. Indignation d'un Americain ( M. A. Howls), au sujel de MM. de Cha- teaubriand etPt^ricr, 515. iNnusTniE, 465, .130, .555, .559, 571, 591,599. Incs (scEur). f^cj . Histoire. lnnuencc(Dc r)philosophiquc des elu lies orienlalcs , par M. P. Lcroiix, M. , (il>. Ingledew {Jf'-)- Rules for the pre- i'enlion of cholera, 1l)5. InSTITUT. T'oy. SOCIETES SAV ANTES. Institutions politiqiies de la Pologne , par M. Th. Moiawski , M. , 457. Invemtions, 463, 599. Israeli (/>'). Contarini Fleming , 4G0. Italie, 100, 14a, H2, 169, 195, 473, 605. Jeannes (les deux) de Naples, par D. Crivelli, 149. Jollois. P'oj'. AnliquitPs. Jomard. P^oy. Arts. Jouffroy. f^or. Cours. JODRNADX ET ReCOEILS PERIOntQUES : — publics en Allcmagne : les Annales du droit ecclcsiastiquc, parLippert, a Francfort, 159. — Le Terns, a Augsbourg, 140. — publics en France : le Memorial encyclopedique a Paris , 558. — I..C Breton , a INaiites, 558. Kamtscbatka. J-^oy. A{;ricnlture Kurz{H.).nie Ztlt, 140. chole Lappenberg. T'^oy. Tlistoiie. Lawrie {J-). Essay on 105. Lcbrun (Isidore), C. , 530. Lefons sur la vitalile, par G. Rccs, 103. — de physiologic, par L. ^Martini , 485. Lectures (Premieres) des enfans, par Bianca Moyon , 147. Legislatiok," 102, 139, 159, 448, 449, 499, 550, 566. Leloiip {P.-J.). Fianzoesische Gram- matik, 470. DV;S MATIKKKS. Git) L(?pldoplcrcs (Ccntiiric dcs^, de Tile de Cuba , par M. Pocy , 597. Leroux (P.), C, 82,' 345. Leroux-Moisand. /^o;> . Dis.sprtation. LeIIre sur des questions dc philoso- phic, par Jl. Oilgger, 156. Lcltres d'un defunt, 141. Libri. F'oy. Fonctions. Linnee. T^oy. Vie. Lippert [H.-L.) Annalen ties Kir- chenrccltts, 159. Lister, ^rlin^ton , 110. LlTWOCIiAPHlE, 555. LiTTERATORE alleitiandc, (35, (7(; 409, 471, 472. — angiaisc, l09, 460, 565, 5(54. — beige, 185. — des Etats-Unis, 95, 99, 183. — franfaise, 150. 172, 174, 17c, 178, 185, 185, 189,192,364,543' 547,550,552,553,554,601. — grecque anclenne , 465. — italieniie, 150, 472, 474. — orientale, 69. 83, ioh, 138 34 J 455. — ru.'se , 469. — scaiidinavc, 238. — siavonne, 444. URAMATIQUK, 135, 150, 1 95 • 241 001. — (sur le caractere de la ) itallenne au dix-neuvieme siecle , par D. Sacchi, 474. Longhi (Lucas) , pciiilrc de Ravenne 482. Longpre (de). Fay. Duelliste. Loterie (Question de la) , 4,5. Ludwig{A.-F..C.). Geschichte thr Ittzten funfzig Jahren , 472, Ljell (C.) Principles of geolo:^- , -IF Cube [J.) Observations on the cholera, 103. 6?.o I AI!Lr. ANALYTIQUE Mademoiscllo Jiisiinc do Liroii , par E.J. Dcldcluze, 552. Madrollu. f'^oy. Crimes. Magntitisme terreslre. Observations de M. Quclclct a Tobsorvatoirc dc BruxcUcs, 199. — Observations de iM. RiHlbcr;;, 572. Manuel dematicre iiiedicale, par Ed- wards et Vavasscur, tradiiil en an- {jlais par J. Tocbo ct E. Dnrand , 102. 'Marsball Hall. I'oy. Respiration. Martin (E). T'^oy. Fer. Martini {L.). Lezioni tli /isiologiu , 485. MA.THEMATIQ0E3, 221, 571,577, 595. Matinees (I,es) suisses , contcs traduits de Tallemand, par L. A. et J. Cber- biiliez, 176. Meca?iique , 571, 578, 591 . Medaillcs d'originc gauloisc decouver- tes en Bclgique , 198. Medecine. P^oj. Sciences medicalks. Medwin (Tb.). f^oy- Byron. Meisser. f^oj. Dictionnaire. Melanges. F"ox.Memoires. MiSlesville. f^of. Cbentinee. Melodie (Principes de) eld'barmoiiie, par M. Blein, lo7. Memoires et melanges. — De la neccs- site d'une reprtisentaiion pour Ics proletaires [Jean Refiiaml), 1 ; — De Tassiette dc Timpol [Einile Pe- reire), i7 ; — Dernieres pages dc Goethe expliqnant li rAllemapne les sujets dc pliilosopbie naturclle eontroverses au sein de TAcadi'mie des sciences de Paris^ second article, 54; — De rinfluence philosopbiqne des etudes orientales ( P. Leroiix) , 69 ; — Antbologie d'Aniaroii , poelc Sanscrit (./. Reynaud), 85; — Dc Tunile de la Revue Enc\clopcdl(juc, 261; — Du cosinopolitisme el de Tassociation [Charks Didier), 270; — Doctrine d'association deiM. (^b. Fourier ( Abel Transon ) , 299 ; — Des rapports dc la doctrine de Con- fucius avec la doctrine ebretienne {P. Leroux),5M; — Lc Ta-Ilio de Confucius, traduit du cbinois [d. Pttiithier), 344 ; — Poesies du moyen-af;c : Romans des dnuzc pairs de France, 565; — Cbiromaneie : Episode de la vie de Claude Tariii (/'.'(/. C/uirton), 578; — Du pan- tbeisme eu medecine (/liicv), 410 ; — Des lois de Tberedite oryaniquc {D. Jiic/iartl), 418; — Prop.riis de la geolof;ie en 1 850 et 1851 (} ./i.); — Des intentions de la dernicre re- volution polonaise en faveur des paysans [AIora-\vski), 457; — Cban- sons populaires des Russiens , 444. — biograpliiques d'E. O. Griffin, 99. — de.J. Sulkowski , jjublies par H. dc Saiut-Albin , 166. Memorial encyclopedique, public sou'i la direction de M. Bailly dc Mer- lieux , 558. Mcrcure. Lettre au sujet de sou pas- sane surle soleil, ecritcparM. Bou- vard, 567. Mer Noire. J^oy. Portnlan. Messianisme de M. Wronski, 152. M^.TEOROLOGIE, 2^0. Minium ( sur la composition du ), par M. Dumas, 583. Moclle (Anatomic dc lal epiniere de !a tortue francbe, par M. Flourens, 598. Moke. T'^oy. Hermann. Mollusques (Memoires sur les) el i.>- quilles des regions inlertropicales de , 520. nouvelles scie>tifiques et litte- RMREs : AUemagne , 566 ; — Bel- gique; 198, 567; — Etats-Unis , 1 95 ; — France , 201 , 575 ; — Grande-Bretagne , 562; — Italic, 195; — Russie, 565. NuMisM.^TiQiE , 1 57 , 196, 1 98. O Ohelisquesde Thebes. Mcmoire sur les operations relatives a leur transport, par M. Charles Dupin , 578. Observations sur le cholera, par Ainsworth , 1 02. — sur la nature du cholera , par Phi- lip , 105. — sur le cholera, par Mc Cabe . 105. — sur le cholera , par G. Parsons . 105. Paganini, 244. Paiuheisrae (Du) en m^dccinc, par M. Ribes, de Montpellier, M. 410. Palais-Royal Theatre du) , 245, 605. Papaute. f^of. Histoire. Parsons {G.). Observations on cho- lera, 105. Patin (H.), C, 172. Paulding. Foj Coin. Pauthier(G.;, C, 564, 456. Payen. J^oj. Qours. PeaLe (if.). Notes on Italy, 100. Pecchio (J.), p^ita di Ugo Foscolo , A7^. Pecqueur (C), 509. Peine (De la) de morl en Angleterre 450. Peine dc mort. De son maintien , par M. F. A. Silvela, 499. Peinture , 482. Penitentiaires d'etat, en Pensjlvanie. Deu.\ rapports sur leur situation 448. Pensecs sur le cholera , par J. BroLes, 105. Pcreire(E.), C, 55. Peuple (Le) et les fetes publiques , 559. Phenomene ( Le ) cosmo-tellerlquc dans I'atmosphere consider^ dans ses rapports avet le cholera , par Noh, 105. 6'?.a TABLE ANALYTIQUE Philip i^A.-P.-T^'' .). Obseivations on cholera, 103. Philologie, 128, 344, 465, 542. Philosophie, C'J, 1£8, 130, 152, 154, 156,229,261, 290,324,344,410, 487. Phtsiologie, 201, 483, 562, 587. V^GETALE, 571 . Physique, 199,571, 572, 594. Pierre meteoriquc presentee a TAcadc- inie des sciences , par M. Cagniard de la Tour, 220. Poemes orientaux, par M. Q^hlens- chlaeger, 135. Po^siE, 83, 135, 150, 365, 444, 554, 555. Poesies dii moyen age, M., 365. Poey. /-^o^-. L^pidoptercs . Poids (Recherches sur le) dc riiomme, parM. Qu.elelet, 568. Politique, 116, 140, 270, 437, 467, 497, 509, 515, 515. Poloone, 437, 509, 513. Poms suspendus. P^oy. Fer. Population (Rapport sur la) de la Gran- de-Bretap,nc, par Rickman , 453. — rapports cntre ses mouvcmens ot celui du prix des vivres , en Prusse, 567. Portland. F'oy. Ilistoire. Portiilan de la mer Noire, par Taitbout de Marigny, 118. Postes (Question des), 47. Principes de gdologie, par Lyell ,117. Prix decern^s par la Socictd d'encou- ragement pour I'industrie nationale de Paris, 599. — proposes par I'Acad^mie des sciences et belles lettrcs dc Bruxelles, 569. Qu^telet. F'o)^. Magnetisme. — F^oy. Poids. R Rebellion de Bristol. Ses vraies cau- ses, 1 16. Rees (G.). Lee Hires , 103. Reflexions d'un hoinmc d'eglise ,116. Regies pour prdvenir Ic cholera , par Ingledew , 103. Reiffcnbcr- (de), C, 465, 486. — f^oY- Charles-Quint. Reinc (La) de Siam , parodie par M. Jean Giskan, 602. Rende d'Este et ses filles , par E. Munch, 140. R(?pertoire d'inventions brevetdes (pu- blic a Londrcs), 465. — complet du choldra-morbus , par Ch. Fraisse et F. Franfois, 540. Representation (D'une) speciale pour les proletaires , par M. J. Reynaud, M., 1. Respiration des animaiix. Memoire sur ce sujct, par M. Marshall Hall , 562. Revolutions (Progrfes des) de 1640 et 1830, 116. Revue Encyclopedique. De son uni- te, M., 261. Reynaud (J.), C. , 20, 94, et les arti- les signes J. R. Ribes. ^oj-. Pantheisms. Richard (David), de Geneve, C. , 426. Rickman. Comparative account oj the population of Great-Britain, 453. Rochefort. Voy. Sylphe. Roches volcaniqucs des Tourbieres. Mc^moirea leur sujct, par M. Tour- nal 01s, 576. Romans, 109, 172, 176, 17«, 185, 185, 189, 460, 469, 472, 543, 547, 550. 552, 553, 554. — fashionables de TAngleterre, 110. Roulin, C.,223, 598. Rudberg. ^o/. Magnctisme. RussiE, 118, 444,564. RaoMl-RorbrUo. f'oy. (iravcurs. DES MATIERES. 6-i2 Sacclii {D.).Intorno ali' indole della letteratura italiana , 474. Saint-Albin. J^oj. Memoires. Sainte-Beuve. J^oy Critiques Sartoiius{G.-F.). Urkuiulliche Ge- schichte,474. Satires contemporaines , par Servan de Sugny , 554. Scarpa {-■4.). Opuscoli dl chirurgia , 183. Schmidt. Voy. Grammairc. Schnurrer. Die Cholera - morbus , 104. Schreiber {ft.) Beitraege ztir Ge- schichte der Sladt Freyburg , 465. Sciences medicales , 102, 103, 201, 213, 214,216,410, 418,483, 540, 586,594,595. ScIE^CES religieuses, 116, 138, 159, 140, 154,324, 344,487. Scuderi (G). Principj di civile eco- nomia , 1 42 . Sedillot(L.-Am.),C. ,^l«. Seiche (CEufs de la). Mcmoire a leur sujet de M. Cuvier, 202. Sels (De Timpot sur les), 32. Serres. Voy. Cholera-morbiis. — (Marcel de). Voy- Cavernes. Servan de Sugny. Voy. Satires. — Voy. Suicide. Sextus , par madame H. AUard de Thcrase , 547. .Sicile. Elat de la science economique dans ce pays ,142. Silvela. Voy. Veina. 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Vapcur (Dc la densite de la) de qucl- ques corps simples, parM. Dumas, 594. Varictes (Theatre dcs), 602. Varin. Voy. Deux. — T^oy. Sylphe, , Vaudeville (Theatre du), 242, 602. Vavasseur. Voy. Manuel. Vclpeau. V^oy. Fistulc. Vibrations ( Sur les ) d'un systcmc quclconque de points materiels, par M. Duhaniel, 221. Vie dUgo Foscolo , par J. Pccchio , 472. — de Linnee , par M. F<5c, 586. Voyage de la corvette Z'^iiro/oie sous le commandement dc M. J . Dumont d'Urville, 620. Voyages, ^00, 141, 169 , 457, 469 , 520, 574,-577. — bistoriques et littcraires en Italic , par M. Valery, 169. vv Jf'alsh {J.). Oti the [iresenf baliince, 116. JT'ebsler (Z).). Sketches and forenstc arguments , 95. H'hittingham. Description of three hundred animals ,117. {J'itlis{VP'.). The history of Port- land, 102. Wronski. Voy, Messianisme Jf'ullers {J.-H.). Fragmente iiber Zoroaster, 158. X z Xavicr. Voy. Caprice. ZooLociE, 117. 201,463, 577, 581, 585, 589, 595, 597. Zoroastrc. Fragmens sur sa religion , ' par Wiillers- 2 FEB.S'S AVIS. On pent se procurer la collection de I'annee -1 831 et celles des annecs precedeiUes Au bureau de la Revue EircTCLOPiDiQuz, rue des Saints- Peres, no 26. Au prix de 46 fr, poui* Paris. 53 fr,. pour les departemens. 60 fr. pour Tetranger. Chaque cahier deteche coute 5 fr. Aux Academies et aux SocidteCs savantes de tons le.^ pays. Les academics et les socie'te's savantes, of d'ulilile publiqiie , fran<;aises et e'trangferes , sont invile'esa faire parvenir exaCiement , franc de port, au directeur de la Revue Encjrclopddique , !cs comptes rendus de leiiis travaux el les programmes des prix qu'elles proposent. Aux ^dileurs d'ouvrages et aux libraires. MM. !es e'diteurs d'ouvrages pcriodiques , franQais et c'lrangers , qui de'sireraient c'changer leurs recueils avec le n^lre , peuvcnt compter sur le bon accueil que nous ferons a leurs propositions d'e'change, el sur une proniple annonce dans la Revue des publications de ce gciuc , el des autres ouvrages nouvellement publies , qu'ils nous auronl adresse's. Aux libraires , et aux dditeurs d^ouvrages en Allemagnu. MM. DyCK, Hbraire a Leipzig, el Jjeger , libraire a Francfort-sur- le-Mein , sont charge's de recevoir el de nous faire parvenir , par I'inter- me'diaire de MM. Heideloff et compagnie, de Paris, les ouvrages pt'riodiques qui sont destines k IVchange, et les ouvrages que MM. les libraires, ies editeurs et les auleurs, desirciaient iaire annoncer dans la Jievue En- cyrjopedique. Aux libraires, et aux e'diteurs tfoucrages en Angtelerre- MM. DrLAn etCo, hbraircs a Loodrcs , sont chargds de recevoir et de nous faire parvenir des ouvra^diqiic. parait monsncllcnietU , dcpuis Janvier 1819 , par cahicrs dc plus de 200 pages d'iniprcssion. Trois cahicr? torment un volume , icr- . mine par une Table analjtique et alpliiiba'tit/uc Jcs maticres. Oiaque anncc est ind^pcndantc dcs anndcs prccddenles , el oflrc un Anmiaire scicnti/ique it litte'raire en 4 volumes iii-S". PRIX DE L'AB01VI\EM1IVT. f^ Paris 46 fr. pour un an ; 26 fr. pour six mois. Dans les departcmcns. 53 » 30 » A I'diranger CO » 34 » Chaque caliicr se vend scpar^ment 5 fr. Lc montani de la souscription, qui doit eire payc d'avance et envoy*; par la postu; la corrcspondance, ot lout ce qui concerne la r(;daction; les livrcs de tout penre , !cs {'ravurcs , cti;. , dont on ddsire faire rendrc comple , doivcnt eire adrcs- sis, franc Je port, au direeieur de la /{tt'ue Encyclopcdiquc , rue des Sainis- Peres, n" 26. On souscril, a Paris, chez les librauys ci-upres : Treuttel et "WiJRiZ , rue de Bourbon , n" 17 ; — Ret et Gravier , quai des Augustins, n° 55; — Charles Becuet, quai des Au;juslins, n° 55; Roret , rue Kauiefcuillo n" 12; — J. Renouard , rue de Tournou , n" 6 ; — Heideloff , rue Vivienne, n° 16 ; — Cordiex, rue de la VriUierc , si" 2 ; — Paci-im , place dc la Bourse. Bans les principales villes des ddpartemens et des pays Strangers , chez Madrid, Denn^ ; — Peris. Marseille, Canioin; — Maswert. Manheirn , Ailaria ct Fontaine. Milan, Dumolard. Mons , Leroux. Amsterdam , Delacliaui. Berlin, Sclilesingnr. Boideaux, Delpctb. Boston ( Etats-Unis ), Burdcll el C". Bveslau, KeyRel. Bruxelles, Demat; — librairie parisionnc ; librairie modernc, Montagnedela Cour, ■ Riss; — Urbiu. Copenhague , Gyldendal. Florence , Pialli -, — Vicusseux. Fmicforl-sur-Mcin , Jugol ; — Jaeger. Geneve, Clieibuliet. Havre, veuve Duflo. Kcenigsberg, Borntracger. Leipzig, Brock'iiaus ; — Dyclt; — Michelsen. Liege , Desoer *, — Colardin, Londres, Dulau, ctcompagnie; — Ti-eutlel cl WurU ; — Bossango , Bnlhez et Lovvol. Lyon , veuve Raillard ; — Devers. Onsouscrit aussi chez tous les dirccteurs dcs posies, et chez les atitres libraircs de la France ct des pays Strangers. Iiopriircrie d'EvERAT , rat da Cudran, n° 16. Moscou , Oaulier;- Nantes , Forest. Naples , Eoiel ; '— Marolla et Vanfpandock. New- Vorli, Foreign and classical boolsloie ; — Buiard et Mondon. NouvcUe-Orleans , A. L. Boimare. i'e'lerstiourg, F. Bellizard et compagnic ; — Orauf. Rome, Jc Romanii ; — Scalabrini. Rouen, Fiere. Stuttgart el Tubingue , CotU. Varsovie, Glucksberg. Vienne ^ Aulriche ) , G(Jrold. Illllill ';ii;r'h> iwiih' I'll mmm '•MMi'iV'V' iiiiiii