LA Rs 7: AT APS ON DS a > Chu ÿ rm mr \ ÆEx Libres We. # z SIR WILLIAM CROOKES, D.Sc. FRS. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES TOME HUITIÈME 4 fe ur RE REVUE GÉNÉRALE ] a: CE DENT C DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES PARAISSANT LE 15 ET LE 30 DE CHAQUE MOIS Drrecreur : Louis OLIVIER, Docreur ës Scrences TOME HUITIÈME 1897 AVEC NOMBREUSES FIGURES ORIGINALES DANS LE TEXTE PARIS G. CARRÉ et C. NAUD, Editeurs 3, RUE RACINE, 3 1897 8° ANNÉE N°1 15 JANVIER 1897 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Solennités scientifiques. Le jubilé de M. Canuizzaro, — Cest le 21 novembre dernier que l'Université de Rome a fèté les 70 ans du sénateur Stanislas Cannizzaro, l'un des maitres delaChimie moderneet l’un des promoteurs de la Théorieatomique. Ce jubilé aurait dû avoir lieule 13 juil- let, M. Cannizzaro étant né le 13 juillet 1826 ; mais, cet anniversaire coïncidant avec l'époque des vacances, la touchante manifestation oruanisée par ses anciens élèves, sous la présidence du sénateur E. Paterno, avait été remise au 21 novembre. ÿ Daus une séance solennelle où assistaient le marquis di Rudini et S. E. Galimberti, représentant le Ministre de l'instruction publique, ses élèves et ses amis, tant italiens que de nationalités étrangères, ont offert à l'illustre Maître son buste en bronze, par Giani, et une médaille d’or commémorative, avec la mention : A STANISLAS CANNIZZARO AMICI — ALLIEVI — AMMIRATORI ITALIANT E STRANIERI NEL LXX ANNO DELLA NAsGiTA XIII Lucio MDCCCXCWI. L’excédent de la souscription organisée à cet effet s'élevait à 12.000 francs. Suivant le désir du grand chimiste, cette somme sera attribuée à l'Istituto Chi- miro de la Via Panisperna. Eu réponse à l’allocution remarquable de S, E. Ga- limberti, M. Stanislas Cannizzaro a retracé toute l'his- toire de sa longue carrière scientifique, en un beau discours qui a soulevé d’enthousiastes applaudisse= ments. Les nombreux télégrammes arrivés de France nous prouvent que nos compatriotes se sont associés de tout cœur à ces fètes en l'honneur du Maitre qui ré- sume la gloire de la Chimie italienne. 4 G.-F. Jaubert, Préparateur à l'Ecole Polytechnique. REVUE GÉNÉRALE LES SCIENCES, 1597, $ 2. — Nécrologie. Alfred Nobel, — dont le nom restera attaché à l'invention de la dynamite, est mort le 9 décembre dans sa villa de San Remo. D'origine suédoise, il naquit en 1833 en Russie, où son père exploitait, pour le compte du gouvernement russe, une fabrique de poudre. Il s’adonna de bonne heure aux recherches chimiques, et, dès 1862, tenta d'utiliser, comme matière explosive, la nitroglycérine, découverte en 1845 par le chimiste italien Sobrero. C’est à cette époque qu'il vint se fixer à Paris, où, grâce à l'appui de M. Barbe, alors ministre de lAgri- culture, il fonda en France, en Allemagne, et en An- uleterre, d'importantes fabriques de dynamite, Depuis quelques années, Alfred Nobel vivait très retiré, soit dans son hôtel de l'avenue de Malakoff, soit à San Remo, où il possédait une villa et un laboratoire de recherches. Dans son testament, il a manifesté le désir qu'une partie de sa fortune fût consacrée à la fondation d’un certain nombre de prix, qui seront décernés chaque aunée aux auteurs des meilleurs travaux faits sur différentes branches de la science. G.-F, Jaubert. les Un — Art de l'Ingénieur. Le pavage en boïs, — Le pavage particulièrement développé depuis une dizaine d'an- nées, surtout à Paris el à Londres. Dans un ouvrage récent !, M. Petsche expose l’état actuel de la ques- tion, principalement en ce qui concerne Paris, où il a u à faire d'importants travaux de pavage et à diriger la fabricalion des pavés de bois. Nous le suivrons comme guide dans le rapide exposé que nous présen- tons ici. en bois s'est 1 Le bois el ses applications au pavage à Paris, en France et à l'Etranger, par A. PETrsCHE, ingénieur des Ponts et Chaussées, ancien ingénieur du Servic e municipal de Paris. Paris, Baudry, 1896. il io Comme nous l’avons dit, c’est à Paris et à Londres qu'il faut étudier le pavage en bois; les essais faits ailleurs sont trop peu importants pour apporter des renseignements nouveaux. Seul l'échec retentissant de Berlin mérite une étude à part. Au début, en France et en Angleterre, les inventeurs proposent les systèmes les plus compliqués. Les idées simples sont lentes à venir, et c’est après l’essai de formes souvent bizarres qu’on est arrivé aux simples blocs rectangulaires posés sur fondation de béton: Le pavage en bois exige un sous-sol bien tassé et où les ouvertures de tranchées soient rares; lesrépa- rations sont, en effet, plus difliciles à exécuter conve- nablement qu'avec les autres systèmes de revêtements. A Paris, les conduites d’eaux, les fils téléphoniques et télégraphiques sont logés dans les égouts; aucune fuite d’eau ne risque de miner la fondation par-des- sous; on peut tout inspecter et réparer sans ouver- ture de tranchée. Les canalisations électriques pour force, lumière, sont logées sous trottoirs, et la Ville exige qu'il en soit de même des canalisations de gaz, lorsqu'une rue doit être pavée en bois. Tout est donc pour le mieux. Beaucoup d’autres villes moins favo- risées sous ce rapport ont vu, par là même, le déve- loppement du pavage en bois singulièrement entravé,. Les pavés se posent généralement avec de minces réglettes intercalées pour donner un joint d'épaisseur régulière; la réglette peut être laissée à demeure ou enlevée avant le remplissage du joint; ce dernier peut être rempli avec du brai coulé à chaud ou avec du mortier de ciment. Le choix des essences à employer est une des ques- tions les plus délicates. Les sapins et épicéas ont donné des résultats médiocres ; ces bois résistaient mal à l'usure et à la pourriture. Un temps, le pin syl- vestre de Suède a régné presque exclusivement; il est encore très employé en Angleterre. A Paris, il est ac- tuellement détrôné par le pin maritime des Landes. Concurremment avec lui on emploie aussi du pitchpin d'Amérique, plus cher, mais plus résistant, quoique devant être encore classé parmi les bois tendres. Après les bois résineux, sont venus les bois durs, moins sujets à la pourriture, mais plus coûteux. Les bois indigènes sont peu employés: mais l'Australie envoie en grande quantité ses eucalyptus variés, dont certains sont très proches parents de l’acajou; Java envoie le Teck; parmi nos colonies francaises, l’An- nam est la première qui hier nous ait donné les bois de Liem, et demain nous verrons, sans doute, les bois du Congo ! et de Madagascar. En Algérie, de bonnes essencesviennent d’étreacclimatées, mais il n'existe pas encore d'arbre ayant la grosseur voulue. Il y a là pour nos possessions d'outre-mer une source de trafic qui n'est pas à négliger. Bornéo a envoyé quelques bois de fer et l'Amérique du Sud ne s’est pas encore mon- trée sur le marché. Quelle que soit l’essence employée, la réception des bois exige un personnel exercé et une éduca- tion spéciale; sans cela on s'expose à de gros mécomptes ; c’est une des raisons qui entraveront toujours le développement du pavage en bois dans les petites villes, où le personnel spécial ne serait pas bien utilisé. Les procédés de conservation, sulfatage, créosotage, ete. le travail du tronconnage des pavés, exigent des dispositifs spéciaux et ont donné lieu à d'ingénieuses inventions dans le détail desquelles PR RU ET CEA R 4 RS TE 1 Notre collaborateur, M. Henri Leconte, missionnaire de la Sociélé d'études et d'exploilation du Congo français, a trouvé en abondance au Congo de grands arbres dont le bois offre une texture analogue et une dureté égale à celles des Tecks de Java. A la suite de son rapport, la Société a décidé de faire venir du Congo des bois durs destinés à des essais de pavage des rues de Paris et des quais intérieurs des chemins de fer P.-L.-M. — Sur ces bois, voyez l'article publié par M. Leconte dans la Revue générale des Sciences du 15 novembre 1894, t. V, page 797 ct suiv.) NoTE LE LA DIRECTION.) CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE nous ne pouvons entrer. Un des problèmes les plus ardus à été de faire vivre en bonne intelligence le pa- vage en bois et les rails de tramways, et il suffit de traverser Paris pour voir que le problème est loin. d’être résolu, La présence du rail est une cause d'usure pour le bois, et le bois, par sa poussée, a souvent dis-. loqué les voies, La pratique de ces dernières années a conduit à bien des améliorations, mais le champ reste encore ouvert. k La ville de Paris a d’abord concédé les pavages en bois à des sociétés qui se chargeaient de la construc- tion et de l'entretien pendant18 ans, moyennant une indemnité annuelle. la surface ainsi concédée entre 1883 et 1887 a été d'environ 400.000 mètres carrés; elle est actuellement de 450.000 mètres carrés. À par= tir de 1887, la Ville a jugé plus commode et moins cher d'acheter les bois et de faire elle-même la fabri- cation des pavés et les travaux de pavage. La surface ainsi faite est, de 1887 à 1895 inclus, de 467.000 mètres carrés (620.000 mètres carrés avec 1896); ce système est actuellement le seul adopté pour les nouveaux pa- vages, sauf quelques cas spéciaux peu importants. Le pavage en bois est très apprécié en raison de Ja douceur du roulement et de son insonorité. Convena- blement entretenu, il n’est pas plus glissant que le pavage en pierre, il l’est moins que l’asphalte, Comme prix de revient total, y compris entretien, nettoie- ment, etc., il est moins coûteux que la pierre sur les voies très fréquentées, où les revêtements, quels qu'ils soient, périssent par usure. Il est plus coûteux sur les voies à faible fréquentation et mal aérées, où la pierre est à peu près éternelle et où le bois, à la longue, péril non par usure, mais par pourriture, L’asphalte étant entretenu à forfait sans distinction entre les voies plus ou moins fréquentées, les prix de revient ne sont pas connus pour chaque cas et il est difficile de faire une comparaison précise; si elle était possible, elle don- nerait vraisemblablement les mêmes résultats que la comparaison faite plus haut entre le bois et la pierre. Comme propreté, le pavage en bois est supérieur à la pierre, mais reste inférieur à l’asphalte. Enfin, au point de vue de la salubrité, les essais bactériologiques de 1895, faits par M. le Dr Miquel, montrent que le pavage en bois présente toute la sécurité voulue. Encore ces essais n’ont-ils porté que sur les bois tendres et non sur les bois durs employés récemment; il faut donc écarter la légende du pavé transformé en brosse à dents: emmagasinant, répandant les germes meurtriers. Néanmoins, sous ce rapport, on ne peut que recon- naître la supériorité de l'asphalte, et son emploi pa- raît toujours à recommander pour les voies étroites, humides et mal aérées. Le bois, complexe comme tout ce qui est vivant, exige une étude longue et minutieuse, et ce n'est qu'après bien des années, que, sur plusieurs points, on peut se faire une opinion un peu ferme, Que donneront les bois durs récemment employés? Quelle est an juste la durée des diverses essences dans les diverses circonstances; quelle est celle qui sera la plus avanta- heuse dans chaque cas, le bois dur et cher ou le bois tendre et à bon marché? La hauteur des pavés, exagérée tout d’abord sans grande utilité et fixée à 45 centimè- tres, pourra-t-elle être réduite à 10 centimètres ou même 8 centimètres sans inconvénients” Sur la lar- seur et le mode de remplissage des joints, les opi- nions ne sont pas encore bien fixées. Nombre de ques- tions sont encore à l'étude, et la période des essais est loin d’être close. En bien des cas, l’étude n’a pu que donner des indications surles résultats probables, lais- sant à l'expérience le soin de faire son œuvre; mais l'ouvrage de M. A. Petsche, cité au début de cet ar- ticle, expose très complètement ce qui est actuellement connu sur ce sujet, et surtout les travaux faits à Paris, Les spécialistes y trouveront tous Îles détails dans les- quels il nous était impossible d'entrer ici. P. Lauriol, Ingénieur des Ponts et Chaussées CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 3 $ 4. — Chimie. Sur la fin prochaine de la Chimie expéri- mentale, — M. Henri Hélier, dont nous avons dis- cuté les idées sur ce sujet, adresse à notre critique les objections suivantes, que nous nous faisons un devoir et un plaisir d'insérer. L. O. LETTRE DE M, HÉLIER « Monsieur, . «J'ai dit et je persiste à croire que la Chimie expé- _rimentale est presque achevée. Il reste encore à faire la synthèse des corps albuminoïdes, ce qui ne peut tarder, et, à moins qu'un nouveau Lavoisier ne nous ouvre des horizons imprévus, on devra se contenter de glaner dans des champs déjà largement moissonnés. = « Je me hâte d'ajouter, Monsieur, que la récolte sera encore belle, surtout dans le domaine de la Chimie minérale, qui me paraît réserver le plus de surprises. Mais là n’est pas la question, j'ai ajouté que le moment me paraissait venu de synthétiser les faits connus, ou, au moins, de travailler à cette synthèse. Le problème s’est évidemment depuis longtemps posé aux grands esprits qui ont fait la Chimie que nous connaissons ; mais aucun ne l’a résolu. « Les mécaniques chimiques auxquelles ont abouti leurs efforts portent toutes au flanc une large blessure et nous avons assisté ou nous assistons à leurs ruines successives. D’autres, des mathématiciens ceux-là, ont tenté, eux aussi, de résoudre le problème, mais ils ont erré pour n'avoir pas été guidés par le contrôle de l'expérience. C’est cette dernière méthode que jai suivie : idées théoriques solides et contrôle expéri- mental. « Vous reconnaissez vous-même que le point de dé- part de l'expérience est toujours une idée préconçue ; toutes choses égales, d'ailleurs, il vaut donc mieux partir d’une idée théorique solide que d’une idée quel- conque. Cela me parait tellement évident que j'avoue ne pas comprendre pourquoi on me dispute là-dessus. Les plus sensationnelles des découvertes récentesn'ont pas été faites par une autre méthode, je veux parler de la photographie des couleurs et des rayons Rœntgen, ces derniers provenant directement des idées théo- riques de Crookes sur la matière radiante. « D'ailleurs, ces idées théoriques que je préconise, ces béquilles que j'offre aux chimistes, vous les appe- lez vous-même automobiles. Ou je ne m'y connais pas, où c’est là un gros compliment, aujourd’hui que l’au- tomobilisme n’est plus un rêve, qu'on gravit les rampes à raison de 30 kilomètres à l'heure, qu’on fait du 40 en palier et du petit 60 aux descentes. Je pense que beaucoup adopteront ce mode de locomotion, et j'espère que nous pourrons bientôt fonder le Chemist Automobil Club, On ne s’ennuiera pas, croyez-le bien, dans cette nouvelle section de la Société Chimique. « Veuillez agréer, etc. Henri HÉLIER. » «P, S. — La phrasede M. H. Poincaré est tirée de la préface à sa Thermodynamique. Elle ne s'applique pas . spécialement à la loi de Newton, mais bien plutôt aux deux principes de la Thermodynamique. Comme je me suis servi de ces deux principes et que je n'ai pas appliqué la loi de Newton, j'ai cru pouvoir en appeler à l'autorité de M. Poincaré ». Le rôle des carbures métalliques dans la Nature,— Un très petit nombre de carbures mé- talliques étaient connus, il y a quelques années. Les recherches méthodiques de M. Moissan, sur la chimie des hautes températures, l'ont conduit à isoler et à étudier la série à peu près complète des combinaisons binaires que peut former le carbone avec les métal- loïdes et les métaux. M. Moissan, dans un important mémoire publié aux Annales !, donne sur cette nouvelle classe de corps ! Annales de chimie el de physique, T° série, nov. 1896. cristallisés des conclusions générales et fait ressortir le rôle probable des carbures métalliques dans la Nature. En raison de leur facile formation à haute tempéra- ture, par union du carbone avec un métal, ces com- posés ont dû se produire en quantité considérable, pendant les premières époques géologiques, et il est vraisemblable qu'il en existe des masses notables dans l'épaisseur de l’écorce terrestre. D'autre part, l’action de l'eau, sur laquelle M. Mois- san:a toujours insisté, car elle est très caractéristique, donne naissance, par suite de doubles décompositions avec les carbures métalliques, à des carbures d’hydro- gène variés. Ainsi, les carbures des métaux alcalino- terreux dégagent dans l’eau de l’acétylène C? H?; le carbure d'aluminium et le carbure de glucinium de M. Lebeau fournissent du formène CH; les carbures de cerium, de lanthane, d’ytrium et de thorium,un mé- lange de formène et d’acétylène; le carbure de manga- nèse de MM. Troost et Hautefeuille, un mélange de méthâne et d'hydrogène; enfin le carbure d'uranium, des carbures gazeux, méthane et éthylène, de l’hydro- gène, des carbures liquides et des carbures solides. Or, si l'on admet l'existence de dépôts de ces car- bures dans le sol, ces réactions, sous l'influence de l'eau d'infiltration, pourront se produire fréquemment. Il en peut résuller le dégagement brusque d’un volume considérable de gaz, qui est sans doute la cause de certains phénomènes volcaniques. Les com- posés carbonés, asphalte, bitume, carbures gazeux et acide carbonique qui accompagnent les éruptions vol- caniques appuient cette supposition. Le dégagement continu d’acide carbonique du granit aux environs de Saint-Nectaire peut s'expliquer également par l’oxyda- tion totale de carbures d'hydrogène d’origine minérale. En outre, la curieuse décomposition par l’eau du carbure d’uranium permet d'expliquer la formation de certaines sources de pétroles. Plusieurs théories sont actuellement en présence pour rendre compte de l’origine des pétroles. D’après l’une des plus anciennes, on suppose que des plantes marines (fucoïdes) et des animaux surles bords de la mer,se sont peu à peu décomposés dans le sol comme les débris organiques qui ont donné naissance à la houille ou à la tourbe. Une autre théorie admet que le pétrole provient de l’action de l’eau sur des carbures métalliques, les car- bures d'hydrogène formés se polymérisant, se saturant par de l'hydrogène sous l'influence d’une température et d’une pression élevées. Cette théorie parait bien s'accorder avec une expé- rience de M. Moissan, dans laquelle 4 kilogrammes de carbure d'uranium ont donné 400 grammes d'un mélange d'hydrogène, d’éthylène, d’acétylène, de car- bures saturés liquides et solides. Si la polymérisation de ces corps était favorisée par une pression et une température convenables, cette expérience deviendrait une véritable synthèse des pétroles. S'ilest vrai que, dans certains cas, le pétrole a une origine végétale et animale, il semble donc que, sou- vent, celte origine puisse être attribuée aux doubles décompositions possibles entre l’eau et les carbures métalliques. Marcel Guichard. $ 6 — Géographie et Colonisation. Hai-Nan etles influences étrangères, — Tout le monde se souvient des rivalités d'intérêts qui se sont manifestées en Extrême-Orient à la suite de la guerre sino-japonaise, des convoitises multiples qui se sont à ce moment fait jour: ici c'était la Russie qui devait s’annexer la Corée, là le Japon qui ne voulait pas rétrocéder le Liao-tong qu'il venait d'occuper ; plus au sud, c'étaientles Anglais qui, pour se consoler d’une politique peu heureuse, voulaient s’emparerdes Chu-san; enfin, les Allemands qui trouvaient, en La-pa, une situation exceptionnelle tant au point de vue maritime que commercial. 4 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE Et la France, vous demanderez-vous, que faisait-elle pendant ce temps? Elle discutait. Quoi, en effet, de plus facile que de résoudre des questions qui reposent sur le droit, quoi de plus simple que de faire com- prendre que des pirates sont bien des pirates, que c’est un casus belli qu'une violation de frontière par des soldats ou fonctionnaires en armes, que c'est un acte peu courtois que de laisser les mandarins chinois se faire les complices de la piraterie ou d’exciter la populace contre les voyageurs qui parcourent l'Empire. Et c'est sur ces questions que depuis plus de dix ans nous discutons et que nous discutions encore quand les nations étrangères, redoublant d'efforts, cherchant chacune un point favorable pour prendre pied dans le voisinage de la Chine, pensèrent en même temps à visiter Haï-Nan, Un croiseur anglais faisait déjà des sondages à Yu-lin-kan, tandis qu’un japonais arrivait à Sam-a, et que, dans le nord de l'ile, la canonnière allemande « l’Iltis » se livrait à une série d’explora- tions pour reconnaître les rivages et les points favo- rables à un débarquement. Un Francais, le seul qui ait paru dans l’intérieur de l’île, assistait à cette course au clocher et prévenait aussitôt le Gouverneur Géné- LA .Formose _ Lignes de raoig Aion L MichreLs. ok Fig. 1. — Relations géographiques de l'île d'Hai-Nan avec les pays voisins. ral de l’Indo-Chine des visites répétées des étrangers; mais Croyez-vous que nous ayons montré notre pavil- Jon ? Sous prétexte qu’ « on manquait de tout rensei- gnement précis sur Haïi-Nan, que sa géographie inté- rieure et sa situation économique étaient encore inconnues 1 », on refusait de s'intéresser à l'avenir de cette île, point stratégique par excellence. A Hong-Kong, on fit des gorges chaudes de ces excuses, et quelqu'un d'ajouter : « Que n’en avez-vous pas réléré au gouvernement anglais? Il vous eût cer- tainement donné toutes facilités, soutenu même ou pour le moins exprimé ses remerciments ». — Et chez nous ?.. Riende tout cela! Et, pendant ce temps, les Anglais gagnent du ter- rain, sont renseignés sur tout ce qui se passe en Ex- trême-Orient, soutiennent, subventionnent leurs compatriotes et leurs clergymen, et, sans crier gare, s'emparent un beau matin d'un point favorable, Du reste, l'influence américaine les seconde habilement; la simililude de mœurs, le même langage et la par- faite communion d'idées avec les Anglais au point de vue religieux sont les causes directes, en Extrême- Orient, de l'alliance anglo-américaine. L'Allemagne suit à grands pas l'influence anglaise, et ses protégés sont d'autant plus nombreux, actifs et 1 Texte de la réponse (avril 1896), travailleurs, qu'ils sentent qu’en toute circonstance leur gouvernement les soutient avec énergie ; — est-il besoin de rappeler les affaires du Chan-song, de Nan- king, de l’Iltis à Formose, pour voir que l'Allemagne est décidée à agir ? Que nesuivons-nous pas la même politique! Il serait temps, il me semble, de penser à l’extension de la France en Asie. Portez vos regards sur une carte d’Extrème-Orient et examinez la remarquable position d'Haï-Nan (fig. 1), à l’entrée du golfe du Tonkin, comman- dant par ses refuges du sud la grande route de Singa- pore-Hong-Kong.Pensez à la force qu’acquerrait la puis- sance qui occuperait ce point stratégique. Mais, nous- mêmes, n’avons-nous pas des antécédents à faire re- vivre ? Au xrr siècle les Annamites, nos protégés, n'oc- cupèrent-ils pas une partie de la côte sud-ouest de l’ile? En fait, les Chinois ne sont-ils pas étrangers au pays, sont-ils partout chez eux? Demandez plutôt ce que pensent les Sai et les Miou indépendants du massif montagneux, de l’occupation chinoise, des quelques rares postes célestes qui sont sensés tenir le sentier du sud. Aurions-nous déjà oublié les idées de l'amiral Courbet qui voulait faire d'Haï-Nan le centre du rawi- taillement et de ralliement de la flotte francaise dans les mers de Chine? Un pays grand comme toute la Normandie, d’une superficie dépassant de quatre fois celle de l’île de © nes DRE o Véles importantes B£Ya-ln-kan k $ 1- = Légun ennérement uulependante \ "M = - - habitée parles Sar ou-les Mio Fig. 2. — Portion de la figure précédente à plus grande échelle pour montrer la configuration de l'ile d'Haï-Nan. Corse, riche en cuivre, fer, plomb argentifère, or, étain, couvert de jolies forêts aux bois odoriférants, médicinaux, au climat salubre, où plus d’un million et demi d’Asiatiques paisibles et ouvriers, vivent du produit de la rizière ou de la montagne, ne vaut-il pas une attention soutenue, une préoccupation constante ? Commencons par imiter l'Angleterre et l'Allemagne en nommant un agent qui représentera la France. La maison francaise qui est installée à Haï-Nan et qui y tient en jeu les plus gros intérêts européens engagés dans le pays, ne vaut-elle pas un encouragement et surtout une protection? Oublions nous aussi que nous sommes les « Protecteurs de la religion catholique » en Chine, faillirions nous devant le seul point poli- tique qui nous donne une des rares raisons de nous montrer en Extrème-Orient, et, bien que l'ile soit dé- volue à deux missionnaires porlugais, ne devons-nous pas leur venir en aide dans leurs démélés avec les au- torités chinoises ou bien avec la puissante mission protestante américaine ? Jugeons avec intérêt les questions asiatiques, la for- tune de la France est d'avance assurée en Extrème- Orient, sous la condition d’un programme étudié de l'extension des intérêts francais. Haï-Nan est à notre porte, surveillons-la, car l'avenir de la France en Asie et surtout la sécurité de notre bel Empire Indo- Chinois nous le commandent. CI. Madrolle. mnt tn dit. 4 Été Eh: à LR # ÿ R. ZEILLER — LES PROVINCES BOTANIQUES DE LA FIN DES TEMPS PRIMAIRES D) » LES PROVINCES BOTANIQUES DE LA FIN DES TEMPS PRIMAIRES Lorsque l'on a commencé, il y a environ trois - quarts de siècle, à s'occuper de l'étude des plantes _ fossiles, et plus particulièrement de celles qu'on rencontre dans les dépôts houillers, on n'a pas tardé à être frappé de la constance decomposition _ que présentait, d'un point à l’autre du globe, la flore de ces dépôts. Les genres et les espèces ob- servés dans tel ou tel bassin de la France ou de l'Allemagne se retrouvaient exactement les mêmes, non seulement dans les autres gisements houillers de l'Europe, mais dans ceux de l'Amérique; et, lorsque les explorations s’étendirent davantage, on les vit reparaître également au sud de l'Afrique d'un côté, el de l’autre jusque dans les régions arctiques. On constatait sans doule, à mesure qu'on pénétrait plus avant dans la connaissance de la flore de l'ère paléozoïque, que cette flore s’élait peu à peu modifiée, et que les plantes de l'époque permienne, par exemple, n'étaient plus les mêmes que celles des premiers temps de l’époque houillère ; mais on reconnaissait en même temps, sur tous les points où la série géologique était suflisamment complète, que partout les mo- difications avaient été les mêmes et s’élaient suc- cédé dans le même ordre, si bien qu'il ne semblait pas douteux que, pendant toute la durée des temps primaires, les différentes régions émergées de notre globe eussent été à chaque époque sem- blables les unes aux autres par la composition de leur flore. Cette flore, envisagée dans son ensemble, pos- _ sédait, d’ailleurs, en propre certains types aisé- ment reconnaissables, qui ne permettaient de la confondre avec aucune autre : d’abord de nom- breuses Lycopodinées arborescentes de caractères plus ôu moins variés, Lépidodendrées et Sigilla- _ riées; puis des Equisétinées géantes, à feuilles libres ou à peine soudées à leur base, tantôt dres- sées, comme les Astérophyllites, tantôtétalées dans le plan des rameaux, comme les Annularia; enfin, sans parler d'autrestypes moins importants, quan- tité de Fougères à frondes souvent de très grande taille, tripinnées ou quadripinnées, se répartis- sant en un grand nombre de genres. Dès le début des recherches, cependant certains dépôts réputés houillers, tels que ceux de la Nou- velle-Galles du Sud, en Australie, avaient fourni à Ad. Brongniart des formes différentes, à savoir des Equisétinées à feuilles soudées, sur une partie de leur longueur, en une gaine plus ou moins sem- blable à celles de nos Prêles, pour lesquelles il avait créé le genre Phyllotheca, et des Fougères à frondes simples, entières, à nervures anastomo- sées en réseau, auxquelles il avait donné le nom générique de Glossopteris ; mais des feuilles presque semblables à ces dernières par la forme et par la nervation s'étaient rencontrées, dans le Jurassique de l’Europe sur différents horizons, et Brongniart, qui les avait rangées dans ce même genre (r/osso- pteris, faisait observer que la flore des couches de charbon d'Australie, si peu connue qu'elle fût encore, semblait offrir beaucoup plus d’affinités avec la flore jurassique qu'avec la flore houillère. Les‘paléobotanistes qui se sont occupés après lui de la flore fossile de la Nouvelle-Galles du Sud avaient élé encore plus frappés de ces aflinités et n'avaient pas hésité à la considérer comme juras- sique; il en avait été de même pour la flore des couches charbonneuses de l'Inde à G/ossopteris et à Phyllotheca, et la découverte de Phyllotheca dans le Jurassique européen élait venue fournir un argu- ment de plus à l'appui de ce classement. Il est vrai que, par contre, on avait été amené à séparer des vrais Glossopteris les feuilles à ner- valion anastomosée trouvées dans les dépôts secondaires de l’Europe, ayant reconnu en elles, au lieu de frondes simples, des folioles détachées de feuilles quadrifoliées plus ou moins analogues àcelles des Jarsilia, et qu’on en faisait désormais un genre à part, sous le nom de Sagenopteris ; l’aflinité signalée par Brongniart devenait ainsi quelque peu contestable. Mais le principe de l’uniformité de la flore paléozoïque sur toute l'étendue du globe semblait avoir reçu une confirmation nou- velle par la découverte, en Australie même, dans des couches, les unes dévoniennes, les autres car- bonifères, de plantes respectivement identiques, non seulement comme genres, mais comme espèces, à celles qu'on reconnaissait en Europe pour les plus caractéristiques, et de la flore dévo- nienne,et de la flore carbonifère inférieure. Aussi, malgré les arguments stratigraphiques mis en avant par les géologues locaux, les paléobotanistes élaient-ils unanimes, il y aune quinzaine d'années encore, tout au moins en Europe, à rapporter à la période secondaire ces couches à Glossopleris et à Phyllotheca de l'Australie et de l'Inde, ainsi que celles de l'Afrique australe dans lesquelles avait été observée la même flore. Les idées sont aujourd’hui complètement modi- 6 R. ZEILLER — LES PROVINCES BOTANIQUES DE LA FIN DES TEMPS PRIMAIRES fiées, grâce aux observations nouvelles, plus pré- cises et plus détaillées, dont celte «flore à Glosso- pleris » et les couches qui la renferment ont été l'objet, principalement en Australie et dans l'Inde et, plus récemment, sur d’autres points du globe. Il faut citer en première ligne les travaux de W.-B.Clarke, qui ont mis hors de doute l’intercala- tion sans accident, au milieu de la série carboni- fère à fossiles marins de la Nouvelle-Galles du Sud, de couches de charbon renfermant précisé- ment les types caractéristiques de cette flore, Glossopteris et Phyllotheca. En outre, dans ces mêmes couches et à côté de ces formes lypiques, 0. Feistmantel a reconnu la présence d’un Annu- laria à peine distinct de l’une des espèces de la flore houillère d'Europe et d'Amérique, établissant ainsi un lien entre celle-ci et la flore si particu- lière qu'on avait seule observée jusqu'alors dans les dépôts charbonneux d'Australie. D'autre part, les études géologiques entreprises notamment par MM. Oldham, Blanford et Wilkinson, ont per- mis de raccorder straligraphiquement, au moins à grands traits, les couches à végétaux fossiles de l'Inde avec celles de l'Australie, ainsi qu'avec celles du sud de l'Afrique; de son côté, Feistman- tel, en étudiant en détail la flore de ces couches et les variations qu’elle présente d’un niveau à l’autre, fournissait de précieux éléments pour ce raccordement, en même temps qu’il faisait ressor- tir les affinités que possèdent, avec certaines espèces de la flore triasique de l'Europe, quelques- uns des types qui se trouvent, dans les formations indiennes, associés aux Glossopteris et aux Phyllo- theca. J'ai montré moi-même, il y a quelques années, comment la constitution de la flore des couches de charbon du Tonkin, formée d'un mé- lange de types spécifiques de la flore rhélienne de l'Europe et de la flore fossile indienne, venait à l'appui de l’attribution au Trias de la portion la plus élevée des couches à Glossopteris de l'Inde, et j'ai fait voir à celte occasion, en m'appuyant sur les résultats fournis par l'étude de la flore fossile de la région sud-asiatique, australienne et australo- africaine, qu'il avait dû y avoir sur le globe, vers la fin de la période primaire et au début de la période secondaire, deux grandes provinces bota- niques bien distinctes, entre lesquelles le sud de l'Asie semblait avoir formé un trait d'union, tout au moins à l’époque triasique et rhétienne. Depuis lors, de nouveaux documents ont été recueillis, en Afrique d'une part, dans l'Amérique du Sud de l’autre, au Brésil notamment, où une série d'empreintes, provenant des gîtes charbon- neux de Rio Grande do Sul, m'a permis de recon- naître un nouveau point de contact entre ces deux provinces, et m'a fourni en même temps un utile repère pour la parallélisation des dépôts formés respectivement dans l’une et dans l’autre. Nous n'avons sans doute encore, sur cette ques- tion de la répartition des types végélaux à la sur- face de notre globe aux époques anciennes de son histoire, que des renseignements bien incomplets, et, quelques découvertes qu'on puisse espérer dans l’avenir, il restera toujours dans nos con- naissances à cet égard des lacunes considérables, les couches à plantes fossiles étant relativement" rares, les végétaux qui vivaient sur la Terre à une époque donnée ne nous ayant élé conservés que sur un petit nombre de points et les débris qu'ils nous ont laissés ne représentant nécessairement qu'une fraction, peut-être assez faible, de la flore de cette époque. Néanmoins les documents que nous possédons aujourd’hui sont loin d’être sans valeur, et il semble qu'il y ait dès maintenant quelque intérêt à les résumer. I La flore de la période dévonienne, la première sur laquelle nous ayons des données un peu posi- tives, parail, ainsi que je le disais tout à l'heure, avoir élé la même sur toule l'étendue du globe; du moins retrouve-t-on dans les couches dévo- piennes d'Australie, classées comme telles d’après les fossiles marins qu’elles renferment, les mêmes types végélaux que dansles dépôts correspondants d'Europe et d'Amérique, assez pauvres d’ailleurs, les uns comme les autres, en empreintes de plantes. Il en est de même au commencement de la pé- riode carbonifère, à l'époque du Culm, dont la flore nous est mieux connue, grâce surtout à l’exploi- talion des gites de charbon assez nombreux re- montant à cette époque; elle comprend notamment diverses Lépidodendrées, des Équisélinées du genre Asterocalamites ou Bornia, et des Fougères assez va- riées, entre autres du genre Rhacopleris, à frondes simplement pinnées. Les mêmes types végélaux se sont rencontrés dans les divers gisements de cette époque qui ont été explorés en Europe, en Asie, et dans l'Amérique du Nord, et la même flore aété reconnue jusque dans lesrégions arctiques, notam- ment au Spitzherg. Elle parait représentée égale- ment dans la région saharienne, d'après les quel- ques échantillons de Lépidodendrées, malheu- reusement mal conservés, qu'a pu y récolter M. Foureau. Elle a été relouvée de même, sans modification sensible, d'une part dans la Répu- blique Argentine, d'autre part dans le Carbonifère inférieur de Victoria, de Queensland et de la Nou- velle-Galles du Sud. Il y avait ainsi, à cette époque, identité com- plète entre la flore de l'hémisphère austral et celle de l'hémisphère boréal, et l’uniformité de la R. ZEILLER — LES PROVINCES BOTANIQUES DE LA FIN DES TEMPS PRIMAIRES 7 D ——_—_—_—_———————————————————…——————————————— | végétation parait bien avoir élé absolue. Peut-être cependant les différences qui devaient se mani- fester vers la fin de la période houillère s’annon- çaient-elles dès ce moment par l'apparition, en Australie, des premiers représentants de ces (rlos- sopleris qui allaient occuper bientôt une place si importante dans la flore de cesrégions : on aurait _ recueilli, en effet, à Arowa, dans la Nouvelle- - Galles du Sud, associé à des Rhacopteris, un Glosso- pleris,qui serait l'espèce la plus ancienne du genre et en ferait remonter ainsi l'apparition jusqu’au Culm; mais la trouvaille, signalée par Mac Coy, a élé unique, et des doutes sérieux se sont même élevés sur la provenance de l'échantillon, de telle sorte que la coexistence de ce genre avec les es- pèces cosmopolites du Culm demeure singulière- ment problématique. Il est certain, dans tous les cas, si le fait est réel, que les Glossopteris étaient alors d’une excessive rareté, et n'imprimaient en- core à la flore australienne aucun caractère parti- culier. Il A la période houillère proprement dite corres- pond dans nos régions une flore extrêmement riche, composée surtout de Cryptogames vascu- laires avec quelques Gymnospermes; il n’y à pas lieu d'entrer ici dans l’énumération détaillée des types qui la constituaient, et dont j'ai cité tout à l'heure les plus caractéristiques; il faut cependant, à côté de ceux-ci, en mentionner encore deux autres, déjà observés. plus bas, et qui ont con- tribué à donner à la flore paléozoïque le facies particulier qu'elle possède, à savoir les Spheno- vhyllum, constituant une classe à part de Cryplo- games vasculaires, et les Cordaïtes, appartenant à l'embranchement des Gymnospermes, dont ils semblent avoir été les plus anciens représentants. Les modifications que la flore a subies pendant la période houillère permettent, bien qu'elles se soient opérées graduellement, de distinguer dans celle. période deux époques principales, l’époque westphalienne, qui fait suite à celle du Culm, et l’époque stéphanienne, à laquelle, avec de faibles modifications de la flore, succède directement l'époque permienne. C'est au cours de celte dernière que semblent avoir disparu les principaux types de la flore paléo- zoïque, et en particulier les grandes Lycopodinées arborescentes qui avaient joué jusque-là un rôle | si considérable, pour faire place à une série de types nouveaux, appartenant notamment à la | classe des Cycadinées, qu'on voit apparaître vers le sommet des couches stéphaniennes et qui vont | former l’un des traits dominants de la flore, de- puis le Trias jusqu’à la fin du Jurassique. Il existe malheureusement, à la fin de l'ère paléozoïque, de graves lacunes dans nos connais- sances, la flore de la seconde partie de l'époque permienne, comme celle des deux termes inférieurs du Trias, ne nous ayant laissé que des témoins fort insuffisants; mais ce dont on estassuré, c’est que, pendant toute la période houillère, lamarche de la végétation a été, dans toute l'Amérique du Nord, la même qu’en Europe, et que,surloute cette étendue, la flore a été à tout moment semblable à elle-même d’un point à l’autre. En effet, plus les recherches se sont développées, et plus cette uniformité de la flore s’est affirmée, les mêmes genres, les mêmes espèces se retrouvant sur le même horizon d'un bout à l’autre de l’Europe et reparaissant au même niveau dans la série houillère du Canada ou des États-Unis; il a continué d’ailleurs à en être de même par la suite, et l'identité de composition se révèle tout aussi frappante dans les dépôts, soit permiens, soit triasiques, de l’un et de l’autre con- tinent, dans lesquels ont été recueillis des végétaux fossiles. Si de l'Europe on passe en Asie, on y observe encore les mêmes faits : en Asie Mineure d'abord, où les gites houillers des environs de l’ancienne Héraclée renferment d'abord, dans leurs couches les plus profondes, les espèces habituelles de la flore du Culm, puis celles du Westphalien infé- rieur, et, à leur sommet, celles de la zone la plus élevée de ce même étage. A l’autre extrémité du continent asiatique, la flore houillère reparail en Chine, notamment dans les grands bassins du Shansi et du Hunan, où F. von Richthofen a re- cueilli diverses Fougères, Sphénophyllées, Equi- sétinées, Lépidodendrées et Cordaïtées, identiques ou étroitement alliées à celles que nous trouvons, dans le centré de la France, sur la limite com- mune du Stéphanien et du Permien. Enfin, dans les couchescarbonifères de l'Afrique australe, à quelque distance du Cap, Grey areconnu une série de Fougères, d’'Equisétinées, de Lépido- dendrées, de Sigillaires, spécifiquemment iden- tiques à celles de notre flore westphalienne. Plus près de l'équateur, les échantillons recueillis par M. Lapierre dans le bassin houiller de Tete, près du Zambèze, ne m'ont fourni de mème que des es- pèces communes dans notre flore houillère, mais correspondant à un niveau plus élevé que celles des dépôts houillers du Cap, à savoir à la portion inférieure ou moyenne du Stéphanien. Ainsi la flore qui vivait en Europe durant la pé- riode houillère se retrouve à la fois dans l'Amérique du Nord, en Asie jusque dans l’Extrème Orient, en Afrique jusqu'à son extrémité méridionale, caractérisée par les mêmes formes spécifiques, associées de lamême manière, et les modifications 8 R. ZEILLER — LES PROVINCES BOTANIQUES DE LA FIN DES TEMPS PRIMAIRES qu'elle a subies d'un boul à l’autre de cette pé- riode ont été les mêmes sur tous les points. Ce n'est pas cependant qu'il n'ait pu y avoir, au mi- lieu de cet ensemble d’espèces partout semblables à elles-mêmes, certains types, spécifiques ou gé- nériques, moins répandus, et n'ayant joui que d'une aire de dispersion relativement limitée ; mais-si, parmi ces types qui semblent ainsi can- tonnés dans une région plus ou moins restreinte, quelques-uns, comme les Zdiophyllum de la Chine et des États-Unis ou les Vœggerathia du terrain houiller de l'Europe centrale, se font remarquer pas des caractères bien tranchés, ils demeurent toujours noyés dans un ensemble d'espèces ubi- quistes trop considérable pour que leur présence ou leur absence puisse altérer en quoi que ce soit le caractère d'uniformité générale de la végéta- tion. 5 III Pendant que cetle riche flore s’étendait sur une si grande partie de notre globe et y poursuivait son évolution graduelle, l'hémisphère austral et la région méridionale de l'Asie voyaientse développer d’autres formes végétales toutes différentes, et infiniment moins variées. La flore à Glossopteris ne compte guère en effet, si l’on n’envisage que ses éléments essentiels, que quatre types génériques distincts, sans parler des Vertebraria, demeurés si longtemps énigmatiques el cités toujours comme un des genres les plus caractéristiques de cette flore, mais que j'ai reconnus récemment pour n'être autre chose que les rhizomes des (r/osso- pteris. Ces quatre types sont, d’abord, deux genres de Fougères, les Glossopteris, et les Gangamopteris, voisins des (rlossopleris, mais différant par l’ab- sence de nervure médiane, puis un genre d'Equi- sétinées, les PAyllolheca, el un genre de Gymno- spermes, les Nœggerathiopsis, représentés par de grandes feuilles simples, assez voisins, à ce qu'il semble, des Cordaïtées, et qui rappellent seuls dans cet ensemble un des types familiers de notre flore paléozoïque, tandis que tous les autres de ceux-ci paraissent faire absolument défaut. On comprend sans peine que, dans une flore aussi pauvre et dont pas mal d'espèces semblent, en outre, avoir eu une longévité considérable, il soit assez difficile de saisir des différences suscep- tibles de permettre la distinction des niveaux ; les Gangamopteris fournissent cependant un précieux repère, par leur abondance extrême àun moment donné, après quoi les ({ossopteris, qui n'occupaient à côté d'eux que le second rang, se multiplient considérablement el prennent la première place, pour diminuer ensuite peu à peu dans les niveaux supérieurs.Onavail,d’ailleurs, reconnu laprésence, en Australie, dans l'Inde et dans l'Afrique australe, à la base même de l'étage à Gangamopteris, de con- glomérats particuliers, considérés par la plupart des géologues locaux comme ayant une origine glaciaire, et qui avaient permis de paralléliser les formations de ces trois pays avant que la flore en eût été étudiée en détail, de sorte que les observa- tions paléobotaniques se sont trouvées parfaite- ment d’accord avec les observations stratigra- phiques. On avait, de même, été amenéà penser, d'après les résullats des études géologiques et paléonto- logiques faites sur ces différentes régions, que les couches à Gangumopteris, ainsi peut-être qu’une partie des couches à Glossopteris qui les surmontent, devaient correspondre au Permien ; mais cette dé- termination d'âge pouvaitencore être discutée, lors- que j'ai eu récemment l’occasion de constater l’as- sociation, dans les dépôts charbonneux du Brésil méridional, des Gangamopteris, d'une part avec des Lépidodendrées de notre flore houillère et per- mienne, d'autre part avec des Fougères visible- ment alliées à certaines formes de notre Permien inférieur. Il ressort de là que les Gangamopteris correspondent bien au début de l'époquepermienne ou à la fin de la période houillère, aux derniers temps de l’époque stéphanienne, et les rapports d'âge des couches à (/ossopleris avecnoscouchesper- mocarbonifèresse trouventainsiprécisés. Un autre repère aété fourni d’ailleurs, au sommet de la série, par la présence de (lossopteris, les derniers sans doute, dans les dépôts charbonneux du Tonkin, où ils sont noyés au milieu d'une flore très variée, en grande partie formée de types génériquement et spécifiquement identiques à ceux qui vivaient en Europe à l’époque rhétienne. Quant à la date à laquelle les premiers repré- présentants de celte flore à Glossopteris ont fait leur apparition, elle est plus dificileà fixer exactement, élant donné qu’on ne saurait considérer comme établie la présence d'un Glossopleris dans le Culm de la Nouvelle-Galles du Sud : les couches qui suc- cèdent en Australie à celles du Culm sont de for- malion marine et renferment uniquement des fos- siles animaux, el ce n’est que versle sommet de la série qu'on voit, dans la Nouvelle-Galles du Sud, des couches de charbon s'intercaler dans cette for- mation marine, à un niveau un peu inférieur à ce- lui des conglomérats qui correspondent à la base de l'étage à Gangamopteris ; on a recueilli dans ces couches, d'âge vraisemblablement stéphanien, quatreoucinq espèces de G/lossopteris, un Phyllotheca etun Nœggeralhiopsis, associés à un Annularix lrès voisin d'une de nos espèces houillères et qui pa- rait devoir être regardé comme un dernier Lémoin del’existence, dans la région australienne, denotre R. ZEILLER — LES PROVINCES BOTANIQUES DE LA FIN DES TEMPS PRIMAIRES 9 flore houillère normale, laquelle aurait sans doute succédé là, comme dans l'hémisphère boréal, à la flore du Culm, et n’aurait définitivement cédé la place à la flore à Glossopteris qu’au cours de l’époque stéphanienne. C'est là, malheureusement, le seul renseignement qu'on possède, les autres États d'Australie, Victo- ria, Queensland et la Tasmanie n’ayant pas offert de couches à plantes intermédiaires entre le Culm et l'étage à Gangamopteris ; dans ces divers États, on observe d’ailleurs, avec plus ou moins de net- teté, la même succession, les Ganyamopteris carac- térisant les niveaux inférieurs de la série, pour laisser ensuite la place aux Glossoptleris, particuliè- rement abondanis et variés dans les couches de Newcastle de la Nouvelle-Galles du Sud ; et partout aussi la flore à Glossopteris se montre sans mélange, ne comprenant guère,en dehors des quatre genres cités plus haut, que quelques rares Fougères, du groupe des Sphénoptéridées, et quelques débris de Conifères. Dans les couches qui succèdent à celles-là, dans celles notamment de Tivoli ou d'Ipswich dans l’État de Queensland, et de Jérusa- lem en Tasmanie, on ne trouve déjà plus ni &los- sopteris, ni Gangamopteris, ni Nœggeralhiopsis, el les quelques PAyllotheca qu'on y rencontre y sont mêlés à des espèces dont la plupart, sauf peut- être une ou deux Fougères, comme le 7kinnfeldia odontopteroutes, sont alliées de fort près à des types du Trias supérieur ou du Rhétien de l’Europe ou des États-Unis, de telle sorte que la flore, prise dans son ensemble, n'offre plus de contraste sen- sible avec celle de nos régions. Cependant, en Nouvelle-Zélande, on observe encore, d’après M. Crié, quelques (Glossopteris à peu près sur’ ce même niveau du Trias supérieur ou du Rhétien, mais perdus dans une flore tout à fait semblable à celle des dépôts correspondants d'Australie et de Tasmanie. Au sud de l'Afrique, où nous avions retrouvé notre flore westphalienne aux environs du Cap et notre flore stéphanienne dans la vallée du Zam- bèze, la flore à (lossopleris apparait avec la série des formations du Karoo, les Gangamopteris se montrant dans les schistes de Kimberley, et les Grlossopteris leur succédant, avec les Nœggerathiopsis et quelques rares PAyllotheca, dans l'étage de Beau- fort, auquel appartiennent une partie au moins des gites de charbon du Transvaal, ainsi que l'in- diquent les échantillons rapportés à l'École des Mines par M. de Launay. Là, comme en Australie, la flore est singulièrement peu variée, et se réduit aux quelques types que j'ai cités; mais immédia- tement au-dessus, dans l'étage de Stormberg, qui forme le couronnement de la série de Karoo, et de même encore qu'en Australie, les types de la flore à (rlossopteris semblent avoir disparu pour faire place à des espèces beaucoup plus voisines de celles de notre flore triasique ou rhétienne, à part toute- fois le Tinnfeldia odontopleroides, qui se rencontre également ici. Dans l'Inde, la succession est la même: au-des- sus des couches à Gangamopteris de Talchir et de Karharbari, qui font suite aux conglomérats de Talchir, viennent les couches à (rlossopteris de Damuda, et, au sommet de la série dite des Middle Gondwanas, les couches de Panchet, où les (7/osso- pteris ne liennentplus qu'une place restreinte, asso- ciés d’un côté au Thinnfeldia odontopleroides, et de l’autre à des Pécoptéridées el des Ténioptéridées identiques ou alliées de près à des espèces de nos formations triasiques supérieures ou rhétiennes. Mais ici la flore est beaucoup plus variée qu'en Australie et dans l'Afrique australe, et comprend des formes quirappellent singulièrement quelques- unes de celles du Permien ou du Trias inférieur de nos régions: c’est ainsi que l’on remarque, dans les couches de Karharbari, une Fougère, Wewro- pteridium validum, voisine du Nevr. grandifolium du Grès bigarré des Vosges,et dans l’étage de Damuda une Équisétinée, à peine distincte du Srizoneura paradoza de la même formation, tandis que le Sphenoplyllum speciosumetle Cyathea(?) Tehihatchewise rapprochent, le premier de certains Sphenophytlum de nos dépôts stéphaniens et permiens, le second du. Pecopteris leptophylla de notre Permien inférieur. L'extension de la flore à Glossopleris dans la région sud-asiatique est encore attestée, plus à l'est, par la présence, dans les couches charbon- neuses du Tonkin,de Næygerathiopsis et de quelques rares (rlossopteris qui ne tiennent plus alors qu'une place insignifiante au milieu d’une flore où se retrouvent un grand nombre d'espèces du Rhétien de l'Europe, avec quelques types spécifiques du Trias supérieur ou du Lias inférieur de l'Inde. Au nord-ouest de l'Inde, M. Griesbach a signalé de même, dans l'Afghanistan, la présence de (los- sopleris dans des couches infrajurassiques ren- fermant en outre d’autres formes de la flore fossile indienne qu'il n'a malheureusement pas précisées. Enfin un dernier jalon a été fourni, entre l'Asie et l'Australie, par les empreintes de Vertebraria (rhizomes de (lossopleris) et les Phyllolheca que M. Tenison-Woods a observés à Bornéo, dans les gites charbonneux de Sarawak. Dans l'Amérique du Sud, la flore à (lossopteris est longtemps restée ignorée, et la constatation de son existence est des plus récentes: annoncée en 1891 dans le sud du Brésil par M. Heltner sans mention précise des types observés, elle n'a été en effet mise hors de doute qu'en 1894, dans la République Argentine, par M. le D' Kurtz, qui a 10 R. ZEILLER — LES PROVINCES BOTANIQUES DE LA FIN DES TEMPS PRIMAIRES découvert dans la province de San Luis, une flore tout à fait semblable à celledes couches indiennes de Karharbari, avec Gangamopteris, N'œggerathiopsis et Vevropleridium validum. J'ai moi-même, en 1895, reconnu la présence, dans les échantillons de Rio Grande do Sul rapportés par M. Hettner ou faisant partie des collections de Madamela Comtesse d’Eu, du Ganyamopteris cyclopteroides, l'espèce Lypique du niveau de Karharbari, associé à des Lépidoden- drées de notre flore permocarbonifère, au ZLepido- phloios laricinus notamment, et à des Fougères aflines à la fois au Nevropteridium validum età cer- taines de nos Odontoptéridées permiennes. La ré- gion méridionale du Brésil confinait donc, au mo- ment du dépôt des couches où ont été trouvées ces empreintes, aux deux flores dont il est ici question, la flore à Lépidodendrées d’un côté, el la flore à Glossopteris de l’autre. Tout dernièrement enfin, MM. Bodenbender et Kurtz ont observé de même, dans la République Argentine, en divers points de la province de la Rioja, au nord-ouest de celle de San Luis, des associations semblables, à savoir des Lépidoden- drées en mélange avec Glossopteris, Nœggerathiopsis el Nevropleridium validum. Y n’est pas sans intérêt d'ajouter que, dans la République Argentine, à la flore à (lossopteris ont succédé exactement les mêmes formes végétales qu'en Australie, dans l’Afrique australe ou dans l'Inde, comprenant des espèces extrêmement voisines de celles de notre Trias supérieur ou de notre Rhélien, accompagnées seulement de quelques types particuliers, tels qué’ Thainnfeldia adontopteroides, ainsi que l’ont établi no- tamment les études de M. Szajnocha sur la flore fossile de Cacheuta. IV Les mêmes {ypes génériques et spécifiques se sont donc élendus depuis l'Australie et l'Inde jusque dans l'Afrique australe et l'Amérique du Sud, constituant, à partir des derniers temps de la période houillère et jusqu'aux débuts de l’ère secondaire, une flore toute différente de celle qui peuplait aux mêmes moments la plus grande partie de l'hémisphère boréal. On trouve cepen- dant, sur quelques points, des formes propres à l’une et à l’autre réunies dans les mêmes dépôts ; mais comme de tels mélanges ne s’observent que dans les gisements les plus septentrionaux de la flore à (rlossopleris, leur posilion même indique qu'ils correspondent à des points de contactentre les deux provinces que ces formes caractérisent, soit qu’elles aient réellement vécu ensemble sur la limite commune, soil encore que, séparées seu- lement par des bassins peu étendus, leurs débris aient été de part et d'autre entrainés dans ces bassins et s’y soient ainsi mélangés. Les associations de ce genre reconnues dans la région méridionale du Brésil et dans la région cen- trale de la République Argentine montrent quelle était, dans l'Amérique du Sud, la position de la limite commune de ces deux provinces botaniques au début de l’époque permienne. Dans la région sud-asiatique, la présence, dans les couches de Damuda, d’un Sphenophyllum et de quelques autres types très rapprochés de certaines de nos espèces permiennes fournit une indicalion semblable, con- cordant avec celle que l’on peut tirer, à la fin de l’époque triasique, de l'association, dans les dépôts charbonneux du Tonkin, de types de la flore à Glossopteris avec des espèces de la flore rhétienne de l'Europe. Quant à l'Afrique australe, la présence de notre flore stéphanienne dans le bassin du Zambèze donne lieu de penser que, lout au moins au com- mencement de l’époque permienne, la flore à Glossopteris ne devait guère s'étendre, vers le nord, au delà de la région du Transvaal : on aurait, d’ailleurs, d’après un renseignement donné par Goldmann, mais qui demande confirmalion, ob- servé dans cette région un Zepidodendron et une Sigillaire associés à des types de la flore à Glosso- pteris !. Si espacés qu'ils soient, ces quelques jalons permettent de se faire une idée de la position de la limite commune de ces deux grandes provinces botaniques, qui, passant assez loin au nord de l'équateur dans la région sud-asiatique, s’infléchis sait sans doute rapidement vers le sud du côté de l'ouest pour atteindre l'Afrique un peu au-dessous du Zambèze, et traversait vraisemblablement l'A- mérique du Sud aux environs du 30° parallèle. Il est permis de croire que celte province à Glosso- pleris devait s'étendre jusque vers le pôle austral, mais les terres antarctiques sont d’un accès trop difficile et trop couvertes de glaces pour qu'on ose espérer avoir jamais des renseignements sur la flore fossile de ces régions. Il n’est peut-être pas inutile, en terminant, de faire remarquer que, quoi qu’on ait dit souvent de son « caractère mésozoïque », la flore à Glossopteris n’a, en réalité, pas plus de rapports avec la flore secondaire qu'avec la flore paléozoïque de type normal: si, en effet, les PAyllotheca se montrent encore dans l’Oolithe de nos régions, on sait au- jourd'hui qu'ils ont leurs racines dans la flore paléozoïque, étant représentés déjà dans les cou- 1 Depuis que ces lignes ont été écrites, j'ai appris de M. Seward, de Cambridge, qu’il venait de constater, sur des échantillons provenant des environs de Johannesburg, la présence d'une Sigillaire du groupe du Sig.Brardi, associée à des Glossopteris et à des Gangamopleris, d'où il faut con- clure que la région du Transyaal marque bien jun des points de contact des deux provinces. H. LE CHATELIER — L'ÉTAT ACTUEL DES THÉORIES DE LA TREMPE DE L’ACIER 41! ches westphaliennes d'Asie Mineure par une es- pèce qui semble les relier aux Annularia; de même les Nœggerathiopsis sont, comme je l'ai dit, beaucoup plus voisins des Cordaïtées que des Cycadinées ; quant aux deux genres les plus caractéristiques, Glossopteris el Gangamopteris, is n’ont de rapports avec aucune des Fougères à nous connues de l'ère secondaire. La flore à G@lossopteris ne peut donc être considérée comme une anticipation de la flore secondaire, qui auräit fait son apparition dans ces régions plus tôt que dans les nôtres; les types franchement secondaires n'ont, au contraire, com- mencé à oceuper au milieu d’elle un rang appré- ciable que lorsqu'elle approchait elle-même de son déclin, vers la fin de l’époque permienne ou durant la période triasique. A la fin de cette der- nière période, ses formes essentielles avaient à peu près totalement fait place à des lypes générique- ment identiques pour la plupart et souvent très analogues spécifiquement à ceux qui venaient, dans nos régions, de se substituer aux types de la flore paléozoïque, et quelques formes particu- lières, telles que le Thinnfeldia odontopteroies, rap- pelaient seules, avec de rares survivants de la flore à (lossapteris, les différences si tranchées qui avaient existé quelque temps auparavant entre la province australe et la province boréale. Envi- sagée dans ses grands traits, la végétation de nôtre globe avait de nouveau revêtu partout à peu près le. même aspect général, sans être pourtant redevenue aussi parfaitement uniforme qu'elle l'avait été pendant la première partie des temps primaires. De nouvelles différenciations ont dû sans doute se produire au cours de l'ère secondaire, et d’au- tres provinces botaniques ont dû se constituer; mais nous n’avons aujourd'hui que des documents beaucoup trop rares el trop incomplets pour pou- voir nous faire une idée de ces nouvelles modifi- cations de la répartition des types végétaux el pour pouvoir en retracer le tableau, même aussi imparfait que celui que je viens d’esquisser pour la fin des temps primaires. R. Zeiller, Ingénieur en chef des Mines, Chargé de cours à l'École Nationale Supérieure des Mines. L'ÉTAT ACTUEL DES THÉORIES DE LA TREMPE DE L’'ACIER La théorie de la trempe a été, en raison de l'in- térêt direct qu’elle présente pour l’industrie, l’objet d'un nombre considérable de recherches, qui, de- puis une dizaine d’années surtout, se sont muilti- pliées à l'infini. Il est difficile de trouver le temps de se tenir au courant de ces travaux, et, le pour- rait-on, qu'il est plus difficile encore de les com- prendre. Trop souvent, par suite de rivalités scien- tifiques, leurs auteurs s’attachent surtout aux faits contestés et arrivent à tirer de résultats expéri- mentaux concordants les conséquences les plus contradictoires; pour s’y reconnaitre, il est indis- pensable d’avoir pris soi-même une part effective à ces recherches. Ce résumé, qui tâchera d’être im- partial, qui en a au moins le désir,.ne sera peut- être pas inutile aux personnes qui s'intéressent à ces études sans avoir eu, cependant, l'occasion d'y prendre une part active. Certains produits ferreux (aciers durs ou #rem- pants tels que les aciers à oulils), lorsqu'ils sont refroidis très rapidement (frempés, quenched, har- dened) à partir d'une température suffisamment élevée {au voisinage de 800° ou plus haut) pré- sentent des propriétés tout à fait différentes de celles qu’ils possèdent lorsqu'ils ont été refroidis très lentement à partir des mêmes températures (recuits, annealed). A cet état frempé, leur dureté (au sens minéralo- gique du mot) esl considérablement plus grande qu'à l’état recuit; ils raient fortement le verre el un peu le feldspath. Leur fragilité est très grande: ils se brisent sous le moindre choc; cette fragilité peut être suppri- mée par un réchauffage entre 200° et 400° (revenu, trempe). Us prennent alors une limite élastique et une ténacité considérables, qui sont mises à profit dans la fabrication des outils, des ressorts, des pièces de machines. Ils ont pour le magnétisme une force coercitive très élevée. Leur résistance électrique est deux à trois fois plus élevée qu’à l’état recuit. Leur densité est de 1 à 2 °/, plus faible. Enfin leur pouvoir thermo-électrique est nota- blement différent. L'ensemble de ces phénomènes caractérise l’état normal de trempe, ce que l'on appelle parfois la trempe posilive des aciers. Dans certains cas parti- culiersle refroidissement rapide peut produire des effets tout différents et même contraires, dans le 42 H. LE CHATELIER — L'ÉTAT ACTUEL DES THÉORIES DE LA TREMPE DE L’ACIER cas, par exemple, du ferro-nickel, de l’acier-man- ganèse : ce sont là des phénomènes spéciaux qui devront être étudiés à part. L'objet d’une théorie de la trempe est de ratta- cher ses effets à certains changements dans les facteurs élémentaires simples dont dépendent toutes les propriétés des métaux et alliages. Ces facteurs élémentaires, au nombre de trois, sont les suivants : 4° Élat chimique, c'est-à-dire nature des corps | simples et de leurscombinaisons mutuelles existant dans le métal; | 20 Etat physique, c'est-à-dire forme, dimension et répartition des éléments chimiques juxtaposés. 3° État mécanique, c'est-à-dire déformalion élas- tique ou permanente, provoquée dans le métal par des efforts mécaniques; l’écrouissage en esl une des manifestations les plus communes. I. — ÉTAT CHIMIQUE. L'étude chimique de la trempe comprend, au point de vue historique, trois étapes bien dis- tinctes : la découverte du rôle des changements d'état chimique du carbone, celle des phénomènes de récalescence, qui sont une manifestation de ces changements chimiques, enfin la découverte des earbures, combinaisons définies du carbone et du fer. Il reste encore à préciser le rôle exact de ces | carbures et les relations de leurs changements d'état avec les /ransformalions allotropiques du fer libre, découvertes au cours des études sur laréca- | lescence. $ 1. — Du carbone. Le carbone est l'élément essentiel des aciers trempants, qui en renferment, en général, de 0,2 à 1,4 °/,. Ce fait, reconnu par Karsten, Berzelius, Berthier, a été définitivement établi par les expé- riences de Marguerite et de Caron. Les corps | étrangers ajoutés au fer peuvent modifier l'effet du carbone, mais jamais le remplacer. Tous les aciers véritablement trempants sont carburés, et, réciproquement, tout fer convenablement carburé est trempant. Le carbone est à un état chimique différent dans l'acier trempé et l'acier recuit. Ce fait aété reconnu d’abord par Faraday. Caron ensuile a observé que les aciers trempés sont solubles sans résidus dans l'acide chlorhydrique concentré et chaud, tandis que, dans les mêmes conditions, l'acier recuit laisse un abondant dépôt charbonneux. MM. Osmond et Werth, M. Carnot, ont montré que l'acier trempé, en se dissolvant dans l’acide azotique moyenne- ment concentré (méthode Eggertz), donne une coloration beaucoup moins intense que l’acier re- cuil. Weyl, Abel, Müller, par des réactifs chi- miques appropriés, ont isolé de l’acier recuit des paillettes d'un carbure métallique que ne donne pas l’acier trempé. Il existe une relation, sinon très précise, tout au moins approchée, entre l'état du carbone et les pro- priétés mécaniques du métal. Voici un tableau comparatif montrant la corrélalion existant entre la ténacité d’un même acier trempé dans des con- ditions variables, et sa teneur apparente en carbone eslimée suivant la méthode Eggertz par la colora- tion de sa solution azotique : Aèr ACIER 2° ACIER Ténacité C. apparent Ténacité C. apparent 75 kg. 0,63 BE kg. 0,21 ee 0,46 64 — 0,17 A18 — 0,39 90 — 0,43 150 — 0.11 Le première série se rapporle à un acier à 0,63 ‘/, de carbone, étudié par M. Charpy, et la seconde à un acier à 0,21 de carbone, étudié par M. Howe. $ 2. — La Récalescence. Un jour tout nouveau a été jeté sur la trempe par l'étude des phénomènes qui se produisent quand on chauffe ou que l'on refroidit lentement l'acier. Ces expériences ont fait reconnaître que la trempe est sous la dépendance d'une transforma- lion, d'un changement d'état réversible, que l'échauffement produit dans les aciers, et que le refroidissement, s'il est suffisamment lent, laisse disparaitre, sans qu'il reste aucune trace, au moins d'ordre chimique, de son existence passagère. Ce phénomène est en relation directe avec l'état chi- mique du carbone, mais celte relalion n’a pas élé immédiatement reconnue; exposons d’abord les faits. D'après les observalions de Gore et de Barrett, une lige d'acier dur, échauffée progressivement jusqu'au rouge vif, éprouve, à un certain moment, un ralentissement brusque dans sa dilatation, en même temps que dans l'accroissement de son éclat; sa température cesse momentanément d’aug- menter. Au refroidissement, les phénomènes in- verses se produisent, mais d'une façon beaucoup plus visible parce qu'ils sont plus brusques. La contraction el la chute de température peuvent même être momentanément renversées, l'éclat du métal augmente d'une façon passagère, d’où le nom de récalescence donné à ce phénomène. Ces deux changements d'état inverse ne se pro- duisent pas exactement à la même température, à l'échauffement el au refroidissement ; ils sont, ce- pendant, rigoureusement réciproques l’un de l’autre. D'après les observations de Brinnel, confir- mées par lesexpériences plus précises de MM. Os- 14 4 H. LE CHATELIER — L'ÉTAT ACTUEL DES THÉORIES DE LA TREMPE DE L'ACIER 13 mond et Howe, on n'obtient jamais la récales- cence au refroidissement, si l’on n'a pas préala- blement chauffé le métal à la température nota- blement plus élevée nécessaire pour provoquer le phénomène contraire à l'échauffement. L'effet immédiat de la trempe est de s'opposer plus ou moins complètement à la production de la récalescence pendant le refroidissement rapide ; le métal garde quelque chose de l'état où il se trou- vait aux températures supérieures. M. Osmond l’a démontré en établissant que le revenu des aciers trempés, qui fait disparaitre les effets chimiques et mécaniques de la trempe, est accompagné, d’un dégagement de chaleur remplaçant celui qui ne s'était pas produit pendant le refroidissement brusque. En même temps l’état chimique du car- bone, défini par l'un des procédés indiqués ci- dessus, ne revient pas à ce qu'il est normalement à froid. Enfin les expériences de M. Charpy ont définiti- vement élabli la corrélation directe entre le phé- nomène-de récalescence et les changements de propriétés mécaniques produits par la trempe. La température minima nécessaire pour l’oblention de la trempe est différente suivant que cette tem- péralure est atteinte par échauffement ou par refroidissement, puisque, dans ces conditions, les deux transformations inverses ne se produisent pas à la même température. Voici des expériences de M. Howe, qui mettent ce fait en évidence, montrant qu'à une même température l'acier peut être trempé ou non, suivant que celte température a élé atteinte à l'échauffement ou au refroidisse- ment. ANGLE DE RUPTURE A LA FLEXION APRÈS TREMPE A 101° ÉCHAUFFEMENT REFROIDISSEMENT Acier dur : 1,20 de carbone 60° 00 Acier moins dur........... 500 40 APAERTOUE., --.-::. 2.4 1970 180 L'étude de la récalescence a donc une impor- tance capitale au point de vue de la théorie de la trempe; elle a été faite par M. Osmond au moyen d'expériences d'une précision remarquable, aux- quelles les travaux ultérieurs n’ont ajouté que peu de chose. Il a montré que la température de transformation à l’échauffement est ‘d’autant plus basse que la vitesse d'échauffement est plus faible et, dans les mêmes conditions, d'autant plus élevée au refroidissement. De telle sorte que pour des changements de température infiniment lents, les deux transformalions inverses se produi- raient à une même température, qui peut être fixée aux environs de 710° {dans l'échelle des tem- pératures qui place le point de fusion de l'or à 1.045°\. Ces faits présentent la plus grande analogie avec ceux qui accompagnent tous les changements d'état des corps, en particulier les transformations allotropiques, dont on peut donner comme exemple celle du soufre. Ce corps présente deux variétés allotropiques dont toutes les propriétés, forme cristalline, densité, chaleur spécifique, chaleur de combustion, etc., sont différentes. On les distingue d’après leur forme cristalline sous les noms de soufre octaédrique et soufre prismatique. Le premier est normalement stable à froid à toutes les lempératures inférieures à 95°6 ; le second aux températures supérieures. En chauffant du soufre octaédrique au-dessus de 959,6, il se transforme avec absorption de chaleur en soufre, prismatique, mais il ne le fait pas instantanément. Sa vitesse de transformation est d'autant plus grande que la température est plus élevée, de telle sorte que la transformation s'effectue à une température d’au- tant plus élevée que la vitesse d’échauffement est plus grande. Inversement, le soufre prismatique, refroidi au-dessous de 95°,6, se transforme en soufre octaédrique avecune vitesse qui croît d’abord à mesure que la température baisse, passe par un maximum vers la température de 60°, puis décroit rapidement de façon à être très faible vers la tem- pérature ordinaire et complètement nulle à — 30°. Le soufre prismatique, refroidi assez brusquement, pourra arriver à — 30° sans transformation appré- ciable etse conservera alors indéfiniment au même état. Dans tous les cas semblables les phénomènes se passent de la même façon, la valeur absolue des vitesses de transformation varie seule d’un cas à l’autre et, parsuite, aussi la température au-dessous de laquelle la variété instable peut se conserver indéfiniment. Pour les deux variétés de l’oxyde de plomb, litharge et massicot, les vitesses de trans- formation sont plus faibles encore que dans le cas du soufre, et le massicot, variété normalement stable à chaud, peut se conserver à la température ordinaire . C'est là un cas particulier de la loi générale qui régit la vilesse dans tous les phénomènes chi- miques. Cette vitesse est d’autant plus grande : 4° Que la température absolue est plus élevée ; 20 Qu'il y a un plus grand écart entre la tempé- rature actuelle et la température d'équilibre, c'est-à-dire de transformation réversible du sys- tème chimique. Au-dessus du point de transformation, ces deux conditions déterminantes varient dans le même sens et la vitesse croit sans limite; au-dessous, elles varient en sens inverse el occasionnent ainsi l'existence d’une vilesse maxima. Cette notion des vitesses variables de transfor- malion rend compte de toutes les particularités de la trempe, d’abord du relard variable à la trans- 14 H. LE CHATELIER -— L'ÉTAT ACTUEL DES THÉORIES DE LA TREMPE DE L’ACIER formation, suivant la rapidité des changements de température, puis de la conservation à froid d'une facon au moins partielle, par le refroidissement rapide, de l’état du métai normalement stable à chaud, et enfin du revenu par une élévation subsé- quente de la température. Le point normal de transformation de l'acier est à 710°; au-dessus, la vitesse croît tellement rapidement qu'il n’est guère possible d'élever de plus de 100° par un échauffement très rapide la transformation. Au refroidissement, la vitesse est maxima vers 600° ; elle devient très faible au-dessous de 200° et sen- siblement nulle à la température ordinaire. Il n'y aura trempe véritable que si l’on traverse très rapidement l'intervalle de température de 700 à 200°. Toutes les formules si variées de trempe n'ont d'autre objet que de faire passer le métal aux diverses températures avec une vitesse appro- priée, qui doit varier suivant le degré final de trempe désiré. Il serait utile qu’en tous les points de la masse métallique, pour avoir une trempe uniforme, la loi de variation des températures fût identique ; cela est impossible puisque le refroi- dissemert ne peut s'effectuer que par les surfaces extérieures. On arrive à se rapprocher, dans une certaine mesure, de ce but final en faisant varier la nature du milieu de trempe pendant l'opération même : alternance de refroidissements à l’eau et à l’air, à l'eau et à l'huile, eten combinant àla trempe des revenus appropriés. Mais il est impossible de réaliser d’une façon absolue les conditions dési- rables ; c’est là la raison de la multiplicité inouïe des formules de trempe, dont chacune peut être moins mauvaise dans un cas déterminé. Enfin, au delà d'une certaine dimension, la trempe réelle des grosses pièces devient impossible par quelque pro- cédé que ce soil, parce que la quantité totale de chaleur à enlever croil proportionnellement au cube des dimensions, et celle qui estenlevée dans l'unité des temps au carré de ces mêmes dimen- sions. La vitesse de refroidissement décroit donc avec ces dimensions et finit par devenir insufli- sante pour empêcher la transformation. Si la vitesse de la transformation de récalescence dépend principalement de la température, elle dépend encore de son état d'avancement lui- | même; de telle sorte qu'à chaque température la vitesse de transformation, relativement grande au début, s’atténue progressivement et même finit par s'arrêter complètement, reste limitée, au moins aux températures inférieures à 400°, C'est là un fait mis à profit dans le revenu. Un acier, trempé à l’eau froide et abandonné à lui-même à la tempé- ralure ordinaire, éprouve un recuit spontané, très faible il est vrai, mais qui s'accuse par de légères déformations, et, dans le cas des aimants faits avec des aciers non revenus, parunediminution notable du magnétisme. Mais peu à peu ces changements deviennent de plus en plus lents et semblent, à la longue, s'arrêter complètement. Dans le revenu à 200°, un acier trempé éprouve, pendant les pre- mières minutes, des changements considérables ; sa résistance électrique, sa dureté, sa fragilité, diminuent; mais, après quelques heures, il semble, » à en juger par les expériences de Barus et Strouhal, | arriver à un état indéfiniment stable, et pourtant le revenu est loin d'être complet. Il suffit de chauffer le même acier à une température un peu plus élevée, 300° par exemple, pour voir le revenu s’accentuer et de nouveaux changements se pro- duire, qui tendent eux-mêmes aussi vers une limite déterminée. La vitesse de transformation dépend encore de la présence de certains corps étrangers ajoutés à l'acier, surlout le chrome, le tungstène, qui ralen- tissent considérablement cette vitesse; aussi faci- litent-ils la trempe et lui permettent-ils de péné- trer plus profondément dans les grosses pièces. Les aciers à aimants à 2 ou 3 °/, de tungstène présentent, par un échauffement rapide, les trans- formations de récalescence vers 850°, et, par un refroidissement rapide quoique incapable de pro- duire la trempe, vers 450’ — soit, en tout, un écart de 400°., — Les aciers à 7°/, de tungstène, par un refroidissement même très lent, ne peuvent être obtenus autrement que trempés. Certains aciers au chrome se trempent par Simple refroidissement à l'air. Arrivé là, il semble que la théorie chimique de la trempe soit bien près d’être complète. Son effet doit être d'empêcher au refroidissement la trans- formation de récalescence de se produire, de con- server à la température ordinaire l'acier avec les propriétés lui appartenant dans celui de ses états qui est normalement stable à chaud. Il ne reste- rait plus alors qu'à déterminer la nature exacte des carbures de fer qui existent dans l'acier et la nature de leurs transformations chimiques qui se manifestent dans la récalescence el seraient em- pêchées par la trempe. Mais, aussitôt que l'on cherche à serrer ainsi le problème de plus près, sa complexité se manifeste et la solution parait recu- ler à chaque nouveau pas fait en avant, comme on va le voir en passant en revue les résultats aujour- d'hui acquis sur les carbures de fer. $ 3. — Les Carbures. L'on ne connait jusqu'ici qu'un seul carbure de fer défini Fe’C ou cémentile. Ge composé donne lieu avec le fer, /errite, à des mélanges soil hétéro- gènes, la perlite, soit homogènes, la Aurdenite et la martensile, qui se distinguent par des propriélés H. LE CHATELIER — L'ÉTAT ACTUEL DES THÉORIES DE LA TREMPE DE L'ACIER 143 individuelles assez tranchées pour que l'on _établisse des subdivisions correspondantes dans l'étude de la constitution chimique des aciers. 1. Cémentite (carbure normal, carbure de la fonte blanche, carbure decémentation, Fe°C).—11 est im- possible, en fondant du fer en présence du carbone, d'obtenir un carbure défini; cela se fait, au con- _traire, facilement avec le manganèse; c'est ainsi que M. Hautefeuille a préparé le composé Mn°C. Cependant, lecomposé correspondantduferexiste ; en chaüffant au rouge naissant de l’oxyde de fer très divisé dans l’oxyde de carbone, Marguerite a obtenu une matière pulvérulente répondant à la composition Fe*C. En trailant, par des réactifs appropriés, les aciers recuits et la fonte blanche, Abel, Muller, Arnold, en ont retiré des paillettes d'aspect métallique et d’une très grande dureté, répondant précisément à la même formule. On Fig. 4. — Microphotographie d'un acier doux à 0,45 °/o de carbone formé de perlile el de ferrile. reconnait très facilement par la métlallographie microscopique, l'existence de ce composé dans les aciers et les fontes blanches : ce sont les parties les plus dures du métal qui restent en relief pen dant le polissage. Dans les aciers cémentés, les cristaux de ce corps sont assez gros pour devenir visibles à l'œil nu. Une des propriétés essentielles de ce composé est sa tendance à se dissocier aux températures élevées en fer et graphite, ce qui empêche de le préparer par fusion directe. Cette propriété, mise à profit dans la fabrication de la fonte malléable, est au contraire une cause de diflicultés sérieuses dans le travail des aciers très carburés, comme les aciers à oulil. La séparation de graphite, qui peut se produire dans ces aciers par l’action d’un chauf- fage trop intense et trop prolongé, leur enlève leur qualité même d'acier, qui est liée à l’élat de combi- naison du carbone, et peut, si elle est poussée trop loio, leur faire perdre jusqu'à la propriété de tremper. —. On à supposé, mais sans preuves certaines, qu'il existait deux variétés allotropiques de ce composé. Les faits qui ont conduit à cette hypothèse peuvent s'expliquer par les grandes différences qui existent entre les dimensions des cristaux de ce corps, sui- vant les conditions dans lesquelles il a pris nais- sance. 2. Perlile (constituant nacré). — Sorby a reconnu qu’en polissant une section d'acier recuil el atla- quant très faiblement cette surface par l’iode ou l'acide azotique, on discernait dans la structure du métal trois éléments principaux : de la /errite, ou fer sensiblement pur dans les aciers peu carbu- rés ; de la cémentile ou gros cristaux dans les aciers très carburés, et, dans tous les cas, un troisième constituant, la perlile, qui est caractérisée par ur éclat nacré tout spécial. Les figures 1 el 2 sont la reproduction de photographies microscopiques, l'une, de M. Os- Fig. 2. — Microphotographie d'une fonte aciéreuse à 2,5 of, de carbone, formée de perlite el de cémentite. mond, montrant un acier doux à 0,45 °/, de car- bone, formé de perlite et ferrite, l’autre, de M. Sau- veur, montrant une fonte aciéreuse à 2.50 °/,, for- mée de perlite et cémentite. Examinée au microscope avec un fort grossisse- ment, 500 diamètres environ, la perlite se résoul en un assemblage de fines lamelles inégalement dures et inégalement attaquables aux réaclifs chimiques. Leur relief inégal donne lieu aux jeux de lumière bien connus des corps finement striés comme la nacre. Les lamelles dures sont consti- tuées par de la cémentite; ce sont elles qui ontété isolées et analysées par Abel, Muller, etc.; les lamelles plus tendres semblent constituées par du fer pur ou ferrile. Sorby a remarqué que la pro- portion totale de perlile variait d’un acier à l'autre, suivant sa teneur en carbone, mais que la proportion relative des lamelles dures et tendres qui la composait semblait rester invariable. Elle semblait donc provenir de la dissociation d'un composé défini stable à chaud, qui se dédoublait 46 H. LE CHATELIER — L'ÉTAT ACTUEL DES THÉORIES DE LA TREMPE DE L'’ACIER au refroidissement pendant la période de récales- cence. M. Arnold, continuant à avancer dans la même voie, a démontré l’invariabilité de composition de la perlite, au moins dans les aciers au carbone pur; elle renferme 0,9 °/, de carbone, ce qui correspond en équivalents à la composition : Fe?4 + C. Les aciers à 0,9 °/, de carbone sont exclusive- ment formés de perlile sans adjonction de ferrite, ni de cémentite. Aux teneurs inférieures en car- bone, on observe en plus de la ferrite, mais pas de cémentile, et aux teneurs supérieures de la cé- mentite sans ferrite, de telle sorte que la propor- tion de perlite contenue dans l'acier est toujours la plus élevée qui puisse résulter des proportions de fer et de carbone en présence. Cette composi- tion de la perlite se modifie un peu quand les aciers renferment des corps étrangers, tels que le silicium, le manganèse. D'après M. Sauveur, la perlite des aciersindustriels, c’est-à-dire demétaux bien moins purs que ceux étudiés par M. Arnold, renfermerait en moyenne 0,8 °/, de carbone. A cela près, ses expériences ont vérifié sur ce point les conclusions de M. Arnold. Le tableau suivant montre la proportion de perlite observée par M. Sauveur dans différents aciers, mis en regard de la même proporlion calculée d’après la teneur en carbone : PERLITE CARBONE observée calculée 0,09 10 11 0,21 23 26 0,35 50 #4 0,80 100 100 3. Hardenite (carbure de trempe, sous-carbure, Motherof pearly,Fe?*C).— L’aciertrempé,examiné au microscope sur des surfaces préalablement po- lies et attaquées, ne laisse plus du tout voir de per- lite, mais seulement une malière homogène dont les réactifs les plus faibles isolent immédialement du carbone ; M. Howe a appelé celte matière hardenite. Si la trempe est faite juste au-dessus du point de récalescence, la proportion de hardenite est exactement égale à celle de perlite qu'aurait donnée le refroidissement lent. Les nombres sui- vants empruntés à M. Sauveur en donnent la démonstralion : CARBONE PERLITE HARDENITE 0,09 10 11 0,21 23 31 0,35 50 56 l,80 100 100 1,20 92 94 2,90 71 80 La hardenite à donc la même composilion fixe que la perlite, elle est homogène. Il serait bien tentant d'en faire, avec M. Arnold, une combi- naison définie Fe?{C dont le dédoublement sur place en cémentite Fe21C — A Fe + FesC et ferrite donnerait la perlite ; mais cette hypo- thèse est contredite par les fails suivants : M. Osmond, antérieurement aux expériences de M. Arnold, et, plus récemment, M. Sauveur ont montré que, si l’on trempait l'acier à des tempé- ratures de plus en plus élevées au-dessus du point de récalescence, la ferrite ou la cémentite libre allait progressivement en diminuant et finissait même par disparaître totalement à une tempéra- ture suffisamment élevée; le carbure de trempe n'a donc pas une composition déterminée : il se comporte comme une dissolution qui se saturerait de quantités croissantes de ses constituants au fur et à mesure que la température s'élève. Aussi M. Osmond considère-t-il le carbure de trempe comme une dissolution de composition essen- tiellement variable, à laquelle il a donné le nom de mar lensile. Les figures 3, 4 et5, dus à M. Sauveur, montrent comment la proportion relative de la ferrite et de la martensite varie, avec la tempéralure de trempe, dans un acier à 0,09 de carbone. Malgré la contradiction absolue des points de vue de M. Osmond et de M. Arnold, les faits qu'ils ont observés, loin d'être contradictoires, se com- plètent l’un l’autre. On sait en effet que, parmi les mélanges, les dissolutions mutuelles de deux corps, il en existe un, le mélange eutectique (cryohy- drate des solutions aqueuses), qui a une composi- tion parfaitement déterminée et que l’on a pour ce motif pris longtemps pour une combinaison définie. Le mélange eutectique est celui qui est à la fois saturé de ses deux constituants; par refroidissement il les laisse cristalliser ensemble ; sa composition reste invariable et par suile aussi son point de solidification. Quand on part d'une dissolution de composition quelconque, elle laisse d’abord par refroidissement déposer celui de ses constituants qui est en excès, elle s'enrichit alors de l’autre constituant, qui finit à son tour par atteindre son point de saturation. À ce moment la composition de la dissolution restante est celle du mélange eutectique, dont le point fixe de eris- tallisation est aussi le plus bas possible. Les mélanges eutectiques après leur solidifica- tion ont,en général, une texture spéciale résultant de la finesse extrême des cristaux des deux corps juxlaposés, et ils ne peuvent être discernés que sous les plus forts grossissements du microscope. M. Charpy, dans des expériences récentes et H. LE CHATELIER — L'ÉTAT ACTUEL DES THÉORIES DE LA TREMPE DE L'ACIER 17 non encore publiées, a reconnu que la plupart de ces alliages eulectiques sont constitués par la juxtaposition des lamelles extrèmement fines de chacun des constituants, dont l’ensemble présente exactement l'apparence de la perlite. Or, c’est exactement la même chose qui se passe dans l'acier : la martensite est une solution solide de ferrite (fer pur) et de cémentite Fe*C, qui, par refroidissement, arrive toujours à la même com- position limite, celle de la hardenite, qui est le mélange eutectique de la martensite. Sa composi- lion élémentaire est indépendante des proportions relatives de fer et de carbone ; sa proportion relative vis-à-vis de la ferrite ou de la cémentite change seule. Mais, si le fer renferme des éléments étrangers comme le silicium et le manganèse, sa composilion pourra alors se modifier, comme cela se passe dans les dissolu - lions ordinai- res par l'ad- dition de corps étran - gers. La cris- tallisation de -Arrivé là, il semble encore une fois que la théorie de la trempe est faite; le refroidissement brusque va empêcher le dédoublement de la martensite ‘ou de son mélange eulectique, la hardenite, et la conserver à froid sous l’état normalement stable à chaud. Cette théorie simple est exacte pour cerlains produits exceptionnels comme le ferronickel à à 25°/, de Ni et l'acier manganèse à 13 °/, de Mn, qui n'ont d'ailleurs aucune des propriétés des aciers proprement dits; mais elle serait tout à fait inexacte pour ces derniers. Le ferronickeletl'acier- manganèse présentent cette particularité de pos- séder à la température ordinaire les mêmes pro- priétés qu'ils possèdent et que tous les aciers possèdent avec eux aux températures supérieures à celle de la récalescence, c'est-à-dire une ab- sence presque complète de propriétés magnétiques, une très gran- de résistance électrique et une grande la hardenite malléabilité. donne la per- ; és é Au contraire, : me Fig. 3, 4, 5. — Microphotographies d'un acier à 0,09 0/, de carbone, montrant com- AE lite , formée ment varient les proportions relatives de ferrile et de marleñsile avec la tempéra- les aciers de la juxtapo- ture de la trempe. — La ferrite est représentée en blanc, la martensite en ponctué. trempés ordi- silion des cris- naires sont taux très fins de ses deux constiluants ferrite et cémentite; cette cristallisation, comme dans le cas des dissolutions liquides, est accompagnée d'un grand dégagement de chaleur qui donne lieu au phénomène de récalescence. La seule difficulté de cette théorie des aciers, el elle n'est qu'apparente, est que nous ne sommes pas habitués à envisager les solutions sous la forme solide ; leur existence n’en est pas moins réelle et elle est compatible aussi bien avec l’état amorphe qu'avec l’état cristallisé. Les verres, les mélanges isomorphes dans lesquelles les propor- tions des constituants peuvent varier d’une façon continue sont de véritables solutions solides ; seute- ment on n’observe pas en général les phénomènes de saturation, parce que l’absence 6u tout au moins la lenteur des phénomènes de diffusion ne rend pas possible l’établissement d’un régime d'équilibre définitif. Cettetendance vers l'équilibre de saturation se manifeste cependant dans la dé- vitrification des verres. Dans le fer, au contraire, la diffusion du carbone se fait, comme le montre la cémentalion, avec autant de facilité que celle des sels dans l’eau, et l'équilibre de saturation pourra s’élablir toutes les fois que les changements de tem- pérature ne seront pas extraordinairement rapides. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897. magnétiques, ne sont pas malléables et présentent une résistance électrique supérieure, il est vrai, à celle des mêmes aciers recuits, mais bien infé- rieure aux résistances énormes qu'ils présentent à chaud. Enfin, ils sont le siège de tensions internes considérables, dont l'existence se manifeste par les déformations des pièces trempées et par leurs ruplures spontanées ayant parfois la violence de véritables explosions. Ils n’ont donc pas conservé toutes les propriétés essentielles qu'ils possé- daient à chaud. Tout ce que l'on peut dire dans l’état actuel sur les phénomènes chimiques en jeu dans la trempe est que celle-ciempèche un certain nombre d'entreeux de se produire, comme le prouve l'état spécial du carbone dans les aciers trempés et le dégagement de chaleur pendant le revenu, mais qu’elle laisse certains autres se produire, comme le prouvent la réapparition des propriétés magné- tiques el la diminution de la résistance électrique. Mais un fait capital, découvert par M. Osmond au cours de ses expériences surla récalescence. celui de l’existence de plusieurs transformations allo- tropiques du fer, permettra sans doute d'élucider les derniers points aujourd'hui encore obseurs dans la théorie de la trempe. 18 H. LE CHATELIER — L'ÉTAT ACTUEL DES THÉORIES DE LA TREMPE DE L'ACIER $ 4. — Transformations allotropiques du fer. Lacomplication, déjà très grande, du phénomène de trempe, quand on n’envisage que le rôle des car- bures de fer, est exagérée encore par l'existence de plusieurs changements allotropiques du fer, dontles deux plus importantes ont été découvertes par M. Osmond et la troisième plus récemment par MM. Hall et Curie. Les deux premiers se produisant entre 700 et 900°, c’est-à-dire aux températures usuelles de trempe, peuvent intervenir dans cette opération. Ces trois transformalions allotropiques sont ca- raclérisées par des absorptions de chaleurs latente à l’échauffement (Osmond), par des varialions de conductibilité électrique (Henry Le Chatelier), des changements de propriétés magnéliques (Curie), et des variations de volume. Elles se produisent respectivement aux températures de : 1280° 8500 7409 Celle de 740° est principalement caractérisée par une disparition à peu près complète des propriétés magnéliques du fer; elle donne lieu à une faible absorption de chaleur latente : elle est remarquable par sa fixilé ; sa température de production varie peu avec la vilesse des changements de tempéra- ture etelle est sensiblement la même à l’échauffe- ment et au refroidissement. Celle de 850 est principalement caractérisée par un brusque changement dans la loi de variation de la résistance électrique, qui, après avoir décuplé depuis la température ordinaire, ne croit plus que d'une façon insensible au-dessus de cette tempé- rature. Cette transformation, comme celle de réca- lescence, se déplace inégalement suivant la vitesse des varialions de température. Dans la méthode par échauffement, employée par M.Osmond, l'importance du ralentissement dans les variations de température décroilà mesure que la teneur en carbone de l'acier augmente. Le ra- lentissement de 740 disparait complètement pour les teneurs en carbone supérieures à 0,4 et celle de 850 pour les teneurs supérieures à 0,15. Or, en se reportant aux résultats de l'étude micrographique des aciers trempés à diverses températures, on reconnait que ces proporlions sont précisément celles pour lesquelles la martensile a absorbé la totalité de la ferrite aux deux tempéralures de 140 et de 850. Les ralentissements observés par M. Osmond se rapportent donc exclusivement aux changements éprouvés par la ferrile à l’état libre. Par contre, mes expériences sur les résistances électriques accusent encore le changement de 850° même dans les aciers très carburés. Seulement, la température des lransformations semble s'abaisser un peu et se rapprocher de 800°. Si ces expérien- ces ne sont pas erronées !, il faudrait en conclure que le fer dans la martensite éprouve un change- ment allotropique semblable à celui qu'iléprouve à l’étatlibre ; la température seule en serait modifiée. Cela serait conforme à toutes les analogies; les changements dans l’état de l’eau, qui se manifes- tent par l'existence de son maximum de densité, se retrouvent encore dans les solutions aqueuses ; mais la température de ce maximum de densité est déplacée. Ce changement de la martensite pourrait échapper à l'observation dans la méthode par refroidissement de M. Osmond, s'il ne se pro- duit qu'avec une certaine lenteur ; il ne donnerait, alors aucun temps d’arrêt appréciable. De nou- velles expériences sont nécessaires pour résoudre ces contradictions apparentes. Si l’on veut admettre provisoirement l'hypothèse que la martensite peut présenter les deux lrans- formations allotropiques correspondant à celles du fer, mais à des températures plus basses eb inférieures à celle de recalescence pour la transfor- mation de 74°, on sera conduil à supposer, avec M. Howe, que, dans l’acier trempé, la martensite, c’est-à-dire la dissolution de ferrite et de cémen- tite, subsiste inaltérée en tant que dissolution, mais sous l’état correspondant à la variété du fer stable au-dessous de 740°, c'est-à-dire la variété magnéti- que. La trempe empêche le dédoublement de la dissolution au point de récalescence, maiselle per- met dans cette dissolution le retour du fer à son état normalement stable à froid. Le changement partiel, se produisant dans un métal complètement solide, amène les tensions qui ont élé signalées. Dans le ferro-nickel et l'acier manganèse, iln’y a ni dédoublement de la martensite, ni retour du fer et du nickel à leur élat magnétique. Mais celte dernière partie de la théorie de la trempe est appuyée sur des bases expérimentales trop frêles pour être encore envisagée autrement que comme une hypothèse séduisante qui mériterait d'être soumise à un contrôle expérimental sévère. II. — ÉTAT PHYSIQUE. Il est bien certain cependant que les faits d'ordre chimique ne commandent pas, à eux seuls, le phé- nomène de la trempe. Desaciers trempés demême composition et à un même élal chimique ont sou- vent des propriélés Lrès différentes. Si, comme on l’a vu plus haut, il existe une relation domi- nante entre l’état chimique du carbone et la Léna- cilé d’un acier, il n’en est pas moins vrai qu'à un ! La seule cause d'erreur à redouter serait une séparation de graphite pendant les chauffages assez prolongés qu'ont nécessités ces expériences, chauflages qui ont été faits dans l'hydrogène sec. Mais on n'a observé aucun indice d’altéra- tion de ces aciers H. LE CHATELIER — L'ÉTAT ACTUEL DES THÉORIES DE LA TREMPE DE L’ACIER 19 même état du carbone, obtenu par des combinai- ‘sons variées de trempe et de recuit, pourront correspondre desténacitésnotablementdifférentes. Voici, par exemple, quelques nombres empruntés aux expériences de M. Charpy sur un acier à 0,6 de carbone : TEMPÉRATURE TENEUR APPARENTE DE TREMPE TÉNACITÉ EN CARBONE 800 96.7 0.46 770 - 108 0.45 920 108.9 0.39 180 114.3 0.39 Des différences plus grandes encore s'observent quand on compare le propriétés des aciers moulés bruts de coulée et des mêmes aciers trempés, puis recuits de façon à ramener finalement le carbone au même élat chimique. Les causes de ces effets de la trempe doiventêtrecherchéesdans des variations de la structure physique, c'est-à-dire dans des changements des formes et dimensions des élé- ments constitutifs du métal. M. Osmond a montré que, dansle feretl’acier, —il en est de même dans les autres métaux etalliages, — les cristaux n’ont à peu près jamais les formes simples que nous sommes habitués à voir aux sels qui se déposent des solutions aqueuses. Ce ne sont pas des polyèdres convexes homogènes terminés par des faces planes régulièrement inclinés les unes sur les autres; ils ont l'aspect de feuilles de fougère, de plumes barbelées, de dendrites, ce que l'on appelle, en pétlrographie, des cristallites, dont les cristaux étoilés de neige sont un exemple bien connu. Pendant la solidification des métaux fondus, au fur et à mesure que la cristallisation avance, les branches de ces cristaux épaississenl, laissant finalement entre elles un espace vide plus ou moins important, dans lequelse solidifieront en dernier lieu, sans contours apparents propres, les éléments les plus fusibles. L'ensemble de chaque cristal dendritique avec son remplissage constilue ce que M. Osmond a appelé une cellule. Par le pé- trissage mécanique résultant du forgeage el du la- minage,ces cellules sont brisées, désagrégées; mais elles peuvent, dans certaines conditions de tempé- rature, se reconstituer sans que le métal prenne à nouveau l’élat fondu. La trempe joue unrôleimportant dans ceschan- gements de structure, en modifiant à la fois la forme extérieure, les dimensionsdes cellules et leur cons- titution interne. Elle intervient soit par la empé- pérature initiale de chauffage avantle refroidissement! rapide, soit par les conditions dans lesquelles se fait le passage par le point de récalescence. Mais le mode d'action deces deux conditionsesten quelque sorte indépendant de la trempe proprement dite, dont le rôle principal est seulement d'entraîner nécessairement l'existence corrélative de ces con- ditions, puisqu'il ne peut y avoir de trempe sans élévation préalable dela température, et sans pas- sage par le point derécalescence. Les phénomènes qui vont être passés en revue se produisent pour la plupart également quand l’une ou l’autre de ces condilions est réaliséesansétreaccompagnée d’une trempe proprement dite. $ 1. — Température initiale de chauffage, Le chauffage du fer aux températures supé- rieures à 800° lui communique une malléabilité suflisante pour permeltre une recristallisation qui sera d'autant plus complète et plus rapide que la tempéralure sera plus élevée. Brinnell et Tchernoff, qui ont étudié ce phénomène, sont arrivés à des conclusions différentes. D’après Brinnell, la valeur absolue de la tempé- rature à laquelle le métal a été porté influerait seule ; d’après Tchernoff, au contraire, on ne devrait considérer que la vitesse du refroidissement à partir de cette température élevée. En fait, ces deux conditions ont chacune leur influence propre sur la structure. L'action d’une température élevée, quoique en- core notablement inférieure au point de fusion, agit sur tous les métaux, comme l'a montré M. André Le Chatelier, pour les rendre cassants, augmenter le grain de la cassure et leur faire perdre tout allongement de rupture, en un mot pour les brûler. La température capable de pro- duire cet effet dans son intégralité varie avec la nature du métal : elle est de 150° à 200° pour le zine, voisine de 900° pour le cuivre ; elle s’abaisse quand le métal renferme des impuretés fusibles et dans d’autres circonstances mal déterminées. Une atmosphère d'hydrogène est un des agents les plus actifs de cette transformalion. Dans ces cas le cuivre se brüle dès 600° et l’argent au-dessous de 500°. Le fer se comporte de la même façon, il se brûle rapidement au-dessus de 1.000°, l'acier plus fusible à partir de 900°. Le phosphore facilite beaucoup le phénomène, il l’accélère et abaisse la température à laquelle il se produit. Les études microphotographiques de Sorby et de M. Osmond ont précisé la structure correspondant à ce mode spécial des cristallisations; les joints qui séparent les cellules entre elles s’accentuent beaucoup. Voici (fig. 6) un dessin d’une photographie de M. Osmond. D'autre part, la rapidité du refroidissement depuis la température maxima de chauffage jus- qu’au point de récalescence a une action non moins marquée, quoique toute différente, sur les dimensions des cellules de l'acier. Elle a été mise en évidence par les expériences rapportées plus haut de MM. Osmond et Sauveur,qui ont établi les 20 H. LE CHATELIER — L'ÉTAT ACTUEL DES THÉORIES DE LA TREMPE DE L'ACIER variations progressives avec la température des dimensions des cellules de martensite. Celles-ci s'élargissent en absorbant la ferrite ou la cémen- tite en excès; el Le refroidissement rapide jusqu’au dessous de la récalescence fixe cette structure, qui disparait au contraire par le refroidissement lent en raison de la séparation inverse des consli- tuants de la marlensite. Par conséquent, à état Fig. 6. — Microphotographie montrant la structure spéciale d'un acier brûlé. chimique égal du carbone, la structure du métal variera suivant la tempéralure à laquelle aura commencé le refroidissement rapide se terminant par la trempe. Tous les aciers trempés à une tem- pérature suflisamment élevée sont homogènes, on n’y voil plus ni cémentite, ni ferrite. Tandis que dans la trempe immédiatement au-dessus du point de récalescence, cette homogénéilé n'existe que pour l'acier type à 0,8 ou 0,9 de carbone. C’est à ces différences de structure que se rattachent les effets contraires de la trempe à température élevée sur les aciers doux et durs. La disparition de la ferrite élève la dureté des premiers, la disparition de la cémentite abaisse la dureté des seconds. Ces modifications de structure sont conservées après le revenu; l'état chimique du carbone a changé, mais les surfaces des cellules de perlite restent identiques à celles des surfaces de martensite dont elles dérivent. . — Passage par le point de récalescence. Pendant son passage au point de récalescence l'acier reprend une malléabililé passagère, qui per- met au mélal de prendre de nouvelles orienta- lions crislallines. Cette malléabilité se reconnait aisément par l'expérience suivante : une barre d'acier chauffée au rouge vif est fixée horizonta- ement par une de ses extrémilés. Elle ne fléchit pas tempéralure est suffisamment élevée; mais quand, par suile du refroidissement, elle passe par son point de récalescence, on la tant que la voit s’infléchir sous la seule action de son poids à un moment où elle n’est plus qu'à peine rouge. On peut citer comme exemple des cristallisations se rapportant à de semblables changements d’élats celle du laiton, découverte par M.Charpy.Le métal, laminé à froid pour détruire toute apparence de la cristallisation de fusion, reprend une très belle crislallisation par recuit vers 700°, c’est-à-dire au voisinage d’une température où ce métal semble éprouver, dans les expériences d’échauffement, une brusque absorption de chaleur latente, indice caractéristique des changements d’élat. Dans l'acier un phénomène de cristallisation se produit également à la transformation de réca- lescence ; mais sa nature est plus complexe, elle est double, elle est différente à l’échauffement de ce qu'elle est au refroidissement. À l'échauffement, quand l'acier passe par le point de récalescence, la structure générale, les formes et les dimensions des cellules se modifient com- plètement, il ne reste rien de la structure anté- rieure. Si le métal a été forgé préalablement de façon à délruire toute trace de la cristallisation de fusion, il réapparait, par réchauffage au-des- sus de la récalescence, une cristallisation, une structure cellulaire absolument complète. Le même effet se produit encore sur le métal fondu, qui finit par perdre sa structure première par des réchauffages et des refroidissements alternés de part el d’autre du point de récalescence.Les grands cristaux dendritiques, qui ont pris naissance au moment de la solidification,sont remplacés par des cellules également dendriliques, mais de dimen- sions beaucoup moindres. Cette influence des pas- sages en montant par le point de récalescence, à élé surtout étudiée par Brinnell. Au refroidissement, par contre, la forme extérieure des cellules et leurs dimensions n’offrent aucun changement par le passage au point de réca- lescence, leur structure intérieure seule se mo- difie, soit que le refroidissement ait été assez lent pour ne pas produire de trempe, soit que la trempe ait élé suivie d’un revenu. Dans ces deux cas la marlensite est remplacée par la perlite, c'est-à-dire que la structure homogène de la cel- lule se transforme en une struclure feuilletée dù à l’accolement des lamelles de ferrite et cémen- tite qui constituent la perlile. Mais les dimensions des éléments de la perlile varient considérable- ment suivant la température à laquelle elle a pris naissance. Sa structure est très fine si elle s’est développée par le reveru d’un acier lrempé et elle communique alors à la cassure du métal un aspect soyeux; elle est beaucoup plus grossière si elle s'est produite au voisinage du point de réca- lescence par un refroidissement lent. La cassure H. LE CHATELIER — L'ÉTAT ACTUEL DES THÉORIES DE LA TREMPE DE L’'ACIER 21 du métal a alors un grain relativement gros, parce que l’arrachement se fait le long de lamelles assez développées pour traverser loute l'épaisseur d'une cellule, En somme, le traitement calorifique inséparable de la trempe contribue à modifier la structure physique de l'acier tant dans la forme et la di- mension de ses cellules que dans leur constitu- tion interne. Le passage, en montant par le point de récalescence, provoque le développement d’une cristallisation cellulaire nouvelle qui fait dispa- raître loute structure antérieure, aussi bien la structure confuse de l'acier forgé que la structure cristalline de l'acier fondu, et, à mesure que la température s'élève, les dimensions de ces cellules s’accroissent tant par suite de l'absorption de la ferrite par la martensite, dont chaque cellule se gonfle aux dépens de ses voisines, que par une cristallisation spéciale qui se produit dans tous les métaux chauffés à ramollissement et qui tend vers l’état dit brälé. Le premier de ces accroissements disparait par le refroidissement lent et ne peut être fixé que par un refroidissement brusque qui ne laisse pas aux cellules de martensite le temps de rétrograder jusqu'à la hardenite; le second de ces accroissements est, au contraire, définitivement acquis. Il ne peut disparaitre que par un traite- ment ultérieur spécial du métal, tel que la fusion, le forgeage, ou des passages répétés par le point de récalescence. Ces différents changements de la structure cel- lulaire jouent un grand rôle dans les opérations métallurgiques. Pour enlever aux aciers moulés par fusion leur fragilité naturelle, on les fait passer un certain nombre de fois par le point de réca- lescence, soit par des recuits, soit par des trempes successives. On arrive ainsi à élever l'allongement de rupture primilivement inférieur à 5°/, jus- qu’à 20 °/, et au delà. D'autre part, en trempant etfaisant revenir un acier moyennement carburé,on obtient un métal plus homogène, se laissant mieux travailler à froid que le même métal refroidi len- tement. Ce dernier a une structure hétérogène, il est formé par la juxtaposition de cellules de per- lite et de ferrite de dureté inégale. Le premier,au contraire, est constitué exclusivement par une perlite aussi homogène que la martensile dont elle dérive, d'une dureté intermédiaire entre celle de la perlite dérivant de la hardenite et celle de la ferrite. Les trempes diles négatives, c'est-à-dire les trempes dans des bains chauds comme le plomb fondu, ou même dans l'huile froide pour les pièces un peu grosses, ne constituent pas une trempe véri- table : elles sont équivalentes à une trempe suivie d’un revenu immédiat et ont pour effet principal de réaliser l’homogénéité du métal. Par contre, la cristallisation spéciale résultant d'un chauffage trop élevé est loujours nuisible ; elle augmente la fragilité finale du métal, qu'il soit trempé ou refroidi lentement. Il faut donc, dans la trempe, éviter de chauffer le métal à une tempéra- ture et pendant un lemps supérieurs à ce qui est strictement nécessaire. Il en est de même dans toute opéralion qui exige le chauffage du métal. Ainsi dans le forgeage et le laminage la cristalli- sation détruite par le pétrissage mécanique se reforme spontanément si l'opération est terminée à une température trop élevée et que le refroidis- semenl ne soit pas assez rapide. Il est difficile de terminer le travail à basse température vers 600 à 700° comme cela serait désirable, parce que la dureté trop grande du métal exigerait une dépense exagérée de force motrice; mais on peut ramener rapidement les pièces à la température voulue en les arrosant d’eau, en quantité pas trop forte cependant, si l'on ne veut produire qu'une espèce de trempe négative et fixer seulement la structure produite parle forgeage ou le laminage en :aissant la récalescence se produire. Si la principale action du traitement calorifique se fait sentir sur les dimensions extérieures de la cellule, on ne doit pas oublier qu'il peut, comme on l’a vu, agir en même temps sur la constitution interne de la cellule par les conditions dans les- quelles la transformation de récalescence s’est faite au refroidissement. L’effet des trempes néga- tives sur l'allongement de rupture du métal dû certainement en partie, comme il vient d'être dit, à l’'homogénéité plus grande du métal, doit également être rattachée à la finesse plus grande du grain de la cassure, résultant de la ténuité plus grande des éléments de la perlile qui s’est développée plus rapidement et à plus basse température dans un mélal moins malléable. $ 3. — Double trempe. Pour être complet, il resterait à parler de l'in- fluence de la double trempe sur la structure du métal. Cette opération consiste à tremper une première fois le métal, le recuire à 600° au-dessous du point de récalescence et le tremper alors de nouveau. Son effet est de diminuer considérable- ment la fragilité du métal en supprimant le palier d'allongement qui se manifeste habituellement dans les métaux recuits. Ce traitement de l'acier, recommandé pour la première fois par M. Wal- rand et employé depuis pour diverses pièces dans le service de l'artillerie, a été l'objet d’une étude complète de M. André Le Chatelier, à la suite de laquelle il a été utilisé systématiquement dans la marine pour les pièces de machine. Il est certain que cette trempe spéciale ne met 22 D: P. JANET — LE TROISIÈME CONGRÈS INTERNATIONAL DE PSYCHOLOGIE en jeu aucun facteur d'ordre chimique, le mélal est dans le même élat qu'à l’élat recuit; il semble donc probable qu'il n’y a là en jeu que des ques- lions de struclure. Quelques microphotographies publiées par M. A. Martens semblent le confirmer, mais aucune étude systémalique n’a encore élé faite de cette question, on ne peut donc que signaler cette lacune. III. — ÉTAT MÉCANIQUE Les propriétés de tout mélal se modifient d’une façon passagère ou permanente quandilestsoumis à des efforts mécaniques capables de lui imprimer des déformations élastiques ou permanentes. Les aciers trempés sont le siège de tensions internes énormes ; il est donc nécessaire de se préoccuper de l’influence possible de ces efforts sur les pro- priélés du métal. L'origine de ces tensions provient à peu près certainement des variations du volume qui ac- compagnent le retour du fer de sa variété non magnélique à sa variété magnélique, car le ferro- nickel et l’acier-manganèse qui gardentl’élat non magnétique ne sont pas soumis à de semblables tensions internes. Les mélaux qui ont éprouvé des déformations permanentes, qui sont ce que l’on appelle écrous, ont des propriétés qui les rapprochent par bien des côtés de l’acier trempé. Leur limite élastique est considérablement élevée, leur malléabilité très faible et le recuit fait disparaitre ces particularités comme le revenu pour l'acier. Ces analogies ont été depuis longtemps signalées par Tresca. M. Osmond, en comparant l’acier écrouiet recuit, a observé que l'écrouissage ne change pas, comme la trempe, l’élat chimique du carbone, mais que néanmoins il augmente, comme la trempe, la chaleur de dissolution du métal dans les acides. Il avait été ainsi conduit à supposer que les effets de la trempe et de l’écrouissage sont dus, pour ure part, àl'existence d'une même variété allotropique du fer qui prendrait également naissance dans ces deux opérations distinctes. Mais cette hypothèse, qui n’a été appuyée d'aucune preuve direcle, semble aujourd’hui abandonnée. M. André Le Chatelier, par contre, prenant l’écrouissage comme une propriélé commune à tous les métaux, caractérisée dans tous les cas par un accroissement de dureté, mais indépendante de toute transformation allotropique proprement dite, propose d'expliquer en partie l’élévation de la limite élastique qui se développe par la trempe dans les aciers doux, et quisemble tout à fait dis- proportionnée avec la quantité de carbures de fer pouvant exister dans ces mélaux, par l’écrouissage qu'éprouve nécessairement le fer libre quand, au refroidissement, il éprouve sa transformation allo- tropique avec changement de volume dans un mélal solide, maintenu de forme invariable {ant par le refroidissement complet de la surface ex- térieure, que par l'existence d’un réseau inlérieur de carbure qui tend à rester indéformable. Eu fait, rien n’est encore sur ce point élabli d’une facon certaine en dehors de l'existence indéniable d'une influence directe des tensions internes de l'acier trempé sur ses propriétés, influence qui vient se superposer à celles des changements d'état chimique et de structure physique. En résumé, l'acier trempé est un mélange homo- gène, une dissolution solide d'un carbure de fer FeC et de la variété magnélique du fer. Cette dis- solution est, comme les verres, à l’élat de sursatu- ration, de surfusion, et peut se dédoubler comme eux par une élévation convenable de température en ses deux éléments constituants. Mais, contrai- rementaux verres, l'acier trempén’est pas amorphe: par sa structure, il se rapproche plutôt des mé- langes crislallins isomorphes. Les dimensions et formes des éléments cristal= lisés, des cellules, qui ont une grande influence sur les propriétés de l'acier, dépendent principale- ment des conditions antérieures de travail que le mélal à traversées pour arriver à son élat actuel. H. Le Chatelier, Ingénieur en chef des Mines, Professeur de Chimie à l'Ecole supérieure des Mines. LE TROISIÈME CONGRÈS INTERNATIONAL DE PSYCHOLOGIE Le lroisième Congrès international de Psychologie s’est réuni à Munich, du 4 au 7 août 1896, sous la présidence du Professeur Stumpf (de Berlin) et du Professeur Lipps (de Munich). À la séance d'ouverture, qui a eu lieu dans la grande salle de l'Université Royale, le chevalier de Landmann, Ministre de l'Instruction publique et des Culles, au nom du Gouvernement Bavarois, M. le bourgmestre Brunner, au nom de la ville de Munich, M. le recteur Baur, au nom l'Université, ont souhaité la bienvenue aux membres du Con- grès. Ceux-ci étaient fort nombreux : 503 ins- crits, ce qui dépasse de beaucoup le chiffre de 300 membres atteint par le précédent Congrès D: P. JANET — LE TROISIÈME CONGRÈS INTERNATIONAL DE PSYCHOLOGIE 23 réuni à Londres en 1892, et, à plus forte raison, le chiffre de 210 du Congrès de Paris en 1889. Parmi ces membres du Congrès se trouvent en grand nombre des professeurs allemands; viennent en seconde ligne des médecins, beaucoup s'étant, comme on sait, rattachés depuis quelques années aux études psychologiques ; mais il faut noter, en plus, la présence d’un certain nombre de juris- consulles que l’on ne remarquait pas également dans les Congrès précédents. Il est probable que leur nombre ira en s’accroissant, car on com- prendra de plus en plus l'importance des études psychologiques dans la jurisprudence criminelle. Aupoint de vue de la nationalité, les Allemands viennent, bien entendu, tout à fait au premier rang; cela est tout naturel : un congrès prend tou- jours un peu un caractère national, suivant le pays où il siège. Viennent ensuite un grand nombre de psychologues, Autrichiens, Russes, Italiens, Sué- dois, un assez petit nombre d'Anglais et d’Améri- cains, et, je regrette de le dire, un nombre res- treint de’ Français. Une trentaine de Français se sont fait inscrire comme membres du Congrès, mais une dizaine seulement sont venus à Munich et ont pris part aux séances. Je crois que le carac- tère du Congrès n'a pas élé bien compris en France par les professeurs de philosophie. Le premier Congrès, en effet, — celui qui siégeait à Paris — s’inlitulait Congrès de Psychologie physiolo- gique, el ce terme, d'un sens un peu restreint, sem- blait s'adresser davantage aux médecins qu'aux philosophes. Le deuxième Congrès, qui fut tenu à Londres, prit le nom de Congrès de Psychologie expé- rimentale ; ce terme, déjà beaucoup plus vaste, in- diquait fort nettement que l’on n'avait pas des préoccupations exclusivement physiologiques, mais que l’on accueillait toute communication fondée sur l'observation des faits. On ne semblait exclure que les discussions proprement dites. Cette épithète « expérimentale » ajoutée au mot « Psychologie » avait cependant ses inconvénients : elle laissait en- tendre qu'il y avait deux psychologies, deux ensei- gnements : l'un, d'observation, d'expérience, dans lequel le raisonnement pur, la construction systé- matiquen’auraientaucune part, quiexclurait toutes les anciennes études des grands philosophes, et qui, bien que né d'hier, se suffirait à lui-même avec quelques instruments et quelques descriptions de maladies; l’autre, tout entier composé de théo- ries el de systèmes, ne se préoccupant d'aucune réalité vivante et répétant les doctrines du passé, sans tenir comple des découvertes nouvelles. Il suffit d'exprimer cette séparation pour en montrer toute l’absurdité, et cependant elle a donné nais- 1 Voir le compte rendu du congrès. Revue générale des Sciences, 1892, p. 609. sance à un malentendu qui me parait avoir joué un certain rôle en France. C'est pour lutter contre ce malentendu vraiment ridicule que les organisateurs du Congrès, — comme M. Stumpf l'a très bien dit dans son dis- cours inaugural, — ont décidé une petite modifi- calion de titre, pelite en apparence, mais grosse de conséquences. Ce troisième congrès est un con- grès de Psychologie, tout simplement, sans épi- thète. Cela signifie, à mon avis, deux choses : d’abord, qu'il n’y a pas deux psychologies, qu’il n’en existe aucune en dehors de celle qui tient compile des faits, et, deuxièmement, que cette psy- chologie n'a aucunement la prétention enfantine de supprimer le raisonnement et le système, de se passer des conceptions des grands philosophes et qu'elle appelle, au contraire, toutes les bonnes volontés et toutes les études, quelles qu'elles soient. C'est là une initiative heureuse, etil viendra une époque où l’on trouvera aussi bizarre de dire un cours de Psychologie expérimentale que de dire un cours de Physique ou de Physiologie expéri- mentale. De telles disposilions ont naturellement pro- voqué un nombre de communications considérable, sur toutes les queslions possibles. C'est là un inconvénient, sans doute, car aucune question n’est traitée à fond; mais fait-on la science dans un congrès? C’est aussi une sorte de revue générale de tous les genres d’études qui, aujourd'hui, se rattachent de près ou de loin à la Psychologie. Ces communications, au nombre de 160, ont dû être réparties, bien entendu, en diverses sections. M. le docteur von Schrenk-Notzing, qui avait accepté les fonctions de Secrétaire général, a su diriger, avec autant d’habileté que d’amabilité, l'organisation difficile d'un congrès aussi nom- breux, la répartition de communications et de dis- cussions aussi diverses. Nous ne pouvons suivre iei exactement la division adoptée. Nous nous proposons seulement de profiter de cette liste de communications pour voir rapidement les diffé- rentes directions qui dominent aujourd'hui dans la recherche psychologique, et, comme nous l'avons déjà fait dans notre étude sur le Congrès de Londres, nous diviserons les communications d’après la méthode qui les a inspirées. — Nous admettrons ainsi neuf divisions principales : 1° Les études générales ou philosophiques. — Celles- ci, comme on peut le voir dans notre précédent article, n'avaient pas de place au Congrès de Lon- dres. Le ütre, plus large, du présent Congrès nous a valu quelques belles études philosophiques, et personne n’a regretté d'entendre ouvrir un con- grès psychologique par l'étude de M. Stumpf sur L rs les différentes théories des rapports entre le phy- sique et le moral, et d'entendre à la conclusion du Congrès le travail de M. Lipps sur le « Rôle de l’Inconscient » ; 2° La Psychologie anatomique, à laquelle nous rapportons exclusivement les recherches sur la localisation cérébrale phénomènes de l’es- prit; 3 La Psychologie physiologique, qui étudie les relations entre les faits moraux el les faits physio- logiques, non seulement du système nerveux, mais de tout l’organisme; 4° La Psychologie mathématique qui, comme son nom l'indique, essaie d'appliquer le nombre et la mesure aux faits psychologiques; 59 La Psychologie descriptive, qui recueille aussi exactement que possible les faits que nous pou- vons observer sur nous-mêmes et sur les autres, sans appliquer à ces faits des méthodes particu- lières de calcul; 6° La Psychologie comparée, qui est, sans doute, une forme de la précédente, mais qui en diffère en ce qu’elle prend pour objet d'observation des esprits différents de l’homme normal adulte, étudié presque exclusivement par l’ancienne psy- chologie classique ; 7° La Psychologie pathologique, qu'il est juste de séparer, car elle demande des méthodes et une éducation un peu spéciales ; 8° Les études psychologiques faites au moyen de l’xypnotisme, qui forment une variété assez bien définie dans le groupe des observations sur les esprits malades ou, au moins, anormaux. I. — GÉNÉRALITÉS PHILOSOPHIQUES. M. Slumpf, dans son discours d'ouverture, aborde résolument le grand problème des rapports du physique et du moral. Il critique durement la théorie du parallélisme, qui a joué un grand rôle dans la Psychologie contemporaine. Cette théorie, qu'il attribue à Fechner, mais qui me parait cependant remonter plus haut, admet que les phénomènes psychologiques et les phénomènes physiologiques, au moins ceux du cerveau, se développent en deux séries parallèles, de telle manière qu'à un phénomène moral corresponde toujours un phénomène physique, sans que ces phénomènes aient réellement une influence cau- sale l’un sur l’autre. C’est là, dit-il, une nouvelle forme de la Métaphysique dualiste, et qui en a tous les inconvénients. Il veut faire rentrer ces phéno- mènes différents en une seule et même série, en admettant une influence causale de l’un sur l’autre. Il est évident que la théorie du parallé- lisme n'est qu'un moyen commode d'éluder le problème, mais elle me semble avoir ses avan- D' P. JANET — LE TROISIÈME CONGRÈS INTERNATIONAL DE PSYCHOLOGIE tages, surtoul si on la prend dans le sens de Kant. La théorie de la dépendance est plus logique et plus scientifique. Elle sera bien difficile à appli- quer dans la pratique. M. Th. Lipps, à propos du concept de l'inconscient dans la Psychologie, expose des principes de philosophie générale qui rappellent ceux de Maine de Biran. Il montre que la notion de l'insconscient se rattache également aux conceptions métaphy- siques comme aux données psychologiques. M. Franz Brentano présente un long mémoire fort intéressant sur la fhéorie de la sensation. 11 rap- pelle le fameux problème de la qualité et de la quantité, que la Psychologie mathématique semble trop oublier,et soutient, avec beaucoup d'auteurs, que tous les phénomènes de l'esprit ne sont carac- lérisés que par la qualité et qu’il faut éliminer le concept d’intensilé de tout le domaine de la pensée abstraite. Rappelons aussi, à propos de ces questions gé- nérales, les études de MM. Slaniland Wake et W. S. Wadsworth sur lindividualité et l'unité’ psychique, ainsi que les hypothèses de M. Alexander F. Shand sur les relations entre l'esprit et le cerveau. Ce sont des études de ce genre qui faisaient un peu défaut dans les congrès précédents. Leur nombre, leur importance montrent que la philo- sophie proprement dite n’est plus séparée de la nouvelle psychologie. IT. — PSYCHOLOGIE ANATOMIQUE. Un grand et remarquable travail doit, en pre- mier lieu, être rattaché à cette section : c’est l'étude du D' Paul Flechsig, de Leipsig, sur les cen- tres d'association dans le cerveau humain. L'auteur examine d'abord toutes les recherches si impor- tantes de ces dernières années sur la localisation des centres sensoriels. I{ montre que ces centres n’occupent chez l'homme qu'un tiers, à peu près, du cerveau, mais qu'ils sont séparés par des lam- beaux d’écorce assez considérables. Il ne faut pas croire que ces régions nouvelles jouent un rôle moteur, car les centres moteurs se confondent avec les centres sensoriels, en particulier avec ceux de la sensibilité générale, terme d'aboutisse- ment des fibres qui partent des racines posté- rieures de la moelle. Ces régions sont destinées aux fonctions d'association des différents centres sensoriels entre eux. M. Flechsig examine la disposition et le rôle des trois principaux centres d'association, les conséquences de leurs lésions et leur importance pour la vie psychique. C’est là un travail considérable, —qui,sans doute,ne supprime paslesanciennes étudesde Psychologie proprement dite et qui, au contraire, se fonde surelles, comme on l’a fait observer, — mais qui précise singulière- etat D TS D' P. JANET — LE TROISIÈME CONGRÈS INTERNATIONAL DE PSYCHOLOGIE 25 ment la connaissance du mécanisme physique de la pensée. C’est, d’ailleurs, le problème que discute le Prof. Edinger en recherchant si, en l’élat actuel de la science, {a Psychologie peut trouver d'utiles ressources dans l'Anatomie cérébrale. D'autres auteurs cherchent encore à rattacher des phénomènes psychologiques à leur base matérielle, soit d’une manière générale comme le Prof. Æ. Obersteiner, qui cherche es fondements matériels de la conscience, soit d'une ma- nière plus précise comme le Prof. @. Sergi, de Rome, qui diseule la relation établie entre les émotions el le bulbe rachidien. Signalons aussi les études : du D: Awes, de Hambourg, sur l'anatomie patholo- gique du cerveau d'un enfant microcéphale; du Prof. Bezold, de Munich, sur l'analomie de l'oreille en rap- port avec la perception des sons variant de hau- teur d’une manière continue. IIT. — PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE. Un grand nombre d’études ont été présentées sur le rapport qui existe entre les phénomènes psychologiques et physiologiques. Parmi les plus importantes, nous devons signaler l'étude biolo- gique de M. Cx. Richet sur la douleur, ses conditions physiques etsonrôle pour la protection de l'animal; celle de M. ©. Rosenbach, de Berlin, sur le mécanisme du sommeil, qui m'a particulièrement intéressé : car l’auteur fait jouer un grand rôle aux phénomènes de volonté ; des études sur les maladies de l’es- prit m'avaient permis de faire déjà bien des re- marques analogues. L'étude de M.Preyer sur les fonctions du protoplasma avec celles du D° Vram (Rome) sur le courant centri- Juge des excitations sensitives, celle du D° Æéring (de Prague) « jusqu'à quel point l'intégrité des nerfs centri- pêles est-elle une condition des mouvements volontaires », celle de M. Wedenski, de Saint-Pétersbourg, sur l’innervation centrale, se rattachent plus particulière- ment à la physiologie du syslème nerveux. Mais il est un groupe de recherches qui semble avoir particulièrement séduit en ce moment les psychologues : c’est l'étude des modifications vaso- motrices en rapport avec les phénomènes de la pensée. Lescommunications de MM. Binet et I. Cour- lier, de M. A. Lehmann (Copenhague) et surtout celle du D* Putrizi se rattachent à cette recherche. Enfin signalons le travail du Prof. Sommer sur l'inscription des petits mouvements inconscients, et les expériences curieuses de M. G.-M. Schatton sur la vision sans renversement de l'image rétinienne. Par un dispositif expérimental, ce savant fait apparaitre à un sujet les images des objets droites; les objets, naturelle- ment, paraissent retournés, illusoires; mais, si l'expérience est prolongée pendant trois jours, ces images sont acceptées comme réelles et un accord nouveau s'établit assez vite entre les per- ceptions tactiles et visuelles. IV. — PSYCHOLOGIE MATHÉMATIQUE. Ce fut autrefois la Psycho-Physique qui essaya d'appliquer aux phénomènes de la pensée la me- sure mathématique. Aujourd'hui les études qui méritent proprement ce nom de psycho-physiques sont bien rares. Nous n'avons à signaler que les deux communicalions du D' Cornelius, de Munich, et du Prof. Æ. Ebbinghaus, de Berlin, sur la méthode psycho-physique des cas vrais et faux. Les études mathématiques sont aujourd'hui un peu différentes. Elles portent sur l'intensité de telle ou telle sensation dans des condilions déter- minées, comme celle du D' Golz Martius et celle du D: Oswald Kulpe sur l'influence de l'attention sur l'in- tensilé des sensations. Ou bien, plus fréquemment encore, les études portent sur la durée des phéuo- mènes psychiques mesurée par l'examen destemps de réaction (D° A. Tokarsky, de Moscou, D' Roemer). D'autres études sont surtout statistiques (D' Artlur Wreschner, de Berlin, sur les erreurs de temps; D' Von Tschisch, sur la mémoire des sensations; Prof. Th. Elournoy, sur l'association des chiffres chez les divers individus). Ces auteurs essaient d'obtenir des lois numériques en répétant la même série d'expé- riences chez un grand nombre d'individus et en calculant la moyenne des résultats. Il est intéres- sant de remarquer que ces nouvelles études ma- thématiques s'élèvent un peu au-dessus de la sim- ple sensation, objet de la Psycho-Physique et cherchent à déterminer par des nombres certaines facultés déjà plus élevées, comme la mémoire ou l'imagination. V, — PSYCHOLOGIE DESCRIPTIVE OU OBJECTIVE. L'ancienne Psychologie descriptive, dans laquelle le psychologue se borne à décrire ses propres sen- timents, n’était guère représentée au Congrès. Elle a cédé la place à une Psychologie qui mérite plutôl le nom d’objective. C'est encore une description sans mesures bien mathématiques et sans interprétation physiologique, mais c'est une observation qui porte plutôt sur autrui et qui cherche à mettre le sujet dans des conditions bien déterminées afin de constater les faits avec plus de précision. C'est à celte catégorie que se rattacherait la note que M. Binet a envoyée au Congrès, sur la Psychologie individuelle. Remarquant avec raison que c’est par les processus supérieurs, par la manière de sesou- venir, d'imaginer, de juger, de raisonner, bien plutôt que par les sensations, que les individus diffèrent entre eux et se caractérisent, il propose de noter ces différences dans les opérations supé- rieures chez les divers individus, quoique ces opé- 26 D' P. JANET — LE TROISIÈME CONGRÈS INTERNATIONAL DE PSYCHOLOGIE rations ne puissent guère êlre mesurées avec précision. M. le D' C. Ueberhort étudie le rôle des acteurs psychiques, en particulier de l’activité synthé- tique dans la perception visuelle. M. le D' G. Hirth présente quelques remarques intéressantes sur l'obectivation de nos sensations dans l'espace, et renoû- velle la discussion ancienne du nativisme et de l’'empirisme. Signalons une série de travaux de MM. Bireh-Reichenwald, O. Rosenbach sur la sensation de couleur, de MM. J. Cohn, J. Courtier, Ferrari, Mourly-Vold, Philippe, Vaschide sur les images men- lales, les divers types de mémoire et les rêves. M. le Prof. Ribot, dans un travail sur l'abstraction des émotions, cherchesil’abstraction oula généralisation quireste d'ordinaire dans l'ordre intellectuel peut s’appli- quer aux élatsémotifs. Ilrépond à cette question, qui n'aguère été poséejusqu'iciparlespsychologues, en étudiant une littérature curieuse, celle des poètes contemporains qui s'intitulent « symbolistes ». Il trouve dans leur état mental une inaptitude à l’abstraction intellectuelle avec prédominance des états affectifs. Mais leur émotion est abstraite, elle n’est pas l'émotion d’un événement particulier res- senti ou imaginé; elle est un thème d'émotion. Si nous nous élevons aux phénomènes psychologiques plus complexes, nous notons des études du D: W. Heinrich, sur l'attention et du D' W. Jérusalem sur la formation du concept de nombre, mais nous remar- querons surtout un certain nombre d’éludes, en particulier celles du Prof. 7h. Lipps et de M. V. Basch sur des problèmes d'esthétique, qui sont ratta- chés à la Psychologie d’une façon intéressante. Enfin nous signalerons des études de Psycho- logie objective au moyen de l'analyse de l'écriture : le travail du Prof. W. Preyer sur l'individualité de la signature; du D' Max Offner sur les fautes que l'on faiten écrivant, indiquent une voie de recherches fructueuses; c’est une vieille science, la Grapho- logie, qui vient, elleaussi, rejoindrela Psychologie. VI. — PSYCHOLOGIE COMPARÉE. Aulieu d'examiner uniquementl’individu normal et adulte, beaucoup d'auteurs ont cherché à inter- préter les actions d'individus plus ou moins diffé- rents, et il n’est pas douteux que cette comparaison de types psychologiques différents ne soit de plus en plus nécessaire. Ilestsingulier que, dansle dernier Congrès, aucun travail n’ail été présenté sur la psychologie des animaux; mais, au contraire, un grand nombre de communicalions, dont quelques-unes remarqua- bles, ont montré le grand développement des études sur l'enfant. Il faut placer en premier lieu le tra- vail de M. W. Preyer, la Psychologie de l'enfant, qui montre toute l'importance de cette étude pour la Psychologie et met en relief des faits importants. Nous notons ensuite une dizaine d’études que nous regreltons de ne pouvoir énumérer, sur le langage des enfants, leur écriture, leur caractère, leur attention, leur développement intellectuel, et sur les précautions nécessaires dans leuréducation ou leur instruction. En un mot, une série de travaux pédagogiques qui n’existaient pas au même degré dans les précédents congrès se sont ajoutés à la Psychologie pure. Un deuxième groupe d’études de Psychologie comparée porte sur la Psychologie sociale, la science des phénomènes moraux dans les diverses races d'hommes et surtout dans les races primitives. Le D' Max Friedmann (Mannheim) étudie le développe- ment du jugement chez les peuples non civilisés, et M' 47. H. Slout (de Cambridge) présente un travail fort curieux sur l'idée de la personnalité telle qu’elle existe d’une manière. vague, sans analyse, dans l'esprit du sauvage. Les études sur la psychologie des hommes supé- rieurs, des hommes de génie, sont représentées par les travaux de M. #. W. Myers et de M. L. Patrizzi. Enfin, les études psychologiques sur les criminels ont provoqué la communicalion de M. le D° 0. Näcke etle discours important du Prof. D' Franz von Liszt (de Halle) sur la responsabililé pénale. VIT. — PSYCHOLOGIE PATHOLOGIQUE. La Psychologie pathologique ou Psychiatrie, celle qui se préoccupe de l’examen des malades et bien souvent de leur traitement, mérite, comme nous l’avons dit, une place à part dans la Psycho- logie comparée. Un certain nombre de travaux, comme ceux du D' Crocg jils sur l'Hérédilé en Psychopathologie, de MM. Ferrari et Guiceiardi sur la Psychologie indivi- duelle dans l'examen clinique des aliénés, du D' Guif- rida-Rugyeri sur l'importance des stigmates de déyèné- ! (7171 1} L À rescence, du D' Harro sur les psychoses de la puberté, du D' P. Tesdorpf sur le caractère changeant de cer- tains délires,sontpresqueexclusivementmédicales. D'autres auteurs se servent de la clinique pour élucider un problème psychologique. Le D" P. Sollier confirme l'importance de la sensibilité viscérale, de la cœnesthésie dans la formation de la personnalité; MM. les D' Ferrari, Bernardini, Strum- pell étudient diverses alléralions de la mémoire, M. le D' Aschaffenburq (Heidelberg) présente une note sur l'associution des idées chez divers malades. M. le D: Sancle de Sanclis lit un travail fort intéressant sur le rapport qui existe entre l'émotion el lerère : il cherche, par une observation prolongée, comment et jusqu'à quel point une émotion de la veille peut influer sur les songes du sommeil, el, inversement, comment les songes peuvent influencer les émo- tions de la veille. Parmi les études sur {« volonté et l'attention des | | | D' P. JANET — LE TROISIÈME CONGRÈS INTERNATIONAL DE PSYCHOLOGIE 271 _—_— — ——— — _ —"_ — —{Û ÎUÎÛUÛU ÎU Î ÛÎU _—"—]—]—]—]—]—]_]]_ ——]—]—]—]]]]—]—]—]—]—]—]—]_]—]—]—]—]—"—]—]—”—"”—”—”"’———…— malades nous signalerons le travail du D°7. Jæger sur les anomalies de la volonté. Nous indiquerons que nous avons nous-même présenté une note sur les temps de réaction simple dans leur rapport avec les maladies de l'attention. Dans certains cas la courbe des temps de réaction peut caratériser la puissance de l'attention, mais il ne faut pas toujours accepter sans discussion celle mesure de l'attention volon- taire et consciente, car, dans certains cas, cette courbe peut ne manifester qu'une activité automa- tique. Un certain nombre de travaux ont élé présentés sur cette question des édées fires, aujour- d'hui particulièrement étudiée en Psychiatrie. Nous citerons ceux de M.C. D' Ari de Joug (La Haye), du D' Clémens Neisser (Leubus, Schle- sien), du D' Grashey (Munich), du D' Fr. C. Huller (Munich). Qu'il nous soit permis d'indiquer que nous avons présenté, en collaboralion avec M. le Prof. Raymond, l'observation d'une malade bien curieuse de la Salpêtrière : obsédée par des idées religieuses, elle a des attaques d’exlase, dans lesquelles elle joue la scène de la crucifixion de Jésus-Christ et, par idée fixe subconsciente, garde constamment dans l'intervalle même des attaques les deux jambes contracturées d'une manière systéma- tique dans la position de la crucifixion. Enfin, le problème de l’aphasie esl traité dans quelques communications du D A. Guizmann (Berlin) et du D'° 7%. Heller (de Vienne), et M. le D' #. Muerk présente quelques réflexions sur le fait, si curieux, de l'écriture renversée ou de l'écriture en miroir. VIII. — L'HYPNOTISME. Il est certain que les éludes sur l'Hypnotisme ont été à ce dernier Congrès moins nombreuses qu'aux précédents. M. le D' Crocg fils présente quelques remarques sur l'éat de la sensibilité et des fonctions intellectuelles chez les hypnotisés, le D° J. Milne Bramwell résume ses expériences sur l'p- préciation du temps par les somnambules, et étudie aussi le degré d'automatisme et de résistance à la suggestion de ses somnambules. M. ouwrnoy (de Genève) décrit quelques faits curieux d'ina- gination subconsciente qui se manifestent par l'écri- Lure, dite automatique, des médiums: et le D' Falk Sehupp (Bad-Soden) montre combien est singulière et difficile à expliquer l’anesthésie que l’on peut produire par la suggestion. Naturellement un certain nombre de communi- cations ont pour objet la valeur thérapeutique de l'hypnotisme et de la suggestion ; nous citerons celles du D'ZÆ. Hecker (Wiesbaden), du D' Ch. Lloyd Tuckey (Londres), du D' Awguste Voisin (Paris). M. le D' ©. Wetterstrand confirme l'importance thérapeutique du sommeil lui-même, indépendam- ment de la suggestion, quand, par des moyens artificiels, il est longtemps prolongé pendant des jours et même des semaines. Enfin, dans notre dernière communication, nous avons insislé sur un des caractères et des grandes difficultés de ces traitements par la suggestion. Le médecin prend surlesujet uneinfluenceénormeet des plus curieuses, et il le dirige dans toutes ses pensées, mais le sujet ne sait pas se passer de ce point d'appui, il éprouve un besoin intense de direction morale, et malheureusement retombe souvent danssa maladie antérieure dès qu’on l’abandonne à lui-même. IX. — PSYCHOLOGIE TRANSCENDANTE. Il ne faut pas oublier que notre science est limitée,et que la réalité dépasse de beaucoup tout ce que nous pouvons concevoir. Aussi a-t-on le droit d'examiner ces phénomènes mystérieux qui sont sur les confins de la science. M. Ziébeaull envoie une note sur le problème des communications de pensées par suggestion mentale ; M. le Professeur Sidgwick montre le rôle que jouent quelquefois dans ces expériences des chuchotements involontaires. M" Sidgwick fait une dernière communication à propos de l'enquête statistique commencée en 1889 sur les hallucinations éprouvées par des personnes saines d'esprit, afin d'examiner le degré de proba- bilité des Aallucinations télépathiques. X. — CONCLUSIONS. Nous n'avons pu présenter dans ce travail qu'un bref résumé de quelques communications, en re- greltant d’en laisser de côté beaucoup d’autres. Mais nous voulions surtout montrer la diver- sité des directions que suit la Psychologie contem- poraine. Le nombre des recherches qui se rat- tachent à la Psychologie semble croilre sans cesse, et des études comme celles de la Philosophie générale, de la Pédagogie, de l'Esthétique, de l’Anthropologie, de la Jurisprudence, qui, jusqu’à présent, se développaient en dehors de la Psycho- logie proprement dite, ont été largement repré- sentées au dernier Congrès. Une réunion de ce genre n'a-l-elle pas ainsi un rôle vraiment ulile,et l'institution des Congrès internalionaux de Psy- chologie n'a-t-elle pas alteint son but si elle peut servir ainsi de centre de ralliement et réunir au- tour de la Psychologie toutes ces études physio- logiques et morales ? Ce sera encore, croyons-nous le rôle du prochain Congrès qui aura lieu à Paris en 4900. MM. Th. Ribot et Ch. Richet ont élé dési- gnés comme présidents, M. Pierre Janet comme secrétaire général. D' Pierre Janet, Professeur suppléant au Collège de France, Directeur du Laboratoire de Psychologie à la Salpétrière. 28 ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES L'ÉLECTRICITÉ A L'EXPOSITION NATIONALE SUISSE DE GENÈVE — LES FIACRES ÉLECTRIQUES A PARIS L’Electricité occupait une place d'honneur à l’Expo- sition de Genève. Ce n’était plus le simple exposé d’es- sais ou d'expériences, mais la puissante manifestation des applications multiples de l'électricité en ces der- nières années. L'électricité n'avait pas seulement son Exposition particulière en groupes spéciaux, mais elle avait pé- nétré dans toutes les branches de l'industrie repré- sentée à l'Exposition, et, si elle ne paraissait pas tou- jours en évidence, c’est elle qui partout donnait le mouvement et la vie. Pour comprendre ce rôle prépon- dérant, il faut tout d’abord se reporter à l’organisation des services industriels de la ville de Genève. Située sur les rives du Rhône, la ville de Genève a depuis longtemps cherché à recueillir les richesses inestimables de son fleuve au cours rapide. Les travaux SNS S ce point de vue pratique et industriel, il a le succès scientifique, digne du plus haut intérêt, de la transformation d’une puissance hydraulique en puis- sance électrique, puis son transport à grande distance et, enfin, la subdivision de cette force unique et sa distribution à une multitude de petits moteurs. Il ne s’agissait pas seulementde distribuer cette force d’après un plan concu d'avance, mais il fallait l’adapter aux exigences et aux systèmes spéciaux de chaque expo- sant, car les moteurs, aussi bien que les machines à ac- tionner, faisaient partie des objetsexposés. Le problème scientifique qui a été résolu à l'Exposition de Genève consistait à utiliser une seule source de courant pour alimenter n'importe quel système de moteurs exis- tants; ce courant devait être soumis à de multiples transformations, qui viennent de subir ainsi l'épreuve \ À 2 IN S. LE RS SN EE ANNEE - De Æ Mia Fig. 1 et 2. — Coupes transversale et longitudinale de l'usine électrique de la ville de Genève à Chèvres sur le Rhône. — À gauche, on voit la disposition qui permet de faire tomber l’eau à volonté sur la turbine inférieure ou la turbine Supérieure. — À droite, on voit le mode de montage des dynamos horizontales sur les axes verticaux des turbines. de captation de cette force hydraulique commencèrent au siècle dernier et passèrent jusqu'en 1887 par des phases successives de développements et de perfec- tionnements, À cette date, la ville de Genève réalisa une force de 4.000 chevaux en barrant le Rhône dans toute sa largeur. La distribution en était faite sous forme d’eau comprimée à 4# atmosphères de pression et cette eau était utilisée en partie comme eau potable et en partie comme eau industrielle pour actionner des moteurs hydrauliques. Ce service ne pouvant bientôt plus suffire au nombre des demandes, un deuxième barrage fut créé en 1893 en aval du premier. La hauteur de la chute en fut portée à 8 m. 50 à l'étiage d'hiver; et, au débit minimum hivernal de 120 mètres cubes à la seconde, il assure une force disponible de près de 12.000 chevaux. C’est la distri- bution de ces 12.000 chevaux de force au moyen de l'électricité qui a été inaugurée à l’occasion de l’Expo- sition. Près de 3.000 chevaux y ont trouvé leur utilisation soit dans le service d'éclairage, soit dans le transport de force aux machines exposées et ils ont fait de l'Exposition une démonstration vivante des travaux de l’industrie et des procédés de fabrication, À côté de de la pratique. C’est à l’étude comparative de ces différents systèmes de transformation que sont consa- crées les lignes qui suivent. Deux systèmes fondamentaux se partagent toutes les applications de l'électricité : la distribution sous forme de courant continu et celle sous forme de cou- rants alternatifs. Chacune a ses partisans et ses dé- fenseurs, et le fait que la lutte entre ces formes decou- rant dure depuis plusieurs années prouve que chacune a ses avantages et que les conditions locales peuvent seules influencer en faveur de l’une et de l'autre. Comme subdivisions, citons le courant continu à pres- sion ou à potentiel constant, le courant continu à dé- bit constant et potentiel variable, le courant alternatif simple à potentiel constant et, enfin, diverses com- binaisons de courants alternatifs à potentiel constant, mais à phases décalées, c’est-à-dire dont les périodes de variations s’entrecroisent, Tous ces systèmes per- mettent d'obtenir les mêmes résultats et n’entraînent que des différences dans la structure électrique des machines. La nouvelle usine génératrice d'électricité de la ville de Genève est du type à courants alternatifs biphasés. Elle est construite à Chèvres sur le Rhône à environ bts ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 99 ______ __ — —————————————————————….…_…_-.—…—….…__ ’_ _ .…—_ ._— .-..]Î]Î.ÎM.î.].]Î. 6 kilomètres en aval de Genève (fig. 1 et 2). Les tur- bines commandant les dynamos sont d’une construc- tion spéciale à double étage. La partie inférieure tra- vaille seule en hiver lorsque la chute est maximaet le débit minimum. En été, le volume d’eau augmentant et la chute diminuant, on ouvre la partie supérieure; cette disposition permet de maintenir le nombre de tours rigoureusement constant à 90 à la minute, Un axe commun relie rigidement les turbines aux dyna- mos. Ces dernières sont placées à l'étage supérieur du bâtiment, à l'abri de toute humidité, et ne correspon- dent avec les étages inférieurs des chambres de tur- bines que par les organes de transmission. Le poids des tubines et dynamos est compensé par un palier spé- cial muni d’un plateau équilibré par pression d'huile. Chaque dynamo absorbe 1.200 chevaux; la fréquence des périodes du courant alternatif est de 45 à la se- conde, le potentiel est de 2.500 volts. Les difficultés que Fig. 3. — Machine dynamoëélectrique de l'usine de la ville développe une puissance de 1.200 chevaux à l'allure de 80 présente ordinairement le couplage des dynamos ont été habilement surmontées par lacombinaison de leurs constantes électriques et le jeu des régulateurs de tur- bines. Chaque dynamo est donc biphasée ; elle produit en conséquence deux courants distincts, qui se suc- cèdent avec un décalage d’un quart de période, Leur construction présente beaucoup d’originalité (fig 3). La disposition en est due à M. Thury, ingénieur de la Com- pagnie de Industrie électrique ; la partie mobile de la machine ne se compose que d'une couronne dentée qui, par le passage successif des dents devant les enroule- ments électriques, produit une variation du flux ma- gnétique, d’où résulte la production d’une force élec- tro-motrice alternative. C’est certainement la première application de ce principe à des machines aussi puis- santes. Le courant est transporté de l’usine à la ville de Genève par un câble de construction originale, Pour éviter la dépense de câbles armés de gaines de plomb et d'acier, les fils électriques ont été posés dans un caniveau de bélon enduit et garni de brai de goudron mélangé de masses isolantes. Cet essai, tenté sur une longueur de près de 6 kilomètres, a donné de bons ré- sultats jusqu'ici. Le courant était ainsi amené jus- qu'au centre de l’Exposition, où l’on procédait à sa transformation multiple. Une première partie était des- tinée à l'éclairage et était utilisée directement par l'emploi de transfomateurs, qui en abaissaient la ten- sion à 410 volts; le reste était converti en énergie mé- canique. Ce sont ces convertisseurs qui offrent un intérêt par leur nouveauté et les perfectionnements qui y ont été apportés. Pour comprendre leur fonctionnement et l’avenir qui leur est réservé, il faut se reporter aux conditions dans lesquelles se trouvent la plupart des stations centrales électriques. Créées dans la partie la plus populeuse des villes, elles n’ont d’abord eu à des- servir qu'une clientèle peu éloignée, et la distribution directe par courant continu à basse tension était tout indiquée; puis, le champ d'action s'étendant, les pertes de tension augmentèrent, et au lieu d'alimenter les lampes depuis une seule station, il devint nécessaire de Genève à Chèvres. — Cette machine, du système Thury, tours à la minute; elle produit un courant alternatif biphase. d'établir des sous-stations de distribution. Chaque sous-station devenait tributaire de la stafion-mère par un réseau spécial, et il fallut recourir à des méthodes indirectes de transformation, La solution la plus simple fut d'installer un moteur indépendant actionnant une nouvelle génératrice. C’est cette solution qu'a adoptée la Compagnie de l'Industrie électrique dont l'Exposi- tion a été un éclatant témoignage des nombreuses spé- cialités que produisent ses ateliers (fig. 4). Elle seule absorbait 550 H. P, (chevaux-vapeur) répartis entre divers moteurs de 50 à 300 H. P., tous branchés direc- tement sur le courant alternatif venant de la Station centrale de Chèvres. Les difficultés que l’on rencontre ordinairement dans le démarrage des moteurs à cou- rants alternatifs ont été simplement surmontées en utilisant pour la mise en marche un courant d’excila- tion indépendant ; puis le moteur, une fois lancé, est maintenu en synchronisme de phase par une petite excitatrice montée sur son arbre. L'un de; moteurs principaux commandait une géné- ratrice à 110 volts: ii formait le centre d’une distribu- tion secondaire de force motrice et alimentait 42 pe- tits moteurs répartis dans l'Exposition. Gette commande directe des différentes machines exposées supprimait 30 ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES tout organe compliqué de transmissions et ce n’était pas une des moindres attractions, que de voir nombre de machines-outils et de métiers à tisser ou à broder, entraînés comme par une force invisible, Toute l’ins- tallation revêtait un caractère de simplicité qui frappait le visiteur habitué à voir, comme complément indis- pensable de tout atelier, des combinaisons compliquées de courroies et de poulies. Dans un avenir prochain, ces applications se généraliseront et transformeront rapidement tous les ateliers industriels. A côté de la distribution de force par potentiel cons- >) FSI sr C : Fig. 4. — Exposilion de la Compagnie de YIndustrie électrique à Genève. — Au premier à plusieurs installations, dont l’une atteint un déve- loppement de près de 50 kilomètres, pour une puis- sance de 3.000 chevaux; elle en a exposé une réduction au pavillon de M. Raoul Pictet, où elle actionne des compresseurs pour la production des basses tempé- ratures. Toujours alimentée par le courant de Chèvres, une autre de ses dynamos commandait le grand pont rou- lant qui desservait la Halle aux Machines, ainsi que le tramway électrique de l'Exposition, d’une longueur de 2 kil. 1/2. Le courant arrive et revient par les rails et (ALES plan, on apercoit divers types de dynamos ; plus au fond, se trouve un grand tableau de distribution pour les divers services éfectriques de la halle des machines. — Enfin, au dernier surmontée de sa dynamo. tant, la Compagnie de l’industrie électrique présentait la démonstration d’un système à potentiel variable et à courant constant, auquel elle a voué tous ses soins pendant ces dernières années. Le but que l’on cherche à réaliser dans toutes les distributions électriques, est de maintenir invariable la vitesse des moteurs, quelle que soit leur charge. Cette régularité de marche ne peut être obtenue qu’en disposant librement, soit de la pression, soit du débit du courant électrique. Utili- ser le potentiel constant se fait presque automatique- ment par un enroulement approprié des moteurs, tan- dis que, pour régler des moteurs à courant constant, il faut l'emploi d'un régulateur mécanique. Ce dernier système compense cette complication de réglage, plus apparente que réelle, par l'avantage de pouvoir utili- ser des pressions très élevées, qui rendent possible la distribution de force à grandes distances. La Com- pagnie de l'Industrie électrique en a fait l'application plan, à droite, on apercoit une des turbines de l'usine électrique de Chèvres communique aux moteurs par les roues des voilures ; tout fil aérien est supprimé. Ce système est très simple et aurait depuis lontemps recu une application univer- selle, s’il ne pouvait être exécuté que dans un espace à l'abri de la circulation des véhicules. Bien que la tension employée soit très basse ef n'atteigne que 100 volts, elle crée un danger pour les chevaux, qui sont très sensibles au passage du courant électrique, C’est celte raison et la crainte de court circuit entre les rails qui en empêchent la vulgarisation. L'Exposition de la Société Alioth et Cie, de Bâle, n’était pas moins digne d’intérèt (fig, 5). Cette maison s’est particulièrement appliquée à perfectionner ses ma- chines pour courants alternatifs, et a résolu avec suc- cès un type de dynamo produisant également le cou- rant continu et les courants alternatifs, C’est un converlisseur électrique revêtissant l'aspect d’une dy- namo ordinaire avec un seul cylindre, mais avec double ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 31 collecteur pour prises de courant. Cette dynamo peut produire des courants alternatifs ou continus, soit si- multanément, soit séparément, ou convertir l’un dans l’autre. C'est le problème du moteur et de la généra- trice réunis en une seule machine. A l’intérieur de l'Exposition, la maison Alioth et C'e disposait de-200 che- vaux pris au courant de l’usine de Chèvres et qu’elle convertissait en lumière et en force motrice. Elle ex- posait une distribution de force par courants triphasés qui actionnait 18 moteurs répartis dans la Halle aux Machines et fonctionnant dans les industries les plus diverses. La Sociélé d'Oerlikon, bien que citée après les deux maisons précédentes, n’en est pas moins une des plus actives Compagnies suisses dans le domaine de lélec- tricité. Fondée primitivement pour la construction des courants pour l’électrolyse de l'aluminium, celle aexposé également, démontée pour en montrer la construction, une dynamo de 850 chevaux pour transport de force par courants triphasés. Cette dernière dynamo est à enroulements fixes, c’est-à-dire ne porte aucune partie électrique mobile; le flux magnétique est produit par la simple rotation d’une partie dentée constituée de fonte et de tôles en fer, C’est une disposition de cons- truction qui se généralisera certainement, vu son grand caractère de simplicité. Comme dynamos intéressantes, citons encore une série de moteurs à courants monophasés avec un dis- positif spécial de démarrage et capables d’être branchés sur n'importe quel circuit d'éclairage. A côté de ces trois principales maisons, la Suisse produit de nombreuses applications de l'électricité à la Fig. 5. — Eæposilion de la Sociélé d'Électricité Alioth de Bâle. — Au milieu, on remarque le type spécial de dynamo construit par cette maison; cette dynamo produit également un courant alternatif ou continu et les convertit l'un dans l’autre. machines-outils, elle a étendu sa sphère d’activité aux dynamos et a étudié tout particulièrement l’adapta- tion de l'électricité à l'industrie et au travail des mé- faux. Elle exposait (fg.6) une distribution de force à ses propres machines-outils par courants triphasés : à une perforatrice pour tunnels et mines, à des machines à percer et à tarauder, plus loin à une grue pivotante de cinq tonnes, puis à des machines à raboter et à tailler les engrenages, et à une scierie. Toutes ces machines fonctionnaient et donnaient l'illusion d’un grand ate- lier en activité. Dans les transports de force par courants polyphasés, la Société d’Oerlikon s’est acquis une grande noto- riété depuis l'Exposition de Francfort en 1891, où, pour la première fois, elle démontrait la possibilité de Ja transmission de force à 140 kilomètres. Depuis cetta date elle n’a pas cessé d'améliorer son matériel, qu’elle a porté à un grand degré de perfection. À côté d’une dynamo de 710 chevaux pour la production de forts petite industrie et le visiteur était étonné de voir combien une science si nouvelle a su prendre sa place dans la vie journalière. Nous ne parlerons pas des ate- liers Peyer et Favarger et de toutes les fabriques simi- laires occupées à la fabrication des appareils de télé- graphie, &e téléphonie, de sonnerie, des cäbles ou des lampes à are et à incandescence. Les accumulateurs eux-mêmes étaient représentés par trois fabriques im- portantes. Pour terminer, quelques chiffres de statistique don- neront une idée du développement de l'électricité en Suisse. Ils se rapportent à la fin de l’année 1895. A cette date, dans ce petit pays de moins de 3 millions d'habitants, plus de 212.100 lampes à incandescence étaient installées, ainsi que plus de 2.700 lampes à arc. Quant à l'énergie distribuée par les moteurs élec- triques, elle atteignait 39 460 chevaux. Sans doute cet essor est dù aux forces hydrauliques que la nature y offre partout à profusion, mais la conséquence qui 32 ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES nous intéresse au point de vue industriel a été d'offrir un champ propice au développement de lPélectricité. Des ateliers de construction se sont créés, leurs moyens de production se sont rapidement accrus et leurs pro- duits perfeclionnés, puis, leur champ d’activité devenant trop étroit, ils ont porté à l’étranger l'expérience qu’ils avaient acquise. Ils se sont présentés devant la con- currence armés des résultats et des succès qu'ils avaient obtenus sur un terrain exceptionnel et s’y sont distin- gués comme spécialistes. «| ZA {1 RT construction d’une voiture de ce genre. Il a pris un fiacre ordinaire et il en a remplacé l’avant-train par un avant-train formé d’un essieu portant à ses extré- mités deux moteurs électriques commandant directe- ment les roues par un simple engrenage dans le rap- port de { à 10. Les moteurs électriques ont leurs in- ducteurs montés en tension et leurs induits montés en quantité. La direction estobtenue par la mise encourt- circuit d’un moteur, suivant que l’on veut tourner à droite ou à gauche. Cette manœuvre est facile à effec- PC ers =- : LA 7 LOT RTE 2e Don '/AÈNN ds . ce 1e . 0 - . , . . . Fig. 6. — Exposilior de la Sociélé de Construclions mécaniques el électriques d'Oerlikon. — On apercoit, en particulier; à droite la grue à manœuvre électrique, à gauche la scierie électrique et le tronc d’arbre qu'elle est en train de débiter. C'est là le secret du rôle prépondérant qu'a joué PElectricité à l'Exposition de Genève : le visiteur emportait avec lui l'impression que ce n’était plus la science d'hier connue seulement de quelques privilé- giés, mais que c'est une nouvelle branche de l’activité humaine et l’une des plus importantes qui vient de se créer. A. Boissonnas, Iugénieur-électricien. Il circulera probablement bientôt dans Paris des voi- tures électriques. M. L, Krieger, dans une communica- tion récente à la Société des Electriciens, a fait connaître les principales dispositions qu'il a adoptées dans la tuer, car les induits sont reliés à un commutateur et il suffit de tournerla manette pour effectuer lescouplages. L'avant-train de la voiture tourne d'un angle égal à celui dont tourne la manette. La première voiture avait un poids total de 1150 kg et renfermait 285 kg d’accu- mulateurs Fulmen lui permettantd'effectuer un trajet de 30 kilomètres. Une deuxième voiture spéciale a été construite ; elle pèse 1860 kilos ; à vide, elle con- tient 16 éléments d’accumulateurs Julien d'un poids de 640 kg. Elle peut effectuer un parcours de 80 kilo- mètres à la vitesse de 10 à 11 kilomètres à l'heure, La dépense de puissance électriques est de 30 volts et 50 à 60 ampères. Dans quelque temps, M. Krieger aura terminé la construction d’un fiacre à deux places d’un poids de 800 kg. et pouvant faire 125 kilomètres. E. H. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 33 BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques. Neumann (D' C.), Professeur de Mathématiques à lUni- versité de Leipzig. — Allgemeine Untersuchungen über das Newton’sche Princip der Fernwirkungen mit besonderer Rücksicht auf die electrischen Wirkungen. — 1 wol. in-8 de 292 pages (Prix : 42 fr. 50). B. G. Teubner, éditeur. Leipzig, 1896. Le principe des actions à distance, mis en doute depuis les trayaux de Faraday, à été vivement com- battu par quelques savants, parmi lesquels figurent en première ligne Maxwell et Hertz. Il devrait même, d’après ces derniers, être entièrement abandonné. Ses adversaires ne sont toutefois pas encore parvenus à établir d’une facon précise la base nouvelle sur laquelle doit reposer leur théorie; il est vrai que celle- ci se trouve encore dans un état tout à fait provi- soire. - La loi newtonienne a bien donné lieu à certaines objections, soit en Astronomie, soit en Physique, pour l'explication de divers phénomènes, surtout pour les phénomènes électriques. Mais, faut-il pour cela renon- cer déjà à ce principe qui, jusqu'ici, a rendu de si grands services? La fécondité de la théorie des actions à distance serait-elle entièrement épuisée? M, Neu- mann ne le pense pas. Il estime, au contraire, que nous devons porter toute notre attention sur cette théorie en examinant surtout si, à côté de la loi de Newton, il existe encore d’autres lois d’attraction. C'est sous cette forme générale que M. Neumann expose la théorie des actions à distance dans l'ou- xrage dont nous rendons compte aujourd’hui. 1l admet, comme principe fondamental, l'existence, généralement adoptée, d’un état d'équilibre électro-statique et montre que, pour les lois compatibles avec cet axiome, la fonc- tion potentielle doit être de la forme : A RE PR RG TT = —— : = T T FT g (n) dans laquelle o; 6, y.., A, B, C,... sont des constantes. Grâce à cette loi exponentielle, selon le nom attribué par M. Neumann, le champ des recherches se trouve considérablement restreint. La question de reversibilité a particulièrement préoccupé l’auteur; elle a été résolue affirmativement pour le cas où les constantes a, G, y … sont positives, les quantités A, B, CG... étant toutes de même signe. La fonction potentielle fait l’objet d'une étude très approfondie qui conduit à des propriétés analogues à celles que l’on connaît pour la loi newtonienne. L’ana- logie est même très frappante lorsque la loi exponen- tielle ne se compose que d’un seul terme, c’est-à-dire pour la forme — Te à Ae AT T L'auteur applique ensuite les résultats obtenus à la loi 9 () = r?2—?, (0 € p < 1), donnée par Green, en montrant qu'elle n’est en réalité qu’un cas limite de la loi exponentielle; ces considérations simplifient beau- coup l'étude des propriétés de cette fonction. Le der- nier chapitre est consacré à l’équation aux dérivées partielles À 4 — 4? 4, (x>0) correspondant à la loi expo- nentielle : à un seul paramètre. Bien que M. Neumann ait particulièrement favorisé les phénomènes électriques, son ouvrage n’en constitue pas moins une heureuse contribution à la théorie générale des actions à distance, H. Feur, Privat docent à l'Université de Genève. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897. 2° Sciences physiques. Mascart (E,), Membre de l'Institut, Pr au Collège de France, et Joubert (J.). — Leçons sur l’Electri- cité et le Magnétisme. (Deuxième édition entière- ment refondue par M. Mascart.) Tome premier : Phé- nomènes généraux et Théorie. — 1 vol. gr. in 8° de 840 pages avec 126 fig. (Priæ : 25 fr.) G. Masson et Gau- thier- Villars et fils, éditeurs. Paris, 1896, Au moment où parut la première édition des Lecons sur l'Electricité et le Magnétisme, les idées de Maxwell, acceptées par les électriciens avancés, n'avaient pas encore porté tous leurs fruits; les théories électriques participaient à la fois des anciennes et des nouvelles conceptions, et c'est dans cette période de transition, difficile entre toutes, que MM. Mascart et Joubert surent écrire le bel ouvrage qui a élevé toute une sé- nérafion d’électriciens, tant en France qu’à l'Etranger, puisque leurs Lecons ont été traduites en plusieurs langues. Cette première édition parut en 1881; l’Ex- position d’Electricité, qui venait de fermer, avait révélé les immenses progrès industriels accomplis dans les dernières années, et faisait entrevoir une révolution qui n’a pas tardé à s'accomplir. L'ouvrage de MM. Mas- cart et Joubert devait donc subir le sort de toute œuvre issue d’une époque de transition : il devait vieillir. Mais il se trouva épuisé avant l'époque où il eût pu devenir insuffisant, et il ne resta plus qu’à le refaire en tenant compte des immenses progrès réalisés dans les quatorze années écoulées..M. Mascart entreprit seul cette fois le travail, les fonctions de M. Joubert ne lui laissant plus les loisirs de se consacrer à une œuvre d'aussi longue haleine, Cette deuxième édition des Leçons est, en bien des points, différente de la première. Les expériences de Hertz sont venues au bon moment donner aux idées de Maxwell l’appoint expérimental qu'on pouvait à la rigueur leur contester jusqu'alors, et les théories élec- irodynamiques se sont trouvées ainsi complétées. Nous sommes maintenant en présence d’une science unifiée et d’une industrie en pleine prospérité. Si je fais ici allusion à l’industrie, dont il n’est nul- lement question dans ce premier volume, c’est qu'on en sent en plus d’un endroit l'influence. Ainsi, le cal- cul de la résistance vraie des gros conducteurs, trans- portant des courants intenses et à rapides allernances, serait resté longtemps ignoré, s'il ne s'était trouvé sur le chemin d'importantes applications industrielles. Les formules établies par lord Kelvin ont de singulières conséquences : ainsi, pour les courants de haute fré- quence, qui prennent en Physiologie une place de plus en plus grande, ces mêmes formules conduisent à un résultat bien différent: les courants de la plus haute fréquence employés en Physiologie pénètrent jusqu’au centre des mauvais conducteurs que leur offre le corps humain. Les effets physiologiques étudiés par le doc teur d’Arsonval le faisaient supposer, le calcul lève Jes derniers doutes. Voilà un exemple, entre mille, des questions qui, complètement obscures il y a dix ans, sont presque élucidées aujourd’hui. En comparant les deux éditions des Leçons, on peut se faire une idée exacte du travail de la dernière dé- cade ; elles ont, à ce point de vue, la valeur d’un do- cument historique. La première partie de l'ouvrage a été peu modifiée: l'Electrostatique a si peu progressé ou plutôt elle est depuis longtemps si parfaite au moins sous sa forme mathématique, qu'il n’y avait pas lieu de changer l’ordre adopté dans la première édition. Nous y trou- Lex 34 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX. vons cependant, comme une première étape, un court chapitre consacré aux quelques théorèmes généraux dont l'application constante simplifie les énoncés, et crée unlien entre des faits en apparence disparates : les deux principes de la Thermodynamique avec leurs conséquences, la conservation de l'électricité, viennent au bon moment établir des rapports que l’on soupcon- nait, mais que l'on n'avait pas encore vus nettement. Un beau chapitre sur les diélectriques et une étude sur les cas d'équilibre électrique, dans les diélectriques et les conducteurs, termine ce qui concerne l’Elec- trostatique. Au chapitre suivant, nous abordons l’étude des sources d'électricité, des phénomènes de contact dans les circuits isothermes, des piles et des machines sta- tiques, après qu'un article spécial a été consacré au contact des diélectriques; ce n’est pas la marche habi- tuellement suivie, mais la lecture de ce chapitre montre que c’est la bonne, le contact des diélectriques étant beaucoup plus complexe que celui des conduc- teurs. On reviendra plus loin aux phénomènes ther- moélectriques, lorsqu'on aura étudié Je mouvement de l'électricité dans les conducteurs. Une attention spéciale est donnée aux phénomènes électro-capillaires, aux effets de contact et à l'étude des couches doubles, devenue si féconde depuis les travaux d'Helmholtz. La deuxième partie de l’ouvrage traitant du magné- tisme a été beaucoup modifiée dans le détail, bien que l’idée directrice soit restée la même. La théorie est exposée en partant des idées de lord Kelvin, qui consi- dère une portion quelconque du corps aimanté comme un aimant complet. Peut-être aurait-il mieux valu faire une place plus large à la conception du circuit ma- gnétique, due à Euler, et qui à rendu dans ces der- nières années de si grands services. L'auteur y arrive presque à regret, par une généralisation de la notion de forte magnétomotrice. En revanche, on a tenu grand compte des résultats de l'expérience appliquée aux cycles d’aimantation, à l’hystérèse el aux phénomènes thermiques. La troisième partie traite de l’Electromagnétisme ; l’équivalence des courants et des feuillets, le champ magnétique du courant qui conduit à établir les lois des actions élémentaires forment le contenu des deux premiers chapitres. Puis vient un chapitre fort im- portant qui, sous le titre de : Cas particuliers, donne la description des expériences de contrôle, des bobines et des appareils de mesure, avec quelques pages sur l’aimantalion par les courants. L’induction et les uni- tés sont étudiées dans deux chapitres qui terminent cette troisième partie. Précédemment déjà, nous avions remarqué, à la lec- ture, combien l’auteur avait tenu compte des deside- rata exprimés par quelques électriciens, concernant certains perfectionnements à apporter à la terminolo- gie; toutes les résistances n’ont pas encore été vain- cues, et bon nombre de nos collègues, même très jeunes, se montrent intraitables sur des termes bien inoffensifs et bien commodes, comme celui de conduc- tance. Dans les unités, on conteste le droit de dire qu'une vitesse est le quotient d'une longueur par un temps. M. Mascart, en adoptant franchement ces expressions si logiques, a fait plus pour leur acceptation définitive que de longues discussions dans les comités spéciaux. Nous pourrons, dorénavant, nous retrancher derrière sa haute autorité, qui supprimera, espérons-le, les dernières résistances. Le reste de l’ouvrage est presque entièrement nou- veau: l’œuvre de Hertz y trouve sa place avec l’Electro- Optique et les cas particuliers d’induction dont je par- lais au début; enfin, M. Mascart a eu l’heureuse idée de donner, di ins un ‘complément, l’ensemble des pro- priétés physiques des cristaux, C’est la première fois, à ma connaissance, que ce résumé est fait dans un ou- vrage français, et c’est un grand service rendu à ceux qu'intéressent les belles expériences des frères Curie, de M. Voigt, et les théories générales sur la symétrie, créées ou singulièrement élargies par notre ami Pierre Curie ; on ne pouvait terminer mieux un ouvrage où les données pratiques abondent, mais qui surtout res- tera un monument de haute science. Ch.-Ed. GUILLAUME, Physicien au Bureau international des Poids et Mesures. Vigouroux (E.), Professeur au lycée d'Auch, — Le Silicium et les Siliciures métalliques. (Thèse pour le Doctorat de la Faculté des Sciences de Paris.) — 4 vol. in-8° de 115 pages. Gauthier-Villurs et fils, édi- teurs. Paris, 1896. La chimie minérale, un peu délaissée pendant quelque temps, reprend aujourd’hui un nouvel essor. Les beaux travaux de M. H. Moissan, en conduisant à des modes d’action plus énergiques que ceux que l'on employait d'ordinaire, permettent d'obtenir une foule de réactions nouvelles et imposent l'obligation de nouvelles recherches sur la plupart des éléments. M. Moissan a lui-même indiqué la marche à suivre dans sa magistrale étude sur le bore ; M. Vigouroux entre dans cette voie en présentant une nouvelle monographie du silicium et des siliciures métalliques. Le silicium amorphe est préparé, d’après Berzelius, en faisant réagir les métaux alcalins sur le fluosilicate de potassium ; l'étude analytique des produits ainsi obtenus a d’abord montré à M. Vigouroux que ce n'étaient pas des corps simples; ils contiennent, en particulier, différents siliciures d'hydrogène, de’ po- tassium, de fer, ete., qui masquent complètement les propriétés du silicium. M. Vigouroux s’est proposé de chercher à préparer le silicium sans passer par l'in- termédiaire de composés chlorés ou fluorés et de faire agir directement les réducteurs sur la silice; il a réussi à effectuer cette réduction par l'aluminium en chauffant vers 800° un mélange de silice et d’alumi- nium pulvérisés. Le produit traité par l’acide chlorhy- drique, l'acide sulfurique et enfin l'acide fluorhydrique donne finalement du silicium amorphe, La réaction réussit également avec du magnésium, ainsi que l’a- vaient déjà signalé MM. Gattermann et Winckler. En étudiant soigneusement cette réaction, M. Vigouroux est arrivé à définir d’une facon précise les conditions qui permettent d'obtenir sûrement du silicium amorphe pur en quantités importantes ; il recommande finalement de chauffer un mélange en proportions équivalentes de silice et de magnésium en poudre, purs et bien secs, en additionnant d’un peu de ma- gnésie, bien décarbonatée et sèche, pour amortir la réaclion qui se produit à 5400, Le produit lavé aux acides chlorhydrique, fluorhy- drique et sulfurique donne une poudre amorphe con- tenant de 99,4 à 99,6 de silicium. L'étude des procédés de préparation du silicium cristallisé a conduit également M. Vigouroux à définir des méthodes qui donnent du silicium pue avec de bons rendements ; il signale, en particulier, la réduc- tion du fluorure double de silicium et de potassium par l'aluminium, ou par un mélange d'aluminium et de zinc; ces deux procédés permettent d'obtenir le silicium cristallisé, en partant des composés fluorés, dans des fours dont la température ne dépasse pas 1000°, bien que la réduction de la silice par l'aluminium ou le magnésium soit possible à ces températures, cette réaction ne peut servir à obtenir le silicium eris- tallisé qui ne se sépare facilement que dans une masse liquide ; il faut donc, dans ce cas, porter la masse à une température très élevée, susceptible de fondre la silice; c’est ce que permet de réaliser facilement le four électrique de M. Moissan. Grâce à l'emploi de cet appareil, M. Vigouroux a pu obtenir le silicium cris- tallisé en réduisant la silice par Paluminium et variant les conditions de chauffe de facon à produire la cris- tallisation soit par dissolution, soit par fusion, soit par distillation. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 35 Les propriétés chimiques du silicium amorphe pur et du silicium cristallisé sont absolument identiques ; les différences signalées jusqu'ici doivent donc être altribuées à l'influence des impuretés contenues dans le silicium amorphe. Le silicium sous ses deux formes est inattaquable par les acides, même par l'acide fluo- rhydrique : il brûle avec éclat dans le fluor, le chlore, le brôme, le soufre, l'oxygène ; bien que l'on ait signalé que ce dernier corps n'agit pas sur le silicium cris- tallisé, M. Vigouroux trouve que la combustion se pro- duit avec un éclat éblouissant dès la température de 400° aussi bien pour le silicium cristallisé que pour le silicium amorphe. - Cette première partie du travail de M. Vigouroux se termine par un chapitre relatif à l'analyse et au dosage du silicium ; il ne faut pas oublier que c'est par suite du manque total d'analyses que l’on a pu étudier des produits très différents sous le nom de silicium et attribuer ainsi à cet élément des propriétés si variables. Une deuxième partie est consacrée à l'étude de l’action du silicium sur les métaux. Les uns, comme les métaux alcalins, le zinc, l'aluminium, le plomb, l’étain, l’antimoine, le bismuth, l'or et l'argent ne semblent pas donner de combinaison définie avec le silicium, Parmi les autres métaux, plusieurs donnent des siliciures cristallisés, M. Vigouroux indique la préparation et les propriétés des corps suivants : Sili- ciure de magnésium, siliciures de nickel et de cobalt, SiNi? et SiCo?, siliciure de manganèse SiMn?, sili- ciure de cuivre SiCu?, siliciure de platine SiPL2. La formule générale des siliciures métalliques connus est donc SiM?, M étant un élément divalent, Certains de ces siliciures dissolvent le silicium, et un tel mélange, ailaqué par un acide, donne à la fois du silicium cris- tallisé et de la silice provenant du silicium combiné ; il ya là une propriété intéressante à rapprocher de celle du carbone qui, dans la fonte, par exemple, se trouve à la fois à l’état de graphite et de carbure de fer. Telles sont les grandes lignes du travail de M. Vi- gouroux ; on voit que, bien qu'il soit relatif à un corps simple dont l’étude avait occupé des chimistes émi- nents, il contient un grand nombre de faits nouveaux et importants. G. Carry, Docteur ès sciences. 3° Sciences naturelles. Bourne (Gilbert C.), Fellow of New College à Oxford. On the structure and affinities of Heliopora cærulea Pallas, with some observations on the structure of Xenia and Heteroxenia.— | brochure in-4° de 30 pages avec 4 planches. Extrait des Philoso- phical Transactions of the Royal Society of London, vol. 486. Dulau and C°, 37, Soho square. Lontres, 1896. L’Heliopora est un Alcyonaire du Pacifique, qui pré- sente un intérêt particulier, parce qu'il est le seul type actuel possédant un squelette lamelleux solide. Les polypes sont reliés entre eux par un réseau super- ficiel de canaux endodermiques qui donnent aussi nais- sance à un certain nombre de cæcums (cæcums du cœnenchyme) qui plongent à angle droit dans l'épaisseur de la colonie. Le tissu calcaire est déposé autour de la partie interne des polypes, des cæcums du cœnen- chyme et du réseau superficiel, par l'intermédiaire de grandes cellules, les calycoblastes ; ces cellules déri- vent de l’ectoderme et émigrent dans les tissus inter- nes de la colonie; chez d’autres Alcyonaires, au lieu de former un squelette compact, ces cellules sont encore plus dissociées et forment des spicules dis- tincts dans l’épaisseur de la mésoglée. M. Bourne propose de diviser les Alcyonaires tabulés en deux groupes : dans le premier, chaque corallite a une paroi propre et distincte, et même, si les coral- lites deviennent contigus, cette distinction primitive n'est pas perdue : ce sont les Autothecalia, dont le Tu- bipora nous fournit un exemple actuel. Dans le second groupe, les parois des calices ne sont plus séparées; les pièces formant les parois de chacun d'eux appar- tiennent également aux tubes adjacents : ce sont les Cœnothecalia, représentés par Heliopora et de nom- breuses formes fossiles (Chætetidés et peut-être Monti- culipora). L. Cuénor. Chargé de Cours à la Faculté de Nancy. Edinger (Prof. D: Ludwig), Médecin à Francfort-sur- le-Mein. — Vorlesungen über den Bau der nervo- sen Centralorgane des Menschen und der Thiere (Lecons sur la structure des organes du système nerveux central de l’'Honvne et des Animaux). 5m° édition très augmentée. — vol. in-8° de 386 pages et 258 figures. Leipzig, F.-C. W. Vogel, 1896. Ce livre est bien le premier essai général d'anatomie comparée du système nerveux central. Toutefois, le système nerveux des Mammifères, et, en particulier, celui de l’homme, demeure la partie la plus étendue de ce grand ouvrage, destiné, dans cette cinquième édition comme dans la première, aux médecins et aux psychologues. Connaitre le cerveau, le connaître tou- Jours mieux, depuis ses origines jusqu’au moment de l’évolution actuelle de la vie sur cette Terre, que nous traversons avec lui, voilà la fin de toute science de l’homme. Nous signalerons, entre beaucoup d’additions de même nature, une série complète de coupes sériées du cerveau, qui sera fort utile pour la pratique des dissections. La physiologie tient plus de place aussi dans cette édition que dans les précédentes, Mais tout Edinger est dans l’anatomie et la psychologie com- parées. S'appuyant sur ses recherches originales, pour- suivies depuis tant d'années, et avec un rare succès, Edinger résume tout ce qu'il est possible de savoir et d'écrire aujourd'hui, avec quelque sûreté, touchant la structure et le développement du système nerveux central, dans toute la série des Vertébrés. Pour le dé- tail des faits, on devra recourir aux mémoires spéciaux de ce savant. Mais il a surtout « illustré » son sujet : une centaine de figures nouvelles sont consacrées à l'anatomie comparée. Surprendre, comme à l’état nais- sant, les premières formes organiques des fonctions primordiales de la vie psychique, suivre leurs variations au cours de l’évolution, dans le temps et dans l’espace, voilà la pensée mère d’où est sorti tout ce grand labeur. Ainsi, après le ganglion del’habénule et lesystème de l’opticus, il n'existe aucune partie du cerveau qui se présente avec la même constance et la même confor- milé que l'appareil olfactif. Les caractères essentiels et fondamentaux de la structure de cet appareil ont été bien établis, en ces dernières années, par S. Ramon y Cajal, van Gehuchten, Kôlliker, Edinger lui-même, Mais on n'avait guère pris garde à un fait que l’ana- tomie comparée rend, en quelque sorte, manifeste, et dont la portée est très grande pour la physiologie et Ja psychologie,je veux dire l'influence que le cerveau an- térieur peut exercer directement sur les centres infé- rieurs. Or, cette influence varie avec les diverses classes d'animaux, Chez les Batraciens, le cerveau antérieur n’est relié qu'avec le cerveau intermédiaire; chez les autres Vertébrés, avec le cerveau moyen en outre; chez les Mammifères, avec la moelle épinière. A dé- faut d’une voie directe connue entre le cerveau et le cervelet, ces deux organes peuvent s'unir, chez des Mammifères, par la voie du noyau de la calolte et des masses nerveuses du pont de Varole, Quant au man- teau cérébral lui-même, au pallium, personne n’en avait encore écrit une histoire ancienne aussi com- plète. Depuis son origine chez les Poissons osseux jusqu’à l'organe énorme des hémisphères de l’homme, le déve- loppement si extraordinaire de cette province du né- vraxe peut être suivi dans le livre d'Edinger. Car, si le corps strié et l'appareil olfaclif, aussi bien, d’ailleurs, que la moelle épinière, le cervelet et le cerveau moyen, ne présentent, dans la série, que des différences peu es- 36 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX sentielles, il n’en est pas de même de cette écorce céré- brale. « Je ne connais, dit Edinger, aucune autre partie du cerveau qui, si l’on remonte toute la série animale, présente de beaucoup des changements aussi considé- rables que l’écorce cérébrale, qu’elle ait évolué ou in- volué, et, comme l'existence de certaines fonctions psychiques supérieures est attachée à cette écorce », on concoit l'intérêt très élevé avec lequel on suit l’au- teur dans le domaine de l'anatomie comparée. Formé chez quelques Vertébrés inférieurs (Poissons osseux), dans sa plus grande partie, d’une simple couche de cellules épithéliales, membrane qui se plisse déjà chez les Cyclostomes, ce n’est que chez les Sélaciens, les raies, les squales, que le manteau se développe, et que les parties antérieures, aussi bien que les régions laté- rales, prennent même un développement énorme. Chez les Sélaciens, le manteau « frontal », c’est-à-dire la partie antérieure du cerveau, est toutefois seule de nature nerveuse; suivant les espèces, des régions plus ou moins grandes de la portion postérieure n'ont plus la simple structure épithéliale. Mais, à partir des Am- phibiens, on constate toujours l'existence d’un pallium qui, dans la plus grande partie de son étendue, est de nature nerveuse. Quant au cerveau des Vertébrés supé- rieurs, il se distingue de celui des Poissons osseux et des Ganoïdes par quelque chose de très essentiel : il n’est plus purement épithélial, nous venons de le rap- peler ; il est constitué par de nombreuses cellules ner- veuses, d’où sortent des prolongements, des faisceaux de projection, et autour desquelles s’arborisent les terminaisons de cylindraxes ascendants. C'est bien, dit Edinger, le substratum d'un appareil nerveux. Encore rudimentaire chez les Amphibiens, il apparaît, pour la première fois, chez les Reptiles, sous l’aspect d’une écorce cérébrale véritable, Le pallium tout entier s’est transformé en substance nerveuse cérébrale; seule, la région la plus postérieure du cerveau antérieure con- serve, comme toile choroïde, son ancien caractère de membrane purement épithéliale. Tel est le manteau chez les Amphibiens et les Reptiles, chez les Oiseaux et les Mammifères, Ces études d’Edinger, sur l’anatomie comparée des différentes régions du névraxe et du cerveau en par- ticulier, dans la série animale, forment, selon nous, le plus sûr fondement de ce qu’il est possible de savoir touchant l’histoire de la vie cérébrale sur cette planète, Jules Soury, Maitre de Conférences à l'Ecole pratique des Hautes-Etudes (Sorbonne). Joteyko (J.). — La Fatigue et la respiration élémentaire du muscle. — 1 brochure in-8° de 60 pages avec figures. Ollier-Henry, éditeur. Paris, 1896. 4° Sciences médicales. Ehlers (Dr Edward), de Copenhague. — L’Ergotisme. — 1 vol. in-16 de 164 pages de l'Encyclopédie scienti- fique des Aide-Mémoire, publiée sous la direction de M. H. Léauté, de l'Institut. (Prix : broché, 2 fr. 50; cartonné, 3 francs.) G. Masson et Gauthier- Villars, édi- leurs. Paris, 1896. Avec un esprit critique,humoristique et juste, l’auteur fait, dans un avant-propos, la part des faux espoirs que donnent les nouvelles découvertes médicales et celle des bienfaits indéniables qu’elles ont déjà apportés à l'humanité. Il s'élève contre l’aisance avec laquelle on publie chaque jour des cas pathologiques nouveaux, uniques ou rares, sans se demander s'ils n'auraient pas été observés déjà. Il voudrait que la rubrique « Dia- gnosis incerta » fût plus souvent employée en attendant mieux. Parmi les affections que la médecine ancienne et médiévale désignait sous les noms de feu sacré, feu de Saint-Antoine, il faut probablement ranger l’ergotisme. Diverses épidémies observées au Moyen-Age semblent pouvoir être attribuées à l'ergot de seigle; mais rien n’est certain, car dans les temps éprouvés, quand la famine sévit, toutes les maladies pestilentielles et in- fectieuses ont le champ libre. Toutes ne peuvent être attribuées à une alimentation vicieuse et les descrip- tions cliniques des contemporains sont souvent trop confuses pour qu'on puisse faire un diagnostic rétros- pectif certain. Ce ne fut qu'à la fin du xvi siècle (1580, 1587, 1592) qu'éclata une épidémie qu’on peut à coup sûr qualifier d’ergotisme. Le blé fut alors directe- mentincriminé.Thuillier père, en 1630, assista à la peste de Sologne et la décrivit. Celle-ci, due au seigle ergoté, produisait des gangrènes. La démonstration expéri- mentale en fut faite à cette époque. Les animaux nourris avec du grain suspect reproduisirent cette même maladie et moururent. En 1673, Dodart, envoyé par l’Académie, étudia cette peste que Thuillier avait décrite. Lu maladie se manifestait par de l’engourdisse- ment, des douleurs et de l’æœdème des membres infé- rieurs, Puis, après des frissons, les membres attaqués se gangrenaient et tombaient d'eux-mêmes. Les extré- mités, les doigts, les mains, les pieds, le nez, des membres entiers subissaient l’'amputation spontanée. Les grains de seigle ergoté (ergot en Sologne, bled cornu en Gätinais) furent analysés par Bourdelin en 1674. Au xvuie siècle, il y eut diverses épidémies en Europe. Celle des cantons de Luceine, Berne, Zurich, en 1716,fut étudiée par Lange avec un soin particulier. Noël (d'Orléans) fit un rapport détaillé sur l'épidémie de Sologne de 1710. Le Comte et Gassoud, médecins de l'abbaye Saint-Antoine du Viennois, donnèrent des relations de gangrènes suivies de chute des membres chez des gens du Dauphiné. M. Ehlers donne la des- cription de Duhamel et Boucher avec sa division en quatre périodes. Un malaise général, une prostration entrecoupée de rêves terrifiants, une agitation conti- nuelle, des douleurs vagues, des mouvements involon- taires, des spasmes, des crampes marquent le début du mal, la première période. Puis l’engourdissement avec des douleurs poignantes dans les membres qui, plus tard, seront frappés de gangrène, annoncent la deuxième période. En même temps apparaissent des signes généraux: anorexie, surélévation et affaiblisse- ment du pouls, frissons. La troisième période est carac- térisée par l’aggravation de la douleur, une sensation de froid glacial, une rougeur érysipélateuse, puis la lividité du membre atteint, dont la peau se ride et s’atrophie. Enfin, à la quatrième période, le membre yangrené devient insensible, noir, dur, comme dessé- ché au feu. Un sillon d'élimination se creuse et le membre se détache sans hémorrhagie. Quand la guéri- son doit avoir lieu, des fourmillements apparaissent dans le membre engourdi qui, peu à peu, récupère sa vitalité. M. Ehlers rapporte la plupart des épidémies d’ergo- tisme observées au xyui° et au xixe siècles. Actuelle- ment ce sont la Russie et l'Espagne qui sont le plus éprouvées. L’ergotisme disparaît de l'Occident où la culture se perfectionne et où la manutention des grains est mieux conduite. La deuxième partie du livre est très intéressante au point de vue étiologique, car l’auteur s'efforce de dé- montrer que certaines maladies telles que l’acrodynie, la maladie de Maurice Raynaud (asphyxie symétrique des extrémités) et l’érythromélalgie ne sont que des formes de l'Ergotisme, Le chapitre qui traite de la maladie de Raynaud est une critique sévère et la néga- tion de l'existence même de cette maladie. M. Ehlers, reprenant une à une les observations du mémoire de Raynaud,montre qu’elles sont toutes entachées d’ergo- tisme. Ce livre, relatif à des accidents relativement rares et dont l’origine est plus souvent encore méconnue, est rempli de documents intéressants, À cause des ques: tions étiologiques qu’il soulève et qui y sont débattues avec une fougue entrainante, l'ouvrage de M. Ehlers doit retenir l'attention des cliniciens et des hygié- nistes. D' A. LÉTIENNE. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 37 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 14 Décembre 1896. L'Académie ayant à désigner deux candidats à la place de membre artiste, actuellement vacante au Bu- reau des Longitudes, présente en première ligne M. P. Gautier, en deuxième ligne, M. Fenon. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. G. Bigourdan donne les détails de construction et la théorie de son nou- veau micromètre à double image; ce petit instrument a donné les meilleurs résultats pour la mesure des pe- tits diamètres, mais il peut être employé pour dédou- bler l’image d’une étoile, et il permet de suivre ainsi, à toute heure du jour, l’état si variable des images des astres. — M. H. Poincaré indique une forme nouvelle des équations du problème des trois corps; le change- gement de variables par lequel elle s'obtient, n’altère pas la forme canonique des équations, ni la forme des intégrales des aires: la forme de la fonction perturba- trice est aussi simple que dans les autres cas. — M. E. Picard généralise les propriétés d’une classe de trans- cendantes nouvelles qu'ilavait étudiée antérieurement, — M. Emile Borel applique sa méthode de recherche des singularités d’une fonction sur son cercle de con- vergence, aux séries de Taylor, et énonce quelques théorèmes intéressants. — M. J. Le Roux étudie spé- cialement une équation linéaire aux dérivées partielles du second ordre : d?z il dz œz — a dx o(æ) dz — 0, dxdy ZT — a dy = dont il signale quelques propriétés intéressantes. — M. G. di Pirro recherche directement quels sont les cas de mouvement dont les équations différentielles admettent des intégrales homogènes quadratiques or- thogonales, par rapport aux vitesses, et généralise les résultats obtenus par M. Stäckel dans ce domaine. — M. Appell fait remarquer que les conclusions de M. di Pirro doivent être rapprochées de celles formulées par M. Lévi Civita. — M. P. Bonytand adresse un mé- moire sur les chutes des cours d’eau en pays de plaines. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — Dans l'hypothèse que les rayons cathodiques sont constitués par un transport de molécules chargées négativement, et que le champ électrique est négligeable dans l’espace considéré, M. Colard montre qu'un rayon cathodique se propa- geant dans un champ magnétique, s’infléchit de facon à prendre la forme d'équilibre d’un conducteur par- faitement flexible, portant le même courant. — M. Vas- chy signale quelques erreurs admises comme vérités en électrormagnétisme,et provenant d’une fausse appli- cation du principe de la conservation de l'énergie. — M. R. Metzner montre, par des calculs thermochi- miques, que la formation de l’anhydride sélénique à partir de l’acide sélénieux et de l'oxygène, est de na- ture endothermique, ce qui explique qu’on n’ait pu jus- qu'ici réussir à isoler ce corps. — M. A. Hollard termine la description de son procédé d’analyse élec- trolytique du cuivre industriel; il indique comment s'opère le dosage de l’arsenic, de l’antimoine, du soufre et des métaux étrangers. — M. L.-A. Hallopeau, en dissolvant l’hydrate antimonique dans une solution bouillante de paratungstate de potasse, a obtenu de l’antimoniotungstate de potasse, de formule : 4TuO3, 3Sb205, 3K20 + 16H20 ; le sel d'argent, de formule semblable, donne, après traitement par l'acide chlorhydrique, l'acide antimo- niotungstique, de formule : 4TuO5, 3Sb206, — M. G. Chesneau a trouvé que les polysulfures alca- lins, saturés de soufre à froid, donnent, dans les sels cobalteux un persulfure noir, de composition Co?$7, insoluble dans les monosulfures alcalins, soluble, au contraire, dans ces sulfures saturés de soufre. Les sels nickeleux donnent, dans les mêmes conditions, un persulfure noir paraissant correspondre à celui de co- balt, mais, à l'inverse de ce dernier, à peine soluble dans le polysulfure sodique, et, au contraire, notable- ment soluble dans le monosulfure. — MM. F. Bordas et Sig. de Raczkowski indiquent un nouveau procédé de dosage de la glycérine, basé sur les colorations qui se produisent lorsqu'on oxyde ce corps par acide sulfurique et le bichromate de potasse. — M. R. Les- pieau, en distillant un mélange d'anhydride phospho- rique et de dibromhydrine symétrique de la glycérine, a obtenu de l’épidibromhydrine 6, de formule : CHBr — CH — CH?Br; 3H20 + SH°0. ce dernier composé donne un alcool: CHBr = CH — CH?0OH, et un acide bromopropénoïque : CHBr = CH — CO‘H. 30 SCIENCES NATURELLES. — M, L. Ranvier, étudiant le développement des ganglions lymphatiques, montre qu'ils sont constitués d’abord par un angiome lym- phatique simple, qui devient plus tard un angiome caverneux: — M. Ch. Bouchard a appliqué lesrayons Rôüntgen au diagnostic de la tuberculose pulmonaire; les lésions tuberculeuses portent ombre, tandis que le reste du poumon apparait en clair. —$. A. Albert I°”, prince de Monaco, communique les résultats de la troisième campagne scientifique de la Princesse-Alice. — M. Jules Richard décrit l’appareil qui lui a servi, pendant la dernière campagne de la Princesse-Alice, à démontrer que la quantité des gaz dissous dans les grandes profondeurs de la mer est indépendante de la pression. — M. Martin Knudsen communique ses re- cherches démontrant l'influence du plankton sur les quantités d'oxygène et d'acide carbonique dissous dans l’eau de mer, — M. Ginestous signale une pluie rouge tombée à Bizerte, le 4 novembre 1896. L'examen mi- croscopique des résidus laissés par cette pluie y a fait constater l'existence de quelques squelettes de rhizo- podes et de diatomées, mais l’ensemble de la masse était presque entièrement de nature minérale. — MM. Mairet et Vires démontrent qu'à côté de pro- priétés coagulatrices, le foie a des propriétés toxiques ; on les sépare facilement les unes des autres par la chaleur, qui produit un précipité et un filtratum. Le précipité renferme les propriétés coagulatrices, le fil- {ratum les propriétés toxiques. — M. L. Cuénot a constaté que, chez la Paludina vivipara L., les amibo- cytes se produisent par germination des globules libres qui circulent dans le sang; par contre, la Paludine possède un organe phagocytaire, qui est la glande de l'oreillette. — M. Auguste Michel établit que, chez les Annélides, le bourgeon de régénération caudale a une origine ectodermique, c’est-à-dire que de la proli- fération de l’épiderme naît un tissu indifférent, qui se différencie ultérieurement. — M. S. Jourdain a étudié le Rouget et démontre qu'il ne représente pas la larve hexapode du Trombidium holosericeum; la larve de ce dernier présente, en effet, des différences sensibles 38 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES avec le Rouget. — M. R. Quinton cherche à démon- trer que les différents modes de reproduction qu'on observe dans l'échelle animale, sont la conséquence immédiate du refroidissement du globe, et que ce re- froidissement est une cause primordiale d'évolution. — M. J. Laborde établit que la casse des vins est due à un champignon, le Botrytis cinerea, lequel secrète la diastase oxydante qui produit la décoloration; cette diastase est détruite par la chaleur, — M. Leclerc du Sablon a étudié la formation des réserves non azotées de la noix et de l’amande. La quantité d'acides gras est beaucoup plus grande au commencement du dévelop- pement qu'à la fin. Le glucose, en quantité notable dans les graines jeunes, disparaît dans les graines mûres, Le saccharose, ainsi que les amyloses, aug- mentent d’une facon continue jusqu'à la maturité. — MM. L. Ravazet G. Gouirand ont étudié l’action d’un grand nombre de substances sur la germination des spores de Black Rot. Les bouillies alcalines ont une action immédiate plus rapides que les bouillies un peu acides. Séance du 21 Décembre 1896. Séance publique annuelle. Après une allocution de M. A. Cornu, l'Académie décerne les prix dont elle dispose pour 1896. — M. M. Berthelot lit une notice historique sur Ernest-François Mallard. Louis BRUNET. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 15 Décembre 1896. Séance publique annuelle pour 1896, M. Cadet de Gassicourt lit le rapport général sur les prix décer- nés en 1896. — M. Motet prononce l'éloge de Lasègue. Séance du 22 Décembre 1896. L'Académie procède à l'élection de son bureau pour 1897. Le vice-président de l’année 1896, M. Caventou, devient de droit président pour l’année 1897. M. Jac- coud est élu vice-président. M. Cadet de Gassicourt est maintenu, par acclamation, secrétaire annuel, — M. Heurteaux (de Nantes) communique une observa- tion de myo-fibrome de l'utérus à pédicule tordu, qui provoquait des crises très douloureuses ; il fut enlevé et la malade guérit complètement. — M. Kelsch étu- die les maladies qu'on à qualifiées d’essentiellement contagieuses : les fièvres éruptives. Là aussi la conta- mination ne peut arriver à expliquer complètement les faits observés: ces maladies, outre qu'elles su- bissent l'influence des saisons, offrent dans le peuple de larges oscillations qui embrassent une période longue de plusieurs années, durant laquelle leurniveau s'élève et s’abaisse alternativement; la cause de ces oscillations est due à un facteur encore inconnu. — M. ie D' Calot(de Berck-sur-Mer) lit un mémoire sur les moyens de corriger les bosses du mal de Pott (d'après 37 opéralions) et sur le moyen de les préve- nir. Séance du 29 Décembre 1896. M. Raïlliet est élu membre litulaire dans la IX: sec- tion (Médecine vétérinaire). — M. J. Bergeron donne lecture des discours qu'il a prononcés au Jubilé de M. Th. Roussel et à la cérémonie de la translation des cendres de Pasteur. M. J. Laborde présente un nouvel] appareil dù à M. Dussaud (de Genève), le micro- paonographe. I est destiné à amplifier, dans la mesure que l’on veut, les :ons recueillis sur un phonographe, de facon à les faireentendre aux sourds. — En réponse à une demande du D' Gueneau, M. Charpentier demande la substitution del'emploi du lait stérilisé à celui du lait cru ou bouilli dans l’alimentation des en- fants du premier âge, — M. Panas fait l’histoire du traitement chirurgical de la myopie. L'extraction du cristallin transparent semble être le meilleur moyen de traitement de la myopie forte où les verres ne peuvent être employés. — MM. Poncet, E. Destot et L. Bérard (de Lyon) présentent leurs études sur les circulations artérielle et veineuse du rein, qu'ils ont étudiées au moyen des rayons de Rôntgen et du stéréoscope. — M. le D' Garnault lit un mémoire sur le traitement chirurgical dela surdité. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance du 27 Novembre 1896. M. Hazriot a isolé du sang un ferment soluble, la lipase, qui dédouble les graisses en glycérine et acides gras. On peut facilement caractériser la lipase par son action sur la monobutyrine de la glycérine. Le sang, le pancréas etle foie renferment seuls de la lipase qui a, ainsi que l’a montré M. Hanriot, la curieuse propriété de saponifier un grand nombre de corps gras. — M. Darzens montre qu'en rapportant l’entropie au poids moléculaire, elle prend la même forme pour tous les corps ayant des constitutions moléculaires sem- blables, à la condition de les comparer à des états également éloignés du point critique. Il en déduit la ormule de Van der Wals pour la chaleur latente : px Ë nm /(r) M. Blaise, dans le but d'identifier l'acide diméthyl- glutarique provenant de l'oxydation de l'acide cam- pholénique, a préparé les deux acides 2, 2 et 2, 3 dimé- thylglutarique. On obtient le nitrile du premier par l’action du cyanure de potassium sur l'isocaprolactone; l'acide correspondant fond à 118°, son dérivé phényla- midé à 141°,5, son anile à 950-96°, son anhydride bout à 2409 —- 250°. On prépare le second en faisant réagir le cyanure de potassium sur la 2, 3 diméthylbutyro- lactone. IL fond à 82°-83", son dérivé phénylamidé fond à 147°-148° et son anhydride bout à 2752-2839, Les constantes de cet acide permettent de l'identifier avec celui que l’on obtient en partant de l’acide campholé- nique. — M. Tanret a observé qu'à 30°-40° des doses de nitcate d’ammoniaque de0 gr. 50 à Ogr. 75 pour 100 c. e. de liqueur de Raulin empêchent l’Aspergillus niger de fructifier. A 206-220 des doses même plus élevées ne font que ralentir cette fructification. La vie mycélienne de ce champignon s'accompagne de deux phénomènes chimiques remarquables : jes tissus de la plante s’im- prègnent d’amidon, et l’on constate l'apparition d'acide uitrique dans le milieu de culture. La quantité d'acide nitrique ainsi formée peut atteindre 0,40 pour 100 c. ec. L’Aspergillus, cultivé à la manière ordinaire et spo- rulant au bout de quelques jours, ne renferme pas d'amidon; l’auteur est parvenu à lui en faire élaborer en le cultivant sur des milieux divers : glycérine, arabi- nose, isodulcite, québrachite, inosite, glucose, lévulose. — M. Fernbach communique au nom de M. Perdrix un travail sur l'oxydation de quelques substances or- ganiques par le permanganate en solution sulfurique. Avec les alcools polyatomiques et leurs dérivés, on n’obtient dans ces conditions que de l’acide carbonique et de l’acide formique. Le dosage des produits de l'oxydation a conduit à reconnaitre que l'oxydation marche d’après la fonction oxydée. Chaque groupement fonctionnel s’oxydant d’après une équation bien déter- minée, le dosage des produits de l'oxydation permettra dans certains cas de déterminer la nature d'une fonction d’un corps, les autres étant connues. — M. Joffre remet à la Société de la part de M. Stokla, de Prague, un exemplaire de la première partie de ses études chimiques et physiologiques sur les superphos- phates. — M. Friedel présente une note de M. A. Berg sur le mode de formation de l’élatérine dans l'Ecbalium elaterium, une note de M. P. Bourcet sur le paraben- zoyltoluène et un mémoire de M. Collet sur l’action des chlorures d'acides halogénés sur le benzène en présence du chlorure d'aluminium. — M. Maquenne présente une note de M.G. Paturelsur la composition chimique et la valeur agricole des scories de déphos- AUADEMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 39 phoralion — M. Béhal présente une note de M. Sende- rens, sur un nouveau mode de combinaisons métal- liques : alliages du cadmium avec l'argent et le cuivre. et une note deM. Weisberg sur la solubilité du sulfite de chaux dans l’eau pure et dans les liquides sucrés. — M. Lescœur a remis une série de notes sur le dosage alcalimétrique des différents métaux : aluminium, fer, cuivre, argent. Séance du 2 Décembre 1896. M. Lucas compare les méthodes de dosage du phos- phore et du soufre danslefer, — M. O. Ducru a observé un dépôt de bleu de Prusse dans un vinaigre de vin rouge décoloré avec du noir animal non lavé. E. CHarow. ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM Séance du 23 Novembre 1896. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. de Vries : Dé- monstration géométriques de quelques théorèmes arithmé- tiques. En évaluant de différentes manières le nombre des points dont les coordonnées rectangulaires s'ex- priment par des nombres entiers, et qui sont situés à l’intérieur d’un contour fermé ou dans une figure limitée par des surfaces, l’auteur arrive à plusieurs relations entre des fonctions numériques. — M. P. H. Schoute démontre douze théorèmes en rapport avec les cubiques circulaires et les quartiques bicireulaires. Voici les principaux résultats : 1° Il y a deux espèces de cubiques circulaires C3 et de quartiques bicircu- laires Q#. Les courbes de première espèce se com- posent de deux branches distinctes (ovale et serpen- line pour les C3, deux ovales pour les Q); leurs quatre foyersréelssont concycliques et les douze foyers imaginaires se trouvent sur trois cercles, dont l’un à un rayon purement imaginaire. Les courbes de seconde espèce n’admettent qu'une branche unique (serpentine pour les C3, ovale pour les Qf); chacun de leurs foyers réels se trouve sur un des trois cercles d’Apollonius du triangle dont les trois autres foyers réels sont les sommets; les seize foyers se trouvent sur quatre cercles -co-orthogonaux, dont deux sont imaginaires conjugués. 2 Les courbes C3 qui mè- nent à la même configuration des quatre cereles co-orthogonaux dont chacun contient quatre foyers, forment un faisceau: deux courbes confocales de ce faisceau se coupent en sept ou en trois points sous un angle droit. 3° Les courbes Q* qui mènent à la même configuration des quatre cercles co-orthogonaux, for- ment un réseau; la courbe de Hesse de ce faisceau se compose de ces quatre cercles et de la droite à l'infini. — M. E. G. van der Sande Bakhuyzen présente un compte rendu sur l’état de l'Observatoire de Leyde de septembre 1894 à septembre 1896. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. H. A. Lorentz : Sur l’en- tropie d'une masse gazeuse. La fonction H, introduite par M. L. Boltzmann dans la théorie cinétique des gaz, à la propriété de tendre vers un minimum en vertu des chocs entre les molécules. Il est donc naturel d'ad- mettre que H multiplié par un coefficient constant représente l’entropie, C’est ce qu'on vérifie aisément dans le cas d'un état stationnaire en comparant la valeur de H avec celle de l’entropie Pour élucider cette question, M, Lorentz considère un gaz qui, tout en changeant d’état, s'éloigne à chaque instant infiniment peu d'un étatstationnaire. En calculant d’une manière directe la valeur de dH correspondante au temps df, il trouve 2 4 dH —— 3 dQ,— dQ étant la quantité de cha- leur communiquée au gaz et À représentant l'énergie critique moyenne d'une molécule. Or cette dernière étant égale au produit de la température absolue et d'un facteur constant y, il s'ensuit que l’entropie est 20e À 2 : : représentée par — 34 H. — M. H. Kamerlingh Onnes présente de la part de M. P. Zeeman un second tra- vail se rapportant à l'influence du magnétisme sur la nature de la lumière émise par une substance. Par une expérience déjà référée (Revue gén., t. VII, p. 1071) avec un tube chauffé, dans lequel on a introduit un mor- ceau de sodium et qu'on a placé entre les pôles d’un électro-aimant, l’auteur a rendu extrêmement pro- bable que l’action spécifique du magnétisme change la période de vibration des atomes. En poursuivant ces recherches, des considérations théoriques lui ont sug- géré l’idée que le spectre de bandes ne changerail pas sous l’action de l’aimant. Et, en effet, le spectre de bandes de l’iode ne change pas sous l’action magné- tique. Les considérations théoriques en question ont trait aux mesures du phénomène de Kerr. L'hypothèse des tourbillons moléculaires dans le champ magné- tique, due à Maxwell et à Lord Kelvin, semble impli- quer la nécessité d’une influence de l’électro-aimant. Cependant une explication véritable des phénomènes observés découle de la théorie électro-magnétique de M. Lorentz. Dans cette théorie les phénomènes élec- triques et optiques sont causés par les déplacements mutuels d’une multitude de petites particules à charges positives ou négatives, appelées « ions », con- tenues dans tous les corps pondérables, Or, il semble que, dans le champ magnétique, ces ions sont soumis à des forces mécaniques, précisément d'une nature à rendre compte des nouveaux phénomènes. Grâce à l’obligeance de M. Lorentz, l’auteur a pu développer cette idée; en outre M. Lorentz a remarqué que, cette explication étant vraie, il en résulte que lesbords d’une ligne spectrale, élargie sousl’influence du magnétisme, devront être polarisés circulairement, l'observateur étant placé dans la direction des lignes de force, Avec une lame quart d’onde et un nicol on a pu constater qu’en effet dans ces cas les bords de la ligne magné- üsée sont polarisés circulairement. Ainsi l’on peut dire que le phénomène de la magnétisation des raies spectrales prouve directement l’existence des «ions » dont les vibrations sont la cause de la lumière. De la valeur de l'élargissement magnétique la théorie déduit le rapport entre la charge e d’un ion et sa masse m. D'une mesure encore provisoire il résulte que le quo- tient + est de l’ordre de grandeur 107. — Ensuite M. Kamerlingh Onnes offre de la part de M. L. H. Siertsema un travail « sur les coefficients de tempé- rature des anéroiïdes de M. Naudet ». Dans la littéra- ture du sujet on ne trouve que de vagues indications sur les causes de la grandeur assez considérable des coefficients de température des anéroïdes ; ordinaire- ment on en mentionne trois: 1° Par la chaleur les diverses parties de l'instrument se dilatent; notam- ment la surface de la boîte vide s'accroît, de manière que la pression de l’air augmente. 2° En même temps les coefficients d’élasticilé des métaux dont se com- posent la boîte et le ressort diminuent; par là la flexion augmente. 3° L'air contenu dans la boite sensi- blement vide a une action opposée.M. Siertsema donne une critique de ces considérations. Il trouve que la première cause est presque ineffective,qu'au contraire les deux autres ont plus d’influence.Ses considérations théoriques s'accordent avec les expériences de MM. Mayer, Jelinek, Hartl. — M.J. D van der Waals présente, au nom de M. 9. D. van der Waals jr., une communication intitulée « Quelques observations touchant la loi des états correspondants », Pour con- trôler celte loi on peut utiliser les recherches de M. Battelli surla densité de l’éther, du sulfure de carbone et de l'alcool à diverses températures et sous la pres- sion de leur vapeur saturée. Il est vrai, Battelli lui- même introduit la température réduite, mais c’est dans des formules empiriques, de sorte qu'il s'agit de contrôler, non pas la loi des états correspondants, mais ces formules empiriques. Il donnee, a. la for- mule à — € (a + bm —+ cm ©), où c représente mille fois la densité critique. Les valeurs qu'il donne à cette quantité diffèrent de 20 °/, de celles que d’autres savants ont trouvées. Il n'explique, ni com- 40 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ment il les a fixées, ni comment il a trouvé les valeurs de «, V', c'. Or, en vertu de la loi des états correspon- dants, ces constantes doivent être les mêmes pour toutes les matières.Néanmoins M.Battelli leur attribue des valeurs toutes différentes et encore ces valeurs ne satisfont pas à la condition que pour m — 1 la tenue entre parenthèses ait la valeur de 0, 001. Pour l’éther il donne — 207,5 (0,00089 + 0,00917 m — 0,0757 m°) ; pour m — 1,il en résulte pour le second facteur de à la valeur 0,00249. Pour contrôler au contraire la loi des états correspondants au moyen des recherches de M. Battelli, l’auteur dresse un tableau synoptique, où figurent les rapports des densités des trois matières prises à des températures correspondantes. En vertu de la loi des états correspondants,ces rapports doivent être constants. Entre les températures de 0c et de 2350 pour l'alcool la plus grande différence entre les rap- ports des densités de C,H,0H et (C,H,),0 est de 6 0/4. Les résultats des expériences de Young (Proc. phys. Soc. of London, t. XI, fasc. 3, mars 1892) font voir qu'il n’y a qu'une diflérence réciproque de 4 ©), quant à cette quantité pour les mêmes ma- tières, tandis que, à la même température, la plus grande différence entre les rapports de Young et ceux de Battelli ne surmonte pas 3 °/,. De CS, et de (C,H,)0 les rapports des densités diffèrent à peu près 140). Dans son travail cité, M. Young fait remar- quer qu'il existe une grande différence entre les rap- ports des points d'ébullition et ceux des volumes molé- culaires de l’état liquide, quand les pressions des deux matières se correspondent l’une l’autre, et il y ajoute qu'ils devraient être égaux, si les généralisa- tions de Van der Waals représentaient toute la vérité. Toutefois cette remarque n’est pas juste. En désignant les grandeurs qui se rapportent aux deux matières par les indices 1 et 2, on a, si les pressions sont correspon- dantes, NN EN TR VAGUE UV Tr Le tableau suivant montre jusqu'à quel point il est satisfait à cette relation. ceux des températures eux-mêmes, de manière que les rapports, loin d’être l’uuité, doivent représenter ceux des quantités critiques. C’est pour faire ressortir ces résultats que la ligne b a été ajoutée au tableau. En vertu de la loi des états correspondants, les lignes b, e, d,e, doivent être égales. IL n'y a que les alcools et l'acide acétique qui montrent des déviations assez con- sidérables. Mais, pour d’autres raisons, on supposait déjà dans ces matières l'association des molécules à l’état liquide, — M. H. Bakhuis Roozeboom présente la thèse de M. P. Jorissen. 30 SCIENCES NATURELLES. — M. J. Hamburger s'occupe de l'influence de la respiration sur le volume et la forme des corpuscules sanguins. En poursuivant son étude de l'influence de la respiration sur la perméabi- lité des corpuscules rouges du sang (levue (Générale, t. VII, p.236 et 552), et les expériences de von Limbeck qui en forment une extension, l’auteur a trouvé que les corpuscules rouges et blancs se gonflent dans les capillaires sanguins des tissus et se rétrécissent dans ceux des poumons. Ce résultat, obtenu par des évalua- tions volumétriques, semble, en ce qui concerne les corpuscules rouges, être en contradiction avec celui de l'examen microscopique ; en effet, dans le sang des tis- sus (sang veineux), les disques biconcaves se montrent plus petits que dans le sang sortant des poumons (sang artériel). Cela provientde ce que les corpuscules rouges, en se gonflant dans les tissus, ont la tendance de perdre leur forme biconcave et de devenir sphé- rique. Ce gonflement estattribué à l'influence de l'acide carbonique qui fait subir aux globules du sang un ac- croissement de force hydrophile plus considérable qu’au sérum ambiant. — M. C. A. J. A. Oudemans : Notices sur quelques champignons nouveaux. Descrip- tion et diagnose latine des quatre nouvelles espèces Oospora abietum, Chætostroma cliviæ, Plenodomus ery- thrinæ, Euryachora liberica, — M. A. A. W. Hubrecht pvésente son travail « Die Keimblase von Farsius » (la vessie embryonnaire de Farsius).— Rapportsur son tra- vail de M. I. H. F. Kohlbrugge intitulé : « Muskeln und periphere Nerven der Primaten, mit besonderer Berücksichtigung der Anomalien »(Les muscles et les CeHECN | C;H,Br |NCH,1 MC; HE CC SnCl, |(C>H;)0 | CH:0H| C,H,O0H | C;H,0H | CH;COOH SSI SEINS 1,13 1,20 1529 0,986 0,992 1,0625 0,84 0,96 0,99 1,03 1,09 Mers nre à 1,13 1,192 1,29 0,937 1,022 1,292 1,0445 0,458 0,663 0.86% 0,6464 ce 4,1946 | ‘1,18 1,277 | 0,944 1,02 1,28 1,034 0,423 0,615 0,80 0,634 d 1,137 1,189 | 1,282 | 0,946 0,993 | 1,282 1,038 0,507 0,676 0,859 0,593 NME 1,133 1492 | 1,289 | 10,948 |" MF021 | 4,292 1,038 0,437 0,647 0,805 0,630 Dans ce tableau la ligne à fait connaîtreles rapports des points d’ébullition d’après Young, la valeur du RTS Be ae rapport d'après les valeurs des quantités critiques V déterminées par Young, €, le rapport des volumes moléculaires à l’état liquide, d, le mème rapport pour l’état de vapeur ete, celui des volumes moléculaires critiques. Les nombres du tableau représentent les moyens des quantités mentionnées, tirées d’un grand nombre d’expériments, par rapport aux valeurs de ces quantités pour C,H,F comme unités. La température et la pression de C,H, ont été variées de 2720,25 à 559,55 et de 20 à 339,12 millimètres, Aussi M. Grätz tire une conclusion moins juste des expériences de Young. Il croit que Young donne les rapports des vo- lumes réduits el des températures réduites, ce qui le mène au résullat que tous ces rapports devraient être l'unité, en vertu dela loi des états correspondants. Au contraire M. Young donne les rapports des volumes et nerfs périphériques des Primates, avec une étude par- ticulière de leurs anomalies). — Rapport sur un tra- vail de M. J. L. C. Schroeder van der Kolk «Bij- drage tot de Karteering onzer zandgronden. IL (Gontri- bution à la construction de cartes des terrains sablon- neux, deuxième partie ; voir Revue Générale,t. NI, p. 87). P. H. ScnourTe. ACADEMIE DES SCIENCES DE VIENNE Séance du 3 Décembre 1896. SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Weineck commu- nique vingt-cinq photographies agrandies de la Lune et donne la description des nouveaux détails qu'il y a découverts. Séance du 10 Décembre 1896. SCIENCES NATURELLES. — M. A. Weichselbaum envoie une note sur la résorptiou des bactéries dans les infec- tions locales, Paris. — Imprimerie F, Levé, rue Cassette, 17 Le Directeur-Gérant : Louis OLrviEr. 8° ANNÉE « N° 30 JANVIER 1897 :à 19 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 4. — Solennités scientifiques Le cinquantenaire académique de M. H. Faye. — Il y a eu, le18 janvierdernier, cinquante ans que M. H. Faye a élé élu membre de l'Académie des Sciences. A la séance ordinaire du 25 janvier, ses con- frères lui ont fait, à cette occasion, une touchaute et chaleureuse ovation. M. le Président Chatin s'est fait l'interprète des sentiments unanimes de la Compagnie en rappelant la longue carrière de travail et de gloire qui caractérise l'œuvre de l'illustre astronome. Ce dis- cours a été couvert d'applaudissements. Après la séance, l’Académie s'est réunie au Grand- Hôtel avec quelques invités pour fêter en un banquet ce jubilé scientifique. La Revue, que M. Faye a, en diverses circonstances, honorée de sa collaboration, est heureuse de joindre ses hommages à ceux qu'adressent à l'émiuent astro- nome les savants du monde entier. N Emile du Bois-Reymond. — E. du Bois-Rey- mond, qui vient de mourir, était d'origine presque française. Son père, apprenti. horloger à Neufchâtel, avait émigré à Berlin au commencement du siècle, et, grâce à son intelligence, s'était élevé au rang de pro- fesseur à l'Ecole des Cadets, et finalement à celui de Conseiller intime des cantons suisses annexés à la Prusse en 1814. Sa mère. était d'une famille française, émigrée lors de la révocalion de l'Edit de Nantes. Né à Berlin le 7 novembre 1818, du Bois-Reymond passa toute sa jeunesse dans cette ville; il entra à l'Uni- versité vers Pâques 1837, et se fit inscrire pour l'étude de la Philosophie. Mais il raconte lui-même qu'il n'y prit aucun goût, et ayant, dans le courant de l'hiver sui- vant, assisté par hasard à une lecon de Mitscherlich sur la Chimie expérimentale, il fut si séduit par cette science qu'il se mit à suivre assidûment ces cours, En même temps, il étudia avec ardeur les Mathématiques et la Physique et se rendit à Bonn, où il fit entrer la Géolo- gie dans le cercle de ses connaissances. De retour à 2. — Nécrologie REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES. 1897. | Berlin, il se lia avec Hallmann, assistant à l'Institut anatomique de Jean Muller, qui le décida à étudier la Médecine. Bientôt, il connut Jean Muller lui-même, dont il devint le secrétaire en 1840, et lorsque, l'année suivante, Hallmann partit pour entrer chez Schwann, à Louvain, du Bois-Reymond le remplaçca à l’Institut anatomique. Matteucei venait de publier son « Essai sur les phé- nomènes électriques des animaux, 1840 ». Jean Muller chargea du Bois-Reymond de reprendre ces expériences et surlout de vérilier celles de Nobili sur le courant propre de la grenouille; c’est ce qui décida de sa car- rière. Il publia d’abord très rapidement dans les Annales de Physique, LVIIT, un court mémoire « Sur le courant de la grenouille et les poissons électriques ». Ce travail ne fut pas remarqué, mais du Bois-Reymond s'était telle- ment passionné pour son sujet qu'il en rechercha l’his- toire Jusquè dans les temps les plus reculés, si bien que sa thèse de doctorat, dalée de 1843, a pour titre : Quæ apudveleris de piscibus electricis exstant urgumenta. Cepen- dant, les recherches de laboratoire ne languissaient pas, le jeune,expérimentateur avait beaucoup à faire : mé- thodes, instruments, appareils de mesure, tout était à créer. Du Bois-Reymond le fit avec une ingéniosité etune science remarquable, et on lui doit une foule d'appa- reils qui ont trouvé leur applicalion dans la Physiologie et dans les recherches de Physique : myographe à res- sort, chariot d'induction, électrodes impolarisables, rhéocorde, ete. Enfin, au boul d’un travail acharné de septans, parut le premier volume des « Recherches sur l'électricité animale ». En 1849, il publia le premier fascicule du tome II et la fin en 1860. Cette œuvre l'avait placé au premier rang parmi les physiologistes de son époque ; aussi, dès 1851, n'ayant pas encore trente-trois ans, l'Académie des Sciences de Berlin lui ouvrait ses portes sur les sollicitations de A. de Humboldt et de Jean Muller. Dans l'introduction de son premier volume, du Bois Reymond fait l'historique de toutes les recherches, hypothèses et théories sur l’électrophysiologie depuis 1743, et il montre comment l'obscurité qui régnait jus- 9 42 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE qu'à lui était due aux idées préconcues et au défaut de méthodes vraiment scientifiques. Tout le reste est l’œuvre personnelle de du Bois-Rey- mond; on y trouve, parmi les études les plus remar- quables, les lois des courants musculaires et nerveux pendant le repos, les phénomènes électriques des muscles et des nerfs en action, l’oscillation négative, les actions électrotoniques des muscles et des nerfs. Cepen- dant du Bois-Reymond était devenu « privat docent »; il était entré en fonctions en 1846; mais, en réalité, trop occupé par ses recherches, il ne commença son ensei- gnement à côté de Muller qu'en 1854, Dès l’année sui- vante, il fut promu professeur extraordinaire, et, à la mort de son maitre, en 1858, lorsque la chaire fut scin- dée en Anatomie et Physiologie, il passa professeur ordinaire de Physiologie et directeur du Laboratoire de Physiologie de l'Université. De l’avis de tous ceux qui ont entendu du Bois-Rey- mond, c'était un professeur merveilleux, enthousiaste de son sujet, parfait dans la forme, à la voix chaude et sonore ; aussi ses cours étaient-ils si fréquentés que, dans le grand amphithéâtre de l'Université de Berlin, de nombreux auditeurs, ne trouvant pas de place, res- taient debout dans les couloirs et les intervalles des banquettes, et, malgré cette situation peu commode, ne sortaient pas avant la fin du cours. Du reste, chez du Bois-Reymond, le savant était doublé d'un encyclopédiste de premier ordre et d’un orateur des plus remarquables, ainsi que le témoignent les nombreux discours prononcés par lui comme secré- taire perpétuel de l'Académie des Sciences, comme rec- teur de l'Université ou comme membre des Congrès de naturalistes. Ces discours sont réunis en deux volumes ; je regrette d’avoir à y signaler celui sur La guerre alle- mande, prononcé en 1870, et où du Bois-Reymond, re- niant son origine, va jusqu'à regretter la consonance trop française de son nom; je me considère comme très modéré en n’en disant que cela. Parmi les nombreux services rendus à la science par l’éminent physiologiste, il faut encore citer la publi- cation des Archives de Physiologie. A la mort de son maitre, il avait, en commun accord avec Reichert, con- tinué les Archives de Muller, pour l'Anatomie et la Phy- siologie, et lorsqu'en 1877 il y eut une publication spé- ciale pour chacune de ces sciences, il prit la direction des Archives de Physiologie, dont il parut un volume par an. Jusqu'à la fin, du Bois-Reymond continua son œuvre, perfectionnant ses méthodes, cherchant à consolider la base, vérifiant à nouveau les faits, et il ne consi- déra jamais comme terminée la tâche qui lui avait été confiée par son maitre cinquante ans auparavant. Enfin, il y a quelques mois, après avoir vu dispa- raitre les contemporains de sa jeunesse : Brücke, en 1892, Helmholtz, en 1895, Ludwig, l’année suivante, arrivé lui-même à près de quatre-vingts ans, il sentit qu'une affection du cœur dont il souffrait faisait de rapides progrès, et il y succomba le 26 décembre 1896. D' G. Weiss, Professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Paris. $ 3. — Art de l’Ingénieur Le frein électro-pneumatique de M. Chap- sal. — La question des freins a toujours tenu une des premières places dans les préoccupations des ingé- nieurs des chemins de fer, car la sécurité des voyageurs dépend, en grande partie, du bon fonctionnement de ces appareils; nombreux sont les types usités et les perfectionnements qui y ont été successivement appor- tés; néanmoins, les freins aujourd’hui en usage ne sont pas sans présenter encore quelques défectuosités, que nous allons indiquer, Le principe de ces appareils est le suivant : Une con- duite générale, remplie d'air comprimé, circule le long du train et se trouve, dans la position normale de marche, en communication avec des réservoirs, dits auxiliaires, placés sous chaque voiture ; d'autre part, le cylindre de frein qui, par son piston, commande les sabots qui viennent s'appliquer contre les roues dans le serrage, est isolé et communique avec l'air exté- rieur. Pour produire l'arrêt, le mécanicien ouvre une extrémité de la conduite générale; celle-ci se vide et provoque le fonctionnement d'un appareil appelé triple-valve ; cet appareil interrompt la communication de la conduite avec les réservoirs auxiliaires, et celle des cylindres de frein avec l'extérieur; par contre, les réservoirs auxiliaires sont reliés aux cylindres de frein. Ces derniers se remplissent d'air comprimé, lëquel agit sur le piston et produit le serrage. Au desserrage, le mécanicien fait rentrer de l'air comprimé dans la con- duite générale, et, par le fonctionnement inverse de la triple-valve, les divers organes reviennent dans leurs connexions premières. Ce système, qui donne de bons résullats sur des trains ordinaires, devient d'un maniement délicat dès que le nombre des wagons est un peu élevé. Il constitue mème une source d’ennuis graves lorsqu'il y a plus de 20 voitures, fait qui n’est pas rare sur les lignes de banlieue. En effet, l'évacuation ou la rentrée de l'air comprimé dans la conduite générale ne se produit que progressivement le long du train; il en résulte que les premiers wagons sont quelquefois serrés à fond, alors que les derniers ne le sont pas encore, et l'inverse au desserrage; la durée de l'arrêt en est augmentée et il se produit des secousses désagréables pour les voya- geurs; le départ donne lieu quelquefois à des ruptures d’attelage. D'autre part, si une rupture accidentelle de la con- duite générale vient à se produire en cours de route, le train s'arrête complètement, et le personnel esL obligé de venir débloquer tous les freins à la main avant que le train puisse reprendre sa marche pour atteindre la prochaine gare. Pour essayer de remédier à ces inconvénients et à d'autres encore, dans Ja description desquels nous ne pouvons entrer, diverses modifications aux freins ordi- naires ont été depuis longtemps proposées; l’une des plus intéressantes semble être celle que M. lingé- nieur Chapsal vient d'imaginer sous le nom de frein électro-pneumatique; l'appareil a fait ses preuves ces jours derniers sur le réseau de l'Ouest, où nous l’avous vu fonctionner. Il possède ce premier avantage de pouvoir s'adapter facilement et sans grandes modifications aux freins à air en usage presque partout. Il se compose essen- tiellement : 4° D'une petite batterie d’accumulateurs placée sur la machine ; 2° D'un commutateur, qui est en même lemps le robinet de manœuvre du frein pneumatique; 3° De deux fils de communication, enroulés le long de la conduite générale, et servant : l’un au courant de serrage, l’autre au courant de desserrage; 4° De deux valves électriques par cylindre de frein, l’une de serrage, l’autre de desserrage, actionnées par deux électro-aimants, auxquels aboutissent les fils indi- qués plus haut. Pour obtenir le serrage, le mécanicien lance, par le fil correspondant, un courant électrique qui actionne l’électro-aimant de la valve de serrage; celle-ci laisse fuir uve partie de l'air de la conduite générale; la triple- valve du frein pneumatique fonctionne, et l'air com- primé du réservoir auxiliaire passe dans le cylindre à frein. La durée de la transmission électrique étant inappréciable, toutes les roues sont freinées simulta- nément. Pour le desserrage, on actionne par le courant la valve de desserrage ; le cylindre à frein est mis en rela- tion avec l'extérieur et se vide, tandis que la conduite générale se remplit à nouveau et communique avec le réservoir auxiliaire. Le desserrage est également simul- lané pour toutes les voitures. Be plus, le mécanicien peut facilement varier l'inten- CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 13 sité du courant qu'il lance dans les électro-aimants des valves de serrage et de desserrage; il peut ainsi gra- duer la quantité d'air qui sort de la conduite générale et celle qui entre dans les cylindres de frein, ou vice versa ; le serrage et le desserrage sont donc modérables à volonté, résultat important qui n'avait été obtenu que partiellement et imparfaitement par les autres sys- tèmes. IL est à remarquer que le commutateur du frein élec- trique étant le robinet de manœuvre même du frein pneumatique, ce dernier ne fonclionne jamais sans le premier, qui complète son action ; par contre, le méca- nicien peut faire agir le frein électrique seul. Le frein électro-pneumatique de M. Chapsal nous semble donc présenter les avantages suivants : On à toujours à sa disposition deux freins absolu- ment distincts, fonclionnant simultanément par la même manœuvre, mais tout à fait indépendants l'un SA & ESS H.OBEREIM Fig. 1. — Microscope pour l'élude des corps opaques. — A, objet examiné: B, on entre Paris et Mantes, el dans lesquelles on à réalisé intentionnellement tous les cas qui peuvent se produire dans la manœuvre des freins, ont été très concluantes. Espérons que, vu la facilité avec laquelle il peut s'as- socier aux freins aujourd'hui en usage, le frein élec- trique sera bientôt adopté par nos Compagnies de che- mins de fer : il constitue un appareil de sécurité qui sera certainement apprécié par tous les voyageurs", Louis Brunet. S 4. — Physique Un nouveau microscope pour l'étude des corps opaques. — Parmi les dispositifs décrits par M. Charpy, dans un article précédent?, sur les appa- reils microscopiques pour l'étude des corps opaques, un seul est réellement pratique pour la métallographie microscopique, qui nécessite souvent l'emploi de forts && NAN risme à réflexion totale dirigé vers l'ocu- laire C; D, prisme éclaireur de 10mx de côté et 30mx de longueur, terminé d'un côté par deux faces à réflexion totale inclinées l’une sur l'autre de 45°, et de l’autre côté par une lentille de distance focale principale égale à la longueur du prisme, soit 30mm; E, diaphragme au foyer conjugué de l'objet par ERRDOTE au s stème optique composé de l'objectif et du prisme D; F, écran vertical mobile placé au foyer conjugué de la première lentille de l'objectif par rapport au prisme D; au devant de F se trouve la flamme éclairante. de l’autre ;on double donc ainsi les moyens de sécurité actuels. On obtient une réduction très notable des arrêts d'ur- gence, grâce à l'instantanéilé du serrage sur tous les véhicules du (rain ; le fonctionnement devient indépen- daut du nombre de ces véhicules, et, par suite de l'instantanéité du desserrage, on évite les ruptures d'at- telage. La modérabilité au serrage et au desserrage permet la descente des pentes dans des conditions exceptionnelles. J En cas de rupture de la conduite générale du frein pneumatique, le mécanicien peut aussitôt pratiquer le desserrage avec le frein électrique et éviter l'arrêt du train ; il peut, en outre, bien que la conduite soit ouverte, faire encore quatre ou cinq serrages et autant -de desserrages, en utilisant l'air comprimé des réser- voirs auxiliaires. Tous ces avantages ont été mis en évidence par les “expériences que la Compagnie de l'Ouest à organisées ‘sur son réseau depuis trois mois avec up train de dix- huit voitures muni du frein électro-pneumatique. En particulier, les expériences du 16 janvier dernier, faites 4 L'adoption de ce frein empèchera certainement le retour d'accidents comme celui de la gare Montparnasse. grossissements : c'est le dispositif comportant un prisme à réflexion totale placé immédiatement au-dessus de l'objectif. Son efficacité est complètement démontrée par les magnifiques photographies qu'ont obtenues, en l'employant, M. Osmond et M. Charpy. Il nécessite ce- pendant pour le réglage de l’éclairement quelques tà- tonnements préalables qu'il m'a semblé possible de simplifier. Le dessin schématique de la figure 1 repré- sente un modèle de microscope destiné aux études de métallographie, qui a été construit sur mes indications par M. Pellin. . La position renversée de la platine facilite l'installa- 1 M. Chapsal, afin de rendre son appareil encore plus pra- tique, va lui faire subir une grande simplification. Il n'y aura plus qu'un seul fil de distribution électrique servant au serrage ou au desserrage, suivant le sens du courant qui le parcourt; les deux valves électriques seront réunies et les deux électro-aimants remplacés par un électro-moteur rotatif, tournant vers la droite ou vers la gauche suivant le sens du courant qui passe dans le fil, et actionnant dans un sens le serrage, dans l’autre le desserrage. L'appareil ainsi modifié n'a pas encore fonctionné, mais l'inventeur en attend de meilleurs résultats encore que de l'appareil pri- mitif. 2? Voir la Revue du 30 décembre 1896, pages 1260 à 1262. 4% CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE tion des fragments de métal, qui peuvent, en dehors de la face polie, avoir une forme quelconque. Le prisme éclaireur D renvoie le faisceau horizontal de lumière qu'il reçoit sur la moitié de l'objectif qu'il masque. Ses deux faces font un angle de 45 degrés et sont inclinées chacune de 22,5 degrés l’une sur l'ho- rizontale, l'autre sur la verticale, de telle sorte que l'axe du faisceau réfléchi soit vertical. L'arète extrême du prisme passe par l'axe de l'objectif et aussi par le loyer principal de cet objectif, ou tout au moins le plus près possible. Le diaphragme E placé au foyer conjugué de l'objet observé, et l'écran F percé d’une fenêtre rectangulaire horizontale permettent d'arrêter tous les rayons lumineux inutiles dont la diffusion par les lentilles de l'objectif viendrait éclairer le champ du microscope et diminuer la visibilité des images. Pour atteindre ce résultat le diaphragme E doit avoir exacte- ment l'ouverture égale au diamètre de l'image de la portion utile de l'objet observé; et la fenêtre F une hauteur égale à la moitié des dimensions de l'image de la lentille supérieure de l'objectif. H. Le Chatelier, Professeur à l'Ecole des Mines. $S 5. — Sciences médicales Du séro-diagnostic de la fièvre typhoide et du procédé de M. Widal. — Le 26 juin der- nier, à la Société médicale des Hôpitaux, puis, plus tard, au Congrès de Médecine de Nancy, M. le Dr Widal décrivit un nouveau moyen de diagnostic de la fièvre typhoïde, basé sur des réactions particulières que fait éprouver le sérum des typhiques aux cultures pures de bacille d'Eberth, lorsque ces deux milieux se (rouvent en contact. I lui donna le nom de séro-diagnostic et les conclusions de ce travail, journellement contrôlées, semblent prendre une importance de plus en plus grande. Déjà, MM. Charrin et Roger ‘ avaient eu le mérite de remarquer les premiers en 1889 l’action agglomérante du sérum de vacciné. Deux ans après, M. Metchnikof ? constatait un fait semblable pour le Vibrio Metchnikovi, puis pour le pneumocoque, et, en 1893, M. Isaëf confir- mail celte propriété et la constatait à nouveau plus tard pour le vibrion découvert par M. Ivanoff *. M. Met- chnikoff allait donner une portée générale à ces phéno- mènes d'agglutination quand il s'aperçut que les cultures de pneumo-entérite des porcs ne s'agglulinaient pas en présence du sérum des animaux immunisés contre ce microbe *. Il ne voulut rien conclure. Peu après, M. Gruber conslatait que le bacterium coli etle bacille d'Eberth s'immobilisaient et se réunissaient en amas; M. Bordet, que le tétanos et le vibrion s'ag- gloméraient, ce dernier même lorsqu'il était immobi- lisé et tué par le chloroforme. Le télanos semblait toutefois présenter le maximum du phénomène de l'agglomération. « Les préparations du fétanos agglo- iméré rappellent laspect de paquets d'épingles qu'on aurait laissé tomber par groupes, assez négligemment, sur la table » (Bordet) °. En mars 1896, Gruber et Durham émettaient l'idée de la spécilicité des sérums et montraient le parti qu'on peut üirer de cette propriété pour faire avec certitude le diagnostie de l'espèce à laquelle appartient le microbe. Mais M. Bordet objecta que le sérum neuf de cheval agoluline très vivement les vibrions cholériques, un peu moins le Vabrio Metchnikovi, lrès nettement le lélanos, le coli, le bacille d'Eberth, quelque peu le streplocoque. MM. Pfeiffer et Kohl® montraient que le sérum des ani- 1! Charrin et Roger : Soc. de Bioloaie, 18S9, p. 667. ? Metchnikoff : Annales de l'Institut Pasteur, 4891, pp. 473 et 4%, # Issaël : Annales de l'Instituk Pasteur, 1893. # Metchnikoff : Annales de l'Institut Pasteur, 1892. » Bordet : Ann. de l'Institut Pasteur, 25 avril 4896, p. 206. $ Pfeiffer et Koh] : Zur-differential Diagnose der Typhus maux immunisés, mélangé au bouillon dans la propor- tion de 1/40, et ensemencé avec le bacille typhique, donne après vingt-quatre heures de séjour à l’étuve une culture clariliée par la précipitation de bactéries en petits flocons réunis pour la plupart au fond du tube. Ils conseillent cette réaction comme moyen de diagnostic entre le bacille typhique et les coli-bacilles. Le principe du séro-diagnostic était découvert. Mais les discussions continuaient, et tous ceux qui s'occupaient de la question avaient en vue surtout le rôle que pouvaient jouer ces questions d'agglutinalion dans la théorie beaucoup plus importante de l'immu- nité; M. Widal imagina de chercher comment se com- portait in vitro le sérum d'un malade alteint de fièvre typhoïde lorsque ce sérum était mis en présence d'une culture typhique. Il vit l'amoncellement rapide, l'agglu- tination caractéristique et constante; et pensa qu'il y avait là un puissant moyen de clinique auquel, le pre- mier, il donna le nom de séro-diagnostic. Technique de M. Widal. — M. Widal vit : 4° Que le sérum des typhoïdiques, comme celui des convalescents de la maladie, amoncelle le bacille d'Eberth en suspension dans un bouillon et agglomère les microbes en amas visibles au microscope; 2° Que, quelquefois très puissante, l'action peut s'ob- server après mélange du sérum au bouillon dans la proportion de 1/60 et même plus encore; 3° Que jamais le sérum de personnes n'ayant pas eu la fièvre typhoïde n'agglutine le bacille d'Eberth. Voilà donc un moyen de diagnostiquer la fièvre typhoïde. Chaque fois que le sérum d'un malade agglu- Uinera les microbes contenus dans une culture pure de bacille d'Eberth, on aura affaire à une fièvre typhoïde, et en effet M. Widal ajoute que : Le sérum humain, d'où qu'il provienne, typhique ou non, agit toujours de même sur les coli-bacilles. Dans une culture active on peut observer, au milieu de bacilles mobiles, de petits amas le plus souvent composés seule- ment de quelques éléments, se groupant parfois en chainettes ; mais toujours ces amas restent très petits et toujours ils conservent un aspect spécial. Depuis, M. Courmont! a montré que si l’on ajoute du sérum typhique aux coli-bacilles on voit à l'œil nu un dépôt assez abondant se former au fond du tube; mais que ce dépôt fond en agitant et que le bouillon devient de suite complètement trouble, par dilution du précipité. Le sérum de typhique a done seul la propriété d'ag- glutiner fortement les bacilles contenus dans une culture pure d'Eberth. Seul il est doué d'une propriété dite agglutinante, celle que M. Gruber appelle la glabriti- cation. Et d'ailleurs, cette propriété agglutinalive portée à son maximum se retrouve dans la plupart des liquides et humeurs du typhique. 2 MM. Widal et Sicard l'ont trouvée dans la sérosité des vésicatoires, dans les larmes, dans l'urine. MM. Achard et Bensaude d'une part, Thiercelin et Lenoble de l’autre, l'ont trouvée dans le lait d'une nour- rice typhique, alors que le sang de l'enfant nourri par cette femme en était dépourvu. : Ces faits étant acquis, on peut se demander dans quelle partie des humeurs réside la propriété agglu- tinante? Question délicate et encore à l'étude. Il semblerait cependant que cette action se trouve fixée en quelque sorte aux matières albuminoïdes contenues dans ces différents milieux *, telles que le fibrinogène, la globuline ou la caséine ; car MM. Nicolle et Halipré ont montré qu'un séjour du sérum pendant vingt mi- nules à 60° ne modifiait en rien la propriété; MM. Widal bac vermitllels Serums der gegen Typhus immunisierten Thiere. Deulsche Medicin. Wochenschrift, 19 mars 1896, p.185. 1 P, Courmont : « Sur le séro-diagnostie de la fièvre ty= hoïde, action du sérum des typhiques sur les cultures du acteriun coli et d'autres microbes.» Soc. de Biologie, 25 juil- let 1896. R 2 Widal et Sicard: Communication présentée par M. Dièu- lafoy à l'Académie de Médecine le 29 septembre 1696, 3 _. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE et Sicard ont vu que la filtration de l'urine à travers la bougie de porcelaine faisait perdre à cette urine la propr iété agglutinante et MM. Achard et Bensaude ont montré qu'il en était de même pour le lait. Cette propriété agglutinative est résistante. Elle est conservée par le sérum desséché (Widal et Sicard) ; elle est conservée aussi par le sang. Elle résiste à l'action de la lumière diffuse prolongée pendant des jours et des semaines. Quant à sa durée chez l'homme atleint de fièvre typhoïde, la question est encore à l'étude et ne peut être fixée que par une série nombreuse de faits cli- niques. M. Widal pense que rarement elle persiste après la première année qui suit la convalescence ; mais que celte persistance varie avec les sujets. douze personnes guéries, deux seulement la présentaient encore après un an; l’un guéri depuis trois ans, l’autre depuis sept ans. 1l existe différents procédés indiqués par M. Widal dans sa communication au Congrès de Nancy; mais deux, entre autres, sont importants: Voici le premier : Mélanger dans un tube à expé- rience le sérum à du bouillon dans la proportion de 1 partie de sérum pour 10 de bouillon. Ensemencer avec du bouillon d'Eberth et mettre à l’étuve à 37 de- grés. En vingt-quatre heures (et même quinze si la semence n'es! pas trop ancienne), on voit le liquide du tube prendre un aspect caractéristique. Les microbes se sont amassés au fond du tube; y forment une masse de petits flocons blanchâtres et laissent le bouillon presque complètement clair. Par agitation, ces flocons n'arrivent pas à se dissoudre; on voit toujours un pré- cipité nageant dans le liquide comme une fine pous- sière. — L'examen microscopique montre que chaque grain est formé d'un amas de microbes immobilisés, agglutinés et souvent déformés. Cette méthode est excellente ; : c'est la méthode de choix si l'on a affaire à une vieille culture; mais elle est un peu longue el demande vingt-quatre heures d'attente. Quant au deuxième procédé, il est plus rapide. C'est un procédé extemporané: On fait au bout du doigt, après lavage et désinfection soigneuse, une légère piqure, d' où s’écoulent quelques gouttes de sang, immédiate- ment recueilli dans un petit vase préalablement slérilisé: vase quelconque, un dé à coudre par exem- ple, si l'on n'a rien d'autre à sa disposition. Le sang se coagule rapidement et il est facile de prendre à la pipette quelques gouttes de sérum. Ce sérum, transporté dans une culture active d'Eberth, forme rapide- ment des grumeaux qui commencent à être visibles au bout de quelques minutes où d’un quart d'heure; mais ne sont le plus souvent nettement appréciables qu'au bout de deux ou trois heures. D'autre part, l'examen microscopique, qui doit toujours être fait concurremment, montre que très rapidement l'aggluti- nation s'opère ; on la voit en quelque sorte se faire sous les yeux et elle est d'autant plus rapide que la culture est plus jeune, cette rapidité toutefois variant de dix minutes à une ou plusieurs heures. Que conclure ? Sinon que le séro- cHAguonne est un moyen de diagnostic sûr et rapide, jusque-là absolu- ment infaillible, pouvant, dans des cas douteux, être fort utile au elinicien obligé de porter “le pronostic du cas observé. Quelle grande différence de pronostic entre une fièvre typhoïde et une tuberculose aiguë à marche rapide ! Mais il faut aussi bien dire que ce pro- cédé n'a pas la même valeur scientifique quand il s'agit d'affirmer absolument la présence du bacille d'Eberth dans une culture ou un liquide organique. C’est un bon procédé clinique ; c'est un moins bon procédé bactériologique. En effet, tout dernièrement, MM. Achard et Ben- saude ont montré qu'il existait deux causes d'incer- titude et conclurent que : 1° Certains bacilles d° Ebe rth se laissent mieux agglu- tiner que d'autres par le sérum des malades atte ints de fièvre typhoïde, | (n) 20 Il existe des types bacillaires très voisins : les bacilles para-typhiques, qui méritent cependant d'en être distingués; mais dont trois échantillons: un fourni par l'urine purulente d'une femme présentant des phénomènes typhoïdiques ; un autre par une àar- tbrite développée à la suite d'une maladie aiguë ressem- blant à la fièvre typhoïde, un troisième par le bacille de la psittacose ( maladie des perruches infectieuses, objet d'étude de MM. Nocard, Gilbert et Fournier), ont donné les mêmes caractères: à savoir qu'ils subissaient l'agglomération par le bacille typhique ; tandis que Île sérum d'un sujet atteint d'une de ces affections (le seul qui ait pu être examiné) n'a produit l'aggluti- nation que d'un très petit nombre de cultures de bacilles d'Eberth. Et cependant dans une récente communication à la Société de Biologie, MM. Widalet Sicard disent que, si ces para-bacilles peuvent donner lieu au phénomène de l'agglutination, cette agglutination est beaucoup moins marquée qu'avec le bacille typhique. Le séro-diagnos- tic resterait dès lors entier avec loutes ses consé- quences, Maurice Fontoynont, Interne des Hôpitaux. Traitement opératoire de la gibbosité du mal de Pott. — La tuberculose vertébrale ou al de Pott aboutit, par suite de l'effondrement du corps vertébral, à une gibbosité qui, dans le plus grand nombre des cas, va s’accentuant, comprime la moelle épinière, amène consécutivement des paralysies, ou, tout au moins, apporte une gêne considérable au jeu naturel des organes de la digestion et de la respira- tion. M. le De Calot a cherché à remédier à cet incon- vénient par une série de manœuvres opératoires qu'il a exposées à l'Académie de Médecine, dans une com- munication récente basée sur 37 observations, Voici en quoi ces manœuvres consistent : Lorsque la bosse est définitivement acquise, que le rachis s’est vicieusement consolidé, M. Calot, par une résection cunéiforme portant sur les apophyses sail- lantes, enlève la cale osseuse postérieure qui limite le redressement : puis, sectionnant le point de soudure antérieur, il divise la colonne vertébrale en deux seg- ments, qu'il est possible de mobiliser et de replacer dans une position correcte. Lorsqu'au contraire la difformité est de date récente ou commence simplement à s’accuser, il n'est presque jamais nécessaire de recourir à l’ablation sanglante des apophyses. Il suffit de faire exercer, sous le chlo- roforme, par quatre aides, des tractions solides sur les extrémités de l'axe vertébral, cependant que le chi- rurgien agit directement sur la convexité par des pres- sions puissantes. La réduction est opérée et maintenue par l'application immédiate d’un corset plätré serré sur le tronc, de la tête au bassin. Le mal de Pott, ainsi traité dès le début, guérirait en six mois ou un an sans difformité et sans paralysie. En outre, l’intérvention chirurgicale ne présenterait par elle-même aucun danger. Telles sont, au moins, les conclusions du très intéressant travail de M. Culot, $ 6. — Concours L’Herbier Lloyd. — Le botaniste James Lloyd vient de léguer ses collections scientifiques et notam- ment son célèbre herbier à la ville d'Angers. La Société Botanique de France, chargée de désigner au Maire de cette ville trois candidats à la place de conservateur de cet herbier, nous prie de faire savoir que les demandes devront être adressées à son président (84, rue de Grenelle, à Paris) avec indication succincte de titres, avant le 45 mars prochain. Le concours se fera sur titres. Le testateur a exprimé le désir qu’on choisit pour conservateur « un botaniste humble, ami de la nature et voué au progrès de la science », 16 C. V. BOYS — LA CONSTANTE DE LA GRAVITATION !l h LA CONSTANTE DE LA GRAVITATION Par la découverte de sa célèbre loi de l'attraction de la matière, Isaac Newton put ramener les trois lois de Kepler, auxquelles obéissent les mouve- ments des astres, à un principe d’une idéale sim- plicité. Il montra aussi qu'un corps sphérique, homogène, ou dont la densité ne varie que par couches concentriques, attire les corps extérieurs de la même manière que s'il était entièrement ramassé en son centre. Ce sont, soit dit en passant, les difficultés que rencontra Newton dans la dé- monstration de ce théorème, et non point, comme on le croit communément, la valeur erronée de la distance de la Terre à la Lune, qui l'empêcha de publier plus tôL sa grande découverte. Bien que la loi de Newton suflise pour expliquer le mouvement des planètes et de leurs satellites, celui des comètes, des étoiles doubles et le phéno- mène de la marée, et même pour comparer entre elles les masses des corps célestes, il est une chose qui échappe aux recherches astronomiques : c'est la possibilité de délerminer ces masses en valeur absolue. Nous savons que Sirius est équiva- lent à vingt-huit fois notre Soleil; que ce dernier possède une masse 1.048 fois supérieure à celle de Jupiter ; mais aucune observation de ces corps ne nous indique le nombre de tonnes de matière qu'ils contiennent. La simple considération de la force centrifuge nous dit que le Soleil altire chaque tonne de la matière terrestre avec une force voisine d’un demi- kilogramme et que, sans cette force, notre Globe continuerait sa route en ligne droite; mais les observations astronomiques ne nous permettent dire combien de tonnes de matière se trouvent en présence. Dans sa forme générale, la loi de Newton est une simple proportion : la force F de l'attraction mu- tuelle de deux masses 7», et m, séparées par une distance » est proportionnelle au quotient que l'on oblient en divisant le produit des masses par le carré de leur distance. Pour transformer cette pro- portion en une égalité, nous devons y introduire un certain coeflicient numérique : la constante Newtonienne de la gravilation, que nous appelle- rons Gr, ce qui donne l'égalité : pas de BIG AO pa Newton montra déjà que deux méthodes dis- tinctes la détermination de cette l’une d’elles consiste à observer les perturbations que font subir à la gravité cer- conduisent à constante : laines portions de notre Terre, des montagnes ou des couches sphériques ; l’autre se réduit à créer une planète artificielle et à mesurer la valeur enlière de son attraction. Dans le premier cas, on observera la valeur et la direction de la gravitation au voisinage d’une montagne, ou sa valeur seulement dans une mine profonde ; c’est cette méthode qu'employa Bou- guer, au risque de sa vie, dans les ouragans de neige du Chimborazo; des expériences analogues ontété faites par Maskelyne, par Airy et par d’autres observateurs; je renverrai, pour la description de ces observations, à l'historique qu'en a fait récem- ment M. Poynting, et je ne m'occuperai ici que de la deuxième méthode, fondée sur l'emploi d'une planète artificielle. Il est bon de nous faire dès maintenant une idée de la petitesse des effets qu'il s’agit de mesurer. Un mur que l'on a construit en s’aidant du fil à plomb, est-il vertical ou présente-t-il une inclinai- son quelconque”? Le principe de Newton nous dit qu'il altire la masse suspendue; et cependant le fil qui la supporte est vertical, l'attraction est si faible qu'il est impossible de la déterminer par ce procédé. L'action même d’une montagne exige les moyens les plus délicats pour être mise en évidence. Si nous placons deux billes sur une table bien nivelée, elles ne roulent pas l'une vers l’autre: et, si même elles étaient mille fois plus lisses, nous ne percevrions aucun mouvement dû à leur attrac- tion mutuelle. Dans tous les laboratoires de Physique, on trouve des instruments de la plus grande sensi- bilité, comme on se plait à les qualifier. Quelles précautions prend-on pour éviter que l'attraction de leurs différents organes faussent les résultats des mesures auxquelles ils sont destinés? Aucune. Les attractions sont si faibles que, dans aucun appareil construit jusqu'à présent pour la mesure des actions électriques, magnétiques, thermiques ou autres, il n’a paru nécessaire de les éviter. Et cependant ces attractions existent; même elles peuvent ètre mesurées par des moyens suffisam- ment délicats. Le Révérend John Mitchell imagina le premier un appareil propre à effectuer celte mesure : il construisit la balance de torsion avec laquelle Coulomb fit ses fameuses expériences ; mais il mourut avant d'avoir pu exécuter lui- mème aucune recherche. Cavendish reconstruisit l'appareil de Mitchell, et à l’aide de cet instrument, il mesura l'attraction qui s'exerce entre deux sphères de plomb ayant C. V. BOYS — LA CONSTANTE DE LA GRAVITATION 41 du sublime au ridicule que d'annoncer les expé- riences dont je vais parler comme étant destinées à mesurer la masse de la T'erre ou la densilémoyenne de la Terre ou encore, avec moins de précision, le poids de la Terre. Notre globe n'est pas plus inti- mement lié à cette mesure qu'une table ne l'est aux appareils qu'elle supporte. La Terre n’a fait guère que gêner mes expériences en ies troublant toujours et en brisant, de temps à autre, les fils de quartz dont je me servais. Les recherches de cette nature pourraient être faites avec plus de pré- cision sur la Lune ou sur une petite planète; mais il faut y renoncer pour le moment. Je ne puis pas décrire ici les expériences anté- rieures à celles que j'ai faites moi-même; je me bornerai à reproduire, d'après le mémoire de respectivement 12 pouces et 2 pouces de diamètre, avec leurs centres à 8,85 pouces l'un de l'autre. La même expérience a élé refaite par Reich, par Baily et plus récemment par MM. Cornu et Baille; ces deux éminents physiciens réduisirent au quart l'appareil de Cavendish, auquel ils appor- tèrent d'importants perfectionnements. Toutes ces mesures, ayant élé faites à l’aide de masses con- nues, ont permis de déterminer G avec une préci- sion plus ou moins grande. Il ne sera pas inutile de faire remarquer que cette constante de Newton n’a rien de commun avec cette autre quantité, désignée par g, qui repré- sente l'attraction à la surface de la Terre; cette dernière est purement accidentelle; elle dépend non seulement de G, mais aussi de la grandeur de Tableau I. — Mesures antérieures de G. 1597-1798 1837 1840-1841 1852 1870 1819-1880 1878-1890 1884 1886-1888 1889 OBSERVATEUR BAUDUEr MR envie Maskeline et Hutton . James et Clarke. . Carlini Mendenhall . TRY MA ele Von Sterneck. . Von Sterneck. Cavendish. . Reich. Baily . RÉTCRÉMEEAE Cornu et Baille . Von Jolly. . PDVD ED PE Re ee tr cr Kôünig, Richarz et Krigar Menzel . Wilsing . SEVEN o00 mur Laska. . . MÉTHODE Fil à plomb et pendule. ‘€ Fil à plomb nn RS D LL ne Le ‘© Pendule en montagne. . Pendule souterrain. Balance de torsion . > Balance ordinaire. Balance pendulaire. RÉSULTATS Douteux. 4,5 à 5 5,316 4,39 à 4,95 Br] 6,565 5,71 Non terminée. 5,919 Non terminée. I I CS TS TS — 2m la Terre, de sa densité moyenne, de la latitude da lieu, de l'attitude et de la configuration de toute la contrée. La quantité g est d'un caractère éminem- ment pratique ; G, au contraire, personnifie ce prin- cipe puissant sous l'influence duquel chaque étoile de l'Univers se meut dans l’espace; il se peut aussi qu'il soit la cause des actions chimiques. A l'inverse de toutes les influences physiques connues, la force d'attraction est indépendante du milieu, n'éprouve pas de réfraction et ne projette pas d'ombre ; c'est un pouvoir mystérieux que personne ne peut expli- quer; chacun ignore les lois de sa propagation dans l’espace; il ne dépend, en aucune manière, de la grandeur accidentelle de la Terre; si le système solaire cessait d'exister, ce principe lui survivrait sans aucune modification. M. Poynting « Sur la densité moyenne de la Terre », les résultats de ces mesures résumées dans le tableau I. Je ne puis laisser passer l’occasion de rappeler ici l'extraordinaire prophétie de Newton, merveil- leuse en ceci que, sans avoir fait aucune mesure directe, il arriva à un résultat plus voisin de la vé- rilé que celui auquel sont parvenus plusieurs expé- rimentateurs : Unde cum Terra communis suprema quasi duplo gravior sit quam acqua et paulo inferius in fodinis quasi triplo vel quadruplo ut etiam quintuplo gra- vior reperiatur; verisimile est quod copia materix totius in Terra quasi quintuplo vel sexluplo major sit quam si lola ea acqua constaret; præserlim cum T'erram quasi quintuplo densiorem esse quam Jovem II jam ante ostensum sil\. Etant donné le caractère universel qui s'attache = ane) à la constante G, il me semble que c'est descendre 1 Newton's Principia, 2e édition, 1714, p. 373. 48 C. V. BOYS — LA CONSTANTE DE LA GRAVITATION III L'appareil que je vais décrire a été combiné et construit de telle sorte que l’on pût indiquer, avec précision, la position de toutes les masses dont il se compose. On verra que j'ai montré dans cette construction une certaine hardiesse, quelques per- sonnes diront même une véritable témérité; mais ayant confiance dans les principes que j'avais déve- loppés et dans les excellentes qualités du fil de quartz, je réduisis délibérément toutes les dimen- sions tellement que les forces à mesurer et plus encore les couples devinrent insignifiants, compa- rés à ceux auxquels on avail eu affaire jusqu'ici. Toute la difficulté des expériences de Cavendish, de Reich, de Baily consistaient dans la mesure d’une action aussi faible ; au lieu de l’augmenter, je la diminuai dans une forte proportion, heu- reux de pouvoir angmenter plus encore la préci- sion des mesures. M. Cornu réduisit au quart l’ap- pareil de Cavendish; je l'ai réduit au dix-huitième. Cavendish mesurait une force égale au poids de 1 à 75.000 € Mil- ligramme. A l'extrémité de son levier, Cavendish obtenait un couple de torsion égal à celui de 6,6 à l'extrémité d'un fléau de 4 centimètre. 1 ne na à 36 de milligramme, j'ai moins de 5 ; k : 1 J'observe, sur le même fléau, une force de 80.000 de milligramme. Ses forces étaient 1.400 fois supérieures aux miennes, ses couples étaient 120.000 fois plus grands. L'un des principaux avantages d’un petit appa- reil, dans lequel le diamètre des sphères attirantes peut être considérable, comparé à la longueur du fléau, est un accroissement de sensibilité, l'angle de torsion étant augmenté pour la même durée d’oscillation. Cet avantage est particulièrement évident dans un appareil du genre de celui que je vais décrire, où les deux côlés sont à des niveaux différents. Mais on peut se demander si la réduc- tion des dimensions n’a pas pour conséquence un manque de slabililé qui compense outre mesure les avantages dont je viens de parler. On voit facilement qu'il n'en est rien. Les plus fortes perlurbations susceptibles de fausser ces mesures sont dues aux différences infinitési- males de température en divers points de l'ap- pareil; il en résulle des déplacements de l'air qui agissent sur ses parties mobiles. M. Poynting a montré que ces perturbations sont proportion- nelles à la cinquième puissance des dimensions linéaires de l'appareil si les mouvements de l'air sont d'une lenteur suffisante pour être stalion- naires ; elles s'élèvent même graduellement jusqu'à — la huitième puissance à mesure que les termes proportionnels au carré de la vitesse deviennent de plus en plus grands, ce qui a lieu lorsque ces mouvements ne sont pas stalionnaires. Aussi long- temps que l'appareil est assez petit pour qu'on puisse y négliger le carré de la vilesse, la stabilité est la même, quelles que soient ses dimensions; mais, dès qu'on dépasse cette limite, le désavan- age d'une augmentation de grandeur se fait rapi- dement sentir. De plus, le temps nécessaire pour amener l'appareil à un état stalionnaire augmente rapidement avec ses dimensions. Déjà avec mon pelil appareil, il m'a paru nécessaire de laisser le tout en repos pendant 3 jours après que j'avais fail les mesures géométriques, pour lui permettre de reprendre une température uniforme. La figure 1 montre la disposition de mon appa- reil. Une caisse en laiton BC, tournée avec préci- sion, porte un couvercle L auquel on peut com- muniquer une rotation à l’aide des engrenages W. Les masses atlirantes M sont suspendues, au moven de fils de bronze phosphoreux, à des tubes verticaux P fixés au couvercle ; le tube central T contient l'équipage mobile. Un miroir N, suspendu à une armature à l’aide d’un fil de quartz, porte les deux petites masses » suspendues de même au niveau des centres des masses atlirantes. Le fonc de l'appareil est couvert d'un épais ma- telas de caoutchoucI qui en préviendrait la destruc- tion si les masses M venaient à tomber. Les quatre masses élant dans le même plan, aucun couple de torsion n'agit sur le fléau; mais, si l’on vient à tourner le couvercle, l'attraction des masses M tendra à faire sortir les masses » de leur plan primitif, el le couple ira en croissant jusqu'à un certain point, passé lequel il décroit pour s'an- nuler après une rotation de 180 degrés. L'action variant très peu autour de la position du maximum, qui dans mon appareil était dis- tante de 65 degrés de la position de départ, ül n'est pas nécessaire de mesurer cet angle avec une grande précision, si les expériences sont failes dans son voisinage. Si les sphères d’or et les sphères de plomb ne tournent pas autour du même axe, ou si lescentres des masses correspondantes ne sont pas exacte- ment au même niveau, il n’en résulte que de faibles erreurs, le réglage parfait correspondant, dans tous les cas, à un maximum ou un minimum des actions réciproques ; sans entrer dans le détail, je puis dire que la vérification de tous les réglages peut être faite avec une exactitude dix fois supé- rieure à celle qui est nécessaire. Le résultat final dépend d’un petit nombre de mesures qui peuvent être failes avec facilité et dans lesquelles il est aisé d'obtenir une grandé C. V: BOYS — LA CONSTANTE DE LA GRAVITATION 19 Cp} WE à HELN 72ÆT) SSSSSSÉ D NÙ VU 2227 A ESS KSÈ - Le NŸÈ Z IKKKKK RRRRSSSRESSEREREEERERERRERERRREREERERRRERERRK INK Q SSSSSSSSESSES SSSR SERRE EEE SN EEE EEE SSSSSSSSSSSSISSESNSESSS SENS ETIENNE SEE ES EEE EEE TESTS SET SE SET INIKKKKKKKKK 4 7 > Ÿ N ÉÉHSHHJINIYYYIYIYYYISSSS SNS È EN À 7222 | Fig. 1. — Appareil pour délerminer la Constante de la gravitation. — MM, masses atlirantes suspendues, par l'intermé- diaire des prisonniers e, à des fils de bronze; mm, masses attirées, suspendues, par des fils de quartz, au fléau: C, cage de l'instrument, reposant sur la base B, et formant support pour le couvercle; T, tube protecteur, fermé à la partie supérieure par une cloche J, et obstrué à la partie inférieure par un tampon d'ouate: le tube s débouchant en w sert à aspirer l'air pour provoquer l'oscillation du miroir: PP, tubes soutenant les masses attirantes; RR, colonnes fixées au couvercle pour permettre de le soulever; W WW, train d'engrenages donnant un mouvement de rotation au couvercle; ces engrenages sont commandés par la poulie D; I, feuilles de caoutchouc, 50 C. V. BOYS — LA CONSTANTE DE LA GRAVITATION précision. Ces mesures sont celles des distances entre les fils qui soutiennent respectivement les sphères de plomb et les sphères d'or, la masse des premières,mais non celle des secondes, l'angle de déviation du fléau, enfin sa durée d’oscillation dans diverses circonstances bien définies. Les figures 2, 3 et 4 représen- tent le souterrain dépendant du Clarendon Laboratory à Oxford, dans lequel mesappareils étaient installés, et que le Professeur Clifton avait très aimablement mis à ma disposition. L'instru- ment lui-même est disposé sur la table À, ; il est complètement enveloppé par une double caisse à E (TTL TTT TTEC TT TTT TT TITI TI TT TTT AT TT IT TI TP TT TT T PTT TITI TT. Fig. 2, — Vue en bout du laboratoire. tite lunette { servant à lire la rotation du cou- vercle, et de deux poulies avec leurs cordes bb, au moyen desquelles on actionne respectivement ce dernier, et une petite lampe g que l'on déplace à volonté derrière une échelle transparente. Le train d’engre- nages qui commande le mouve- ment du couvercle est actionné par la poulie D (fig. 4) qui recoit son mouvement de la poulie d. Celle-ci possède un moment d'inertieconsidérable, et, comme la vitesse est fortement réduite, le mouvement du couvercle se fait sans à-coups. L'échelle $, dont l'image formée dans le mi- roir est observée au moyen de Le Dar me et LL TT) ; ne: Ter £rece PLOTT TT TITI TT TITTTTTTTTT TTTTTT Fig. 4. — l'lan du laboratoire. A, et A,, tables supportant l'appareil principal et les accessoires, lunettes, manettes de commande, ete.; T, lunette d'ob- servalion ; 4, l, poutres servant à la mesure des distances ; g, petite lampe mobile le long de l'échelle S; /,, 2. écrans de feutre isolant l'appareil de mesure; bb, cordes de commande. octogonale en bois dont l'intervalle des parois est | la lunette T, est divisée en einquantième de pouce rempli d'ouate. Deux écrans de feutre f, f, le sépa- rent du reste du souterrain. Les instruments de commande et d'observation se trouvent sur une table À, ; ils se composent d'une grande lunette T pour la lecture des angles de déviation, d'une pe- (Om®,5 environ). Deux poutres d’acier /,, L,, exacte- ment nivelées, servent de banc pour mesurer la distance du miroir à l'échelle. Un système de contrepoids fixés à des cordes sert à alléger le couvercle, de manière à diminuer C. V. BOYS — LA CONSTANTE DE LA GRAVITATION 51 les frottements; les cordes viennent s'attacher aux anneaux RR (fig. 1). Les oscillations du miroir sont inscrites à l'aide d'un chronographe dont une des plumes est action- née chaque seconde par une horloge astronomique. DV Je dirai maintenant quelques mots du procédé dont je me suis servi pour obtenir les sphères d’or et de plomb, de manière à être assuré de l’exacti- tude de leur forme et de leur parfaite homogénéité. Un habile artiste, M. Munro, a bien voulu me prèter son concours pour la construction de deux moules en fonte dure destinés aux sphères de plomb. Chacun de ces moules est formé de deux moitiés, et constitue une sphère creuse d'une per- fection telle qu'un disque mince en acier introduit dans son intérieur bat légèrement lorsqu'il est seul, mais refuse d'entrer lorsqu'on le cale avec un papier à cigarette. La moitié formant couvercle est munie d'un plongeur en acier, remplissant exacte- ment l'ouverture cylindrique, et continuant la sur- face de la sphère lorsque sa portée est appuyée sur l'extérieur du moule. À la partie inférieure, on a pratiqué une ouverture de 6 millimètres, dans la- quelle une petite pièce de laiton s’ajuste exacte- ment. Enfin, sur le côté se trouve un pelit trou que l'on peut fermer à l’aide d'un bouchon de laiton. Voiei comment on procède pour la fabrication des sphères : le moule est d’abord enfumé, et vissé à fond ; il est ensuite chauffé jusqu'à la température de fusion du plomb. Le métal nécessaire, fondu dans un vase en terre, est écumé avec soin, et versé dans le moule de façon à remplir le goulot cylindrique. Le moule étant ensuite posé sur une plaque de fer, on réchauffe sa partie supérieure à l’aide d’un chalumeau pour que le refroidissement se produise de bas en haut. Aussilôt que le plomb commence à se figer dans le goulot, on introduit le plongeur, et on place le tout sous une presse hydraulique. Le plomb, déjà débarrassé des bulles que l’on rencontre souvent dans les métaux fondus, est fortement comprimé jusqu'à ce que l'excès s'échappe par le trou latéral sous la forme d'un fil. L'emploi d'un métal pur offre l'avantage d'éviter la liquation qui se produit toujours dans le refroi- dissement des alliages. On obtient les petites sphères en fondant la quantité nécessaire d’or pur à peu près à la forme voulue, et en comprimant la masse entre deux plaques d'acier portant des empreintes hémisphé- riques. Les plaques dont je me suis servi ont été travaillées par M. Colebrook. J'ai pu ainsi obtenir, pour les masses attirantes et atlirées, des corps géométriques présentant un degré d'homogénéilé et de perfection de forme plus que suffisant pour les mesures que j'avais en vue. Les sphères d'or avaient respectivement les diamètres de 5 milli- mètres el 6,3, J'ai fait aussi une paire de cylin- dres d'or, ayant 6,3 de diamètre et de hauteur. L'organe le plus important peut-être de tout l'appareil est le miroir servant de fléau représenté dans la figure 5. J'ai cherché à remplir aussi bien que possible, dans sa construction, un certain nombre de conditions qui, rigoureusement, s'ex- cluent les unes les autres. Il doit être aussi léger Fig. 5. — Détail du fléau O. et du miroir N. — K, masse additionnelle destinée à la mesure du moment d'inertie de l'équipage. que possible, posséder un moment d'inertie très faible; la définition optique doit être parfaite, el sa forme doit être telle que l'action de la viscosité de l'air soit très réduite. Je l'ai découpé dans un excel- lent miroir circulaire, et ses qualités optiques dans le sens horizontal sont plus parfaites que celles du miroir entier. Une fois Lerminé, il a été fixé à un support en forme de croix en cuivre doré que repré- sente la figure. On à pratiqué, à ses extrémités, deux traits verticaux de dimensions microsco- piques, dans lesquels viennent se loger les fils de quartz supportant les sphères, et suspendus aux bras horizontaux. Le crochet central est destiné à recevoir un poids additionnel en forme de cylindre qui permet de déterminer le moment d'inertie de 22 C. V. BOYS — LA CONSTANTE DE LA GRAVITATION l'équipage. Il exerce, sur le fil central, une traction rigoureusement égale à celle des balles qu'il rem- place, de facon à ne pas modifier le moment anta- goniste. L'expérience m'ayant montré qu'il pouvait être nécessaire de repêcher une des balles après la rupture du fil de quartz qui le supportait, je dis- posai, dans le fond du tube vertical, une capsule fixée à un fil de soie, à l'extrémité duquel j'avais attaché un très petit morceau de fer. Je reprenais celui-ci à l’aide d'un aimant et, le fil de soie une fois hors du tube, il m'était facile de ramener la sphère. M J'ai dit plus haut que les distances des fils de bronze et des fils de quartz supportant les quatre masses doivent être mesurées deux à deux avec la plus grande exactitude. J'ai construit, dans ce but, un comparateur composé de deux microscopes, que l’on peut mettre à la distance convenable; ils sont supportés par le même cadre qui reste en per- manence dans la posilion où l'instrument doit ser- vir. Les deux microscopes élant d'abord pointés sur les fils dont on veut mesurer la distance, le tout est ramené en arrière, et les fils sont remplacés au foyer des microscopes par une échelle divisée sur verre en centièmes de pouce; on n’a plus alors qu'à déterminer, à l'aide du micromètre, la position de chacun des fils par rapport aux deux divisions les plus voisines. Il est nécessaire, dans ces mesures, d'isoler la cage, car le moindre courant d’air, susceptible d'exercer une force d’un dix-millième de milli- gramme sur les fils de quartz, rendrait toute mesure illusoire. Or, il ne faut pas compter pouvoir fermer la fenêtre à l’aide d'un verre travaillé optiquement, car le défaut de parallélisme de ses faces produirait sûrement un déplacement de l’image; mais j'ai heureusement trouvé qu'une lame de mica est rigoureusement parallèle et ne produil aueun dé- placement. Ilest souvent nécessaire, pendant les expériences, d'agir direclement sur les oscillations du miroir. Dans ce but, j'avais disposé au fond du tube cen- tral un petit tuyau aboutissant sur la table d'expé- rience. La fenêtre située derrière le miroir porte, dans une position excentrique, un tube rempli d'ouate. Une légère aspiration à l'extrémité du tuyau fait rentrer une très pelite quantité d'air au voisinage du miroir, et le dévie de sa position. Le souffle est si faible qu'on peut, si on le désire, pro- duire un mouvement correspondant à une seule division de l'échelle, soit à 6 ou 7 secondes d'arc, ce qui nécessite une force inférieure à un vingt- millionième de milligramme. Une expérience complète nécessite 14 opérations distinctes ; les huit premières comprennent le mon- tage et l’ajustage de l'instrument, y compris le réglage fait en vue de la 9° opération dans laquelle on emploie le compas optique. Cette dernière estfort importante, car le résultat final dépend directement de la mesuredes distances horizontales ; de plus, on profite de cette opération pour rendre identiques les plans des fils, et pour corriger toutes les excen- tricités. La figure 4 représente l'appareil portant le compas optique; après l'avoir retiré pour reporter les distances sur l'échelle en “verre, on remet les fenêtres en place ainsi que les tubes protecteurs, on remonte la caisse de bois et on installe les écrans de feutre; l'appareil est ainsi prêt pour la 10° opé- ration dans laquelle on mesure les dévialions et les périodes. Comme les variations de la tempéra- ture ont un effet considérable sur ces mesures, je laissais, chaque fois, l'appareil en repos pendant trois jours avant de commencer l'expérience; un repos de quelques heures aurait été absolument insuffisant. L'opération 11 consiste dans la mesure des pé- riodes avec le cylindre vertical remplacant les sphères d’or; on détermine en même temps les déviations, toujours très faibles, produites par l’ac- tion des sphères de plomb et de la couronne dentée sur le miroir seul. En général, les déviations mesurées dans une même série concordaient à = mon échelle, ce qui correspond à 3/4 de seconde d'arc; or, le calcul de l’action d’un courant d'air, fondé sur la connaissance de la période, du moment d'inertie et du décrément logarithmique, montre que, si l'air faisait le tour entier du tube en six semaines, de manière à frôler les sphères d’or à la vitesse de 2 millimètres par jour, la déviation résultante aurait été du même ordre de grandeur. On aurait pu craindre que les diverses pièces mo- biles de l'appareil ne fussent susceptibles de prendre des mouvements indépendants: il en serait résulté une certaine erreur dans le calcul du résultat, déduit de l'hypothèse que l'appareil pouvait être traité comme un système rigide; par exemple, les sphères de plomb dévient les sphères d'or de la ver- iicale passantpar leurs points de suspension, de telle sorte que leur distance de l'axe diffère de celle qui a été mesurée ; mais la déviation estau maximum de deux à trois millièmes de micron, et il n'y a pas lieu d’en tenir compte. Lorsque l'amplitude de los- cillation atteint 100.000 divisions de mon échelle, la force centrifuge produit une déviation quatre fois plus grande, et j'ai pu me dispenser aussi de l’in- troduire dans les calculs. Pendant la période accé- de division près de lérée de l’oscillation, les sphères d’or restent légè- | C. V. BOYS — LA CONSTANTE DE LA GRAVITATION De rement en arrière, et la périede se trouve ainsi | lain de pouvoir travailler, Par exemple, le 10 sep- modifiée; mais les constantes de l'appareil sont telles que les masses attirées se trouvent comme à l'extrémité d'un pendule ayant plus de 9 kilomètres de longueur. C'est le pendule équivalent, le plus court qui ait été employé dans les expériences de celte nalure ; et cependant je n'ai pas cru devoir appliquer une correction pour les quelques pouces des pelits pendules additionnels. ILest une correction que je n'ai pas pu négliger : elle provient de la_ mobilité de chacune des fibres auxquelles sont suspendues des sphères d’or, et en raison de laquelle ces dernières restent légèrement en retard sur le mouvement du miroir; j'ai eu recours, pour le calcul de cette correction, à l'obli- geance du Professeur Greenhill qui, avec le con- cours du Professeur Minchin, a bien voulu aligner de nombreux logarithmes en vue de résoudre l'équation cubique du mouvement du pendule 1 7850 du mouvement de torsion du fil de suspension. Je mentionnerai encore les quatre corrections suivantes, aisées à calculer : composé. La correction résultante est de Perturbation due aux Ra ne des DR ‘= de plomb . NU OU Perturbation due aux TPDORS des sphères °|= d'or sr uou Attraclion des sphères de plan + sur les ne ÉEr fils de quartz se 200.000 Attraction des sphères d'or sur les fils de ) __ —t RDV NS CREME 115.000 Pour pouvoir considérer les cylindres d’or comme des sphères, il faudra appliquer une correction de 1 L Eds Ne 3300 10° M. Edser a bien voulu calculer. \yIl La tranquillité absolue est si importante dans les mesures, que j'ai toujours réservé les nuits du dimanche, de minuit à 6 ou 8 heures du malin, pour les observations de la déviation et de la période ; toutes les autres mesures peuvent être faites dans la journée. Le dimanche est le seul jour où l’on puisse observer commodément, car les compa- gnies de chemins de fer emploient toules les nuits à composer des trains à un mille environ du labo- ratoire, etil en résulte un tremblolement continuel qui fait perdre des heures de travail. Un train pas- sant par hasard est moins nuisible; et, heureuse- ment pour moi, la plupart de mes observations ont été faites pendant la grève des charbonnages, durant laquelle les trains étaient moins nombreux. Cependant, lorsque j’évile les perturbalions dues aux trains ou au vent, je ne suis pas encore cer- tembre 1893, à 3 h.3/4 du matin, j'étais occupé à inscrire au chronographe les passages dans des mesures de durée; tout était parfaitement tran- quille, et à ce moment particulier, les marques sur le tambour se succédaient à un intervalle d'envi- ron 3 secondes. Subitement il se produisit un vio- lent écart de 15 divisions ou 150 unités, bien supé- rieur à tout ce que les trains peuvent produire. Bien entendu, je dus interrompre tout le travail. La dernière inscription avail été faite à 15 h. 40 m. 14,3 s.; cette observation fut immédiatement por- tée dans mon carnet comme un tremblement de terre et je pus lire avec un certain plaisir, dans le Standard du mardi, qu'à un moment peu éloigné un séisme avait été observé en Roumanie. M. Ch. Davison m'informa que le choc a été inscrit à Bucharest à 45 h. 40 m.35s., mais l’épicentre était à une certaine distance de la ville. Bien que la vitesse de propagalion du mouvement puisse paraitre un peu élevée, il ne me semble pas dou- teux que la perturbation, dans mon appareil, soit due au tremblement de terre de Roumanie. La viscosité de l'air, qui amortit les oscillations, est un obstacle aux observations de longue durée: j'ai done pensé qu'il pouvait être intéressant de faire des mesures dans une atmosphère d’hydro- gène. J'ai trouvé, en effet, que l’on pouvait tirer un réel avantage de ces observations: mais avec mon appareil, des difficultés de diverses natures rendaient cet avantage illusoire. J’indiquerai cependant comme un résultat intéressant que, dans les limites des erreurs d'expérience, les déviations et les durées corrigées de l’amortisse- ment étaient les mêmes !. Il est intéressant de noter que l’élasticilé de tor- sion du fil de quartz diminue lorsque l'on. aug- mente la charge ; ainsi, dans certaines expériences où les cylindres avaient été subslitués aux sphères, le couple antagoniste était de 4°/, plus faible: il ne peut y avoir aucun doule sur ce résultat, car la valeur de G, déduite de ces expériences, est pratiquement égale aux autres. Dans les Éérerees séries d'expériences que j'ai faites, les sphères de plomb furent retournées et changées de toutes les manières possibles de facon à éliminer tous les défauts possibles de symé- trie; ainsi la sphère supérieure fut placée à la partie inférieure, toutes deux furent tournées de 180 degrés autour d’un axe vertical, leur distance Les mesures dans une atmosphère d'hydrogène m'ont conduit à une observation que je crois nouvelle: le miroir de l'appareil, argenté et verni d'un côté, se courba légère- ment dans l'hydrogène de facon à présenter sa convexité du côté où le verre était nu, et reprit sa forme primitive dès qu'il fat de nouveau entouré d'air, 54 C. V. BOYS — LA CONSTANTE DE LA GRAVITATION fut réduite de Ov®,5: le résultat resta cons- 66,576 X 10° dynes, et la densité moyenne de la Terre est 5,5270 fois plus grande que celle de l'eau. tant à 5 = près. Après la huitième série, les balles de AR a ee x BU d'or furent remplacées par des cylindres plus | j'ai apportés à ce travail, je n’en suis pas absolu- lourds, mais le nombre trouvé resta identique au | ment satisfait; pendant les cinq dernières années, j'ai poursuivi sans relâche ces recherches avec l'es- poir de les mener à bien, sachant que, gräce aux mité, puis l'autre du fil de quartz; je le remis en | admirables propriétés du filde quartz, et avec l’ap- place et, après avoir répété toutes les délermina- | pareil que j'avais construit, il devenait pour la pre- tions, je retrouvai le résultat de la 8° expérience à | mière fois possible de déterminer la Constante de précédent à ——— ü près. Je cassai alors une extré- 1 3.10 1 | lagravitation avec une précision égale à celle que | TT 25. , . 2 : : 60.000 P°° l’on obtient dans les mesures électriques et magné- | Les expériences 7, 8, 9 et 10 ont été faites dans | tiques. J'espère pouvoir reprendre un jour ce tra- des circonstances particulièrement favorables, et ! vail, mais les conditions dans lesquelles j'opère Tableau II. — Mesure de G par l’auteur. SPHÈRES DE PLOMB MASSES D'OR RESULTATS Re 1 LS G. Densité 4 la série où } j Voüte | (en dynes) de la Terre 1,3 gramme haut érie NAADaS 3 haut Sp l LE 7] 4892/4130 oct 66,645 X 1079 5,9213 L 2,6 grammes haut ) bas 3 haut bas 3 haut 4 bas haut bas 3 haut haut Extérieure » » haut Intérieure » » cylindres 66,702 66, pr 1893, 15 août-3 sept. 4- ï sept.. 27 sept.-3 oct. haut bas 1 haut 3 haut 4 bas 3 haut haut 4 bas 3 haut bas 3 haut 4 bas 1-13 janv. . 14 ; DD = =NND—= NN DD ND Ne 17-21 — "515172 ——_— 66,516X10—° 5,3270 RÉSULTATS ADMIS . je les considère comme les meilleures. La dernière | sont lrop difficiles ; je ne puis pas faire de longues a été faite dans de mauvaises conditions ; pressé | séries d'expériences en un endroit éloigné de toutes par le temps, je fus obligé de précipiter trop les | les causes de dérangement des appareils ; je ne opéralions, et les mesures de déviation furent faites | puis échapper à cette obligation perpétuelle de avant que l'équilibre de température ait élé | rentrer à mon travail à Londres; je devrai ainsi oblenu. l’abandonner, avec la certitude que des progrès Les résultats de mes mesures sont sommaire- | nouveaux seront obtenus par mes procédés, mais ment indiqués dans le tableau IT. qu'ils seront atteints par un physicien plus favo- L'ensemble du travail m'a conduit à la conclu- | risé que moi. sion suivante : C. V. Boys, Deux sphères de À gramme ayant leurs centres à Membre de la Société Royale de Londres; RE , : . : Professeur de Physique L centimètre de distance s'attirent avec une force de | à l'Ecole des Mines de South-Kensington: CH.-ED. GUILLAUME — REMARQUES SUR LA LOI DE NEWTON 55 REMARQUES SUR LA LOI DE NEWTON A l'occasion de la magistrale étude de M. C. Vernon Boys sw la constante de la gravitation, il semble utile d'appeler l'attention du lecteur sur la nature même de l'attraction newtonienne. Les conceptions courantes à cet égard vont-elles se modifier ? Certaines tendances qui, depuis quelques années, se manifestent en Physique, portent à le présumer. Notamment les vues de Maxwell et les démonstrations expérimentales de Hertz, la belle découverte de Rœntgen, l'application des théorèmes de la Thermodynamique aux actions chimiques orientent lés esprits dans une direction qui conduit, non certes à résoudre, mais à considérer sous un jour quelque peu nouveau le problème général de l'attraction. Sans vouloir traiter, dès à présent, un tel sujet d'une facon complète, nous avons pensé qu'il importait d'en donner, au moins, un apercu. L'article suivant, que nous avons demandé à l'un des plus modernes représentants de la Physique, n'a d'autre but que d'attirer sur cette grande question les méditations des hommes de science. (NOTE DE LA DIRECTION.) Dans son admirable simplicité, la grande loi par | En Mécanique, au contraire, nous possédons laquelle Newton est parvenu à expliquer les faits | une définition primordiale de la masse, soit comme les plus dissemblables et les plus complexes, est | quotient des forces par les accélérations, soit encore entourée d’un profond mystère. À première | comme capacité énergétique, les deux autres quan- vue, elle semble presque une nécessité inéluctable; | tités fondamentales étant, dans ce dernier cas, mais, plus on cherche à se rendre compte de son | l'énergie el la vitesse. essence même, plus on voit sa cause première La loi de Newton est une loi d'addition, tant s'éloigner ; semblable, sous son vêtement mathé- | qu'il s'agit d'une seule et même matière; elle le matique, à un certain nombre d’autres lois rela- | demeure même lorsque l’on envisage des matières tives aux actions que l'on nommait autrefois les | diverses auxquelles on attribue d’abord des coeffi- forces à distance, elle en diffère, en réalité, du | cients attractifs différents. Mais le grand fait que tout au tout. montre l'expérience est l'égalité parfaite des coef- Nous le verrons plus nettement lorsque nous | ficients attractifs des diverses matières qui consti- aurons discuté les éléments de cette grande loi | tuent l'Univers. naturelle, dont la connaissance est due aux pa- C'est ce fait que Newton découvrit d’abord, en tients efforts de l'un des plus grands génies des | mesurant la durée d'oscillation d'un pendule dans temps modernes. lequel on pouvait changer à volonté la nature de la masse suspendue. Il reconnut alors, avec la I précision que comporlaient les moyens dont il : 5 à : = disposait (précision de EE environ), que la durée La première des relations établies par Newton 1.000 i est la loi des masses : deux corps s’altirent en rai- | d'oscillation semblait indépendante de la nature son directe de leurs masses. | du corps attiré par la Terre, que, par conséquent, En apparence, cette expression présente une | la résistance au mouvement élail exactement pro- grande analogie avec celle des lois élémentaires de | portionnelle à l'attraction, ou que l'accélération de Coulomb; en réalité, elle en diffère profondément. | tous les corps à la surface de la Terre est la même. Les lois de Coulomb sont de simples théorèmes Les expériences furent répétées plus tard par d’addition, qui expriment le fait suivant : si l'on | Bessel, qui arriva au même résultat avec une pré- aceumule, en un même point de l’espace, des | cision sensiblement plus grande que celle à laquelle quantités d'électricité ou de magnétisine doubles, : Newton avait dû s'arrêter. triples, quadruples, les actions électriques où ma- C'est là le sens vrai de la première loi de Newton, gnétiques émanant de ce point sont doublées, tri- | et les mouvements des corps célestes, que l'on en plées, quadruplées. L'unité d'électricité ou de ma- ! déduit, en confirment l'exactitude dans des limites gnélisme est jusqu'ici arbitraire, et se déduit de : de précision très éloignées; ce seul fait eût pu con- ces lois elles-mêmes. De plus, les entilés que, | duire, avant la découverte de l'analyse spectrale, pour la commodité de l’expression, l’on désigne | à l'idée de l'unité de composition des astres for- sous le nom d'Électricité ou de Magnétisme, sont | mant le système solaire, ou, tout au moins, à l’af- d'une seule espèce dans chaque domaine, le sens | firmation que toutes les matières qui y sont con- positif ou négatif dépendant de la position d'un tenues possèdent une propriété commune. zéro arbitraire. : Nous dirons encore que les expériences dans 56 CH.-ED. GUILLAUME — REMARQUES SUR LA LOI DE NEWTON cette direction ont pu être poussées jusqu'à une précision bien supérieure à celle que permet d’at- teindre le pendule. La balance est, de tous les instruments de mesure, le plus délicat et le plus précis; une balance bien construite permet d'obte- nir, dans la comparaison des étalons de masse, une exactitude un peu supérieure à un cent millionième, ce qui correspondrait, dans des mesures de lon- gueur, à quelques centimètres sur le quart du mé- ridien terrestre. On a pu utiliser cette extrème sensibililé de la balance pour rechercher si la com- position chimique des corps agit sur leur force altractive. Deux corps, sujets à se combiner, sont placés, dans ce but, dans les deux branches d'un tube en U renversé scellé à la lampe; on pèse le tube, puis on provoque la combinaison. Dans aucun cas on n'a pu observer jusqu'ici une va- riation du poids supérieure aux limites des erreurs d’observalion. Un tel changement, s'il existait, mettrait en défaut la loi de la conservation de l'énergie, puis- qu'on pourrait provoquer la combinaison et la dissociation d'un corps en deux points situés sur deux surfaces de niveau différentes; on aurait ainsi la possibilité de récupérer du travail à chaque cycle. Deux hypothèses peuvent ètre invoquées pour expliquer l'égalité des coefficients d'attraction pour tous les corps : l’une est renfermée dans une très ingénieuse remarque de M. Boussinesq : les lois de Kepler étant une conséquence de la loi de Newlon, a fait observer l'éminent mathématicien, un corps non soumis à cette dernière n’obéira pas davantage aux premières ; il devra donc quilter notre système planétaire, qui a pu s'épurer ainsi par sélection. Il ne semble pas, toutefois, que cette idée de M. Boussinesq soit l'expression d’un fait. D'abord, l'analyse spectrale nous révèle une composition des étoiles éloignées analogue à celle que pré- sentent les corps du système solaire, ou tout au moins le Soleil et la Terre, que nous connaissons seuls quant à leur composition chimique ; on de- vrait done admettre que les corps dissidents ont été renvoyés non seulement du système solaire, mais hors des limites du monde exploré jusqu'ici. De plus, on ne comprendrait pas pourquoi un grand nombre de matières diverses, dont toutes les pro- priétés physiques sont différentes, posséderaient par hasard un certain coefficient numériquement identique. On trouve, en revanche, un éclaircissement dans l'hypothèse de l'unité de la matière, que tant de faits semblent corroborer. Les attractions new- toniennes agiraient alors sur les particules ultimes de chaque matière, particules bien plus ténues que l'atome chimique, et qui seraient les mêmes dans tous les corps de l'Univers. La première loi de Newton deviendrait ainsi une simple loi additive, appliquée à une matière unique, premier constituant de tous les corps que nous connaissons. Les attractions newtoniennes ne sont peut-être pas le seul phénomène dans lequel interviennent ces corpuscules élémentaires. Ainsi que le faisait remarquer récemment M.J.-J. Thomson, la relation entre la densité des corps et leur pouvoir absor- bant pour les rayons X conduirait à penser que l’opacilé pour ces rayons dépend, en définitive, du nombre de ces corpuscules rencontrés sous une épaisseur donnée. Sans doute, l'absorption des rayons X ne dépend pas uniquement des masses rencontrées; mais nous y trouvons, pour la pre- mière fois, l’'ébauche d'une relation naturelle entre la densité et l’opacité, pour des radiations aux- quelles la plupart des physiciens s'accordent à reconnailre les propriétés des vibrations très ra- pides. La loi des masses conduit à une conséquence sin- gulière en ce qui concerne la capacité dynamique du milieu transmettant les actions. Nous supposons cette loi vraie sans limites ; en d’autres termes, nous admettons que les efforts restent proportionnels au produit des masses, quelque grand que soit ce produit. Or, si nous calculons l'effort total d’attrac- tion que le Soleil exerce sur la Terre, nous trou- vons que, pour en obtenir l'équivalent, il faudrait exercer, sur un fil du meilleur acier ayant un dia- mètre égal à celui de la Terre, un effort suffisant pour le rompre. Si nous nous bornons à la partie centrale de la Terre, l'effort est bien plus considé- rable encore. Il est certain aussi que quelques étoiles doubles, animées d’un mouvement de rota- tion rapide autour du centre de gravité du système, développent une force centrifuge très supérieure à celle de la Terre; cette force centrifuge, équilibrée par une attraction mutuelle des deux astres, donne lieu à des tensions plus fortes encore que celle que nous venons de calculer. Il est donc bien sûr que le milieu qui transmet les attractions newtoniennes peut être soumis à des tensions supérieures à celles qui réduiraient en poussière les plus solides de nos mélaux. Cependant, on est en droit de se deman- der si la résistance de ce milieu à la rupture est illimitée et si, par conséquent, la loi des masses est indéfiniment vraie. S'il n'en était pas ainsi, on trouverait nécessai- rement que, dans un système planétaire donné, la quantité de matière susceptible d'être soumise à la fois, dans une direction déterminée, à l’action d'un astrè central, serait forcément limitée. Si la malière non soumise à la force centripète restait si CH.-ED,. GUILLAUME — REMARQUES SUR LA LOI DE NEWTON 57 attachée à un corps céleste, celui-ci ne serait plus | soumis aux lois de Kepler; ce surplus de matière pourrait, peut-être, dans cerlains cas, se détacher et voyager seul, jusqu'à ce qu'il ait retrouvé une direction où l'attraction ne serait plus à son maxi mum. Il formerail un astre nouveau soumis aux lois de Kepler. | région considérée BG. Si la matière qui compose l'enveloppe sphérique est opaque, la quantité de lumière recue sera proportionnelle à la surface vue à partir du centre, et cette surface, comme la quan- tité de lumière reçue, pourra varier depuis zéro | jusqu'à la sphère entière, c'est-à-dire jusqu'à la Cette conclusion est, hätons-nous de le dire,sans aucun fondement astronomique ; elle pourrait même passer pour une simple plaisanterie si, en la re- | tournant, on n'avait quelque chance de trouver la possibilité d'un éclaircissement sur les causes de la gravitation. Nous devons admettre : ou que la gros- | seur d’un astre circulant sur une orbite donnée est limitée par le maximum d'effort qui peut se produire en un point de l’espace; ou bien que cette force est sans limites. On sera alors presque forcément conduit à supposer que le mode de pro- pagation des attractions est énergétique. Pour tous les corps que nous connaissons, il | existe une charge au delà de laquelle la rupture se produit forcément ; au contraire, il est impossible | de fixer la limite de l'énergie que peuttransmettre un corps en mouvement. IT La deuxième loi de Newton est la loi des dis- tances. Deux corps s'atlirent en raison inverse du carré de leur distance. On a pensé pouvoir ramener cette loi au fait que l'angle sous lequel un corps est vu à partir dun point varie dans la même proportion; la deuxième loi de Newton devenait ainsi un simple théorème de Géométrie. Mais la difficulté ne se trouve que déplacée. Lorsque, en Optique, nous considérons une enveloppe sphérique allant en s'élargissant, nous démontrons, sans la moindre difficulté, que le flux lumineux intercepté par une même surface est inversement proportionnel au | carré du rayon de la sphère dont le point lumineux occupe le centre. Il suffit d’échafauder la démons- tration sur deux hypothèses élémentaires : la pre- mière est que l’espace compris entre le centre de la sphère et son pourtour laisse passer la radiation sans en rien absorber; la seconde est que l'en- _veloppe absorbe toute la radiation qu'elle recoit. La loi du carré de la distance est alors une loi nécessaire relative aux surfaces. Mais la loi de Newton est une loi de masses ou une loi de volumes. Pour bien en saisir la nature, nous examinerons le cas où une masse agit sur une portion concentrique d’enveloppe sphérique d'épaisseur finie. S'il s'agit de recevoir une radia- tion, nous pourrons, par exemple (fig. 1), faire glisser une parlie de la matière AB à côté de la REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897. totalité de la lumière émise. Nous voyons donc qu'il manque à la comparaison optique la première con- dition de ressemblance avec le cas des attractions newtoniennes ; sans changer la distance moyenne de la matière qui reçoit le flux lumineux, on peut faire varier dans des proportions quelconques la quantité de lumière recue; on ne peut donc pas con- clure, de l'exactitude de la loi du carré en Optique, à cette mème loi, dans le cas des atlractions new- toniennes; il faut, pour que la comparaison soit complètement juste, qu'une autre condition soit remplie : la condition de transparence. Reprenons notre portion d’enveloppe sphérique Ô Fig. 1. d'épaisseur finie, mais supposons-la formée d'un corps translucide; séparons-la en deux lames con- centriques par une sphère centrée sur la source de lumière O; nous pourrons faire glisser la partie postérieure AB à côté de la partie antérieure en BC, et, en rétablissant le carré moyen des distances, capter, sur la sphère, un faisceau lumineux double du premier. Comparons maintenant les quantités de lumière recues dans les deux cas. Lorsque les deux enveloppes étaient superposées, la première interceplait une partie des rayons, de telle sorte que la seconde était moins vivement éclairée que ne le comportait sa position par rapport à la source ; donc, dans la superposition des deux moiliés de l'enveloppe, la quantité de lumière reçue par l’en- semble de la matière translucide est inférieure à ce qu'elle est dans la juxtaposition. Il faut arriver à la transparence parfaite pour retrouver l'égalité; mais alors l’action de la lumière sur l'enveloppe est rigoureusement nulle ‘, Nous 1 Soient, en effet, ç« la surface exposée à la radiation, & le coefficient d'absorption de la matière considérée, 2x l'épais- seur primitive de la lame. Nous éliminons la varialion de CH.-ED. GUILLAUME — REMARQUES SUR LA LOI DE NEWTON voyons ainsi que la loi du carré des distances peut devenir une loi de volume, mais à la condition que le corps soumis à celte loi soit absolument transpa- rent. Voilà le second point qui assigne à la loi de Newton une place à part dans les lois naturelles: l’action se produit à travers les corps qui la subis- sent, sans en être affaiblie. La transparence parfaite découle aussi de la loi des masses, comme on le voit immédiatement: III Les deux lois de Newton dépendent d'un autre facteur : la vitesse de transmission de l’action; dans toutes les applications que l’on fait de ces lois, on suppose que les forces attractives sont centrées sur les masses en présence, ce qui cesserait d'être exact si les vitesses propres des corps n’élaient pas négligeables par rapport à la vitesse de transmis- sion de l’action. Laplace a déjà examiné, dans sa Mécanique céleste, les modifications du mouve- ment des planètes qui résulteraient du retard de transmission des actions newtoniennes; la ques- | tion a été reprise à mesure que les observations devenaient plus précises, mais jusqu'à ce jour les | résultats de cette investigation ont été nuls. On a toujours trouvé que la vitesse de translation des corps célestes est rigoureusement négligeable com- parée à la vitesse de transmission des actions new- toniennes, Newton déjà s’exprimait très prudemment sur la nature des forces à distance; il faisait générale- ment précéder l'énoncé de sa loi de la phrase d'in- troduction : «Tout se passe comme si»; en réalité, il croyait à l'existence d'un milieu transmettant les actions ; il poussait même cette idée jusqu'à | ses extrèmes limites, en disant qu'il est aussi | absurde de supposer des forces agissant à des | distances invisibles que des forces agissant direc- tement entre des corps célestes ; il pensait que les forces se transmettent de proche en proche, par l'intermédiaire d’un milieu continu, | Les grands progrès dans les théories électriques datent du moment où l’on a généralement compris la distance au centre en supposant la lame limitée latéra- lement par des rayons. La quantité de lumière arrêtée par la lame est, à un fac- teur constant près, dans le cas de la superposition : / 9er GE ET 0 )E dans le cas de la juxtaposition : 1, — 20 (1—e — 2), La différence de ces deux expressions est : ET CT a 0 cette différence est négligeable vis-à-vis de 264x lorsque ox est un iufiviment petit de premier ordre, c'est-à-dire lorsque l'absorption est nulle. qu'il doit en être ainsi pour les actions électro- magnétiques, et surtout depuis qu'on a réussi à mesurer la vitesse de transmission des actions par l'intermédiaire de l'éther. On conçoit que les ac- tions newloniennes deviendraient elles-mêmes beaucoup plus intelligibles lorsqu'on aurait fixé une limite à leur vitesse de propagation. La loi de la conservation de l'énergie entre des systèmes matériels dépend, d'ailleurs, de cette vitesse ; elle cesse d'être rigoureusement vraie du moment où la vitesse de transmission n'est plus infinie. Considérons, en effet, un corps animé d’un mouvement circulaire dans un champ d'attraction, par exemple un volant tournant, au voisinage d’une planète, autour d’un axe horizontal par rapport à la surface de la planète ; si la vitesse de transmis- sion des attractions est finie, les poids des parties du volant qui s’'approchent de la planète seront un peu différents de ceux des parties qui s’en éloi- gnent, et la vitesse du volant variera d'elle- même. Mais la vérification faite sur les planètes nous montre qu'une semblable varialion sera tou- jours pratiquement infiniment pelite par rapport aux quantilés que l’on peut mesurer. En résumé, les lois de Newton entrainent, comme hypothèse Ja plus probable, l’idée de l'identité de la matière primordiale qui forme tous les corps que nous connaissons. Elles supposent la trans- parence parfaile des corps en présence et du mi- lieu qui transmet les actions. Contrairement à ce qui se passe pour d'autres forces transmises d’une manière semblable, ce milieu n'exerce aucune influence sur la force d'attraction. : IN Nous avons vu que la loi des masses a été vérifiée par des expériences très précises; il serait impru- dent de dire qu'elle est rigoureusement exacte, mais on peut affirmer qu'il a été impossible jus- qu'ici de révéler un écart qui la mette en défaut. En est-il de même dela loi du carré des dis- tances ? L'opinion actuelle est pour la négative. Sans parler des forces qui s'exercent à très petite distance, et dont nous allons aborder l'étude, nous dirons que M. Newcomb, discutant par une profonde analyse les mouvements des corps qui composent le système solaire, a trouvé, comme hypothèse la plus probable expliquant diverses perturbations, un léger écart de la loi du carré de la distance : suivant MM. Newcomb et A. Hall, l'exposant serait plus grand que 2, mais seulement de 0,000.000.1574. M. Newcomb ne considère pas, du reste, que cette hypothèse soit la seule admissible. Mais, si on la reconnaissait exacte, il en résulterait, semble-t-il, une légère modification de nos idées quant à la CH.-ED. GUILLAUME — REMARQUES SUR LA LOI DE NEWTON transparence de la matière ou du milieu qui trans- met les actions. Si nous abordons maintenant la question par un autre côté, celui de la Physique moléculaire, nous trouverons la loi de Newton apparemment en 59 alors être inversement proportionnel à une puis- sance supérieure à la quatrième. Dans un travail défaut. Il est cerlain qu'aux très petites distances | les lois des attractions sont profondément modi- fiées ; d’une part, les masses n'interviennent plus seules; la nature des corps en présence devient un facteur prépondérant de leurs actions mutuelles; d'autre part, la loi du carré des distances cesse de se vérifier. La loi du carré des distances a trouvé, il est vrai, d'illustres défenseurs; ainsi, lord Kelvin a montré, dès l'année 1863, que certains groupements ato- miques conduisent à des lois d'attraction suivant les puissances plus élevées, bien que, pour chaque atome individuel, la loi du carré des distances reste vraie. Cependant, la plupart des auteurs considèrent qu'il est nécessaire d'introduire, dans l'expression des forces, un terme qui devienne prépondérant aux petites distances, et rende le terme newtonien négligeable; c'était, déjà, d’ailleurs, l’idée de New- ton. Ce deuxième terme posséderait, dans tous les cas, une forme mathématique complexe; il devrait rendre compte de l'augmentation considérable des attractions à une faible distance, et de leur pas- sage graduel à une répulsion, à une distance plus faible encore. Ce deuxième terme peut, qu'on le remarque, être d'une nature essentiellement différente du terme principal dans la loi d'attraction aux grandes dis- lances; ce dernier suppose, comme nous l'avons vu, la transparence du milieu, qu'il n’y a pas lieu d'admettre aux très petites distances. L'idée de son opacité relative a été franchement admise par M. van der Waals, qui introduit dans sa formule un terme exponentiel dont l’exposant dépend du rapport des deux constantes de la capillarité sui- vant Laplace. Plusieurs auteurs, entre autres Maxwell, admet- tent que le terme attractif ajouté à celui de New- ton doit contenir l'inverse de la quatrième puis- sance de la distance; le terme répulsif devrait 1 Cette conclusion deviendrait plus nette encore comme Cmims —)r EE x , par laquelle r® conséquence de la formule F — M. Seeliger représente les attractions newtoniennes, en vue d'expliquer le mouvement du périhélie de Mars. récent, M. Galitzine à traité la question des actions à faible distance au point de vue des forces électro- magnéliques. Considérant chaque molécule comme un résonnateur, il cherche l'expression des forces réciproques des courants dus aux déplacements des charges atomiques. L'expression à laquelle il arrive dépend de la forme des molécules en pré- sence. Dans les deux cas extrêmes, d’une molécule infiniment longue par rapport à ses dimensions transversales, et d’une molécule de forme circu- laire, on arrive à des expressions différentes pour | la loi des attractions. Considérant cette dernière forme comme la plus probable, M. Galitzine en déduit, pour les distances moléculaires, mais non pour les plus petites, la loi de l'inverse de la qua- trième puissance qu'avait adoptée Maxwell. Lors- que la distance diminue, les forces attractives se transforment en forces répulsives. Dans cette manière d'envisager les phénomènes, la loi des actions entre les masses, telle que l'a in- diquée Newton, ne serait pas incomplète; le terme additionnel qui devient prépondérant à faible dis- tance serait dû à un ordre de phénomènes bien différent de celui qui comprend la loi newtonienne. La loi des masses pourrait rester additive pour une même matière; mais elle cesserait de l’être dans le | passage d’un corps à un autre. La vitesse de transmission des forces contenues dans les termes additionnels peut aussi être très différente de celle des actions entre les masses. Le fait que la loi newtonienne ne rend pas compte des actions à très petite distance ne la met donc point en défaut, pas plus que les actions qui interviennent dans l’action mutuelle des corps chargés d'électricité ne sont susceptibles de la fausser ; les forces étrangères à celles qui existent entre les masses peuvent être incomparablement plus grandes que ces dernières; la loi des masses n'en reste pas moins vraie. Cette manière d'envisager la loi générale des altractions en simplifie singulièrement l’intelli- gence; la loi de Newton reste intacte : les termes qui semblent la fausser sont d'une nature physique essentiellement différente. Ch.-Ed. Guillaume, Docteur ès sciences, Physicien au Bureau international des Poids et Mesures. 60 A. BINET — SUR LA CIRCULATION CAPILLAIRE ET LES PHÉNOMÈNES VASO-MOTEURS | SUR LA CIRCULATION CAPILLAIRE ET LES PHÉNOMÈNES. VASO-MOTEURS LES RECHERCHES RÉCENTES DE PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE Cet article serait bien incomplet s’il était destiné à faire connaître tous les travaux récents sur la physiologie de la circulation capillaire. Je me suis placé uniquement au point de vue de la Psycho- logie, et je me borne rigoureusement à parler des travaux de Physiologie qui ontété faits sur l'homme et ont quelque intérêt pour la connaissance de ‘l'homme intellectuel et moral. Les travaux accomplis dans ce sens pendant ces toutes dernières années sont de deux ordres : dans les uns, les physiologistes et cliniciens ont étudié directement la circulalion cérébrale pendant le travail intellectuel, chez des individus ayant des pertes osseuses du cràne; dans les autres, on a enregistré seulement le pouls capillaire des bras ou des jambes; de là une division toute naturelle de notre sujet : nous examinerons d’abord ce qui à trait au cerveau, et en second lieu ce qui à trait aux autres parties du corps. I. — CERVEAU, A l'étude de la circulation du sang dans le cer- veau pendant le travail intellectuel se rattache le nom de Mosso!, le célèbre physiologiste de Turin, qui, le premier, a vu clair dans cette question compliquée; avec une grande sûreté, et une belle richesse de méthodes (pléthysmographes de divers ordres, balance, etc.), Mosso à étudié les change- ments de volume du cerveau chez des individus qui présentaient par accident des pertes considé- rables des os crâniens. Il à constaté que pendant l'activité intellectuelle, dépensée à faire un calcul mental, ou sous l'influence des émotions, le volume du cerveau augmente. Gley, par de nombreuses expériences, faites sur lui-même, en enregistrant le pouls carotidien pendant la lecture, à con- firmé et précisé celle observalion?; il a montré que l'augmentation d'afflux de sang dans le cer- veau ne lient pas à une suraclivité du cœur, mais bien à une influence vaso-motlrice, à une vaso- dilatation active des carotides. Des recherches ultérieures de Mosso*, de Mor- ‘ La circolazione del sangue nel cervello.. etc., Atti della R. Accad, dei Lyncei, 1880. * Elude expérimentale sur l'élal du pouls carotidien pen- dant le travail intellectuel. Paris, 1881. 3 La lemperatura del cervello; le ch. xn contientplusieurs expériences pléthysmographiques. selli et Bordoni-Uffreduzzi!, de Francois-Franck?, de Sarlo, de Binet et Sollier *, et enfin les recher- ches toutes récentes de Patrizi*, semblent avoir mis hors de doute ce premier fait, d'une impor- tance capitale, que le cerveau augmente de volume pendant son état d'activité. C'est une notion qui ne sera plus ébranlée. Un second fait a été bien étudié par Mosso, et revu sous des formes diverses par ses successeurs : c'est que les perceptions inconscientes peuvent, comme les perceptions conscientes, provoquer un afflux de sang au cerveau. Mosso inscrivait le pouls cérébral d'un sujet endormi, et constatait que toutes les fois qu'un bruit inopiné, bruit de parole, de porte, etc., se faisail entendre dans le labora- toire silencieux, le pouls s'élevait en dilatation sur le tracé, bien que le sujet ne se fût pas réveillé. | | | | Tamburini et Seppili® ont fait des observations. analogues sur le pouls de l’avant-bras chez une femme hystérique, qu'ils avaient endormie en léthargie, et qui semblait être séparée complète- ment du monde extérieur; une piqüre d’épingle, l'articulation du nom de la malade, impression- naient son pouls. Enfin, Hallion et Comte, tout dernièrement, ont répété, confirmé et étendu | cette expérience, qu'ils ignoraient d’ailleurs, sur des hystériques de la Salpêtrière, mises en état de léthargie, et sur des hystériques anesthésiques to- tales; la piqûre d'une main anesthésique provoque une vaso-constriction, et une parole qui ne paraît pas entendue amène le même effet. Il ne résulte pas rigoureusement de ces expériences, cela va sans dire, que les impressions produiles ont été inconscientes au moment de leur production; peut-être dans certains cas y a-t-il eu conscience fugilive, suivie d’oubli. Mais ce qu'on doit consi- dérer comme prouvé, c'est que l'activité cérébrale peut continuer son office chez cerlains malades sans que leur conscience actuelle leur en donne le témoignage. Le témoignage de la conscience est moins sûr que celui du tracé. 1 Sui cangiamenti della circolazione cerebrale prodotti dalle diverse percezioni simplici, Arch. di psychiatria, 1884. ? Article « Cerveau» du Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales. % Arch. de Physiologie, 1895. + Rivista musicale italiana, NX, 2, 1896. 5 Tamburini e Seppili : Ricerche sui fenomeni di moto. etc, Riv. speriment. di fren., Reggio-Emilia, 1882, 5 Arch. de Physiologie, 1, 1895, p. 90. 4 A. BINET —"SUR LA CIRCULATION CAPILLAIRE ET LES PHÉNOMÈNES VASO-MOTEURS Je trouve encore, dans cet ensemble de recher- ches, à citer une troisième observation bien inté- ressante pour la Psychologie : le changement de volume du cerveau qui à lieu par excitation psy- chique ou travail intellectuel est lent à se produire; le temps nécessaire à sa production dépasse de beaucoup le temps physiologique de perception. Aussi a-t-on élé;forcé d'admettre — et Morselli (eilé - plus haut) a insisté un des premiers sur ce point : important, — que l'hyperémie du cerveau n'est pas une cause, une condition de l’activité psychique, - elle en est bien plutôt un effet, puisqu'elle suit la - mise en branle de cette activité. C'est aussi à cette _ conclusion que je suis arrivé avec mon collabo- -rateur M. Courtier, d'une manière indépendante, en étudiant l'effet de la surprise sur le pouls de l'avant-bras ; ce n'est que deux secondes après - qu'on à ressenti le choc de surprise que le pouls de l'avant-bras se modifie : par conséquent, on ne . saurait considérer avec Lange l'état de surprise comme ayant pour base la perception d’une modi- ficalion vaso-motrice, puisque celle-ci est toujours tardive. Nous reviendrons sur ce point tout à l'heure. Telles sont à peu près, si je ne me trompe, les notions acquises aujourd'hui sur les changements de volume du cerveau pendant l'activité intellec- tuelle; je laisse de côté, bien entendu, beaucoup de recherches connexes, et notamment tout ce qui concerne l’échauffement de la masse cérébrale, parce que cela n’est pas notre sujet. It reste à dire quelles sont les questions qui sont encore discutées. La principale est celle du méca- nisme par lequel se fait l'afflux de sang au cerveau. Mosso, dans ses premières recherches, avail cons- taté une constriction de l’avant-bras, correspon- dant à la dilatation cérébrale, pendant que son sujet exécutait un calcul mental, et il en avait conelu l'existence d’un antagonisme entre le cer- veau et le reste du corps. Ses expériences avec la balance, quoique moins probantes, parlaient dans le même sens. Puis d’autres auteurs ont discuté et expérimenté pour savoir si le cerveau est hyper- émié par une dilatation active de ses vaisseaux, ou s'il se congeslionne passivement par suite d’un afflux de sang chassé vers la tête par les autres organes du corps'. Aucune preuve péremptoire n'est venue trancher le débat, Mais ce qui parait assez bien établi, c'est qu'il faut dès à présent abandonner l'idée d’un antagonisme entre la cir- culation du cerveau et celle des membres. Une foule d'expériences sont en contradiction avec celte conception simpliste. Mosso, dans son * Mosso à exposé brièvement cette discussion dans son livre sur la Température du cerveau, cité plus haut. 61 dernier livre sur la température du cerveau, aban- donne son idée favorite, et Patrizi, un physiolo- giste qui vient d'étudier l'influence de la musique sur la circulation cérébrale, se prononce aussi dans ce sens. En prenant à la fois le pouls cérébral et le pouls de l’avant-bras pendant le travail intel- leeluel, ce dernier auleur a constaté que ce qu'il y a de constant, c'est l'élévation de la courbe céré- brale, indiquant l'augmentation de l'afflux de sang dans le cerveau : quant à la courbe du bras, tantôt elle monte, tantôt elle descend, tantôt elle n’est pas impressionnée; elle ne présente aucune réaction constante ; les deux courbes sont donc indépen- dantes dans une large mesure, et il n'y a pas anta- gonisme entre le cerveau et les membres". Il. — MÉTHODES POUR ÉTUDIER LA CIRCULATION CAPILLAIRE DANS LES MEMBRES L'idée de rechercher quelles sont les modifica- tions qui se produisent dans la circulation capil- laire des membres sous l'influence de divers fac- teurs, élait surtout inspirée, dans ces dernières années, par la thèse de Mosso sur l’antagonisme du cerveau et des membres. Aujourd'hui que cette thèse est abandonnée, une autre a surgi, celle de James-Lange, qui considère les émotions comme résultant de la perception des modifications vaso- motrices, el il n’en à pas fallu davantage pour en- courager beaucoup de psychologues à entreprendre des recherches sur les capillaires, avec le désir de soumettre à une épreuve cruciale la théorie si ingé- nieuse que James et Lange viennent de proposer. La technique a reçu dans ces derniers temps un perfectionnement des plus heureux. Jusque-là on se servait presque uniquement d'appareils à déplacement liquide, dans lesquels on plongeait l'avant-bras ou le pied, pour mesurer le change- ment de volume de ces membres; les déplace- ments du liquide, produits par les contractions ou les dilatations du membre lout entier, se concen- traient dans des tubes élroils où les changements de niveau pouvaient être observés à l'œil nu (Piégu, Chelius), ou bien enregistrés avec des flot- teurs (Fick, Mosso) ou des tambours de caout- chouc (Franck). Ces appareils élaient de grande dimension, fort incommodes à manier, enregis- trant les mouvements inconscients, ne permettant pas des applications rapides, ni des applications longtemps continuées. Deux physiologistes distingués, Hallion et Comte, ont récemment d'ingénieux appareils fondés sur un principe tout différent. Ges pléthys- inventé 4 11 serait possible cependant que l'antagonisme existät entre la circulation du cerveau et celle de l'abdomen. (Wer- theimer, Arch. de Physiologie, 1893, p. 297.) 62 A. BINET — SUR LA CIRCULATION CAPILLAIRE ET LES PHÉNOMÈNES VASO-MOTEURS mographes nouveaux sont des cylindres ou des valves de caoutchouc qu'on enferme, avec le membre à explorer, sous une enveloppe rigide, de lelle manière que le volume du membre et celui de l’ampoule changent toujours en sens inverse; en adaptant à l'ampoule un mode de transmission par air, on recueille avec beaucoup de délicatesse la | forme du pouls capillaire, ce qui est la pierre de touche d'un bon pléthysmographe !. On nous an- nonce la construction en Allemagne et en Amérique de nouveaux appareils; nous ne les connaissons pas autrement, mais, si on en juge par les tracés publiés, ils sont moins parfails que ceux de Hallion el Comte. Il reste une lacune à combler, c'est la mesure de la pression sanguine chez l’homme. Beaucoup d'appareils ont été inventés à cet usage, notam- ment celui de Potain; les plus simples sont les sphygmomètres de clinique (Bloch, Chéron, Verdin) avec lesquels on écrase l’artère radiale jusqu'à ce qu'on ne la sente plus battre sous le doigt placé entre l'appareil et l'artère ; ces instruments ont le tort de donner une impression purement subjec- tive. Des sphygmographes ont été construits pour mesurer exactement la pression du sang arlériel ; le dernier est celui de Philadelphien; je ne sais pas ce qu'il vaut, ne l'ayant pas employé. Enfin, lan dernier, Mosso a fait construire un sphygmoma- nomètre, qui semble inspiré d'un ancien appareil de Marey, et qui est destiné à mesurer la pression du sang dans les capillaires; les doigts sont placés dans des tubes de caoutchouc qui supportent une pression liquide, mesurable avec un manomètre à mereure, et on augmente la pression jusqu'à ce que le pouls ne puisse plus faire osciller la colonne de mercure du manomètre. Mosso et ses élèves Colombo et Kiesow sont les seuls qui jusqu'ici aient expérimenté cel appareil. En somme, les pléthysmographes en usage jusqu'ici peuvent nous renseigner sur les change- ments de volume, mais ils nous laissent encore dans l'ignorance sur un grand nombre de points importants ; voilà pourquoi la question est encore si peu avancée. Il y a dans la circulation capillaire bien d’autres choses à considérer que le change- ment de volume : le travail du cœur, la quantité de sang et la pression, l’état de contraclion, de dilatation ou de tonicité des artérioles; il est très difficile, presque impossible, de mesurer ces phé- nomènes sur l'homme, aussi règne-t-il une grande incertitude, à ce point qu'on n'est pas d'accord sur les différences caractérisant le pouls de haute tension et le pouls de faible tension. IIT. — RÉSULTATS DES MÉTHODES PRÉCÉDENTES. Essayons maintenant de résumer ce que nous ont appris les différents pléthysmographes sur la circulation capillaire, dans ses rapports avec les états psychiques. Marey, Fr. Franck et Mosso ont préparé et rendu possibles les recherches dans ce domaine en contrôlant la véracité des appareils par des expériences multiples sur la compression des artères et des veines, sur l'effet des excitations brusques, de la chaleur, du froid, de l'exercice, de diverses substances médicamenteuses, sur la dis- tinction entre les différents modes de constriction et de dilatation. Nous ne pouvons malheureuse- ment pas nous étendre sur ces expériences clas- siques, parce qu'elles sortent de notre sujet. Il ya cependant un devoir tout élémentaire de recon- naissance à accomplir en rappelant ici les noms de ces éminents physiologistes. Hallion et Comte, eux aussi, sont restés canton- nés presque exclusivement dans la Physiologie. On leur doit, outre leur belle technique, des recherches sur les oscillations respiratoires, el aussi sur la constriction profonde que provoque une inspiration brusque; leur opinion est que cette constriction est un acle réflexe, et que la légère montée du tracé qui la précède tient, dans certains cas, à une compression veineuse, produite par la dilatation brasque du thorax. $ 1. — Excitations psychiques. Avec l'étude des sensations nous pénétrons dans la Psychologie proprement dite. C’est une question qui a été abordée de bien des côtés, par Féré! par exemple dans ses recherches sur les hystériques. Il est incontestable que toule excitation brusque, qui provoque l’étonnement, la surprise, détermine. une vaso-constriction réflexe, une pàleur des tis- sus, alors même que le rythme de la respiration n'a pas été changé. Cette constriction est souvent précédée, comme Féré l’a bien vu, d'une légère et très courte élévalion du tracé capillaire, par con- séquent d'une courte augmentalion de volume périphérique, durant environ deux secondes. Dans nos recherches avec Courlier sur ce point, nous avons surtout mis en lumière? le caractère indivi- duel de ces réactions, qui expriment si bien la personnalité du sujet, et montrent que le système vaso-moleur a un degré d'impressionnabililé qui varie énormément d’un individu à l’autre. $S 2. — Travail intellectuel. Sur l'effet du travail intellectuel, les recherches 1 On trouvera la description de ces appareils, avec figures, dans l'Année psychologique, 1, p. 296. Paris, 1895. 1 Sensalion el mouvement. Paris, 1887. ? Voir Année psychologique, A, p. 87. Paris, 1896. | L É 4 A. BINET — SUR LA CIRCULATION CAPILLAIRE ET LES PHÉNOMÈNES VASO-MOTEURS 0: se sont accumulées. Les premières remontent à Mosso, qui a bien vu la diminution de volume se produisant, ou pouvant se produire, dans l'avant- bras pendant un calcul mental. Cette diminution de volume résulte d’une vaso-constriction active des artérioles, qui chassent le sang de la péri- phérie. Un psychologue américain, Mac Dougall *, a repris minulieusement celle élude, cette année même, dans le laboratoire de Münsterberg à Har- vard ; il a mesuré les changements dans la vitesse . du cœur, dans la forme de la respiration, et con- firmé, en somme, ce qu'on savait déjà, en éclaircis- sant quelques points secondaires. D'un lout autre genre est un travail de Kiesow, qui a étudié le travail intellectuel en enregistrant le pouls capil- laire avec le sphygmomanomètre de Mosso ?. L’au- teur a eu des courbes peu claires, dont il n’a pas pu tirer parti d'une manière satisfaisante, et il est arrivé à cette conclusion, tout à fait hasardée, que le travail intellectuel agit sur la circulation à la condition seulement de produire une émolion. Ce n'est pas exact. On connait aujourd'huile type res- piratoire de l'émotion et celui du travail intellec- tuel; ils sont sensiblement différents; et cette dif- férence nous permet d’attester que dans tel cas où un sujet a fait un calcul mental, il n’était nullement ému. Eh bien, même en dehors de toute émotion appréciable, on peut affirmer que le travail intel- lectuel, court et intense, agit sur la circulation. Ce qu'il produit principalement, c’est une accélération du cœur, une vaso-constriction réflexe, et une accélération de la respiration, qui diminue en même temps d'intensité. Voilà les trois symptômes fondamentaux. Nous devons en ajouter un quatrième : l'augmentation de pression sanguine. Ce dernier phénomène, nous l'avons constaté dans des expériences récentes avec M. Vaschide. Tels sont les effets d'un travail intellectuel court et intense. Ce sont des effets d’excitation. Les auteurs ont généralement employé comme mode de travail intellectuel un calcul mental, qui dure à peine une minute ou deux. Il reste encore bien d’autres expériences à tenter, pour se rap- procher des conditions de la vie réelle, etconnaitre l'influence pratique des occupations intellectuelles sur la circulation. Deux recherches s'imposent, à notre avis, l’une sur le travail modéré et long, l'autre sur le surmenage intellectuel. Avec les : pléthysmographes que nous possédons actuelle- ment, les épreuves peuvent être faites, puisqu'on 1 The p_ysical characteristics of attention, Psycholog. Review, mars 1896, p. 158. 3 Versuche mit Mosso's Sphygmomanometer. Philos. Stud, XIE, pp. 41-61. 3 Nous-même, en collaboration avec M. Courtier, nous peut, comme nous l'avons montré, faire des appli- cations comparables. $ 3. — Émotions. Nous arrivons, enfin, à la dernière série de re- cherches que nous désirons signaler : c'est celle qui jusqu'ici a le plus attiré l'attention, celle aussi, il faut bien le dire, qui a donnéles résultats les moins salisfaisants. Il en est, du reste, de cette question spéciale, comme de toutes celles dans lesquelles les | émotions figurent : elles sont obscures et ambi- guës. Ce n’est un mystère pour personne que la psychologie des émotions est encore dans l'enfance. Il n'y a donc pas lieu de s'étonner que ces deux problèmes si complexes, la circulation capillaire et le mécanisme des émotions, en entrant en contact l’un avec l’autre, n'aient pas fait jaillir beaucoup de lumière. ‘ La question a été abordée à deux points de vue bien différents, par des expériences de laboratoire sur des sujets sains, et par des observations sur des aliénés !, Ces dernières ont été les plus rares, et je ne vois guère à ciler, en somme, que celles que G. Dumas a publiées cette année même, à la Revue philosophique, sur le mécanisme de la joie et de la tristesse. La Psychologie normale, au con- traire, a suscité des travaux beaucoup plus nom- breux, ceux de Lehmann, de Mentze en Allemagne, d’Angell en Amérique, les nôtres (encore partiel- lement inédits) en France; à tout cela il faut ajouter les expériences de Mosso, de Sarlo et de Patrizi, sur des sujets ayant des pertes osseuses du cràne. Nous essaierons de mettre un peu d'ordre dans cet ensemble de résultats, qui sont singulièrement disparates. Enfin, il faut rappeler que de nouvelles théories psychologiques, auxquelles nous avons fait allu- sion plus haut, celles de James-Lange ?, ont exercé une influence marquée sur l'esprit des expérimen- tateurs. Ces théories peuvent, par brièvelé, se résu- mer dans les deux propositions suivantes : 1,11 y à dans la joie et les états analogues une vaso-dilatation des artérioles, et dans la tristesse et les états analogues une vaso-constriction des artérioles: 2° Ces modifications vaso-motrices sont les véritables causes des états de joie et de tristesse, ce n’en sont pas des résultats. Nous aurons à reve- nir, en finissant, sur ces théories, pour indiquer dans quelle mesure les faits d'observation les ont confirmées ou infirmées. nous sommes engagé dans celle voie; un premier aperçu de nos résultats a été communiqué à l'Académie des Sciences (octobre 1896). 1 Nous excluons de cette étude les expériences sur les ani- maux, qui ont donné des résultats curieux. 2 James a publié sa théorie dans le Mind en 1879, pour 64 A. BINET — SUR LA CIRCULATION CAPILLAIRE ET LES PHÉNOMÈNES VASO-MOTEURS L'essai de G. Dumas ! a abouti à des conclusions très complexes ; l’auteur a étudié un grand nombre d'aliénés, mélancoliques, paralytiques généraux, délirants chroniques, etc., qui présentaient des états bien caractéristiques de joie et de tristesse, et il a pris la respiration, la circulation capillaire, le nombre de pulsations, et la pression artérielle à la radiale. Il a distingué deux types différents de joie et trois types différents de tristesse, en se fon- dant uniquement ‘sur les symptômes circulatoires et autres présentés par ses différents malades. Nous avons cherché à résumer son travail dans le tableau ci-joint : sion à la radiale, et a vu que la joie, l'excitation, la colère, la violence s'accompagnent d’une hausse croissante de pression, tandis que la tristesse, la modestie et tous les états analogues vont de pair avec de l'hypotension. Malgré des divergences, il y a évidemment quelque accord entre ces obser- vations et celles de G. Dumas ; et d'autre part, il faut rappeler que Féré a noté dans la colère une augmentation du tiers de la pression. Les expériences sanguines de laboratoire, faites sur des sujets sains auxquels il est difficile de donner dés sensations bien vives de douleur et surtout de plaisir, et encore moins des émotions Observations de M. G. Dumas TRISTESSE É Hypotension. Accélération du cœur. Accélération de la res- piration. Vaso-dilatation périphé- rique, paralysie. l Iypertension. Accéléralion du cœur. Accélération de la res- piration. Vaso-constriction péri- phérique. Hypotension. Ralentissement du cœur. Ralentissement de la respiration. Vaso-constriction pé- riphérique. Hypertension. Ralentissement du cœur. Ralentissement de la respiration. Vaso-constriction pé- riphérique. Hypatension. Accélération du cœur. Accéléralion de la res- piration. Vaso-constriction pé- riphérique. L'examen de ce tableau n'est pas absolument favorable à la théorie de Lange, car nous voyons qu'il peut y avoir de la vaso-constriction dans la | joie comme dans la tristesse (à la condition toute- fois d'admettre avec l'auteur que pas de pouls capil- laire est synonyme de vaso-constriction, ce qui nous parait fort aventuré). La tension artérielle ne présenterait non plus rien de caractéristique, puisqu'elle peut être la même dans les deux états contraires de joie et de tristesse. L’accélération du cœur et de la respi- ration présente, au contraire, un caractère plus stable ; elle existe dans la joie et manque dans la tristesse, sauf dans un cas (le troisième) dont l'exception peut s'expliquer par des effets d’excita- tion : la douleur active, mêlée de colère, d'indigna- tion et de désespoir, produit des effets d'excitalion analogues à ceux de la joie ; c’est ce que G. Dumas a observé sur des malades de Saint-Lazare quand on leur refuse leur billet de sortie. D'autre part, M. de Fleury ? a publié une obser- vation très curieuse d’une jeune fille anémique et déprimée dont il a relevé le moral au moyen d'in- jections de sérum; il a pris, en même temps que l'observation psychologique de la malade, sa pres- la première fois; celle de Lange est exposée dans son livre sur Les Emolions Paris, Alcan, 1895. 4 Recherches expérimentales sur la joie et la tristesse. Revue philosophique, juin, juillet et août 1896. ? Traitement de la tristesse. Nouvelle Revue, 1896. violentes et sincères, n’ont pas abouti à des résul- tats parfailement clairs. Angell et Mac Lennan!ont fait surtout des expériences sur des sensations agréables et pénibles; ils ont vu simplement que la diminution de volume est plus fréquente et plus profonde pour ces dernières que pour les sensations agréables. Ces recherches ont été faites sur le pouls capillaire. 11 faut leur objecter que les sensations pénibles qu'on peut provoquer dans un labora- loire sont toujours plus fortes que les sensations agréables, et que la différence de leurs effets peut tenir, en dehors de leur qualité, à leur différence d'intensité. Les expériences très longues et très minulieuses de Mentz? ont porté uniquement sur le pouls radial, et l'auteur n'a pas pris le pouls capillaire ni même étudié la forme du pouls radial; il se borne à mesurer (à un dixième de millimètre près !) son changement d'amplitude, dont la signi- fication précise me parait bien problématique du moment qu'on ignore ce qui se passe du côté des capillaires. Je ne sais donc pas trop ce qu'il faut retenir de ce travail. Celui de Patrizi, dont nous avons parlé plus haut, a eu des conclusions presque entièrement négatives; des mélodies gaies et tristes n'ont pas produit sur la courbe pléthysmographique de son sujet des différences appréciables. Enfin, 4 Psych. Review, juillet 1896, p. 371. # Die Wirkung akustischer Sinnesreize auf Puls und At- mung. Phil. Stud., XI, pp. 61 el seq. P.-P. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE D'AGRONOMIE 65 terminons par les expériences de Lehmann, qui a suivi sur la cireulalion de cinq individus les effets des impressions agréables et désagréables ; il a vu que les impressions agréables produisent une augmentation de l'amplitude du pouls et une augmentation de volume ; tandis que les impres- sions pénibles produisent une diminution de l’am- plitude du pouls, provenant d'un affaiblissement des contractions du cœur. Il y a, en outre, dans l'excitation désagréable une constriction des vais- | seaux superliciels. Des expériences inédites que j'ai faites avec M. Courtier sur l'influence de la musique, nous ont montré que des accords, des exercices musi- caux, provoquent une accélération du cœur et de la respiration, que les mélodies tristes augmentent cette accélération et que les émotions musicales extrèmement fortes la portent au maximum. En réunissant tout ce qui précède, on arrive à dire que, dans les excitations agréables, la constrie- tion est moins forte que dans les excitations péni- bles, et qu'en outre il n'y a pas, comme dans les excitations pénibles une tendance à l’affaiblisse- ment du cœur; ce qui revient à reconnaitre, en somme, que les excitations agréables favorisent la circulation du sang, tandis que les excitations pé- nibles l’entravent. C’est bien à cette conclusion que semblent aboulir les expériences et observations de G. Dumas, de Lehmann, et quelques autres, el il est possible que, dans ces termes un peu va- gues, celte conclusion renferme une bonne part de vérité. Il n'est pas douteux que, lorsqu'on saura mieux interpréter la forme de la pulsation capil- laire, lorsqu'on saura tenir compte de la pression du sang, du travail du cœur, et aussi de la produc- tion de chaleur, on ne se contentera plus de ces conclusions, purement provisoires. Telles qu’elles sont, les recherches ne me parais- sent pas entièrement favorables aux théories de James-Lange, d'après lesquelles, on le sait, les émotions seraient conséculives aux changements vaso-moteurs produits par les excitalions périphé- riques. Contre cette idée, M. de Fleury s'élevait na- guère, montrant que l'excitation tonique des vais- seaux, qui influe tellement sur la circulation, est réglée par le système nerveux, et que c’est par conséquent le système nerveux qui est le premier facteur, à ce point de vue. D'autre part, les tracés de Mosso, de Morselli, de Patrizi, nous montrent que l'augmentation de volume du cerveau se pro- duit après que l'excitation émotionnelle a été reçue et éprouvée, et par conséquent cette augmentation tardive est bien plutôt un effet de l'émotion qu'une cause ou une condition. Enfin, mes expériences en collaboration avec M. Courtier nous ont prouvé que lorsque la surprise provoque une vaso-cons- triction des membres, ce réflexe se manifeste très lard, deux à trois secondes après l'excitation ; il atteint son maximum quand l’état émotionnel est sur son déclin et parfois terminé; ce n’est donc pas la perception de ce changement vaso-moteur qui sert de base à la surprise. Cet ensemble de faits, sans être absolument démonstratif, — car en ces matières si complexes il est difficile de prendre des conclusions fermes — cet ensemble de faits tend à montrer que la théorie de James-Lange n'a pas encore été confirmée par des observations pré- cises. Serons-nous obligés d’en revenir à celle vieille idée que la päleur, le tremblement, les cris sont les effets, et non les causes des émotions ? A. Binet,. Directeur du laboratoire de Psychologie physiologique des Hautes-Etudes, à la Sorbonne. à REVUE ANNUELLE D’AGRONOMIE I. — LES PRIX DE VENTE DU BLÉ, DU SUCRE ET DU VIN. Quand, à la fin du siècle dernier, A. Young voya- geait en France et notait chaque jour les observa- tions recueillies, il ne se doutait guère qu'on trou- verait dans ses récits familiers les renseignements les plus exacts que nous avons sur l'état de l'agri- culture de notre pays pendant les années qui ont | précédé la Révolution. A plusieurs reprises différentes, le voyageur | anglais insiste sur l'importance qu'atlachent nos * Die Hauplgeselze des mensch. Gefühlslebens. Leipzig, 1892, paysans à la culture du blé. Aussi, quand il leur vante l’assolement quadriennal du Norfolk, le semis des plantes fourragères, ne l’écoute-t-on que d'une oreille distraite, et sans cesse revient celte même question : « Est-ce bon pour le blé? » La disette, la famine même sont toujours menacantes et le laboureur n'a d'autre souci que d'assurer son pain. Nous n’en sommes plus läaujourd'hui,nousne craignons plus que le grain vienne à nous manquer et la culture du blé n’est plus notre unique préoc- cupation ; mais, comme il couvre annuellement chez nous 7 millions d'hectares, les plus faibles diffé- rences dans les prix de vente, multipliées par notre 66 énorme production, augmentent ou restreignent dans une large mesure les receltes de la culture. En septembre, on a vendu du blé à 18 francs le quintal ; il a dépassé en décembre 22 francs, et cette hausse réjouit les prudents qui n’ont pas trop vile cédé leur récolte. Celle de 1897 sera peu abondante, on peul le prévoir. En effet, les pluies excessives de l'automne ont retardé les travaux et les se- mailles, particulièrement dans cette région, au nord de Paris, où le blé succède à la betterave et où s’obtiennent les grands rendements. Il serait bien étrange cependant que la crainte d’une mauvaise récolte en 1897, amenant des manques sérieux en 1898, püût dès l'automne de 1896 déterminer une hausse de 4 francs par quintal. En effet, une autre cause très sérieuse a provo- qué ce mouvement de hausse : l’Inde, qui habiluel- lement exporte du blé, a manqué sa récolle; la pluie a fait défaut, et dans nombre de provinces une sécheresse excessive à fait périr le blé et le riz, et, pour subvenir à l'alimentation de cette population dense et imprévoyante, le gouvernement anglais dirige de toutes parts du blé vers cet immense pays. Sans peine, on approvisionnera les ports, mais les difficultés pour faire pénétrer les grains dans l’intérieur seront excessives, car le réseau des chemins de fer laisse, entre ses mailles encore peu serrées, de grands espaces non desservis. Or, ali- menter toute une population à l’aide de grains transportés sur des routes mal entretenues, est impossible. Nous l’avons bien vu en France en 1846, époque de la dernière disette qui ait sévi chez nous tandis que les magasins de Marseille étaient rem- plis de grain de Russie, le blé atteignait dans le centre de la France des prix inaccessibles aux maigres ressources des paysans; on pillait les marchés, on s'égorgeail à Buzençais. Quelque pénible que soit la cause de la hausse actuelle du blé, elle apporte une faible compensa- tion aux pertes qu'a subies cette année la culture du nord de la France, où, comme nous venons de le dire, la betterave à sucre alterne avec le blé. Les fabricants achètent les racines à prix variable avec la teneur en sucre; or, les pluies d'automne ont abaissé celte richesse; le prix de la tonne est sou- vent tombé à des chiffres tels que la vente couvrait à peine les dépenses de culture; dépenses qui, du reste, ont été considérablement augmentées par les difficultés de l'arrachage dans les terres détrem- pées. Les fabricants eux-mêmes, accablés par la baisse persistante du sucre, sont peu disposés à venir en aide à leurs fournisseurs. On sait que presque dans toute l'Europe, notam- ment en Allemagne et en France, l'Etat abandonne P.-P. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE D'AGRONOMIE aux frabricants une partie de l'énorme impôt qui pèse sur la consommation du sucre. Pour profiter de ces primes, la fabrication s'est exagérée et dé- passe de beaucoup les besoins de la consomma- tion. L'Allemagne, qui consomme 600.000 tonnes de sucre, en a produit 4.500.000 ; la France, qui absorbe 400.000 tonnes, en fabrique de 600 à 700.000: l'Autriche-Hongrie et la Russie ne consomment pas non plus ce qu'elles produisent. Un stock formi- dable s'est entassé dansles magasins, et le prix du quintal, qui atteignait 60 francs il y a vingt ans, est tombé à 30, 29, 28, 26 francs même, qui, aug- mentés des primes de l'Etat, suffisent à peine à couvrir les dépenses d’acquisilion des racines et les frais de fabrication. Pour favoriser l'écoulement de ses produits, l'Allemagne a établi des primes d'exportation, la France marche sur ses lraces; les sucres de bette- raves affluent ainsi à bas prix sur le marché de Londres; ils y rencontrent les sucres extraits des cannes et, bien que les quantités consommées dans le monde croissent régulièrement et s'élèvent maintenant à 6 millions de tonnes, la production réunie des cannes et des betteraves surpasse d’un million de tonnes environ celte consommation; d'où, l'effondrement des prix. Les difficultés au milieu desquelles se débat la cullure dans le nord de la France, sont donc très grandes. Dans le midi, nos vignerons ont égale- ment de la peine à écouler leurs produits; la recon- stilulion du vignoble s'achève, notre production est remontée aux chiffres qu'elle atteignait avant le phylloxera !, mais elle ne retrouve plus ses con- sommateurs ; pendant les années de cherté, on s'est déshabitué de boire du vin; notre système protec- tionnisle ne favorise pas nos exportations et la gène d'une surproduction se fait sentir. Il y a donc dans l’état actuel de l'Europe, de la France en particulier, une tendance de plus en plus marquée à l’abaissement des prix de vente, et, s'il faut se réjouir de voir les denrées nécessaires à la vie devenir de plus en plus accessibles, il faut re- connaitre d'autre part que cet abaissement des prix du blé, du sucre, du vin cause à la culture de sérieux préjudices. Elle n’a qu'une seule porte de salut : l'abaissement des prix de revient. Elle ne peut l'obtenir qu'en profitant de loutes les décou- vertes qui nous permettent de mettre en œuvre plus habilement tous les agents qui concourent à la production agricole et parmi eux les ferments de la terre, dont chaque année nous apprenons à mieux connaitre le rôle, parfois nuisible, mais le plus souvent avantageux. ajoutant l'Algérie et la Corse, on dépasse 48 millions d'hecto- litres. P.-P. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE D'AGRONOMIE II. — La NITRAGINE Si depuis longtemps déjà s'est établi le commerce de la levure de bière; si on a même sélectionné les levures de vin dans l'espoir de communiquer à un moût provenant de raisins communs, quelques- unes des qualités des vins fins, je crois que c’est pour la première fois qu'en l’année 1896 on a mis en vente des flacons de ferments destinés à ferti- liser le sol. La nitragine n'est autre chose qu'une réunion de ferments. Les belles recherches d'Hellriegel et de Wilfarth sur la fixation de l'azote atmosphérique par les bactéries qui peuplent les nodosités des racines des Légumineuses, sont trop connues pour qu'il soit nécessaire de les rappeler. Si l’on discute encore sur le mode de fixation de l'azote par les microorganismes, leur utile inter- vention est si nettement établie qu'on à essayé d'en garnir des terres où ils faisaient défaut. Salfeld, notamment, a réussi à augmenter les ré- coltes des Légumineuses obtenues de terres tour- beuses en les chaulant, puis en y introduisant une dose assez forte (1.000 kilos à l'hectare) d’une terre ayant porté récemment une légumineuse de la même espèce que celle qu'on veut semer sur la pièce ainsi inoculée. Le choix de la terre destinée à l’inoculation n’est pas indifférent : on ne réussit pas toujours quand la terre employée a porté une autre légumineuse que celle qu'on va semer. L’épandage d’une terre provenant d'une pièce qui avait donné des lupins n'a produit aucun effet sur un champ ensemencé en pois. On serait porté à croire d'après ces résultats que chaque espèce de légumineuse porte dans ses no- dosités des bactéries différentes les unes des autres; cependant, après une étude attentive, Nobbe arrive à une autre conclusion : il admet que toutes les bactéries des Légumineuses appartiennent à l'espèce Bacillus Radicicola, de Beyerlinck; mais que l’ha- bitat prolongé pendant une longue suite de géné- rations sur une légumineuse déterminée, a fait naître chez les bactéries qui s'y rencontrent des modifications assez profondes pour que leur trans- port sur une autre variété soit en général inutile. Visiblement cette règle n’a rien d’absolu, car dans sa mémorable expérience d'inoculation d'une ra- cine avec une aiguille trempée dans une nodosité, M. Bréal à réussi à faire naitre les nodosités sur un lupin en l’inoculant avec des bactéries de luzerne. Quoi qu'il en soit, pour augmenter les chances de réussite, Nobbe a réuni dans ses flacons de ni- tragine les produits que lui a fournis la culture de dix-sept espèces différentes de Légumineuses com- prenant plusieurs variétés de pois, de vesces, de lupins, de trèfle, de seradelle et de lathyrus. Ces cultures, placées dans des flacons de 300 c. c., sont englobées dans une gelée qu'on liquéfie en plon- geant le flacon dans de l’eau tiède, dont la tempé- ralure n'excède pas 33°. Le flacon, qui coûte environ 3 francs, est suffisant pour inoculer 20 ares; la dé- pense pour un hectare serait donc de 15 francs; on délaie la gelée dans quelques litres d’eau et on l'introduit soit dans le lot de graines à semer, soit dans de la terre sèche, qu'on répand ensuite sur le champ à ensemencer. C'est seulement au printemps dernier que les flacons de nitragine ont été mis dans le commerce et on n’a pas encore de renseignements sur l’effica- cité qu'a présentée, pendant cette première année, linoculation da sol. Il est probable que sur de vieilles terres où la culture des Légumineuses est établie depuis de longues années, cette inoculation ne produira pas grand effet. C’est au moins ce que nous avons observé cette année à Grignon, où des essais d'épandage de ferments de Légumineuses, ne provenant pas d'Allemagne, mais préparés en France, n’ont pas donné de résultats. Il est naturel qu'il en soit ainsi; il y a plus d’un sièele que le trèfle, la vesce, les pois, la luzerne reviennent périodiquement dans nos champs, et les bactéries appropriées à ces diverses espèces s'y rencontrent en quantités suffisantes pour qu'un nouvel apport soit inutile; mais il n’en serait pas ainsi, sur une terre vierge, sur les terres tourbeuses ou sablon- neuses dont on veut entreprendre la culture, et sans doute dans ces conditions la nitragine sera utile!. Quel que soit, au reste, le succès de cette pre- mière tentative, il faut la saluer comme une aurore. Depuis que d'innombrables travaux, dérivant tous de l’œuvre immortelle de Pasteur, nous ont montré la puissance des microorganismes, que nous savons que notre terre cultivée en est peuplée, que, suivant la belle expression de M. Berthelot, « la terre est quelque chose de vivant », tous nos efforts tendent : soit à introduire dans le sol les “bactéries utiles qui y font défaut, soit à favoriser leur travail, soit même (et sur ce point nos études commencent à peine) à combattre les espèces nui- sibles. Pasteur a insisté avec beaucoup de force sur la destruction des matières organiques par les micro- organismes ; sans eux, a-t-il dit, «la vie devien- drait impossible, car l'œuvre de la mort serait incomplète! » 4 MM. J. Miller et M. J.-V. Vœlcker ont donné sur l'ino- culation du sol et sur la nitragine des renseignements inté- réssants dans The journal of the R. À. Society, volume Ier de 1896. Un résumé en langue française, dû à M. Demoussy, est inséré dans le tome XXII des Annales agronomiques. et 43%. P.-P, DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE D'AGRONOMIE À celle idée qui nous est depuis longtemps fami- lière, plus récemment M. Berthelot en a ajouté une autre, non moins importante : il a établi que, si la plupart des microorganismes sont des destructeurs de matières organiques, des agents d'analyse d’autres espèces sont des agents de synthèse, et qu'au moment même où ils détruisent une matière organique, ils en édifient une nouvelle plus com- plexe en entraînant en combinaison le plus inerte des gaz de l'atmosphère : l'azote. La découverte des microorganismes fixateurs d'azote a dévoilé ce rôle d'agents de synthèse; elle nous a permis de comprendre comment le sol renferme d'énormes quantités d'azote combiné, d'expliquer l’enrichis- sement en azote des sols de prairies, observé à Rothamsted par Sir J.-B. Lawes, et constaté éga- lement à Grignon. Si cette découverte est encore restée dans le domaine du laboratoire, si jusqu’à présent les microbes fixateurs d'azote n'ont pas été propagés en quantité suffisante pour qu'on puisse les vendre au cultivateur, comme le fail Nobbe pour les ferments des Légumineuses, il faut songer que ces travaux sont très récents: peut- être, dans un avenir plus ou moins éloigné, le com- merce des ferments remplacera-t-il celui des engrais azotés, III. — SOLIDARITÉ DES FIXATEURS D'AZOTE ET DES FIXATEURS DE CARBONE. EXPÉRIENCE DE M. BouiLac. A la fin d'une de ses communicalions à l’Aca- démie sur la fixation de l'azote par action micro- bienné, M. Berthelot a insisté avec une grande élévation de pensée et de langage sur la solidarité qui unil les fixateurs d'azote aux fixateurs de car- bone. Les microbes qui pullulent dans le sol n'y vivent qu'à la condition d'y rencontrer des malières carbonées : débris de végélations antérieures, ra- cines, chaumes, feuilles qui ont été produites par les cellules à chlorophylle, réduisant l'acide carbo- nique sous l'influence des radiations solaires; le. travail des plantes à chlorophylle, des fixateurs de carbone, est ainsi la condition même de la vie, de l'activilé des microbes du sol. Ceux-ci ne fixent de l’azole qu'en détruisant de la matière organique et ne travaillent qu'en profitant du labeur des fixateurs de carbone. Ces derniers, incapables de s'emparer de l'azote libre, ne prospèrent à leur tour que s'ils rencontrent à portée de leurs racines de l'azote engagé en combinaison par l’activité du microbe, el c'est ainsi que, s’aidant mutuellement, les fixateurs d'azote et les fixateurs de carbone as- surent la perpétuité de la vie à la surface du globe. En puisant dans l'immense réservoir de l’atmos- phère, l'acide carbonique et l'azote, et les unissant aux éléments de l’eau, ils élaborent l'infinie variété des matières organiques. M. Bouilhac, licencié ès sciences mathématiques et physiques el... maitre répétiteur au lycée Louis- le-Grand, qui consacre, depuis plusieurs années, toutes ses heures de liberté à venir travailler à mon laboratoire du Muséum, a donné récemment un élégant exemple de cette solidarité des plantes à chlorophylle et des microbes. M. Bouilhac a préparé un liquide ne renfermant que des substances minérales : phosphate et sul- fate de potasse, sulfate de magnésie, carbonate de chaux, traces de perchlorure de fer, et il a ense- mencé avec différentes algues pures, afin de voir si quelques-unes, ayant la propriété de fixer l’azote atmosphérique, se développeraient malgré l’ab- sence d'azote combiné dans le liquide nourricier, Rien n’est apparu dans ses matras. D'autre part, il a ajouté à ces dissolutions minérales quelques centimètres cubes de délayure de terre, afin d'intro- duire les germes des fixateurs d'azote; dans ce cas encore, les ballons sont restés stériles. Ainsi, les algues seules, les microbes du sol, isolés, sont incapables de se développer dans ces dissolutions minérales ; mais nous allons voir qu'il n’en est plus ainsi lorsqu'on les associe les uns aux autres. Cependant, quand on sème dans les liquides nour- riciers le Schizothrix lardacea ou encore l'Ulothrix flaccida, rien ne se produit, quand bien même on y associe les microbes du sol; mais il en est tout autrement quand on sème à la fois ces microbes et le Nostoc punctiforme. Associé aux bactéries du sol, il a prospéré. Il a donné des récoltes variant de 0 gr. 105 à 0 gr. 564, et à 0 gr. 353 de matière sèche, renfermant respectivement 23 milligrammes, 20 milligrammes, 11 milligrammes d'azote prélevé sur l'atmosphère; cette algue renfermait 3,7 p. 100 d'azote, c’est-à-dire qu'elle en était aussi chargée qu'une légumineuse. Quand l'algue verte, en réduisant de l'acide car- bonique, a élaboré de la matière végétale que le microbe fixateur a consommée, la récolte a été abondante. Il à donc fallu la réunion des algues et des bac- téries pour que la vie se manifestàt, et l'expérience de M. Bouilhac, très simple, très nette, démontre avec une rare élégance la solidarité des fixateurs d'azole et des fixaleurs de carbone !. L'intervention des microorganismes dans les transformations que subit la matière organique du sol a donné récemment l'explication rationnelle d'une pratique agricole extrêmement ancienne, qui 1 Comptes rendus, t. CXXU, p. 828. M. Bouilhac se plait à reconnaitre que l'inépuisable complaisance de M. Bornet lui à été d'un puissant secours pour la déterminalion des espèces cultivées. P.-P. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE D'AGRONOMIE 69 a été très justement abandonnée depuis que nous avons un ample approvisionnement d'engrais, mais qui avait sa raison d’être autrefois : la jachère. IV. — La JACHÈRE L'assolement triennal, très répandu dans toute l'Europe pendant le Moyen-Age, s’est maintenu en France jusqu'au xvim° siècle et persiste encore dans les parlies de notre pays où la cullure est peu avancée. Il débute par une jachère : on ne demande à la terre pendant cette première année ancune récolte ; on la travaille à plusieurs reprises, on y incorpore le fumier, puis à l'automne on y sème le blé ; il est suivi d’une avoine qui occupe la terre pendant la troisième année. Après ces deux | récoltes revient la jachère et la succession : blé, avoine, jachère, continue indéfiniment. Il a fallu que nos aïeux aient trouvé à ce mode d'opérer de grands avantages pour qu'ils se soient imposé l’obligalion de laisser, une année sur trois, leurs terres improductives. C'est pour me rendre compte de l'effet de la Jachère que, lorsque je fis construire les cases de végétation de Grignon, en 1891, je résolus de ne pas ensemencer quatre d’entre elles; mais, au contraire, d'y laisser la terre découverte. Les cases de végé- tation sont de grandes boîtes en ciment, de forme carrée ; elles ont deux mètres de côté, un mètre de profondeur et présentent par conséquent une capacité de quatre mètres cubes; le fond, com- plètement étanche, est légèrement creusé en rigole, de façon que les eaux qui ont traversé la terre s’écoulent aisément jusqu'à un orifice, d’où elles passent dans de grandes bonbonnes. Elles y sont | recueillies, mesurées, puis portées au laboratoire pour l'analyse. Pendant l’année mars-1895 mars-1896, landis que les cases qui portaient du blé, de l’avoine, des betteraves, des pommes de terre, ou les Graminées de la prairie, n’ont pas laissé couler une seule goutte d'eau, que tout ce qui est Lombé de pluie a été rejeté dans l'atmosphère par la transpiration végétale, les cases en jachères ont débité des quan- tités d’eau notables, qui ont varié de 75 à 100 mil- limètres !. Ainsi, à plusieurs reprises, les terres en jachère ont élé salturées d'eau dans toute leur hauteur et ont fourni des eaux de drainage, tandis que les terres ensemencées n’en ont jamais donné; elles étaient donc plus sèches que les terres nues. Pour que la nitrification s'établisse dans une terre, une condition essentielle est que cette terre soit humide. 4 Voir, pour plus de détails, Annales agronomiques, t. XXII, pp. 257 et 515. La jachère assure cette condition et les nitrates apparaissent en quantités considérables. Jusqu'au moment où les prairies artificielles se sont propagées, la culture souffrait terriblement de la pénurie d'engrais; on n'employait guère que le fumier de ferme et, comme on ne faisait aucune culture fourragère, les animaux vivaient de l'herbe de la prairie pendant l'été et de paille pendant l'hiver. Le fumier élait peu abondant, les engrais de commerce faisaient défaut, on ne connaissait, même pas de nom, le plus efficace de tous les en- grais azotés : le nitrate de soude. La jachère avait précisément pour but de remédier à cette absence d'engrais et, en la pratiquant, nos pères réussis- saient inconsciemment à fournir à leurs blés le plus puissant des engrais azotés : le nitrate, que nous faisons venir aujourd'hui à grands frais de la côte américaine du Pacifique. Pendant l’année mars-1895 mars-1896, une terre de Grignon, qui n'avait reçu aucun engrais depuis 1891, a donné des eaux de drainage, renfermant par mètre cube 100 grammes d'azote nitrique, bien qu'elle fût restée sans être travaillée; et une autre terre, qui, tous lesans, avait été très bien travaillée, en fournit 136 grammes par mètre cube. Si l'on cal- cule pour la surface d’un hectare, on trouve que les eaux ont entrainé : dans le premier cas 83 kilos et dans le second 144 kilos d’azote nitrique corres- pondant respectivement à 503 kilos et 874 kilos d'azotate de soude; c'est-à-dire représentant une fumure extrémement abondante. Quand on pra- tique la jachère, les nitrates ne sont pas perdus; dans les terres nues, leur entraînement a lieu sur- toul à l'automne et pendant l'hiver, au moment des grandes pluies ; il est rare, au contraire, que les drains coulent pendant l'été. Or, on peut faire les semailles de blé dès le mois d'octobre; préci- sément avant les grandes pluies et aussitôt que le blé a germé, qu'il a commencé à émettre des ra- cines, elles se chargent de nitrates, s'en emparent etles reliennent ; ils ne disparaissent qu'au prin- temps, au moment où la plante les utilise pour la formation de ses matières azotées. J'ai trouvé bien souvent que des eaux de drai- nage écoulées de terres emblavées en blé étaient bien moins chargées de nitrates que celles que dé- bitaient les drains de terres nues. Pour que les nitrates se produisent, pour que l'année de jachère soit profitable, il faut (nous l'avons dit déjà) que la terre reste humide; elle ne l'est que si elle ne porte pas de végétaux, qui, constamment à l’aide de leurs racines, puisent dans le sol l’eau, qu'ils rejettent dans l'atmosphère par leurs feuilles. Cette année même, j'ai fait un grand nombre de déterminations d'humidité dans des terres nues et 70 P.-P. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE D'AGRONOMIE dans des lerres qui avaient porté du blé ou de l’avoine, ou encore des betteraves ou des pommes de terre, et j'ai constaté de grandes différences dans la leneur de ces divers sols. Tandis qu'on trou- vait 16 ou 17 centièmes d'humidité dans les terres nues, on n'en dosait que 9 à 10 dans les terres emblavées; or, si la nitrification s'établit, osi les ferments nitriques prospèrent et travaillent dans une terre qui renferme 17 à 18 centièmes d'humi- dité, ils ne présentent qu'une faible activité dans une terre relativement sèche; aussi n° y dose-t-on que de très faibles quantités de nitrates. C'est là une notion d’un grand intérêt; en effet, si on laisse pen- dant l’année de jachère la terre se couvrir de plantes adventices, elles dessèchent le sol, et les nitrates ne s'y formeront pas; la jachère aura été inutile, Toutes les personnes qui ont préconisé la jachère, et notamment les agronomes anglais Jethro Tull et le Révérend Smith, ont toujours recommandé de donner à la terre, pendant qu'elle restait nue, de nombreuses facons, ce qui implique la destruction des plantes adventices. Il faut donc, quand on maintient la jachère dans l'assolement, que la terre soit tenue nette et propre. Si on ne prend pas cette peine, si on abandonne la terre à la végétation spontanée, elle sera bientôt desséchée et consé- quemment incapable de produire les nitrates; or, cette production me parait être la raison même qui a fait conserver pendant si longtemps l'usage de la Jachère. Est-ce à dire qu'il faille y revenir? Rien n'est plus loin de ma pensée. Aujourd'hui, nous avons des prairies artificielles, nous cultivons des plantes fourragères, nous entretenons plus d'ani- maux qu'on ne le faisait autrefois; par suite, nous avons bien plus de fumier; s’il nous fait défaut, nous pouvons acquérir des engrais de commerce, des tourteaux, du nitrate de soude, du sulfate d’ammo- niaque, et il n’y a plus aucune raison pour laisser pendant toute une année la terre improduetive. Si faible que soit la récolte, elle sera toujours suffi- sante pour payer le nitrate que la jachère permet- tait de faire apparaître dans les terres. Actuellement, la jachère est justement abandon- née; mais il est cependant curieux de constater qu'à force d'observations répétées, nos pères aient su transformer en matières assimilables l'humus inerte de leursterres. Ils avaient imaginé quela terre avait besoin de répos; elle ne se reposait pas, puis- que les ferments qu'elle renferme toujours y travail- laient à préparer l'abondance des récoltes futures. V. — PERTE D'AZOTE DES SOLS CULTIVÉS EN VIGNES. Dans notre revue de 1895!, nous avons insisté sur le contraste que présentent les faibles exigences ! Revue générale des Sciences, tome VII, p. 4008. de la vigne en matières azotées et l'abondance des fumures qu'elle recoit. Notre confrère à l’Académie des Sciences, M. Muntz, dont nous rappelions les travaux, attribue la nécessité de ces copieuses fu- mures aux pertes qu'entraine la nilrification dans les sols couverts de vignes. Nous pouvons apporter celte année une preuve décisive de l'exactitude de cette manière de voir. Deux des cases de végéla- tion de Grignon, auxquelles nous faisions allusion plus haut, sont plantées en vignes. Chacune d'elles porte 4 pieds; c'est donc un pied par mètre carré. Cette année, ces vignes, qui sont à leur troisième feuille, ont donné une récolte de raisin extrêmement abondante, se montant pour une des cases à 1 kilos 520 grammes correspondant à 18.800 kilos de raisin à l’hectare, et pour l'autre à 7 kilos 580 grammes, correspondant à 18.950 kilos à l’hec- tare. On peut déduire de ces chiffres que la vigne a trouvé dans le sol tous les éléments nécessaires à un puissant développement. Et cependant, bien que nous n’ayons distribué aucune fumure au sol de ces cases depuis 1893, époque de la plantation de la vigne, les terres ont perdu de fortes quantités de nitrates. Elles ont été particulièrement importantes pendant le dernier automne. On a trouvé dans les 275 litres d’eau de drainage écoulés de la case n° 16, 15 gr. 680 d'azote nitrique qui, calculés à l'hectare, représentent 39 kilos 200 grammes; pour la case n° 17, bien que la quantité d’eau ait été presque semblable puisqu'elle est de 284 litres, la quantité d'azote perdu est beaucoup plus forte; elle se monte à 32 gr. 348 correspondant, pour la surface d’un hectare, à 80 kilos 870 grammes d'azote, quantité qui dépasse, dans une très forte mesure, celle que contiennent les différents pro- duits d’un hectare de vigne. Pour concevoir corm- ment la nitrification peut être aussi active dans une vigne, il faut se rappeler que les pieds sont très écartés les uns des autres, que, par suite, la con- sommation d'eau due à la transpiration des feuilles, est beaucoup plus faible que pour les plantes her- bacées. On sait, en effet, que la vigne prospère sur les coteaux secs et arides incapables de porter aucune plante annuelle, et cela est dû, non seule- ment à ce que la vigne peut, avec ses longues ra- cines, aller puiser l'eau dans les couches pro- fondes, mais aussi à ce que sa transpiration est faible par rapport à celle du blé, de l’avoine ou des betteraves, semés en lignes serrées et rejetant dans l'almosphère par leurs feuilles, d'énormes quan- tités d’eau. Une terre en vigne est donc, dans une certaine mesure, une terre en jachère. Ses pertes en nitrates sontexcessives, et nul doute qu'il n’y ait un puissant avantage à semer entre les rangées de vignes, dès | P.-P. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE D'AGRONOMIE 71 les premières pluies d'automne, des cullures déro- bées de Légumineuses ou de plantes d’une autre famille qui, rejetant dans l’atmcsphère l'eau tom- bée, restreindraient où même évileraient complè- tement les pertes que déterminent l'infiltration de cette eau au travers du sol et la dissolution des nitrates qui s’y forment. NI. — LA RÉDUCTION DES NITRATES DANS LA TERRE | ARABLE. La réduction des nitrates dans la terre arable a provoqué dans ces derniers temps, particulière- ment en Allemagne, de nombreux travaux qu'il importe de discuter, non seulement à cause de l'intérêt pratique de la question, mais aussi parce que quelques agronomes ont été entrainés à des conclusions qu'on ne saurait admettre avant un sérieux examen. M. Schlæsing a reconnu en 1873 qu'une terre renfermée dans un flacon perdait à l'état libre l'azote de ses nitrates. En 1882, MM. Gayon et Du- petit à Bordeaux, d’une part; M. Maquenne et moi à Paris, de l’autre, — opérant à l'insu les uns des aulres, — nous sommes arrivés simultanément à établir que cette réduction était l’œuvre de fer- ments anaérobies. Plus récemment, en 1892, M. E. Bréal, qui tra- vaille à mon laboratoire du Muséum depuis de lon- gues années, a découvert sur divers fragments végélaux, notamment sur la paille, un ferment capable de réduire les nitrates, même en présence de l'air. Enfin, en 1895, M. Wagner, très frappé de voir que souvent l'azote du fumier n’exercait qu'une faible action, eut l'idée de rechercher si les déjec- tions des animaux ne renfermaient pas des bacté- ries réductrices de nitrates; il incorpora à des terres du nitrate de soude; tantôt il laissa les sols en expériences sans aucune autre addition, puis lantôt, au contraire, il y introduisit des déjee- tions fraiches des animaux de la ferme; lavant ensuite les terres, il reconnut que cette addition avait élé funeste et que les terres chargées de déjections avaient perdu une partie des nitrates introduits. J'ai repris moi-même cette question et j'ai cons- laté, en effet, que non seulement la paille, ainsi que l'avait élabli M. Bréal, mais aussi les déjections des animaux, contiennent des ferments réducteurs, que j'ai réussi à cultiver aisément dans des milieux artificiels renfermant, outre des nitrates, de l’ami- don et des traces de phosphate de potasse ; la ré- duction est assez rapide pour être montrée dans un cours; l'azote dégagé est souvent mélangé de protoxyde d'azote ; nous avions déjà reconnu le dégagement de ce gaz dans les expériences que nous avions exécutées, M. Maquenne et moi, en 1882. Si l’on observe la réduction rapide des nitrates dans un ballon ouvert dans lequel on à mis de l'amidon el qu'on a ensemencé avec quelques bri- bes de crottin de cheval ou de bouse de vache, — c'est-à-dire dans un milieu où l'air arrive librement, — elle est beaucoup ralentie quand on fait passer au travers du ballon un courant d'air; dans ces conditions, elle se produit encore cependant. Quand on évapore à sec les liquides et qu’on pèse le résidu obtenu, on y trouve du bicarbonate de potasse et très peu de matière organique; la plus grande partie de l’azote s’est dissipée à l’état libre. Ces ferments semblent n'utiliser que l'oxy- gène des nitrates. Tandis que je poursuivais ces études à Grignon, les agronomes allemands s’en occupaient de leur côlé. Ils sont même arrivés plus loin que moi sur certains points; ils semblent avoir réussi à isoler à l’état de pureté ces ferments réducteurs. MM. Bari et Stutzer notamment, ont éludié une espèce par- ticulièrement active : le Bacillus denitrificans C. Je n'’insisterai pas ici sur ces détails. Ils seront mieux à leur place dans un mémoire que dans un article, et j'arrive promptement aux conséquences pratiques que les auteurs ont voulu tirer de leurs études. Ils remarquent avec beaucoup de raison que les ferments, agissant bien mieux à l'abri de l'air qu'en sa présence, sont conséquemment moins à craindre dans une terre bien aérée, que dans une autre qui le serait moins complètement. Si les auteurs se bornaient à conseiller de multiplier les facons pour réduire la terre en poudre et surtout briser les motles qui, je l'ai montré, sont mal aérées, on n'aurait aucune objection à leur faire; mais ils vonl plus loin, et la crainte d'introduire dans le sol avec le fumier les ferments dénitrificateurs des fèces des animaux, les conduit à proposer de trai- ter ce fumier par un acide, avant son emploi. C'est iei que notre désaccord est complet; car avant d'admettre cette solution radicale, il faut examiner de près les expériences sur lesquelles elle s'appuie. Dans les essais de M. Wagner, point de départ de tous les travaux que nous résumons ici, les doses d’excréments frais, mélangés aux terres chargées de nitrates, ont été excessives, infiniment plus abondantes que celles qu’on répand dans la culture, et cette proportion exagérée des déjeclions parait être une condilion nécessaire à la réduction des nitrates. Quand on mélange à la terre des déjections à doses modérées, telles que celles qu'on utilise d'ordinaire, loin de voir les nitrates dimi- 72 =“ P.-P. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE D'AGRONOMIE nuer, on les voit augmenter, par suite de la trans- | supérieurs à ceux qu'on obtient par les méthodes formation de l'ammoniaque provenant de la méta- morphose de l’urée. C'est ce qu'a nettement observé M. Pagnoul à Arras, et ce que j'ai moi-même constaté à Grignon à plusieurs reprises différentes et tout récemment encore !. L'apport du fumier normal dans nos terres ecul- tivées, même chargées de nitrates, est done loin d’avoir les inconvénients qu'on lui attribue sur la foi d'expériences qui ont été exécutées dans des condilions tout à fait différentes de celles qui se présentent dans la culture. Je crois, en outre, que le traitement du fumier par l'acide sulfurique, quand bien même il serait possible, serait nuisible. En effet, toutes nos terres cultivées ont reçu du fumier et dans toutes existent les ferments dénitrificateurs. Au moins, quand j'ai maintenu en expérience des terres chargées de nitrates, en les addition- nant d'amidon de façon à favoriser l’action des ferments, j'ai toujours vu les nitrates y diminuer. Est-il bien certain, en outre, que l’alcalinité du fumier ne soit pas absolument utile ? Quant à moi, je la crois indispensable pour créer le milieu favorable à la nitrification, et pour main- tenir les phosphates à l’état assimilable. J'ai insisté sur ce point dans ma dernière revue, lrop pour y revenir de nouveau. Songe-L-on enfin à la quantité d'acide sulfurique qu'il faudrait pour stériliser tout le fumier em- ployé? Il est bien à remarquer, au reste, que le fumier est enfoui à l'automne, et que, si les ferments déni- trificateurs qu'il apporte détruisent les nitrates qui existent encore dans le sol, le mal n’est pas bien grand, puisque, si les nitrates ne sont pas détruits, ils seront fatalement enlevés par les eaux. Quant au nitrate de soude, on ne l'introduit qu'au printemps, alors que les ferments, déjà depuis longtemps disséminés dans le sol, ont sans doute perdu une partie de leur activité. Si l'addition suc- cessive du fumier à l'automne et du nitrate au printemps était funeste, on ne verrait pas l'usage de ces fumures mixtes progresser constamment, et, si elles sont chaque jour plus répandues, c’est qu'elles sont efficaces. Je ne crois donc pas qu'il faille conseiller aux praticiens de traiter le fumier par l'acide sulfu- rique avant de l'épandre, el, dans tous les cas, il conviendrait, avant de préconiser ce traitement, d'étudier l’action qu'exercent dans les différents sols ces fumiers acides et de s'assurer qu'ils sont 1 Voyez notamment Annales agronomiques, tome XVIII, p. 213, 1892. | usuelles ; en effet, ces fumiers, au lieu de carbo- nate d'ammoniaque, renfermeraient du sulfate d’ammoniaque, qui, loin d’être avantageux sur les terres calcaires, y est souvent nuisible, VII. — LES PERTES D'AZOTE DANS LA FABRICATION DU FUMIER. C MM. Muntz et Girard ont établi depuis long- temps déjà que pendant la fabrication du fumier les pertes d'azote sont considérables. Leur mode d'opérer est facile à saisir : ils pèsent les animaux au commencement de l'expérience et ils pèsent également les rations et les lilières distribuées pendant la durée des observalions. Ils dosent en outre l'azote contenu dans ces aliments et ces litières; ils recueillent les déjections solides et liquides mélangées aux litières, les pèsent et y dosent encore l'azote. L'augmentation de poids des animaux constatée à la fin de l'observation, l'accroissement de la laine, ou la pesée du lait produit, donnent, avec une approximation suffi- sante, la fraction de l’azote des aliments utilisés ‘par les animaux. La pesée et l'analyse des litières indiquent la quantité d’azote rejelée sous forme so- lide ou liquide. Si les matières azotées des aliments sont em- ployées à former dans l'animal des museles, de la laine, ou du lait, et que l'excédent soit rejeté à l’état durée, d'acide urique, d'acide hippurique,ete., on devra retrouver intégralement l'azote que ren- fermaient les fourrages et les litières. Or, il est bien loin d’en être ainsi, la perte est importante : elle s'élève parfois à 50 centièmes, toujours elle dé- passe 20 centièmes. Si l'on ajoute à l'azote retenu dans le fumier pro- duit, celui qui a été utilisé par l'animal, on trouve pour leur somme un nombre très inférieur au chiffre d'azote que contenaient les fourrages con- sommés et les litières salies. L'excédent s’est dégagé en majeure partie à l'état de carbonate d'ammoniaque. Entrainés par leurs études sur les ferments dénitrificateurs, les agronomes allemands, suivis par un écrivain français dont la chronique agri- cole dans un grand journal est très répandue, ont cru que ces pertes devaient être attribuées à la destruction des nitrates. IL importe ici de bien distinguer la nature du fumier dont on s'occupe. S'il s’agit de l’engrais produit en recueillant dans de la tourbe les déjec- tions des animaux, on peut discuter, car les nitrates y apparaissent; mais si l'on parle du fumier pro- duit avec des litières de paille, la discussion tombe; il n’y à pas de nitrates dans ce fumier qui est infi- P.-P. DEHÉRAIN — REVUE ANNUELLE D'AGRONOMIE 13 . niment trop alcalin pour que les ferments nitriques puissent y travailler. Ce n'est donc pas aux fer- ments dénitrificateurs qu'il faut s'en prendre, mais à ceux qui pullulent dans les urines mêlées aux déjections solides des animaux. Que l'urée soit transformée en ammoniaque par L'action d’un ferment, c'est ce que M. Van Tieghem nous à appris depuis longlemps. Quand on ajoute à de l'urine stérilisée un peu de bouse de vache ou de crottin de cheval, etqu'on expose ce mélange dans une étuve à 30 degrés, on reconnait qu'il ya des pertes d'azote considérables. Cette observation, ne fait que confirmer celles de MM, Muntz et Girard. Il est parfaitement certain que celte perte est due à l'action de ferments. Elle a lieu à l’état de carbonate d'ammoniaque et se produit par la volatilisation de ce sel quand les urines fermentées sont exposées à l'air libre; quand on les maintient en vase clos, bien que communiquant à l'air par un tube, elles diminuent dans une énorme proportion. C’est pendant que les lilières salies restent sous les animaux, qu'elles sont exposées à l'air, que la volatilisalion du carbonate d'ammoniaque se pro- duit: aussilôt que les lilières sont accumulées dans le tas de fumier, les pertes cessent. Ces connaissances étant acquises, ne convient-il pas de chercher à réduire la déperdition de l’am- moniaque sans aller jusqu'à répandre sur Îles litières du superphosphate très acide, ou même de l'acide sulfurique, de facon à tuer tous les êtres vivants qui y pullulent? Actuellement, fabriquer du fumier, c'est atla- quer la paille à l'aide des ferments et des carbo- nates alcalins, de facon à y faire naître la matière noire qui provient de la vaseulose de la paille. Sur les trois composés ternaires qui constituent la plus grande partie de la paille elle-même : gomme, cellulose et vasculose, les deux premiers sont détruits par l'action des ferments : la gomme, à la partie supérieure de la masse réunie sur la plate- forme, là où l'oxygène pénètre encore et où la | température s'élève jusqu'à 69 degrés. On ne trouve dans l'atmosphère de cette partie du tas, que de l'azote et de l'acide carbonique : plus bas, à mi- hauteur, l'atmosphère renferme encore de l'azote et de l'acide carbonique, mais contient, en outre, du gaz des marais où méthane, qui provient de la destruction de la cellulose. Cette destruction n’a lieu que dans un milieu très alealin. Si on ajoute REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897, au fumier de l'acide sulfurique, qu'on détruise par cela même le carbonate de potasse des urines et le carbonate d'ammoniaque provenant de lurée, les fermentations s'arrètent; la paille reste intacte, La vasculose, matière première de l’humus, n’est pas séparée de la gomme et de la cellulose; la fabricalion est manquée, Pendant que le fumier fermente sur la plate-forme, les déperditions d'am- moniaque sont nulles. Si, rapidement, on enlève des étables les litières salies, si on soustrait les urines, déjà chargées de carbonate d’ammoniaque, à l'action de l'air, on réduira ces pertes d'azote dans une énorme proportion. Elles se produiront encore cependant, mais dans une faible mesure. Quelque déplorables qu'elles soient, -elles ne me paraissent pas comparables au dommage que cau- serait à la culture l'absence de l’humus apporté par le fumier. Car, bien que je n’en aie pas encore fait une élude spéciale, je ne crois pas qu'il soit possible d'obtenir la décomposition de la paille dans des milieux acides. Tandis qu'il est facile de se procurer, à prix d'argent, des engrais azotés ou même de fixer dans le sol de l'azote atmosphé- rique en cultivant des Légumineuses, la fabrica- tion du fumier, telle quelle est conduite habituel- lement, est la seule source d’humus à laquelle nous puissions puiser régulièrement, et l'on peul être étonné que M. Grandeau, qui à montré l'in- fluence qu'exerce l'humus sur l'assimilation des matières minérales par les plantes, abandonne si aisément la production de cet humus par le fumier de ferme. Je resterai donc formellement opposé à l'idée d’arroser chaque jour les litières avec de l'acide sulfurique dilué, où même de répandre dans les étables des superphosphates acides, lant qu'il n'aura pas été démontré que les lilières ainsi traitées peuvent encore fermenter régulièrement. Je crois que celte pralique serait absolument nui- sible. Il est très utile cependant que les études sur les perles d'azole que subissent les déjections des animaux soient reprises, il faut espérer qu on réus- sira à les restreindre ou même à les éviter, tout en continuant à apporter au sol, à l'aide du fumier fermenté, un agent de ferlililé indispensable l'humus. P.-P. Dehérain, de l'Académie des Sciences, Professeur au Muséum et à l'Ecole nationale d'Agriculture de Grignon: BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE 14 ANALYSES 1° Sciences mathématiques Raffy (L.), Professeur-adjoint à la Faculté des Scienses de Paris. — Leçons sur les applications géomé- triques de l'Analyse (Éléments de la théorie des courbes et des surfaces). — 1 vol. grand in-8° avec figures. Gauthier-Villars et fils, éditeurs. Paris, 1896. Dans le livre que M. Raffy vient de publier sous le titre qui précède, l'auteur s'est surtout proposé de coordonner des théories € parses pour en faire up corps de doctrine. Il commence par les délinitions analy- tiques des courbes et des surfaces, choisit non les plus générales, mais les plus simples possible. I a, mise en œuvre de ces définitions, dans les premiers cha- pitres, est assurément l’une des parties de l'ouvrage qui contribuent le plus à lui donner un caractère d'ori- ginalité. A ce point de vue, le x1° et dernier chapitre : Ares, aires et volumes, est à rapprocher des premiers : les définitions étant analytiques, aucun résultat n'est em- prunté à la géométrie; l'aire du triangle est obtenue par intégration. Les aires et les volumes reçoivent, peut-être pour la première fois, leurs vraies définitions, exemples de tout malentendu, de toute équivoque. Les aires, même planes, sont des intégrales doubles, les volumes des intégrales triples, au lieu d'employer res- pectivement des intégrales simples et des intégrales doubles, comme on le fait d'habitude. La théorie acquiert ainsi un caractère incontestable de grande rigueur ana- lytique. Dans tout le cours de cet ouvrage, M. Raffy a tenu à apporter la plus grande attention aux questions de signes, ce dont on ne saurait assez le louer, car c'est bien souvent, pour les personnes insuffisamment habi- tuées à ces notions, une cause continuelle d'hésitation et de trouble. Nous devons recommander tout spécia- lement, à ce point de vue, ce qui est relatif à la torsion, aux paramètres de distribution et aux rayons de cour- bure des surfaces. La théorie des surfaces, en ce qui concerne les pro- priétés du 1°r et du 2° ordre, est traitée complètement en coordonnées curvilignes avec l'introduction des deux formes quadratiques fondamentales, et une grande place à été faite aux systèmes conjugués. Cela donne à l'exposition une physionomie essentiellement moderne. Ce qui précède suffit pour qu'on se fasse une idée générale de la substance de l'ouvrage de M. Raffy; il nous reste à dire quelques mots de la forme, dont on constate, même à une lecture rapide et superticielle, qu'il à eu constamment le souci. La recherche de la clarté, de l'élégance, el aussi, bien entendu, de la cor- rection du style, est évidente à chaque page el pour ainsi dire à chaque ligne. On reconnait, à ne pouvoir sy méprendre, que k auteur est un professeur, el qu'il professe ici encore, la plume à la main el non plus par la parole, bien plus préoccupé de ses élèves (c'est-à- dire de ses lecteurs) que de lui-même. Les Leçons sur les applications géométriques de l'Analyse sont, à ce point de vue, un véritable modèle à suivre, et qui sera suivi, nous voulons l’e spérer. Trop fréquem- ment, des auteurs du plus grand mérite laissent, dans leur dédain de la forme, planer sur leurs écrits une obscurité décourageante pour des étudiants. Cela peut, à la rigueur, être excusable dans un mémoire où l’au- teur, tout plein de ses propres idées, n'a d'autre souci que de produire ses découvertes, à peu près comme elles se présentent à son esprit. Dans un ouvrage clas- sique, intéressant en mais destiné surtout à ceux so, ET INDEX qui apprennent, il en va tout autrement, et le devoir du professeur est d'aplanir la route à celui dont il est le guide; non pas en esquivant plus ou moins habile- ment les difficultés, mais en s'altachant à la clarté d'une facon telle, qu'on soit assuré de ne pas voir des difficultés se produire en dehors de celles qui sont inhérentes au sujet lui-même. Cela demande beaucoup de patience, de soin et de travail; mais sans ces vertus, et malgré tout le talent du monde, il n'y à pas de pro- fesseur, Les étudiants qui ont suivi depuis bien des années l'enseignement si clair et si précis que donne M. Raffy à 2 Faculté des Sciences, enseignement dont ils font l'éloge avec tant de sincérité et dont ils se montrent si reconnaissants, seront heureux de «l'entendre » encore, même s'ils sont aujourd'hui loin de Paris; car ce sera l'entendre, et l'entendre avec profit, que de lire ses Lecons avec tout le soin et toute l'attention dont elles sont dignes. C.-A. LaïsanT, Docteur ès sciences. 2° Sciences physiques uyot (A), Chef des travaux chimiques à la Faculté des Sciences de Nancy. — Etude de quelques homologues de la diphénylanthrone. (Thèse de la Faculté des Sciences de Nancy.) — 1 brochure in-4° de 41 pages. Imprimerie Jochum, 13, rue de Serre. Nancy, 1896. L'auteur à étudié la condensalion du tétrachlorure du phtalyle, fusible à 88 degrés, avec le benzène, au moyen de la réaction de MM. Friedel et Craft. - Cette condensation a lieu en plusieurs phases: il se forme, tout d'abord, de lanthraquinone ; une conden- sation plus avancée donne du phényloxanthranol, et enfin, comme produit ultime de la réaction, on obtient la diphénylanthrone. De la nature des composés intermédiaires formés dans cette réaction, l'auteur conclut à la dissymétrie du tétrachlorure de phtalyle, fusible à 88 degrés, car, des deux formules de constitution proposées pour ce compose : CICR 6 | CCE (01 CT) et CHA A CO.CI C— CE I Il et entre lesquelles aucune réaction n'avait permis jus- qu'aujourd'hui de décider, la formule dissymétrique seule, c'est-à-dire la formule IE, rend compte. de la for- mation de ces dérivés anthracéniques. Les deux formules suivantes feront comprendre l'ana- logie qui existe entre l'anthraquinone, produit indus- iel servant à la préparation de l'alizarine, et l'anthrone, substance dont les dérivés ont été relativement peu étudiés jusqu'à présent : (y CE N RÉRREN OR. NAN CO 0 ‘ co / N/ Anthraquinone Anthrone Le groupe C :H> de l'anthrone est susce ptible de don- ner lieu à des substitutions, et c'est le dérivé diphénylé | 1 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 75 de la formule suivante que l'auteur s'est proposé d'étu- dier : CHEN CE NS7A AU id SCO JE L'auteur à préparé divers homologues de ce composé el un certain nombre de matières intermédiaires néces- saires pour ces recherches. Il à reproduit la tolylphé- nylphtalide et la ditolylphtalide, puis l'acide ditolyl- phénylméthane-o-carbonique, ele. Il à préparé, en outre, divers dérivés de l'anthrone comme la phényl- tolylanthrone et la ditolyl et la phényltolyl-$-méthy- lanthrone. ; Chose heureuse à constater, cette thèse, faite sous la direetion de M. Haller, à l'Institut Chimique de Nancy, a été soutenue devant la Faculté des Sciences de la mème ville. Le fait doit se présenter rarement, car cette thèse porte comme numéro d'ordre le chiffre 10; aussi nous permettrons-nous de féliciter M. Guyot de cel excellent exemple de décentralisation. G.-F. JAUBERT, Préparateur à l'École Polytechnique. Livache (A.), Ingénieur civil des Mines. — Vernis et Huiles siccatives. — 1 vol. in-16 de 316 pages. (Priæ relié : 10 fr.) Baudry et Cie, éditeurs, 15, rue des Saints-Pères. Paris, 1896. _ La technique de la fabrication des vernis était, Jus- qu'à ces dernières années, fort peu connue, les indus- triels gardant jalousement leurs procédés de fabrica- tion. Le livre de M. Laurent Naudin (Encyclopédie Léauté) avait déjà fait connaître la pratique de cette industrie séculaire. Le volume dù à la plume autorisée de M. Livache vient donc à son heure, apportant aux praticiens des données nouvelles, permettant de fixer, par une connaissance approfondie des malières pre- mières mises en œuvre, les résultats que l’on est en droit d'attendre, lorsqu'un examen attentif du procédé employé précède la pratique industrielle. Le livre de M. Livache est divisé en deux parties. La première comprend l'étude des vernis volatils; elle traite successivement des caractères généraux des gommes résines propres à la fabrication des vernis, telles que succin, copals, damar, mastic, sandaraque, élémi, benjoin, térébeuthines, colophane, laque, gomme- gutte, sang-dragon, caoutchouc, gutta-percha, camphre, celluloïd. Pour chaque espèce de résine, M. Livache à “indiqué l’origine, les sortes commerciales, les carac- -tères analytiques, les falsifications. Le chapitre réservé aux copals est particulièrement bien traité; mais, nous estimons, par contre, que l’étude des produits si inté- ressants, tels que le caoutchouc, la gutta, le celluloïd est trop sommaire ‘, étant donnée l'importance que ces produits prennent de jour en jour dans la fabrication des vernis pour navires, pour vernis souples, pour l’ap- plication sur métaux; cannes, cravaches, ballons, etc. Eu égard aux falsifications nombreuses de la gutta- percha et du caoutchouc, il nous semble qu'il eût été intéressant d'indiquer les méthodes d'analyse et de dosage si ingénieuses de M. Montpellier. La première partie du livre de M. Livache comprend “également l'étude des dissolvants, des matières colo- rantes le plus communément employées pour la fabri- cation des vernis. Le chapitre relatif à la préparation des résines, à l'action de la chaleur, donne la description détaillée des différents procédés suivis industriellement, et M. Livache a exposé d'une facon très judicieuse les ! Nous sommes persuadé que cette lacune sera comblée dans une prochaine édition, avantages et inconvénients de chaque procédé. Nous sommes d'autant plus heureux de signaler ce chapitre à l'attention des fabricants de vernis, que générale- ment, dans les livres publiés sur les vernis, la partie consacrée au (traitement industriel des résines est exposée d'une facon trop sommaire. La première partie consacrée aux vernis volatils est terminée par une étude complète des vernis fabriqués avec les diverses résines, classification des vernis, action des dissolvants, et par une méthode générale d'analyse pour l'essai des vernis volatils. Dans la seconde partie de louvrage, M. Livache aborde l'étude des huiles siccalives et des vernis gras. Les beaux travaux de M. Livache sur les huiles sic- calives de lin lui donnent toute autorité pour traiter la question de l'emploi rationnel des huiles siccatives, en se basant sur la siccativité de chacune d'elles. Les procédés dus à M. Livache sont, en effet, entrés dans la pratique du laboratoire du chimiste et dans l'in- dustrie. La constitution des huiles siccatives, l’action de l'oxygène, les procédés à employer pour augmenter la siccativité des huiles, sont l’objet d'une étude très approfondie !, L'industriel trouvera dans ces pages d'excellents renseignements. M. Livache à cru devoir indiquer les caractères ana- lytiques de chaque espèce d'huile siccative, de facon à permettre à l'industriel et au chimiste le contrôle de la pureté des matières grasses mises en œuvre. Nous eslimons, pour notre part, que les données fournies par M. Livache, comme étant caractéristiques de la pureté de ces huiles, sont insuffisantes, eu égard aux très nombreuses falsifications dont elles sont l'objet. Quelques-unes des réactions colorées indiquées ont été abandonnées totalement; en particulier l’action du chlore pour reconnaitre la falsification des huiles de lin par les huiles de poissons. Les travaux qui ont été publiés à ce sujet par M. Ruffin ont, en effet, démontré que cette réaction indiquée par Fauré, en 1839, comme élant caractéristique des huiles de poissons et facile à contrôler, présente, malheureusement, dé telles ano- malies qu’elle induit très souvent en erreur. : Nous pensons que M. Livache a voulu indiquer briè- vement à l'industriel les constantes des huiles siccatives, estimant, et c'est notre avis, que l'examen des huiles au point de vue de la pureté comporte de trop nom- breuses déterminations et procédés pour être mis à la portés des industriels et que ces recherches toutes spé- ciales doivent être confiées à des spécialistes. Il eût été intéressant de faire connaitre les huiles de camphrier, de bois de Cochinchine, de bois de cèdre, du bois de Japon et noix de Baucoul, qui peuvent être employées concurremment avec les huiles de lin, de pavot, de coton, chènevis, ricin Eleocaca. Ces huiles exotiques, peu connues en France, sont, en effet, très siccalives. Employées pour la fabrication des vernis, en Angleterre, en Chine, au Japon, elles fournissent d’excéllents vernis pour les coques de navires, et les métaux oxydables. La seconde partie de l'ouvrage de M. Livache ren- ferme les formules générales pour la préparation des vernis gras, et l'exposé des caractères que doit pré- senter un bon vernis, et est terminée par une méthode générale d'analyse de ces produits. Le livre de M. Livache est appelé à rendre de réels services aux techniciens et aux industriels. L'exposé très clair du sujet, les nombreux procédés industriels décrits avec soin, les aperçus nouveaux qu'il ren- ferme, font de l'ouvrage de M. Livache un livre inté- ressant et utile à consulter par les fabricants de vernis. Juces JEAN, Ingénieur-chimiste. 4 Nous signalons à l'attention des fabricants de vernis un récent travail de M. le D' Asmel, au Congrès de Zurich, 1895, sur l'huile de lin et les vernis à l'huile de lin, 16 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX Barillot (E.), Directeur technique de l'Usine de Dis- tillation de bois des Grands-Moulins. — La Distil- lation des Bois. — 1 volume in-16 de 168 pages, avec 53 figures, de l'Encyclopédie scientifique des Aide- Mémoire, publiée sous la direction de M. H. Léaulé, de l'Institut. (Prix: broché, 2 fr. 50; cartonné, 3. fr.) Gäuthier- Villars et G. Masson, éditeurs, Paris, 1896. L'emploi du bois comme combustible tend à baisser de plus en plus, alors que, par contre, l'utilisation du bois dans l'industrie chimique tend à se développer aussi bien en France qu'en Allemagne et en Amérique. Aussi l'ouvrage de M. Barillot sera-t-il bien accueilli des propriélaires forestiers, des chimistes et des indus- triels qu'intéresse la: distillation des bois. L'auteur y a exposé le résullat de ses expériences personnelles et de nombreuses données numériques sur les rende- ments et les prix de revient, tous documents précieux pour le praticien. Il étudie successivement les matières premières, leur prix de revient; l'installation des usines; les rendements industriels avec des détails, et accompagne cette étude des considérations économiques qui s'y rapportent. Vient ensuite la fabrication des divers dérivés de la distillation du bois: les acétales de chaux et de soude, les méthylènes, l'acétone, d'acide acétique. Un chapitre Spécial est consacré à l'étude des pro- duits de la distillation des goudrons de bois, à la fabrication des produits pharmaceutiques, tels que le gaïacol, la créosote, la pyrocatéchine, dont lat fabri- cation est suceptible de donner un nouvel intérêt aux usines de distillation des bois. La dernière partie est consacrée à l'analyse des pro- duits dérivés du bois. . En résumé, l'ouvrage de M. Barillot sera fort utile aux praliciens en raison des nombreux documents qu'il renferme el qui sont de nature à les guider sùre- ment dans leurs travaux. X. Rocques, Ingénieur-chimiste. 3° Sciences naturelles Duclaux (E.), Membre de l'Institut, Professeur à la . Sorbonne, Directeur de l'Institut Pasteur, — Pasteur. Histoire d’un Esprit. — 1 vol. in-8° de 400 pages. (Prix : 5 fr.) G. Masson et Ci° éditeurs. Paris, 1896. Dans cet ouvrage, l’ancien disciple du maitre, devenu aujourd'hui le continuateur de son œuvre, retrace étapes par étapes la vie scientifique de Pasteur. Cette vie « à été le développement logique et harmonieux d'une même pensée », et c’est pour cela que l'histoire en est particulièrement instructive et pleine dattraits. Ce sont d'abord les recherches physico-chimiques sur Fhémiédrie des tartrates et sur leur pouvoir rotaloire, où Pasteur dégage la notion fondamentale d'une rela- lion nécessaire entre l'activité optique et la dissymétrie moléculaire, germe précieux dont, vingt ans après, Le Bel et Van CHoff devaient tirer la stéréochimie. La présence de corps actifs dans les produits de la fermentation alcoolique engage Pasteur dans une nou- velle: voie, et nous lé voyons successivement étudier les fermentations lactique, alcoolique, butyrique, eten établir la cause nécessaire : le phénomène exige la pré- sence d'un être vivant spécifique, se reproduisant iden- tique à lui-même avec ses caractères el ses propriétés. Cette hérédité des ferments, Pasteur veut la généra- liser en combattant la théorie des générations sponta- nées, et M. Duclaux nous fait assister aux luttes pas- sionnées qu'il soutint contre Pouchet, plus tard contre le D' Bastian, pour démontrer en toute certitude l'exis- tence des germes, L'acétification, où Liebig ne voulait voir qu'un phéno- mène d'oxydation purement chimique, semblable à celui que réalise la mousse de platine, appelait néces- sairement l'attention de Pasteur, et « moins d'une année lui suffit pour faire sur ce sujet un de ces tra- vaux à la Lavoisier, qui deviennent tout de suite clas- siques par leur ampleur, leur élégance et leur simpli- cité. » Ce fut un vrai triomphe des idées nouvelles, et Liebig n'osa pas relever le défi porté devant l'Académie des Sciences par son redoutable adversaire. Comme l'acétilicalion, les autres maladies des vins devaient être l'œuvre de ferments spéciaux, et, lun après l’autre, Pasteur les découvre et les étudie : de même qu'il avait pu tirer de la connaissance du myco- derma aceti de précieux enseignements pour la fabrica- tion pratique des vinaigres, il fait connaitre, pour con- server les vins, cette méthode de plus en plus usitée, qu'on à nommée pusleurisation. Cette lutte contre les infiniment petits malfaisants, nous voyons Pasteur la poursuivre dans les maladies du ver à soie. L'auteur nous fait assister aux tâtonnements inévitables du maître sur ce terrain nouveau pour lui, puis à ses victoires successives : il y avait, en réalité, deux maladies distinctes, l'une, la pébrine, produite par certains corpuscules, que Pasteur enseigne à pros- crire dans les magnaneries, à l'aide d'une pratique infaillible ; l'autre, la flacherie, dont l'étude met en lu- mière quelques points très importants de la pathologie microbienne, la réceptivité variable selon les individus, l'accroissement de la virulence par les cultures succes- sives, l'influence du mode d'inoculation des microbes. Ainsi placé sur ce terrain, Pasteur était mûr pour aborder les grandes questions qui dominent la patho- logie, mais, nous dit M. Duclaux, la technique lui faisait défaut, et c'est l'étude de la bière qui la per- fectionna. En effet, si ses (ravaux sur la bière four- nirent d'utiles indications à l'industrie des brasseurs, ils furent surtout féconds parce qu'ils amenèrent Pas- teur à résoudre certaines questions incidentes d'un grand intérêt, origine des levures du vin, possibilité de transformation des espèces les unes dans les autres, admise tout d'abord par lui, puis rejetée à la suite d'expériences plus précises. C'est l'examen des varia- tions du rôle des organismes, par les changements de leur mode d'existence, qui conduit Pasteur à sa défini- lion physiologique du ferment : une cellule vivante qui, privée d'oxygène libre, peut le prendre à certaines substances, est un ferment pour ces substances. On sait que cette conception ne fut pas admise par Claude Bernard, qui, dans les derniers jours de sa vie, avait institué des expériences pour la combattre : la publica- tion posthume des résultats obtenus donna lieu entre Pasteur et M. Berthelot à de vives discussions, toujours intéressantes entre de tels esprits, quoique les opi- nions adverses fussent au fond peu différentes, Le travail sur le charbon fut en réalité la première étape du maitre dans le domaine de la pathologie des êtres supérieurs. M. Duclaux nous fait un exposé très net de l’état des idées alors acquises sur ce sujet déjà illustré par les recherches de Davaine et de Koch : il restait à prouver que la bactérie est la seule cause du mal. Cetle preuve, Pasteur, familiarisé avec la pra- tique des cultures, put la donner absolument parfaite, el, chemin faisant, il étudiait le vibrion septique, ce microbe anaérobie qui, malgré son extrême diffusion dans l'organisme des animaux, ne peut que rarement exercer sa redoutable influence, et il pouvait donner aux chirurgiens des conseils pratiques, dont les con- séquences ont élé inappréciables. Les idées de microbes et de virus se rapprochaient de plus en plus dans l'esprit de Pasteur. Le choléra des poules lui apporta des lumières inattendues : des poules, qui, rendues malades par Finoculation, n'avaient pas succombé, résistèrent parfailement à une inocu- lation nouvelle, et cette immunité put être réalisée par linoculation à l'animal d'une culture: vieillie du mi- crobe. On peut donc préparer des vaccins garantis- sant contre l'invasion d'une maladie virulente, et ces vaccins peuventêtre obtenus par l'atténuation des virus. C'est là tout un monde inconnu que le maître se hâte de parcourir. « Pasteur élait monté peu à peu jusqu'à un de ces cols de montagne d'où l’on domine {out un pays nouveau. Il s'y enfonce de suite avec allégresse. » BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 71 Et l'auteur nous le montre appliquant au charbon, puis à la rage, la méthode de vaccination qu'il venait de découvrir, et qui contient en germe tout un infini de promesses pour l'avenir de humanité. Ce dernier chapitre est un résumé lucide de nos connaissances actuelles sur l'atténuation des virus, sur le retour à la virulence, et aussi sur les causes qui déterminent l'immunité. Entre l'explication purement chimique que Pasteur avait énoncée, et la théorie cellu- laire de Metchnikoff, à laquelle Pasteur semblait se rallier aux derniers temps de sa vie, l'auteur penche vers cette dernière, qui d'ailleurs peut très bien se concilier avec la première. Cette rapide analyse peut donner une idée de l'ordre suivi par l’auteur dans son livre, mais elle ne saurait exprimer le charme qu'on éprouve à le lire. Dans cet historique concis, plein d'idées originales el person- nelles, M. Duclaux fait bien revivre le grand esprit du maitre avec son imagination hardie, toujours corrigée par la confiance exclusive dans les décisions de l'expé- rience. Quoique l'auteur ait « laissé de côté tout ce qui est relatif à l'homme, pour ne parler que du savant », la lecture de ces pages évoque pour tous ceux qui l'ont connu, l'image du grand homme « absorbé dans la contemplation des perspectives qu'il découvrait et que son œil élait seul à scruter ou à parcourir », et du lutteur véhément, intolérant comme tous ceux qui ont une foi profonde. Il y à vingt ans, alors que Pasteur n'était encore qu'à moitié chemin de sa gloire, Henri Sainte-Claire Deville nous disait un jour, dans une de ces digressions fami- lières dont il aimait à émailler ses lecons : « M. Pasteur est le vrai modèle du savant, esprit à la fois confiant et critique, attentif et patient, humble comme était Berzélius : il agit toujours en homme sûr de lui-même. Quant à ses expériences, il les fait avec une rigueur inouie, ne négligeant jamais d'observer les plus mi- nimes circonstances. Pasteur ne se trompe jamais. » En réalité, Pasteur s'est trompé plusieurs fois, mais il avait l’art de ne se tromper qu'à demi, et parfois ces erreurs ont été fructueuses dans ce cheminement inin- terrompu vers la vérité, parce qu'elles ont été la cause de retours en arrière entrepris avec des lumières nou- velles. « La grandeur de ses découvertes fait que l'histoire de son esprit peut revêtir les allures d’un roman d'aventures qui serait vrai.» Et en effet, aucune lecture n'est plus attrayante; mais aussi, ne pouvait-on sou- haiter, pour rendre hommage au génie de Pasteur, une plume plus autorisée et plus heureusement inspirée. PAUL SABATIER, Professeur de Chimie à la Faculté des Sciences de Toulouse. 4 Sciences médicales Sonnié-Moret (D'), pharmacien des Hôpitaux de Pa- ris. — Eléments d'Analyse chimique médicale appliquée aux recherches cliniques. — 1 vol. in-8° de 236 pages avec 30 fig. (Prix :6 fr.) Société d'Editions scientifiques. Paris, 1897. La Chimie joue un rôle de plus en plus grand dans le diagnostic, et aujourd'hui la Chimie clinique dispose d'un si grand nombre de méthodes d'investigation qu'elle constitue un domaine bien spécial dans le groupe des sciences biologiques. M. Sonnié-Moret s'est attaché à décrire les procédés d'analyse les plus com- modes des liquides organiques, à l'état physiologique ou pathologique. L'urine occupe naturellement la première place et aussi la plus importante ; les deux tiers du volume lui sont consacrés. Les renseignements précis abon- dent, et les praticiens y trouveront une ample moisson de documents analytiques. Il nous sera permis d'y signaler quelques lacunes : l'étude de l'acide urique, par exemple, dont l'origine et le mode de formation ont fait l’objet de nombreux et récents travaux, est sacritiée, L'auteur ne cite que la méthode de dosage, absolument fausse et aujourd'hui universellement abandonnée, de Heintz:il passe sous silence le seul procédé exact, celui de Salkowski-Ludwig ainsi que les méthodes de Denigès, d'Hermann-Hayeraft qui, sans èlre rigoureuses, sont cependant très suffisantes dans presque tous les cas et doivent à leur rapidité d'exécution d'être suivies dans la plupart des labora- toires. IL serait désirable que l'auteur fit une place, dans sa prochaine édition, à d'excellents procédés de rechérehe du sucre, de nature à suppléer à l'incerti- tude si fréquente des méthodes classiques; tels sont la phénylhydrazine et surtout l'essai si caractéristique par la fermentation. Dans le chapitre consacré au sang et aux sérosités pathologiques, on trouvera un exposé très clair des travaux les plus décisifs consacrés ces temps derniers à la coagulation. La Chimie pathologique de l'estomac est au premier chef une question d'actualité. Quelle que soit la valeur, à bien des points de vue contestable, de la méthode d'Hayem-Winter, cette méthode à une importance si grande dans l'histoire du chimisme stomacal qu'elle n'aurait pas dû, ce semble, être passée sous silence. Les derniers chapitres sont consacrés à la bile, à la salive et au lait. Les critiques qui précèdent ne sont pas pour dimi- nuer la valeur de l'ouvrage ; il est clair, bien divisé et suffisament complet pour les cliniciens qui ne s'écar- tent guère des recherches courantes, et c'est, au demeu- rant, le plus grand nombre. Il faut savoir gré à M. Sonnié-Moret d'avoir con- tribué à répandre le goût de la Chimie médicale en mettant à la portée de tous un précis bien fait, que les médecins consulteront avec fruit et où les analystes ne manqueront pas d'aller chercher méthodes de do- sage et procédés de recherche. Louis HUGOUNENQ, Professeur de Chimie à la Faculté de Médecine de Lyon. Brocq (L.), médecin des Hôpilaur de Paris, et Jac= quet (L.), ancien interne de Saint-Louis. — Précis élémentaire de Dermatologie. Tome IV : Derma- toses d’origine nerveuse. Formulaire. — 1 vol. in-16, de 200 pages, de l'Ercyclopédie scientifique des Aide-Mémoire, publié sous la direction de M. H. Léauté, de l'Institut. (Prix broché, 2 fr. 50; cartonné, 3 fr.) G. Masson et Gauthier- Villars, éditeurs. Paris, 1896. Nous avons à diverses reprises, ici même, analysé les volumes successifs du Précis de Dermatologie de MM. Brocq et Jacquet et montré toute l'utilité de cet ouvrage qui résume les connaissances étiologiques, cliniques et thérapeutiques, actuellement acquises sur les maladies de la peau. Le tome présent.complète ce précis composé de cinq volumes. Il traite des derma- toses d'origine nerveuse : prurits, lichens, urticaires, sclérodermies, ete. Les auteurs ont ajouté au but pra- tique de l'ouvrage en réunissant, dans un formulaire général de dermatologie bien ordonné, toutes les pré- parations pharmaceutiques à employer dans les affec- tions culanées. Dr A. LÉTIENNE. Comby (Jules), médecin de l'hôpital Trousseau. — Traité des maladies de l'Enfance, 2° édition. — À vol. in-12 de 894 pages. J. Rueff, éditeur. Paris, 1896. Comby (Jules), médecin de l'hôpilal Troussenu. — Thérapeutiqué et Prophylaxie des maladies de l'enfance. Formulaire. 2° édition. — 1 vol. in-12 de 806 pages. J. Rueff, éditeur. Paris, 1896. De ces deux ouvrages, l’un donne la description som- maire de toutes les maladies de l'enfance, l’autre dé- taille et explique les médicalions employées chez les enfants. Tous deux parviennent ensemble à la seconde édition. Ils se complètent l’un l'autre et forment un vade-mecum de médecine infantile, commode et pré- cieux pour le praticien. A."f. 18 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 28 Décembre 1896. M. le Président rend compte de la cérémonie de la translation des restes de Pasteur. 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. H.Poincaré signale certains cas d'exception au théorème de Bruns, d'après lequel le problème des trois corps n'admet pas d'autre intégrale algébrique que les intégrales connues, et rec- ülie certaines défectuosités de la démonstration. — M. G. Bigourdan donne le catalogue desnébuleusesnou- velles découvertes à l'Observatoire de Paris de 1891 à 1895 avec l'équatorial de la tour de l'Ouest. — M.E, De- lassus montre que tout système différentiel canonique Y permet de former une infinité de systèmes canoniques o tels que, si l'on en connait une intégrale particulière convenable, on puisse en déduire l'intégrale générale par des intégrations d'équations différentielles tordi- naires. La connaissance de cette intégrale particulière pour un quelconque des systèmes os permet d'intégrer tous les autres et Z par des équations différentielles ordinaires. — M. A. Liapounoff présente quelques considérations sur une série relative à la théorie des équations différentielles linéaires à coeflicients pério- diques. — M. W. Stekloff signale deux conditions nou- velles d'intégrabilité des équations du mouvement d'un solide dans un liquide indélini; ces conditions ne ré- sultent pas de celles déjà indiquées par M. R. Liouville. — Une équation étant représentable par trois systèmes linéaires de points cotés, M. M. d’Ocagne indique comment on peut, par une transformation homogra- phique appropriée, faire en sorte que ces trois systèmes soient réguliers ou sinon que deux des systèmes où un seul système soient réguliers. — M. E. Delsol donne les principes de construction et la théorie d'une ma- chine destinée à recueillir le travail produit par le:gaz qui se dégage d'une solution d’ammoniaque quand on la chauffe. — M. Le Roy montre que le problème des membranes vibrantes peut être regardé comme résolu au point de vue physique; il donne un moyen effectif de former une foncüon continue 3 qui remplit les con- PE . n az . - « ditions prescrites, sauf que z et a’ lieu de se réduire (21 rigoureusement pour £—0 à des fonctions données, en approchent seulement autant qu'on veut. — M.Vas- chy indique comment on peut calculer d'une façon rigoureuse la valeur de l'énergie dans divers problèmes d'Electromagnétisme. 29 SGiENCES PHYSIQUES. — M, Swyngedauw à cons- taté que le potentiel explosif dynamique d'un excitateur terni est plus grand que le potentiel explosif de l’exci- tateur poli; par contre, le potentiel explosif statique de l’excitateur terni est légèrement inférieur au poten- tiel explosif de l’excitateur poli. — M. L. Benoist com- pare la loi qu'il a formulée avec M. Hurmuzeseu sur la vitesse de dissipation de l'électricité par les rayons X avec celle de M. Jean Perrin, relative à l’action des rayons X sur un même gaz à différentes pressions; ces deux lois, obtenues dans des conditions et par des méthodes distinctes, sont au fond identiques. — MM. Ou- din et Barthélemy décrivent un tube de Crookes pour dynamos à courants alternatifs; le tube contient deux électrodes concaves dont les foyers coïncident en un point où se trouve une lame de platine qui agit comme source de rayons X, — M. H. Bagard communique de nouvelles expériences qui ne peuvent laisser aucun doute sur l'existence véritable du phénomène de Hall dans les liquides, malgré les résultats négatifs de M. Florio. — MM. Luys et David adressent des repro- ductions photographiques de décharges électriques, — M. Güntz à constaté que, si l'on chauffe du lithium ou de l'hydrure de lithium avec du carbone ou des com- posés renfermant du carbone, il se forme du carbure de lithium C'L®. Les carbures d'hydrogène donnent aussi du carbure de lithium. — M. Paul Lemoult élu- die la thermochimie du chlorure cyanurique Cy°CF ; c'est un corps (très exothermique ; qu'on le prépare par l'action du chlore sur l'acide cyanhydrique ou par celle du pentachlorure de phosphore sur l'acide cyanurique, on observe un fort dégagement de chaleur. Le chlorure cvanurique est soluble dans l’eau sans décomposition; ce n'est qu'à chaud et à la longue qu'il subit des trans- formations. — M. F. Petit montre que l'eau chargée d'acide carbonique ou de bicarbonate de chaux dissout de petites quantités de fer tandis que le calcaire se pré- cipite. Cette action permet d'expliquer l'allaque des tuyaux et réservoirs en fer par cerlaines eaux, et explique d'autre part, le mécanisme de l'épuration des eaux et des sirops de sucrerie par le fer. — M. A. Dittea constaté qu'en ajoutant à une solution d’un sel haloïde alcalin l'acide de ce sel, on détermine tout d’abord une diminution de la solubilité; à partir d'une certaine dose d'acide, la courbe se dirige lentement vers uu minimum après lequel elle se relève, en même temps que la pro- portion d'acide augmente. — M. A. Granger, en chauf- fant du platine à une température aussi faible que pos- sible dans une atmosphère de vapeur de phosphore, a obtenu un phosphure de platine gris-noir et friable. — M. Albert Colson à étudié l’action du gaz chlorhy- drique sur les sulfates alcalins; le phénomène est com- plexe, mais il parait probable qu'il existe les trois phases suivantes : SO!Na? + 2 [ICL — SO“H? + 2 Nall 2 SO!Na? + 2 HCI — 2 SO'NaI + 2 NaCI SO'NaH + HCI — SO'H? + NaCl — M. Ed. Defacqz a constaté que le minerai même du tungstène, le wolfram, peut être réduit par le charbon avec facilité au four électrique et fournir de suite un métal assez pur : le manganèse et le calcium ont com- plètement disparu; le silicium et le fer ont diminué dans une notable proportion. Cet essai semble démon- trer que le traitement direct des minerais au four élec- trique pourra produire des métaux assez purs pour entrer directement dans la pratique industrielle. — MM. Ph.-A. Guye et P.-A. Melikian communiquent de nouveaux exemples de dispersion rotatoire nor- male. Les dispersions rotatoires spécifiques sont. du mème ordre de grandeur, mais ne sont cependant pas proportionnelles aux pouvoirs rotatoires spécifiques. — M. P. Cazeneuve areconnu qu'en traitant les campho- phénols sulfonés à froid par l'acide azotique fumant, on obtient l'orthocrésol dinitré. — M. R. Lespieau, en oxydant par le ferricyanure de potassium le précipité cuivreux que donne l'alcool propargylique avec le sous- chlorure de cuivre ammoniacal, a obtenu l'hexadiine- diol : CHOH — C= G — GC = C— CH?OH corps dont il a préparé la diacétine. — M. J. Minguin in: dique un procédé de préparation et de séparation des bornéols isomères et de leurs éthers, permettant de les obtenir à un état très pur et d’en étudier les propriétés cristallographiques. — M, J. Winther communique un grand nombre de nouvelles déterminations du point de congélation de différents laits; il maintient complète- ment ses premières conclusions, à savoir que la déter- mination de son point de congélation est actuellement ACADÉMIES ET SOCIÉT IS SAVANTES la plus simple, la plus rapide et la plus rigoureuse des . méthodes d'examen du lait; tout lait non suspect ne doit, au cryoscope, s'écarter de plus de un ou deux centièmes de la valeur 00,55. 3° SciENCES NATURELLES. — M. L. Ranvier formule une nouvelle théorie de la cicatrisation, d'après ses observations sur le rôle de l'épithélium antérieur de la cornée dans la guérison des plaies de cette membrane. Ce qui caractérise surtout celte théorie, c'est qu'elle fait concevoir la réunion des plaies sans qu'il soil nécessaire de faire intervenir aucune multiplication cellulaire, lhypertrophie, l'extension et le déplacement . «les cellules préexistantes suffisant à assurer la forma- tion d'une cicatrice. — M. E. de Rouville, étudiant la régénération de l’épithélium vésical chez le bœuf, a trouvé qu'elle a lieu par le moyen du tissu conjonctif, - d'origine mésodermique. — M. Ch. Bouchardsignale - de nouvelles applications de la radioscopie au diagnostic - des maladies du thorax: épanchement pleurétique, infil- tration tuberculeuse, anévrisme de l'aorte, hyperthro- phie du cœur. — M. J. Bergonié conlirme, pour d'autres malades, les résultats obtenus par M. Bouchard. Les indications données par les rayons X concordent pleinement avec celles de lauscultation et de la per- cussion., — MM. A. Chauveau el J. Tissot démontrent que les quantités d'oxygène absorbé et d'acide carbo- nique exhalé, c'est-à-dire l'énergie dépensée pour le soutien d'une charge, croissent avec le raccoureisse- ent musculaire, bien que la charge reste cons- nte; l'échauffement est donc fonction du produit de a charge par le raccourcissement musculaire. D'autre part, ces mêmes quantités s'accroissent sensiblement de la même manière que la charge. — M. C. Phisalix a constaté que le sérum d'anguille jouit de propriétés immunisantes assez actives contre le venin de vipère; pour faire usage de ce sérum, il faut d'abord le chauf- fer vers 58 degrés afin de détruire ses propriétés toxi- ques. — MM. J. Kunstler et P. Busquet présentent leurs observations sur la morphologie du Cryptococeus guttulutus Ch. R., qui vit en parasite dans l'intestin du lapin. — M. A. Malaguin fait l'histoire du parasi- tisme et de l’évolution de deux Monstrillides (Thauma- leus filigranarum et Haemocera Danae Clapd), qui vivent, au stade embryonnaire, à l'intérieur du système vascu- laire des Filigranes et des Salmacynes. — MM. Piéri et Portier ont reliré par maeération des branchies et des palpes de certains Acéphales un liquide qui bleuit fortement la teinture de gayac; ce fait doit être attri- bué à la présence d’une oxydase, analogue à celles que M. Bertrand a retirées des végétaux. — M. L. Matru- chot a observé, chez une Mucorinée appartenant au genre Mortierella, une structure particulière du proto- plasma fondamental ou cytoplasma ; celui-ci se com- pose : 1° d’un proloplasma parfaitement hyalin, indif- Hérent au réactif colorant, constituant une sorte de “hyaloplasma; 2 d'un certain nombre de canalicules dis- tincis les uns des autres, creusés dans ce hyaloplasma, et remplis d'un protoplasma très légèrement granuleux sur lequel se fixe la matière colorante. — M. E. Roze signale un nouveau Microcoque de la pomme de terre (Micrococcus Delacourianus), qui cause la gangrène noire de la variété Royale ; il a, en outre, étudié certains Myxo- mycètes microscopiques, qu'il appelle Amilotrogus, et qui s'attaquent aux grains de fécule. — M. Balland formule un certain nombre d'observations générales sur les blés, qui se rapportent principalement au poids moyen des graines, à la quantité d'eau, de matières salines, de matières grasses, azotées et amylacées. — M. A. de Schulten a fait la synthèse de la hauksite : 4 NaSO!, Na*CO* en versant de Ja soude caustique dans une solution chaude de sulfate et de carbonate de soude, — M. Sta- nislas Meunier dose l’asphalle dans les roches bitu- mineuses par dissolution daus le sulfure de carbone ; il en déduit que le bitume pur estun mélange d'hydrocar- bures provenant de la décomposition de carbures métalliques par l’eau ; au contraire, certaines roches de surfaces, dites bitumineuses, mais qui ne cèdent rien au sullure de carbone, sont simplement impré- gnées par des produits de décomposition de matières organiques. — M. N. de Mercey montre que les carac- tères du phosphate riche sont identiques dansles bassins de Paris et de Londres; ils permettent de conclure que ce dépôt résulte d'un enrichissement de la craie phosphatée dû à des actions mécaniques et chimiques qui se sont produites au commencement de l'âge ter- taire. — M. Counillon présente les observations géo- logiques qu'il à faites en collaboration avec M. Massie aux environs de Louang-Prabang (Cochinchine). — M. E. A. Martel décrit la Foiba de Pisino, au centre de l'Istrie, une des plus remarquables pertes de rivières du Karst autrichien. — M. A. Pomel présente la monographie des Hippopotames quaternaires fossiles de l'Algérie; il signale les espèces: H. hipponensis, H. sirensis, H. icosiensis, H. annecten, et H. Pentlandi, — M. Armand Thévenin décrit les nouveaux genres de Mosasauriens trouvés en France dans la Craie grise à Belemnita quadrata de Vaux-Eclusier, près de Péronne. Séance du 4 Janvier 1897. L'Académie procède à la constitution de son bureau pour 1897. M. A. Chatin, vice-président pour 1896, devient président pour 1897. M. Wolf est élu vice-pré- sident pour 1897. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — MM. Rambaud et F. Sy présentent leurs observations de la nouvelle comète Perrine (8 décembre 1896) faites à l'Observatoire d'Alger (équatorial coudé de 0, 318). — M. E. Vicaire expose la mélhode qui lui a servi à mesurer la con: sommation d'eau d'une locomotive nécessaire pour remorquer un train donné sur une ligne connue. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. R. Dongier montré qu'une même compression, dirigée suivant deux direc: tons indépendantes, normales à l'axe ternaire du quartz, allère d'une manière différente la surface d'onde. Donc, si l’on exerce simultanément la même pression sur les deux groupes de faces opposées du quartz, le corps acquiert une biréfringence qui peut être calculée facilement. — M. A: Ditte a étudié l'action exercée sur les solutions saturées de sels haloïdes alcalins lorsqu'on leur ajoute peu à peu des quantités croissantes d'une solulion concentréa d’alcali. La courbe de la précipitation du sel haloïde est régu= lière pour le bromure de potassium ; pour le bromure de sodium, sel capable de donner un hydrate renfer- mant deux molécules d’eau, la précipitation se fait en deux temps et la courbe correspondante présente deux branches. — M. René Metznèr à fait réagir Fammoniaque sur le bichlorure de tellure ; entre 200 et 250 degrés, ce dernier est décomposé et il se forme du tellure libre, du chlorhydrate d'ammoniaque et'de l'azote ; à O degré, l’ammoniaque se combine avec le chlorure de tellure pour donner un composé: TeCl', 3 AzI: à basse température et si l’on opère avec de l'ammo- niaque liquéfié, on obtient un azoture de tellure Az Te, friable, détonnant par le choc et la chaleur. — M. H. Pélabon a constaté que le soufre liquide, chauffé à 440 degrés en présence d'acide sulfhydrique, absorbe une notable quantité de ce gaz qu'il laisse dégager en se solidifiant ; la quantité de gaz absorbé s'élève avec la température. — M. Ch. Gassmann à obtenu la vanilline à partir de l'acide vanilloylcarbonique en chauffant ce dernier avec de l’aniline et en décom- posant la vanilline-aniline formée par ébullition aveë l'acide sulfurique étendu. — M. Ch. Gassmann à transformé l’eugénol en isoeugénol en le chauffant avec des alcoolates à point d'ébullition élevé; il y à addition d'une molécule d'alcool en &, puis à chaud cette molécule s’élimine avec un atome d'hydrogène se trouvant en y. — M. H.L. Lechappe adresse une 80 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES note relative à un apparcil générateur et distribu- teur du gaz acétylène. 30 ScrENGEs NATURELLES. — MM. A, Chauveau et J. Tissot formulent les conclusions suivantes : Les relations les plus étroites existent ehtre la force élas- tique créée dans le muscle par l’état de contraction statique et la dépense énergétique qu'entraine cette création. Que la dépense soit appréciée par l’échauf- fement musculaire, l’un de ses modes d'expression, ou par les échanges respiratoires, qui en sont un autre, elle est, comme la force élastique dérivant de celte dépense, fonction du produit de la charge soutenue par le degré de raccoureissement du muscle susten- seur. Ce parallélisme exact entre les échanges respi- ratoires, le travail intérieur (physiologique) qu’exécute le moteur et son échauffement fiual constitue une nouvelle preuve démontrant que l'énergie créatrice de l'activité physiologique du système musculaire prend sa source dans les processus finaux d’oxydation dont les tissus contractiles sont le siège permanent, — MM. A Charrin et de Nittis montrent que les lésions du système nerveux qui, en général, favorisent l'infection, s'opposent aussi à la plénitude de Ja dé'ense de l'organisme secouru par les sérums. — MM. A. Binet et N. Vaschide ont constaté que beau- coup de processus psychiques provoquent une forte augmentalion de la pression sanguine chez l'homme ; mais les expériences n'ayant pas duré plus de quatre minutes, il se peut qu'après un temps assez long il se produise, au contraire, une diminution de pression. — M. L. Bordas communique ses recherches sur les tubes de Malpighi dans les différentes familles d'Orthoptères. — MM. Maurice Caullery et Félix Mes- nil ont examiné un grand nombre d'espèces de Spiror- bis et ont remarqué que ces Annélides sont devenus entièrement asymétriques par suite de leur habitat à l'intérieur d'un tube spiral ; ils déduisent des carac- tères d'asymétrieune nouvelle classification du groupe. — M. E. Perrier fait remarquer l'importance des observations de MM. Caullery et Mesnil au point de vue de la détermination précise de la parenté des Mol- lusques et des Vers. — M. Balland envoie une note sur les caractères des principaux blés consommés en France (blés du pays et blés d'importation), — M. À. de Lapparent retrace les grandes phases de l’histoire géologique des Vosges. — M. Stanislas Meu- nier, au sujet de la note de M. N. de Mercey sur l'époque de l'enrichissement du sable phosphaté, pense que l’auteur a méconnu Je phénomène naturel de la dévudation souterraine, conséquence de la dénudation superficielle. Louis BRUNET. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 5 Décembre 1896 M. Hallion montre qu'après l'injection de sérum artificiel au chlorure de sodium il se produit une diu- rèse abondante: toutefois, l'élimination est constituée presque entièrement par du chlorure de sodium qui s'est substitué aux éléments ordinaires de l'urine. — MM. Paul Claisse et Oito Josué ont recherché si, dans l'anthracose ou d'autres pneumokonioses, il se produi- sait des modifications du sang semblables à celles qui ont lieu dans la cyanose ou dans d'autres cas de dimi- nution du champ respiratoire. Leurs expériences, faites sur des cobayes, ont donné des résultats à peu près négatifs : la présence de poussières inerles dans le poumon semble peu nuisible aux échanges respira- toires. — M. Mayet (de Lyon) rappelle qu'il a déjà étudié antérieurement les injections de sérum arlifi- ciel; il a montré que la solution de chlorure de sodium n'a aucune influence nuisible sur les hémalies; l'addi- tion de sulfate de soude est inutile et peut être nuisible aux globules. — MM. Thiercelin et Lenoble ont cons- taté le phénomène de l'agglutination chez une jeune fille au cours d'une convalescence de la fièvre typhoïde; quelques jours après, une rechute se produisait. | L'agglutination est donc bien un signe d'infection et | non un signe d'immunisalion. — M. Guyon a constaté que, outre, son action suspensive des mouvements péristaltiques de l'intestin, le grand splanchnique pro- voque le relâchement des fibres longitudinales et la contraction des fibres circulaires. — M. J. Nicolas (de Lyon) a conslaté que l'addition de sérum anti- diphtérique à des cultures de bacille de Lôffler pro- duit la réaction agglutinante en même temps qu'une atténualion très marquée de la virulence des microbes. — M. Moty communique ses recherches sur l'anatomie pathologique de l'hypertrophie prostatique ; dans 63 °/, des cas, il y à hypertrophie du tissu glandulaires il est donc difficile d'admettre que l’artériosclérose soit la cause principale de l'hypertrophie de la prostate. — M. Léon Courtillier éludie l’origine du pied bot congé- nilal; il est probable qu'il s'agit d’une affection aiguë ou chronique chez les générateurs ou survenant dans le cours de la grossesse el déterminant, par l'action de toxines, une altéralion des cellules nerveuses chez un fœtus prédisposé. — MM. Quénu et Longuet pré- sentent un appareil destiné à faire respirer un chien dans l'air comprimé, de manière à remédier à l’apla- lissement du poumon dans les opérations sur la cage thoracique. — M. Contejean présente un chien ayant subi l’ablation des deux cristallins et ayant recouvré la vue et l’accommodation. M. Chabrié esl élu membre de la Société. Séance du 12 Decembre 1896 M. Giard prononce l'éloge du Dr Straus. — MM. Ro- ger et Josué ont étudié l'origine de l'augmentation des leucocyles dans la suppuration; ils ont trouvé une prolifération extrêmement active des trois ordres de cellules de la moelle; celle-ci joue done un rôle inporlant dans la lutte de l'organisme contre l'infec- lion. —- M. A.-M. Bloch à éludié la marche des boï- teux par les empreintes des pas qu'ils laissent dans le sable; ce procédé pourra être employé pour diagnos- tiquer les différents genres de claudication. — M. Féré rapporte lobservation d'un épileptique avec aura olfacif. — M. Boix a étudié la toxicité urinaire chez la femme enceinte; la suractivité du foie liée à la gros- sesse provoque une diminution de la toxicité; si le foie est malade, la toxicité est supérieure à la normale; si le foie et le rein sont en même temps altérés, la toxi- cité devient très forte et l'éclampsie se produit. — M. Gley à constaté que l'extirpation complète des intestins n'empêche pas l'action anticoagulante de la peptone, qui est due complètement au foie. — M. Con- tejean soutient, au contraire, que les inteslins parli- ticipent à ce phénomène et que l’ablation du foie n'empêche pas non plus l'action de la peptone. — M. Beauregard montre que le courant électrique inverse, produit dans le nerf acoustique par l'exci- talion du tympan, varie avec la hauteur de son produit. — MM. Quénu et Landelle déposent une note sur l'évolution pathologique du muecus dans le cancer du rectum.— M. Contejean démontre que la contraction cardiaque est de nature Lélanique. Séance du 19 Décembre 1896 MM. Mairet et Virès ont étudié les effets de l'injec- lion intra-veineuse d'extrait aqueux de foie chez le lapin; celui-ci meurt à la suite de coagulation du sang. En chauffant l'extrait de foie, les auteurs l'ont séparé en deux parties : un précipité, jouissant des propriétés coagulantes, et détruit à 100°; un filtratum, doué de propriétés toxiques, et qui tue également le lapin sans. coagulation du sang. — M. Mariani à pratiqué des inhalations d'oxygène chez différents malades. Il à remarqué une augmentation de l'excrétion d'urée et une diminution de la toxicité urinaire; en outre, l'alcalinité du sang augmente; l'inhalation d'oxygène doit être recommandée dans le cas d'irrégularité des échanges. — MM. A. Gilbert et P. Carnot ont cons- {até que l'opothérapie hépatique offre une action mar= ACADÉMIES ET SOCIÈTÉS SAVANTES si quée sur la glycosurie alimentaire; les faits observés peuvent s'expliquer par une action excilatrice exercée sur la fonction glycogénique du foie par les sucs orga- niques employés. — MM. A. Gilbert et A. Grenet signalent un cas de cirrhose hypertrophique alcoolique pigmentaire. — MM. Gilbert et Fournier ont observé, dans plusieurs cas de psittacose, un bacille semblable à celui décrit par M. Nocard. D'autre part, ils ont trouvé dans l'intestin de perruches et de perroquets normaux plusieurs variétés paracolibacillaires. Ces . deux variélés de bacilles peuvent n'avoir aucune com- . munauté; mais ils peuvent aussi dériver d'une même souche et le bacille inoffensif de l'intestin peut devenir infectieux sous certaines influences; d'autres recherches sont nécessaires. — M. Arloing à injecté à des chiens des doses de sueur représentant { °/, du poids de l'animal ; ils sont toujoûrs morts dans des temps variant de 24 heures à 3 jours. — M. Widal rappelle que la réaction agglutinante du sérum est une réaction d'in- fection, qui ne disparaît qu'à complète guérison; elle permet de se rendre compte à tout instant du degré d'infection de l'organisme. — M. Broca expose ses recherches sur les variations de la contractilité mus- culaire chez le chien. — M. Régaud à constaté la multiplication des vaisseaux sanguins et la disparition des vaisseaux lymphatiques au pourlour des tumeurs malignes. — M. Choquet présente un nouveau micro- tome à parafline pour coupes histologiques. Séance du 26 Décembre 1896. MM. Enriquez et Hallion ont pratiqué l'injection de toxine diphthérique par voie intra-veineuse el par voie sous-cutanée chez des lapins qui avaient recu auparavant des injections d’eau salée; dans les deux cas, l’intoxication a été aggravée et la mort est sur- venue plus tôt. Pour les alcaloïdes, au contraire, on sait que les effels de l'injection sous-cutanée sont atténués par le lavage du sang. Ce point est done intéressant à signaler, parce qu'il montre la différence du méca- nisme de l'intoxication par les alcaloïdes et les poisons bactériens. — M. Contejean, après avoir pratiqué aussi rapidement que possible l’ablation du foie après injec- tion intra-veineuse de peptone, a cependant recueilli du sang rendu incoagulable. Le foie ne joue donc qu'un rôle limité dans la production de substance anti- coagulante. — M. Ramond à observé une malade opérée pour angiocholécystite à bacille d'Eberth, con- sécutive à une fièvre typhoïde; les accidents ont duré pendant six ans, depuis la maladie originelle jusqu à l'intervention chirurgicale. — M. Dastre a constaté que la laccase agit sur la bile du chien pour trans- former la bilirubine en biliverdine; cette transforma- tion, qui se produit normalement dans l'organisme, est - sans doute due à un ferment oxydant analogue à la laccase. — M. Valenza a étudié le rôle joué par les leucocytes et les noyaux de la névroglie dans Ja résorp- tion des cellules nerveuses dégénérées. — M. Phisalix a reconnu que le sérum d’anguille possède des pro- priétés vaccinantes contre le venin de vipère. — M. Raïil- liet critique de récentes observations de l'ankylostome de l'homme chez le cheval. — M. A. Branca décrit les lésions qu'il a observées à l’autopsie d’un homme alteint de neurofibromatose. La Société procède à l’élection de son bureau pour 1897. M. Bouchard est élu président pour cinq ans. MM. Dupuy et Gley sont élus vice-présidents; M. Du- - montpallier, secrélaire général; MM. Capitan, Bou- vier, Trouessart, Chabrié, secrétaires annuels; M. Beauregard, lrésorier; M. Retterer, archivisle. Séance du 9 Janvier 1897. MM. Roger et Josué ont continué l'étude de l’action des toxines et des sérums antitoxiques sur la moelle osseuse ; il y a, dans les deux cas, prolifération cellu- laire, mais l'aspect histologique est différent. — MM. Widal el Sicard ont constaté que le sang d'un typhique desséché conserve pendant longtemps ses propriétés agglutinantes; celle propriété à une grandé imporlance au point de vue de l'hygiène publique et de la médecine légale. — M. Bordas indique le mode de préparation d'un laclo-sérum, se composant de lactose, d'albumine d'œuf pulvérisée, de chlorure de sodium et d’eau; ilpeut servir à différencier le bacille d'Eberth du bacterium coli, ce dernier lé coagulant, à l'inverse du premier, — M. P. Mermet élablit le rôle protecteur de lépithélium cornéen dans l'exosmose oculaire, — M. E. Maurel à reconnu que les solulions à 3,5 el à 7°/, de chlorure de sodium n'altèrent pas les éléments ligurés du sang de lapin si elles sont injectées en pelite quantité. — M. Rousseau montre que les accidents consécutifs à une thyroïdectomie ne se produisent, le plus souvent, que si l'on à enlevé, en même temps que la glande, les glandules parathyroïdes; ces corps jouez raient un plus grand rôle que la glande. — M. Gley appuie celle manière de voir. — M. Guillemonat à trouvé que, pendant la vie intrautérine, filles et gar- cons, ont la même quantité de fer. Plus tard, l'homme en a plus que la femme.—- M. Thomas à fait l'autopsie du cobaye épileptique présenté par M. Charrin; sur toute la hauteur de la moelle, il présentait des lésions cellulaires. — M. Marage présente un nouveau cornet acoustique servant en même temps de masseur du tympan. — M. E. Thierry montre que le chien offre une grande résistance, même aux plus forts trauma- tismes ; il pense qu'il ne faut pas conclure, d'expériences faites sur cet animal, que l'homme résisterait à des traumatismes analogues, en particulier dans le cas d'ouverture de la cavité thoracique et de mise à nu du poumon. — M. Brunet (de Bordeaux) a administré de l'extrait glycérino-aqueux de poumon de mouton à des malades atteints de tuberculose ou de bronchite chro- nique; {ous les malades s'en sont bien trouvés; il y à eu diminution de l’expectoration. — M. J. Brault à pratiqué la laparoltomie chez deux cachectiques pà- lustres atteints de sclérose polyviscérale avec ascité énorme.— M. A. Thomas décrit les lésions du faisceau cérébelleux descendant qu'il a pu observer chez des chiens et des chats ayant subi l’extirpation du cervelet à différents degrés. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance du 11 Décembre 1896. M. Simon propose d'appliquer aux isomères des sucres æet y de Tanret la formule oxydique de Tol- lens : CHOH — CHOH — CH — CHON — CHOH — CHOH | 0 | Celle formule introduisant un nouveau carbone asymétrique, permet de comprendre l'existence dé deux isomères. À Ja modification 8 correspondrait la formule aldéhydique : CHOH — (CHOH)f — CHO, Cetle manière de représenter les isomères des sucres a déjà été présentée par divers auteurs; M, Simon a modilié l'attribution de ces formules aux différents termes et discuté les raisons qui militent en faveur de sa manière de voir. — On admeltait sans preuves suffi- santes l'existence de deux tétrachlorures d'étain Sn Cl‘; M. Engel a repris l'étude de ces tétrachlorures et démontré que le composé 8 élait en réalité du chlorure de métastannyle : Su°0°CEP2H20. Il a démontré que ce composé s'obtient très facilement par dissolution de l'acide métastannique dans l'acide chlorhydrique. Il a donné les caractères analytiques de ce corps et expliqué les anomalies que présente la recherche de l'élain par les procédés classiques. — M. Urbain a préparé l'acétylacétonate d'uranyle et les acétylacétouates des métaux de la série du didyme. Ces dérivés métalliques étant très peu solubles dans les dis- , ACADÉMIES ET SOCIÈTÉS SAVANTES solvants ordinaires, les mesures cryoscopiques ne per- mettent pas de déterminer leur poids moléculaire avec une exactitude suffisante. On ne peut pas en déduire l'atomicité des métaux correspondants. On obtient très facilement l'acétylacétonate de thorium pur, car ses propriétés permettent de le séparer très facilement des dérivés identiques des séries uraniques, didy- miques et yttriques. L'auteur espère arriver par frac- tionnement dans les différents dissolvants à des termes à poids atomiques constants. — M. Rosenstiehl à envoyé une note sur le prétendu tétrachlorhydrate de leucaniline de M. Miolati. L'auteur à trouvé à l'ana- lyse 28,3 °/, de chlore, tandis que le calcul indique 32,64 °/, de chlore pour un tel composé; l'écart entre les deux chiffres est trop grand pour qu'on soit en droit de conclure à l'existence d'un tétrachlorhydrate. Séance du 8 Janvier 1897. Dans cette séance, la Société a nommé président pour l’année M. Tanret, et vice-présidents MM. Han- riot, André et Le Chatelier. E. CHARON. SECTION Séance du 20 Janvier 1897. En préparant de l'iodure d'aluminium par l’action de l'iode sur Al en poudre très fine dans un courant de CO*, MM. Guntz et Masson ont remarqué que l’incan- descence produite est due non à la combinaison de A1 I, mais à la combustion de l'aluminium dans (0° en présence de All. Ils ont vérifié, en outre, que la présence du chlorure d'aluminium facilite beaucoup la combustion de l'aluminium en poudre dans CO et C0”, et que, dans ce cas, la réaction se passant à plus basse température, le carbone, mis en liberté, se combine presque intégralement à l'aluminium pour donner le carbure Al!C* découvert par M. Moissan. Cette réaction pouvant s'écrire : Al + 3 CO — AIO + AHCE, DE NANCY l'action de AICE semble être générale. MM. Guntz et Masson en poursuivent l'étude. — M. Held à cherché à substituer au procédé de Cahours et Cloez, pour la préparation du chlorure de cyanogène, un procédé plus pratique etsurtout plus économique. Au lieu de saturer de chlore une solution refroidie de cyanure de mer- cure, opération longue et pénible, il s'est adressé à üne solution de cyanure de zinc et de potassium. On dissout 260 grammes (4 mol.) de cyanure de potassium supposé pur dans l'eau; on y ajoute 95 grammes G de mol. ) de sulfate de zinc et on complète la dis- solution à $ litres. On sature de chlore à froid : l'ab- sorption se fait très facilement et on interrempt le cou- rant de chlore quand le précipité de cyanure de zinc qui s’est formé à un moment donné s’est presque com- plètement redissous. La solution ne renferme pas alors d’excès de chlore, elle peut être employée aussitôt pré- parée et elle renferme 30 grammes par litre de chlo- rure de cyanogène utilisable. — M. Minguin, ayant constaté que tous les succinates de camphols stéréoiso- mères sont isomorphes, s'est proposé de voir si ce phénomène d’isomorphisme se poursuivait dans d'autres dérivés des bornéols. Il s’est d'abord adressé aux bor- nylates de bromal et aux bornylates de chloral, et à ce propos, il donne les constantes cristallographiques des bornylates de bromal à et x. Ce sont des cristaux appartenant au système monoclinique. L'angle du prisme est de 810,24; l'inclinaison de 6°,15!. On observe des modifications sur les arêtes À et g, sur les anglese, sur les arôtes d. Les faces p sont très développées. La tone verticale du prisme disparaît souvent presque com- plètement par suite du développement des faces octaé- driques. En somme, les cristaux sont très déformés.— M. Férée, ayant eu l'occasion d'analyser l'amalgame de fer solide obtenu par compression à la main à tra- vers la.peau de chamoïis et ayant trouvé une composi- tion différente de celle indiquée par Joule dans les mêmes circonstances, à repris l'étude des amalgames de fer. Par compression à la main, il prépare l’amal- game FeHg”. Celui-ci, soumis successivement à des pres- sions de 50 kilos, de 100 kilos et de 200 kilos par cm? donne naissance aux amalgames FeHg, Fe”Hg’ et Fe*Hg. Lorsque l'on distille dans le vide, à 250°, ces différents amalgames, on obtient un métal compact d'un aspect noirâtre lentement attaqué par les acides étendus, bien qu'il soit pyrophorique. Il est presque aussi dur que le fer ordinaire, et il prend l'éclat métals lique sous le pilon. Au contraire, l’amalgame chauffé au rouge dans un courant d'hydrogène abandonne du fer d’un gris brillant. __ A. HAIGER: SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES SCIENCES PHYSIQUES E. P. Permann, W. Ramsay, F. R. S. el .J. Rose-Innes : Essai de détermination des relations adiabatiques de l'éther ordinaire (oxyde d’éthyle). — Les deux premiers auteurs ont déterminé la lon: eueur d'onde du son dans l'éther gazeux et liquide, au moyen de la méthode de Kundt, entre des limites de température variant de 100° à 200° C., de pression variant de 4.000 à 31.000 millimètres de mercure et de volume variant entre 2,6 ce. c. par gramme eb 74 cc: par gramme. Les résultats ont paru aux auteurs suffisamment exacts et comparables. Leur mémoire donne la description de l'appareil employé, la méthode de pesée de l’éther en expérience, les déterminations de la fréquence de la languette vibrante, enfin les tableaux des résultats obtenus et le caleul de l'élasti- cité adiabatique. M. Rose-Innes s'est chargé de la dis- cussion mathématique des résultats. Voici le résumé des conclusions théoriques les plus importantes : On sait que, pour l'éther et quelques autres liquides, il existe une relation linéaire de la forme : p—0L Te entre la pression et la température, le volume étant maintenu constant. Les auteurs ont montré qu'une relation analogue relie l'élasticité adiabatique à la température, le volume élant, comme précédemment, maintenu constant, de telle sorte qu'on à, si E est l'élasticité adiabatique : E = 9gT—#, aux erreurs d'expériences près (g et À sont des fonc- tions du volume seul). Entre ces deux équations, on peut éliminer T et exprimer E en fonction linéaire de p, le volume étant constant. Dans l'équation obtenue, le coefficient de p est + et cette fraction, calculée d’a- près les résultats obtenus, estsensiblement constante. Si on admet cette quantitécomme absolumentconstante (ce qui n'introduit aucune erreur sérieuse dans les limites de volume considérées), on peut intégrer l'équation différentielle qui en résulte, et l'équation primitive permet d'obtenir loute une série de courbes adiaba- tiques. C'est la première fois que ce résultat est obtenu pour une substance autre que les gaz parfaits. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Communications récentes. MM. E. Divers F. R. S. et T. Haga publient une note sur l'acide amidosulfonique obtenu en partant du nitrite de sodium et précipité de ses solutions au moyen de l'acide sulfurique. Ses différentes propriétés chimiques sont étudiées ainsi que plusieurs de ses sels: La chaleur décompose le sel de baryÿte suivant l'équa- Lion : 3Ba(SOYA4H2) = 3BaSO!-+ HAz(SO'AzH! "+ AzH + AzS! + Az: ACADÉMIES ET SOCIÈTÉS SAVANTES 83 M. J. Sakurai compare le degré de dissociation de cet acide amidosulfonique en opérant sur des solutions inégalement diluées. I lui attribue la constitution ) AP suivante SO? “OH priétés physiologiques de cet acide, dont les sels de calcium et sodium sont nuisibles au développement des plantes phanérogames, mais ne sont pas toxiques pour les animaux vertébrés. — M.S. Hada relate les conditions dans lesquelles s'opère la transformation des sels mercureux en sels mercuriques et récipro- quement la formation des sels mercuriques en partant des sels mercureux. L'air, la température et le degré de dilution des solutions sont les principaux facteurs de ces changements. — M. Margaret Dougal à trouvé que si l'on chauffe une solution d'alun de chrome, il se forme un mélange de sulfate de potasse, d'acide chro- mylsulfurique et d'acide sulfurique libre suivant l'équa- tion : 2 [Gr*{S0 }K?80"]-+ H°0—[Cr'0(S01)/]S0 1-4 HS01+- 2K?S0!, — M. Oscar Lœw éludie les pro- — M. H. W. Bolam à opéré la saponilication du dicar- boxylelutaconate d'éthyle qui, bouilli avecles alcalis, se décompose en acides malonique et formique et donne un peu d'acide glutaconique. La saponification marche bien avec les acides et ne donne pas de produits de décomposition. — M. R. M. Deeley présente quelques observations au sujet de la loi périodique des éléments. — MM. À. G. Perkin ei J. J. Hummel continuent leurs travaux sur les matières colorantes rencontrées dans quelques plantes de la Grande-Brelagne. — MM. Percy Frankland et F. Malcolm Wharton: Sur les propriétés opliques des dibenzoyl et ditoluyltar- trates. Les corps étudiés sont les éthers méthyliques et éthyliques dont les pouvoirs rotatoires négatifs diminuent à mesure que s'élève la température. — MM. J. E. Marsh et J.-H. Gardner décrivent toute une nouvelle série de dérivés halogénés du camphre tels que le bromure d'a-tribromocamphène, le chlorure d'«-chlorocamphène et dont ils donnent les propriétés optiques. — MM. Arthur Lapworth et Frédéric Stanley Kipping : Dérivés des acides camphénesulfo- niques. — MM.F.Stanley Kipping et W.B. Edwards font une communication sur la préparation de la diméthylkétonehexaméthylène et relatent leurs expé- riences relatives à la synthèse de l'acide diméthylhexa- méthenylmalonique. — M. F. D. Chattaway: Note sur la constitution du corps appelé iodure d'azote. L'auteur discute d'abord les différentes formules attribuées à ce corps : Azl, AZI, AzH°I, AzHI® et AzH#Az15. Après avoir cité une longue série d'observations et d'expériences, il conclut comme suit: l'ammoniaque et l'iode réagissent l'un sur l’autre en donnant une substance composée d'un atome d'azote et de deux atomes d'iode. Les for- mules les plus simples que l’on puisse attribuer à ce corps sont AZHI® ou AZH*EÆ- L'auteur croit pouvoir affirmer que cette dernière s'accorde mieux avec les faits observés. — MM. C. F. Cross, J. E. Bevanet C. Smith : Recherches sur les hydrocarbures formant la paille d'orge. — MM. William A. Bone el David S. Jordan ont étudié les conditions dans lesquelles se produit l'union directe du carbone avec l'hydrogène. — MM. William A. Bone el John C. Cain ont déler- miné avec soin les conditions dans lesquellesilse pro- duit une explosion lorsque l'acétylène se trouve mélangé à des quantités variables d'oxygène ; les pro- duits principaux sont de lhydrogène et quelques faibles quantités de méthane, d'azote et d'acide cyanhy- drique. — M. William Jackson Pope: Sur les con- Stantes de réfraction de sels cristallisés. — M. Théo- dore Rettie: Composés formés par la réaction de l'iode sur les hydrates métalliques. MM. E. Divers F.R.S.et T. Haga décrivent une préparation écono- mique du sulfate d'hydroxylamine, puis ils étudient les produits formés dans les réductions des nitrosulfates : entin dans une troisième communication ils rendent ile de fleurs recherches sur les imidosulfonates ef issent les formules du sel oxymercureux ; con élah / MgYAz(S0*)Hg? 0 NHgtAz (SOL? el du sel oxymerceurique : MgAz{(S0*) Hg? 0° N HgAz(SO)H y? MM. William Henry Perkin junior fail une longue communicalion sur les acides sulfocamphyliques (CYHUSOS) « 8 dont il décrit les bromures et différentes combinaisons, Il cherche ensuite à établir la constitu- lion des acides camphorique et camphoronique. Sui- vant cet auteur, l'acide camphorique devrait être repré- senté par une des deux formules suivantes : CI® CIE AU | (CH:}C CH? (CH1}PG CH,COOH | | | COOI.C(CH*CH—COOH COOH—C(CH*)CH® I IT M.le professeur Letts et M. R, F. Blake font quel- ques remarques sur la méthode de Pettenkofer pour la détermination de l'acide carbonique dans l'air. MM. Arthur Lapworth ci Frédérick Stanley Kip- ping décrivent l'acide sulfocamphorique SO*HC*Hf (COOH} et son anhydride et l'acide chlorocamphorique C'HCI (COOH}. — M. William Jakson Pope: Sur un composé de l'acide camphorique et de l'acétone. — M. P. C. Ray, par la dissociation du nitrite mercureux, a obtenu une dissolution renfermant les sels mercu- reux et mercuriques ; ces sels mélangés à une solution dilaée d'hyponitrile de sodium fournissent les hyponi- trites mercureux et mercuriques. Dans une deuxième communication, le même auteur étudie les conditions dans lesquelles se forment les nitrites de mercure. — L'action du nitrite mercureux sur les iodures alcoo- lique fait l'objet d'une {troisième note. — M.T.H. Hol- land : Cristallographie du nitrite mercureux monohy- draté — MM. C. O’ Sullivan F. R.S., el A. L. Stern établissent l'identité chimique des dextrines provenant de différentes sources et font quelques remarques sur l'action réductrice de l'oxyde de cuivre. — M. le pro- fesseur Roberts-Austen F. R.S., présente quelques observations sur une note de M. W. J. Humphrey, trai- tant de la diffusion de certains mélaux dans le mer- cure. — M. W. J. Humphrey à continué ses recherches sur le sujet précédemment cité et les à étendues à l'aluminium, l'antimoine, le cadmium, le magnésium, le thallium et quelques autres alliages. Il a remarqué que pour des éléments appartenant au même groupe de la table de Mendéleeff la diffusion augmente avec le poids atomique. — M. Fannie T. Littleton: Note sur la chaleur de formation de lamalgame d'argent Ag'fHg*. — MM. Thomas Purdie F. R.S. el G. Druce Lander d'après leurs travaux sur l'action exercée par les iodures alcooliques sur le malate d'argent croient pou- voir conclure que les éthers sels de l'acide malique et sans doute aussi des autres acides hydroxyÿlés ne peu- vent être oblenus à l’état pur en partant du sel d'ar- gent. L'action de l'iodure isopropylique fournit de Piso- propoxysuecinate et Ja haute activité oplique trouvée par d'autres malates préparés par cette méthode, prouve la présence de pelites quantités d'éthers sels d'acides avec groupements alkyloxy appartenant à une série plus élevée. — M. Augustus E. Dixon: Note sur quelques thiocarbimides dérivés des acides gras com- plexes. Il décrit spécialement les thiocarbimides de l'acide palmitique C''H#COCA7S et de l'acide stéarique. Séance du 3 Décembre 1896. M. Arthur G. Green étudie la nature des corps colorants. Il les et la deux constitution divise en “ " 84 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES groupes. Le premier comprend les leucodérivés qui ne s'oxydent que difficilement à l'air; le deuxième ren: ferme les colorants qui sont très facilement oxydés par exposition à l'air. Au premier, se rattachent les corps de la série du triphénylméthane, des phtaléines, indophénols, indamines. Au second, la classe des indi- gos, azines, oxazines, thiazines, acridines, quinoline, oxyanthraquinone. Il est à remarquer que les premiers de ces corps sont substitués en position para et les seconds en ortho seulement ou en deux posilions. — M. F. Stanley Kipping décrit toute une série de déri- vés de l’«-hydrindone, et spécialement le benzoylami- nohydrindène : C'H°AzHCOPh, le benzylidèneaminohydrindène C'H'Az : CHPh, l'oxa- late d’aminohydrindène et l'hydrindone semicarbazide : C°HS : Az.CO.AzHAZH*. M. Henry-E. Armstrong présente quelques obser- vations sur la nitration et s'étend spécialement sur celle du fB-naphtol. — MM. Henry-E. Armstrong el W.-A. Davis ont pu préparer le troisième bromo-6- naphtol, corps inconnu jusque-là, en partant du 1:3: dibromo-8-naphlol auquel ils enlèvent un atome de brome en faisant digérer le composé dibromé avec l'acide iodhydrique, mais sans dépasser 65°. Ils indiquent égale- ment les propriétés de ce corps. —M. W.-A. Davis à pu se rendre compte que la difficulté de nitration du $-naphtol ne se poursuit pas dans la série de ses diffé- rents composés, qui n’ont pas de tendance à donner des dérivés kétoniques. Toutefois, les nitrométhoxy et nitroéthoxy-naphtalènes ne sont pas des substances à pouvoir coloraut aussi grand que celui de phénols cor- respondants. L'auteur étudie ensuite plusieurs dérivés du nitro-B-naphtol, — Dans une deuxième communica- tion, M. À. Davis indique les relations morphotropiques et cristallographiques des différents dérivés du $-naph- tol. — M. Clare de Brereton Evans conclut de ses recherches que, tandis que les acides orthosulfoniques s’obtiennent facilement en partant des dérivés de l’aniline, les acides méta ne se forment que si l'on part de la diméthyl ou diéthylaniline. Il y a une très grande difficulté à placer le radical sulfoné dans la position ortho relativement au groupe AzR?. — M. John Ball : Influences qui peuvent faire varier les solutions de zinc dans les acides dilués et étude spéciale de l’action exercée par les sels mélalliques en solution. — M. E. Sonstadt décrit en détail les expériences dans lesquelles il à étudié l'oxydation du sulfate fer- reux par l’eau de mer; cette oxydation serait vraisem- blablement produite par l’action des iodates sur le sulfate ferreux. —- Dans une deuxième communication, le même auteur expose ses recherches qui lui ont permis de découvrir et d'isoler de l’or de l'eau de mer en traitant celle-ci avec de petites quantités de mer- cure, ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE Séance du 17 Décembre 1896. 1° Sciences PaYsiQuEes. — M. F. Emich s'est proposé de déterminer la longueur des plus courtes étincelles capables, dans diverses circonstances, d'enflammer des mélanges de gaz explosifs. Les électrodes entre lesquelles jaillit l’étincelle sont construites de telle sorte que leur distance au moment de l'explosion est égale à l’épais- seur de la couche gazeuse dans laquelle l'explosion peut se propager. Pour le gaz tonnant pur (oxygène et hydrogène), l'épaisseur de la couche, dans les condi- tions normales, est de 0u®,22, Celte épaisseur est inver- sement proportionnelle à la pression; elle augmente avec la température. Si l'on ajoute au gaz lonnant de l'oxygène, la longueur de l’étincelle est minimum pour des volumes égaux d'hydrogène et d'oxygène. — M. A. Lampa à étudié l'indice de réfraction de quelques substances pour des ondes électriques très courtes. Il a trouvé pour l’eau : ) — Sum ) — Gum À — 4m n—6;,912 n = 9,405 n = 9,499 M. E. Murmann à fait l'étude comparative des diffé- rentes méthodes d'analyse quantitative du cuivre industriel. Il conclut que toutes les méthodes actuelles donnent une teneur en cuivre trop élevée et uneteneur en antimoine et en arsenic {rop faible. 29° SCIENCES NATURELLES. — M, F. J. Cotton : Contri- bution à l'étude de la question de l'élimination des Bactléries par les corps animaux. Séance du 7 Janvier 1897. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M, L. Boltzmann envoie une note sur un théorème de mécanique dû à M. Poincaré. — M. C. H. Wind indique une nouvelle méthode de démonstration, simple et rigoureuse, du théorème qui correspoud à celui de Liouville dans la théorie cinétique des gaz. 29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. W. Schlemuller envoie une note sur une formule empirique donnant la rela- tion qui existe entre la pression et la température des vapeurs saturées. — M. W. Hillmayr a déterminé le point de congélation de l'acide sulfurique dilué dans le but d'expliquer la différence qui existe entre les anciennes mesures de Pfaundler et Schnegg et les nouvelles de Raoul Pictet. Les mesures des deux pre- miers auteurs sont confirmées et les anomalies signalées par Raoul Pictet doivent être rejetées. Les essais faits en vue de déduire des points de congélation de Raoult des données sur le poids moléculaire de l'hydrate dissous ne sont pas justifiés. — M. ©. Nagel, en faisant réagir l'acide monochloracétique en solution alcoolique sur l'o-oxychinoline sodée, a obtenu l'acide oxychinolineacélique ou chinolineglycolique : | O — CH? — COOH Il cristallise en aiguilles blanches, jaunissant à la lumière, fondant vers 176 degrés centigrades, et forme avec les bases et les acides des combinaisons caracté- ristiques. — M. C. Pomeranz a fait la synthèse de quelques dérivés de l’isochinoline d’après la méthode précédemment décrite pour l’isochinoline même. 30 SCIENCES NATURELLES. — MM. R. Heller, W. Ma- ger et H. von Schrotter présentent leurs observa- tons sur les modifications physiologiques de la voix et de l'audition par le changement de la pression de l'air. — M. A. Kerner von Marilaun rend compte de l'expédition organisée en 1896 dans l'Afrique anglaise et allemande et décrit les collections botaniques rap- portées par M. A. Pospischil et le prince Henri de Liechtenstein. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, {. rue Cassette. 3 ; LE 8° ANNÉE N°3 15 FÉVRIER 1897 REVUE GÉNÉRALE S OCIENCES \ DIRECTEUR PURES ET APPLIQUÉES : LOUIS OLIVIER CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE S 1. — Distinctions scientifiques Elections à l'Académie des Sciences de Paris. — Dans sa séance du 18 janvier dernier, l'Aca- démie des Sciences a élu notre éminent collaborateur M. Heuri Filhol dans sa Section d'Anatomie et de Zoolo- gie en remplacement de Sappey. L'Académie a voulu récompenser, par ce suprème honneur, toute une série de découvertes commencées il y a plus de trente ans par l'auteur et poursuivies par lui d'une facon ininterrompue. L'œuvre de M. Filhol em- brasse le domaine entier de la Paléontologie des Ver- tébrés. La Revue a eu souvent l’occasion de signaler l'importance de cetle longue série de fructueuses recherches qui, avec celles de M. Gaudry, de Marsch et de Cope, constituent, à l'heure actuelle, le fonde- ment le plus solide de nos connaissances relatives aux Vertébrés des anciens âges. Elle se réjouit, avec tous les paléontologistes, de la haute distinction qui vient d'être décernée à l'auteur. Lundi dernier, 8 Février, l'Académie avait à élire dans sa Section de Mécanique un membre en remplacement de Résal, récemment décédé‘. Les candidats en pré- sence étaient : 1° M. Bazin, présenté en première ligne par la Section; 2° M. le Général Sébert, présenté en seconde ligne; 3° MM. Kænigs, Lecornu, Félix Lucas, Vicaire et Vieille, présentés en troisième ligne. Le nombre des votants étant 58, au premier tour de serulin, M. Sébert a obtenu 22 suffrages ; M. Bazin, 19 ; M. Vieille, 15 ; M. Lucas, 1. — Au deuxième tour, M. Sé- bert en a obtenu 29; M. Bazin, 16 ; et M. Vieille, 13. — Au troisième tour, 30 voix se sont portées sur M. Sébert, 26 sur M. Bazin. En conséquence, M. Sébert a été déclaré élu. Le Général Sébert est, comme on sait, l'auteur d'études remarquables sur la balistique ; les méthodes d'analyse qu'il a créées pour mener à bien ces études, comptent parmi les plus délicates, les plus ingénieuses et les plus fécondes de la Mécanique expérimentale. La médaille d’or de la Société Industrielle | du Nord de la France. — Nous avons le plaisir d'annoncer à nos lecteurs que la Société Industrielle du Nord de la France, en raison des services particu- liers rendus à l'Industrie par les découvertes scienti- fiques de M. Moissan, vient de décerner à l'éminent chimiste la plus haute récompense dont elle dispose : sa médaille d’or grand module. Élections à la Société Royale de Londres. — On sait que la Royal Society élit ses membres sans qu'il y ait eu présentation ni candidature préalables. Parfois même, les nouveaux élus apprennent leur nomination sans avoir été informés du désir de la Société de se les adjoindre. C’est ce qui vient d'arriver à quatre savants illustres, étrangers à la nationalité britannique. La Société Royale, fidèle à son inaltérable libéralisme scientifique, a, en effet, tout récemment appelé dans son sein : 10 M. Gabriel Lippmann, membre de l’Académie des Sciences, dont nos lecteurs connaissent non seulement les belles recherches qu’il a exposées ici même ‘, mais aussi tous les autres travaux ; 20 M. Albert Heim, professeur à l'Ecole Polytechnique Fédérale de Zurich, et l'un des plus brillants représen- tants de la Géologie actuelle ; 30 M. Mittag-Læffler, Lillustre mathématicien d'Upsal; 49 Le grand astronome Giovani Schiaparelli, de Milan, à qui l'on doit la découverte sensationnelle de la véri- table rotation de Mercure, d'admirables travaux sur les étoiles filantes, les canaux de Mars, la planète Vénus, etc., etc. Elections à l’Académie des Sciences de Berlin, — Lord Rayleigh et notre illustre collabora- ! Sur l'éminent mécanicien, voir la Notice nécrologique que M. C. Cailler lui a consacrée dans la Revue du 15 No- vembre 1896. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897. 4 Voyez : G. Lirpmanx : La Photographie des couleurs ; son principe ; ses progrès les plus récents, dans la Revue générale des Sciences du 30 janvier 1892. 86 teur le Professeur William Ramsay, membres de la Société Royale de Londres et Correspondants de l'Aca- démie des Sciences de Paris, viennent d'être élus membres Correspondants de l'Académie des Sciences de Berlin. Cette haute distinction a voulu surtout récompenser la belle découverte de l’Argon, si ex- traordinaire, si imprévue, qu'au moment où les auteurs en firent part discrètement à leurs amis, avant de la publier, la plupart n’osèrent y croire. Et même, lorsque la Revue générale des Sciences, instruite de leurs expériences et suivant leurs indications, en révéla la méthode et le résultat !, les autres journaux scientifiques jugèrent prudent d'attendre. quelque temps avant de se risquer à en parler. $ 2. — Arts chimiques La Science dans lindustrie des Parfums en Allemagne. — Notre éminent collaborateur, M. A. Haller, directeur de l'Institut Chimique de Nancy, entreprend de publier, dans le Bulletin de la Société d'En- couragement pour l'Industrie nationale, la revision mé- thodique des progrès récemment réalisés dans l’indus- trie des essences et des parfums. Il se propose de tenir chaque année les lecteurs du Bulletin au courant des nouveautés relatives à cette branche importante de l’activité francaise. Son premier arlicle sur ce sujet vient de paraître ?. Il nous apporte, sur l'extraction el la préparation des matières premières destinées à la confection des par- fums, d'intéressantes indications; mais surtout il nous renseigne de la facon la plus précieuse sur la concur- rence que l'Allemagne, mieux dotée sous le rapport du personnel scientifique et de l'organisation économique, fait à la fabrication francaise. Nous croyons utile d’ap- peler tout particulièrement sur ce point l'attention des hommes de science et des industriels. M. Haller fait d'abord remarquer l'orientation nou- velle qu'imprime à l'industrie des parfums le progrès récent de la Chimie organique. Jusqu'à ces dernières années, cette industrie procédait uniquement par extraction : la Provence et l'Algérie, très privilégiées quant à la production des plantes à essences, fournis- saient aux usines françaises une matière première sans rivale. Mais voici que les chimistes, dans leurs labora- toires, opèrent la synthèse de la vanilline, de la néro- line, etc., etse mettent à fabriquer de toutes pièces et à bon compte des essences identiques à celles qu'emploie la parfumerie. Sans doute, la plupart de ces produits de synthèse ne sauraient encore remplacer les parfums tirés des plantes, pour cetle raison qu'en général un parfum doit ses qualités odoriférantes non seulement au prin- cipe qui y domine, mais aussi aux espèces chimiques, arfois nombreuses, qui lui font cortège. Le parfum, élaboré par le végétal, est le plus souvent un ensemble très complexe, qu'il serait très difficile, peut-être impossible, en (out cas très coûteux, de produire par les seules ressources de la Chimie. Il n'en est pas moins vrai, cependant, que celle-ci introduit à l'heure actuelle sur le marché des substances odoriférantes que les par- fumeurs ulilisent en mélange pour composer les pro- duits de consommation. Il y a là une évolution commencante, que l’on peut comparer, quant au procédé, à celle que nous avons vue se produire dans la fabrication des malières colo- rantes. La part que l'Allemagne prend à cette évolution doit inquiéter nos industriels. Tandis que, chez nous, les fabricants font rarement appel aux savants, et que ceux-ci demeurent le plus souvent étrangers aux pro- cédés mis en œuvre dans les usines, les industriels ‘ La Revue a publié la nouvelle dans le supplément de sa livraison {du 30 Août 1894, puis le détail des procédés dans sa livraison du 30 Décembre 1894. ? Bulletin de janvier 1897. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE allemands confient à des chimistes la direction des opérations les plus délicates de leur art, et entretien- nent avec les laboraloires des Universités de conti- nuelles relations. Ils assurent ainsi : d'abord l’applica- tion correcte, puis le progrès des méthodes de fabrica- tion. M. Haller écrit à ce propos : «En Allemagne, la plupart des progrès réalisés dans l'industrie des parfums, ont été effectués soit dans les laboratoires des Universités, soit dans ceux des usines. Il n’y a, en effet, pas une distillerie d'essences, pas une fabrique de parfums, comme il n’y à pas une fabrique de produits chimiques quelconques, qui n'aient plu- sieurs chimistes. Et, dans la plupart de ces usines, ces chimistes sont de vrais savants, rompus à toules nos méthodes de recherches, et dont le rôle consiste à isoler les principes qui donnent de la valeur à un parfum, à en déterminer la constitution et à en tenter la synthèse. « La maison Haarmann et Reimer, dont une partie des brevets sont pris de concert avec la Société de Laire et Cie à Paris, n'a pas moins de cinq chimistes, sans compter les chimistes-conseils, au nombre desquels se trouve le savant le plus autorisé en matière de parfum, M. Tiemann, professeur à l'Université de Berlin. « La maison Schimmel et Cie, de Leipzig, qui, en fait d’essences, est une des maisons les plus puissantes et des mieux organisées, n'emploie pas moins de neuf chi- misles, dont deux dans sa succursale à Garfeld près de New-York. Les innovations introduites dans la fabri- cation et le commerce de ses produits, le rôle qu’elle joue sur le marché international des huiles essentielles ou des matières dont on les extrait, méritent qu'on entre dans quelques détails sur le fonctionnement de cette importante maison. «Disons tout d'abord que la raison sociale Schimmel et Cie, dont les propriétaires actuels sont MM. Fritsche frères, possède des succursales à Prague et à Miltitz et une autre très prospère à Garfield près de New-York. « Elle possède dans les environs de Leipzig, à Miltitz, un domaine d'une étendue de 70 hectares, dont 30 sont affectés à la plantation de rosiers et 40 au réséda, à la menthe, l’estragon, l'ivèche, etc. Ce domaine sert à la fois comme champ d'expérience et comme lerrain de culture. La maison poursuit, en effet, un triple but : elle cherche tout d'abord à s'affranchir des intermé- diaires, en cultivant, puis distillant elle-même toute plante ou partie de plante soit fraîche, soit sèche, de facon à satisfaire aux demandes de sa clientèle; met- lant à profit les conditions matériellement favorables où elle se trouve, elle institue, en outre, des essais pour arriver à déterminer expérimentalement à quelle époque de leur développement les différents organes des plantes aromatiques renferment le maximum d'essences ou, pour être plus rigoureux, le maximum de principe aromatique réel qui fixe la valeur de l'huile essentielle; enfin elle s'efforce, dans la mesure où le climat le lui permet, de cultiver d'une façon nermale un cerlain nombre de plantes, parmi lesquelles il s'en trouve qui sont l’objet d'une exploitation à l'étranger et dont elle retire Jes essences pour pouvoir les com- parer à celles fournies par le commerce, et d’autres n'ayant encore été soumises à aucune étude et dont elle extrait l'huile essentielle à seule fin d'en déterminer la composition et de voir si celte huile est susceptible d’une application quelconque. « Dans ses laboratoires, les essences, d’où qu’elles viennent, sont soumises à un examen rigoureux. On en fixe les constantes physiques, on en étudie la compo- sition, de facon à pouvoir préciser la nature du ou des principes auxquels l'essence doit son arome, et, quand la fonction du corps ainsi isolé le permet, on cherche à trouver un procédé qui permet de le doser; on tend, en un mot, à fixer les conditions qu'on est en droit d'exiger de tout produit sain, loyal et marchand. « C'est ainsi que cette maison a introduit dans la pra- tique commerciale des procédés pour le dosage de diffé- rentes essences, procédés qui n’ont pas tous été acceptés sn CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE sans provoquer des critiques et même de vives pro- testalions. « Ces critiques ne sont, il est vrai, pas sans fonde- ment, si, pour connaitre la valeur marchande d'une essence, on s’en tient uniquement aux dosages préco- nisés, car, ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer, une huile essentielle est un mélange complexe et non un composé défini et unique. La plante qui la produit est soumise aux fluctuations de l'atmosphère, qui se répereutent fatalement sur les principes que son orga- nisme élabore. Aussi, nous paraît-il hasardeux de con- elure à l'authenticité d'une essence en n’envisageant que sa teneur en un éther ou un alcool par exemple, sans tenir compte des quantités infiniments petites de corps insaisissables par les moyens dont nous dispo- sons. « Pour être en droit-d'émettre un jugement, il faut, - comme pour les vins, réunir les données fournies par l'analyse à celles formulées par les personnes qui jugent de la qualité d’une essence par le parfum qu'elle dégage. Ainsi, baser la valeur commerciale d'une essence de lavande uniquement sur sa teneur en acélale de linalyle, et ne pas tenir compte de la finesse, de la suavité de son odeur, c'est s'exposer à de graves erreurs souvent très préjudiciables au producteur !. Ne sait-on pas, en effet, que l'essence de lavande anglaise (Mitchom), qui ne renferme que 5 à 10 °/, d'acélate de linaiyle est supérieure aux essences ordinaires qui en contien- nent de 30 à 40 °/,? Beaucoup d'essences de lavande fines du Midi se trouvent dans le même cas. On peut en dire autant des essences ds bergamote?. « Il est juste de reconnaître que les chimistes de la maison Schimmel et Cie repoussent hautement cet exelu- sivisme qu'on leur attribue et recommandent, dans l’ap- préciation de la qualité d’une essence, de tenir compte à la fois des résultats fournis par le dosage et de ceux que donne l'essai à l'odorat (Geruchsprobe)}f. « Outre ces tentatives louables, et qui ne sont pas toutes sans succès, que la maison fait en vue de trouver des méthodes d'appréciation saine de la valeur des pro- duits, elle met ses chimistes, ses laboratoires à la dis- position de ses clients pour tout essai concernant les essences, les parfums ou les produits de Ja parfumerie. « Comme elle a des correspondants partout où l'on fabrique un parfum quelconque, elle fait faire des en- quêtes sur l’origine et la nature des matières premières distillées, sur la facon dont se font les opérations, sur la préparation des essences de cannelle de Chine, de menthe du Japon, etc. « Enfin, dans un bulletin semestriel, elle met, depuis l’année 1878, sa clientèle au courant des efforts qu'elle fait, des produits nouveaux qu'elle introduit sur le marché, des renseignements de tout ordre qu'elle a re- cueillis, des recherches qu'elle a poursuivies dans ses laboratoires, ainsi que de tous les travaux exécutés dans le monde entier sur les questions qui touchent de près ou de loin à la spécialité à laquelle elle s'est vouée. Ce bulletin mi-commercial, mi-scientifique, se publie, à partir du mois d'octobre dernier, en trois langues : en allemand, en anglais et en francais. Il est utile à consulter non seulement pour le commercant, mais encore pour l’homme de science qui, nous le répétons, y lrouve, sous une forme très succincte, tout ce qui a été publié sur la série terpénique, les essences, les parfums, etc... Si nous nous sommes étendu longue- ment sur l'organisation et le fonctionnement de cette maison, si nous avons cru devoir parcourir tous les bulletins qu'elle adresse gracieusement à ses clients et à tous ceux qui en font la demande, c'est pour montrer Voir à cet égard une réclamation d'un distillateur de Grasse parue dans le Seifenfabrikant, 1895, p. 631. ? Rapport de la Chambre de commerce de Reggio-Calabre pour l’année 1895. , ? Bulletin Schimmel et Cie, Octobre 1896, p. 35. 87 comment, avec l'aide de la science el sous son couvert, une industrie peut prospérer et acquérir une certaine autorité au point de pouvoir imposer ses procédés. Sans doute, on trouvera dans cette manière de faire une réclame habile et non déguisée, mais il faut con- venir que le commerce loyal et honnète du monde entier en tire son profit el que, par surcroît, la science s'enrichit sans cesse de données nouvelles... » Il ya, comme on voit, dans cette magistrale étude du savant professeur de Nancy, toute une philosophie dont la portée dépasse de beaucoup l'intérêt, déjà con- sidérable, du sujet traité. Puissent s'en pénétrer lous ceux qui ont à cœur le développement et le bon renom de la Science et de l'fudustrie francaises. Louis Olivier. $ 3. — Agronomie Vinification rationnelle par lemploi des levures pures, après stérilisation des moûts de raisin. — Malgré les nombreuses recherches dont les levures pures ont été l’objet, et malgré les tentatives qu'on a multipliées pour les faire entrer dans la pratique de la vinification, les résultats oblenus jusqu'ici sont peu importants. Il faut, très probablement, attribuer ces échecs à l’action prédomi- nante qu'exercent sur le moût les levures préexistant sur les raisins, et qui prennent le pas sur les levures pures ensemencces. Même dans les conditions les plus favorables, par exemple quand on procède par la mé- thode des « pieds de cuve », — qui consiste à mettre les levures en activité dans une petite quantité de moût avant de l'ajouter à la masse à levures, — l’amélio- ration obtenue dans la qualité du vin n’est pas tou- jours appréciable, Dans certains cas même, on à obtenu de moins bons résultats en employant des levures pures, qu'en laissant le moût fermenter simplement avec ses levures propres, — ce qui peut s'expliquer par un antagonisme dans le développement des deux levures en présence. Pour que les levures pures agissent d'une manière efficace, il faut les ensemencer dans un milieu stérile. Telles sont les conditions dans lesquelles M. Kühn a entrepris, aux dernières vendanges, une série d'expé- riences. Voici comment il a procédé : il a préparé, avec des raisins ordinaires de la région du Midi (Aramons Terret-Bouret), du moût de raisin. Une partie de ce- lui-ci, abandonné à la fermentation spontanée, a donné du vin ayant les caractères des vins blancs ordinaires du Midi. Une autre partie de ce moût a été ensemencée avec des levures pures, et l'amélioration obtenue a été peu notable. Enfin une troisième partie du moût a été stérilisée dans le stérilisateur Kübhn, puis ensemencée avec les mèmes levures pures. Les nombreux dégus- tateurs experts auxquels ces vins ont été soumis, ont été unanimes à leur retrouver les caractères des vins dont ils avaient recu la levure. En particulier, le vin préparé avec la levure de Champagne était absolument métamorphosé et avait nettement le type des vins blancs de la région Champenoise. On comprend toute l'importance qu'aurait l'appli- cation industrielle d'une telle méthode de vinilication, si elle était appliquée, par exemple, en Algérie et en Tunisie, où les défauts des vins viennent surlout des imperfections de la fermentation. Les qualités des vins tiennent à des causes nombreuses, dont les deux prin- cipales sont la nature des raisins et la qualité des levures. Si les raisins sont sains et ont une composition normale et si la levure est active et de race choisie, on a en présence les deux éléments essentiels d’une bonne vinilication. Or, en Algérie et en Tunisie, les raisins sont, la plupart du temps, bien sains : leurs moûts présentent une composition normale, La qualité, souvent défectueuse, des vins obtenus provient — c’est un fait reconnu par les œnologues — des imperfections de Ja fermentation. Or, la cause la plus importante de ces imperfections est l'élévation anormale de la tem- 88 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE pérature ; le raisin, eueilli à l'époque des grandes cha- leurs, donne un moût déjà chaud, et dont la tempéra- ture s'élève encore par la transformation du sucre en alcool. La stérilisation des moûts changerait ces con- ditions : elle permettrait, en emmagasinant le moût inerte dans des caves, d'attendre l’époque où la tempé- rature serait plus propice à la bonne fermentation. On pourrait alors voir la vinification devenir une industrie scientifique, comme l’est la brasserie. Le brasseur met en œuvre des matières premières — moûts et levures — dont il connait parfaitement la composition et les qualités. Il les fait agir dans des conditions de température, de temps, etc., bien déli- milées et connues; il est, en un mot, le maître de sa fabrication. Bien différente est, d'ordinaire, la situation du vinificateur : il ne dirige pas, à sa guise, ses opéra- tions : la nature, la composition, la température de ses moûts varient sans cesse, il ne connaît pas la nature des levures qui déterminent ses fermentations et ne sait même pas s'il y intervient, en même temps que les levures, des organismes étrangers. Et puis, le vinifi- cateur ne peut acquérir l'expérience du brasseur : ce dernier travaille toute l'année, tandis que le premier doit se hâter de profiter du moment favorable pour la vendange, etses opérations de vinification ne s'étendent pas sur plus d'un mois. Ces conditions défavorables changeraient si l'on pouvait appliquer la stérilisation préalable des moûts. Il suffirait alors de choisir le moment favorable pour la récolte du raisin, de préparer les moûts, de les stéri- liser et de les emmagasiner. On les ferait ensuite fer- menter à l'époque la plus propice: on pourrait échelon- nerla vinification et lui donner les soins que ne permet pas le mode de travail actuel. On supprimerait, par l'emploi de cette nouvelle méthode de vinification, les deux causes principales de dépréciation d'une grande partie des vins de l'Algérie et de Tunisie : fermentation à une température trop élevée et races de levures lo- cales défectueuses. Il serait à désirer qu'une tentative industrielle fût faite, dans cet ordre d'idées, en Algérie ou en Tunisie. X. Rocques, Ingénieur-Chimiste, Ex-Chimiste principal du Laboratoire Municipal. $S 4. — Sciences médicales Application thérapeutique des rayons Rœntgen. — Les rayons X appliqués à la médecine, outre le mérite indiscutable de faciliter et préciser cer- tains diagnostics difficiles, auraient-ils des propriétés thérapeutiques ? Quelques faits semblent prouver que ces rayons peuvent modifier profondément la vitalité des tissus et exercer peut-être une action microbicide. A ce titre, la communication de MM. Rendu et du Castel à la Société médicale des hôpitaux (15 janvier) constitue un docu- -ment intéressant : il s'agissait d’un garcon de vingt ans atteint d'une affection pulmonaire mal définie : pneu- monie infectieuse à poussées successives et compliquée peut-être de tuberculose pulmonaire. Pendant cin- quante-six jours conséculifs le malade présenta le ta- bleau clinique d'une fièvre hectique 38° à 39° et 40°, contre laquelle toute médication échoua. Sous l'in- fluence des rayons X, après la quatrième application, « l'apyrexie s'établit accompagnée d'élimination colos- sale de sueur et d'urine ». A la la dixième séance, sur la région antérieure du thorax, aux points touchés par les rayons, se déclara un érythème qui devint une vé- ritable brûlure avec escarre du derme et qui guérit au bout de trois semaines seulement. Le malade entra rapidement en convalescence, et en deux mois engraissa de près de trente livres. La guérison se maintient au- jourd’hui (depuis cinq mois), et l'auscultation révèle une cicatrisation régulière et complète des parties atteintes du poumon. . MM. Rendu et du Castel insistent sur les troubles lrophiques des téguments sous l’action des rayons X : il est permis de penser, disent-ils, « que des modifica- tions de même ordre, vraisemblablement aussi pro- fondes peuvent s'accomplir dans l'intimité des tissus ». IL est bien évident que, dans ces conditions, une action doit s'exercer sur la vitalité des microbes, dont la vi- rulence est très vraisemblablement atténuée. Quelle que soitexactement la lésion du poumon, ilest bien certain que les rayons X ont eu une action immé- diate et favorable : quant au mécanisme intime de cette action, il reste hypothétique. Je rappellerai le fait plus ancien (août 1896) de Des- peignes, de Lyon : un cancéreux de l'estomac très amé- lioré quant à ses douleurs par les rayons X. Voigt, de Hambourg, vient de confirmer celte action calmante des rayons invisibles, chez un vieillard de quatre-vingt- trois ans, atteint de cancer de la langue : les séances apportèrent un soulagement considérable : le patient succomba à une pneumonie, mais pendant les huit se- maines que dura le traitement (cent séances) les dou- leurs cessèrent presque complètement. Il semblerait donc que les rayons X ont un véritable pouvoir analgésique, que l’on pourrait utiliser ou tout au moins tenter d'utiliser dans les affections chroniques douloureuses. L'action caustique des rayons X, si nette dans l’ob- servation de MM. Rendu et du Castel, a été maintes fois constatée. Voici deux nouveaux exemples d'éry- thèmes de la peau signalés par le British Medical Journal: Un jeune homme de seize ans, apprenti chez un fa- bricant d'instruments de chirurgie, entra à University College Hospital dans les circonstances suivantes : son patron s'était servi de lui pour obtenir une radiographie de la colonne vertébrale; le tube de Crookes était placé à cinq pouces de l'épigastre et la peau était protégée par un morceau de flanelle, L'expérience dura une heure. Le jour même on ne remarqua rien, mais, le lendemain, la partie de la peau soumise à l'action des rayons X devint irritable et d’une couleur rouge foncé; puis la peau devint dure, et enfin elle se couvrit d’une quantité de vésicules. Le contact entre la peau saine et la peau malade était bien tranché. Le médecin or- donna des lotions de lactate de plomb. Les vésicules commencèrent bientôt à crever, puis l’épiderme se sépara, sauf à quelques endroits où les vésicules étaient en très grand nombre et où il resta des excoriations qui ne guérirent que très lentement. Les poils dont la peau était couverte persistèrent en partie, surtout sur la ligne médiane. Un autre cas curieux s'est passé au Canada : une personne, qui servait de sujet dans des conférences publiques sur les rayons de Rœntgen, ne ressentait aucun effet désagréable lorsque l'exposition aux rayons ne durait pas plus de deux heures par jour. Mais lorsque les expériences durèrent plus de six heures par jour, la main droite se couvrit d'ampoules et les ongles commencèrent à se détacher de la peau. Quand la main droite fut guérie, les expériences recommencèrent avec la main gauche; les mêmes phénomènes se reprodui- sirent, mais, en outre, le côté gauche de la face devint rouge et les poils des sourcils et de la moustache tom- bèrent avec une partie de la peau. Ces deux cas et d'autres analogues nous montrent que les rayons X peuvent produire des dermatoses semblables à celles qu'occasionnent de fortes insola- tions; mais ces effets n'ont généralement lieu que lorsque le tube est placé très près de la peau, et que l'exposition aux rayons est prolongée et fréquemment répétée. D' P. Maubrac. : k $S 5. — Géographie et Colonisation 1 La descente du Niger par la Missions Hourst. — Le lieutenant de vaisseau Hourst et ses compagnons sont revenus en France après avoir des cendu le Niger depuis Tombouctou jusqu'à la mer C'est la première fois qu'a lieu une exploration aussi CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 89 - complète du grand fleuve du Soudan occidental. Ces ofliciers ont relevé son cours entre Tombouctou et Boussa, ce que personne n'avait fait avant eux. La section limitée par Say et Gomba, jusqu'à présent restée en pointillé sur nos cartes, cesse désormais d'être | inconnue. Ce voyage mérite certainement d'être placé parmi les plus importants qui aient été accomplis en ces dernières années. Il y aura lieu de l'étudier en détail, uand M. Hourst en aura publié le récit, Néanmoins des paroles qu'il a prononcées en plusieurs circons- tances se dégagent dejà les résultats suivants : Le Niger possède, en sa partie moyenne, un bief de 1.709 kilomètres, libre de tout obstacle. C'est une des plus belles surfaces navigables de l'Afrique, et à la- quelle sont seulement comparables la section du Nil qui s'étend entre Lado et Berber et celle du Congo limitée par les Stanley-Falls et le Stanley-Pool. | En aval, le Niger est coupé par une suite de rapides - sur une longueur de 400 kilomètres. En certains points, - «les récifs surgissent du fleuve, semblables à des quilles, qui seraient placées sur le jeu non symétri- | quement, mais au hasard », Dans ces parages, le courant atteint une vitesse ver- tigineuse. Conclusion: ce magnifique bief du Moyen- Niger, ce « lac commercial » est inaccessible pour des embarcations remontant du golfe de Bénin. C'est par | le Sénégal et par le chemin de fer du Soudan francais - qu'il faut chercher à l’atteindre. | Sous le rapport de la géographie politique, le lieute- nant Hourst rapporte qu'Ahmadou, contre lequel nous avons si longtemps combattu, et qu'on croyait anéantli, essaie préseutement de reconstituer sa domination - aux environs de Say. Il travaille à la fondation d'un Etat analogue à ceux que constituèrent jadis ou que gouvernent actuellement El Hadj Omar ou Samory dans le Soudan occidental, Zobeyr dans le Bahr el Ghasal, ou Rabah sur les bords du Tchad. La principale ressource d’Ahmadou consisterait dans la vente des esclaves capturés dans les razzias. Si sa tentative réussissait, elle serait aussi funeste pour les peuples africains que pour les nations de l’Europe. Le Niger à déjà provoqué de nombreuses explo- - rations, dont quelques-unes sont restées mémorables. - 11 évoque les noms glorieux de l'Ecossais Mungo Park - et du Hambourgeois Barth. Mais il est beau pour les Francais que la première description de Tombouctou ait été rapporlée par René Caillé, et que la première descente complète du Niger ait été accomplie par le lieutenant de vaisseau Hourst. Henri Dehérain. L’acclimatation du Tagasaste en Algérie et en Tunisie. — Le Tagasaste (Cytisus proliferus va- rietas) est originaire des îles Canaries, où il sert couram- ment à l'alimentation des races locales de vaches et de chevaux. Il est connu du monde savant depuis une tren- taine d'années, grâce aux travaux du D' Pérez; mais malheureusement, il reste encore ignoré des éleveurs et surtout des éleveurs algériens et tunisiens, qui pour- raient en tirer un remarquable parti. Notre but serait d'attirer sur cette plante alimentaire l'attention des pra- liciens. Variété naturelle du Cytisus proliferus, le tagasaste est un petit arbuste aux nombreux rameaux, remar- quable par l'étendue de ses racines, qui pompent au loin l'humidité, ne laissent inutilisée aucune goutte d'eau souterraine et lui permettent ainsi de vivre dans les terrains les plus secs. Cette particularité trabit l'adaptation toute particulière du tagasaste au climat des Canaries. En ces iles, en effet, où les pluies, peu abondantes, tombent de novembre à mai, l'été est très sec, et cette circonstance impose des conditions toutes spéciales à la végétation. Deux principaux avantages distinguent le tagasaste : son grand produit et sa rusticité. Les animaux mangent volontiers ses jeunes pousses, soit fraiches, soit fer- mentées. Il est vrai que tous ne supportent pas égale- ment celle alimentation. Les Ruminants et les Ron- zeurs tels que les lapins, s'en trouvent parfaitement en tandis que les chevaux, les mulets et les Anes qui ont brouté la plante verte sont souvent pris d'étourdis- sements, de nausées et de suffocations, Mais, si l'on a eu soin de faire fermenter le fourrage, il n'exerce plus aucun effet nuisible sur les Equidés. M. Cornevin, professeur à l'Ecole vétérinaire de Lyon, a fait sur le tagasaste des expériences très complètes, qui précisent les conditions d'emploi de ce végétal et l'importance qu'il offre comme fourrage, Il à imoculé le poison extrait de la plante en décoction aqueuse con- centrée sous la peau de divers animaux, et, d'autre part, a observé les effets consécutifs à l’ingestion des ra- meaux verts et du fourrage. Il résulte de ses études que : 1° En injection, le poison extrait du tagasaste produit sur tous les animaux des désordres légers ; 29 L'ingestion ne produit cet effet que sur les Equidés. Les Ruminants en sont absolument indemnes: 3° Après fermentation, le tagasaste, digéré ou injecté, n’exerce plus le moindre effet nocif même sur les Equidés. M. Cornevin a, en outre, constaté que la vache et le mouton mangent avec plaisir le tagasaste; la croissance est régulière et il ya même un notable engraissement. Les qualités nutritives du tagasaste une fois consta- tées, il était naturel qu'on se préoccupât d'étendre la culture de cet arbuste dans les régions trop sèches pour produire naturellement de bon fourrage. La re- marquable analogie de climat, de sol, de conditions physiques entre les Canaries et les côtes méditerra- néennes de l'Afrique mineure appelaient en particulier l'attention; presque toutes les espèces qui prospèrent aux Canaries sont, en effet, des espèces méditerra- néennes. De plus, les qualités propres de la plante la dési- gnaient pour réussir dans ces régions : dans ce sol un peu aride et pierreux, et sous ce climat sans très grands écarts de température, le lagasaste paraissait devoir se comporter comme aux Canaries : la longueur de ses ra- cines lui permettrait notamment de résister à des séche- resses assez prolongées. Ce serait, d'ailleurs, surtout sur une partie des Hauts-Plateaux algériens et tuni- siens que l’arbuste réussirait le mieux, puisqu'aux Ca- naries sa zone de prédilection est à des altitudes de 500 mètres environ. On doit à M. Madinier et à M. le Dr Sagot d'avoir, en conséquence, pris, il y a quelques années, l'initiative de plantations de tagasaste dans nos possessions de l'Afrique du Nord. Par leurs soins, des graines de l’ar- buste furent distribuées à différents colons de la Mitidja et du Sahel. Les essais ont remarqublement réussi en Algérie, en Tunisie, au Maroc, dans l'Italie et l'Espagne méridionales. Plus au nord, les gelées sont un obstacle au développement de la plante; d'autre part, au sud du 35°, la sécheresse trop complète et trop prolongée des zones subdésertique et désertique tuerait l’arbuste. Les graines, très dures, pourraient mettre plusieurs années à germer, si on ne hâtait leur germination soit en les incisant avec un couteau, soit en les laissant macérer à 40° pendant plusieurs jours. On coupe les rameaux deux fois par an, en mai et en septembre, on les met fermenter et on les donne aux animaux, mélan- gés à de la paille hachée, dans la proportion de 9 kilos de paille contre 25 kilos de tagasaste. Le tagasaste ne produit abondamment que la troi- sième année, inconvénient léger, si l'on réfléchit qu'il vit quarante à cinquante ans. 200 tagasastes, plantés par le D' Pérez ont donné comme produit normal 339.006 kilos de rameaux utiles et 88.000 kilos de bois, ce qui correspond à un rendement net de 750 francs à l'hectare, résultat singulièrement beau. Dans ces conditions, nos colons algériens et tunisiens, si éprouvés par le manque de fourrages, ont tout inté- rêl à essayer d’une plante que la chaleur et la séche- resse de l’été laissent indemne, Paul Privat-Deschanel. 90 GASTON MOCH — ARTILLERIE ET BUDGET ARTILLERIE ET BUDGET Pour la troisième ou quatrième fois depuis peu d'années, le bruit court que notre artillerie de cam- pagne va voir renouveler son malériel. Comme toujours, on motive cette résolution sur les armements de l'Allemagne : celte puissance pos- séderaitun nouveau canon, à la construction duquel elle se proposerait de consacrer, les uns disent 200, les autres 250 millions de marks (250 ou 312 mil- lions de francs). Certains assurent même que cette transformation est déjà faite, comme s'il était pos- sible de fabriquer en secret, de transporter clan- destinement, et de dissimuler dans les arsenaux quelques milliers de canons et de caissons et des millions de projectiles. Comme toujours également, cette campagne de presse trouve sa contre-partie chez nos voisins. Ils se disent contraints, bien à regret, aux sacrifices nécessaires pour regagner l'avance que nous avons prise; déjà les députés de l'opposition (Centre et démocrates) ont annoncé dans leurs journaux qu'ils voteront les crédits pour l'artillerie « parce que la France a commencé ». Sur ces deux affirmations contradictoires, il faut pourtant bien qu'il y en ait une erronée, si même elles ne le sonttoutes deux, ce qui est encore pos- sible. Mais il va de soi que le premier des deux Parlements qui sera saisi de la question, votera tous les crédits demandés par le ministre compé- tent, et que son exemple sera aussitôt suivi dans le pays rival. Tolal : 500 où 600 millions, auxquels viendront bientôt s'ajouter des sommes analogues, sacrifiées par les autres puissances; et quelques milliards s'en iront rejoindre ceux que la paix armée a dévorés déjà, et qui auraient pu recevoir tant d'applications fécondes. Et tout cela, peut-être, parce que le Ministre de la Guerre de France, ou son collègue de Berlin, aura été inexactement renseigné sur les faits et gestes du voisin! Il y a là de quoi faire désirer que les deux pays consacrent plutôt quelques millions à améliorer leurs services d'informations, pourtant si développés déjà. Chacun aurait plulôt intérêt à ouvrir loutes grandes les portes de ses arsenaux, pour épargner à l'autre une erreur destinée à avoir chez lui-même la plus fâcheuse répercussion. Les gens du métier commencent à prendre l’ha- bilude de ces éclosions de « canards », qui sont fré- . quentes. Les deux dernières dont ils ont gardé le souvenir méritent d'être rappelées, car elles mon- trent sur quels bruits sans consistance reposent parfois les plus chaudes alarmes. En 1891, un officier allemand bien connu dans le monde des techniciens, le général Wille, publia une brochure intilulée : Le canon de campagne de l'avenir, dans laquelle il exposait ses vues person- nelles sur la question. Il n’en fallut pas davantage, étant donnés la personnalité de l’auteur et le titre du livre, pour qu'on crût que le « canon de l’ave- nir » était tout simplement le « futur canon alle- mand ». La moindre réflexion aurait suffi pour faire com- prendre précisément le contraire, car on sait que ni les élats-majors, ni les généraux isolés ne sont coutumiers de pareilles révélations prématurées , ordinairement qualifiées de trahisons. Mais il n'im- porte. La presse technique de tous les pays enga- gea un feu croisé de nouvelles à sensation et de polémiques passionnées. Chez nous, on songea très sérieusement à demander aux Chambres les moyens de renouveler notre artillerie de campagne. Etilest certain qu’à cette époque aucun des modèles à l'étude ne suffisait à justifier un changement : c'eût été une vérilable mesure de panique. Il me sera permis de rappeler que je pris part à ces discussions en soutenant que, le canon Wille supposé construit, il n'était pas prouvé qu'il cons- tituerail une arme préférable à celles qu'on possé- dait— ma conviction est même tout opposée; et, au surplus, je montrai que l’industrie élait encore inca- pable de réaliser le projet du général Wille. En fait, plus de cinq ans se sont écoulés depuis lors, el je ne crois pas qu'on soit encore parvenu à cons- truire une arme de ce genre. Ge qui est certain, c'est que personne ne changea de matériel. Et, pour ma part, ce me fut une grande satisfaction de pen- ser que j'avais pu contribuer, dans une si faible mesure que ce fût, à épargner au pays une si lourde faute. En 1894, changement de décor : c'est la France qui « a commencé ». Le Journal des Débats avait consacré à la question du canon deux chroniques, d’allure assez mystérieuse. Une autorité de lartil- lerie allemande, le général Rohne, en conclut que la France venait d'adopter un nouveau canon de campagne, sur lequel il publia une étude dans l’of- ficieux Wilitür- Wochenblatt. Et non seulement l’au- teur me faisait l'honneur tout à fait gratuit de m'at- tribuer une part assez importante dans le tracé de celte bouche à feu imaginaire, mais les détails qu'il donnait comme élant de moi étaient pris dans un travail où je les avais indiqués à titre d'exemple de PTIILE GASTON MOCH — ARTILLERIE ET BUDGET ce qu'il conviendrait de ne pas faire! Et la revue allemande précisait : « L'artillerie française entière sera pourvue de celte pièce dans un délai de trois ans; la dépense est évaluée à 380 millions de francs ». L'information, comme on peut penser, fit son chemin. Inulile d'ajouter qu’elle était erronée, aujourd'hui que les trois ans demandés sont écou- lés, et que la question demeure ouverte. Il m'en est resté la petite blessure d'amour-propre d’avoir passé pour l'auteur d'un projet que j'avais au con- traire qualifié moi-même de mauvais; il était inu- tile de protester : on aurait cru à une feinte. On voit par ces souvenirs personnels avec quelle facilité naissent les légendes en malière d’arme- ments ; comme lous les sujets entourés d'un certain mystère, celui-là exerce une fàcheuse attraction sur l'imagination des nouvellistes. Et les écarts de cette imagination sont ici particulièrement dange- reux. Le public voue, eneffet, une attention passionnée, non au détail technique des questions militaires, qui n'est pas à sa portée, mais du moins à leurs grandes lignes, aux solutions qu'elles reçoivent. Chacun s'y intéresse, comme patriote, comme com- batlant éventuel, et, il faut bien le dire aussi, comme contribuable. Ce dernier point n’est pas à négliger. Quand une réforme entraine une dépense qui ne saurait être renouvelée de longtemps, il est bien permis de se demander si de pareilles sommes, données sans compler, sont au moins employées de manière à rendre leur maximum d'effet utile. Or, les errements que l’on suit aujourd'hui dans tous les pays, quand on procède à une transforma- bon de l'armement, ne salisfont pas à cette exi- gence si légilime. Et l'on peut ajouter que ces mêmes errements sont la cause principale de la dangereuse nervosité qui se manifeste dans le publie, chaque fois que ce difficile problème est soulevé. II Actuellement, voici comment se passent les choses : Dans tous les pays, les ateliers de l'État, de grands établissements privés, enfin une foule d'of- ficiers et d'ingénieurs isolés, travaillent sans re- läche à perfectionner les modèles existants. Et, du train dont va la science de nos jours, on peut pen- ser avec quelle rapidité les progrès succèdent les uns aux aulres : Ces travaux peuvent aboutir de deux manières différentes : Ou bien, il a été imaginé un engin que l’on sup- pose capable d'assurer à son possesseur une supé- riorité décisive; et l'on en décide aussitôt la cons- 91 truction, de manière à prévenir les puissances rivales par un vérilable coup de théâtre ; Ou bien, on apprend un beau jour que le voisin s'est décidé à franchir le grand pas; on adopte alors, entre les modèles auxquels on travaillait, un de ceux dont les études se trouvent être le plus avancées. Un grand sang-froid est nécessaire ici. Car si l'on s'attache avant tout à faire vite, el que l’on s'impose absolument de choisir le modèle le plus avancé de tous, c'est-à-dire le premier d’entre eux qui ait été mis en expériences, ce ne sera vrai- semblablement pas le meilleur. Dans les deux cas, les inventeurs, race inexo- rable, continuent leur petit jeu pendant même que l'on fabrique le nouveau matériel, et celui-ci n’est pas plus tôt en service qu'ils ont déjà fait mieux; on n'a pas encore fini, que tout serait à recom- mencer. Dans les deux eas également, la fabrication, une fois entreprise, doit être poussée le plus rapide- ment possible. Mais cela n'est pas chose facile. La seule constitution de l’oulillage nécessaire peut coûter des efforts énormes ; puis, le personnel fait défaut. On construit donc des machines, grosse perte de temps; pour aller plus vite, on en achète à tout prix, s'il en existe quelque part de conve- nables; on embauche des milliers d'ouvriers, et l’on construit fébrilement pendant deux ou trois années. Puis, à ce grand coup de feu succède une période de stagnation, pendant laquelle on n’a plus à faire que de la menue besogne courante, des réparations ; on se voit donc contraint d'arrêter les machines, qui se détériorent à ne rien faire, et de licencier la plus grande partie d’un personnel de choix, qu'on a eu tant de peine à réunir et à former. Ce sont là, on en conviendra, des méthodes in- dustrielles bien défectueuses. Il faudrait assuré- ment s'y résigner, étant donnée la grandeur de l’in- térêt en jeu, si elles étaient imposées par la nature des choses. Mais on verra que tel n’est pas le cas. À ces inconvénients économiques s'en ajoute un autre, peut-être plus considérable encore, d'ordre militaire : La « période de transition », c’est-à-dire les deux ou trois années, au moins, qu'exige la substitution d'un matériel à un autre, est toujours un sujet de graves inquiétudes. On ne peut pas remplacer le même jour, à la même heure, tousles canons, toutes les munitions existant sur le territoire. Forcément, une partie de l'armée se trouvera munie d’un arme- ment perfectionné, landis que le reste ne possè- dera que des engins officiellement déclarés insuffi- sants; et le fâcheux effet moral de cette inégalité sera d’aulant plus sensible qu'on aura plus long- temps hésité à entreprendre la réforme, la diffé- rence entre les deux matériels se trouvant accrue GASTON MOCH — ARTILLERIE ET BUDGET d'autant. D'autre part, on imagine aisément les dif- ficultés supplémentaires que rencontrerait une mobilisation survenant à pareil moment; les ravi- taillements sontassez malaisés à organiser en temps normal, quand les équipages de campagne ont une composition bien connue et invariable, pour qu'on puisse s'inquiéter de les voir subordonnés à des besoins qui varieront chaque jour, à mesure qu'a- vancera la fabrication. Bref, la période de transition est, à juste titre, considérée comme une crise dangereuse, crise finan- cière, industrielle, morale et tactique. III Si encore on élait assuré de voir succéder à tant d'agitation quelques années de sécurité! Mais la déplorable fécondité des inventeurs interdit même ces espoirs modestes. Assurément, en règle générale, les nécessités budgétaires sont là pour enrayer la course aux armements. Nous assistons bien aujourd'hui à ce spectacle, jadis inconnu, d'armes perfectionnées mises au rebul avant même d'avoir reçu le baptème du feu; mais encore, une fois qu'une transforma- tion est achevée, est-on bien obligé de se contenter pendant quelque temps de ce qu’on possède. À quels regrets n'est-on pas exposé alors! Quand une puissance a réalisé un progrès, l'effort même qu'elle vient de faire la désarme en quelque sorte momentanément en face de ses voisines, qui n'ont pas de peine à faire mieux, ou au moins aussi bien, au bout de fort peu de temps. Celle qui a pris l’ini- liative de la réforme se trouve ainsi bientôt en fâcheuse situalion : c’est bien en matière d’arme- ments qu'on peut dire que les premiers seront les derniers. Aussi est-on constamment ballotté entre la crainte de se voir distancer et celle de faire prématuré- ment un pas décisif, sur lequel il sera impossible de revenir. Tant qu'une invention capitale n’a pas surgi, ét que le matériel existant n'est susceptible que d'améliorations secondaires, aucun État ne se soucie de donner le signal d’un mouvement dont il a de grandes chances d'être la première victime. On a conscience de posséder des engins vieillis, valant peut-être ceux du voisin par certains détails, mais notablement inférieurs sur d'autres points; on s'évertue à se faire illusion sur leur compte, même au prix de quelques sophismes!, et l'on se contente de vivre au jour le jour, jusqu'à ce qu'une cause fortuite vienne brusquement déterminer la 1 C'est ainsi que, faute de posséder des aciéries nationales, les Autrichiens et les Italiens sont encore armés de canons en bronze; faisant contre fortune bon cœur, ils professent sue ces engins fossiles valent des canons en acier. crise redoutée, ou que l'initiative de l'Étranger la rende inévitable. Bref, on subit les événements au lieu de les diriger. Et dès qu'on leur a cédé, il faut s'en repentir. Il ne manque pas d'exemples des déconvenues auxquelles j'ai fait allusion plus haut. L'aventure de notre dernier fusil d'infanterie, entre autres, n'est plus un mystère, et vaut d’être rapportée, pour les enseignements qu’elle fournit. Pour des raisons qui ne touchent pas à l'art militaire, et auxquelles il est donc inutile de s’ar- rêter ici, on écourta, en 1886, les études qui se poursuivaient depuis longtemps sur la réduction du calibre ; l'invention de la poudre Vieille venait précisément de rendre cette réduction possible. On s'en int donc aux résultats acquis à cette époque, c’est-à-dire qu'on ramena le calibre de 11 à 8 millimètres, en conservant le mécanisme à répétition à magasin, genre Kropatchek, au lieu“ d'adopter le mécanisme à chargeur, qui n’était pas encore tout à fait au point. Bien qu'on n'eût ainsi réalisé qu'un demi-pro- grès, l'apparition du fusil modèle 86 fut un véri- table événement militaire. Au prix d'une crise de fabrication sans précédent, nous devions y gagner une supériorité indiscutable sur toutes les autres puissances. En réalité, cette supériorité fut absolu- ment éphémère, sinon illusoire. Avant que nous fussions sortis de la période de transition, notre nouvelle arme était égalée, et bientôt après dépas- sée à l'Etranger; quand tous nos régiments en furent dotés, la transformalion élait déjà avancée chez nos rivaux. Il suffil, pour s'en convaincre, de jeler les yeux sur une comparaison qui à été élablie, dans la Revue d'Artillerie, entre notre fusil et ceux qui furent postérieurement mis en service à l'Étranger. Plusieurs pays ont déjà passé par deux change- ments depuis lors, soit que, par économie, ils aient cru pouvoir se contenter d’abord d’une simple modification de leur ancien modèle (Hol- lande, Italie, Suède), soient qu'ils n'aient pas reculé devant deux complètes transformations suc- cessives (Turquie). L'Allemagne (1888), l'Autriche et la Bulgarie (1888-1890), nous suivirent de près, avec des fusils identiques au nôtre quant au cali- 1 Nos trois manufactures d'armes, pour atteindre l'énorme production de 3.100 fusils par jour, possèdent 18.000 ma chines-outils; sur ce nombre, 12.000 datent du moment où l'on a préparé la fabrication du fusil modèle 1886, et durent être construites ou rassemblées en toute hâte; on en fit venir même d'Amérique, En 1889, la seule manufacture de Saint-Etienne était parvenue à livrer journellement 1.600 ar- mes. Elle occupait, nuit et jour, près de 9.000 ouvriers; com= bien en reste-t-il aujourd'hui, là et à Tulle? Châtellerault seule put conserver son personnel, grâce à une commande de 500.000 fusils faite par le gouvernement russe; mais une fois qu'on eut livré la dernière de ces armes? 4 GASTON MOCH — ARTILLERIE ET BUDGET bre et à la puissance, mais pourvus d'un méca- | -nisme à chargeur. Puis vinrent les autres puis- -sances, avec des calibres de plus en plus réduits, “jusqu'à 6,5 (Hollande, Italie, Suède, Norvège, Roumanie) et même 6 milimètres (marine améri- caine), et toujours avec le mécanisme à char- eur!. On ne peut mieux faire ressorlir quel tort nous fit notre précipitation, que par la constatation suivante. Pendant que nous fabriquions notre fusil “d'infanterie, on poursuivait dans nos établisse- -ments les études prématurément interrompues; si bien que, quand vint le tour d'armer la cavalerie, -on adopta pour elle, en 1890, une arme toute dif- férente. IL ne pouvait être question d'un calibre “plus réduit, puisqu'il fallait pouvoir tirer la car- “touche modèle 86 ; mais au moins la carabine de cavalerie est-elle, comme tous les fusils récents et ‘comme notre nouveau mousqueton d'artillerie, une arme à chargeur. Nous sommes donc arrivés à ce résultat paradoxal de donner à notre infanterie un fusil moins perfectionné qu'aux troupes pour lesquelles l'arme à feu portative est chose relative- ment secondaire. Tout cela ne signifie pas que notre fusil ne soit pas bon. Mais, à peine en service, il n'était plus le meilleur ; ceux des autres armées le valent aujour- d'hui, et certains l’emportent mème sur lui. Aussi plus d'un auteur préconise-t-il déjà une nouvelle réduction de calibre, avec changement du système de répétilion,… c’est-à-dire tout simplement la mise au rebut du fusil modèle 86. Heureusement pour nous, il n’y a pas urgence. Les grandes puissances militaires ont naturelle- ment montré le plus d'empressement à nous suivre dans la voie du réarmement ; par là, elles se sont | refusé le délai nécessaire pour faire beaucoup mieux, la seule supériorilé de leur fusil consistant dans le système à chargeur, Et, s’il y a quelque chose d'irritant à se trouver, au boul de si peu de temps, en arrière des Argentins, des Espagnols, des Hollandais, des Suédois, des Roumains et des Turcs *, du moins convient-il de constater que nos * En résumé, 16 puissances ont changé de fusil à notre suite; 3 des nouvelles armes sont du même calibre que la nôtre; 7 de calibre légèrement inférieur; 6 de calibre très réduit; 3 seulement tirent une balle et par conséquent em- ploient une cartouche un peu plus lourde; 13, une plus légère; parmi ces dernières, 5 présentent un ävantage con- sidérable, permettant de faire porter par le soldat beaucoup plus de munitions; 5 donnent à leur projectile moins de force vive, 10 en développent davantage (la vitesse initiale de la seizième est encore inconnue); enfin, wn seul de ces fusils est à magasin, comme le nôtre. 2 Je ne cite ici que les pays dont l'armement possède à la fois toutes les causes de supériorité par rapport au nôtre : moindre calibre, balle et cartouche plus légères, vitesse initiale et force vive plus grandes, système de répétition à chargeur. | | 93 adversaires éventuels ne sont guère plus avancés que nous. Pouvons-nous, du moins, songer à reprendre, dès maintenant, l'avance acquise à si grands frais el si tôt perdue ? — Assurément, l'adoption d’une arme analogue au fusil espagnol (Mauser modèle 93) ou à celui de la Hollande et de la Roumanie (Mannli- cher modèle 93), nous donnerait une certaine su- périorité sur les armées de la Triple-Alliance. Mais pour combien de temps? Déjà il a été essayé des fusils de 5 millimètres. Et, d'autre part, les simples fusils à répétition, dont certains parviennent pour- tant à tirer une vingtaine de coups en une minute, sont peut-être sur le point de passer à la vieille ferraille : de tout côtés on éludie le fusil automa- lique, se rechargeant et faisant feu de lui-même après chaque coup, idéal suprême de l’art de tuer! Au moment où l’on peut pressentir la prochaine apparition d'une arme plus terrible que tout ce que l’on a pu concevoir jusqu'ici, que faire d'autre que de travailler en silence et réserver l'avenir! IV En matière de canons, la situation exige encore plus de prudence. Car le problème à résoudre est plus complexe ; et la dépense, autrement considé- rable, rend une erreur bien plus difficile à réparer. Il est toujours aisé de déclarer qu'une arme vient d'être inventée, qui laisse loin derrière elle tous les systèmes existants ; mais, en fait, ces décou- vertes sont bien rares : trois étapes seulement (rayure, culasse, acier) nous séparent des canons du siècle dernier! Et ce qui semble certain, c’est que, loin de tenir dès maintenant le canon rêvé, les artilleurs en sont encore à discuter les condi- tions essentielles auxquelles il doit satisfaire. Sans entrer dans le détail de cette discussion, qui relève autant de la tactique que de l’art du cons- tructeur, il est utile de donner au lecteur une idée de l’état d'incertitude où se trouve actuellement la science du canon de campagne. Ce dernier mot est essentiel : je ne parle ici que du canon de campagne. Il y a, en effet, canons et canons ; pour certaines bouches à feu, par exemple pour celles de la marine, le résultat à obtenir est mieux déterminé, et l'on peut s'appuyer sur des principes formels, scientifiquement élablis, qui mèneraient sûrement à une construction très supé- rieure à celle qu'on pratique aujourd'hui, si l’on voulait se donner la peine de les approfondir par l'expérience et de les appliquer. La construction d'un canon de campagne doit répondre, au contraire, à une multitude de condi- tions contradictoires, entre lesquelles on est obligé sans cesse de faire une cote mal taillée : ou sinon, 9% telle qualité, poussée à l'excès, se changera en défaut grave, parce qu'elle aura entrainé le sacri- fice de telle autre qualité également nécessaire. Tour à tour, on doit faire intervenir des considé- rations de taclique, de service, et de possibilité industrielle, dont l'opposition impose au construc- teur des difficultés parfois insurmontables. C'est ainsi qu'il peut arriver que tel desideratum lactique, très admissible en lui-même, aboutisse à la créa- tion d’un matériel de qualité inférieure, ou que tel canon, représentant le dernier mot de la métal- lurgie et de la mécanique, soit un détestable ins- trument de combat. Voici quelques exemples de ces difficultés : La recherche de la puissance, et le désir de pouvoir transporter le plus de munitions possible, mênent naturellement à alourdir le matériel. Mais la mobilité n’est pas moins nécessaire que la puis- sance; — d’aucuns, et je suis du nombre, — pensent même que c’est en développant cette qualité qu'on réaliserait le plus grand progrès actuellement pos- sible; or, pour les voitures, mobilité est synonyme de légèreté. D'autre part, comment augmenter la puissance ? Elle résulte à la fois du poids des projectiles et de la vitesse qui est imprimée. Or, ces deux éléments ne peuvent être développés arbitrairement. Si l’on exagère le poids, il faudra modérer la vitesse, sous peine de surmener le matériel; et, en outre, on verra décroitre proportionnellement le nombre des projectiles qu'il sera possible de trainer avec soi. Si, au contraire, on force la vitesse initiale, le pro- Jectile devra être allégé, et il deviendra difficile d'y loger un grand nombre de balles et une charge de poudre suffisante pour donner, à l'éclatement, un nuage de fumée visible de loin; or, la facile obser- vation des points de chute est, de toutes les condi- tions requises, la plus indispensable, si l'on ne veut brûler sa poudre aux moineaux. Et ce n'est pas lout. Il ne sert évidemment à rien de donner au projectile une très grande vilesse initiale, si la résistance de l'air la lui fait perdre aussitôt en route; pour éviter ce ralentissement, il faut réduire le calibre du projectile. Mais un obus n'est pas un projectile plein, comme une balle de fusil; et si l’on en diminue trop le calibre, il devient fort dif- ficile, sinon impossible, de le bien aménager à l'in- térieur. Et d'ailleurs, contrairement à ce que l'on croit dans le public, la grande vitesse initiale n'est pas un bien en elle-même pour le canon de campagne, comme pour le fusil ou pour le canon de marine. I est vrai qu'un projectile trop lent manquerait de Justesse et de puissance, et que ses fragments ne balaieraient qu'une zone peu profonde. Mais, s’il estlrop rapide, sa trajectoire est tendue en propor- GASTON MOCH — ARTILLERIE ET BUDGET tion; et la grande tension, si recherchée pour les armes mentionnées plus haut, est un grave défaut, pour le canon de campagne. Elle rend, en effet, le canon impuissant devant le moindre pli de terrain où l'ennemi s'est mis à couvert, et qu'il devienk impossible de fouiller. En outre, la qualité la plus précieuse qui résulte pour l'artillerie des grandes portées actuelles, est assurément celle de pouvoir déplacer son feu sans changer de posilion (c'est-à- dire sans être réduite au silence), soit qu'elle tire par-dessus des troupes amies placées tout près en avant d'elle, soit qu'elle accompagne une attaque en canonnant la position ennemie jusqu'au moment de l’assaut, sans devenir dangereuse pour l’infan- terie amie; avec une trajectoire trop lendue, ces Î avantages disparaissent, et l'on se trouve ramené N au temps de Gribeauval : les changements de posi-M tions redeviennent incessants, avec cette Sr tance aggravante que, sous le feu des canons : actuels, ils sont mortels pour la balterie qui les exécute. EL ainsi de suite. Trop lourde, la bouche à feu laisse trop peu de poids disponible pour l'affût, qu'on ne sait plus comment établir. Trop légère, * elle est impuissante à entrainer ce dernier dans son recul, agit sur lui à la façon d’un projectile, etm le disloque rapidement. 4 Fi] , V Aussi n'est-ce pas une petile affaire que d'établir un projet de canon de campagne qui soit seule- ment passable. Et le problème se complique par ce fait que le progrès par rapporl au matériel existant peut se concevoir de façons fort diverses; car, à chacune des condilions contradictoires qui doivent êlre conciliées, correspond une solution bien distincte. Je faisais en effet remarquer plus haut que cha- cune de ces qualités opposées, si on l’exagère, devient un défaut dangereux. Mais, sans aller jus- qu'à ces conceptions extrèmes, on peut fort bien concevoir deux canons qui, exaltant chacun sans excès une qualilé particulière d’un canon actuel, soient tous deux meilleurs que lui et se res- semblent fort peu entre eux. Lequel des deux choisira-t-on ? Par exemple, un inventeur proposera de porter à l'extrême la rapidilé du tir, quitte à réduire en conséquence le poids des projectiles, qui seront tirés par courtes « rafales », séparées par des inter- valles de silence. Mais on ne peut exécuter avec celle rapidité que le tir percutant, c'est-à-dire celui dans lequel les projectiles éclatent au choc, en arrivant à terre; il faut donc renoncer au lir fusant dans lequel les projectiles éclatent en l'air, en À GASTON MOCH — ARTILLERIE ET BUDGET 95 avant de l'ennemi, et balaient de leurs fragments une zone de terrain de plusieurs centaines de mètres de profondeur. Mais ce lir fusant, introduit depuis un quart de siècle dans toutes les armées, a été Considéré comme un grand progrès, tant pour ses eflets malériels que pour l'action démoralisatrice Qu'on lui attribue. Une autre école d'artilleurs Feu done à la pratique du tir rapide, qui le rend impossible; ils font observer que, le tir une ois réglé, il n'est pas besoin d'une « rafale » our réduire l'adversaire au silence, et qu'il suffit dun très pelit nombre de coups fusants; ils joutent que, jusqu'iei, l'on n'a pu supprimer le recul, incompatible avec le lir rapide, qu'en don- nant au canon un poids disproportionné avec sa puissance. Tel autre veut retourner en arrière, el réduire la rapidité du tir plutôt que de l'augmenter ; préférant diminuer la fréquence des coups, pour accroitre l'effet individuel de chacun d'eux, il pré- conise l'emploi de mortiers de campagne lançant de très gros projectiles. Un autre enfin demande qu'on ne charge plusles projectiles avec des balles, mais avec des explosifs violents quelconques, pourvu que leur nom se termine en i{e. Or, chacun d'eux peut avoir raison dans une certaine mesure, en ce sens que chacun peut nous apporter une arme plus terrible que celle que nous avons. Seulement, il se trouve que l'effet moral d'un canon à au moins autant d'importance que ses effets matériels; et cet effet, l'expérience du polygone est impuissante à le mettre en lumière. Sur le champ de tir, on peut se livrer aux plus épouvantables carnages de mannequins et de pan- neaux, mais ceux des mannequins et des panneaux qui ne tombent pas restent debout avec un courage surhumain, auquel on ne peut comparer que le sang-froid des canonniers qui les mitraillent:; et, jusqu'ici du moins, on n'a pas encore songé à faire des essais sur le vif! Même l'expérience des guerres coloniales n’est pas décisive. D'abord, il serait difficile d'entreprendre une de ces guerres par amour de la balistique, chaque fois qu'on a quelque invention nouvelle à étudier. Puis, on s'y trouve en face d'adversaires médiocrement armés, et, en général, moins impressionnables ou autrement impressionnables que les troupes du service obli- gatoire. Comment donc reconnaître lequel de tous ces engins également meurtriers pourra ête le plus efficacement servi sous le feu de l'ennemi, et démo- ralisera le plus rapidement ce dernier? — Car enfin la question est moins de lui tuer énormément de monde, que de mettre rapidement en fuile les survivants. C'est ici le point délicat du problème, et l’on se voit obligé de le traiter au sentiment. On s’en Lire | | | au petit bonheur, suivant l'idée préconçue que chacun se fait de la manière dont une troupe pourra supporter le feu de tel ou tel canon. Cela devient un problème de psychologie, reposant sur une connaissance plus où moins parfaite du moral des gens que l'on se suppose appelé à combattre un jour... c'est-à-dire d’un élément qui varie selon la nalion considérée et les circonstances! Le moyen de tenir un compte judicieux d'une donnée aussi vague ? C'est une pure affaire d'imagination. En vérilé, il faut plaindre ceux sur qui pèse la responsabilité de la décision à prendre. VI — Mais, dira-t-on, celte situation peut durer indéfiniment : toujours les chercheurs chercheront et les inventeurs inventeront, et, si l’on attend l'arrêt de ce mouvement perpétuel, nos petits-fils seront encore armés du canon modèle 1877. — En aucune facon. A certaines époques, au contraire, une transformalion s'impose, sous peine de placer une armée trop routinière dans un état de réelle infériorité. Mais il faut pour cela qu'on ait réalisé, non un matériel supérieur par quelques détails seulement à celui qu'il s’agit de remplacer, mais quelque chose d'assez nouveau, d’assez per- fectionné dans tout son ensemble, pour que l'adop- lion en soit liée à celle d’une tactique nouvelle, entrainant une vérilable révolution dans l’art de la guerre. Telle fut l'influence qu'exercèrent l'in- vention de la rayure, l'introduction du chargement par la culasse, la substitulion de l'acier au bronze. Tel serait encore le cas, si l'on arrivait à réaliser le canon à tir rapide, le vrai, celui que tant de gens déclarent fait, sans même se rendre compte des conditions si nombreuses et si compliquées de son établissement et de son emploi tactique ; ou encore, si l'on réussissait à rendre efficace le Lir « par rafales » de très petits projectiles, que l’on ne peul employer aujourd'hui faute de pouvoir observer leurs points de chute; ou enfin, s’il était démontré que, comme je le crois, il fût possible de cons- truire une artillerie analogue par ses effets à celle d'aujourd'hui, mais extrêmement légère, et douée par conséquent d'une mobilité sans pareille. Mais nous n'en sommes pas là. Ce qu'on nous offre immanquablement, c'est une pièce un peu plus légère, ou un peu plus puissante, ou un peu plus expéditive dans son œuvre de destruction, et dans laquelle le faible avantage réalisé est obtenu au détriment des aulres qualités. Eh bien, il faut que le publie comprenne, comme le font les artil- leurs, que, de faire trainer à six chevaux 1.600 ou 1.800 kilos au lieu de 2.000, d'augmenter peut-être de 10 °/, la vitesse impartie au projectile, de tirer 96 GASTON MOCH — ARTILLERIE ET BUDGET six coups pendant une minute exceptionnelle (eLnon six coups par minule, ce qui est bien différent) alors que l'on peut lirer actuellement deux coups au moins à la minule pendant un temps assez long, tout cela ne vaut pas une dépense de 300 millions, surtout quand l'amélioration obtenue est compensée par certains défauts correspon- dants,. Ce sont là ce que j'appellerai de pelils perfec- lionnements quantitatifs; is disparaitront proba- blement du jour au lendemain, devant la réalisa- lion d'un des perfeclionnements qualitatifs que Jindiquais plus haut, El alors tout serait à recom- mencer, avec celle circonstance fâcheuse qu'au- cune hésilalion ne serail permise, VII la silualion d'un ministre en face de la question du réarmement. Les mesures qu'il peut être appelé à prendre dépassent la portée d'actes administratifs naires, EL il est impossible de ne pas remarquer, à ce propos, combien les dispositions légales les plus On voil combien délicale est ordi- prudentes et les plus strictes peuvent être ren- dues illusoires par les faits. Nos lois disposent fort sagement que toutes les dépenses de l'État doivent êlre autorisées par les Chambres: il est interdit au Ministère de la Guerre de modilier, sans v être aulorisé par une loi, le plus petit détail de l'uni- forme de nos troupes, comme il est interdit Marine de faire construire autorité un méchant lorpilleur de Mais il ne lient qu'à eux, ou du collègue de la de sa propre 300,000 francs, moins à leurs de forcer la main au législateur, Que répondre, en effet, au Ministre compétent, S'il déclare que le salut de la patrie exige la construction d'un dont il n'est permis de parler qu'avec mystère ? Il son conseils techniques anonymes, engin n'y à qu'à voler les fonds... et à imaginer des res- sources extraordinaires capables de couvrir la dépense, En vérilé, l’on est Lenté de préconiser une poli- lique qui consislerait à ouvrir au Ministre, sur le papier, un crédit formidable, 300 millions, par exemple, dont on ne lui fourniraitl en réalité qu'une pelile partie, disons une demi-douzaine de millions; après quoi, l'on commencerait ostensiblement, et en apparence avec une grande hâte, la fabrica- ion d'un canon quelconque, sur les détails duquel on ferait, bien entendu, le secret le plus absolu. Il y aurait mille à parier contre un que, sur celle feinte, le voisin se lancerait à toute vapeur dans quelque lransformalion prématurée, Une fois qu'il y serait bien engagé, on aurait tout loisir pour le suivre en bénélic ian! de ses écoles... et peut-être même en viendrait-on à s'épargner simplement la dépense à laquelle on l'aurait déterminé ! VIII Les considérations qui précèdent font ressortir quelle importance il convient d'altacher aux idées que le lieutenant-colonel (alors commandant) Fro= “ard à exposées il y à quelques anntes, sur les conditions qui doivent régir les grandes transfors malions de malériel', Fort remarqué dans les milieux militaires lors de son apparition, l’articles publié par cel officier fut peu goûté en haut lieu car il heurlail trop directement les idées reçues» Mais, pour avoir été ofliciellement mises à l'écart, les proposilions qu'il contenait ne furent pas oubliées de ceux qui eurent alors l'occasion de le apprécier. Elles sont toujours aussi actuelles, puiss qu'il est encore question de transformer notr arlillerie ; elles le sont même davantage, car le ‘aisons que nous pouvons avoir de gérer sagemen nos finances ne sont pas précisément allées e décroissant, Il importe done de les soumettre a publie, à qui elles s'adressent autant qu'au législas teur el au ministre, Le commandant Frocard prenait pour Us les transformations successives qu'a subies le fusil d'infanterie, Encore s'est-il borné à considérer celles qui entrainaient une véritable révolutions dans l'armement, etqui devaient, par suile, selon les principes admis, être appliquées sans retard à toute l'armée, | Ces modilicalions radicales furent les tel né a En 1842, remplacement du fusil à silex par le fusil à percussion ; en 1857, généralisation de la rayure appliquée depuis 1854 au fusil de la garde impé riale ; en 1867, chargement par la culasse, rédue lion du calibre; en 1874, cartouche métallique # en 1S86, répélilion (appliquée depuis 1879 dans! marine), petit calibre, grande vitesse iniliale, poudre sans fumée. Soil, en moyenne, de 1842 à 1SS6, une transformation générale tous les neu ans ?. Plus de six ans se sont écoulés depuis la publi cation de l'article auquel je fais allusion, Et, comme on l'a vu plus haut, on peut ajouter aujou d'hui que le fusil modèle 86, vieux de dix ans à 4 Note sur les transformations de l'armement dans le armées à gros elleelifs, Revue d'Artillerie, actabre 1890, # J'ai eu la curiosité de rechercher dans l’dide-mémai d'artillerie la série des transformations de toute nature qui subies l'armement de l'infanterie depuis qu'elles sont régl mentées, On y trouve mentionnés, de 1717 à 1771, treit modèles différents ; le fusil modèle 1777, corrigé en l'an IM a fait loutes les guerres de la Révolution et de l'Empire Puis, de 1S16 à 18$S6, encore treize modèles, parmi lesquel le fusil modèle 1$40 n'eut même pas le temps d’être mis @ service! Soit une durée moyenne de six ans par système, GASTON MOCH — ARTILLERIE ET BUDGET 97 beine, dépassé par d'autres dès sa mise en service, est depuis assez longtemps considéré comme Suranné par bien des gens ; comme il n'est pas neore question de le remplacer, et qu'une telle pération exigerait bien deux ou trois ans, il est one permis d'affirmer que, quand on se décidera u changement, il y aura longtemps que la chose urail dù être faile. Cette dernière remarque est générale, Chacun es grands perfeclionnements énumérés plus haut la été adopté que quand ses avantages élaient lémontrés depuis plusieurs années, el quand la ression des événements ne permetlait plus de re- der la réforme. EL l'existence même de chaque odèle, c'est-à-dire la période, déjà si courte, pen- ant laquelle on est muni d'un armement con- sidéré comme salisfaisant, se trouve ainsi réduite de toute la perte de temps imputable à ces hésila- lions !. Il en va de même pour le canon. On sait quelle fut en 1870 notre infériorilé à cet égard. Mais ce que le publie ignore généralement, c'est qu'il n'eût Lenu qu'à nous d'entrer en campagne avec une arlil- lerie meilleure que celle des Allemands, de même que nous avions un fusil supérieur au leur, Le sys- tème du général (alors commandant) de Reffye élail complètement étudié, prêt à entrer en fabrication ; la preuve en est que, pendant la seconde partie de la campagne, on amena sur le champ de bataille un grand nombre de canons de 7, qu'on n'aurait pas pu improviser, si tous les délails de leur con- Slruction n'avaient élé au point, Si done notre arlil- Jerie dut entrer en ligne dans des conditions déplo- rables, c'est uniquement parce qu'on n'avail pas voulu reconnaitre la supériorité évidente, el déjà prouvée à Sadowa, du malériel prussien. IX Or, ces hésitalions, qui d'ailleurs se produisent de la mème manière dans toutes les armées, ont 1 Ces faits sont naturellement peu familiers aux gens qui ne sont pas des spécialistes, il est done bon de les éclairer d'un exemple, Le fusil à aiguille, inventé par Dreyse en 1829, fut adopté par la Prusse en 1841; il n'est d'ailleurs pas étonnant que ce pays ait mis douze ans à s'y décider; c'était un véritable coup d'audace que de passer directement du fusil à pierre à l'arme se chargeant par la culasse; et les autres nations attendirent encore plus d'un quart de siècle, Quoi qu'il en soit, il est également naturel que, l'année sui- vante, les études qui étaient alors en cours en France aient abouti à un tout autre résultat; on conçoit même à la rigueur qu'en 1857 on n'ait pas encore adopté le fusil-culasse, dont aucune guerre n'avait prouvé la valeur. Mais dès la campagne du Danemark, ses preuves étaient faites, et nous allendimes encore Sadowa pour adopter le Chassepot, De mème, nous avons employé en 1870 d'excellentes armes étrangères à cartouche métallique, et l'Allemagne adopta en 4871 le fusil Mauser; mais ce n'est qu'en 1874 que nous primes la cartouche métallique avec le fusil Gras, Et ainsi de suite. | | | pour cause principale une idée communément con- sidérée comme un principe de toute organisation mililaire, mais dont le commandant Frocard a eu le mérite de montrer le premier la fausseté et les dangers. Ce préjugé est celui qui consiste à vouloir main- tenir l'uniformité de l'armement de notre armée, comme à l'époque où l'effectif de cette dernière élait de quelques centaines de mille hommes au plus. { faut insister iei sur la distinction bien tran- chée que l'auteur établit entre l'unité et l'unifor- mité de l'armement. L'infanterie, dit-il, a l'unité et l'uniformité depuis 1866, car toutes les troupes de cette arme ont le même fusil sur tous les points du territoire. L'artillerie de campagne n'a pas l'unité, puisqu'elle compte des batteries armées de ‘anons différents, mais elle à l'uniformité, parce que tous les canons d'un même calibre sont iden- tiques. L Or, par cela mème que l'uniformilé de l'arme- ment est considérée comme nécessaire, les pé- riodes de transilion, pendant lesquelles elle se trouve détruite, apparaissent comme fort dange- reuses; on s'eflorce donc de les abréger le plus possible, ce qui donne lieu à la crise dont je mon- trais plus haut les graves inconvénients, EL, à son tour, celle crise, semblant être la condilion néces- saire du changement, fail paraitre redoutable l'idée du changement lui-même, « La crainte d'avoir à renouveler fréquemment de pareils ef- forts amène à se mettre en garde contre l'adop- lion de modèles qui ne présentent pas Loutes les garanties de perfection désirables ; il ne s'agit pas de faire aussi bien que ses voisins, il faut faire mieux, sous peine d'être bientôt dépassé. On perd done un lemps précieux à la recherche d'un idéal que l'on n'est jamais cerlain d'avoir atleint; on laisse entre les mains des troupes un matériel qu'on a le tort de déclarer vieilli, au risque d’ébran- ler leur confiance. » Bref, par désir d'être certai- nement mieux armé que le voisin, on court le risque de lui être réellement inférieur pendant d'assez longues périodes, X Cela posé, le commandant Frocard demandait qu'on renonçàt aux errements suivis aujourd'hui en malière de transformations : « D'un mal nécessaire on fera la règle; il sera admis que, ainsi que cela se passe pendant les périodes de transition, on aura toujours plusieurs matériels en service, en bornant l'uniformité à des fractions constituées de 300,000 à 400,000 hommes au plus ; on modiliera les types aussitôt que les 98 GASTON MOCH — ARTILLERIE ET BUDGET besoins s'en feront sentir ; les transformations pourront s'effectuer d'une façon continue et à peu près régulière, avec des allocations budgétaires annuelles d’une importance à peu près constante. » Les avantages de celte méthode résultent direc- tement de ce qui a été exposé plus haut. Elle permet, en effet, de se tenir au courant de tous les progrès, d’où qu'ils viennent, dans le moindre temps possible après leur réalisation ; car, en principe, un modèle de matériel ne sera mis en construction que dans des proportions réduites : et, quand on en viendra à commander le lot destiné à l’armée suivante, rien n’empêchera de lui appli- quer tel perfectionnement imaginé dans l'inter- valle. D'autre part, plus de crise budgétaire et indus- trielle revenant périodiquement tous les huit ou dix ans. Possibilité pour l'industrie de s'outiller plus rationnellement en machines comme en per- sonnel; d’où, par l'effet de la concurrence, réduction des prix de revient, au grand avantage de l'Etat. Quant aux objections que l’on peut opposer à cette idée, elles ne sauraient en déterminer le rejet, car elles s'appliquent plus justement encore aux errements qu'on suit aujourd'hui. Sans doute, il est fàcheux de maintenir en ser- vice dans une partie de l’armée un matériel consi- déré comme démodé ; il peut résulter de Jà un manque de confiance très dangereux chez une nation aussi impressionnable que la nôtre. Mais l’ébranlement de la confiance ne se produit pas du jour au lendemain, quand on décide officielle- ment de remplacer l’ancien matériel; il date du moment, bien antérieur, où la nécessité de la réforme a été agitée. Et il se produit à la fois dans l’armée entière. Or, justement, le commandant Frocard nous montrait le moyen d'améliorer cette situation : « Avec les errements actuels, écrivait-il, une partie de notre infanterie avait encore tout récemment un fusil datant de quinze ans. Avec la fabrication continue et régulière, {elle que nous proposons de l'adopter, cette durée ne dépasse pas huit ans. » De même, aujourd'hui, toute notre artillerie est munie de canons dont le modèle date d'une vinglaine d'années ; et, à supposer qu'on se décide dans le courant de 1897 à une réfection générale, le nouveau matériel devra probablement rester en service pendant une période analogue, quelque perfectionnement qu’on trouve dans l'in- tervalle. Une autre objection semble pouvoir être tirée des difficultés et des erreurs qui pourraient se pro- duire en campagne dans le remplacement des mu- nitions ; c'est même la première qui vienne à l’es- prit des personnes peu au courant des questions une d'organisation militaire. Elle est facile à réfuter. Tout le service des ravitaillements est organisés précisément dès le temps de paix, de manière à éviter ces erreurs si dangereuses. A la vérité, cetten affirmation pourra paraitre gratuite, ou tout au ’l ü moins oplimiste de parti pris. Quelques obser- vations suffiront néanmoins à l’appuyer, sans qu'il soil nécessaire d’entrer dans le détail du services des ravitaillements, qui ne serait point ici à sa place. Le souvenir de la Défense nationale permeltraitM déjà de se montrer moins craintif à l'égard de la non. uniformité de l'armement, car il n’est pas à prévoir, j en meltant les choses au pis, que l'artillerie se voie jamais demander à nouveau les tours de force { dont elle sut se tirer à celte époque. On sait, en effet, qu'après Sedan nous dûmes acheter du ma- tériel partout où il y en avait à vendre, et il fallut ravitailler en munilions une cinquantaine de mo- dèles d'armes différents, juxtaposés au hasard ; il n'y avait peut-être pas une division de l'armée dont le matériel ne fût entièrement hétéroclite. | Een à DS ht Avec cela, un service d'étapes et de ravitaillements improvisé sous la pression des événements. On s’en tira pourlant, Dieu sait au prix de quels efforts, mais enfin on s’en tira. Certes, ce n’est pas ) P la fatale doctrine du « débrouillez-vous » que je prèche ici. Mais cet exemple d'une situation extrême est fait pour donner confiance, à une époque où les services à l'arrière de l'armée ne sont plus abandonnés au hasard comme lors de la dernière guerre. Les conditions, en outre, seront plus faciles qu'en 1870. Ce n'est point par douzaines que l’or- ganisation proposée mulliplierait les matériels. Le pis qui pourrail arriver serait qu'il y eût simulta- nément en service trois ou quatre modèles diffé- rents, el encore ces modèles ne seraient-ils pas mélangés dans l’intérieur des corps d'armée, et même des divisions, comme il arriva nécessaire- ment en 1870. Et le plus important est que la plupart de ces modèles tireront probablement les mêmes muni- tions. C'est en effet dans la différence des calibres et des tracés intérieurs que se trouve la difficulté des ravitaillements, puisqu'elle oblige à traîner partout avec soi des munitions de toute sorte !. Et il n’est pas dit que tout perfectionnement du canon doit entrainer un changement du calibre ou du tracé intérieur, rendant inutilisables les munitions anciennes, au contraire. 1 Rappelons qu'en ce moment même, notre artillerie a bien l’uniformité de matériel, mais non l'unité. Tous les canons de 90, par exemple, sont bien identiques entre eux (uni- formité); mais un même corps d'armée possède bel et bien des canons de trois calibres différents, à la consommation desquels il faut pourvoir. GASTON MOCH — ARTILLERIE ET BUDGET 99 Ce serait bien le cas aujourd'hui, car tous les systèmes que l'on propose ont un calibre sensible- ent inférieur à celui de 90 millimètres, que l’on trouvaic déjà bien élevé il y a vingt ans, mais que Jon adopta néanmoins, parce que la fonte, seul alliage employé alors, ne permettait pas d'orga- niser convenablement un obus à balles de petit “calibre. «Mais une fois que le calibre aura été ramené aux nvirons de 75 millimètres, il est vraisemblable ‘qu on s'en tiendra là pendant longtemps. Or, si l'on vient à trouver quelque perfectionnement notable, “qui n'entraine pas l'emploi de munitions nouvelles, objection des ravilaillements tombe d'elle-même. Æt pourtant, les idées actuellement recues ne per- “meltraient pas d'appliquer cetle invention à une partie seulement de l’armée : on se croirait obligé de rebuter Lous les canons les plus récents, ou tout au moins de les remanier à grands frais, à suppo- ser l'opération faisable. Il n’est pas possible d’at- tribuer à celte pratique une raison autre qu'un vain amour de la symétrie. Je dois mentionner enfin une dernière objection, de nature assez délicate, et au sujet de laquelle je ne saurais mieux faire que de reproduire le texte même du commandant Frocard : « Sans dévoiler aucun secret de mobilisation, on peut considérer comme évident que certains éléments restés disponibles sur le territoire seront groupés entre eux pour former de nouvelles unités. I1 est même possible, et cela pour une foule de raisons, que des corps d'armée soient obligés, pour effectuer leur mobilisation, d'emprunter à d'autres corps des éléments tout mobilisés. Enfin, dans la suite des opérations, les ravilaillements en hommes, et même en matériel et en munitions, pourront avoir épuisé une région déterminée, et on sera çontraint d'opérer par prélèvement sur les régions voisines. « Dans ces conditions, si des éléments ainsi groupés n'avaient pas un armement uniforme, il en résulterait évidemment de grandes difficultés de service, peut-être même un désordre absolu. « Nous pourrions encore répondre à ce sujet que les mêmes inconvénients se produisent pendant la période de transition actuelle. C’est la raison qui, au fond, fait considérer cette période comme si péril- leuse. « Le remède est le même dans tous-les cas; il suffit de ne faire de semblables emprunts que dans l'intérieur d'une même armée; et, en adoptant l’uniformité d'armement par armée, on se met à l'abri des dangers signalés. « On voit donc le principe de l'autonomie de l'ar- mée s'affirmer dès le temps de paix ; il nous paraissait utile de faire cette remarque à une époque où l'opportunité de la création des états- majors d'armée a été si disculée !. » XI Sur un point, il est vrai, l'argumentation du commandant Frocard semble un peu forcée. De ce que les derniers changements de fusil ont eu lieu en moyenne tous les dix ans, et du retard très réel avec lequel ils ont suivi les progrès de la science, il est assurément légitime de conclure que la durée moyenne de chacun de ces modèles n'aurait pas dû dépasser huit ans. Mais il est toujours dangereux de raisonner sur des moyennes, surlout quand elles portent sur un aussi petit nombre de faits, et d'étendre à l'avenir les indications ainsi obtenues. Rien n'autorise à généraliser cette observation, au point de dire que la périodicité de huit ans doit être considérée comme normale, et que les crédits doi- vent être réglés sur elle. Il est permis, au contraire, d'espérer que cetle prévision est exagérée, car aucun budget ne saurait résister à des exigences qui conduiraient à dépenser tous les huit ans pour 300 millions d'artillerie de campagne, à quoi s'ajouteraient l'artillerie de siège et de place, et les armes portatives, et le gouffre des constructions navales. Mais l'idée maitresse de ce travail, celle qui mé- rilait l'examen attentif qu'on lui refusa, est celle qui consiste à renoncer au dangereux principe de l’uniformité de l'armement. Il faut que l’on com- prenne bien qu'il n'y a aucune espèce de raison pour que l’armée que nous mobiliserions, je sup- pose, autour de Nancy, ait un armement identique à celui de nos armées des Alpes ou de Belfort, pour ne pas parler des troupes destinées à la garde de l'Algérie. Même quand deux de ces armées seraient amenées à se joindre pour combattre côte à côte, leur autonomie rendrait celte précaution superflue. Il faut s'inspirer ici de ce que fait la marine, qui renouvelle constamment son matériel, sans s'aviser de construire aujourd'hui des cuiras- sés semblables à ceux d'il y a dix ans, et qui n’hé- site pas à doter chaque nouveau bätiment d'un nouveau modèle d'artillerie, si des progrès ont été réalisés depuis le dernier armement effectué. J'ai, 1 Ce dernier paragraphe a son intérêt : voilà six ans et demi qu'il a été écrit, et la question si grave à laquelle il fait allusion n'a pas avancé d’un pas. Bien avant cette époque, les officiers demandaient la constitution des états-majors d'armée, et ils n'ont assurément pas cessé de le faire. Or, tout ce que nous voyons aujourd'hui, c'est un projet orga- nisant timidement le commandement, mais non les autres organes essentiels de ces armées, et il n'est même pas cer- tain qu'il soit sanctionné, car il soulève une objection ter- rible : il vise, parait-il, à constituer un « syndicat de géné- raux » | 100 GASTON MOCH — ARTILLERIE ET BUDGET pour ma part, assez vivement critiqué ailleurs cer- tains errements suivis par notre marine, pour être en droit de proposer sur ce point sa méthode comme modèle à l'administration de la guerre. Cela une fois admis, on ne sera plus embarrassé pour suivre de près tous les progrès de la science. Au lieu de s’astreindre, en cas d'adoption d'un matériel nouveau, à en décider aussitôt la cons- truction pour toute l’armée francaise, et à presser les travaux au prix de la crise dont on a vu plus haut les graves inconvénients, on commandera simplement la quantité de matériel nécessaire à l’une de nos armées, et on l’exécutera posément, sans surmenage industriel ni budgétaire, dans les deux ou trois ans que l’on met aujourd’hui à faire un réarmement général. Si, dans l'intervalle, quel- que progrès important a élé réalisé, on l’appliquera | au matériel de l’armée suivante; sinon, celle-ci recevra le même matériel que la première. Et ainsi de suite. Une fois toutes les armées munies; — supposons, pour fixer les idées, qu'il y en ait cinq, — dix où quinze ans se seront écoulés; et il est bien probable que, dans l'intervalle, il se sera pro- duit au moins un progrès de nature à justifier la | continuation du travail. Sinon, ce sera tant mieux pour l'armée, qui se trouvera momentanément | avoir un matériel uniforme, et pour les contri- buables, à qui l’on pourra laisser un temps de répit. Quant aux industriels, la crise provoquée chez eux sera cinq fois moindre qu'aujourd'hui; et, d'autre part, ils auront toutes chances pour qu'une invention nouvelle ne tarde pas à se pro- duire, invention qui n'aurait peut-être pas suffi à justifier un réarmement général, mais qu'on hési- tera moins à adopter, en attendant mieux, pour la plus importante de nos armées. Dès lors, la marche des travaux suivrait un cours rationnel, dans lequel rien ne serait abandonné au hasard des circonstances, et qu'on me permettra de retracer, tel que je l'ai indiqué il y à plus de cinq ans. Tout d’abord, une étude théorique devra mettre en lumière, surtout d’après les considéra- tions tactiques, les principes d'un programme paraissant réalisable dans l’état actuel de l'indus- trie. Ce programme une fois établi, les inventeurs, au lieu de travailler au petit bonheur, et souvent sans avoir idée des vrais besoins de l'artillerie de campagne, pourront bientôt proposer une série de projets dignes d’examen. « On étudiera alors comparativement les sys- tèmes présentés, en menant les expériences avec toute la rapidité que permettra leur bonne exécu- tion. C’est principalement une affaire d'argent, et nous supposons avant tout que les crédits ne se- ront jamais marchandés aux Commissions d'expé- riences, quand il s'agira d'objets bien définis; les | dépenses de cette nature sont des économies vérE tables. On arrivera de la sorte à donner la préfés rence à un système, qui sera étudié à fond, jusq dans les détails de l'outillage nécessaire à sa fabris cation. « Ce système serait alors adoplé en principe pour être construit éventuellement, quand les cir constances l’exigeraient. Cette consécration n’em pècherait nullement d'examiner avec le même soir toute invention ultérieure paraissant offrir de nou veaux avantages; cette dernière, une fois appro fondie, pourrait venir remplacer la première dans son rôle d'attente. Mais il serait bien entendu que dans le cas où l’on voudrait remplacer, en tout o en partie, le malériel existant, on entreprendrait immédiatement la construction du système « adopté « en principe », à l'exclusion de tout autre encore en essai. » Cette manière de faire me semble la moins expo sée aux déboires, dans l'hypothèse de l'armement uniforme, aussi bien que dans celle de l'armement par armée. Mais, en combinaison avec ce second principe, elle donne au gros problème de l'arme ment la solulion la plus élastique, la plus constamk ment adaptée aux circonstances. Les inventions, et par suile les études, sont em effet continues. On aura donc à chaque instant un matériel « adopté en principe »,le plus moderne qu'il soit possible d'imaginer; et ce matériel sera celui qu'on aura décidé de mettre en œuvre pour en munir l’armée dont le tour doit arriver le pre mier. « De cette manière », écrivais-je encore, «on opérerait, pour ainsi dire, par bonds successifs; on aurait en service à la fois plusieurs matériels, plus ou moins à la hauteur des derniers progrès de la science, mais on n'aurai jamais de matériel suranné» Mais ce qu'on devra s’interdire absolument, ce sont les transformations apportées au matériel existant, qui s’en trouve généralement gàlé autant qu'amélioré. Et ce ne sera pas là un des moindres avantages de la méthode. Comme le dit, en effets très justement le général Wille : « Quand on s’est bien appliqué pendant vingt ans à modifier, et par fois aussi à démodifier son matériel, on peut avoi dépensé en fin de compte autant et plus d'argent et de travail, pour un résullat moindre, que si on avait remplacé au bout de dix ans le vieux canon par un nouveau, et qu'on eût épargné à tous deux les modifications. Les transformations répétées fatiguent la troupe, rendent difficile l'instruction alourdissent généralement le matériel, et peuvent très bien arriver à l’affaiblir dans son ensemble. Donc, ne construisons jamais que des canons conçus d'après une idée d'ensemble, et comportant tous les perfectionnements dont la valeur est re | connue. Dotons-en une de nos armées. Mais lais= GASTON MOCH — ARTILLERIE ET BUDGET ao sons tel qu'il estle matériel existant, avec ses infé- riorilés relatives, mais aussi avec ses qualités propres; les troupes qui en sont pourvues pren- dront à leur tour la tête du progrès. Les « couteaux de Jeannot » sont des armes délestables et, par urcroit, les plus coûteuses de toutes. XII La méthode qui vient d'être exposée — arme- ent par armée, adoplions successives de maté- iel « en principe », abandon de l'habitude de eloucher sans cesse le matériel existant — assure ne meilleure gestion de nos finances, favorise le éveloppement rationnel d’une industrie indispen- sable à la défense nationale, est enfin la plus ca- pable de maintenir l'armement de nos troupes en relation constante avec les progrès de la construc- tion. * À ce point de vue, le moment actuel est caracté- ristique. Vingt modèles de canons de campagne sont en compétition. Or, quel est l'homme du mé- tier qui oserait affirmer qu'aucun d’eux représente un progrès tel qu'il soit absolument urgent de l'adopter? Chacun de ces systèmes soulève des objections de principe plus ou moins graves; chacun rachète en partie sa supériorité par quelque défaut qui lui est propre. Aucun ne mérite qu'on lui sacrifie de but en blanc notre matériel de 90, dans la seule crainte que, si nous ne le faisons pas, les Allemands, se hâtant, au contraire, d'adopter un modèle de ce genre, ne prennent sur nous un avan- tage dangereux. Bien au contraire, tout homme de sang-froid reconnaitra que la puissance qui muni- rait toute son armée d’un quelconque de ces ca- nons, ferait simplement le jeu de l’autre. En un mot, ce qu'on nous offre aujourd'hui, ce sont des matériels d'attente, pouvant être encore notablement perfectionnés à bref délai, semblant | même annoncer dès maintenant ces nouveaux pro- | grès. Or, tant que les Allemands conserveront leur canon modèle 73, modifié en 1878 et en 1891, on ne saurait admettre l’idée de réformer notre maté- riel de 90 pour adopter un de ceux qui sont actuel- | lement proposés. Quoi qu'en disent certains articles relentissants, récemment publiés dans la presse quotidienne, les matériels de campagne français et allemand s'équivalent. L'un est supérieur par tel détail, l’autre l'emporte par tel autre; et si, par | malheur, on venait à les mettre face à face, c’est la valeur du personnel appelé à les servir qui décide- | rait seule du succès !. 4 Ce qui précède est écrit dans l'hypothèse que l'artillerie allemande est toujours armée des canons indiqués par ses règlements officiels (une batterie modèle 91 contre deux REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897. | | | Mais il faut être prêt à construire du jour au len- demain le meilleur de ces canons, pour le cas où l'Allemagne franchirail véritablement le pas déci- sif. On conçoit même qu'on puisse trouver pru- dent d'entreprendre cette fabrication, si l'incerti- tude sur ce que font nos voisins est réelle au Ministère de la Guerre, et se prolonge outre me- sure. Mais, dans l’un et l’autre cas, on doit se garder d'un entrainement dont les conséquences seraient déplorables. Dans l'un et l'autre cas, il faut limiter la commande à ce qui sera nécessaire pour armer le plus important de nos groupes de corps d’armée de l'Est, et « voir venir », en ména- geant nos ressources. Car on peut être certain que le premier des demi-progrès existants qui sera adopté dans un pays quelconque, ne sera que le signal d'une série de perfectionnements autrement considérables ?, Gaston Moch, Ancien capitaine d'Artillerie. modèles 13/18.) Mais on a vu, au début de cette étude, que beaucoup de gens craignent le contraire. Ces alarmes repo- sent sur les crédits considérables que cette arme a obtenus depuis quelques années, sous prétexte « d'entretien du maté- riel ». Et il est de fait que ces crédits dépassent de beaucoup les allocations régulières, correspondant aux besoins nor- maux du temps de paix, et augmentées des sommes exigées par les modifications qu'on déclare avoir faites. Mais les renseignements qui ont été publiés à cette occa- sion sont contradictoires et dénotent souvent peu de compé- tence chez leurs auteurs; un journal a été jusqu'à imprimer que la chose est d'autant plus grave, que le «nouveau canon allemand à tir rapide » utilise les munilions existan- tes, — comme si la seule idée du tir rapide n'impliquait pas l'adoption d'un calibre inférieur à celui de 9 centimètres. En somme, rien n'établit l'existence en Allemagne d'un matériel postérieur à celui de 1891, qui ne peut nous inquié- ter en aucune facon. On est (on, c'est-à-dire les auteurs et le public, peut-être pas le ministre, mais je n’en sais natu- rellement rien}, on est ici dans le domaine des conjectures. Or, une hypothèse qui ne manque pas de vraisemblance est la suivante. Le gouvernement impérial, qui n'est pas étroitement lié, au point de vue budgétaire, comme ceux des pays parlementaires, aurait demandé, ces dernières années, des crédits supérieurs aux besoins, pour mettre l'excédent en réserve, et former ainsi une «masse noire», en supplé- ment au trésor de guerre conservé à Spandau. Cette réserve serait destinée à permettre de commencer éventuellement, en secret, la construction d'un nouveau matériel, sans demander aucun crédit au Reichstag. Une fois les travaux en train, ce dernier se verrait obligé de sanctionner le fait accompli, et d'accorder le complément de crédits nécessai- res. — Ce n'est là qu'une hypothèse, assez vraisemblable, et de nature à modifier (je ne dis pas: à diminuer) les raisons que nous avons de nous tenir sur nos gardes. G. M. 2 Ces considérations soulèvent une question de grande importance : il ne semble pas que, jusqu'à présent, l'Etat francais se soit suffisamment préoccupé de la vitalité des usines qui recoivent ses commandes. Il à parfaitement raison d'en donner à l'industrie privée, et la loi qui le lui permet depuis 1885 à été éminemment bienfaisante : elle a rendu possibles des progrès irréalisables dans les établissements nationaux; mais, pour que les usines privées soient toujours en mesure de répondre rapidement aux demandes de l'Etat, il faut que ses commandes leur servent à régulariser leur travail : l'Etat doit, en temps normal, les aider à combler les chômages qui résulteraient parfois d'un trop grand écart entre les besoins du public et l'importance de l'outillage et du personnel ouvrier que leur impose l'Administration de l4 guerre. Il nous parait qu'à ce sujet l'Allemagne, la Grande- Bretagne et les Etats-Unis nous donnent un exemple digne d'être médité. C'est pourquoi nous avons demandé à l'un de nos officiers supérieurs les plus compétents en la matière une série de notices sur l'usine Krupp, l'usine Armstrong et les établissements de Bethléem. Le lecteur trouvera ci-après (page 113) la première de ces notices. (Nore DE LA DIRECTION.) 3° 102 CHARLES-EUGÈNE GUYE = L'ÉCOLE POLYTECHNIQUE FÉDÉRALE DE ZURICH L'ÉCOLE POLYTECHNIQUE FÉDÉRALE DE ZURICH ‘ Si l’on jette un coup d'œil sur l’organisation de l'instruction supérieure en Suisse, on reste frappé de constater qu’elle est généralement laissée au soin et à l'initiative des autorités cantonales, comme l’est d’ailleurs en Suisse l’instruction pu- blique à tous ses degrés. Ce fait a naturellement eu pour résultat de faire surgir sur le territoire, rela- tivement exigu, de la Suisse, six Universités plus ou moins rivales(Genève, Zurich, Berne, Lausanne, Fribourg, Bàle) et une Académie, celle de Neuchà- tel, ne se distinguant des précédentes que par l’ab- sence de Faculté de Médecine. Indépendamment de ces sept établissements, l'instruction supérieure comprend deux Écoles techniques, destinées à former des ingénieurs : l'une à Lausanne, en Suisse romande; l’autre à Zurich, en Suisse allemande; cetle dernière est l'École Polytechnique Fédérale, que nous allons dé- crire. Ce qui distingue de prime abord celte école de tous les autres établissements d'instruction supé- rieure de la Suisse, c’est que, seule, elle dépend directement de la Confédération. Il résulte de cette situation exceptionnelle que l'École dispose de res- sources financières plus considérables qu'aucun autre établissement d'instruction et qu'elle à pu se développer rapidement. Il ne sera donc pas sans intérêt de donner au lecteur un aperçu de son état actuel. Indiquons d'abord son but et son organisation intérieure; nous parlerons ensuite de ses res- sources, des moyens d'étude dont elle dispose, enfin de l'avenir de ses élèves. 1. — Bur ET ORGANISATION DE L'ÉCOLE. Le but visé par l'École Polytechnique Fédérale dès sa création en 1854 a été et demeure, avant tout, de former des techniciens. Mais, tout en s'ef- forçant de conserver son caractère d'école techni- que supérieure, elle a cherché à donner en même temps à ses élèves une culture théorique aussi 1 Sur les grandes écoles techniques, voyez dans la Revue: | L'Institut Electrotechnique Montefiore (tome v, page 644); — Les laboratoires de Mécanique aux Etats-Unis, en Angle- terre et en Allemagne (tome nu, page 364); —- Le laboratoire de Mécanique du Conservatoire des Arts et Métiers (tome 11, page ; — L'organisation de Sibley-College (tome ", page 641); — L'Institut Chimique de Nancy (tome vi, page 32). — Les nouveaux laboratoires de la Faculté des Sciences de Lille (tome vi, page 471). 465 étendue que possible. Les études y sont donc com: binées de façon à favoriser le rapprochement et l'influence réciproque de la science pure et d l'application. Ce but apparaît clairement dans Île programmes, les règlements et surtout dans l'ex: tension donnée à l'enseignement obligatoire de Mathémaliques pures, de la Mécanique rationnelle de la Physique et de la Chimie durant les première années. Les cours sur ces sciences sont à la bas même de l'enseignement de l'École; ils sont, autant que possible, communs à toutes les sections. G n’est que plus tard que la séparalion s'opère gra duellement pour tenir compte, dans une larg mesure, des nécessilés particulières à chaque sec= tion de l'enseignement. L'École étant principalement destinée aux applis cations, une large part est faite aux exercices dans toutes les branches de l'enseignement; les plus grands sacrifices ont été consentis pour créer eb doter richement les divers laboratoires. $ 1. — Enseignement. L'École Polytechnique comprend actuellement sept divisions : 4° La division d'Architecture (3 années et demie d'études) ; 2% La division du Génie civil (3 années et demie d’études); 3° La division de Mécanique industrielle, compre= nant l'étude de l'Électrotechnique (3 années e demie d’études); 4° La division de Chimie industrielle (3 années eb demie d'études) ; 5° La division de Sylvicullure et d'Agriculture; comprenant trois subdivisions : la Sylviculture (3 années), l'Agriculture (2 années 1/2), le Géme rural (2 années 1/2); 6° La division de Pédagogie, destinée à former des professeurs de Mathématiques el de sciences nalurelles. C'est une véritable Faculté des Sciences encadrée dans l'École. Elle se subdivise aussi en deux : la seclion des sciences mathématiques et la section des sciences naturelles (3 années et 4 années au moins); 1° Cours facultatifs. — Indépendamment des six divisions précédentes, divisions spéciales, organi- sées en vue d'assurer aux élèves, dans chaque pro= fession, une préparation solide, l'École a institué une septième division, dite des cours facultatifs, destinée à concourir, en dehors des études tech= CHARLES-EUGÈNE GUYE — L'ÉCOLE POLYTECHNIQUE FÉDÉRALE DE ZURICH 103 niques, à la culture générale des étudiants; les cours de celte seclion portent sur l'histoire, la liltéra- ture, les langues vivantes, l'économie politique, la statistique, la philosophie, les beaux-arts et enfin la base des études, particulièrement les cours de mathématiques, se donnent parallèlement dans les | deux langues, et l'École s’est efforcée de faire une place plus large au français en augmentant le nom- CHHHTE r C1 - AB! HAS ANNEE - : Fecg#renV Fig. 4. — Büäliment central el entrée de l'Ecole Polytechnique Fédérale de Zürich. les arts militaires; ils sont destinés aux élèves de l'École et, en même temps, aux officiers. La loi de fondation de l'École laisse aux profes- seurs la liberté de choisir, pour leurs cours, l’une des trois langues nationales de la Suisse. En réalité, l'allemand d'abord, le français ensuite sont seuls employés. Les cours les plus importants qui sont à bre des professeurs quienseignent dans cette langue L'enseignement comprend chaque semestre de 250 à 300 cours, les uns obligatoires, les autres facultatifs. Quant au personnel enseignant, il se compose de professeurs ordinaires, nommés les uns à vie, les autres pour une période de dix années. Il comprend, en outre, des maîtres auxiliaires 404 CHARLES-EUGÈNE GUYE — L'ÉCOLE POLYTECHNIQUE FÉDÉRALE DE ZURICH ‘chargés de cours, et des professeurs agrégés, ces derniers n'étant rélribués que d’après l’importance ét-l'utilité de leurs cours. Enfin, un certain nombre d'assistants sont char- gés plus spécialement de la surveillance des exer- cices et des laboratoires. $ 2. — Régime des Elèves. Les jeunes gens admis à l’École sont tous ex- ternes; ils se divisent en élèves réguliers et en audileurs. Les élèves réguliers, faisant partie des six premières divisions, se destinent généralement à des vocations déterminées; les auditeurs sont relégués principalement dans la septième division, mais peuvent suivre des cours dans les autres, à la condition de se conformer aux mêmes devoirs el à la même surveillance que les élèves réguliers. Il n'y a d'exceplion que pour des personnes plus ägées, désireuses de compléter leurs études et pré- sentant des certificats satisfaisants. Le principe de la liberté absolue du choix des cours n'est pas admis à l'École Polytechnique; il présenterait, en effet, de graves inconvénients. Aussi, pendant les deux premières années les élèves réguliers des six premières divisions ne sont pas libres de choisir eux-mêmes les cours qu'ils dé- sirent suivre, comme le seraient les étudiants d’une Université. Mais, une fois qu ils ont acquis les bases nécessaires aux carrières auxquelles ils se des- linent, ils peuvent, pour la troisième année d'étude, faire leur choix; les cours choisis au commencement de chaque semestre deviennent alors obligatoires. Pour être admis à l'École, les jeunes gens doi- vent avoir atteint l’âge de 18 ans et justifier en même temps qu'ils ont reçu une instruction secon- daire suffisante. À défaut de certificats salisfai- | sants, les candidats peuvent, au commencement de chaque année scolaire, subir des examens d'admis- sion qui ont lieu à l'École même. Il est important de remarquer que ces examens n'offrent pas le caractère d'un concours et que le nombre des élèves admis n’est pas fixé d'avance. Chaque année, une « Conférence générale », formée de tous les professeurs, décide, en se ba- sant sur les notes obtenues, les travaux faits et l'application, si les élèves doivent être promus ou non dans un cours supérieur. A la fin de leurs études, les élèves réguliers sor- tants peuvent se présenter à des examens spéciaux, écrits et oraux, à la suite desquels l'École délivre des diplômes. Ces diplômes ne sont accordés qu'aux élèves dont la capacité et les connaissances sont incontestablement au-dessus de la moyenne; c'est donc une distinction. Aussi, les examens des di- plômes sont-ils facullatifs, comme le seraient les ‘éxamens de grade dans une Université. La statistique montre qu'environ 54°/, des élèves réguliers sortant des cours SUpÉTIÈUTS, se pré- sentent à l'examen des diplômes, et, qu’en moyenne, A1 °/, lobtiennent. L'obtention des diplômes est le but légitime de tous les élèves, car ce titre leur assure une facilité beaucoup plus grande à trouver des emplois au sortir de l'École. Presque tous les élèves diplômés se placent aisément dès leur sortie. $ 3. — Fréquentation de l’ École. L'École Polytechnique s'est ouverte en oc- tobre 1855, avec 68 élèves et 160 auditeurs. Ce chiffre s’accrut très rapidement d’année en année. Le tableau I ci-dessous indique la fréquentation de l'École, l’année de sa fondation et celle de l’an- née dernière : Tableau I, — Progression du nombre des Élèves. NOMBRE DES ÉLÈVES 1894-1895 1855-1856 Division d'architecture. . . . . . . 9 — de génie civil. . : 20 — de mécanique industrielle . 16 — de chimie industrielle. . . 13 AU SyIVICTIIUTE ENS RE 4 — dAETICULIURE ER RSE ï — pé de agogique . . . - 9 Cours préparat. supprimés depuis : 30 Toraux. Sur ce nombre de 757 élèves, il y a, à peu près, parts égales d'étrangers et de suisses; les élèves étrangers jouissent, d’ailleurs, exactement des mêmes droits que les nationaux. Les trois divisions de Génie civil, de Mécanique et de Chimie industrielle sont nat reeE les plus fréquentées; ce sont elles qui conduisent aux carrières où les emplois sont le plus nombreux, soit en Suisse, soit à l'Étranger. L'affluence est né- cessairement moindre dans les divisions d’où l’on sort avec une vocation où la liberté d'établissement n'existe souvent pas à l'Étranger, et où les places à occuper sont naturellement peu nombreuses dans les limites étroites d'un petit pays comme la Suisse. Il ne faudrait donc pas conclure de cette moindre affluence que l'École a une sollicitude moins grande pour ces divisions que pour les trois autres. $ 4. — Autorités de l’École. C'est de l'autorité exécutive de la Confédération, c'est-à-dire du Conseil fédéral que dépend directe- ment l'École Polytechnique ; mais elle est adminis- trée par.un Conseil d'École, formé de six membres, CHARLES-EUGÈNE GQUYE — L'ÉCOLE POLYTECHNIQUE FÉDÉRALE DE ZURICH 105 MRELEETIT AE ve ve CP D ne A AAA LA LS ALI T TT uv ne . ; severe rev COLA IA TT TEE TU da | l # il je QE = E 7" DE b. É- 34 Fig. 2, — Salle de l'Aula à l'Ecole Polylechnique Fédérale de Ziwich 406 CHARLES-EUGÈNE GUYE — L'ÉCOLE POLYTECHNIQUE FÉDÉRALE DE ZURICH choisis dans différents cantons de la Suisse, et d'un président qui siège en permanence. C'est actuelle- ment M. le colonel Bleuler. La mission du Conseil d'École est la surveillance générale el suprême, la présentation au Conseil Fédéral des candidats comme professeurs, la nomination des professeurs agrégés. Entre le Conseil d'École et les professeurs vient lé Directeur, qui sert d'intermédiaire; c’est à lui que s'adressent généralement professeurs et étudiants. Les professeurs eux-mêmes forment, dans chaque division, un collège présidé par l’un d'eux {le | | | | | divers laboratoires, une importance capitale. Aussi les édifices et les laboratoires se sont-ils multipliés, particulièrement en ces dernières années. Un coup d'œil jeté sur les figures 1 à 5 donne une idée approximalive de l'ensemble actuel des bâti- ments. On jugera, d’ailleurs, de l'importance rela- tive des principales installations par le tableau I qui indique pour 1894, l’état des dépenses d’établisse- ment; il importe d'ajouter que, l'École élant située en dehors de la ville de Zürich, la valeur des ter- rains ne représente qu'une faible fraction de cette somme, et que la majeure partie a pu, de cette RR 1 7 7 Fig. 3. — Coupe transversale de l'Observatoire annexé à l'Ecole Polytechnique Fédérale de Zürich. On y remarque en particulier le grand pilier qui supporte la lunette méridienne. Principal), nommé pour deux ans. C’est l'ensemble des Principaux, réunis dans une Conférence où les intérêts des sept divisions se trouvent ainsi repré - sentés, qui prend les décisions courantes relatives à la marche de l'Ecole. Enfin, lors des examens d'admission ou des pro- motions annuelles, la Conférence générale se réunit sous la présidence du Directeur; elle est formée par l’ensemble des professeurs ordinaires, des agrégés et des maitres auxiliaires. II. — RESSOURCES DE L'ÉCOLE ET MATÉRIEL D'ENSEIGNEMENT. Pour conserver son caractère technique, l'École a dû attacher aux exercices pratiques, dans les facon, être consacrée utilement aux édifices et amé- nagements intérieurs. Tableau II. — Coût des Bâtiments et Installations. INSTALLA- TION BATIMENT | Bâtiment principal. . Observatoire Ecole d'agriculture 000 ÿ.000 000 000 000 2.000 5.000 5.000 000 000 000 .000 000 000 000 000 .000 000 >.408.000 Les ressources financières de l'École se com- posent essentiellement d'un subside annuel de Ecole de chimie. Institut de physique. Essais des matériaux. ToTAUX- 0 1.000 1.000 CHARLES-EUGÈNE GUYE — L'ÉCOLE POLYTECHNIQUE FÉDÉRALE DE ZURICH 800.000 à 900.000 francs, alloué par la Confédéra- tion. Cette allocation, ajoutée à divers autres sub- sides ou revenus, porte à plus d'un million la somme dont l'École peut disposer annuellement. Grâce à ces ressources, elle peut couvrir tous ses frais el faire, chaque année, un très grand nombre d'acquisitions, tout en dolant richement ses labo- ratoires. C'est aussi par l'emploi judicieux de ses rédits qu'elle a pu s'adjoindre des professeurs istingués qui ont illustré son enseignement. Il uffit de citer les noms de Clausius, Kulmann, undt, Victor Meyer, etc. . Indépendamment de nombreuses salles de dessin, T'École dispose, pour l'instruction des élèves, d'un 107 riaux de construction. Il est placé sous la direction de M. le Professeur Tetmayer; c'est une installa- tion récente et de premier ordre permettant d’ef- fectuer des essais de toute nature sur les matériaux de construction. Il serait trop long d'entrer dans la description des divers laboratoires de l'École Polylechnique, je me bornerai donc à dire quelques mots des deux établissements les plus importants, au point de vue scientifique : l’Institut de Physique et l'École de Chimie. L'enseignement de la Physique comprenant trois séries de cours (Physique générale et expérimen- tale, Physique mathématique et Électrotechnique), Observatoire astronomique (fig. 3), d’un Institut de Physique (fig. 4), d'un Institut de Photographie, d'a- teliers pour modelage en argile et en plâtre, dépen- dant de la division d'Architecture, d'ateliers pour travaux sur métal et sur bois dépendant de la divi- sion de Mécanique; de laboratoires de Chimie tech- nique et analytique (fig. 5), de laboratoires de Phar- maceutique, de Chimie agricole et de plusieurs champs d'expériences dépendant de la 5° division. En outre, un certain nombre d'établissements, sans faire partie intégrante de l'École Polytechni- que, sont néanmoins à la disposition des élèves. Tel est l'Établissement fédéral pour les expériences forestières, la Station de Chimie agricole, dont la tâche principale est de contrôler les engrais arti- ficiels et les fourrages. De même, la S{ation pour le contrôle des semences. Mais, le plus important est l'Ætablissement fédéral pour les essais des maté- à l'Ecole Polytechnique Fédérale de Zürich. les laboratoires ont été partagés de même en trois catégories : ceux des premiers exercices, ceux des travaux scientifiques et ceux d'Électrotechnique. La première calégorie comprend six locaux ayant une superficie de 310 mètres carrés; 30 à 36 élèves peuvent y travailler sans se gêner mutuellement. Les laboratoires pour recherches scientifiques se trouvent dans le sous-sol, dans la cave et au rez-de-chaussée. Il y a là 26 salles, dont #sont con- sacrées aux recherches sur l'Optique et le Rayon- nement, $& aux travaux du domaine de la Physi- que mécanique et de la Chaleur, 10 à l'étude des forces électriques et magnétiques, et 4 servent de laboratoires aux professeurs. Les laboratoires pour l'étude de l'Électricité et plus particulièrement de l'Électrotechnique com- prennent 13 locaux distincts; chacun d'eux est installé spécialement pour l'étude d'une branche 108 CHARLES-EUGÈNE GUYE — L'ÉCOLE POLYTECHNIQUE FÉDÉRALE DE ZURICH spéciale de l'Électrotechnique. Ces laboratoires permettent : l'étude et la graduation des ampère- mètres et des voltmètres, la charge et la décharge des accumulateurs, la propagation du courant dans les càbles et la photométrie, etc. En outre, une salle est affectée à l'étude des dynamos et des transformateurs. Deux moteurs à gaz de 8 chevaux chacun et deux moteurs électriques d’une force égale fournissent la force motrice nécessaire à la marche des dynamos. Une des curiosités du nouvel Institut est cerlai- contient 166 places simples ou 83 doubles. Une place double comprend l'ensemble de deux tables adossées l'une à l’autre. Les places simples sont données aux commencçants, les places doubles aux élèves plus avancés. À ce laboratoire de Chimie analytique sont attenantes : deux chambres à balances, une à canon, une pour l'analyse élémen- taire, une chambre obscure, une pour l’électrolyse, une pour l'analyse des gaz et deux pièces pour tra- vaux d'élèves avancés, ainsi qu'une chambre pour la Physico-Chimie. 5. — Bâtiment des laboratoires Fig. 5 nement l'installation de quatre locaux souterrains voûlés et noircis silués à 17 mètres au-dessous de lasurface du sol. Ces quatre locaux sont destinés aux travaux scientifiques d’une exactitude rigoureuse dont la réussite dépend d’une température toujours constante. La température de ces locaux ne varie entre l'hiver et l'été que d’une fraction de degré. L'Institut est pourvu, en outre, d'un atelier de mécanicien pour la fabrication des appareils cou- aides y travail- lent en permanence pour les besoins de l’Institut. L'École de Chimie présente, dans son genre, des installations aussi complètes. Elle comprend un laboratoire très bien aménagé pour la Photographie et la Microphotographie, ainsi qu'un laboratoire de Pharmacie. Le laboratoire de Chimie analytique rants; un mécanicien et plusieurs de Chimie ii AU À à l'Ecole Polylechnique Fédérale de Zürich. Le laboratoire de Chimie technique comprend salles avec 120 places simples; il est doté également de chambres pour balance, études opti- ques, etc., mais il comprend, en outre, de nom breuses salles pour travaux industriels avee vapeur, air comprimé, travaux d’élec- trochimie, dynamos, machine à vapeur, teintu= rerie, distillerie, salle pour les explosifs et musée de Chimie industrielle. Les laboratoires de Chimie analytique et de Chimie technique ont été construits tous deux d’après les exigences actuelles; presque dans toutes les salles l'eau, le gaz, la vapeur, l'air com= primé, le vide et la force motrice se trouvent à la disposilion des manipulateurs. Tout ce qui a pu être fait pour donner aux exer= 9 = fourneaux à fondre, 4 M. FONTOYNONT — LA LUTTE ACTUELLE CONTRE LA PESTE cices et aux laboratoires une place prépondérante, a été consenti afin de conserver à l’Établissement son caractère d'École technique supérieure de pre- _mier ordre. C'est dans ce but et dans cet esprit que l'École vient, tout dernièrement, de décider la créa- tion d'un nouvel Institut de Mécanique appliquée, dont la création doit coûter près de 500.000 francs. III. — AVENIR DES ÉLÈVES. Il nous reste à dire quelques mots sur l'avenir des Élèves de l'École. Le plus grand nombre se placent dans l'industrie au sortir même de leurs études, et l’on peut dire que c'est le cas général de tous les élèves diplômés. D’autres, moins heureux, commencent par faire un stage volontaire de quel- “ques mois dans les usines. Parmi les ingénieurs ‘suisses, beaucoup doivent naturellement s'expa- trier; d'autre part, un grand nombre d'élèves “étrangers retournent dans leur patrie où des “emplois les attendent, une fois leurs études ter- minées. D'ailleurs, les anciens élèves de l'École, de quel- que nationalité qu'ils soient, forment une associa- | tion ayant à sa tèle un Comité central dont le but 109 est d'étudier toutes les questions qui intéressent la prospérité des anciens élèves. Ce Comité publie chaque année une liste complète des anciens élèves avec leur adresse et leur curiculum vitæ. D'une part, les industriels, désireux d'engager des techniciens, et, d'autre part, les anciens élèves qui se trouvent momentanément sans place, savent qu'ils peuvent s'adresser à ce Comité Central, qui, en servant d'intermédiaire, rend de réels services. Cette Association des Anciens Elèves de l'Ecole Polylech- nique de Zürich comprend actuellement un très grand nombre de membres disséminés dans les cinq parties du monde, mais pouvant facilement entrer en relation les uns avec les autres, par l'intermédiaire du Comité Central. Cette institution, bien ordonnée, couronne de la façon la plus heureuse l'organisation de l'École Polytechnique. La prospérité actuelle de ce grand établissement le place au premier rang des écoles techniques modernes, et il y a tout lieu d'espérer qu'il y restera en continuant à marcher dans la voie qu'il a, depuis son origine, parcourue avec tant d'éclat. Charles-Eugène Guye, , Professeur agrégé à l'École Polytechnique de Zurich. LA LUTTE ACTUELLE CONTRE LA PESTE La peste, après cinquante ans de silence, menace à nouveau l'Europe. Cette nouvelle aurait suffi à jeter l'effroi partout, si nous ne nous trouvions actuel- lement armés contre le fléau et prêts à le combattre. L'issue de la lutte que nous allons entreprendre dépend : d’abord, de la rapidité avec laquelle nous pouvons mettre en pratique les moyens prophy- lactiques dont nous disposons ; ensuite, au cas où elle pourrait arriver jusqu'à nous, de moyens cura- tifs connus depuis peu de temps seulement, puisque ce mois-ci même, M. Roux déclarait à l’Académie de Médecine, dans une communication déjà célèbre, faite au nom de M. Yersin, que ce savant avait découvert un nouveau sérum curalif et préventif *. Connue pour ainsi dire de toute antiquité, la peste qui, depuis le milieu du xix° siècle, semblait s'être cantonnée dans les régions lointaines de l'Afrique et de l'Asie, vient d'avoir un véritable réveil. Dès 189%, la maladie montrait une véri- 4 La nouvelle de la découverte d'un sérum anti-pesteux par le Dr Yersin, a paru dans la Revue générale des Sciences le 15 septembre 1896. Nos lecteurs n'ont certainement pas oublié l'article que M. C. Huart, Consul de France à Canton, a alors consacré dans la Revue aux guérisons opérées par M. Yersin. table tendance à l'extension hors de ses foyers primilifs. Partie du Yunnan, foyer endémique, elle s’abattit sur Canton, y fit en quelques semaines 60.000 victimes, puis s’étendità Hong-Kong, pour, ën 1895, atteindre l'ile d'Haï-Nan et Macao. En 1896 l'ile de Formose élait envahie, puis bientôt Bombay, où elle sévit en ce moment avec furie et d'où elle nous menace si aisément grâce à l’incurie voulue et à l’égoïsme commercial de l'Angleterre. Kamaran, sur la Mer Rouge, à élé atteint, et quel- ques cas de soi-disant choléra, signalés à Plymouth, semblent devoir être altribués à la peste. Nous sommes, on le voit, fortement menacés !,. 1 Si nous remontons aussi loin que nous le permettent les documents historiques, nous apprenons qu'en 542, après être sortie de son foyer égyptien, probablement son berceau, la peste s'abattit sur les bords de la Méditerranée et sur la Perse. C'est cette épidémie que l'on nomme classiquement la peste de Justinien. Puis elle sembla s'éteindre et c’est en 1347 seulement que l'Europe fut de nouveau dévastée par cette fameuse épidémie, dite de mort noire, qui, de 1347 à 1350, aurait tué plus de 25 millions de personnes en Europe et près de 40 millions dans le monde entier. Dès ce moment, les apparitions sont plus ou moins fré- quentes dans les différents Etats européens. Elle s'y montre, mais en s'atténuant successivement pendant les xv®, xvre et xvie siècles. Pendant Le xvrre siècle elle s'attaque aux Etats du Nord : Danemark, Suède, Pays-Bas, Angleterre, et fait de 110 M. FONTOYNONT — LA LUTTE : ACTUELLE CONTRE LA PESTE ‘ La peste assez mal connue en Europe, mérite d'attirer notre attention à tous; aussi nous a-t-il semblé utile d'en tracer rapidementles symptômes et de mettre en lumière les moyens de défense dont nous disposons. J. — SYMPTOMATOLOGIE. Cette maladie porte le nom de peste à bubons parce qu'elle est caractérisée par l'apparition d’en- gorgements ganglionnaires qui se manifestent rapi- dement après une courte fièvre d'invasion. Les bubons une fois apparus au niveau des aines, et souvent aussi des aisselles, les phénomènes géné- raux s'accentuent plus ou moins. Le plus souvent, la fièvre augmente rapidement, le délire apparaît, et le malade, tombant dans le coma, meurt en trois ou quatre jours, souvent moins, sans que les bubons soient arrivés à la pé- riode de suppuration. Ce sont les cas graves. Dans les cas très graves et qui constituent la mort noire du xiv° siècle, il y a des hémorrhagies diverses, peléchies plus ou moins confluentes, larges taches purpuriques, vomissements de sang, Symp- tômes pulmonaires, le tout présentant une analogie assez grande avec la variole noire et qui a fait donner aussi à cette forme le nom de forme à char- bons. Dans ces cas la mort arrive très rapidement, parfois en moins de vingt-quatre heures. Dans les cas bénins, au contraire, les tumeurs ganglionnaires arrivent à la suppuralion et il s'écoule d'elles une grande quantité de pus. Les malades se rétablissent peu à peu, présentant tou- tefois une convalescence longue et pénible. Telles sont les principales formes de la peste, qui a toujours gardé depuis lestemps les plus recu- lés ses mêmes caractères. D'ailleurs, dans une lettre publiée récemment el semblant émaner de l'un des médecins chargés par l'Académie de Médecine d'aller étudier sur place la peste de Marseille, nous trouvons celle description nette et saisissante des symptômes généraux de la maladie : « Les symptômes qui paraissent d'abord sont « la douleur de tête gravative, la consternalion, « la vue troublée et comme égarée,la voix trem- grands ravages en France et en Espagne. Enfin, ses derniers efforts se font sentir à Marseille et dans la Provence pendant celte célèbre épidémie de 1120, 1721, 1722 où s'illustra l'évêque Belzunce, et qui coûta la vie à plus de 80.000 personnes. Dès ce moment, on peut espérer avoir fait reculer la peste. Elle visite encore l'Europe, mais se cantonne dans la partie orientale : Moscou, Bukarest, Odessa, Constantinople. — En 1844 même elle disparaît complètement de l'Egypte où elle avait pris jour ; elle abandonne le Caucase, la Syrie. On peut croire, dès lors, avoir affaire à une maladie éteinte, vantonnée dans quelques coins très restreints de l'Afrique et de l'Asie, foyers peu importants et peu’ dangereux: C'était : en Afrique, la Cyrénaique ; en Asie, l’Assyrie, lrak= « blante, la face cadavéreuse, le froid des extré- « mités, le pouls concentré et inégal, de grands: « maux de cœur, des nausées et envies de vomir; « à quoi succèdent les assoupissements, les délires. « elenfin des convulsions ou des hémorrhagies « avant-coureurs d'une mort prochaine. Dans « quelques-uns le pouls est animé et précipité et « la chaleur se trouve généralement répandue. Et « de ceux-ci cerlains ont échappé. » II. — MICROBE DE LA PESTE. — CONDITIONS DE TRANSMISSION. / Cette maladie éminemment contagieuse ne pou- vait être qu'une maladie microbienne. Aussi, de toutes parts se mit-on à l'œuvre, et presque en même temps MM.Kitasato, Takaki et Yersin déeri- vaient le microbe spécifique. Ce microbe ‘ se trouve constamment et en grande abondance dans les bubons, pouvant, si les cas sont graves, passer dans le sang, où on le retrouve. A l’autopsie, les ganglions lymphatiques, le foie, la rate en contiennent de grandes quantités. Pour le rechercher, il faut prendre une parcelle de pulpe bubonique, l'écraser, puis la fixer au moyen de | couleurs basiques d’aniline. Alors apparait, à l'exa-M men microscopique, bien coloré, un bacille du È genre des cocco-bacilles, c’est-à-dire court, trapu, | : à bouts arrondis, se colorant plus fortement aux extrémités qu'au centre. Ce microbe se décolore par la méthode de Gram. Dans les organes, après autopsie, il est recherché suivant les méthodes ; ordinaires de coloration. ! Pouvant se cultiver facilement, il pousse aisément sur tous les milieux usités, et en particulier soit sun la gélose, soit dans le bouillon alecalin, où il appa= raîit sous forme de courts bacilles disposés en cha- pelets. { Il peut être inoculé aux animaux, el les Rongeurs y sont extrêmement sensibles. Les souris et les rats . sont tués sûrement en quarante à soixante heures, quelquefois trente-six. Les ganglions de la région correspondant au point d'inoculation sont gros, tu=n méfiés, entourés par une zone d'œdème; puis, peu à peu, les autres ganglions se prennent, pouvant former une chaine ininterrompue, Souvent, d'ail- leurs, les rats ont, eux-mêmes, de véritables bubons. Un point intéressant, qui explique la grande con- tagiosité de l'affection etsurlequel insiste M. Yersin, Arabie, la Perse, le Turkestan, l'Afghanistan, l'Hindoustan et la Chine. C'est de ces points que, débordant et reprenant tout à coup une activité nouvelle, elle a envahi successivement Canton, Formose, Bombay, ete. 1 ‘4 Communication de M. Roux à l’Académie des Sciences, janvier 1897. Yersin. Annales de l'Institut Pasteur, janvier 1897: je M. FONTOYNONT — LA LUTTE ACTUELLE CONTRE LA PESTE *st ce fait qu'une culture pure de bacille de la peste étant ingérée par un rat, ce rat contamine tous les ‘autres rats sains placés avec lui dans la cage. Donc, Comme le dit M. Yersin, en partant d'une culture pure, on fait naître une épidémie qui ne diffère es épidémies spontanées que parce qu'elle reste mitée à une cage au lieu de s'étendre à une cilé. ILest donc certain, à l'heure actuelle, que la peste t une affection transmissible et que la transmis- ion se fait avant lout par contact direct du ma- ade, ce qui explique pourquoi les infirmiers et les édecins sont si souvent frappés. La conlagion in- recte, toutefois, elle aussi, joue un rôle impor- tant, et il faut signaler en premier lieu les effets Souillés, les linges, les pansements, ete. Des expé- riences ont été failes, à ce sujet, dès 1835 au Caire, par Gaetany-Bey, Clot-Bey, Lachèze et Bulard’. Enfin, un des facteurs importants de la transmissi- bilité, c'est le sol; car, de mème que beaucoup d'autres, le microbe de la peste conservé dans la terre reste virulent, y attendant des conditions fa- worables pour son développement. M. Yersin l'a retrouvé à 4 et 5 centimètres de profondeur dans le sol d’une maison infectée où l’on avait fait des ten- Hatives de désinfection; mais, point important, il m'élait pas virulent. Sans doute faut-il, pour qu'il redevienne virulent, des conditions spéciales, encore inconnues de nous, aidées par celles que on retrouve dans toutes les épidémies : agglomé- ration, misère, famine, etc. Quoi qu'il en soit, si ces conditions favorables se réalisent, l'épidémie s'établit. Mais comment cette propagalion peut-elle se faire du sol à l'homme? Il faut, nécessairement, un in- térmédiaire. On s'accorde à penser aujourd'hui que ce sont les animaux. En effet, ne sait-on pas, depuis fort longtemps, que dans les endroits où vont se déclarer des cas de peste, tous les rals meurent, présentant les lésions précédemment signalées; que les souris, les buffles, les pores meurent, eux aussi, comme le rapporte M. Yersin d'après les ob- servalions du D'Reunie, médecin des douanes chi- noises, et de M. Rocher, consul de France à Mong- Tzé? Le même sort serait réservé aux serpents et même aux chacals qui ont pu manger ces serpents. Enfin, M. Yersin, dernièrement, après avoir re- trouvé constamment dans les rats crevés à Hong- Kong, le bacille (ce qui prouve absolument ce que nous venons d'annoncer), remarqua que les mouches du laboratoire, où il faisait les autopsies de ces animaux pestiférés, mouraient en très grande quantité. Il conclut de suite à leur rôle d'agent intermédiaire. « J'ai pu, dit-il, donner la peste à des cobayes en leur injectant un peu d’eau f ? Proust : Trailé d'Hygiène, art. Peste, p. 895. 111 stérilisée dans laquelle j'avais broyé des mouches trouvées mortes au laboratoire. » En résumé, l'agent infectieux spécifique, bien connu maintenant, existe encore dans le sol après une épidémie et s'y conserve longtemps, mais alté- nué. Sa virulence se réveille sous l'influence de conditions plus ou moins bien connues de nous, puis se renforce par passage successif sur les ani- maux, el enfin contagionne l’homme. Il se passe là ce qu'on reproduit journellement dans les labo- ratoires pour d’autres micro-organismes. L'homme conlagionné prend l'affection, comme les animaux, par plaie de la peau, piqûres ou autres blessures, ou bien par le tube digestif (Yersin). III. — MESURES PROPHYLACTIQUES ET TRAITEMENT. Commentlutter dès lors contre celte affection qui menace l'Europe, et qui, après un demi-siècle de répit, semble vouloir faire un retour singulièrement offensif? Pour cela, nous avons des mesures de prophylaxie internationale, de prophylaxie natio- pale, et enfin, en cas d'épidémie, le traitement spé- cifique de la maladie. Les décisions à prendre pour la prophylaxie internationale et nationale sont du ressort des délégués de différentes nations Européennes. En France, le Conseil sanitaire, depuis longtempsdéjà, s’est ému de la silualion grave, créée par la mau- vaise volonté du gouvernement anglais, et M. le Pro- fesseur Brouardel comme M. le Professeur Proust ont appelé l'attention du pays sur cette situation menatçante. Tous les gouvernements d’ailleurs ont décidé de prendre des mesures, et actuellement se tient à Venise une Conférence sanitaire internatio- pale pour discuter la question. L'infection peut se faire par deux voies : par voie de mer d'une part ; par voie de terre, de l'autre ; la première est beaucoup plus à craindre que la seconde. Pour la voie de mer, que faut-il? Surveiller atten- tivement les départs de bateaux venant des points contaminés, surveiller surtout très attentivement leur arrivée en Europe et prendre à leur sujet toutes les mesures sanitaires nécessaires, telles que qua- rantaine et désinfection. Les différents ports fran- çais sont préparés à cet effet et des lazarets avec étuves à désinfeclion y sont prêts à fonctionner. Ces mesures prises dans nos propres ports n'étant pas suffisantes, il faut qu’elles soient adoptées par les nations voisines et que, de plus, ce système de protection soit le second échelon d’un système plus complexe, — le premier échelon se trouvant constitué par le lazaret de lamer Rouge, où le Con- seil sanitaire international d'Alexandrie a tous les pouvoirs nécessaires pour arrêter les navires sus- pects. En résumé: prohibition, au berceau même de l'épidémie, des marchandises suspectes, opposition absolue à l’'embarquement des gens suspects, vérifi- cation sanitaire au passage de la mer Rouge, nou- velle vérification avant le débarquement en Europe: telles sont les conditions nécessaires de protection de notre monde et celles d’ailleurs qui sont déjà, en parlie, appliquées. La propagation de l'épidémie par voie de terre serait évidemment beaucoup plus lente. Elle s'avan- cerait, comme l’a déjà fait maintes fois le choléra, par la Perse, en prenant son point de départ au niveau du golfe Persique. D'où l'obligation d’exer- cer au niveau de ce golfe une surveillance à laquelle se sont toujours refusés les Anglais et de demander à la Russie de vouloir bien prendre les mesures nécessaires pour surveiller les routes par les- quelles pourrait se propager l'épidémie. Supposons, d’ailleurs, que les mesures internatio- nales ne suffisent pas; il nous reste encore les mesures de prophylaxie nationale telles que : sur- veillance attentive de tous les points du territoire etextinetion immédiate de tout foyer se produi- sant dans l’intérieur du pays avec application des mesures prophylactiques individuelles indiquées par M. le Professeur Proust dans une des dernières séances de l’Académie de Médecine, à savoir : isoler rigoureusement tous les malades, exercer une sur- veillance directe sur leur famille et leur entourage, demander aux médecins et aux gardes-malades d'avoir soin de se désinfecter fréquemment les mains el le visage, d’avoir les plus grands soins de propreté, de prendre leurs repas en dehors de la chambre des malades. Comment traiter les pestiférés ? Question jusqu'à ces derniers jours pour ainsi dire insoluble, le mé- decin se trouvant désarmé devant la rapidité d'ex- tension des lésions. Les chiffres que nous avons déjà indiqués sont véritablement effrayants. On se rappelle que, en Chine, la peste de Hong-Kong de 189%, donna 95 °/, de mortalité (Yersin). Heureu- sement, M. Yersin, de l'Institut Pasteur, dans un rapport lu par M. Roux le 26 janvier 1897 à l'Aca- démie de Médecine, vient d'annoncer avoir trouvé un sérum anlipesleux préventif et curatif. Les expériences faites jusque-là sont peu nombreuses, mais singulièrement suggestives. Sur 26 malades traités, il n y a eu que 2 morts ; soit 7,6 °/, de mor- talité au lieu de 80 °/,, chiffre moyen. M. FONTOYNONT — LA LUTTE ACTUELLE CONTRE LA PESTE A Pasteur, les autres à Nha Trang en Annam. | D'ailleurs, MM. Yersin, Calmette et Borel avaient l'Institut Pasteur, des expériences de sérumthé rapie !. Ils avaient remarqué « que l'injection à un che « val d’une culture récente de peste (un quart de « culture de gélose) provoque une tuméfaclion con: « sidérable, accompagnée d’une fièvre violente pen= « dant 48 à 80 heures. Puis, que le gonflement di « minue et qu'enfin il se précise pour aboutir à un « abcès. L'inoculation était faite dans les veiness « 4à 6 heures après l'injection, la température mon « tait à 40°,41° 5, se mainlenait pendant plusieurs « jours, puis baissait graduellement, sans qu'il « eût d'apparition de tumeur ganglionnaire. Le « premier cheval immunisé fut saigné trois se « maines après la dernière injection et le sérum « essayé à des souris... Les souris qui recevaien « 4/10 de ce. c. de sérum de cheval immunisé ne « devenaient point malades, quand 12 heures « après, elles étaient infectées avec de la peste: « Pour guérir les souris déjà inoculées de la peste « depuis 12 heures, il fallait employer 4 c. ce. à Ac. c. 4/2 de sérum. Z'oujours les souris quériss saient, alors que les lémoins mouraient. » Le sérum de M. Yersin est donc non seulement préventif, mais curatif. La première inoculatio en fut faite le 20 juin à Canton. Que conclure ? Sinon que nous avons entre no mains une arme précieuse, qu'expérimente encore en ce moment M. Yersin, retourné en Asie pou continuer ses recherches. Que le sérum en ea d'épidémie doit être employé d'abord curalivemen et, ensuite, en cas de besoin, préventivement. Qu nous devons faire pour la peste ce que nous fais sons maintenant journellement pour la diphtérie; mais que, avant tout, il faut nous protéger d l'invasion, puisqu'il en est temps encore, et pré server l'Europe entière de ce fléau, en obligeanl le Gouvernement anglais à s'associer aux autre Puissances et à prendre toutes les mesures pros phylacliques nécessaires. 1 M. Fontoynont, Interne des hôpitaux. 1 La peste bubonique, par MM. Yersin, Calmette et Borel; Annales de l'Institut Pasteur, juillet 1895. Au moment où se discute la question de l'établisse- ment chez toutes les grandes puissances d'un nouvel trmement d'artillerie, ce qui correspondrait à une dépense de plus d'un milliard en Europe, il semble iéressant d'étudier l'état des usines ou ateliers qui sont appelés à la mise en œuvre de cet énorme capital, qui, plus généralement, se livrent dès à présent à la fabrication du matériel-de guerre. . L'usine Krupp, qui semble dans ce cas devoir satis- faire aux besoins non seulement de l'Allemagne, mais encore de son alliée l'Autriche-Hongrie et d'autres Etats moins importants, mérite, par sa puissance de production industrielle et financière, le premier rang dans cette étude. On ne saurait ici étudier la question technique et les détails de fabrication des bouches à feu : on cherchera plutôt à rendre compte et du déve- Joppement de l'usine et de sa puissance actuelle. L'usine Krupp, à Essen, commença par être une modeste fonderie, recommandable, toutefois, par la qualité de ses aciers, mais d'une faible importance. Ælle ne prit son essor qu'entre les mains d'Alfred Krupp (1812-1887), père du directeur actuel. … C'est le 24 février 1848 qu'Alfred Krupp prit la con- duite de l'usine, qui n'employait que 72 ouvriers. En 1865, l'usine en employait déjà 8.200 : l'acier Krupp avait une réputation considérable : le développement “des chemins de fer amenait de toutes parts des com- mandes de rails, de bandages, de plaques de chaudières, en même temps que les progrès de la marine condui- saient à la fabrication de puissants arbres de couche et de tôles de toutes natures. Enfin l'usine avait abordé avec succès la fabrication du matériel d'artillerie, à laquelle elle doit encore au- jourd'hui la plus grande partie de sa notoriété : elle avait, dès cette époque, livré à l’armée prussienne les canons qui devaient assurer son triomphe à Sadowa. Cette prospérité tenait non seulement à l'habileté des métallurgistes et des constructeurs d'Essen, mais aussi à ce que l'administralion prévoyante d'Alfred Krupp s'était précautionnée de mines de fer et de houille à proximité, de manière à se procurer directement les matières premières indispensables. Vers 1867, le développement de l'usine subit un léger ralentissement, tenant peut-être à certaines inquié- tudes qui s'étaient manifestées en Allemagne au sujet de l'emploi de l'acier comme métal à canons, et dont la conséquence était de réduire la fabrication de ce maté- riel d'artillerie. Mais la reprise ne tarda pas à se pro- duire, et dès 1873, le nombre des ouvriers s'élevait à 11.800. La plupart des nations européennes devenaient tributaires de l'usine, et les canons Krupp se retrou- vaient, à bord comme à terre, dans tous les arme- ments de siège et de forteresse, sauf en France et en Angleterre. Si puissante et rémunératrice qu'elle soit, la produc- tion d'artillerie ne peut cependant assurer que tem- porairement la prospérité d'un établissement industriel, et ne doit constituer qu'une branche de l'éxploitation, sous peine d'exposer à de graves mécomptes par suite de mortes-saisons. Cette observation est d'autant plus fondée que la plupart des nations s'efforcent de rendre leur armement indépendant des puissances étrangères, en créant par elles-mêmes ou provoquant l'installation sur leur propre territoire d'usines d'artillerie. Une puissance, en effet, qui n'aurait su ou pu prendre pa- reéille précaution s'exposerait à se trouver désarmée, à se trouver hors d'état de renouveler au cours d’une ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 113 ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES L'USINE KRUPP. — SES DÉVELOPPEMENTS. — SA PUISSANCE ACTUELLE. guerre ses approvisionnements d'armes el de projec- üles, en vertu des règles de la neutralité. C'est dans cet ordre. d'idées que l’on à vu la Russie créer des usines puissantes dans lOural et près de Saint-Pétersbourg pour la fabrication de son matériel, C'est dans cetordre d'idées encore que l'Italie exigea du Creusot la consti- tution d'une succursale à Terni pour la fabrication des plaques de blindage, et de la maison Armstrong une mesure analogue à Pozzuoli pour son artillerie navale. Il ne faut donc pas voir dans l'usine Krupp un éta- blissement presque exclusivement producteur d'ar- tillerie : il faut y voir une aciérie puissamment oultillée pour tous les usinages d'acier, y compris naturellement celui des bouches à feu, et puissamment armée au point de vue économique pour la production et pour l'écoulement de ses marchandises. C’est ce que mon- trera ci-dessous l’énumération des établissements et propriétés de tout genre de la maison Krupp, dont la solidarité industrielle assure la prospérité en leur assu- rant respectivement : d'une part des matières pre- mières, et de l’autre le débouché de leurs produits. En effet, à côté de l’aciérie d'Essen et de son champ de tir de Meppen d'une longueur de 16 kilomètres, affecté aux expériences de toute sorte, nous citerons les mines de houille d'Essen et de Bochum, au rende- ment de 2.100 tonnes en moyenne par jour; de nom- breuses mines de fer en Allemagne; les célèbres mines de Bilbao en Espagne, dont les produits, transportés soit par des navires espagnols, soit par des bâtiments allemands, arrivent économiquement par voie de mer et de canaux jusqu'aux ateliers. Enfin, dans ces derniers temps, l'acquisition des chantiers de la Germania, à Kiel, a mis la maison Krupp à même d'exécuter inté- gralement des bâtiments de guerre ou de commerce avec ses propres ressources, puisque tôles, blindages, machines à vapeur, bouches à feu et projectiles sortent de ses ateliers, alimentés eux-mêmes en houille et en minerais par des mines appartenant à la maison. Il ne faut pas non plus perdre de vue l’excellente situation de l'usine d'Essen au point de vue des trans- ports : d'une part, les voies ferrées de Cologne à Berlin et celle de Duisburg à Dortmund, d'autre part, le Rhin et son affluent la Rühr placent l'établissement dans des conditions véritablement exceptionnelles d'arri- vages et d’expéditions. Pour apprécier maintenant la puissance totale de l'usine, nous rappellerons que dès 1890, elle disposait de : 1.195 fours et fourneaux de types divers, 21 trains de laminoirs, parmi lesquels il convient de signaler des systèmes Lauth à 60 centimètres de diamètre pour les cylindres supérieur et inférieur, avec un cylindre médian de 38 centimètres, comme aussi des laminoirs universels où les cylindres horizontaux ont également 60 centimètres de diamètre et les verticaux environ les 2/3 du diamètre des horizontaux ; 286 chaudières à vapeur et 370 machines d’une force totale de 27.000 che- vaux-vapeur dont des machines reversibles à deux cylindres conjugués ayant chacun 1", 30 de diamètre, 4®,75 de course, marchant à 120 tours, alors que le laminoir ne marche qu'à 48 tours au plus (laminoir pour plaques minces); plusieurs presses hydrauliques dont une de 6.000 tonnes à 2 compresseurs alternatifs du type Breuer-Schumacher, et 1.724 machines-outils diverses. Dès cette époque (1890) la consommation quo- tidienne était de 2.735 tonues de houille et de coke, de 20.000 à 25.000 mètres cubes d’eau, de 15.000 à 50.000 mètres cubes de gaz. Enfin les mouvements inté- HA rieurs comportaient 2% locemetives, 1.173 wagons, 34 stations télégraphiques et 136 postes téléphoniques, reliés par 220 kilomètres de fils. ; Comme métallurgie, on sait que la grande spécialité de l'usine consiste en acier au creuset, fabriqué en mélangeant de l'acier et du fer puddlés, avec un fon- dant particulier à base de charbon de bois, dans de petits creusets en terre réfractaire et plombagine d'une contenance de 40 kilos. Les chiffres qui précèdent donnent une idée de la puissance totale de l'usine, puissance qui, selon les cir- constances, se porte principalement soit sur la produc- tion d'objets marchands, d'usage courant, tels que rails, essieux, bandages, arbres et bielles pour trans- missions, ete., soit sur celle de tôles, plaques de blin- dage, chaudières, etc., pour la construction de navires, soit enfin sur celle de matériel d'artillerie. En ce qui concerne cette dernière, dont nous signalions l’actua- lité au début de cet article, qu'il nous soit permis -de faire remarquer que l’un des éléments de sa puissance est l'absence complète d'arrêt de travail que lui garan- tit la clientèle de l'Etat allemand. Alors même que de grandes commandes pour l'étranger ou que de grandes réfections de matériel ne sont pas en cours, la série des remplacements du matériel courant, la série d’études pour l'armement des navires en construction ne per- mettent ni aux ouvriers de chômer en cette partie, ni aux ingénieurs de s'endormir, ou de s’hypnotiser à la recherche du type introuvable d’une bouche à feu par- faite. Cette obligation d'aboutir à chaque instant, de fournir des produits aussi satisfaisants que le permet l'état actuel des connaissances techniques, ce débou- ché certain pour le travail des ateliers, tout cela place l'établissement, et comme régime de production maté- rielle, et comme conditions d'études spéciales, dans la meilleure situation possible. C'est pour ces raisons, jointes à celles tenant à la composition et au recrutement du personnel tant d'ouvriers que d'ingénieurs, ques- tion sur laquelle nous allons revenir, que l'usine se {rouve à même de parer à toute éventualité, en four- nissant un matériel résolvant d'une manière satisfai- sante le problème posé, et qui, s'il n'est pas toujours d'une correction absolue au point de vue théorique, s'il ne donne peut-être pas satisfaction à tous les desi- derata que les progrès de la science permettraient d'exiger, n'en possèdent pas moins des qualités de soli- dité, de simplicité et d'efficacité incontestables. En ce qui concerne le personnel ouvrier, il s'élevait dès 4889 à 21.000, dont près des 2/3 à Essen, les autres répartis dans les établissements accessoires. Leur situation, modeste au point de vue pécuniaire, est, par contre, fortement avantagée par l’organisation d'Essen. Des cités ouvrières aux portes de l'usine recoivent les familles des travailleurs, tandis que le logement et la nourriture des célibataires sont assurés par l'établis- sement. Des dispensaires, des secours en cas de mala- die, une retraite des 2/3 à 25 ans de service et de l’in- tégralité à 35 ans, tous les avantages des fournitures coopératives retiennent à la maison Krupp les bons ouvriers, et lui assurent la régularité de la fabrication ainsi que la conservation des secrets ou tours de main d'exécution. Le personnel technique, recruté soigneusement parmi les hommes Les plus capables, et largement rému- ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES Hs ment, à l'abri tant des exagérations théoriques que de néré, constitue pour ces ouvriers un état-major à courant des progrès, et par la nature de son recrute routines de Fempirisme. Enfin, le fait de l'unité de” direction, puisque le propriétaire actuel, assisté de so conseil technique dit « prokura », règle naturellement les affaires sans avoir à en référer à des commandi- taires ou à des assemblées d'actionnaires, permet à lan maison de porter tous ses efforts sur une afiaire don- née sans en rien ébruiter, sans qu'il y soit opposé le moindre obstacle. C'est ainsi que l'on a pu donner comme probable, et certainement en tout état de choses comme possible, la nouvelle que l'usine offrai d'entreprendre, sans attendre le vote de crédits ni d'al locations quelconques au Reichstag, la fabrication d'un nouveau matériel de campagne pour l'armée allemande; si le gouvernement impérial jugeait urgent d'en prendre l'initiative. À Une puissance industrielle énorme, grâce à des con ditions géographiques et à des réunions de mines; d'usines, etc., exceptionnelles, une capacité spéciale. de production assurée par un travail continu, par une alimentation permanente de ses ateliers spéciaux, voilà ce qu'aujourd'hui la maison Krupp, à ne voir que la question d'artillerie, peut mettre à la disposition de l'empire allemand. A ses ressources s'ajoutent encore celles du Grusonwerk. Le Grusonwerk, fondé en 185 par M. Hermann Gruson, près de Magdebourg, fut a début un chantier de construction de bateaux. En 1868; M. Gruson y installa des ateliers de construction de machines, puis des fonderies, et bientôt la fonte Gru= son, coulée en coquille, devint la production essen= tielle de la maison. Les coupoles cuirassées pour les fortifications permanentes, les coupoles légères du major Schuman pour l'artillerie du champ de bataille. sont bien connues. A cette production, il convient d'ajouter celle de projectiles, de canons à tir rapides depuis les plus faibles calibres jusqu’à celui de 15 cen= timètres. Les établissements Gruson, eux aussi, avaien! une notoriété et une clientèle universelle. Depuis 1893, les deux maisons Krupp et Grusgn sonb fusiounées pour une période de 25 années. Pendant cette période, lés actionnaires de Gruson toucheront 9 °/, de dividende assuré, la maison Krupp ayant le droit d'acquérir la propriété du Grusonwerk et dépens dances pour une somme de 30 millions de francs, eb s'obligeant, d'autre part, à racheter l'établissement pou 24 millions, à l'expiration des 25 années, si elle en es requise par les actionnaires. Les deux usines travaillent ainsi de conserve, l'usine. Krupp ayant absorbé toute la production en bouches feu, affüts, etc., de son associée, qui reste spécialement vouée à la fabrication des projectiles et des cuirasse ments en fonte. . Cette répartition du travail remplace une concur rence nuisible par une sage associalion d'efforts. Elles assure l'unité de travail et de production de deux grands établissements, dont M. Frédéric-Alfred Krupp peub ainsi concentrer l'énorme puissance tant pour la réuss site de ses entreprises industrielles d'ordres divers ques pour l'exécution éventuelle des commandes et la satiss faction rapide des besoins de l'Allemagne et de ses alliés. * CoLoxez X... C@r, : | | | | | | 7 1° Sciences mathématiques Von Bohl (V.). — Appareils et machines pour le Calcul mécanique appliqué à toutes les opérations arithmétiques. — 1 vol. in-8° de 244 p. (Prix : 10 fr.) Moscou, Kouchneref, 1896. En publiant, en 1894, mes conférences du Conserva- toire des Arts et Méliers sur le « Calcul simplifié par les procédés mécaniques‘et graphiques ‘ », j'avais soin de remarquer (page #) que mon exposé, borné aux appareils existant dans les collections du Conservatoire, ne pou- vait prétendre à épuiser le sujet. Cet exposé fixait néanmoins une classification des appareils à calculer qui pouvait servir de canevas à une étude d'une plus grande ampleur sur la matière. C'est cette étude que nous donne M. von Bohl, professeur à l'Ecole Militaire Alexandre, de Moscou, dans un livre qu'il vient de faire paraitre en langue russe. Pour toute la partie qui se trouve déjà traitée dans ma brochure, M. von Bohl s’est largement inspiré de celle-ci, ce dont je ne puis que me féliciter. Il complète d'ailleurs avec ampleur certains renseignements que je m'étais conlenté de donner sous une forme un peu sommaire, m attachant avant tout à mettre en évidence les principes généraux auxquels peuvent se raltacher ces divers moyens spéciaux de calculer. La partie neuve et originale du livre de M. von Bohl comprend la description de quelques appareils arith- méliques, dont la connaissance ne s'était pas répandue el qui n'avaient encore élé décrits dans aucun autre ouvrage. Parmi ceux-ci, il convient de citer divers ins- truments pour l'addition, naguère inventés en Russie, et depuis lors à peu près tombés dans l'oubli. Tel est, par exemple, le compteur de Kummer (Stshislitel), qui date de 1847, et qui, fait remarquable, repose sur le même principe que l'arithmographe Troncet, d'inven- lion beaucoup plus récente. Nous avons d'ailleurs déjà eu l’occasion de faire observer qu'en ce domaine, plus qu'en tout autre, les inventeurs arrivent, les uus à l'insu des autres, à imaginer les mêmes artifices. Il faut aussi, pour la multiplication, citer les bätons de lofe. Parmi les machines ici décrites, qui, pour la raison rappelée plus haut, avaient été passées sous silence dans mon Calcul simplifié ou qui n’y avaient été que simplement mentionnées, il convient de relever celles de Hermann (1722), d'Artzherger (1866), de Bouniakov- sky, membre de l'Académie de Saint-Pétersbourg, appe- lée par Jui Selfcalculator (Samostschoty), de Leiner, de Petetine, les arithmomètres de Muller, de Zelling, d'Edmondson, d'Ohdner, de Scheiz, ete... Un dernier chapitre donne la description des appa- reils à résoudre les équations de Weltmann et de Mehmke, ce dernier pouvant d'ailleurs être rattaché aux abaques à points isoplèthes. IL est dommage que l'auteur n'ait pas eu connaissance, avant de faire pa- raître son livre, de la très eurieuse et très belle ma- chine de M. Torres pour la résolution des équations?, Elle y avait sa place toute marquée. Sous cette seule réserve, je pense que l'ouvrage de M. von Bohl doit être le plus complet de ceux qui ont été publiés jusqu'ici sur la matière. Il est à craindre toutefois qu'écrit en russe il ne trouve que peu de lec- teurs en dehors de la Russie, ce qu'on ne saurait trop regrelter pour un livre documentaire de cette impor- 1 Voir la Revue du 15 décembre 1894. p. 938. 2 Voir la Revue du 15 août 1896, p. 684. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 5 BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX fance. Sur l'intérêt qu'il y a, pour un ouvrage de ce genre, à ce qu'il soit rédigé en francais, je renvoie le lecteur à un de mes précédents articles", M. D'OcAGxE, Répétiteur à l'Ecole Polytechnique. 2° Sciences physiques Ostwald (Wilhelm), Professeur de Chimie à l'Université de Leipzig. — ŒElektrochemie. Ihre Geschichte und Lhere. — 1 vol. gr. in-8° de 1156 pages avec 260 fig. (Priæ : 35 fr.) Veit und Comp., éditeurs. Leipzig, 1896. Nul n'était mieux désigné pour écrire une histoire de l'Electrochimie que l'éminent professeur de Leipzig qui, tant par ses travaux personnels que par les publi- cations qu'il dirige, a déjà fait faire de si grands progrès à cette branche intéressante de la science. Il à écrit sur ce sujet un fort gros et fort beau volume. Disons tout de suite que, conformément au titre, il s'agit surtout d'un trailé historique, histoire des découvertes et des doctrines; aussi, bien des points, réservés peut-être pour un autre ouvrage, ont-ils été laissés entièrement de côté ou effleurés à peine. On ne trouvera, par exemple, dans le livre de M. Ostwald, aucun renseignementsur les applications industrielles, devenues si importantes, de l'Electrolyse. En revanche, l'auteur donne les détails les plus complets sur les premières recherches effectuées à la fin du sièele dernier et au commencement de celui-ci. Nous assis- tons ainsi aux expériences de Priestley, de Cavendisch, nous revoyons les travaux de Galvani, nous admirons le génie de Volta en action; et de nombreuses gra- vures, des portraits, des reproductions d'appareils anciens viennent presque faire illusion : nous revivons avec les maîtres disparus. Il est hien curieux de regarder ainsi en arrière, on peut même parfois lirer de ces études rétrospectives grand profil pour les tra- vaux du présent et même de l'avenir; dans telle ou telle expérience oubliée de Ritter ou de Gautherot, on trouverait le germe d'idées fécondes, que sont venues développer plus tard des recherches plus complètes et plus systématiques. Après les travaux de Faraday, nous arrivons à la période moderne où dominent les noms de Clausius et d'Helmhol{z; l'auteur poursuit le récit des découvertes et nous amène jusqu'à l'exposé de la théorie de la dissociation électrolytique. Dans toute cette partie, qui touche à des expériences récentes, à des théories neuves, il paraît un peu artificiel de conserver le même mode d'exposition, et l'on peut regretter que l'auteur n'ait pas fait une plus grande part à la critique et à la discussion des doctrines. A ce livre si considérable de M. Ostwald, on n'ose vraiment adresser le reproche de n'être pas encore complet; on ne peut aussi que signaler un peu timide- ment la tendance de l'auteur à faire à la science allemande la part du lion. 11 est vrai qu'en compensa- tion, il a fait parmi les travaux francais de curieuses exhumations ; c'est ainsi qu'on ne voil pas sans un léger étonnement citer parmi les théoriciens lempe- reur Napoléon HI, champion habile de la théorie chimique de la pile el auteur à ce sujet, pendant son internement au fort de Ham, d'une lettre; intéressante vraiment, au grand Arago. Certainement l'ouvrage de M. Ostwald aurait un peu 1 Voir la Revue du 15 juillet 1892, p. 486, col. 2. 116 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX gagné à êlre condensé en certains endroits; mais, tel qu'il se présente, avec ses parties touflues, ses déve- loppements inégaux, ses digressions nombreuses, il est d'une lecture attachante, et il restera comme un premier monument élevé à la gloire des savants à qui l’on doit la magnifique moisson que l'on récolte main- tenant chaque jour dans le domaine des applications de l'Electricité à la Chimie. LUCIEN POINCARÉ, Chargé de cours à la Faculté des Sciences de l'Université de Paris. Ferreira da Silva (A.-J.), Professeur de Chimie organique et analytique .à l'Académie Polytechnique de Porto. — Tratado de Chimica elementar. Tome I. Chimica mineral (2 édition). 1 vol. in-8° de 552 pages et 129 figures. (Prix : 12 fr. 50.) À. da Silva Teixera, éditeur. Porto, 1896. Cet ouvrage, dont la première édition date de 1884, a été, pour cette édition nouvelle, complètement rema- nié pour le plan comme pour les détails. La notation en équivalents y est remplacée par la notation atomi- que, adoptée universellement aujourd'hui. Les notions théoriques, d'après lesquelles sont éta- blies le] langage et les notations de la Chimie, ont reçu dans les premiers chapitres beaucoup de développe- ment. L'auteur expose avec beaucoup de soin les lois numériques et les conventions d'après lesquelles on fixe le poids moléculaire d'une combinaison, et les poids atomiques des corps simples qui y entrent. Cha- cune des lois exposées est justifiée par plusieurs exem- ples, qui permettent au lecteur de saisir d'une façon plus claire et plus concrète le sens des explications théoriques. On a pris soin de rappeler les principes de la notation en équivalents, pour faire mieux-apprécier le sens de la notalion nouvelle. A côté des poids atomi- ques des corps simples, on à fait figurer, dans le tableau qui contient ces nombres, l'équiv alent autrefois adopté; on à pris soin aussi der rappeler les règles très simples qui permettent de passer de l'ancienne notation à la nouvelle, et réciproquement; cette transformation est nécessaire, en effet, pour la lecture des mémoires publiés dans les périodes précédentes. Peut-être cepen- dant sera-t-il avantageux, dans quelques années, de ne plus exposer la théorie des € ‘quivalent(s, qui n'aura plus qu'un intérêt rétrospectlif, et de conserver seulement le double tableau avec des indications sommaires sur la facon d'en faire usage. La Thermochimie est exposée plus loin. Ici encore des exemples permettent de saisir da enent le sens des principes, notamment en ce qui concerne les cycles et l'avantage que l’on trouve à les employer. Après le chapitre des généralités, on trouve dans l'ouvrage l'étude des diverses familles de c orps simples et de leurs principales combinaisons. L'ordre qui est ici adopté diffère de celui que suivent la plupart des traités de Chimie. Les corps simples sont étudiés tout d abord: ils sont classés par familles naturelles: il n’est pas question dans ce chapitre de leurs combinaisons. Plus loin, figureront, dans de nouveaux chapitres, les combinaisons hydrogénées : acides chlorhydrique, bromhydrique, iodhydrique, fluorhydrique ; puis l'eau et l'hydrogène sulfuré ; puis l'ammoniaque et les hydro- gènes phosphoré : arsénié, antimonié, ete. Les combi- naisons oxygénées, anhydrides et acides, forment un nouveau chapitre, contenant aussi les combinaisons des divers mélalloïdes entre eux. Get ordre, qui pré- sente l'inconvénient de répartir sur trois chapitres au moins cequi concerne les combinaisons d'un métalloide, le soufre ou le phosphore par exemple, offre en revan- che l'avantage de faire saisir clairement les analogies et les différences de corps que la théorie classe les uns à côté des autres. Les métaux répartis par classes d’après leurs valen- ces, puis par familles moins étendues d'après l'analo- gie de leurs combinaisons, sont étudiés plus loin. L eurs oxydes, puis leurs sels, forment l’objet de chapi- tres particuliers. L'ouvrage contient encore, dans un nouveau chapitre, des indications sur les principes de l'analyse minérale par voie humide et par voie sèche; on y trouve aussi des renseignements sur quelques dosages qui se font au moyen des liqueurs titrées. Enfin un appendice, qui termine ce volume, contient l'histoire abrégée des corps rares, hélium, etc., dont les commencants n’ont pas à faire l'étude; le lecteur déjà plus informé trouvera sur ces questions des indi- cations brèves, mais substantielles. LÉON PIGEON, Chargé de cours à l'Université de Dijon. 3° Sciences naturelles De Launay (L.), Ingénieur au corps des Mines, Pro= fesseur à l'Ecole supérieure des Mines. — Les Mines d’or du Transvaal. — 1 vol. in-8° de 540 pages, avec 41 planches et 81 fig. (Prix: 15 francs). Baudry et Ci, édi- teurs, 15, rue des Saints-Pères. Paris, 1896. C'est en 1886 que furent découvertes les mines d'or du Witwalersrand, et, dans ces dix années, l’état éco- nomique du Transvaal s'est trouvé modifié de fond en comble. Une industrie puissante à pris naissance, vers laquelle les capitaux européens n'ont pas tardé à affluer; mais le peu de garanties offertes par les fon- dateurs de ces industries, livrées le plus souvent à une spéculation effrénée, l'ignorance dans laquelle se trou- vait le public sur la solidité des diverses affaires et surtout la hausse factice des valeurs délerminèrent à deux reprises des crises financières désastreuses. Si des ouvrages sérieux, parus en Angleterre et en Alle- magne, tels que ceux de Goldmann, de Hatch et Chal- mers, de Schmeisser, n'étaient venus renseigner le public européen sur l'importance géologique des gise= ments aurifères du Rand, on aurait pu se demander si les résultats merveilleux dont parlaient les correspon= dances et les prospectus n'étaient pas un vain mirage duquel auraient été dupes les acheteurs européens. En France, toutefois, aucune étude détaillée n'avait été publiée sur la nature géologique, sur le mode d'exploi- tation, sur les conditions économiques des mines d'or du Transvaal. Cette lacune vient d'être comblée e par la publication d'un beau livre, à la fois substantiel et d'une lecture attrayante, dù à la plume autorisée de M. De Launay. Nul n'était plus qualifié que le savant ingénieur pour nous donner un ouvrage dans lequel le côté géographique, le côté économique et financier, le côté géologique et le côté purement industriel sont développés avec une égale compétence. Dans une introduction géographique sur le Trans- vaal, l’auteur décrit, trop brièvement peut-être, l’as- pect général du pays, son climat, ses productions, ses moyens d'accès; un chapitre sur l'historique du pays et de l'industrie aurifère, et un chapitre sur l'organi- sation de l'industrie minière au Transvaal, sur lequel nous reviendrons plus loin, terminent la première partie. La deuxième partie est consacrée à la géologie. Dépassant son cadre restreint, M. De Launay nous donne d'abord un aperçu général sur la géologie de toute l'Afrique australe, apercu très bien fait, qui aus rait encore gagné en clarté si la petite « ee te géologique destinée à l'illustrer était plus lisible. L'auteur aborde ensuite l'objet plus particulier de son étude, la géolo= gie du Witwatersrand; il examine successiv ement l'al- lure d'ensemble de la série ancienne aurifère (assimi- lée au dévonien) et de son soubassement de granit et de gneiss, puis les terrains à houille du Karoo, d'âge permien et triasique, formant dans le Rand plusieurs témoins d’une nappe horizontale, primitivement cons tinue, qui recouvrail en discordance les couches pri- maires plissées. On sait qu'au Transvaal l'or ne se trouvé pas, comme dans la plupart des autres gise= ments aurifères, dans des filons de quartz ou dans des alluvions (placers) résultant du remaniement de ces dE fie (ide, et ttes BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 117 filons par les eaux, mais qu'il existe à l'état très divisé dans le ciment pyriteux de conglomérats d'une grande continuité, dans lesquels les couches riches ont recu, {rès improprement du reste, le nom de reefs. La série aurifère du Witwaltersrand affecte une disposition géné- rale en cuvette synclinale, dans laquelle les bandes d'affleurements sont orientées du sud-ouest au nord- est; c'est sur le bord septentrional de la cuvette que porte surtout l’exploitalion. Les principaux banes de conglomérat aurifère se succèdent, du nord au sud, “dans l’ordre suivant: le Rietfontein Reef, le Main Reef, banc épais, négligé jusqu à ces derniers temps à cause de sa faible teneur; le Main Reef Leader et le South Reef, tous deux plus minces et plus riches, constituant le fond principal des exploitations ; puis le Kimberley Reef et le Black Reef. Comme sur le bord nord de la cuvette les couches plongent vers le sud, les conces- sions établies sur les lignes d'affleurement des couches aurifères exploitent les reefs au moyen de puits incli- nés: mais, comme vers le centre de la cuvette les couches tendent à devenir horizontales et se trouvent à une certaine distance de la surface, on est obligé d’at- teindre les reefs au moyen de puits verticaux, les con- cessions ou claims sont alors dites claims de deep level. Un chapitre spécial est consacré à l'étude déliullée des différents reefs aurifères, aux variations de leur structure et de leur teneur, à leurs caractères d'une extrémité à l'autre du Raud. On trouvera dans ce cha- itre des renseignements précis sur l'emplacement, étendue et la richesse des différentes concessions; mais l'étude détaillée des reefs, à laquelle s'est livré M. De Launay, présente, outre un grand intérêt indus- {riel, une certaine valeur pour la géologie générale : il est rare, en effet, que des travaux de mines aussi étendus donnent la possibilité d'étudier les modifica- lions d’une série sédimentaire ancienne sur d'aussi longues distances, aussi bien en direction qu'en incli- paison. D'autre part, l’auteur donne une description pétrographique très minutieuse des échantillons em- pruntés aux différents reefs, qui pourra rendre de grands services sur le terrain aux géologues ou auxin- génieurs quiauraient à faire desrecherchesdansle Rand. La partie géologique du volume se termine par des considérations sur l’origine et le mode de formation des dépôts aurifères du Witwatersrand, Après avoir rejeté d'emblée la théorie insoutenable d’après laquelle les conglomérats du Rand ne seraient autre chose que des placers anciens, formés au détriment de filons de quartz aurifère, l’auteur discute deux autres hypo- thèses : l’une, qui lui parait la plus vraisemblable, d'après laquelle la précipitation de l'or serait contem- poraine du dépôt des conglomtrats, l’autre, qui admet une imprégnation pyriteuse et aurifère postérieure à ce dépôt. Dans la troisième partie, l'auteur étudie les méthodes d'exploitation des mines el le traitement métallur- gique. On sait qu'après triage, concassage et broyage, on procède à une amalgamation, qui permet d'extraire du minerai, après distillalion, à peu près tout l'or libre. - Quant aux résidus de ce traitement, qu'une opération mécanique permet de séparer en concentrés, en rési- dus sableux (failings) et en slimes, on les soumetlait - autrefois à la chloruration; mais ce procédé tend de - plus en plus à être remplacé par la cyanuralion, qui consiste à dissoudre l'or dans le cyanure de potassium et à le précipiter, soit par le zine, soit par l’électrolyse. » De nombreuses figures, intercalées dans le texte, per- "mettent au lecteur de se rendre compte de l'installa- tion des appareils employés dans ces diverses opéra- tions. A celte troisième partie est jointe une élude détaillée du prix de revient d'une exploitation (le prix de revient d'une tonne métrique d'or esi, en moyenne, de 32 à 35 francs) et un chapitre sur lavente et le com- merce de l'or. Il nous reste à dire quelques mots du côté écono- mique, auquel M. De Launay a réservé dans son ou- vrage une part capitale; il lui consacre deux des plus REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897, importants chapitres : l’un intitulé « L'organisation de l'industrie minière au Transvaal » est placé avant la partie géologique, tandis que l’autre, renfermant les conclusions, est placé à la fin du volume et porte le titre « Le présent et l'avenir du Witwatersrand ». Cette disjonction de deux chapitres qui, logiquement, nous auraient semblé devoir s’enchaiîner, n'est pas sans nuire légèrement à l'ordonnance du livre. Après nous avoir donné de très intéressants détails sur le régime légal auquel sont soumises, dans la Répu- blique Sud-Africaine, les exploitations minières, sur les habitauts du pays, blancs indigènes (Boërs) et étrangers (Uillanders), sur le monde financier de Johan - pesburg, sur la main-d'œnvre nègre, l’auteur nous fait assister, par quelques exemples, à la constitution et au mode de formation des Sociétés minières ; il nous montre comment les claims, rectangles de 4,10 sur 125%,60 de côté, achetés d'abord isolément par un groupe financier, sont vendus, échangés, groupés avec d'autres claims en territoires, qui, à leur tour, seront morcelés, échangés, vendus, groupés à nouveau, si bien que les propriétés d'une mème Société sont dans un état de devenir perpétuel, et que l'actionnaire ne peut à aucun moment se rendre compte de la valeur réelle de sa propriété. Les compagnies minières du Rand sont complètement entre les mains des syndicats de Johan- nesburg:; malgré l’éparpillement extrème des claims et lenombre des sociétés constituées, ces groupes finan- ciers sont en petit nombre et agissent souvent de con- cert; cependant il y a lieu de s'étonner qu'aucun travail de reconnaissance portant sur l’ensemble du Rand, en dehors des surfaces actuellement concédées, n'ait été entrepris par leur initiative. Une singulière inexpé- rience caractérise, dans la plupart des cas, les débuts des exploitations ; ce n’est que lentement que les exploi- tants arrivent à abandonner leur routine, à perfection- ner leur outillage, à réduire leurs frais généraux ; beau- coup d'entreprises se sont trouvées au-dessous de leur tâche et ont sombré dès la première grande crise finan- cière qu'ont traversée les mines d'or du Transvaal; si, malgré la baisse énorme des cours en 1890, plusieurs compagnies purent traverser cette période critique et continuer à distribuer des dividendes importants, elles doivent leur réussite à une réunion de circonstances particulièrement heureuses qu’il nous reste à énumé- rer, d'après le livre de M. De Launay : les gisements aurifères du Transvaal possèdent une régularité que l'on ne rencontre dans aucun gisement filonien, de sorte que le minerai s’est trouvé aussi abondant en profondeur qu'à la surface; la diminution de l'incli- naison des couches en profondeur a permis l’exploita- tion des deep-levels; la découverte de la houille dans la région même du Rand a réduit considérablement les frais du traitement métallurgique du minerai; en- fin, la découverte du procédé de cyanuration, arrivant juste au moment opportun, est venue rendre possible l'extraction de l'or des résidus et des minerais à faible teneur. Toutes ces circonstances sont de nature à recu- ler l'épuisement des gisements dans un avenir relati- vement lointain, et sinon à augmenter toujours le ren- dement, du moins à diminuer les prix de revient du métal précieux ; elles permettent d'examiner avec con- fiance l'avenir du district aurifère du Witwalersrand, Eure HauG, Chef des travaux pratiques de Géologie à la Faculté des Sciences de Paris. 4 Sciences médicales Letulle (D' M.) Professeur agrégé à la Faculté de Méde- cine de Paris, Médecin de l'Hôpital Saint-Antoine. — Anatomie pathologique. Cœur. Vaisseaux. Pou- mons. — À vol. gr. in-8° de 450 pages avec 102 fig. noires et en couleurs. (Prix : 22 fr.) G&. Carré et C. Naud, éditeurs. Paris, 1897. Pour faire suite à son livre sur l'Inflammation, publié en 4893, M. Letulle fait paraitre un ensemble d’études a 118 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX anatomo-pathologiques sur le cœur, les vaisseaux et les poumons. Comme l’expose l’auteur, la révolution pas- torienue à profondément modifié la science médicale contemporaine, et la pathologie subit, de ce fait, des remaniements importants. Certaines de nos conceptions relatives à l'anatomie pathologique générale se sont modifiées, notamment celles concernant l'inflammation, et M. Letulle devait légitimement exposer avant tout ses idées sur ce sujet. On sait l'intérêt profond qui s'attache à ce livre, mais ce n’est pas tout : les mêmes modifications se retrouvent dans nos facons d’envisa- ger certaines lésions des organes et des tissus. C'est ce dont on se rendra facilement compte en lisant le nou- vel ouvrage de M. Letulle. Aussi ces deux livres se complètent-ils mutuellement; il suffira d'en connaitre un pour prévoir l'inférêt et le plaisir que procurera la lecture de l’autre. Nous louerons tout d'abord M. Letulle d'avoir fait précéder ses chapitres d'anatomie pathologique, d'une étude soignée de l'anatomie et de la physiologie nor- males de l'organe. La méthode est bonne et pratique, qui consiste à faire connaître tout d'abord l'organe sain, à y découvrir ensuite la lésion pour l'étudier enfiu, grâce aux différents procédés de technique qui sont à notre disposition. C'est cette méthode qu'a sui- vie M. Letulle, n'oubliant pas qu'il a charge d’âmes et qu'il doit enseigner l'anatomie pathologique et la faire aimer aux élèves. à Bien qu'il s'en défende, M. Letulle a fait de son étude anatomo-pathologique du cœur un ouvrage à la fois didactique et original. Nous y trouvons exposées, dans tous leurs détails, les notionsrelatives aux altérations de l’endocarde et du péricarde. Celles-ci se sont considé- rablement enrichies par le fait des découvertes pasto- riennes, et la conception nouvelle des maladies infec- tieuses règle presque entièrement leur pathologie. Il n'en est pas tout à faitde même du myocarde. Si la myocardite aiguë reconnait souvent comme cause l'in- fection, la myocardite chronique et la sclérose car- diaque cachent plus leur origine, et l’anatomo-patho- logiste a les plus grandes peines à en découvrir l’étio- logie, comme à en tracer l'évolution anatomique. Une fois mises à part les lésions qui ressortissent nelte- ment à une alléralion vasculaire, les dégénérescences qui sont le reliquat de toxi-infections anciennes ou ré- centes et dont M. Letulle exclut avec raison la dégénéres- cence graisseuse, il reste encore un groupe important de scléroses cardiaques dont la pathogénie nous échappe en partie. Doit-on les rattacher encore, avec H. Martin, Zugler, à des troubles de la nutrition myocardique? Faut-il plutôt admettre une action directe des poisons sclérogènes sur le tissu conjoncetif, comme le fait Brault, ou sur la cellule myocardique même, avec Nicolle? M. Letulle adopte sur ce point l'opinon la moins pré- cise peut-être, mais la plus compréhensive. Les idées de H. Martin, de Zugler sont à coup sûr trop exclusives; la dystrophie et l'ischémie n’expliquent pas toutes les scléroses cardiaques; la conception de Nicolle, si plai- sante (tout d'abord, car elle subordonne la sclérose à l’altération du tissu noble, c’est-à-dire à l’altération de la cellule myocardique, ne trouve pas grâce devant M. Letulle, malgré le grand talent de son auteur. L'état réliculaire pur, les foyers de désintégration granulo- fragmentaires, premières assises de la théorie de Ni- colle, n'ont pas été retrouvés par lui. Aussi M. Lelulle admet-il en conclusion que la systématisation des scléroses cardiaques est impossible à concevoir; comme la cellule myocardique, comme les rameaux, le tissu interslitiel peut être primitivement touché par la sclé- rose. La lésion une fois amorcée, les tissus de voisinage réagissent à leur facon, mais non toujours d’une manière identique et, en fin de compte, «il me parait dorénavant établi, dit M. Letulle, que les différents départements du myocarde conservent jusqu'à la fin leur individualité et leur indépendance anatomiques aussi bien que pathologiques ». La pathologie des vaisseaux, depuis nos connaissances nouvelles sur les maladies infectieuses, s’est ouverte plus largement à nous. L'arthrite et la phlébite aiguës de nature infectieuse, sont partout admises et étudiées; l’'anatomo-pathologiste et le bactériologiste ont mis, di concert, en pleine lumière, la cause microbienne 0 toxique de la lésion vasculaire, et les modalités anato= miques de cette dernière. M. Letulle fait de cette étude un chapitre magistral et si, sur ce sujet, nous avons pu personnellement apporter quelque contribution nouvelle, nous en sommes récompensé au delà du pos= sible, en la voyant prendre droit de cité dans la science; sous la parole si autorisée de notre maitre. L'analomie normale et la physiologie sont plus que jamais nécessaires à une conception exacte des lésions de l’appareil broncho-pulmonaire. Aussi les trouvons= nous très clairement décrites au début de la troisième partie du livre de M. Letulle. Certains sujets qui sem= blent avoir depuis longtemps plus spécialement inté= ressé l’auteur, sont traités par lui avec très grand talent, tel, le chapitre concernant les pneumonies chroniques. Nous attirerons encore l'attention sur les pages consacrées à la broncho-pneumonie et à la tuber= culose, On verra comment la bactériologie,sans détruire nos connaissances relatives à l'anatomie pathologique de ces maladies, ou renverser l'édifice si pénible ment élevé par nos prédécesseurs, à animé l'étude déjà ancienne de leurs lésions et explique la raison d'être de leur évolution. La multiplicité des lésions de la broncho-pneumonie n’est qu'apparente, si l’on sait les mettre chacune en leur place. Les agents pathogènes qui peuvent donner naissauce à l'affection sont diffé= rents; mais, lorsque le poumon est atteint dans ses branches les plus ténues, la réaction inflammaloire qui ne manque guère d'envahir le lobule pulmonaire et qui constitue la broncho-pneumonie, obéit à une sorte de loi pathologique réglée par l'anatomie normale de l’or= gane. Autour de celle lésion primordiale, d'autres altérations d'ordre mécanique, ou bien des infections secondaires, se surajoutent qui modifient les types anatomiques et cliniques de la maladie, sans en changer l'aspect fondamental. C'est ce que l'anatomie patho-# logique avait fait entrevoir, et que la bactériologie a confirmé. La chose est plus frappante encore en ce qui con- cerne la tuberculose pulmonaire. Toujours semblable à elle-même dans sa cause originelle infectieuse, elle affecte les formes anatomiques et cliniques les plus diverses dans son évolution. Les erreurs que celle » diversité même a provoquées sont aujourd'hui du domaine de l’histoire. Elles étaient relevées déjà par | les anatomo-pathologistes, par l'étude plus attentive des lésions, avant même que leur raison d'être et leur filiation pussent être exactement établies, La connais=m sance de l'agent pathogène de la tuberculose, ce fait,m aujourd'hui connu, qu'à la diversité de son lieu prie à milif d'implantation sur l'arbre broncho-pulmonaire, correspondent des formes anatomiques différentes, le W mode particulier de réaction propre aux tissus atteints et à l'organisme affecté, font vivre et évoluer sous nos yeux des lésions que l’on voyait bien déjà, mais que l'on ne comprenait pas. L'Anatomie pathologique van s'appuyer plus que jamais sur l’Anatomie normale, la Physiologie et la Bactériologie expérimentales, On ne peut la concevoir sans l’aide de ces sciences, pas plus que celles-ci ne peuvent être conçues sans elle. Dans l'édifice des sciences médicales, elle est une assise nécessaire. Aussi aura-{-elle toujours besoin, sans les rencontrer souvent, de maitres comme M. le Dr Letulle pour la faire comprendre et aimer. ' Dr A, VAQuEz, t Médecin des Hôpitaux. , Buguet (Abel), Professeur de Physique biologique à à l'Ecole de Médecine de Rouen. — Technique Médicale des Rayons X. — 1 vol. in-16 de 130 payes avec fige (Prix : 2 fr.) Société d'Editions scientifiques. Paris, 1897 “Ent, e ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 119 ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 11 Janvier 1897. M. le Secrétaire perpétuel annonce le décès de M. B.-A. Gould, Correspondant de la Section d’Astro- nomie. — M. Læwy lit une notice sur l’œuvre scien- tifique du défunt. — La Section de Zoologie présente les candidats suivants pour la place laissée vacante par e décès de M. Sappey : en première ligne, M. H. Filhol et M. L. Vaillant; en seconde ligne, M. J. Chatin, M. Dareste, M. Mathias Duval et M. Giard. » 41° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. Rayet commu- nique les observations faites, avec MM. L. Picard et FE. Courty, au grand équatorial de l'Observatoire de Bordeaux, sur la comète périodique de Brookes (1889,0— 1896, c), les comètes de Giacobini (1896, d), -Brooks-Spéra (1896,e), Perrine (1896,/f) et Perrine “(1896,g). — M. G. Bigourdan continue la description les nébuleuses nouvelles découvertes par lui à l'Obser- yatoire de Paris. — M. D. Eginitis a observé à Athènes, “le 12 décembre 4896, une pluie météorique assez abon- -dante dans la constellation d'Orion. — M. J. Perchot indique une méthode qui donne la valeur exacte, et non approximative, de Q dans l'équation de Gauss pour la détermination des orbites des petites planètes. — M. Delauney indique quelques relations simples qui existent entre les distances des planètes au Soleil. — -M. A.-J. Stodolkiewitz adresse une note sur les équa- tions différentielles totales d'ordre 2" à plusieurs va- riables indépendantes. 2° ScreNCES PHysiQues. — M. H. Pellat discute une note précédente de M. Delsol, relative à une machine thermique à dissolution ammoniacale, qui pourrait 14 avoir un rendement supérieur à , Ce qui est en confradiction avec le principe de Carnot. M. Pellat montre que certaines hypothèses de M. Delsol ne sont pas justifiées, et que ses conclusions sont erronées. Le principe de Carnot subsiste donc entièrement. — M. R. Demerliac a étudié la variation de la tempéra- ture de fusion de la paratoluidine et de la naphtyl- amine + avec la pression. La formule de Clapeyron est rigoureusement justifiée; la variation de température peut être représentée par uue courbe hyperbolique et cette variation tend vers une limite finie quand la pression augmente indéfiniment. — M. Th. Moureaux donne la valeur des éléments magnétiques au 1° Jan- vier 1897, tels qu'ils ont été déterminés aux Observa- toires du Parc-Saint-Maur, de Perpignan et de Nice. — MM. G. Besançon et E. Aimé adressent une note relative à un projet de traversée aérienne de l'Europe centrale. — M. ©. Julien adresse un mémoire sur la raréfaction de l'air dans les ballons. — M. Marius Otto a déterminé la densité de l'ozone par un nouveau procédé, qui consiste à déterminer le poids d’un bal- Jon plein d'oxygène pur, puis plein d'oxygène ozoné et à déterminer la quantité d'ozone contenue-dans le bal- lon. Aux erreurs d'expériences près, l'auteur a trouvé que la densité de l'ozone est exactement égale à une fois el demie celle de l'oxygène, soit 1,6584. — M. A. Colson, ayant fait agir de l’acide chlorhydrique gazeux sur du sulfate de plomb, a constaté que l'acide chlorhydrique - déplace en partie l'acide sulfurique qui devient libre. D'autre part, l'acide sulfurique n’attaque pas le chlo- rure de plomb placé dans une atmosphère d'acide chlorhydrique vers 15°. — M. Paul Lemoult reclilie cerlaines données indiquées dans une communication précédente sur les chaleurs de formalion et de po- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER lymérisation de quelques composés cyaniques. — M. J. Minguin a constaté que les succinates de cam- Re phols « el x sont dimorphes; ils cristallisent tous deux en rhomboëdres et en prismes orthorhombiques, Un c 35 : mélange de succinates de camphols + ou « et de suc- le) cinates d'isocamphols & ou $ cristallise toujours en tables hexagonales; jamais il ne se forme de prismes orthorhombiques. — M. E. Blaise, en chauffant la méthyl-2-pentanolide avec le cyanure de potassium pour obtenir le nitrite de l'acide diméthyl-2.2-pentane- dioïque (suivant la méthode VWislicenus), a constaté qu'il se produisait une transposition moléculaire, qui donne lieu à la formation d'acide isopropylsuccinique. Toutefois, cette transposition n’est pas générale; elle n'a lieu que lorsque l'atome de carbone qui porte la fonction olidique ne possède plus d'hydrogène, — M. J. Cavalier a préparé le phosphate triallylique en faisant réagir le phosphate triargentique sur l'iodure d’allyle ; le corps obtenu, chauffé à l’ébullition avec de la baryte, se décompose et donne du diallylphos- phate de baryum, d’où on peut retirer l'acide diallyl- phosphorique. Les diallysphosphates anhydres, chauffés à 200°, se décomposent en donnant l’éther triallylphos- phorique et un monoallylphosphate métallique. — M. P. Petit a cultivé des levures hautes et des levures basses dans des liquides contenant des proportions connues d'azote amidé et d'azote ammoniacal. Il a constaté que la levure haute consomme plus du double d'azote amidé que la levure basse et au contraire beau- coup moins d'azote ammoniacal; la consommation d'azote total est à peu la mème pour les deux levures, — M. Armand Gautier présente ses « Lecons de Chimie biologique normale et pathologique ». — MM. Aimé Girard et E. Fleurent annoncent qu'ils ont entrepris des recherches sur la composition des blés francais et étrangers dont ils donneront prochainement les résul- tats. À 3° SCIENCES NATURELLES. — MM. A. Dastre et R. Flo- resco ont étudié les condilions de la coagulation du sang; trois étaient connues jusqu'à présent: 1° la pré- sence de fibrinogène, qui se change en fibrine; 29 la présence de sels solubles de chaux; 3° la présence de fibrinferment. Or, le plasma de peptone, qui répond à ces trois conditions, ne se coagule pas; ce n'est que lorsqu'on le neutralise par un acide, qu’il se forme un caillot. Il résulte de là une quatrième condition de coa- gulation : un équilibre salin déterminé, dont la neu- tralité est l'expression.— On sait qu'il ya dans le cœur une phase réfractaire, période pendant laquelle le cœur nerépond pas à l'excitation électrique. MM. André Broca et Charles Richet ont constaté, chez le chien choréique puis chez le chien normal, que cette phase réfractaire existe, plus prolongée encore, dans les centres nerreux soumis à des excitations rythmiques. —-M.P. Carles adresse un mémoire sur l'hygiène alimentaire (vin rouge et vin blanc). — M. A. Malaquinrésume ainsi l'évolution des Monstrillides :1° pénétration de l'embryon dans l'hôte à un stade voisin de blastula ; 2° son adaptation au parasi- tisme; 3° développement normal des organes et desappen- dices de la vie pélagique. Le parasitisme est donc, pour le Monstrillide, un moyen d'accomplir son évolution. — M. Ch. Janet à cherché à élucider la nature du parasi- tisme des Acariens myrmécophiles sur les Fourmis en étudiant les rapports du Discopoma comala Berlese avec le Lasius mixtus Nylander; l'acarien se fixe sur un des anneaux de la fourmiet, au moyen de ses chélicères, produit, dans la membrane de son hôte, de petites ouver- 120 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES tures par lesquelles il suce son sang. — M. P. Viala à | sulfure de carbone, il se combine en partie pour former étudié le développement du Charrinia diplodiella, cause du Rot blanc de la vigne, et a observé le eyele complet de la reproduction (pycnides, conidiophores, spermo- gonies, périthèces). — M. Maurice Lugeon, après l'étude de la topographie du canton de Vaud, croit pouvoir émettre l'hypothèse suivante : Immédiatement après le soulèvement alpin, le Rhône s'écoulait par la vallée d'Attalens, suivait le cours actuel de la Broye et se ren- dait ainsi, par le lac de Morat, dans le bassin du Rhin; la Drance était tributaire du même fleuve, mais s'écou- lait par le lac de Neuchâtel. L’affaissement des Alpes à la fin du Pliocène donna lieu à la formation de la vallée du Léman qui captura le Rhône et la Drance. Séance du 18 Janvier 1897. M. H. Filhol est élu membre de la Section d'Anatomie et de Zoologie, en remplacement de M. Sappey, décédé. A2 SCIENCES NATHÉMATIQUES.—M, G. Bigourdan adresse la suite de la liste des nébuleuses nouvelles découvertes à l'Observatoire de Paris. — M. F. Rossard commu- nique ses observations de la comète Perrine (1896, Déc. 8) faites à RÉ atoire de Toulouse (équatorial Brun- ner de 0%,25). — M. P. Painlevé étudie les intégrales premières d s systèmes différentiels et démontre plu- sieurs propositions qui s'appliquent utilement aux équa- tions de la Dynamique. — M. L. Autonne donne une méthode générale de détermination des pôles des fonc- tions unilormes à plusieurs variables indépendantes.— On sait qu'une série Za, z", dont les coefficients sont arbitraires, a pour coupure son cercle de convergence (Borel). M. Eug. Fabry montre comment ce théorème se déduit très simplement des méthodes qu'il a indi- quées pour la recherche des points singuliers. — M. Le Roux montre, par une application à l'équation des télé- graphistes, l'utilité pratique de la considération des intégrales principales des équations aux dérivées par- tielles du second ordre. — M. J, Romanet adresse un projet d'utilisation des vagues comme force motrice. 29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. G. Lippmann indique une nouvelle méthode pour comparer les durées d'oscil- lation de deux pendules réglés sensiblement à la même période. On photographie à diverses reprises les deux pendules à la lueur de l’étincelle de décharge d'une bouteille de Leyde qui est instantanée; les elichés développés et mesurés micrométriquement donneront le rapport des durées d'oscillation. Dans ce cas, la méthode des coïncidences eût été d'une application très difficile. — M. L. Benoist a étudié la loi de trans- parence des gaz pour les rayons X et à trouvé, en opérant sur l'acide sulfureux, le chlorure de méthyle et l'air, que l'absorption est proportionnelle à la densité du gaz employé. — M. A. Coret adresse le projet d'un instrument destiné à apprécier les mouvements d'ascen- sion ou de descente des aérostats. — M. M. Berthelot étudie les rapports entre les chaleurs spécitiques des gaz élémentaires et leur constitution atomique. Il distingue # groupes : un premier groupe, qui comprend l'hélium, l'argon, le mercure gazeux, est formé de gaz à molécules monoatomiques ; leur chaleur spécifique à volume constant peut être représentée par 3,0; un second groupe, formé par l'oxygène, l hydrogène, l'azote, comprend des gaz constitués par des molécules de deux atomes, non dissociables aux températures obtenues jusqu'à présent; leur chaleur spécifique est 4,8; un troisième groupe, celui des éléments halogènes, comprend également des gaz diatomiques, de chaleur spécifique égale à 6,6, mais dont on est parvenu à scinder les molécules au-dessus de 1.500°; enfin un quatrième groupe, contenant le phosphore et ee gaz tétraatomiques, a une chaleur spécifique de 14, On remarqua que les chaleurs ps ifiques citées ntr à peu près dans le rapport de 1 : 2: 4. — M. M. Berthelot a cherché à combiner l'hélium ire les circonstances où il a réalisé la combinaison de l’argon. Soumis à l'effluve électrique, l'hélium ne donne rien en présence du mercure seul; en présence de la benzine ou du | un composé volatil dissocié qui contient de l'hélium, du mercure, et les éléments de la benzine ou du sulfure de carbone. L'hélium se comporte donc comme l’argon. — M. Lecoq de Boisbaudran considère la marche des différences de poids atomique qui s'observent entre les membres des couples d’ eléments d'atomicités domi nantes paires-impaires, à mesure qu'on passe d'u niveau à l’autre de son Tableau. — Lorsque deux corps dissous réagissent l'un sur l’autre pour donner un: produit également dissous, la vitesse de la réactio peut être donnée par la formule : dæ si l'on néglige l'influence tant de la dilution que du produit de la réaction. M. G. Viard, en étudiant la vitesse de réduction de l'acide chromique par l'acide sulfureux, a montré que si l'on tient compte de tout le phénomène, la réaction s'exprime sensiblement par la formule : dx = ERA — a)! M. A. Besson étudie l'action des hydrogènes sulfuré el sélénié sur le chlorure de phosphoryle. HS se dissout à froid dans POCI et donne d'abord un précipité amorphe qui cristallise ensuite lentement en petites aiguilles; c'est un oxysulfure P*0?S*. À 100 et en vase clos, le produit de la réaction est un oxychlorosulfure P:O0*SCI“, HSe sec ne réagit qu'à chaud sur POCF et donne du pentaséléniure de phosphore P'Se», M. P. Cazeneuve a préparé les sels de potassium, d'ammonium, de baryum et de calcium de l’orthocrésol dinitré, puis l'orthocrésol amidonitré, l'orthocrésol diamidé et l'éther acé tique de lor thocrésol dinitré. M. E. Bouveault à fait réagir le pseudocumène sur le chlorure d'éthyloxalyle en présence du chlorure d’'alu= minium, el a obtenu le pseudocumylglyoxylate d'éthyle; avec le mésitylène, il a obtenu le mésitylglyoxylate d'éthyle; il n'a pu obtenir d'éther diglyoxylique. M. Balland à constaté que la proportion d'azote des blés du Nord à beaucoup baissé de 1854 à nos jours; il est vrai que le rendement par hectare à beaucoup: augmenté. Le fait doit peut-être se rattacher à un appauvrissement du sol en azote, malgré les fumures azotées qu'on y à répandues. 39 SCIENCES NATURELLES. — MM. Potain et Serbanesco présentent des radiographies des extrémités, recueillies chez des sujets affe cités de goutte ou de rhumatisme chronique. L'urate de chaux étant beaucoup plus trans- parent que le phosphate, les points où le premier s'est substitué au second sont représentés par des laches plus claires sur la radiographie; celle-ci est done appelée à aider le diagnostic dans les cas où il y aura doute entre la goutte etle rhumatisme chronique osseux: — MM. J. L. Prévost et C. Radzikowski montrent que le tonus vasculaire el la contraction des petits vais= seaux sont une des causes les plus importantes du passage du sang du système veineux dans l'oreillette droite. En effet, si l'on provoque par l'électrisation, la paralysie du cœur, il paraît flasque et vide ; mais si l'on électrise la moelle dans sa région cervicale, ce qui & pour effet! de rétablir le tonus "musculaire, le cœur se dilate et se remplit de sang. — M. C. Gerber a déter-= miné l'influence de la température et de l'aliment sur le quotient respiratoire des moisissures; elle est la même que pour les fruits. Louis BRUNET. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 5 Janvier 1897. M. E. Hervieux, président sortant, fait l'exposé des travaux de l'Académie pendant l’année 1896. — MM. Demosthen (de Bucharesi) el Jacques Reverdin qe Genève) sent élus correspondants étrangers dans la division de Chirurgie. — M. Laveran fait un rappoñt ï sur un travail du Dr J.-J. Matignon, relatif à une - maladie nouvelle, l'atriplicite, due à l'ingestion de ‘jeunes pousses d’arroche. Elle est caractérisée par un œdème douloureux des mains, de l’avant-bras et de Ja face, puis par des ecchymoses qui se produisent sur les parties œdématiées. L'étiologie de la maladie est encore douteuse; il est probable qu'il ne s'agit pas d'une intoxication par l'arroche, mais simplement d'acci- dents locaux dus aux arachnides parasites de celte lante. — M. le D' Auffret lil un mémoire sur les ésions du rachis. — M. le D' Tuffier relate un cas d'extirpation totale de la vessie pour tumeur diffuse de cet organe. Séance du 12 Janvier 1897. M. Guignard est élu membre titulaire dans la Section de Pharmacie. —- M. R. Blanchard signale de nou- velles observations du Daveinea Madayascariensis. Cet helminthe est un parasite normal des Mammifères et des Oiseaux, qui peuvent le transmettre à l'homme. Il vit dans toute la zone tropicale ; il a été signalé à - Mayotte, à Maurice, à Bankok, à Ceylan, aux Indes néerlandaises et, plus récemment, à la Guyane, où - Daniels l'a décrit sous le nom de Taenia demerasiensis. » 11 semble être propagé par les blattes qui infestent les . navires et les ports de mer. — M. le Dr H. Napias lit - un mémoire sur les dispositions légales prises daus les différents pays de l’Europe, au point de vue de l'hygiène des enfants et des femmes travaillant dans l’industrie. Séance du 19 Janvier 1897. . M. Delorme est élu membre titulaire dans la Section de Pathologie chirurgicale. — M. Ch. Perier fait un rap- ort sur un mémoire du D' Mouchet (de Sens), relatif . à un cas d'ovariotomie double. IL s'agissait d’une jeune femme, enceinte de {rois mois et se plaignant de dou- leurs du ventre. Un kyste intra-pelvien fut diagnosti- qué. La laparotomie montra un kyste de l'ovaire droit, qui fut enlevé ainsi que l'ovaire gauche, également malade. La malade guérit et la grossesse suivit son cours régulier; l'accouchement eut lieu à terme et l'enfant vint vivant et bien portant. — MM. A. Pinard et P. Segond rapportent l'observation d'une femme enceinte ayant un rétrécissement extrême du bassin. On laissa la grossesse arriver à terme el on pratiqua la gastro-hystérotomie suivie de l'hystérectomie totale. Les suites furent bonnes pour la mère et l'enfant. — M. Péan relate le cas d’un malade atteint de névromes énéralisés et de polyorchidie. L’ablation des névromes u bras nécessita la résection d'une grande partie des nerfs médian el cubital; ce bras perdit ses fonctions motrices et sensitives, mais elles se rétablirent sponla- nément au bout d’un certain temps. — M. Péan citeun cas de polysalpinx observé chez une malade à laquelle il avait enlevé l'utérus pour fibromes. — M. P. Mégnin signale des cas très fréquents de maladies nerveuses chez le chien, qui présentent des symptômes de la rage. — M. Weber appuie les conclusions de M. Mégnin. Beaucoup de chiens, dits enragés, sont simplement atteints de crises nerveuses qui guérissent rapidement. Tout chien qui a mordu devrait, au lieu d’être tué, être mis en observation pour voir s'il a véritablement la rage ou simplement un accès nerveux passager. — M. le D° Chipault lit un mémoire sur le traitement de certaines névralgies rebelles par la résection intra- durale des racines postérieures et il présente un malade guéri par ce procédé depuis deux ans et demi. — Le même auteur lit ensuite un mémoire sur le traite- ment des gibhosités de diverses origines par les ligalures apophysaires et présente deux opérés guéris depuis trois ans et demi. Séance du 26 Janvier 1897. M. Farabeuf est élu membre titulaire dans la Section d'Anatomie et Physiologie. — M. A. Proust fait l'histo- rique des épidémies de peste de Hong-Kong en 1894 et de Bombay en 1896. L'épidémie de Bombay menace ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES actuellement l'Europe, où elle peut se répandre par deux voies: la voie de terre (Turkestan, Afghanistan, Perse) et la voie maritime (mer Rouge, canal de Suez et ports de la Méditerranée), Le pèlerinage des Musul- mans de l'Inde à La Mecque, qui a été autorisé par le gouvernement anglais, est un danger menaçant, Il serait nécessaire d'établir uve surveillance sanitaire dans le Golfe Persique et dans la Mer Rouge, ce qui est impossible, les résolutions de la Conférence interna- tionale de Paris en 189% n'ayant pas été ratifiées par toutes les puissances. En attendant, le gouvernement français a interdit le pèlerinage de La Mecque à ses sujets musulmans d'Algérie et de Tunisie. D'autre part, l'application du règlement de police sanitaire maritime de 1896 donne toute garantie pour la défense du terri- toire français. — M. E. Roux communique les essais de traitement de la peste bubonique par le sérum anti- pesteux du D: Yersin. M. Yersin, après avoir découvert le bacille de la peste, injecta de petites doses de culture du bacille à des chevaux, qui s'y accoutumèrent peu à peu et qui fournirent ensuite un sérum, à la lois préventif et curatif. Ce sérum, après avoir été essayé sur des souris et des cobayes, a servi à traiter des pestiférés en Chine. M. Yersin à obtenu 25 guéri- sons sur 27 cas traités. — MM. Mairet et Vires ont recherché les caractères qui permettent au médecin- légiste de distinguer entre l'épilepsie vraie ef l'épilepsie simulée. Pour l'attaque, l'épilepsie vraie est caracté- risée par les modifications des échanges organiques, de la toxicité urinaire et de la marche générale de la température ; pour la névrose, en dehors de toute attaque, un stigmate permanent est l'hypotoxicité uri- naire, qu'il s'agisse d'épilepsie convulsive ou d'épilepsie larvée. — M. le D' Blanquinque (de Laon) lit une note sur le diagnostic de la psittacose. — M. le D' Bentéjac (de Marseille) lit un mémoire sur le traitement de l'ophtalmie granuleuse par le gaïacol et la glycérine. SOCIÉTÉ FRANCAISE DE PHYSIQUE Séance du 18 Décembre 1896. M. Dongier a étudié la double réfraction accidentelle produite dans le quartz par lu compression. Les propriétés mécaniques du quartz varient avec la direction dans un plan perpendiculaire à l'axe ternaire, comme l'ont montré les expériences de Savart, bien que la surface d'onde soit de révolution autour de cet axe ; M. Dongier s’est demandé si la double réfraction accidentelle sui- vant l'axe est, pour une pression donnée, variable avec la direction dans laquelle cette pression s'exerce. L'ex- périence a été faite sur un prisme de quartz dont la base carrée est perpendiculaire à l'axe et dont chaque couple de faces latérales peut être successivement soumis, dans un appareil hydraulique construit par M. Jobin, à des pressions de 200 atmosphères. La vibration émer- gente est étudiée dans l'analyseur à pénombre; la biré- fringence se calcule à l’aide des formules de M. Gouy; elle est proportionnelle, dans chaque direction, à la pression. Pour opérer dans les conditions de sensibi- lité maxima de l’analyseur à pénombre, on cherche à rendre, dans chaque cas, la vibration émergente recti- ligne et parallèle à la vibration incidente; on constate qu'il faut, pour y arriver, exercer dans les deux direc- tions des pressions notablement différentes. Il en résulte qu'un prisme de quartz, uniformément pressé sur ses faces latérales, doit acquérir la double réfraction, mais le caleul montre que l'effet serait extrèmement faible, ce qui explique commentil a pu rester jusqu'ici inaperçu. — M. E. Caspari présente le gyroscope de l'amiral Fleuriais. Cet appareil est destiné à suppléer à l'horizon de la mer pour la mesure des hauteurs des astres, par temps de brume ou la nuit. Le gyroscope, qui tourne dans une boîte à l'intérieur de laquelle on a fait le vide, porte deux lentilles, sur chacune desquelles est tracé un repère qui se trouve au foyer de l’autre; pendant la rotation on voit constamment l’image de j’uu des traits au foyer de la lunette d'observation. La ligne de colli- mation ainsi déterminée n’est pas rigoureusement fixe, parce que l'axe du gyroscope décrit un cône autour de la verticale; on détermine la position moyenne: la période de ce mouvement (120 secondes) est assez longue pour qu'il ne soit pas affecté sensiblement par le roulis ou le tangage, condition qui serait pratiquement irréa- lisable si on employait un pendule. L'appareil, mis en marche, se fixe au sextant et la durée du mouvement dépasse une heure, dont vingt-cinq minutes sont utili- sables. Le mouvement de la terre crée une légère pertur- bation ; la correction, qui est proportionnelle au cosinus de la latitude, atteint 5! à l'équateur. M. Schwerer, qui a emporté l'appareil dans plusieurs campagnes, n'a trouvé que des erreurs d'observation inférieures, au maximum, à 2, et en moyenne, à l’. Ils’en est servi exclusivement pour faire le point pendant une période de dix jours, au cours de sondages qui exigeaient une grande précision. La constance de la durée du mouve- ment de précession prouve que le vide se maintient parfaitement el que le pivot se conserve sans usure appréciable; il est même possible, en faisant tourner l'appareil dans une position fortement inclinée, d’aigui- ser le pivot sur les bords de la crapaudine. — M. Dini rappelle que les gyroscopes Foucault, construits par la maison Froment, fonctionnent d’une facon satisfaisante ; on ne peut leur reprocher que la longueur du temps nécessaire à leur mise en marche et à leur observation. — M. C.-E. Guillaume, s'occeupant de l'émission des rayons X, rappelle que les observations de MM. Imbert et Bertin-Sans et de M. Gouy ont montré que la loi du cosinus ne s'applique en aucune facon à ce cas ; lobli- quité n'exevce qu'un effet négligeable sur l'émission ; M. Gouy a utilisé celle propriété dans ses expériences de diffraction. Les rayons cathodiques pénètrent à une profondeur finie dans lanticathode ; si toute la couche atteinte devient un siège d'émission des rayons X, on voit immédiatement que l'intensité de ces rayons serait indépendante de la direction si l'anticathode n’exerçait aucune absorption. Si l'effet absorbant n'est pas négli- geable, on retrouve la loi expérimentale en admettant qu'il est beaucoup plus énergique pour les rayons cathodiques que pour les rayons X. C. RAvEaAU. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES SCIENCES PHYSIQUES NV.-E. Wilson, F. R. S. et G.-F. Fitzgerald, F. R. S.: Effets de la pression de l'atmosphère ambiante sur la température du cratère de l’arc électrique. — On a plusieurs fois émis l'hypothèse que la température du cratère de l'arc électrique, — qui, d'après les plus récentes délerminations, est d'environ 3.300 à 3.500° C., — est la température d'ébullition du carbone. Si celle hypothèse est vraie, on ne peut plus admetire que les nuages de la photosphère solaire sont constitués par des particules de carbone solide, la température de ces nuages étant d'au moins 8.0009 C., à moins que la pression de l'atmosphère solaire ne soil suffisante pour élever le point d'ébullition du carbone à celte température. C'est pour jeter quelque lumière sur la question que les expériences suivantes ont élé entreprises. Les auteurs ont d’abord fait jaillir l'arc dans l'azote, mais dès que la pression du gaz augmente, l'intensité de la radiation émise diminue considérablement; l'arc n'ap- paraît plus que comme une lueur rouge sombre. D'autres expériences ont été faites dans l'air comprimé. Dès que la pression s'élève, il se forme une grande quantité de vapeurs de NO*, qui absorbent la majeure partie de la radiation. Une {roisième série d'essais à été faite dans l'oxygène. L'are brûle très bien, les char- bons gardent une bonne forme et le cratère est fixe. Mais l'oxygène employé renfermait des traces d'azote, et, à haute pression, il y eut une abondante produc- tion de vapeurs de NO?, qui troubla l'étude du phéno- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES mène. Les auteurs pensent que l'azote ayant servi aux premières expériences renfermait également une cer= taine quantité d'oxygène et que la diminution graduelle de la radiation était due à son absorption par le NO formé. On employa ensuite une atmosphère d'hydro= gène, lequel contenait un peu d'hydrocarbures. A 1 pression ordinaire, l'arc est long, mince et très mobiles. un dépôt de suie et de carbone graphitique se forme sur le charbon positif, comme s'il y avait électrolyse des hydrocarbures; ce dépôt entoure le cratère. La flamme est verte à l'extérieur et rouge au centre; au spectroscope, on voit distinctement les lignes C etF de l'hydrogène. Mais la mobilité et les ruptures fréquentes de l'arc, qui augmentent avec la pression de l'hydro= gène, empêchent la lecture exacte du voltage et de l'intensité. D'autre part, la mesure de la radiation est également très difficile, une partie du cratère étaut masquée par le dépôt de suie. Enfin, des expériences furent entreprises avec l'anhydride carbonique. L’are brûle très bien et de bonnes mesures de la radiation peuvent être faites. Toutefois, lorsque la pression est abaissée brusquement, il se forme un brouillard qui absorbe la radiation. En outre, les auteurs ont remar- qué, dans le tube d'acier qui sert à l'observation de la radiation du cratère, l’existence de puissants courants de convention, qui dispersaient une partie de la lumière. A haute pression, la réfraction due à ces courants empêche toute image du cratère de se former quand la pression varie, car, le tube ayant 3 pieds de long et seulement 1/2 pouce de diamètre, le gaz met un cer- tain temps à se tenir en équilibre dans toute la lon- gueur. À pression constante, on obtient de bonnesimages du cratère. On remplaça plus tard le tube par une plaque de verre, et une lentille qui donnait au loin l'image renversée des cratères. Le résullat de toutes ces expériences est le suivant : Plusieurs observations concordantes ont montré qu'il y à diminution de la température de l'arc quand la pression s'élève, mais il y a eu, à certains moments, absorption de la radiation par des nuées, Si on fait jaillir l'arc à basse pression, et que la pression aug- mente ensuile, la radiation à basse pression est plus forte qu'à haule pression; mais, si l'arc jaillit d'abord à haute pression, et que celle-ci diminue, la radiation est plus forte à haute pression. Les auteurs concluent que les grandes différences observées sont dues principalement à l'absorption de la lumière dans le tube d'observation, absorption qui croissait avec la durée de l'expérience et avec la pres- sion. Les meilleures observations, faites entre 1 et 6 atmosphères, ne montrent pas un grand changement de la radiation dans ces limites. Si le carbone est réel- lement en équilibre avec sa propre vapeur à la tempé- rature du cratère et à la pression du gaz ambiant, il existe une relation entre la variation de pression et la variation de température, donnée par la formule : ëäT Av Tin À > : p. Av peut être évalué approximativement à 10! en unilés C, G. S.; èp — 10° pour 1 atmosphère, donc : ëT 40 FT TR Si l'on prend pour À (chaleur latente de vaporisalion du carbone), la valeur donnée par la loi de Trouton, c'est-à-dire 4.000 calories ou 16.8 >< 10!° ergs, le rap- èT : 1 TT £ : T vaudra environ TT et ÔT sera égal à 2200 CG: 0 pour une variation de pression de 4 atmosphère. Il faudrait done une élévation de pression de 18 atmoz sphères pour que la température du cratère atteignit celle du soleil. La radiation variant comme la racine port quatrième de la température absolue, elle serait à peu près doublée par chaque élévation de pression de k almosphères, Un tel accroissement n'ayant pas été _ constaté, on en déduit que la température du cratère 'est pas celle du point d'ébullition du carbone ou que a chaleur latente de vaporisation du carbone est plus ande que celle donnée par la loi de Trouton. Comme ette dernière hypothèse est moins probable, la con- elusion finale des expériences est que le carbone ne out probablement pas dans le cratère de l'arc élec- ique. Les auteurs atlirent l'attention sur un autre point. es courants de convection qu'ils ont observés dans es gaz comprimés dispersaient et réfléchissaient une rande parlie de la radiation, et l'empêchaient de arvenir à l'observateur. Dans l'atmosphère solaire, ui est à une haute pression, il est probable que de areils courants se produisent; ils intercepteraient alors ne partie de la radiation solaire, et nous n'observe- ions que le reste sur la Terre. ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM Séance du 2 Janvier 1897. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. de Vries : Les duw dt le centre instantané des accélérations, la vitesse angu- laire et l'accélération angulaire, et que l'on détermine les points À, B, de manière que les droites O A et OB soient perpendiculaires l’une à l'autre et que les quo- Mients 0 A : OB che 4 dt d'un point quelconque P est la résultante des deux ‘accélérations w?, PA et Te P B, dont la première est di- C rigée suivant P A et la seconde suivant la perpendicu- “aire en P sur P B. Donc O est point double des deux systèmes plans semblables parcourus par A et B. Le “cercle décrit sur A B comme diamètre est le lieu des points dont l'accélération est dirigée vers A. Si M et N représentent les points correspondants au centre ins- ‘tantané de rotation L, à mesure que L est point À ou point B, les cercles décrits sur LM et LN comme dia- mètres sont les cercles connus de Bresse. — M. J. de Vries : Démonstration géométrique de quelques théorèmes arithmétiques (suite, voir Rev. génér. des Sc., t. VITE, p. 39). Théorèmes sur le nombre des diviseurs d’un nombre impair et sur les nombres des diviseurs pairs et impairs d'un nombre pair. Si p est premier, on a : accélérations d'un système plan. Si O, w, représentent : w? soient égaux, l'accélération p—1 p—1 Po 2 » >, e(#)=; 6 1) (P 2). 1 1 Enfio M. J. de Vries présente un mémoire de M. L. Ge- genbauer (Vienne): Sur le résultant des numérateurs de “deux réduites conséculives d'une certaine fraction continue régulière. Le déterminant de la forme quadratique n LE 41 =S \2 2 fn (CA FT O ETESES +a,_,) 40 € 2 2e des n quantités a; est le réciproque du résultant des numérateurs des réduites des rangs n-1 el n de la frac- tion continue qui donne le développement de À (0) a F TA 00 où 7 (z) est algébrique et positif pour toutes les valeurs de x comprises entre « et 8. — M. H. G. van de Sande Bakhuyzen communique un compte rendu de la thèse de M. S. Krüger, S. J. intitulée : Formes ellipsoïdales déquihbre d'une masse fluile homogène en rotulion. — M. J. A. C. Oudemans offre la cinquième partie de son compte rendu de la triangulation sur l'ile de Java. — M. J. C. Kapteyn présente : « The Cape photographie Durchmusterung for the equinox 1875 », by D. Gill and J. C. Kapteyn, Ir partie. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 123 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. H. A. Lorentz offre un mémoire de M. À. Smits : Expériences avec Le microma- nomètre. Cet instrument, qui permet d'observer des dif- férences de pression correspondant à une colonne de mercure de millimètre de hauteur, consiste dans 4.000 un tube en U dont les branches s'élargissent vers Île haut. Ce tube contient deux liquides : dans la partie inférieure et élroite, de l'aniline, et au-dessus de celle-ci, de part et d'autre, une quantité d’eau qui s'étend jusque dans les parties élargies. On vise l’une des surfaces de séparation avec un cathétomètre. Les expériences de l’auteur, exécutées au laboraloire de l'Université d'Utrecht, avaient pour but la mesure de la différence entre la tension maxima de la vapeur d'eau pure et celle de la vapeur d'une dissolution fort diluée. A cet effet il était nécessaire d'enlever l'air de l'appareil au moyen d'une machine pneumatique à mercure et de recouvrir l’eau dans chaque branche d'une couche d'huile. On pouvait à volonté faire communiquer les deux branches, soit entre elles, soit avec dé petits ballons qui contenaient, l'un de l’eau et l’autre la dis- solution, et qui étaient maintenus à la température de Ov C. Toutes ces communications s'établissaient au moyen de jonctions à mercure. Du reste, on se servait de H,S0, et de P,0, pour sécher l'intérieur du mano- mètre; la première de ces substances était indispen- sable, parce qu'elle à la propriété précieuse d'absorber la vapeur d’aniline. Les observations ont porté sur des dissolutions de NaCl, de KOH et de sucre de canne, le nombre de grammes-molécules sur 1.000 grammes d’eau variant dans le premier cas de 1,83 à 0,020, dans le second de 2,64 à 0,020 et dans le troisième de 1,88 à 0,021. Si l’on désigne par p la lension de vapeur de l'eau pure et par p' celle d’une dissolution contenant n molécules de la matière dissoute sur N molécules du p—p' _.n nt NE le coefticient à aurait la valeur 4 pour le sucre, mais des valeurs variables pour NaCI et KOH. Pour ces derniers corps, la théorie de la dissociation électrolytique exige des valeurs qui croissent à mesure que la concentration diminue, en lendant vers la limile 2. Ce n'est que dans le cas du suere que les résultats de M. Smits s'accor- dent avec ces prévisions. Les valeurs de à qu'il a trou- vées pour NaCl et KOH, vont en diminuant, si l’on passe à des dissolutions de plus en plus diluées, les nombres extrêmes étant respectivement (1,77 et 1,4) et (2,17 et 1,5). — Ensuite M. Loren{z fait une communication au nom de M. V. A. Julius : Sur la question de Savoir si la tension maxima ne dépend que de la température. MM. Wüllner et Grotrian (Wied. Ann., t. XI, p. 545) avaient déduit de leurs expériences qu'une vapeur, même lorsqu'elle se trouve en présence d’une quantité de liquide, peut être comprimée jusqu'à une pression qui surpasse ce qu'on appelle ordinairement la tension maxima. M. Julius à soumis cette question à une épreuve rigoureuse; c'est ce qu'il a pu faire en se ser- vant du micromanomètre, après qu'il eut découvert les causes de certaines irrégularités qui se présentaient au début des expériences de M. Smits et qui prove- naient notamment de ce qu'une trace de vapeur d'ani- line empêche la condensation régulière de la vapeur d'eau. Les observations de M. Julius sur l’eau et sur une dissolution de NaCl, toutes les deux à la température de 0° C., n'ont pas confirmé l’idée émise par MM. Wüll- uer et Grotrian. Un espace qui contenait de la vapeur saturée, en présence d'une certaine quaulité de liquide, pouvait être diminué du sixième de son volume à peu près; cette diminution a produit une élévation tempo- raire de la pression, mais la condensation n’a pas tardé à rétablir la pression initiale. Un changement égal à où dissolvant, on a, d'après M. Van't Hoff, a de la valeur n'aurait pu échapper à l'observa- tion. — M. H. Haga présente la thèse de D. van Cjulik : Recherches sur la cause des phénomènes de changement de 124 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES la résistance sous des influences électriques, découvert par Branley (voir Rev. génér., t. NIT, p. 235). — Au nom de M. L. H. Siertsema, M. H. Kamerlingh Onnes fait une commuuication : Sur l'influence de la pression sur la pola- risation rotatoire de dissolutions de sucre de canne. La varia- tion de la rotation estmesurée parlaméthode de Foucault, après avoir compensé la plus grande partie de la rota- tion du sucre avec une lame de quartz. Les concen- trations élaieut de 9,47 et 18,70 grammes en 100 centi- mètrescubes dela dissolution, l'épaisseur correspondante des lames de quartz 6,88 et 13,835 millimètres, la varia- lion cherchée pour une pression de 100 atm. montait à 0,268 eL0,252 °/,. La variation de la rotation du quartz est calculée au moyen des coefficients de compressibi- lité. Les mesures se continuent avec de plus grandes concentrations. — M. J. D. van der Waals présente au nom de M. D. F. Tollenaar une communication provi- soire : Sur quelques expériences avec les rayons catho- diques. L'auteur ne croit pas que le principe de déflexion donné par M. Goidstein (Eine neue Form electrischer Abstossung) soit à même d'expliquer les phénomènes obtenus à l’aide d’un tube de Crookes à deux plaques carrées parallèles comme cathodes, qu'on obtient d'ail- leurs tout aussi bien en se servant de cathodes sphéri- ques. D'après le principe émis par M. Goldstein, on de- vrait apercevoir une zone verte limitée de part et d'autre par des ombres. Au contraire, on trouve de partet d'autre deux anneaux très clairs entre la lumière et l'ombre. A partir de ces couples seulement les anneaux exté- rieurs se comportent en anneaux de déflexion. En dimi- nuant l'intensité du courant à une des cathodes, cet anneau s'affaiblit du côté de cetle cathode, tandis qu'il devient plus fort du côté de l’autre. Les anneaux inté- rieurs se comportent autrement; ils s'élargissent tous deux vers le milieu du tube et y rétrécissent la zone verte. Les rayons qui correspondent à ces systèmes d'anneaux d'un vert intense, peuvent être vus ou pho- tographiés à mesure que le gaz se trouve sous haute ou basse pression. Ils ont à peu près la forme de deux couples de surfaces hyperboloïdiques. L'auteur remar- que encore que les rayons qui correspondent aux anneaux extérieurs el intérieurs montrent bien d'autres différences. — MM. C. A. Lobry de Bruyn et W. Al- berda van Ekenstein se sont occupés depuis long- temps de l'étude de la glucosamine, dérivé de la chitine. Ils ont pu isoler à l’état cristallisé Ja glucosamine (chi- losamine) libre, inconnue jusqu'ici. Cette base, en abandonnant une molécule d'eau, se transforme en un autre corps cristallisable qu'ils ont rencontré également en faisant agir l’ammoniaque sur la fructose (— lévu- lose). Il existe un certain rapport entre le sucre présent dans la chitine et la fructose ordinaire. Le carbonate d'argent transforme la glucosamine — HCI en un sirop qui, mis en contact avec de la phénylhydrazine, fai naître abondamment de la glucosazone ordinaire; il paraît que la base, tout en perdant de l’'ammoniaque, à été transformée par oxydalion en glucosone, qui est une céto-aldose. La glucosamine et son dérivé dounent des poly-acélates cristallisés. — M. E. Mulder pré- sente son mémoire : Sur un peroxy-azotale d'argent. 3. SCIENCES NATURELLES. — M. J. W. van Wijhe montre quelques préparations anatomiques, fixées à l’aide de formol et y rattache la communication sui- vante. En conservant une préparation anatomique on se propose deux buts : de conserver 4° la forme, 2° la couleur naturelle des objets. L'ancien moyen, l'alcool, suffit à conserver la forme de l'objet, tandis qu'il en détruit la couleur. Mais le nouveau fluide conservateur, le formol ou la formaline (une solution d'environ 40 0}, de formaldéhyde dans l'eau) joint aux avantages de l'alcool, celui de n’altérer nullement la couleur. Voici un procédé, en trois temps, très recommandable: 4° La préparation fraiche, non lavée, est mise pendant vingt- quatre heures dans une solution de formaline de 5 °/.. La couleur naturelle est remplacée par un teint gri- sâtre. 2° On dépose la préparation, rapidement lavée, de nouveau pendant vingt-quatre heures, dans de l’al- cool fort, d'environ 96 °/,. La couleur naturelle revient! 3° La préparation est conservée à jamais dans un mé: lange de parties égales de glycérine, d’eau et d’alcoo fort, contenant 3 °/, d'acide phénique. L'excellence de ce procédé est démontrée par trois préparations : ut rein coupé en deux, un bras d'un homme adulte et un fémur divisé d'un enfant nouveau-né, conservées durant plus d'une année, qui n'avaient pas sensible ment changé de couleur, tandis que de pareilles pré parations, traitées avec l'alcool, avaient perdu tout à fait la couleur naturelle. — M. van Wijhe : Sur lu co ception du nerf spinal comme union de deux nerfs ind pendants. En 1882, l’auteur publia dans les travaux de l'Académie d'Amsterdam une hypothèse, selon la quelle chaque nerf spiual aurait été représenté primit vement par deux nerfs indépendants, un nerf dorsal et un nerf ventral. Principalement cette hypothèse se base sur les deux arguments suivants: 1° Dans l'Ame phiozus, et l'on peut ajouter dans Petromyzon, qui représententles Vertébrés à développement minimum au lieu d'un nerf spinal à deux racines on trouve deux nerfs indépendants, chacun à une seule racine, un ne dorsal et un nerf ventral. 2 Dans l'embryon des Ver- tébrés supérieurs les deux racines apparaissent tout fait indépendantes l’une de l’autre; seulement dans les phases plus avancées elles se réunissent dans le troncs Alors celte union est une anastomose ; dans la tête elle fait défaut. Dans les animaux supérieurs il est 4 prion tout aussi possible qu'un nerf dorsal s'unisse au ner ventral précédent ou au nerf ventral suivant. En effet, ces possibilités se réalisent toutes les deux, ce qui forme un argument nouveau pour l'indépendance pri milive des nerfs dorsaux el ventraux les uns des autres. L'auteur a constaté, d'accord avec des observa tions de M. Hatschek, que dans les larves de Tritons et probablement de même dans des embryons de poulets un nerf dorsal s'uuit au nerf ventral suivant. Et dans Myxine aussi bien que dans les embryons de Sélaciens un nerf dorsal s’unit au contraire au nerf ventral pré= cédent. On peut expliquer ces déviations en supposant que dans le triton et le poulet les myotomes ont avancé un peu vers la lète durant le développement, tandis qu'ils sont un peu reculés vers la queue dans les Myxines et les Sélaciens. Dans le travail cité de 1882, M. van Wijhe était arrivé à la conclusion que les nerfs. dorsaux de la tête ne sont pas exclusivement sensitifs mais qu'ils contiennent aussi des fibres motrices. Pour {ant ces fibres ne se terminent pas dans les muscles des myotomes, mais dans ceux des lames latérales Aussi bien que ceux du tronc, les nerfs ventraux de la tête se terminent au contraire exclusivement dans les myotomes. De plus, il avait émis l’idée que les racines des nerfs du tronc fournissent des lames latérales aux muscles. Ces muscles, pour la plupart des muscles striés dans la tête, ne semblent èlre représentés dans le tronc que par la musculature lisse du système vascu=« laire et du système intestinal avec ses’ dépendances: En 1893, M. Steinach a démontré que la musculature de lintestin de la grenouille est innervée pour la plus grande partie par les racines dorsales. Les nerfs dor- saux n'étant pas exclusivement sensitifs, la question se présente si les nerfs ventraux qu'on croit généralement exclusivement moteurs, ne contiennent pas des fibres sensilives, non pas pour la peau ou les membranes mu- queuses, mais pour conduire le sens des muscles et des tendons. En vérité M. van Wijhe a pu observer dans l'Amphiowus que les nerfs ventraux contiennent des fibres qui ne se terminent pas aux plaques musculaires, mais aux ligaments du tissu conjonetif. Ainsi, il con- clut que du moins dans l'Amphioæus les nerfs ventraux ne sont pas exclusivement moteurs, mais qu'ils con- tiennent de plus des fibres sensilives destinées à cons duire le sens des tendons. P, H. ScHOUTE. Le Directeur-Gérant : Louis Ouvrier. Paris. — L. MAR&THEUX, imprimeur, |, rue Cassette. "Li.4 D DUT ul N° 4 28 FÉVRIER 1897 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES : PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $S 1. — Nécrologie Georges Ville. — Lundi dernier est mort à Paris M. Georges Ville, professeur de Physique végétale au Muséum. Passionné pour les études d'Agronomie, M. Ville s'était, dans sa jeunesse, posé le problème de la fixation directe de l'azote atmosphérique par les plantes et avait institué des expériences dans cer- faines desquelles il avait constaté cette fixation. Toute- fois, ne pouvant reproduire le phénomène à volonté, il n'avait pas réussi à fournir la démonstration du fait. L'Agronomie lui doit surtout d'avoir, par ses lecons et ses conférences publiques, popularisé l'emploi des engrais artificiels. Les exagérations mêmes auxquelles l'entraînait l’ardeur de sa parole ont largement con- tribué à cette utile vulgarisation. Depuis quelques années M. Ville, sentant décroitre ses forces, s'était fait suppléer, dans sa chaire, par un chimiste-agronome que ses travaux désignaient d'une facon toute particulière, et qui, en effet, s'est acquitté de cel enseignement avec autant d'éclat que d’auto- rité : M. Léon Maquenne, assistant au Muséum depuis plus de vingt ans. Le célèbre et illustre mathématicien allemand WevyersTrass, professeur à l'Université de Berlin, est mort le 19 février dernier. La Revue consacrera pro- chainement une Notice à sa vie et à ses travaux. $ 2. — Distinctions scientifiques Elections à lAcadémie des Sciences de Paris et à la Société Royale de Londres. — Lundi dernier, 22 Février, l'Académie a élu membre, dans sa Section de Physique, en remplacement de Fizeau, notre éminent collaborateur, M. J. VioLee, depuis longtemps désigné par ses remarquables tra- vaux sur l'Optique et l'Acoustique au choix de l'Aca- démie. Le succès de M. Violle lui fait d'autant plus d'honneur qu'il avait pour principal concurrent un physicien de premier ordre, M. AMaGaT, aux impor- tantes découvertes duquel la Société Royale de Londres REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897. vient de rendre un éclatant hommage en l'appelant dans son sein. L'illustre Compagnie a, dans la même séance, élu membres: M. Wicciarn Giss (Etats-Unis) et M. Wisiscenus (Berlin). Elections à lAcadémie des Sciences de Berlin. — L'Académie des Sciences de Berlin vient de s'adjoindre comme membre Correspondant notre illus- tre compatriote M. Darboux, doyen de la Faculté des Sciences de Paris et membre de notre française Acadé- mie des Sciences. L'Académie de Berlin a voulu, par ce choix, rendre un hommage particulier à l'importance des travaux et à l'immense érudition mathématique de l'éminent géo- mètre. $S 3. — Industrie Comité de consultations industrielles. — La Revue recoit journellement de ses abonnés des demandes de renseignements auxquelles il lui estimpos- sible de répondre directement, car le plus souvent la question posée nécessite l’examen d’un spécialiste. Pour pouvoir donner à ces demandes, d'une facon aussi judicieuse que possible, la suite qu'elles com- portent, nous avons constitué un Comité de consultations industrielles, formé de spécialistes compétents dans les différentes branches de l’industrie, chargé d'examiner les demandes adressées à nos bureaux et de désigner au demandeur un collaborateur de la Revue particu- lièrement apte à le renseigner. Cette organisation répondra, croyons-nous, aux desiderata du public: beaucoup d’industriels, qui ne peuvent entretenir dans leurs établissements un ingénieur ou un chimiste, seront heureux, quand ils auront besoin soit d’un conseil sur un cas difficile, soit d’une étude sur une machine où un procédé nouveau, soit d'une analyse, d’une expertise, etc.,etc., d’être mis en rapport avec un savant où un ingénieur d’une compétence reconnue. La correspondance relative à ces consultations doit être adressée au directeur de la Revue, 34, rue de Provence, avec la mention : « Comité de consultations industrielles. » d 126 $ 4. — Chimie Un prétendu « Nouvel élément » : Le Lu- cium. — Il y à quelque temps, M. Prosper Barrière annonçait, dans les « Chemical News » !, l'existence d’un nouvel élément, découvert dans les sables monazités. Les sels de ce nouveau métal, le lucium, ne for- maient pas de sels doubles insolubles avec le sulfate de sodium, tandis que les sels de cérium, de lanthane et didyme donnent des sels doubles insolubles ; les sels de lucium ne formaient, de même, aucune combinai- son insoluble avec le sulfate de potassium, alors que ceux du thorium et du zirconium en forment facile- ment ; le chlorure de Jucium précipitait par le thiosul- fate de sodium, ce que ne font pas les chlorures d’yt- trium, d'ytterbium et d’erbium. Enfin, les sels de lucium étaient précipités par l'acide oxalique, ce qui les différenciait de ceux du glucinium. Tousses sels étaient solubles dans l’eau, en donnant des liquides incolores. Son spectre était différent de ceux des métaux voisins, Enfin, son poids atomique avait été trouvé égal à 104. Habitués, depuis quelques années, à voir s’accroitre la liste des corps simples, certains chimistes accep- taient, sans trop de méfiance, ce nouvel élément®*. Voici maintenant que M. William Crookes déclare dans les « Chemical News »* que l’oxyde de lucium isolé par M. Prosper Barrière n'est pas autre chose que de l'yltria impure. L'action du thiosulfate de sodium, qui précipite les sels de lucium, ne suffit pas pour les différencier des sels d’yttrium, parce que ceux-ci précipitent égale- ment lorsque leurs solutions sont concentrées et chaudes. M. William Crookes a pu caractériser, dans un échan- tillon de lucium, par analyse spectrale, le didyme, l’er- bium, l'ytterbium. La présence de ces mélaux à poids atomiques élevés Di —142 Er = 166 Yb = 173 pourrait expliquer pourquoi le poids atomique de l'yt- trium VE) devient 104 dans le prétendu lucium. Les aventures du lucium sont bien faites pour attirer l'attention sur les terres rares qui nous réservent peut- être encore quelques surprises du même genre. Marcel Guichard. Un nouveau ferment du sang : la Lipase. — Le rôle des ferments solubles dans la digestion est connu depuis longtemps déjà; d'après un récent travail de M. Hanriot, professeur agrégé à l'Ecole de Médecine, les phénomènes de la dénutrition pourraient bien être dus également à des ferments solubles. En ce qui concerne l’utilisation des réserves graisseuses de l'organisme, M. Hanriot a mis en évidence l’action d'une nouvelle diastase : la lipase, qui saponifie non seulement les corps gras, mais, en général, tous les éthers d'alcools et de phénols. Lorsqu'on met en contact, en ayant soin d’écarter la présence de ferments figurés, du sérum sanguin et de la monobutyrine, éther butyrique de Ja glycérine, le mélange devient rapidement acide; il se forme de la 1 Chem. News, 1896, T4, 212. ? Au sujet de cet élément, la Revve a recu un nombre extraordinaire de lettres lui demandant ce qu'il convenait d'en penser, et sollicitant un article sur ce prétendu corps simple. La Revue, pressentant une erreur de détermination, s'était bornée à répondre qu'il fallait plutôt se méfier, On voit aujourd'hui que cette prudence était pleinement jus- üfiée. (NOTE DE LA DIRECTION.) 5 Chem. News, 1896, 74, 159. 4 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE glycérine et de l'acide butyrique, et ce dernier, titré au moyen d'une solution alcaline après un temps déter= miné, peut, dans une certaine mesure, donner une idée de l’activité du ferment. M. Hauriot a trouvé, au moyen de la monobutyrine = Fig. 1. — Cullure du bacille pesleux en milieu solide. employée comme réactif, que les sérums de l’homme, du chien, du cheval, du bœuf, du veau, du mouton, de l’âne, du cobaye et du lapin renferment de la lipase. Des infusions de pancréas et de foie se sont montrées aussi actives que le sérum. Le rôle bien net de la lipase est de solubiliser les réserves graisseuses pour les mettre en circulation dans le sang, où elles seront ensuite brülées. . 2. — Culture du bacille pesleux en milieu liquide (Streptobacille). M. E. Gérard, professeur de Botanique à la Faculté des Sciences de Lyon, vient d'extraire d’un champi- gnon inférieur extrêmement répandu, le Penicillium glaucum, une lipase se comportant comme celle qu'a si bien étudiée M. Hanriot, M. G. » r CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $S 5. — Sciences médicales | | aussi dans le sang, Morphologie et culture du Bacille de la ment, à la Faculté de Médecine de Paris, une remarquable lecon sur le traitement de la Peste ‘. Nous ne revien- drons pas sur cette question, toute d’actua- lité, que la Revue à pris soin d'exposer dans sa dernière livraison?; mais, à titre de supplé- ment d'information, il nous parait utile d'in- diquer, d'après M. Lan- douzy, certaines parli- cularités de morpholo- gie et de culture qu'offre le bacille pesteux. Voici la description que l'émi- nent elinicien en a don- née dans la Presse Médi- cale, à laquelle nous em- pruntons aussi les pho- tographies ci-jointes : « Si l’on étale la pulpe d'un bubon de pestiféré sur une lamelle de verre et qu'on l'imprè- gne d'une couleur basi- que d’aniline,dit M. Lan- douzy, le microbe ap- paraît, au microscope, sous forme d'un bäton- net court à bouts arron- Fig. 3. — Sang de rat pesliféré. dis, teint plus fortement aux deux extrémités. c'est graves, aux dernières heures de la vie, on le trouve « Le bacille de la peste se cultive sur milieux solides Peste.— M. le Professeur Landouzy à fait tout récem- | et sur milieux liquides: la culture obtenue sur milieux solides, sur gé- latine ou sur gélose, que représente, sous forme d'un très beau semis, la figure 4; la figure 2, qui à trait à une culture en milieu liquide (bouillon), mon- tre le coccobacille dis- posé en chainettes celles-ci, formées de petits bâtonnets, don nent au germe de Ja peste un aspect des plus curieux, important à connaitre pour la Sé- méjiolique, puisqu'en milieu liquide le germe esteux se dispose en streptobacille. « Le microbe existe avec caractères identi- ques chez l’homme et chez les rats pestiférés, que le populaire comme les anciens historiens de la peste, avaient re- MAlQUÉS mourir en grandnombre à la veille et au début des épidé- mies. Fréquemment, le coccobacille,au moment de la mort, se présente aussi dans le sang du rat, et c'est une prépa- ration du sang pesti- C'est un coccobacille, toujours très abondant dans | féré que représente la figure 3 ci-contre. le bubon du pestiféré, dans les ganglions hypertro- « Nous devons communication de ces belles photo- phiés, ainsi que dans le foie et la rate. Dans les cas | graphies microscopiques à M, Roux. Fig. 4, — Coupe d'un bubon pesleux. Fig. 5. — Coupe d'un ganglion pesteux. 1 Cette lecon a été publiée in extenso dans la Presse Mé- dicale du 10 Février. L'auteur y a envisagé le sujet dans toute sa généralité et a particulièrement insisté sur le trai- tement sérothérapique. 2 Voyez M. Fontoynont : La lutte actuelle contre la Peste, MES dans la Revue générale des Sciences du 15 Février 1897, | rai pestiféré, » « Chez les rats pestiférés, les ganglions hypertro- phiés, véritables bubons, présentent à foison le bacille spécifique, comme en témoignent les deux figures # et 5, qui représentent une coupe faite sur un ganglion de —— $ 6. — Géographie et Colonisation La femme aux colonies. — Cest le titre et le sujet d’une conférence que M. Joseph Chailley-Bert vient de faire à la Société de Géographie, sous la prési- dence de M. d'Haussonville. Si quelque chose manque, à l'heure actuelle, dans nos colonies, ce n’est plus le colon; ou, du moins, des efforts incessants et des résultats acquis permeltent d'entrevoir le jour où l'exode sera suflisant vers nos colonies: ce n’est pas non plus les capitaux, ils com- mencent à sortir de leur timidité, à se dégager de leurs préventions; — ce qui manque, c’est la famille. Pour que les colonies deviennent ce que nous les voulons, de Nouvelles France, il faut y fonder la famille fran- çaise. : 3 Or, le noyau d'une famille, c'est une femme. Com- ment l'amener aux colonies? ù Ce n’est pas qu'il en manque en France, de ces femmes ou de ces jeunes filles à qui la société moderne, pour des raisons diverses, ne fait pas leur place. Notre seule conception du mariage et le rôle qu'y joue la dot con- damne au célibat, c'est-à-dire à une existence étroite et bornée, les jeunes filles sans fortune appartenant à un certain milieu social. ; Les colonies ue les ont pus attirées. Elles ont reculé devant une lutte trop rude et qui semblait dépasser leurs forces, elles ont eu peur de l'inconnu. A l'heure actuelle, dans les colonies francaises, — sauf l'Algérie et la Tunisie, — on peut tenir pour certain qu'il yaune femme pour cinq ou six hommes, el dans certains pays, pour dix hommes. L d 3 Meg Pour résoudre le problème, il faut faire appel à Fini- liative privée. L'instrument, c'est une Société d'émi- gration des femmes. ” 1 existe des Sociétés semblables en Angleterre ! depuis plusieurs années. Visant dans leurs statuts ou leurs prospectus un but tout différent, leur fin dernière est d'amener l'émigrante à un établissement honorable dans la colonie, et, en un mot, au mariage. En attendant, on tâche de leur procurer des emplois, des situations en rapport avec leurs aptitudes et leur éducation. : Une pareille Société pourrait être créée chez nous *? en tenant compte de la différence de nos mœurs et du champ moins large offert à l’émigration féminine dans les colonies françaises. Il s'agit d'envoyer, au début, cinquante, cent femmes tout au plus. Et qu'on ne dise pas : «Il est plus urgent de peupler la France où la natalité baisse; vous appauvrissez à plaisir un sol déjà infertile. » L'émigrante francaise, de par nos mœurs plus fortes que les bonnes volontés iso- lées, n'était pas destinée au mariage en France; elle se mariera certainement aux colonies. Enfin, il est prouvé qu'aussitôt hors de la terre métropolitaine, le Francais lait souche plusnombreuse. Le Canada n'a-t-il pas été peuplé par les ancêtres de ces Normands dont la population est aujourd'hui en décroissance si rapide ? En Alvérie, l'élément francais, emprunté aux régions du Midi, où la natalité est la plus faible, est plus proli- fique que tout autre élément étranger, à l'exception de l'élément espagnol. N'hésitons donc pas à attirer dans les colonies les meilleurs éléments de la Métropole. Un jour viendra où ces colonies nous rendront au centuple ce que nous leur aurons généreusement prêté en hommes et en capitaux. En attendant, leur rôle reste toujours consi- dérable : elles sont des éducatrices. Magnifiques champs d'expérience pour toutes les tentatives que rêve, sans les oser, notre impalient désir de progrès social, elles sont aussi les fortes écoles d'activité el d'héroïsme, les 1 British Women's Emigralion Sociely. : : Un collaborateur de M. Joseph Chailley-Bert, M. J. Gode- froy, a tenté de réaliser le programme qui lui était tracé dans ses grandes lignes. Grâce à son initiative, une Société est en voie de formetion, qui portera le titre de Société Fran- çaise d'Emigration des Femmes. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE réservoirs où se refont, pour les luttes futures, l'éner— gie et la virilité nationales. ; La traversée de l'Asie septentrionale par la Mission Chaffanijon. — Le 19 Février dernier, M. Chaffanjon à rendu compte à la Société de Géogra= phie, de la mission qu'il à accomplie avec MM. Mangini et Gay en traversant, de l'Ouest à l'Est, et dans sa ré gion septentrionale, tout le continent asiatique. Partie du Caucase au début de 1895, la Mission se rendit d'abord à Boukhara et à Samarkande, puis se dirigea sur Tachkent, traversa la vallée, aujourd'hui déserte, de Tsé-Kou, les hauteurs du Tian-Chan, le désert de Gobi, gagna la ville fortifiée de Kobso, qui est le grand marché de Mongolie et le centre principal dutraficentre Chinois et Russes: Ceux-ci yentretiennent des factoreries et yéchangent des moutons contre divers produits de l’industrie chinoise, Cette région de hauts plateaux, pourvue de lacs salés, restes de l’ancienne mer Mongole, et sillonnée de grandes rivières, offre, pour la Géographie, PHistoire et lEthnographie, un grand intérêt : on y trouve, en abondance, des ruines de l’époque de Gengis-Khan, La Mission se rendit à Ourga, autre grand centre de négoce entre Russes el Chinois, et parvint à Irkoutsk en avril 1896. Elle traversa ensuite la vallée du lae Dalaï, constituée par des pâturages marécageux où vivent de nombreux troupeaux, puis les forêts de hautes herbes, dites des Kourganes. Les voyageurs gagnèrent enfin le port de Vladivostock, d'où ils s'em= barquèrent pour le Japon. Ils ont rapporté en France, en même temps que d'intéressantes collections, surtout ethnographiques, des relevés géographiques et des (racés d'itinéraires. extrémement précieux. $ 7. — Expositions et Concours La Section des Sciences à l'Exposition in- ternationale de Bruxelles (1897). — L'Exposilion internationale qui aura lieu cette année à Bruxelles comprendra une Section spéciale des « Sciences», con sacrée exclusivement aux sciences pures, « dégagées de toute idée commerciale ou industrielle ». Elle est destinée, dans la pensée des organisateurs de l'Expo- silion, à mettre le publie au courant de l'état d'avan- cement de chaque nalion au point de vue scientifique. Tous les savants sont invités à y produire leurs {ra= vaux el à y faire connaître les résultats qu'ils ont obte- nus et les méthodes qu'ils ont suivies, soit par l'expo- sition des instruments spéciaux qui leur ont servi, soil par celle de photographies et de schémas explicatifs, ou même d'ouvrages el de mémoires. Il est fait égale- ment appel au concours des Institutions et des Sociétés savantes pour les prier d'exposer lous les objets pré- sentant un intérêt historique, où permettant de faire apprécier l'importance de la participation prise par l'Institution ou la Société au mouvement scientitique. La Section des Sciences comprend 7 classes : Mathé- maliques et Astronomie, Physique, Chimie, Géologie et Géographie; Biologie; Anthropologie; Bibliographie. La gratuité des emplacements et celle du transport sur les chemins de fer belges est accordée aux expo- sants de la Section des Sciences. En outre, le Gouver- nement belge à mis au concours une série de questions, relatives à chacune des sciences déjà indiquées, en affec- tant des primes en espèces aux meilleures solutions. Qu'il nous soit permis de conjurer nos compatriotes de répondre avec empressement à l'invitation du Gou- vernement Belge, On sait combien nous a été préjudi- ciable notre quasi-abstention à l'Exposition de Chicago, et, d'autre part, quel immense profit, matériel et moral, est résulté, pour l'Allemagne, de l'étalage qu'elle fit alors de sa puissance scientifique el industrielle. La Revue répondra individuellement à toutes les demandes de renseignements qu'elle recevra de ses lecteurs désireux d'exposer dans la Section des Sciences à Bruxelles. tie ST UT JULES TANNERY — DE L'INFINI MATHÉMATIQUE 129 Le Lorsque les mathématiciens se risquent sur le terrain des philosophes, il leur arrive quelquefois e mal raisonner: dans son beaulivre sur l« Infini mathématique », M. Couturat, qui, d’ailleurs, n'y a mis aucune malice, a donné quelques exemples de ces mauvais raisonnements. Il n'y a malheureuse- ment aucune raison pour espérer que la publica- tion du livre de M. Couturat empêche à l'avenir de pareils accidents, dont je crains fort d’être bientôt - la victime. Heureusement, les mathématiciens qui parlent mal à propos de Philosophie, et qui au- raient le chagrin de s'en apercevoir, peuvent tou- jours se consoler en imaginant quelques philoso- -phes qui parleraient sur les Mathématiques, j'en- -tends des philosophes d'une autre espèce que M. Couturat, puisque celui-ci a voulu apprendre les choses avant d’en parler. C’est un bel exemple qu'il a donné là et je louerais cet exemple comme il faut, si je n’étais un peu gêné par l'intention que j'ai de ne pas le suivre, et de discourir sur des matières où je n'ai nulle compétence. Outre que la notion de nombre est le fondement essentiel des Mathématiques, l'infini intervient d'une facon nécessaire dans cette notion. Il faut donc, avant tout, la soumettre à une critique sérieuse et l'étudier tout d'abord dans sa forme la plus simple ?. Il n'y a rien dont le mathématicien ail une plus longue habitude, nisemble-t-il, une idée plus claire que le nombre entier. Mais, se défaire des habi- -tudes, dissiper la clarté dont elles nous donnent l'illusion et pénétrer jusqu’à l'obscurité où plongent les fondements de nos connaissances, c'est le métier des philosophes, qui n'ont pas manqué de trouver -des difficultés dans le nombre entier. Je me rap- pelle encore la stupeur où me jeta M. Boutroux un jour qu'il voulut bien me les faire toucher du doigt. La notion de nombre entier a deux faces, qui ré- | pondent aux deux épithètes « cardinal » et « ordi- nal »; quelle est celle qu'il faut considérer d'abord ? L'idée du nombre proprement dit est-elle anté- rieure à celle de rang, ou est-ce l'inverse? C’est, d'ordinaire, la notion de nombre cardinal que l’on regarde comme primitive, et M. Coulurat se range ! De l'Infini malhématique, par Louis Couturat. Paris, F, Alcan, 1896. Cet ouvrage a été présenté comme thèse pour le doctorat à la Faculté des Lettres de Paris. ? 11 convient de signaler sur ce sujet la très intéressante Philosophie des Arithkmetik. de M. Husserl. DE L'INFINI MATHÉMATIQUE‘ à cette doctrine traditionnelle. Pour lui, le nombre est une « collection d'unités » et l’idée de nombre, comme celle d'unité, préexiste d'ailleurs à toute définition. Ce ne sont point des unités qui nous sont données: par l'expérience, mais bien des objets; c'est notre pensée qui leur confère l'unité. On peut, sans doute, compter des objets qui sont fort différents; mais, en le faisant, on ne pense pas à leurs différences, à rien de ce qui les distingue, si ce n’est qu'ils sont distincts et que chacun d'eux est une unilé. L'idée d'unité réapparaît dans l’idée de collection, qui, elle aussi, est uu tout distinct de ce qui n'est pas elle; à la collection notre pensée confère aussi l'unilé, qui ainsi « est impliquée deux fois dans l'idée de nombre, comme élément et comme lien ». — « Dès que, faisant abstraction de la nature particulière des objets donnés et des qualités propres qui les distinguent, on considère chacun d'eux comme un, c'est-à-dire qu'on le ré- duit à une unité, et qu'on embrasse toutes ces uni- tés abstraites dans un même acte de pensée, on à l'idée du nombre entier. » On ne saurait mieux éclairer par des mots ce qu'est l’idée d’un nombre cardinal, ni mieux faire apercevoir en même temps les difficultés qu’elle comporte. De ce point de vue, la question de l’invariance du nombre entier ne se pose pas, puisque, dans la définition du nombre, l’ordre des unités n'intervient pas plus que n'im- porte quelle autre distinction entre les unités. Mais il faut avouer que, si l'on a supprimé cette question, c'est à la condition de laisser subsister une sorte d’antinomie dans le nombre, dont les unilés sont à la fois indistinctes et susceptibles d'être distinguées. En parlant de « collection d'unités » M. Couturat n’'arien dit pour exprimer que cette collection était finie. 11 y a là une difficulté ! réelle. L'idée de « fini » est-elle impliquée dans celle de collection et ne peut-on « embrasser dans un seul acte de pensée » une infinité d'objets? Il est difficile de dire ce qu'est l'infini, peut-être aussi est-il difficile de dire ce qu'est le fini. N'y a-t-il d'autre réponse que celle de M. G. Cantor : « Toute colleclion est finie, qui ne peut être équivalente à l’une de ses par- ties »? Et si c'est là la seule réponse, n'est-il pas bien digne de remarque que ce soit le fini qu'il faille caractériser par une propriété négative? Revenons à la définition du nombre cardinal qu'a donnée M. Couturat et qui résume une très belle critique des définitions qu'il a empruntées 1 Je dois cette observation à mon frère, M. Paul Tannery. 130 JULES TANNERY — DE L'INFINI MATHÉMATIQUE 4 aux meilleurs maitres. de regrette que, restant à son point de vue, il n'ait pas parlé plus longue- ment de l'égalité et de l'inégalité d'une part, du dénombrement de l’autre. Il semble dire que cela regarde les mathématiciens, mais il a fait lui- même trop de Mathématiques dans sa thèse, pour qu'il soit défendu de lui demander de nous éclairer un peu sur ces points, dont il a bien parlé, mais sur- tout pour criliquer ce que disent les autres. Dans le chapitre où il a exposé sa propre pensée, il s'en- ferme dans l'idée d'un nombre cardinal; encore faut-il pouvoir comparer deux nombres cardinaux, et analyser comment on parvient à la connaissance explicite du nombre cardinal d'une collection donnée. En parlant de la définition, d'après M. Stolz', de de l'égalité de deux « pluralités » par la curres- pondance un par un de leurs éléments, ils'exprime ainsi : « Deux ensembles ainsi coordonnés ne sont pas seulement égaux ou équivalents, ils sont iden- tiques; en lant que pluralités d'unités, ils sont le même nombre. » Cette facon de parler me semble parfaitement cohérente avec la définition précé- dente: Alors, il n'y a pas à parler de nombres égaux, il n'y a qu'un nombre de chaque espèce : il n'y a pas de nombre égal à trois, il y a trois. Encore faudrait-il dire ce que c’est que deux nom- bres différents, en quoi ils diffèrent, ce qui carac- térise le plus grand et le plus petit. N’'en avons- nous idée que par la coordination des éléments de l'un à une partie des éléments de l'autre? On n'aura pas d’aulre ressource que cette coordination lorsqu'il s'agira, plus lard, de définir cette puis- sance d'un nombre infini; mais il faut observer dès à présent qu'on ne peut coordonner les unités d'une collection aux unités d'une autre collection sans les distinguer entre elles d'une façon plus précise que ne semble le permettre la définition du cardinal. Peut-être, la pensée de M. est celle-ci : La définition de l'ad- dition, conçue comme la réunion de deux collec- tions, se rattache immédiatement à la définition du nombre cardinal, qui peut ainsi être regardé comme la somme de ses unités : dès lors nombres un, deux, trois, quatre.…., se forment, sauf le premier, qui n’est que l'idée de l'unité toute seule, par l'addition d'une unité à celui qui précède : la suite naturelle des nombres est cons- tituée, tous les nombres de cette suite sont diffé- renls, et chaque nombre est plus grand que celui d'où il a été déduit par l'addition d’une ou de plusieurs unilés. nombre Couturat les La nolion de suite naturelle une fois acquise, on 1 Vorlesungen über allgemeine Arithmelik. C'est un livre fort intéressant auquel M. Couturat a rendu, en passant, un juste hommage. peut se demander si ce n’est pas le fait d'appar- tenir à cette suite qui caractérise le nombre fini? Reste la question de savoir si l'on peut alteindre ainsi, par des adjonclions successives d'unités, n'importe quelle collection donnée, finie au sen vulgaire et vague du mot, ou au sens négati précisé par Cantor. Est-ce cette queslion qu'avai en vue M. Couturat lorsqu'il a écrit cette note : « Rien ne permet d'affirmer que, par ce procédé,. on oblient toutes les collections possibles d'uni- tés »? S'il range les collections infinies dans les colleclions possibles, c'est la difficulté que je signa= lais un peu plus haut; si, par « collections pos- sibles », il entend les collections finies possibles, c'est la question même que je viens de poser. Per= sonne, à Ce que je crois, n'hésiterait sur la réponse à faire; mais, pour donner à cette réponse une valeur démonstrative, je ne vois pas d'autre moyen que d'invoquer la définition du fini telle que la donnée M. Cantor, et d'établir que toute collection qui ne sera pas atteinte par celte addition sueces= sive d'unités au moyen de laquelle se forment les termes de la suite naturelle, est forcément équis valente à quelqu'une de ses parties. M. Couturat rattache à la suite naturelle idée de rang : reste à savoir si la définition qu'il donné ainsi du rang est une « définilion de mot ou une définition d'idée »; si l’idée de succession n'’inter- vient pas dans la formation mème de cette suites si le mot suite lui-même n'implique pas cette idée," ainsi que les additions successives d'unités, et Sim cetle idée n’est pas moins que celle de 201 ES cardinal une forme nécessaire de notre pensée Est-il certain qu'une de ces formes doive être regardée comme antérieure, et l'autre comme dérivée? On comprend assez que je n'aie pas A prélention de répondre à cette question, non plus qu'à celles qui se rapportent au rôle de l’idée de temps dans la formation de l'idée de nombre. ; Il | J'arrive au dénombrement, que M. Couturat à 4 raison de soigneusement distinguer du nombre. Le dénombrement d'une collection donnée n'esim qu'une opération contingente par laquelle nous arrivons à la connaissance effective du nombre de cette collection, que notre vue ne nous permet pass d'embrasser d'un seul coup d'œil, et dont nous comptons successivement les éléments. Celle fois il n’y à pas de doute: pour faire l'opération, il faut du temps. On compte d’abord un élément, puis un autre encore. Pour cela, il est nécessaire de dis- tinguer effectivement les éléments et, s’ils n'étaient pas suffisamment distincts, de leur attribuer des marques différentes; on les range dans un ordre ; JULES TANNERY — DE L'INFINI MATHÉMATIQUE 131 ces différences entre les unités qui s’effacent dans le nombre; elles s'effacent au fur et mesure de opération, pour les objets que l'on a comptés, qui Sont à chaque instant réunis dans un acte synthé- tique de mémoire et nettement séparés de ce qui n’est pas eux, des objets que l'on n'a pas encore comptés ; à la fin de l'opération, toute la collection ëst embrassée dans un acte, il ne reste plus dans lesprit que le souvenir des unités de la collection, éunies dans un nombre; ce souvenir des distinc- tions qui existaient où que l'on a créées entre les objets, et en particulier de l'ordre dans lequel on les a comptés, s'est évanoui et, avec lui, s'évanouit a question de savoir si l'on serail arrivé au même nombre en comptant dans un autre ordre : la seule question est de savoir si l'on a compté tous les objets et chacun pour une unilé. S'il en est ainsi, la démonstration de l’invariance ‘du nombre, qu'a donnée von Helmholtz, n'apparait ‘plus que comme une vérification ‘; il semble bien, “en effet, comme l’a remarqué M. Couturat dans des pages qui sont parmi les meilleures et les plus fortes de son livre, que, pour donner à cette preuve ‘toute sa solidité, il faut y introduire cette idée des « unités permanentes » qui est la base même du nombre cardinal, et von Helmholtz parait l'avoir reconnu lui-même quand il écrit : « Les objets nom- brés ne doivent pas, pendant qu'on les compte, disparaitre, se fondre les uns dans les autres, ou se diviser. » L'effort du grand savant, pour fonder sur le nombre ordinal, sur la seule idée de rang, l'Arithmé- ‘tique et par suite l'Analyse entière, n'en reste pas moins très beau. On dira, sil'on veut, que la science que l’on construit ainsi est loute vide et formelle : cela n’est pas pour détourner ni étonner quelques esprits, qui trouvent leur principal sujet d’étonne- -ment dans le fait que les Mathématiques s’appli- ‘quent à quelque chose. Au reste, cette préférence pour le nombre ordinal n’est pas particulière à von Helmholtz et l'on sait assez qu'elle était par- tagée par Kronecker. À ce dernier, M. Couturat reproche d’être moins bon philosophe que von - Helmholtz : le reproche peut être juste sans êlre blessant; mais Kronecker avait assurément des parties de l'esprit philosophique, et à un rare degré la puissance de concevoir un système et d’en | poursuivre la réalisation ?. 4 On sait qu'elle consiste essentiellement à admettre que le nombre ne change pas quand on change l'ordre de deux objets de la collection. ? A propos de Kronecker, je voudrais indiquer quelques “réserves sur une note où M. Couturat expose les idées de l'illustre algébriste sur les nombres fractionnaires, négatifs, imaginaires, algébriques.. Le système de Kronecker consiste à substituer, partout où il en a besoin, des congruences aux Quoi qu'il en soit, et quelque conception qu’on se fasse du nombre entier, cette conception im- plique déjà l’idée de l'infini et cela d’une façon nécessaire : chaque nombre entier est suivi d'un autre nombre entier, et le mot suivi n’est employé là que faute d'un autre: en même temps que je pense le nombre »# je ne puis m'empêcher de penser le nombre n + 1. Le nombre », détermine le nombre n +1, et ce dernier existe dans ma pensée au même titre que le nombre ». La loi de formation des nombres entiers, le passage d’un nombre au suivant, enveloppe d'un seul coup tous les nombres entiers. Sans doute, je ne puis avoir qu'une image confuse de la suite des nombres entiers, une image qui se brouille; dès que les nombres s'éloignent un peu, j'ai une idée claire de cette suite dans sa loi; je n’imagine ‘pas les nom- bres entiers dans leur suite infinie, je les com- prends dans leur loi de formation. Quant à la discussion sur l’« existence » ou la « non-existence » de l'infinité des nombres entiers, j'avoue que je la saisis mal. C’est le sens du mot exister qui n’est pas clair. À coup sûr, si quelqu'un dit qu'il « existe » une infinité de nombres entiers, il n'entend point que cette infinité de nombres entiers est écrite quelque part, dans quelque gros livre; il ne s’agit que d'une « existence » dans notre pensée ; or, notre façon de penser l'infinilé des nombres entiers consiste essentiellement à penser la loi de formation de ces nombres, qui en implique l'infinité. Je ne comprends guère non plus les distinctions où l’on se fatigue sur l'infini et l'indéfini; je me borne à observer, à propos de ces distinctions, que la loi de formation des nom- bres entiers a un caractère essentiellement positif et affirmatif: elle affirme le nombre n +1 au même titre que le nombre n, et il me semble qu'il n'y a rien d’ « indéfini » dans une telle affirmation. III Ainsi, la première fois que la notion de l'infini se présente dans les Mathématiques pures, c’est sous forme d'une loi qu'elle apparait ; est-ce sous cette même forme qu'elle se présentera toujours ? J'es- égalités. Ces congruences doivent rester des congruences et ne pas être transformées en égalités, et c'est en congruences que s'expriment les théorèmes d'algèbre. Le passage de Kronecker, que cite M. Couturat, où il est question d'une congruence qui sé transforme en égalité quand on annule le module, me paraît simplement destiné à expliquer comment on pourra traduire son langage en énoncés ordinaires ; mais ce langage est parfaitement cohérent ; le module ne doit pas être annulé. il y a quelque excès à taxer « de vanité » l'in- troduction des congruences, puisque les congruences sont utiles en elles-mêmes, sinon partout nécessaires ; et il est inexact de dire qu’ « on a subrepticement introduit dans les formules les notions qu'on voulait éviter comme absurdes. » 132 JULES TANNERY — DE L'INFINI MATHÉMATIQUE lime que oui, si toutefois on donne une extension suffisante au mot « lai », et si l'on entend qu'il peut signifier ce qui n'est pas exprimable par une formule. Il ÿ a là quelque chose d'assez difficile à expliquer, et que, pour ma part, je n'ai bien com- pris que grâce à un de mes anciens élèves, M. Jules Drach, dont le sens philosophique est très péné- trant !. Une loi qui n’est pas formulée, et qui ne peut pas être formulée, cela est bien contraire aux habi- tudes de notre langage, et le mot « détermination » serait peut-être préférable, mais les mots n'im- portent guère, pourvu qu'ils ne trompent pas. Restons dans le domaine des nombres entiers. La loi de formation de ces nombres indique nettement, en quelques mots, dans quel ordre ils sont rangés dans la suite nalurelle 1, 2, 3,...: Après le nom- bre n vient le nombre n-+-1. Le mathématicien aura souvent besoin de considérer d’autres suites, infinies comme la suite naturelle, mais dans les- quelles les nombres entiers, ou seulement quel- ques-uns de ces nombres entiers, seront rangés dans un autre ordre déterminé. Pour prendre un exemple, qui est d’un usage continuel, considérons d'une part la suite naturelle, d'autre part, les dix nombres (ou chiffres) 0,14, 2,3, 4,5, 6, 1,18 19e puis imaginer qu'à chaque nombre entier n cor- responde un chiffre déterminé, que je désignerai par + (x). Je définirai une suite infinie : (a) (2); 1@ (3): @ (1), & to à parfaitement déterminée, et l'idée de cette suite ne conlient rien de plus, au point de vue philoso- phique, que l'idée de la suite naturelle des nombres entiers, si ce n’est toutefois l’idée de correspon- dance, sur laquelle il convient d'insister un peu. Le mot de correspondance est, comme on sait, d'un usage continuel en Mathématiques : il signifie la pensée simultanée de deux objets dislinets: quand je pense l'un de ces objets, je pense l’autre ; la pensée d'un objet éveille la pensée de l'autre. Ici quand je pense le nombre n, je pense, en même temps, le chiffre # (n). Cette notion est très claire, sije me donne la « formule dela correspondance », le moyen, lorsque je connais le nombre n, de choisir, sans me tromper, celui des chiffres 0, 1,2, …,9 qui est @ (x). Toutes les fois que la correspon- dance entre n et y (n) sera ainsi formulée, l'idée de la suite infinie CLOMONC) MERE) ON sera tout aussi claire que celle de la suite natu- relle 1, 2, ..., n,... Sera-t-il légitime de parler d’une pareille suite, en disant seulement que la correspon- ? Cette attribution s'applique naturellement aux idées analogues que j'essaie d'exprimer un peu plus loin sur les nsembles infinis, dance entre » et # (n) est déterminée, sans rien spé- cifier sur la nature de cette détermination ? Il semble tout d’abord qu'il n’y ait aucune difficulté et qu’on* entende seulement parler d'une suite, pour laquelle la « formule » de la correspondance est quelconque. Un raisonnement sur la suile considérée qui ne dépend pas de cette formule sera valable, quelle que soit cette formule : il sera toujours valable. Cette conclusion est trop rapide : elle suppose, en effet, que la formule existe, que la correspondances puisse être formulée. Or, cette possibilité n’est nul- lement impliquée dans le fait que la correspondance est déterminée. Je puis penser la correspondance comme étant déterminée, et comme ne pouvant pas être décrite. C'est précisément l'infinité des nombres entiers qui oblige à faire cette distinction: si, au lieu de considérer l'infinité des nombres entiers, je me bornais à considérer un million de ces nombres, sin ne pouvait être, par exemple, que l’un des nom- bres 1,2,3, .…, 1.000.000, il est clair que toute cor- respondance entre net @ (n) pourra êlre décrite : Sim l’on considère, en effet, une telle correspondance, il suffira d'écrire, les uns à la suite des autres, les nombres 1, 2, 3, .…., 1.000.000, et, au-dessous de chacun de ces nombres le chiffre o (n) qui lui correspond : le tableau ainsi formé sera, si l'on veut, la formule de la correspondance, car il n'importe nullement que cette formule soit simplem ou compliquée: la loi de la correspondance nem sera alors que la description d'un fait, descrip-w tion qui ne comporte aucune abréviation, aucune règle ou formule analytique qui permette d'em-« brasser plusieurs cas en un seul ; pour connaitre la. correspondance, il faudra faire un million d'expé=« riences, regarder quel chiffre est placé au-dessous de chacun des nombre 1, 2, .…, 1.000.000. Sans doute, après avoir fait ce million d'expériences, l'algébriste pourra, par la théorie de l'interpolation, È établir une formule unique qui exprimera explici-« tement 9 (n) au moyen de n, mais celte formule ne } sera rien de plus que le tableau précédent, elle le À suppose (et le résume) tout entier; si l'on admet que le nombre x prenne une valeur de plus, et que, à celte nouvelle valeur. corresponde encore un des chiffres 0, 1, …., 9, il faudra peut-être chan- : ger la formule, pour exprimer celle nouvelle cor- respondance, puis la changer encore si l’on consi-Ù dère un nombre de plus el le chiffre correspondant. Nous ne pouvons évidemment réaliser ni le tableau, à ni la formule d'interpolation correspondante, ni aucune règle analogue, pour {ous les nombres entiers, et cependant nous concevons neltement lan détermination de @ (n) indépendamment de toute règle explicite qui formule, qui spécifie cette déter- mination. Et, en fait, certains raisonnements que font les mathématiciens sur une suile infinie telle JULES TANNERY — DE L'INFINI MATHÉMATIQUE 133 que la suite (a) suppose seulement cette détermi- nation, nullement que celte détermination soit spécifiée. Je puis, par exemple, affirmer que, dans la suile considérée, l'un au moins des chiffres 0, 1, 2, .…,9 se trouvera répété une infinité de fois, c'est-à-dire que, quel que soit le nombre entier a que l’on me cite, j'en citerai un plus grand « +1, et j'affirmerai que ledit chiffre est répété a +1 fois dans la suite. Quelques mathématiciens s’interdisent d’envisa- ger de pareilles suites; ils ne veulent considérer, pour ainsi dire, que cet infini qui tient dans une formule explicite, ou dans une formule qui peut être conçue comme explicite. A la vérité, cette restriclion est légitime, si on veut limiter les recher- ches à certaines catégories de nombres, dont la génération puisse être toujours formulée. Mais il est hors de doute qu'il soit nécessaire d'admettre, dans les spéculations mathématiques, de ces déter- minations impossibles à formuler, si l’on veut . embrasser dans toute sa généralité l’idée de nom- . bre, de ce nombre qui, suivant la forte expression de Descartes, heureusement rappelée par M. Cou- turat, mile l'étendue. Je n'y vois d’ailleurs aucun empêchement: l’idée de détermination, toute pure, indépendamment d'une formule qui l'exprime, est claire en elle-même, et je demande au lecteur la permission de continuer à la désigner, à l’occasion, par le mot loi!, sans m'inquiéter de savoir si cette détermination, qui se poursuit à l'infini, implique la « réalité » actuelle ou non de l'infini. anus. | à À dé à À + IV S'ils’agittoujours, comme dansle livre de M. Cou- turat, d'une « réalité » dans notre pensée, je répélerai ce que j'ai déjà dit à propos de l'exis- tence, que le sens du mot est passablement obscur, qu'on peut bien se dispenser de l'écrire, et qu'il suffit au mathémalicien de fixer sa pensée sur l'idée de loi, qui est claire. C'est la loi qui est réelle. Mais si le lecteur n’est pas un idéaliste intransigeant, et si les mots « réalité extérieure » ont un sens pour lui, il me permettra de dire qu'il n'y à, à ce que je crois, aucune contradiction entre ces mots « réalité » et « infini ». C’est une question qui a un sens que celle-ci: « Y a-t-il un nombre fini ou infini d'étoiles? » Sans doute il est impos- sible de répondre expérimentalement a cette ques- tion, et il est bien certain que nous ne compte- rons jamais qu'un nombre fini d'étoiles; mais il est tout aussi impossible de répondre à cette question par des raisonnements logiques: de deux choses l’une, ou il y a un nombre déterminé d'éloiles, un 4 A la soutenance de la thèse de M. Coutürat, M. Bou- troux a fait très fortement ressortir ce fait que l'idée de Loi est ce qu'il y a d'essentiel dans l'infini mathémalique. nombre que je pourrais écrire en chiffres, si je le connaissais, où il n’en est pas ainsi; aucun raison- nement logique, pas plus qu'aucune expérience, ne permettra de décider laquelle des deux affirmations est vraie; si c'était la seconde qui fût vraie, je pourrais affirmer ceci: quel que soit le nombre entier & que vous me cilerez, je puis affirmer qu'il y a a + 1 étoiles; cette affirmation qui, encore une fois, a un sens, a la même signification que celle-ci: il y à une infinité d'étoiles. Si je me suis laissé aller à cette digression qui n'a rien à faire avec les Mathématiques, c'est qu'elle me fournit un semblant d'exemple qui, tout saugrenu qu'il est, contribuera peut-être à suggé- rer l’idée de ce que j'ai voulu dire en parlant de déterminations qui ne peuvent être formulées. Admettons qu'il y ait une infinité d’éloiles, que la distance entre deux étoiles quelconques soit supérieure à un million de kilomètres, par exem- ple, qu'il n’y ait pas deux étoiles qui soient à la même distance de la Terre et enfin que, sur cha- que étoile, soit inscrit l’un des chiffres 0, 4,2, ...,9, sans qu'on sache rien de plus que ceci: sur chaque étoile il y a un de ces numéros, et un seul; on ignore, d’ailleurs, entièrement quel numéro il y a sur telle ou telle étoile. Des suppositions qui ont été faites, il résulte qu’on peut faire correspondre chaque étoile à un des nombres de la suite natu- relle, la première étant la plus rapprochée de la Terre, la seconde étant la plus rapprochée après celle-là, etc. Il est clair qu'à chaque étoile corres- pond un nombre entier, car une étoile est à un nombre déterminé N de kilomètres de la Terre et dans une sphère dont le centre est sur la Terre et dont le rayon est de N kilomètres, il ne peut yavoir qu'un nombre fini d'étoiles, distantes entre elles d'au moins un million de kilomètres. Si le lecteur tenait à avoir une limite supérieure de ce nombre, je le renverrais à la Geometrie der Zahlen de M. Minkowski. Si un «infiniste » résolu venait se mettre à la traverse et me dire qu'il y a peut- être des étoiles qui sont à une distance infinie de la Terre, je le prierais de laisser de côté ces étoiles- là, et de me permettre de terminer mon raisonne- ment. Chaque étoile correspond donc à un nombre entier déterminé; inversement, à chaque nombre entier correspond une étoile déterminée; par exemple, il y a bien une étoile qui est la millième, sans quoi, il n'y aurait pas mille étoiles en tout. Ceci posé, à chaque nombre entier n je fais: cor- respondre celui des chiffres qui est inscrit sur la n" étoile. La correspondance est déterminée, et il est impossible, sans aller visiter chaque étoile l'une après l'autre, et sans être allé dans la der- nière, qui n'existe pas, d'exprimer cette correspon- dance par aucune formule. 134 JULES TANNERY — DE L'INFINI MATHÉMATIQUE Je demande pardon de cette fantaisie, dont le réalisme grossier aura peut-être choqué le lecteur à jeun; il ne faut la prendre que comme une image destinée à suggérer une idée à laquelle on n'est pas très habitué : celle d’une détermination qui se poursuit à l'infini et qui ne peut être formulée. Quant à donner un exemple positif d’une telle détermination, cela est manifestement contradic- toire dans les termes, et si un exemple est impossi- ble à trouver, on m’exeusera d'être allé le chercher un peu loin. Je reviens aux Mathématiques. V L'infinité des nombres entiers, concue dans le mode unique de génération de ces nombres, appa- rait comme un tout: rien n'empêche d'isoler par la pensée une parlie de ce tout, de considérer cer- tains nombres entiers, à l'exclusion de tous les autres. On peut, tout d'abord, considérer quelques- uns de ces nombres entiers, en nombre fini, que l'on désigne nominativement, les cent premiers nombres, par exemple, de la suite naturelle, ou tels autres que l'on voudra, qu’on supposera écrits dans un tableau: on à ainsi un « ensemble » fini de nombres entiers ; d’un tel ensemble on peut affirmer ceci : quel que soit le nombre entier que l’on cite, ou bien il fait partie de l’ensemble consi- déré, ou il n’en fait pas partie : pour le savoir, il suffira de regarder le tableau et de voir si, oui ou non, le nombre que l’on a cité y figure. On peut aussi bien isoler, par la pensée, de l'in- finité des nombres entiers, une infinité de nombres qui jouissent d’une propriété commune et exelu- sive, qui constituent, en quelque sorte, une espèce particulière de nombres entiers; par exemple, l’ensemble des nombres pairs, ou l’ensemble des nombres premiers; étant donné un nombre entier quelconque, on a des règles sûres pour décider s'il est pair ou non, s'il est premier ou non; il est inutile de multiplier les exemples de cette sorte. Des nombres entiers, en nombre fini ou infini, seront dits appartenir à un ensemble déterminé (E) si l'on peut affirmer d'un nombre entier quelconque qu'il est ou qu'il n’est pas l’un de ces nombres, Dans les exemples que j'ai cités, on donnuit le moyen de reconnaitre, sur un nombre entier quel- conque, s'il faisait, ou non, partie de l’ensemble : les nombres de l'espèce considérée étaient carac- térisés par une propriété commune et exclusive ; cette propriété qui les reliait, qui en faisait un tout, isolé dans le tout des nombres entiers, était formulée en termes explicites. IL n'y a rien, dans la considéralion de pareils ensembles, qui ne soit très familier à tous ceux qui ont commencé l'étude des Mathématiques, rien autre chose que la con- statation de ce fait banal : il y a des caractères qui s'appliquent à une infinité de nombres entiers et qui ne s'appliquent pas aux autres, et l’on sait fort bien que ces caractères peuvent impliquer des propriétés de ces nombres, qui soient de vraies « propriétés », en ce sens qu'elles leur appar- tiennent «en propre », qu'elles n'appartiennent point à d’autres. Si j'énonce, par exemple, ce théorème : « Pour qu'un nombre premier impair soit la somme de deux carrés, il faut et il suffit qu'en le divisant par 4, le reste soit égal à 1 », je spécifie un ensemble déterminé, l’ensemble des nombres premiers qui sont de la forme 4n +1, et en même temps j'énonce une autre propriété qui pourrait aussi bien caractériser cet ensemble ; | je ne ferais que répéter dans un autre langage le précédent théorème si je disais : L'ensemble des nombres premiers qui sont de la forme 4n + 1 est identique à l’ensemble des nombres premiers qui sont la somme de deux carrés, c'est-à-dire que tout nombre qui fait partie du premier ensemble fait aussi partie du second, que tout nombre qui fait partie du second ensemble fait aussi partie du premier. Mais il importe d'observer que l'idée de détermination est indépendante de la possibilité de formuler en quoi consiste cette détermination. Il n’est pas nécessaire, pour qu'un ensemble soit déterminé, que l’on puisse effectivement recon- naître sur un nombre donné qu'il appartient ou qu'il n'appartient pas à cet ensemble, il suffit qu'on sache qu'il lui appartient ou qu'il ne lui appartient pas, et tout raisonnement reposant sur ce qu'on n'a le choix qu'entre ces deux supposi- tions sera valable. Il n'est pas nécessaire que la propriété commune qui caractérise les nombres d'un ensemble puisse être formulée en termes explicites : celte propriété consistera, si l’on veut, à faire partie de l'ensemble et, si elle est réduite à ce degré d’abstraction, elle ne pourra être décrite explicitement que si l’ensemble est fini : sa des- cription est alors le tableau mème des nombres qui constituent l’ensemble. Pour qu'il y ait en- semble, espèce, si l'on veut, il faut qu'il y ait séparation, il n’est pas nécessaire qu'on puisse dire en quoi consiste celte séparation : l'idée de l'espèce n'implique pas qu'on puisse énumérer les caractères qui spécilient les individus qui consti- tuent l'espèce. Les mêmes mathématiciens qui se refusaient à spéculer sur des correspondances qui s'étendent indéfiniment sans qu'on puisse les formuler expli= citement, se refuseront à spéculer sur des en- sembles qui ne sont pas définis par une propriété formulée explicitement et cette timidité ne les em- pêchera pas, à coup sûr, de découvrir des propriétés communes à tous les éléments de ces ensembles, nd mm lé cé mm tits cos E è JULES TANNERY — DE L'INFINI MATHÉMATIQUE À 135 # c'est-à-dire des théorèmes généraux, et, en par- tieulier, des propriétés caractéristiques de ces ensembles, c'est-à-dire de ces théorèmes dont énoncé est parfait, en ee sens qu'il contient les conditions nécessaires et suffisantes pour que la ropriélé qu'il exprime soit vraie ; c’est là, diront- ls sans doute, l’objet propre du mathématicien, et, coup sùr, le champ qu'ils limitent ainsi est assez ste pour que la science s'y développe à l'aise. ais, au point de vue logique, cette limitation n’est as nécessaire, et les recherches de M. G. Cantor ont mis hors de doute que l'on pouvait atteindre des résultats considérables en s’en affranchissant. VI | J'ai essayé de dégager, à propos des nombres entiers, ce qu'il y a d’essentiel au point de vue philosophique dans les deux notions (la suite infi- nie et l'ensemble infini) qui interviennent d'habi- tude dans les raisonnements mathématiques sur l'infini : c'est, dans les deux cas, l’idée d’une certaine détermination qui s'étend à une infinité d'éléments. C'est cette détermination, formulée, ou simplement supposée, qui est le nerf du raison- nement mathémalique : celui qui voudra nier la conséquence de ce raisonnement devra ou bien nier la détermination, ou bien soutenir qu'elle s'applique seulement à un nombre limité de cas. L'infini dont le mathématicien parle, n’a rien de commun avec cette image confuse, vile perdue dans le brouillard, puis dans la nuit, qui se pré- sente à notre imagination quand nous commettons la contradiction de vouloir nous représenter cet infini; en tant qu'on raisonne sur lui, il est essen- tiellement déterminé. On citera, si l’on veut, des raisonnements mathé- matiques qui n'ont pas cette parfaite rigueur. Mais qui voudrait soutenir que les mathématiciens ne font jamais que des raisonnements rigoureux et qu'ils donnent toujours, du premier coup, la meilleure forme à leur pensée? Dans bien des raisonnements, le défaut de rigueur n'est qu'une apparence, dont ne sont dupes que ceux qui n’ont pas pénétré le sens des termes ; il y a des facons usuelles el abrégées de parler, comme l'expression « passer à la limile » qui, tout en étant contradic- toires dans les termes, ne {trompent guère que ceux qui veulent se laisser tromper. D’autres raisonne- ments permettent une vue rapide et comme d'en- semble, qui toutefois devient confuse et imparfaite pour les détails ; ils remplacent de longs et fati- gants circuits, qu'il faut poursuivre en tenant à la main une lanterne, qui éclaire très bien, mais seulement à deux pas; d'autres raisonnements enfin sont nettement provisoires, et on le sait; on les garde, en attendant qu'on en ait trouvé de meilleurs ; de pareils raisonnements correspon- dent à une divination incomplète de la vérité, et l'histoire montre assez que ces divinations com- portent souvent une part d'erreur que le progrès de la science permettra d'éliminer un jour : le plus souvent, c’est grâce à l'affirmation provisoire d'un théorème, à l'étude de ses applications et de ses conséquences lointaines que se fera ce progrès qui permettra de distinguer nettement le vrai et le faux, de donner au théorème ses limites et sa signification précises. Le vrai sens du « postulatum d'Euclide » serait-il jamais apparu aux mathémaliciens s'ils étaient restés à le tourner, à le retourner, au lieu de le laisser derrière eux et de monter hardiment en avant? Aujourd'hui même, pour les parties de la science qui sont le mieux constituées, on renonce à les enseigner aux débulants dans un ordre rigou- reusement logique. Telle difficulté est laissée sys- tématiquement dans l'ombre et les plus scrupuleux des professeurs se contentent de signaler cette dif- ficullé, ce trou noir qu'il faut enjamber, et que l'on éclairera plus tard. L'étude des raisonnements imparfaits peut don- ner lieu à de très intéressantes recherches psycho- logiques et pédagogiques; la survivance même de quelques-uns de ces raisonnements ne prouve rien contre la rigueur mathématique. Je me suis étendu longuement sur le nombre entier ; c’est que ce nombre, avec ce qu'il implique d'infini est, à ce que je crois, la matière essentielle et unique de l’analyse. On peut dire que toute rela- tion analytique se résout définitivement en rela- tions entre des nombres entiers, à condition d'en- tendre que ces relations peuvent concerner une infinité de nombres entiers. L'extension et la géné- ralisation de l’idée de nombre ne me paraissent apporter aucun élément essentiellement nouveau. VII M. Couturat a lraité avec soin et détail de celte généralisation des nombres fractionnaires, qui ne sont autre chose qu'un système de deux nombres entiers, des nombres irrationnels, sur lesquels je reviendrai tout à l'heure, parce que l'idée de l'in- fini y revient d'une façon nécessaire, des nombres positifs ou négatifs, qu'il appelle des nombres qualifiés, et qui ne diffèrent des nombres ordi- naires que par le signe qu'on y attache, des nom- bres complexes, qui ne sont rien qu'un système de deux nombres réels, comme une fraction est un système de deux nombres entiers. Je soupconne fort M. Couturat de n'avoir développé cette expo- sition autant qu'il l’a fait que pour rendre service 136 aux philosophes qui désirent acquérir quelques connaissances mathématiques et organiser celles qu'ils ont; c'est une intention fort charitable et qu'il a bien fait de réaliser ; mais personne, à coup sûr, ne pouvait l’accuser de ne pas avoir les con- naissances qu'il a montrées là, et cette partie aurait pu être fort abrégée si l’auteur n'avait voulu être lu que par ceux qui savent les Mathé- matiques, où par ceux qui ne s'en soucient pas. L'infini n'a rien à faire ni avec les fractions, ni avec les nombres « qualifiés » ; il n’en est pas de même des nombres irrationnels, qui ne peuvent se passer de lui. Pour la définition de ces nombres, qui ont été longtemps une pierre de scandale, M. Couturat expose les idées de M. Dedekind, qui me semblent les plus claires et les plus profondes parmi celles qui ont été émises sur ce sujet. On me permettra de ne pas reprendre cet exposé, et de rappeler seulement que, d’après M. Dedekind, la défini- tion d’un nombre irrationnel consiste essentielle- ment dans une séparation des nombres rationnels en deux classes, chaque nombre rationnel contenu dans l'une des classes étant inférieur à chaque nombre rationnel de l’autre classe : en outre, la première classe ne contient aucun nombre qui soit supérieur à tous les autres nombres de la même classe ; la seconde classe ne contient aucun nombre qui soit inférieur à tous les nombres de la même classe. C'est cette séparation, cette « coupure » qui est l'essence du nombre rationnel. Ici encore, pour parler d’un nombre irrationnel comme déterminé, il suffit de concevoir cette coupure (ou les deux classes qu'elle sépare) comme déteminée; il n’est pas nécessaire qu'on dise, ni même qu'on puisse dire, comment elle est déterminée. Il va de soi que le nombre irrationnel ne sera connu que si celte détermination est formulée, que si l'on a le moyen effectif de reconnaitre si un nombre ration- nel donné doit être placé au-dessus ou au-dessous de la coupure. Si le nombre irrationnel est connu, dans ce sens, la suite infinie des chiffres décimaux qui permettent de le représenter sera aussiconnue ; on pourra formuler, d’une facon plus ou moins simple, la correspondance entre chacun de ses chif- fres 9 (n) et le rang » qu'il occupe après la virgule. Inversement, si cette correspondance est formulée, elle définit explicitement la coupure; mais une suite infinie de chiffres décimaux, concue comme déterminée, lors même qu'il est impossible de for- muler celte détermination, doit être regardée comme déterminant aussi bien une coupure, un nombre irralionnel. Dès lors, l'ensemble de tous les nombres rationnels ou irrationnels possibles, l'ensemble de tous les nombres réels, est complète- ment délini, la notion de nombre est complète, | JULES TANNERY — DE L'INFINI MATHÉMATIQUE pourvu que l’on ait étendu à tous ces nouveaux nombres la définition de l'égalité et des opérations fondamentales. \'ADIIT On voit alors disparaitre les difficultés qui te- naient à ce que la notion de nombre était incom- plète (limite d'une suite infinie, existence des ra- cines d’une équation, etc...). On est enfin parvenu à ce nombre qui « imite l'étendue » : Si l’on consi- dère, en effet, une droite et que, suivant les con- ventions habituelles, on fixe la position de chaque point sur la droite par son abscisse, à chaque point de la droite correspond maintenant un nombre réel et un seul; et il suffit que le point.de la droite soit pensé comme déterminé, pour que le nombre correspondant doive aussi être pensé comme dé- terminé. Inversement, à chaque nombre corres- pond un point de la droite. Le continu a été recon- struit abstraitement avec les seuls concepts de nombre entier et d'infini : un continu (à une di- mension), ce sera, si l’on veut, l'ensemble des nom- bres réels compris entre deux nombres fixes, qui doivent être regardés comme faisant partie de l’ensemble, dont ils sont les bornes. C'est à M.G. Cantor que l'on doit d'avoiréclairei et précisé d’une façon mathématique l'idée, quelque peu vague, qui correspond au mot continu : il l'a fait au moyen de sa théorie des ensembles infinis. M J'ai essayé de dire plus haut ce qu'il fallait en- tendre par un ensemble de nombres entiers; il va de soi que la notion d'un ensemble déterminé s'é- tend d’elle-mème aux nombres quelconques, et j'ai déjà, sans en prévenir, employé le mot avec cette signification plus étendue. Mais on peut aller plus loin : il n’y a aucune difficulté de plus à concevoir un ensemble dont chaque élément sera un couple (a, a) de deux nombres, couple dans lequel il y aura un premier nombre a,, et un second a,; le premier et le second nombre ne jouant pas le même rôle, en sorte que les deux couples (a,, a,), (a, a,) doivent être regardés comme distincts, à moins que l’on n'ait a, — a. Un tel ensemble sera un ensemble à deux dimensions; les ensembles que nous avions considérés jusqu'ici élaient des ensembles à une dimension, des ensembles /- néaires. L'ensemble déterminé à deux dimensions dont les éléments sont tous les couples distincts que l'on peut concevoir comme formés d'un pre- mier nombre réel et d'un second nombre réel, «imite » le plan, en ce sens que, à chaque point du plan correspond un élément de l’ensemble, dont le premier et le second nombre sont l’abscisse et l’ordonnée du point considéré ; inversement, à chaque élément de l’ensemble correspond un point du plan. On « imilera » de même l’espace à trois hard" RP cad Gr È JULES TANNERY — DE L'INFINI MATHÉMATIQUE 137 dimensions avec un ensemble à trois dimensions | Ce n’est pas tout: nous ne sommes pas arrivés à ce “et il n'y aura aucune difficulté de plus à considérer des ensembles à quatre, cinq, .…, x dimensions. e me bornerai à parler des ensembles à deux di- ensions, car l'extension desnolionsquisuiventaux ensembles à plus de dimensionsse fait d'elle-même. Je viens de parler de l’ensemble déterminé dont es éléments sont tous les couples distincts pos- sibles formés d'un premier el d’un second nombre éels. Il est clair qu'on peut aussi bien considé- er des ensembles déterminés dont les éléments oient certains des couples distincts que l’on peut insi obtenir, par exemple tous les couples formés au moyen d'un premier et d'un second nombre ra- lionnel, etc... Cela posé, appelons avec M. Jordan, écart de deux couples (a, b), (a', b') la somme des aleurs absolues des différences a—a', b—#". Puis, considérons un ensemble déterminé (E) à deux dimensions, comportant un nombre infini d'élé- ments : un couple (a, b)sera dit couple limite de (E) si, quelque petit que soit le nombre positif e, il «y à dans (E) une infinité de couples dont l’écart “avec le couple (4, b) soit moindre que :. L'existence “de couples limites pour tout ensemble infini (E) “tel que l'écart de l’un quelconque de ses éléments -et du couple (0, 0) soit moindre qu'un nombre fixe -donné résulte d'un théorème dû au mathématicien “tchèque Bolzano. Un couple limite de l'ensem- ble (E) peut d'ailleurs appartenir ou ne pas appar- tenir à l'ensemble (E). L'ensemble (E’) des couples limites de l’ensemble (E) esf ce que M. G. Cantor appelle l’ensemble dérivé de (E). Si les deux en- sembles (E), (E’) sont identiques, c’est-à-dire si chaque élément de l’un appartient à l’autre, l'en- semble (E) est dit parfait. Pour qu'un ensemble (E) constitue un continu (à deux dimensions) il faut -qu'il soit parfait, mais cela ne suffit pas, il faut encore qu'il soit connexe (zusammenhängend), c'est- à-dire que, si l'on considère deux éléments quel- “conques (x, x’), (8, 5") de cet ensemble, il existe “dans l’ensemble, quelque petit que soit le nombre posilif :, une suite finie d'éléments commencant à l'élément (x, x‘), se lerminant à l'élément (8, B'), tels que l'écart entre deux éléments conséculifs de cette suile soit moindre que <. À ces conditions, l'ensemble (E) sera un continu. Il faut remarquer “combien cette notion de continu est, pour ainsi dire, imprégnée d'infini : sans doute, l'infini est - déjà inséparable du nombre entier, mäis on peut, en quelque sorte, oublier cet infini en pensant -à un nombre entier tout seul. Dès que l’on a con- -struit le nombre rationnel, voici qu'entre deux nombres quelconques, entre 0 et 1 par exemple, il y a une infinilé de nombres rationnels; mais, au moins, chacun de ces nombres, à lui seul, est bien fini, il n'est rien qu'un couple de nombres entiers. continu, qui remplit tout l'intervalle de 0 à 4; le réseau infini des nombres ralionnels est insuffi- sant, ce n'est encore qu'un pointillé; pour boucher les trous, qu'aucun microscope ne permettrait d'a- percevoir, il faut une malière, dont chaque élément, le nombre irrationnel, est en quelque sorte plein d'infini, puisqu'il est inséparable de l’idée d'une suile infinie de nombres entiers, et nous allons voir tout à l'heure dans quel sens on peut dire qu'il faut infiniment plus de ces éléments pleins d'infini que de nombres rationnels pour réaliser le continu entre 0 et 1. IX Une autre notion essentielle que l’on doit à M. G. Cantor est celle de puissance, extension nécessaire et hardie de la notion de nombre. Si l'on considère deux ensembles (A), (B), il peut se faire qu'on concoive une correspondance entre les éléments de ces ensembles telle que chaque élé- ment de l’un ait son correspondant dans l’autre ; on doit entendre, d’ailleurs, le mot correspondance en ce sens que si l'élément 4 de (B) correspond à l'élément a de (A), inversement c'est l'élément a de (A) qui correspond à l'élément à de (B); en d’au- tres termes, la correspondance doit être réciproque. S'il en est ainsi, les deux ensembles (A) (B) ont la même puissance : tel est le cas, par exemple, de l’ensemble des nombres entiers et de l’ensemble des nombres pairs, puisque à chaque nombre entier on peut faire correspondre son double, qui est un nombre pair: réciproquement, à chaque nombre pair, correspond sa moitié, dans l'ensemble des nombres entiers !. S'il est impossible de déta- cher de l'ensemble (A) une partie (A'), c'est-à-dire un ensemble (A') dont chaque élément appartient à (A), qui soit de même puissance que (B), et si, au contraire, il y a une partie (B’) de (B) qui ait la même puissance que (A), on dira que la puissance de (B) est plus grande que la puissance de (A). Deux ensembles étant donnés, il faut : ou bien que leurs puissances soient égales, ou bien que la puis- sance de l’un soit supérieure à la puissance de l’autre. Cette notion de puissance donne naissance à une suite de symboles, que M. Cantor désigne sous le nom de nombres {ransfinis, et avec lesquels on peut opérer d'après des règles précises. Sans entrer dans celte théorie, je me bornerai à signaler les résultats suivants : l’ensemble des nombres rationnels est de la même puissance que l’en- semble des nombres entiers: l’ensemble des nombres réels est d'une puissance supérieure à 1 On a là l'exemple d'un ensemble infini ayant la même puissance que l'une de ses parties, équivalent à l'une de ses parties. 138 l'ensemble des nombres entiers; cette puissance est la même que pour l'ensemble des nombres irra- tionnels ou que pour l'ensemble (continu) des nombres réels compris entre 0 et 1; ce dernier ensemble a la mème puissance que n'importe quel ensemble continu à n dimensions. Pour ce qui est de la puissance, tous les continus s'équivalent, quelles que soient leurs dimensions. Dans le cas de deux ou trois dimensions, on peut donner à ce théorème un énoncé géométrique : Si, par exemple, on considère un cercle et l'un de ses rayons, on peut établir entre l’ensemble (A) des points situés sur le rayon et l’ensemble (B) des points situés à l’intérieur et sur la circonférence du cercle une correspondance telle que chaque point de (A) corresponde à un point de (B), et inver- sement : il n'y à pas, en ce sens, plus de points dans le cercle que sur son rayon. Ainsi complété, un continu quelconque trouve son image dans un continu quelconque, et il n'importe pas que le nombre de dimensions soit le même dans un con- tinu et dans l’autre : en un certain sens, la-notion de dimension disparait. Les images dont je viens de parler seraient singulièrement difficiles à lire ; les correspondances qu'a imaginées M. Cantor sont d'une nature compliquée, et, pour en revenir à l'exemple du cercle et de son rayon, M. Cantor ne s'impose nullement la condition qu'à deux points voisins situés sur le rayon correspondent deux points voisins de la surface du cercle ; M. Peano a réalisé une correspondance qui satisfait à cette condition : il a montré qu'on pouvait construire deux fonctions ® (t), Ÿ ({), continues quand £ varie de 0 à 4 et telles que, dans ces conditions, le point dont les coordonnés sont Li— (4), y = Ÿ(b) vient occuper toutes les positions possibles à l'in- térieur d'un carré. Mais il est bien évident qu'une pareille correspondance ne pourrait avoir lieu avec des fonctions ® ({),4 ({) qui admettraient des déri- vées: il existe donc des classes de transformation (et ce sont de beaucoup les plus intéressantes) pour lesquelles le nombre de dimensions doit res- ter inaltéré, et cela suffit à séparer neltement les continus à une, deux, trois. nr dimensions. Au contraire, c'est souvent par des transformations extrêmement simples qu'un continu, à deux dimen- sions par exemple, vient former son image dans un autre continu à deux dimensions, et l'étude de ces transformations est une des parties essentielles des Mathématiques. Bien que l'exemple qui suit ne réalise pas la transformation d'un continu en un continu, en employant ces mots dans le sens de M. Cantor, il suffira à faire comprendre au lecteur le moins versé dans les Mathématiques, comment JULES TANNERY — DE L'INFINI MATHÉMATIQUE tre O de la sphère et de lui faire correspondre le point A’ situé sur OA et tel que l’on ait OA A EL OA TT 04° à chaque point de l’espace correspondra un point de l’intérieur de la sphère, et chaque point situé à l'intérieur de la sphère sera le correspondant d'un point de la sphère. L'espace tout entier n’est pas plus infini que cet intérieur de sphère. M. Couturat a fort bien résumé, dans une notem placée à la fin de son livre, les principaux résul= tats obtenus par M. Cantor; il me semble qu'il aurait dû leur faire une place plus grande et meil=« leure. Ces résultats prouvent que, en fait, il esb possible de raisonner sur l'infini, et d'en atteindre quelques propriétés positives, en partant de Jan seule idée d'une certaine détermination sc pour suivant jusqu'à l'infini. Les spéculations de M. Can= tor, qui, il faut bien le dire, n’ont rendu encore dans les Mathématiques proprement dites, telles qu’elles sont organisées, que des services limités, n’en ont pas moins une haute portée philoso=m phique. Il semble à quelques personnes que ces spéculations sont la seule contribution vraiment nouvelle apportée par les Mathématiques mo dernes à la notion de l'infini. s Il appartenait à M. Couturat de faire ressortira cette portée, plus encore qu'il ne l’a fait. A-t-il eu« peur d’effaroucher les philosophes, ou de facher. les mathématiciens qui n'aiment pas les idées de. M. Cantor? Ou bien, aurait-il, sans le savoir, été gèné par ces spéculations même qui, avec le nombres seul, réalisent un parfait équivalent de la grandeurs continue ? Eh quoi! n'y a-t-il rien de plus dans la grandeur que dans le nombre, et l’imifalion vaut elle l'original? Je la crois, pour ma part, supé= rieure en précision et en puissance, et je pensem qu'il faut en arriver à construire la grandeur à limitation du nombre. La notion de grandeur, qui garde quelque chose de confus, est provisoire; elles a élé utile, parce qu'elle a aidé à l'élaboration dem cette idée de nombre sur laquelle M. Couturat s’est si longuement étendu; je ne crois pas qu’elle la | justifie, je ne crois même pas qu'elle ait joué, dans. celte élaboration, un rôle nécessaire. Le nombres entier seul y suffisait', avec cette passion des hommes pour les jeux logiques, qui se manifestem déjà si vivement chez les enfants en quête den devinettes, de charades, de rébus et de mots 1 Je laisse de côté l'objection très sérieuse de ceux qui pourraient soutenir que l'idée de grandeur était nécessaire pour la formation de l'idée de nombre entier. : JULES TANNERY — DE L'INFINI MATHÉMATIQUE carrés. N'y a-t-il pas, dans les plus pelites villes et les plus reculées, des hommes sérieux qui passent de longues heures à chercher des problèmes d'échecs ou de dominos, et qui éprouvent une joie analogue à celle du mathématicien qui se voit imprimé dans les Comptes rendus, lorsqu'ils trou- vent à la dernière page d’un journal illustré leur om, ou même un pseudonyme modeste, comme ? « OEdipe du café du Mans», qui les désigne suffi- amment, et, puisque celte passion pour les com- Dinaisons logiques est si répandue, faut-il s'étonner u'elle soit ressentie par quelques hommes de génie? Sans doute, t'est l’idée de la grandeur continue qui a donné naissance aux fractions ; mais quel plaisir n'aurait pas éprouvé le penseur qui aurait observé qu'avec un symbole composé de deux nombres entiers on pouvait rendre possibles toutes les divisions, et que l’on pouvait conserver, pour le calcul de ces symboles, les lois essentielles du calcul des nombres entiers? N'est-ce pas les « solutions fausses » des équations, plus encore que leur interprétalion géométrique, qui a donné naissance aux nombres négatifs? Le problème de l'extraction de la racine carrée, avec une approximation indéfinie, ne pouvait-il se poser sans parler de l’incommensurabilité du côté du carré et de sa diagonale ? Pour les nombres imagi- naires, chacun sait qu'ils ont eu, en fait, une ori- gine purement algébrique : ils se sont présentés à propos de l'équation du second degré; les mathé- maticiens les ont employés hardiment sans se préoccuper d'en faire une théorie rigoureuse, et c'est le succès seul qui a justifié cette hardiesse, non la représentation géométrique des imagi- naires. Il n’y a rien de plus dans cette représenta- tion géométrique que ce fait : à tout système de deux nombres réels on peut faire correspondre un point. En quoi cette représentation géométrique éclaire-t-elle la vraie nature des nombres imagi- naires et donne-t-elle le secret de leur importance ? Aucune des théories, parfaitement rigoureuses, sur lesquelles on peut appuyer leur introduction, et qui reviennent toujours à considérer deux nom- bres réels réunis dans un même symbole, ne donne ce secret : Pourquoi ce symbole, créé pour le second degré, suffit-il pour les équations de tous les degrés! ? Comment prévoir, sur la définition de ce symbole, son importance dans le domaine du transcendant, dans le calcul intégral, et “le rôle, si étrangement prépondérant, des fonctions analy- biques ? Non, en créant ce symbole, les mathéma- ticiens n'étaient guidés par aucune idée de gran- deur, pas plus que ceux qui, plus tard, en étudiant … ‘ Je me rappelle encore l'impression d'étonnement que nous causait cette question, il ya trente ans, quand M. Her- mite nous la posait dans ses conférences de l'Ecole Normale. 139 les nombres entiers algébriques, ont créé les « idéaux » pour retrouver dans la théorie de ces nombres les lois de la divisibilité des nombres entiers. Dans cetle merveilleuse organisation de l'idée de nombre, il semble que l’homme se soit joué des obstacles les plus impossibles à surmonter, qui l'attiraient et qu'il a plus d’une fois réussi à tour- ner ; l'obstacle n'était vraiment dépassé que quand l'homme avait retrouvé, souvent démesurément agrandies, les lois qui régissaient la région qu'il venait de quitter ; son goûtesthétique pour l'ordre, pour ce qui est à la fois nouveau et le même, était satisfait pour un instant; mais les jouissances de l'esprit, elles aussi, passent vite; d’autres obstacles se dressaient qu'il fallait encore tourner pour acquérir un instant l'illusion d’être arrivé au but. X Revenons à l'infini: s’il est nécessaire, il n'im- porte pas beaucoup qu'il soit commode. Il me semble que M. Couturat à trop insisté sur les com- modités de l'infini. Une équation du premier degré aæ— b a toujours une racine, et une seule, lorsque a n’est pas nul. Par une haine toute philo- sophique contre les exceptions, M. Couturat veut qu'elle ait toujours une racine, et que cette racine soit infinie lorsque a est nul : ce langage est sou- vent commode, mais, par cela même qu'il faut l’ex- pliquer, on voit assez qu'il n’est pas nécessaire, et M. Couturat aurait pu craindre la plaisanterie un peu facile, mais qui trouverait trop souvent sa place, de ceux qui l’auraient accusé d'appeler infini ce qui n'existe pas. Il insiste avec raison sur la 1 SRE ME | légitimité du symbole p'tout aussi légitime, dit-il, 0 : J : que le symbole 1’ je dois ajouter qu'il a écrit un intéressant chapitre sur la corrélation entre le zéro et l'infini: il est vrai que, au point de vue de la grandeur, on conçoit aussi difficilement le « devenir nul » que le « devenir infini ». Mais, pour en 1 LATE revenir au symbole ÿ’ Si ce symbole est légitime, en tant que symbole, il faudrait craindre de l’em- ployer dans les calculs, et la crainte de se tromper dans les calculs est, pour le mathématicien, le commencement de la sagesse. Déjà le nombre 0 cause assez d'ennuis, parce qu'on ne peut diviser = LAINE : par 0 ; le nombre g’lui, ne pourrait se retrancher des deux membres d’une équation. Voilà sans doute pourquoi il vaut autant ne pas introduire ce symbole, Des observations analogues s’appliqueraient à la phrase « deux droites parallèles se rencontrent à 140 JULES TANNERY — DE L'INFINI MATHÉMATIQUE l'infini »; on sait qu'elle signifie la même chose que « deux droites parallèles ne se rencontrent pas à distance finie ». L'expression est commode dans beaucoup de cas, puisqu'elle permet de mettre plus d'unité dans les énoncés, mais elle n’est pas nécessaire ; le point à l'infini sur la droite était indispensable à M. Couturat pour justifier le nombre infini Q' Mais s'il n'avait pas introduit ce nombre, il n'aurait pas été obligé de le justifier. Pourquoi aussi, dans ces mêmes chapitres sur les commodités de l'infini, a-t-il employé si souvent les termes continuité, imite, ete., dans un sens autre que le sens très défini adopté par les mathémati- ciens? Ceux-ci, sans doute, ne s’y tromperont pas, d’autres lecteurs auraient dû être avertis; ils auraient dû être avertis aussi, plus tôt qu'ils ne l'ont été, de ce qu'il y a d'un peu précaire dans le rôle que jouent en Géométrie les éléments à l'infini du plan ou de l’espace : ce rôle change singulière- ment suivant les pièces ; ici, dans la Géométrie où l'on s'occupe des propriétés qui se conservent par transformation homographique, les points à l'infini d'un plan apparaissent comme étant en ligne droite; là, dans la Géométrie où l’on traite des propriétés qui se conservent par inversion, ces éléments appa- raissent comme étant réunis en un même point, par où vont passer toutes les droiles du plan, qui, maintenant, ont deux points communs, tandis que, tout à l'heure, elles n’en avaient qu'un. La nature qu'il convient d'attribuer aux éléments à l'infini dépend donc des méthodes de transformation. Ce n'est pas une nature qu'ils aient en propre : on n'a pas atleint une vraie propriété de l'infini, on n’a touché qu'un vêlement changeant, on n'a pas acquis des idées essentielles, on a appris quelques locutions, dont il est bon de savoir quand elles sont de mise. Ces locutions, M. Couturat devait assurément les signaler; il faut aussi lui savoir gré d'avoir fait connaitre quelques-unes des idées de von Slaudt, qui a élé l’un des géomètres les plus profonds de ce siècle. Mais pourquoi a-t-il parlé si dédaigneusement des coordonnées homogènes ? Ce n'est pas sans doute parce qu'elles mettent dans le langage et dans les raisonnements une clarté etune sûreté parfaites? Est-ce done parce qu'elles élimi- nent l'infini là où il n’est pas nécessaire ? Un des problèmes importants que M. Couturat traite avec détail est celui de l'application du nombre à la grandeur. Sous quelles conditions une grandeur est-elle mesurable ? Il s’est surtout occupé des grandeurs qu'on pourrait appeler directement mesurables, de celles pour lesquelles il y à proportionnalité entre la grandeur et la mesure. Le sujet est traité d'une façon très com- plète. Ici, les notions de nombre et de grandeur se | relatif de l'égalité. | recouvrent entièrement. Il y aurait intérêt! à étu= dier aussi le cas plus général où la proportionnalité n'est plus supposée et l'application du nombre à ces grandeurs pour lesquelles on ne suppose plus que les notions d'égalité, de plus grand ou de plus petit. Je ne veux m'arrèter que sur lanotion d'éga lité, parce qu'il y a là un point que l’auteur aurait pu mettre mieux en lumière; ce que l’on appelle communément les axiomes de l'égalité sont, comme l'a très bien vu von Helmholtz, des conditions im posées à la définition de l'égalité : ils consistent dans une suite de propositions que l’on peut rapi dement énoncer comme suit : ANONAAE AE 2 L'égalité A = B entraine l'égalité B= A; 3° Les égalités A—B, B = C entrainent l'éga lité AC. Ne conviendrait-il pas de rattacher ces condilions à la définition du groupe ? I1me semble qu'on aper cevrait mieux ainsi la nature de ces conditions, l'importance de chacune d'elles, et le caractère XI Les critiques que je me suis permises n'onb d'autre origine que la haute estime dans laquelle je tiens le livre qui a été l’objet de cet artiele, ni d'autre signification que celle-ci : l'auteur d livre et l’auleur de l’article pensent différemment sur quelques points. Il ne m'appartient point de parler des chapitres qui ont un caractère technique du dialogue entre le finitiste et l'infiniste, ni su tout des antinomies de Kant. C'est une bonne règle que de respecter, au moins provisoiremenb ce qu'on ignore. Si ce n'est pas une règle de morale, c'en est une de prudence, et l’on peut esti mer qu'il n'y à aucune modestie à l'appliquer Quoi qu'il en soit, la thèse de M. Couturat, en dehors même de sa valeur intrinsèque, légitime quelques espérances. On peut croire que la période fàächeuse où beaucoup de savants et de philosophes s'isolaient les uns des autres et se regardaient avec un peu de défiance et de dédain, touche à son terme. Il y en a d’autres signes : Ici même, ot dans la Revue de Métaphysique et de Morale, où dans les préfaces de ses livres, M. Poincaré n'a pas craint d'aborder des problèmes nettement philoso phiques et les a traités avec la liberté d'esprit, l@ lucidité et la puissance de pénétration qui lui son coutumières. Il renoue ainsi une tradition qui es singulièrement glorieuse pour notre pays. Jules Tannery, Sous-Lirecteur et Maitre de Conférences, à l'Ecole Normale Supérieure. 4 Je dois cette observation à M. Darboux. P. TRUCHOT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA FABRICATION DE L'AMMONIAQUE 141 Le si L'industrie de l'ammoniaque, bien qu'exercée dans une grande variété d'usines, dont aucune ne lui est spécialement affectée, offre une très grande importance économique, qui se développe tous les jours de plus en plus. - Il y à quelques années, l'industrie des eaux- “vannes et des vidanges, dont l'ammoniaque cons- titue le principal produit, et l'industrie du gaz, dont l'ammoniaque représente un des plus intéres- sants sous-produits, étaient les seules sources de cette base. Nos idées modernes sur les conditions écono- miques qui doivent régir toute industrie, ont amené certaines d’entre elles à recupérer la presque totalité de leurs sous-produits. C'est ainsi que nous avons vu se développer si rapidement la récu- pération de l’ammoniaque dans les fours à coke, dans les hauts fourneaux, dans la fabrication du sucre, dans les industries (telles que les industries métallurgiques, la verrerie, etc.) qui, au lieu de brûler la houille crue, la tranforment, au préalable, en gaz, dans des gazogènes de différents systèmes". La production de l’ammoniaque s’est donc élevée très rapidement, répondant à des besoins nou- veaux : production du froid au moyen de l'ammo- niaque liquéfiée; emploi, en agriculture, du sul- fate d’ammoniaque, engrais dont le débouché est devenu considérable; usage, dans l’industrie des explosifs, de nitrate d'ämmoniaque; intervention de l’ammoniaque dans l'industrie du carbonate de soude, par les procédés Solvay, Schlæsing, ete. ; enfin, fabrication, en plus faibles quantités, de chlo- rhydrate, carbonate et picrate d'ammoniaque, etc. On voit, d’après cela, que, malgré son caractère de satellite, la production de l’'ammoniaque a une importance économique égale à celle de bien des industries importantes. I. — HISTORIQUE. L'ammoniaque fut connue sous forme de sel _ammoniac, dès la plus haute antiquité. Certai- nes populalions misérables de la vallée du Nil extrayaient ce sel, par sublimation lente, de la suie provenant de la combustion de la fente des chameaux. Dioscoride, Pline le connaissaient par- faitement. En Europe on préparait l'ammoniaque ‘ Appliquée depuis longtemps en Angleterre par M. L. Mond, cette récupération vient d'être en France l’objet d'un brevet pris par MM. Bourgois et Lencauchez. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897, L'ÉTAT ACTUEL DE LA FABRICATION DE L’AMMONIAQUE sous forme de carbonate, par la distillation sèche des os et des cornes, d’où lui vient le nom d'esprit de corne de cerf. L’urine humaine fut ensuite uti- lisée. Enfin, en 1801, Lebon découvrit le gaz d'éclai- rage, qui devint alors la source la plus importante d'ammoniaque. Actuellement, l'ammoniaque récu- pérée dans les industries du coke, de la verrerie, en général des industries distillant la houille par l'emploi de gazogènes, commence à faire une con- currence très vive à l’'ammoniaque des usines à gaz. Divers essais ont été tentés dans le but de fabri- quer l’'ammoniaque synthétiquement, à l’aide de l’azote atmosphérique. Après les avoir rapidement indiqués, nous aborderons l’évolution de la pro- duction de l’'ammoniaque dans les diverses indus- tries dont elle a suivi, en qualité de produit secon- daire, la marche constamment progressive. IT. — AMMONIAQUE DE SYNTHÈSE. Depuis déjà longtemps, de nombreuses tenta- tives ont été faites dans le but de capter l'azote atmosphérique, soit sous forme d'ammoniaque, soit sous forme de cyanogène. Jusqu'ici, malheureuse- ment, aucune, à notre connaissance, n’est arrivée à une solution complète et parfaite de la question. Les diverses méthodes qui ont été mises en œuvre dans cet ordre de recherches, sont de quatre sortes : 1° Celles dans lesquelles on tait agir l'azote pur, ou l'azote mélangé de vapeur d’eau ou d'oxyde de carbone, ou de gaz d’eau, sur un mélange de charbon et d’un sel alcalin ou alcalino-terreux avec ou sans intervention de gaz acide ; 2 Celles dans lesquelles on combine l'azote à l'hy- drogène, au moyen de l'électricité; 3° Celles qui sont basées sur la formation d’azotures, par l’action de l'azote atmosphérique, dans de certaines conditions, sur certains métalloïdes, tels que le bore, le tungstène, le litane, ainsi que sur quelques métaux, tels que le magnésium, l'aluminium, le zinc, le fer, le lithium, le baryum, le strontium ; 4° Celles dans lesquelles on combine l'azote à l'hy- drogène par l'emploi de moyens de condensation par- ticuliers, facilitant la combinaison; tels la mousse de platine, la ponce platinée, l'amiante et le charbon platinés, la mousse de fer, etc. $ 4. — 1e méthode. Dès 1839, Lewis Thomson obtint du cyanure de potassium en chauffant fortement à l'air un mé- lange de coke, de carbonate de potasse et de limaille de fer. En 1862, Margueritte et Sourdeval, | s'engageant dans cette voie, chauffèrent un mé- 1x + 142 lange de carbonate de baryum et de charbon dans une atmosphère d'azote, puis décomposèrent les cyanures par la vapeur d’eau, ce qui leur donna de l'ammoniaque. Mond, en 1882, reprit ce procédé. Il fabriqua des briqueltes de carbonale de baryum agglomérées avec du goudron, puis les calcina en atmosphère réductrice. Il les introduisait ensuite dans un in chauffé à 1400, puis faisait passer un courant de gaz riche en azote et privé d’acide carbonique. Il obtenait ainsi environ 40 °/, ce cyanure. Il lais- sait tomber la température à 500° et introduisait la vapeur d'eau pour former l’ammoniaque. Les inconvénients étaient l'usure rapide des fours, et la grande consommation de combustible. En 1890, M. Charles Pawsit reprit à Saint-Rol- lon les expériences précédentes, dans un appareil formé de 10 cornues verticales, composées chacune de trois parties. Ce procédé fonctionna pendant deux mois et dut être arrêté, les rendements ne couvrant pas les frais !. $ 2. — 2° méthode. Quelques tentatives ont été faites par MM. Thé- nard, Chabrier et Donkin, en vue d'obtenir l’am- moniaque synthétique par combinaison de l’hydro- gène et de l’azote sous l'influence de l’étincelle ou de l’effluve électrique. Les travaux de M. Berthelot ont démontré que la quantité combinée, au bout d'un temps con- sidérable est extrêmement faible. Cette synthèse est très limitée, lorsque le gaz ammoniac produit n’est pas absorbé par un acide, à chaque instant de sa production. Les procédés appartenant à celte classe, n'ont jusqu'ici absolument rien donné, et tout porte à croire que ce n’est que ‘par un moyen détourné, que l'électricité donnera satisfaction dans cette voie, les conditions de formation et de dissocia- tion de l’ammoniaque, par l’étincelle électrique, étant extrémement proches. 1 En général, dans tous ces procédés, basés sur la réac- tion d'un courant d'azote plus ou moins pur, sur du char- bon alcalinisé, une température élevée favorise la production du eyanogène; une température plus basse favorise la pro- duction de l'ammoniaque, comme l'auteur de cet article l’a constaté dans ses diverses recherches sur ce sujet. Un excès de vapeur d’eau favorise aussi la production de l’ammo- niaque. On se trouve donc en présence de deux variables, la température de réaction et la quantité d'humidité présente, qui, seules, décident de la production du cyanogène ou de l'ammoniaque; ces deux corps se forment, à la température près, dans les mêmes circonstances etavecles mêmes produits. La température nécessaire à la réaction est moins élevée, qu'on ne l'avait cru jusqu'ici, le cyanogène se formant au rouge cerise et l’ammoniaque au rouge sombre; la présence de l'oxygène libre doit être évitée : une quantité assez con- sidérable d'eau est nécessaire à la production d'ammoniaque ; les matières réagissantes, contenant une base puissante, doivent êlre intimement mélangées. P. TRUCHOT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA FABRICATION DE L'AMMONIAQUE $ 3. — 8° méthode. MM. Brigled et Gunther ont démontré, dans une étude remarquable, l’affinité du magnésium pour l'azote pur et ont décrit les premiers le composé Mg'Az°. M. Mallet, observa de son côté, la forma= tion d’azoture de magnésium pendant la combus- tion de ce métal. Enfin, M. Rossel, dans une récente communication à l’Académie des Sciences, faite en collaboration avec M. Frank, a produit de l’azo- ture de magnésium, en chauffant du carbure de calcium pulvérisé avec du magnésium en poudre. Le mélange obtenu contient jusqu'à 23,8 °/, d'azote emprunté à l'air atmosphérique. Le produit obtenu, traité par l'eau, cède la totalité de son azote à l'état d’ammoniaque. L'aluminium, le zine, le fer, et même le cuivre donnent, dans des conditions identiques, les mêmes réactions. D'après M. Maquenne, à part le lithium, qui se transforme en azoture, à froid, ce sont les métaux alcalino-terreux qui fixent l’azole le plus rapide- ment et le plus complètement. | Les premiers procédés, basés sur la formation des azotures, en vue de la production industrielle de l’ammoniaque, employèrent certains métal-M loïdes, Lels que le bore, le silicium, le tungstène, le titane, etc. (procédé Basset). Le principe de cha cun de ces procédés, consiste à faire passer un courant d'azote à une température au moins égale à celle du rouge sombre, sur certains métaux ou certains métalloïdes, qui s'y combinent en don-M nant des azotures ultérieurement décomposés par l’eau ou la vapeur d’eau, avec formation finale d'ammoniaque. Les inconvénients, dans le cas du bore, du titane, du silicium, sont la forte température nécessaire à la formation de l’azoture, tempéralure qui serait facilement réalisable par voie électro-chimique. L’acide borique est entrainé en assez forte pro- portion par le courant de vapeur et, dans le cas des métaux alcalino-terreux en particulier, l'absorption de l'azote va en décroissant, par suite du chan-* gement moléculaire éprouvé par la surface du métal employé, sous l'influence des chauffes et des refroidissements successifs. LR RCE $ 4. — 4° méthode. : La Société « L’Azote » proposait d'obtenir l'azote et l'hydrogène purs, par l’action du zinc fondu sur l'air et la vapeur d’eau, dans deux fours séparés, de l’oxyde de zinc se formant dans les deux cas. Les deux gaz élaient ensuite combinés par passage sur de la mousse de fer, imprégnée d’un sel de titane ou sur du charbon plaliné. Johnson employait l'éponge de platine chauffée fit à ds P. TRUCHOT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA FABRICATION DE L'AMMONIAQUE 143 au rouge. Le procédé de Lambilly consiste à faire agir de l'azote, de l'hydrogène et de la vapeur d'eau en adjoignant au mélange gazeux de l'acide carbonique ou de l'oxyde de carbone, qui fixe l’ammoniaque à l’état de bicarbonate ou de for- miate. Il emploie du charbon ou de la ponce pla- linée, comme moyen de condensation. Cette ques- tion, que l'on doit s’eflorcer de résoudre, est, croyons-nous, un problème réalisable dans l’état actuel de la science. III. — PRODUCTION DE L'AMMONIAQUE A L'AIDE DE LA HOUILLE. La houille, dont la teneur en azote oscille entre 0,50 et 1,60 °/, environ, est la principale source d'ammoniaque. Nous étudierons successivement l'obtention de ce corps : 4° Dans la fabrication du gaz ; 2% dans la fabrication du coke ; 3° dans les hauts fourneaux ; 4 dans les foyers gazogènes (procédé Mond, Bourgois et Lencauchez). $ 4. — Production de l’'Ammoniaque dans l’industrie du gaz. Il est inutile, pensons-nous, de décrire les organes divers d'une usine à gaz, pour le but que nous nous proposons. Quelques améliorations ont été apportées en vue d’une meilleure conduite de la distillation de la houille et surtout pour l’épu- ration du gaz obtenu. Quelques essais de distilla- tion continue ont été tentés, quelques nouveaux laveurs et scrubbers ont été utilisés. Dans la distillation en vase clos, telle qu'on la pratique dans la fabrication du gaz, on considère comme bon un rendement de 9 à 10 kilos de sul- fate d'ammoniaque, pour une houille d’une teneur de 1,53 °/, d'azote. La plus grande parlie de l’ammoniaque se dégage au milieu de la distillation, les gaz formés à la fin en étant presque totalement dépourvus. Ilsemble se former, dans cette distillation, un cyanogène polymérisé, sorte d’azolure de carbone — semblable, en bien des points, aux azotures de titane ou de bore — et qui, par introduction de vapeur d’eau, se décompose à 500°, en donnant | de l’'ammoniaque. L’insuffisance des cornues à gaz actuelles se démontre suffisamment, à ce point | de vue particulier, par l'analyse de différents cokes, l’un provenant d'une cornue à gaz ordinaire conte- nant 1,375 °/, d'azote, le second d’un coke de four à coke ordinaire contenant 0,511 °/, d'azote, et le troi- sième d'un four Simon-Carvés en contenant0,384°/,1, 1 J. Cooper, en 1882, a proposé de traiter la houille par | 2,5 0/, de chaux avant le chargement dans les cornues. On $ 2. — Production de l’Ammoniaque dans la fabrication du coke. Depuis les débuts de la fabrication du gaz d'éclai- rage, on s'était attaché à recueillir l’'ammoniaque produite, à cause de la pureté que devait posséder le gaz livré à la consommation, tandis que, dans la fabrication du coke, ce corps avait pendant longtemps été totalement rejeté. L'industrie du coke, telle qu'elle est exploitée actuellement, donne des produits identiques à ceux de la fabrication du gaz. Les premières tentatives de récupération furent faites par Stauf, en 1764, dans une fonderie de Sarrebrück. Mais, ce ne fut qu'en 1858 que Charles Knab construisit à Saint- Denis les premiers appareils ayant donné de bons résultats ; introduits par Carvès à Commentry en 1862, ils furent montés, en 1866, aux Forges de Bessèges, puis en 1879 à Terre-Noire. En 1882, M. Simon, de Manchester, perfectionna le four Carvès en employant des récupérateurs de chaleur, pour réchauffer l’air à 500° ou 600°, La forme de ces fours se modifia complètement ; les fours Knab, larges et plats, chauffés sous la sole seulement et carbonisant à basse lempérature, ont été abandonnés complètement pour faire place aux fours Carvès, Simon-Carvès, Otto, Semet- Solvay, hauts, étroits, longs, carbonisant rapi- dement et à haute température. Les fours actuellement employés peuvent se diviser en deux classes : 1° Ceux qui ne sont qu'une modification du four à coke ordinaire, où le chauffage est effectué par l'admission de l'air à l’intérieur et brûlant une partie de leur charbon comme combustible (type Jameson, Aitken, Lührmann); 20 Ceux dans lesquels l'air n’est pas admis à l'intérieur, la chaleur étant fournie extérieurement par la combustion du gaz qui s'échappe pendant la distillation, et après qu'on en a séparé le gou- dron et l’'ammoniaque ; presque tous les fours à coke modernes appartiennent à cette classe (Lypes Hofmann-Otto, Simon-Carvès, Baüer, Hüssener, Semet-Solvay, ete.). Voici, en quelques mots, le principe général suivi dans les fours à coke actuels; tous sont construits, à part de nombreux détails, de manière a ainsi obtenu plus d'ammoniaque (16 kil. 30 de sulfate par tonne de houille) et un gaz ne contenant que très peu de produits sulfurés. Schilling a trouvé que, dans le cas de la houille de Boldon, il y a augmentation de 30 à 70 °/, d'ammoniaque en chau- lant la houille. Le rendement exceptionnellement pauvre d'une houille de Saxe fut augmenté ainsi de 84 0). Bolton et Wanklyn, au lieu de recueillir les eaux ammo- niacales, proposaient de faire passer le gaz, purifié de gou- dron, à travers une colonne chargée de superphosphates, où l’ammoniaque se trouvait retenue, par l'acide libre ou par le phosphate monocalcique. 144 P. TRUCHOT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA FABRICATION DE L'AMMONIAQUE à avoir une chambre hermétiquement close, de laquelle les gaz, chassés par la distillation de la houille, sont aspirés mécaniquement, sans aucune admission d'air. Les gaz passent ensuite à travers des condenseurs, refroidis extérieurement par l’air ou par l’eau, où ils déposent la majeure partie de l’ammoniaque et des goudrons; les petites portions restantes se déposent dans les scrubbers (colonnes à coke). Le gaz résiduaire est ensuite amené aux tuyères qui chauffent les cornues, et enflammé au moyen d'un courant d'air chaud sor- tant des récupérateurs. Après avoir effectué ce chauffage, les gaz résiduaires se rendent dans les récupérateurs de chaleur. Certains charbons alle- mands fournissent ainsi 11 kil. 5 de sulfate d'am- moniaque. À l'aide des fours Semet-Solvay on peut obtenir, selon la nature des charbons em- ployés, de 7 à 17 kilos de sulfate d’ammoniaque par tonne de houille distillée. Diverses conditions régissent la marche de ces fours : Le charbon introduit dans le four doit, pour donner un bon coke, être soumis instantanément à une température très élevée, et la calcination doit être conduite rapidement et sans arrêt. C'est pourquoi la chaleur est transmise par des parois aussi minces que possible, comme dans le four Semet-Solvay. Dans le four Hofmann-Otto, les gaz développés par la distillation s'échappent par deux orifices situés à la voûte du four et arrivent dans des réservoirs à gaz placés transversalement au-dessus des fours, puis des aspirateurs les enlèvent et les amènent, au moyen de conduites, aux conden- seurs et aux laveurs, dans lesquels se déposent le goudron et l'ammoniaque. Débarrassé de ces deux corps, ils sont amenés par une autre conduite sous la sole des fours. Les gaz en combustion suivent alternativement les car- neaux verticaux, en montant dans l’une des moi- tiés de ces carneaux et en descendant dans l’autre. Dans le système Semet-Solvay, les carneaux dans lesquels se fait la combustion des gaz et qui, ordi- nairement, sont ménagés dans les piédroits, en sont ici indépendants et sont conslitués par des cor- nues à minces parois, emboîtées les unes dans les autres, et formant un circuit complet et élanche. Les fours Carvès, de Tamaris, Terre-Noire et Bessèges, produisant ensemble environ 300 tonnes de coke par jour, fournissent six tonnes de gou- dron et 2 à 2,50 tonnes de sulfate d’ammoniaque. Les avantages de la récupération deviennent, 1 Le four Hofmann-Otto a une longueur de 10 mètres, sur une largeur de 0®,4 à 0m,6 et une hauteur de 1,70. Le four Semet-Solvay a une longueur de 9 mètres, hauteur 1»,70 et largeur variable, suivant la qualité des charbons à traiter, de 0,36 à 0,42. Le réchauffement de l'air est de 200 à 3000. depuis une dizaine d'années, de plus en plus évi- dents, et, malgré les frais que comporte une pareille installation, beaucoup de propriétaires de mines n'ont pas hésilé à faire construire de semblables fours. Le service d'une batterie de fours à coke à sous-produits comporte un personnel supplémen- taire, nécessité par la conduite de l’extracteur à gaz et l'entretien et le nettoyage des appareils de récupération. Le coût du four Semet-Solvay, maçonnerie ré- fractaire avec les garnitures, défourneuse, voie de défourneuse, distribution d’eau, etc., vaut 6.000 fr. L'extracteur, pompe et appareils de récupéra- tion, valent 3.500 francs. Chaque four reçoit 5.000 kilos de charbon, l’opé- ration dure à peu près 24 heures. Le four Hoffmann-Otto recoit une charge de 5.000 à 6.000 kilos. L'usage de ces fours à récupération s’est répandu très rapidement ; il en existe actuellement en France : A Tamaris (Gard) (Forges d'Alais.. 35 A Bessèges. Deere 50 ATerre-Noire (HO) PER CE 50 A Cransac (Aveyron) (Mines de Campagnac). 25 A Drocourt (Pas-de-Calais) . . . . . . 50 Soit un total de 210 fours, pouvant carboniser annuellement 180 à 190.000 tonnes de houille. Les fours Hoffmann-Otto, presque exclusivement employés en Allemagne et en Autriche, se répar- » tissent ainsi : Dans le bassin de la Rühr 1.160 fours. de la Saar. . 75 En Silésie Lo Ne ERP RE 745 En Autriche . . 292 fours de ce type sont actuellement en cons- truction, tous combinés avec un système de régé- nérateurs Siemens. Les fours Semel-Solvay sont employés en Bel- gique, en France, en Angleterre, en Allemagne et aux Etats-Unis. Il y en a actuellement 492, répar- tis dans les divers pays que nous venons de citer. Le nombre des fours à récupération employés en Angleterre est encore assez restreint. On en compte : 313 du système Simon-Carvès ; 75 Semet-Solvay ; 80 Bauer. En Allemagne, il y en a plus de 2.720 en marche. $ 3. — Obtention de l'ammoniaque des hauts fourneaux. La récupération de l'ammoniaque contenue dans les gaz des hauts fourneaux, n'est pratiquée qu’en Ecosse, à Glasgow, à Gartsherrie, etc. Les houilles employées ne collent pas, ce qui évite la transfor- mation préalable en coke. Les gaz s'échappant du P. TRUCHOT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA FABRICATION DE L'AMMONIAQUE 145 gueulard, se rendent, par une série de conduites, dans des appareils semblables à ceux employés dans la fabrication du gaz, suivis par une série de scrubbers, munis de plaques perforées, laissant passer le gaz alternativement de chaque côté, pen- dant qu'un mince filet d'eau, coulant continuelle- ment, dissout l’'ammoniaque entrainée. Le liquide est repompé et renvoyé aux scrubbers, jusqu'à saturation suffisante. Les rendements sont, en moyenne, de 0,9 à 1,36 °/, du poids de la houille, chiffre qui corres- pond à peu près à la quantité d’ammoniaque obte- nue dans les fours Carvès. D'après un travail de M. W. Jones, si les gaz de tous les hauts fourneaux écossais étaient traités pour la récupération de l’ammoniaque, le rende- ment en ammoniaque serait de 18.000 tonnes par an. S 4. — Obtention de l’ammoniaque formée dans les gazogènes. Le chauffage par le gaz obtenu par la semi-dis- tillation de la houille dans des foyers gazogènes, est un des meilleurs connus actuellement; il sup- prime les divers inconvénients que possèdent un grand nombre de foyers, et permet d’obtenir des températures extrêmement hautes. Dans cette distillation, comme dans tout traite- ment semblable de la houille, il se dégage, en même temps que les gaz combustibles, une quantité d’am- moniaque assez importante. Pour obtenir de bons résultats, la production du gaz s'opère en alternant les deux opérations suivantes : 1° On dirige de la vapeur d’eau surchauffée sur du charbon chauffé au rouge, ce qui amène un abaissement de température, dû à la chaleur absor- bée par la décomposilion de l’eau; 29 On active la combustion par un courant d’air, pour ramener la température à son point initial. Le gaz produit dans cette seconde phase est très voisin, par sa composilion, du gaz des gazogènes appelé « gaz Siemens ». On règle donc convenablement le mélange d'air et de vapeur. Parmi les appareils gazogènes cons- truits sur ce nouveau principe, on peut mention- ner ceux de Siemens, de Schilling, de Dowson et | Wilson, de Mond. 1° Procédé Mond. — M. Mond, le premier, a en | Angleterre, inauguré ce nouveau procédé d’extrac- tion de l’'ammoniaque, des produits de la combus- tion même de la houille. La houille est brûlée au gazogène dans un mélange d'air et de vapeur, en proportions telles qu'on ait deux tonnes de vapeur d’eau par tonne de houille distillée. La température de combustion est abaissée vers 500. Cet excès de vapeur d’eau favorise la production d'ammoniaque. Le tiers seulement de la vapeur qui traverse le gazogène est décomposé. Les gazogènes sont de forme rectangulaire et disposés en série. Ils ont 1",82 de profondeur et 3,65 de longueur. Les cendriers sont munis d’un joint hydraulique, pouvant résister à 0",10 de pres- sion d’eau. L'air arrive au-dessus du niveau de l’eau des cendriers. Les gaz s'échappent au milieu du sommet des gazogènes. Le gaz, qui s'échappe du gazogène, traverse un laveur à paleltes, type Standard, où les sels am- moniacaux se dissolvent, puis, ayant une lempé- rature de 100°, se rend dans un premier scrubber, arrosé avec une solution de sulfate d'ammoniaque à 38 °/, et additionné d’une quantité déterminée d'acide sulfurique. Le gaz renfermait, à son entrée dans le scrub- ber, environ 0,13 °/, d’'ammoniaque en volume; il n’en renferme plus que 0,013, quand il sort, à la température de 80°. Il entre ensuite dans le con- densateur, second scrubber renfermant des chi- canes en bois, percées de trous, où il rencontre un courant d’eau froide qui se réchauffe à 78-80° en condensant la vapeur. Le gaz, purifié et refroidi, se rend aux brûleurs. L'eau chaude obtenue se rend dans un troisième scrubber, où arrive un courant d'air froid, qu'elle sature d'humidité et qu'elle amène à la température de 76°, Cet air est ensuite refoulé dans le gazogène. Les rendements obtenus ont été de 32 kilos de sulfate d'’ammoniaque par tonne de houille, ce qui est un résultat superbe. On a tenté la production directe du chlorhydrate d'ammoniaque en introduisant du gaz acide chlo- rhydrique dans le four ou en mélangeant au com- bustible de l'argile imprégnée de chlorure de calcium. Les résultats n’ont pas été satisfaisants. M. Hennin propose d'opérer comme M. Mond, mais en employant de la vapeur à haute pression, légèrement surchauffée et convenablement diffu- sée, dans la masse du combustible, dans la propor- tion de 0,75 à À par tonne de houille. M. Mond, estimant à 150 millions de tonnes le combustible brûlé annuellement en Angleterre, disait que, si 1/10 seulement de cette quantité de houille était ainsi traité, on arriverait au chiffre formidable de 5 millions de tonnes de sulfate d’ammoniaque, comme production annuelle. 2% Procédé Bourgois et Lencauchez. — MM. Bour- gois et Lencauchez ont dernièrement fait breveter un procédé ayant pour but de recueillir, dans les gaz de distillation de la houille, les goudrons et l'ammoniaque, cette opération ne diminuant pas la puissance calorifique du gaz. L'appareil qu'ils proposent s'adresse donc à 146 P. TRUCHOT — L'ÉTAT ACTUEL DE toutes les industries (verreries, industries métal- lurgiques, etc.) qui, au lieu de brûler la houille sous les fours, commencent par la transformer en gaz dans des gazogènes de système quelconque. Il se compose principalement de trois colonnes : La première, refroidissant et lavant les gaz, est destinée à retenir les goudrons etles huiles, lesquels sont rassemblés dans une citerne inférieure ; Dans la deuxième, les gaz, chargés d’ammo- niaque, rencontrent une pluie d’eau acidulée; La troisième est destinée à arrêter les dernières rl | (l - FAN R LA FABRICATION DE L'AMMONIAQUE Ce procédé ne diffère que très peu du procédé Mond. Il fonctionne actuellement à la Société ano- nyme des. Verreries de Fresnes, à Fresnes (Nord), et chez MM. Wagret et Ci°, maitres de verrerie à Es- caupont, et doit être monté dans plusieurs autres verreries du bassin de Charleroi. Par ce qui précède, on peut donc prévoir que ces industries, qui naguère n’ulilisaient aucunement l'azote contenu dans leur combustible, vont deve- nir une des sources les plus importantes de pro- duction de l’ammoniaque. ! [ NN NT ŒUR [l ll THEN CIN dH \ Fig. 4. — Plan et coupe des disques en bois du Laveur Standard. — Le disque est monté sur un arbre central duquel _ partent quatre moyeux soutenant la partie en forme de couronne qui est l'organe essentiel de l'appareil; cette couronne est limitée au-dessus et au-dessous par des plateaux en bois, dans l'intervalle desquels on a disposé une multitude de petits prismes de bois; on apercoit l'extrémité de ces derniers sur la figure de gauche et on les voit dans toute leur longueur sur la coupe de droite. Ce sont ces bâtons qui, trempés dans l'eau à chaque tour du disque, offrent une surface considérable d'absorption pour le gaz ammoniac qui passe à leur contact. traces d'ammoniaque qui auraient pu échapper dans la deuxième, et à les renvoyer dans la pre- mière, et ainsi de suite. Des essais ont été faits, 1° avec le gazogène Sie- mens, à la Société anonyme des Verreries de Fresnes (Nord), et le rendement a été de 12 kilos de sulfate d'ammoniaque par tonne de houille brûlée; 2° avec le gazogène système Wilson, à la Société anonyme des Verreries de l’Ancre, à Charleroi (Belgique), et le rendement a été de 13 kil. 700 par tonne de houille consommée. Ces rendements ont élé obtenus sur des gazogènes en marche industrielle et fonction- nant au rouge vif, température trop élevée pour donner un bon rendement en ammoniaque. Ces chiffres paraissent donc être des minima. IV. — OBTENTION DE L'AMMONIAQUE COMME SOUS-PRODUIT DE LA FABRICATION DU SUCRE: L'extraction de l’ammoniaque dans la fabrication du sucre peut se faire, soit dans le travail du sucre même, à la première et à la seconde carbonatation, soit dans le traitement des vinasses de betteraves. Divers procédés ont été proposés dans ce but, mais aucun n’a été, à notre connaissance, introduit dans la pratique industrielle. MM. Bühm et Hyros recueillent les vapeurs d'é- chappement des caisses de carbonatation, contenant de l'acide carbonique et de l’ammoniaque, et les envoient alternativement dans deux récipients con= tenant du lait de chaux. L'acide carbonique est A a LE » t P. TRUCHOT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA FABRICATION DE L'AMMONIAQUE 147 absorbé, et les vapeurs ammoniacales se rendent dans un bac à acide sulfurique. - En 1882, Leplay avait fait breveter un procédé - pour recueillir l'ammoniaque pendant l'évapora- tion. — Bunke et Forstrenter ont proposé l'extrac- “ tion par le gaz sulfureux. — Nous ne cilerons que pour mémoire l'extraction de l’ammoniaque des vinasses, par le procédé Vincent, qui a pour but principal la fabrication du chlorure de méthyle. ! L'urine est encore actuellement une des princi- pales sources d'ammoniaque. La distillation en se clos des matières animales azotées, os, cornes - poils, laines, etc., en fournit aussi une petite quan- puté. limètres, offrent ainsi une surface énorme d’ab- sorption. L'eau traverse le laveur en sens inverse du gaz. Les disques plongent à moitié dans leau. — Un perfectionnement a été apporté à cel appareil, en remplaçant les feuilles de tôle par des morceaux de bois découpés en forme de prismes droits et disposés en quinconces. Cet appareil est presque exclusivement employé en Angleterre (fig. 4 et 2). Les laveurs permettent de restituer aux scrubbers leur véritable rôle, qui est d'arrêter les dernières traces d'ammoniaque. Le remplissage des scrubbers a beaucoup varié; on emploie tantôt du coke lavé, tan- tôt des copeaux NV. — MATÉRIEL DE de bois, des frag- FABRICATION. ments de pierre- Dans les diver- ponce ou de bri- ses industries pro- ques, des briques ductrices d'ammo- perforées, etc. Les niaque dont nous venons de nous garnissages doi- vent toujours être occuper, le malé- riel de fabrication soigneusement faits, car c'est comprend surtout d'eux que dépend des appareils con- beaucoup la quan- denseurs etdesco- tité d'eau à intro- lonnes à distiller. $ 1. — Appareils condenseurs. Les appareils condenseurs sont = Fe ee CG) ordinairement : ER ns CJ les réfrigérants, Fig=2, — Laveur Standard, muni de ses différents disques. — La figure duire. Un filet d'eau, bien réparti sur des matériaux bien disposés, donnera un aussi bon épuisement que des quantités d'eau énormes sur l’extracteur, le la- Peu montre l'aspect Sea Fi laveur vu de face; dans la figure un mauvais gar- : 2 inférieure, le laveur est vu pardessus; la paroi supérieure a été en partie EE FRANS eur condensateur enlevée pour montrer l'arrangement intérieur. On voit les disques dela NISSASC: Les eaux d'un système quel- figure 1 montés côte à côte sur le même arbre. Leur partie inférieure s’échappant des trempe dans l’eau; lorque l'arbre tourne, les disques mouillés viennent © ait conque, et les en contact avec le gaz qui passe à la partie supérieure. Ce dernier se scrubbers doivent scrubbers ou co- dissout. Un système particulier de cloisons force le gaz à entrer en 6lre soigneuse- contact intime avec les bâtons des disques et à se dissoudre presque SRE lonnes à coke. totalement. ment contrôlées. Les réfrigérants sont employés dans la fabrication du gaz; les gaz sorlants sont aspirés par l’extracteur, qui n'est qu'une pompe aspirante et foulante. Il existe actuellement un certain nombre de la- veurs-condensateurs ; nous citerons le-laveur Stan- dard, le laveur Chevalet et le laveur Lunge à pla- teaux, le Pelouze et Audoin, ete. Le laveur Standard se compose d'une série de compartiments en fonte, variable en nombre et en dimensions, suivant la force de l'appareil. Chaque compartiment renferme un certain nombre de disques en tôle, boulonnés ensemble et clavetés sur l'arbre. Ces disques en tôle mince, écartés de 2 à 3 mil- On doit prendre la densité de l'eau ammoniacale et constater que le gaz qui s'échappe ne conlient plus trace d'am- moniaque. M. Chevalet a construit un serubber composé d'un cylindre en tôle ou en fonte, conte- nant des euvettes en fonte espacées de 0",20, et per- cées d'un grand nombre de trous, portant une che- minée un peu moins haute que le bord des cuvettes. Chaque cuvette est fixée dans un anneau sans fond de colonne distillatoire. Entre chaque cuvette, on place des copeaux de bois ou du coke. $ 2. — Colonnes à distiller. Les colonnes à distiller employées pour le traite- 148 ment des eaux ammoniacales, provenant d'une quelconque des industries que nous avons vues précédemment, sont presque toutes des appareils continus, basés sur le principe des colonnes à distiller les flegmes alcooliques. Le liquide ammo- niacal tombe de plateau en plateau, se dépouille d'abord de l’ammoniaque et des sels ammonia- caux volatils, puis se trouve mélangé à du lait de chaux qui décompose les sels ammoniacaux fixes (fig. 3 et 4). L'enrichissement des vapeurs ammoniacales se fait d'une manière sem- blable à celui des va- peurs alcooliques. La plupart de ces colonnes sont chauffées par un courant de vapeur; quel- ques-unes, comme les appareils Gareis, Elwert et Muller-Park, etc., sont chauffées à feu nu. L'appareil Mallet, em- ployé depuis longtemps par la Compagnie Pari- sienne du Gaz, se com- pose de trois chaudières, dont les deux premières sont chauffées directe- ment par le foyer; la troi- P. TRUCHOT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA FABRICATION DE L'AMMONIAQUE d'un récipient de décomposition, d'un échangeur de température, d'un saturateur, d’une pompe à lait de chaux, et quelquefois d’une série d'épura- teurs (fig. 3 et 4). La quantité de chaux à employer pour la décom- position des sels fixes est déterminée par l’analyse- L'introduction de vapeur doit aussi être parfaite- ment réglée, car il serait à craindre d’avoir des obstructions par des dépôts de carbonate d'am- moniaque. Le gaz ammoniac est presque toujours trans- formé, à la sortie de ces fate d'ammoniaque, par | barbotage des gaz sor- tants dans les satura- Cetteindustrie del’am- moniaque, dont la ré- partition est forcément semblable à celle des industries de la houille, a ses principaux centres dans les dis- triets miniers sième sert de laveur.Cetap- pareil permet d'obtenir soit de l'ammo- niaque, soit et métallurgi- ques, dont les conditions ac- tuelles d’ex- ploitation sont suscep- du sulfate tibles, grâce d'’ammonia - que. M.P.Mallet a imaginé une colonne obstruable dans laquelle les matières sont constam- ment agitées avec la chaux pendant leur trajet dans la colonne. Il existe un grand nombre de ces appareils, des- tinés au traitement, soit des eaux ammoniacales, soit des eaux-vannes!. Tous ces appareils sont composés ordinairement, en principe, d'une ou deux colonnes à distiller, in- LL LOLLLLLLLLOLSISINS LOC NL CLIS CL LLLS VIII CIS PRE, Fig. 3. — Colonne Lair. — À, colonne à distiller, composée de segments circulaires en fonte; B, malaxeur à lait de chaux; C, pompe à lait de chaux; DD, échangeurs de température; E, entrée du lait de chaux dans la colonne. DT ‘7°. aux procédés que nous ve- nons de dé- crire, de pro- duire de très grandes quantités d’ammoniaque. L'extension des fours à sous-produits, ainsi que des gazogènes à récupération, système Mond ou Bourgois et Lencauchez, augmente tous les jours cette production. D'après l'Alcali Act, la production du sulfate d'ammoniaque en Angleterre, en 1886 et en 1892, a été de : : Nous citerons les appareils Mallet, dont nous venons de parler, les appareils Ellis, Gareis, disposés spécialement pour les petites usines à gaz. Dans le système Solvay, la colonne verticale est remplacée par une chaudière horizontale divi- sée en une série de compartiments par des cloisons verti- cales, dans lesquelles les vapeurs circulent successivement. L'appareil Elwert et Muller-Park se compose de deux chau- dières horizontales communiquant par un siphon; l'appa- reil Weill-Gœætz a deux chaudières de décomposition, dans lesquelles on fait le traitement à la chaux et au sulfate de fer; l'appareil Lair (fig. 3) se compose d'une colonne en fonte formée de disques semblables aux troncons des colonnes à flegmes alcooliques ; citons encore les appareils Bilange, Chevalet, Grüneberg (fig. 4), Feldmann, etc. divers appareils, en sul-" à ë leurs à acide sulfurique. : 3 (fig. 4). Le] 3 1 à à VI. — ConSIDÉRATIONS à ; ê ë ÉCONOMIQUES. nd : Aile ét DURS Sd ot mr to. 5e 1886 1892 Fi 82.180 112.000 tonnes provenant des usines à gaz. 3.950 12.000 — _— des hauts fourneaux. 18.080 28.000 — — de la distillation des 4 schistes. 2.100 5.000 — — des fours à coke. 106.610 157.000 » Soit une augmentation d'un tiers en l’espace de six années. Depuis 1892, le nombre de fours à récupération, ctuellement en feu, a considérablement augmenté; HOUILLE On carbonise en France, environ 2.000. 000 de tonnes. en Angleterre — 20.000.000 en Allemagne — 10.000.000 H Soit environ 32.000.000 de tonnes de houille -carbonisée annuel- P. TRUCHOT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA FABRICATION DE L'AMMONIAQUE EE... “aa 149 en assez forte quantité, sans, pour cela, être un consommateur de premier ordre, quoique actuelle- ment la moitié de la soude consommée par le monde entier ne se prépare plus au moyen du sulfate de soude, mais bien directement, à partir du sel marin. En France, en 1891, on à fabriqué 195.683 tonnes de carbonate de soude, dont 116.323 par le procédé à l’ammoniaque. Mais ces chiffres sont très peu importants, comparés à la consommation du sulfate d’ammo- niaque, qui constitue le principal débouché de l’ammoniaque. Ce sel a réussi à prendre, parmi les engrais, une place prépondérante, malgré la vive concurrence que lui fait le nitrate de soude. C’est en 1882 que ce dernier a fait son apparition sur le marchédes engrais. Le sulfate d'ammo- lement dans ces trois pays. - Si nous admet- tons un rendement “de 9 kilos de sul- -fate d'ammoniaque, chiffre qui est plu- tôt trop faible, nous arrivons au chiffre de production an- nuelle de 288.000 tonnes de sulfate d'ammoniaque. niaque sert aussi de matière première pour la préparalion de ses congénères : chlorhydrate, car- bonate, nitrate d'ammoniaque. Ce dernier se produit actuellement en as- sez forte quantité, gràce au développe- ment rapide de son Considérantmain- tenant que certains emploi dansl'indus- trie des explosifs, pays tels que la Rus- ; plusieurs savants sie, l'Autriche, la & étant arrivés à lui à tn Fig. 4. — Colonne Grüneberg-Blum. — a, colonne à compartiments, ,. - Suède, les États- à distiller; C, chaudière à bouilleur dans laquelle on introduit la enlever l'inconvé- Unis, la Belgique, sont appelés à de- venir d'importants producteurs, que l'emploi des gazo- gènes se vulgarise de plus en plus, ce qui amènera une production colossale, — M. Mond estimant, comme pous l'avons dit, à 150 millions de tonnes le combustible brûlé annuellement en Angleterre, — la production par les gazogènes serait, pour ce seul pays, et avec le rendement de 9 kilos, de 1.350.000 tonnes de sulfate d'ammoniaque. On peut done facilement se rendre compte de l'énorme quantilé d'ammoniaque qui pourra être produite annuellement, et cela sans faire entrer en ligne de compte l’'ammoniaque provenant des autres indus- tries (eaux-vannes, distillation des os, cornes, tourbe, fabrication du sucre, etc.). Quels sont donc les débouchés qu'offrent l'In- dustrie et l'Agriculture à cette imposante produc- vapeur par un serpentin ouverl, pour extraire les dernières traces d’ammoniaque el amener le liquide à l’ébullition; E, échangeur de température, formé d'un corps tubulaire où les eaux épuisées cèdent leur calorique au liquide à distiller: H, pompe à chaux; D, satura- teur à acide sulfurique; ec, tuyau d'arrivée des eaux ammoniacales dans la colonne; »1, tuyau de dégagement des gaz ammoniacaux. tion? L'un des principaux est la fabrication de la | soude artificielle, qui emploie les eaux concentrées nient qui résultait de son hygroscopi- cité. Le chlorhydrate d'ammoniaque à trouvé divers emplois, mais les quantilés pro- duites restent toujours modestes. L'’ammoniaque liquéfiée se consomme de plus en plus dans la production du froid, pour l'usage des machines frigorifiques, dont le nombre aug- mente rapidement, et dont les qualités tendent à supplanter les divers autres systèmes de machines. Ce rapide aperçu fait donc prévoir que, malgré les inventions et les transformations auxquelles donnent lieu constamment les industries chimiques ou agricoles, aucune d’entre elles n’est près de consommer toute l'ammoniaque susceptible d’être produite . P. Truchot, Ingénieur-chimiste. 4 La Revue consacrera ultérieurement un article spécial à la fabrication des sels ammoniacaux et traitera alors du rôle de la science dans toute l'industrie de l'ammoniaque. (NOTE DE LA DIRECTION.) 150 JACQUES DE NITTIS — LE RENOUVEAU DE LA PATHOLOGIE CELLULAIRE LE RENOUVEAU DE LA PATHOLOGIE CELLULAIRE La Microbiologie occupe une place prépondé- rante dans les préoccupations des biologistes. Contre des adversaires incapables d'apprécier ses découvertes ou qui n'avaient plus une élasticité intellectuelle suffisante pour transformer leurs idées et leurs théories, la jeune science, dès ses débuts, fit surgir de fanatiques partisans. Tandis que le Maitre, soucieux de tout comprendre et considérant le problème de l'infection dans sa généralité, inter- rogeait la Nature en tous sens, établissait l’analogie de la fermentation par les levures et des maladies des tissus, faisait apparaître la variabilité de viru- lence des bactéries, appelait l'attention sur les diffé- rences de leur évolution en diverses espèces ani- males, soupçonnait les conditions de germination que, suivant l'état physiologique ou pathologique, l'organisme offre à leurs spores, nous apprenait, enfin, à le rendre réfractaire à l'aide d'agents infectieux atténués, — plus simplistes, la plupart des médecins, séduits par ses découvertes, n’aper- cevaient, dans l'infection et la virulence, qu’un seul facleur : le microbe. Étudiant le microbe, ils crurent étudier la ma- ladie, et leur voix enthousiaste couvrit longtemps celle des rares savants qui, meilleurs critiques, tentafent de rattacher la nouvelle doctrine aux an- ciennes, de faire rentrer les données récentes dans les cadres généraux de la Pathologie. Sous ce rap- port, un grand revirement s'est opéré dans les esprits et nous assistons aujourd'hui à une évolu- tion dont il peut être utile de préciser ici le carac- tère el la portée. Si le microbe est la cause nécessaire d’un grand nombre de maladies, il n'en est pas la cause suffi- sante : l'organisme est parfois réfractaire, ou bien il imprime à l'infection mille aspects différents. Rares sont les microbes vraiment spécifiques comme le bacille du tétanos, de la morve, ou le Vibrion du choléra. On voit le plus souvent, dans une salle d'hôpital, des entérites, des angines, des Suppurations, analogues ou identiques dans leur évolution, malgré la diversité des microbes qui les ont produites ; c’est l'organisme infecté qui donne alors son aspect à l'infection. En même temps que la Bactériologie prend sa place dans la Pathologie générale, la doctrine grandissante des auto-intoxications et des sécré- lions internes étend largement la conception du « Microbe » au sens étymologique du mot. Les cellules de l'organisme, elles aussi, sont des orga- nites, de formes variées, de fonctions diverses, comme les virus figurés ; elles sécrètent, comme eux, des produits solubles capables d'influence l'économie. Des travaux définitifs ont mis leur rôle en évi dence : M. Bouchard, appliquant aux choses de ] Médecine les données fondamentales qui se déga- gent des expériences de M. Armand Gautier, à co= difié la capitale doctrine des auto-intoxications : # a montré, avec ce savant, que l'organisme produits normalement des substances nocives et que les sé crétions physiologiques sont de véritables poisons” Brown-Séquard, dans un aperçu de génie, a en lumière le rôle des sécrétions internes ; enfin, le Professeur Armand Gautier a « appliqué à no# propres organites les notions dérivées de l'exa= men des microbes » et, par ses recherches sur l& vie anaérobie, « a singulièrement élargi l'horizon scientifique ! ». Ÿ Le D'Charrin a développé, dans un livre récent cette analogie entre le fonctionnement de ces agents vivants : les bactéries et les cellules de l'organisme. Guidés par cette conception originales et de grande conséquence philosophique, nous” allons essayer de démontrer jusqu'où peuvent être poursuivies les similitudes entre la Bactérie et Ia Cellule, au point de vue de la morphologie, de la consommation d'aliments, de la création de dé= chets vulgaires et de composés spécifiques, au point de vue aussi des symptômes morbides en gendrés et des processus d'ordre toxique. Nous voudrions faire sentir toute l'étendue de la place qu'il convient de réserver à la cellule de l’économie, en dehors de toute intervention microbienne, dans la genèse des phénomènes morbides. I. — ANALOGIES DE DÉVELOPPEMENT ET DE FONCTION ENTRE LES ÉLÉMENTS CELLULAIRES DES TISSUS ET LES CELLULES MICROBIENNES. 1. Morphologie. — Tout d'abord, au point de vue morphologique, il existe des cellules rondes, avec” où sans membrane limitante; d'autres, allongées en bâtonnets; d'autres, ciliées ou fusiformes ou spiralées; certaines, enfin, dépourvues de noyau: Ces divers aspects, sur lesquels nous croyons inu- tile d’insister, rappellent, plus ou moins exacte= ment, les microcoques, encapsulés ou non, les bacilles, les bätonnets, les micro-organismes pour= ! Charrin : Poisons des tissus, collection Léauté, 1897. Voir aussi : A. Charrin : Leçons de Pathogénie appliquée, Cli= nique médicale de l'Hôlel-Dieu (1895-1896), 1 vol. in-80, Paris, 1897. JACQUES DE NITTIS — LE RENOUVEAU DE LA PATHOLOGIE CELLULAIRE dus de flagella, les spirilles, ete.; le globule blanc son polymorphisme comme toute bactérie". a mobilité est une propriété commune (leuco- es, spermatozoïdes, cils vibraliles, etc.) ; enfin, ins la constitution des uns et des autres se Nutrition. — Si, de la forme extérieure, nous ons à l'étude de la nutrition, des substances Similées ou sécrélées, dans l'un comme dans tre cas, nous serons frappés par des analogies us profondes et plus intimes. La grande distinction entre les bacilles aérobies banaérobies se retrouve dans les cellules. De tout mps, on enseignait que les éléments anatomiques B] rocessus d'oxydation. Le Professeur Armand Gau- ér, en éclaircissant les mystères de la vie anaé- dbie, a fait voir l'insuffisance de cette conception. ba montré que les phénomènes de nutrition de értaines cellules sont essentiellement réducteurs. Bhrlich a mis en lumière, par une méthode élé- ante, les Lissus de cette nature : il injecte, à l’état de sel de soude, du bleu d'alizarine ou de céruléine jui, en s’unissant à l'hydrogène, perd sa cou- leur. Si l’on autopsie l'animal ainsi préparé, on fonstate, à l'absence de coloration, que les mus- les, le cartilage, l'écorce des reins et les zones jhénomènes réducteurs. Le sérum du sang, au contraire, ainsi que la lymphe, la synovie, les par- lies grises du névraxe, les glandes lymphatiques, “16 thymus et la partie centrale des reins sont bleus. Mais, certains micro-organismes vivent, soil sui- Vant le type aérobie, soit suivant le type anaérohie, “manifestant, dans chaque cas, des réactions diffé- rentes, une nutrition spéciale. Ces deux modalités de nutrition. MM. Richet et Broca, dans une récente communication à la Société de Biologie, ont étudié les conditions différentes de travail d’un muscle en milieu oxygéné et en mi- lieu inerte. Comme les bactéries, les cellules de l'orga- nisme . fonctionnent avec plus ou moins d'’inten- msité, selon la chaleur ambiante. Toutes deux se déforment et s'altèrent au contact de certains élé- ments: le polymorphisme, sous des influences diverses, appartient aux unes comme-aux autres. On sait que les températures élevées des fièvres Sont, à elles seules, dangereuses; Joukoff® a vu, en outre, les parties du cerveau en voie d'évolution, perdre du poids, la myéline dégénérer, les neu- ones se nécroser sous l'influence des poisons de 4 Guignard et Cüarrin : Acad. Sc., 12 décembre 1887. ? Joukof: Vratch, n° 45. Pnsomment de l'oxygène et vivent ainsi par des | lanches du système nerveux sont favorables aux | Or, dans les glandes, dans les tissus, on retrouve | 151 l'inanition; on sait, d'autre part, que le défaut d’ali- ments conduit les bactéries à des formes anormales. Enfin, de ces variations physiologiques selon la température, saurait-on fournir une meilleure preuve que ces actions variables de substances, pourtant différentes des diastases, comme la digi- tale, plutôt systolique en hiver, plutôt diastolique en été, pour la grenouille, comme Ja vératrine plus nocive pour la grenouille chauffée, etc. ? 3. Zxcrétions. — Si, des conditions extérieures de vie, nous passons à la nutrilion inlime, si nous examinons les produits de désassimilation, nous trouvons des analogies plus profondes. [ei encore, M. Armand Gautier fut l'inilialeur, par ses belles études sur les toxines des microbes et de l’orga- nisme. Selmi, dans ses travaux, avait considéré Les ptomaïnes au point de vue purement chimique; par une étude complète el toujours basée sur la Physiologie, M. Armand Gautier fait entrer ces notions, pour ainsi dire, en pleine vie. Les bacilles, en effet, ne sécrèlent pas des pro- duits spécifiques. Protéines, peptones, amides, CO”, COAz2H*, ferments, se rencontrent parmi les séCré- tions cellulaires. Cela est neltement élabli. Nuttal et Thierfelder, dans le corps de ces cobayes qu'ils ont pu élever pendant quelques jours à l'abri de tout germe, ont trouvé des dérivés hydroxilés du benzol qu'on croyait ne pouvoir résulter que des fermentations figurées. La muscarine, poison bactérien, se rencontre aussi dans les étranglements herniaires, sans in- tervention de microbes. La choline, trouvée dans le foie, la bile, le sang, les glandes; la bétaïne, isO- lée par Liebreich dans l'urine; la créaline, dont la fatigue accroît laquantilé; la guanine, tixée dans les concrélions arthritiques; la leucine, la tyrosine, la cadavérine, la saprine, la putrescéine, la neuridine, la collidine, l'hydrocollidine, la parvoline, la myti- lotoxine, la mydaléine, la tyrotoxine, elc., se ren- contrent dans les tissus de l'organisme comme dans les cultures microbiennes. Pour les produits vulgaires, CO?, urée, acides variés, il est inutile d'insister, non plus que pour les peptones et les diastases. Enfin, quoi de plus semblable aux toxines, que certains venins? Phisalix et Bertrand, puis Cal- mette, ont mis en lumière ces analogies. II. — ANALOGIES D'ACTION DES ÉLÉMENTS DES TISSUS ET DES CELLULES MICROBIENNES SUR L'ORGANISME. | * A ” il . 4. — Symptômes résultant, dans l'organisme, du | jeu de ses propres cellules comme du développement | 4 Gotch et Macdonald: Journ. of Phys., XX, p. 245. des bactéries. — On admet de plus en plus aujour- d'hui que les accidents des infections relèvent, pour la plupart, d'une intoxication; depuis le jour où M. Charrin a introduit cette idée dans la science, elle a pris rapidement un caractère général, alors qu'auparavant il n'existait que l'expérience de Pas- teur sur la poule, rendue somnolente au moyen des produits filtrés du choléra des poules. Nous venons de voir combien sont analogues, quant à leurs produits, les bactéries et les cellules: on comprend a priori que leurs effets puissent être du même ordre. Et — c'est ici le point le plus important de ces remarques — nous allons passer en revue rapide les symptômes généraux de l’infec- tion, et montrer que ces troubles obtenus avec des produits microbiens, on peut les reproduire avec des sécrétions de l’économie. Nous verrons ces der- nières causer des maladies générales, comme les microbes. | Tout d’abord, il est évident que, par les substan- ces nocives que nous avons signalées plus haut comme leur étant communes, les cellules et les bactéries produisent des effets identiques sur l’or- ganisme; qu'elle provienne de l'intestin ou des bouillons de culture, Ja muscarine sera toujours un poison diastolique, capable, d'après Grossmann, d'engendrer la congestion pulmonaire. L'injection de cultures microbiennes produit des variations thermiques: les sucs insterstitiels du rein injectés à un chien ne font-ils pas monter le thermomètre au delà de 40°, avec des phénomè- nes torpides, ainsi que l'extrait de muscles, de rate, de poumon, le sérum normal, la lymphe ? La bile fait fléchir la chaleur émise, ainsi que l'ont enregistré Charrin et Carnot, sans que ce phé- nomène provienne uniquement d'actions vaso- motrices périphériques; le sérum d'animaux brûlés ou vernissés abaisse la température du lapin jus- qu'aux environs de 33°. Quant à la pression, l'élévation subite détermi- née par l'extrait des capsules surrénales n'est-elle pas des plus nettes, ainsi que l’a constalé M. Lan- glois, ou l'abaissement de cette même pression sanguine n'est-elle pas évidente chez certains icté- riques, et ne sait-on pas, depuis les travaux de MM. Bouchard, Gley et Charrin, que des toxines donnent le même résultat ? Le cocco-bacille, signalé par Hugounenq et Doyon', fait apparaître dans la bile un pigment voisin de la bilirubine. La cellule hépatique, déviée de son fonctionnement, fait apparaître des produits analogues. L'hypersécrélion de lymphe, signalée par Char- “ Arch. physiol., page 525, 1896, et Revue de Hayem, jan- vier 1897. JACQUES DE NITTIS — LE RENOUVEAU DE LA PATHOLOGIE CELLULAIRE rin, Athanasiu et Carvallo, à la suite d’injections de toxines pyocyaniques, n'est-elle pas obtenue d même avec les albumines modifiées par le ferment pepsique, comme l’a indiqué Heidenhain. La chromatolyse sanguine et l'hémoglobinurie causées par les produits thyroïdiens, les troubles vaso-moteurs sous l’action de l’urée, le purpura même, accident du botulisme et des morsures de vipère, ne sont-ils pas la reproduction exacte de symptômes infectieux ? ! Parfois, les produits organiques sont d’un effet plus complexe et qu'il importe de dissocier. C'est ainsi qu'on décèle dans l'urine, d'après M. Bou- chard, comme dans certaines cultures, des produits antagonistes. Dans un autre ordre d'idées, ces actions oppo- sées des microbes se retrouvent : dans les globules blancs dont certains produits hâtent la coagulation, tandis que d’autres la retardent; dans les cellules du pancréas qui, suivant les cas, augmentent ou diminuent le sucre en liberté. Les symptômes nerveux, si fréquents dans les infections, ne sont pas rares au cours des empoi- sonnements par les produits organiques. L'extrait k de matière cérébrale fait apparaître de l'hypersé-M crétion intestinale, de la parésie, de l'abattement; l'extrait du rein donne aux animaux de la somno-M lence, des soubresauts dans les pattes; la rate Î engendre le collapsus, la bile tue les animaux au milieu de grandes convulsions que nous avons réussi à atténuer, et même à supprimer au moyen d'extrait de foie; le sang du coq est convulsivant, l'urine des agités produit des convulsions et une légère hypothermie. La lymphe injectée produit, comme les sécrétions microbiennes, une accéléra- tion cardiaque et respiratoire, de la faiblesse du pouls, des convulsions, l'hyperesthésie, l'exophtal- mie, la cyanose et l’asphyxie, selon Pagano. De même, les poisons que le thymus extirpé ne neutra- lise plus déterminent des troubles trophiques, des ulcérations, des gangrènes de la peau; les convul- sions, l'arrêt des battements du cœur par les cap- sules surrénales, les paralysies par le sérum des décapsulés, achèvent d'identifier les sécrétions cellulaires aux sécrétions bactériennes. Enfin, ces modifications de la nutrition que déterminent cerlaines maladies microbiennes, les produits organiques ou les sécrétions internes les reproduisent. Des expériences en cours nous mon- rent une phosphaturie, parfois énorme, chez des lapines soumises à l’opothérapie ovarienne. Faut-il citer, enfin, des maladies complètes sous l'influence de poisons organiques? Le diabète expé- rimental par extirpation du pancréas, le myx- œædème par ablation du corps thyroïde en sont les plus beaux exemples. JACQUES DE NITTIS — LE RENOUVEAU DE LA PATHOLOGIE CELLULAIRE 153 2. Symptômes provoqués par greffe des cellules et inoculation des bactéries. — Les microbes peu- vent être injectés. N'est-ce pas une opéralion très analogue que la greffe des tissus? Le corps thyroïde, implanté sur un point quelconque de l'économie continue à y vivre et répand au loin ses produils dans les expériences de Schiff, comme l'ovaire dans celles de Knauer, le testicule dans celles de Lode. Il y a plus : c’est par des processus analogues que l'organisme lutte contre des sécrétions cellu- laires et contre les produits microbiens. La mu- queuse intestinale, soustraite à l’influx nerveux, sera plus facilement altaquée par les sucs digestifs; de même, les tissus énervés sont une proie plus facile à l'infection. Dans la théorie phagocytaire, l’analogie est frap- pante : c'est au moyen de leurs diastases que microbes et phagocytes préparent le lerrain. M. Metchnikoff se rapproche. ainsi, après un long détour, des théories humorales, soutenues dès le début par MM. Bouchard, Charrin et Roger; en effet, pour ces derniers auteurs, si des propriétés bactéricides ou des attributs antitoxiques — connus depuis la grande découverte de Behring — apparaissent dans le sérum, elles sont dues, pour une part, aux substances élaborées par les tissus. Du reste, la lutte entre bacilles et cellules se produit ailleurs que dans le sang; quand un sérum curateur intervient, il met en jeu, nous l'avons montré, les réactions nerveuses !. Et remarquons- le incidemment, cette action des sérums sur les éléments anatomiques les plus élevés, fait qu'on n'y doit recourir que dans les cas où la nécessité l'exige. Contre les sécrélions organiques, peut-on espérer quelque secours d'une médication antitoxique ? Certaines recherches poursuivies au Laboratoire de Pathologie générale à propos du corps thyroïde et des capsules surrénales donneront bientôt la réponse. Déjà, les travaux bien connus de Phisalix et 1 C. R. Acad. Sc., 4 janvier 1897. Bertrand, de Calmelte, sur l’immunité contre les venins, semblent donner un exemple de ce genre, Enfin, en tant que germes morbides, les cel- lules malades peuvent être répandues dans tout l'organisme, ou localisées; et, à ce point de vue, les diathèses correspendent aux septicémies, les affections locales (néphrite, cirrhose, etc.), aux suppurations limitées (abcès, phlegmon, etc.). LT. — Conczusions En somme, après l'enthousiasme bactériologique de ces dernières années, les progrès de la Chimie biologique vont ramener l'attention des savants sur la cellule en général, dont le microbe n'est qu'un cas particulier. Nous avons justifié cette dernière proposition au point de vue de la Morphologie, de la Physiologie, de la nutrition, ainsi qu'au point de vue patholo- gique, autant que les connaissances actuelles nous le permettent. Tout ce que nous avons vu nous à conduit à admettre que les désordres engendrés par les microbes ou leurs produits, peuvent l'être par les cellules ou leurs sécrétions. Il y a plus : un virus ou ses toxines n'agissent sur un organisme que par les modifications impri- mées à la nutrition élémentaire des cellules; à ce litre, ce sont des agents, comme l'électricité, la lumière, la pression, Les poisons extérieurs, qui, parfois, ne parviennent pas à entamer la cellule d’une facon durable. Ce n’est pas diminuer l'importance des bactéries que montrer à côté d'elles les innombrables causes morbides dans un organisme, vivant par une sorte d'équilibre entre ces germes de maladie et de mort qu'il porte en lui-même. En définitive, les études semblent s'orienter à nouveau vers la Pathologie cellulaire; à côté de la Bactériologie, la Chimie, l'Histologie, la Physio- logie reprennent leur place. Quelle que soit sa cause, infectieuse, auto-toxique ou diathésique, — la maladie, c’est le trouble fonctionnel ou ana- tomique de la cellule. Jacques de Nittis. 154 ÉMILE HAUG — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE I. — LES LACCOLITHES ET LES THÉORIES SUR LA DIFFÉRENCIATION DES MAGMAS ÉRUPTIFS. Depuis le classique travail de Gilbert sur les Henry Mountains, dans l'Utah, on désigne sous le nom de laccolithes (Xdxxos, citerne, et Atos, pierre) des amas très particuliers de roches éruptives; ces amas aflectent la forme de calottes sphériques et | sont intercalés au milieu de terrains sédimentaires d'une manière très caractéristique : la face plane inférieure de l’amas s'applique sur la surface des couches sous-jacentes, tandis que les couches qui le recouvrent sont disposées parallèlement à sa surface supérieure, affectant ainsi une structure en dôme. On admet que les roches constituant les laccolithes se sont élevées, comme les roches vol- caniques, dans des cheminées, au travers des ter- rains sédimentaires, mais sans parvenir jusqu'à la surface, et qu'elles se sont introduites entre deux couches en soulevant-les couches supérieures ; les laccolithes doivent donc être envisagés comme des amas intrusifs, analogues aux nappes intrusives et passant à celles-ci en toute proportion. L’attention des géologues a de nouveau été attirée sur les laccolithes, d’une part par un beau mémoire de M. Whitman Cross ! sur les groupes de montagnes laccolithiques du Colorado, de l'Utah et de l’Arizona, de l’autre, par le fait que M. Brôg- ger * a cherché à expliquer par la théorie des lac- colithes le mode de formation des granites. Le travail de M. Whitman Cross résume tout ce que l'on sait actuellement sur les laccolithes des États-Unis; il confirme les observations de Gilbert sur les Henry Mountains et contient la première des- cription détaillée des laccolithes des Elk Mountains occidentales, dans le Colorado. Cette description est accompagnée d'une carte géologique, de coupes et de vues très caractéristiques de la plupart des montagnes laccolithiques. Dans aucun des lacco- lithes décrits la cheminée n’est visible; l’auteur admet qu'elle correspond à une fissure profonde de l'écorce terrestre qui s'est élevée seulement jusqu'au niveau où l’intrusion s’est produite, sans alteindre les couches supérieures. La surface infé- rieure du laccolithe à été observée en plusieurs points; la surface supérieure est presque toujours entamée par l'érosion, car les couches qui recou- vraient le laccolithe ont été en général enlevées mais plusieurs affleurements permettent de recon-« naître le relèvement des couches déterminé sur tout le pourtour par l’intrusion de la masse éruptive. La forme simple en calotte sphérique est rare- ment réalisée, car, le plus souvent, le laccolithe se | divise sur ses bords en plusieurs feuillets, qui | pénètrent comme des coins dans les couches envi- ronnantes. Chaque laccolithe se dresse au milieu d’un plateau formé de couches horizontales comme un dôme plus ou moins régulier, plus ou moins escarpé, plus ou moins buriné par l'érosion. Les terrains dans lesquels se trouvent intercalés les laccolithes des Elk Mountains appartiennent à la série crétacée supérieure; l'intrusion a donc dû avoir lieu à l’époque tertiaire. L’épaisseur des masses intrusives est de 2 à 3.000 pieds, leur dia- mètre varie de 2 à 4 milles 1/2. Non seulement dans les Elk Mountains, mais encore dans la plupart des autres laccolithes du Colorado et des territoires voisins, la roche intru= sive à laquelle M. Whiltman Cross donne le nom de porphyrite, est à deux temps de consolidation !. Nous rendions compile, dans notre dernière revue annuelle, de la première partie d'un ouvrage de M. Brügger sur les roches éruptives de la région de Christiania ; c’est dans la seconde partie de cet ouvrage que l’auteur développe ses vues sur la nature laccolithique des masses granitiques. Il commence par combattre la théorie de M. Michel- Lévy sur la mise en place des graniles — dont nous avons entretenu les lecteurs de la Aevue il y a deux ans — en cherchant à démontrer qu’elle ne peut pas s'appliquer aux environs de Christiania. On se souvient que, tandis que plusieurs auteurs avaient assimilé les culots granitiques aux lacco- lithes, M. Michel-Lévy les envisage comme des masses s'élargissant constamment en profondeur et formant le sommet de pyramides dont la base se confond avec les zones encore fluides de l'écorce terrestre. Cette forme particulière des masses gra- niliques est due à la mise en place de la roche par assimilation des roches sédimentaires dans les- quelles elle a pénétré. M. Brügger objecte à la théorie de M. Michel- ( { £ * The laccolithie mountain groups of Colorado. 14th Annual Report of the U. S. Geolog. Survey, pp. 151-241, pl. VII-XVI. ? W.-C. Brôgger : Die Eruptivgesteine des Kristianiage- bietes, Il. Die Eruptionsfolge der triadischen Eruplivgesteine bei Predazzo in Südtyrol, À vol. gr. in-80, 483 p. Christiania, 1895, | | ! Ce résultat est un des plus importants parmi ceux aux- quels ont conduit les études récentes sur les laccolithes ; il montre une fois de plus que la division des roches éruptives en roches de profondeur et en roches d'épanchement, pro- posée par M. Rosenbusch, ne correspond à aucune différence fondamentale dans la structure. ÉMILE HAUG — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE Lévyl'exemple des deux grandes masses granitiques des environs de Christiania, celle des Finmarken et celle du Drammenfjord, que l'érosion a débar- rassées de la couverture de dépôts siluriens qui primitivementles recouvrait el dont il subsiste seu- lement quelques témoins sur les bords. M. Brügger n'a constaté aulle part, au contact du granite et du Silurien, les moindres traces d’assimilalion ; les . couches siluriennes sont métamorphisées, mais le granite ne s’est pas chargé de chaux au contact des calcaires, ce qui devrait avoir lieu, d’après la théorie de M. Michel-Lévy. Il importe cependant de remarquer, avec M. Michel-Lévy, que les affleu- rements graniliques de Christiania ne représentent que la partie supérieure d'un massif brusquement refroidi et localement transformé en micropegma- tite; dans ces parties voisines de la surface l’assi- milation n'a plus lieu et l'exemple de Christiania ne saurait infirmer une théorie basée sur l’obser- vation de nombreuses coupes entamant les parties profondes des contacts. Ce sont seulement les parties supérieures du Silurien qui reposent sur le granite des Finmarken et du Drammenfjord; pour expliquer l'absence des couches inférieures, M. Brügger admet que, loin d’avoir été digérées par le magma granitique, elles doivent exister sous la masse éruptive, qui se serait intercalée par intrusion entre les couches inférieures et les couches supérieures et consli- tuerait un véritable laccolithe. En réalité, le des- sous de cette masse intrusive n’a été observé nulle part, mais il existe dans la Norvège méridionale plusieurs exemples bien nets de laccolithes et M. Brügger se croit autorisé à leur assimiler les culots granitiques. Cependant ces laccolithes sont tous constitués ou bien par des roches à deux temps de consolidation, comme les laccolithes américains, ou bien par des roches granitoïdes très basiques, telles que des gabbros ou des dia- bases, dont on connait depuis longtemps la nature fréquemment intrusive. Il importe de constater que nulle part on ne connait le dessous d’un culot granitique et que les coupes que l'on possède dans des régions montagneuses telles que les Alpes et les Pyrénées, où l'érosion a été particulièrement profonde, sont en contradiction formelle avec l’as- similation des masses granitiques à des laccolithes, car on a loujours vu ces masses s'élargir en pro- fondeur. Ajoutons que M. Michel-Lévy, en étudiant récemment les porphyres bleus de l'Esterel (micro- granulites basiques), qui sont des laccolithes authentiques, a retrouvé là aussi la structure à 4 A. Michel-Lévy : Sur quelques particularités de gisement du porphyre bleu de l'Esterel. Application aux récentes théo- ries sur les racines granitiques et sur la différenciation des magmas éruptifs. Bull. Soc. géol. Fr., t. XXIV, pp. 123-138. deux temps de consolidation très distincts et a constaté que l’action endomorphe et exomorphe, au contact des salbandes, bien qu'elle se montre de même ordre que pour les granites, est extrème- ment atténuée. De tous les arguments que M. Brügger oppose à la théorie de M. Michel-Lévy, celui auquelil attache certainement le plus d'importance est le suivant : la succession régulière des éruptions de roches de profondeur, dans la région de Christiania, est com- plètement inexplicable si l’on admet la théorie de l'assimilation ; cette théorie est inconciliable avec les théories sur la différenciation des magmas érup- tifs. Nous avons déjà parlé dans notre revue de l'an passé de ces dernières, sans nous occuper du mé- canisme par lequel M. Brügger explique les diffé- renciations. Voici comment le pétrographe nor- végien explique à la fois ces différenciations et la mise en place des roches de profondeur : Dans un réservoir inférieur principal, le «Magma- Bassin », il se produit une concentration des élé- ments basiques au voisinage des parois de refroidissement. Des pressions, dues àl'affaissement de comparti- ments de l'écorce terrestre le long de lignes de fracture, déterminent, par un simple phénomène d'hydrostatique, une ascension du magma initial encore fluide à travers ces mêmes fractures. Le magma, en s'élevant, pénètre latéralement dans les roches sédimentaires et y forme, par intrusion, des laccolithes. Comme le magma initial est déjà différencié, certains laccolithes sont acides, d’au- tres sont basiques, mais un air de famille les réunit, dû à la prédominance, dans chaque centre éruptif, d’un alcali déterminé. Dans le cas des environs de Christiania, cet alcali estla soude, dont la présence caractérisait donc le magma initial. D'après M. Brügger, l'ordre d'ascension des mag- mas différenciés n’est pas quelconque. L'étude approfondiedes environs de Christiania montre que la première venue a été basique (porphyrites augi- tiques en coulées); puis le magma initial a donné naissance à des laccolithes de plus en plus acides: syénites augiliques, nordmarkites, granites sodi- ques, graniles et porphyres quartzifères; enfin, les dernières éruptions sont de nouveau basiques, ce sont surtout des diabases. De même, dans le Tyrol méridional, dans les environs de Predazzo, dont l'étude pétrographique forme presque toute la seconde partie de l'ouvrage de M. Brügger, les éruptions ont été d’abord basiques (porphyrites augitiques, mélaphyres), puis également de plus en plus acides (monzonite, granite) et enfin de nouveau très basiques (camptonites et porphyres à liebenerite), comme à Christiania. La récurrence de roches basiques à la fin de la ÉMILE HAUG — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE phase éruptive peuts’expliquer, d'après M. Brügger, par l'accumulation, au fond du « Magma-Bassin », des cristaux les plus basiques. Si donc l’on n'étudie que les venues principales, les faits paraissent extrêmement simples, mais les roches laccolithi- ques de profondeur sont accompagnées, en gé- néral, de roches filoniennes à deux temps de consolidalion complémentaires, c'est-à-dire ou très acides ou très basiques, mais telles que la moyenne de leur composition corresponde à la composition du magma laccolithique graniloïde. C'est ainsi que les granites donneraient naissance, d'une part aux minetles basiques, de l’autre aux aplites acides et que les diabases à olivine donne- raient naissance aux camptonites basiques et aux bostonites acides. M. Iddings a donné de ces faits une explication assez différente ; pour lui la série des éruptions aurait débuté par un type moyen, puis le magma ini- tial, en se différenciant, aurait produit des roches de plus en plus dissemblables, jusqu'à un certain maximum de basicité, concomitant avec un maxi- mum corrélatif d'acidité. C'est ainsi que s’expli- querait la coexistence, au Permien, d'éruptions de mélaphyres et de porphyres pétrosiliceux, comme dernier terme des éruptions carbonifères. M. Brügger insiste sur la nécessité qu'il y a à ne pas confondre la succession des roches de profon- deur avec celle des roches d’épanchement, qui parait obéir à des lois beaucoup moins rigoureuses. Et cependant il ne peut exister de différence fonda- mentale entre les roches intrusives, laccolithiques et filoniennes, et les roches qui se sont épanchées à la surface, de sorte que, si la succession des éruptions volcaniques dans un même centre et pendant une même période n’est pas conforme à la loi formulée par M. Brügger, cette loi se trouve avoir perdu toute généralité. De l’aveu même de M. Brügger, il existe extrêmement peu de régions dans lesquelles la succession des roches de pro- fondeur soit établie avec quelque précision ; par contre, le Massif central de la France est mainte- nant, grâce aux travaux de MM. Fouqué, Rames, Michel-Lévy, Boule et Termier, certainement la région la mieux connue du globe au point de vue de la succession des coulées. M. Michel-Lévy fait remarquer que celte succession est en désaccord absolu aussi bien avec les idées théoriques de M. Brügger qu'avec celles de M. Iddings. Si les premières et les dernières éruptions sont basi- ques (basaltes miocènes et quaternaires), comme le veul la Lhéorie de M. Brügger, l'acidité crois- sante des éruptions intermédiaires n’est nulle- ment vérifiée, car, aussi bien au Cantal que dans le Mont-Dore et dans le Velay, il y a des al- ternances répétées de roches acides, de roches de composition moyenne et de roches basiques. M. Boule, qui vient de publier sur le Cantal » miocène une étude des plus remarquables!, a pu … démontrer que la série volcanique du Cantal, plus compliquée qu'on ne l'avait cru jusqu'ici, est identique avec lesséries du Mont-Dore et du Velay et que, de plus, les trois séries sont synchroniques. Les trois districts volcaniques du Massif central « ont donc certainement puisé leurs laves dans un réservoir commun, « Si l’on admet, conclut M. Boule?, l'hypothèse d’un réservoir fermé ou d'un laccolithe, il faut lui donner des dimensions (150 kilomètres de diamètre) qui dépassent de beaucoup celles des laccolithes dont on peut cons- tater de visu l'existence ». II. — LES DÔMESs. Depuis plusieurs années on remarque, dans les travaux de tectonique, l'usage fréquent du terme de dôme, que l’on ne rencontrait que rarement dans des ouvrages plus anciens. Ce n’est pas que la notion de dôme soit d'introduction nouvelle dans la science géologique, mais cetle notion a été précisée récemment, en même lemps que deve- naient de plus en plus nombreux les exemples d'accidents tectoniques auxquels convenail cette appellation. On peut désigner sous le nom de dôme tecto- nique * une surélévation circulaire ou elliptique de l'écorce terrestre dans laquelle les couches plongent de toutes parts d'un point central vers la périphérie. On a appelé, par contre, cuvelle syn- clinale une dépression de l'écorce terrestre dans laquelle les couches plongent de toutes parts de la périphérie vers un point central. Quand l'érosion s'attaque à un dôme, elle fait apparaître des couches anciennes au milieu d’auréoles concentriques de couches de plus en plus récentes ; quand elle s'at- taque à une région entourant une cuvette syneli- nale, celte cuvette se traduit par un affleurement des couches les plus récentes, entouré d’auréoles concentriques de couches de plus en plus an- ciennes. Dômes et cuvetltes synelinales peuvent être envi- sagés comme des cas particuliers des anticlinaux et des synclinaux. Un pli simple, qui ne se soude pas à un pli voisin, n'a pas une longueur illimitée : il se termine généralement à ses deux extrémités par un plongement périclinal des couches, par une moitié de dôme, dans le cas de l’anticlinal, par une demi-cuvette dans le cas du synclinal. Quand 1 Bull. Serv. Carte géol., n° 54. ? Bull. Soc. géol., t. XXIV, p. 139. * Ne pas confondre avec les dômes volcaniques, dont la nature est toute différente. | EMILE HAUG — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE l'anticlinal est extrêmement court! il ne se dis- tingue en rien d'un dôme ; de même la cuvette est un synclinal dont la longueur se rapproche beau- coup de la largeur. Quand un anticlinal présente des variations nombreuses et brusques dans l'altitude des points situés sur son axe, il se décompose en un certain nombre de dômes disposés bout à bout en chapelet et correspondant aux surélévalions de l'axe. Ces dômes sont séparés les uns des autres par des dé- pressions correspondant à des abaissements d’axe. Dans certains cas, les surélévations que présente l'axe d'un pli sont dues au croisement du pli par un pli transversal ; les dôûmes peuvent correspondre alors à l'intersection de deux anticlinaux, les cuveltes, à l'intersection de deux synelinaux. Mais on ne doit pas envisager seulement le cas où l’axe d’un pli unique subit des surélévations et des abaissements; les axes de tout un ensemble de plis peuvent présenter des maxima ou des minima au niveau d'une même ligne transversale. Dans le cas des maxima, une surface passant par les axes de tous les plis présentera une forme convexe, comparable à un dôme et la surélévation recevra le nom d'aire anticlinale ; dans le cas des minima, la même surface présentera une forme concave, comparable à une cuvette synclinale, et la dépres- sion correspondante recevra le nom d'aire syn:li- nale ?. Les aires anticlinales et les aires synclinales, aussi bien que les dômes et les cuvettes synclinales qui résultent de surélévations et d'abaissements d'axes, sont en relation directe avec les plis ou avec les faisceaux de plis, mais il existe également des accidents tout à fait analogues qui sont complè- tement indépendants du dessin général des plis d'une région; tout au plus les plis se sont-ils mou- lés ullérieurement sur les accidents elliptiques préexistants. L'un des premiers exemples qui aient été signalés de ces dômes indépendants, se trouve dans le district du Grand Cañon : c’est le « San Rafaël Swell », décrit par Dutton dès 1882. Mais un 1 M. P. Lory vient tout récemment de proposer la déno- mination de brachyanticlinaux pour ces accidents intermé- diaires entre les dômes et les plis anticlimaux. ? Cès termes d'aire anticlinale et d'aire synclinale, proposés par M. Munier-Chalmas, ont été adoptés par plusieurs au- teurs. L'exemple le plus remarquable peut-être d'aires anticli- nales est fourni par les massifs anciens de la France, tandis que le bassin de Paris constitue, depuis les travaux d'Hébert et de MM. G. Dollfus et Marcel Bertrand, mm exemple clas- sique d'aire synclinale. Le massif armoricain, le massif cen- tral de la France et le massif, morcelé par des effondrements ultérieurs, qui comprenait les Vosges et la Forét-Noire, cor- respondent chacun à une grande aire anticlinicale et sont "le résultat de la surélévation locale des axes d'un même grand faisceau de plis, qui décrit, dans le Plateau central, le V bien connu. Les détroits du Poitou et de la Côte-d'Or cor- respondent, d'autre part, à un abaissement des axes du méme pli. REVUR GÉNERALE DES SCIENCES, 1897. exemple encore bien plus frappant.est fourni par les Petites Montagnes Rocheuses. Ce massif, dont une étude préliminaire a été donnée, tout récem- ment, par MM. Weed et Pirsson!, est comme une île boisée qui s'élève de 2 à 3.000 pieds au-dessus des plaines dénudées du Montana central ; ilest situé à 180 milles à l'est des Montagnes Rocheuses, entre le Missouri et la rivière du Lait. C'est un soulève- ment en forme de dôme, amenant à l'affleurement des terrains paléozoïques et archéens au milieu de couches crétacées parfaitement horizontales. Le Jurassique forme, sur tout le pourtour, une bande étroite entre le Crétacé et le Carbonifère. Le centre est occupé par un noyau de schistes cristallins, autour duquel les terrains paléozoïques forment des auréoles concentriques”. Comme exemple de dôme autour duquel vien- nent se mouler les plis de la région avoisinante nous cilerons celui de lacime de Barrot (Alpes-Ma- ritimes) décrite récemment par M. Léon Bertrand *. C'est un dôme à noyau permien, dont la couverture triasique et jurassique présente, sur les trois quarts du pouriour, une série de plis concentriques, dé- versés vers l'extérieur et qui contournent sans interruption l'extrémité occidentale du dôme. Il existe également des aires anticlinales ou des aires synclinales qui, dans leur ensemble, se com- portent comme des dômes ou des cuvettes et qui paraissent présenter une indépendance complète du faisceau de plis au milieu duquel ils surgissent; ce sont les accidents auxquels M. Marcel Bertrand a donné le nom de massifs amygdalvides. Lorsque ces massifs constituent des aires anticlinales, ils naissent dans un synclinal; au contraire, lorsqu'ils constituent des aires synelinales, ils naissent dans un antielinal. Dans les deux cas, ils correspondent à l'épanouissement d'un pli unique. Dans certaines chaines de montagnes très com- plexes, comme par exemple les Alpes, il existe à la fois des aires anticlinales qui correspondent à des surélévations de tout un faisceau de plis (exemple : massif de l'Aar), des massifs amygda- loïdes (Vanoise) et des dômes simples (Mont Rose), et tous ces accidents ont été confondus le plus sou- vent sous le nom de massifs centraux, tandis que les accidents synelinaux correspondants n'ont altiré que lout récemment l'attention des géo- logues. Dans un grand nombre de régions, telles que la Tunisie, par exemple, le régime des dômes est le 1 The Journal of Geoloqgy, vol. IV, n° #, pp. 399-428. 2 Entre le Cambrien et les schistes cristallins s'étend une nappe de microgranulite et d'orthophyre dont les parties altérées. traversées de filons de quartz, contiennent des tel- lurures d'or qui font déjà l'objet d'une exploitation active aux alentours de la ville nouvelle de Landusky. * Comples rendus Acid. Sce., x juillet 1895. 158 trait fondamental de la tectonique, et les plisse- ments à développement linéaire n’y jouent qu'un rôle peu considérable. Enfin, il existe des régions, comme le Dévoluy ‘, où une première phase oro- | génique (antésénonienne) comprend surtout des accidents en forme de dûômes, tandis qu'une seconde phase (postoligocène), superposée à la première, est caractérisée par des faisceaux de plis linéaires. L'intérêt principal que présentent les dûmes réside dans leur persistance, dans certaines ré- gions, pendant de longues périodes géologiques, et dans les oscillations verticales qui affectent leur surface. Tandis que, dans les régions avoisinantes, les couches reposent en concordance el sans lacunes les unes sur les autres, sur les dômes on observe de fréquentes discordances et des lacunes dans la série sédimentaire, attestant des émer- sions et des immersions successives. Il faut admettre que les portions elliptiques de l'écorce terrestre correspondant aux dômes se soulèvent et s'affaissent alternativement, dans certains cas indé- pendamment des plissements. Il y a longtemps que M. Munier-Chalmas avait expliqué ainsi les lacunes dans la série tertiaire du dôme du Bray, et M. Mar- cel Bertrand a montré, il y a quelques années, que le massif du cap Gris-Nez, dans le Boulonnais, devait être envisagé comme un dôme soulevé à l'époque jurassique et abaissé de nouveau au début de la période crélacée. « On se trouve done, ajoutait M. Bertrand, en présence d'un mouvement oscillatoire, tout à fait comparable à celui que, dans l'étude des causes actuelles, on désigne sous le nom d'’oscillations séculaires. » Depuis, d'assez nombreux exemples sont venus appuyer cette con- ception nouvelle; nous en connaissons dans les Basses-Alpes, en Tunisie, dans l’Apennin central, mais c'est surtout M. E. Fournier qui a fourni les plus manifestes, d'une part en Provence, d'autre part surtout dans le Caucase méridional?, où, à par- tir du Jurasique moyen, les dômes de Tkvibouti el de la Dziroula ont constamment été affectés d'oseil- lations verticales, attestées par les lacunes de sédi- mentation, les facies littoraux, les discordances. De même que les dômes simples, les aires anti- clinales peuvent être soumises dans leur ensemble à des oscillations verticales, très compréhensibles si l’on envisage ces unités tectoniques comme des surélévations des axes dans un faisceau de plis. Dans cette interprétation, due à M. Munier-Chal- mas, on peut fort bien se rendre compte des causes 1 JP, Lory : Sur la tectonique du Dévoluy et des régions voisines, à l'époque crétacée. Comptes rendus Acad. Sc., 17 août 1896. 2 E. Fournier : Descriplion géologique du Caucase central, 4 vol, in-4°, 289 p., 23 pl., Marseille, 1896. ÉMILE HAUG — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE qui ont déterminé, dans le massif Armoricain, pen- dant la période tertiaire, en Scandinavie, à l'époque actuelle, les déplacements des lignes de rivage. Enfin, il nous reste à mentionner les accidents périphériques que peuvent présenter les dômes. Souvent le mouvement de surrection aura laissé en profondeur certaines couches, de sorte que la suc- cession des terrains sera incomplète sur les flancs du dôme. ! Il faudra, dans ce cas, se garder de con- fondre ces lacunes mécaniques avec des lacunes dans la sédimentation, dues à une émersion du dôme. Il est possible qu'il faille appliquer cette interprétation aux « vallées tiphoniques » que l'on a décrites dans le Portugal. Il peut se présenter encore le cas d’un étrangle- ment de la base du dôme, accompagné d'un déver- sement périphérique des flanes sur les terrains environnants. Le dôme prend alors la forme d'un champignon. C'est encore M. Fournier ? qui a décrit les exemples les plus frappants de cette singulière structure. III. — LE TRIAS ASIATIQUE Si le Trias alpin constitue dès à présent le type classique du système triasique, on peut prévoir déjà que ce rôle — dévolu précédemment au Trias germanique — lui sera disputé un jour par le Trias asiatique. Il y a quelques années, on savait bien, par un travail de de Koninck, que la Salt-Range, dans l'Inde anglaise, renfermait des dépôls riches en Cératites; les travaux de Strachey, d'Oppel, de Stoliczka, de M. Griesbach nous avaient appris qu'il existait, dans l'Himalaya, des couches triasi- ques contenant des Ammonites semblables à celles du Trias alpin; une monographie de M. von Mojsi- sovics avait fait connaître plusieurs faunes très intéressantes du Trias inférieur de la Sibérie sep- tentrionale; mais ce n'est qu'hier que des mémoires volumineux, dus à MM. Waagen, Diener et E. von Mojsisovics, sont venus nous révéler les trésors paléontologiques que renferme le Trias de la Salt- Range * et de l'Himalaya“. Les malériaux décrits 1 Dans ce cas M. Fournier parle de « dômes de lami- nage », assez improprement d'ailleurs, car il n'y a pas eu étirement des couches, mais plutôt disparition en profon- deur par suite de glissements. 2 Etudes stratigraphiques sur le massif d'Allauch. Bull. Soc. Géol. Fr. t&. XXII, pp. 508-545. Note sur la tectonique de la chaine de l'Etoile et de Notre-Dame-des-Anges. 1bid., &. XXIV, pp. 255-266, etc. % Palæontologia indica. Ser. XIII, Salt-Range fossils, vol. II. Fossils from the Ceralite Formation, by W. Waagen, gr. in-40, 393 p., 40 pl. # Palæontologia indica. Ser. XV. Himalayan fossils, vol. II. Trias, part. 2, The Cephalopoda of the Muschelkalk, by Carl Diener, 118 p., 31 pl. — E. von Mojsisovics : Beiträge zur Kenntniss der obertriadischen Cephalopoden-Faunen des Ïimalaya. Denkschr. d. math.-naturw. Cl d. hais. Akad. d. Wissenseh., vol.LXIL, pp. 515-701 ; 22 pl., 1896. ÉMILE HAUG — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE 159 dans ces monographies ont été recueillis, ceux de la première région par M. Waagen et par quelques collaborateurs, ceux de la deuxième, par une série d'explorateurs, et surtout par MM. Griesbach et Diener, qui, dans une expédition récente, organisée à frais communs par l'Académie des Sciences de Vienne et par le Geological Survey de l'Inde, purent étudier avec le plus grand soin la succession tria- sique de l'Himalaya central. Les résultats strali- graphiques et tectoniques de celte expédition sont consignés dans un beau mémoire de M. Diener ?. Prenant ces travaux récents comme point de départ, nous allons essayer de donner un aperçu général du Trias asiatique, en suivant l’ordre chro- nologique des étages. Dans aucune partie du monde le Trias inférieur ne présente un développement aussi complet qu'en Asie: tandis qu'en Europe ce groupe n'a fourni, après un demi-siècle de recherches, que 25 espèces de Céphalopodes, on en connait, dès aujourd'hui, 212 en Asie, et cependant aucune localité asiatique p'a fait l'objet de fouilles prolongées et répétées; d'autre part, tandis que dans les Alpes on ne con- nait qu'un seul niveau à Céphalopodes, qui occupe la partie tout à fait supérieure du Trias inférieur, dans la Salt-Range on ne connait pas moins de 6 horizons superposés, caractérisés chacun par une faune spéciale ; aussi cette région de l'Inde peut- elle maintenant être considérée comme la région type pour l'étude du Trias inférieur. Les nombreux Ammonoïdés que M. Waagen a décrits dans ces | couches appartiennent surtout aux familles des Cératitidés, des Ptychitidés el des Meekoceratidés: ce sont des formes à cloisons prionidiennes et l'on ne connait, dans le Trias inférieur de la Salt-Range, aucun genre à cloisons d'Ammonites, landis que, dans le Permien de la même région, ce stade est déjà atteint par plusieurs genres. Quoique chacune des zones du Trias inférieur soit caractérisée par des espèces spéciales, les genres se rencontrent pour la plupart dans toute la série, et la seule différence que l’on puisse signaler entre Les zones inférieures et les zones supérieures nous parait résider dans la présence du genre Celtites, dans ces dernières seulement; on ne saurait donc attribuer qu'une valeur provisoire à une division du Trias inférieur de la Salt-Range en deux étages, l’inférieur, com- prenant les {rois zones qui constituent les « cal- caires inférieurs à Cératites » et les « marnes à Cératites », le supérieur comprenant les trois zones des « grès à Cératites ». L'étage supérieur parait seul correspondre au Werfénien d'Europe; il con- 1 C. Diener : Ergebnisse einer geologischen Expedition in den Central-Himalaya von Johar, Hundes und Painkhanda, Denkschr. d. math.-naturw. CL d. kais. Akad. d. Wissensch., vol. LXIF, pp. 533-608; 7 pl., 1 carte, 1895. vient done d'adopter pour l'inférieur le nom de Gandarien, proposé par MM. Waagen et Die- ner !. Dans l'Himalaya on peut reconnaitre également deux étages distincts dans le Trias inférieur, mais leurs caractères paléontologiques sont tout diffé- rents de ceux que présentent le Gandarien et le Werfénien de la Salt-Range. L'étage inférieur est constitué par les « Otoceras-beds », dans lesquels on connait dès à présent 44 espèces de Céphalo- podes, appartenant surtout aux genres Danubites, Proptychites, Ophiceras, Otoceras, Meekoceras. Au- cure de ces espèces n'existe dans l'étage gandarien de la Salt-Range, mais deux ou trois d’entre elles ont été signalées par M. Diener * dans les couches à Proptychites hiemalis des environs de Wladi- wostock, dans la Sibérie orientale (Oussouri méri- dional); elles sont associées à une espèce des marnes à Cératites de la Salt-Range ; il est donc vraisemblable que les couches à Otoceras et les couches à Proptychites hiemalis doivent rentrer dans le Gandarien et l’on ne voit pas la nécessité de créer pour elles un étage spécial, le Gangétien, plus ancien que le Gandarien. Toutefois il ne faut pas perdre de vue que les couches à Otoceras * re- présentent les plus anciennes couches triasiques connues, car elles passent insensiblement à leur base à des couches permiennes qui contiennent 1 Parmi les dix-neuf nouveaux noms d'étages et de sous- étages proposés par MM. von Mojsisovies, Waagen et Diener dans leur « Essai de subdivision des sédiments pélagiques du système triasique » (Entwurf einer Gliederung der pela- gischen Sedimente des Trias-Systems. Sifzungsber. d. hais. Akad. d. Wiss., malh.-naturw. Classe, vol. CIV, Abth. I, pp. 1271-1302, 1895), seul celui de Gandarien nous parait susceptible d'être conservé. Plusieurs de ces noms font double emploi avec des noms déjà existants, tels que Werfénien, Virglorien, rejetés par les trois savants autrichiens sous le prétexte qu'ils sont de simples périphrases d'anciens noms locaux, comme s'il n’en était pas de même de l'Oxfordien Oxford-clay), du Kimeridgien (Kimeridge-clay), du Thané- tien (Thanet-sands), noms que personne ne songe à rem- placer par d'autres. Des dénominations telles que « Brahma- nien » doivent être systématiquement repoussées comme n'ayant pas une étymologie géographique; personne n'em- ploie plus les noms de « Murchisonien », de « Saliférien », et le « Corallien » lui-même commence à tomber en désuétude. Que dire, enfin, d'une subdivision du Trias moyen et supé- rieur en dix sous-étages, dont sept correspondent à une zone unique! M. von Mojsisovies parait d'ailleurs oublier qu'en 1869 il avait déjà proposé comme subdivisions du Trias supé- rieur d’autres noms (Larien, Badiotien, Halorien, OEnien), dont il n'est plus question dans le nouvel essai. Si tous les terrains de la série géologique devaient être soumis à des expériences de nomenclature aussi inconsidérées, la strati- graphie deviendrait une science accessible tout au plus à quelques initiés. Pour le Trias, on peut parfaitement se contenter d'une division de chacun des trois groupes en deux étages (Gandarien- Werfénien, Virglorien-Ladinien, Carnien-Norien). 2 C. Diener : Triadische Cephalopodenfaunen der ostsibi- rischen Küstenprovinz. Mém. Comilé géol., vol. XIV, n° 3, Saint-Pétersbourg. # Le genre Otoceras existe également dans les couches permiennes de Djoulfa en Arménie. 160 ÉMILE HAUG — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE un certain nombre d'espèces des Calcaires à Pro- ductus supérieurs de la Salt-Range. Dans cette der- nière région il existe, par contre, une lacune entre le Permien et le Trias inférieur, car ce dernier débute par un conglomérat surmonté de grès et de schistes sans fossiles, qui viendraient se placer au niveau des couches à Otoceras, tandis que, récipro- quement, dans l'Himalaya, des schistes et des cal- caires peu fossilifères, faisant suite aux couches à Otoceras, correspondraient aux calcaires et aux marnes à Cératites de la Salt-Range. Le parallélisme entre les représentants de l'étage supérieur du Trias inférieur, dans les différentes régions de l'Asie, est bien plus facile à établir. Les couches à Ceratites subrobustus de l'Himalaya con- tiennent plusieurs espèces que l'on rencontre dans les grès à Céralites de la Salt-Range, tandis que, d'autre part, deux espèces leur sont communes avec les couches de l'Olenek, dans la Sibérie sep- tentrionale, dont M. E. von Mojsisovies a fait con- naître, il y a quelques années, la riche faune, el dont il a établi le parallélisme avec les couches de Werfen, dans les Alpes. Ces dernières, malgré leur synchronisme, ne cortiennent aucune espèce qui se retrouve en Asie; le genre Zürolites, qui constitue le trait caractéristique de leur faune, n’est encore connu qu'en Europe (dans les Alpes et au mont Bogdo, dans la steppe d'Astrakhan); de plus, le genre voisin Dinariles, que l'on rencontre en Eu- rope, en Sibérie et dans la Salt-Range, manque totalement dans le Trias inférieur de l'Hima- laya. Dans l'état actuel de nos connaissances, le Trias moyen est beaucoup moins développé en Asie que le Trias inférieur ; l'étage supérieur, le Ladinien, n’est encore connu qu'en un fort petit nombre de points, tandis que l’inférieur, le Virglorien (Mu- schelkalk alpin), est très fossilifère, au moins dans l'Himalaya. Dans cette région, la zone inférieure du Virglorien ne parait représentée que par | à 9 mètres de calcaires à Brachiopodes, danslesquels on n'a trouvé encore qu'un exemplaire unique d’Am- monite (Sibirites Prahlada Dien.). En revanche, la zone supérieure, qui correspond très bien à la zone à Ceralites trinodosus d'Europe, est extrêmement fossilifère et constitue le niveau le plus constant du Trias de l'Himalaya; ce sont des calcaires gris noduleux que l'on à signalés depuis le Ladakh et le Kashmir jusqu'aux confins du Nepal. La faune, dans laquelle prédominent les genres Ceratiles, Meekoceras, Gymnites, Ptychites, présente des carac- lères intermédiaires entre les couches à Ceralites trinodosus d'Europe (Alpes orientales, Bosnie) el les calcaires à Daonelles du Spitzherg, mais elle contient aussi beaucoup d'éléments spéciaux, tels que Buddhaites Rama Dien., qui avait été confon- du jusqu'à présent avec Carniles fluridus, du Trias supérieur des Alpes‘. Dans la Salt-Range, le Virglorien est constitué par les calcaires supérieurs à Cératites, niveau très fossilifère, qui n'a pas fourni à M. Waagen moins de 41 espèces d'Ammonites et dans lequel prédo- minent les genres Ceratiles, Cellites, Stephanites, Anasibiriles, Meekoceras, Acrochordiceras. Ce der- nier genre est surtout caractéristique du Virglorien; une espèce de la Sall-Range se trouve même être presque identique avec Acr. Damesi, espèce du Wellenkalk allemand. Les calcaires supérieurs à Céralites ne renferment, par contre, aucune espèce du Virglorien de l'Himalaya; mais il est difficile de voir dans ce fait une raison suffisante pour les considérer, avec MM. Waagen et Diener, comme le type d'un étage spécial, plus ancien, l « Hydas- pien ». Le Virglorien est représenté, dans la Sibérie orientale, par les couches à Wonophyllites sichoticus de l'Oussouri, reconnues par M. Diener; dans la Sibérie septentrionale, par les couches à Aungarites triformis et à Meekoceras affine du rocher de Magyl et de l'Olenek inférieur, reconnues par M. von Moj- sisOviCs. F L'étage supérieur du Trias moyen, le Ladinien (Norien Mojs. + Carnien inférieur), est actuelle- ment beaucoup moins connu en Asie que le Virglo- rien; dans l'Himalaya il fait totalement défaul; dans la Salt-Range, il est représenté par des cal- caires à Bivalves dans lesquels on ne connaît que trois Ammonites (Dinarites, ? espèces de Lecaniles). M. Waagen à été frappé de la ressemblance des Lamellibranches avec ceux du Muschelkalk d’AI- lemagne; d'autre part, le genre Lecanites s'élève également dans les Alpes jusqu'à la partie supé- rieure du Ladinien. C'est peut-être aussi au niveau du Ladinien que viennent se placer les schistes argileux avec faune 1 Tandis que le Virglorien présente des caractères très uni- formes sur tout le versant hindou de l'Himalaya central, MM. Griesbach et Diener l'ont rencontré plus au nord, dans la région de Chitichun, dans le Thibet méridional, en lam- beaux qui affectent un facies tout différent. Ce sont des calcaires rouges à Crinoïdes, à Brachiopodes et à Céphalo- podes, tout à fait semblables aux calcaires de Hallstadt; parmi les Ammonoïdés, les genres Monophyllites et Xenaxpis, qui font entièrement défaut dans le Virglorien des autres parties de l'Himalaya sont particulièrement bien représentés; toutes les espèces sont nouvelles, mais plusieurs d'entre elles possèdent des affinités étroites avec des espèces de Virglorien d'Europe. Des lambeaux de Permien, qui se trouvent associés aux lambeaux triasiques des environs de Chitichun, contiennent une faune également fort différente dé celle duPermien du versant hindou. Les lambeaux per- miens et triasiques de Chitichun se présentent sous la forme dé masses exotiques de dimensions variables au milieu d’ar- giles berriasiennes (Spiti-shales) ou de grès analogues au Flysch (Gieumal-sandstone); ce sont de véritables Ælppes, analogues aux klippes des Carpathes et des Alpes. Si ces ÉMILE HAUG — REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE 461 du Muschelkalk ! que M. L. von Loczy à rencontrés à Tschung-Tjen, dans le Yunnan. Rappelons enfin que M. von Mojsisovies a signalé il y a quelques années, dans l'ile de Nipon (Japon), une faune ladinienne, constituée par les genres Ceratites, Arpadites, Danubites, Japonites, Anolcites, Gymnites, et quin'estpas sans présenter de grandes analogies avec celle du groupe de Star Peak du Nevada, aux États-Unis. Le Trias supérieur est représenté dans la Salt- Range par des couches presque entièrement dé- pourvues de fossiles el dans lesquelles on n'a encore trouvé qu'un échantillon de Céphalopode (Pseudharpoceras spinigerum Waag.); en revanche, il possède dans l'Himalaya central un fort beau déve- loppement. Dans cette région, grâce à l'étude détaillée des coupes de Shalshall Cliff près Rimkin Paiar et de Bambanag, par MM. Griesbach et Diener, la succession des couches et la distribution des fossiles est maintenant fort bien connue, et ces fossiles ont fait l'objet d'une belle mono- graphie due à M. von Mojsisovics ; à la base se trouvent des représentants de l'étage carnien, qui supportent des équivalents du Norien des environs de Hallstadt (Juvavien Mojs.). Les couches car- niennes inférieuresreposent immédiatement etsans discordance sur les couches fossilifères du Vir- glorien; il ya donc, dans la série triasique de l'Himalaya, une lacune correspondant à l'étage ladinien : c'est exactement, comme l’a fait remar- quer M. Diener, la répétition de ce qui a lieu dans les environs de Hallstadt, où existe une lacune de même durée. Les calcaires à Crinoïdes, par les- quels débute le Carnien dans l'Himalaya, con- tiennent plusieurs espèces à peu près identiques à des espèces de la zone à 7'rachyceras aonoides du Carnien inférieur des Alpes ; ces formes sont asso- ciées à deux types qui, en Europe, ne s'élèvent pas au-dessus du Ladinien, mais les genres qui, dans l'Himalaya, apparaissent pour la première fois dans le Carnien inférieur ont fait leur apparition dans les Alpes au même niveau. Les schistes à Daonella et les calcaires à Zropites, qui font suite aux cal- caires à Crinoïdes, renferment de nombreux genres klippes sont des lambeaux de recouvrement, comme le sont certainement celles du canton de Schwytz, en Suisse, et celles de l'Ubaye, on ne peut indiquer actuellement l'origine du grand pli couché dont elles constitueraient des témoins. 4 La question de l'attribution du Muschelkalk supérieur d'Allemagne au Ladinien a fait un grand pas grâce à la découverte, par M. Tornquist, de Ceratiles nodosus, que jusqu'à présent on avait en vain cherché dans les Alpes, dans les couches de Buchenstein, à Recoaro, en Lombardie. Il y a lieu d'espérer maintenant que M. von Mojsisovics et son école cesseront d'appeler « Muschelkalk supérieur » les couches: virgloriennes supérieures, à Ceraliles trinodosus. Quant au parallélisme de ces dernières avec le calcaire à Encrinus lilüformis, admis par M. Tornquist, il nous parait fort contestable. d'Ammoniles cryptogènes, tels que £'ulomoceras, Analomites, Jovites, Tropiles, etc. Ces genres sont inconnus partout dans le Trias moyen et l'on n'y connait pas davantage de types qui pourraient être envisagés comme leurs ancêtres. L'apparilion simultanée destypes crytogènes du Trias supérieur dans les Alpes et dans l'Himalaya et la lacune qui, dans les deux régions, correspond exactement au Ladinien montrent une fois de plus que, contrairement à l'opinion de M. von Mojsiso- vies, on doit faire débuter le Trias supérieur avec la zone à 7rachyceras aonoides (couches de Raibl) et non avec la zone à Z'rachyceras Aon (couches de Saint-Cassian), qui doit être raltachée au Ladinien ; que le Ladinien doit êlre réuni au Trias moyen, et, enfin, que l'étage Tyrolien, quirapproche artificielle- mentle Ladinienetle Carnien, doit être abandonné. Les calcaires noirs du Norien inférieur de Bam- banag ont fourni à M. Diener une riche moisson d'Ammoniles ; les genres Æalorites, Parajuvavites, Tibetites, Steinmannites, Clionites, elc., sont repré- sentés par de nombreuses espèces, tandis que les Arcestes, les Pinacoceras y sont fort rares. Une parlie de la faune présente de grandes analogies avec celle du Norien de Hallstadt, quoique les deux régions ne possèdent aucune espèce en commun ; d'autres éléments de la faune sont, par contre, propres à l'Himalaya. Les parties supérieures du Norien sont beaucoup moins fossilifères dans les coupes de M. Diener; au-dessus des couches à Æalorites viennent des calcaires dolomitiques à Brachiopodes, puis des calcaires à Lamellibranches, dans lesquels on n’a recueilli qu'un fragment d'Ammonite. Le Trias se termine par de puissantes masses de calcaires, analogues au calcaire du Dachstein, dans les Alpes, qui représentent déjà le Rhétien, au moins dans leur partie supérieure. On ne connaît que fort peu de jalons réunissant le Trias supérieur des régions alpines à celui de l'Himalaya. Nous ne pouvons citer que les points suivants : lescouches à W/onotis salinaria du Pamir, que nous mentionnions dans notre revue annuelle de 1895; un exemplaire de Didymites, genre d'Am- monite essentiellement norien, trouvé en Afgha- nistan par M. Griesbach, dans un bloc isolé ; puis les dépôts vraisemblablement noriens de Balia- Maaden, en Asie Mineure, dont la faune, composée surtout de Brachiopodes et de Lamellibranches, commence à ètre assez bien connue, gràce aux explorations de M. Bukowski et aux études paléon- tologiques de M. Bittner; enfin, un gisement de calcaires extrèmement fossilifères, découvert ré- cemment par M. Franz Toula', près du golfe 1 Neues Jahrbuch f. Miner., Geol., 1896, vol. I, pp. 149-151. 162 EMILE HAUG — d'Ismid, encore en Asie Mineure, et dans lequel le célèbre géologue-voyageur a recueilli 56 espèces, nouvelles pour la plupart, mais à affinités manifes- tement virgloriennes (zone à Ceratiles trinodosus). Tandis que les dépôts triasiques inférieurs et le Virglorien étaient bien représentés sur les bords de l'Océan Arctique, au Spitzhberg et dans le Nord de la Sibérie, il n’en est plus de même du Trias supérieur, car on ne connait de dépôts qui puissent lui être attribués que dans la Sibérie orientale. Ce sont les couches à Pseudomonotis ochotica, dont l'âge norien (juvavien Mojs.) est maintenant bien établi et que l’on rencontre sur tout le pourtour du Pacifique: à Werchojansk, dans le golfe d'Ochotsk, au Japon, dans la Nouvelle-Calédonie (où l’on à trouvé également un Stenarcestes figuré par M. Moj- sisovics etun PAylloceras de type norien), dans la Nouvelle-Zélande, dans la Nouvelle-Galles du Sud, au Pérou, dans la Colombie, la Californie, la Colombie Britannique et dans l'Alaska. Aucun ni- veau triasique ne possède une aussi vaste extension géographique et l’on peut constater qu'il se contre précisément dans des régions où les étages inférieurs du système n'ont pas encore été signalés. On commence à pouvoir relier les dépôts tria- siques du pourtour du Pacifique à ceux de l'Inde. Il ya quelques années, M. Rothpletz a signalé dans l’île de Rotti, près de Timor, du Trias supérieur avec Monotis salinaria, des Halobia, et des Daonella, et tout récemment M. Douvillé a reconnu dans un envoi de fossiles recueillis sur le chemin de fer de Phu-lang-Thuang à Langson (Tonkin) un Céphalo- pode à cloisons de Céralite, que M. Diener attribue au genre Pronoriles, du Trias inférieur. La distribution géographique des dépôts tria- siques marins à la surface du globe doit donner lieu, pour terminer, à quelques remarques. On s'aperçoit que le type alpin est presque excelusi- vement localisé dans une zone correspondant à l'emplacement de celles des chaines de montagnes qui doivent leur formation à des plissements datant de la fin de la période tertiaire. Il y a une coïnei- dence frappante entre l'emplacement de cette zone, — qui comprend le système alpin, les montagnes de l'Asie Mineure, les chaînes iraniennes, l'Himalavya, l'Indo-Chine et les îles de la Sonde, — et l'empla- cement de l'ancienne mer que Neumayr appelait « Méditerranée centrale », et que M. Suess a dési- gnée sous le nom de « Tethys » ; à l’époque tlria- sique, cette coïncidence est presque parfaite. Non moins frappante est la coïncidence entre la zone ren- REVUE ANNUELLE DE GÉOLOGIE circumpacifique, caractérisée par la présence de couches à Pseudomonotis ochotica, et la bande de montagnes plissées qui entoure le Grand Océan, et qui comprend la Cordillère des Andes, les Aléou- tiennes, les Kouriles, le Japon, les Philippines, la Nouvelle-Guinée, la Nouvelle-Calédonie et la Nou- velle-Zélande. On peut se demander si la bande de sédiments triasiques qui entoure tout le Paci- fique actuel est une bande littorale et sile Pacifique existait dès l'époque secondaire à l'état de grande dépression, ou si elle ne correspond pas plutôt à une sorte de large chenal ou géosynelinal entou- rant un continent situé sur l'emplacement de l'océan actuel. Les deux branches de ce géo-syneli- nal cireumpacifique se raccorderaient à l’est de l'île de Bornéo avee la « Tethys ». Les éruptions volcaniques du Pacifique, qui dénotent de vastes effondrements, aussi bien sur le pourtour de l'océan que dans sa partie centrale, nous font pencher vers cette deuxième manière de voir. La mer circumpacifique aurait existé pendant toute la période secondaire et le continent qu'elle entourait ne se serait morcelé, puis abimé définiti- vement que pendant la période tertiaire, tandis que les chaines de montagnes se formaient sur l'emplacement du géosynelinal. L'histoire du Pacifique reproduirait donc, dans des proportions gigantesques, l'histoire de la Médi- terranée occidentale. On peut distinguer dans les mers du Trias plu- sieurs provinces zoologiques : d’abord une province boréale, comprenant, dans l’état actuel de nos con- naissances, le Spitzhberg et le Nord de la Sibérie ; puis une province circumpacifique, qui comprendra également la Sibérie orientale et que M. von Moj- sisovies réunit à la province boréale sous le nom de province arctico-pacifique; une province indo- européenne, que l'on pourrait, avec M. von Mojsi- sovics, subdiviser en deux provinces : la province indienne et la province alpine; enfin, la province germanique, qui n’est qu'une dépendance de la pro- vince alpine et ne possède, comme on le voit, qu'une bien minime imporlance à côté des types asiatiques du Trias. S'il n'existait pas, à l’époque triasique, d'océan Pacifique, c'est dans la province boréale qu'il faudra rechercher l'origine des faunes cryplogènes du Trias supérieur. Emile Haug, Docteur ès sciences, Chef des travaux pratiques de Géologie à la Faculté des Sciences de Paris. née sh ui Es BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 163 1° Sciences mathématiques Lallemand (Charles), Membre du Bureau des Longi- tudes, Directeur du Service du Nivellement général de la France. — Notes sur le rôle des erreurs systé- matiques dans les nivellements de précision et sur le degré de stabilité des piquets. (Extraites des Comptes rendus de la 11° Conférence générale de l'Association géodésique internationale, tenue à Berlin en octobre 1895.) — Note sur l'erreur de réfraction dans le nivellement géométrique. (Exlraile des Comptes rendus de l'Académie des Sciences, 27 juillet et 3 août 1896.) Dans son Rapport sur les travaux effectués, en 1895» par le Service du Nivellement général de la France, M. Ch. Lallemand nous apprend que la vérification des troncons du réseau fondamental (pour lesquels la dis- cordance entre les deux opérations d'aller et de retour dépassait la tolérance admise de 1#%,5 par kilomètre), atteignait, à la fin de 1895, la longueur de 1.460 kilo- mètres, soit 12 °/, de l'étendue totale du réseau. Or, c'est uniquement dans deux ou {rois cas que les nou- veaux résultats ont pu être substitués aux anciens, pour le calcul des écarts de fermeture des polygones. M. Lallemand attribue cet insuccès à deux causes : 1° Aux erreurs systématiques, qui s'ajoutent aux erreurs accidentelles — par lesquelles on a l'habitude de caractériser la précision d'un nivellement— et qui, inappréciables sur de petits parcours, arrivent, pour des lignes de grandes longueurs, à dépasser beaucoup, comme {otal, les erreurs accidentelles; 2° Au peu de stabilité des piquets employés, pour les deux opérations, comme repères provisoires, dans l'intervalle des repères métalliques permanents. Il à été ainsi conduit à étudier ces deux influences : il l'a fait dans les deux premières notes, que nous nous proposons d'analyser. Pour ce qui est des erreurs systématiques, il suffit pour déceler leur présence, dans un tronçon de réseau, de cumuler algébriquement les discordances relatives à ce tronçon : les parties purement acciden- telles, c’est-à-dire indifféremment positives ou néga- tives, se compensent partiellement, et leur influence croît seulement comme la racine carrée de la distance au point de départ. Au contraire, s'il existe un élément systématique, son effet, toujours de mème signe, grandit proportionnellement à la distance. Pour suivre plus commodément les résultats de ce calcul, l'auteur les à traduits graphiquement en diagrammes, dont les abscisses expriment les distances à l’origine du troncon £t les ordonnées les discordances cumulées depuis cette origine. Au lieu de présenter l'aspect de courbes ondulées ayant pour ligne moyenne l'axe des abscisses, comme cela arriverait si les opérations étaient affectées seulement d'erreurs accidentelles, ces diagrammes sont constitués par des courbes très notablement incli- nées par rapport à cet axe; l'allure systématique y est presque toujours très nettement accusée, D'ailleurs deux cas se présentent : ou bien, la courbe affecte, d'un bout à l’autre, une allure ascendante ou descen- dante à peu près régulière; ou bien, elle se divise en plusieurs tronçons, chacun d'allure à peu près uni- forme, mais inégalement inclinés les uns par rapport aux autres, comme si la cause déterminante des erreurs systématiques s'était brusquement modifiée. Dans ce second cas, on peut se demander s’il convient d'admettre un seul coefticient d'erreur systématique pour la section entière, ou si, au contraire, il ne serait pas plus rationnel de décomposer celle-ci en plusieurs BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX tronçons de même allure. M. Lallemand à successive- ment appliqué les deux modes de calcul], se réservant de voir plus lard, d'après les résultats obtenus avec plusieurs grands réseaux, lequel des deux procédés mérite la préférence. Il a employé une méthode qu'il avait déjà exposée ‘ en détail, el1l a trouvé, pour erreur systématique pro- bable par kilomètre, + 0,120 par le premier mode, HE Om,175 par le second. Il à recherché quelles pouvaient bien être les causes de cette erreur; après avoir incriminé successive- ment les profils des cheminements, les courbes de variation de la température et de la longueur des mires, les modifications survenues dans le personnel des brigades, dans le mode d'opération, dans la nature ou l'emploi des instruments, il n’est arrivé, pour aucune, à une conclusion positive. Mais si les causes restent à déterminer, leur effet n'en est pas moins certain. Connaissant l'erreur systématique moyenne, il suffit de l’éliminer des discordances effectives, pour avoir l'erreur purement accidentelle, sur un tronçon d'abord, puis sur l’ensemble du réseau. L'erreur accidentelle probable par kilomètre une fois déterminée pour le réseau, on peut obtenir a posteriori une seconde valeur de l'erreur systématique, en retranchant de la somme des carrés des écarts réels de fermeture des polygones la part des erreurs accidentelles. M. Lallemand a fait cela pour les principaux réseaux d'Europe. Finalement, il est arrivé aux conclusions suivantes : 1° Bien que le rôle des erreurs systématiques dans les nivellements n'ait été signalé jusqu'ici que très rarement, il y a tout lieu de croire que ce rôle est général et que, à peu d'exceptions près, les nivelle- ments de précision sont tous affectés d'erreurs de celte nature ; 2 Le coefficient probable de ces erreurs, dans la moyenne des deux opérations d'aller et de retour, est généralement compris entre 0®,05 et 0,30 par kilo- mètre ; 3° Dans l’état actuel des choses, le meilleur moyen d'atténuer l'effet des erreurs systématiques est de res- treindre les dimensions des mailles. Pour ce qui est de la stabilité des piquets employés comme repères provisoires dans l'intervalle des repères métalliques permanents, on sait que ces piquels sont constitués par des morceaux de bois, d'environ 30 cen- timètres de longueur et 4 centimètres de diamètre, surmontés d’un gros clou à tête bombée pour servir d'appui aux mires. Or, dans l'intervalle de 10 minutes à 15 jours qui sépare les deux opérations d'aller et de retour, ces piquels subissent un enfoncement où un relèvement imperceptible, mais dont il est facile de montrer l'influence. Si, en effet, pour un tronçon du réseau. au lieu de considérer, comme on l'a fait dans la note précédente, les discordances de repère à repère entre les deux opérations, on prend les discor- dances individuelles par nivelée, et qu'on essaie d'en déduire l'erreur accidentelle kilométrique du nivelle- ment, on trouve toujours un chiffre plus fort dans.le second cas que dans le premier. Pour le réseau fonda- mental du nivellement général de la France, Pexcès atteint Ou»,10 en moyenne, et 0,35 pour quelques sections. Cet excès provient des effets de l'instabilité des piquets, qui disparaissent dans le premier mode de calcul, et se font intégralement sentir dans le second, BREL — 1 Nivellement de haute précision, Paris 1889, Baudry, n? 59 164 M. Lallemand a calculé, par une méthode fort ingé- nieuse, la hauteur moyenne dont les piquets se sont ainsi déplacés verticalement, dans l'intervalle des deux opérations. Il à trouvé que cette hauteur moyenne pouvait être considérée comme formée d'une partie constante (0u®,30 environ) et d'une partie sensible- ment proportionnelle au temps (à peu près 0®,0% par jour). Elle à varié, pour les quinze sections étudiées, entre Onm 18 et Omm, 44. La réfraction aérienne fausse toutes les observations faites dans l'atmosphère, et principalement les visées horizontales effectuées dans ses couches les plus basses. Son effet doit donc atteindre son maximum dans les opérations de nivellement, qui ne sortent pas d'une tranche de 2 à 3 mètres d'épaisseur, contiguë au sol. Pour obtenir une formule générale de l'erreur de réfraction, il faudrait connaître dans tous les cas la variation de la densité de l'air avec la hauteur au-des- sus du sol. Cette question, ordinairement insoluble, estheureusement susceptible d'une solution approchée, dans le cas spécial du nivellement géométrique. M. Lallemand à établi une formule qui donne cette solution et qui l’a conduit aux conclusions suivantes : 1° La pression barométrique oscillant de 0,030, de part et d'autre de 0,760, il en résulte pour l'erreur de réfraction une variation de + 4°/, autour de sa valeur moyenne ; 2° La variation atteint + 43 °/,, quand la tempéra- ture passe de Æ 129 à — 6° ou à + 30°; 3° Il existe, entre les deux mires, une position du niveau pour laquelle la correction finale de réfraction est nulle ; % Lorsqu'on opère en terrain horizontal, l'erreur est proportionnelle à la longueur de la nivelée et à la différence des distances du niveau aux deux mires; 5° Ces distances étant supposées égales, u) Si les éléments de la nivelée (pente du terrain, hauteur du niveau, longueur de la nivelée) sont cons- tants, l'erreur de réfraction ne dépend plus que de l’état atmosphérique. Elle peut être donnée par un abaque hexagonal, que M. Lallemand a construit ; b) Si, l'état thermique restant constant, les éléments de la nivelée varient — moyennant certaines hypothèses, généralement réalisées dans les nivellements de préci- sion, — l'erreur de réfraction, nulle pour une pente égale à zéro, croît à peu près proportionnellement à elle Jusqu'à une de ses valeurs, dite de transition, puis décroît Jusqu'à s'annuler de nouveau pour une pente infinie. Dans des conditions atmosphériques ordinaires, et pour des nivelées de 150 mètres sur une pente égale à la pente de transition, l'erreur de réfraction peut atteindre 4 millimètres par kilomètre, soit environ le quintuple de l'erreur accidentelle probable d'un nivel- lement de haute précision. Ce chiffre prouve à lui seul l'utilité de tenir compte de cette erreur. GÉRARD LAVERGNE, Ingénieur civil des Mines. 2° Sciences physiques Steinheil (Robert). — La Reproduction des cou- leurs par la superposition des trois couleurs sim- ples. — 1 vol. in-8° jésus, avec 150 planches en chro- motypographie, donnant près de 15.000 tons. (Prix : 100 francs.) Beryer-Levraull et Cie, 5, rue des Beaux- Arts, Paris; 18, rue des Glacis, Nancy. 1896. C'est le désir de systématiser l'application des eou- leurs dans l'industrie qui a amené M. Steinheil à com- poser le bel ouvrage qu'il présente au public. Faisant partie de la renommée maison Berger-Levrault et Ci, l'auteur à voulu, comme il le dit dans son introduction, « d’une part, déterminer les moyens les plus économi- ques de reproduire l'aquarelle, le lavis, la peinture, ete.; d'autre part, fournir aux chromistes une collection de documents exacts dont l'ensemble leur fût un instru- ment de travail, un guide propre à leur faciliter le BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX choix des colorants à employer ». Les résultats nom- breux, pour la plupart nouveaux, qu'il à obtenus lui ont paru de nature à intéresser tous ceux qui étudient la couleur, la préparent ou l'utilisent. A l’aide de cet ouvrage, le physicien pourra à loisir comparer les résultats industriels du procédé de super= position, aussi bien avec les résultats correspondants donnés par le mélange des couleurs qu'avec ceux dus à l'emploi du disque de Maxwell. L'aquarelliste y étudiera les relations de « parenté» rallachant les diverses nuances aux couleurs simples, ainsi que les {tons simples à superposer pour obtenir, en un point voulu, un ton composé donné. Les industries d'art, de l'impression sur tissus, les fabricants de papiers peints, de tapisserie de luxe, ete., y trouveront à choisir des tons complémentaires se faisant au mieux valoir l’un l'autre. Quant aux imprimeurs, lithographes aussi bien que typographes, ils se rendront facilement compte de l'utilité que présente pour eux cet ouvrage, aujourd'hui que l’art des reproductions graphiques prend un si grand développement. Les planches du volume contiennent tous les tons qu'il est pratiquement possible de rendre au moyen des trois seuls tirages jaune, rouge, bleu. Elles com- prennent, en outre, les tons que l’on peut obtenir par quatre tirages (jaune, rouge, bleu, noir) et par cinq tirages (jaune, rouge, bleu, noir, vernis). Chaque ton obtenu est accompagné des tons simples composants, témoins qui permettent de reproduire à volonté ce méme ton composé. L'emploi judicieux de ces tons équidistants pourra, dans bien des cas, réduire au strict minimum le nom- bre des tirages. De plus, le chromiste se représentera rapidement à l'avance, en consullant cet ouvrage, les résultats qu'il peut obtenir, etil évitera ainsi les tätonne- ments,les épreuves multipliées, les fausses manœuvres. Tel est le but qu'a poursuivi l’auteur, tels sont les résultats auxquels il est arrivé et les services que son œuvre peut rendre à toutes les industries qui s'occu- pent de l'application des couleurs. Outre les 1450 planches, tirées avec un soin et une netteté parfaite, que renferme ce beau volume, on y trouve d’abord une définition très claire des termes = lumière, couleurs, couleurs spectrales, couleurs d'addi- tion, pigments, couleurs de soustraction..……., teinte, intensité chromatique, tons d’une couleur, tons lavé, rabattu, gris, franc, brillant, glacé; gamme, gamme lavée, etc... : toutes définitions empruntées aux divers ouvrages traitant de ce sujet, notamment à ceux de Chevreul, Lacouture, Rood, etc... Puis un premier chapitre est consacré à l'étude d'une série normale de tons Lypes, leurs gammes lavées, rabattues, grisées, brillantes et glacées. Dans ce chapitre, l'auteur insiste: sur la gamme lavée décimale, et relate qu'il est arrivé à reproduire simultanément, d'un seul coup de presse, dix tons équidistants; leur intensité varie suivant les termes d’une progression arithmétique, dont la raisom serait égale au 1/10° de l'intensité maximum que l'on peut obtenir. Pour fixer les idées, il appelle cette rai- son degré d'intensité. Les dix tons sont numérotés de 1 à 140, ces chiffres indiquant en degrés l'intensité du ton. Le chapitre suivant est consacré à l'étude de l’action respective des différents tons simples, et la troisième partie comprend quelques résultats des superpositions de couleurs. Comme conclusion, l'auteur tient, pour éviter tout malentendu, à bien spécitier que les planches publiées dans son ouvrage doivent être considérées comme une collection d'expériences réalisées mdustriellement dans des conditions bien déterminées. Inutile d'ajouter que ce travail est édité avec un soin tout particulier et qu'il fait honneur au praticien qui l'a mené à bonne fin et à la maison dont M. Steinheit est un des chefs. A. HALLER, Correspondant de l'Iustitut. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 3° Sciences naturelles Froiïidevaux (Henri), Docteur ès lettres. — Un ex- plorateur inconnu de Madagascar au XVII!° siècle : François Martin. — 1 brochure in-8° de 4x pages. (Extrait du Bulletin de Géographie historique et descrip- tive.) Imp. nationale. Paris, 1896. Il était naturel que la récente expédition conduisit les érudits à rechercher les vestiges des travaux accom- plis naguère par les Français à Madagascar : explora- tions et tentatives de colonisation. Au dernier Congrès des Sociétés savantes, M. Grandidier, avec sa grande autorité, remeltailt en lumière lintéressante figure du voyageur oublié Mayeur. Aujourd'hui, c'est un autre inconnu, François Martin, que M. Froidevaux tire de l'ombre, grâce à de précieux Mémoires, qu'il lui à été donné de consulter aux Archives nationales. François Martin joua au xvut siècle un grand rôle dans l'Hin- doustan. On sait qu'il y fonda la puissance francaise. Mais c’est à Madagascar qu'il fit, pour ainsi dire, son apprentissage d'agent colonial. Il résida sur la côte orientale de Pile, à Galemboule, à moins d'un degré au nord de Tamatave, en qualité de sous-marchand de la Compagnie des Indes Orientales, du 26 août 1665 au 6 septembre 1668. Il était chargé de récolter du riz dans l’arrière-pays et d'en approvisionner les postes de la côte. Mais, en outre, Francois Martin fit plusieurs explo- rations au nord, à l’ouest et au sud de sa résidence, et c'est au cours de ces expéditions qu'il recueillit d’in- téressantes observations ethnographiques. On retrouve dans ce nouveau Mémoire de M. Froide- vaux ces qualités de méthode dans l'étude des textes, auxquelles la Société de Géographie à rendu hommage en couronnant du prix Jomard les précédents travaux de l’auteur, et dans lesquelles se reconnait le digne élève de Fustel de Coulanges. HENRI DEHÉRAIN. Delage (Yves), Professeur à la Faculté des Sciences de Paris, el Hérouard (Edgard), Chef des Travaux de Zoologie à la Faculté des Sciences de Paris. — Traité de Zoologie concrète. Tome [ : La Cellule et les Protozoaires — 1 cl. in-8° de 584 pages avec 870 gra- vures en noir et en couleurs. (Prix : 12 francs). Schlei- cher frères, éditeurs (Librairie C. Reinwald). Paris, 1896. « Concret » exprime les qualités unies à leur sujet et s'oppose par conséquent à « abstrait » qui exprime la séparation de telles ou telles qualités considérées indépendamment (abstraction faite) des autres et de leur sujet. 1l faut se remettre en têle la valeur exacte des deux termes que nous venons de définir pour comprendre le titre auquel les auteurs se sont arrêtés pour leur traité dit de Zoologie concrète. Ils estiment que les ouvrages de Zoologie qui ont été mis, jusqu'à ce jour, entre les mains des élèves de l’enseignement supé- rieur, sont des ouvrages abstraits et qu'ils ne rendent pas, pour cette raison, à ces élèves, les services qu'ils en attendent. Ce sont des ouvrages abstraits, car les qualités des sujets, c'est-à-dire leurs caractères anato- miques, sont traitées à part dans des chapitres d'Ana- tomie comparée qui ne sont eux-mêmes que des tableaux abrégés, et les sujets, de leur côté, ne sont que sommairement décrits dans des chapitres annexes de Zoologie. Dans cette manière de procéder, le mode abstrait est d'autant plus manifeste que les propriétés anatomiques indiquées dans les chapitres ad hoc sont, pour des raisons variées, glanées sans méthode dans le champ zoologique, si bien qu'il est impossible au lecteur, usant des éléments que lui offre le livre, de reconstituer un individu déterminé avec toutes ses . qualités. Dès lors, si, cherchant à établir un type z0olo- gique, il parcourt les chapitres d'anatomie pour y retrouver les détails qui s'adapteront à l'objet de ses études, il peut, si l’on veut, reconstituer les caractères du système digestif, mais les documents lui manquent pour restituer ceux de l'appareil respiratoire, par 165 exemple, où ceux des appareils circulatoire, nerveux, ele. En un mot, sa tentative reste vaine. « Ce travail, qu'il n'a pu faire, disent MM. Delage et Hérouard, c'est à l'auteur à le faire pour lui, C'est à l'auteur à lui présenter les choses sous la forme où il le désire, où il a besoin qu'elles soient pour en avoir une notion précise el pour les retenir. » On voit, par cette phrase, le but que se sont propo- sé les auteurs de la Zoologie concrète. HS ont voulu faire un livre qui permette aux étudiants à la fois d’ac- quérir sur tous les animaux ou groupes d'animaux des notions précises et de fixer dans leur esprit les notions ainsi acquises, Au point de vue purement pédagogique, la manière de voir des auteurs est peut-être discutable. On peut se demander, en effet, si vraimentil est bon de mâcher la besogne à ce point. Que va devenir désormais l'effort personnel qui, seul, féconde le travail? L'étudiant se soustrait déjà trop facilement à cet effort; ne va-t-il pas perdre définitivement le goût de la recherche person- nelle, négliger de s'exercer à la synthèse ? en un mot, ne craint-on pas d'annihiler, chez lui, l'originalité, le sens critique, l'initiative et, plus généralement, toutes les qualités qui font le véritable esprit scientifique ? Com- bien d'élèves, doués d'une bonne mémoire, qui se con- tenteront désormais d'apprendre le livre et délaisse- ront les travaux de laboraloire qui sont, à notre avis, le meilleur mode d'enseignement. Nous souhaitons vivement que nos craintes soient chi- mériques, mais nous trouvons dans la préface de l'ou- vrage de MM. Delage et Hérouard, une phrase qui nous donne à penser que nous n'avons point tout à fait tort. «Il lui faut (à l'élève), pour trouver des notions con- crètes, des descriptions anatomiques assises sur un être réel, chercher dans les mémoires spéciaux, dans les monographies. Et vraiment il n’en a pas le temps. » Si vraiment les élèves n'ont point le temps de faire ce travail, le seul qui soit intelligent (j'entends par là qui exerce l'intelligence), il faut plaindre notre enseigne- ment supérieur el regretter une telle surcharge des programmes. Mais laissons de côté ce point spécial et voyons com- ment les auteurs ont procédé pour atteindre leur but. La solution idéale eût été de donner une monogra- phie complète de toutes les espèces. On comprend, sans plus insister, que la réalisation d'un ouvrage ainsi conçu est impossible; elle ne l’est guère plus si lon veut présenter une monographie de chaque genre. Il à semblé, par contre, à MM. Delage et Hérouard qu'ils pouvaient, à partir de la famille ou du sous-ordre donner une description complète des caractères de ces groupes. Mais, comme dans maintes circonstances, il leur eût été impossible de trouver un type vivant réu- nissant d’une facon assez complète tous les caractères du groupe, ils ont imaginé, pour chaque groupe, un type concret, c’est-à-dire assumant, comme le bouc émis- saire qui assumait toutes les iniquités d'Israël, toutes les qualités spéciales du groupe en question. Ce type, les auteurs l'appellent type morphologique : ce n’est point, en général, avons-nous dit, un être réel; c'est un êlre idéal, qui pèche plus souvent par excès que par défaut, et qui servira de base pour la connaissance des genres qui forment le sous-ordre. Ge type morphologique étant bien connu, il suffira, en effet, d'en retrancher tel ou tel caractère ou de latténuer seulement pour se repré- senter un genre déterminé, ou bien, au contraire, d'accentuer une particularité ou de l'ajouter, si elle manque au type morphologique pour distinguer un autre genre. En créant de même un type morpholo- gique pour chaque ordre, pour chaque sous-classe el pour chaque classe, on peut, par des modifications apportées à chacun de ces lypes, se représenter les ca- ractères des divers éléments composant ces groupes. Un exemple nous fera mieux comprendre : Voici la classe des Rhizopodes; les auteurs prennent l'amæbien (non le genre amæba, mais une forme idéale) pour type morphologique et ils réunissent à la fois dans ce type : 166 L BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX un ectoplasme et un endoplasme, un noyau, des pseu- dopodes lobés et des pseudopodes réticulés, une vési- cule pulsatile, des vacuoles alimentaires, des vacuoles de désassimilation, des vacuoles à contenu liquide et à contenu gazeux, des pigments, des chromoplastes, etc., en un mot tout ce qui peut se trouver chez un Rhizo- pode. Tel est le type morphologique de la classe, Si maintenant on étudie les divisions de cette classe, on créera le type morphologique de chacune de ces di- visions en prenant, dans le complexe concret dont il vient d'être question, ce qui est essentiellement néces- saire, Ainsi, par exemple, pour l’ordre des Acystosporés, dont le type morphologique doit être la plus extrême réduction du type de la classe, il suffira de se repré- senter un être dont la différenciation en ectoplasme et endoplasme n'existe pas, qui possède seulement des pseudopodes de l'espèce réticulée et qui n’a ni vésieule pulsatile, ni noyau même parfois. C’est un type mor- phologique de l’ordre qui servira alors de base pour établir très rapidement et d'une facon cependant suf- lisante les caractères des genres, Telle est la méthode adoptée par MM. Delage et Hérouard. L'ouvrage comprend donc la description d'un nom- bre considérable de {ypes morphologiques dont fort peu sont empruntés au monde réel; par contre, les genres sont décrits et figurés dans leur forme vraie. Que vaut cette méthode d'exposition pour l'ensei- gnement ? L'expérience seule pourra répondre à cette question, A priori, on est, à vrai dire, quelque peu étonné de cette abondance de créations imaginaires; n'est-ce pas une sorte d'histoire artificielle des animaux qu'on sub- stitue à leur histoire naturelle ? On voudra bien remarquer que toutes nos réserves ne visent que le point de vue pédagogique et, si nous avons pensé pouvoir les faire, c'est que le Traité de Zoologie concrète se présente avec des visées pédago- giques très neltement exprimées par les auteurs. Cette part faite à la critique, ils nous font louer sans arrière-pensée, car on ne saurait assez l'admirer, l’ef- fort considérable qu'ont fait les auteurs pour arriver à mettre sur pied ce premier volume qui traite seulement de la cellule et des Protozoaires. Le texte, dù à la plume de M. Delage, fourmille de documents précieux pour les travailleurs et pas n’est besoin de dire avec quelle conscience sont traitées les questions difficiles ou controversées. Près de 900 figures nouvelles, dont les éléments ont été puisés aux meilleures sources, sous la direction de M. Hérouard, donnent à l'ensemble une valeur considérable; enfin, poussant le souci de la perfection aussi loin qu'on peut le souhaiter, les au- teurs ont complété leur immense travail en dressant cinq tables, dont une placée au commencement est une table méthodique, les autres, reportées à la fin du vo- lume, constituant: un index bibliographique, une table des mots techniques, une des noms des hôtes des parasites, enfin un index génésique des Protozoaires: et dans cet index les genres parasites sont marqués d'un astérique, ce qui équivaut à une sixième table. Des dispositions typographiques nouvelles facilitent en outre la recherche des genres dans le texte; en un mot ce volume, le premier des huit qui doivent com- poser le Traité complet de Zoologie concrète, marque un progrès considérable et il revenait bien au savant et laborieux professeur de la Sorbonne de prendre linitiative d'une œuvre de cette envergure. D: H. BEAUREGARD, Assistant au Muséum. Kayser (E.), Docteur ès sciences, Chef des Travaux du Laboratoire de Fermentation à l'Institut National Agro- nomique, — Les Levures. CARACTÈRES MORPHOLOGIQUES ET PHYSIOLOGIQUES, APPLICATION DES LEVURES SÉLECTION- - — { vol. in-18 de 200 pages de l'Encyclopédie Scientifique des Aide-Mémoire. G. Masson et Gauthier- Villars, éditeurs. Paris, 1897. 4 Sciences médicales Roger (G. H.), Professeur agrégé à la Faculté de Méde- cine de Paris, Médecin des Hôpitaux de Paris. — Des applications des sérums sanguins au traitement des maladies. — 1 vol. in-8° de 154 pages. Imp. Crépin Leblond, 21, Rue Saint-Dizier, Nancy; 1896. Bien que la découverte des propriétés immunisantes et curatives du sérum des animaux vaccinés ne remonte qu'à quelques années, les recherches suscitées par cette importante question de la sérothérapie ont été si nombreuses jusqu’à ce jour, qu'une révision métho- dique, une classification sérieuse des résultats obtenus s’'imposait. Ce fut là l’objet de deux rapports présentés au dernier Congrès de Médecine à Nancy par MM. Roger et Haushalter (de Nancy). Le travail de M. Roger constitue une revue à la fois très complète et très claire des recherches et des faits concernant la sérothérapie. Dans un premier chapitre, M. Roger fait l'historique de la question depuis les travaux de Ch. Richet, Héricourt et Bouchard jusqu'à ceux de Behring et Kitasato, de Roux et Martin, Un deuxième chapitre comprend l'étude des prin- cipes généraux de la sérothérapie (Différences entre la bactériothérapie et la sérothérapie, choix de l'animal, mesure de l’activité des sérams). Passant à l'exposé des diverses applications si nom- breuses déjà de la sérothérapie, M. Roger établit pour les maladies où la sérothérapie a été employée la clas- sification suivante : A. Maladies dont l'agent pathogène est connu (charbon choléra, diphtérie, lèpre, tuberculose, morve, ete.). B. Maladies dont l'ageut pathogène est inconnu (rage, rhumatisme, syphilis, cancer, néoplasmes). C. Maladies spéciales aux animaux (charbon sympto- matique, maladie des pores, septicémie aviaire). D. Intoxications, poisons, minéraux, végélaux, ani- maux. Vient ensuite l'exposé des accidents imputables à la sérothérapie : exanthèmes, arthropaties, fièvre, né- phrites, albuminurie...; une étude du pronostie, de la cause et du mécanisme de ces accidents. Dans le chapitre V, l'auteur étudie le mode d'action des sérums thérapeutiques, action encore si obscure et si controversée. Les conclusions qui terminent le travail de M. Roger peuvent être résumées ainsi : La sérothérapie est une méthode thérapeutique très précieuse, mais il ne faut pas la considérer comme une panacée : à des causes de maladie multiples, il faut des moyens thérapeutiques multiples. Il faut fixer les indications de la sérothérapie. Voilà le rôle du clinicien; quant à l’expérimentation, elle doit chercher à purifier les antitoxines des substances non seulement mutiles mais même nuisibles qui les accompagnent. Une fois ce travail fait, un nouveau et grand progrès aura été accompli en sérothérapie. On ne saurait mieux dire. Le travail de M. Roger est à la fois très documenté et très clair, et après sa lecture, on se rend plus nette- ment compte des faits acquis et des progrès à réaliser, J. E. ABELOUS, Professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Toulouse. Delfau (G.), Ancien interne des Hôpitaux de Paris. — Hygiène et Thérapeutique thermales. — 1 wol. in-16 de XXIV-456 pages. (Prix cartonné : 4 fr.) G. Mas- son et Cie, éditeurs. Paris, 1896. Ce volume renferme une brillante préface de M. le professeur Proust sur l'Hygiène en général el ce quil faut entendre par Hygiène thérapeutique. Celle préface est suivie d'un guide aux eaux miné- rales où il n’est question d'Hygiène que dans l’avant- propos de l’auteur. Ce petit traité renferme beaucoup de renseignements sur les stations thermales fran- çcaises et étrangères, présentés très clairement. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 167 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 25 Janvier 1897. L'Académie, ayant à désigner au Ministre de l'Ins- truction publique trois candidats aux trois places d’As- tronomes vacantes à l'Observatoire de Paris, présente : en première ligne, MM. Paul Henry, G. Bigourdan, ©. Callandreau; en deuxième ligne, MM. Bossert, Renan, P. Puiseux. — M. Tschermak est élu Corres- pondant pour la Section de Minéralogie en remplace- ment de M. Prestwich. — M. le Président remet à M. H. Faye la médaille frappée à l'occasion du ein- quantième anniversaire de sa nomination à l'Académie, et retrace les principales étapes de sa carière scienti- fique. — M. H. Faye remercie ses confrères de l’hon- peur qu'ils lui font. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. H. Deslandres com- munique quatre photographies d'une protubérance extraordinaire, observée par lui le 31 mai 1894; sa hauteur élait égale au tiers du diamètre solaire et elle était très voisine du pôle Sud, région où les hautes protubérances sont rares. — M. P. Painlevé applique la considération des intégrales premières des équations différentielles à la résolution du problème des n corps. — M. E. Schering communique quelques errata qu'on lui à signalés dans les « Œuvres de Gauss ». — M. G. Camps adresse une note relative à un frein à vis, à action verticale sur rail. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Ch.-Ed. Guillaume a Ætudié la dilatation d'une série d'aciers renfermant des proportions croissantes de nickel; il a constaté que les dilatations, normales jusqu'à une teneur en nickel voi- sine de 20 °/,, croissent rapidement au delà, passent par un maximum et diminuent ensuite graduellement jus- qu'à une teneur un peu supérieure à 36°/,; puis elles se relèvent lentement vers la valeur normale. Le coeffi- cient minimum est égal au dixième environ de celui du platine. — M. Radiguet à constaté que les substances suivantes deviennent fluorescentes sous l'influence des rayons de Rontgen, dans l'ordre décroissant que voici : les émaux cuits, le crown, le flint-glass, le verre ordinaire et plus particulièrement le cristal, la glace de la manu- facture de Saint-Gobain, la porcelaine, la faïence émail- lée, et même le diamant taillé. — MM. A. Pérot et Ch. Fabry ont imaginé un électromètre absolu capable de mesurer de très petites différences de potentiel; il est semblable à l'électromètre absolu ordinaire, mais les deux plateaux, composés de disques de verre argenté, ontété rapprochés à une distance qui est de l'ordre du dixième de millimètre, afin d'augmenter la force attrac- tive. Cette distance peut être déterminée et réglée constamment par une méthode interférentielle. M. E. Moussard décrit un appareil d'optique au moyen duquel on voit en relief et dans leur sens normal les objets moulés ou gravés en creux. — MM. G. Maneu- vrier el J. Fournier ont déterminé le rapport des cha- leurs spécifiques de l'acétylène, d'après la méthode déjà indiquée par M. Maneuvrier. En opérant sur un gaz contenant moins de 1/200 d'impuretés, ils ont ob- tenu la valeur 1,26. — MM. Guntz et Masson, en pré- arant l’iodure d'aluminium par réaction de l'iode sur ‘aluminium dans un courant de CO? ou de CO, ont re- marqué une vive incandescence; celle-ci est due à la réaction de l'oxyde de carbone sur l'aluminium, grâce à l'influence de l'iodure d'aluminium formé; il y a for- mation de carbure d'aluminium suivant l'équation : AIS + 3 CO — Al°0? + C?AI. M. A. Granger, en chauffant les chlorures chromeux et manganeux dans la vapeur de phosphore et dans une atmosphère d'hydrogène, a obtenu des phosphures de chrôme et de manganèse de composition définie : Cr P et Mn'P#. — M. A. de Gramont à déterminé le spectre du silicium : 4° par l'observation du spectre produit par une étincelle condensée éclatant sur un silicale alcalin fondu; 2 par l'observation du spectre de l'étincelle éclatant, dans l'hydrogène très pur, entre deux pôles de silicium eristallisé pur. Les deux groupes de lignes les plus caractéristiques sont z dans le rouge ety dans le vert, — M. Ph.-A. Guye et Ml: E, Aston ont étudié l'influence de la température sur le pouvoir rotaloire, dans le but d'expliquer les écarts que pré- sente la loi de Biot quand la température varie. Pour les 18 corps actifs, de formule simple, mis en expé- rience, le pouvoir rotatoire diminue avec une élévation de température, dans tout l'intervalle considéré. — M. H. Causse à observé qu'en présence des hyposul- fites, l'action de l'aldéhyde éthylique sur la phénylhy- drazine donne la triéthylène diphénylhydrazine x à peu près pure; en solutions neutres, il se produit sur- tout l'isomère 8. — M. Œchsner de Coninck a isolé, des urines d'un alcoolique, un homologue supérieur de l'urée, à # atomes de carbone, de formule C*H®°4720. Il paraît admissible qu'au fur #1 à mesure que le pou- voir oxydant-de l'organisme s'affaiblit, le nombre des atomes de carbone des composés quaternaires, élimi- nés par la voie rénale, va en augmentant. — M. E. Maumené adresse une note sur les gaz dégagés dans l'eau par les carbures métalliques. SCIENCES NATURELLES. — M. Guyon fail un rapport sur le contenu d'un pli cachelé déposé par M. B. Heine en 4844. L'auteur proposait de produire artificiellement sur le cadavre les principales blessures que les chirur- giens sont appelés à étudier et à soigner ; il y donnait d'utiles indications sur les procédés opératoires dans la trépanation. — M. Boisseau du Rocher étudie une nouvelle sorte de courants, dits courants à intermit- tences rapides. Il en décrit le mode de production, les effets physiques et physiologiques. Les effets thérapeu- thiques sont les suivants: augmentation considérable des urines, relèvement rapide du taux de l'urée ; dis- parition du sucre chez les glycosuriques, sédation con- sidérable du système nerveux. — M. Nicolas de Zograf à continué l'étude du système nerveux em- bryonnaire des Crus acés par les méthodes de colora- tion de Golgi et de Ramon y Cajal; il à pu confirmer ses observations précédentes qui avaient été contes- lées. Il à ensuite étudié les ceintures de cils vibratiles des Rotifères, — M. Catois présente ses recherches sur l'anatomie microscopique et l'histologie de l'encéphale chez les Poissons ; par la coloration au bleu de méthy- lène, il a mis en évidence : les prolongements proto- plasmiques des cellules de Purkinje avec leurs saillies épineuses ; les cellules nerveuses étoilées de la couche moléculaire du cervelet, les corbeilles entourant le corps cellulaire des cellules de Purkinje. Les observa- tions de Cajal sont donc contirmées. — MM. A. Mene- gaux et J. Cochon ont étudié l'Hylésine brillant (Den- droctonus micans Ralz), grand xylophage, qui à commis de grands dégâts à l'étranger, et que les auteurs ont trouvé dans une forêt du Haut-Jura sur des épicéas, Il vit dans la zone annuelle de liber et de bois, et se nour- rit surtout de la sève élaborée ; l'arbre ainsi anémié est alors attaqué par de nombreux Bostriches et la mort survient rapidement, — M. $. Jourdain à observé, chez quelques Sarcoptides plumicoles vivant sur les pigeons domestiques, une espèce particulière de fécondation qu'it appelle accouplement pseudo-larvaire, On voit un 168 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES : individu mâle s'accoupler avec une larve octopode, mais l'union est très prolongée, et au cours de cette union, on voit se constituer au-dessous des téguments de l’octopode larvaire, un nouvel individu pourvu des allributs sexuels de la femelle ; c’est cet individu qui est fécondé., — M. Edmond Bordage à observé, chez des nymphes de Monandroptères et de Raphidères, des phénomènes d'autotomie très curieux; en pinçant l'ex- trémité distale de la cuisse, on obtient généralement la séparation du membre. Séance du 1°" Février 1897. La Section de Mécanique présente la liste suivante de candidats à la place laissée vacante par le décès de M. Résal : en première ligne, M. Bazin ; en seconde ligne, M. le Général Sébert; en troisième ligne, M. Kœnigs, M. Lecornu, M. F. Lucas, M. Vicaire et M. Vieille. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. E. Roger monlre que, des deux lois sur les distances des planètes au Soleil énoncées récemment par M. Delauney, l'une peut être attribuée à des circonstances fortuites et l’autre n’est que le corollaire d'une loi plus générale que l'auteur établit. -- M. Delauney adresse une nouvelle note dans laquelle il conclut que le rapport du produit des masses des planètes d'ordre impair au produit des masses des planètes d'ordre pair est égal à 2. — M. J. Marty communique un mémoire sur diverses questions de Mécanique céleste. — M. P. Appell montre qu'on peut, pour les intégrales multiples, poser un problème d'inversion qui est analogue au problème d'inversion des intégrales simples et qui conduit aux mêmes ques- lions (extension du théorème d'Abel, uniformité des fonctions inverses, périodicité, etc..). — M. E. Picard montre, par divers exemples, que, dans bien des cas, la méthode des approximations successives peut don- ner, au point de vue du caleul, une solution rigoureuse el complète des problèmes de Mécanique, — M. P. Painlevé indique une classe de systèmes d'équations de Lagrange admettant des intégrales quadratiques, classe beaucoup plus étendue que celles qu'on à signa- lées Jusqu'ici. — M. Enrico de Montel donne les équa- tions d'une nouvelle loi sur l'intérêt telle que, pour des intervalles assez courts, le fruit reste sensiblement proportionnel au temps, tandis que le montant ne surpasse pas une limite déterminée, même pour un temps infiniment grand. — M. Baretge, capitaine du paquebot lAréthuse, à eu recours au filage de l'huile pendant une tempête que son navire a essuyée dans les mers de Chine; le résultat s'est immédiatement fait sentir, mais il faut, pour que l'huile produise son effet, que la vitesse du navire soit bien en rapport avec l’état de la mer. — M. A. Boullerot adresse un projet d’em- ploi de signaux de nuit phosphorescents sur les lignes de chemin de fer. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. Vaschy généralise quelques formules d'Electromagnétisme. — M. P. Jou- bin, par certaines considérations {héoriques, confirme la loi établie expérimentalement par M. Bouty, et sui- vant laquelle la conductibilité moléculaire limite a la même valeur pour un certain nombre de sels en disso- lution. Il en déduit une nouvelle définition de l’équiva- lent électrochimique : L'équivalent électrochimique d’un selest le poids qui, dissous dans 1 €. c. d’eau, puis indé- liniment dilué, donne, pour la résistance moléculaire, la limite #7. 10% unités électromagnétiques. — MM. Ph.- À. Guye ei J. Guerchgorine ont fait l'étude comparée des pouvoirs rotaloires de corps isomères de structure simple; ils se sont servis de «rois séries d'isomères propyliques et de trois séries d'isomères butyliques dérivés de l'alcool amylique actif. Dans toutes ces séries, le groupe propyle se comporte comme plus lourd que le groupe isopropyle; le groupe isobutyle agit Comme plus lourd que le butyle normal et celui-ci comme plus lourd que le butyle secondaire, — M. G. Patein montre que, dans les combinaisons de l'anti- pyrine avec les phénols, le phénol se fixe sur l'azote 2 de l'antipyrine, le plus électropositif comme uni à un | groupe méthyl et plus éloigné du groupe célonique 5. Cette hypothèse est confirmée par le fait que la mono- méthylphénylpyrazolone, dans laquelle l'azote 2 à des liaisons différentes de celles de l'azote correspondant de l'antipyrine, ne se combine pas avec les phénols. MM. Hañriot et L. Camus indiquent la méthode par laquelle ils dosent l'activité lipasique d'un liquide. On prend 1 c. e. du liquide que l’on ajoute à 10 c.e. de monobutyrine à 4 ?/,; on ajoute de la phtaléine et on sature exactement par le carbonate sodique ; on chauffe vingt minutes à 25° et l’on sature l'acide mis en liberté par le ferment par une solution spéciale titrée de Na?CO®; le nombre de gouttes employées de cette solu- tion mesure l’activité lipasique de la solution, — MM. FE, Bordas el Sig. de Raczkowski donnent un procédé de dosage de la glycérine dans le vin. Il consiste à entrainer la glycérine par un courant de vapeur d'eau pendant trois heures; le disüllatum, glycérine, alcool et eau, est recueilli dans des flacons de Wolf, mais la température est assez élevée pour que l'alcool et une partie de l’eau soient entrainés au dehors; on dose ensuite la glycérine en solution aqueuse par le bichromate de potasse. — M. L.-A. Levat a étudié l'ac- lion du zine sur le vin rouge; le zinc est attaqué; il y a production d'hydrogène et de sels de zinc qui rendent le vin toxique; le zinc doit done être sévèrement pros- crit du métal des robinets pour tonneaux, foudres, cuves. 39 SCIENCES NATURELLES. — MM. Rémy et Contremou- lin, à l'aide de préparations chimiques sur des ca- davres d'homme et de grenouille, ont pu mettre les muscles, les ligaments et les tendons dans un état tel qu'ils ont donné des images radiophotographiques. — M. N. Melnikoff-Rasvédenkoff signale une nouvelle méthode de préparation des pièces anatomiques, dont voici le résumé : 40 Traitement des organes à la for- maline concentrée (40 °/, de formaldéhyde); 29 traite- ment à l'alcool à 95°, ce qui révèle, d’une manière très complète, la coloration primitive; 3° conservation des préparations dans une solution glycérino-aqueuse d’a- célate de potasse qui fixe et reconstitue définitivement la coloration première. — M. A. Amaudrut donne la description de la structure du bulbe chez les Mol- lusques et explique le mécanisme du passage du bol alimentaire de la pointe de la langue à l’œsophage. — M. Nicolas de Zograf indique la méthode qui lui sert à la préparation des Rotaleurs. Ces animaux sont d’a- bord narcotisés par la cocaïne, puis, avant qu'ils aient rétracté leurs appareils ciliés, fixés par l'acide osmique ; ce dernier liquide enlevé, on ajoute une solution faible de vinaigre de bois cru, puis on lave et on conserve dans Palcool fort. — M. Jules Gal à analysé le casto- réum frais, extrait des poches d'un castor mâle du Gardon. La majeure parte est soluble dans l’éther; si résultat est bien différent de ceux de Lehmann, c’est que ce dernier à probablement analysé du casto- réum vieilli et profondément alléré. — M. E. Roze, continuant ses études sur les parasites de la fécule, a trouvé trois espèces nouvelles d'Amylotrogus, une à plasmode pénétrant, les autres à plasmode superficiel. Il a remarqué, en outre, que l'Amylotrogqus ramulosus se développe sur la fécule de blé, mais en changeant de forme plasmodique. — M. A. Prunet est arrivé à élu- cider la question, restée obscure, de lévolution du parasite du Black-Rot pendant la mauvaise saison. Il est maintenant établi que ce parasite se conserve pen- dant l'hiver à l’aide de selérotes, dont la transforma- ion en appareils sporiferes, fournissant les spores d'invasion, peut, suivant les conditions climatériques, ce s'effectuer à des époques variables depuis l'automne Jusqu'au printemps. Louis BRUNET. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 16 Janvier 1897. M. Moussu à étudié le rôle de la glande thyroïde et des glandules parathyroïdes. Il estime qu'il faut éta- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES | » blir une différence marquée entre les fonctions de ces corps, l'ablation du premier entrainant des accidents chroniques, celle des seconds amenant des accidents aigus et la mort, — MM. Jacquet et Butte ont cherché à mettre en évidence le rôle des traumatismes dans l'hyperémie cutanée, Is ont pratiqué chez le lapin la section du sympathique cervical et ont observé les résultats sur l'oreille du côté sectionné, I n'y à pas de différence avec l’autre oreille si on ne pratique aucun traumatisme, mais si on frotte les oreilles, la vaseulari- sation devient extrême du côté sectionné. — M. Dastre . fait remarquer que, quelquefois, la vascularisation peut être à peine sensible, le sympathique contenant, non seulement des filets dilatateurs, mais aussi des vaso-con- | stricteurs. — MM. Laborde el Dastre montrentaussi que le frottement de l'oreille provoque l'excitation du nerf | auriculo-lemporal qui précipite la vaso-dilatation. — . M. Bordas à recherché si les maladies des huîtres sont » dues à des microbes: il a trouvé, dans le tube digestif, un bacille ressemblant beaucoup au Pacterium coli. — M. Robin envoie une note sur un nouveau mode de coloration du bacille d'Eberth. — M. Sabrazès décrit une nouvelle méthode de coloration des préparations par la thionine associée à l'acide picrique ; les résultats sont de beaucoup supérieurs à ceux que donne la thio- nine seule. Ce procédé, appliqué à l'étude du système nerveux fixé par les bichromates, permet de l'étudier dans ses moindres détails. — M. Doyon (de Lyon) à constaté que la pilocarpine provoque une augmentation du tonus des muscles bronchiques chez le chien. — M. Delezenne à reconnu que l'injection de sérum d’an- guille chez l'animal produit lincoagulabilité du sang, d'une facon analogue à la peptone. C'est probablement le foie qui est le centre producteur de la substance anticoagulante. — MM. Pilliet et Veau signalent un cas de capsule surrénale aberrante au ligament large. — M. P. Bonnier à pu observer un cas de mydriase réflexe de l'œil droit auquel il attribue une origine labyrin- thique. Séance du 23 Janvier 1897. M. Ch. Richet fait une élégante expérience de séro- thérapie ; le sérum du sang d’anguille injecté au lapin le tue rapidement; injecté au chien, il produit des acei- dents locaux, mais le sérum du sang de chien acquiert des propriétés immunisantes. Si l'on injecte alors au lapin du sérum de chien immunisé, le sérum d'anguille ne produit plus chez lui aucun trouble. — M. Chante- messe à obtenu une loxine {rès virulente en cultivant le bacille d'Eberth dans un milieu composé de moelle osseuse, de rate et de sérum. Cette toxine {ue rapide- ment la souris et le lapin; par contre, injectée au che- val à faibles doses, elle confère au sérum des propriétés immunisantes. Avec ce sérum, l'auteur va entreprendre des essais de sérothérapie sur des malades typhiques. — M. P. Mégnin étudie une maladie qui sévit sur les lièvres en Alsace. Elle est due à la présence, dans les bronches, de strongles en grande quantité, coïncidant avec l'existence de tænias dans l'intestin. — M. Moussu a constaté que l'extirpation des corps thyroïdes (si on laisse quelques glandules parathyroïdes) n'est pas suivie d'accidents immédiats chez les Ruminants, les Solipèdes, le chien, le chat, les Oiseaux adulles. Par contre, l'ex- tirpation des thyroïdes chez des chiens ou des chats à la mamelle à pour conséquence le crétinisme. Il en déduit que la fonction thyroïdienne préside à la crois- sance et au développement général de J'organisme. — M. François-Franck a étudié expérimentalementle mé- canisme des accidents produits par les épanchements de liquide dans le péricarde. L'épanchement produit une compression du cœur el surtout de l'oreillette; la pression intra-péricardique devient supérieure à la pression veineuse intra-auriculaire, Mais il en résulte une réplétion du système nerveux, donc une augmen- tation de la tension dans l'oreillette qui rétablit l'équi- libre. D'autre part, l'aspiration (horacique s'exagère et diminue a pression exercée sur le cœur. — MM. Paul # 169 Claisse el O. Josué concluent de leurs recherches sur l'anthracose que le charbon est incapable de produire, ar sa seule présence dans le poumon humain, les ésions qu'on lui a attribuées : bronchite, dilatation des bronches, pneumonie chronique, phlisie el cavernes anthracosiques. Le charbon peut, dans une certaine mesure, préparer ces divers processus el leur donner une physionomie anatomique et clinique un peu par- ticulière, mais, en réalité, ces lésions variées doivent relever d'affections surajoutées, infections broncho- pulmonaires diverses el surtout tuberculeuses. — M. Maurel envoie une note relative à l'action du chlo- rure de sodium sur l'organisme du lapin; les solutions fortes (7 %/,,) augmentent le poids de l'animal et favo- risent la reconstitution du sang; les solutions étendues (3,5 °/60) favorisent la diurèse. — M. Arthaud signale deux cas d'intoxication par des émanations de lauriers- roses placés dans une chambre à coucher, et un cas d’'empoisonnement par une tisane contenant des fleurs de cylise. — M. A. Broca éludie le mécanisme de la persistance des images réliniennes. — M. Rémy à obtenu des radiophotographies des fibres musculaires en les injeeltant préalablement avec du citrate d'argent ou en les faisant macérer dans une solution argentique. Séance du 30 Janvier 1897. M. H. Meunier à constalé, dans dix cas de broncho- pueumonie infantile, la présence du cocco-bacille de l'influenza, découvert par Pfeiffer; la nature du bacille peut être rigoureusement vérifiée, grâce à sa propriété particulière de ne se développer que sur gélose mélan- gée de sang; l'examen des cas étudiés montre que, le plus souvent, le bacille de Pfeiffer déterminait à lui seul l’in‘ection primitive. — On sait que, dans la lésion vaccinale ou variolique, se trouvent des corpuscules caractéristiques hyperchromatiques. M. Salmon, pour élucider la nature de ces corps, considérés d'abord comme des parasites, à pratiqué l'inoculation de la vaccine dans la cornée. Il montre que ces corpuseules sont simplement des transformations chromatiques des cellules migralrices et surtout des leucocytes polyvnu- cléaires. — M. Widal établit que le pouvoir agglutinatif du sérum du sang des typhiques vis-à-vis du bacille d'Eberth existe aussi bien lorsqu'on emploie des eul- tures vieilles et mortes que des cultures jeunes el vivantes. — M. Rénon signale quelques causes d'incer- titudes qui peuvent se présenter dans là méthode de M. Widal, et indique comment, en cas de doute, on peut éviter certaines erreurs par l'examen microsco- pique. — M. Gilbert communique une observation de crises de tétanie chez une femme affectée de coliques hépatiques. — MM. Gilbert et Grenet ont observé une lymphagite du membre inférieur due au pneumocoque seul, ayant pénétré au niveau d'une plaie à la partie moyenne de la jambe. — MM. Hanriot el Camus ont pratiqué le dosage de la lipase par son action sur la mobutyrine ; le pouvoir du ferment croit avec la tem- pérature, mais, au delà de 509, il est altéré ou détruit. — M. François-Franck montre que l'action de la digi- taline et de la strophantine sur le cœur est comparable à celle de l'électrisation; ces poisons agissent sur le muscle myocardique et amènent finalement le tétanos du cœur. — M. Nicolas (de Lyon) a trouvé que le sérum des individus soumis aux injections de sérum antidiphtérique présente la réaction agglutinante du sérum des diphtériques. — M. Barrier donne la des- cription anatomique de la trochlée fémorale chez les différents quadrupèdes. Il montre que le développe- ment et la saillie de la lèvre interne de la trochlée sont en étroite corrélation avec le soutènement mécanique de l'angle fémoro-tibial, nécessaire aux quadrupèdes pesants qui ont cel angle peu ouvert et que leurs condi- tions d'existence obligent à rester longtemps debout. — M. Jacquet clablit l'influence du sympathique cervical sur les érythèmes de la face. — M. Vaquez à constaté que le sang de malades atteints de dégénérescences de la rate varie peu après qu'on a procédé à la splénectomie, 470 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES SOCIÉTÉ FRANCAISE DE PHYSIQUE Séance du 15 Janvier 1897. En réponse à une lettre de M. Démichel, attribuant | à Brazmowski l'invention de l'analyseur à pénombre à deux lames, M. Dongier rappelle que cet appareil, décrit dans le Traité d'Oplique de M. Mascart, est classique; la précision peut atteindre 2 minutes. — M. Sagnac montre et explique les illusions qui accompa- gnent la formation des pénombres. Deux ombres voisines paraissent toujours se déformer quand la source à un diamètre apparent sensible. L'expérience est particu- lièrement nette quand on observe ce qui apparaît sur le verre dépol d'une chambre photographique dont on a enlevé l'objectif ; placons à l'intérieur de cette chambre un anneau et des tiges parallèles situées dans un même plan vertical; la tige qui, en projection, passe par le centre de l'anneau, semble s'élargir aux deux points d'intersection ; les tiges excentriques semblent déviées et si l'anneau est assez mince pour permettre de voir, de cerlains points, l'ouverture de la chambre coupée en deux parties, la projection d’une tige dans ces régions paraîtra dédoublée. Ce sont des effets analogues, facilement explicables dans lhypo- thèse d'une propagation rectiligne, que divers auteurs ont récemment attribués à des propriétés spécifiques des rayons X. Des effets analogues se produisent entre deux images qui ne sont pas simultanément au point sur la rétine; il peut y avoir attraction ou répulsion appa- rente de deux objets. On peut observer les mêmes apparences dans les systèmes optiques et aussi quand on vise, à travers un tel système, un objet qui n’est pas au point. C'est ainsi qu'en regardant au microscope un réseau dont l'image ne se produit pas exactement sur la rétine, on voit les cils prendre l'aspect de lignes ondulées. Les phénomènes sont encore compliqués par le fait que l'image d'un point, lorsque l’accommo- dation n'est pas exacte, se compose de plusieurs petites laches ; de là viennent les franges qu'on eroil souvent apercevoir en regardant une fente vivement éclairée. Enfin, M. Sagnac à observé une autre pro- priété de la rétine et des plaques photographiques qui peut conduire à des interprétations inexactes, mème quand les images sont parfaitement au poin:. Quand la courbe des intensités lumineuses, le long d'une ligne tracée sur la plaque, présente un point anguleux, l'inpression photographique présente un maximum où un minimum; plusieurs auteurs qui avaient observé ces apparences dans les pénombres d'écrans à bords recülignes ont cru y voir des franges dues à la diffrac- tion des rayons X. — M. C. E. Guillaume indique les conclusions d'un mémoire paru dans le dernier volume des Travaux et Mémoires du Bureau international des Poids et Mesures : Nouvelles déterminalions des mètres étalons du Bureau international, par MM. Benoît el Guillaume. En comparant huit règles métriques, à sec- tion rectangulaire où en X, construites les unes en 1879 et les autres en 1888, et soumises à des traitements très différents, on à constaté que les différences de longueur par rapport à la moyenne restaient au-dessous de 0,3 p; la stabilité moléculaire du platine iridié employé dans la construction des étalons semble donc parfaite. Par contre, la valeur métrique de deux vis de Brunner à paru changer, depuis 1887, de 2 ou 3 0, ; la discussion à conduit à admettre que la cause véritable était la variation du grossissement de Pobjectif des microscopes qui portaient ces vis. — M. H. Le Châtelier croit que cette varialion doit être attribuée non à une modification lente des verres mais au sertissage. C. RAVEAU, SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS SECTION DE NANCY Séance du 17 Février 1897. M. G. Arth présente un appareil destiné au dosage procédé de Dumas et décrit son fonctionnement. L'avan- tage de cet appareil est de fournir un dosage direct de l'azote en opérant sur un volume de gaz suffisamment « considérable, — MM. A. Haller et Guyot décrivent la préparation et les propriétés du tétraméthyldiami- dophénylanthranol : HO CH — A7 (CH) cons" CH — Az (CH) © \ CO 7 ete L'analyse de ce produit, son mode de formation par oxydation de l’anthranol correspondant et son poids moléculaire déterminé au sein de la benzine par la méthode cryoscopique de Raoul sont d'accord avec la formule précédente, mais les auteurs font remarquer que ce corps diffère dans toutes ses propriétés de la base du vert phtalique décrite par Fischer, et que ce savant considère également comme du tétraméthyldia- midophényloxanthranol. — M. P.-Th. Muller insiste sur les inconvénients que présentent aux chimistes les définitions trop peu précises; tel est le cas du mot normal dans l'expression liqueur normale ou solution normale. M. Muller propose de désigner dans tous les cas, avec la majorité des chimistes, sous le nom de liqueur normale la solution qui renferme une molécule- gramme dissoute dans un litre, c'est-à-dire les poids représentés par ies formules HCI, H?S04, H#PO!, AgAzO®... Après discussion, la section adopte celte proposition à l'unanimité. (A suivre.) A. HALLER. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Dans ses dernières séances, la Société a recu les communications suivantes : MM. W. Stroud el J. B. Henderson : Sur une mé- thode satisfaisante de mesure de la conductibilité électro- lytique au moyen des courants continus. La méthode consiste à placer une pile électrolytique étalon dans le bras d'un pont de Wheatstone adjacent au bras qui contient la pile électrolytique à mesurer, de façon que les forces électromotrices de polarisation des deux piles neutralisent leur effet sur le galvanomètre. Les auteurs ont constaté que, si la résistance des deux bras est très grande (20.000 ohms), et si la force électromotrice employée est d'environ 30 volts, la résistance de l'électrolyte peut êlre déterminée à 1/2.000 près. — M. Appleyard mon.re diverses formes de trembleur électrique. La plus intéressante est con- slituée par deux baguettes de charbon fixées à une able vibrante et réunies par une troisième baguette de charbon de façon à former un microphone. Un fort courant traverse le microphone et se rend dans deux électro-aimants agissant sur les branches d'un diapa- son fixé à la table vibrante. Le diapason agit sur le microphone qui, en établissant et en interrompant le courant, maintient le diapason en vibration. Un cylin- dre de carbone, formant le couteau d'un petit pendule, est supporté par deux baguettes de charbon et mains lient le pendule en oscillation aussi longtemps que le courant passe d'une des baguettes horizontales au cou teau puis à l’autre baguette horizontale. — MM. Threl- fall et Pollock : Expériences avec les rayons de Rüntgen. Les auteurs décrivent une forme de tube qui peut être facilement construite par tous ceux qui ont l'habitude de souffler le verre. Avec ce tube, qui est très efficace, ils ont obtenu ces résultats : 40 les rayons de Rüntgen ne consistent pas en une projection de matière gazeuse, ou, sinon, la quantité de matière entrainée est imfini- ment pelite; 2 les rayons de Rüntgen ne consistent pas en une projection d'un flux d'éther. ayant une vitesse de plus de deux cents mètres par seconde dans l'air où dans le benzène; 3° les propriétés de l'éther, de l'azote libre, dans le gaz de l'éclairage épuré, par le | considéré comme agent de transmission dés ondes S ET SOCIÉTÉS SAVANTES 171 rayons X; 4° une pile au sélénium, composée d'élec- trodes de “platine et de sélénium très purs, est affectée ar les rayons X à peu près de la même façon que par a lumière diffuse du jour; 5° les rayons de Rônt- gen n'induisent aucune force électromotrice perma- pente ou temporaire dans une pile au sélénium., — M. Shelford Bidwell à étudié l'influence des rayons de _ Rôntgen sur la résistance du sélénium sans obtenir de résultats; cette différence est probablement due à la nature du tube qu'il employail. — MM. Bryan et Bar- ton : Sur l'absorption des ondulations électriques le lon des fs par un pont terminal. Les auteurs emploient, our produire les oscillations, un arrangement sem- Rte à celui décrit par Bjernkes ; les ondes se pro- agent le long de deux fils parallèles ayant 116 m. de ong. Pour mesurer les ondes, on emploie un petit électromètre à aiguille non chargée. Les résistances employées pour former le pont sont constituées par des marques de crayon sur verre poli. Des ponts de Le ACADEMIE électro-magnétiques, ne sont pas influencées par les | trois résistances différentes ont été employés, l'un ayant à peu près la résistance nécessaire (calculée d'apri ès la théorie de Heaviside) pour donner Hestne tion complète de l'onde réfléchie, les deux Rae sayant des résistances plus forte ou plus faible. Dans chaque cas les résultats confirment la théorie. En réponse aux observations de MM. Blakesley, Campbell et Sh. Bidwell, M. Bryan fait connaître qu'il n’a pas considéré la ques- tion de capacité, et que, dans le cas en question il n'était pas nécessaire de connaître exactement la résistance. — M. Abney décrit quelques appareils destinés à donner des diagrammes de l'efficacité des obturateurs photographiques. La vitesse d'un obtu- rateur est donnée par l'intervalle de temps T qui s'é- coule entre le moment où l'obturateur laisse passer le premier rayon de lumière et celui où il laisse passer le dernier rayon. L rs peut être définie comme suit : Soit x la portion de la lentille non encore mas- quée par l’obturateur au temps f, et soit X l'ouverture totale de la lentille. Si l'obturateur était parfaitement efficace, c'est-à-dire si la lumière passait par louver- ture X pendant tout le temps T, la quantité de lumière admise serait proportionnelle à XT. En général, la quan- tité de lumière admise est proportionnelle à : Re dt. L'efficacité est donc égale à L'appareil de l'auteur consiste en une fente placée près de l’obturateur (de telle façon que sa plus longue dimension soit perpendiculaire au mouvement de ce- lui-ci) et une lentille qui forme l'image de la fente sur un tambour rotatif, La fente est éclairée par la lumière d'une lampe à arc. Pour compter le temps, deux dis- positifs peuvent être employés. Une roue à rayons tourne avec une vitesse connue devant la lentille, de telle facon que chaque rayon quand il passe intercepte la lumière. Dans d'autres expériences une petite len- tille, fixée à l'une des branches d’un diapason, trans- mettait un rayon lumineux sur le tambour rotatif et formait ainsi une ligne sinueuse. Du papier au bro- mure d'argent et des pellicules à la celloïdine ont servi à recueillir les diagrammes. Si l'obturateur était parfaitement efficace, le diagramme consisterait en un rectangle, croisé par des lignes blanches, provenant des rayons de la roue et servant à mesurer le temps. L'auteur montre un grand nombre de diagrammes pris avec différents obturateurs. Le rebondissement de l’ob- turateur se manifeste dans plusieurs cas par un petit diagramme auxiliaire suivant le diagramme principal. En réponse à une observation de M. Inwards, l’auteur dit qu'il a étudié la question de la secousse communi- quée à la chambre noire par le mouvement de l’obtu- rateur; la valeur de la secousse dépend du déplace- ment du centre de gravité de l'obturateur. — M. C. Chree applique certaines considérations physiques el mathématiques à l'étude des phénomènes séismolo- giques. M. J. Milne à montré que certaines varialions dans les indications des niveaux à bulle d'air et des pendules délicats sont probablement dues à des causes météorologiques, telles qu'une chute de pluie ou une évaporation. Ainsi un excès d'humidité à l'ouest d'un observaloire est équivalent à une surface de charge de ce côté, tendant à faire pencher la base sur laquelle l'observatoire est construit de l'est vers l’ouest. M.Chree, considérant la terre comme un solide hombgène, iso- trope et élastique, à déterminé le degré d'inclinaison que peuvent produire divers systèmes de charge. I montre que les variations produites sur un instrument comme le niveau à bulle d'air ne dépendent pas seu- lement de l’inclinaison de la surface de la terre pro- duite par la charge, mais aussi d'une variation de la direction de la gravité due à l'attraction de cette charge; mais ce dernier effet est plus faible que le premier. L'auteur caleule ensuite la déviation produite sur le niveau à bulle d'air par une chute d’eau ou une évaporation sur une surface de 100 ares, puis par une marée de 5 mètres dans un estuaire situé à 500 mè- tres de l'observatoire; ce dernier effet est très considé- rable. L'auteur considère ensuite l'effet, sur le niveau à bulle d'air, de la Lune et du Soleil, ceux-ci étant sensés produire des marées dans la croûte solide de la Terre, Enfin, M. Chree montre combien, par la consi- dération des vitesses de propagation des tremblements de terre, l'hypothèse qu'il a faite sur les constantes élastiques de la Terre se trouve justifiée. — M. T. Rudd à examiné une série de tuyaux musicaux rangés par ordre de longueur (de 95 pouces à 12 pouces) et composés de petits tubes de 1 pouce. Les ayant accor- dés avec une échelle diatonique, il a constaté des dif- férences marquées dans le son suivant que les tuyaux étaient longs, moyens ou courts. Les tuyaux longs don- nent deux octaves de sons riches et pleins, semblables à ceux d’une cloche d'église, allant du ré— 145 vibrations par seconde au r#—580 vibrations par seconde. À ce point, le son change et la note tombe au fu# = 360 vi- brations par seconde ; le même tuyau donne deux notes. L'auteur distingue alors trois Sortes de sons : ceux du « degré inférieur » correspondant aux sons d'une cloche ; ceux du « degré moyen » qui arrivent immé- diatement après ; et ceux du « degré supérieur » pro- duits par les tubes courts (27 pouces et au-dessous). A la jonction entre le degré supérieur et moyen, il y à une chute d'environ { 1/2 octave. La formule suivante sert à caleuler la hauteur d'une note : DE V = où V est la fréquence, D le diamètre, L la longueur et C une constante qui, pour les tuyaux de fer, a les valeurs 100 X 10, 62 X 10* et 22 X 104, suivant que la note est du degré inférieur, moyen ou supérieur. Séance du 22 Janvier 1897. M. Croft présente divers appareils de Physique très simples. — M. E. C. Baly lit un mémoire sur le passage de l'électricité à travers les gas. L'auteur pré- sente les arguments suivants pour montrer que la conduction électrique dans les gaz n’est pas de nature électrolytique : 1° le signe de l'ion gazeux supposé est variable : 2° le fait de la résistance initiale du gaz; 39 la non-vérification de la loi de Ohm ; #4 la permanence de l'électrolyte gazeux; 5° tout mélange de gaz devrait être également un électrolyte ; 6° quand le courant passe dans un tube à vide, le potentiel est variable, — M. J.J. Thomson répond ainsi aux arguments de M. Baly: 1° il n'y à aucune raison de supposer que, dans d'autres conditions qu'en solution, l'atome d'hy- = —1 19 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES drogène n'ait pas une charge négative ; 2 la théorie électrolytique nous enseigne qu'il faut une force élec- tromotrice déterminée pour faire passer une décharge à travers un gaz. Avant que la décharge se produise, les molécules doivent être rompues, ce qui nécessite un champ électrique de force déterminée ; 3° dans le cas d'un gaz, le champ électrique doit ioniser les molé- cules, de telle facon qu'une augmentation de la force du champ n'accroitra pas seulement la vitesse des ions, mais aussi leur nombre, et alors le courant croitra plus rapidement que la force électromotrice ; 4° l'ion avant une fois servi peut de nouveau se combiner et dès que l'ionisation est reprise par le champ électrique, il est de houveau séparé et utilisé; 50 il semble n’y avoir aucune raison dans la théorie électrolytique pour que, si lon a un mélange de HCI et CI, une partie du courant ne passe pas à travers le chlore ; 6° le potentiel variable se produit si les ions se meuvent avec des vitesses différentes. — M. Schuster fait remarquer que M. Baly semble critiquer la théorie électrolytique, mais qu'en réalité ses arguments sont dirigés contre une {héorie qui n'a jamais été professée par personne. Si, dit M. Schuster, M. Baly avait lu les mémoires originaux dans lesquels sont exposés les points fondamentaux de la théorie électrolytique, il n'aurait pas objecté à cette théorie que la conductibilité des gaz augmente avec la force électromotrice. La différence essentielle entre un liquide et un gaz consiste en ce fait que, dans le liquide, le nombre des ions est fixé par la constitu- tion chimique, tandis que, dans un gaz, la dissociation est produite par le courant lui-même, etle nombre des ions dépend du courant. La théorie de M. Baly doit être rejetée, car elle repose sur ses considérations sur les excès de charge en différents points des tubes, qui sont erronées. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Communications récentes. Horace T. Browne F. R. $S., G. Harris Morris €t J. H. Millar publient leurs travaux sur les méthodes expérimentales employées par eux pour la détermi- nation des produits prenant naissance dans l'hydrolyse de l'amidon au moyen de la diastase. Ils déterminent les corps solides par la densité des solutions; puis donnent le pouvoir rotatoire spécifique, la relation de [als et[a)n, le pouvoir réducteur d'une solution cui- vrique, et les limites de certitude de la méthode. — Dans une deuxième communication les mêmes auteurs déterminent la rotation spécifique de la maltose et de l'amidon soluble. Pour la mallose, à une température de 15°,3 ils ont trouvé [«]r — 137°,93. Le pouvoir rota- toire de l'amidon soluble, pour une concentration de 2,5à4,50/,, à une température de 159,5, est[a]n — 2029,0. — Une étude sur la relation existant entre le pouvoir rotatoire spécifique et le pouvoir réducteur d'une solulion euivrique réagissant sur les produits d'hydro- lyse de l’amidon par la diastase, fait l’objet d'une troi- sième note des mêmes auteurs. — M. R. G. Durrant : Action du peroxyde d'hydrogène et d'autres agents oxvdants sur les sels de cobalt en présence de bicar- bonates alcalins. — MM. James Walker et F. J. Ham- bly ont déterminé la conductibilité électrique du chlo- rure de diéthylammonium en solution dans l'eau pure et dans des mélanges contenant 10,1, 30,7, 49,2, 72,0 et 99,0 0/, d'alcool; la dilution variait de 10 à 8.000 litres. Les auteurs donnent les tables et les courbes montrant la variation de la conductibilité moléeulaire et du degré de dissociation suivant la dilution et les propor- lions d'alcool. — MM. George Young et Henry Ai- mable : Formation d'oxytriazoles substituées en partant de la phénylsemicarbazide. — MM. C. Revis et F. Stanley Kipping : Note sur l’«-bromocamphosulfo- lactone. — M. F. Stanley Kipping : Propriétés et formalion du diméthylkétonhexaméthylène. — M. Wil- liam Jakson Pope publie les résultats de ses travaux relatifs à Ja localisation de la déliquescence dans les cristaux d'hydrate de chloral. — MM. William Jackson Pope et Frederic Stanley Kipping : Nole sur l'Enan- tiomorphisme. ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE Séance du 14 Janvier 1897. SCIENCES PHYSIQUES. — M. V. von Lang indique une méthode pour mesurer la capacité des condensateurs au moyen d'une balance. Si l'on suspend au fléau d'une balance une bobine, que l’on place au-dessous une bo= bine fixe et que l’on y fasse passer un courant alterna= üif, la bobine mobile sera repoussée. Mais si l'on réunit les deux extrémités de cette bobine aux armatures d'un condensateur, elle sera alors attirée. On peut donc me- surer la capacité d’un condensateur si l’on possède un condensateur étalon. La mesure peut être faite de la manière suivante : À chaque extrémité d'un fléau on place deux bobines semblables et au-dessous deux bo= bines fixes qui recoivent un courant alternatif; l'une des bobines mobiles est reliée à la capacité à mesurer, l'autre à l’étalon variable. Séance du 21 Janvier 1897. 1° SciENCES PHYSIQUES. — M. J.-M. Pernter : Les cou- leurs de l’are-en-ciel ordinaire et de l’arc-en-ciel blanc. L'auteur a calculé, d'après la théorie d’Airy et avec l'aide des équations de Maxwell, les couleurs de l'arc en-ciel principal et des arcs-en-ciel secondaires pour des gouttes de pluie ayant un diamètre de 0,01 à 2 mil- limètres. Les résultats du calcul concordent avec les essais de laboratoire et avec les observations faites dans la nature. — M. E. Haschek : Le spectre d’étin- celles ultra-violet des éléments. L'auteur communique les mesures de toutes les lignes des métaux suivants : Pb, Zn, Sn, Cd, Al et Mg. Le nombre des lignes est re- lativement faible. — M. F. Hasenôhrl1 : Sur les coefti- cients de température de la constante diélectrique des isolants solides. Le verre et l'ébonite ont un coefficient de température positif, ce qui est contraire à la loi de Clausius et Mossotti. Pour la parafline et le quartz, la constante diélectrique diminue, il est vrai, avec la température, mais non conformément à cette loi. Celle- ci, qui est vraie pour les gaz, {rès approchée pour les liquides, n'est donc aucunement valable pour les so= lides. — M. W. Pascheles présente ses idées sur l’os= Inose. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. G. Tschermak rend compte des travaux de la Commission pour l’étude pé- trographique de la chaîne centrale des Alpes Orien- tales. M. Berwerth à éludié la zone des schistes qui repose sur le massif gneissique central de Gastein. M. F. Becke a exploré la dépression nord de la chaîne principale des Alpes du Ziüllerthal jusqu'au Tuxerthal. M. U. Grübenmann a étudié les montagnes de l'Otzthal et en à rapporté un certain nombre de roches dont il donne la structure pétrographique et la composition chimique. — M. A. Exner : Emploi de la méthode bac- térienne pour l'étude des tissus animaux. L'auteur montre que la plupart des tissus exercent une attrac- tion sur les bactéries : les nerfs par la lécithine qu'ils renferment, le sang par son oxygène, les graisses par leurs acides gras et leur propriété de céder de l'oxy- gène. VW, SCHWARTZ. Le Directeur-Gérant : Louis Orivier. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1. rue Cassette, 8° ANNÉE N° 5 MARS 1897 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURESNEN SPPLIOUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 1. — Distinctions scientifiques YA Election à lAcadémie des Sciences de Paris. — L'Académie à procédé, lundi dernier, à l'élection d'un membre, en remplacement du regretté Trécul, dans la Section de Botanique. La Section avait classé les candidats dans l’ordre suivant : En 1° ligne : M. G. Bonnier. M. Bureau. M. Maxime Cornu. En 2: ligne. « M. Prillieux. M. B. Renaull. M. Zeiller. M. G. Bonnier, ayant obtenu la majorité des suf- frages, a élé proclamé élu. Petit-tils du jurisconsulte Ortolan, frère de M. Elzéar Bonnier, le liltérateur bien connu, gendre du célèbre eryptogamiste Ph. Van Tieghem, le nouvel académicien a eu celle rare bonne fortune de s'être trouvé cons- tamment entouré de science el de talent. Lui-même s'annonça, dès Sa jeunesse, comme un esprit remar- quablement doué : telle était déjà sa Réputation, pen- dant son séjour comme élère à l'Ecole Normale Supé- rieure, qu'à peine sorti de ce grand Etablissement, il y fut nommé maitre de conférences en re mplacement de M. Van Tieghem, élu professeur au Muséum. M. Gaston Bonnier prit ensuite le grade de docteur ès sciences, et, quelques années après, fut appelé à la Sorbonne pour succéder, en qualité de professeur, à P. Duchartre. Les travaux de M. Gaston Bonnier sont tous marqués au coin de la plus fine ingéniosité : il est le seul bota- niste qui ait réussi à introduire, dans les pulvinules des sensilives, des manomètres capillaires et à mesu- rer, au moyen de ces délicats appareils, les variations de pression dans les renflements moteurs de la plante. On lui doit aussi d'importantes observations sur les rapports des Fleurs et des Insectes. REVUE GÉNÉRALE DES SC'E\CES, 1897. — Nécrologie — Le $ 2. Karl Weierstrass. M. Weierstrass s dernier, ‘est éteint après une longue mal idie. il a été un des plus grands géomètres de ce siècle, et il a exercé une influence considérable sur les progrès de l'Analyse. C’est dans ses lecons à l'Université de Berlin que Weierstrass publiait le plus souvent ses découver- 19 Février tes; les mémoires qu'il a rédigés lui-même sont relati- vement peu nombreux. Ce serait là peut-être la source de quelques difficultés si on voulait historiquement sui- vre la marche des idées de Weierstrass el rechercher l'origine première de telle ou telle notion, mais il im- porte peu si on a seulement en vue les résultats défi- nitivement acquis aujourd'hui à la Science. L'illustre analyste a publié en 4876 un mémoire sur la Théorie des Fonctions uniformes; ce mémoire, en faisant con- naitre à un public que étendu les résultats développés depuis longtemps déjà dans l’enseignement du maître, a été le point de départ d’un très grand nombre de tra vaux sur la Théorie des Fonctions. Cauchy et ses disci- ples francais, en étudiant les fonctions analytiques uniformes, n'avaient pas pénétré bien RAORPE ment dans l'étude de ces points singuliers appelés « points singuliers essentiels », dont le point :—0 pour la fonc- tion e- donne l’exemple le plus simple. Weierstrass, en approfondissant cette étude, a été conduit à un résultat qui est un des plus admirables théorèmes de l'Analyse modèrne, je veux parler de la décomposition des fonc- tions entières en facteurs primaires. D'après le théo- rème fondamental de l’Algèbre, un polynôme peut être décomposé en un produit de facteurs linéaires: pour une fonction entière, c'est-à-dire pour une fonction uniforme continuë dans tout le plan (telle que sin z),ne peut-on chercher à obtenir aussi une décomposition en facteurs? Cauchy avait obtenu sur ce sujet des résul- tats importants, mais sans le traiter dans toute sa gé- néralité. Il était réservé à Weierstrass de montrer qu'une fonction entière peut être décomposée en un produit d’un nombre généralement infini de facteurs primaires, chacun de ceux-ci étant le produit d’un fac- 5 174 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE teur linéaire par une exponentielle de la forme er, où P (2) est un polynôme. C’est sans doute en étudiant l'intégrale Eulérienne de seconde espèce que Weiers- trass a été mis sur la voie de ce beau théorème, et nous rappellerons à ce sujet cet important résultat que l'inverse de cette intégrale est une fonction entière. Weierstrass a beaucoup insisté sur l’importantenotion du prolongement analytique d'une fonction et sur la re- présentation des fonctions par des séries; il a le premier appelé l'attention sur certaines séries ordonnées sui- vaut les puissances croissantes d’une variable, qui ne peuvent être prolongées au delà de leur cercle de con- vergence. C’est dans ces dernières recherches qu'il fut conduit à donner le premier exemple d'une fonction continue d'une variable æ n'ayant pas de dérivée, Voici cet exemple mémorable: Soit a un entier impair et b un nombre positif inférieur à l'unité; la série n—= © “ bn cos (arr) pæ| n—=0 est une fonction continue de x n’admettant pas de dé- LACS 37 rivée si ab > 1 + DE Je me suis arrêté d'abord sur quelques-uns des tra- vaux de Weierstrass relatifs à la Théorie des Fonctions; c’est qu'ils occupent dans son œuvre une place consi- dérable, et c'est qu'aussi je me rappelle encore l’admi- ralion avec laquelle, il y a bientôt vingtans, M. Hermite en parlait à ses élèves, admiration dont quelques années après portait la trace un cours lithographié qui a exercé un grande influence sur les études mathématiques dans notre pays. Les Fonctions elliptiques ont fait pendant plusieurs années l’objet de l’enseignement de Weïerstrass; il y a introduit de nouvelles notations qui ont eu la plus heureuse influence sur le développement de la théorie !. Mais c'est surtout dans la Théorie des Intégrales Ahé- liennes qu'il a fait des découvertes de premier ordre. Le problème «de l’inversion des intégrales hyperellipti- ques avait été posé par Jacobi, et résolu par Gôüpel et Rosenhain dansle cas où le polynôme sous le radical est du cinquième ou du sixième degré. Dans deux mémoires publiés en 1853 et 1856, Weierstrass résout le problème pour les intégrales hyperelliptiques de degré quelcon- que. Les méthodes de Güpeletde Rosenhain ne pouvaient être généralisées ; c’est par la considération de certaines sommes d'intégrales de seconde et de (troisième espèce, regardées comme fonctions desvariablesindépendantes, qu'il parvient de la manière la plus brillante à intro- duire les éléments analytiques fondamentaux. Ce ne fut qu'en 1869 que Weiersirass s'occupa, dans ses lecons, des fonctions algébriques les plus générales et de leurs intégrales ; dans l'intervalle avaient paru en 4857 les travaux de Riemann sur ce sujet, et les mé- thodes de l’illustre émule de Weierstrass, qui prennent leur point de départ dans une question de Géométrie de situation, sont aujourd'hui classiques. Le point de vue de Weierstrass est tout différent de celui de Rie- mann ; ainsi il arrive à la notion de genre d’une courbe algébrique, sans sortir du domaine de l'Algèbre, en recherchant le nombre minimum des infinis arbitraires que peut posséder une fonction rationnelle des coor- données d’un point variable de la courbe. Les tendances d'esprit des deux grands analystes sont d’ailleurs bien distinctes: Riemann aime les méthodes intuitives qui projettent sur tout un sujet une vive lumière, quitte à ne pas toujours descendre dans les détails, tandis que Weierstrass semble, dans son exposition. éviter les vues générales et aime à tout déduire de transformations de calcul permettant d'arriver d’une manière assurée au résultat annoncé, Rien ne serait plus intéressant à cet égard, si c'en était le lieu, que de les suivre tous deux ? Les notations et les formules de Weierstrass sont main- tenant bien connues en France grâce aux Traités d'Halphen, de MM. Tannery et Molk, et de MM. Appell et Lacour. dans l'étude des modules d'une courbe algébrique. J'ai dû passer sous silence bien des travaux de Weierstrass ; sa prodigieuse activité s’est appliquée sur presque loutes les parties des Mathématiques. Il a apporté dans le Caleul des Variations son souci de la plus extrème rigueur, et la Théorie des Equations dif- férentielles a fait souvent l’objet de son enseignement. La Théorie des surfaces minima lui doit d'importants progrès, comme on peut le voir dans une courte note des Monalsberichte, qui a été développée par M. Darboux dans un des plus beaux chapires du tome I de ses Lecons de Géométrie infinitésimale, et je rappellerai enfin son étude sur les grandeurs complexes formées avec n unités fondamentales. La vie de Weierstrass à été entièrement consacrée à la Science. Son enseignement a été l'honneur de l'Uni- versilé de Berlin ; c'est là qu'il a répandu, sans compter, une foule d'idées qu'ont développées dans leurs tra- vaux ses nombreux élèves. Nous saluons avec respect la mémoire du grand Géomètre et du Maître vénéré de tous ceux qui l'ont approché. Emile Picard. de l'Académie des Sciences. Professeur de Caleul différentiel et intégral à la Faculté des Sciences de Paris. Charles Contejean. — C'est avec douleur que nous avons appris — trop tard pour la mentionner dans notre dernière livraison — la mort d'un jeune et très distingué collaborateur de la Revue, Charles Con- tejean, décédé à Bellegarde le 24 février dernier. Les feuilles politiques ont raconté l'épisode tragique de l'empoisonnement involontaire et de la cruelle agonie de notre ami. Il était de ceux dont la Science avait le plus à attendre : physiologiste habile, il avait déjà con- quis dans le monde biologique une place remarquée ; par sa passion pour les recherches, son savoir tech- nique et sa très haute culture, Ch. Contejean s'annon- cait comme l'un des savants destinés à faire le plus d'honneur à notre pays. Tous ceux qui l'ont connu s’associeront à nos regrets. Galileo Ferraris. — Nous avons appris avec regret la mort de M. Galileo Ferraris, sénateur du Royaume d'Italie, membre de l’Académie Royale de Turin et du Comité international des Poids et Mesures. On sait qu'il y a une dizaine d'années M. Ferraris à concu, en Electricité, le système des champs tournants, qui, surtout depuis l'étude expérimentale qu'en à faite Éliuh Thomson, ont acquis une importance toute spé- ciale dans le domaine de la science électrique. M. Fer- raris à eu le mérite de donner là théorie mathéma- thique du système. $ 3. — Sciences Mathématiques Sur la loi de Newton.— À l’occasion du récent article de M. Guillaume sur la loi de Newton !, M. G. Meslin, professeur de Physique à l'Université de Mont pellier, nous adresse Pintéressante communication que voici : « Je viens de lire avec beaucoup de plaisir larticle si suggestif de M. Guillaume sur la loi de l'attraction, et je voudrais, à ce propos, vous signaler une réflexion. Sila réaction mutuelle de deux corps avait une influence sur le poids total, croyez-vous que cela amènerait à la possibilité du mouvement perpétuel? Il faudrait pour cela que la chaleur de réaction fat la même au niveau inférieur et au niveau supérieur. Mais si celle chaleur de réaction n'était pas la même! Ce raisonnement servirait, d'ailleurs, précisément à montrer la différence et à la calculer par une formule dans le genre de : L—L'—[M—{(m+on!)] 2, de même qu'en développant des considérations sem= blables on démontre que la chaleur de volatilisation ÉD TE LR 1 Voyez la Revue du 30 janvier 1897. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE ‘un liquide dans un tube capillaire change avec la ourbure du ménisque, c'est-à-dire avec le niveau uquel se trouve le ménisque au-dessus du niveau ans la partie large. Georges Meslin, Professeur d2 Physique à la Faculté des Sciences de l'Université de Montpellier. $ 4. — Électricité Nouveaux appareils de chauffage élec- ique. — À une récente séance de la Société des lectriciens, M. Colin à présenté les appareils de chauf- age électrique fabriqués par la Société du Familistère Guise. Dans tous ces appareils, des fils métalliques nt été noyés dans un isolant composé de verre pilé ondant à 800. Les fils peuvent être portés à une tem- pérature de 350°. L'expérience à établi que, pour four- nircette température, il faut atteindre un dégagement de “6.660 calories par mètre carré et par heure. La dépense sera de { hectowa t-heure par heure et par décimètre carré. Un grand nombre d'appareils divers ont été établis d'après ces principes, notamment des grils, des réchauds, des chauffe-plats. Ces divers appareils, sui- vant leurs dimensions, consomment des intensités de 2,5 à 8 et 10 ampères à la différence de potentiel de 110 volts. La Société construit aussi des plaques ra- diantes pour chauffage d'appartement, et des résis- tances pour moteurs, tramways. Dans ces derniers, les résistances peuvent mème être utilisées pour chauffer les pieds des voyageurs. $S 5. — Sciences naturelles Sur la méthode d'exposition en Zoologie. — M. H. Beauregard, qui, dans la précédente livraison de la Revue, a rendu compte du « Traité de Zoologie con- crète » de M. Yves Delage‘, avait, avant l'impression, objections. La lettre de M. Delage, répondant à cette bienveillante invitation et destinée à être insérée à la suite du compte rendu de M. Beauregard, nous à été remise trop tard pour paraître dans le même fascicule. Nous nous faisons un devoir de la publier aujourd'hui, avec l'agrément de ces deux savants. LETTRE DE M. Y. DELAGE. Cher Monsieur, Vous voulez bien me communiquer votre compte rendu du Traité de Zoologie que j'ai publié en collabo- ralion avec M. Hérouard. Je vous remercie de votre excellent procédé et vous demande la permission de profiter de l’occasion ainsi offerte pour justifier une méthode que je persiste à croire avantageuse. Il n’est pas douteux d'abord que vous n'ayez raison et que le mieux serait de beaucoup que les élèves se fissent une instruction plus originale en lisant les mémoires dans les périodiques de toutes langues. Hélas! il en est de cela comme de tant d’autres utopies. Ce serait excellent si c'était possible, mais... ça n'est pas possible. Votre jugement condamne d'un coup tous les traités de zoologie. Va-t-on nous reprocher d'en faire après nous avoir tant reproché de n’en pas faire ? Faut- il nous abstenir, en nous bercant de l'illusion que, faute de livres didactiques, les élèves auront recours aux mémoires originaux? Les meilleurs d'entre eux en liront quelques-uns peut-être. Mais songez à l'immensité de la zoologie ! $ Théoriquement, vous avez mille fois raison aussi en signalant les inconvénients de la méthode des types morphologiques. Croyez-vous que je ne les aie point | É sa critique à l’auteur, en sollicitant ses | Revue du 28 février 1897, t. VIIT, p. 165. Rectifions, à ce sujet, une fante d'impression relative au prix de l'ouvrage : Ce prix est de 22 fr: 50, au lieu de 12 franes indiqué par erreur. vus ? Mais il faut juger la question à un point de vue pratique. Tous les procédés ont leurs inconvénients. J'ai signalé, dans la préface, ceux des autres méthodes, et si je me suis décidé pour celle-ci, ce n'est pas en m'illusionnant sur sa perfection, mais à la suite de longues réflexions où je les ai comparé?s entre elles, aidé quelque peu par une expérience, déjà longue, de l'enseignement. Si cette méthode ne vous convient pas, ne serait-ce pas un peu parce que vous n'êtes plus élève et avez oublié, après les avoir franchies, les dures étapes parcourues pour conquérir les grades ? L'ilée de créer des types morphologiques ne vous semble pas heureuse, et vous aimeriez mieux la des- cription de genres réels. Or, de deux choses l'une : si le genre choisi est vraiment une forme moyenne, résu- mant en elle les caractères généraux de l’ensemble du groupe, il n'y a alors aucun inconvénient à la prendre pour type. Mais c'est ce que nous avons fait maintes fois. Dès qu'un genre réel se présentait avec ces carac- tères, c'est lui-même qui a été décrit comme type morphologique, et la chose est expressément indiquée. Si, au contraire, un tel genre n'existe pas, il est mieux, je crois, de présenter le schéma d’une forme moyenne idéale que de prendre pour type un être réel tout autrement conformé que les autres genres qu'on devra rapporter à lui. En décrivant comme lype d'un genre, d'une famille, d'un sous-ordre, d’un ordre, ete., un être réel, on commet la faute de mettre au même plan tous les caractères, en sorte que l'élève ne sait pas lesquels des caractères décrits sont ceux de genre en particulier et lesquels suftiseut pour lui donner‘droit d'entrée dans la classe, l'ordre, le sous-ordre, la famille, etc., auxquels il appartient. D'ordinaire, on remédie à cet inconvénient en faisant suivre l'annonce de chaque groupe d'une caractéristique de quelques lignes, toujours vague et abstraite, qui résume les caractères essentiels du groupe. Ces caractéristiques ne correspondent à aucun être réel quelconque. Nous les avons simplement remplacées par le tableau con- cret et illustré de figures d’un être idéal qui aurait les caractères qu'elles indiquent. Voilà la différence essen- tielle entre le plan de notre livre et celui des autres. Il ne me semble pas qu'elle soit à son désavantage. Yves Delage, Professeur de Zoologie à la Faculté des Sciences de Paris. La lipase végétale.— C'est par erreur que, dans la dernière chronique de la Revue, nous avons attribué la découverte de la lipase végétale à M. Gérard, profes- seur à la Faculté des Sciences de Lyon. L'auteur de celte découverte est M. E. Gérard, professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Toulouse. $ 6. — Agronomie Le dosage de l'azote dans les terres et les engrais; simplification de la méthode de Kieldahl. — On sait que, dans la terre arable et les engrais, l'azote se rencontre sous trois formes princi- pales: azote organique, azote amimoniacal, azote nitrique, dont l'ensemble constitue ce que l’on est convenu d'ap- peler l'azote total. Or, le dosage séparé de ces trois formes de l'azote nécessite l'emploi de méthodes à la fois longues et com- pliquées, et présentant souvent de grandes difficultés. Il y a quelques années, l'introduction de la méthode de Kjeldahl à apporté une notable simplification au dosage de l'azote organique ‘. Mais l'appareil que cette méthode nécessite présente encore de nombreux incon- vénients, dont voici les principaux: 4° son prix est rela- tivement élevé; 2 il nécessite une assez forte pression 4 Cette méthode consiste à transformer l'azote en ammo- niaque au moyen d'acide sulfurique additionné de mercure métallique. L’ammoniaque qui se forme est mise en liberté à l’aide d'une solution de soude caustique, et dosée par l'acide sulfurique normal. 176 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE % d’eau pour la réfrigération, pression dont on ne dispose pas dans tous les laboratoires; 3° l'ébullition de l'acide sulfurique dans un ballon incliné expose à des explo- sions fréquentes, souvent dangereuses; 42 cel appareil donne des chiffres un peu faibles, surtout lorsqu'il s'agit de substances très riches en azote (guano, corne, viande e{ sang desséchés, tourteaux). Frappé de ces inconvénientsamultiples, et dans le but d'y remédier, M. Delattre, chimiste-adjoint dela Station Agronomique d'Arras, vient d'imaginer un manuel opé- ratoire très simple, très facile à suivre dans n'importe quel laboratoire et dont voiciles principales indications: Le dosage nécessite l'opération préliminaire suivante : un demi-gramme à 2 grammes (suivant la richesse) du produit à analyser !, où 10 grammes S'il s'agit d’une terre, sont traités dans un ballon par 25 €. €. d'acide sulfurique purilié auxquels on ajoute 7 décigrammes de mercure. On fait bouillir jusqu'à décoloration du liquide, ce qui dure environ une heure. Cela fait, le tout est transvasé dansle ballon À de PappareilDelattre (fig. 1), ballon d'une contenance d'environ 750 ou 800 c. c.; on ajoute 200 €. c. d’eau, puis 40 c. c. d’une disso- lution de soude caustique ?. On fait refroidir en agi- tant le ballon dans l’eau. La liqueur devant être encore . — Appareil Delatlre pour le dosage de l'azote organique. acide après cette addition de soude, on n'a pas à crain- dre une déperdilion d’ammoniaque. On introduit alors rapidement environ {4 gramme de limaille de zine, puis 40 €. ©. de la même dissolution de soude, à laquelle on ajoute 6 à 8 e. c. de sulfure de potas- sium ou de sodium. Si l’on opère ainsi, léchauffement n'est plus assez sensible pour que l'on ait à craindre une déperdilion d'ammoniaque avant la fin de l'analyse. On ferme immédiatement le ballon avec un bouchon traversé par un petit tube d’étain d’un diamètre inté- rieur de 8 à 40 millimètres, fermé à sa parlie supérieure et muni latéralement de cinq ou six trous {, destinés au dégagement des vapeurs. L'un des trous test placé à la partie inférieure, contre le bouchon coupé en biseau, et sert au retour du peu de liquide qui pourrait se condenser. Aueun entraînement de soude ne peut ainsi se produire, Les vapeurs s'élèvent dans un tube à boule L, recourbé en haut, el assujelli par un joint en caoutchouc J avec un long tube droit incliné, d'environ 85 à 90 centimètresde longueur, dont l'extrémité légère- ment courbe b vient plonger dans un ballon B où l'on a mis 10 c. c. d'acide sulfurique titré, rougi au tourne- sol et étendu d’eau. Ce ballon plonge lui-même dans 1 Si le produit à analyser renferme de l'azote nitrique, une partie sera, dans la suite, transformée en ammoniaque et causera une erreur dans le dosage. Il faut donc éloigner cet azote nitrique; pour cela on traite d'abord la substance par quelques centimètres cubes de protochlorure de fer et autant d'acide chlorhydrique, on fait bouillir quelques instants, puis on introduit l'acide sulfurique et on continue comme il est indiqué. ? La dissolution de soude se prépare en chauffant 1 kilo de soude à la chaux avec 1 litre d’eau distillée. un vase plein d'eau froide pour éviter un trop grand échauffement, mais cet échauffement ne serait cepen-4 dant pas nuisible el n’occasionnerait aucune perte si le réfrigérant était supprimé. Ainsi conduite, la distillation dure environ 20 minu- es, une demi-heure au plus, tandis qu'une heure était souvent insuffisante avec l'appareil à serpentin. On voit d’ailleurs que l'opération estterminée lorsqu'un papier de tournesol rouge mis à l'extrémité du tube b nebleuit plus. Une cinquantaine de dosages comparatifs, effectués à la Station Agronomique d'Arras, ont montré quelles résullats donnés par l'appareil sont d'une rigoureuse exactitude. Aux avantages précédemment déerits, le système joint encore celui d'un nettoyage rapideet facile; disposé en double, il permet d'effectuer quinze à seize dosages par jour. Nous l'avons adopté au laboratoire de l'Ecole d'Agri= culture de Berthonval, où il nous à jusqu'à présent donné toute satisfaction. A. Larbalétrier, Professeur à l'École d'Agriculture du Pas-de-Calais. $ 7. — Hygiène publique La question du laït à Paris. — Actuellement, le lait vendu à Paris est soumis, dans une certaine me- sure, au contrôle dela Préfecture de Police : dans les élables de la ville et de la banlieue, des visites sanitaires éliminent les animaux malsains; chez le vendeur, des échantillons prélevés et analysés permettent d'enrayér la fraude ; mais, malgré cette surveillance, beaucoup de laits sont contaminés soit par la tuberculose, soit par des proportions exagérées de produils conservateurs ; la mortalité excessive de la première enfance pa athrepsie doit, en grande partie, être attribuée à la con= sommation de ces liquides malsains, base forcée de« l'alimentation de l'enfant pauvre. Emu de ces accidents, le Conseil Municipal de Paris vient d'instituer une Commission pour étudier les moyens pratiques d'assurer dans la ville la vente d’un lait pur, sain et économique. Sous la présidence de M. Paul Strauss, conseiller mu- nicipal, la Commission se compose de : MM. le Professeur Brouardel, les docteurs Dubrisay, Du Mesnil, membres du Conseil d'Hygiène; MM. les docteurs Budin, Bois- sard, Comby, Grancher, Sevestre, Variot, médecins des hôpitaux de Paris; MM. le Professeur Landouzy et le D° Thoinot, de la Faculté de Médecine ; M. le D: Vallin, de l'Académie de Médecine; MM. Barrier, Duprez, Nocard, vélérinair Duclaux, D° Roux, D' Miquel, Albert- Lévy, Ch. Girard et Quesneville, micrographes et chi- mistes; Honoré, Risler, Strauss, Thomas el Dr Gibert, membres du Conseil de surveillance de lAssistance publique; Gros et Rouchès, du Syndicat des laitiers nourrisseurs, et de plusieurs conseillers municipaux. M.le D' A.-J. Martin, inspecteur général des Services d’as- sainissement, est nommé secrétaire de la Commission. Les desiderata de la Ville constituent un programme que nous pouvons diviser en trois parties : production, conservation et vente. — Prenant le lait à lPétable, la Commission se prononcera sur les moyens d'instituer un Service de surveillance dans les lieux de production éloignés et de renforcer celui qui fonctionne déjà à Paris et dans le département de la Seine; elle étudiera les conditions les plus hygiéniques de transport à la Capitale, en vue d'éviter la fraude et les altérations. Les procédés de stérilisation et de conservation feront l’objet d'une étude spéciale; tout, particulière= ment la question de l'analyse et des méthodes indi- quant rapidement la pureté d'un lait donné, sera exa- minée par les chimistes de la Commission. Le Conseil Municipal demande, en outre, comment favoriser, susciter la production, la distribution et la vente du lait pur à un faible taux, de façon à faire béné- ficier de cettealimentation toutesles classes de la société. Marcel Molinié, Chimiste à l'Observatoire de Montsouris. H. BRILLIÉ — LA CONSTRUCTION DES TORPILLES ET DES TORPILLEURS 177 L'ÉTAT ACTUEL DE LA CONSTRUCTION DES TORPILLES ET DES TORPILLEURS PREMIÈRE PARTIE : TORPILLE: L'adoption de la torpille comme engin de guerre et la création du torpilleur à grande vilesse sont deux événements de la plus grande importance dans l’histoire de la Marine au xIx° siècle. La tor- pille fixe est le plus ‘terrible des engins destruc- teurs; utilisée pour la défense d’une rade ou d'un port, elle rend à peu près impossible le forcement des passes. Le torpilleur, en permettant d'utiliser la torpille comme arme d’altaque, a profondément modifié les règles de la tactique navale; s'il n’est pas appelé, comme le proclamaient, il y a quelque dix ans, ses partisans enthousiastes, à devenir le « roi des mers », il n’en reste pas moins un adver- saire redoutable avec lequel doivent compter les plus puissants cuirassés. De l'apparilion du torpilleur à grande vitesse date la révolulion qui s’est opérée depuis vingt ans dans la conslilulion des flottes européennes. Jus- qu'alors, on avait considéré les grandes vitesses comme incompatibles avecles faibles déplacements. Lorsqu'on vit, en 1873, un constructeur anglais faire filer plus de seize nœuds à une vedette de qualre tonnes !, on comprit que la vitesse pouvait devenir pour un bâtiment, comme le canon ou la cuirasse, un moyen d'attaque ou de défense. De nouveaux lypes de navires furent créés : on allégea les coques, on perfectionna les machines, on in- venta de nouvelles chaudières. Tous les progrès réalisés dans cette voie depuis vingt ans sont syn- thélisés par le torpilleur, qui est par excellence le bateau léger et de grande vitesse ; aussi l'étude de ces petits bâtiments présente-t-elle pour l'ingé- | nieur comme pour le marin un intérêt toul parti- culier. Le torpilleur n'a sa raison d'être que par la tor- pille; c’est de la torpille que nous nous occuperons aujourd'hui. Nous étudierons cet engin dans ses divers emplois pour la défense des côtes ou l'at- laque des escadres ennemies. Ï. — PuISSANCE DESTRUCTIVE DE LA TORPILLE. Une torpille est une mine dont l'explosion doit se produire sous l’eau. La torpille a des effets des- tructeurs tout différents de ceux qui peuvent être obtenus avec les différentes sorles de mines flot- La Miranda, construite par M. Thornycroft. ha tantes ou machines infernales: ces derniers en- gins — qui paraissent avoir été employés pour la première fois au xvi° siècle (siège d'Anvers) et dont les Anglais firentusage à plusieurs reprises à la fin du xvn' siècle contre les ports de Saint-Malo, Dieppe, Dunkerque (1693-1695), et plus tard contre la flotte française mouillée en rade de l'ile d'Aix (1800) — ontune puissancerelativement limitéeetne peuvent donner d'effets sérieux qu'à la condition de renfer- mer des poids considérables de substances explo- sives. L'air n'oppose, en effet, que peu de résistance à la détente des gaz provenant de l'explosion; si les divers corps solides mélangés à la poudre sont projetés avec assez de violence pour causer mort d'hommes, ils sont, en général, sans grande action sur les bâtiments ou ouvrages fortifiés contre les- quels la mine est dirigée. Il en est tout autrement de la torpille : le brusque refoulement de la masse d’eau, dû à l'expansion des gaz, détermine un choc d'une extrême violence qui donne naissance à une onde de refoulement susceptible de briser, dans les limites d’un certain rayon, tous les obstacles qu'elle rencontre. Si une torpille agit au contact de la carène d’un navire, sa puissance destructive est encore bien plus considérable. La carène subit alors directement la poussée résultant de l'explo- sion des gaz, l’eau environnante agissant comme bourrage. Les effets seront d'autant plus terribles que le bourrage sera plus résistantet, par suite, que l'immersion de la torpille sera plus considérable. L'explosion de la torpille se manifeste tout d’a- bord par un gonflement de la surface liquide; puis les gaz se fraient un passage en un point du bour- souflement ainsi formé et crèvent la surface en projetant une énorme masse d’eau, qui constilue la gerbe. De nombreux essais ont été fails, en France ou à l'Étranger, sur des coques de navires condamnés, pour déterminer la puissance de destruction des torpilles suivant les poids des charges et les con- ditions particulières de l'explosion. On à trouvé que, pour être réellement dangereuse, une torpille doit renfermer 10 kilos de fulmi-coton ou 25 kilos de poudre, si l'explosion doit se faire au contact de la carène, avec une immersion d’au moins 2,50. Si l'explosion se fait à 1 mètre de la carène, il faut environ 45 kilos de fulmi-coton pour obtenir le même effet. Une charge de 200 kilos de fulmi-coton, 178 H. BRILLIÉ — LA CONSTRUCTION DES TORPILLES ET DES TORPILLEURS immergée de 3,50 et distante de 8 mètres de la carène d'une corvette, réduisit littéralement en pièces le bateau, projetant des débris jusqu’à plus de 100 mètres de hauteur. Des expériences méthodiques ont été faites en France en vue de déterminer, suivant les diffé- rentes immersions, les charges à employer pour avoir à la surface un rayon de 7,50, c'est-à-dire une zone dangereuse pour un bâtiment, limitée Tableau I. — Charges des Torpilles. CHARGES EN KILOS IMMERSIONS EE ——— Poudre noire. Fulmi-coton. A 8 mètres. De 8 à 11 mètres Aa 15 15 à 18 à 20 à O9LA € par une circonférence de 7",50 de rayon ; les expériences ont conduit aux chiffres du tableau I. IT. — SUBSTANCES EXPLOSIVES. $ 1. — Fulmi-coton. La torpille à charge de poudre est maintenant peu employée; on préfère les torpilles à charge de fulmi- coton, qui présentent le grand avantage d'être, à poids égal, beaucoup plus puissantes, ainsi qu'on peut s’en convaincre par l'examen des chiffres du tableau. Découvert par Schænbein en 1846, le fulmi-coton s'obtient par l’action combinée d'acide azotique fumant et d'acide sulfurique concentré sur le coton. A l’état sec, le fulmi-coton se décompose lentement et dégage des vapeurs nitreuses; soumis à une température relativement peu élevée, il est très instable et peut donner lieu à des explosions spon- tanées. Mélangé de 20 à 30 °/, d’eau, le fulmi-coton, tout en gardant sa puissance explosive, se conserve beaucoup plus facilement et devient très stable ; il ne délone plus, comme le fulmi-coton sec, sous l’action d’une cartouche de fulminate de mercure: mais on en détermine facilement l'explosion au moyen d’une cartouche de fulmi-coton sec. Les torpilles à fulmi-coton renferment, par suile l’une amorce contenant du fulminate de mercure (1 gr. 5 environ); ® une charge-amorce renfermée dans un élui étanche (tube ou boîte d'amorce) et composée de fulmi-coton sec (625 grammes pour les torpilles dont la charge est inférieure à 400 ki- los ; 1,250 grammes pour les torpilles dont la charge | dépasse 100 kilos) ; 3° une charge de fulmi-coton à | 20 °/, d’eau environ. Avec les charges de fulmi- coton sec indiquées ci-dessus, le fulmi-coton, même saturé. d'eau, détonerait à coup sûr. Certaines Puissances emploient pour les tor- pilles, outre le fulmi-coton, la gélatine explosive. obtenue en dissolvant 10 °/, de colon-poudre dans 85 °/, de nitro-glycérine avec addition de 5 °/, de ‘amphre. $ 2, — Amorces. Pour produire l'explosion des torpilles, on a employé tout d'abord des procédés méçaniques ; un mouvement d'horlogerie ou le déclanchement de leviers sous l’action d’un choc mettait en action une batterie analogue à celle d'un fusil; cette bat- lerie agissait sur une amorce de fulminate de mer- cure. Plus tard, des détonateurs chimiques ont été inventés. Les uns étaient formés simplement de composés instables, explosant au choc ou au frot- tement. D'autres utilisaient la chaleur provenant d'une réaction chimique entre des corps mis brusquement en présence les uns des autres : de l'acide sulfurique, renfermé dans un fragile réci- pient en verre mince qui se brisait au moment du choc, tombait sur un mélange de sucre-et de chlo= rate de potasse ; l'élévation de température qui en résullait enflammait une amorce de poudre fine: D’autres fois, on utilisait l’action de l'acide sulfu- rique et du potassium, de l’eau et du potassium, de l'hydrogène comprimé et de la mousse de pla- line, etc. = Les détonateurs chimiques présentent le grave inconvénient de rendre très dangereux la mise en place et le relèvement des torpilles. Il en est de même des détonateurs mécaniques dès qu'ils sont armés ; aussi a-t-on renoncé à ces différents sys- tèmes pour les torpilles fixes. Pour les torpilles automobiles, on emploie, comme nous le verrons, des systèmes percutants qui ne s’arment qu'après le lancement de la torpille. Les amorces électriques sont actuellement les seules en usage pour les torpilles fixes; ce sont tantôt des amorces d'induclion, dans lesquelles un courant à haute tension détermine une élincelle qui traverse une poudre inflammable, tantôt des amorces de quantité dans lesquelles le courant d’une pile porte à l’incandescence un fil de platine très fin (lrois ou quatre centièmes de millimètre de diamètre environ). Ce dernier système est de beau- coup le plus sûr et le plus répandu ; il présente le grand avantage de se prêter à des vérifications de la conductibilité, de l'isolement des conducteurs et des amorces, au moyen de courants de faible intensité ; c'est le seul procédé réglementaire en France. Dans chaque torpille, on dispose générale- ment deux amorces en dérivation. H. BRILLIÉ — LA CONSTRUCTION DES TORPILLES ET DES TORPILLEURS 179 III. — CLASSIFICATION DES TORPILLES. Les torpilles sont de formes et de dimensions très variables; suivant leur mode d'emploi, on peut les classer en plusieurs catégories : 1° Les torpilles fixes, qui servent à la défense des passes ; 2° Les torpilles mobiles, comprenant : Les torpilles dérivantes, abandonnées à la surface de l’eau ; . Les torpilles portées, que les chaloupesou les tor- pilleurs amènent contre la carène des bâtiments ennemis ; A Les torpilles lancées, ou obus-torpilles, qui peu- vent être immergées soit dès le lancement soit seu- lement au moment de l'explosion ; Les torpilles divergentes, remorquées contre les navires ennemis ; 3° Les lorpilles automobiles, munies d'un moteur qui leur permet de parcourir une assez grande distance dans la direction où elles ont été lancées : 4 Les torpilles dirigeables, dont on peut, du poste de lancement, régler à volonté la trajectoire jus- qu'au moment de l'explosion. IV. — TORPILLES FIXES. La défense des passes se fait au moyen de tor- pilles analogues à celles qui ont élé employées par les Confédérés pendant la Guerre de Sécession: on fait usage de {orpilles dormantes, reposant sur le fond, et de torpilles vigilantes ou torpilles mouillées, flottant entre deux eaux; ces dernières lorpilles sont dites électro-automatiques quand on peut à volonté les rendre dangereuses ou inoffensives, et automatiques-électriques quand elles restent tou- jours dangereuses etexplodent au premier choc. $ 1. — Torpilles dormantes. Les anciennes torpilles dormantes (fig. 1) étaient en fonte et pouvaient recevoir de 300 à 2.000 kilos Fig. 1. — Coupe d'une ancienne torpille dormante en fonte. — A, Carcasse en fonte; B, trou de charge; C, trou d'amorce; d, d', amorces en dérivation; e, fil conducteur par où arrive le courant électrique. de poudre; elles présentaient le grave inconvénient de résister très mal à l'explosion des torpilles voi- sines. Calculées pour un rayon d'action de 7",50 à la surface. En admettant une largeur de 17 mètres pour le bâtiment qui cherche à forcer la passe, les torpilles doivent être écartées les unes des autres de : 17m + 2 X 70,50 — 32 mètres. A cette distance l'explosion d’une seule torpille provoquail l'explosion des torpilles voisines ; on élait conduit à les disposer en quinconce sur deux FO HO Oe- O- À © Ke X S / \ ù ds Fa ES VA AS i PA \ i g à de OO Érnmess LEE * Fig. 2. — Disposilion en quinconce des anciennes lorpilles dormantes. lignes et à porter leurs distances sur chaque ligne à 64 mètres (fig. 2). Les torpilles actuelles (fig. 3) à charge de fulmi- coton sont en tôle et recoivent des charges de 400 700 kilos de fulmi-coton à 20 ou 23 °/, d’eau environ. Deux postes d'observalion sont nécessaires pour produire, au moment voulu, l'explosion dela torpille sur laquelle passe un bâtiment ennemi (fig. 4) : Au premier poste, dil poste intérieur, un obser- vateur suit avec une lunette I le bâtiment N' qui s’avance ; une aiguille fixée à la lunette indique à chaque instant quelle est la torpille dont le cercle d'action se trouve au-dessous du rayon visuel de l'observateur. Un fil correspondant à cette lorpille Fig. 3. — Vue d'une lorpille dormante actuelle en tôle. est mis en communication avec le fil intermé- diaire / reliant les deux postes. Au second poste, dit poste exlérieur, un obser- valeur vise par une lunette E, qui ne peut se déplacer que dans le plan vertical passant par la ligne de torpilles 4,, {,, {,, !,, /.. Aussitôt que le navire ennemi N passe sur la ligne et est vu dans la lunette E, le circuit est fermé au poste extérieur et le courant est lancé dans l’amorce. Une entente est nécessaire entre les observateurs 3) 4? 180 H. BRILLIÉ — LA CONSTRUCTION DES TORPILLES ET DES TORPILLEURS des deux postes pour le’cas où deux navires se présenteraient simultanément. Il est évident que si l'observateur du poste intérieur vise le bäli- ment N' et que l'observateur du poste extérieur lance le courant au moment où le bätiment N passe sur la ligne, c’est la torpille À qui sautera sans atteindre aucun des deux navires. Des projecteurs permettent de surveiller de nuit les abords de la passe et de suivre la marche des bâtiments ennemis. L'explosion d’une torpille dormante peut être obtenue automatiquement au moment où un navire vient à s'engager dans la zone correspondant à son rayon d'action. Il suffit de mouiller entre deux eaux au-dessus de la torpille et à une profondeur conve- nable un ou plusieurs flotteurs susceptibles de Fig. 4. — Défense d'une passe par des lorpilles dormantes. — I, lunette du poste intérieur: E, lunette du poste exté- rieur; 4, le, la, L, ls, torpilles dormantes ; »,, me, M3, ma, M, Commultateurs que l'observateur du poste intérieur ferme suivant qu'il apercoit le navire ennemi dans la direction des torpilles 4, &, {3, &, ou 4: f, fil intermé- diaire entre les deux postes; C, commutateur que l’obser- vateur du poste extérieur ferme lorsqu'il apercoit un navire sur la ligne des torpilles 4, 4; P, pile; M, plaque de terre; N, N', navires ennemis. s'incliner sous la poussée d'un bâtiment en marche et de lancer, au moyen d’un ferme-cireuit conve- nablement disposé, un courant électrique dans l’amorce de la torpille (fig. 5). Le ferme-circuit peut être pris identique à celui des torpilles vigi- lantes dont nous parlerons plus loin; si la pile est à terre, la torpille peut être rendue inoffensive en interrompant le cireuit. S 2. — Torpilles vigilantes. Les torpilles vigilantes sont des flotteurs chargés de fulmi-coton (25 à 50 kilos environ) que l’on maintient entre deux eaux à une profondeur con- venable par un système d'orin et de crapaud analogue à celui de la figure 6. L'explosion se produit automatiquement au moyen d'un courant électrique sous le choc ou la poussée d’une ca- rène. Le ferme-cir- : cuil se compose [ essentiellement d'une sorte de cu- veltte métallique D (fig. 7) recou- verte d'une pla- que conductrice P dont elle est sé- parée par des ma- lières isolantes; la cuvette com- munique avec l'enveloppe mé- tallique de la tor- pille; la plaque est reliée à l’un des pôles d'une pile, dont l'autre pôle est à la mer. Une petite sphère de métal établit la communiea- tion, quand la torpille s'incline, entre la cuvette et la plaque, etlance lecourant dans les amorces aet a'. Lorsque la pile est à terre, on peut à volonté === interrompre Je circuit pour rendre la torpille inoffensive, et la torpille est électro-automatique. Si la pile est dans le cra- paud, la torpille est tou- jours dangereuse (/orpille automatique électrique). Fig. 5. — Torpille dormante automa- tique. — T, torpille placée au fond de la mer; P, pile placée en terre ferme: C, commutateur de terre; M, plaque de terre; F, ferme-cir- cuit analogue à celui de la figure 7: quand un navire le fait incliner, la boule intérieure métallique établit le contact et la torpille saute. $3. — Torpilles de barrage, chapelets de torpilles. Les torpilles de bar- rage, fréquemment em- ployées par les Améri- cains pendant la Guerre de Sécession, étaient sim- plement placées à l’extré- mité de poutres inclinées enfoncées dans le sol; elles explodaient au pre- mier choc. On a fait usage égale- ment, pour la défense des passes, de chapelets de torpilles maintenues immergées à une profondeur convenable au moyen de bouées; ces torpilles pou- vaient exploder isolément ou simultanément sous Fig. 6. — Torpille vigilante. — T,torpille flottant entre deux eaux: C, crapaud, fixé au fond de la mer, et servant à maintenir la tor- pille; il contient quelque- fois la pile électrique. H. BRILLIÉ — LA CONSTRUCTION DES TORPILLES ET DES TORPILLEURS 181 l'action d’un courant électrique. Des dispositions analogues peuvent être employées pour rendre plus efficaces les barrages en filin ou les drômes destinées à condam- ner une passe ou à défendre le mouillage d'une escadre. V.— TORPILLES MOBILES. $S 1. — Torpilles dérivantes. Les torpilles dérivantes sont immergées, comme les précé- dentes, au moyen d’un flotteur ; elles peuvent être isolées ou réu- nies par chapelets. Les forpilles de sillage que peut abandonner un bâtiment poursuivi, les {or- PR pilles essayés en Amérique (obus Cochrane, obus Zalinski) ; ces engins sont lancés dans l'air au moyen de bouches à feu spé- ciales et peuvent atteindre les bâtiments ennemis dans leurs œuvres vives. Nous ne ferons que signaler également des essais de torpilles devant être lancées contre la muraille des navires ennemis, tomber à l’eau le long de la carène el faire explosion quand une im- mersion de quelques mètres au- rait été obtenue. Ces engins n'ont pas donné jusqu'à présent de ré- sullats satisfaisants. pilles de blocus qu'un navire peut )p ” : ! “- : € $ 4. — Torpilles divergentes. semer dans le voisinage d'une passe ou d’un port ennemi ap- Quand un flotteur de forme pa- partiennent à cette catégorie. | rallélipipédique se déplace obli- Il est essentiel queces torpilles D ob le M 2 ë quement dans l'eau, il est sou- os Fig. 7. — Disposilion intérieure d'une CES ER , perdent leur efficacilé au bout forpille vigilante. — À, carcasse en MIS à Une poussee dent la direc- d'un certain temps pour ne pas créer un danger permanent. $ 2. — Torpilles portées. Les torpilles portées sont dis- posées à l'extrémité d'une hampe, tôle; T, trou d'homme; #, trou d'a- morce; M, matelas en bois; p, p!, pattes d'attache; C, cylindre de charge ; ce, charge-amorce; à, a!, amorces en dérivation : D, euvette en cuivre nickelé communiquant avec lacarcasse en tôle ; P, plaque de contact en cuivre nickelé isolée; S, boule en cuivre nickelé éta- blissant, quand la torpille s'incline, la communication entre la cuvette et la tion fait un certain angle avec la direction du mouvement. Un flot- teur se déplaçant suivant la di- rection D (fig. 8) sera soumis à une force normale N et à une force tangentielle T, qui se com- placée à l'avant d’un torpilleur ou d’une embarcation. La hampe donne à la torpille une immersion de 3 mètres et l'éloigne de 7 mètres environ de l'étrave du bateau porte-torpilles. Dans ces conditions on peut faire exploder une charge d'environ 25 kilos de fulmi- coton sans danger pour l'assaillant. La hampe est manœuvrée quelques instants avant d'atteindre l'ennemi, et l’inflammation est obtenue électrique- ment, soit à la suite du choc contre la carène, soit à la volonté de l'officier qui commande l'attaque. $ 3. — Torpilles lancées. On a essayé à plusieurs reprises de lancer sous l'eau des projectiles char- gés de substances explosives. Des ex- périences faites dans cet ordre d'idées il y a environ trente ans, en Angleterre eten France, n'ont abouti à aucun ré- sullat pratique; les immersions obte- nues n'ont pas élé satisfaisantes et plaque de contact. 2m 50 à | Fig.S.— Déplacement d'un {lotleur parallélipipédi- que tlrainé par une re- morque OR. poserontsuivantune résultante F, Prenons sur cette résultante un point O; une remorque OR parallèle à F et termi- née par une patte d’oie aob, maintiendra le flotteur en équilibre pendant son mouvement; cette position d'équilibre sera la seule qui conviendra à la palte d'oie choi- sie; de sorte que le flotteur, remorqué par un bâtiment, s’écartera de lui-même du bord jusqu'à ce que la remorque ait pris la direction OR. Si le flotteur supporte une torpille, on pourra atteindre à distance un bâti- ment ennemi. Dans les premières torpilles diver- gentes, le flotteur était relié par des leviers rigides à une torpille immerge d'un ou deux mètres; on ne put obtenir un ensemble stable pour toutes les vi- tesses. On essaya alors de loger la tor- pille dans un évidement du flotteur ; au moment du choc, un déclanchement produisait la chute de la torpille, qui se trouvait portée par des leviers arti- la portée des projectiles-torpilles était faible, |! culés à 4",50 environ en avant de la tête du flot- Nous ne ferons que mentionner les torpilles à | teur et venait porter contre la carène. main analogues aux grenades, à l'emploi des- Dans un autre système de torpilles divergentes, quelles on semble avoir renoncé et les obus-tor- | la torpille tombe verticalement au moment du choc; 182 H. BRILLIÉ — LA CONSTRUCTION DES TORPILLES ET DES TORPILLEURS dès qu’elle est à une certaine profondeur, la pous- sée de l’eau agit sur un piston dont le déplacement détermine l'explosion. Les divers systèmes de torpilles divergentes n'ont pas donné jusqu'à présent de résultats satis- faisants; elles sont d'un maniement délicat, et, à la suite d’une fausse manœuvre, elles pourraient, dans une rencontre navale, atteindre d’autres bâtiments que ceux contre lesquels elles seraient dirigées. VI. — TORPILLES AUTOMOBILES. La première en date des diverses torpilles auto- mobiles et la plus répandue maintenant encore est la torpille Whitehead, dont l'invention remonte à l’année 1868 et qui a été adoptée successivement par toutes les puissances maritimes. S 1. — Torpilles Whitehead. La torpille Whitehead est le plus remarquable engin de destruction qui aitjamais été conçu ; pour donner une idée de la complexité de son méca- nisme, il nous suffira de résumer en quelques lignes le problème complexe dont elle constitue la solu- tion : La torpille est lancée à l'air comprimé ou à la poudre au moyen d’un tube spécialement construit à cet effet; les divers mécanismes doivent être capables de résister au choc qu'ils auront à subir au moment du lancement. Le moteur se met en marche soit au moment même du lancement, soit après l'immersion: le mouvement se continue dans la direction du tir. Une fois en marche, la torpille s’arme, c’est- à-dire qu'elle devient susceptible d’exploder par le choc. Elle s'immerge automatiquement à une profon- deur déterminée et revient d'elle-même à cette profondeur si elle en est écartée sous l'influence d'une cause accidentelle quelconque. La lorpille fait explosion si elle rencontre un obstacle; si elle manque son but, elle continue sa roule jusqu'à ce qu'elle ait parcouru une certaine distance qui peut être réglée avant le lancement. Puis la torpille stoppe et remonte à la surface s'il s'agit d’un Lir d'exercice à la suite duquel il est de première importance de pouvoir la retrouver : elle coule s'il s'agit, au contraire, d’un tir de com- bat, afin de ne pas constituer un danger perma- nent pour les bâtiments amis qui pourraient la ren- contrer. Sans entrer dans la description détaillée des organes de Ja torpille, que la figure 9 indique d'ail- ? Les lorpilles Schwarzkopf, construites en Allemagne, ne différent des torpilles Whitehead que par des détails sans lnportance. leurs suffisamment, nous mentionnerons sommaire- ment les dispositions de principe qui ont été adop- tées pour les différentes parties du programme que l'engin doit remplir*. 1. — Propulsion. — L'air comprimé, nécessaire à la propulsion, est renfermé dans un réservoir R (par- tie centrale ‘) d'environ 200 litres sous une pression de T0 atmosphères. La mise en marche du moteur peut se faire au moment même du lancement : un doigt, fixé au tube lance-torpilles, détermine le rabattement d'un levier L (région de la chambre des machines) faisant saillie à l'extérieur de la torpille ; le mouvement du levier ouvre, par l'intermédiaire d'une came, la soupape de prise d'air. Cette dis- position présente l'inconvénient, pour les lance- ments au-dessus de l’eau, de produire, pendant que la torpille est dans l'air, l’affolement des hélices et une perte notable d'air comprimé. Aussi ne pro- duit-on souvent la mise en marche du moteur qu'a- près immersion de la torpille; on a recours, dans ce but, à une petite palette, dite « palette russe », qui se rabat sous l'action de la poussée de l’eau et détermine l'ouverture de la soupape. L'air du réservoir ne se rend pas directement à la machine; il passe par un détenteur D (à l'inté- rieur de la chambre des régulateurs), analogue aux détendeurs à vapeur, et qui réduit la pression à 28 atmosphères environ; grâce à celte disposition, la pression d'introduction dans les cylindres reste indépendante de la pression dans le réservoir. Dans les torpilles ancien modèle, les moteurs sont des machines Brotherood ; trois cylindres ont leurs axes à 120° dans un même plan perpendieu- laire à l'arbre; chaque cylindre, à simple effet, actionne un piston à fourreau; les trois bielles agissent sur une même manivelle de l'arbre moteur. Un tiroir tournant, unique, ouvre et ferme les dif- férents orifices d'admission et d'évacuation. Les trois cylindres sont venus de fonte avec une cham- bre d'évacuation centrale à l'intérieur de laquelle se meuvent les bielles et la manivelle. L'arbre est creux et sert de conduit d'évacuation à l'air qui s'échappe à l'extrémité arrière de Ja torpille, der- rière les gouvernails. Les machines tournent à environ 900 lours. Les torpilles nouveau modèle ont des moteurs Whitehead, qui diffèrent des précédents par divers détails de construction et par les organes de dis- tribution, formés de trois tiroirs distincts à mouve- mentrecliligne alternatif, commandés parune même ‘ Dans cette figure 9 les mêmes lettres ont été employées dans diverses régions de la torpille pour désigner des pièces différentes, Aussi, aurons-nous soin, dans la description qui va suivre, d'indiquer, à l'occasion de chaque lettre, la région dans laquelle le lecteur devra la chercher. (-enbrpur ojouae | op exe7 o7 enb uorñoi ef suep oupo] enbeyo 10401940 ouop e1A0p anoyoaf ag ‘suOIBpA SOSIOAIP So] SUCD Sojuoioytp sooord sop ouf sop mod qejodoi say uo nb 9$ixo e sop£ojduws ser of sop “poayanyAM apndu07 aun p saunbio ænndourud 21quOu purs O[ Ste s u ‘ooo1d eut qui oun ous 9p oà7}of onbeqo ‘ 2p anbjDwuayos ajquesur — “6 "A uor}antSu09 8f 9p onued onbeyo ap AN9HQAUI,| V) “ooejd uo sogonoy | -189 SO] JUBUOFUIBUT O17N9} 9P So[JopuOs ‘J : U0o700 -UU0} ep Sanbsip se] queuroJuex eyon0mae2 ‘7 208 21pnod-u0309 op Saspui|{9 ap aoui0} ‘o9oute -221649 *Y ‘AN9}E00)9P ‘( — ‘/40yY9 ap 21QW0YT -Inaynoiod ‘4 ‘209 un p uor —8,] Snos 99resto quojd uo opprdno3 ‘y { (opuue Sio]e Js2 ojueynausd aquiod ef) o01jou,] jo 94e 231} E[ IN] 9948 JueuIBAqUe 72 Anequ910d o[ 217009 12704 nu9A 759 uoqoueu 2] puenb queae | e 9111 -d8,] op quedeçdop os ajeju epm3 ‘# ‘inamnorod a[ 91009 951n09 9p Jn04 & 19]N{ JUEN9A 79 091189 231} e] ed quremque 9j uoyoueut ‘we {91e op UO1}E101 9p JUoWEANOU 8] 1ed aoureaque 291189 221} ‘} ‘oyoseut uo 750 eqprdaoy ej puenb axquour aunp sojpingie Sap OSIQAULT SU9S u9 Jueuinoy | Sayoueiq oajenb v 901{94 ‘y — ‘ayuunatol 70] j ea} ‘L ‘onbneysoip{q uoysid “1 0814 E[ R ANOMQAUI SEAQ 01 D) uOIsSIu -SULAY BJ K QI[OI JS AN911PIX9 SEAG 9] H OU2uE)S JO EI | D [B}u0ZHIOU Xe uos ded JUESJIOAEAI} 8[{NOP SEIQ ‘Œ ‘a[qnop SI NE Q[NOIJIB AOIAO NP JUAUHANOUL NP UOISSIUSUEAY 7) fuorsuodsns op oft} 8] & 9XU [eJU0ZHOU oXe UN 2948 79 g uoisuedxe % o[jeiq BJ 9048 9[no1jie JS d81A0] Of { [eu -J9An0$ ne SAN9}U[NSH)1 SOP JUOWOANOU NP UOISSIUSUBA} op ougs{s o[ o1nomodns gyuouyxe uos 1ed quepuewumoo ‘a[nomue JO1A] 7 { XNB9N09 ANS opquou ‘uorsuodsns 9p 031 S ‘enpued np sjuowoprAg sop Suep S930 « ‘4 o[npuod np SJIOSSAI Sa[ ANS quessrae - ‘t} 051 E[ JUEPUPUIUION “An9JOUI-0AI9S ‘& ‘ UOISSILUSUEA} 9p 291}'#} {[IRUI9ANOZ n)JU9WUOANOU p suodtwuey sep aded ‘9 ‘q ‘Siroqgnq Xn2p omue nue} -UtBut ‘eju0f ua onpued ‘4 £y g1oddns -uostojo e[ ans queAnddes onbreysoip{q uoysid np Sjiossor ‘Eyj ‘A fa SIA EI € SHIOSSOI S2p UOIS -U®} L[ JUEJJOSUEIT ‘soyo -UEJ( £ L ‘SJIOSSOI SAP 0S10A np SMOSSOI Sp UOISU9) 9p SIA 99 n0499 ‘a ‘2 !(sognosoud -21 UOU) SHIOSSAI SJIOJ XNOp aed [euriou quoutoy1e99 Amel Sonuoquieu ‘o1}Ne| Suep aun,| Juesst[s sorqied xnop op oouuoy ‘onbryejsoap{y uoystd np uorsuedxe & o1fo1q ‘a — ‘2npuad np 21qu0y “epnpuod np o1quieo ef suep 1a417ouod op neo, queqo -oduo onoyomnous uo eut -Seaqdeip ‘p ‘enbresoap{y uoysid *d ‘nvop esoaruep | SNO4Y ‘} — ‘109 D 9170) ‘94e 01jouttjuo9 184 SOf -D{ OZ UOIAU9,p uorssoud oun % eWAduO9 are | ap juoyquoo LOAIDSAI OT “UOISSIUSUEIY op of} E[ ep opmä-eqny ‘1 ‘ uorsstuSuBA1} op 091} ‘ np UOISSIISUEI} E[ op oyjouuos 9pjuowuaAnou ‘s ‘anojou o1q -AR.] 9p 9[[oArueU ‘uw 2 qaoddns-uos -10[9 E[ Ans 99XY 991JOUI - QUIYOBUL ‘ù ‘(serrduoy sop sad4} soç queams) UOIAUD SOI 0€ V CZ 9p uorssord oun V dB] queu -oUIBI ‘uorssoid 9p anoejeuñou no 4inopua)9p ‘4 faquy ne oxXy3310p un 4Jeëd qjqueweo -UB[ np JuouOUt ne ny}eqea ‘ire p ostid 9p JafAO] ‘TJ ‘IEP asud op o3ednos EI] 90 Juouoñieyo op sadednos sa queuraquoi‘sodut -N0$S Sop 97104 ‘4 ‘[RuIaAn0oS np 981} &[ op epins-aqu (1) ‘eique | op oddopoAus-oqn3 ‘5 aru,p jueueddeuos p gmpuos 9p JUEAI9S J9 auIyoeut E] Ed ppuEurtUOS ‘XN949 o1qUE °Y "JN_uoyoueu 0] 2oAe sdioo quesier 12 V 91que.j ans noj | uoustd ‘F4 !souretp | -QUH9qUI suoustd dd {y oùque,j ans 9JeA8[o uoustd ‘4 VNKIHONY $S LNYINILUVANOD ‘So91fau Sap St 9 ‘9 ‘a *ANn9JOU O1 | Ans 09794810 ‘oyones & sed e ‘orge CRI EU SH ‘oagnue uougrd np uoyoueut of ans 044 -2A8/9 ‘oqro1p e sed à ‘queae oo1[eu ‘H x -uaspidor uou) XnejuuzHoy SuolaIte Sa] Jo V XNB91I9A SUOJO[IE SO[ eJ10d siButoano% sep jioddns eg ‘aie p juoweñe#op ep oqn} Œ ‘ leutoAnoS ‘9 ![eutoaAnoS np Jorae] ‘7 {7 a|[etq EI JUuBpUBUUON Jorouefeq"'g :oqjjouuos 9p JUOWAaANOU ‘$ ‘ANODOIP J0S19 ‘a !SO]LO -IIoA Soyjopre ‘ XNB9I]IOA SUOIOIE ‘ Y 1 HOUVHI A4 ANO9 SUAHLVINONIHX SAQ HUANVHI | MIV,A UIOAUASAN SANIHOVN SHC AUSIAHV HAHLIOTA S'IIVNUMHANOO SA | = UENVHO LHOJANns | 0400 s2bmu21P11 org … 702 0pnpuod PP D ann me PO PE el à 0271 à np 2P 51quM 5 Ag) DLGUPY) S00 21QU291/) DAOTALD «172 Cou A me ie k 7 lebanp sp ou 'Érpprpnhassop 20 PP 1084897 7 1 l - ZZ Ca 18% H. BRILLIÉ — LA CONSTRUCTION DES TORPILLES ET DES TORPILLEURS came clavetée sur l'arbre. Les machines, dont la pression de régime est de 22 à 34 atmosphères, sui- vant les types de torpilles, tournent à 900 tours. La puissance des divers moteurs varie de 35 à 50 chevaux. La propulsion est obtenue par la rotation de deux hélices de pas contraires; l'hélice arrière est clavetée sur l'arbre de la machine, l'hélice avant sur un manchon qui entoure l'arbre et recoit un mouvement de rotation de sens contraire à celui de l'arbre par l'intermédiaire de pignons coniques. Les deux hélices tournent au même nombre de tours et ont chacune deux ailes ; le pas de l'hélice avant est légèrement supérieur à celui de l'hélice arrière. Cette combinaison de deux propulseurs tournant en sens contraire est nécessaire; avec une seule hélice la torpille serait soumise à l’action d’un couple qui tendrait à la faire tourner autour de sa position d'équilibre en sens inverse du mouvement de rotation de l'hélice; la lorpille prendrait de la bande et serait déviée de la direction suivant la- quelle elle aurait été lancée par l’action du gouver- nail horizontal. Les pas des deux hélices sont déterminés expé- rimentalement de facon à maintenir la torpille pendant la marche exactement dans son assielte normale. 2. — Direction. — Une torpille dont les formes seraient rigoureusement symétriques par rapport à un plan vertical, dont le centre de gravité serait dans ce plan et qui serait réglée de façon à ne pas donner de bande, se déplacerait nécessairement dans le plan vertical de tir. Pour parer aux légers défauts de symétrie que la torpille peut présenter, on dispose à l'arrière deux aileltes directrices (région de queue) dont on peut faire légèrement varier l'orientation autour de leur position moyenne parallèle à l'axe. L'orientation à donner à ces ailettes est déterminée, une fois pour toutes, pen- dant les Lirs de réglage. 3. — Immersion. — Les dispositifs employés pour obtenir une immersion déterminée de la torpille, constituent la partie la plus ingénieuse de l’inven- tion. Les mouvements de la torpille dans le plan vertical de tir sont réglés par un gouvernail hori- zonlal G (région de queue) placé à l'arrière des hélices. Les mouvements de ce gouvernail sont commandés par un piston hydrostatique et un pen- dule. Le piston hydrostatique p (chambre des régu- laleurs) supporte sur l’une de ses faces la pression de ressorts RR,, que l'on peut régler à volonté; le pendule P (même région) reste toujours dirigé suivant la verlicale et a, par suite, un déplacement | | Fig. 10. relatif vers l’avant ou vers l'arrière de la torpille suivant que celle-ci est inclinée la pointe en bas ou en haut. Le piston et le pendule agissent sur le gouver- nail par l'intermédiaire d'un système de leviers : un de ces leviers a l'une de ses extrémités articu- lée en a (fig. 10) sur le pendule; en à il recoit l’ar- ticulation d’une tige fixée au piston hydrostatique; enfin, par son extrémité c, il actionne les tiges de commande du gouvernail. Si le piston hydrosta- Schéma montrant l'action du pendule et du piston hydrostalique sur le levier qui commande le gouvernail. Un levier est fixé au pendule en a; en b il recoit l'arti- culation d'une tige fixée au piston hydrostatique ; enfin, par son extrémité c il actionne les tiges de commande du souvernail. Si la torpille s'enfonce, le piston hydrosta- tique sous la pression de l'eau prend la position indiquée en pointillé; le levier « e vient en a c'; le gouvernail se déplace et fait remonter la torpille. De même si la tor- pille est inclinée la pointe en bas, le pendule prend la position indiquée en pointillé, le levier «& e vient en & & et le gouvernail fera également remonter la torpille. tique s'enfonce sous l’action de la pression de l’eau, le levier ac (fig. 10) viendra en ac', etla torpille remontera sous l’action du gouvernail. Si la torpille est inclinée la pointe en bas, le levier ac viendra en ca, etle gouvernail tendra à redresser la tor- #) 727 1 ÿ ‘ 71 mn$ 72 RE — — os 7% F 74 Fig. 11. — Effet du piston hydrostatique et du pendule sur la marche d'une lorpille. — m, m:m,m,m,, trajectoire que suivrait la torpille avec le piston hydrostatique seul: minsmsmnm,, trajectoire suivie par la torpille avec piston hydrostalique et pendule. pille. Si la tension des ressorts est réglée de facon à faire équilibre à la pression de l’eau pour une pression déterminée h, et si la torpille suit une tra- jectoire telle que m, m, m, m, m, (fig. 11), le piston hydrostatique et le pendule combinent leurs effets de m, à m, et de m, à m, pour rapprocher la torpille de sa trajectoire. De m, à m, et de », à m,, le pen- dule produit un effet contraire à celui du piston et la torpille se rapproche de son immersion normale suivant une inclinaison moins prononcée. Le pis- ton hydrostatique seul donnerait une trajectoire H. BRILLIÉ — LA CONSTRUCTION DES TORPILLES ET DES TORPILLEURS 185 telle que m, 7%, m, m,m,, en forme de sinusoïde dont l'amplitude n'irait en décroissant que très lente- ment; la combinaison du piston et du pendule 0 donnera une trajectoire telle que »',m',m',m',m',, qui s'éloignera moins de la trajectoire rectiligne et se confondra très rapidement avee celle-ci. Le pis- ton hydrostatique et le pendule n'agissent pas di- rectement sur le gouvernail; la commande se fait par l'intermédiaire d’un servo-moteur à air com- primé S (lig. 9, chambre des machines); les leviers actionnés par les appareils régulateurs d'immersion n'ont à vaincre que les efforts de frottement du tiroir de ce servo-moteur. A. — Pointe percutante. — La pointe percutante doit être sans action tant que la lorpille n’a pas été lancée el n’a pas accompli sous l’eau un certain trajet; pour armer la lorpille automatiquement, une petite hélice, dont le mouvement est déterminé par la poussée de l'eau quand la torpille est en marche, est disposée à l'extrême avant; le mouve- ment de rotation détermine le déplacement longi- tudinal d'une pièce formant écrou, qui fait saillie peu à peu avec l'hélice à l'avant de la torpille et devient susceptible de produire le mouvement du percuteur sous l’action d’un choc. >. — Mécanismes divers. — La torpille comprend encore : 1° Le mécanisme d'immobilisation du qouvernail horizontal, desliné à éviter au moment du lance- ment, sous l’action des forces d'inertie, un dépla- cement brusque du pendule susceptible de fausser | les tiges de commande du servo-moteur; dès les premiers tours de la machine, le déclanchement du mécanisme d'immobilisation est obtenu automa- tiquement et la commande du gouvernail est libre; 20 Le mécanisme de sloppage, commandé égale- ment par le moteur, et qui produit la fermeture de la soupape de prise d'air quand la torpille a par- couru une distance déterminée ; 3° Le mécanisme de submersion, qui fonctionne en même temps que le mécanisme de stoppage et dé- termine par l'ouverture d'un robinet le remplis- sage du flotteur. Dans le cas d’un tir d'exercice, ce mécanisme ne fonctionne pas, le flotteur reste vide; une fois le moteur stoppé, la torpille, dont le dé- placement est un peu supérieur au poids, remonte à la surface. 6. — Inconvénients de la torpille Whitehead. — Les nombreux perfectionnements qui ont été appor- tés depuis enyiron vingt-cinq ans aux torpilles Whitehead, ont assuré à cesengins un fonctionne- ment salisfaisant; les torpilles présentent toutefois le grave inconvénient de renfermer des mécanis- mes compliqués et délicats, exigeant des réglages minutieux el fréquents; elles ne peuvent êlre con- fiées qu'à un personnel spécial, parfaitementexercé. Le prix des lorpilles Whitehead varie, suivant les types, de 7.000 à 12.000 francs. 7. — Tubes lance-torpilles. — Pour les tirs de réglage, les torpilles Whitehead sont lancées au moyen du tube carcasse formé de quatre cornières longitudinales réunies par des cercles transversaux el munies intérieurement de bandes de gaïac ser- vant de guides pour la torpille. Le tube carcasse est chargé au-dessus de l’eau, puis immergé à une profondeur déterminée avec la torpille maintenue par un verrou de retenue; au moment du lance- ment, la manœuvre d’un levier dégage le verrou et actionne un doigt qui rabat le levier de prise d'air. Les premiers torpilleurs possédaient des tubes sous-marins dont le fonctionnement élait analogue à celui des tubes carcasses. Un système de leviers articulés permettait d'amener le tube sur le pont pour le mettre à son poste de mer et de charge- ment ou de l’immerger à une profondeur d'environ 80 centimètres. Ces tubes présentaient le grave inconvénient de réduire considérablement la vitesse du torpilleur dès qu'ils étaient immergés; ils don- . naient, en outre, de fréquentes déviations aux tor- pilles ; ilssont actuellement abandonnés en France; le système à été dernièrement repris en Anglelerre et adopté avec quelques perfectionnements de détails pour les vedettes qui, en raison de leur fai- ble déplacement, ne peuvent recevoir de lubes lance-lorpilles ordinaires. On a fait usage, pendant quelques années, en Angleterre, d'un procédé de lancement imaginé par M. Yarrow et qui consistait à chasser la tor- pille du tube au moyen d’un piston actionné par la vapeur. Actuellement les torpilleurs et la plupart des grands bâtiments reçoivent des tubes placés au-dessus de l’eau et disposés pour le lancement à l'air comprimé ou à la poudre. Le premier procédé nécessite une installation lourde, encombrante et compliquée. En France on emploie exclusivement le lancement à la poudre, qui ne nécessite aucune installation spéciale; la chasse de la torpille est obtenue par l'inflammation d'une gargousse et la mise de feu se fait par une étoupille à percussion. Le tube lance-torpilles, en bronze ou en acier, est muni d’une culasse dont la fermeture est assu- rée par une vis à filets iaterrompus; la torpille est maintenue dans le tube par un verrou qui se dé- gage au moment du tir. Si le tube doit lancer par le travers du bâtiment, sa partie supérieure est prolongée par une cuiller portant une rainure en forme de T, dans l'intérieur de laquelle s'engage 186 H. BRILLIÉ — LA CONSTRUCTION DES TORPILLES ET DES TORPILLEURS un ergot fixé sur la torpille. Celle-ci se trouve alors soutenue pendant le lancement jusqu'à ce qu'elle soit entièrement sortie du tube,-:et elle tombe d'aplomb dans l’eau. Sans celte précaution dans le cas d'un lancement en marche, la poussée latérale de l'eau sur l'avant de la torpille tombant la pointe en bas produirait une déviation initiale. Les iubes à cuiller assurent une plus grande précision de tir que les tubes ordinaires; ils ont | l'inconvénient de fuire saillie en dehors de la ca- rène des bâtiments, mais ils peuvent être facile- ment rentrés ou mis en place =a moyen de chariots roulants sur des rails établis sous barrots. 8. — T'ubes des torpilleurs. — Les tubes d’étrave placés à l'avant des torpilleurs sont pourvus d'une porte étanche, que l’on manœuvre au moment du lancement. Les tubes d’étrave ont été supprimés sur la plupart des torpilleurs à 28 ou 30 nœuds dans la crainte que le torpilleur lancé à toute vitesse ne vienne à passer sur sa torpille. Les tubes mobiles des torpilleurs sont disposés sur un affût ou chariot qui peut tourner autour de son axe sur une circulaire. En Angleterre, les tubes sont souvent disposés par deux sur le même cha- riot; les deux tubes peuvent être orientés soit dans des directions opposées prêls à lancer d'un bord ou de l’autre, soit dans la même direction; dans ce dernier cas, ils font le plus souvent entre eux un angle de faible amplitude que l'on peut régler à volonté et qui permet le tir simultané des deux tor- pilles sur un même but. On peut aussi lancer les deux torpilles successivement et régler le tir de la seconde d’après la trajectoire suivie par la pre- mière. Les tubes des torpilleurs sont munis, pour la retenue de la torpille, de freins à pression (freins danois) et d'un verrou dont le dégagement est obtenu par la poussée des gaz provenant de l'explo- sion de la gargousse (verrou Sébert). 9, — Tubes sous-marins. — Les dangers que pré- senterait au moment du combat la présence de torpilles dans la batterie, a conduit depuis quel- ques années à étudier la question des tubes lance- torpilles sous-marins. Ces tubes sont munis d'un système de double vanne permettant de charger sans introduction d’eau dans le bâtiment. Une cuiller extérieure disposée latéralement du côté de l’arrivée des filets liquides est munie d'une rainure dans laquelle s'engage un ergot qui maintient la torpille par son centre de poussée. Le lancement se fait sous l’ac- tion d'un piston, d'une chasse d’eau ou par l'air | comprimé. 10. — Appareils de visée. — L'orientation à don- ner au tube, ou au navire lui-même, dans le cas d'un tube fixe, est déterminée au moyen d'appa- reils de visée qui permellent de combiner la vi- tesse propre de la torpille et la vitesse présumée du but. L'appareil (fig. 12) se compose de deux curseurs G, C/ mobiles sur deux alidades O À, OB: les distances O C, O C' étant prises proportionnelles aux vitesses du but et de la torpille, il suffira d'amener l’alidade O A parallèle à la direction sui- vie par le but, de viser le navire suivant C C' et de lancer la torpille dans la direction C' O. Il est difficile d'évaluer avec une certaine préci- sion la vitesse du but et la route qu'il suit; aussi le lancement sur un navire en marche devra toujours en | 07 a V+LpitiR \ \ \ ; \ l \ 1 a Ci () K{ C Appareil de visée Ve 18 NC : Fig. 12. — Appareil de visée pour le lancement des lorpilles. — A droite, on voit l'appareil de visée, composé de deux curseurs C et C!, mobiles sur les alidades OA et OB; les distances OC et OC! sont proportionnelles aux vitesses du but à atteindre et de la torpille. À gauche, on voit l’appli- cation de l'appareil; la ligne OCest parallèle à la direction du navire N qui se trouve lui-même sur la ligne CC’. On lance la torpille suivant C! 0 et elle atteindra le navire quand il sera en A. être fait à faible distance pour présenter quelques chances de succès. $ 2. — Torpille Howell. Parmi les différents systèmes de torpilles auto- mobiles imaginés depuis l'apparition de la torpille Whitehead, il convient de citer en première ligne la torpille Howell: les premiers essais de cette tor- pille remontent à l’année 1870; grâce aux nom- breux perfeclionnements apportés peu à peu à l'invention, des résultats très remarquables ont été obtenus dans ces dernières années. L'immer- sion est donnée automatiquement, comme dans la torpille Whitehead, au moyen d'un piston hydro- statique et d'un pendule ; le mouvement des hélices est obtenu d'une facon toute différente (fig. 13). Un volant V, animé au départ d'un mouvement de rotation extrêmement rapide (20.000 tours par mi- nute environ), emmagasine par sa force vive le tra- vail nécessaire à la propulsion. Une application des plus heureuses des propriétés mécaniques du gyroscope maintient la torpille dans le plan de tir : l'axe du volant est horizontal et perpendiculaire à l'axe de la torpille. Une force qui tendrait à faire dévier celle-ci horizontalement ne peut donner, d'après les propriétés du gyroscope, qu'un mouve- H. BRILLIÉ — LA CONSTRUCTION DES TORPILLES ET DES TORPILLEURS 187 ment d’inclinaison autour de l'axe; sous l'effet de la bande produite, un pendule actionne un gouver- nail vertical qui tendrait à produire une déviation L'Angleterre a adopté la torpille Brennan, qu'elle en sens contraire et par suite ramène la torpille | a achetée en 1876 à l'inventeur pour la somme de dans son assiette normale. La torpille Howell pré- | 2.750.000 francs. sente le grand avantage d’avoir un moteur robuste Les hélices sont mises en mouvement par la ro- et peu encombrant; elle n'exige pas d'appareils | tation de deux tambours TT, (fig. 14) sur lesquels auxiliaires compliqués tels que les pompes de sont enroulés des fils d'acier; sous l'effort de trac- S 1. — Torpille Brennan. Fig. 13. — Torpille automobile Howell. — V, volant gyroscopique produisant le mouvement; E, engrenage conique trans- mettant le mouvement aux hélices , H!; G, G', gouvernails. compression, réservoirs d'air comprimé, néces- | tion, donnéparune machine à vapeur placée au poste saires pour les torpilles Whitehead; l'entretien est | de lancement, le dévidement des fils se produit et facile, le fonctionnement assuré. La direction de | met-en marche les hélices. Les fils d'acier se dévi- la torpille est parfaite, même dans les lancements | dent par l'arrière de la torpille et, plus la traction en marche par le travers, ce qui constitue une | due à la machine du poste est rapide, plus la grande supériorité sur la torpille Whitehead, su- | vitesse de la torpille est grande. Ce résultat, en jette aux déviations initiales; le sillage n'est pas | apparence paradoxal, s'explique facilement; l’en- visible comme celui de la torpille Whitehead, dont | semble peut, en effet, être facilement combiné de la trajectoire est indiquée par l'air d'échappement. | telle sorte que la poussée due à la rotation des La torpille Howell est adoptée par la marine amé- | hélices soit toujours supérieure à la traction des ricaine ; le type le plus récent porte une charge de | fils; il est évident, par exemple, que, tous les autres 112 kilos et a une distance franchissable de | éléments de l'appareil étant déterminés, on pourra 600 mètres avec une vitesse de 32 nœuds. choisir le rayon des tambours de la torpille suffi- samment grand pour que la traction des fils soit notablement inférieure à la poussée des hélices La torpille Berdan est adoptée par le gouverne- | tout en donnant un couple de moment convenable. ment anglais qui en garde soigneusement le secret. | L'immersion de la torpille est déterminée, comme $ 3. — Torpille Berdan. Fig. 14. — Schéma de la commande des hélices et du gouvernail dans la lorpille dirigeable Brennan. — T,, tambour avant claveté sur l'arbre A; T,, tambour-arrière, claveté sur le manchon M; P, pignon claveté sur l'arbre A; P,, pignon fai- sant corps avec le manchon M'; p, p,. pignons intermédiaires; H,, hélice fixée au manchon M'; H, hélice HÉRASELETe l'arbre À; e, pièce formant écrou sur l'arbre À et commandant, par la rainure », les tiges du gouvernail vertical ; » par- tie filetée de l'arbre A; f, fente du manchon servant de guide à la pièce mobile e. à La propulsion est oblenue par une turbine action- | dans la torpille Whitehead, au moyen d'un piston née par les gaz provenant de la combustion d'une | hydrostalique et d'un pendule; ces appareils agis- fusée. | sent directement sur le gouvernail, ce qui ne peut VII. — TOoRPILLES DIRIGEABLES. | assurer une grande sensibilité; aussi les trajec- Loires sont-elles souvent défectueuses et l’immer- Des torpilles dirigeables dont le fonctionnement | sion irrégulière. serait satisfaisant rendraient les plus grands ser- | La direction de la torpille est obtenue par un vices pour la défense des côtes. Malgré les dispo- | gouvernail vertical actionné par le mouvement dif- silions très ingénieuses qui ont été imaginées, il | férentiel des deux arbres porte-hélices. A cet effet, ne semble pas jusqu'à présent qu'aucun système | les deux tambours actionnent deux arbres, l'un ait donné entière satisfaction. | plein À, l'autre creux M, formant manchon autour 188. D H. BRILLIÉ — LA CONSTRUCTION DES TORPILLES ET DES TORPILLEURS du précédent. Les deux arbres tournent dans le même sens ; un système d’engrenages coniques permet d'obtenir, pour l'hélice-avant H correspon- dant à l'arbre creux, une rotation de sens con- traire à celle de l'hélice-arrière H,. L'arbre plein est fileté sur une petite portion v de son étendue, et reçoit une pièce e formant écrou, maintenue dans une rainure longitudinale f de l'arbre creux. Tout mouvement relatif des deux arbres donnera à l'écrou un déplacement longitudinal qui est uti- lisé pour la commande du gouvernail vertical. On dirigera donc la torpille en dévidant plus rapide- ment le fil de l’un ou l'autre des deux tambours. La position de la torpille est indiquée par la fumée ou les flammes données par la combustion de compositions chimiques. $ 2. — Torpille Patrick. Dans la torpille dirigeable Patrick, l'immersion est donnée par un flotteur auquel la torpille est sus- | | | | | | | diffère principalement par son moteur, qui est électrique. L'immersion, d'environ 2 mètres, est oblenue au moyen d'un flotteur F, les tiges LL, reliant à l'avant le flotteur à la torpille sont inclinées de façon à permettre à l'ensemble de plonger à Ja rencontre d'un obstacle, tel que les ceintures flot tantes dont un bätiment peut s’entourer au mouil- lage comme protection. Le cäble renfermé dans un compartiment spécial de la torpille et dont la longueur est d'environ 2 kilomètres, est double ; un fil central sert pour les courants de faible intensité actionnant le gou- vernail; un conducteur annulaire entourant le pré- cédent amène le courant principal (25 ampères, 300 volts) actionnant le moteur. Ce dernier, d'une puissance d'environ 40 chevaux, tourne à 1.500 tours, les hélices à 750. La charge de la torpille est de 125 kilogrammes de dynamite, la vitesse atteint 21 nœuds. Fig. 15. — Torpille dirigeable Sims-Edison. — F, flolteur: L, L, L, tiges rigides reliant le flotteur à la torpille proprement dile; L, index permettant de suivre la torpille pendant sa marche: à la rencontre d'un obstacle, la tige de l'avant fait plonger la torpille, les index I se rabattent sur les flotteurs et reprennent ensuite leur position verticale; A, compar- timent renfermant la charge de dynamite et l'amorce d; B, compartiment vide: /, conducteur pour linflammation de l'amorce d: C, compartiment du càble; D, dynamo: R, appareil électrique pour la commande du gouvernail; G, gou- vernailé H, hélice: T, tube guidant le conducteur à sa sortie de la torpille jusqu'en arriére de l'hélice- ‘ pendue ; la propulsion est obtenue par une machine Brotherood fonctionnant à l'acide carbonique. L’a- cide carbonique est renfermé à l’état liquide dans un récipient et traverse, en passant à l’état gazeux, un réchauffeur en serpentin dont l'élévation de température est obtenue par la combinaison d'acide sulfurique et de chaux. La torpille est reliée à la terre par un câble électrique qui se dévide pendant la marche. Au moyen de ce câble, on produit la mise en marche ou le stoppage de la machine, le mouvement du gouvernail vertical et l'explosion de la torpille, au choc ou à volonté. Ces diverses com- mandes peuvent avoir lieu avec un conducteur à fil unique ; en lançant un nombre de fois déterminé un courant de faible intensité dans le conducteur, on actionne un commutateur qui se trouve disposé pour produire, sous l’action d’un courant de forte intensité, l'effet que l’on a en vue. 8 3. — Torpille Sims-Edison. La torpille Sims-Edison (fig. 15) présente de nom- breux points communs avec la précédente ; elle en VIII. — VALEUR MILITAIRE DES DIXFÉRENTS TYPES DE TORPILLES. Les résultats obtenus avec les torpilles pendant la guerre de Sécession et les guerres maritimes plus récentes sont les seules bases que l'on puisse À avoir pour juger la valeur militaire de ces engins. L'efficacilé des torpilles fixes pour la défense des passes n'est pas discutable; les pertes nombreuses subies par la marine fédérale pendant la guerre de . Sécession ne peuvent laisser aucun+doute à cet égard; une escadre qui chercherait à pénétrer dans une rade sérieusement protégée par des lignes de torpilles courrait les plus grands dangers et ne pourrait réussir qu'en sacrifiant un ou plusieurs de ses bâtiments. Le forcement d’une passe ne sera vraisemblablement tenté qu'après destruction ou mise hors de service des lignes detorpilles. Lorsque les conducteurs reliant les torpilles de fond aux postes de visée auront été coupés, lorsque les tor- pilles vigilantes auront été draguées ou qu'on aura obtenu leur explosion au moyen d'amarres remor- ] H. BRILLIÉ — LA CONSTRUCTION DES TORPILLES ET DES TORPILLEURS -quées par des chaloupes, les passes pourront être franchies sans danger; mais ces opéralions seront à peu près impossibles dans le voisinage des forts et ne pourront ètre tentées qu'après destruction presque complèle des ouvrages de la défense. Les torpilles dormantes présentent l'avantage d'occuper des emplacements bien déterminés ; elles peuvent renfermer des charges considérables | et avoir une puissance destructive terrible ; le dra- gage en est très difficile; si les postes de visée sont bien à l'abri des coups de l'ennemi, les conduce- teurs inaccessibles, la ligne convenablement éta- blie et bien entretenue, la mise de feu peut être considérée comme certaine. Elles présentent l'in- convénient de nécessiter l'éclairage électrique des passes par des projecteurs; en oulre, quand la profondeur est un peu grande, les charges de substances explosives doivent être considérables. Les torpilles vigilantes présentent l'avantage de pouvoir être mises en place très rapidement; leur - fonctionnement est automatique; mais dans les ports à marées leur immersion peut se trouver trop faible à marée basse, trop forte à marée haute ; enfin, dans le cas d’un bàtiment marchant à très petite vitesse, le frottement de la carène ne produit pas toujours une inclinaison suffisante . pour produire l'explosion. Ces torpilles seront sur- tout employées pour l’organisation rapide d’une défense torpédique de fortune. Après les récents progrès de l'artillerie et l’ex- tension des pièces à tir rapide, l'emploi des tor- pilles portées sera sans doute de plus en plus res- treint. Une attaque ne pourrait avoir quelques chances de succès que contre un navire au mouil- lage, qui ne serait point gardé et n'aurait pris aucune des précautions dont s'entoure un bâti- ment en temps de guerre. La torpille automobile peut être lancée à dis- tance; c'est toutefois une arme de faible portée; la précision du tir laisse à désirer dès que la mer est houleuse ; les bàätiments ennemis arriveront-ils souvent assez près l’un de l’autre pour pouvoir faire usage de leurs torpilles ? Il est permis d'en douter. Avec les torpilleurs, les torpilles automo- 189 biles deviennent pour les flottes qui resteraient de nuit à proximilé des côtes un danger sérieux auquel ne s’exposeront vraisemblablement pas les escadres. Le blocus d'un port sera, par suite, diffi- cilement maintenu tant que la défense disposera de torpilleurs. La lorpille Whitehead a un fonc- tionnement généralement salisfaisant quand elle est bien réglée, mais c’est une arme délicate, sujette à de fréquentes déviations initiales; les charges de fulmi-coton sont relativement faibles pour le poids de la torpille. La torpille Howell a fait récemment de très grands progrès ; elle est simple et robuste ; le poids de la charge est rela- tivement élevé ; elle se maintient bien dans le plan de tir; elle parait, à ces différents points de vue, mériter la faveur dont elle jouit en Amérique. Les torpilles dirigeables, si ingénieux que soient les dispositifs qui ont été imaginés, présentent de sérieux inconvénients ; elles nécessitent des postes de manœuvre dont l'emplacement sera difficile- ment caché à l'ennemi et qui pourront devenir l’objet de ses attaques; la manœuvre de l'engin, simple en principe, est en fait des plus délicates, surtout de nuit; la torpille présente l'inconvénient d'être visible pour l'ennemi, qui peut chercher à la détruire ou à l’éviter; enfin, les résultats donnés par le fonctionnement même des engins sont loin d'être en tous points satisfaisants. Quelques difficultés que l'on puisse rencontrer dans l’emploi des torpilles de différents systèmes, la puissance destructive de ces engins est telle que le simple fait de les utiliser paralysera toujours en partie les moyens d’action de l'ennemi. Une veille incessante et jamais en défaut sera nécessaire à bord de tous les bâtiments, fatiguant les hommes et les officiers, et finissant par user les forces des équipages. Par son effet moral, plus encore peut- être que par ses effets directs, la torpille est appelée à jouer un rôle important dans les guerres navales de l'avenir !. H. Brillié, Ingénieur des Constructions navales. 1 Dans un prochain article nous étudierons les Torpilleurs. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1891. 190 D' L.-HENRI PETIT — LA LUTTE ACTUELLE CONTRE LA TUBERCULOSE LA LUTTE ACTUELLE CONTRE LA TUBERCULOSE MORTALITÉ PAR TUBERCULOSE. — CURABILITÉ NATURELLE. — TRAITEMENT PRÉVENTIF. — TRAITEMENT CURATIF PAR L'ISOLEMENT DES TUBERCULEUX DANS DES SANATORIA. La mortalité par tuberculose a fait l’objet de nombreuses recherches statistiques sur lesquelles nous ne pouvons nous étendre, mais qui nous montrent que cetle mortalité s'élève, dans cer- taines localités et à Paris en particulier, à un sixième de la mortalité générale. Ayant compulsé avec soin les chiffres de la mortalité par maladies tuberculeuses à Paris en 1891, j'ai trouvé que le total, basé sur la statistique municipale, était d’en- viron 21.375!. Une statistique générale de la mortalité par tu- berculose pulmonaire, dressée par un journal alle- mand? au commencement de l’année 1896, nous montre les proportions de cette mortalité sur soit environ la moitié seulement, par toutes les maladies infectieuses épidémiques. Quant aux animaux, nous savons que la propor- tion est assez considérable, puisque tous les gou- vernements prennent maintenant des mesures pour combattre chez eux la tuberculose. Les documents statistiques ayant quelque valeur sont encore peu nombreux, mais on peut déjà, suivant les loca- lités, établir que la tuberculose chez les bovidés atteint de 5 à 20 °/, de ces animaux !. C'est en examinant les chiffres connus il y a dix ans, que notre regrelté maitre, le Professeur Verneuil, pensa qu'il était urgent et possible de réagir contre cette mortalité effrayante, et, avec Tableau I. — Mortalité par tuberculose pulmonaire pour 1.000 vivants. ALLEMAGNE FRANCE VILLES DIVERSES ——_—— © — VILLES HABITANTS |1892-93| 1894 VILLES HABITANTS 189% VILLES HABITANTS 1894 Würzburg . . . 65.000 | 41,6 | 52,4 Le Havre . . . 116.000 | 50,3 Budapest . .. 552.000 | 49,3 Nuremberg . . 161.000 | 41,7 | 39,3 Rouen... 111.000 | 45,0 Vienne: 1.4 le 000 | 45,4 Breslaur 1 361.000 | 40,1 | 34,9 Paris . . . . .| 2.424.000 | 41,6 || St-Pétersbourg. 54.000 | 44,3 Augshourg. . . 81.000 | 33,4 | 33,5 NANCY. - à. 86.000 | 33,7 Moscou 53.000 | 42,9 MunICD APCE 393.000 | 30,8 | 30,8 LVODIENEN UN. 431.000 | 33,6 Varsovie. : - . 500.000 | 25,7 Goloenert ee") 309.000 | 30,8 | 28,2 RES EE. ... 0 105.000 | 32,6 New-York . . .| 41.925.000 | 2454 Francfort . .. 201.000 | 29,1 | 27 Nantes. 1.2 122.000 | 30,1 Philadelphie. .| 1.115.000 | 23,7 Elberfeld. . . . 138.000 | 28,1 | 26,6 Roubaix. 11. 115.000 | 29, Glasgow. . . . 000 | 22,6 Dresden ete 316.000 | 28,1 | 26, Me A ALT 10.000 | 28.2 NaDIes EE 535.000 | 21,1 ATOS 149.000 | 28,5 | 24,7 Bordeaux . . . 252.000 | 25,5 Buenos-Avres . 580.000 | 20,7 IDENPA EN ENRNNE 404.000 D 24,0 Saint-Etienne . 131.000 | 23.: Manchester . . 529 000 19,6 Gôürlitz. . . 67.000 | 24,8 | 24,: Marseille..." 406.000 | 21,8 Londres . . - | 5300/0003 Chemnitz 150.000 | 23,6 ; Toulouse. . . . 148.000 | ! Chicago . . 50.000 | 13,4 Berlin. ..:1"1%103;000%)"95; F3 ANSE ef: 83.000 5,5 Hamburg Me 604.000 | 25,2 | 21,1 || LÜUDECÉA 69.000 D ) | | il a. ————…—…—…—————————……—— — —…—….….…."…" ….….….….… ….….…"_-_-.————-—…….…. 1.000 habitants dans toutes les grandes villes du monde où cetle constatation à pu être faite, pour | l'année 1894. Le tableau I ci-joint la résume. | Dans tous les pays, la tuberculose exerce plus de ravages que toutes les affections transmissibles : variole, rougeole, scarlatine, diphtérie, fièvre Ly- phoïde et choléra. J'ai démontré ailleurs ce fait pour Paris. Les recherches faites à ce sujet par le Service d'Hygiène de la ville de Bruxelles l'éta- blissent aussi pour cette capitale. Dans la période de 18641893, on voit, en effet, que, sur 134.603 dé- cès, il y en a eu 29.327 par tuberculose, et 15.409, 1 Revue de la Tuberculose, janvier 1894, p. 1. ? Münchener med. Woch., T janvier 1896, p. 28. l'aide de neuf de ses collègues de la Faculté, MM. les Professeurs Bouchard, Brouardel, Charcot, Damaschino, Fournier, Grancher, Lan- nelongue et Polain, créa l'Æuvre de la Tuber- culose. Tout en encourageant les éludes cliniques, ces éminents maitres, en particulier MM. Bouchard, Cornil, Grancher, Straus, etc., ouvrirent leurs labo- raloires aux travailleurs pour expérimenter sur les animaux et rechercher les moyens les plus prati- ques d'arriver à la guérison de la tuberculose. Cornil, 1 Voir l’article de M. le Professeur Leclainche (de Tou- louse) « Sur la fréquence et la distribution géographique de la tuberculose des bovidés », qui a paru dans la Revue de la Tuberculose de décembre 1896. te nait cha mit cu due és tEne Da né Se Gén de D' L.-HENRI PETIT — LA LUTTE ACTUELLE CONTRE LA TUBERCULOSE Guérir la tuberculose! ou, pour les gens du monde, guérir la phtisie! Voilà ce que bien des gens et même des médecins ont été longtemps et sont encore actuellement éloignés de croire. El cependant la tuberculose pulmonaire, la phlisie, peut guérir et guérit souvent. Ce qui empêche de croire à la guérison, c'est précisément cette lé- gende accréditée qui fait dire que ceux qui gué- rissent n'étaient pas phtisiques. Je le répète donc, la phtisie peut guérif et guérit souvent. Comme l’a dit le Professeur Grancher, et comme nous le ré- pélait récemment le Professeur Ollier, la tubereu- lose est la plus curable des maladies chroniques". Elle guérit même chez des sujets qui se trouvent dans les plus mauvaises conditions hygiéniques. _ Laënnec, Louis, Andral et, après eux, lous les mé- decins des hôpitaux de toutes les villes du monde ont lrouvé des tubercules guéris, de grandes ca- vernes tuberculeuses cicatrisées depuis longtemps dans les poumons de sujets d'apparence robuste, morts d'accidents ou d'autres maladies et dont ils ont pu faire l’autopsie. Et pour citer des exemples observés de nos jours et recueillis avec toute l’au- thenticité désirable, M. le Professeur Brouardel n'a-t-il pas constaté des guérisons semblables sur des vagabonds ramassés dans la rue, lués dans une rixe et dont il faisait l’autopsie à la Morgue*. On peut dire que ces malheureux se trouvaient dans les plus mauvaises conditions hygiéniques, mal nourris, mal vêtus, couchant le plus souvent à la belle étoile ou sous les ponts. Si donc la phtisie peut guérir dans des condi- tions qui sembleraient devoir s'opposer à sa guéri- son, à plus forte raison celle-ci a-t-elle des chances de survenir si on réalise autour du malade les con- ditions d'hygiène et de traitement nécessaires. C’est à la recherche de ces conditions que se mirent les membres de l'Æuvre de la Tuberculose. Les travaux qui ont été publiés par eux sont déjà nombreux ; ils sont mentionnés dans tous les travaux d'ensemble qui ont paru depuis, et servent de base au présent article *. 1 Grancher : Fréquence de la Curabilité de la tuberculose, Bull. méd., 1895, n° 53. 2 Voir aussi Vibert (Ch.) : Statistique relative à la fré- quence de la tuberculose pulmonaire et de sa guérison. Etudes expér. et clin. sur la tuberculose, 1887, t. 1, p. 356. 5 On les trouvera dans les trois recueils suivants, auxquels nous renvoyons le lecteur désireux de se tenir au courant de la question : Etudes expérimentales et cliniques sur la tuberculose, trois volumes in-89, 1887-1892 ; Comples rendus et mémoires des Congrès de la Tuberculose, trois volumes in-8°, 4888-1893: Revue de la Tuberculose, quatre volumes in-8°, 1892-1896. On trouvera, en outre, dans cette dernière publication, l'analyse ou l'indication bibliographique des travaux importants qui paraissent sur la tuberculose en France et à l'Etranger. 191 Des ligues analogues contre la tuberculose ont été fondées ou sont en voie de fondation sur le modèle de notre OEuvre, en Allemagne, en Angle- terre, en Danemark, en Espagne, aux Etats-Unis, au Canada, en Italie, en Russie, en Suède et en Suisse. Je dois ajouter qu'en France toutes les grandes villes qui possèdent une Faculté ou une Ecole de Médecine sont représentées dans le Comité de direction de notre OEuvre par un ou plusieurs délégués. IT Guérir les maladies tuberculeuses, c’est bien ; les prévenir, c'est mieux. Je dis les maladies tubercu- leuses, parce que ces maladies sont nombreuses et de sièges différents, contrairement à l'opinion, gé- néralement répandue dans le public, que la tuber- culose est tout entière comprise dans la phtisie pulmonaire et que tuberculose el phtisie sont synonymes. Etablissons donc de suite, pour n'y plus revenir, que la tuberculose est une maladie géné- rale, qui débute le plus souvent par l'appareil res- piratoire, sa porte d'entrée préférée, mais non la seule, qui peut rester plus ou moins longtemps loca- lisée à son point d’origine, mais qui, une fois qu'elle a pénétré dans l'appareil sanguin ou lym- phatique, ne tarde pas à envahir tout l'organisme. Non seulement elle se localise dans le poumon (cas général), mais elle peut siéger aussi dans n'importe quel organe et en n'importe quel point du corps. L'origine de la tuberculose nous indique le moyen de la prévenir. On sait que sa cause première est un microbe, dit bacille tuberculeux ou bacille de Koch. Ce bacille réside dans les déjeclions des phli- siques, en particulier et surtout dans les crachats, puis, dans le pus des abcès froids, des ulcérations, les matières fécales, l'urine, etc., suivant le siège de la maladie ; contrairement à l'opinion généra- lement reçue, on ne le trouve ni dans la sueur, ni dans l’haleine des phtisiques. Les excrélions tuberculeuses peuvent propager la maladie chez des personnes saines". La manière la plus fréquente est la suivante. Les expeclora- tions ou autres excrétions tuberculeuses étant jetées sur le sol, ne tardent pas à y sécher et à se mélanger à la poussière. Gette poussière, ainsi mé- langée de bacilles mis en liberté, est soulevée et emportée par le vent dans les rues, les habita- tions, et pénètre, avec l'air que nous respirons, jusque dans les plus fines ramifications de nos bronches, où les spores des bacilles peuvent en- suile germer ou être rejetées suivant les condilions que nous indiquerons plus loin. 4 Voir Valentin Gilbert : Pourquoi et comment on devien phlisique, Genève, 1896. On voit donc que tout le danger réside dans les produits d’excrétion des tuberculeux, les exerétions tuberculeuses variant suivant queles malades sont atteints de tuberculose pulmonaire ou de tubercu- lose des appareils digestifs et urinaires, ou d’abcès froids, etc. Le moyen de prévenir ce danger est donc bien simple. Il suffit de recueillir avec soin dans des vases ces produits d'excrétion : crachats, urine, pus, matières fécales des tuberculeux, et de les détruire soit en les jetant dans le feu, soit en les plongeant dans l’eau bouillante, soit en les mélangeant à des produits chimiques qui les al- tèrent et les rendent inoffensifs !. Il est encore une autre manière de devenir tuber- culeux qui, bien que moins fréquente que la pré- cédente, n’en mérite pas moins d'allirer notre atten- tion. C'est de se servir comme aliments de la viande et du lait des animaux tubereuleux. Un certain nombre de savants pensent encore que le danger provenant de l'ingestion de la viande des animaux tuberculeux a été exagéré, qu'il serait même illu- soire; mais il n’en est pas de même de l’usage du lait provenant de vaches tuberculeuses, que tous les expérimentaleurs et cliniciens s'accordent à reconnaitre comme très nuisible et notamment susceptible de donner la tuberculose aux enfants qui le consomment”. 1 Pour plus de sûreté, une seconde mesure a été réclamée : c'est d'isoler les tuberculeux, et dans les familles, et dans les hôpitaux où ils risquent de contagioner d’autres malades non tuberculeux, mais que leur misère physiologique met d'une facon toute particulière en état de réceptivité à l'égard du bacille de Koch. Cette année même, à la suite d’études variées et d’une retentissante discussion à l'Académie de Médecine, l'Assis- tance publique de Paris se mit à étudier la question, sol- licitée qu'elle en fut à la fois par le Ministère de l'Intérieur et par le Conseil Municipal de la ville, Une Commission composée de médecins des hôpitaux, de conseillers muni- cipaux et d'hygiénistes compétents, fut chargée d'étudier et de déterminer les mesures propres à empêcher la contagion de la tuberculose dans les hôpitaux. Les mesures adoptées peuvent être résumées ainsi : 10 Création de sanatoria hors de Paris pour les phtisiques pauvres; 20 Aménagement de quartiers deslinés à l'isolement de tuberculeux dans les hôpitaux ; 30 Constructions de pavillons nouveaux d'isolement; 40 Antisepsie médicale à appliquer dans les quartiers de tubereuleux, et d'une facon générale dans tous les hôpitaux : substitution du lavage des parquets (des salles, couloirs, ete.) à la pratique du balayage à sec et du cirage; recueil et dé- sinfection des crachats de tous les malades à l'aide de deux types de crachoirs : un crachoir individuel placé au lit du malade et un exachoir commun placé dans les cours, esca- liers, couloirs, ete., désinfection de tous les objets à l'usage des malades, réforme du mobilier des salles. En outre, la Commission s’est occupée du traitement des tuberculeux à domicile, qui comporte d’ailleurs des indica- tions analogues aux précédentes, auxquelles il faut joindre la désinfection des logements. ? On a cité beaucoup d'exemples qui mettent ce point hors de doute que de jeunes animaux ou des enfants, ali- mentés par mégarde avec ce lait, soient devenus tubercu- leux ; mais je n'en connais pas de plus frappant et de plus authentique que celui dont a été victime la fille d'un de nos D' L.-HENRI PETIT — LA LUTTE ACTUELLE CONTRE LA TUBERCULOSE Un second moyen de se mettre à l'abri de la tuberculose est donc de faire cuire à fond la viande et de faire bouillir le lait, à moins qu'on ait la certitude que les animaux d’où provenaient viande et lait n'étaient pas tuberculeux. Depuis quelques années, cette certitude tant dé- sirée est facile à obtenir. On sait, en effet, que la tuberculine de Koch, qui a manqué à toutes ses promesses comme agent thérapeutique de la tuber- culose, peut rendre de très grands services dans le diagnostic de cette maladie chez les bovidés!, Je dois signaler en première ligne, parmi les savants qui ont contribué à établir cette notion importante : MM. Bang, de Copenhague, et Nocard, d'Alfort, Le procédé est des plus simples : On injecte à un ani- mal de l'espèce bovine chez lequel rien ne peut faire soupconner la tuberculose, quelques centi- mètres cubes de tuberculine, puis on prend sa tem- pérature toutes les trois ou quatre heures. Si l’ani- mal est sain, la température reste la même ou s'élève à peine de quelques dixièmes de degré; si, au contraire, ilest tuberculeux, au bout de quelques heures la température s'élève de un, deux et même trois degrés. On peut donc affirmer qu'une vache de belle apparence, qui n’a subi aucune élévation thermique après l'injection sous-cutanée de la tu- berculine, n'est pas tuberculeuse, et alors on peut boire son lait et manger sa viande sans crainte; tandis qu'au contraire, si cet animal a présenté après l'injection une élévation de sa température de un à trois degrés, on peut affirmer, toul aussi justement, que cet animal est tuberculeux, et alors il est prudent de ne pas boire son lait sans l'avoir fait bouillir, ni manger sa viande sans l'avoir fait cuire à fond. Le mieux serait peut-être de s'en abs- tenir; mais, scientifiquement et pratiquement, on sait que l'ébullition et la cuisson prolongées peu- vent détruire le bacille tuberculeux. Le diagnostic de la tuberculose bovine par l'in- jection sous-cutanée de tuberculine a été employé plus distingués confrères de Genève. Cette jeune fille buvait chaque jour une tasse de lait provenant des vaches du domaine de son père et qui avaient toutes les apparences de la santé. Elle devint phtisique sans qu'il y eût aucun tuberculeux dans sa famille ni dans son entourage, et mou- rut. Le malheureux père eut le courage de faire l'autopsie, et il reconnut l'existence d'une tuberculose intestinale et mésentérique. Cette localisation de la maladie fit supposer qu'elle était d'origine alimentaire et rechercher si les vaches du domaine n'étaient pas tuberculeuses. L'examen fit recon- naître que quatre, sur cinq de ces vaches, étaient tubercu- leuses ; on les abattit aussitôt et l'autopsie permit de recon- naître que deux d'entre elles avaient de la tuberculose dans les mamelles. 1 MM. Grasset, Combhemale, etc., ont tout récemment tenté de faire le diagnostic de la tuberculose chez l’homme avec les injections de la tuberculine; mais, bien qu'ils disent avoir obtenu sans accidents des résultats utiles, on comprend que la plupart des médecins, encore sous l'impression des premiers désastres produits par ces injections, hésitent beaucoup à les suivre dans cette voie. | sur une grande échelle par M. Nocard dans plu- des Cote. sieurs exploilations agricoles de France qui élèvent ou qui entretiennent un grand nombre de bœufs et de vaches laitières. IL s'en est servi à la fois pour reconnaitre les animaux malades de ces grands troupeaux et, en les séparant de ceux qui étaient encore sains, pour empêcher ceux-ci de devenir tuberculeux. M. Bang, de son côté, a fait la même chose dans plusieurs grandes fermes du Danemark. En mettant les animaux sains dans des étables . neuves et en évilant toute relation, tout contact entre eux et les animaux malades, MM. Nocard et Bang ont constaté que la maladie était arrêtée. Quant aux animaux reconnus malades, si la lésion était étendue, on les a sacriliés; on a livré les par- ties reconnues saines à la consommation, les par- ties malades élant détruites à l’aide de la chaux vive‘. Pour les animaux peu malades, on les a laissés dans leurs étables, qu'on avait soigneuse- ment désinfectées, et on les a engraissés pour être livrés à la consommation. D'autres ont été traités. M. Nocard m'a dit avoir obtenu déjà des résultats encourageants, mais il ne veut faire connaitre ni ces résultats, ni la méthode employée avant qu'une pratique de plusieurs années lui ait permis de la croire bonne. On voit cependant, dès à présent, combien le rôle de la tuberculine est important dans la prophylaxie de la tuberculose, puisque, en indiquant quelles sont les vaches atteintes de ceite maladie, on peut prendre toutes les précautions nécessaires à l'égard de leur viande et de leur lait, séparer celles qui sont malades de celles qui sont saines, et préserver celles-ci de la contagion. Une Commission nommée par l'Académie de Médecine a sanctionné pleinement les idées émises à ce sujet par M. Nocard (25 février 1896) et il serait à désirer que tous les propriétaires de vache- ries soumissent leurs animaux à l'épreuve de la tuberculine et fissent abattre soit immédiatement, soit après engraissement, les vaches reconnues tuberculeuses. Nous devons dire que presque toutes les laiteries de Paris et des environs de la Capi- tale se sont déjà conformées à ce désir. De plus, un décret rendu par le Ministre de l'Agriculture D' L.-HENRI PETIT — LA LUTTE ACTUELLE CONTRE LA TUBERCULOSE quelques jours après la lecture du rapport favo- | rable de l’Académie, oblige tous les animaux qui arrivent à la frontière à subir l'épreuve de la tuberculine et, s'ils sont reconnus malades, à être abattus sur place ou à rebrousser chemin, moyen radical de mettre la France à l'abri de l'impor- tation de la tuberculose étrangère. 4 La saisie et la destruction partielles ou totales des viandes provenant d'animaux tuberculeux ont été réglemen- tées en France par un arrêté du Ministre de l'Agriculture, M. Méline, en date du 28 septembre 1896. (Voir Revue de la Tuberculose, décembre 1896, p. 355). 193 Ce n’est pas tout. Un certain nombre de faits donnant à penser que les enfants apportent en naissant des lésions tubereuleuses transmises par leur père, M. Nocard a exprimé le vœu que les taureaux reproducteurs soient soumis à l'épreuve de la tubereuline et qu'on élimine de cette fonction ceux qui présenteraient l'élévation thermique révé- latrice !. Comme on le voit, la lutte contre la tuberculose animale est plus avancée que contre la tuberculose humaine, et, comme le disait si bien le regretté D' Buttura, de Cannes, au Congrès de 1893, les ani- maux continuent à être mieux traités à cel égard que les humains. Reconnaissons que si l’on à déjà pris contre la tuberculose animale bien des me- sures efficaces, tout l'honneur en revient aux efforts persévérants de MM. Chauveau, Leblanc, Weber, Butel, etc., et surtout à l’active et énergique pro- pagande de M. Nocard, dont la Faculté de Médecine vient de récompenser les importants travaux en lui décernant une de ses plus belles récompenses (Prix Lacaze). III Ces notions relalives à la lutte contre la tuber- culose ne pouvaient être efficaces qu'à la condition d'ètre vulgarisées, enseignées à tout le monde jusque dans les derniers villages. Aussi le Congrès de la Tuberculose de 1888 demanda-t-il que des instructions courtes, claires, précises, fussent rédi- gées et envoyées dans toutes les communes de France. MM. les D" Landouzy et Legroux furent chargés de cette rédaction. Présentées à l'Académie par le regretté Villemin, elles furent l'objet d’une longue discussion qui, en somme, se termina par leur approbation et dont le retentissement attira sur elles l'attention générale. Elles furent, du reste, publiées par la plupart des organes de la presse médicale et littéraire. C'est alors que M. le D° Armingaud, professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Bordeaux, fonda une Ligue de la Tuberculose dans le but de faire connaître encore davantage toutes ces idées rela- tives au danger de la contagion de la tuberculose et aux précautions à prendre pour Îles éviter. Ses efforts furent d’un grand appui pour la lutte contre le mal que nous eombattons, gràce à des confé- rences qu'il institua dans un grand nombre de loca- lités et à l'impression de petites brochures repro- duisant nos instructions et distribuées en France à plusieurs centaines de mille d'exemplaires. Nos premiers efforts, notre congrès, nos instruc- tions, les petites brochures de M. Armingaud, firent impression à l'Étranger, et c'est ainsi que 1 Congrès de la Tuberculose, de 1893. 194 D' L.-HENRI PETIT — LA LUTTE ACTUELLE CONTRE LA TUBERCULOSE se fondèrent des ligues analogues et que des ins- tructions rédigées sur le modèle des nôtres furent répandues à profusion parmi le peuple, en Amé- rique, en Danemark, en Belgique, en Allemagne, en Suisse; tout dernièrement la Commission de l'Assistance publique à Paris en a adopté une plus courte, visant exclusivement la guerre aux crachats. Ces instructions, en somme, se réduisent à ceci : recueillir avec soin toutes les déjections des phti- siques et les détruire; mais pratiquement, dans la vie réelle, il n’est guère possible d’arriver à la solu- lion du problème, à l’anéantissement des microbes. Sans doute, on peut recueillir une certaine quan- besoin de cracher, ils crachent. Ils souillent ainsi leur chambre, leur appartement, l'escalier de la maison qu'ils habitent, leur linge, etc., ete. Il faut alors combattre par la désinfection l'infection qui s'effectue de cette manière dans les appartements habités par les tuberculeux, en particulier les hôtels des stations d'hiver. La désinfection con- sisle, comme on sait, à faire passer à l’étuve les tapis, rideaux, linge, coussins, etc., qui se trouvent dans ces appartements et à lancer sur les murs, plafonds et parquets des solutions désinfectantes en pulvérisalions ou en vapeur. Plusieurs grandes villes de France, Paris, Bordeaux, Lyon, etc., et EEE | Fig. 1. — Vue générale du Sanatorium de Falkenst:in. tité des produits d’excrélion des tuberculeux, en particulier en obligeant ceux-ci à se servir de cra- choirs de poche ou autres. On en a inventé dans ce but de nombreux modèles. J'en ai même ima- giné un que, par amour-propre d'auteur, je crois le plus pratique de tous, en quoi je me trompe peut-être; on a affiché dans les omnibus, dans les bateaux, dans les gares et les wagons de chemins de fer, des défenses de cracher sur le parquet; mais, si bon nombre de personnes observent ces pres- criplions, il en est beaucoup, aussi bien en ville qu'à l'hôpilal, qui n’y songent pas ou qui, par indifférence, n'en tiennent pas comple et qui Souillent tous ces endroits, de même que les rues, de leur expectoration. La plupart de ceux-là, du reste, ne se croient pas malades et n'attachent aucune importance à cracher n'importe où : ils ont plusieurs stations d'hiver, Arcachon, Pau, Men- ton, Cannes entre autres, ont des services de désin- fection bien organisés et qui donnent de précieux résultats !. Après la mort des phlisiques et même au cours de la maladie, si celle-ci dure longtemps, ce qui mal- heureusement est toujours le cas pour les phti- siques, les équipes de désinfecteurs se rendent à domicile et y praliquent les diverses opérations qui composent la désinfection d'un appartement. Il serait à désirer que toules les villes où les tuberculeux vont passer l'hiver ou l’élé, suivant la latitude, possèdent des étuves à désinfection et des équipes d'employés qui sachent s'en servir. 1 Lalesque et Rivière : La prophylaxie expérimentale de la contagion de la tuberculose pulmonaire. Revue de la Tuberculose, décembre 1896, p. 304. IV Arrivons maintenant au traitement curatif de la tuberculose. Il y a quelques mois, l'Académie de Médecine de Paris a été mise en possession d’une somme de 800.000 franes destinée, dans l'esprit du testateur, à être décernée à celui qui trouverait un remède, euralif ou préventif, reconnu efficace et souverain contre la tuberculose. Ainsi posée, la question ne me parait pas être résolue de sitôt. D'après l’état actuel des connais- sances acquises dans le traitement expérimental Fig. de la tuberculose, il ne me semble pas qu'un médi- cament ni un sérum puissent détruire, dans l’orga- nisme, le bacille de Koch. Le véritable adversaire du bacille, c’est le globule blanc de la lymphe ou du sang, autrement dit le leucocyte ; c’est lui qui doit entourer le bacille, le manger et le digérer, en un mot le détruire; mais jusqu'ici, les recherches les plus récentes, les plus variées, poursuivies avec persévérance dans les laboratoires les mieux ou- tillés par les bactériologistes les plus habiles, n'ont | abouti qu'à ce fait : les leucocytes entourent le ba- cille et l’englobent, mais ils ne peuvent le digérer ; le bacille parait posséder une gaine qui résiste aux efforts des leucocytes et qu'on ne peut mieux com- parer qu'à un crabe ou un homard avalé par une pieuvre ; et encore celle-ci peut-elle sucer le con- tenu de la carapace, tandis qu'on n'est pas bien sûr D' L.-HENRI PETIT — LA LUTTE ACTUELLE CONTRE LA TUBERCULOSE 195 que les leucocytes puissent vider la gaine bacillaire de son contenu. Or, comme toutes les méthodes et procédés de sérothérapie n'ont, je pense, pas d'autre moyen d'action que la production de leu- cocytes ! et que ceux-ci, quél que soit leur nombre, ne peuvent altaquer, détruire le bacille dans sa gaine, la sérothérapie restera impuissante contre la tuberculose tant qu'on n'aura pas trouvé un moyen de renforcer l'activité digestive du leuco- cyte à l'égard du bacille. Trouvera-t-on celte méthode ou, d'autre part, un médicament capable de détruire le bacille dans l'organisme des tuberculeux, sans nuire au ma- [2 RUTHERT NC ni 2. — Sanalorrum de Davos (Suisse). lade ? Ces résultats seraient-ils obtenus, que je ne considèrerais pas encore la question comme réso- lue. En effet, dans la tuberculose, comme dans toute maladie parasitaire, il faut tenir compte de deux éléments aussi indispensables l’un que l'autre à l’éclosion de la maladie : la graine et le terrain. Or, le sérum et le médicament ne visent guère que Ja graine?, et, en supposant que tous les bacilles 1 Cette opinion est loin d'être universellement admise. Les travaux de plusieurs expérimentateurs, notamment ceux de MM. Bouchard, Charrin et de Roger, ont en effet établi qu'indépendamment de son influence sur la production des leucocytes, la vaccination modifieles sécrétions de l’économie, lesquelles exercent alors une action destructive ou neutra- lisante sur les agents microbiens ou les toxines de ces microbes. (NOTE DE LA DIRECTION.) : Cette opinion aussi nous paraît passible d’objection : on sait aujourd'hui que la vaccination chimique modifie l'évolution biologique des cellules de l'économie et, par suite, 196 D' L.-HENRI PETIT — LA LUTTE ACTUELLE CONTRE LA TUBERCULOSE qui garnissent le corps d'un tubereuleux soient détruits jusqu'au dernier par le remède, tous ceux qui voltigent dans l'atmosphère el que nous ava- lons sans cesse reviendront dès le lendemain en- vahir ce terrain que rien n’a modifié et y recom- mencer les ravages de leurs prédécesseurs. Le vrai traitement de la tuberculose doit donc s'adresser à aux lésions au terrain: 9 la fois: 4° à la graine; produites par la graine sur le terrain. Si l'entente est facile sur la graine, on est moins d'accord sur ce qu'il faut considérer comme le tose nous permet de répondre : lorsque les microbes pénètrent dans nos tissus ou à la surface de nos muqueuses, ils provoquent immédiatement, au point où ils s'arrêtent, un appel de globules blancs, ou leucocytes, qui leur barrent la route et les em= pêchent d'aller plus avant. Ceux qui sont dans nos tissus sont englobés, ceux qui sont à la surface des muqueuses sont repoussés, et la lutte continue ainsi entre les microbes pathogènes et les leuco- cytes et, suivant que la victoire reste aux uns ou aux autres, l'organisme devient malade ou reste terrain propice au développement du bacille, ou terrain tuberculisable. I est bien évident que tout le monde n'est pas aple à contracter la tubercu- lose. On pourrait même dire, parodiant le mot célèbre de Ricord : Ne devient pas tuberculeux qui veut. Et, en effet, nous respirons tous le même air, souillé des mêmes microbes, et cependant nous ne devenons pas tous tuberculeux. Si, la graine étant la même, celle-ci ne se développe pas dans tous les poumons, c’est que les uns sont el réfractaires à sion. EL pourquoi cela ? La théorie de la phagocy- favorables les autres son éclo- la nature de leurs excrétions, mème longtemps après que la substance vaccinante a cessé d'agir et a été éliminée. (NOTE DE LA DIRECTION.) sain. Toute la genèse de la tuberculose réside dans ces quelques lignes. Pour nous en lenir à la tuberculose pulmonaire, les bacilles inspirés se trouvent, aussitôt après leur arrivée dans le poumon, en présence de leucocytes qui leur opposent une résistance d'autant plus grande el efficace que nous sommes plus robustes. Chez les personnes de bonne constitution, dont les poumons sont sains, les bacilles ne peuvent même pas franchir la muqueuse bronchique: ils sont arrêtés, englobés de mueus fourni par les leuco- cyles, et rejetés au dehors avec ce mucus. La vic- toire de l'organisme est d'autant plus rapide que le sujet est plus robuste, d'autant plus doutéuse qu'il est plus faible, et c'est chez les personnes de cette ENS TT NT L TT D' L.-HENRI PETIT — LA LUTTE ACTUELLE CONTRE LA TUBERCULOSE 197 dernière catégorie que le bacille tubereuleux trouve | le terrain le plus favorable à son développement. | Cette catégorie de prédisposés, qu'on a appelés candidats à la tuberculose, comprend : 1° Les sujets, quel que soit leur âge, nés de | parents tuberculeux, ou diathésiques, ou très âgés ; 2 Les convalescents de maladies infectieuses, ceux surltout chez lesquels la convalescence est longue et difficile: | 3° Les sujets atteints de maladie aiguë ou chro- | nique des voies respiratoires; Comme conséquence, le traitement de la tuber- culose doit avoir pour but de relever assez les forces de l'organisme pour lui permettre de lut- ter avec avantage contre le bacille tuberculeux, d'arrêter les progrès de ce bacille et de réparer les lésions qu'il a causées. En d’autres lermes, le traitement de la tuberculose pourrait se formuler ainsi : Faire prendre au malade beaucoup de forces et lui en faire dépenser peu. Examinons les moyens de réaliser cette pres- cription. nn 4 Lessujetsatteints de maladie constitutionnelle ou diathèse, arrivés à la période de cachexie : alcoo- lisme, diabète, albuminurie, syphilis, maladies du cœur, des centres nerveux, etc. ; »° Les sujets épuisés par la misère, le surme- nage, les excès de tout genre. Chez tous ces sujets, la leucocytose étant insuf- fisante comme quantité ou comme qualité, les bacilles finissent par avoir le dessus dans leur attaque contre l'organisme, et par envahir celui-ei. La tuberculose est alors déclarée. Ainsi considérée, la tuberculose est donc une maladie qui peut se montrer chez tous les sujets épuisés par une cause quelconque suffisamment prolongée. Y Nous passons rapidement sur le traitement phar- maceutique, — en tête duquel doit encore être placée la créosote, conjointement peut-être avec l'iodoforme, — pour arriver au (raitement hygié- nique, diététique, c'est-à-dire à la cure par l'aéra- tion, le repos et l'alimentalion qui doit être la base de tout traitement de la tuberculose. Dans le récentrapport que MM. Grancher et Thoi- not ont rédigé au nom de la Commission chargée de remédier aux inconvénients du séjour des tu- bereuleux dans les hôpitaux, nous lisons ce pas- sage qui peut être considéré comme la formule exacte de la manière dont il faut agir envers ces 198 D' L.-HENRI PETIT — LA LUTTE ACTUELLE CONTRE LA TUBERCULOSE malades, et qui, proposée par M. Roux, à élé adoptée à l’unanimité : « La meilleure manière de combattre et de traiter la tuberculose, c'est d'isoler le tuberculeux, parce qu'ainsi on évilera la contagion (pour les autres) et parce que, dans les hôpitaux spéciaux, les tubercu- leu seront dans de meilleures conditions thérapeu- tiques. » Remplacons, dans cette phrase, les deux mots hôpitaux spéciaux, mis pour répondre à la question posée par l’Assistance publique, par celui de sana- les plus compétents dans la question, est une con- firmation éclatante des idées de Brehmer et de Dettweiler, les fondateurs des sanaloria, idées que nous avons soutenues à plusieurs reprises depuis 1893!, à savoir que, lorsqu'on voudra trai- ter les tuberculeux avec le plus de chances de succès, il faudra les renfermer dans des sanatoria?. Ils y trouveront, en effet : 1 Le séjour dans un air pur, le repos absolu physique et moral, un régime alimentaire et phar- maceutique approprié à leur état morbide, tous Fig. 5. — Véranda pour la cure d'air au Sanatorium de Falkenstein. toria (fig. L, 2,3, 4) qui intéresse lous les tubercu- leux, et nous aurons ainsi la formule qui convient à tous ces malades; d'autant que « ce mode de traitement, tout en assurant la prophylaxie de la tuberculose et son traitement hygiénique, ne gé- nera en rien les nouvelles méthodes thérapeu- tiques. Au contraire, le sanatorium ou le pavillon spécial, en assurant à priori le traitement hygié- nique qui sera toujours nécessaire, mulüpliera les chances de guérison par tout autre moyen cura- teur issu de la pharmacopée ou du laboratoire ! ». Cette opinion des médecins les plus éminents et * Grancher et Thoinot : Revue de la Tuberc., décembre 1896, page 278. éléments capables d'améliorer leur état général et leurs lésions locales ?; 2° Une surveillance assidue qui permet de les meltre à l'abri de leur propre imprudence soit dans leur manière de vivre, soit pendant leur séjour au grand air, en évitant, en particulier, un des dan- 1 Au Congrès et dans la Revue de la Tuberculose. ? Voir aussi Moeller (A.,: Les Sanatoria dans le bailement de la phtisie, Bruxelles, 1894. — Knopf (S.-A.): Les sanaloria, traitement et prophylaxie de la phtisie pulmonaire. Th. de doct., Paris, 1895. — Léon Petit (E.-P.) : Le phlisique el son traitement hygiénique, Paris, 1895. 3 Voir, pour l'alimentation qui convient aux tuberculeux et qui, avec l'aération, tend à amener la selérose péribacil- laire, processus de guérison de la tuberculose, les articles de M. le Professeur Grancher dans le Bullelin médical du 2 décembre 1896 et du 3 février 1897. D' L.-HENRI PETIT — LA LUTTE ACTUELLE CONTRE LA TUBERCULOSE 199 gers les plus redoutables pour les tuberculeux : le refroidissement brusque par courant d'air ou coup de vent; 3° La désinfection complète de leurs produits d'excrétlion, qui prévient ainsi les infections secon- daires de malade à malade et la contagion de malade à personne saine, soit dans les sanaloria, soit dans les habitations voisines de ceux-ci. Un grand nombre de ces utiles établissements existent déjà à l'Etranger (fig. 1 à 4), en particu- lier en Allemagne et en Suisse'. En France, les kecs Fig. efforts faits jusqu'à ce jour pour en construire n'ont guère abouti, du moins dans la plupart des cas, qu'à des insuccès financiers, malgré l'avis favo- rable du Congrès de la Tuberculose de 1893, qui peut se résumer dans les paroles suivantes d’un des médecins les plus éclairés et les plus compé- tents dans la question, M. le D' Hérard, à cette 4 Voici, d'après le D'Poul Beaulavon, le dénombrement et la répartition actuelle de ces établissements : 19 43 en ALLEMAGNE : à Gœærbersdoff (il y en a 3 dans la région), à Falkenstein in Taunus, à Ruppertshain (Sanato- rium pour les pauvres), à Hohenhonnef, à Reïboldsgrün (Saxe), à Saint-Blasien (Forêt-Noire), à Nordrach (Forèt- Noire), à Badenweiler (Forêt-Noire), à Rehburg (Hanovre) (2 sanatoria), à Brême {Sanatorium pour les pauvres), à Saint-Andreasberg (Hartz); époque président de l'Académie de Médecine et actuellement vice-président du Congrès : « Dans l'état actuel de la science, le meilleur traitement pour combattre les ravages de la phti- sie, aussi bien dans les sociétés civilisées que dans les individus, est basé sur un ensemble de mesures, les unes prophylactiques, les autres curatives. « D'une efficacité non douteuse, elles n’ont qu'un défaut, c'est d'être d’une application déli- cate. Elles exigent de la part du médecin une patience à toute épreuve, doublée d'une autorité 6. — Galerie pour la cure d'air au Sanalorium de Davos (Suisse). sans conteste, et, de la part du malade, une con- fiance absolue alliée à une docilité complète, faci- litant le contrôle incessant de tous les actes de la la vie quotidienne. Cette méthode, on ne saurait se le dissimuler, n’est guère applicable, avec fruit, que dans les établissements spécialement organisés pour sa mise en œuvre. 20 2 en AurrICHE-HONGRIE : à New-Schmecks et à Alland pour les pauvr« 39 4 en SUISSE : à Arosa, à Leysin, à Heiligen- Schwendi, près de Berne (pour les pauvres); 40 2 en AMÉRIQUE : à Saranack Lake (N. Y.) et à Ashville (Caroline du Nord 59 4 en Russie : Sanatorium de Finlande; 6° { en NorwëGe : à Tonsaasen; 10 3 en France : au Canigou (Vernet), à Ormesson et à Angicourt (Oise), ce dernier en construction. , à Davos, 200 « ILest à souhaiter qu’en France des sanatoria se créent en grand nombre pour le traitement hygié- nique des phlisiques payants et que, sur ce point, nous n’ayons plus rien à envier à l'Allemagne et à la Suisse. « Les documents connus jusqu'ici prouvent que les capitalistes bienfaisants et clairvoyants qui auront su s'associer à cetle œuvre d'intérêt publie seront largement indemnisés de leurs efforts. Ils auront fait à la fois une bonne affaire et une bonne action comblant une lacune de notre orga- nisation mdi- en cale. » Où faut-il construire les sanatoria ? Dans son dis- cours sur l’é- migration des tuberculeux, prononcé au Congrès de la tuberculose de 1893, M. Ver- neuil l’a indi- qué en disant que les tuber- culeux . de- vaient quitter les villes pour habiter les en- droits où l’air estpur,lacam- pagne,la mon- tagne, la fo- rêt, la plaine, le bord de la mer, leur suivant el leur tempérament. De là, les sanatoria d'altitude, d'autres moins élevés, d’autres projetés près de la mer, tous, il est vrai, plus ou moins surélevés au- dessus de la plaine voisine, pour trouver un air plus pur. goût Le grand public sait mal ce qu'est un sanatorium pour tuberculeux. C'est un établissement pouvant contenir une centaine de malades dans des cham- bres confortables, exposées au midi, ou, pour quel- ques-unes, au sud-esi ou au sud-ouest, lorsque l'établissement comporte deux ailes latérales fai- sant relour dans ces directions pour l'abriter mieux encore contre les vents d'est et d'ouest. Sa situation est généralement à mi-côte d'une colline : le terrain doit être sablonneux et sec: autour, des bouquets d'arbres, un bois, une forêt, si c'est possible, comme à Falkenstein (fig. 1), Hohenhonneff, etc. | | | Fig. 1. — Pavillon tournant pour la cure d'air au Sanatorium de Falkenstein. D' L.-HENRI PETIT — LA LUTTE ACTUELLE CONTRE LA TUBERCULOSE Ainsi compris, le sanatorium est abrité contre les vents du nord, de l'est et de l'ouest. Des chambres de malades et des pavillons de cure, on jouit d’un horizon étendu égayé par la multiplicité des points de vue. Au sanatorium sont annexées une éluve à désin- fection, une laiterie, une buanderie, ete. Pour prévenir tout danger provenant des cra- chats, chaque malade est muni d’un ecrachoir de poche ; on trouve dans les corridors, dans les allées des jardins, ete., d'autres crachoirs fixes et, à son entrée au - sanalorium, chaque mala- de recoit la recommanda - tion expresse d’expectorer dans les cra- choirs et ja- mais ailleurs. Au bout de trois infrac- tions à cette règle, il estex- clu sans pitié de l’établisse- ment. Chaque crachoir est nettoyé aussi fréquemment qu'ilesthesoin en le faisant bouillir, con- tenant et con- tenu, pendant au moins cinq minutes dans une solution de carbonate de potasse au centième (10 grammes par litre). On a accusé les sanaloria de pouvoir être des foyers d'infection pour les habitations du voisi- nage; mais la désinfection de tous les produits tuberculeux y élant minutieusement pratiquée, ce danger ne saurait exister. On ne pourrait les re- douter que si les vents transportaient des pous- sières infectées venant du sanatorium; mais les vents du nord, de l’est et de l’ouest, passant par- dessus le sanatorium, ne sauraient y prendre de poussières, et ceux du sud venant en dernier lieu au sanatorium, ne pourraient, au contraire, qu'y apporter l'infection et non l'y prendre. Le danger, d’ailleurs, n’est qu'illusoire, puisque les produits d'excrétion des tuberculeux qui résident dans le sanatorium sont tous désinfectés. Si cette désinfec- ut ME de mire ist ns us Ne 27 D' L.-HENRI PETIT — LA LUTTE ACTUELLE CONTRE LA TUBERCULOSE 201 . tion était radicale, on pourrait même aller jusqu'à émettre la conclusion suivante : étant donné que la propagation de la tuberculose à pour cause unique le bacille contenu dans les produits d’'excrétion des tuberculeux, on pourrait arriver à lextinction de ce terrible fléau en réunissant les malades dans des hôpitaux ou sanatoria, où l’on prendrait les précautions nécessaires pour recueillir et détruire ces produits. Il y a loin de ces uliles établissements aux an- ciennes léproseries auxquelles on à voulu les com- parer. Ils en diffèrent sensiblement par les secours hygiéniques et le bien-être qu'y trouvent les tuber- culeux. Et encore ne faut-il pas trop médire actuel- | dorf, Falkenstein, Hohenhonnef, Leysin, Davos, el, en France, dans les pavillons du Vernet. La cure d'air et de repos se pratique soit dans des galeries communes (fig. 5 et 6), soit dans des pavillons pouvant contenir un ou plusieurs ma- lades (fig. 3, 4 et 7). La galerie de cure d'air se trouve, en général, au rez-de-chaussée, en avant du sanalorium, exposée au midi; elle à environ trois mètres de largeur et trois ou quatre mètres de hauteur; elle est recou- verte par un toit à double paroi pour éviter autant que possible, l’échauffement de l'air. Dans certains endroits la couverture supérieure est en paille, dans d'autres, comme à Hohenhonnef, elle est en zine, Tableau II. — Statistique des Sanatoria. NOMS DES SANATORIA Extrait de la Thèse du D' Knopf. Riches. Dr Dettweiler. Pauvres . Brehmer. RomplEr EEE Comtesse Pückler . RÉROIDSSTUNETMAE ET 7 Davos LE Hohenhonnef . NO EDS een MER een à de ce ne Halila (Finlande), pour les pauvres CENTS) SR RER Adirondack-Cottage Sanatarium . . , . Winyah (Asheville N. C.), Etats-Unis. . Falkenstein. Dr Dr DE Dr Dr De Dr Dr Dr Dr Dr Achtermann. Rômpler. Weicker. Wolff. Turban. Meissen. Walther. Gabrilowitch. Sabourin. Trudeau. von Ruck. eo) Lauth. Burnier. Tornspeck. Dr re Dr Leysin . Rehburg Ventnor. . RAPPORTEURS Drs Dettweiler et Nahm. Complément. GUÉRISONS MORTALITÉ em — | AMÉLIORATIONS absolues relatives 4 à 4,5 0)o 1,51 °)o 25 9/0 T,50%0/6 25 à 27 4.0/6 2,5 0/ °/0 0 4,36 0/0 13,5 0/6 20 à 25 2/6 22,64 0/0 lement des léproseries. À moins d’ingratitude, les générations modernes doivent avoir une certaine reconnaissance pour ceux qui nous ont débarrassés de la lèpre ; sans doute, les moyens qu'ils ont em- ployés étaient durs, barbares peut-être, mais le but qu'ils se proposaient d'atteindre ne leur permettait guère, à leur époque, d'en employer de plus doux. Autre temps, autres mesures. À nos gouvernants de mettre à profit les données actuelles de l'hy- giène. En attendant le vaccin qui doit tuer le bacille de Koch, il faut faire appel à celle-ei. et nulle part elle ne sera mieux appliquée que dans les sanatoria et les hôpitaux spécialement affectés au traitement des tuberculeux. VI Exposons maintenant, en quelques lignes, la ma- nière dont s'effectue le traitement par la cure d'air dans les sanatoria types, en particulier à Gürbers- mais il règne, le long de son bord supérieur, atte nant au mur du sanalorium, une conduite d’eau per- cée de petits trous qui laissent échapper une nappe d’eau destinée à rafraichir en été cette couverture. La galerie s'étendant tout le long de la façade est coupée suivant son étendue en plusieurs par- ties par des cloisons légères et formant autant de chambres susceptibles de renfermer une dizaine de malades. Chacune d'elles est garnie, du reste, de rideaux mobiles pouvant êlre tirés pour préser- ver les malades du soleil ou du vent. Chaque malade à une chaise longue, et, près de lui, une table de nuit sur laquelle sont les divers objets qui peuvent lui servir : vases, crachoir, livres, ete. Chaque chaise-longue est garnie de matelas, oreillers, couvertures, édredon même, etc. Suivant la température ou la sensibilité du malade au froid, on lui met aux pieds des boules d’eau bouillante. Peu importe que l'air qu'il respire soit 202 A froid, puisque la cure d'air peut se faire aussi bien en plein hiver qu'en été, dans le même sanatorium ; mais il importe beaucoup d'éviter l'impression du froid sur la peau. Il faut donc que le corps, y com- pris la Lête, soit bien couvert. Au contraire, il faut également éviter que les rayons du soleil arrivent directement sur le corps, la tête en particulier. Suivant l’heureuse expres- sion de Daremberg, «il faut être caressé, mais non mordu par le soleil ». De mème dans les promenades, il faut, autant que possible, éviter de se mouiller les pieds, et, si cela arrive, changer de chaussures le plus tôt pos- sible; ne pas sortir par le grand vent; quand le soleil estardent, avoir un parasol pour s’en garantir. La cure d'air comprend aussi l’aération perma- nente des chambres pendant la nuit, les fenêtres étant ouvertes largement ou garnies de rideaux ou de persiennes qu'on peut fermer plus ou moins, suivant les indications. L'efficacité de cet ensemble de mesures semble aujourd'hui attestée par les résultats obtenus dans le sanaloria. Bien qu'une statistique valable des guérisons n'existe pas encore, du moins à notre connaissance, il n’est pas douteux que beaucoup de phlisiques ont été, par le traitement au sanato- rium, Où guéris sinon radicalement, du moins en apparence ou sensiblement améliorés. Les rele- vés que nous possédons à ce sujet ne permettent pas encore d'établir un départ absolument tran- ché entre ces deux catégories, pour la raison qu'il est très difficile de décider si tel ou tel ma- lade bénéficie, en réalité, d'une guérison complète. Néanmoins, de la discussion des cas à laquelle M. le D' Beaulavon s'est récemment livré à ce 2 MAURICE SCHWOB — LA MÉTHODE SCIENTIFIQUE EN COMMERCE ET EN INDUSTRIE sujet! ressortent les précieux enseignements que résume le tableau IT ci-joint. Ce tableau montre clairement l'influence bienfaisante de la cure dans des établissements spécialement aménagés pour assurer une bonne hygiène au phtisique. Il est bien évident, d'ailleurs, que les chances de guérison sont d'autant plus grandes que le mal est moins avancé. Aussi ne saurait-on trop insister sur l'énorme importance du diagnostic précoce de la tuberculose. Toute découverte qui facilitera la prompte reconnaissance de la maladie, aidera puis- samment à la guérir. VAI A côté des sanaloria destinés aux phtisiques, il faut citer les dispensaires spéciaux, notamment les hôpitaux marins, instilués pour le traitement hygiénique des tuberculoses locales. L'Æuvre dite des Hôpitaux marins, fondée par le D' Jules Ber- geron parallèlement à l'ŒÆuvre de la Tuberculose et en conformité de vues avec elle, a construit, sur le modèle de l'hôpital de Berck, des établissements situés au bord de la mer et où sont surtout traités des enfants scrofuleux, mais non phtisiques : il y a actuellement, en France, des hôpitaux de cette sorte, bien aménagés : à Berck, Pen-Bron, Banyuls, Giens, Cap-Brelon, Saint-Pol-sur-Mer, Arcachon et Saint-Trojan. Nous ne saurions entrer dans la description de ces utiles fondations, ayant surtout voulu indiquer le sens et l'esprit des mesures actuellement prises contre la maladie générale qu'engendre chez tant de malheureux le bacille de Koch. D: L.-Henri Petit, Secrétaire général de l'Œüvre et des Congrès de la Tuberculose. LA MÉTHODE SCIENTIFIQUE EN Dans son très intéressant article du 30 décembre dernier sur la Féculerie française ‘, M. Laze a fuit ressortir la supériorité de l’organisation indus- trielle allemande. Il a signalé, notamment, l'esprit d'associalion et ses conséquences, la coopération de l'Ingénieur el du Savant, la place considérable occupée dans l'usine allemande par les élèves sor- lant des écoles techniques, l'utilisation ralionnelle des déchels de fabrication, l’applicalion des mé- thodes si modernes de la micrographie ; en un mot, l'alliance féconde de la théorie et de la pratique, remplaçant l'esprit d'antagonisme absurde qui les sépare lrop souvent chez nous. Une notede la Direction a souligné ces remarques, COMMERCE ET EN INDUSTRIE en adjurant nos industriels français d'en faire leur profit. Cet appel est d'autant plus justifié que les constatations de M. Laze s'appliquent à l'ensemble du mouvement économique en Allemagne. Il à fort bien vu le cas particulier, mais la méthode est géné- rale et suffit à expliquer les succès croissants rem- portés par nos adversaires. Il est une branche de l'industrie moderne où les résultats de la méthode scientifique éclatent aux yeux même les moins allentifs : c'est la Chimie industrielle. Si nous prenons comme exemple la fabrication des dérivés du goudron de houille, nous constaterons que l'Allemagne en produit les trois quarts (pour 90 millions de francs sur une pro- ! L. La : L'état actuel de la Féculerie en France, dans la Revue gén. des Sciences du 30 décembre 1896. 1 Dr Beaulavon, Trailement de la Tuberculose pulmonaire dans les Sanaloria (Thèse de Doctorat). Paris, 1896. MAURICE SCHWOB — LA MÉTHODE SCIENTIFIQUE EN COMMERCE ET EN INDUSTRIE 203 duction totale de 125 millions dans le monde entier), alors que nous n'en fabriquons guère que 1/15° (8 millions, la moitié de la production suisse). Et encore faut-il remarquer avec M. Lauth! que, dans ces huit ou neuf millions produits en France, une part importante revient à des manufacturiers alle- mands établis sur notre territoire. Les motifs de cette infériorité désolante ont été trop magistralement exposés dans la /evue géné- rale des Sciences par MM. Haller? el Moissan* pour qu'il soit nécessaire d'y revenir longuement. Ils se résument en un gigantesque malentendu, qui existe souvent en France entre les « savants » et les « praticiens ». Les premiers se drapent orgueil- leusement dans leur manteau de « Science pure », tandis que les seconds raillent impiloyablement ceux qu'ils traitent de songe-creux et de coupeurs de cheveux en quatre. Ce sont là des habitudes d'esprit désastreuses. Il n’y à pas deux sciences, il n’y en a qu'une. Le professorat est stérile, s’il n’est pas accompagné de recherches pratiques, et celles-ci n'ont, de leur côté, aucune chance d'aboutir, si elles ne sont pas guidées par des considérations théoriques. C'est ce que fait remarquer M. Moissan en disant que l'AI- lemagne, pour battre ses rivales, « a organisé chez « elle la recherche chimique. Elle l'a organisée méthodiquement, ajoutait-il, comme tout ce « qu'elle entreprend, avec persévérance, avec con- « linuité * ». S'en suit-il que l’enseignement théorique en ail souffert chez elle? Bien loin de là, car, suivant la parole, si hautement autorisée, de M. Berthelot, « nulle science peut-être plus que la Chimie ne manileste la nécessité de cet accord constamment renouvelé entre la pratique et la théorie ». Cette nécessité, pour être moins évidente, n’est pas moins réelle dans le Commerce lui-même que dans les industries chimiques; c’est pour l'avoir compris que les Allemands sont en train d’édifier leur fortune commerciale sur des bases solides. Il semble utile d'indiquer ici quelques traits de l’es- prit tout scientifique qui les anime. 2 Il La Science dispose, pour se guider dans la recherche de la vérilé, de deux modes de raison- nement distincts, dont il faut bien se pénétrer et dans lesquels rentrent tous les autres. Le premier consiste à passer du particulier au 1 Revue Scientifique du 9 janvier. ? À Hazcer: La lutte des nations sur le terrain de l'Indus- trie chimique. (Revue gén. des Sciences du 15 juillet 1894.) 3 H. Morssax: Le rapport de M. Haller sur l'Industrie chi- mique à l'Exposition de Chicago. (Revue gén. des Sciences du 15 novembre 1894. + H. Moissan : Loc. cil., p. 829. général, du fait complexe aux lois simples qui le régissent, c'est le procédé de l'induction — c'est aussi l'analyse. Mais avec quel soin ne faut-il pas l'appliquer! Il faut se défier du premier mouvement intuitif, à la française, el ne pas songer à saisir d'emblée les principes qui doivent nous fournir la solution d'une question. Souvent l'intervalle entre le fait parti culier et la loi générale dont il relève, est immense. « Prétendre franchir cet intervalle d'un coup, nous dit Descartes dans une comparaison saisissante, c'est vouloir s'élever au faite d'une tour en négli- geant l'escalier destiné à cel usage ». C'est un Français qui nous donne ce conseil de sage prudence, ce sont des Allemands quile suivent. Prenons un exemple. À Manille, aux iles Philip- pines, un consul signale le goût du luxe et la possibilité pour nos commercants de l'utiliser. Ceux-ci, ayant, par hasard, lu le rapport consu- laire, expédient, sans autre examen, des cargaisons d'objets d’art, du goût le plus sobre, le plus parfait, et fort chers. La curiosité aidant, la vente marche quelques mois, puis tombe à plat devant une concur- rence écrasante d'objets allemands tout différents. Que s’était-il passé ? C'est bien simple. Les Français, du premier coup, avaient prétendu escalader la tour. Bas de la tour : les créoles aiment le luxe. Sommet de la tour : donc ils aiment le beau. Conclusion : Envoyons ce que nous avons de plus beau. Résultat : On ne vend rien. Tout autre est le procédé de l'Allemand. Il monte l'escalier pas à pas, sans se presser, en regardant à ses pieds et autour de lui. Suivons-le. Ces gens-là aiment le luxe, dit-il. Oui, mais ils ne sont pas très riches, la crise de l'argent les gène. Ils ne sont pas très instruits, leur éducation artistique laisse à désirer. Dans ce pays vaniteux, on aime leclinquant, leschoses brillantes, voyantes. On a chance de vendre, non ce qui est beau, mais ce qui le parait sous cette latitude et ce qui ne coûte pas trop cher. Conclusion : Envoyons de la marchandise dorée, à bon marché, faisant de un bon commis-voyageur pour agir sur la vanité créole. Résultat : Le bronze de Barbedienne ne se vend pas, mais on s'arrache la pendule en zine doré. Voulez-vous autre chose ? Cherchez à suivre le travail de nos « honorables ». Chacun d'eux recon- nait qu'il y a des réformes à faire, constate des effets navrants, mais la « furia francese » lui défend de les analyser patiemment, de remonter, de proche en proche, jusqu'aux causes lui permettant d'abou- lir, après des années d'étude, peut-être, à la loi réformatrice. l'effet, avec 20% MAURICE SCHWOB — LA MÉTHODE SCIENTIFIQUE EN COMMERCE ET EN INDUSTRIE Allons donc, c’est trop long ! Il vaut bien mieux avoir le coup d'œil de l'aigle ou le « flair de l’artilleur » et chacun y va de son petit projet de loi. Si ce projet ne vaut rien, on essaiera d'un autre. Et l'on va ainsi d'essai en essai, ou plutôt d'échec en échec, « comme quelqu'un, dit encore ce bon Descartes, qui serait possédé d'un si furieux désir de découvrir un trésor, qu'il irait errant par tous les chemins pour voir si, par hasard, quelque voyageur n’en aurait pas laissé un. » Nous apprécierions peu le médecin qui préten- drait essayer sur nous, au hasard, toutes ses dro- gues, jusqu'à ce qu'il fût tombé sur la bonne. Mais il paraît qu'en matière politique ou commerciale, c'est admis. I Passons maintenant au deuxième mode de rai- sonnement scientifique. Des lois simples étant données, on déduit leurs résultats complexes, on redescend de la cause à son effet, c’est la déduction. C'est aussi, d’après la définition de Newton, la synthèse, qui fait avec des corps simples un com- posé. C’est le procédé inverse de l'analyse, d'au- tant plus délicat à employer qu’il semble plus facile. Un Français du bon vieux temps faisait part au Roy d’une mirifique découverte pour enrichir le pays. « Loi générale : Les grands ports font la for- tune d’un royaume. Déduction : Chaque port fait la fortune d'une région. Conclusion : Créons des ports tout le long de nos côtes. » Ne riez pas. On a tranquillement appliqué, vers 1879, la méthode préconisée, il y a quelques cen- taines d'années, par ce vieux fou de comédien. Cha- cun connait le résultat. En somme, pour reprendre la comparaison de Descartes, on redescend plus lentement dusommet de la tour en prenant l'escalier qu'en se jetant en bas, mais c’est plus sûr. Voyons comment, dans le cas actuel, les Alle- mands ont résolu la question. Les grands ports font la fortune d'un pays. A la condition d’être grands. Que faut-il à un port pour être grand? Drainer beaucoup de marchandises. Avoir un rayon d’aclion étendu, une zone d'in- fluence considérable. Etre un point d'arrivée et de départ, non seulement pour les marchandises chères, les denrées de grande vitesse, mais aussi pour les produits lourds et encombrants, servant à remplir les grandes cales. Il faut donc rechercher les points où aboutissent les lignes de grand trafic, où peuvent converger, non seulement les voies ferrées, mais aussi les voies navigables, portant les produits agricoles et de grosse industrie. Voilà le raisonnement patient de l'Allemand. Dans l'application, il examine sa côte, dresse, pour les points intéressants, des cartes mathématiques de zones d'influence, tant au point de vue des che- mins de fer qu'au point de vue des rivières el canaux. Puis, lorsqu'il a trouvé un point qui com- mande un « hinterland », un arrière-pays considé- rable, il ne s’en tient pas là ; il examine la valeur de cet «hinterland ». Si ce sont des steppes ou des déserts, leur dimension importerait peu. Il faut donc éludier la valeur agricole, commerciale et industrielle de la zone commandée par le port projeté. Tout cela fait, on marche à coup sûr. Inutile de lésiner sur les millions, on est cerlain du résultat : mathématiquement on rentrera dans ses fonds. Dès lors, au lieu d’éparpiller la dépense sur des points arbitrairement désignés et pour des consi- dérations électorales, on agit par grandes masses, en des points bien choisis, on y verse des centaines de millions, mais on crée Hambourg, on ressuscite Brême. Le succès était certain parce qu'on a, en réalité, respecté la théorie du moindre effort, de la moindre dépense. Tandis que nous appliquions celle des petits paquels semés au hasard de la fantaisie politique, l'Allemand à fait des mathématiques. Il ne peut se tromper : la méthode est infaillible : l'homme qui l’applique peut seul être faillible; lorsqu'on vous signalera un mécompte, soyez sûr qu'il y a eu faute de calcul, que la méthode a été mal appliquée, qu'ayant, par exemple, à étudier une fonction à plusieurs paramètres va- riables, on en à négligé un; c'est l'erreur la plus fréquente, celle qui, dans l'exemple considéré plus haut, eût consisté à n’envisager que la surface de l’« hinterland » sans rechercher sa puissance de production. II] Quoi qu'on en ait pu dire, cette méthode scien- tifique d’induction et de déduction, d'analyse et de synthèse peut s'appliquer à toutes les branches du travail humain ; il suffit à celui qui veut s'en servir de marcher pas à pas et de n'avoir ni parti pris, ni cette négligence du détail que nous affectons trop volontiers en France. C'est pourtant le détail, complexe et déconcertant, qui, bien analysé, peut nous permettre de remonter aux lois simples et logiques, dont il n’est que l'effet. Seulement, on ne doit pas aller trop vite, et il faut, de temps en temps, avoir la prudence de vérifier les opérations, soit par des expériences pratiques, comme dans toutes les sciences naturelles, soit même par de simples raisonnements, en profitant de ce que l'analyse et la synthèse, opérations inverses, peu- vent se contrôler mutuellement, comme la multi- plicalion et la division. En d'autres lermes, il faut faire la preuve. D NE PPT |! MAURICE SCHWOB — LA MÉTHODE SCIENTIFIQUE EN COMMERCE ET EN INDUSTRIE 205 « Pour favoriser le commerce et l'industrie, il faut réduire au minimum les frais de transport des marchandises. » Voilà une loi générale, simple et indiscutable. Cherchons à en déduire les consé- quences. Les moyens de transport modernes sont, par excellence, les chemins de fer. Il semble donc, à première vue, que plus on réduira les tarifs de chemins de fer, plus s’augmentera l’activité indus- trielle et commerciale du pays. Cette déduction, peut-être hâtive, demande à être vérifiée par le procédé inverse. Supposons les tarifs réduits à l'excès. Les chemins de fer feront des pertes qui retomberont sur l'Etat, soit qu'il gère lui-même, comme en Allemagne, soit qu'il garantisse l'intérêt, comme en France. Consé- quences : impôts nouveaux, dont une partie absor- bée par les frais de perception. Donc charges sur le commerce et l’industrie plus fortes que le dégrève- ment produit par la diminution des tarifs. Résultat absurde. L'opération est fausse. Reste à chercher où elle est vicieuse. Les chemins de fer sont pourtant bien le moyen de transport moderne. Oui, s’il s'agit de grande vitesse et de marchandises chères. Non, sil s'agit de matières premières lourdes et pouvant supporter de longs délais. Dans ce cas, c’est la voie navigable qui peut et doit rem- placer la voie ferrée, nullement comme une en- nemie, mais comme une auxiliaire précieuse, qu'il faut créer, si elle n’existe pas. C’est alors qu'on arrive au système allemand, où le ministre des chemins de fer demande lui-même la création d’un canal, pour débarrasser ses lignes d'un transportruineux de matériaux encombrants. La solution se dégage, très nette : Aux chemins de fer les matières ouvrées, aux canaux les matières premières. Résultat : augmen- tation de production dans les usines, recevant à bas prixles marchandises à transformer. Celles-ci, après fabrication, viennent alimenter le trafic des chemins de fer à des prix acceptables. La diminu- tion dans leur prix de revient permet une péné- tration plus lointaine, augmente le rayon d'action de l'usine et procure ainsi à la voie ferrée, en même temps qu'un accroissement de tonnage, une augmentation du parcours kilométrique. Tous les intérèts en jeu sont satisfaits. Cette fois l'opération est juste. Nous avons vu, par les exemples ci-dessus, comment doivent s'employer les deux modes de raisonnement scientifique. Avant d'aller plus loin et d'examiner le parti que les Allemands ont su en tirer pour le développement de leur richesse économique, il semble ulile de résumer les quel- ques règles auxquelles on doit s'astreindre pour réussir dans l'application de la méthode. Tout d’abord nous ne saurions assez répéter que REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897, la méthode synthétique, celle qui consiste à prendre plusieurs lois générales et simples pour en déduire l'effet particulier et complexe, doil être employée avec la plus grande prudence. Par cela même qu'elle est plus séduisante, plus facile en appa- rence, elle peut être plus trompeuse, si on veut raisonner {rop vile. Avant d'essayer de prévoir l'effet particulier que pourra avoir telle ou telle loi générale, il faudra se préoccuper, tout d'abord, de savoir si d'autres lois ne viennent pas influer sur le résultat dans le cas spécial qu’on envisage. Si l’on omet, dans le calcul d’un résultat, une des lois na- turelles qui y concourent, i'opération sera sûre- ment fausse. La difficulté, on le voit, est très grande : c'est celle des raisonnements à priori, où l’on risque de ne pas tenir compte de tous les élé- ments du problème. Il faut donc prendre les précau- tions les plus minutieuses pour se mettre à l'abri d'une déduction trop hâtive, puis, une fois les con- elusions obtenues, essayer de les vérifier par le raisonnement, c'est-à-dire, supposant le résultat caleulé vrai, essayer d'en faire la preuve en remon- tant aux prémisses par le procédé inverse. Enfin, toutes les fois que ce sera possible, il faudra pro- procéder expérimentalement et voir si le résultat obtenu par de petites expériences pratiques con- corde bien avec celui que prévoyait le raisonne- ment. Alors seulement on pourra, avec certitude, appliquer largement les résultats de la déduction. Passons maintenant à l’autre mode de raisonne- ment, à la méthode analytique, qui, des faits parti- culiers, cherche à remonter aux lois générales par voie d'induction. Pour arriver à découvrir ces lois, le procédé sûr consiste à réunir le plus grand nombre possible de faits particuliers, à les étudier patiemment, en tenant compte de leurs moindres détails et s'efforcant de n’en négliger aucun, puis à les grouper méthodiquement, suivant les analo- gies et les différences qu'on aura pu découvrir. C'est la méthode, chère aux esprits lents et labo- rieux, des fiches et de la classification. Elle est peu brillante, mais sûre. Un bon classement de faits consciencieusement étudiés fera presque toujours ressortir la ou les lois simples, dont ils ne sont que l'effet, la résultante. Une vérification rapide par le raisonnement inverse, ou synthétique, suffit, en général, pour faire la preuve des lois ainsi trouvées, qui pourront alors servir à formuler des règles de conduite générales. Dans ce cas en- core, une vérification expérimentale est toujours désirable, si possible. IV Telles sont les grandes lignes de la méthode qui n'est pas plus allemande que française, mais que nos concurrents ont employée avec succès. Essayons 2 206 MAURICE SCHWOB — LA MÉTHODE SCIENTIFIQUE EN COMMERCE ET EN INDUSTRIE de résumer rapidement leurs procédés et les résul- tats obtenus. Nous ne parlerons pas de l'action gouvernemen- tale, cela nous entrainerait dans le domaine politi- que. Bornons-nous à constater, qu'en pareil cas la première des théories à appliquer serait celle du moindre effort et de la moindre dépense et, au point de vue législatif, l'observation stricte des méthodes de raisonnement indiquées plus haut, sans se lais- ser guider par des considérations électorales ou des influences particulières. Mais quittons ce lerrain brûlant pour examiner la méthode des commerçants allemands, qui semble résumée dans ce préceple de l'Anglais Bacon : «On ne commande à la Nature qu'en se soumettant à ses lois. » Un Français, Descartes, et un Anglais, Bacon, Lels sont les maîtres dont ils ont suivi les préceptes. L’Allemand commence par étudier le milieu où il compte opérer : pour se soumettre aux lois de ce milieu, il faut les connaître, ensuite tout sera facile, car savoir c’est pouvoir, aencore dit Bacon. Aussitôt qu'il connait les lois d’un débouché, c'est-à-dire les goûts de la clientèle, ses besoins économiques, ses habitudes commerciales, ses moyens financiers, l'Allemand y adapte ses marchandises, comme qualité et prix, comme apparence, etc... ; il traite directement ou par intermédiaires, s'affiche ou s'insinue, vend au comptant el à petits bénéfices ou à longues échéances en se réservantune marge. Bref, il comprend l'impossibilité d'appliquer les mêmes règles immuables en Chine ou aux Elats- Unis, en Europe ou aux antipodes. Il se soumet aux lois commerciales et ne tarde pas ainsi à commander au commerce. Il recherche, dans les pays sur lesquels il a jeté son dévolu, les grands courants commerciaux el les centres de répartition; il établit ses lignes de navigation en conséquence. Chez lui, il fait concourir ses voies ferrées et ses lignes d'eau à la prospérité de quelques grands ports d'exportation, habilement choisis d’après les règles que nous avons examinées plus haut. Enfin, ses fabriques n'ont d'autre préoccupalion que de satisfaire le goût et les besoins du consommateur. On ne cherche pas à découvrir des clients pour un produit déterminé, mais bien à inventer des pro- duits qui puissent convenir à une clientèle donnée. Contrairement à ce que nous voyons trop souvent en France, c'est le commerce qui commande et l'in- dustrie qui obéit. Mais le commerce est un maitredifficile, souvent il faut une extrême souplesse pour le D'où l’organisation toute spéciale des allemandes : capricieux ; salisfaire. usines 1° Petits états-majors administratifs, qui n'ont qu'à se soumettre aux ordres des grands organismes de vente, dont nous dirons un mot tout à l'heure; 2% Services techniques largement développés pour satisfaire à tous les besoins, à toutes les volon- tés de l'acheteur, s’ingénier à fabriquer un produit d'une apparence ou d'un prix déterminés, utiliser les déchets, étudier des formes ou des combinaisons demandées, etc., ete. C'est ainsi que, dans des usines chimiques, on trouve des laboratoires d’études et de «recherches » employant jusqu'à soixante ou quatre-vingts chi- mistes !. Dans des usines de construction mécani- que, des armées de dessinateurs techniques s’occu- pent à étudier et combiner des modèles au gré des besoins ou même des fantaisies de tel ou tel pays. Enfin, le personnel inférieur d'exécution n'est pas l’objet de moins de soins intellectuels que le personnel supérieur d'études. Il faut que l’ouvrier de métier soit instruit pour ne pas entraver, par un esprit de routine, les innovations des bureaux techniques. On y gagne aussi d’autres avantages. Un ouvrier sachant bien son métier, l'aime presque toujours; il travaille mieux et plus vite, etpeutêlre payé en conséquence. En industrie, c'est encore moins la modicité des salaires qu'il faut rechercher que l'accroissement de la production individuelle. Le «rendement humain » est aussi important que le rendement mécanique. C'est l’école technique, l’école de contre-maitres, d'ouvriers, qui peut seule donner ce résultat; elle est aussi la meilleure défense contre la grève. Bien rarement les ouvriers de métier, les intellectuels, se mettent en grève; ce sont plutôt les manœuvres, gagnant peu et n'ayant pas d'autre moyen de défendre leurs intérêts. Aussi l’école occupe-t-elle une large place chez nos voisins. Mais, du haut en bas de l'échelle, c'est l’école pratique qu'ils ont cherché à développer. La culture générale, sans application immédiate, doit être réservée à des individualités exceptionnelles, se destinant au professorat, aux études transcen- dantes; pour l’ensemble des élèves, il faut venir rapidement aux faits, à la spécialisation, à l'ensei- gnement technique, qui leur donne le goût et le. respect du travail. Est-ce à dire que .k culture gé- nérale soit méprisée? Bien loin de là, mais elle est un complément. Si le commerçant formé par la Handelsschule, ouvrier de métier sorti de l'Arbei- terschule, où l'ingénieur, chimiste ou mécanicien, instruit dans les instituts techniques, veulent être édifiés sur les beautés du sièele de Périclès ou ini- 4 M. Caro, aujourd'hui administrateur de la Badische Anilin und Soda Fabrik, nous a dit avoir eu sous ses ordres quatre-vingts chimistes lorsqu'il dirigeait les recherches et le contrôle de fabrication de ce grand établissement. Ce person- rel à été plutôt accru depuis quelques années. (NOTE DE LA DIRECTION.) Ë : | | ; - 7 de dur né MAURICE SCHWOB — LA MÉTHODE SCIENTIFIQUE EN COMMERCE ET EN INDUSTRIE 207 liés aux mystères de la philosophie Kantienne, les cours d'adultes abondent et les bibliothèques sont richement dotées. Mais cette instruclion supérieure vient, par surcroît, affiner le cerveau d'hommes utiles, de travailleurs pratiques, orner leur esprit, élargir le champ de leurs recherches, au lieu d'être prodiguée aveuglément à des enfants, qui n'y voient que de vagues formules et risquent de constituer ainsi des générations de rêveurs mécontents ou de déclassés. V C'est grâce à ce système qu'on évite, en Alle- magne, l'antagonisme entre la science pure et la science industrielle. Toutes deux sont liées et se prêtent un mutuel concours. Le savant enrichit l'in- dustriel, et celui-ci, par reconnaissance et par inté- | rèt, dote largement, royalement, les bibliothèques, les laboraloires, les Universités, dont il est le pre- mier à tirer parti. Souvent même, le savant et l’in- dustriel ne font qu'un; les grands chimistes, les grands physiciens, sont directeurs d'usines et con- sacrent une partie de leurs bénéfices à poursuivre des recherches nouvelles. Cette association intime de la science et de ses applications, du professeur et de l'industriel, est féconde en résultats : elle n'est qu'un des mille aspects du régime d’unions, auquel l'Allemand est arrivé scientifiquement et qui forme aujourd’hui le trait distinctif de son organisation économique. L'association est née en Allemagne de l'étude lo- | gique des nécessilés commerciales modernes. Pour réussir à placer leurs produits, les commerçants ont besoin d'être représentés au dehors; en même temps qu'ils font visiter leurs clients étrangers, ils doivent être renseignés très complètement sur la solvabilité des acheteurs el sur le crédit qu'on peut leur accorder. Tout cela entraine une organisation très coûteuse, que bien peu de maisons particu- lières sont en état de payer. En outre, pour faire les longs crédits nécessaires dans un grand nombre de pays et pour renouveler, au besoin, les délais consentis à certains bons clients momentanément gènés, enfin pour supporter les pertes causées par- fois par des ouvertures de crédit malheureuses, il faut une puissance financière que des maisons iso- lées atteignent bien rarement. Ces considérations ont conduit les Allemands à former leurs grandes Sociétés d'exportation. En France nous pratiquons l’individualisme à outrance ; en Allemagne, c’est la collectivité qui l'emporte. Notre esprit individua- liste ne date pas d'hier, et il suffit de monter en chemin de fer pour voir chaque voyageur francais préoccupé d'être bien seul dans sa petite boîte rou- lante; ce n'est pas chez nous qu'on a inauguré les |! wagons à couloirs et les trains à intercommunica- tions! Un publiciste de beaucoup de talent, M. De- passe, cilait dernièrement, dans une Revue, l'opi- nion de Colbert, raillant «ces Messieurs de Marseille, qui veulent avoir chacun son pelil bateau ». C'est encore le défaut de tous les Français, à la fin du xix° siècle. Nos voisins se réunissent pour avoir de grands bateaux en commun. Au besoin ces ba- teaux forment des expositions flottantes, allant de port en port montrer les produits fournis par les syndiqués, conclure de grosses affaires et exécuter, séance tenante, les petiles commandes!, C'est le raisonnement qui les a conduits à con- damner la devise « chacun son petit bateau », et l'expérience a vérifié les résultats du calcul. Dès lors ils n'hésitent plus, la loi est générale, on l’ap- plique largement et partout. En commerce, on se syndique, le plus souvent par régions, pour résister aux pertes, couvrir l'é- tranger d'un réseau de représentants, de comp- toirs, de bureaux de renseignements. Tout cela est centralisé, classé au siège social, pour le plus grand profit des associés. En industrie, on s'associe entre usines similaires, au lieu de se faire une guerre ruineuse. On met. ainsi en commun une foule de frais généraux; les services techniques peuvent être unifiés et disposer de moyens d'autant plus puissants. On a souvent dit qu'en industrie l'avantage est au dernier venu, qui profite des « écoles » faites par ses prédéces seurs et que c’élait un peu le cas des Allemands. Mais l'association permet à tous les syndiqués de profiter de l'expérience de chacun d'eux; le service technique examine chaque erreur, en tire des con- séquences, des améliorations que tous les membres du « cartell » s'empressent d'appliquer. On va plus loin encore et l’on met en commun les services commerciaux, de vente des produits, d'achats des matières premières. Il en résulte des économies considérables: en outre, les tarifs de transports, d'emballage, etc., sont examinés et améliorés. Par- fois même, les associés n’ont qu'un seul bureau de réception des commandes, qui répartit les ordres usines au mieux de l'outillage spécial de chacune des et s'efforce d'économiser sur les transports mêmes, en choisissant, autant que possible, le producteur le plus voisin du client. NI Tout cela n'est pas imaginé pour les besoins de la thèse : c’est la réalité même : il suffira, pour s'en 1 Ces bateaux, sortes de bazars ambulants, longent notam- ment les côtes occidentales de l'Afrique, font escale devant les estuaires ou même pénètrent dans l'embouchure des fleuves et en remontent le cours navigable ; les indigènes des contrées voisines y abordent en pirogue et viennent Sy approvisionner. Plusieurs de ces navires se reodent, en outre, en Asie et dans l'Archipel Malais. (NOTE DE LA DIRECTION.) 208 MAURICE SCHWOB — LA MÉTHODE SCIENTIFIQUE EN COMMERCE ET EN INDUSTRIE assurer, de lire les rapports de notre Chargé d’af- faires à Berlin, publiés par le Ministère du Com- merce français. Il est nécessaire que les commerçants et les usiniers français soient instruits des méthodes qui permettent à leurs adversaires de l'emporter sur un trop grand nombre de points. Rien ne nous empêche d'appliquer, à notre tour, ces moyens en les adaptant à notre génie national, en utilisant notre ingéniosilé, notre goût naturel, notre viva- cilé, et toutes ces qualités brillantes qui font défaut à nos voisins. Nous avons sur eux un avantage commercial énorme, celui de la marque. Ils se sont trop préoccupés du bas prix et ont souvent sacrifié la qualité; sur ce point notre réputation est intacte, à nous d’en profiter. Constituons, comme nos voisins, ces groupe- ments puissants, qui ont fait écrire à un consul d'Amérique que l'Allemagne était « un Etat d'Unions ». Comme eux, aussi, concluons des ententes entre exportateurs, producteurs et trans- porteurs. Il faut désormais que les Compagnies de chemins de fer se mettent en rapport avec les Syndicats pour adopter des tarifs logiques, étudiés scientifiquement, ayant un but bien déterminé. Puisque nous venons de parler d'un consul d'Amérique, notons que le mouvement d'asso- ciation se produit également aux Etat-Unis, plus bruyamment même qu'en Allemagne. Mais il n'a pas le même caractère, parce qu'il n’a pas le même but. Presque toujours l'Américain n'y voit qu'un syndicat d'accaparement, de monopole. C'est une conséquence du régime économique de protection à outrance. Ce sont les tarifs Mac-Kinley qui produisent les corners des spéculateurs. Ceux-ci ne visent que le marché intérieur, tellement protégé que l'influence régularisatrice de la concurrence ne peut s'y faire sentir. C'est le jeu normal de la concurrence et de l'association, se faisant contre-poids, quidoitêtre la loi économique moderne, comme le dit très bien M. Paul Dubois, dans un récent numéro de la Revue des Deux Mondes. Si les associations alleman- des sont surtout des organismes conçus en vue de l'exportation, de laréduction des frais généraux et, par suite, des prix de vente eux-mêmes, cela tient au régime, plus modéré, des traités de commerce. Il est utile de faire ressortir la différence pro- fonde entre les deux phénomènes. C'est le mouve- ment allemand qui est le plus intéressant des deux et le plus vrai, parce qu'il se produit dans un milieu plus normal, moins artificiel. VII Partout, en Allemagne,le mouvement des trusls, des cartells, des associations se fait sentir : Socié- tés de prévoyance, de production ou de consom- mation, ouvrières ou patronales, d'enseignement, de secours mutuels; Écoles techniques, gérées par des ouvriers mineurs, des ouvriers tisseurs, et for- mant des générations de travailleurs instruits et habiles, etc., etc., tout cela se crée chaque jour. Enfin, prenons-y garde, voici le dernier danger et le plus grave : l'Agriculture elle-mème entre dans-ce mouvement moderne. Trop longtemps, chez nous, on s’est moqué des « agriculteurs en chambre » ; aujourd’hui ce sont eux qui l’emportent sur les soi-disant praticiens. Analyse chimique des terres, recherche systématique des amendements nécessaires pour y faire telle ou telle culture, choix des modes et natures de culture, amélioration des plants et des graines par les méthodes de sélection naturelle et d’adaptalion au milieu, telles sont les règles de l'Agriculture moderne. Là encore, savoir c'est pouvoir el, pour dominer la Nature, il faut se soumettre à ses lois. Il faut que l’agriculteur aux champs ait les conseils de l’agriculteur en chambre, il faut que la charrue soit guidée par le livre. Pour cela, comme pour l'achat des matières pre- mières, comme enfin pour la vente des produits, l'association est la seule méthode. L'Agriculture est une industrie comme une autre et doit, elle aussi, obéir au Commerce, se plier aux exigences de la clientèle. La méthode scientifique s’y applique avec la mème rigueur et opérera les mêmes révolutions. Le pays qui aura le courage de commencer le pre- mier gagnera la course. Il est encore temps pour nous, la Nature nous à prodigué les avantages; mais le commencement de tout, c'est l'association des Paysans pour se payer des Savants, et le meil- leur moyen pour les cultivateurs de s’aider eux- mêmes sera de s'aider les uns les autres. C’est la loi, la grande loi scientifique, désormais indiscu- able, qui s'applique, sans distinction, à toutes les branches de l’activité humaine : l'association libre, volontaire, coordonnant les efforts individuels, ca- nalisant les petits ruisseaux pour former de grands fleuves puissants et fécondants, à la place des tor- rents irréguliers et désastreux. Quoi de plus beau, de plus rassurant, que cette science moralisatrice, démontrant à l'individu que le meilleur et le plus intelligent des égoïsmes, — c’est l’altruisme ! Maurice Schwob, Ancien élève de l'École Poly technique. 1 Il est juste, toutefois, de reconnaitre l'importance con- sidérable qu'ont déjà acquise, en France, les Syndicats agricoles ; ils rendent dès à présent, d'immenses services quant à l'application des données scientifiques. Leur action bienfaisante s’affirmera bien davantage lorsqu'ils entre- prendront résolument de susciter et de subventionner les recherches de haute science dont l'Agriculture est tributaire. Cette inlluence croitra aussi dès qu'ils pourront directement intervenir dans l'écoulement, — transport et vente, — des produits de la terre. (NOTE DE LA DIRECTION.) ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 209 ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES LES ÉTABLISSEMENTS ARMSTRONG. — LEUR ORIGINE. En concurrence avec l'usine Krupp', et dans des conditions analogues comme exploitation, comme arrivages et expédilions de marchandises, se trouvent sur les bords de la Tyne, un peu en amont de New- castle, à Elswick, les établissements Armstrong. Le fondateur d'Elswick, lord Armstrong, alors Sir William Armstrong, était, à l’époque de la guerre de Crimée, ingénieur hydraulicien : on sait qu'il inventa une machine destinée à recueillir l'électricité statique produite par l'écoulement de la vapeur d’eau à travers des ajutages convenables. Frappé des inconvénients de la fonte comme métal à canon, inconvénients décelés par les accidents survenus pendant la guerre de Cri- mée, Sir W. Armstrong songea à substituer à ce métal trop faible d'abord le fer forgé, puis l'acier. A cetle époque, en effet, la métallurgie de l'acier était encore dans l'enfance : son emploi industriel devait être limité à des pièces de faibles dimensions, dont la fabrication s'entourait de soins exceptionnels. D'autre part, la question du rayage des bouches à feu, succédant au rayage des carabines, se posait égale- ment à la suite de combats où les faibles portées de l'artillerie n'avaient amené que de minimes résultats. Aussi, dès 1854 commencèrent les études et les expé- riences. Elles montrèrent que l'acier ne pouvait encore s'obtenir dans des conditions convenables et condui- sirent Armstrong à établir ses canons en fer forgé, tant pour le tube central que pour le frettage. l Dès 1863, l'usine d'Elwick avait fourni à l'Angleterre près de 3.500 canons. A cette époque eurent lieu les essais célèbres du matériel en acier Whitworth en opposition avec les canons Armstrong. Malgré leur remarquable conception balistique, les canons Whit- worth furent trouvés inférieurs : il se Ter un écla- tement parce que l'acier employé dans la fabrication de ces engins ne présentail pas encore une ténacité suffisante. A la suite de ces expériences, l'usine Armstrong fut appelée à fournir le matériel de l'armée et de la flotte anglaise, et, subsidiairement, se mit à satisfaire aux commandes des diverses puissances. C'est ainsi qu'elle livra plusieurs barteries au Gouvernement de la Défense Nationale en 1870-1871. Le type général de ces bouches à feu, construites d'après le système Fraser, consistait en un tube en acier forgé et trempé à l'huile introduit à chaud dans une pièce de culasse en fer forgé obtenue en soudant bout à bout plusieurs manchons fabriqués par l'enrou- lement en hélice de barres de fer chauffées au rouge; les spires de fer appelées coils forment, suivant le calibre, une, deux ou trois couches de frettes. A la pièce de culasse est soudée la bague porte-tourillons. C’est ce modèle qui fut placé à bord des bâtiments de e flotte anglaise, comme aussi des gros Cuirassés de la flotte italienne. Cependant, l'augmentation de puissance de l'artillerie obligeait à de mander aux bouches à feu des efforts plus énergiques, incompatibles avec le mode de cons- truction décrit ci-dessus. Aussi, les bouches à feu exé- cutées à Elswick, tant pour l'Angleterre que pour les autres puissances, sont-elles actuellement en acier se chargeant par la culasse, el certaines même frettées en fils d'acier, conformément aux théories les plus récentes. ! Sur l'usine Krupp, voyez la Revue du 15 février 1897, p. 113. — LEUR SITUATION ACTUELLE. Venons maintenant à la description des établisse- ments. Ils se divisent en quatre départements : aciéries, constructions diverses, artillerie et chantiers de cons- tructions navales. Leur superfic ie sur la rive gauche de la Tyne, n’est pas inférieure à 32 hectares. Aciéries. — Les aciéries comportent presque exclu- sivement des fours Martin Siemens, au sorlir desquels l'acier obtenu est forgé soit au pilon, soit à la presse hydraulique. Le prince ipal pilon déve loppe un effort de 200 €. m. environ, et il y a trois presses hydrauliques de 1.500, 3.000 et 5.000 tonnes respectivement. Pendant la série des forgeages, des échantillons prélevés sont sou- mis aux épreuves les plus minutieuses. Ateliers de construclion. — Quelque intéressante que puisse être l'étude de ces ateliers, nous nous conten- terons de les signaler ici, en raison de l'importance, relativement hors de proportion avee leur activité réelle, qu'ils ont à Elswick. Etranglés par les autres services, il leur faudra du reste un jour, sans aucun doute, franchir la Tyne et se réinstaller de l'autre côté. Il serait injuste, toutefois, de ne pas signaler les ateliers de montage des toure Iles, ainsi que les dispositifs hydrauliques de toute sorte. On voit que l’on est dans l'usine de l'inventeur de l’accumulateur hydraulique, et cette branche de la Mécanique s'y retrouve utilisée à chaque pas, tant comme moteurs et transmissions que dans les types des machines installées à bord des navires pour le service des bouches à feu. Artillerie. — Le troisième département, artillerie, est sans doute le plus important d'Elswick ; nous avons rap- pelé au début le développement de ces ateliers, et nous ne nous proposons pas ici, pas plus que pour lUsine Krupp, d'entrer dans des discussions ou des exposés techniques. Signalons la grande importance prise dans ces ateliers par la fabrication des canons à tir rapide, d’un usage universel à bord des bâtiments de guerre, fabrication qui n'a pu prendre le développement actuel que grâce aux poudres sans fumée d'une part, et aux progrès de la métallurgie de l'acier d'autre part. I convient aussi d'insister sur le rôle, de plus en plus important, que l'usine Armstrong, en communauté de vues avec l'Amirauté anglaise, donne au frettage en fils d'acier dans la construction de ses bouches à feu, dont elle augmente ainsi la puissance tout en en réduisant le poids et la longueur, et fabriquant ainsi, pour un même calibre, les pièces les plus puissantes. Ce dépar- tement de l'artillerie est, du reste, à Elswick placé dans les meilleures mains que Ton pût trouver en Angleterre. Sir Andrew Noble, l’ancien collaborateur du chimiste Abel dans ses fameuses recherches sur les poudres de toute espèce, secondé par d'anciens officiers de l'armée anglaise tels que MM. Lloyd et Hadcock, dirige les études et la fabrication avec une souveraine compé- tenc e. À Elswick, comme à Essen, on n'a pas hésité à s'assurer le concours des hommes les plus capables en leur faisant une position en rapport avec leur valeur. Comme annexe du département de l'artillerie, il con- vient de signaler encore le polygone de Silloth, situé à 32 kilomètres de Carlisle, le long de la plage de Solway Firth, ainsi que le champ de tir de Ridsdale, à 64 kilo- mètres de Newcastle, ce dernier affecté aux épreuves des canons et des poudres. Nous terminerons en indiquant l'acquisition par la maison Armstrong du procédé Ehrart pour la fabriea- 210 ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES tion de ses projectiles et éventuellement de tubes pour canons et machineries diverses, procédé dont l’adop- tion ne peut qu'améliorer la qualité et la rapidité de sa production. Constructions navales. — Le chantier des constructions navales est actuellement un des plus importants ser- vices d'Elswick : il comporte plus de 2.000 ouvriers. Il fut créé par M. White, avant que ce dernier rit la direction des constructions des bâtiments de guerre pour le compte de l’'Amirauté. Après les deux cales de première classe pour la construction des cuirassés, il convient d'en citer huit autres pour croiseurs. De ces chantiers sont sortis, outre divers bâtiments de la flotte anglaise, dont le Victoria, deux croiseurs autrichiens, deux espagnols, la plus grande partie de la flotte chi- noise, les croiseurs italiens Dogali et Piemonte, les Japo- nais Yoshino, Naniwa, elc. Naturellement, les bâtiments de guerre construits dans ces chantiers recoivent leur matériel de guerre des ateliers voisins de l'artillerie. L'établissement d'Els- wick est ainsi à même de fournir les bâtiments com- plètement organisés, pourvus de tout ce qui leur est nécessaire; les ateliers jJuxtaposés travaillent naturel- lement de concert, d'où grande économie de main- d'œuvre, de temps et d'argent, et surtout entente par- faite, pour tous les détails d'exécution, entre les ser- vices de l’Artillerie et de la Construction, ce qui évite bien des malfacons et bien des retards. En outre de ce chantier, la Société Armstrong pos- sède, en aval de Newcastle, à Walker-on-Tyne, des chantiers spécialement affectés à la construction des navires de commerce, depuis la fusion de MM. Mitchell avec la maison d'Elswick. Les descriptions sommaires qui précèdent suffisent à rendre compte de la prospérité de cette puissante mai- son qui, à l'heure actuelle, occupe plus de 16.000 ou- yriers. Nous avons cité les noms des organisateurs ou direc- teurs de ses principaux services, choisis parmi les spé- cialistes les plus éminents d'Angleterre. Nous signale- rons, en outre, l'excellente situation des établissements, en plein bassin houiller de Newcastle, non loin des mines de fer, bien connues, de Cleveland. Le développement des voies ferrées tout autour de Newcastle ne concourt pas moins que la situation des usines sur le bord de la Tyne à la facilité du mouve- ment commercial, et, de ce chef, l'usine Armstrong pos- sède sur les établissements Krupp une incontestable supériorité. S'il est vrai que ces derniers, par l’acqui- silion des chantiers de la Germania à Kiel, peuvent aujourd'hui, comme leurs rivaux, fournir à la fois les bâtiments et leurs armements, il n’en est pas moins incontestable que la séparation des chantiers et des ateliers d'artillerie est pour eux une cause d’infériorité économique. Depuis longtemps, la maison SR en ce qui concerne l'artillerie navale, l'Italie. Elle à même, pour ce fait, du golfe de Naples, à Pozzuoli, s'est assuré, la clientèle de fondé sur les rives une succursale qui n'occupe pas moins de 1.500 ouvriers. Ce grand éta- blissement, d'une superficie de 20 hectares, comporte une jetée d'accostage desservie par voie ferrée et quatre grues hy drauliques, dont l’une d'une force de 160 tonnes, pour l'embarquement des bouches à feu. L'atelier principal à 13.000 mètres carrés de superficie, et 310 machines-outils pour la construction de la grosse artillerie. L'acier est fourni à l'usine Terni, appartenant à l'Etat. Le personnel est d'environ 900 ouvriers, liens, guidés par des contremaitres anglais teurs sont Italiens. Enfin, de même que la maison Krupp s'est annexé l'usine Gruson de Magdebourg, de même la maison Armstrong vient aujourd'hui “de fusionner avec les établissements Whitworth, jadis ses rivaux en artillerie, aujourd'hui encore à la tête de la métallurgie de l'acier et du travail de précision en machines-oulils, Cette fusion se ferait en attribuant à chaque action Whitworth, de 10 livres sterling, 5 actions Armstrong, d'une valeur nominale de une livre, mais cotées actuellement 53 shillings. par l'établissement de tous ila- : les direc- Ainsi, les deux maisons rivales, Krupp et Armstong, possèdent l'une comme l’autre les avantages écono- miques d'une excellente situation métallurgique, au centre de bassins houillers d'une grande richesse, et de voies de communication faciles et peu dispendieuses. Elles jouissent également d'une clientèle d'Etat assu- rée, soit l'Allemagne PAUe l’une, l'Angleterre et l'Italie pour l’autre. Il y à pourtant, entre Krupp et Armstrong, une différence essentielle. Alors que la première mai- son est le fournisseur attitré et unique de Partillerie allemande, dont elle établit les tracés et fabrique tout le matériel, la maison Armstrong ne jouit pas d'un monopole analogue. Le grand arsenal de Woolwich, sous la savante impulsion du D' Anderson, établit, lui aussi, des bouches à feu et du matériel de toute sorte pour la Marine et surtout pour l'armée anglaise. Le Gouvernement de la Reine conserve ainsi son indépen- dance d'études et de fabrication. C’est là, semble-t-il, une excellente solution de la question de l'armement d'un pays, par l'association de l'Etat et des efforts de l'industrie privée. L'industrie privée, par son concours, permet, dans des cas d'urgence, d'accélérer autant qu'il est nécessaire la production du matériel: mais il faut que l'Etat assure à ces ateliers spéciaux la perma nence du travail, comme il est fait pour ces deux gran- des maisons. En France, au contraire, les usines particulières ne jouissent pas de la même sécurité. Il n’y à done pas lieu de s'étonner qu'elles ne puissent travailler dans des conditions de prix aussi favorables, et n'arrivent à lutter que bien péniblement. Une industrie aussi spé- ciale que celle de l'artillerie ne peut vivre sans le con- cours des commandes de l'Etat sur le territoire duquel elle se trouve; s'il n’en est pas ainsi, elle est forcément vouée à la décadence et condamnée à s'étendre. CoLonEz X.. nusst Dit sé TS OO CT TN A BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 211 BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques Goursat (E.), Maitre de Conférences à l'Ecole Normale Supérieure. — Leçons sur l'intégration des équa- tious aux dérivées partielles du second ordre à deux variables indépendantes. Tome I : Problème de Cauchy ; caractéristiques ; intégrales intermé- diaires.—1 vol. grand in-8° de 224 pages.(Priæ : 7 fr. 50.) Herfann, éditeur, Paris, 1896. Cet ouvrage, dans la pensée de l'auteur, forme la suite naturelle du traité bien connu qu'il a publié sur l'intégration des équations aux dérivées partielles du premier ordre. Toutefois, les deux questions sont loi de se présenter sous le même aspect. La première à dès maintenant un caractère achevé : la méthode, du moins en ce qui concerne le cas général, y est fixée el semble même avoir atteint son maximum de simplicité. Au contraire, les équations du second ordre se refusent. en général à l'intégration : les géomètres ont été obligés de se rejeter sur les voies moins directes qui leur restaient ouvertes, et, en particulier, sur la recherche des intégrales particulières définies par des conditions aux limites données. Le volume actuel est consacré au Problème de Cauchy (détermination d'une surface intégrale, supposée analytique, par une courbe et le plan tangent en chaque point de cette courbe). C'est celui dont la théorie se rapproche le plus des théories relatives aux équations du premier ordre, bien qu'il soit impossible d'arriver, par la généralisation de celles-ci, à la solution complète du nouveau problème. Ces analogies sont mises nettement en lumière dans le cas particulier par lequel M. Goursat commence son exposition. On sait que l'intégrale générale d'une équation aux dérivées partielles du premier ordre peut être considérée comme représentant : si l'équation est linéaire, un lieu de courbes; sinon, une enveloppe de surfaces. L'auteur considère de même : {1° les surfaces heux de courbes d'un complexe donné; ou bien 2 les surfaces enveloppes de surfaces appartenant à un com- plexe de surfaces donné. Dans les deux cas, les surfaces en question salisfont à une équation aux dérivées par- tielles linéaires en »,s, {, rt-s°(les coefficients étant des fonctions de æ, y,3, p, g),équation qui admet une inté- grale singulière du premier ordre. Cette intégrale sin- gulière peut d’ailleurs fournir la véritable solution du problème, comme il arrive pour la question posée par M. Darboux : Trouver une surface connaissant une relation entre les paramètres d’une des sphères osculatrices. L'auteur énonce ensuite le problème de Cauchy et montre qu'il a une solution déterminée, sauf pour certains choix de la courbe et de la développable. Il définit l'intégrale générale comme l'ensemble des inté- grales ainsi obtenues, lorsqu'on fait varier cette courbe et cette développable de toutes les manières possibles; toute fonction qui satisfait à l'équation sans être com- prise dans l'intégrale générale étant intégrale singulière. Il montre que ce,critérium doit être substitué à celui qui consiste à décider de la généralité de l'intégrale d'après le nombre des fonctions arbitraires qui y figu- d?z dz di di grale générale dépendant d'une seule fonction. Il ter- mine ce premier chapitre en faisant voir que l’analogie constatée, dans le cas particulier qu'il vient de traiter, avec les équations du premier ordre, ne s'étend qu'in- complètement au cas général : la méthode de la va- riation des constantes arbitraires ne permet pas rent : l'équation — par exemple, a une inté- ( | ET INDEX d'intégrer en général les équations du second ordre. Le second chapitre traite de la théorie qui fait l'objet essentiel de l'ouvrage : la théorie des caractéristiques appliquée aux équations de Monge et d'Ampère, c’est- à-dire aux équations linéaires en ?, $, £, rés. M. Gour- sat discute les résultats que fournit la méthode suivant que les deux systèmes de caractéristiques sont ou non distincts et suivant le nombre des combinaisons inté- grables que présente chacun d'eux. Comme dans les Lecons Sur l'intégration des équations aux dérivées par- tielles du premier ordre, il s'attache, avec Sophus Lie, à donner, de la notion de caractéristique et du problème même de l'intégration, des définitions invariantes au point de vue de la théorie des transformations de con- tact, et cette théorie lui permet de donner aux conclu- sions des formes particulièrement frappantes et simples. Le chapitre se termine par l'exposé de la méthode d'Ampère, laquelle conduit, en général, à des calculs identiques à ceux que fournit la méthode de Monge, mais à l'avantage de s'appliquer à certaines équations pour lesquelles celle-ci esten défaut ; c'est ce qui arrive pour l'équation aux dérivées partielles des surfaces minima. La résolution du problème de Cauchy, pré- sentée d'une facon générale pour les équations linéaires en ?»,5, {, ne contenant pasles variables indépendantes, conduit, pour les surfaces minima, aux formules mémes de M. Schwartz. L'auteur applique ensuite la méthode générale à un certain nombre d'exemples. Il traite, en particulier du problème de la représentation sphérique, lequel dé- pend toujours d’une équation de Monge ; cette équation n'admet d'ailleurs d'intégrale intermédiaire que si les lignes de courbure sont planes dans un système. On tombe également sur des équations de même forme, ainsi que l'avait montré l’auteur dans des mé- moires précédents, quand on cherche les extensions possibles de la méthode qui convient aux équations de Clairaut, et aussi quand on cherche à déformer une surface de manière qu'une série de sections planes parallèles conserve cette double propriété. Après avoir, comme dernière application, recherché les équations pour lesquelles les caractéristiques sont des lignes asymptotiques, ou des lignes de courbure, ou plus généralement des lignes conjuguées, l’auteur retourne à la théorie générale et l'étend aux équations quelconques, mais non sous sa forme primitive. Il faut, cette fois, considérer les caractéristiques comme des séries d'éléments dont chacun est constitué, non plus seulement par un système de valeurs de#,y,2,p,Qq, mais par un système de valeurs æ, y, 2, p, q, r, 5, t, (éléments de contact du second ordre). L'auteur montre les relations qui existent entre ces caractéristiques du second ordre et les caractéristiques du premier ordre des équations de Monge et d'Ampère. Chaque caractéristique du premier ordre fait partie d'une infinité de caractéristiques du second ordre dépendant d'une constante arbitraire, sauf dans le cas où les caractéristiques sont confondues. Plus généralement, on peut considérer, sur une surface intégrale, l'élément de contact d'ordre n (délini par l’ensemble des valeurs des variables et des dérivées jusqu’à l’ordre n) et définir les caractéristiques d'ordre n. Chaque caractéristique d'ordre n est en général conte- nue dans une infinité de caractéristiques d'ordre n +1, dépendant d'une constante arbitraire. Les équations qui ont des caractéristiques du premier ordre se distinguent par cette propriété qu'une infinité de sufaces intégrales peuvent être tangentes le long 212 d'une courbe. Cette circonstance n’est d’ailleurs pas particulière aux équations de Monge-Ampère. Si, en effet, on regarde, dans l'équation, TMS D NCOMIE donnée des coordonnées cour antes, il peut arriver que cette équation représente une surface réglée dont les génératrices soient parallèles à celle du cônert—s— 0. Il y aura alors un système de caractéristiques du pre- mier ordre, le second système étant du second ordre. Dans ce cas, comme dans le cas des équations de Monge-Ampère, il pourra exister des intégrales inter- médiaires avec deux constantes arbitraires. M. Goursal recherche, d’après un travail précédent (Acta Mathe- matiea, t. XIX) dans quels cas les deux équations qui déterminent l'intégrale intermédiaire sont en involu- tion. Il expose également les résultats auxquels il est parvenu relativement à la résolution du problème de Cauchy pour les caractéristiques du premier ou du second ordre. Le problème est alors indéterminé : la solution dépend d'une intinité de constantes arbitraires et, pour déterminer complètement l'intégrale, il faut deux caractéristiques de systèmes différents ayant un élément commun. Cet intéressant résultat établit, comme on le voit, un rapprochement entre les théo- rèmes généraux précédemment démontrés et le théo- rème analogue qui intervient, par exemple, dans l'application de la méthode de Riemann aux équations de Laplace ; il montre le rôle joué, dans cette dernière question, par ce fait que l'équation de Laplace est rapportée à ses caractéristiques. Le volume se termine par une rapide analyse du mémoire d'Ampère, où, sous une autre forme, les caractéristiques du second ordre sont introduites pour la première fois. J. HApamaRp, Professeur de Mathématiques à la Faculté des Sciences de Bordeaux. 2° Sciences physiques Borchers (D' W.). — Elektro-Metallurgie. — Dir GEWINNUNG DER METALLE UNTER VERMITILUNG DES ELEK- TRISCHEN STROMES. 2° Edition. — 1 vol. in-8° de 400 pages avec 188 figures. (Prix : 20 fr.). Harald Bruhn, éditeur. Braunschweig, 1897. Le traité d'Électro-métallurgie du Docteur Borchers donne un tableau complet de l'état actuel de cette science relativement récente. Il expose toutes les recherches faites pour arriver à l'extraction ou au raf- finage électrolytique des différents métaux, ainsi que les résultats que l’on peut considérer comme acquis pour l'industrie. Les procédés électrolytiques, qui ont eu un certain succès industriel, sont, en somme, en nombre limité. On peut dire que l'électrolyse par voie humide n’a donné de résultat pratique que pour l’affinage du cuivre, pour la précipitation de l'or des cyanures, et pour Je traite- ment de certains alliages d'argent et d’or. Tous lesautres procédés proposés n ‘ont pas subi la sanction de l expé- rience industrielle, ou bien ont élé essayés sans succès ; notamment, les nombreuses tentatives pour extraire le cuivre des minerais ou des mattes ont échoué jusqu'à présent. On n'affine même en pratique que des cuivres relativement purs et riches. L'électrolyse par fusion ignée peut seule être consi- dérée comme un moyen d'extraction industrielle de cerlains métaux comme l'aluminium, et les métaux alcalins pour lesquels ce mode de préparation rentrera peut-être bientôt dans la pratique courante. Après une introduction où il expose les conditions générales de l’électrolyse et la théorie du phénomène d'après les derniers travaux de Ostwald et de Nernst, M. Borchers consacre un chapitre étendu à l'étude des procédés d'extraction des métaux alcalins et du magné- sium. Tous ces métaux peuvent être obtenus par l'élec- trolyse des chlorures fondus ; lemagnésium notamment est fabriqué dans l'usine de He mmeling, près Brème. On rencontre pour ces métaux une difficulté spéciale qui ne se présente pas pour l'aluminium : c'est que leur BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX. légèreté les fait flotter dans les scories; en outre, les. métaux alcalins attaquent rapidement à haute tempé-. rature la porcelaine et le fer. Il est très difficile de construire des appareils qui puissent y résister. M. Borchers décrit une série d’ap- pareils ingénieux pour résoudre ce problème. Un autre moyen que l'auteur n'a peut-être pas signalé comme il le méritait est celui qu'a employé M.Guntz pour réaliser l'électrolyse du lithium : par un mélange de sels con- venablement choisis, M. Guntz à pu constituer une scorie fusible à température modérée; dans ces condi- tions, l'attaque des appareils n'est plus à craindre. Le second chapitre de l'ouvrage se rapporte à la métallurgie de l'aluminium et des métaux terreux ; il est relativement moins instructif, M. Borchers ayant traité cette industrie d’une manière sommaire, faute de documents authentiques, et n'ayant pa® voulu essayer de décrire des installations industrielles sur lesquelles il n'avait pas de renseignements sûrs. Le chapitre consacré au raffinage du cuivre est, au contraire, des plus intéressants; cette industrie à fait de grands progrès. Le traitement, qui coûtait autrefois plus de 200 francs par tonne, revient aujourd'hui au “ie à 100 et même, dit-on, à 50 franes en Amérique. On trouvera, dans l'électrométallurgie, des détails très circonstanciés sur la conduite et l'installation des affi- ‘ neries de cuivre, notamment sur celle de la fabrique des frères Borchers à Goslar, dont tous les détails paraissent très bien étudiés. On y remarque un mode particulier d'aération et de circulation du liquide dans les bains, consistant à injecter dans un tuyau de Pair par un orifice capillaire. Cet air s'émulsionne avec le liquide et donne ainsi une colonne légère provoquant une circulation continue, sans avoir, comme les autres procédés de brassage, l'inconvénient d’agiter les dépôts et de rendre les liqueurs troubles. Parmi les chapitres suivants, je signalerai la des- cription du procédé Mæbius pour le travail d'or et d’'ar- gent, les recherches sur la précipitation de l’antimoinue des sulfures doubles, et les différents procédés de pré- cipitation de l'or. Le docteur Borchers traile tous ses sujets avec une grande compétence, étant lui même l’auteur d’un grand nombre de recherches pratiques et mdustrielles : ses appréciations et ses critiques, si elles sont souvent un peu passionnées et parfois injustes, sont néanmoins toujours intéressantes à lire et dans la plupart des cas bien fondées. U. LE VERRIER, Professeur de Métallurgie au Conservatoire des Arts et Métiers. Haller (A.), Correspondant de l'Institut, Directeur de l'Institut chimique de Nancy, et Müller (P.-Th.), Maître de Conférences à l'Institut chimique de Nancy. — Traité élémentaire de Chimie. Tome 1. Chimie minérale. Tome II. Chimie organique. — 2? vol. in-8° de 336 et 206 pages avec figures (Prix, cartonnés : 6 fr. et 4 fr.). G. Carré et C. Naud, éditeurs. Paris, 4897. Le Traité élémentaire de Chimie de MM. Haller et Mül- ler aura certainement un long succès. Dans ce livre tous les grands faits acquis à la Chimie moderne se trouvent reliés par une théorie que les lecteurs ont l'illusion agréable d'inventer parce qu’elle jaillit de la succession des expériences, Ceux qui n'ont acquis leur savoir qu'à grand peine à l’aide d'ouvrages quelquefois inférieurs à la science de leur temps, apprécieront le progrès pédagogique et PÉCSBNES de la forme qui rend la lecture de ce nouveau livre de Chimie plus attrayante que celle de bien des romans. Et la science, qu'on lit trop peu dans le monde, n'est-elle pas, avec ses mou- vantes réalités et ses rêves de perfection idéale, le plus beau des romans ? Tout homme ayant recu seulement l'instruction élémentaire peut lire sans fatigue le livre de MM. Haller et Müller et se mettre en état de suivre les écrits des spécialistes qui, à première vue, apparaissent comme des grimoires fermés au plus grand nombre. Le premier volume commence par l'exposition des ois simples et permanentes qui régissent la matière himique. Ensuite viennent les interprétations qu'on eur a données sous le nom d'hypothèses pour les met- e mieux à la portée de notre esprit. Par là, le lecteur e trouve aussitôt introduit dans la théorie atomique, qui devient de suite sa pensée et sa langue naturelle, Dans un livre élémentaire, l'histoire de la Science, qui est souvent que la condamnation des erreurs passées, e peut trouver sa place au milieu des vérités acquises. ei la clarté du texte doit beaucoup à cette méthode ui ne présente que les vérités indiscutées. Divisé en métaux et métalloïdes dans un but d'ensei- nement et pour réunir en groupes faciles à comparer es équations qui résument chacune des préparations dont la connaissance est exigible pour les examens, les léments sont cependañt distribués d'après la classifi- cation de Mendeleef. . Dès les premières pages du deuxième volume, con- sazré à la Chimie organique, l'idée des formules de constitution « résumant, pour ainsi dire, l'histoire de chaque corps » est affirmée avec une clarté et une auto- rité qui éloignent toute pensée de discussion. Et à quoi bon discuter in abstracto une science des formules acceptée en fait par tous. MM. Haller et Müller se rat- -tachent à la nomenclature organique du Congrès de Genèye pour les mots simples qui ont chance de passer dans la langue chimique usuelle et afin de ne laisser ignorer aux jeunes aucune chose de leur temps. . Dans ce deuxième volume, lout ce qui sert, tout ce qui a un nom connu dans la Chimie organique, se {trouve amené très simplement comme au cours d’une conver- sation. C'est, en effet, une causerie de {rois pages qui vous apprend ou vous rappelle les couleurs d'aniline plus ou moins oubliées, en n'invoquant que de rares formules. Ce résultat de lecture facile est obtenu grâce à une exposition solide de l’enchainement des hydro- carbures, de leur accroissement par un apport indéfini de matériaux moléculaires CH°, de leurs arborisations isomériques, de leurs fermetures cycliques, toutes choses si faciles à apprendre el dont on se fait souvent un épouvantail. Avec les fonclions, qui dela charpente d'un carbure vulgaire feront un parfum, une couleur ou un poison, on a les clefs de la Chimie organique. MM. Hal- ler et Müller les donnent avec la moindre peine, et, en lisant leur volume, il me semblait voir réalisée une idée qui m'est familière : la Chimie organique s'apprend en huit lecons et se développe en plusieurs années. A. Erann, Docteur ès sciences Répétiteur de Chimie à l'Ecole Polytechnique. 3° Sciences naturelles Chudeau (R.) Chargé de Cours à la Faculté des Sciences de Besançon. — Contribution à l'étude géologique de la Vieille-Castille. (Thèse pour le Doctorat de la Faculté des Sciences de Paris.) — 1 brochure in-8° de 92 pages avec 15 figures et 1 planche. Lahure, éditeur, 9, rue de Fleurus. Paris, 1896. Voici, d’après le résumé de l’auteur, les faits nou- veaux exposés dans cette thèse: Les couches de la province de Logrono, attribuées jusqu'à présent au Carbonifère, sont infraliasiques et par suite les strates non fossilifères situées au-dessus appartiennent au Lias et non au Trias. On retrouve dans le Bajocien les zones paléontolo- giques classiques; le Bathonien et le Callovien sont mieux représentés que ne le laissaient croire les tra- vaux précédents. Pour le Crétacé, le Cénomanien seul était indiqué avec netteté; M. Chudeau a montré que la partie supé- rieure de l'Albien avait laissé des dépôts fossilifères et que le Turonien était fort bien représenté dans toute la région. Pour le reste, l'auteur a pu seulement préciser quelques niveaux, augmenter la liste des espèces citées et discuter quelques déterminations. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 213 De nouvelles recherches sur place seraient néces- saires pour élucider complètement la tectonique. D’Hubert (E.). — Recherches sur le Sac embryon- naire des plantes grasses. (Thèse pour le Doctorat de la Faculté des Sciences de Paris.) — 1 broch. in-8° de 92 pages, avec 61 figures et 3 planches. (Extrait des Ann. des Sciences nat., 8° série, Botan. T. 11) G. Masson, éditeur, Paris, 1896. Après une revue claire et concise des connaissances acquises jusqu'ici sur l'ovule et le sac embryonnaire, l’auteur de ce travail insiste sur le rôle du sac em- bryonnaire et s'étonne que les botanistes aient négligé, pour la plupart, l'élude des phénomènes nutritifs qui s'y accomplissent, alors que son développement et sa segmentation ont élé si attentivement examinés. Aiguillonué par la difficulté du sujet et persuadé que l'amidon, tout au moins, doit être mis en réserve pour un temps dans le sac embryonnaire, M. d’'Hubert à résolu d'aborder la question de la nutrilion de ce sac, en Ja restreignant à l'étude particulière des réserves ternaires qui s'y peuvent produire. La nature spéciale de l'appareil végétatif des plantes grasses et la lenteur des phénomènes de fécondation, permettaient de considérer à priori comme probable la formation de réserves dans leur sac embryonnaire; c’est donc à ces végétaux que M. d'Hubert s’est préalable- ment adressé, d'ailleurs, avec succès. Il à fait un tra- yail de révision morphologique de l'ovule chez les plantes grasses, tout en examinant le mode d’appari-- tion, puis de résorption de l’amidon dans le sac em- bryonnaire avant et après la fécondation de l'oosphère, jusqu'après les premiers stades de la formation de l'albumen. Ses recherches concernent l'ovule chez les Cactées, Mésembrianthémées, Crassulacées, quelques Asclépia- dées, Euphorbiacées, Liliacées et Amaryllidées ; nombre d'espèces ordinaires, appartenant à diverses familles, ont été l'objet d'une pareille étude. Les principaux résultats consignés daus la thèse de M. d'Hubertsontles suivants : Les ovules de toutes les plantes grasses et de quelques plantes non grasses renferment de l’amidon dans leur sac embryonnaire. Certaines plantes ordinaires, au sac embryonnaire dépourvu d’amidon, présentent dans le nucelle une zone amylifère dontla destruction graduelle est corrélative du développement du sac. L'amidon apparaît, dans le sac embryonnaire des Cactées, pendant les trois bipartitions successives du noyau; les grains d'amidon sphériques croissent en volume et en nombre et se disposent uniformément autour de chacun des huit noyaux obtenus; ces noyaux se rendent à leurs places respectives dans le sac : une antipode à l'extrémité inférieure, les deux autres au- dessus, puis les deux noyaux polaires, au-dessus l'o0- sphère, enfin les deux synergides à l'extrémité du sac opposée aux antipodes. L'amidon de l'antipode infé- rieure disparait, puis celle-ci s’efface.Il en est de même des antipodes supérieures. Les synergides se creusent d'une vacuole, deviennent pyriformes et provoquent l'allongement du sac au voisinage du micropyle; l'ami- don y est en quantité maximum à la maturité du sac. L'amidon de l’oosphère augmente jusqu'à la fécondation et disparait rapidement après. Les grains d'amidon qui entourent les noyaux polaires, sont nombreux et volu- mineux (10 u); ils augmentent jusqu'au moment où se constitue l’albumen. Comme l’amidon joue ici un rôle denutrition capital, l'étude de sa répartition permet d’entrevoir la fonction des cellules du sac embryonnaire : les antipodes ser- vent à l'accroissement de la partie inférieure du sac et à la nutrition de ses autres parties. Les synergides, au moment de l'arrivée du tube pollinique au sommet du sac, se portent : l’une à la rencontre du tube polli- nique, l'autre au voisinage de l’oosphère où elle reste jusqu'après la première bipartition du noyau de l'œuf; ce 214 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX sont aussi des cellules de nutrition pour le tube polli- nique et pour l'œuf en formation. Les noyaux polaires servent d’abord à l'accroissement latéral du sac, puis se portent au voisinage de l’oosphère qu'ils nourrissent partiellement. Semblables faits ont été remarqués chez les Mésem- brianthémées et les Crassulacées. A signaler aussi l'ovule des Sedum très allongé, caractérisé par un Capu- chon que forme l’épiderme du nucelle au sac embryon- Hit en avant; par la régression latérale du nucelle et par l'organisation, suivant son axe, de cellules très allongées formant un système conducteur de la chalaze au sac embryonnaire. M. d'Hubert reconnaît lui-même que son travail est incomplet. Il serait intéressant, en effet, de déterminer la nature des réserves et les réactions qui s'accomplis- sent dans le sac des plantes dépourvues d’amidon, de vérifier s'il ne se forme pas d’autres réserves que l’ami- don dans le sac des plantes grasses. Le rôle des noyaux du sac embryonnaire à besoin d'être plus nettement établi. Confiant dans la sagacité du jeune botaniste, nous serons heureux d'enregistrerles résultats des nou- velles recherches qu'il ne manquera pas d'entreprendre sur ces sujets multiples. E. AuBErT, Professour au Lycée Charlemagne. 4 Sciences médicales Charrin (A.), Professeur agrégé à la Faculté de Méde- cine, Assistant au Collège de France. — Leçons de Pathogénie appliquée (Clinique médicale). 1 vol. in-8° de 400 pages. (Prix : 6 fr.) G. Masson et Cie, éditeurs. Paris, 1897. Le livre de M. Charrin est un livre de Clinique médi- cale. Il a été intitulé : Lecons de Pathogénie appliquée pour accentuer la différence qui existe entre la clini- que ancienne et la clinique actuelle. Dès le début, M. Charrim prend soin de nous expliquer comment il entend le rôle du médecin et l'enseignement de la Médecine. L'un et l’autre ont changé depuis que les procédés d'investigation scientifique récemment mis à notre disposition ont permis de mieux analyser les faits. Il devient nécessaire de faire bénéficier la Cli- nique de tous les acquêts théoriques et techniques obtenus par les sciences collatérales. Aussi la manière dont M. Charrin envisage la Médecine ne saurait que plaire à tous ceux qui ont le souci des progrès de cette science. Plus encore, elle s'impose comme étant la seule logique, rationnelle, digne de notre temps. Du nombre considérable de faits qui sont accumulés dans ces lecons, le professeur dégage spécialement un point auquel il donne un relief tout spécial : c’est l'in- fluence du terrain sur l'évolution des germes morbides. C'est bien le microbe qui est l'agent pathogène; mais c'est l'organisme qui lui permet d'agir : « Son succès provient de notre infériorité plutôt que de sa supério- rité. » Une autre donnée également bien mise en lumière par M. Charrin est celle des « pathogénies multiples ». Il y insiste à propos du rhumatisme chronique. Il montre qu'une altération articulaire aiguë d'origine micro- bienne primitive peut, après la disparition des microbes, se continuer sans l'appui direct de ceux-ci et donner lieu à une arthrite chronique. En outre, de même qu'une cellule bactérienne peut déverser ses toxines dans l'économie et y créer des lésions dynamique s ou anatomiques, de même la cellule organique, par une déviation de son fonctionnement normal, peut donner lieu à la production de toxines d'effet analogue. Et d'ailleurs la cellule organique n'agit-elle pas tout comme une cellule mierobienne?ne vit-elle pas comme elle aux dépens des mêmes éléments? ne doit-elle pas êlre considérée comme un véritable ferment ? Dans une série de lecons consacrées à la fièvre typhoïde, M. Charrin met en garde contre l’exclusi- visme le la théorie de l'origine hydrique de la dothié- nentérie. I explique le mécanisme de l'hyperthermie, l'action pyrétogène des produits bactériens el aussi des principes anormalement sécrétés par des parenchymes infectés, Il montre le retentissement de ces substances toxiques sur les divers organes, le système nerveux, le cœur, la peau, où apparaît l'éruplion rosée lenticulaire classique, la rate qui s’hypertrophie, le foie qui se parsème de nodules infectieux, les reins dont les celz lules subissent des modifications protoplasmiques, ete. La méthode thérapeutique de Brand (bain à 20°) et celle du professeur Bouchard, par les bains progressi= vement refroidis à partir de 2 C au-dessous de la tem- pérature reclale du malade jusqu'à 30° C, sont expo- sées et préconisées. Le cancer de l'estomac a été le motif d'une élégante lecon de diagnostic de cette affection. Le récit concis d'observations diverses de faux cancers et de faits à séméiologie anormale : typhlite, adénite, pleurésie, elc.; prenant le masque clinique du carcinome stomacal, donne une juste idée de la difficulté parfois éprouvée pour affirmer le cancer de Pestomac. Dans une autre clinique, M. Charrin défend la théo- rie génitale de la chlorose. Les troubles génitaux sont extrémement fréquents dans cette affection. Cette per- turbation de la fonction menstruelle amène une sorte d'auto-imtoxication qui, frappant des éléments cellu- laires prédisposés par une mauvaise descendance ou des altérations individuelles antérieures, augmente leur incapacité fonctionnelle. La chlorose en est le résultat. Pour le professeur, la théorie infectieuse de la chlorose ne se réaliserait que secondairement. En outre, les chlorotiques, par leur ascendance même, présentent une vulnérabilité cellulaire spéciale. M. Char- rin insiste sur ces qualités bonnes ou mauvaises que le sujet puise dans ses générateurs; et plus loin, à propos du mal de Bright, il reviendra instamment sur cette question. Il établit nettement la différence qui existe, pour la propagation des tares héréditaires, entre uné créature née de parents en puissance de mal ( bacillose, diabète, affection générale quelconque) et lé rejeton conçu avant que les parents aient contracté ce mal. Les pages relatives à l'hérédité sont parmi les plus importantes de ce volume. Après avoir traité divers sujets de pathologie hépa- tique, cardiaque, pulmonaire, nerveuse, M. Charrin donne un apercu général des maladies observées dans son service. Dans cette dernière leçon, il groupe les faits si variés dont il a entretenu son cours. Il en fait un magistral rapport embrassant toute la Pathologie. Chacune des grandes causes dont l'organisme humain subit fatalement les effets y est mise en son juste rang: agents parasilaires, intoxicalions, perturbations cellu- laires, influences cosmiques. La maladie est chose complexe. Il est rare qu'une de ces actions engendre, à elle toute seule, toute la maladie, C’est leur Jeu réei- proque, tantôt successif, tantôt simultané, qui constitue loutes les scènes variées des actes morbides. L'une est préparée par l’autre et l'action se complique au fur eb à mesure que le drame pathologique se prolonge. La méthode générale que M. Charrin a adoptée dans ses lecons est plutôt la méthode par exposition compa- ralive que la méthode descriptive. Au lieu de décrire une maladie à propos d'un cas observé, il produit immé- diatement les différents cas de la même affection qui se sont présentés dans le service. L'exposé successif de ces diverses observations lui permet de montrer dans un seul tableau les modalités cliniques, de mettre en relief les différences individuelles, de rechercher les causes de ces différences. Il explique ensuite, suivant les données actuelles de la science, la série des phéno- mènes morbides, leur pathogénie, leurs origines. La multiplicité des faits et des théories sur lesquelles s'est appuyé M. Charrin dans ses démonstrations donne à son ouvrage un caractère tout spécial. Ces leçons forment un ensemble où la personnalité du maître se fait jour à chaque page et où l'enseignement est donné avec une largeur de vues indéniable. D" A. LÉTIENNE. Los. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS il contient tout le phosphore, mais, en raison de sa | ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES . | | Séance du S Février 1897. M. le Général Sébert est élu Membre titulaire de la Section de Mécanique, en remplacement de M. Résal. + 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. H. Faye signale une catégorie particulière de trombes, qu'il appelle fausses tombes et qui a longtemps induit en erreur les savants sur la nature des vraies trombes. Elles se produisent quand un sol de sable fin, un peu humide, est chauffé par un soleil ardent; on voit alors s'élever de ce sol, par un temps calme, une colonne de vapeurs condensées ou de sable. Ces fausses trombes ont leur origine au ras du sol et sont ascendantes; c’est en cela qu'elles diffèrent des trombes, tornados et cyclones qui sont des phénomènes tourbillonnaires descendants. — M. P. Tacchini adresse le résumé des observations so- laires faites à l'Observatoire royal du Collège romain pendant le second semestre 1896. On a observé le mi- nimum des protubérances à l'époque du maximum des taches; les phénomènes de toute espèce ont été plus fréquents dans les zones australes du Soleil. — M. De- saint fail une communication sur les zéros de certaines fonctions analytiques. — M. C. Maze envoie une note intitulée: Généralisation d'une formule de probabilités. — M. L. Mirinny adresse une notice complémentaire sur le premier méridien universel. 2 ScrEncEs PHYsiQues. — M. G. Bigourdan indique une méthode de comparaison des durées d'oscillation de deux pendules, analogue à celle proposée par M. Lippmann, mais sans matériel électrique. A la place d'horloge, il se sert d’un chronographe, percé d’une fente, qui, à chaque oscillation du balancier, se décou- vre et laisse passer la lumière d’une lampe placée der- rière; c'est cet éclair qui illumine l'index du pendule. — MM. Ch. Fabry et A. Pérot ont remarqué que l'élec- tromètre absolu, dont ils ont donné récemment la des- cription, n'atteint que très lentement sa position d'équilibre, lorsque la distance des plateaux est faible, à cause de la viscosité de la couche d’air qui les sépare. L'étude expérimentale du mouvement produit par l'addition d'une surcharge au centre du plateau mobile les a conduits à une mesure nouvelle du coefficient de viscosité de l'air: ils ont trouvé la valeur 1,73 X 40 —#. — M. Vaschy fait l'étude des variations d'énergie dans des corps élastiques soumis à diverses forces. — M. A. Leduc, considérant que le principe d'Avogadro- Ampère n'est applicable aux gaz que dans des condi- tions suffisamment éloignées de celles où ils se liqué- fient, propose de lui donner la forme suivante: « A des températures et sous des pressions correspondantes, tous les gaz ont le même volume moléculaire ». Il vérifie les conséquences de ce principe pour un certain nombre de gaz. — M.F. Wallerant indique une mé- thode de mesure des indices de réfraction des minéraux des roches. Lorsqu'on applique une face plane d'un cristal contre la base d’un prisme d'indice plus élevé, certains rayons lumineux, entrant par lune des faces latérales du prisme, subissent, sur la face de contact, la réflexion totale. En mesurant l'angle de sortie du premier rayon lumineux subissant la réflexion totale, on peut en déduire l'indice de réfraction du cristal. MM. M. Berthelot et G. André ont étudié le précipité qui se forme dans le dosage de l'acide pyrophosphori- que lorsqu'on ajoute à ce dernier du chlorure de ma- gnésium, du chlorhydrate et de l’acétate d'ammonia- que en grande quantité. Le précipité est constitué par le mélange suivant: 3 P207Mg5 (AzH') + P2OTMgtiNa:. complexité, il doit être dissous, transformé en phos- phate ammoniaco-magnésien normal, puis caleiné et pesé définitivement à l'état de P*0*Mg. — MM. M. Ber- thelot et G. André ont fait l'étude de l'acide méta- phosphorique ; le mélaphosphate de soude vitreux est relativement stable dans ses dissolutions, maintenues au voisinage de la température ordinaire; le métaphos- phate préparé à 280° se transforme bien plus rapide- ment, l'acte seul de sa dissolution dans l’eau glacée en a changé déjà 45 centièmes en pyro et ortho-phosphate ; une fois dissous, il se métamorphose plus lentement. L'acide métaphosphorique libre, préparé par déshydra- tation de l’acide ortho-cristallisé, donne lieu à des ob- servations analogues. — M. P.-P. Dehéraïin à étudié la réduction des nitrates dans la terre arable par des ferments qui existent dans le fumier des animaux. L'action de ces ferments dénitrificateurs est réelle, mais elle n’est intense que lorsqu'ils sont en nombre très con- sidérable, ce qui n'arrive jamais pour les quantités de fumier qu’on répand généralement sur le sol. Il est donc inutile de traiter le fumier par l'acide sulfurique pour détruire ces ferments, comme on l'avait recommandé.— M.R. Jarry, par l'étude de la solubilité du chlorure d'ar- gent dans l’eau ammoniacale, montre que les deux chlo- rures ammoniacaux AgCl, 3AzH° et AgCI,1,5 AzH° possè- dent dans l’eau la même tension de dissocialion que dans le vide sec. — M. E. Pinerua indique les réactions colo- rées que donne l'acide $-naphtol-sulfurique avec l'acide tartrique, l'acide citrique, l'acide malique; il sert aussi à caractériser les nitrites et les nitrates alcalins. — M. Marcel Delépine signale une nouvelle méthode de préparation des amines primaires. Elle consiste à chauffer l'hexaméthylèneamine, dissoute dans le chlo- roforme, avec le chlorure ou l'iodure du radical de l'amine désirée. Le composé obtenu est ensuite dissous dans l'alcool et chauffé doucement avec de l'acide chlor- hydrique. On obtient un mélange de formal diéthy- lique et de l’amine cherchée. — M. H. Gautier com- munique un procédé de dosage du bitartrate de potasse dans le vin. Il consiste à évaporer 100 c.c. de vin jusqu'à un très pelit volume et à laisser déposer l'excès de tartre: celui-ci est recueilli et mélangé à une solu- lion saturée de bitartrate de potasse d'un volume égal à celui auquel le vin avait été réduit; on dilue jusqu'à 100 c.c. et on dose l'acidité. — MM. Dupont el Guer- lain ont fait l'étude de l'essence de basilic indigène. L'essence a été soumise à la distillation fractionnée; elle passe presque entièrement en deux portions, l'une entre 195° et 200, l'autre entre 205° et 2159. La fraction 195-200° est constituée par du linalol gauche, la frac- tion 205-215° par de l’estragol. — MM. P. Regnard et Th. Schlæsing fils ont dosé l'azote et l'argon dans le sang recueilli à l'abri de Pair; d'un litre de sang, ils ont retiré 20,4 c.e. d’un mélange composé de 20 c.c. d'azote et 0,419 c.c. d'argon. On sait déjà que si l’azote extrait provenait d’une simple dissolution dans le sang au con- fact de l'air, il devrait s'y rencontrer, par litre de li- quide, à la dose de 9 c. c. seulement; les expériences montrent qu'il en est de même pour l'argon ; s'il était simplement dissous dans le sang, il ne devrait s'y trou- ver qu'à la dose de 0,24 c.c. par litre; la cause de celte surcharge d'azote et d'argon est encore à trouver. 30 SCIENCES NATURELLES. — M. Magitot étudie le pro- blème de l'assainissement de la fabrication des allu- mettes : la méthode d'assainissement doil consister en deux ordres de moyens basés sur les deux facteurs des accidents, lesquels facteurs sont: 1°lephosphorisme ; 2° la nécrose. Au phosphorisme, on opposera la ventilation des 9 4 16 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ateliers par des moyens artificiels, assez puissants pour soustraire les ouvriers aux émanations toxiques, résul- tat d'ailleurs réalisé dans maintes industries simi- laires. À la nécrose, on opposera la sélection ouvrière, c'est-à-dire le recrutement et le maintien du personnel parmi les individus entièrement dépourvus de toute lésion de la bouche et de l'appareil dentaire, capable de fournir une porte d'entrée à la nécrose. — M. Aug. Charpentier à constalé que, dans les excitations lumi- neuses brèves, l'œil perçoit, autour du point lumineux, une irradiation ondulatoire colorée; les couleurs vont dans l’ordre du spectre, en commençant par le rouge. — M. Ch. Henry expose un nouveau procédé d'élec- trisation physiologique, qui consiste À transformer en courants alternatifs une succession de sons mélodiques et harmoniques. On se sert d'une boîte à musique, dont les vibrations sonores sont recues sur un microphone ; les vibrations du microphone font l'office d'interrup- teur de la bobine. — MM. J. Kunstler et A. Gruvel ont étudié l’évolution des Urnes chéz le Siponcle. On admet que les Urnes sont des éléments épithéliaux devenus libres et flottant dans le liquide de la cavité générale. Les auteurs montrent que l'Urne normale, telle qu’elle a été vue jusqu'à présent, ne représente qu'un stade particulier de toute une série évolutive. Par un déve- loppement ultérieur, elle se métamorphose en un vaste disque à mouvements chancelants, qui redonne nais- sance à de pelites Urnes. — M. L, Mangin a constaté l'existence de la gommose sur des branches sèches d’un Cacaoyer dont le dépérissement avait été attribué à des parasites. Chez le Cacaoyer, la formation de la gomme est à la fois intra-ligneuse, comme chez les Amygda- lées, et corticale, comme chez les Acacias. — M. P. Ter- mier donne la description du granite du massif du Pel- voux, qui constitue une entité pétrographique parfaite. La composition est à peu près celle d’un mélange de 25 °/, de quartz pur, 30 °/, d'orthose pur et 45 °/, d’al- bite pure. C’est une roche abyssique, à gros grain, de structure franchement granitique (structure hipidio- morphe grenue de Rosenbusch). Louis BRUNET. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 5 Février 1897. M. Jobin présente l'appareil du Capitaine Dévé pour la vérification du dressage des canons de fusil. Pour véri- lier le dressage, on dirigeait autrefois le fusil vers le bord d'un corps opaque éclairé par derrière et on observait l'ombre noire, dite cierge, qui se produisait à l'intérieur; cette méthode devient d'un emploi difficile avec les calibres de 8 millimètres et de 6 millimètres. Le capitaine Dévé utilise un miroir métallique qui se dé- place le long d'une génératrice et dont on suit l'incli- naison par autocollimation; la pièce qui porte le miroir est construite de facon que son axe ne change pas de direction quand elle rencontre les rayures du fusil. Par un procédé analogue on peut vérifier si un fusil ire bien, c'est-à-dire si, le guidon et le cran de hausse ayant des positions déterminées, la direction du der- nier élément du fusil est la même que celle d'un appa- reil type; on se sert d'un miroir qu'on peut rendre rigoureusement perpendiculaire à l'axe du canon : l'au- tocollimation établie avec le fusil type doit subsister avec les autres quand on les place sur le même sup- port. — M. C.-E. Guillaume signale que, dans le cas où l'axe d’un fusil n’est pas rectiligne, les résultats du tir ne sont pas ceux qu'on pourrait déduire dé la direction du premier élément ; on peut expliquer en partie les faits en remarquant que, dans un fusil du modèle 486, il laudrail, pour produire une déviation de 0,001 sur les six derniers centimètres du canon, exercer sur la balle un effort de 41 kilos; la réaction de la balle est donc suffisante pour redresser en partie le canon et changer la direction du tir, — M. H. Le Châtelier pré- sente un appareil industriel pour la mesure des dilata- tions. Ces mesures offrent un grand intérêt pratique, en particulier pour l'étude des verres; cependant nous ne possédons qu'un petit nombre de résultats MM. Schott et Pulfrich ont entrepris une étude géné rale de la dilatation des verres d'Iéna en fonction de la composition chimique ; les expériences ont été effectuées par une méthode voisine de celle de Fizeatws Le corps à étudier, étant porté par trois pointes, doit être parfaitement exempt de bulles pour qu'on puisse tailler une surface bien plane ; cette homogénéiténe peut s'obtenir que dans des blocs extraits de masses cons sidérables maintenues en fusion pendant vingt-quatre heures dans des fours de verrerie. Pour abréger les recherches, les auteurs ont admis a priori que le coë licient de dilatation d'un verre contenant une dous zaine d'acides où de bases élait une fonction linéaire de la masse de ces corps; des expériences faites pa M. Le Chätelier sur des borates de soude de constitutio variable montrent que cette relation n’est pas exactes même approximativement. Dans l'appareil présenté, lé corps à étudier est maintenu par trois vis de pression au-dessous d'un trépied; la hauteur du bloc est de 2cens timètres environ et la longueur de la partie libre peut k ; D, 1 : : être déterminée au To Près; on produit les anneaux entre la surface inférieure et un plan de verre qui supporte le trépied. Le corps est chauffé dans une éluve à vapeur ; on obtient une face suffisamment plane en l’usant pendant une minute sur une pierre dure; lé léger poli ainsi obtenu occasionne une réflexion assez faible et les anneaux sont très visibles. Les expériences ont porté sur des alliages de cuivre et d'antimoine, La présence de petites quantités d’antimoine augmente n0 tablementle coefficient de dilatation ; l'alliage est alors« parfaitement homogène. Cet accroissement devient moins rapide et change de signe, sans que la courbeM présente de points anguleux, La variation devient en- suite linéaire en fonction des masses, mais l'aspect deg l’alliage a complètement changé et l’on peut très bien. distinguer les cristaux de régule d'antimoine SbCu® qui« sont violets et les cristaux bleus d'antimoine. = M. H. Pellat a comparé les résultats de l'expérience à une conséquence du théorème des états correspondants. On peut mettre la chaleur latente de vaporisation À sous la forme : à 1=kK/(a), f(x) étant une fonction de la température réduite qui est la même pour tous les corps et K une constante variable avec la nature du corps. L'expérience a fourni pour l’eau, le chloroforme, le sulfure de carbone, l'éther" et l’anhydrite sulfureux des valeurs de À que l'on peut mettre sous la forme : 1 A (1 + ax + bx°); M. Pellat admet que l’on peut identilier cette formule empirique avec la précédente ; le théorème des étais correspondants exigerait alors que, pour la même valeur de #, À fût la même fraction de À, ce qui ne se vérifie pas. — M. Darzens rappelle que van der Waals a donné l'équation : dans laquelle M est le poids moléculaire du corps et qu'on peut l'obtenir sans faire intervenir de forme par- üculière de l'équation caractéristique. Celte équation se vérilie pour des groupes de corps convenablement choisis. C. RAvEAU. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS SECTION DE NANCY à Séance du 17 Février 1897 (suite). M. Klobb à reconnu que les acides alcoylphénacyl= cyanacétiques sont aisément décomposés par les alealis ïl chaud. Le dédoublement est très net et se fait suivant équation : Hs — CO — CH? — C(CrH2r+1 res + 3KOH — CO E— —. CHE — C(CrH2r+1) 3K — CO'K2 "NCOOH + Az + CH — CO — CH° — CH (CrH?n +1) — COOK. Il suffit d'employer la quantité théorique de potasse t de chauffer 4 à 2 heures au bain-marie. M. Klobb a btenu ainsi trois nouveaux termes de la série des acides nH£r— 100%, les acides méthyl, éthyl et propylphénacy- acétiques. L'acide benzylphénacylacétique a été préparé de la même manière. Tous ces acides cristallisent bien ; 1 se subliment sans décomposition. Cette réaclion est tout à fait semblable à celle qui a déjà permis à auteur de préparer l'acide phénacylacétique (benzoyl- propionique) en partant de l'acide phénacyleyanacé- : CAz (CSHS — CO — CH° — CH + 3KOH — COR? + AzH° NCOOH 4 + H°0 + CH — CO — CH? — CH? — COOK. En faisant réagir la phénylcarbimide sur l'acide ben- zoylpropionique : C5 — CO — CH? — CHE — COOH, “M. Klobb à obtenu, ainsi qu'on pouvait s’y attendre, “d'après les recherches de M. Haller : 4° un anhydride acide ; 2 l'anilide: N CSH5 — CO — CH? — CHŸ — CO — AzHC'H. Mais, dans ce cas particulier, l'action déshydratante de l'isocyanate de phényle ne se borne pas là, et on obtient - en même Lemps un troisième corps qui répond à la for- . mule CSH1SAZO = (CSHS — CO — CH? — CH? — COAZHCSHS) — H?0. - L'anhydride est brun, visqueux, incristallisable. Sous l'influence de l'eau bouillante, il reproduit peu à peu l'acide primitif, incolore et fondant à 116°. L'anilide est en petites lamelles blanches, fusibles à 146°, Quant au corps C!H%A70, il cristallise en petites aiguilles d’un beau jaune orangé fusible à 1889. On peut provisoire- ment lui attribuer une formule telle que : Az CSHS CH5 — C7 NC (OH) I I CH — CH qui en fait un diphényloxypyrrhol. — MM. A. Haller et P.-Th. Muller ont repris leurs expériences ébullio- scopiques‘ relatives aux couleurs du triphénylméthane, et que M. Miolati ? ne semblait pas pouvoir confirmer en ce qui concerne la parafuchsine. Avec un autre ther- momètre, construit par Baudin, ils ont trouvé les mêmes résultats qu'en 1895, c'est-à-dire qu'à la dilu- tion dé 10 de molécule par litre les trois couleurs étu- diées (chlorhydrates de rosaniline, violet de Paris et rhodamine) se comportent comme des molécules non dissociées. À des concentrations plus fortes, l'ébullios- copie indique même la formation de complexes. Dans les liqueurs plus diluées, il semble y avoir ionisation ou hydrolyse sans que, pour la parafuchsine et le violet, on puisse décider entre les deux ordres de dissociation Quant à la rhodamine, l'hydrolyse est démontrée nette- ment par la conductibilité, ainsi que les auteurs l'ont déjà annoncé. 1 Comptes rendus, t. CXX, p. 410, 1895. ? Berichte, t. XX VIII, p. 1697. 3 Associalion française pour l'avancement des sciences. Congrès de Bordeaux, 1895, vol. I, p. 246. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 21 1 SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES J.-A. Fleming, F. R. S., Professeur à University College (Londres) et J. Dewawr, F. R.S., Professeur de Chimie à la Royal Institution : Sur la perméabilité ma- gnétique et la constante diélectrique de l'oxygène et de l’air liquides. — M. Dewar signalait, il y a quel- ques années, les remarquables propriétés magnétiques de l'oxygène liquide. Les recherches qui suivent ont eu pour but l'étude numérique de ces propriétés et, en particulier, la détermination de deux constantes impor- tantes : la perméabilité magnétique et la constante dié- lectrique. Elles ont permis, en outre, la vérification, pour l'oxygène liquide, de la loi de Maxwell qui relie l'indice de réfraction aux deux constantes précitées. I. — Détermination de la perméabilité magnétique. — Les auteurs ont employé la méthode suivante : Ils ont construit un petit transformateur à circuit fermé dont le noyau pouvait être constitué d’abord par de l'oxygène liquide, puis, immédiatement après, par de l'oxygène gazeux à la même température. Le cireuit primaire du transformateur était formé par un fil de cuivre pur, bien isolé, enroulé en spi- rales de forme rectan- de 4 gulaire autour d’un FE INT mince tube de cuivre à jaune (fig. 1), et con- stituant ainsi un solé- noïide circulaire fer- mé à une couche de fils. Les fils se tou- chaient presque à la circonférence inté- rieure, mais à l’exté- rieur ils s'écartaient et permettaient à l'oxygène liquide d'entrer par les ou- vertures pour remplir le noyau annulaire interne. Autour du circuit primaire était enroulé sur deux cou- ches un fil de cuivre isolé formant le cir- cuit secondaire. Les deux circuits étaient séparés par des iso- lants de soie. Un cou- rant de 50 ampères pouvait être lancé dans le cir- cuit primaire, et produisait, à l'intérieur du solénoïde, une force magnétisante de plus de 200 unités C.G.S. Dans les expériences, le transformateur était d'abord placé dans l'oxygène liquide, puis on le relevait de fa- con à ce qu'il se trouvât dans la couche d'oxygène gazeux située au-dessus de l'oxygène liquide et ayant à peu près la même température que lui. On construisit une seconde bobine d'induction; elle était composée d'un circuit primaire et de deux circuits secondaires placés en série: l’un, plus grand, situé à l'extérieur du circuit primaire, l’autre, très petit, à l'intérieur du cir- cuit primaire; le coefficient d'induction du primaire sur le secondaire pouvait être modifié à volonté en avan- cant ou en reculant le petit circuit secondaire à l'inté- rieur du primaire. Cette seconde bobine d'induction, appelée balance d'induction, était reliée au transforma- teur précédemment décrit de la façon suivante : Le primaire du transformateur était placé en série avec le primaire de la balance d'induction et les deux extré- mités reliées par un commutateur à un circuit élec- trique, de façon à pouvoir lancer dans les deux pri- maires un courant d'intensité connue. Le secondaire du transformateur et le secondaire de la balance d’in- duction étaient reliés en opposition à travers un galva- nomètre balistique très sensible, de telle manière que, lorsqu'on envoyait un courant dans les circuits pri- maires, le galvanomètre fut affecté par la différence Fig. 1. — Schéma de l'enroulement du filprimaire du transformateur. 218 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES des courants induits dans les secondaires, différence ! qui pouvait être réglée au moyen du circuit secondaire intérieur mobile de la balance d'induction. — Dans les expériences, on procède comme suit : On enlève du circuit, au moyen de deux interrupteurs, le primaire de la balance d'induction, de facon à lancer le courant dans le transformateur seul et à observer la déviation du galvanomètre due à son seul effet. On rétablit alors le circuit entier et on balance ensuite exactement les forces électromotrices des deux secondaires de facon à ce qu'il n'y ait aucune déviation du galvanomètre ; puis on plonge le transformateur dans l'oxygène li- | quide, et, comme la perméabilité magnétique de Foxy- | gène liquide est plus grande que l'unité, l'équilibre est | détruit et l’on observe une déviation du galvanomètre (le courant primaire restant constant). On retire alors le transformateur du liquide pour le placer dans l'oxygène vazeux et on observe une nouvelle position de l'aiguille du galvanomètre; l'écart D de cette position avec la | précédente est proportionnel à la différence de perméa- | bilité magnétique de l'oxygène liquide avec l'oxygène | gazeux. Donc, si un courant de À ampères circulant dans les deux primaires produit, quand les secondaires | sont opposés, un écart D entre les deux indications du galvanomètre pour les deux positions du transforma- leur dans l'oxygène gazeux et dans l'oxygène liquide ; si un courant de a ampères, circulant dans le primaire du transformateur seul produit un écart d du galvano- tre; si, enfin, & est la perméabilité magnétique de l'oxygène liquide (celle de l'oxygène gazeux à la même température étant prise comme unité), on a la relation suivante : On en déduit facilement la valeur de y. Les auteurs ont pratiqué douze séries d'observations dont le ta- | bleau I donne le résumé : | TaBLEau I VALEUR DE VALEUR £ VALEUR FORCE A VALEUR calculée its de - d d'après la for-|| | magné(ti- a de D le | de A : Ê mule sante en uni-| déduite des |lue au galva- nn en ampères.| tés C.G.S. observa- nomètre. Rx 7 tions. 1 = d | ————— | 8,037 32,3 1.13% | 28,13 123,0 6.06S 31,8 165,4 8.153 “ 1,00260 368 161,0 1.938 & 100297 5025 220,9 10.894 32.98 1,00304 Les valeurs de la perméabilité magnétique données ci-dessus n’ont pas toutes le même degré d’exactitude. Les deux premières, obtenues avec des courants d'in- | tensité faible, produisant de (très petites dévialions, ne | sont qu'approximaltives; au contraire, les trois der- nières doivent être considérées comme très exactes; | leur moyenne donne pour pla valeur 1,00287 à + 0,0002 près. Le nombre 1,00287 exprime done le rapport entre la perméabilité magnétique de l'oxygène liquide et celle de l'oxygène gazeux à peu près à la même tem- | pérature. La méthode employée ne permet pas de trouver la différence entre la perméabilité de l'oxygène gazeux à — 1829 (trois fois plus dense que l'oxygène à 0°) et celle de l'oxygène à la température ordinaire et à la pression normale. M. P. Curie a montré, il est vrai, que la suscepübilité magnétique de l'oxygène est fonction de la température absolue entre 0° et + 4522; mais il est peu probable que cette loi se vérifie au-dessous de 0° Jusqu'à — 1829, car les valeurs qu'on en déduirait pour la | perméabilité magnétique seraient invraisemblables. En | l'état actuel, le nombre 1,00287 doit donc être considéré ! comme la valeur la plus approchée de la perméabilit@n magnétique de l'oxygène liquide !, — Les auteurs on À déterminé, par le même procédé, la perméabilité m&s gnétique de Pair liquide; ils ont obtenu la valeur 1,00240, presque égale à celle de l'oxygène. Ce résultat n'est pas surprenant, l'air liquide étant constitué pres que entièrement par de l'oxygène liquide; il confirme d'autre part, l'exactitude des résultats obtenus avet l'oxygène. II. — Détermination de la constante diélech'ique. MM. Flemming et Dewar ont employé une méthode q n’est généralement applicable qu'aux liquides très iso lants. Cetle méthode nécessite la construction d'un petit condensateur particulier ?, pouvant étre plongé dans un liquide, et dont on mesure la capacité lorsque le diélectrique situé entre les plaques est de Pair gæ zeux, puis de l'oxygène ou de l'air liquide et enfin de l'oxygène ou de l'air gazeux à la même températures Pour déterminer la capacité de ce petit condensateurs on le charge à un haut potentiel (environ 100 volts}, puis on le décharge une dizaine de fois dans un cons densateur à mica plus grand et bien isolé, ayant une capacité d'environ 0,5 microfarad; le grand conden-= sateur est ensuite déchargé dans un galvanomètre balistique. Pour la charge du petit condensateur el ses décharges successives dans le grand, il faut faire usage d’un commutateur spécial et très bien isolé. Le succès de la méthode dépend entièrement de lab= sence de pertes dans les condensateurs, surtout dans l'intervalle qui s'écoule entre la charge du petit condensateur et sa décharge dans le grand®. — Si um condensateur de capacité C! est chargé à un potentiel V, puis déchargé n fois dans un condensateur plus grand de capacité C, la quantité d'électricité Q contenue dans le grand condensateur après les n décharges est donnée« par la formule : Q—C'V (m- m? + m° + mi), où m— C BEN ro On en déduit : m = CV —— (1 — m1), Q 1—m L La capacité C! du pelit condensateur peut être con-" sidérée comme formée de deux parties. Une de ces parties est celle qui change lorsque l'oxygène liquide est substitué à l'air gazeux comme diélectrique; si K est ! la constante diélectrique de l'oxygène liquide rapportée à celle de l'oxygène gazeux à la même température eln . “its « 7 L si c est la capacité de cette partie du condensateur, Ko sera la capacité dans l'oxygène liquide. L'autre partie ! Les auteurs expérimentent cependant en ce momenthM une autre méthode qui leur donnera directement la con=M stante cherchée avec une grande approximation. Gette mé- thode consiste à mesurer la force mécanique qui agit sur une sphère (faite d’un corps dont la susceplibilité magnéti- que est faible et connue) lorsqu'elle est suspendue, sous- traite à l'action de la gravité, dans l'oxygène liquide et sou- M mise à un champ magnétique variable, Par ce moyen, on pourra en outre déterminer l'influence de la variation du champ électrique sur la perméabilité. On se rappellera que les dernières expériences de M. J. Townsend (voir Revue gén. des Sciences du 15 nov. 1896, page 929) ont montré que la perméabilité magnétique des solutions de sels de fer est indépendante du champ magnétique pour des forces variant de 1 à 9 unités C, G.S. ? Ce petit condensateur est constitué par dix-sept plaques d'aluminium, séparées par de petits morceaux de crown; les plaques étaient reliées deux à deux alternativement : huit formaient la surface positive et neuf la surface néga- tive. Ce condensateur avait uve capacité de 0,001031 micro- farad à 15° dans l'air gazeux. “ Les auteurs ont recherché si cette condition était réali- sée dans l'appareil qu'ils employaient. Pour cela, le petit condensateur était chargé, puis abandonné pendant trois quarts d'heure; au bout de ce temps, il n'avait perdu que 15 0/, de sa charge. Les expériences ne durant que deux secondes, la perte de charge était donc inappréciable pen- dant cet intervalle. Dans l'oxygène liquide, l'isolemeut était encore meilleur. RS es ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 219 “de la capacité totale est celle des séparateurs en verre; leur surface est la centième partie de la surface totale et leur constante diélectrique à —182 est de 5,0. »e np) : 100 elle sera identique dans l'oxygène gazeux à la mème température. Done, quand le petit condensateur est placé dans l'oxygène liquide, sa capacité C'est égale à Ke<+0,05e, ou (K+ 6,05) ec, et la quantité d'électricité Q qui passe dans le grand condensaleur après n décharges est : Leur capacité dans l'oxygène liquide sera donc = Q— Ve (K + 0,05) = (4 — mn) = Ve (K +0,05) M C m ete Quand le petit condensateur est retiré de l'oxygène liquide pour être placé dans l'oxygène gazeux situé au-dessus, sa capacité devient eH0,05 6 — 1,05 ce, et la quantité Q! d'électricité envoyée dans le grand conden- sateur après n décharges est donnée par la formule: ! où m— = 1— mr). Q' = Ve (1,0%) a — (1 — nn) = Ve (1,05) M, (0) [2 où m! — CTI et Mi— rs (1 — mn). ED = Dans chaque cas, le grand condensateur est déchargé sur un galvanomètre balistique dont les indications 0 et 8! sont proportionnelles aux quantités Q et Q' d'é- lectricité qui lui ont été envoyées. On à : " 0 _ Q K+0,05 M US OÙ ous M w lulion complète de l'équation demanderait la connais- sance de M et de M' qui sont des fonctions compli- Le rapport — est donné par l'observation. La réso- quées de K. Toutefois on sait que le rapport M bien éloigné de l'unité. Une expérience préliminaire ayant montré que K se rapproche de 1,5, on en déduit n'est pas par le calcul que le rapport 1.030 1.019 périences, c'est-à-dire les valeurs de 0 et de 0": NU équivaut à peu près à - Le tableau IT donne le résultat de quelques ex- TaBLEAU II DÉVIATION précédente du galvanomètre réduite à un potentiel de 100 volts. DÉVIATION du galvanomètre après dix décharges du petit condensateur. POTENTIEL inilial en volts du petit condensateur. 103,3 103,2 103,2 Exp. I.— Conden- sateur à la tem- pérature ordin. 7,45 1,51 1:51 Exp. II. — Con- densateur dans l'oxygène li- quide à — 1820. 103,15 103,1 103,1 103,0 10,96 10,91 10,93 10,94 Exe. III. — Con- densateur dans l'oxygène ga- zeux refroidi à — 1820. 101,3 101,2 1,51 101,2 1,51 101,2 5 1,49 104,2 56 7,51 De ces expériences et de plusieurs aufres, on déduit que 0 —10,903 et 8— 7,502. Si l'on remplace, dans la 0 10,903 formule (1), le rapport q PA 505 1,59 , on obtient pour i K la valeur 1,491, c'est-à-dire que « la constante dié- lectrique de l'oxygène liquide rapportée à celle de l'oxygène gazeux à la même température est égale à 1,491 ». Pour déterminer la constante diélectrique abso- lue de Poxygène liquide (c'est-à-dire rapportée au vide), il faudrait connaitre celle de l'oxygène gazeux à — 1829 rapportée à la mème unité, Or celle-ci, calculée d'après les données de Bollzmann et Klémencie pour la cons- tante diélectrique absolue de Pair (en supposant que la valeur K— 1 varie comme la pression) est d'environ 1,002. En tenant compte de cette correction, la valeur de la constante diélectrique absolue de l'oxygène liquide devient 1,493. — Des recherches analogues faites avec de l'air liquide ont donné comme valeur de la constante diélectrique absolue 1,495, nombre peu différent de celui de l'oxygène liquide, pour les raisons déjà mentionnées. IL. Vérification de la Loi de Maxwell. — On sait que, d'après Maxwell, le produit de la constante diélectrique par la perméabilité magnétique d'un corps doit être égal au carré de l'indice de réfraction pour des ondu- lations de longueur d'onde infinie. MM. Liveing el Dewar ont délerminé, il y a quelques années, les indices de réfraction de l'oxygène liquide pour un grand nombre de radiations de diverses longueurs d'onde ; par une formule connue, on déduit de ces détermi- nations la valeur de l'indice de réfraction pour une radiation de longueur d'onde infinie ; elle est égale à 1,2181, dont le carré est 1,4837. D'autre part, le produit de la constante diélectrique K=— 1,491 par la perméa- bilité magnétique p—1,00287 est égal à 1,495; ce pro- duit concorde sensiblement avec le carré précédent. L'oxygène liquide obéit donc bien à la loi de Maxwell. ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM Séance du 30 Janvier 1897. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — Rapportsur un mémoire de M. A. Pannekoek, intitulé: Untersuchungen über den Lichhvwechsel von 8 Lyræ, (Etude sur le changement d'éclat de 8 Lyre). L'auteur corrige la formule T+ aË DE? — cE*' donnée par Argelander, d'après des obser- vations faites depuis 178% jusqu'à 1895 embrassant 3.129 périodes, en appliquant la méthode des moindres carrés. 20 SciENCES PHYSIQUES. — M. J.-D. van der Waals communique que les résultats des expériences de M. A. Smits (voir Revue gén. des Sciences, 1. VIT, p. 123) l'ont excité à examiner s'il est compatible avec la théo- rie moléculaire d’une substance composée de deux ma- tières différentes développée par l’auteur (voir Arch. Néerl., t. XXIV) que l’état moléculaire de la matière solvante exerce de l'influence sur le montant de la diminution de la pression de la vapeur, en particulier dans le cas d’une raréfaction extrême. Cette théorie se base sur l'exactitude des principes de l'équilibre indi- qués par M. Gibbs, notamment sur le théorème, sans doute de rigueur, qu'une quantité donnée de matière à une température donnée se place dans un espace donné de manière que l'énergie libre soit minimum. Puis, pour trouver l'énergie libre des mélanges, elle accepte le paradoxe de Gibbs en admettant qu'on trouve l'entropie d’un mélange de matières gazeuses rares contenues dans un espace en prenant la somme des entropies qui correspondent aux divers cas de ce même espace contenant chacune de ces matières l’une après l'autre. Aussi ce principe est au-dessus de tout doute, la correspondance entre la théorie et les expériences offrant un support inéhranlable pour les résultats des spéculations. La variation de la pression de la vapeur à un degré extrême de raréfaction est donnée par la for- mule (1 — x) dp + p dx —0, où æ représente le pourcen- tage du nombre des molécules de la matière dissoute par rapport au nombre total des molécules, pourvu que la matière solvante et la matière dissoute consistent en molécules invariables. De plus, si la matière dissoute admet une décomposition en ions, tandis que la matière ACADÉMIES ET SOCIÉ 2 TES SAVANTES solvante garde l'invariabilité de ses molécules, on trouve que l’abaissement de la pression peut attemdre à la limite la valeur double. Les expériences de M. Smits exigent donc que la théorie en question soit étendue encore d'une autre manière. Pour cela, l'auteur s'est demandé si la supposilion nouvelle de la variabilité des molécules de la matière solvante peut mener à une valeur différente de 2. D'abord cette supposition est bien invraisemblable. Car on peut prouver de plusieurs manières queseulementle volume de la molécule de cette matière peut influencer l'abaissement de la pression. Néanmoins l’auteur à préféré évaluer directement la variation de la pression pour montrer par un exemple la modification de la valeur de l'énergie libre d'un mé- lange causé par d'autres groupements de moléc ules. Au lieu d'une décomposition des molécules, il s'occupe d'une association de molécules. Aïnsi il étudie le cas d'un mélange de x molécules de la matière dissoute sur 4 --x molécules de la matière solvante, où y des æ molécules se sont décomposées en 2y ions, tandis que 2z des 1 — æ molécules se sont transformées en z molé- cules doubles. À ce cas correspond la formule : 2% Ha je L— x + 2z qui ramène au facteur 2 dans le cas d’une # infiniment Try Ë U Re - : petite quand Ÿ —14 après la formule de la dissocia- tion. Une autre association de molécules ne change rien au résultat, autant qu'on ne s'imagine un groupement plus compliqué. Toutefois on peut prou- ver que la limite attribuée à ce facteur par l'abaisse- ment de la pression doit être égale à celle que l’on ob- tient à l’aide de labaissement du point de congélation, de manière qu'un désaccord entre les résultats acquis suivant les deux chemins prouve incontestablement qu'au moins une des deux observations est fausse, etc. — M. H. Haga présente la thèse de M. D. Dijken intitulée: La réfraction moléculaire des dissolutions diluées de sels. — M. H. Kamerlingh Onnes donne lecture d'une lettre de M. E. van Aubel revendiquant pour M. Ch. Fievez la priorité de quelques expériences, qui ont mené M. P. Zeemann à des considérations théori- ques de haute importance (voir Revue gén. des Sciences, t. VIII, p. 39). — M. J.-M. van Bemmelen poursuit une communication antérieure (voir Revue gén. des Sciences, t. VII, p. 1071) sur la teneur en CaFl, d’un os fossile d’ éléphant, — trouvé danslamême couche tertiaire de Java, où M. Eugène Dubois a découvert les restes du Pithecantropus erectus, — en décrivant succinctementles résultats qu'il a déduits de l'analyse complète, micros- copique, qualitative et quantitative de cet os. Non seu- lement du pyrite dendritique et du carbonate de chaux cristallisé se sont déposés dans les cavités du tissu, mais,en outre, le phosphate tribasique s’est enrichi d’une quantité considérable d’oxydes basiques (Ca0, Mn0O, Fe.0,). Ces oxydes doivent être enlevés à l’eau qui bai- gnait Rx couche et quiles acontenus comme carbonates. Leur acide carbonique à été mis en liberté. Ces oxydes ne forment nullement avec le phosphate une combi- naison chimique selon un rapport atomique où molé- culaire. D° sn ès les chiffres des analyses, aussi exactes que possible, il faut qu'ils soient absorbés, de la ma- nière et en accord avec les lois de l'absorption que l'auteur a exposées antérieurement, lors de ses recher- ches sur les combinaisons d'absorption que les substan- ces colloïdales ou amorphes forment avec des bases, des acides, des sels. Il rappelle spécialement les expé- riences où un colloïde à absorbé la base d’un sel alca- lin en solution, tandis que l'acide (carbonique ou même sulfurique) a été mis en liberté. Un exposé plus ample parailra sous peu dans un journal de chimie. M. A.-P.-N, Franchimont offre un mémoire: Sur le point de fusion des matières organiques. 3° SCIENCES NATURELLES. — Avec l’aide de M. H.-W.- F.-C. Woltering, M. Th.-W. Engelmann a recherché si la vitesse de propagation de l’onde musculaire est CA] indépendante ou non de l'intensité de l'excitation. Em se servant, pour localiser les irritations électriques, dem sa méthode Le atténuation extrapolaire (voir Revue gén. des Sciences, t. VIT, p. 48), l’auteur, à l’aide de sa mé» thode ra à pu décider Ja question pour le mus= cle couturier de la grenouille. La vitesse s'est montré la même pour toutes les intensités d'irritation situées entre le maximum de raccourcissement et le minimum permettant des mesures exactes (à peu près 5 °/, du maximum). Les valeurs absolues pour le muscle frais, se trouvant in situ et parcouru de sang, à une tempé- rature de 15° à 220 C., montent jusqu’ à 6 mètres par seconde, et surpassent donc de 1 à 2 mètresles valeurs maxima trouvées jusqu'ici chez le muscle isolé (Berns= tein 4,7, Hermann 3,8). Après l’excision du musele, la vitesse s'abaisse d’abord assez vite (dans un quart d'heure à une demi-heure jusqu'à environ 3 à 2 mètres), plus tard, lentement. L'indépendance de la vitesse de. fonde de l'intensité de l'irritation semble prouver que ce processus de propagation doit être autre chose que læ propagation d’une espèce d’explosion chimique, comme le croient beaucoup de physiologistes. — Ensuite, M. Engelmann présente, en son nom et au nom de M. C.-A. Pekelharing, la seconde partie du t. IV, série IV, des Recherches faites au Laboratoire physiolo” gique d'Utrecht. — J. Lorié : Communications sur des forages du sol aux Pays-Bas. — M. J.-W. Moll : Lutenue de livres es plantes d'un jardin botanique. — M. Th. Place présente un mémoire de M. Eugène Dubois : Le rapport entre le poids du cerveau et levolume du corps des Mammi- fères. Rapporteurs : MM. C.-K. Hoffmann et Th. Place. — Enfin M. Engelmann offre, au nom de M. E. G. A. ten Siethoff, l'explication du phénomène entoptique trouvé par M. PebmonAeeEnsE Psych. und Phy.d. Sinnesorg, T. VI, 1894, p. 233) qu'on observe en regardant au tra- vers d'une fente une lumière, de préférence jaune monochrome. On voit alors sante bleue-violätre dont l'axe est perpendiculaire au milieu de la fente. Vu de l'œil droit le bout pointu de la figure se trouve du côté droit, tandis que le bout opposé s'étend un peu au delà de la fente. L'obser- valion est très facile en lumière jaune ou blanche, mais M. Zeeman a su la faire avec chacune des trois raies de l'hydrogène. Suivant les recherches de M. ten Siethoff, il S'agit d’une image de la tache jaune (macula lutea) et de la région qui l'entoure immédiatement, une ne consécutive complémentaire, provoquée par l'excitation des éléments de perception situés derrière la tache. Cette image est toujours d’une couleur vio- lette, quelle que soit la couleur de la lumière observée ; cela s'explique par la remarque que dans cette région Ê il règne toujours une teinte jaunâtre. Les bords clairs violacés (la courbe de Zeeman) de la figure ovale grise-violätre doivent leur existence aux bourrelets (Randwülste) de Bergmann et apparaissent très dis- tinctement par la dispersion de la lumière sur ces bourrelets. Pour observer le phénomène on doit éelai- rer diffusément la macula. Parce que cette tache se trouve en dehors de la papille du nerf optique (du côté temporal) et que les bourrelets de Bergmann s'étendent entre la macula et la papille, le rayon lumineux doit frapper la rétine en dehors de la tache (encore plus du côté temporal). A cette fin on doit placer la fente lui- sante du côté nasal du point fixé. On doit se servir d'une fente verticale et ne fixer jamais la fente elle- même, La courbe lumineuse est interrompue au bout pointu de l’ovale (où se trouve la tache de Mariotte). Sa naissance est indépendante de la longueur de la fente, L'auteur remarque que le phénomène prouve incontestablement que les bâtonnets et les cônes sont les éléments de perception proprement dits. P.-H. Scouts. Le Directeur-Gérant : Louis OLivier. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. une courbe pyriforme lui- » 8° ANNÉE ) 30 MARS 1897 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENC + PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $S 1. — Distinctions scientifiques Election à la Société Royale d’Edimbour£g. — Tout récemmment (28 février) nous faisions con- naître l'élection de M. Amagat à la Société Royale de Londres. Aujourd'hui nous avons le plaisir d'annoncer que la Société Royale d'Edimbourg, l'une des plus célèbres Académies de l'Europe, vient de s'adjoindre notre éminent collaborateur à titre d'Associé étranger. La Médaille d'or de la Société Astrono- mique de Londres. — La Société Astronomique de Londres vient de décerner sa médaille d'or à M. Bar- nard, directeur de l'Observatoire de Lick au Mont Hamilton (Etats-Unis). Cette haute récompense vise notamment la découverte, faite par M. Barnard, du cinquième satellite de Jupiter, et aussi de plusieurs comètes, dont l'une porte le nom du célèbre astronome. La Médaille Bessemer. On sait que la grande Société à la fois scientifique et industrielle Iron and Steel Institute tient tous les ans une réunion amicale destinée principalement à fêter les hommes qui ont le plus fait pour le progrès de l'industrie du fer et de l'acier, La Société tiendra cette séance annuelle le 41 mai prochain et y décernera la médaille Bessemer pour 1897 à Sir Frederick A. Abel. La Médaille d’or de la Société de Géogra- phie de Saïint-Pétersbourg. — La Société de Géographie de Saint-Pétersbourg vient de décerner sa grande médaille d'or à M. Moureaux, chef des obser- vatoires magnétiques à l'Observatoire météorologique du Parc de Saint-Maur. En outre, S. M. l'Empereur de Russie, voulant mar- quer d'une facon toute particulière en quelle haute estime les météorologistes russes tiennent les travaux de M. Moureaux, confère à notre savant compatriote le cordon de l'Ordre de Stanislas. $S 2. — Nécrologie Savants récemment décédés. — La Science a récemment perdu : MM. le Professeur Franz BAUR, REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897. professeur des Forêts à l'Université de Munich; l’or- nithologiste Henri GATkE, qui à publié ses observations d'un demi-siècle sur la migration des oiseaux dans son ouvrage « Héligoland comme observatoire ornitho- logique »; le D' E.-A.-B. LunpGreN, Professeur de Géo- logie à l'Université de Lund; le D" Hermann von Nôr- DLINGER, ancien Professeur des Forêts à l'Université de Tübingen; A.-A. van BEmmeLex, Directeur du Jardin Zoologique de Rotterdam, et pendant longtemps pré- sident de la Société Zoologique des Pays-Bas; le Dr AuGusTE STRENG, Professeur de Minéralogie à l'Univer- sité de Giessen ; le D' SALVATORE TRINCHESE, Professeur d’Anatomie comparée à l'Université de Naples, Le célèbre mathématicien SyLzvester est mort le 15 mars dernier à Oxford. Le 20 est décédé à Paris M. ANTOINE D'ABBADIE, ancien président de l’Académie des Sciences. La Revue consacrera prochainement une Notice à la vie et à l’œuvre de chacun de ces deux savants. $ 3. — Art de l’Ingénieur Revue de Mécanique. — Nous sommes heureux d'annoncer l'apparition récente d’une importante publi- cation, — la Revue de Mécanique, — publiée sous la direc- lion technique de MM. Haton de la Goupillière, Bien- aymé, Bourdon, Brüll, Collignon, de Comberousse, Flamant, Hirsch, Imbs,Linder, Raffard, Rozé et Sauvage, — et qui a pour Secrétaire de la Rédaction notre très distingué collaborateur, M. Gustave Richard. Ce recueil a pour but de « concentrer, dans un for- mat qui ne soit ni trop coûteux ni {trop encombrant, la plus grande quantité possible de renseignements réellement utiles » aux mécaniciens; il ne décrit pas seulement les appareils ou procédés de construction mécanique ; il fait aussi large place aux études scien- tifiques et aux théories qui ont la Mécanique géné- rale pour objet. Il s'impose, en outre, de donver à ses lecteurs d'une facon régulière une bonne bibliogra- phie des travaux el inventions relatifs à cette science. Chaque livraison de la Revue de Mécanique comprend : 1° un ou plusieurs articles de fond traitant des questions d'un intérêt général et actuel; 2 des articles de revision successivement consacrés aux principales branches de 6 la Mécanique appliquée : moteurs à gaz, à vapeur, etc.; machines marines, etc. ; machines-outils, armes de guerre, ele., etc.;3° une chronique consacrée aux infor- mations et à la bibliographie *. Les navires de guerre de la marine alle- mande. — L'énorme crédit de #10 millions demandé par l'amiral Hollmann, Ministre de la Marine, au Par- lement de l'Empire d'Allemagne, fait relire, en ce moment, les articles que l’un des officiers les plus distingués de la marine francaise, M. A. Croneau, pro- fesseur à l'Ecole d'Application du Génie maritime, à consacrés icimême aux nouveaux bâtiments de guerre des Etats-Unis, de l'Italie et de l'Allemagne ?. On se souvient que notre collaborateur, recueillant de tous côtés divers indices de constructions navales secrètement entreprises par les Italiens et les Alle- mands, était arrivé à dépister chez nos voisins la fabri- cation d'engins d'attaque d’une puissance jusqu'alors inusitée, et d'un système corrélatif de défense. Il à montré la très grande importance que prennent depuis quelques années dans l'armement maritime de ces deux peuples, d'une part, les obus à grande charge d’explosifs, d'autre part, les superstructures et les hauts blindages opposés à ce genre de projectiles. Lorsque M. Croneau publia ces faits dans la Revue, tout le personnel scientifique et technique de notre marine Sen émut; mais il se produisit, à ce sujet, dans l'Administration, deux courants d'opinion très dif- férents. Tandis que quelques hommes politiques et un certain nombre d'officiers supérieurs, reconnaissant le bien fondé des assertions de M. Croneau, provoquaient, en conséquence, une orientation nouvelle des idées au Ministère de la Marine, spécialement en ce qui con- cerne les progrès à réaliser dans la construction des navires et dans l'artillerie, les bureaux opposèrent à cette tentative une résistance d'inertie, qui a fini par triompher. Ilen résulte qu'à l'heure actuelle nos navires ne sont ni pourvus des engins perfectionnés que possèdent les bâtiments de guerre italiens et allemands, ni protégés comme ceux-ci contre les nouveaux agents de des- truction. Il y a deux ans, la flotte britannique était, à peu près, dans le même cas que la nôtre. Mais, justement émue des révélations de M. Croneau, l’Amirauté an- glaise s'empressa de les vérifier; bientôt édifié par elle sur ce qui se passait en Allemagne, le Parlement vota immédiatement les millions nécessaires pour opérer, dans le sens indiqué par notre collaborateur, la réfec- tion des vaisseaux et de l'artillerie navale du Royaume- Uni. Cet exemple n'aurait-il pas quelque chance d’être suivi en France si, parmi les fonctionnaires ministé- riels, à côté des administrateurs et des praticiens, confinés dans l'exercice étroit de leur métier, se trou- vaient un peu plus représentés les officiers des armes savantes voués aux études éminemment scientifiques que requièrent la construction navale et la balistique ? Louis Olivier. La navigation de la Loire. — M. Léchalas, ins- pecteur général des Ponts et Chaussées en retraite, à montré dans cette Revue* qu'on peut améliorer la navi- sation de la Loire par une transformation méthodique, basée sur le tracé des rives. Les principes sur lesquels il s'appuie ont été posés par M. Fargue, inspecteur général des Ponts et Chaussées, et peuvent se résumer ainsi : 1° Toute surface résistante, heurtée plus ou moins ‘ La Revue de Mécanique est mensuelle; elle est éditée chez P. Vicq-Dunud et Cie, à Paris. 2 A. Croxrav : Les récents progrès de la Marine, dans la Revue gén. des Scienres du 30 mai 1895; et les récents tra- vaux des « Naval Architects » Américains dans la Revue du 15 juillet 1896. # Voir la livraison du 15 septembre 1896. L CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE obliquement par le courant, devient un centre de con- centration de quantité de mouvement et, si le fond est mobile, d'affouillement. Il s'ensuit que dans un fleuve sinueux le chenal se creusera toujours le long de la rive concave. Mais la forme de cette rive n’est pasindif- férente. Elle doit présenter une courbure régulière, sans varialion brusque, et la succession des courbes doit être convenablement appropriée à la largeur du lit et à la vitesse du courant; 2° Aux points d'inflexion du courant correspondent toujours des seuils, qu'on peut faire disparaître en rétré- cissant le lit en ces points. Ces principes sont évidemment applicables à la Loire, dont le fond est aussi mobile que possible, puisqu'il est formé d’un sable très fin. Si donc les rives élaient régu- larisées suivant des courbes tracées conformément aux principes de M. Fargue, le chenal se creuserait le long des rives concaves et offrirait loujours en ces points un ürant d'eau suffisant pour la navigation. Il ne resterait qu'à créer un chenal à travers les seuils qui subsistent aux points d’inflexion. Mais on ne peut pas songer à l'obtenir en rétrécissant le lit de la Loire par des travaux permanents, parce que la violence des crues du fleuve serait rendue encore plus dangereuse. Là est la difficulté. M. Léchalas a proposé de tourner cette difficulté en n'opérant le rétrécissement que sur un lit mineur formé de deux lignes de digues continues, s'appuyant sur les rives concaves régularisées et présentant aux change- ments de courbure les rétrécissements convenables. Pour éviter d'augmenter le danger des inondations, les digues ne seraient élevées qu'à 1 mètre au-dessus de l’étiage. Cette précaution atténuerait sensiblement le danger ; on peut craindre cependant qu'elle ne l'ait pas fait complètement disparaître et que le lit mineur, sub- mergé pendant les hautes eaux, ne contribue à augmen- ter la violence des crues et ne présente des écueils dan- gereux pour la navigation. Mais on peut, en s'appuyant sur les mêmes principes, arriver à une solution peu différente qui ne présente- rait pas ies inconvénients ci-dessus. La Loire, en effet, a pendant plus de six mois un débit très considérable et une hauteur d'eau qui per- mettrait à la navigation de ne se préoccuper ni du che- nal ni des seuils. Ce n'est qu'au commencement de la période d'été qu'il est nécessaire d'assurer l'existence d'un chenal continu : c'est donc lorsque le niveau ne sera plus qu'à 2%,50 environ au-dessus des seuils qu'il sera temps de se mettre à la besogne. L'idée, qui va être développée ci-dessous, est, en somme, comme celle de M. Léchalas, de tourner la dif- ficulté. Mais, au lieu d'opérer le rétrécissement du lit partiellement, on l'opérera temporairement. Et l'avan- {age, c'est qu'on n'exécutera le rétrécissement qu'au moment où il sera nécessaire et où, en même temps, il aura cessé d’être dangereux. Considérons (fig: 1) une portion sinueuse de la Loire, ét supposons‘que les rives aient été rectifiées d'après les principes de M. Fargue : les portions AB, CD sont tracées en courbes régulières, et il se produit naturellement des cuvettes profondes de a en b et de € en d. Il s'agit de relier ces deux cuvettes entre b et ç à travers le seuil pour former un chenal continu. Placons en BE (en Avril ou en Mai) une paroi oblique résistante, un barrage en bois de 100 mètres par exemple. Cette paroi oblique va créer un centre d'af- fouillement ; mais, en même temps, elle va rélrécir la section d'écoulement, et la vitesse augmentera. Cette action s'ajoutant à la première, l’affouillement se pro- duira le long de BE d'autant plus vite qu'on aura donné au barrage plus d'obliquité. Par un phénomène bien connu et d'ailleurs facile- ment explicable, le sable se déposera derrière le bar- rage BE, c'est-à-dire dans la région voisine de Ee, tan- dis que le courant qui suivra la rive CD ne contiendra pas de sable. Il est donc possible de compléter rapidement le che- CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 223 - nal à travers les seuils sans que les parties profondes situées en aval soient modiliées, et d'obtenir ainsi un thalweg continu. Nous avons supposé, pour notre démonstration, que le barrage BE avait 100 mètres, mais on lui donnera, en réalité, une longueur appropriée à la largeur du fleuve en BC. D'ailleurs, il sera avantageux de ne construire ce barrage que progressivement pour ne pas diminuer trop brusquement la section, et, dès que l’affouillement aura rétabli à peu près cette section, on prolongera le barrage autant qu'il sera nécessaire pour creuser un sillon sur le seuil tout entier. Ce barrage restera en place le temps strictement indispensable pour produire l’affouillement voulu. Or, nous avons montré que la vitesse d'affouillement pourra être réglée à volonté ‘suivant la longueur et l'obliquité du barrage. D’après les résultats des expériences anté- rieures, on peut prévoir qu'il sera facile d'exécuter ce chenal en huit ou quinze jours. On enlèvera le barrage et on n'en laissera subsister au point B qu'un tronçon suffisant pour maintenir la direction du courant dans le chenal sans lui A donner une accélé- ration de vitesse. La direction da courant étant par- tout assurée par des parois résistan- tes et la force d’é- rosion étant très faible pendant les basses eaux, dont la vitesse moyenne n'est que de { mè- tre‘, notre chenal se maintiendra in- tact pendant tout l'été, et l'emploi de barrages temporai- res permettra d'y concentrer toutes les eaux. Puis, quand viendra l’au- tomne et que la Loirereprendraun niveau plus élevé, on enlèvera les troncons de bar- rage qui seront en- core en place. Dès lors, il ne restera plus rien dans le fleuve qui puisse gêner l'écoulement des eaux pendant l'hiver. On conçoit aisément que le barrage BE n'aura à résis- ter qu'à la composante de la pression due à la vitesse du courant (vitesse qui varie de 1",90 à 1 mètre entre Orléans et Angers), et que la différence de niveau sur ses deux faces ne sera que de quelques centimètres. Il n'est donc pas difficile d'imaginer un système de bar- rage qui offre une résistance suffisante pour rester en place pendant le temps nécessaire à l’affouillement du seuil, c'est-à-dire une quinzaine de jours, sans que, cependant, il soit trop difficile de l'enlever ensuite. Il ne peut y avoir de ce fail aucune difficulté matérielle d'exécution. Les considérations qui précèdent nous amènent donc à formuler les propositions suivantes : Pour améliorer La navigation de la Loire, il suffit d'exé- culer deux sortes de travaux : 4° Des travaux fixes de régularisation des rives; 2 Des travaux annuels destinés à assurer la continuité du chenal à travers Les seuils pendant l'été. Outre ce résultat immédiat de créer une voie navi- gable entre Orléans et Nantes et d'ouvrir une grande artère commerciale qui ramènerait la vie dans une «: Plus exactement 1",20 à Orléans et 0,50 en avald'Angers. |! région très étendue, cette solution offrirait des avan- tages importants d'ordre économique. Les travaux de correction et de régularisation des rives, en même temps qu'ils empêcheront l'apport de nouveaux sables, assureront la protection des rives contre les corrosions du courant. Or, les statistiques officielles ont montré que, chaque année, la Loire enlève en moyenne une centaine d'hectares de terrain aux propriétaires riverains, ce qui équivaut à une perte annuelle d'un million. Il y aurait donc là un bénéfice énorme à réaliser, qui, à lui seul, justifierait, de la part des départements traversés par la Loire, une contribu- tion de trente millions à l'exécution du travail. Ces travaux de régularisation des rives peuvent être conduits (comme on l'a fait pour le Rhin) de manière à provoquer des alterrissements dans toutes les parties du lit mises en dehors du courant. Ces lerrains pourraient, au bout de quelques années, être livrés à la culture et seraient, comme ceux du Rhin, des plus fertiles de la vallée. On peut évaluer à un millier d'hectares au moins la superficie qu'on pourrait ainsi conquérir sur le fleuve, et l'Etat trouverait dans la vente de ces terrains une somme de plus de dix millions qui viendrait en déduc- tien de sa part dans les dépenses. Enfin, cette voie navigable pourrait, comme la Seine, recevoir une amélioration progressive à mesure que l’exigeraient les besoins de la navigation. Il y aurait, comme on voit, un très grand intérêt à chercher Ja solution du problème de la navigation de la Loire, sinon dans le procédé mème que nous venons d'exposer, du moins dans la voie indiquée et qui est aussi celle qu'a préconisée M. Léchalas : Amélioration du fleuve par la rectification des rives. L. Audouin. Agent Voyer en retraite. $ 4. — Électricité Exposition internationale d’Electricité à Turin en 189$. — En Avril-Octobre 1898 doit avoir lieu à Turin une exposition générale italienne de tous les produits industriels des Arts et des Sciences. Cette exposition comprendra parmi ses dix grandes divisions une section d'Electricité qui sera interna- tionale et comprendra onze classes, savoir : I. — Matériel d'enseignement. IT. — Canalisalions. IT. — Instruments de mesures électriques et magné- tiques. IV. — Télégraphes et Téléphones. V. — Transmission de signaux et appareils de sûreté pour les chemins de fer. Eclairage et chauffage des voitures. VI. — Dynamos et moteurs électriques. VII. — Applications mécaniques. Traction électrique. VII. — Eclairage électrique. IX. — Electro-Chimie et Electro-Métallurgie. X. — Applications diverses. XI. — Exposition historique. L'organisation de cette exposition, placée sous le patronage de S. A. R. le prince de Naples, à été confiée à un Comité général présidé par S. A. R. le due d'Aoste et à un Comité exécutif présidé par le Comte F. Ri- gnon, Sénateur, Maire de Turin, Président honoraire, et le Commandeur Tommaso Villa, Président de la Chambre des Députés, Président effectif, Par délégation spéciale du Comité exécutif de Tu- rin un double Comité s'est organisé à Paris sous la pré- sidence honoraire du Comte Tornielli, Ambassadeur d'Italie en France et la présidence effective du Prési- dent de la Chambre de Commerce italienne : un Comité effectif international composé de notabilités françaises et italiennes pour la Section internationale d'Electricité et un Comité d'honneur et de patronage, composé de notabilités françaises et placé sous la pré- sidence de M. Berthelot, Secrétaire perpétuel de l'Aca- démie des Sciences. 224 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE Nous y trouvons les noms suivants: Président: M. Berthelot, Membre de l’Institut, Secré- taire perpétuel de l'Académie des Sciences, ancien Ministre ; Membres: MM. Becquerel, Dehérain, Mascart, Mois- san, Membres de l’Institut. MM. d'Arsonval, Membre de l'Institut, Président de la Société des Electriciens ; Schutzenberger, Membre de l'Institut, Directeur de l'Ecole municipale de Physique et de Chimie ; Janet, Directeur de l'Ecole et du Laboratoire Central d'Electricité ; Paul Buquet, Directeur de l'Ecole Centrale des Arts et Manufactures. Haton de la Goupillière, Membre de l’Institut, Direc- teur de l'Ecole des Mines ; Ed. Lippmann, Président de la Société des Ingénieurs civils de France ; Delaunay-Belleville, Président de la Commerce de Paris. Chambre de G..-L. P. Les nouveaux accumulateurs Tudor.— Dans la séance de la Société internationale des Electriciens qui a eu licu le 3 mars, M. Blanchon a mis en évidence les propriétés des accumulaleurs actuels Tudor à charge rapide, qui peuvent fournir des débits élevés avec une capacité utilisable suffisante. Il a cité le cas d’un accumulateur de 100 ampères-heure à décharge normale en 10 heures, qui fournit encore une capacité de 30 ampères-heure pour une décharge en une demi- heure et une capacilé de 45°/, en une heure. La charge de cet élément peut s'effectuer en 21 minutes et atteindre alors 46 °/, de la charge normale. Ces qualités sont précieuses pour les applications des accu- mulateurs à la traction. Il est, en effet, possible dans ces conditions, pendant le temps d'arrêt à la station, de fournir aux accumulateurs Ja charge qu'ils ont perdue. Ces dispositions doivent être employées pro- chainement pour les tramways électriques de Puteaux. $ 5. — Chimie Dotations scientifiques. — MM. Solvay et Cie viennent de mettre cent nulle francs à la disposition de M. A. Haller pour contribuer à la création d’un Institut de Chimie physique et d'Electro-Chimie (Noyez ci-après, page 234). Cette généreuse donation représente le quart de la somme requise pour la fondation. Nous espérons que l'exemple donné par MM. Solvay et Cie, industriels belges qui ont une partie de leurs usines en France, sera bientôt suivi par des industriels français ou des groupes d'industriels tenant à honneur d'encourager les hautes études scientifiques. Nous prions ceux de nos lecteurs qui désireraient coopérer, même pour une faible part, à cette belle œuvre, de nous confier leurs intentions à ce sujet. C'est surtout en s'associant que les bonnes volontés individuelles auront le plus de chances de devenir effi- caces,. Revue de Physique et de Chimie. — Les an- ciens élèves de l’Ecole de Physique et de Chimie de la Ville de Paris ont eu la bonne pensée de créer un recueil où fussent condensés les principaux travaux de Physique et de Chimie industrielles qui se rappor- tent spécialement à leurs études et à leur carrière. Cette utile publication, dont plusieurs fascicules sont déjà parus, est publiée sous la direction scientifique de M. P. Schutzenberger, l’éminent directeur de l'Ecole; le Secrétaire de la Rédaction est M. A. Brochet, docteur ès sciences, dont nos lecteurs connaissent le beau tra- vail sur l’action du chlore sur les alcools de la série grasse ‘. .* La Revue de Physique et de Chimie est éditée à la Librai- rie des Sciences générales. S 6. — Sciences naturelles Exploration de la faune marine de la côte Sud-Africaine. — La colonie anglaise du Cap de Bonne-Espérance organise l'exploration méthodique de la faune marine dans les parages de l'Afrique du Sud. Cette entreprise est faite à la fois au point de vue zoologique et économique. Elle a pour but de faire connaître les habitants marins de ces régions et aussi d'en supputer la valeur alimentaire. La colouie crée, à cet effet, une Station de Zoologie marilime sur la baie de False. La Station sera tout ensemble un laboratoire de recherches scientifiques et un centre d'organisation pour la pêche industrielle. Elle sera pourvue dun vapeur de 150 tonnes armé pour le dragage des grands fonds et du matériel requis pour la récolte des ani- maux pélagiques et des poissons de grande taille. La première expédition explorera principalement la côte d’Agulhas. La Colonie prend aussi à sa charge la publication des travaux des naturalistes accueillis à bord du navire explorateur. Les animaux capturés seront tous décrits et représentés dans cette grande publication, destinée à donner le tableau complet de faune marine du Cap. L'Existence de l'Homme à l'Époque gla- ciaire en Amérique. — Le paléontologiste améri- cain E. W. Claypole vient de faire, sur une rive de l'Ohio, la trouvaille d'une hache cannelée, de schiste vert, qui offre, en raison du gisement où il l’a décou- verte, un intérêt lout particulier : la pièce, qui est évidemment de fabrication humaine, atteste, par sa présence dans des graviers de la période glaciaire, l'existence de notre espèce sur le continent américain à celte phase, relativement ancienne, de TOCESSS de notre planète. La hache, nous dit l’auteur“, recou- verte en partie d'une couche boueuse, gisait sur un lit de gravier épais d'environ trente centimètres, que surmontent des strales alternants de sable et de vase, de quarante-cinq mètres de puissance, M. Claypole attribue ces dépôts aux lacs qui baïgnaïient le pied du grand glacier situé, à l'époque du Mammouth, dans celle région de l'Ohio. $ T. — Sciences médicales Le sue pulmonaire. — Le poumon est-il, comme le corps thyroïde, le thymus, les capsules surrénales, l'ovaire, etc., le siège d'une sécrétion interne utile à l'économie? Déjà Verdeil considérait le poumon comme une glande excrétant de l'acide carbonique. Plus tard, M. Garnier reconnaissait que la réaction de l'organe frais, après élimination, par lavage à l’eau distillée, du sang qu'il contient, était franchement acide. Cet acide, appelé par Verdeil acide pneumique, n'est pas chimi- quement défini, mais est vraisemblablement, par son action sur les carbonates du sang, la principale cause de dégagement de l'acide carbonique. Mais l'épithélium pulmonaire à encore une autre fonction : il sert à débarrasser l'organisme d'un grand nombre de substances toxiques et volatiles, parmi les- quelles il transforme et neulralise celles qu'il ne peut normalement éliminer. La clinique est d'accord avec le laboratoire pour admettre l'existence de celle fonction anti-toxique. La preuve la plus convaincante en est donnée par les déformations ostéo-articulaires en rapport avec les lésions chroniques de l'appareil pleuro-pulmonaire, lésions qui constituent cette maladie décrite par Marie sous le nom caractéristique d'ostéo-arthropathie hyper- trophiante pneumique. Il était, dans ces conditions, naturel de rechercher quel pouvoir anti-toxique pouvait posséder le suc pul- ! Geologist American, Vol. XVIII, page 302. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 99; 4/0) monaire, c'est-à-dire le suc extrait du poumon à la manière des autres extraits organiques thyroïdiens, capsulaires, etc., dont nous avons montré la valeur thé- rapeutique ‘dans un récent article‘. C'est la tâche qu'a entreprise M. Brunet? dans une thèse fort. documentée et qui apporte une contr ibution considérable à la ques- tion de l’opothérapie pulmonaire. Le suc pulmonaire, obtenu par une courte macéra- tion de rondelles de parenchyme dans la glycérine (extrait glycériné) ou l’eau stérilisée (extrait aqueux), est un liquide limpide, de coloration légèrement am- brée, d'une densité égale à 1.001,5 à + 15%. Il est remar- quablement pauvre en HT RAR lesmatières organiques s'élèvent à 0 gr. 55 par litre, les matières minérales à 0 gr. 50, soit, en tout, 1 gr. 05. Malgré cela, il possède des propriétés très actives, ainsi que le dé- montrent les expériences suivantes : Si on ensemence avec une ou deux gouttes de cul- ture pure de staphylocoques ou de streptocoques, 5 ce. c. de suc pulmonaire aqueux, même en le rendant milieu nutritif favorable par addition de 12 gouttes d'une solution de peptone à 10 °/, et 2 gouttes d’une solution de NaCl à 5 °/,, le développement des colonies ne commence qu'au bout de 60 heures pour le staphy- locoque, demeure négatif pour le streptocoque. Injecté à des cobayes à la dose de 1 à 5 €. e., le suc pulmonaire exerce une action favorable sur la nutrition des animaux, qui engraissent d'une facon notable. Si l'on injeete en une fois 35 à 40 ec. c., la mort survient en 20 ou 23 heures avec des phénomènes de dépression Roue La dose mortelle pour le cobaye est égale au 1/22 de son poids. Les mêmes résultats sont obtenus par l'ingestion. M. Brunet a cherché à déterminer l'action du suc pulmonaire dans la tuberculose expérimentale ; pour cela, il a institué quatre séries d’ cxpes ie ne es Dans une première série on fait à cobayes une injection de culture pure de Dates . Koch, puis tous les deux jours on pratique à l’un de ces animaux une injection de suc aqueux, à un autre, de suc glycé- riné; le troisième sert de témoin. Les deux animaux traités succombent, le premier avec un mois, le second avec un mois et un jour de retard sur le témoin. Dans une deuxième série, où l’on emploie comme agent d'inoculation sous-cutanée des crachats tubercu- leux, l’un des cobayes traités meurt 28 jours après le témoin. Dans une troisième série, l'inoculation est faite direc- tement dans le poumon avec une culture pure de bacilles de Koch. Les cobayes traités présentent une survie de 9 à 45 jours sur le témoin. Enfin, dans une quatrième série, où l'inoculation est faite, toujours dans le poumon, avec des crachats tuberculeux, l’un des cobayes traités subsiste 2 mois 1/2 de plus que le témoin. Ces expériences permettent-elles de conclure à une efficacité thérapeutique réelle du suc pulmonaire contre la tuberculose? M. Brunet ne le pense point, maisil ne dépasse pas les limites d’une interprétation permise en inférant que l'extrait Renan peut être un utile adjuvant dans le traitement de la phtisie. Au surplus, ces réserves semblent-elles légitimées par les observa- tions cliniques, malheur eusement trop peu nombreuses, qui terminent son travail. Sur les 11 cas traités, se rapportant tous à des affec- lions des voies respiratoires, on a noté une amélioration des signes stéthoscopiques fonctionnels, le relèvement de la nutrition, sans que la maladie ait paru subir, dans son évolution, un temps d'arrêt appréciable. Deux fois seulement la guérison a été obtenue ; il s'agissait de deux faits de manifestations d’ostéo-arthropathie hypertrophiante pneumique. En résumé, s’il est démontré que le suc pulmonaire, 4 Revue gén. des Sciences 1895, page 1233 et suivantes. 2 F. Bruxer : Le Suc pulmonaire, Effets physiologiques et thérapeutiques. Paris, Carré et Naud, 1897. si pauvre qu'il paraisse en substances minérales ou organiques, est à la fois antiseptique, tonique à faibles doses, toxique à doses élevées, les applications théra- peutiques restent à l’étude.ll est probable que, comme l'extrait thyroïdien, l'extrait de poumon est un produit complexe renfermant un grand nombre de substances actives douées de propriétés peut-être différentes. En attendant qu'elles soient isolées par l'analyse chimique et qu'il soit possible de soumettre chacune d'elles à une expérimentation physiologique rigoureuse, nous devons nous contenter de grouper les faits, laissant à l'avenir le soin de les interpréter. Or, ici, comme pour tous les médicaments opothérapiques, c'est celle de ces sub- stances qui représente la sécrétion interne de l'organe, dont les effets thérapeutiques sont les plus apparents, — témoin l’action assez constante du suc pulmonaire dans la maladie de Marie, dont la pathogénie est liée précisément à la suppression de la sécrétion interne pulmonaire. D' Gabriel Maurange. $ 8. — Géographie et Colonisation La Kabylie et le peuple kabyle. — L'Union Coloniale francaise, poursuivant son programme d'ensei- gnement colonial, à organisé le 5 mars une nouvelle conférence. M. Flandin, député de l'Yonne, ancien procureur général à Alger, a parlé de la Kabylie et du peuple kabyle. Le conférencier à tout d'acord déclaré que la Kabylie se prétait peu au développement de la colonisation. La population en est extrémement dense, le sol partout culüvé et la propriété si morcelée qu'il n’est pas rare d'y rencontrer un champ dont le terrain appartient à un propriélaire et les arbres à un autre et même un arbre dont chacune des branches à un propriétaire distinct. Il n'y à donc pas place en Kabylie pour le colon français. Il ne s'ensuit pas que ce pays montagneux et d’as- pect sauvage soil partie négligeable de notre domaine colonial. Le patriotisme de ses habitants, leur endu- rance, leur orgueil, ont été tour à tour RUE nous causes d'embarras au moment de la conquête el gages précieux de fidélité par la suite. Les Kabyles sont des agriculteurs de premier ordre ; leurs mœurs sont douces, leur civilisation avancée. Tous les chefs de famille par- ticipent au gouvernement et à l'administration du pays. Nous avons conservé les principes essentiels de la djemmu qui réunissait tous les hommes libres, mais ses agents sont nommés aujourd'hui, soit par l'Adminis- tration, soit par le préfet. La constitution de la Société kabyle à qe base les principes de la démocratie la plus pure. La solidarité entre les habitants est telle que les pauvres sont secourus, les orphelins recueillis aux frais communs de la djemma. La femme, moins malheu- reuse là qu'ailleurs en Afrique, est cependant consi- dérée comme un être inférieur qu'on achète et qu'on répudie lorsqu'elle n’enfante que des filles; son sort Due de sa fécondité. L'administration de ce pays exige de la part de ceux à qui elle est confiée, des qualités exceptionnelles. Fermeté d'une part, justice et modération d'autre part. L'un des moyens les plus propres à nous assurer la fidélité des Kabyles est la création d'hôpitaux el d'écoles; mais de telles créations ne peuvent être entre- prises que si les fonctionnaires résidant en Kabylie sont d'abord bien choisis et ensuite assurés d'un séjour d’une certaine durée. La réunion de ces deux condi- tions n'est point, on le sait, l'apanage de l'administration coloniale. Il y a lieu d'espérer que la récente suppres- sion des décrets de rattachement, en mettant l'autorité là où est la responsabilité, assurera à la Kabylie une administration conforme à ses besoins. Cette conférence dont M. Cambon, Gouverneur géné- ral de l'Algérie, avait accepté la présidence, a obtenu le plus légitime succès. Joseph Godefroy. 226 A. HALLER — L'INDUSTRIE CHIMIQUE, L'ENSEIGNEMENT ET LES UNIVERSITÉS L’INDUSTRIE CHIMIQUE L'ENSEIGNEMENT CHIMIQUE ET LES UNIVERSITÉS Quand il s’agit, en France, de modifier les idées courantes, de quelque ordre qu'elles soient, il faut sans cesse revenir sur le sujet qu'on a en vue, il faut sans cesse aiguillonner les esprits, jusqu'au jour où, dans un patriotique élan et sous l’impul- sion d’une cause parfois inattendue, ils prennent une virile résolution et entrent hardiment dans la voie des réformes. Pour susciter et éveiller l'attention des hommes, les moyens les plus efficaces consistent, il faut bien l'avouer, à faire voir les dangers que courent la prospérité nationale el partant leurs intérêts particuliers. Sans nous préoccuper des critiques formulées tableaux indiquant les échanges auxquels ont donné lieu les produits qui relèvent de l'Industrie qui fait l’objet de cette étude. I. — Coup D'ŒIL SUR L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE CHIMIQUE EN ALLEMAGNE, EN ANGLETERRE ET EN FRANCE. Allemagne. — On sait que l'Allemagne divise ses produits de l'Industrie chimique en matières pre- mières et en produits fabriqués. Parmi les matières premières l’azotate de soude figure pour une somme assez élevée, telle qu'il y a lieu de la mentionner à part. Tableau I. — Statistique de l'Industrie chimique en Allemagne. IMPORTATIONS EXPORTATIONS 2 — — —— 1893 1894 1895 1893 189% 1895 Matières premières y com- fe ie fre if ne î pris azotate de soude 20%.705.000 205.766.250 211.096.250 32.393.750 44.815.000 41.580.000 Azotate de soude [81.761.250] [86.968.750] [89.031.250] » » » Produits fabriqués. «| 13%.142.500 133.588.750 138.671.125 331.4170.000 336.992.000 3171.353.750 Totaux. . 338.841.500 339.355 .9300 349.767.375 373.863.750 381.807.(00 42.933.750 par des esprits chagrins qui eroient que le vrai patriotisme consiste à se voiler la face et à altri- buer nos mécomptes à des causes d’ordre fiscal, nous continuerons donc la campagne entreprise en faveur des réformes à introduire dans notre Ensei- gnement et dans l'Industrie !. Nous ne sommes, d'ailleurs, pas seul dans l’œuvre entreprise et constatons avec satisfaction qu'un des pionniers les plus autorisés de la Chimie des matières colorantes, celui qui le premier, en 1878, jeta le cri d'alarme, entre de nouveau en lice et joint ses efforts aux nôtres pour montrer les causes de déchéance de notre Industrie et chercher les moyens de lui venir en aide?. Avant de signaler les efforts qui ont été tentés en France pour remédier à la situation, nous don- nerons d’abord un apercu de la production chi- mique des lrois nations rivales, sous la forme de ! Revue générale des Sciences, 189%, p. 413 ; 1895, p. 201, et Bulletin de la Sociélé d'Encouragement pour l'Industrie nalionale, 1897, p. 14. ? Ch. Lauth: Science pure et science appliquée. Revue Scientifique du 9 Janvier 1897. Les chiffres d'importation et d'exportation sont résumés dans le tableau I ci-joint; ils se passent de tout commentaire. Les éléments qui contribuent à cette production sans cesse croissante, vont également en augmen- tant, comme l'indique la partie supérieure du tableau IT pour la même période. Le capital engagé dans les sociétés par actions, qui sont tenues par la loi de publier leurs comptes tous les ans, a rapporté aux actionnaires un divi- dende moyen (tableau Il) qui a peu varié dans ces trois dernières années. Si nous considérons les dividendes distribués par les sociétés groupées suivant leurs spécialités, nous arrivons aux résullals que consigne le tableau IH. Ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer !, ces chiffres ne s'appliquent qu'à un nombre restreint d'usines, si l’on considère l’ensemble des exploita- tions en aclivité; mais, comme celles-ci vont sans cesse en augmentant tous les ans, on peut en con- 1 Revue générale des Sciences, 189%, p. 474. et untiméntis. us A. HALLER — L'INDUSTRIE CHIMIQUE, L'ENSEIGNEMENT ET LES UNIVERSITÉS 227 Angleterre. — Sous la rubrique produits chimi- ques et matières propres à la teinture, les stalistiques clure que l’industrie chimique travaille encore à un taux très rémunérateur dans toute l'étendue de Tableau II. — Usines, Personnel et Capitaux dans l’industrie chimique en Allemagne. 1893 9 Nombre des usines de produits ca s ou similaires 5.601 5.158 5.947 Nombre d'ouvriers employés. RE LR RE CE 5 106.006 110.348 114.581 fr. fr. fr. Salaires distribués . ace TT 117.652.110 123.277.110 129.333.122 Salaire moyen par tête douvniert in SIN NAN 1.099, | 1.106,20 1.118,75 Nombre des sociétés par actions . . . . . . : . . . . 93 | fr. | fr. fr. Capital engagé. . 275.832.750 280.911.875 309.901 .125 Dividende total distribué. DETTE OR EE 36.370.212 | 36.721.306 39.385.682 RENTE SOIT en ele Lee à ele ee ne, ee cel og 3,18 13,44 12,71 l'Empire Allemand. Il faut toutefois remarquer que | anglaises groupent un ensemble de produits qui ne Tableau III. — Dividendes des industries chimiques, par spécialités, en Allemagne. PETITE INDUSTRIE MATIÈRES COLORANTES CHIMIQUE GRANDE INDUSTRIE CHIMIQUE ANNÉES EXPLOSIFS ENGRAIS DU GOUHDRON fr 1: 13,69 15,80 17,41 17,931 18,40 ce taux tend à diminuer dans un certain nombre | sont pas en tous points idenliques aux produits cata- Tableau IV. — Marché de l'industrie chimique en France. IMPORTATIONS ST 1892 1893 3 | 1895 ft HUNESIELISUCSIVÉDELAUX. . 1. . 0. : 80.362.816 0.8: 5.69 1 .S54.972 .484.224 DemthedetEanninss ee CENT NU 20 9.946.558 .526. .972.336 3.631.931 Produits chimiques. # . 95.939.418 32.497.82 83.83! 688 93.971.961 Teiutures préparées. HEURES Ô 30.119.973 27.116.048 22.290.220 26.147.413 Couleurs : . . . QT EN OURS CRETE à 5.000.255 .631.43 4.680.016 4.527.418 Compositions diverses 5.336.636 200.434 4.766.616 5.149.123 Totaux. 226.1705.716 209.808.19: 204.399.848 EXPORTATIONS (commerce Om — Huiles et sucs végétaux. Teintures et tannins Produits chimiques . Teintures préparées Couleurs . Compositions diverses Totaux. 70.089.195 8.280.007 58.145.828 31.044.675 9.726.914 49.401.955 809.78: 3.300.84! 93.411,30: 29.567.336 310 226.688.574 7 826 de branches de l'Industrie, et il semblerait que celte diminution est due à une surproduction. logués par les statistiques allemandes que nous allons mentionner ne donneront done ; les chiffres 228 A. HALLER — L'INDUSTRIE CHIMIQUE, L'ENSEIGNEMENT ET LES UNIVERSITÉS qu'une indication sur le sens des importations ct des exporlations dans ces dernières années. ANNÉES IMPORTATIONS EXFORTATIONS fr. fr. 1893. 158.367.975 217.007.825 1894. 157.955.700 212.408.325 1895 . 1896 . 163.956.225 169.621.125 207.3N5.000 206.090.025 Les exportations sont encore supérieures aux importations; mais, tandis que le chiffre de ces dernières augmente sans cesse, celui des premières tend à diminuer progressivement. france. En ce qui nous concerne, les rubriques sous lesquelles on a rangé un ensemble de produits comparables aux produits compris dans les sta- tistiques allemandes et anglaises sont celles qu'énonce le tableau IV. Ainsi que le montrent ces chiffres, l'ensemble de notre marché de produits chimiques est soumis à des fluctuations tantôt dans un sens, tantôt dans un autre, alors qu'en Allemagne il va sans cesse en s'améliorant et qu'en Angleterre il subit une dé- pression lente et graduelle. II. — PROGRÈS DE L'ENSEIGNEMENT CHIMIQUE EN ALLEMAGNE. Cette prospérité croissante de l'Industrie chi- mique allemande — prospérité que tous les esprits éclairés attribuent principalement et d'une facon unanime à la direction imprimée aux études dans les Universités et les Écoles techniques, à la conception élevée que les maitres se font de l’en- seignement supérieur, aux ressources dont ils dis- posent— n'empêche pas ces derniers, ni les Indus- triels de songer à l'avenir. Profondément pénétrés de l’action fécondante du savoir sur l'Industrie, per- suadés que cette action ne peut être continue et efli- cace qu'en meltant au service de la science tous les moyens que son évolution incessante exige, Indus- triels etSavants s'unissent pour appeler l'attention des pouvoirs publics et des particuliers sur les enseignements nouveaux qu'il y a lieu de créer et d'introduire dans le programme des Universités et des Écoles techniques et sur les laboratoires spé- ciaux que comportent ces enseignements. Ainsi, émue de l'esprit d'économie qui, d'après elle, semble depuis quelques années présider en Prusse à l'égard de l’enseignement chimique !, la À l'heure actuelle, cet enseignement est déjà largement représenté. Ainsi, à l'Université de Berlio, la Faculté de Philo- sophie (Sciences et Lettres) ne comprend pas moins de 26 pro- fesseurs et privat-docents enseignant la Chimie. A Greissvald, où la Faculté de Philosophie, en 1895, comptait 43 professeurs et privat-docents pour 68 éludiants, il n'y a pas moins de 5 enseignements de Chimie. Société pour la défense des intérêts de l'Industrie chimique allemande, a délégué auprès des ministres compétents cinq de ses membres, tous directeurs d'établissements industriels (rès importants, à l'effet de provoquer de nouvelles créations et de faire voter de nouveaux subsides. Leur cause a été entendue etle Ministre des Finances leur à commu niqué son projet d'introduire, dans le budget de 1897-1898, une somme de 350.000 francs environ pour les laboratoires des Universilés de Berlin, de Kænigsberg, de Marbourg et de l'Académie de Munster. Dans cette somme est comprise une pre- mière annuité de 250.000 francs destinée à la re- construction du premier Institut Chimique de l'Université de Berlin, bien que cet Elablissement soit relativement de date récente. C'est, en effet, en 1868 qu'il fut érigé par A.-W. Hoffmann. Ainsi, on n'hésite pas à engager des sommes considérables pour renouveler les laboratoires, dès que les be- soins de l'Enseignement l’exigent. Cenouvel [Institut ne comprendra pas moins de 250 places pour élèves et 25 autres places pour des étudiants plus avancés qui désirent se livrer à des recherches originales. On a l'intention d'en faire le plus vaste Institut Chimique allemand et on se propose d'y consacrer 1.500.000 franes, dont 1.010.000 environ pour le bâtiment principal, 60.000 franes pour le bâtiment des machines, 70.000 pour le logement du Diree- teur, 312.500 pour l'aménagement intérieur, et en- viron 43.000 francs pour diverses contruclions secondaires”. La Prusse n'a pas le monopole de ces créations : les autres Elats de l’Empire rivalisent de zèle, de leur côté, pour garder à leurs Universités le bon renom qu'elles possèdent. C'est ainsi que la Bavière a consacré 802.500 francs pour la construction d'un Institut de Chimie de 148 places à l'Université de Wurzbourg; que le Grand-Duché de Hesse-Darms- tadt a voté, dès 1895, une somme de 524.000 francs pour l'érection d'un Institut de Chimie et d'Electro= Chimie à Darmstadt, que tout récemment le Gou- vernement Badois a mis 750.000 francs à la dispo- silion de l'Ecole Polytechnique de Carlsruhe pour fonder un Instilut Electro-technique, etc... L'attention du monde chimique allemand se porte en effet d'une façon particulière sur la Chimie physique et l'une de ses branches : l'Electro-Chimie. La Chimie physique n'est pas une science à limites bien déterminées : elle côtoie les deux sciences expérimentales par excellence et leur sert en quel- que sorte de trait d'union. Elle met au service de la Chimie les méthodes empruntées à son émule, lui ouvre des horizons nouveaux et les résullats 1 Chemiker Zeilung, 1891, p. 61. A. HALLER — L'INDUSTRIE CHIMIQUE, L'ENSEIGNEMENT ET LES UNIVERSITÉS 229 qu'elle oblient jettent parfois une lumière inatten- due sur cerlains phénomènes du ressort exclusif de la Physique. Née en France, — car Berthollet en est bien le père, comme l’a ditexcellemment M.Mond dans son remarquable discours sur l'évolution de la Grande Industrie chimique depuis le commencement du siècle, — nos savants les plus éminents n'ont pas cessé de contribuer à élargir son domaine et à l’en- richir de données nouvelles. Depuis de longues années, elle a pris droit de cilé dans les Universi- tés allemandes, possède ses chaires et est en train de se voir élever des Laboraloires spéciaux, et même de grands Instituts. L'Electro-Chimie constituant une branche de la Chimie physique, il n'y à pas lieu de s'étonner que dans ces créations elle ait sa large part. Per- sonne n'ignore, d'ailleurs, l'importance qu'elle a prise dansces dernières années, tant au point de vue théorique qu'au point de vue de ses applications. Nulle science en ce siècle n’a progressé avec aulant de rapidité que celte branche de la Physico-Chimie. Nulle ne suscite encore aulant d’espéraaces. Aussi dès 1894, le Gouvernement Prussien a-t-il été solli- cité en pleines Chambres à l'effet de créer des chaires d'Electro-Chimie dans toutes les Ecoles techniques du Royaume. Comme toujours, cetappel n'a pas été fait en vain, et, en 1895, les Ecoles Po- lytechniques d'Aix-la-Chapelle, de Berlin et de Hanovre ont élé pourvues des enseignements de- mandés. Comme toujours aussi, les Etats voisins ont suivi l'exemple de la Prusse. La création de Laboratoires spéciaux, d’Instituts n'a pas tardé à suivre celle des chaires. C'est Gættingue qui à inauguré le premier de ces Instituts de Chimie physique et d'Electro-Chimie ?. Le Gouvernement Prussien y aconsacré 206.250 fr. A peine ouvert, il a été fréquenté par 30 élèves. Le personnel enseignant se compose de M. le Profes- seur Nernst, de deux agrégés et de deux assistants. Le programme comprend, outre les lecons sur les différents chapitres de la Chimie physique et de l'Electro-Chimie : 1° Des manipulations sur la Thermochimie, la Physique moléculaire, les équilibres chimiques;ete.: 2 Des exercices électro-analytiques avec. appli- cation de la force électromotrice pour la séparalion des métaux ; 3° Des préparations par voie électro-chimique (carbure de calcium, persulfates, zinc électrolyti- que, ele.); Le second est en voie de construction à l'Univer- | sité de Leipzig et sera placé sous la direction de 1 Journal of the Society of Chem. Industry, 1896, t. XV. 2 Zeitschrift für Electro-Chemie, 1895-1896, p. 634. M. le Professeur Ostwald, un des savants les plus aulorisés en fait de Chimie physique. La Saxe n'y consacrera pas moins de 450.000 francs, non com- pris l'emplacement. I n'y a pas que les gouvernements des différents États de l'Empire qui Lémoignent leur sollicitude à l'égard des Établissements d'enseignement supé- rieur. Le public s'y intéresse non moins vivement enles comblant de donations. En moins deneuf ans, de 1885 à 1894, l'Université de Berlin seule a reçu environ 2.221.362 francs, dont les intérêts sont destinés à être distribués en bourse aux étudiants nécessiteux, à encourager les travaux originaux, à permeltre soit à de jeunes docteurs, soit à des agrégés, de faire des voyages d’études, etc. III. —— PROGRÈS DE L'ENSEIGNEMENT CHIMIQUE EN ANGLETERRE ET EN Écosse. L'agitation continue toujours en Angleterre en faveur de l'enseignement de la Chimie et de son introduction dans les usines sous la forme de chi- mistes éclairés, instruits et pleins d'initiative. In- dustriels et Professeurs prennent part à cette cam- pagne, sans que les pouvoirs publics s'émeuvent. Il est vrai que, parmi les premiers !, tous ne sont pas absolument convaincus de l’heureuse influence que le savoir exerce sur le développement de lIn- dustrie chimique. Ils conviennent cependant de la supériorité de leurs rivaux allemands, mais ils semblent aussi attribuer leur succès à la manière intelligente dont leurs usines sont dirigées, aux qualités de l'ouvrier allemand qu'ils considèrent comme une plus ou moins bonne machine ouvrière, à l'émulation qui règne en Allemagne, à la loi sur les brevets, au soin avec lequel les secrets de fa- briques sont gardés, tandis qu'en Angleterre les conditions du travail, l'esprit libéral qui a cours, ne permettent pas de conserver ces secrets, elc. Ajou- tons cependant que d'autres, plus clairvoyants, dire que la nation anglaise est, x n'hésitent pas à sous tous les rapports, dans de meilleures condi- tions que ses rivales du Continent, et que, si son Industrie chimique à perdu la suprématie qu'elle possédait, cela tient uniquement au dédain qu'elle affecte pour la science et à l'infériorité de ses col- laborateurs sous le rapport de l'instruction tech- nique. Dans notre dernier arliele? nous avons annoncé la création d'un Laboraloire de recherches physico- chimiques due à la libéralité d'un des industriels les 1 Discours de M. Th. Tyrer, Président de la Society of Chemical Industry, tenu le 15 Juillet 1896, sur la situation de l'Industrie Chimique eu Allemagne et en Angleterre. 2 Revue générale des Sciences pures el appliquées, t. NI, 202. P: 230 A. HALLER — L'INDUSTRIE CHIMIQUE, L'ENSEIGNEMENT ET LES UNIVERSITÉS plus éclairés de la Grande-Bretagne : nous voulons parler de M. Mond. Ce laboratoire, annexé à l'Inslitution Royale de Londres, a été inauguré le 922 décembre dernier en présence de Son Altesse Royale le Prince de Galles. Sur les 2.500.000 francs promis par M. Mond, 950.000 francs ont été affectés à l'achat, pour une période déterminée, de l'immeuble et à son aménagement intérieur; le reste, 1.550.000 francs, est destiné à l'entretien du laboratoire. Lord Rayleigh et M. le Professeur Dewar en ont accepté la direction. Ainsi que nous l'avons dit, on admettra gratui- tement au Laboratoire les chercheurs de toute na- tionalité, pourvu qu'ils aient un bagage scientifique suffisant ou qu'ils aient déjà publié des travaux originaux. Cet essai, unique dans son genre, fait le plus grand honneur à l'esprit généreux qui l’a conçu. Nous faisons tous nos vœux pour son succès. La lecon d'initiative donnée par M. L. Mond, n’a pas été vaine; elle a porté ses fruits. Dans le même mois de Décembre on a inauguré à University Col- lege, à Liverpool, les nouveaux laboratoires Wil- liam Gossage, dont les premières constructions (1886), dues à la libéralité de MM. Gossage et Sutton Timmis, se sont trouvées insuffisantes en raison de l’affluence croissante des étudiants. Ces nouvelles installations ont été faites par souscrip- tions particulières, auxquelles ont pris part M. John Brunner, M. E. Muspratt et MM. Lever frères, chacun pour une somme de 25.000 francs. Elles comprennent un ensemble de laboratoires divers, parmi lesquels il y a lieu de citer un grand Zabo- raloire de recherches pouvant recevoir 44 élèves iniliés aux travaux originaux. Enfin, le 24 Décembre, on a ouvert à Perth les nouveaux laboratoires de l'/nstitution Sharp qui n'ont pas coûté moins de 150.000 francs et qui peuvent donner l'instruction pratique à 30 élèves. 1V. — L'ENSEIGNEMENT CHIMIQUE EN FRANCE ET LES NOUVELLES UNIVERSITÉS. L'année qui vient de s’écouler a été marquée pour l'Enseignement supérieur par un événement consi- dérable et qui peut être gros de conséquences. En vertu de la loi du 10 Juillet 1896, les corps de Facultés institués par le décret du 28 Avril 1893 prennent le nom d'Universités. Résultat : 15 Uni- versités, sans compter les Écoles secondaires de Médecine et de Pharmacie, au lieu de 7 ou 8 que comportait la France avec ses 38 millions d’habi- tants et son budget. On nous objeclera que l’Alle- magne, puissance militaire de premier ordre comme la France, possède bien 22 Universités pour une population de 52 millions d'habitants. Sans doute, mais l'Empire Allemand est composé d'une Fédé- ration d'États qui ont gardé leur autonomie et dont les habitants restent fidèles à leurs Univer- sités régionales. D'autre part, Berlin, malgré la renommée de ses Écoles et de son corps enseignant, ne constitue pas un centre d'attraction comme Paris, ce gouffre qui, à lui seul, attire 12 à 13.000 étudiants par an, de quoi alimenter 10 Uni- versités de province. Ce n’est pas ici le lieu de revenir sur les arguments qui ont été invoqués en faveur de ce changement d'étiquette, et nous nous bornons à constater le résultat. Aussi a-t-on pu dire ‘, non sans quelque exagération, il est vrai, « que la France est devenue une halle aux man- dats et que les élus y font monnaie de tout pour payer les électeurs ». Nous ne craignons pas de le déclarer, la première faute a été commise en 1893, par l'institution, dans les Facultés des Sciences et dans les Écoles de plein exercice de Médecine et de Pharmacie, de l’ensei- gnement des sciences physiques, chimiques et na- turelles à l'usage des candidats à la médecine. Cette mesure, bonne en soi, bien qu'elle n'ait pas précisément pour effet de rehausser l’enseigne- ment supérieur de nos Facullés, a été appliquée avant son heure. Elle a eu pour conséquence de donner un regain de vitalité aux Facultés ago- nisantes, depuis que les licenciés ne savent plus que devenir, d'engager les municipalités à de grands frais pour la reconstitution ou la réfection de leurs locaux, et de leur donner par suite l'illu- sion qu'elles possèdent une Université. 11 fallait bien que cette illusion devint une réalité! Leurs représentants ont eu mission de la leur donner. Le seul projet qui eût permis de donner aux Univer- sités l'ampleur, l'extension que le développement actuel de la science exige, est le projet Bourgeois. Il eût été sage et courageux de le maintenir inté- gralement et d'attendre que les circonstances se prètassent à son adoption. On n'aurait, au moins, pas engagé l'avenir. Toutes les réflexions que nous venons de formu- ler tomberaient naturellement d’elles-mêmes, si notre budget national présentait une élasticité suf- fisante, pour mettre nos Universités en état de répondre aux aspirations qu'elles ont fait naître. Nous n'avons, en effet, aucune objection de prin- cipe à faire à leur existence, si on élait en mesure de les organiser et de les doter convenablement, mais on sait malheureusement trop bien que nos ressources tendent plutôt à diminuer qu'à aug- mener. Singulière situation dans laquelle nous a mis la nouvelle loi! Par l'exemple que nous fournit l’Alle- 1 André Hallays : Journal des Débals. | A. HALLER — L'INDUSTRIE CHIMIQUE, L'ENSEIGNEMENT ET LES UNIVERSITÉS 231 magne, nous pouvons nous rendre comple des heureux résultats que produit la Science appliquée à l'Industrie ; or, grâce à l’éparpillement de nos forces et de nos... fonds, nous nous meltons, au moins en ce qui concerne certaines Universités, dans l'impossibilité d'affronter la lutte. N’eût-il pas mieux valu concentrer {ous ces efforts sur six ou huit centres universitaires, y organiser fortement l'enseignementen comblant les nombreuses lacunes po y existent et en créant ces Instituts variés, si nécessaires, voire même indispensables pour que la Science puisse se rénouveler sans cesse, progres- ser et excercer son action féconde sur l'Industrie. . Nos législateurs ne semblent pas se douter du nombre de millions qu'il faudrait actuellement à la France pour mettre ces quinze Universités en état de concourir honorablement avec les Universités allemandes et américaines'. Certains d’entre eux semblent croire que les sciences expérimentales et d'observation, dont l'étude est coûteuse au pre- mier chef, n'ont qu'un rôle utilitaire, et, comme au Moyen-Age, les excluent du contingent des connais- sances nécessaires à toute haute culture que doit donner une Université. D’autres enfin répondront que, depuis vingt-cinq ans, les pouvoirs publics n’ont cessé de faire des sacrifices pour le haut enseignement. Le chemin parcouru, durant cette période de temps, est en effet considérable, et l'honneur en revient tout entier aux trois hommes distingués qui, successivement, ont eu entre leurs mains les destinées de l'Université de France. Mais pendant que nous nous efforcions de regagner le terrain perdu, nos voisins ne sont pas restés inactifs et ont progressé à leur tour. D'autre part, il faut bien en convenir, l'affectation des crédits alloués n’a pas toujours été heureuse. Imbus de celte idée suran- née que le groupement, sous un même toit, dans un même corps de bâtiment, de tous les labora- loires, de tous les services des diverses Facultés, était indispensable à leur bon fonelionnement, les hommes chargés de veiller à la réédifica- tion des Universités s'en sont rapportés aux architectes, dont l'unique ambition, dans tous les pays du monde, est de faire un beau monu- 1 Rien qu'à Nancy, où seul l'Institut Chimique est relati- vement bien organisé, il faudrait quatre ou cina millions, non pas pour égaler Strasbourg, où l'on a dépensé jusqu'à pré- sent plus de dix-sept millions, mais pour avoir un ensemble d'Instituts appropriés à toutes les sciences qui s'y ensei- gnent. C'est une erreur de croire que la science doive être logée dans des palais. Elle est plus modeste et ne demande que de l'air, de la lumière et les ressources nécessaires à son culte. Sans cesse en progrès, il faut que les locaux qui l'abritent puissent être adaptés à ses méthodes de travail, qui se modifient et se renouvellent d'une facon continue. Aussi les monuments ne lui conviennent pas et sont plutôt une entrave à son évolution. ment, sans se soucier de sa destination, N'est-ce d’ailleurs point la conception officielle qui pen- dant longtemps a prévalu, a fait force de loi pour la province, et ne trouvons-nous pas de plus bel échantillon de cette conception dans la nouvelle Sorbonne ? Aussi, {out est à recommencer si l’on veut se mettre au niveau des Universités étran- gères et donner une orientation nouvelle à notre haut Enseignement. La loi sur les Universités contient un article 4 qu'il convient de citer en entier ainsi que les com- mentaires et les explications dont il a été l’objet de la part de M. le Directeur de l'Enseignement supérieur. Cet article porte en effet : « A dater du 1°" janvier 1898, il sera fait recette, au budget de chaque Université, des droits d’études, d’inscriplion, de bibliothèque et de travaux pratiques acquittés par les étudiants, conformément aux règle- ments. Les ressources provenant de ces recettes ne pourront être affectées qu'aux objets suivants : dépenses de laboratoires, bibliothèques et collections, construc- tion et entretien des bâtiments, création de nouveaux enseignements, œuvres dans l'intérêt des étudiants. « Les droits d'examen, de certificat d'aptitude, de diplôme ou visa acquittés par les aspirants aux grades et Litres prévus par les lois, ainsi que les droits de dis- pense et d'équivalence, continueront d'être perçus au profit du Trésor. » Le sens et la portée de cet article s’éclairent des explications fournies au Sénat par M. le Directeur de l'Enseignement supérieur. Le sacrifice consenti de ce chef par l'Etat aux Universités serait, at-il dit, presque compensé par la suppression des cha- pitres 62 et 63 du budget, intitulés: « Subventions aux villes et aux départements pour construction scolaire (Enseignement supérieur) et subvention aux Facultés et corps de Facultés pour le matériel scientifique et installation. » Et, dans son Rapportà la Chambre des Députés, M. R. Poincaré disait que, les droits ainsi perçus étant répartis entre diverses Universités suivant le nombre de leurs étudiants, il y avait là un principe d'émulation et de vitalité. Cet article et ces explications ont fait l'objet d'une critique aussi élevée que judicieuse de la part de M. Blondel, notre distingué collègue et ami, de la Faculté de Droit de Nancy « Ainsi donc, voilà qui est bien net. Désormais ni les villes, ni les départements n'ont de subvention à attendre de l'Etat pour constructions scolaires se rap- portant à l'Enseignement supérieur; les Universités n'en recevront pas davantage en ce qui concerne le matériel scientitique et les installations. L'Etat s'étant réservé le produit des droits d'examen, il faudra, dès l'année prochaine, subvenir à toutes ces dépenses au moyen des droits d'inscription, de bibliothèque et de travaux pratiques, et il est bon de faire remarquer que les droits d'inscription et de bibliothèque réunis ne 4 Extrait d'un Rapport fait à la Société des amis de l'Uni- versité de Nancy le 27 Février 1897. 232 A. HALLER — L'INDUSTRIE CHIMIQUE, L'ENSEIGNEMENT ET LES UNIVERSITÉS dépasseraient( pas pour l'Université de Nancy un total de 40 à 45.000 francs. « Que deviendront, avec ce système, les Universités dont les auditeurs n'attcignent qu'un chiffre restreint ? Condamnées à végéter, ne pouvant, faute de ressources, offrir à leurs élèves ce que ceux-ci trouveront dans des centres plus fréquentés, elles périront lentement d’ané- mie, à moins que les villes, les départements et les particuliers ne s'unissent pour leur fournir les moyens de vivre et de prospérer. « ILest impossible de ne pas remarquer, en outre, que la loi nouvelle va accentuer encore la situation privi- légiée de l'Université de Paris, si on la compare aux Universités de province. Paris comple, en moyenne, une population de 12.000 étudiants, tandis que les autres Universités en réunissent, à elles toutes, à peine 14.000. La seule Université de Paris va donc recueillir, à elle seule, des ressources égales, ou à peu près ‘, à celles qu'auront à se partager les 15 centres universitaires répartis sur le reste de la France ! « Vraiment on ne peut s'empêcher de songer, avec une mélancolie faite d'un peu de déception, que certaines mesures prises de bonne foi en vue de la décentralisa- lion, aboutissent, en fait, à renforcer encore la prépon- dérance de Paris et à favoriser l'attraction qui y réunit, au grand détriment des études, une masse d'étudiants aussi excessive. « Est-il absolument juste de mesurer les ressources accordées à telle ou telle Université au nombre de ses élèves ? À côté de cet élément que nous n'enteudons pas négliger, ne faut-il pas tenir compte de la valeur et des travaux du corps enseignant, de l'activité scienti- fique de l'Université, des efforts qu'elle fait et des enseignements qu'elle organise pour se mêler à la vie industrielle et commerciale des populations qui l’en- tourent ? « La question de milieu apparaît donc iei comme do- minant celle du nombre des étudiants, et, tenir compte uniquement de ce dernier facteur serait particulière- ment peu équitable à l'égard de l'Université de Nancy, voisine de plusieurs autres et serrée de près, hélas! par une frontière derrière laquelle se dresse un puis- sant établissement d'instruction supérieure, élevé par nos rivaux comme un instrument de propagande pour la science et les idées allemandes f. » Il n'y à rien à ajouter à ce plaidoyer, plein de modéralion et de patriotique angoisse, en faveur des Universités de province les plus atteintes par la nouvelle loi. Il reflète les préoccupations légi- times de la grande majorité des membres de ces Universités ct des habitants des régions qu'elles desservent. Nous osons espérer que la loi ne sera pas appliquée à la lettre et le PRESQUE qui précède les mots compensé par la suppression des chapi- tres... etc. nous confirme dans cel espoir. M. le Ministre de l'Instruction publique et surtout M. le 1 M. Blondel aurait pu ajouter, qu'eu égard au nombre considérable d'étudiants qui à Paris « paient et ne consom- ment pas dans les laboratoires et les amphithéätres », l'Uni- versité en bénéficiera d'autant, tandis qu'en province, vu leur petit nombre, tous les inscrits dépensent largement, et parfois avec usure, les sommes qu'ils versent pour les exer- cices pratiques. D'ailleurs, ia plupart des laboratoires de Paris sont de dimensions trop restreintes et trop médiocre- ment organisés, pour étre en mesure d'abriter cette masse d'élèves qui s'inscrivent aux Facultés. Tous les Chefs de laboratoires en conviennent du reste et beaucoup reconnais- sent que certaines Universités de province ont plus d'espace, sont proportionnellement mieux outillées que les labora- toires de la Capitale. Directeur de l'Enseignement supérieur ne vou- draient pas laisser périr une œuvre pour laquelle M. Liard a lutté victorieusement pendant de si nombreuses années et à laquelle il a attaché son nom. N'est-ce pas lui, d’ailleurs, qui a dit en parlant des Universités: « Elles conserveront toujours avec l'Etat un cordon nourricier ; mais il faut aussi qu’elles soient enveloppées d'un placenta local!. » V. — L'ESPRIT PUBLIC EN MATIÈRE D'ENSEIGNEMENT. Nous avons vu avec quelle continuité, avec quelle persévérante sollicitude, avec quel discerne- ment judicieux, Pouvoirs publics, Industriels et Savants veillent et s'associent, en Allemagne, pour garder au haut enseignement cette suprématie qu'il a conquise dans le monde des nations civi- lisées. Chez nul autre peuple, si ce n’est en Suisse“ et aux Elats-Unis, mais ici avec un esprit tout dif- férent, cette union n'est aussi intime qu'en Alle- magne. Chez nul autre peuple elle n’a conduit à des résultats aussi féconds pour la gloire et la richesse nationales. Les esprits y sont sans cesse en éveil pour suivre la science dans ses étapes sue- cessives, et, quand, dans son domaine si varié, il se produit une différenciation nouvelle dontles termes puissent être l'objet d'une culture, d'un enseigne- ment spécial, on s'empresse de créer ce dernier, de le doter de laboratoires, d'Instituts, pour lui per- mettre de s'épanouir et de fournir malière à des recherches nouvelles. Tel est le cas de la Chimie physique et de l'Eleciro-Chimie. Cette sollicitude pour l'Instruction supérieure se traduit encore par une sélection rigoureuse du per- sonnel de savan(s qui ont la mission de diriger les laboratoires, et par la silualion brillante, exempte de soucis, qui leur est faite. Aucune considération d'origine, de parenté et mème de nationalité n'entre en ligne de compte pour le choix des Professeurs. C'est ainsi que l'Académie des Sciences etl'Univer- sité de Berlin viennent de s'adjoindre, dans les conditions les plus brillantes pour l'élu, M. le Pro- fesseur Van't Hoff, d'Amsterdam?, le savant dis- tingué auquel la Chimie physique doit de si belles recherches. Eu Angleterre, cette union dont il est question plus haut, est loin d’exister au même degré. D’ail- leurs, les pouvoirs publies semblent encore se désin- téresser du haut enseignement. Seul, le monde des savants lutte pour la bonne cause et, comme nous l'avons vu, ses manifestalions ont trouvé de l'écho parmi quelques industriels. 1 Universités et Facultés, p. 213. Voir dans le même ouvrage un plaidoyer autrement éloquent que le nôtre contre la multiplication des Universités. 2 M. Van't Hoff, ancien élève de Wurtz, a fait une partie de ses études à Paris. un dé nt A. HALLER — L'INDUSTRIE CHIMIQUE, L'ENSEIGNEMENT ET LES UNIVERSITÉS 233 En France, berceau de la Chimie! et de la Chimie physique, c'est encore l'Elat qui supporte lout le poids de la direction scientifique et de la dotation de l'Enseignement supérieur. Sauf quelques rares exceptions, le publie, les industriels ignorent les Universités et le rôle qu'elles peuvent ètre appelées à jouer dans l'éducation nationale. Ils sont, en général, aussi indifférents au succès de ces Ecoles qu'à l'enseignement qui s'y donne. Ils ne formulent aucun avis, n'émettent aucun vœu sur la direction qu'il y a lieu de lui imprimer et sur les spécialités qu'il conviendrait d'étudier. Ils ne nous disent pas quel est, dans leur esprit, l'oulillage intellectuel dont doivent être munis les collaborateurs que les | Ecoles de haut enseignement leur préparent. Aucun journal de science pure ou appliquée n'est le confi- dent de leurs doléances ou de leurs critiques, comme en Allemagne, où loutes les publications sont mises à contribution à cet effet?. Pour toutes ces questions ils s'en remettent à l'Etat et aux repré- sentants de la science officielle à Paris. Et quand, par hasard, on consulte nos Assemblées, elles se livrent à des manifestations oratoires très élevées, dissertent sur le rôle qui incombe à la France dans l'éducation des peuples, écartent les questions vi- lales et véritablement pratiques et se bornent à émeltre des votes sur des choses secondaires. Aussi notre enseignement, par suite de son épar- pillement et du défaut de ressources, est incom- plet, présente des lacunes regrettables et est mal coordonné. La Chimie physique, pour revenir à notre sujet, n'est traitée qu'à la Sorbonne, à Grenoble et à Nancy, où depuis sept ans, sur notre demande, un de nos | jeunes mailres de conférences lui consacre bénévo- lement deux leçons par semaine, en dehors de l’en- seignement spécial dont il estchargé officiellement. Quant à l'Zlectro-Chimie, elle n'est, à notre con- naissance, enseignée nulle part dans nos Facultés”. ! On se rappelle la phrase de Wurtz : La Chimie est une science française, et les polémiques qu'elle a soulevées. Voici ce que dit, à 23 ans de distance, un des savants les plus autorisés de l'Allemagne, M. le professeur Bunte de Munich : « Daus cette pléiade d'esprits illustres qui firent entrer la « Chimie dans le cortège des sciences exactes, on voit, entre « tous, dominer le grand nom de Lavoisier. Des hommes « tels que Berthollet, Guylon, Fourcroy, Chaptal, des mathé- « maticiens comme Monge et Laplace, aussi remarquables « par la profondeur de leurs. connaissances que par la lar- « geur de leurs conceptions, s'associèrent au génie de Lavoi- « siér et imprimèrent aux débuts de la nouvelle Chimie un « cachetnettement français.» Wissenschaftlische Forschung, uod chemische Technik. Discours prononcé à l'Ecole Tech- nique de Karlsruhe le 31 octobre 1896. # Voir à cet égard les nombreux articles “publiés depuis quelques années dans Chemiker Zeitung, Chemische Inlus- trie, Zeilschrift für Angewandle Chemie, etc… * Nous sommes en instañce auprès du Conseil général de Meurthe-et-Moselle pour obtenir le vote de subsides nécessaires pour la création définilive d'un enseignement de Le savant le plus autorisé, le plus compétent en la matière, celui qui, en France, a fait faire les plus grands progrès à celte science naissante, M. Mois- san, est professeur de Toxicologie à l'Ecole de Pharmacie de Paris!!! La Facullé des Sciences de Berlin a 26 enseigne- ments de Chimie, dont 5 ou 6 de Chimie appliquée, tandis qu'à la Sorbonne il n’en existe que 10, parmi lesquels il n'y en à pas un qui soit consacré à la Chimie industrielle. 1l convient d'ajouter que l'ou- verture d'un laboratoire de Chimie pralique, sous la direction de M. Friedel, constitue un premier pas fait vers une réorganisation nouvelle de l'en- seignement de la Chimie*à la Sorbonne. Nous ne désespérons donc pas de voir cet élat de choses se modifier. Par l'intérèét que témoignent cerlaines régions à l’enseignement supérieur, il semble qu'on veuille sortir de cette inertie, de cet engourdissement dans lequel nous sommes plongés depuis un demi-siècle. Lille‘, centre industriel par excellence, vient d'être pourvu de nouveaux Instituts de Chimie, de Physique et d'Histoire naturelle, qui ne le cèdent en rien comme magnificence aux plus beaux Insti- tuts de l'étranger. Nous ne leur faisons que le léger reproche d'être éparpillés dans la ville et de ne pas être réunis, tout en gardant chacun son autonomie, dans une même enceinte, dans un campus, comme disent les Américains. Maitreselélèves, comme aussi la Science, ne peuvent que gagner à ce côtoiement. Lyon, après avoir, il y a quinze ans, sacrifié aux vieux errements en réunissant sous le même Loit deux Facultés avec leur cortège de laboratoires, se ravise, reconnait la nécessité d’avoir des Instituts séparés, et se met en mesure de fonder un Etablis- sement destiné à abriter les deux services de Chi- mie générale et appliquée de la Faculté des Sciences, et les services analogues de la Faculté de Médecine. La municipalité a mis un terrain d'une superficie de 5.600 mètres carrés à la disposilion de l'Univer- silé pour cette, construction à laquelle l'Etat con- tribue pour 600.000 francs, la ville pour 50.000 fr., et le surplus, soit 650.000 franes, sera couvert par un emprunt gagé sur les revenus de l'Universilé. A Nancy, qui fut la première Universilé, où le principe des Inslituts séparés fut adopté et appli- qué, celui de Chimie, ouvert en 1890 avec 10 élèves environ, ne compte actuellement pas moins de 120 élèves, dont 46 qui se destinent exclusivement à l'Industrie. Son enseignement s’élargit et se sub- Chimie physique et d'Electro-Chimie à l'Institut Chimique de Nancy::Teut nous fait présager que notre demande sera fa- vorablement accueillie. 1 Voir dans la Revue générale des Sciences du 15 juin 1895 les articles de M. Moissan et de M. Matignon sur les nou- veaux Instituts scientifiques de Lille. 234 H. BRILLIÉ — LA CONSTRUCTION DES TORPILLES ET DES TORPILLEURS divise de plus en plus. Grâce à une municipalité généreuse et pleine desollicitude pour l'instruction supérieure, la Facullé des Sciences a pu inaugurer, en même temps qu'un cours d'Electricité indus- trielle, un cours de Matières colorantes, de Teinture et d'Impression. Demain, nous en avons le ferme espoir, ce sera le tour de l’Electro-Chimie. Aussi ses laboratoires deviennent-ils insuffisants. L'Ecole de Brasserie, grâce à sa prospérité crois- sante, due à l’activité infatigable de son zélé Direc- teur, se trouvant trop à l'étroit dans les locaux de l'Institut Chimique, est en train de se construire une petite usine modèle à laquelle elle consacre 60.000 francs. 6 Les enseignements nouveaux appellent des labo- ratoires nouveaux. La Teinture, la Chimie phy- sique, l'Electro-Chimie, pour être enseignées avec fruit, ont besoin d'installations appropriées. Nous avons vu plus haut comment ces sciences sont trai- tées et logées en Allemagne. Aussi, nous souvenant de ces paroles : «Il faut que les Universités trouvent sur place des sympathies, des stimulants, des sucs particuliers et de l’argent, beaucoup d'argent s'il SeApeut l», nous nous sommes adressé à l'In- dustrie de la région. Notre appel n’a pas été fait en vain et a trouvé de l'écho. La Société Solvay et Gi renommée dans le monde entier, et dont les pre- mières usines ont élé fondées aux portes de Nancy, a mis généreusement à notre disposition une somme de cent mille francs pour nous aider à mettre nos projets à exécution. Get exemple, unique jusqu à présent en France, d'une Industrie qui s'intéresse d'une façon aussi large aux choses de l'Enseigne= ment, témoigne d'unehauteur de vues et d'une clair- voyance qui fait le plus grand honneur aux hommes distingués qui sont à la tête de cette Société. Nous leur savons un gré infini de celle initiative géné- reuse et nous espérons que sur tout le territoire de la France elle appellera l'attention, elle susci- tera l’émulation des hommes qui ont à cœur de contribuer au progrès de la Science et à la prospé- rité nationale. À. Haller, Correspondant de l'Académie des Sciences, Directeur de l'Institut chimique de Nancy. L'ÉTAT ACTUEL DE LA CONSTRUCTION DES TORPILLES ET DES TORPILLEURS ‘ DEUXIÈME PARTIE : TORPILLEURS Dès l'apparition des premiers bateaux porte-tor- pilles, le torpilleur fut l’objet des plus vives polé- miques. C'est en France que l'attaque du cuirassé par le « microbe » rencontra dès le début le plus de partisans ; c'est principalement la marine fran- çaise qui se préoccupa d'étudier le torpilleur à la mer, et d'en déterminer peu à peu les dimensions les plus avantageuses après les premiers tâätonne- ments inévitables dans la construction d'un type entièrement nouveau. I. — HISTORIQUE. $ 4. — Les torpilleurs en France depuis 1874. Dès l’année 1874 la France commande un tor- pilleur en Angleterre à M. Yarrow; l'année sui- vante Ttorpilleurs sont demandés à divers construc- teurs anglais ou français ; tous, sauf le torpilleur n°1 de 95 tonneaux (chantiers Claparède), avaient un déplacement de 15 à 32 tonneaux. L'impossibi- lité pour des torpilleurs de 15 tonnes de résister à une mer un peu houleuse fut bientôt mise en évi- dence et de 1878 à 1880 on se tint presque exclusi- vement au torpilleur de 32 tonnes (27 mètres) fig. 1). Ce tonnage fut bientôt trouvé insuffisant et le déplacement fut porté successivement à 46 ton- neaux (torpilleurs de 33 mètres, type 60, chantiers Normand, 1880), 50 tonneaux (fig. 2) (torpilleurs Normand, 1882-1883) et 66 tonneaux (torpilleurs type Balny, chantiers Normand, 1884). A l'apparition des torpilleurs type Balny, les polémiques de presse élaient des plus vives. Pour la nouvelle école, le cuirassé avait vécu ; le « microbe » avait tué le « mastodonte ». Bon pour l'attaque comme pour la défense, pour les longues croisières comme pour les surprises, le torpilleur, tout au plus appuyé par quel- ques croiseurs de petit tonnage à grande vitesse, devait sillonner les mers en tous sens el couler bas tout cuirassé assez osé pour s'exposer à ses Coups ou assez malheureux pour n'avoir pu échapper à sa poursuite, La nation qui pourrait mettre en 1 Sur les Torpilles, voyez la Revue du 15 mars dernier. ! Universités et Facultés, p. 213. H. BRILLIÉ — LA CONSTRUCTION DES TORPILLES ET DES TORPILLEURS 235 ligne le plus grand nombre de ces petits bâtiments allait devenir maitresse absolue de la mer. Aussi ne parlait-on de rien moins que de supprimer les nouveaux euirassés, de démolir ceux qui étaient en chantier, de transformer ceux qui étaient en service en transports de torpilleurs. En vain fai- sail-on observer que la vie estextrémement pénible à bord de ces bateaux ; qu'il est difficile au torpil- leur de surprendre de jour un bàliment dont l'équipage est sur ses gardes et de s’en approcher les lampes électriques de l’escadre », et les torpil- leurs « feront leur œuvre pour ainsi dire à coup sûr ». Enlin, si le torpilleur tient mal la mer, si les avaries de machines sont fréquentes, si la vitesse où l’approvisionnement de charbon sont insuffi- sants, c'est que « sous la pression de l'opinion publique, on se voit forcé de construire quelques torpilleurs ; mais on s'arrange de manière à ce qu'ils ne vaillentrien pour pouvoir dire ensuite que l'essaien a échoué, qu'il n'ya plus qu'à y renoncer ». Fig. 1. — Torpilleur 22 (construit dans les chantiers Claparède en 1871). — Déplacement : 32 tonnes; longueur : 27 mètres. sans succomber sous les projectiles ennemis ; que, la nuit, les projecteurs peuvent empêcher les attaques par surprise; que le torpilleur résiste mal aux mauvais temps, el que ses machines, d'une grande légèrelé, sont sujettes à des avaries qui paralysent le bäliment et compromettent grave- ment sa sécurité. Les partisans du torpilleur avaient réponse à tout: les fatigues de l'équipage Quant aux dimensions à donner au torpilleur, elles étaient trouvées; le 33 mètres avait fait ses preuves; adopter un plus grand tonnage, c'était enlever au torpilleur sa qualité essentielle de bateau invisible. Les plus vives protestalions accueillirent la mise en chantier des torpilleurs type Balny; on alla jusqu'à prétendre que l’on cherchait à faire condamner le lorpilleur en lui Fig. 2. — Torpilleur 63 (construit par MM. Normand et Cie en 1881). — Déplacement : 50 tonneaux; longueur : 33 mètres. et dés officiers à bord du torpilleur formeront les marins et remédieront à « l’affaiblissement des caractères » ; si un torpilleur isolé ne peut attaquer avec succès un cuirassé puissamment défendu, huit, dix torpilleurs, arrivant simultanément à toute vitesse de tousles coins de l'horizon, en viendront à bout ; «pour le prix d’un cuirassé, on aurait au moins soixante torpilleurs ; il n'y a pas d'escadre qui soit en mesure de résister à l'attaque d'une pareille flottille, même en plein jour et sans la moindre surprise ». La nuit, pour enlever à l'ennemi tout moyen de défense, « les canonnières tireront sur donnant des dimensions incompatibles avec le rôle qu'il avait à remplir. Devant les protestalions de la presse et malgré les rapports des officiers de marine qui constataient que le torpilleur de petit tonnage ne pouvait tenir la mer sans fatigue insurmontable pour le per- sonnel et même sans danger, on s'arrêta dans la voie dans laquelle on s'était engagé depuis 1879 d'augmenter le déplacement des lorpilleurs dits « autonomes » destinés à s'éloigner des côtes; on fit même un pas en arrière et, par une sorte de compromis devant donner satisfaction aux officiérs : 936 H. BRILLIÉ — LA CONSTRUCTION DES TORPILLES ET DES TORPILLEURS de marine qui trouvaient le 33 mètres trop petit, aux partisans déclarés du lorpilleur qui trouvaient le Lvpe Balny (41 mètres) trop grand, on voulut créer un lype intermédiaire. La longueur en fut d'abord fixée à 34 mètres ; les plans furent remaniés à différentes reprises : les marchés primitifs passés grave que leur insuffisance de vilesse; la première année de leur mise en service, deux torpilleurs. appartenant au nouveau type, le 99 et le 100 enga- gèrent et furentsur le point de chavirer pendant les manœuvres; les «35 mètres » se comportaient mal à la mer par mauvais temps: leur manque de stabi- Fig. 3. en 1885 furent modifiés l'année suivante ; au cours de la construction, la longueur fut portée de 34 à 35 mètres. Cinquante et un torpilleurs du type furent commandés à la fois. Malheureusement les compromis, les tätonnements, les modifications suc- cessives d’où était sorti le torpilleur de 35 mètres, ne pouvaient donner de bons résultats; les essais — Torpilleur de 35 mètres après transformation (1890) — Déplacement : 55 tonnes. lité inspirail de sérieuses inquiétudes aux officiers chargés de les commander. L'avenir devait mon- trer que ces inquiéludes n’élaient que trop justi- fiées. Le 1® mars 1889, six torpilleurs de Toulon, après avoir manœuvré loute la journée aux envi- rons de Bandol, regagnaient leur port d’atlache en ligne de file lorsque, tout à coup, on vit le 102 Fig. 4. — Torpilleur n° 153, à son essai de grande vilesse (construit par MM. Normand et Cie). — Déplacemeut : T tonnes; longueur : 36 mètres; vitesse : furent des plus laborieux; les chaudières élaient insuffisantes, et, pour réaliser la vitesse prévue, on dut pousser la chauffe à outrance et brûler jusqu'à 100 kilos par mètre carré de grille. Les chaudières, pour la plupart, ne purent résister, et donnèrent des fuites imporlantes aux tubes à chaque sortie; finalement, elles furent rebutées et les fournisseurs durent pourvoir à leur remplacement; après de laborieux essais, les torpilleurs furent erfin recus avec une vitesse moyenne de 49 nœuds. On ne devait malheureusement pas larder à cons- taler que les 35 mètres présentaient un défaut plus PET If): qui passait alors à quelques centaines de mèlres de l'ile des Embiez, se coucher sur le flane el se retourner la quille en l'air. La mer était maniable et rien ne pouvait faire prévoir une telle catas- trophe. Remorqué par les autres torpilleurs du groupe sur de petits fonds, le 102 coulait trois quarts d'heure environ après avoir chaviré par 15 mètres d'eau. Le torpilleur put être renfloué, mais trois matelots de pont et le personnel de la machine et de la chaufferie élaient victimes de l'accident. Trois semaines plus tard (21 mars 1889), quatre H. BRILLIÉ — LA CONSTRUCTION DES TORPILLES ET DES TORPILLEURS torpilleurs partaient du Havre pour Cherbourg ; près de Barfleur la flottille fut assaillie par un grain des plus violents et les Lorpilleurs se trouvèrent en face d'une mer démontée ; au bout de quelques minutes ils se perdaient de vue. Le 55 (un 27 mètres, Chan- tiers Normand) put regagner le Havre sans inci- . dent; le 71 (un 33 mètres, Chantiers Normand) et le 411 (35 mètres) parvinrent à Cherbourg, non sans avoir couru de grands dangers; le 111 faisait 237 côtes ont été mis en chantiers après les 35 mètres sur les plans de MM. Normand; ce sont les torpil- leurs tÿpe 130 de 34 mètres et 53 Lonneaux (1889) et les torpilleurs type 126, de 36 mètres et 79 ton- neaux (1888). Bien que de dimensions analogues à celles des 35 mètres, les torpilleurs type 130, qui ont dépassé 21 nœuds aux essais, se sont montrés très marins en service; on ne peut que leur repro- cher leur faible tonnage, qui limite nécessairement Fig. 5. — Le DraGow, lorpilleur de haute mer, à son essai de grande vitesse (construit par MM. Normand et Cie). Déplacement : eau de loutes parts; les tôles étaient défoncées, la coque plissée en maints endroits. Quant au 110 (35 mètres), ilavait à jamais disparu. On ne retrouva que quelques épaves qui semblèrent indiquer que le bateau n'avait pas chaviré, mais avait plutôt coulé à pic, cassé en deux sans doute par la vio- lence des lames. L'état dans lequel le 111 avait 120 tounes : longueur : D | | 42 mètres; vitesse : 25 nœuds. leur rayon d'action. Les lorpilleurs de 36 mètres eur sont à ce point de vue bien supérieurs; leur distance franchissable dépasse 1.800 milles à la vitesse de 10 nœuds; les logements des officiers et de l'équipage sont aussi confortables qu'on peut le désirer sur des bâtiments de cette dimension; la tenue à la mer à toujours été des plus remar- Fig. 6. — Le Fonrsax, lorpilleur de haute mer, à son essai de grande vitesse (construit par MM. Normand et Cie). Déplacement : 136 tonnes; regagné Cherbourg parait donner quelque vraisem- blance à cette hypothèse. D'importantes modificalions furent failes à tous les 35 mèlres (fig. 3); la disposition des tubes lance-lorpilles fut modifiée, les formes de l'avant | changées, les coques consolidées; malgré ces amé- liorations, ces bateaux restent bien inférieurs aux torpilleurs type Balny et même aux torpilleurs de 33 mètres. Deux nouveaux types de torpilleurs de défense des REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897. longueur : 44 mètres; vitesse : 31 n. 029. des 25 quables; enfin ils ont atteint vitesses de 25 nœuds et 25 n. 5 (le 187 a donné 25 n. 7) dépas- sant de beaucoup tous les torpilleurs'étrangers de même déplacement (fig. 4). Depuis cinq ans, tous les torpilleurs de défense des côtes mis en chan- tiers pour la marine française sont des torpilleurs type 126; dernièrement leur longueur a été légère- ment augmentée et portée à 37 mètres. Tous les différents types de torpilleurs que nous venons d'énumérer forment le groupe des torpil- 6* 238 H. BRILLIÉ — LA CONSTRUCTION DES TORPILLES ET DES TORPILLEURS leurs de défense mobile, rattachés à la Direction | rattachés aux escadres, doivent suivre les croiseurs des défenses sous-marines et deslinés à rester près des côtes. Ils sont répartis, suivant leurs dimensions, en trois classes. Les torpilleurs de et cuirassés dans leurs évolutions, et être capables d'affronter la mer par tous les temps. Le premier torpilleur de haute mer construit en Fig. 1. — Le Destroyer anglais Rocket à son essai de grande vilesse (construit par MM. J. et G. Thomson, de Clydebank). 33 mètres, déclarés « lorpilleurs autonomes » à l'époque de leur mise en service, sont déchus maintenant au rang de torpilleurs de seconde classe ; les torpilleurs type Balny, de haule mer France est l'Ouragan (1887) sorli des Ateliers et Chantiers de la Loire à Saint-Nazaire. Depuis cette époque, de nombreux torpilleurs de haute mer ont été livrés à la marine par la même Société, par Fig. 8. — Deshroyer russe Sokoz (construit par MM. Yarrow et Cie). en 1885, ne sont plus que des torpilleurs de 1" classe. Les torpilleurs de 36 mètres eux-mêmes, malgré leurs 80 tonneaux, ne sont pas rangés parmi les torpilleurs de haute mer. Ces derniers, dont le déplacement dépasse 100 tonneaux, sont les Chantiers et Ateliers de la Gironde, la Société des Forges et Chantiers de la Méditerranée et sur- tout par MM. Normand. Les torpilleurs de haute mer Normand repro- duisent à peu près les formes des lorpilleurs de H. BRILLIÉ — LA CONSTRUCTION DES TORPILLES ET DES TORPILLEURS 239 36 mètres ; ils ont été l’occasion pour l'éminent cons- tructeur des plus brillants succès : l'Avant-Garde, qui devait malheureusement se perdre quelques mois plus tard sur les côtes du Portugal dans sa traversée de Cherbourg à Toulon, donne 21 nœuds en 1889 ; l'Archer, avec les machines et chaudières de l'Avant-Garde, donne 20 n.8; les torpilleurs Dragon (fig. 5), Grenadier, Lancier, Ariel, Flibus- tier dépassent largement la vitesse de 25 nœuds; l'Aquilon donne 26 n. 16; le Chevalier (1893), avec ses 27 nœuds, se met au niveau des plus rapides torpilleurs étrangers ; enfin le Forban (fig. 6) (sep- tembre 1895) dépasse en vitesse tous les torpilleurs du monde en réalisant la vitesse de 31 n. 029. S 2. — Les torpilleurs à l'étranger. Parmi les constructeurs de lorpilleurs à l’étran- ger, nous citerons : en Angleterre MM. Thornycroft et Ci: de Chiswick, Yarrowet C° de Poplar, White de East-Cowes, M. Laird de Birkenhead, M. Thom- son de Clydebank, etc.; en Allemagne M. Schi- chau d'Elbing; et enfin en Amérique M. Herreshoff à Bristol. A l'étranger, aussi bien qu'en France, on chercha tout d'abord à réaliser le torpilleur de tonnage minimum : en 1873, M. Thornycroft fournit à la Norvège un torpilleur de 15 nœuds, le asp, dont le déplacement n’est que de 16 tonneaux. Le pre- mier torpilleur anglais, le Lightning, sorti en 1877 des chantiers Thornycroft (18 n. 55), n’alteignait pas 30 tonneaux. Plusieurs torpilleurs de mêmes di- mensions furent fournis à la marine anglaise de 1877 à 1880 par MM. Thornycroft, Yarrow et White. L’amirauté anglaise devait renoncer beaucoup plus vite que la marine française aux torpilleurs de tonnage moyen, trop lourds pour être embar- qués, trop petits pour tenir la mer. À partir de 1880, les lorpilleurs construits pour l'Angleterre se répartissent en deux groupes bien distincts : les torpilleurs de seconde classe destinés à être embar- qués sur des navires d’escadre el dont le lonnage varie de 12 à 18 tonneaux, les torpilleurs de pre- mière classe dont le déplacement est au minimum de 60 tonneaux. Ce n’est que cinqannées plus tard que l’on devait mettre en chantiers, en France, des torpilleurs de même déplacement. Le tonnage des torpilleurs anglais de 1"° classe a été sans cesse en augmentant; les plus récents ont de 85 à 130 tonneaux. Les torpilleurs allemands atteignent des déplacements analogues. En 1893 apparaissent les premiers Destroyers de l’amirauté anglaise. Comme formes, construc- lion, emménagements, les destroyers ne diffèrent pas des torpilleurs proprement dits. Bien qu'ils soient armés de tubes lance-torpilles et suscep- tibles par suite d'être utilisés comme torpilleurs, ils ont principalement pour rôle de détruire les torpilleurs ennemis; ils ont reçu à cet effet un puissant armement en canons à lir rapide (géné- ralement un canon de 76 et cinq canons de 57), leur vitesse est considérable (27 à 29 nœuds), leur déplacement atteint 220 tonneaux et 280 lonneaux et doit leur permettre par mauvais lemps de mieux conserver leur vitesse que les torpilleurs plus petits qu'ils auront à poursuivre (fig. 7 et 8). II. — DESCRIPTION DU TORPILLEUR. Les différents types de torpilleurs, de défense mobile ou de haute mer, français ou étrangers, ne présentent pas de différences fondamentales dans leurs emménagements; nous ne nous arrê- terons pas par suite à décrire un type particulier et nous nous contenterons d'indiquer sommaire- ment les dispositions d'ensemble généralement adoptées (fig. 9). Le torpilleur est divisé intérieurement en com- partiments distincts par des cloisons étanches trans- versales; ces cloisons doivent être süffisamment nombreuses et rapprochées pour que l’envahisse- ment par l’eau d’un compartiment quelconque n'en- traine pas la perte du bâtiment. A l'extrême avant, on trouve tout d'abord un compartiment fermé A (fig. 9), destiné à rester vide.et à limiter les voies d’eau en cas d’abordage. Le deuxième compartiment B est de trop faible hauteur pour être habitable ; aussi est-il utilisé pour renfermer divers objets de matériel et assez sou- vent les caisses à eau de l'équipage. C'est égale- ment dans ce compartiment que se trouve le puits du gouvernail-avant dont sont munis beaucoup de torpilleurs. Puis vient le poste de l'équipage C, généralement séparé en deux par une « demi-eloison » montant un peu au-dessus de la floltaison; cetle cloison, tout en laissant libre communication de l'avant à l'arrière du poste, est suffisamment élevée pour arrêter l'envahissement de l’eau. Le poste de l'équi- page renferme les organes de manœuvre du tube lance-torpilles d’étrave T. On peut y loger une ou plusieurs torpilles de réserve !’ et des munitions. En abord, des caissons pouvant servir de banes et de couchettes renferment les effets des hommes. Des hamacs peuvent êlre suspendus dans toute l'étendue du poste pour le couchage. A l'arrière du poste de l'équipage s'élève le kiosque du commandant K, renfermant la plate- forme de l'homme de barre avec le compas de route el une roue à bras. Dans tous les torpilleurs modernes, le gouvernail g est commandé par l’in- termédiaire d'un «servo-moteur » x qui peut se trouver à l'avant du kiosque commandé directe- 240 H. BRILLIÉ — LA CONSTRUCTION DES TORPILLES ET DES TORPILLEURS L' = É ment par la roue à bras, ou dans un des compar- ie AT timents de l'arrière (chambre des machines ou 2e | | compartiment extrême arrière). Le kiosque-avant SB% Fe renferme encore des manipulateurs pour les si- É gnaux électriques, les leviers pour la mise de feu ae des tubes, les timbres, transmetteurs d'ordres et HE porte-voix pour les machines, etc. Ses La chaufferie D est parfois séparée du poste de. sr l'équipage par une soute à charbon. Des soutes ZE latérales s s'étendent de chaque bord le long des ee chaudières et se prolongent quelquefois jusque par CES le travers des machines; le charbon constitue une FES protection sérieuse contre les projectiles de petit & calibre. En France, les torpilleurs de défense mobile ou de haute mer n'ont qu'une seule chaufferie; pres- que tous les torpilleurs de haute mer et quelques torpilleurs de défense mobile ont deux chaudières avec rue de chauffe > commune. Les torpilleurs à une chaudière (fig. 10) ont généralement la rue de chauffe à l'arrière de la chaufferie, ce qui permet au personnel mécanicien de communiquer avec les chauffeurs par un hublot ménagé dans la cloison. A l'étranger, un certain nombre de torpilleurs ont deux chaufferies distinctes qui sont souvent pla- cées, l’une à l'avant, l'autre à l'arrière de la chambre des machines (fig. 11). Le compartiment des machines D renferme, outre les appareils moteurs, un certain nombre de ma- chines auxiliaires, telles que dynamo, bouilleurs, pompes d'épuisement, pompes de compression pour les torpilles, etc. Nos lorpilleurs de défense mobile n'ont qu'une machine motrice; presque tous les torpilleurs de haute mer ont deux ma- chines. Le logement des officiers, généralement situé à l'arrière des machines, comprend en France, sur les derniers torpilleurs construits, un carré H (fig. 9) 2 chambres G, un office et la bouteille. Sur quelques torpilleurs étrangers, comme le Æalke, construit par Yarrow pour le gouvernement autri- chien, et un certain nombre de torpilleurs amé- ricains, le logement des officiers est à l'avant et celui de l'équipage à l'arrière. Après le logement des officiers, sont le poste des :SOIJIBUL S9P 91QUIEUO * 2] JUDAJUOT D SSD: 20 vert ven - [ ‘M ‘Sanosuopuos ‘p ‘p ‘souryo p W 1 : 907 9[ SURP 9SIU 91} ‘oxnue-onbsor SI9197J0 SaP 91quEU9 ‘1 "SANnal AQU? SjuawuabDuaun S X ‘M ‘94AJ9s91 9p ofrrdao ‘ 94109 ‘I : ‘4 {saqnos ‘s ‘queav-anbsor ‘ç {sareur sap asod ‘J $ np quourpiedtuoo M fquouaeduoo atuarxnep ‘q ‘jueae Juammivduoo ‘y — ‘aor[ouq ‘y É[lEuIaANOS ‘À ÉsjleuIeANOS Sap SAy9ou ‘ju ‘w {INoJOU-OAI9S ‘a: Jnejerrquea ‘a ‘@ SSaietpneuo ‘2 ‘2 ‘apneyo ap ani © [el < © #3 [=] = à ae maîtres I, et enfin le coqueron J, qui sert de ma- æ . # 4 LE gasin général. es : : : : u Se Tous ces divers compartiments ne communiquent se généralement pas les uns avec les autres ; on ne LE peut y avoir accès que par les panneaux du pont. Ets Sur certains torpilleurs, il existe toutefois une De. , . . =: 46% porte étanche entre le compartiment des machines se et la chaufferie. $Te SIDE Les emménagements du pont comprennent, en E ES allant de l'avant à l'arrière : ee 4° L'installation des anceres avec un treuil à bras H. BRILLIÉ — LA CONSTRUCTION DES TORPILLES ET DES TORPILLEURS placé le plus souvent sur le pont à l'avant du kiosque ; 2 Un mât de signaux, généralement placé, pour les torpilleurs français, par le travers du kiosque avant; 3° Le kiosque-avant K, muni de hublots dans les différentes directions, et qui peut recevoir à sa partie supérieure un Canon ou un projecteur ; 4° Le roof de la cuisine; 5° Le kiosque-arrière K', qui peut, comme le kiosque-a vant, recevoir un projecteur, un canon à tir rapide ou encore un compas de relèvement ; 6° La roue de navigalion de l'arrière. Aux divers compartiments correspondent des panneaux qui permettent d'y accéder du pont; l'aéralion est oblenue par ces panneaux ou par des manches à air; des claires-voies et des hublots, qui peuvent être fermés par des tapes-pleines en cas d'attaque de nuit, assurent l'éclairage intérieur pendant le jour. Un assez grand nombre de {orpilleurs ont reçu une mäâture formée de deux ou trois mâts légers, qui leur permet de faire, en temps de paix, de longues traversées sans consommer de charbon. Les canons à tir rapide, quand ils ne sont pas placés sur les kiosques, sont disposés, en général, de chaque bord un peu en arrière du kiosque-avant. La position des tubes lance-torpilles est va- riable. Sur un grand nombre de bateaux, Pavant est muni d’un tube fixe dont l’extré- milé est engagée dans un collier venu de forge avec l’étrave. Quelques torpilleurs ont même recu deux tubes d’étrave; avec les grandes vitesses que l’on obtient actuelle- ment, les tubes-avant sont souvent suppri- més. Les tubes du pont sont montés sur un chariot roulant sur une circulaire. En Angleterre, les tubes sont fréquemment groupés par deux sur la même circulaire. Quelques torpilleurs sont encore munis des installations nécessaires pour les torpilles portées. Une hampe rigide installée à l'avant du bateau permet de donner à la torpille une immersion de 2 mètres à 22,50 à une aistance de 7 à 8 mèlres en avant de l'étrave; la ma- nœuvre de la hampe se fait au moyen d’un treuil au moment de l'attaque. III. — ConNsTRUCTION. Les torpilleurs sont construits en tôles et cornières d'acier zingué. Les matériaux em- COmpart mmertt du gouvernaiL ovart Poste de l'eguypage EE A RELGE MAIL À JE IL 2 vas SEA aus ë site P\ CA C2be Cluunbre du néoaiéctert Coquerort 241 ur et la disposition intérieure. = = = e] Ce] © Azon (co Fig. 10, — Torpilleur espagnol 242 H. BRILLIÉ — LA CONSTRUCTION DES TORPILLES ET DES TORPILLEURS ‘ST A ap uayngt una sa SOIR S2p 21UPUO BI 258070 algnuaud Xn9P S9[ 91JU9 990$ } “ININ ded qmarsuo9) *Sa121p NE (019 OM A ONE X. {“inol|td107 99 SUU(T 107 UN,p 2dN09 9 UOUDAAY — * 19/9N09 D U0QAD U0197009 AUOT SD17 2 4 $D.4Q D S24U0T ter ‘207 2D ANT | dl: ll U | | 1} LÉ ES FN à Ÿs SUR S VS à LS SD1Q D 200 T 21 D 4 (27204740 ployés sont de qualité supérieure et doi- vent, pour les torpilleurs français, pro= -venir exclusivement d'acier obtenu au four Martin-Siemens.La membrure trans- versale est formée par les couples étan= ches, des couples renforcés ou porques, formés d'assemblages de tôles et cor- nières, et des couples ordinaires, con= stitués par une simple cornière assem= blée dans les fonds avec une tôle va- rangue. Une carlingue centrale ou deux carlingues latérales constituent avec le bordé les liaisons longitudinales. Le bordé est à clins, sauf le bordé de pont dont les tôles sont à franc bord. L'épais- seur des tôles varie généralement de 2 à 5 millimètres. Il y a un intérêt considérable, au point de vue de la vitesse, à ce que la coque du torpilleur soit aussi légère que possible, les économies de poids que l'on peut faire sur la construction permettant d'avoir, à égalité de déplacement, des machines plus puissantes. Les torpilleurs de 33 mètres et de 35 mètres, qui ont eu à subir de violents coups de vent, ont eu leurs tôles plissées, et les liaisons de la coque présentaient de sérieuses traces de fatigue; plusieurs torpilleurs de haute mer ont dû recevoir d'importantes con - solidations, principalement à l'avant, au bout de quelques années de service : la légèreté de coque avait élé poussée à l'excès. Sur les torpilleurs plus récents, la construction est plus robuste et les ba teaux se sont bien comportés; mais les échantillons actuels doivent être consi- dérés comme des minima au-dessous desquels on ne saurait descendre sans danger. Les efforts que supportent les tôles sous le choc des lames sont con- sidérables; quand le torpilleur passe dans le creux ou sur le sommet d'une vague, la coque subit un effort de flexion qui fatigue principalement les tôles du pont. On a calculé que ces efforts atlei- gnent une valeur de 10 kilos par milli- mètre carré pour le destroyer anglais le Daring. ne paraît pas prudent d'expo= ser les tôles et cornières d'acier à des charges supérieures; aussi la nécessité d'obtenir des vitesses de plus en plus rapides et, par suite, des coques de plus en plus légères a-t-elle conduit à recher- cher la légèrelé par d'autres moyens. Les nombreux progrès réalisés depuis … dé “ét tiiÉinu H. BRILLIÉ — LA CONSTRUCTION DES TORPILLES ET DES TORPILLEURS 243 quelques années dans la métallurgie de lalumi- nium ont fait songer à employer ce métal pour les coques légères. La France a précédé les autres puissances dans cette voie. La construction du yacht en aluminium le Vendenesse avait montré le parti que l’on pouvait lirer du nouveau métal; en 1894, la marine commandait à M. Yarrow un lor- pilleur en aluminium sur les plans des torpilleurs de seconde classe anglais. Ce torpilleur a été fait entièrement en tôles d'alu- minium; l'épaisseur des tôles du bordé et des cloisons étanches varie de 2 à 4 millimètres ; les membrures sont faites de cornières et varangues en aluminium; toutefois, dans la région des ma- chines et des chaudières, les membrures sont en acier. Les rivels sont en aluminium, sauf les rivets du pont. Bien que la plupart des échantillons des torpilleurs de seconde classe anglais aient été aug- mentés de 25 °/,, comme la densité de l'aluminium est environ le tiers de celle de l'acier, l'emploi de l'aluminium a permis de réaliser une économie de poids d'environ 50 °/,, soit 2 tonneaux, sur les tôles et membrures de la construction. L'aluminium ayant été employé pour un certain nombre d’acces- soires de coque et de machines, on peut évaluer à 2 t. 1/2 le gain lotal de poids qui a été réalisé. La coque avec ses emménagements et ses accessoires pèse environ 4 lonneaux, la machine 2 t. 400 et la chaudière 3 tonneaux. La machine à triple expan- sion est identique aux machines des lorpilleurs Yarrow de seconde classe; la chaudière est du système Yarrow. Le torpilleur, avec une allure de 590 tours aux machines et une puissance de 270 che- vaux, a donné une vitesse de 20 n. 576, supérieure de plus de 3 n.1/2 à celle des torpilleurs construits en acier. Malgré ce brillant succès, on ne peut con- sidérer comme résolue la question de l’aluminium; le prix encore élevé de ce métal, malgré tous les progrès réalisés à ce point de vue depuis quelques années, en limite nécessairement l'emploi ; d'autre part, il reste à trouver le moyen de protéger effi- cacement les tôles d'aluminium contre la corrosion ; sous l’action de l'eau de mer ou simplement de l'air chargé d'humidité, l'aluminium est rapidement attaqué, surtout en présence des pièces de bronze. De nombreux essais de peinture ont été faits, au- cune solution définitive n’a encore été trouvée. En Angleterre, l’aluminium a été employé sur quelques torpilleurs pour des tubes lance-torpilles et divers accessoires. On est arrivé ainsi à une économie de poids de 3 à 4 tonneaux sur les tor- pilleurs de première classe armés de 3 tubes. L'aluminium a également été employé pour dif- férents accessoires de coque sur le Soko/, destroyer de 30 nœuds, construit par M. Yarrow pour le gou- vernementrusse.Un essai des plus intéressants à élé fait sur ce torpilleur pour la substitution à l'acier ordinaire d’un acier au nickel, dont la résistance est supérieure d'environ 30 °/, à celle de l'acier ordi- naire. Les échantillons ont pu être notablement ré- duits et une sérieuse économie depoidsaété réalisée. Sur les nouveaux destroyers en chantiers, dont la vitesse prévue est de 30 nœuds, M. Thornycroft a recours également à un acier spécial dont les qualités exceptionnelles (62 kilos de résistance par millimètre carré, 10 °/, d'allongement) permettent une réduction notable des échantillons. Pour défendre les torpilleurs contre la mous- queterie ou les projectiles des pièces de petit calibre on a songé à diverses reprises à les munir de tôles épaisses susceptibles de protéger les machines et chaudières. En 1888, Yarrow construi- sait pour le gouvernement japonais un torpilleur à deux hélices, le Aotaka, protégé par un blindage de pont d'environ ? centimètre 1/2. En 1888, les chantiers Orlando ont fourni au gou- vernement italien un torpilleur de 42 tonneaux, le Falum, muni à l'avant de tôles prolectrices dispo- sées en V s'étendant de l'avant du kiosque du com- mandant à l'avant de la chaufferie. Ces tôles, d’une épaisseur de 2 centimètres 1/2 environ, protègent l'appareil moteur contre un tir d’enfilade. Elles abritent en même temps deux puissants éjecteurs destinés à combattre les voies d’eau. La question du blindage des lorpilleurs, agitée à plusieurs reprises, est tombée d'elle-même devant les progrès de l'artillerie à tir rapide. On ne pour- rait songer actuellement à proléger d’une façon efficace le torpilleur qu'en adoptant des épaisseurs de tôle incompatibles avec le faible tonnage et la grande vitesse de ces bâtiments. La vraie défense du torpilleur est sa vitesse, qui, jointe à ses faibles dimensions, lui permet d'agir à l'improviste et de se mettre rapidement hors d'atteinte des projec- tiles ennemis. IV. — FORMES DES TORPILLEURS ET QUALITÉS NAUTIQUES QUI EN DÉPENDENT. S1. — Formes. Le tracé des formes d'un torpilleur est de la plus haute importance au double point de vue de la bonne tenue du bateau à la mer et de la vitesse qu'il sera susceptible de réaliser avec une machine de puissance donnée. Les desiderata auxquels on doit s'efforcer de répondre par un tracé judicieux des formes sont nombreux. Le torpilleur doit avoir un coefficient d'utilisation élevé : la résistance à la marche sera aussi faible que possible à toutes les allures, prin- cipalement à |’ « allure normale », c'est-à-dire à l'allure que le torpilleur peut supporter sans 244 H. BRILLIÉ — LA CONSTRUCTION DES TORPILLES ET DES TORPILLEURS fatigue pendant une longue lraversée, et à l'allure maximum. Plus l'ulilisation sera forte à l'allure | normale, plus grande sera la distance franchis- sable du torpilleur avec son approvisionnement de Fig. 12. — Coupe transversale d’un lorpilleur Thornycroft type Ariete, Coureur, elc.) par le compartiment des qou- vernails. — La roue à bras, située sur le pont, commande, par l'intermédiaire de leviers, d'une corde et d’une poulie, un arbre horizontal; celui-ci est relié à deux bras obliques ou mèches fixés aux gouvernails arqués que l’on apercoit à droite et à gauche des hélices. j charbon : à l'allure maximum, la vitesse sera pro- portionnelle à l'utilisation. Le torpilleur sera stable et capable d'affronter soit les grandes houles de l'Océan dans une longue Le lorpilleur doit enfin être confortable ; celte condition comporte deux qualités différentes : les roulis du torpilleur doivent être de faible ampli- tude et doux ; de forts roulis et des rappels brusques faliguent la coque, les machines et le personnel. Le pont du torpilleur doit rester habitable; il ne. faut pas qu'il soit balayé par la mer, ni couvert d'embruns ; les paquets de mer peuvent causer des avaries sérieuses à bord ou enlever des hommes de l'équipage; quand aux embruns, ils masquent la vue et rendent le séjour du pont très pénible. C'est uniquement par intuition et en profitant de l'expérience acquise, que l'on a perfectionné peu à peu les formes des torpilleurs. L'avant est généra- lement en forme de coin effilé ; l'arrière en forme de plan incliné au-dessus des hélices. Sur certains torpilleurs Thornycroft, l'arrière forme voûie, et deux gouvernails, un de chaque bord, continuent latéralement les formes de la coque, de sorte que les hélices se trouvent à l'intérieur d'un cylindre interrompu seulement à la partie inférieure (fig. 12). Il y a grand avantage à ce que le torpilleur ne forme pas de vague à l'avant quand il est lancé à toule vitesse. La formalion d'une vague entraine une absorption de travail et une diminution de l'utilisation ; la nuit, sous les faisceaux lumineux des projecteurs, la vague se détache en blanc sur le fond plus sombre de la mer et peut révéler la présence du bateau. En fait, un assez grand nombre de torpilleurs glissent sur l’eau à grande vilesse, presque sans produire de vague; ce fait est dù principalement à l'augmentation considé- rable de la différence du tirant d’eau ou à la «levée» quise produità grande vilesse (fig. 13). Cette levée est de plus d’un mètre à 24 nœuds pour les torpilleurs de 36 mètres et atteint 1 m. 50 environ Fig. 13. traversée, soit les lames plus courtes et plus dures qu'il rencontrera près des côtes; il pourra tenir la mer sans danger par lous les temps, même par coup de vent. Le (orpilleur doit obéir rapidement à l'action de la barre, par calme ou par brise; le diamètre du cercle de giralion sera faible, pour la marche avant et pour la marche arrière. — Le MousqueraiRs, lorpilleur de haule mer à grande construit par la Société des Forges et Chantiers de la Méditerranée, au Havre). On voit à l'avant la levée du torpilleur. vilesse (24 n.8 sur le lorban à 31 nœuds. Elle entraine un véri- table changement des formes des parties immer- gées de la carène. Le Lirant d’eau avant est, en fait, réduit à rien; souvent le brion sort de l’eau el même parfois une cerlaine partie de la quille; l'eau peut passer sans difficullé sous la carène | sans être refoulée par la coque. H. BRILLIÉ — LA CONSTRUCTION DES TORPILLES ET DES TORPILLEURS 245 S'il y a avantage à réduire à l'avant le tirant d'eau du torpilleur, il y aurait intérêt à accroître, au contraire, le tirant d'eau arrière afin d'avoir pour l'hélice une immersion aussi grande que possible; mais l'augmentation de tirant d'eau est nuisible au point de vue mili- taire ; le torpilleur est destiné à naviguer près des côles, à se cacher dans les moindres anfrac- tuosités; il faut qu'il puisse passer partout, sans être arrêlé par un tirant d'eau trop élevé. Avec les grandes vitesses que l’on demande maintenant à ces bâtiments, il est difficile d'adopter un tirant d’eau ou hélice inférieur à 2%,30:; les torpilleurs à une seule hélice munis d’un crochet de quille qui reçoit la ferrure inférieure du gouvernail ont un la République Argentine vont à la voile de Londres à Buenos-Ayres; l'un d'eux met soixante-douze jours à parcourir les 7.200 milles de la traversée. L'hélice avait été enlevée pour ne pas offrir de résistance à la marche; et le torpilleur avait recu deux mâts et une voilure complète (fig. 14). Une fausse quille avait été disposée sur une longueur d'environ 20 mètres dans la région milieu. En 1882, 5 torpilleurs Yarrow de 33 mètres et de 55 tonneaux environ de déplacement(type Batoum), vont isolément par leurs moyens de Londres à Rio- de-Janeiro, et arrivent tous à destination, malgré le mauvais temps que deux d'entre eux ont à subir en route. Enfin des torpilleurs anglais sont allés de Londres Fig. 14. — Torpilleur Yarrow ayant fail sous voiles la traversée de Londres à Buenos-Ayres (1881). Cette traversée de 7.200 milles a été faite en 72 jours. tirant d’eau arrière d'environ 2%,60. Il est à noter qu'à grande vitesse, par suite de la levée du bâti- went, le tirant d’eau réel à l'arrière est notablement accru; l’'augmentalion est d'environ 55 centimètres à 24 nœuds pour les torpilleurs de 36 mètres et à 31 nœuds pour le Forban. $ 2. — Qualités nautiques. Grâce aux soins apportés dans le choix des formes des torpilleurs, ces petits bâtiments sont en général très marins et susceptibles de faire de longues traversées; déjà en 1879; M. Yarrow en- voyait de Londres à Brest des vedettes qui fai- saient le voyage sans incident (34 heures à une vitesse moyenne de 15 nœuds). Peu de temps après 10 torpilleurs Schichau vont d’Elbing à Saint- Pétersbourg et se comportent très bien pendant toute la traversée. En 1880, le Zatoum va de Londres à Nicolaiëff {5.000 milles). L'année suivante 2 lorpilleurs pour en Australie, mettant à la voile pour la traversée de l'Océan Indien. En 1886, Schichau livre au gou- vernement chinois un torpilleur de 24 mètres qui va par ses moyens jusqu'en Chine. En 1888, des lorpilleurs Yarrow vont à Guaya- quil (Équateur) (10.670 milles) et Hong-Kong. Les torpilieurs français n'ont pas eu l’occasion de faire d'aussi longues traversées. Plusieurs tor- Pilleurs de 36 mètres ou de haute mer ont été envoyés de Cherbourg à Toulon; les torpilleurs Pernow, Sestroretsk, sortis des chantiers de M. Nor- mand, sont allés du Havre en Russie; les torpil- leurs 128 et 129 ont suivi l’escadre à Cronstudt. Tous ces bäliments se sont parfaitement comportés à la mer même par mauvais temps. A côlé de ces heureuses traversées, nous devons malheureusement signaler de tristes catastrophes. Nous avons relalé déjà la perte des torpilleurs 102 et 110. Plus récemment le lorpilleur 20, parti de Saint-Nazaire pour Rochefort avec le 119, a chaviré 246 H. BRILLIÉ — LA CONSTRUCTION DES TORPILLES ET DES TORPILLEURS en vue de l'ile d’Aix. Après s'être redressé, le tor- pilleur à coulé bas en quelques instants. Les marines étrangères ont eu à déplorer des pertes analogues : en octobre 1890, le torpilleur italien 105 a disparu dans une tempête. En 1893, un torpilleur de seconde classe anglais a chaviré. Tout récemment le torpilleur Schichau n° 41 de 88 lonneaux s’est perdu dans la mer du Nord avec 13 hommes d'équipage. Eu égard aux faibles dimensions des torpilleurs el aux mauvais temps que ces petits bäliments ont eu maintes fois à affronter, les accidents ont élé en somme assez rares et l’on peut dire qu'entre les mains d'un habile commandant, le torpilleur mo- derne de tonnage analogue à celui de nos torpil- leurs de première classe peut affronter la mer à peu près par tous les temps. V. — PERFECTIONNEMENTS APPORTÉS AUX CHAUDIÈRES DE TORPILLEURS. L'accroissement continu du déplacement des torpilleurs et de la vitesse que l’on a exigée de ces pelits bâti- ments à entrai- né une augmen- tation considé- rable de la puissance des Fig. 15. — Dispositif de sécurilé Yarrow pour prévenir les retours de flammes. machines. Avec — C, cloison complète séparant la chaufferie en denx compartiments A et B; . p, porte se soulevant par la poussée de l'air; V, ventilateur. La flèche inférieure une puissance indique l'arrivée de l'air au cendrier. de 400 chevaux, le Lighining, dont le déplacement ne dépassait pas 27 tonneaux, donnait une vitesse de 19 nœuds. Il a fallu dépasser 4.600 chevaux sur le Daring pour réaliser une vilesse de 28 n. 21, et il faut des ma- chines d'environ 6.000 chevaux sur les derniers destroyers pour obtenir des vitesses de 30 nœuds. Pour réaliser 32 ou 33 nœuds comme le demande actuellement l’Amiraulé anglaise, il faudra déve- lopper avec les destroyers une puissance d’au moins 8.000 chevaux. Depuis vingt ans, tous les constructeurs s'ingé- nient à perfectionner les machines, à les rendre légères en même temps que robustes, peu encom- | brantes tout en étant faciles de conduite ou de dé- montage, économiques aux différentes allures, tout en conservant la plus grande simplicité possible. L'usage du vase clos a permis d'augmenter nota- blement la puissance de vaporisation des chaudiè- res. Un ventilateur refoule dans la chaufferie close de toutes parts de l'air, qui ne trouve d'autre issue que par les grilles. Il en résulte un tirage énergique qui permet de brûler de 300 à 400 kilos par mètre carré de grilles. Des pressions de vapeur de plus en plus élevées ont élé adoptées; on est monté de 8 à 10 kilos, puis à 12; de nombreux types de chau- dières ont été inventés et ont permis d’alteindre des pressions de 14 kilos et plus; les machines à triple expansion ont remplacé les machines Compound à deux ou trois cylindres; quelques torpilleurs (le torpilleur Bathurstde Yarrow pour le gouvernement argentin, des torpilleurs Herreshoff) ont même recu des machines à quadruple expansion. Les cylindres ont été munis de chemises, de fonds et couvercles à circulation de vapeur. En vue d’obte- nir des machines robustes etlégèrées, on a substitué l'acier à la fonte, au fer et au bronze. On a même essayé de faire usage de l'aluminium pour certaines pièces de machines telles que les tiroirs et diffé- rents accessoires (écrans, tuyaux de graissage, enveloppes, parquets, etc.). $ 1. — Chaudières tubulaires. Les chaudières tubulaires du type locomotive ont été pendant longtemps les seules employées pour les torpilleurs. Dès le début, elles donnèrent lieu à de sérieu- ses difficultés; des fuites abon- dantes se décla- raient très fré- quemment sur les plaques de tèle, soit pen- dant la marche, soit plus généralement au moment où on commen- çait à ralentir l'allure de la machine, ou même parfois après la rentrée dans le port; quelquefois ces fuites donnaient lieu à des «retours de flam- mes», la vapeur chassant par les portes du foyer et du cendrier dans la chambre de chauffe les flammes et les produits de la combustion. L'accident était d'autant plus grave que les chauffeurs, enfermés dans le vase clos, ne pou- vaient s'échapper qu'en produisant un appel d'air par le panneau de la chaufferie et en augmen- tant ainsi les risques de brûlures. Des disposilifs de sécurité furent adoptés. Sur les torpilleurs Thornycroft, les portes des cendriers sont ouvertes en temps normal sous la poussée de l'air et s'appli- quent au contraire contre la façade dès que la pression dans le cendrier devient plus élevée que dans la chaufferie. Un conduit spécial partant du cendrier et débouchant sur le pont est muni d’une porte qui s'ouvre automatiquement sous la pres- sion des gaz et permet le dégagement des flammes et de la vapeur. C'est cette disposition légèrement modifiée qui est employée sur la plupart de nos cmd tt ce autee tn e d à n à à" 2 247 H. BRILLIÉ — LA CONSTRUCTION DES TORPILLES ET DES TORPILLEURS | torpilleurs; les portes des cendriers peuvent être | chauffeurs; elles n'en restent pas moins un des énergiquement appuyées contre la facade au moyen de barres qui s'engagent dans des crochets fixés sur les volets; l'ouverture de la porte de dégage- ment des gaz peut être instantanément oblenue par le dégagement d'un verrou dont la manœuvre se commande de la chaufferie. de la chambre des ma- chines et du pont. Le système Yarrow est différent (fig. 15) : le cendrier est fermé à l'avant et ne présente d'ouvertures que sur le côté et sûr l'arrière; une cloison transversale C placée près de la facade de la chaudière est Demi-coupe du foisceauC] enregardant du côte des retours d'eau. grands inconvénients des chaudières locomotives. S 2. — Chaudières multitubulaires. Depuis quelques années, les chaudières mulli- tubulaires sont employées pour la plupart des tor- pilleurs. Les plus répandues sont les chaudières du Temple, Normand, Thornycroft et Yarrow. Toutes ces chaudières ont la même disposition générale; elles se compo- sent d'un collecteur supérieur O fig. 16) et de deux collecteurs infé- rieurs S réunis par une série de tubes Coupe longitudinale. S LUN À à l'interieur ouvert 3 LÀ 2 lext7, percée d'un trou muni d'un volet mobile p analogue aux volets des cendriers des torpil- 228 8 o 260 "0 070 P0° 0 ee — 36e 88 20000 Ce] o Oo faisceau Lox(e] e (e] 102 267070 00207 0007270020 (©) 2 — de petit diamètre qui consli- see tuent la surface de chauffe de la chaudière. Généralement des A°° Faisceau B Fañiceau C 2e © 0, > 0 él M . s leurs Thornycroft; en cas de ra anses tubes de gros diamètre, au E 209000000000000000000000DOO00ONONNONOO O fuites aux tubes, la vapeur et les gaz de la combustion se RE Et lrouvent en contact avec les 222%? fonds du navire et se refroi- dissent avant d'arriver à la cloison transversale; le volet empêche d'ailleurs le retour des gaz dans la rue de chauffe. Cette disposition présente le grand avantage d'isoler complètement la rue de chauffe des parties milieu et arrière de la chaudière et de la protéger contre l’envahisse- ment de la vapeur en cas d'une rupture de l’enve- loppe produite par des projectiles. Elle à été con- servée sur les récents torpilleurs de M. Yarrow, en particulier sur le Sokol livré récemment à la Russie. Grâce à ces diverses dispositions, les fuites aux tubes sont devenues moins dangereuses pour les —— Cnnse cata NE Fig. 16. — Chaudière Normand, lype Aquilon. — 0, collecteur supérieur; S, collecteur in- férieur; P, faisceau tubulaire; T, d'eau; R, cendrier; V, cheminée. nombre de deux ou de quatre, et placés extérieurement au foyer, réunissent le collecteur supérieur aux collecteurs infé- rieurs et assurent une lation active pour l’eau de la chaudière. Dans la chaudière du Temple, les tubes sont fixés aux collecteurs au moyen de viroles coniques et d'écrous ; les gaz provenant de la combustion s'élèvent directement de la grille à la cheminée à travers le faisceau de tubes. Dans la chaudière Normand, les tubes sont dud- geonnés à leurs extrémités dans les collecteurs. La grille ne s'étend pas sur toute la longueur de la chaudière. Une véritable chambre de combustion est formée par les tubes et un mur transversal en circu- retour 248 H. BRILLIÉ — LA CONSTRUCTION DES TORPILLES ET DES TORPILLEURS V F V Demr-coupe du Dem coupe au fisceau A à rsceau B regardant vers regardant vers 13 façade 13 fiçade = Ÿ À COLLINE ENT TTTENTENT TE Kio AT. — Chaudière Normand, type Aquilon.— O0, col- Fig. 19. — Chaudière Thornycroft. — O, collecteur supérieur ; lecteur supérieur; S, collecteur inférieur : P, P, fais- S, collecteur inférieur; P, faisceau tubulaire; V, cheminée. ceaux tubulaires; R, cendrier; V, cheminée. HN 2 Coupe transversale Demi-vue de l'arrière RD pe ele De VE er be rer D Tan ET Dee 5" Fig. 18. — Chaudière Normand du Temple. — O, collecteur Fig. 20. — Chaudière Yarrow. — 0, collecteur supérieur, supérieur; S, collecteur inférieur; P, faisceau tubulaire 5, collecteur inférieur; P, faisceau tubulaire ; R, cendrier ; recourbé deux fois. V, cheminée. maconnerie. Les produits de la combustion ne peuvent s'échapper du foyer pour pénétrer à l'inté- rieur du faisceau tubulaire que vers l'avant et ils parcourent la chaudière dans toute sa longueur avant d'arriver à la cheminée placée au delà du mur en briques réfractaires. Cette disposition assure une combustion plus complèle et permet d'éviter les panaches de flammes que l'on observe parfois avec les chaudières du Temple quand la Coupe suivant AB. H. BRILLIÉ — LA CONSTRUCTION DES TORPILLES ET DES TORPILLEURS 249 ramenées dans un même plan, de façon à former écran, sur toute la longueur de la chaudière. La cheminée est sur l'avant. Les gaz né peuvent péné- trer dans le faisceau tubulaire que par l'arrière et doivent parcourir tout le faisceau de l'arrière à l'avant pour se rendre à la cheminée ; la chaudière est donc à retour de flammes. Les nouvelles chau- dières Normand ont donné sur l’Aquilon les résul- tats les plus satisfaisants. Mi- projection VRet mi-coupe suivant CD TT (eu ù A TU UE R Coupe suivant GH 000000000003 00000000 0000 0 Fig. 21. — Chaudière Thornycroft, type Daring. — O, colleeteur supérieur; S, collecteur inférieur principal: 5, s, CXXTX] o0uo 21 | IL HI L ES (=: È d 6 a ï IL ï 0 0 x © = = a, — FR = 7 B! collec- teurs inférieurs secondaires: P, faisceau tubulaire: R, cendriers; 1, 1, retours d'eau. chauffe est mal conduite ou trop activement pous- | sée. Un certain nombre de destroyers anglais | (Banshee, Contest, Dragon, Ferret, Lynx, Rocket, Shark, Surly) ont recu des chaudières ainsi dispo- sées. Dansles chaudières plus récentes de l’Aquilon, la circulation des gaz est différente (fig. 16 et 17) : le mur en briques est supprimé ; les deux premières rangées de tubes à l’intérieur de la chaudière sont ramenées dans un même plan, de facon à former écran, sur la moitié de la longueur de la chaudière environ à partir de l'avant; les deux dernières Nous ne ferons que mentionner la chaudière Normand-du Temple (fig. 18) à tubes dudgeonnés dans les collecteurs, dans laquelle la circulation des gaz se fait comme dans la chaudière du Temple. Dans les chaudières Yarrow (fig. 20) les tubes P sont droits et ont tous à peu près la même longueur. Les collecteurs inférieurs $ se composent d’une partie demi-cylindrique et d’une partie plane rece- vant les emmanchements des tubes. Les gaz tra- versent directement le faisceau P el se rendent à la cheminée V. L'emploides chaudières Yarrow sur le rangées de tubes à l'extérieur sont également | Hornet a donné un gain de poids de 11 tonneaux H. BRILLIÉ — LA CONSTRUCTION DES TORPILLES ET DES TORPILLEURS par rapport au Aavock (chaudières locomotives). Sur les dernières chaudières Yarrow, les tubes de retour d'eau ont élé entièrement supprimés. La circulation se fait alors par les tubes des rangées extérieures moins fortement chauffées que les ran- gées intérieures. Dans la chaudière Thornycroft (fig. 19), les tubes des deux premières rangées inférieures sont rame- nés dans le même plan à partir d’une certaine hau- teur au-dessus des grilles et forment une voüle complète; les deux rangées extrêmes vers l’exlé- rieur sont ramenées dans un même plan sur toute la hauteur de la chaudière et ne se décroisent qu'à une faible distance du collecteur supérieur 0. Les gaz pénètrent, entre les deux écrans ainsi formés, par le bas des premières rangées et traversent verticalement le faisceau avant de se rendre à la cheminée. Les tubes, au lieu de déboucher dans l’eau à la partie basse du collecteur supérieur, con- tournent celui-ci et débouchent dans la vapeur. Une chicane est disposée dans ce collecteur de facon à éviter les entrainements d’eau. Les tubes peuvent se dilater librement et leurs emmanche- ments ne sont pas exposés à la chaleur. Les chaudières Thornycroft du Jaring ont une disposilion différente (fig. 21). Il n'y a plus qu'un collecteur inférieur principal placé au centre entre deux foyers distincts. De chaque côté, deux collec- teurs de faible diamètre s protégés par des briques recoivent les emmanchements inférieurs des tubes des deux rangées exlrèmes; ces tubes sont rame- nés dans un même plan de façon à former écran et à éviter les pertes de chaleur par les côtés des foyers. Les petits collecteurs placés en abord com- muniquent avec le collecteur inférieur central. Les produits de la combustion pénètrent dans le fais- ceau tubulaire P par le bas; entre les tubes et les deux collecteurs principaux se trouve une chambre formant boite à fumée et que traversent les pro- duits de la combustion avant de se rendre à la cheminée V. Les nouvelles chaudières Thornycroft sont plus puissantes que les anciennes pour le même encombrement. La hauteur du foyer, plus considérable, rend la charge plus facile. Elles ont donné de bons résultats sur le Paring el sont employées maintenant de préférence aux chau- dières du type primitif. Les différentes chaudières mullitubulaires de torpilleurs {au Temple, Normand, Thornycroft, Yar- row) présentent toutes le grand avantage de se prèter parfaitement à l'emploi de hautes pressions; on à atteint 14 et 15 kilos et on pourrait sans inconvénient pour la chaudière aller au delà; elles supportent des combustions très actives sans fa- tigue et résistent bien aux à-coups qu'elles peuvent avoir à subir : on peut en quelques instants passer d'une faible allure à l'allure à outrance, et inver- sement; la précaution, indispensable après une chauffe avec les chaudières type locomotive de laisser la chaudière se refroidir lentement, n’est. pas nécessaire. Leur principal inconvénient est de donner lieu parfois, en pleine marche, à des ruptures de tubes qui paralysent subitement la chaudière. Il peut en résuller un coup de feu pour le faisceau tubulaire; en temps de guerre, cette avarie pourrait avoir les plus graves conséquences, en rendant brusquement le torpilleur indisponible au moment d’une attaque ou même en le laissant à la merci de l'ennemi. Après avoir essayé divers mélaux pour les tubes, laiton, cuivre rouge, on semble revenir à peu près exclusivement mainte- nant à l'emploi de l’acier. Avec les chaudières multlitubulaires, il est indispensable que l’eau d'alimentation soit toujours douce et exempte de graisses; les dépôts de sels ou de boues graisseuses peuvent empêcher la circulation de l’eau et provo- quer la rupture des lubes. Aussi le graissage inté- rieur des cylindres, avec ces chaudières, doit être réduit au strict nécessaire et n'être fait qu'avec des huiles minérales parfaitement pures ; en Angle- terre, il est mème complètement supprimé. L’em- ploi de filtres à éponges permet de débarrasser l’eau d'alimentation des substances grasses qu’elle peut renfermer; ces filtres (filtres Normand) sont employés sur tous les torpilleurs français. Grâce à ces diverses précaulions et à l'emploi de maté- riaux de premier choix, les ruptures de tubes sont maintenant moins fréquentes, et, bien entretenues, les chaudières mullitubulaires donnent toute salis- faction en service. Elles sont de plus en plus employées sur les torpilleurs et il est à présumer qu'avant peu elles auront complètement supplanté les chaudières type locomotive. $ 3. — Chauffage au pétrole. Depuis plusieurs années, on a tendance à substi- tuer le pétrole au charbon pour la chauffe des tor- pilleurs. Le charbon présente l'inconvénient de donner une fumée épaisse qui signale de loin la présence du bateau: il exige des chauffeurs expé- rimentés et rend à grande vitesse la chauffe extrè- mement pénible; l'encrassement des grilles au bout d’un certain nombre d'heures de marche réduit très notablement la vitesse que le torpilleur peut donner. Avec le pétrole, la combustion peut êlre complète et sans fumée; la chauffe est, en quelque sorte, automatique et n'exige pas un per- sonnel aussi nombreux; le vase clos peut être faci- lement supprimé. Les changements d’allure sont obtenus presque instantanément. En cas d'avarie de chaudière, la fermelure d’un robinet éleint instantanément les feux. Les installations com- H. BRILLIÉ — LA CONSTRUCTION DES TORPILLES ET DES TORPILLEURS 251 prennent, en général, un récipient dans lequel le pétrole est refoulé par une pompe à une pression suffisante pour assurer l'écoulement du pétrole de la caisse aux brûleurs. Sur le torpilleur au pétrole construit par MM. Dexford en 1889, la pulvérisation du pétrole était obtenue dans chaque brûleur au moyen d'air comprimé. Dans le système d'Allest la pulvérisation est obtenue par la vapeur. $ 4. — Cendriers étanches de M. Yarrow. Les voies d’eau dans la chaufferie présentent pour les torpilleurs une gravité exceptionnelle : les feux se trouvent rapidement éteints et le torpilleur est privé de ses moyens de locomotion et de ses moyens d’épuisement. M. Yarrowaimaginé un dis- positif de cendrier étanche (fig. 22) qui permet au et les torpilleurs des Forges et Chantiers, on à cherché à diminuer leur encombrement en lon- gueur en disposant les tiroirs latéralement; le tiroir à haute pression est cylindrique; les tiroirs moyenne pression et basse pression sont des tiroirs plans à double orifice (fig. 23 et 24). Ts sont conduits par des coulisses (torpilleurs Normand) ou des sys- tèmes Marshall (torpilleurs des Forges et Chantiers). Les cylindres, fonds el couvercles, sont à circu- lation de vapeur; dans les torpilleurs Normand des soupapes de compression s'opposent à ce que la contre-pression alteigne dans les cylindres une valeur exagérée et permettent à la vapeur de faire relour à la boîte à tiroir pendant la période de compression. Le réchauffeur d’eau rs d'alimentation Normand 5 vue par la TU£ de € haufle | {ll (AN {|| Fig. 22. — Cendrier élanche, système Yarrow. — AB, cloison étanche séparant la rue de chauffe du compartiment arrière de la chaufferie; O, ouverture ménagée dans la cloison AB pour le passage de l'air, qui parcourt ensuite le trajet indiqué par les flèches jusqu'au foyer; C, caisson étanche entourant la chaudière. torpilleur de parcourir 40 à 50 milles à la vitesse de 10 nœuds après l'envahissement de la chaufferie par l'eau. L'air arrive au cendrier par les côtés et par l'arrière en passant par un caisson étanche C qui entoure la chaudière et s'élève au-dessus de la flottaison. Si une voie d’eau importante se déclare dans la chaufferie, les chauffeurs chargent les grilles à refus, ferment les foyers munis de portes élanches et évacuent la rue de chauffe. Le charbon continue à brûler sur les grilles et la chaudière peut fournir de la vapeur pendant quatre ou cinq heures environ à petite vitesse. Cette installation peut être facilement combinée avec le disposilif Yarrow, pour prévenir les retours de ilammes, que nous avons décrit précédemment. VI. — MACuINES DES TORPILLEURS. $ 1. — Machines à triple expansion. Les machines de torpilleurs sont le plus souvent à triple expansion; dans les torpilleurs Normand est formé, comme un condenseur ordinaire à sur- face, d’une enveloppe, de plaques de tête et de tubes. L'eau refoulée par les pompes alimentaires passe par les tubes du réchauffeur avant de se rendre aux chaudières ; le réchauffage est obtenu par la vapeur prise au réservoir intermédiaire entre le moyen et le grand cylindre ; un purgeur automa- tique assure l'évacuation au condenseur de l’eau condensée. Des essais comparatifs faits aux allures de 10 et 15 nœuds sur des torpilleurs ont montré que cet appareil donne une économie d'environ 20 °/, pour la consommation de charbon. M. Thornycroft a adopté pour le destroyer le Daring et a reproduit depuis sur plusieurs torpil- leurs un type de machines qui présente plusieurs particularités intéressantes'. Les machines sont à triple expansion et quatre cylindres. Les cylindres La Revue a donné, dès l'apparition de ce type, une des- cription détaillée avec figures des machines. Voir l'ar- ticle de M. A. Gay, dans la Revue gén. des Sciences du 15 décembre 1894, tome V, pages 934 à 937, 252 H. BRILLIÉ — LA CONSTRUCTION DES TORPILLES ET DES TORPILLEURS forment deux groupes; le premier composé du cylindre à haute pression et du cylindre à moyenne pression, le second groupe des deux cylindres de basse pression; dans chaque groupe, les axes des cylindres sont inclinés de part et d’autre du plan longitudinal de la machine et rapprochés transver- salement, de telle sorte que les bras contigus des manivelles correspondantes sont dans le prolonge- ment l’un de l’autre. L'angle de calage pour les Fig. < cylindres d'un même groupe est choisi de telle sorte que les pistons arrivent ensemble au point mort opposé. Grâce à ces dispositions, l'encombre- ment en longueur de la machine est très réduit: les paliers sont au nombre de quatre par machine, et n'ont à supporter que des efforts relativement faibles, les pressions verticales exercées par les cylindres adjacents étant de sens contraire. Le bâtis est d’une grande légèreté et est formé de colonnes parallèles aux tiges de pistons, soute- nues par des ares-boutants. Il n’y a pas, en réalité, de plaque de fondation; les traverses reposent sur | les carlingues et sont simplement réunies entre elles d'un côté par une cornière en acier moulé, de l'autre côté par une plaque en acier. Dans les torpilleurs Yarrow, on a cherché à ré- duire au minimum l’encombrement en largeur des machines; les cylindres et les tiroirs ont leurs axes dans le même plan longitudinal; celte disposition présente l'avantage de donner des machines plus dégagées; elle a, par contre, l'inconvénient de 3. — Machine à briple expansion d'un torpilleur Normand, vue par devant. nécessiter des chambres de machines plus longues. Les tiroirs sont tous cylindriques. Un réchauffeur du même principe que le réchauffeur Normand est disposésurle refoulement des pompes alimentaires. £ 9 S à . — Machines à quadruple expansion. Dès l’année 1887, la Société des Chantiers et Ate- liers de la Loire a fait sur les torpilleurs type Ouragan un essai de machine à quadruple expan- sion. Deux cylindres dont les axes sont inclinés de 45° sur la verticale agissent par leurs bielles sur une manivelle de l'arbre moteur; à petite vitesse, H. BRILLIE — LA CONSTRUCTION LES TORPILLES ET DES TORPILLEURS 253 ces cylindres jouent l'office de cylindres à haute pression et de premier cylindre à moyenne pres- sion; deux cylindres de détente à axe vertical constiluent le second cylindre à moyenne pression el le cylindre à basse pression. À grande vitesse, la vapeur peut être introduite directement dans les deux premiers cylindres et la machine est trans- formée en machine à triple expansion. Les résul- tats donnés par cetle combinaison n'ont pas élé de vue du fonctionnement économique de la ma- chine; avec une même consommalion de charbon, le Balhurstaurait donné une puissance de 1.230 che- vaux au lieu de la puissance de 1.120 chevaux réalisée sur les Lorpilleurs identiques à triple ex- pansion. Malgré le sureroit de poids d'environ 3 lonneaux résullant de l'adoption des nouvelles machines, le gain de vitesse aurait été de plus d'un nœud. Fig. 2#. très salisfaisants ; la consommalion de charbon a été assez forte surloul à grande vitesse, soit que les complications de luyautage nécessilées par ce double fonctionnement de la machine aient amené des condensalions exagérées, soit que cette dispo- silion de machine ne se soit pas prêlée à un lra- vail aussi régulier et aussi économique de la vapeur daus les différents cylindres. L'essai de machine à quadruple expansion fait en 1890 par M. Yarrow sur le torpilleur Bathurst pour le gouvernement argentin, aurait, au contraire, donné des résultats des plus salisfaisants au point REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897. nl — Machine à lriple erpansion d'un lorpilleur Normand, vue par derrière. QE — Rapidité d’'allure. La valeur du nombre de tours par minute adopté pour l'allure à outrance d'une machine a beaucoup varié suivant les constructeurs ; des allures rapides permellent d'avoir, avec un faible encombrement, des machines puissantes et légères ; par contre, la surveillance des machines devient plus difficile; les échauffements brusques sont à craindre, les avaries plus fréquentes et plus graves; aussi peul-. on dire qu'une machine présentera d'autant plus de garanties de bon fonctionnement que le nombre ç*+ H. BRILLIÉ — LA CONSTRUCTION DES TORPILLES ET DES TORPILLEURS de tours à vitesse maximum sera plus faible. En France, on s’en est tenu généralement aux environs de 330 et 350 tours, même pour les plus belles vitesses des torpilleurs Normand de 36 mè- tres ou de haute mer. Les torpilleurs Schichau ont également à l'allure à outrance des nombres de tours relativement faibles. Les torpilleurs du type Aguila ont dépassé | 26 n. 5 sans donner plus de 335 tours. En Angleterre au contraire, on à fréquemment atteint des allures de 380, 400, 500 etmême600tours. Les torpilleurs de seconde classe construits par M. Yarrow, tournent à 600 lours environ. Les destroyers ont, pour la plupart, une allure de 400 tours qui paraît bien rapide pour des ma- chines de plus de 2.000 chevaux; il est à noter, d’ailleurs, que, bien qu'étant depuis peu de temps en service, ces bâtiments ont eu déjà plusieurs avaries sérieuses de machines. VII. — VITESSE DES TORPILLEURS. Les vitesses réalisées par les torpilleurs depuis vingt ans, ont été sans cesse en augmentant. De- puis 1877 le record de la vitesse a été détenu suc- cessivement par Thornycroft avec le Lightning, par Yarrow, en 1882, avec le Baloum (22 n. 46), en 1885 avec le torpilleur Falke (24 nœuds) eten 1887 avecles torpilleurs italiens de 100 tonneaux(25 nœuds), par Schichau, en 1888, avec les torpilleurs type Aquila (26 n. 8). Ces vitesses sont dépassées par le Hornet (27 n. 6) des chantiers Yarrow (1894), le Daring (29 n.1) de Thornycroft, etle Sokol(29n. 7) de Yar- row. Enfin le l’orban(chantiers Normand), l'emporte actuellement de plus d’un nœud sur tous les tor- pilleurs à flot avec la vitesse de 31 n.03 qu'il a réa- lisée pendant son essai officiel. Les brillantes vitesses que nous venons de men- tionner sont des vitesses d'essais; elles ont élé obtenues par des mers généralement calmes, avec des coques exceptionnellement propres, un per- sonnel parfaitement exercé et, pour les torpilleurs étrangers tout particulièrement, avec un déplace- ment notablement différent de celui qui correspond à l'armement normal du torpilleur en service. C'est ce qui a fait dire à des critiques anglais qu'un torpilleur n’est qu'un bateau « conçu en vue de réaliser un essai de recette à toute puissance ». D'essais comparalifs faits en France et à l'étranger, il résulte que les torpilleurs des différents types : fra : perdent à grande vitesse de sd de nœud, sui- vant leur déplacement, par tonneau de surcharge. Une différence de 20 tonneaux entre le déplace- ment aux essais et le déplacement en charge cor- respond donc à une différence de un ou même deux nœuds pour la vitesse. Aussi ne doit-on considérer les chiffres que nous venons de donner plus haut que comme des chiffres approximatifs qui ne peu- vent servir d'une façon absolue de bases de compa- raison. Quand on parle de la vitesse d’un torpilleur, il est essentiel de spécifier les conditions diverses Tableau I. — Vitesses de 3 Torpilleurs. VITÈSSES aux essais comparatifs VITESSES aux essais de après avec le plein |consommation receltes d'une partie des soutes [du charbon en soutes Sveaborg. . 19,70 18,10 Viborg. . 20 » 15205 Vindava . 21.» dans lesquelles cette vitesse a été obtenue, le dé- placement du torpilleur pendant l'expérience, la durée pendant laquelle la vitesse a été mainte- nue, elc. Il est très intéressant à ce sujel de se reporter aux essais qui ont été faits en 1887 et 1888 par la marine russe et la marine espagnole, en vue de comparer sous le rapport de la vitesse réelle et de l’endurance à la mer les torpilleurs provenant des différents chantiers. En 1887, des essais comparatifs furent faits en Russie entre les torpilleurs : Sveaborg, des chantiers Normand. Vindava, des chantiers Schichau. Viborg, des chantiers Thomson. Il fut procédé d’abord à des essais sur les bases, les torpilleurs ayant leur plein de charbon. Puis Tableau II. — Vitesses de 6 Torpilleurs. VITESSES VITESS ITESSES aux essais de recette DURÉES FOURNISSEURS TORPILLEURS de la traversée moyennes Barcelo. Halcon. Rayo. Ariele*. Ordoner. Acedevo. Normand Yarrow . . Thornycroft . Thornycroft . Thornycroft . Thornyeroft . h27! 19,7 19,6 19,5 17,2 16,1 45,8 * Par suite d'une avarie, l'Ariele n'a pu faire la traversée qu'avec une seule chaudière. les torpilleurs devaient faire une traversée de quarante-huit heures environ et subir une nouvelle épreuve sur les bases avec le restant de charbon en soutes. Pendant l'essai en roule libre les torpil- leurs eurent à affronter une violente tempête; le Sveaborg seul put continuer sa route, mettant ainsi en évidence la supériorité de ses qualités sitio) dl H. BRILLIÉ — LA CONSTRUCTION DES TORPILLES ET PES TOKPILLEURS nautiques. Quant aux essais sur les bases, ils fu- Le torpilleur le moins rapide aux essais de rent également l'occasion d'un brillant suecès recette était donc en fait le plus rapide en service. 137 . el 53 : France _ EE | ZW in 3 13 4o 15 14 34 8 25 240 6 — { Baltique a NE L Z4 U/ : : CO I Russie { Mer Noire 2 58 DCR EEE 8. 23 Sibérie 6 24 Angle terre Italie Allemagne Be nn - _ NN, 1 sf er { Autriche É 2 AN M Zorpcleurs anterieurs à 1880 : mis en service de 1880 à 1885 L ; } Fr de 1885 a 1890 es) LC ï : après 1890 Fig. 25. — Nombre el déplacement des lorpilleurs des principales puissances. — Les lorpilleurs de dimensions à peu près identiques sont représentés par des rectangles dont la base est proportionnelle au nombre des torpilleurs et la hauteur au déplacement woyen par bateau; les nombres inscrits au-dessous de chaque rectangle indiquent le nombre des torpilleurs du groupe; les nombres inscrits au-dessus indiquent le déplacement moyen par groupe. pour les torpilleurs Normand, comme on peut s'en convaincre par la comparaison des chiffres que résume le tableau I. | L'année suivante, des essais analogues faits par | la marine espagnole devaient se terminer par un | succès non moins brillant pour les torpilleurs Nor- 235, 95G X. BRICLIE — LA CONSTRUCTION DES TORPILLES Er DES TORPILLEURS Tableau III. — Nombre et Déplacement des torpilleurs des différentes puissances. TORPILLEURS TORPILLEURS TORPILLEURS B = - ps VEDETTES 2 | £ © de 1 à 19 tonnx 3e CLASSE 2° CLASSE Î'e CLASSE HAUTE MER DESTROYERS © Ex 20 à 39 tonnx | 40 à 59 tonnx | 60 à 99 tonnx |100 à 180 tonn*| plus de 180 tx Es < . . A =: £ Sue >= 2 5 LE 5 Ep a à Nombre ÉÉRE Nombre É SEE Nombre Nombre È ÊE Nombre ÉRRE Nombre SSIÈE 7 & 5 So CRE RE D ee = EME SRE À QUES CRE lrance . NY 25 sl (RS 33 » 16 (2 124 187 4.302 5.320 4.54% » 15.07 | Angleterre AE < 19 2 61 12 42 208 ë , ) 951 546 s0 4.412 1.464 10.560 17.527 ee / : 42 ) 29 15 l ss Bal AS DR : à ; É ‘ Ê 5 PATES 16 1.050 ; 2,759 748 0 823 [l Rasta Le Noel 58 ! 21 1 » 86 l'a Fa Noie 2) 1.425 40 12057 130 ÿ 3.51 | | | ere 6 2] 4 » 12 | Sibérie . .) 6 ) 2 0 . > à D NE) » 138 ; 174 560 » 872 } alien (ep 52 ] 101 9 » 1S4 5 400 1.403 » S.1S5 1.070 » 11.058 LES] Allemagne { 16 » » 89 40 11 156 = ) 216 ; 5 1.626 i. 070 3.200 16.112 | Autriche LOU) 34 » 29 6 » 70 l 1 1.256 » 2.331 720 » 4.318 | MERE - | Grèce. 22 153 10 6 » » 51 n 316 343 496 510 » » 1.745 Il Espagne NES 3 , 2 33 3 » 44 Le l 36 si 116 2.242 321 » 2.196 ; | | Pays-Bas . RL 22 5 10 » » 3 | à { 10 662 110 S73 n » 1.685 | | Turquie. "N fl 24 2 3 36 l » » 294 1.815 270 750 3.129 ] | Dancinark AE 2 ï oi] ü 2] » 27 s ' lä 17 152 51 224 j 1.179 | Suède AC S 9 » 7 » 25 | / 5 194 3062 » 195 » 1.056 | É | Norwège s\\ Î = ÿ 2 ! » 1% à ; / 12 316 s6 Ù » ) 474 | | Portugal S'AL? 0) » 3 * Il to ' ) 300 : 1$0 $ à 18 | USE | Roumanie. NL D 3 » » à ù | 0 ‘ }. 5 168 à k 195 | Brésil . { 15 2 5 » 6 ; 26 | { 156 60 260 » S40 » 1.296 |Républiq. Argentne. 14 à f 6 2 à 26 ép { went ne 3 206 ù 208 510 22() ) 1.14% Î | Costa-Ric: oe L » » » ! ee + ) 12 S : ‘ : 12 És= | Elats-Unis DATES A 1 : ) ; 10,0 ] CF HE / 4 30 » » 641 » 125 | | Chili ASE ù) » l » 1 13 = l 31 250 » 7ù » 300 637 Japon ( » 20 17 20 < fl NE + » 610 952 4.185 » 190 3.567 le RES Chine. a 2 13 » 27 5 » 47 + fe 20 303 » 1.180 60S » 2.761 [ Possess. anolaises À 11 » » 9 » » 20 | Possess. anglaises . ; 140 3 ; 813 & » 953 l " | Possess.hollandaises.\ % » » 5 » » 5 8 | l » » » 415 » » 415 | | tee H. BRILLIÉ — LA CONSTRUCTION DES TORPILLES ET DES TORPILLEURS 257 NOMBRE DÉPLACEMENT DÉPLACEMENT des torpilleurs de des TOTAI, ’ chaque type torpilleurs par année mand. À la suite de ma- 5 x ARE ETS UHR S 1 18,5 . { £ nœuvres ayant duré en- GS LE viron trois mois, des bre A RE ES ous Dos essais de vitesse furent | Le 12 faits de Carthagène à 1678 nn Re ï 30 666 Alicante entre tous les : A à Fe dorpilleurs ayant pris 1879 Ta... an su e À 408 P ay Pr à 11 32 part aux manœuvres el 7880 DS. el ï 2 Le Mi PE : = PA 11 restant disponibles. La St 19 ( ë 8 4j 2. 26 164 distance parcourue 1881 B LR RO, étant de 68 milles, les [B| (A TR 0) 2 se ccnilfn 2582 ! PPS résultats de l'essai fu- rent ceux que résume le de pe FR 9%} 1883 Re NA 2 ( tableau Il (page 254). Un torpilleur Normand , ON: DA 300 : À 1884 PR LA \ n de 19 nœuds l’emporlait donc en vilesse sur des ET 66 162 torpilleurs anglais de ET tte MIE S | ( A ) 23 et 26 nœuds. Il est à D al TIRE 66 \ 017 : 8 noter d'ailleurs que le 1886 \ Barcelo a élé à peu près le seul ({orpilleur qui n'ait eu aucune avarie pendant toute la durée 2887 des manœuvres. Ces deux exemples ru LT TS — 3 | 53 ) ) ASP EAN 5 l 160 montrent d'une façon te I 197 \ L à a 1 RUES Le PSE Pt CL Jr cat SPORE PEER nn } manifesle à quel point = \ ; x . . 2 80 peuvent être illusoires | 2 103 965 3 . Î 150 ies grandes vitesses an- ; : \ , JE 17 1 / noncées parfois à l'étran- 9 ger. La véritable vitesse 15. : Le 1890 d'un torpilleur est celle qu'il peut donner avec son armement complet el le personnel qui doit 7891 le mener au combat une vitesse d'essai, si D. © CL TS D= [TS 8% Es TS EE Re RS ET Ë : 2 l 136 brillante qu’elle soil, ob- 164 tenue par un tour de ,892 |: LR : force de chaufleurs et | 14. 80 F FAC : 3: 82 mécaniciens exception- 2. 15 2.214 5 n o] nellement dressés, avec E punis et) unbateaun'ayantqu'une 149$ partie de son armement, \ 3 1% l : à an 2 80 F= n'est qu'un chiffre sans 1 120 FE EL ne { l 136 \ intérêt militaire. 180} LE ( ) | \ 5 80 Û 320 pe . 190 FE VIIL. — TorPILLEURS E | { : 13440 1186 £ FRANÇAIS ET ÉTRANGERS. ,895 rnchenten || LP 1 ON CE 1.210 17.473 Pour comparer la Fig. 26. — Nombre el déplacement des lorpilleurs français mis en chantier depuis 1875. puissance destorpilleurs — Chaque rectangle représente un groupe de torpilleurs identiques; la base donne, à fre Elles dotés l'échelle de 1mm par unité, le nombre des torpilleurs du groupe, et les hauteurs, à rançais à celles des tor- l'échelle de Oma,1 par tonneau, le déplacement de chaque torpilleur du groupe. — A, tor- pilleurs élrangers, nous pilleurs de troisième classe ; B, type 60 (33 mètres); C, type Balny (41 mètres); D, 35 mé- tres; E, type 126 (36 mètres); F, type 150 (3% mètres). Les torpilleurs représentés en noir réparlirons ces derniers sont aujourd'hui rayés de la liste de la flotte. 258 H. BRILLIÉ — LA CONSTRUCTION DES TORPILLES ET DES TORPILLEURS en plusieurs classes d'après leur déplacement Nous appellerons vedettes les lorpilleurs d’un déplacement inférieur à 20 tonneaux. Les Lorpil- leurs de 20 à 40 tonneaux, de 40 à 60 tonneaux, de 60 à 100 tonneaux formeront les groupes des torpilleurs de 3°, 2° et 1" classes ; au-dessus de 100 tonneaux, les torpilleurs seront dits de haute mer ; à partir de 180 tonneaux, ils seront assimilés aux destroyers. Ce groupement corres- pond à très peu près à la classification des lorpil- leurs français. Nous avons groupé dans le tableau III et dans les figures 25 et 26 divers renseignements relatifs aux torpilleurs des différentes puissances. IX. — VALEUR MILITAIRE DES TORPILLEURS. Si les polémiques auxquelles a donné lieu J'appa- rition du torpilleur sont moins vives de nos jours quil y a dix ans, il ne faut pas en conclure que la valeur militaire du torpilleur soit nettement défi- nie. Pendant la révolution du Chili, au Brésil, dans la rivière Min, à Shoe-Poo, pendant la guerre sino-japonaise à Waï-haï-Weï, les torpilleurs ont réussi, il est vrai, de brillantes attaques. Mais tant de facteurs entrent en ligne de compte dans les questions militaires, la valeur des commandants, la discipline et l'entrainement des équipages, les conditions particulières de la guerre, qu'il serait prématuré de lirer des conclusions fermes de quelques faits isolés. Les dernières grandes manœuvres ont précisé la nature du rôle que le torpilleur est vraisembla- blement amené à jouer; mais la question, non moins grave, du succès plus ou moins grand avec lequel le torpilleur remplira la mission que l’on attend de lui est moins nettement résolue. Il ne saurait, d’ailleurs, en être autrement. Malgré les soins que l'on prend pour se rapprocher des con- ditions d’une véritable guerre, les grandes ma- nœuvres conservent toujours un côté conventionnel qui laisse nécessairement place aux appréciations et conclusions personnelles. Les manœuvres avec lancements réels de torpilles sont rares; le prix des torpilles automobiles est trop élevé pour que l’on puisse courir fréquemment le risque de les perdre dans des lancements à la mer. Lorsque, dans une allaque de nuit, un torpilleur arrive à bonne distance du bàliment qu'il attaque, et brûle son feu Coston pour signaler qu'il aurait lancé sa torpille, il est souvent délicat d'estimer si l'attaque La distance est difficile à évaluer la nuit; si le (orpilleur a été découvert quelques minutes avant de simuler le Jancement, s'il est resté quelques instants sous le feu de l'ennemi, les résultats de l’altaque sont encore plus probléma- aurait réussi. | jours à redouter jour même, le séjour dans de tels tiques. Enfin, toute torpille lancée, même à bonne distance, n'atteindra pas le but, d'où une nouvelle difficulté d'appréciation qui s'ajoute aux précé- dentes. Les grandes manœuvres ont toutefois mis en évidence certains faits: d'une grande importance militaire qui servent en quelque sorte de base à la tactique du combat torpédique. Un torpilleur qui resterail quelques minutes sous le feu des canons à Lir rapide d'un bâtiment est un torpilleur coulé. La précision des armes modernes, la rapidité du tir ne permettent pas d'en douter. Un torpilleur isolé, quelle que soit sa vitesse, ne peut donc attaquer ouvertement, pen- dant le jour, un croiseur ou un cuirassé. De jour, il ne peut y avoir de chances de succès que dans le cas d'une attaque combinée de plu- sieurs torpilleurs tombant simultanément à l’im- proviste sur l'ennemi. Au milieu d’un combat, par exemple, des torpilleurs soigneusement protégés el masqués au début de l’action, pourraient, par leur brusque entrée en scène, au moment où les deux escadres seraient à faible distance, jouer un rôle important, peut-être décisif. De nuit les torpilleurs ont plus d'avantages : mais encore faut-il qu'ils connaissent la posilion de l’escadre à attaquer. Les différentes tentatives de torpilleurs se mettant à la recherche d’une escadre dont la position ne leur est pas exactement connue, ont toujours été sans résultats. Pour discuter le rôle militaire du torpilleur, il importe de distinguer, avant lout, le torpilleur de défense mobile et le torpilleur d’escadre. Les torpilleurs de défense mobile seront tou- pour les grands bâtiments qui s’approchent des côtes; une escadre ne restera sans doute jamais de nuit dans des parages défen- dus par une sérieuse flottille de torpilleurs. De parages serait des plus dangereux et des plus pénibles pour les équipages. Une veille incessante serait nécessaire, une négligence d'un instant pourrait causer des catastrophes irréparables. Aussi l'importance du torpilleur de défense mobile pour la défense des côtes n'est-elle plus mise en doute. Le torpilleur d'escadre est plus discuté. Il est difficile de lui donner, avec le faible déplacement que nécessitent sa grande vitesse et le prix peu élevé que l'on peut admettre pour un bâtiment aussi exposé dans chacune de ses attaques, les qualités que l'on doit exiger d’un navire de haute mer. Les tonnages de 100 tonneaux et 150 ton- neaux de nos torpilleurs dits de haute mer sont insuffisants, et il est question de verser ces bäti- ments aux défenses mobiles. Les déplacements des destroyers anglais exigent des machines très puis- G.-L. PESCE — L'EXPÉDITION POLAIRE DU D' FRIDTJOF NANSEN 239 santes. Le Æomnet et le Daring ont donné plus de 4.000 chevaux; les nouveaux destroyers ont une puissance prévue de 6.000 chevaux. De telles machines, construites avec la légèreté des ma- chines de torpilleurs, sont sujettes à de fréquentes avaries. On peut se demander si, en cherchant à réaliser d'aussi grandes vilesses avec des bâti- ments de ce tonnage, on n'est pas conduit, suivant l'expression d'un critique anglais, à « meltre trop de chevaux dans la même écurie ». Le prix des destroyers est très élevé, près d’un million. Leurs dimensions, bien grandes déjà pour des torpilleurs, seront-elles suffisantes pour des navires d'es- cadre ? Les machines auront-elles, pendant un ser- vice prolongé, l'endurance voulue? Les avaries qui ont déjà été signalées sur les destroyers anglais mis en service depuis trois ans à peine permeltent d'en douter. Il ne semble pas jusqu'à présent qu'un type défi- nitif de torpilleurs d’escadre ait été trouvé. Le tor- pilleur, tel qu'il existe actuellement, a sa place près des côtes. L'empire de la mer appartient encore aux cuirassés. H. Brillié, Ingénieur des Constructions navales. L'EXPÉDITION POLAIRE DU D° FRIDTJOF NANSEN La Société de Géographie vient de rendre un écla- tant hommage au docteur norvégien Fridtjof Nan- sen, le triomphateur du jour. Grâce à un plan logiquement conçu et à un itinéraire savamment combiné, l'illusire voyageur à vu ses efforts cou- ronnés. de succès dans l'entreprise d'un des voyages d'exploration les plus pénibles et les plus périlleux. On peut dire que presque toutes ses pré- visions se sont réalisées, à quelques petiles excep- | tions près, et que son programme a été exécuté dans son entier et dans les délais prévus. Cela tient principalement à ce que, avant de se lancer vers l'inconnu, Nansen avait minutieuse- ment étudié la question sous toutes ses faces et avait choisi la meilleure des solutions qui s'offraient à lui pour atteindre le but convoité, la seule peut- èlre dont l'homme pouvait disposer dans l'état actuel de la science et que presque tous ses con- lemporains ont repoussée avec terreur. Il s'était bien pénétré des besoins à satisfaire par l'étude de toutes les tentalives faites avant lui, dans cette lutte vaillamment soutenue par ses devanciers pour arracher au sphinx du Nord le secret si bien défendu ; on peut dire qu'il a déployé dans cette étude d’éminentes qualités de stratégiste. [. — L'ÉTUDE DES PRÉCÉDENTS. Ayant remarqué que toutes les expéditions po- laires depuis les plus reculées jusqu'aux plus ré- centes, — depuis Parry en 1827; Payer et Wey- precht en 1872-74 avecle T'egethoff ; le Commandant Clément Markham en 1876 avec l'Alert ; le capi- taine de Long avec la Jeannette en 1879-81, et enfin le lieutenant Lockwood et Brainard en 1882, pour ne parler que des plus récentes, — ayant remarqué que toutes ces expéditions avaient eu à lutter contre une force mystérieuse tendant à les entrai- ner invinciblement vers le Sud, Nansen pensa qu'au lieu de s'obstiner, comme ses devanciers, à vouloir toujours suivre la même direction et à re- monter le courant polaire, il élait préférable de re- chercher la direction précise de ce courant et, tour- nant la difficulté, de se laisser emprisonner par la banquise, au delà du pôle, et de suivre la dérive nalurelle des glaces. Un autre point qui l'avait frappé élait le nau- frage de la plupart des navires des différents corps expéditionnaires, naufrages survenus par le fait de l’écrasement des vaisseaux sous la pression énorme des glaces. Il en conclut qu'il fallait cons- truire les bâtiments d'exploration assez robustes pour pouvoir résister à celte pression des glaces et qu'au lieu de redouter la banquise et de la fuir, il fallait, au contraire, se laisser guider par elle, s’y inscruster en un point favorable du courant géné- ral et s'abandonner au mouvement de dérive qui devait fatalement amener l'explorateur dans les régions les plus voisines du Pôle. Ce sont là on peut dire les deux idées domi- nantes du projet de Nansen, les deux traits de génie qui caractérisent sa conception nouvelle : idées maitresses qui ont servi de base à l'étude complète du projet, en même temps qu'elles ont puissamment contribué au succès de l'expédition. De toutes les expédilions signalées plus haut, celle de la Jeannette a été bien certainement la plus désastreuse. Ce fut néanmoins l’ilinéraire suivi par elle qui servit à Nansen de point de départ pour l'étude stratégique de l'expédition rêvée. Partie du détroit de Behring en 1879, la Jean- nelte fut prise par la banquise non loin de l'ile Wrangel par 71°35° latitude N. et 177° 26" longi- tude E. Elle dériva ainsi pendant deux ans vers, le Nord-Ouest et fut broyée par la pression des glaces au Nord des iles de la Nouvelle-Sibérie, le 260 G.-L. PESCE — L'EXPÉDITION POLAIRE DU D' FRIDTJOF NANSEN 12 juin 1881, 11945" Jatitude Net 152239 longitude O. Trois ans plus tard, en 1884, on découvrait sur la côte Sud-Ouest du Groenland, à Julianehaab, des épaves provenant de la Jeannette. Le Profes- seur Mohn, de Christiania, écrivit aussitôt, dans le journal Morgenblad, que les épaves de la Jeannette avaient dû traverser l'Océan Arclique de Sibérie dans la direction du Nord-Ouest, puis passer entre le Spitzberg el le pôle pour redescendre ensuite le long de la côte orientale du Groenland. Frappé de ces faits, le jeune D’ Fridtjof Nansen conçut, dès ce jour, le plan audacieux, mais abso- lument logique, qu'il est parvenu à appliquer neuf ans plus tard. Après une aventureuse expédition au Groenland, réalisée en compagnie de sa femme, et tentée dans le but de se faire la main, le D' Nansen exposa au commencement de 1890, à la Société de Géogra- phie de Christiania, le plan qu'il avait mürement élaboré depuis plusieurs années : par « Il y à une route, dit-il, pour parvenir, sinon au pôle mathématique, du moins dans son voisinage inmédial : c'est celle de la Jeannette. Si la Jeannette avait été un navire capable de résister aux assauts de la glace ; si, en même temps, elle avait eu à bord des provisions en quantité suffisante, en (rois ans elle aurait atteint le pôle pour regagner ensuile, saine et sauve, les rivages du Groenland, le monde habitable et eivilisé. « La preuve, c'est que de chétifs débris ont accompli ce trajet. Les culottes, la casquette, les papiers ramas- sés sur un glacon près de Julianehaab ont vu le pôle de plus près que ne l'ont vu Markham et Lockwood et que ne le verront jamais ceux qui s'obstineront à adopter le même chemin qu'eux. « Car la banquise arctique n’est pas une immobile calotte glacée ; elle dérive lentement et régulièrement de l'Océan Arctique Sibérien à la mer du Groenland, sous la double influence d'un courant marin el de vents, sinon constants, du moins dominants qui suivent la même direction. Et c’est cette dérive qui a fait recu- ler Parry, qui a arrêté Lockwood, Markham et tant d’autres, partis du Groenland. « Donnez-moi un navire apte à cette navigalion point encore essayée ; un navire en quelque sorte amphi- bie?, spécialement construit pour la mer congelée comme les vaisseaux ordinaires le sont pour la mer liquide, susceptible de lutter victorieusement contre les convulsions et les pressions de la banquise, comme les ‘ Celle observation saute aux yeux quand on examine une carte d'ensemble des régions polaires. On constate, eu effet, que l'Ancieu-Continent et le Nouveau n'offrent que deux passages : l’un très resserré, le détroit de Bebring, d'une part, et de l’autre, un très large passage formé par la mer du Nord et une série de pelits détroils sur la côte occiden- tale du Groenland (fig. 2, page 252). II semble donc naturel qu'un courant s'élablisse entre l'Océan Pacifique et l'Océan Atlantique en passant par le Pôle. ? Nansen en réclamant un bateau amphibie avait trouvé le vrai mot de la situation. Ce qu'il lui eût fallu pour plei- nement réussir, c'eût été un bateau submersible pour pou- voir, suivant les circonstances, tenter indifféremment la Davigation maritime ordinaire quand la mer était libre et {antôt la voie sous-marine. Nous avons préconisé celte mé- thode nouvelle d'exploration dans notre étude « Au pôle nord en baleau sous-marin » (Rev. scienlif. du 19 sept. 1896). bâtiments les plus vulgaires se défendant contre les chocs des vagues et contre la tempête, — et ce navire- là n'est pas un mythe, je suis prêt à le construire ; — donnez-moi un équipage de choix, peu nombreux, mais d’une endurance éprouvée ; donnez-moi léqui- pement et les approvisionnements indispensables ; donnez-moi des canots, des traïneaux et des chiens pour parer à toute éventualité, — car nul, quand il s'embarque pour voyager sur la glace ou sur leau libre, ne peut répondre qu'il ne naufragera pas ; — donnez-moi, en un mot, les moyens de partir dans les conditions favorables requises, et les couleurs norvé- siennes flotteront sur la mer ou sur la terre polaire plus loin que n'ont jamais flotté couleurs d'aucun pays ; et nous reviendrons après avoir couvert de gloire notre pays, tous sains el saufs, le navire, léqui- page et moi-même. » Ceux qui n'en ont pas conservé le souvenir — nous disent MM. Charles Rabot et Maurice Normand dans leur très intéressante étude que publie l’/llus- Lralion — imaginent du moins aisément quel bruit firent par le monde les paroles du D' Nansen. Tandis qu'en Europe et en Amérique, géographes, météorologistes, amiraux discutaient, objectaient, protestaient, la Norvège s'enthousiasma. Le 30 juin 1890, le Storthing norvégien vola un crédit de 277.800 francs (200.000 kroners) qui ful porté un peu plus tard à 389.000 francs: Le roi Oscar If donna 20.000 kroners (27.180 franes), l'enthousiasme et le patriotisme firent le reste, el l'argent norvégien fut seul accepté. Finalement, le lotal des souscriplions et les dépenses s’équilibrèrent au chiffre de 617.186 fr., le prix du navire représentant plus des trois cin- quièmes de celle somme. II. — LE NAVIRE ET LE MATÉRIEL DE L' EXPÉDITION. C'est surtout sur son personnel et son matériel que Nansen devait le plus compter pour mener à bonne fin sen voyage d'exploration. Aussi s'oc- cupa-t-il avee le plus grand soin du recrutement de l'un et de la construction de l'autre. Le baleau fut ce qu'il devait être : «une sûre el chaude forteresse pour la longue dérive dans les glaces et non un fin voilier ou un vapeur rapide. » Sa construction fut confiée à M. Colin Archer, qui l’exécuta avee un grand soin et un grand art, d'après les indications et sur les plans de Nansen. « Le point important, écrit Nansen, 6 tait de donner à notre bâtiment des flancs tels qu'il pût être aisément soulevé pendant la pression de la glace, au lieu d'être écrasé entre les banquises. Greely, Nares, etc., ont parfaitement raison de dire qu'il n'y a là rien de nou- veau. Je me suis basé simple ment sur les tristes expé- riences du passé. Ce qui, néanmoins, peut être considéré comme nouveau, c’est le fait que non seulement nous reconnümes que le navire devait avoir telle forme, mais que nous la lui donnämes..… » Une carène n'offrant que le minimum de prises aux étreinles de la glace, une coque si solidement | | G.-L. PESCE — L'EXPÉDITION POLAIRE DU D' KFRIDTJOF NANSEN 261 _ établie qu'elle pût résister, quand elle ne réussi- La carène et le double pont furent très solide- rail pas à leur échapper, aux plus fortes pressions | ment entretoisés, ainsi qu'on peut le voir sur la extérieures, dans quelque direction qu'elles se | partie de la figure 1 représentant les conpes lrans- produisissent, — voilà ce que voulait Nansen et ce | versales. que Golin Archer lui donna. Le pont fut surélevé pour donner de la place aux Le navire devait être aussi petit que possible, un | chaudières el au moteur de 220 chevaux, qui furent petit navire étant plus propre à la navigation dans | placés à l'arrière. les glaces. Petit el court, les flanes très obliques, le navire de Nansen devait avoir un tonnage de | l'hélice etle gouvernail en les plaçant très bas pour %02 tonnes et une largeur égale au tiers de sa lon- | éviter le choc des glaçons. Des puits, ménagés à gueur (fig. 1). - cet effet, permettaient de remonter hélice el gou- Les dimensions principales étaient les suivantes : | vernail sur le pont pendant la période d'hivernage. longueur de la quille, 31 mètres; longueur à la Au-dessus de la chambre des machines, on placa Des précautions furent prises pour protéger ligne de flotlaison, 34,50: longueur totale sur le | les cabines, la cuisine et le salon, en ayant soin 3 D ? y Coupe transversale au maître baic. ÉTÉ > Coupe transversale re par la machine. Fig. 1. — Plan el coupes du Frum.— 1, magasin de l'entrepont:; 1, magasin de la cale; 1”, magasin de l'avant; 2, 2,2, ca- biues: 3, chambre des cartes: 4, 4, embarcations: 5, chaudière ; 6, puits de l'hélice; 7, machines: 8, puits du gouver- nail: 9, salon: 10, chambre de veille; 11, cuisine; 12, mât d’artimon: 43, grand mäl; 1%, mât de misaine. pont, 39 mètres ; largeur extrème, 11 mètres; lar- | d'avoir trois tambours et quatre portes entre les geur à la ligne de flottaison, 10,40; profondeur, | cabines et l'extérieur pour éviter le froid. Les 5%,20: tirant d'eau à demi-charge, 3",80; déplace- | parois des cabines élaient soigneusement cons- ment à demi-charge, 580 Lonnes ; à pleine charge, | truites d'une série de couches de matières 1s0- tirant d'eau, près de 4,60 et déplacement, | lantes : liège, linoleum, feutre goudronné, matelas 800 tonnes. | de poil de renne, ete. Quand le plan el les dimensions furent entiè- Le fram fut gréé en trois-màts goéletle. Le rement arrêtés, on commença la construction du | grand mât mesurait 24,50 de hauteur, le mât de navire, auquel Nansen donna le nom de ram (En | misaine 15 mètres, et le nid de corbeau pour là avant !). vigie se trouvait sur la flèche d’arlimon, à 32 mètres Pour pouvoir échapper aux étreintes de laglace, au-dessus de l'eau. La voilure avait une surface on évila de donner au Æ#ram les aspérilés et les surfaces planes, en cherchant à en faire une sorte de coin pouvant se dégager de lui-même sous l'effort de la pression. Les parois reçurent des épais- seurs de 60 à 70 centimètres. Toute la construction | vapeur quand celui-ci marchait, soit par un moulin a été exécutée en vieux chène italien conservé | à vent installé sur le pont quand on élait arrimé à à Horten depuis trente ans. la banquise. Pour suppléer au défaut de lumière totale de 560 mètres carrés. Le Zram recut une installation électrique com- posée de dynamos et d’accumulateurs. Geux-ci pou- vaient être chargés à volonté soit par le moteur à 262 G.-L. PESCE — L'EXPÉDITION POLAIRE DU D‘ FRIDTJOF NANSEN électrique et surtout pour le chauffage des cabines, le Fram devait emporter 16 tonnes de pétrole logées dans des réservoirs métalliques placés dans la cale. : Huit embarcations, dont deux de 9 mètres de longueur, el un canot à pétrole, complétaient l'ar- mement du Fram. Les vivres et les provisions furent choisis avec un soin des plus minutieux pour éviter le scorbut. Le D' Torup, professeur de Physiologie à l'Univer- sité de Christiania, ayant étudié cette maladie, reconnut qu'il fallait l’attribuer surtout à la mau- vaise qualité de la nourriture. Par suite de la décomposilion naturelle de la viande, il se formait des poisons de la nature des ptomaïnes et dont l'action produisait le scorbut. L'expérience a prouvé le bien fondé de ces ob- servalions. Le choix très rigoureux des aliments et leur soigneux empa- quetage a préservé l'é- quipage entier du Fram de toute atteinte de scor- but pendant toute la du- rée du voyage. Bien mieux, quelques-uns ont engraissé pendant le voyage et Nansen à augmenté de 22 livres. Une bibliothèque bien garnie et des jeux com- plétèrent l'installation du Fram, qui possédait tous les instruments nécessaires aux observations météorologiques, astronomiques, géodésiques, ma- gnéliques, ainsi qu’à la photographie. Fig. III. — LE PERSONNEL. En ce qui concerne le personnel, Nansen n'eut que l'embarras du choix ; car, dès que le plan de l'expédition fut connu, Nansen reçut des sollicita- tions de toutes les parties du monde, bien qu'il eût fait connaître, dès le début, son intention arrêtée de ne choisir ses collaborateurs, au nombre de douze, que parmi les Norvégiens seulement. De la sorte, Nansen put faire son choix et recruter un équipage d'élite répondant à tous les besoins de l'expédilion. Ce fut un lieutenant de l'armée de terre qui devint à la fois chauffeur et gabier et un capitaine au long cours qui lint l'emploi de maitre d'hôtel et de cuisinier. Tous furent soumis à une rigoureuse visite mé- | 2, — Carle des courants dans la région du Pôle Nord. dicale tiania. Voici quel a été ce personnel désormais cé- lèbre : par le Professeur Hjalmar Heiberg, de Chris- 4° Le Dr Fridtjof Nansen, chef de l'expédition, né en 1861, explorateur déjà renommé par ses expéditions au Spitzberg et au Groenland; 2 Otto Neumann Sverdrup, commandant du Fram, né à Bindal en 1855, ayant navigué depuis l'âge de 17 ans; 3° Sigurd Scott-Hansen, né en 1868 à Christiania, pre- mier lieutenant de la marine, chargé des observations scientifiques ; 4° Henrick Greve Blessing, né à Drammen en 1866, médecin et botaniste de l'expédition ; 5° Théodore-Claudius Jacobsen, second du Fram, n£ à Tromsæ en 1855, marin depuis l’âge de 45 ans ; 6° Anton Amundsen, chef mécanicien du Fram, né à Horten en 1853; de l'expédition, né en 1860 à Skatæ, près Kageræ, fils d’armateur, a été capitaine au long cours pendant plu- sieurs années ; 8° Lars Pettersen, se- cond mécanicien du Fram, en Suède en 1860 de parents norvégiens, avail servi comme forgeron et ajusteur dans la marine norvégienne ; 99 Frederik Hjalmar Jo- hansen, né 1867; il accepla l'emploi de chauffeur du Fram bien qu'il fût lieutenant dans la réserve, étant sorti de l'Ecole militaire ; 10° Peter Leonard Hen- riksen, né près de Tro- mcæs en 14859, harponneur ayant navigué depuis l'âge de 14 ans; 11° Bernard Nordhal, né à Christiania en 1862, ca- norvégienne, puis ingénieur x \ - né CA EE nonnier de la électricien ; 12 Ivar Otto Irgens Mogslad, né en 1856, matelot à bord du Fram, était depuis 1882 gardien-chef à lhôpi- tal d'aliénés de Gaustad ; 13° Bernt Bentzen, né en 1860, engagé comme male- lot à Tromsæ au moment du départ. marine La plupart des membres de l'expédition étaient mariés et pères de plusieurs enfants. Nansen con- tracta des assurances sur la vie, en leur nom, et prit la précaution de demander le divorce pour lui afin que sa femme püt être libre de se remarier si le sort devait lui être funeste, trait bien saillant et très caractéristique de l'esprit généreux du célèbre ex- plorateur. Sa digne compagne Éva, qui baptisa le Fram, confiante dans le génie de son mari, ne le dé- tourna jamais de ses projets ni ne tenta de le dé- courager dans son entreprise. Aussi est-ce à elle et à leur fillette Liv que Nan- sen dédia son livre. T° Adolf Juell, cuisinier à Skien en. sc éimlmishéitatthsh 2 G.-L. PESCE — L'EXPÉDITION POLAIRE DU D° FRIDTJOF NANSEN 263 IV. — LE VoyaGe. Le D' Fridtjof Nansen quitta Christiania le 24 juin 1893, et le 12 juillet le Fram jeta l'ancre à Tromsæ pour faire du charbon et prendre diverses provi- sions : chair de renne séchée, chaussures laponnes et finnoises, ete. Le A juillet le Æram toucha à Vardæ, où toute l'expédition prit son « dernier bain », puis il cingla vers la Nouvelle-Zemble et la mer de Kara dans la- rages. Nansen donna le nom de Nordenskiüld à un groupe d'iles sur la côte de la presqu'ile Taimyr Ouest, puis il atteignit et doubla le cap Tchelious- kine le 10 septembre, après avoir constaté des erreurs sur les cartes concernant ces régions les plus septentrionales du vieux monde. Le D' Copeland est chargé d’y apporter des cor- rectlions d’après les documents fournis par Nansen. Du cap Tcheliouskine le Fram se dirigea vers l'embouchure de l'Olenek, où l'on devait embarquer Grave par A Simon, 12, À. Nicole. Paris LÉGENDE Voyage du Fram dans la mer libre u » dans les glaces - Voyage de Nanser-sur la glace Retour de Vansen à bord du Widmard \120 90 Est de Greenwich 100 jo Fig. 3, — Voyage du Fram el ilinéraire du D' Nansen dans la région polaire. quelle il pénétra par le détroit de Yougor le 30 juillet. Il fit relâche à Khabarova où un ami de Nansen, le baron de Toll, de Saint-Pétersbourg, avait fait préparer une meute de trente-quatre chiens ostiaks, destinés à être attelés aux traineaux dans la région des banquises. L'expédilion se remit en route le # août en sui- vant, autant que possible, l'itinéraire de Nordens- kiüld, et le Fram longea toute la côte septentrionale de la Sibérie par une série de crochets et de zig- zags, ainsi que le montre la carte (fig. 3), par suite des nombreuses difficultés offertes à la navigation, tantôt par les glaçons flottants et tantôt par les nombreuses iles que l’on rencontre dans ces pa- une nouvelle meute de chiens; mais, vu les retards éprouvés, on renoncça à ce supplément de précau- tions et le #ram se dirigea résolument vers l'Est. Le 18 septembre l'expédition trouva la mer libre et la route ouverte vers le Nord, à la hauteur de l'ile Belkov. Toutefois deux jours après, à 77° 44", elle rencon- tra la banquise s'étendant à perte de vue. Elle fut longée pendant deux jours, mais après avoir gagné encore un degré vers le Nord et ne trouvant plus d'issue, Nansen se décida à s'arrimer à la banquise : ce fut le 22 septembre 1893, date mémorable qui marqua le début de la seconde phase du voyage de Nansen, celle de la dérive naturelle de la banquise. La mer à cet endroit mesurait plus de 400 mètres 26% G.-L. PESCE — L'EXPÉDITION POLAIRE DU D: FRIDTJOF NANSEN: de profondeur, car une sonde de 395 mètres n'en trouva pas le fond. L'hiver commencait à se faire sentir et l'expédi- lion entreprit ses préparatifs d’hivernage dont tous les détails furent minutieusement réglés, la vie se faisant en commun. Le Journal de Nansen relate consciencieusement toutes les observations et tous les événements. Il n'ya pas de lecture de roman qui soit plus atta- chante et plus émotionnante, car le D' Fridtjof Nansen joint à la précision du récit une nole poé- lique Loute personnelle et d’un charme si pénétrant qu'elle répand sur cetle physionomie énergique une nuance de douceur indéfinissable qui lui vau- dra la lecture de bien des personnes étrangères à la science et à la géographie. Nous y renvoyons le lecteur avec la certitude qu'il sera agréablement surpris de constater combien celte lecture est altrayante par le fond et par la forme. Le 4 et le 5 Janvier 1895 le /ram eut à subir de la part de la glace les plus fortes pressions de toute la période d'hivernage. Il était entièrement pris par la banquise et à chaque instant d'énormes gla- cons venaient s’'amonceler avec fracas contre le na- vire, menaçant constamment de l’ensevelir ou de le broyer. Alors, — landis que la pression se faisait sentir avec le plus de violence et que la glace amoncelée sur ses flancs en surplombait les bas- lingages, — le ram, se dégageant lentement de son étreinte, monta sur la glace. Il n'avait pas une éraflure. Le 3 Mars, le l’ram se trouvait par 84°4° Nord. Le 1% mars 1895 la dérive du Fram ayant pris une direction prononcée vers l'Ouest, Nansen ré- solut de quitter son navire pour se diriger à pied et en traineau plus vers le Nord. Il se trouvait alors par 83° 59° Nord et 102° 27° longitude Est. I partit avec le lieutenant Johansen emportant trois traîineaux, deux kayaks fabriqués par eux- mêmes avec des loiles imperméables et une armature de bambous, vingt-huit chiens et un approvisionnement de vivres pour pour cent jours eux deux et trente jours pour leurs chiens (voir fig. 3). Ils arrivèrent ainsi jusqu'au 86° 13° 6” de lali- tude Nord le 7 avril. Les vivres commencant à manquer pour leurs chiens, ils furent obligés d’en abattre successivement pour les donner à manger aux survivants. Il ne fallait plus songer à pous- ser outre, et Nansen et son compagnon se déci- dèrent à battre en retraite. Une des plus grandes difficultés qu'ils rencon- trèrent fut de franchir de larges crevasses dans la banquise, recouvertes d'une mince de glace. Ces crevasses coupaient la glace sur des étendues de plusieurs milles et les deux explora- couche teurs étaient obligés de les longer paliemment avant de rencontrer un passage praticable qui ne füt pas dangereux. Le 2% juillet ils apercurent un coin de terre qui, semblait proche, mais qu'ils ne purent atteindre qu'après quatorze jours d'une marche pénible parce que la banquise n'était plus égale ni conti- nue. Ils avaient des passages de mer libre qu'ils pouvaient traverser dans leurs kayaks. j Le 12 Août, ils alteignirent trois îles couvertes de neige, qu'ils appelèrent les iles Blanches, par 81° 38’ de latitude Nord et 63° de longitude Ouest. D'après la carte de Payer, ils se croyaient au délroit d’Austria ou sur la côle ouest de la Terre François- Joseph, alors qu'en réalilé ils se trouvaient au Sud-Est de cette terre. Nansen et son compagnon songèrent alors à hiverner encore sur celle Lerre inconnue et édifièrent une hutte de 10 pieds de long et 6 de large construite avec des ossements d'ours et de phoques qu'ils avaient recouverts de terre de mousse et de fourrures. Ils avaient tué dans cetle partie de leur voyage une quinzaine d'ours, des morses et des phoques. Pendant tout l'hiver ils se nourrirent de viande crue d'ours blane et de graisse de phoque. Au printemps la mer se trouvant libre dans l'Ouest et le Sud-Ouest, ils pensèrent pouvoir faire la traver- sée jusqu'au Spitzberg. Le 23 Mai 1896, se trouvant en eau libre deglaces . par 81° 5, ils apercurentune grande terre à l'Ouest. [ls purent naviguer à la voile et à l'aviron et le 18 juin ils eurent l’'agréable surprise de rencontrer l'expédition Jackson-Hamsworth, établie à la eûte sur la Terre Francois-Joseph, où les deux hardis explorateurs reçurent la plus cordiale hospitalité. Ils se trouvaient au cap Flora. Le lram, de son côlé, confié à la direction du Commandant Sverdrup, après avoir dérivé encore pendant quelque temps vers le Nord jusqu'au 85° 55° 5!', latitude qu'il atteignit le 15 Novem- bre 1895, puis vers le Sud-Ouest, vint sortir de la banquise le 13 Août 1896 Nord-Ouest Spitzberg. Le 20 Août 1896 il était rentré én Norvège, à Skiervo, tandis que le D' Fridtjof Nansen et le lieu- tenant Johansen étaient, de leur côté, rapatriés par le Windward, vapeur de l'expédition Jackson- Hamsworth,qui les amenait à Vardo le 13 août 1896, presque au moment où l'expédition Andrée tentail de suivre la voie aérienne pour atteindre le même but convoilé. Ainsi venait de s'achever et d’être menée à bien l’une des plus glorieuses entreprises de navigation qui aient jamais été tentées, enrichissant la science géographique d'une conquête de prix el à jamais mémorable. au du ds mn Ge de à sé Gén G.-L. PESCE — L'EXPÉDITION POLAIRE DU Dr FRIDTJOF NANSEN 265 V. — LES PREMIERS RÉSULTATS. Parmi les nombreuses observations rapportées par l'expédition Nansen, il en est quelques-unes qu'il importe de signaler dèsà présent parce qu'elles sont capitales. La première est que les régions polaires ne sont pas couvertes d'une couche épaisse et immobile, d'une calotte rigide de glace, mais bien d'une série de banquises mobiles, sortes de champs de glace mouvants poussés tantôt par un léger courant marin et tantôt par les vents, dont les aclions con- trariées expliquent tous les zig-zags exécutés par le Æram. Ces banquises, d'une épaisseur maxima de 3" 17, flottent sur une mer souvent libre et n'augmentent d'épaisseur qu'aux points de contact et de heurt des diverses banquises, là où les chocs font accumuler et empiler les glacons en blocs. Les vents sont plus violents vers le Nord et l'Ouest et plus faibles vers le Sud etl'Est. Un second point important observé par Nansen est qu'il n‘y a pas ou il y a fort peu de terres dans la région asiatique du Pôle; le courant qui entrai- nait La glace élail, en effet, plus rapide que vers le Sud, ce qui n'aurait pas existé s’il y avait eu des _terres, parce que celles-ci auraient arrèlé ce mou- vement ou l'auraient entravé. Nansen pense, par contre, qu'il doit y avoir des terres d'une grande étendue du côté de l'Amérique, ainsi qu'on à pu déjà le constater jusqu'à présent. Une mer profonde existe au Nord de la Terre François-Joseph, ce qui limiterait au Nord l’exten- sion probable de ces terres, que l’on pensait jus- qu'à ce jour devoir êlre considérables. IL y a vingt ans, sir Clément Markham avait énoncé l'idée que François-Joseph devaient appartenir au groupe d'îles du Spitzherg. Avant son départ Nansen avait également affirmé que les Terres Francois-Joseph ne convenaient guère comme point de départ d'une expédition po- laire par voie de terre, altendu que l'on y rencon- trait des iles fort peliles et en très grand nombre. La suite l’a bien prouvé. L'examen microscopique des spécimens de terres arrachées par les sondes du fond de la mer ont prouvé que les caractères organiques sont absolu- les Terres ment différents sur les différents points de l'Océan Atlantique Nord. La vie animale estabondamment développée jus- qu'aux plus hautes régions, spécialement pour les Crustacés. Des ours furent tués par 84° de lali- tude Nord, des renards d'une espèce spéciale et des narvals ainsi que des mouettes de Ross ont été rencontrés jusqu'au 859. La température de l'eau à été trouvée relative- ment chaude, même au nord de la Nouvelle-Sibérie, ce qui témoignail de la présence d'un courant d'eau chaude. La lempéralure de l'eau à la surface était de — 19,5 à — 1°,6, tandis qu'à 200 mètres elle était de + 09,5 à + 0°,8. Cette température élait à peu près constante à une profondeur de 400 à 500 mètres. puis s’abaissail jusqu'au fond, mais sans être aussi basse qu'à la surface. La température de l'air n'élail pas aussi basse qu'en Sibérie, attendu que la plus froide que l'on aitrencontrée a élé — 53°, tandis qu'à Verkhovansk on a des froids allant jusqu'à — 68°. Nous ne parlerons pas de tous les phénomènes météorologiques que l'expédition Nansen a pu observer el dont quelques-uns ont été fort remar- quables, surtout les aurores boréales; nous ren- voyons le lecteur à l'ouvrage que Nansen à publié sur son voyage. Nous nous conlenterons de lirer cette conclusion: c’estqu'à chaque tentative nouvelle que les hommes de science et d'énergie ont faite pour pénétrer les secrets de la Nature, ils ont rapporté une moisson de faits et d'enseignements qui ont permis aussi- tôt à d’autres pionniers de partir avec des élé- ments nouveaux de recherches et de circonscrire de la sorte, de plus en plus, le domaine de l'in- connu. Nous avons l'intime conviction qu'après les nou- velles tentatives d'explorations aériennes d'Andrée d'une part, de Godard et Surcouf de l'autre, on entrera dans une phase nouvelle de recherches, période pendant laquelle on se servira de méthodes entièrement nouvelles et notamment du concours simullané de la navigation sous-marine el de la na- vigalion aérienne. G.-L. Pesce. Ingénieur des Arts ct Manufactures 266 R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE I. — ZOOLOGIE GÉNÉRALE. M. E. Mac Bride a lu tout récemment, devant la British Associalion, un mémoire où il traile de l'importance de la Morphologie en Zoologie. Cette question offre un haut intérêt d'actualité, les études de morphologie élant en ce moment quel- que peu délaissées, ou, tout au moins, tenues en très faible estime par certains zoologistes. Ces savants, tenant pour insuffisants les procédés ordinaires de la Morphologie, ont inauguré de nouvelles méthodes qu'ils cherchent à leur substi- tuer ; ces méthodes comprennent surtout l'Embryo- logie expérimentale, instituée par Roux et ses élèves, la Biomécanique ou ce que les Allemands appellent l'£ntwickelungsmekanick, Vétude des variations individuelles telle que l’a entreprise Bateson, et enfin la statistique de la variation que Galton exprime par ses courbes. Mac Bride nie formellement que ces nouvelles méthodes puissent fournir la solution, qu'elles prétendent donner, du grand problème de l’évo- lution des êtres organisés et il conseille aux zo9lo- gistes de revenir à la Morphologie. Il reconnait toutefois que, dans cette science, il y a des écueils à éviter el ce n’est pas sans raison, dit-il, que lon a reproché aux morphologistes imprudents de tirer des mêmes faits les conclusions les plus différentes. C'est que les processus de l’évolution sont très complexes : ils ne procèdent pas toujours du simple au complexe, car la marche inverse peut être suivie par la nature et il y a alors rétrogra- dation et dégénérescence. De plus, des formations identiques peuvent apparaitre d'une manière tout à fait indépendante à la suite de phénomènes de convergence. La convergence et la dégénérescence sont les deux facteurs qui peuvent créer aux mor- phologistes les plus grands dangers et Mac Bride donne aux zoologistes d'excellents conseils pour les éviter. Le savant naturaliste anglais voudrait rendre à la Morphologie l'importance qu’elle possédait autre- fois et que, dans l'esprit de la plupart des z0olo- gistes, elle n’a d’ailleurs pas encore perdue. Son discours vient tout à fait à propos, car, quelques publications françaises ont, dans ces derniers temps, beaucoup exalté les mérites et l'avenir des mé- thodes nouvelles ; elles affirment volontiers que les zoologistes français sont fort en retard sur leurs confrères étrangers, et que, s'ils veulent suivre le courant général, ils n’ont qu'à s'empresser d'abandonner leurs anciennes méthodes, ete. Or n'est-il pas piquant de trouver, dans une revue étrangère précisément, un plaidoyer en faveur de la Morphologie ? La vérité est que la Morphologie, l'Embryologie et la spécification d'une part, la Zoologie expéri- mentale, la Biomécanique et l'étude des varialions d'autre part, fournissent chacune au naturaliste d'importants documents et que tous ces procédés peuvent et doivent se compléter mutuellement. IL me semble qu'on pourrait donner, comme exemple d’un {ravail où l'emploi des méthodes expérimen- tales, associé à des recherches de Zoologie pure (spéciticalion et géographie zoologique), a produit les meilleurs résultats, le mémoire dont Standfuss vient de donner une deuxième édition et intitulé : Handbuch für Sammler der europaischen Schmetter- linge. Cet ouvrage s'adresse à deux catégories de lecteurs trop rarement confondues, les zoologistes curieux de philosophie naturelle et les amateurs. Ce livre estun manuel précis pour la récolte, l’éle- vage et la détermination des Lépidoptères, mais les questions générales y tiennent une grande place. Je signalerai surtout la partie consacrée à l’hybri- dation où l’auteur relate ses expériences sur trois espèces de Saturnia (S. pini, pavonia et pyri) et au dimorphisme saisonnier. On sait que ce dimor- phisme peut être reproduit expérimentalement, chez les espèces qui le possèdent, par l’action du froid ou de la chaleur sur les larves. Au lieu de considérer les espèces isolément, comme l'avaient fait ses prédécesseurs, Standfuss les a étudiées comparativement, surtout dans le groupe des Va- nesses, et il a cherché à établir des conclusions sur les affinités et la phylogénie des formes étudiées. Notons d'abord que, pour que le froid ou la cha- leur agissent, il faut que les pupes soient âgées de 12 à 2% heures; si elles sont trop jeunes, elles meurent et, lrop àgées, eiles donnent la forme normale. Les résultats obtenus par Standfuss sont extrêmement intéressants ; je n’en cilerai que quel- ques-uns. La Vanessa anliopa, soumise à la chaleur, reproduit une variélé connue au Mexique. Par l’action du froid, la V. /0o donne une série de formes passant à la V. Urlicæ; la V. antiopa dans les mêmes conditions passe à la V. polychloroes, etc. Si l’on rapproche ces résullats expérimentaux des don- nées acquises sur la répartition géographique des espèces, on arrive à des conclusions imporlantes. Pour n’en citer qu'un exemple, les Vanesses de la faune néaretique constituent un ensemble plus archaïque que celles de l’ancien monde et cela pourrait s'expliquer en considérant qu'au moment de la période glaciaire en Amérique, ces papillons n'ont pas rencontré d'obstacles pour chercher unir nû à R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE dans des latitudes méridionales le maintien des condilions elimatériques auxquelles elles élaient adaptées. En Europe au contraire, contenus par des obstacles géographiques (chaines de mon- tagnes) dans leur habitat devenu plus froid, ils ont varié sous l'influence de ces nouvelles conditions climatériques. Plusieurs de nos espèces actuelles auraient celte origine. Appliquant le résultat de ses observations à la synthèse de la notion d'espèce, Standfuss est con- duit à établir cette formule peu différente de celle à laquelle des études analogues ont conduit Eimer : « L'espèce est un groupe d'individus qui, par l'in- fluence directe de certains facteurs extérieurs, ont divergé des types voisins au point que, à l'état adulte, il ne peuvent plus par le croisement avec ceux-ci donner des produits indéfiniment féconds.» Le Pr. Hæckel vient de faire paraitre le dernier volume de sa Systematische Phylogenie qui a pour objet les Invertébrés ; les deux premiers volumes, datant de 1894 et 1895, traitaient respeclivement des Protistes et des Vertébrés. J'ai attendu pour parler de cet ouvrage qu'il fût entièrement lerminé. Nous retrouvons dans ce travail les procédés d’ex- posilion que le savant zoologiste a employés dans ses publications antérieures et les arbres généalo- giques sont loujours nombreux ; chaque phylum a son point de départ bien déterminé et chacun se développe régulièrement, depuis les formes les plus simples jusqu'aux plus complexes, sans lacunes et sans hésitations. Mais, en dehors des questions de théorie et de doctrine qui prêtent toujours le flane à la critique, on trouve aussi, dans cet ouvrage, une accumulation de documents et de faits qui dénotent chez l’auteur une érudition des plus vastes. Aussi les zoologistes trouveront- ils, dans la Systematische Phylogenie, un tableau exact de l’étal de nos connaissances sur les diffé- | rents groupes du règne animal. Le volume consacré aux Vertébrés me parait le plus remarquable de l'ouvrage. Les documents paléontologiques, ontogéniques etmorphologiques, sur lesquels on peut asseoir la phylogénie d'un groupe, sont plus nombreux pour les Vertébrés que pour n'importe quel autre groupe. Aussi cetle partie de l'œuvre de Hæckel est-elle beaucoup plus solidement établie que les autres, et l’auteur a su profiter avec beaucoup de bonheur des données qu'il avait à sa disposition. Dans les autres parties, il me semble que le cha- | pitre le plus intéressant est celui des Echino- dermes. Ce groupe est bien celui dont les affinités sont les plus obscures et les plus disculées. Pour Hæckel, les Echinodermes les plus inférieurs sont ceux dont les organes génitaux sont simples et s'ouvrent au dehors par un orifice unique. Ce caractère existe chez les Holothuries actuelles, et, en outre, dans des formes fossiles cambriennes et siluriennes qu'on avait jusqu'à maintenant rappor- tées aux Cystidés: ce sont les Amphoridés, qui se distinguent des Cystidés par l'absence complète d’ambulacres. Les plus anciens de ces Amphoridés n'offrent pas encore la structure pentaradiée, mais sont franchement bilatéraux. C'est de ces formes bilatérales que doivent provenir, en passant sans doute par un stade triradié comme on l'observe chez les £ocystis et les Arachnocystis, les formes pentaradiées, dont la plus ancienne est la Pentac- tæa. La théorie de la Pentactula, déjà formulée par Semon, est reprise par Hæckel, qui la complète et la développe avec de nouveaux arguments. J'ai déjà eu l’occasion de résumer ici cetle théorie ‘. IL. ZOOLOGIE SYSTÉMATIQUE ; MORPHOLOGIE ET EMBRYOLOGIE. On se rappelle l'intérêt que souleva, il y a quel- ques années, la découverte de la Cæloplana et de la Ctenoplana et les hypothèses célèbres que sus- citèrent leurs affinités mixtes. Malheureusement, plusieurs points de leur anatomie étaient restés obscurs, car ces deux êtres n'avaient jamais été retrouvés depuis l'époque de leur découverte. A. Willey a été assez heureux pour rencontrer la Ctenoplana sur les côtes de la Nouvelle-Guinée et il en a pu étudier quatre exemplaires vivants. Ces ani- maux nagent à l’aide de leurs huit palettes, qui offrent la disposition habituelle des Cténophores et ne sont nullement atrophiées, comme le croyait Ko- rotneff. Sans entrer dans les détails de l'organisa- tion étudiée par Willey, je mentionnerai seulement que cet auteur a reconnu chez la C{enoplana une structure franchement bilatérale et qu’il a pu fixer netlement les homologies de ses plans tentaculaire et stomacal avec les plans sagittal et transversal des animaux bilatéraux, homologies qu'il était indispensable d'établir avant de tenter toule com- paraison. Willey confirme les affinités de la Ctenoplana avec les Cténophores et les Plathelminthes, mais il repousse l'opinion qui voit dans cet être une forme intermédiaire entre les Cténophores et les Pla- naires : pour lui, loin d’être un Cténophore ram- pant, la Clenoplana est une forme archaïque, le dernier représentant d'un groupe primitif duquel se seraient séparés, en directions divergentes, les Cténophores et les Vers plals. Cette vue est donc tout l'opposé de l'hypothèse de Lang, suivant lequel les Cténophores auraient donné naissance, 1 Les idées nouvelles sur les Échinodermes. Revue gén. des Sciences, 1891, p. 108. 268 R. KŒHLER — REVUE D ANNUELLE DE ZOOLOGIE après une longue série de modificalions dont la Cœloplana et la Ctenoplana nous représentent quelques phases, aux Vers plals dont proviennent ensuite les Annélides. Les affinités des Clenoplana avec les Cténophores et les Plathelminthes étant de nouveau confirmées par les études de Willey, ne pourrait-on pas ren- verser celle proposition et admettre que certains Vers plats, en devenant pélagiques, ont acquis la symétrie rayonnée (qui est souvent une consé- quence de cette vie ), et, passant par le stade C!e- noplana, ontété le point de départ des Cténophores qu'il faut d’ailleurs séparer complètement de Cæ- lentérés) ? Il y aurait done une série ascendante des Planaires aux Clénophores et non pas une série descendante, comme l’admet Lang. Cetle manière de voir se raccorderait parfaitement aux vues ingé- nieuses qui ont été développées récemment par Perrier sur la classificalion et la phylogénie des Vers. Par Vers, ce savant entend les Plathelminthes et les Trochozoaires des auteurs, moins les Mol- lusques et les Lophostomes. Or les différents types de Vers se montrent unis par des transitions très naturelles. « La continuité de l’embranchement, dit Perrier, apparait nettement si au lieu de cher- cher à ranger les Vers en une série exelusivement ascendante, on admet qu'ils forment d’abord une série ascendante suivie d’une série descendante, les deux séries étant reliées l’une à l’autre par les formes parasites qui ont déterminé le changement de direction de la courbe, en donnant naissance, après avoir été dégradés par un demi-parasilisme, à deux séries de formes, les unes totalement para- sites, les autres libres, mais d'un aspect tout diffé- rent de celui des Vers de la série ascendante. » Les Plathelminthes proviendraient donc des Vers an- nelés, plus anciens qu'eux, et les preuves de cette descendance sont nombreuses. D'abord il existe des formes de passage entre ces deux groupes : les Dinophilus et les Myzostoma par exemple. De plus, on trouve dans un grand nombre de Vers plats des restes indiscutables de structures caractéristiques des Annélides et, notamment, de la mélamérisation : répélilion des testicules dans le corps des Dactilo- colyle, présence d'appendices pairs à l'extrémité du corps des Gyrodactylus et des Octobothridés, annulation des téguments des Udonella el des Diplozoon, ele. Enfin faut-il rappeler l'existence de Planaires franchement segmentées, telles que les (runda? Tous ces faits isolés et sans lien apparent s'enchainent et s'éclairent d'un jour nouveau dans l'hypothèse séduisante soutenue par Perrier. Certes, toutes les difficultés ne sont pas résolues et bien des obscurités subsistent encore. Ainsi les Némerles sont réunies par Perrier aux Plathel- minthes, mais sans que leurs affinités soient net- tement élablies. Il est certain que ce groupe est fort embarrassant, quoi qu'il soil très bien connu maintenant ; Bürger vient d'en publier une mono- graphie remarquable et il parait avoir épuisé le sujet, sans résoudre le problème de la parenté de ces animaux. Ce travail est trop considérable pour que je puisse le résumer ici; je me bornerai à signaler quelques chapitres. L'un des plus intéres- sants se rapporte à l’étude du système excréteur dont l'existence à été reconnue par Bürger dans presque loutes les Nemertes. Cet appareil comprend toujours deux troncs parallèles aux vaisseaux lalé- raux et s'ouvrant au dehors, mais ne s’ouvrant | jamais dans l’intérieur du corps, ni dans le cœ- lome, ni dans les vaisseaux. Des ramifications, sou- vent élargies à l'extrémité, peuvent même s’enfon- cer dans les vaisseaux laléraux, mais sans jamais s'y ouvrir; fait des plus intéressants, ces élargis- sements renferment parfois une belle flamme vibratile. Bürger a aussi insisté sur l'importance que présentait l'élude des couches musculaires, tantôt au nombre de deux, tantôt au nombre de trois et des relations des troncs nerveux avee ces couches. Il a même utilisé ces relations pour éla- blir une classificalion des Némertes en quatre classes (Protonémertiens, Mésonémertiens, Métané- merliens et Héléronémertiens) plus rationnelle que la classificalion suivie jusqu'à maintenant. D'intéressantes observations ont été faites sur les Annélides par Racoviltza et par Caullery et Mesnil. [la déjà été question, dans la /Æevue, des recherches du premier auteur sur le lobe cépha- lique des Polychètes et je renverrai le lecteur à l'ex- cellente analyse que M. Cuénot vient d'en publier! Les études de Caullery et Mesnil se rapportent à un phénomène de la reproduction. On sait que, chez certaines Annélides, il se produit au moment de la reproduction une véritable métamorphose : PAnné- lide prend une forme dile épitoque, bien différente de celle qu’elle offre en temps ordinaire : €'est ainsi que les Vereis deviennent des Aeteronereis. Cette transformation n'était connue que chez les Lycoridiens et les Syllidiens. Or, Caullery et Mesnil viennent de la rencontrer dans une famille d'Annélides sédentaires, les Cirratuliens, chez les Dodecacirria concharum et Heterocirrus fla- voviridis. La forme épitoque n’est donc pas parti- culière aux Annélides errantes et il est très probable que des recherches ullérieures nous apprendront qu'elle est très répandue chez les Polychètes. En étudiant l'anatomie des Spirorbes, les mêmes auteurs ont constaté que ces Annélides étaient complètement asymétriques et que l’asymétrie portait, non seulement sur la forme extérieure, guère ! Revue gén. des Sciences, 1897, p. 108. R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE 269 mais encore sur la disposition des organes internes. Le sens de l’enroulement est même constant pour chaque espèce, et, comme chez les Gastéropodes, il y a des espèces dextres et des espèces sénestres. On ne peut s'empêcher de rapprocher l’asymétrie découverte par Caullery et Mesnil chez les Spi- rorbes de celle des Mollusques Gastéropodes et il y a là un curieux phénomène de convergence. On sait que les Wonstrillides sont des Copépodes qui, à l'état adulte, habitent la haute mer et pré- sentent cette anomalie remarquable que le tube digestif et plusieurs paires d’appendices font défaut. On ne pouvait s'expliquer cette particula- rité, dans l'ignorance où l’on se trouvait du mode de développement de ces animaux. Giard a décou- vert dernièrement qu'une espèce de Monstrillide vivait, pendant son jeune àge, en parasite dans l'intérieur d'une Annélide, le Polydora Giardi, et, plus récemment encore, Malaquin à reconnu que deux autres espèces passaient les premières phases de leur vie dans l’intérieur même des vaisseaux des Filigrana et des Salmacina. Pendant cette existence parasitaire, le Crustacé offre, à la place des deuxième et troisième paires d’appendices, deux paires de prolongements longs et inarticulés, qui plongent dans le liquide cavitaire ou dans le sang de son hôte et à l’aide desquels il se nourrit par osmose. Il est toujours orienté d’une façon très constante : dans le même sens que l'hôte chez le Polydora et en sens inverse chez les Serpu- liens. Malaquin a observé que le parasite provoquait chez cet hôte la suppression complète des organes génitaux dont il occupe presque toujours la place. Sa sortie s'effectue par rupture des parois de l’An- nélide. Le parasite sort à reculons, les pattes thora- ciques et l’abdomen repliés sous la face ventrale: quant aux appendices absorbants, ils restent dans le corps de l'Annélide. Le mème auteur a pu ob- server la pénétration de l'embryon dans l'Annélide au travers des léguments. Cette pénétration se fait au stade blastula etil est fort probable que les embryons sont déposés directement par la femelle sur-les téguments de l'hôte. Ce qu'il y à de plus remarquable dans l’histoire des Monstrillidés, c'est que la vie parasitaire com- mence de fort bonne heure et que les modifications occasionnées par le parasitisme apparaissent sur- tout pendant les premières phases de l’évolution, à l'inverse de ce qui a lieu chez les autres parasites. Ce sont, en effet, les appendices du Nauplius qui se transforment, tandis que les appendices et organes divers acquis pendant l’évolution parasi- taire, se développent d'une facon normale. A partir d'un stade très précoce et malgré le parasitisme, le Crustacé offre un développement REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897. | constamment progressif: ainsi, bien que vivant dans un milieu complètement obscur, il acquiert trois yeux très perfectionnés. La vie parasitaire n'a d'autre résultat que l'atrophie-de l'intestin. Cette évolution ascendante, si différente de la dégénérescence qu'offrent les autres Crustacés parasites, peut ètre comparée au développement intra-utérin du fœtus des Mammifères (qui est aussi un parasite de sa mère), car les appendices absorbants du Crustacé fonctionnent comme un véritable placenta. D'intéressantes considérations sont développées par Giard sur ce parasitisme pla- cenlaire. L. Roule continue ses recherches sur le dévelop- pement embryonnaire des Crustacés. Il à publié deux nouvelles études, l’une sur la formation des feuillets chez l'Asellus, l'autre sur le développe- ment complet du Palemon. L'embryologie de l'Asellus offre certaines particularités : d’abord la segmentation ne suit pas le même mode pendant toute sa durée ; elle est d'abord totale et devient ensuite partielle. En outre, l'œuf donne naissance au corps, non pas en s'élirant pour se reployer ensuite, mais bien en se fendant dans sa région dorsale et en rabattant de part et d'autre les deux moitiés ainsi produites. C’est là un curieux exemple d'un déplacement embryonnaire introduit dans une embryogénie condensée. L'auteur se sert de cette particularité pour expliquer l'un des premiers phénomènes évolutifs des Crustacés. D'après lui, ces animaux, du moins ceux qu'il a étudiés, ne présentent point de gas- trula, et les dépressions considérées par les auteurs comme des invaginations gastrulaires ont une tout autre signification. Les unes correspondent à des formations précoces de l'intestin antérieur el les autres à des fentes semblables à celles de l'Asellus. Ce dernier cas est celui du Palemon, et c'est à cause de la formalion hâtive de cette fente que plusieurs zoologistes, l'ayant trouvée sur des types voisins, avaient cru à une invagination gas- trulaire devant donner l’endoderme. En réalité, ce dernier feuillet nait dans l’intérieur de l'œuf. Ces observations de Roule et l'interprétation qu'il donne de cette prétendue gastrula des Déca- podes, ont une grande importance. Cela ne sem- blait-il pas, en effet, extraordinaire de rencontrer une gastrula par invagination dans des œufs volu- mineux, chargés de vitellus nutritif, à développe- ment condensé, tels que ceux de lEcrevisse et de la plupart des Décapodes? Quant aux œufs de petite taille, pauvres en vilellus nutrilif, tels que ceux des Isopodes parasites et de certains Crus- tacés supérieurs, ils n'offrent pas non plus de gas- trula invaginante; cette différence est du même ordre que celle que l’on observe entre les œufs 6*** BR. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE volumineux des Monotrèmes et ceux, très petits, des Mammifères placentaires. Dans ces derniers temps, Chun s'est beaucoup occupé des Crustacés Schizopodes, soit au point de vue de l’évolution du groupe et des caractères anatomiques, soit au point de vue de la répartition bathymétrique. Les deux familles les plus impor- tantes, les Euphausidés et les Mysidés, renferment une série de formes qui passent graduellement des plus simples aux plus complexes. Ainsi, chez les premières, On s'élève graduellement des Thysano- poda aux Æuphausia et Nematoscelis pour arriver aux Stylocheiron. Chez les Mysidés, on trouve une série analogue en parcourant successivement les genres Siriella, Cæsaromysis et Arachnomysis. Or, l est très curieux d'observer que, dans les deux simples sont superficielles, compliquées sont localisées familles, les formes {andis que les plus dans les profondeurs. Parmi les dispositions anatomiques observées par Chun chez les Schizopodes pélagiques des grandes profondeurs, l'une des plus extraordi- naires est la division de l'œil, ordinairement très gros, en deux régions distinctes, l'une frontale et l'autre latérale. La séparation peut s'effectuer à des degrés variables, qui correspondent à la com- plexité des animaux. Parmi les Euphausidés, elle atteint son maximum chez les Stylocheiron; parmi les Mysidés, la division est très nelte chez les Benthonysis ; chez les Caæsaromysis, l'œil latéral subit un commencement d'atrophie et chez les Arachnomysis la région frontale seule persiste. Il ne s'agit pas ici d'une simple séparation de l'œil en deux régions : l'étude histologique montre que l'œil frontal se distingue par l'allongement el l'élargissement des yeux élémentaires, dont les facettes sont plus larges et plus bombées. Chun a pensé que cette structure n'élait pas spé- ciale aux Schizopodes et qu'elle se retrouverail chez d'autres Crustacés pélagiques profonds. Il à en effet observé une disposition analogue chez les Sergestes, les Hyperidés et les Daphnidés pélagiques et il s'est assuré qu'au contraire, elle faisait défaut chez tous les Crustacés vivant au fond de Ja mer. Aussi la considère-t-il comme un trait de structure caractéristique des Crustacés pélagiques profonds. Quelle est l'utilité de cette disposition ? L'œil frontal donne une image, à la vérité peu nelle, mais plus lumineuse, tandis que l'œil latéral, avec ses facettes plus petites et plus nombreuses, donne une image plus détaillée. La séparation de l'œil en deux régions est donc très favorable, dit Chun, aux Crustacés pélagiques profonds qui sont car- nassiers et se nourrissent de proies petites, à la poursuite desquelles ils doivent se livrer, landis qu'un appareil visuel perfectionné serait inutile aux animaux de fond qui se nourrissent de proies volumineuses et d’une capture plus facile. Mme M. von Linden à cherché à déterminer les lois qui régissent l'ornementation et la colora- lion des coquilles des Gastéropodes marins. En ce qui concerne l'ornementation, l'ontogénie fournit un tableau fidèle de la phylogénie. Ce sont d’abord les stries d'accroissement qui s'épaississent pour former des rides transversales, puis apparaissent des rangées de tubercules, d'abord transversales, et plus tard longitudinales. La disposition trans- persale de lornementation précède donc la dispo: sition longitudinale. L'inverse arrive pour les couleurs : les lignes longitudinales de coloration précèdent toujours les lignes transversales. L'ornementation et la coloration ne peuvent êlre d'aucune utilité pour l'animal; par conséquent, leur origine ne peut être attribuée à la sélection naturelle. L'auteur admet que ce sont uniquement les circonstances extérieures qui ont déterminé ces modifications, lesquelles se transmettent ensuite héréditairement. L'influence de la lumière sur la coloration de la coquille est indiquée assez succinctement par Mu M. von Linden, mais l'importance de ce fac- teur à elé surtout mise en relief par Simroth, qui à ulilisé, pour cette étude, les matériaux de l'expé- dition du Plankton. Chez les coquilles pélagiques on observe deux sortes de couleurs: le jaune-brun, clair ou foncé et le violet tirant sur le pourpre; les autres couleurs sont exclues. Il est à remarquer que la coloration jaune-brun est la coloration pri- mitive, et que le violet n'apparait que secondaire- ment, par suite d’une transformation de la pre= mière sous l'influence de la lumière solaire. Cette lransformation est identique à celle que subit la sécrétion jaunàtre des Purpura, qui ne devient viO- lette que sous l'influence de l’éclairement. Aussi les coquilles des Mollusques pélagiques qui sont soumises à un éelairement intense sont-elles toujours violettes. On trouve même parfois, dans l'épaisseur des couches ou vers la pointe de co- quilles adultes, des restes, colorés en violet, de la coquille larvaire ; on en conclura que ces coquilles appartiennent à des espèces dont les larves sont pélagiques. Ce fait a été reconnu par Simroth chez plusieurs représentants des genres Conus, Nassa, Strombus, etc. : il est donc possible d'en tirer un renseignement intéressant sur la manière dont vivent, pendant le jeune âge, certaines espèces dont la forme larvaire est inconnue. La découverte récente, faite par Beard, d'un appareil nerveux lransitoire. chez l'embryon de Raie, a conduit cet auteur à une conceplion très remarquable de l'embryogénie des Vertébrés et qui din nt tte dou be R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE 271 est de nature à modifier complètement nos idées sur ce sujet. Voici le résumé des faits: Les em- bryons de Raie ayant 45 millimètres de longueur offrent, au-dessus de l'axe neural, dans la région moyenne du corps, une série ininterrompue de grosses cellules nerveuses qui sont reliées à d'autres cellules disséminées entre les myolomes, sous l'ectoderme, elc.: ces cellules donnent nais- sance à des nerfs. Ce système nerveux apparait dans des embryons dont la longueur n'excède pas 9 millimètres ; quand la longueur alteint 70 milli- mètres, il commence à dégénérer, puis il disparait complètement sans laisser de traces et sans avoir | rien de commun avec le système nerveux définitif. Des recherches faites par Beard établissent que ce système nerveux transiloire existe chez plusieurs autres Poissons et chez le Triton. Dans un travail ultérieur, Beard a montré que la disparition par dégénérescence de ce système cor- respondait à toute une série de modifications fa- ciles à constater chez les Ichthyopsidés: c’est à ce stade, en particulier, que le sac vitellin commence à êlre résorbé par les cellules endodermiques. Beard donne à ce stade le nom de stade crilique et il affirme que chez tous les Vertébrés il existe un stade crilique analogue, indiqué par une modifica- tion profonde de la nutrilion de l'embryon et par l'acquisition de ses caractères propres. Chez les Mammifères placentaires, ce stade est marqué par la disparition du trophoblaste et par l'apparition du placenta allantoïdien. Quelle signification peut-on attribuer à de tels faits? Pour Beard il n’y en a qu'une. L'embryologie d'un animal, d'un Vertébré, ne représente pas la succession des formes prises par un même orga- nisme, avec le caractère d'une répétition phylogé- nétique qu'on lui attribue généralement; c'est l'hisloire de la substitution d'un organisme à un autre organisme, et le système nerveux transiloire appartient au premier organisme. L'embryologie des Vertébrés offre une véritable alternance de générations el une forme sexuée succède à une forme asexuée. Dans une note très intéressante, Houssay vient de reprendre cette question à un point de vue plus général. Il adopte l'idée de Beard d'une substilu- tion d'organismes, mais sans relever de contradic- tion entre cette conception et la lo; de répétition onlogénétique ; seulement il donne à cette substi- tution une signification différente. Ce n'est pas une alternance de généralion, c'est une mélamorphose (Houssay préférerait employer le terme de méta- bolie) caractérisée par une dégénérescence suivie d'une réparation. Cette métabolie ne s'observe pas seulement dans le système nerveux transitoire de Beard; on l'observe aussi dans l'évolulion des appareils respiraloire et circulatoire et surtout dans celle du système excréteur (substitution du mésonéphros au pronéphros). Mais ce n'est pas tout. L'embryogénie des Vertébrés offre encore d’autres exemples de phénomènes métaboliques : ce sont, par exemple, les phénomènes de régres- sion de la larve en blastoderme par suite de son immobilité sur vitellus (dont elle n'est somme qu'un parasile, suivant la comparaison suggestive de Giard), avec réduction de l’archen- léron devenu inutile. Cette régression nous ex- plique les difficultés à retrouver la gastrula dans les œufs méroblastiques. L'exactilude de la loi de répartilion onlogéné- tique n’est donc pas atteinte par la notion des développements successifs; seulement, comme le dit Houssay, cette loi peut êlre troublée par les phénomènes métaboliques qui ont été intercalés après coup, dans une série formelle faite en dehors d'eux. Cette idée de métabolie venant arrêter le cours de l’évolution par feuillets, venant compli- quer celle-ci et pour ainsi dire l’'encombrer, peut êlre très féconde, mais il faut arriver à déterminer ce qui dans l’ontogénie leur appartient et ne leur appartient pas. Les conceptions de Beard et de Houssay sont à peine ébauchées, mais on voit qu'elles ouvrent de vastes horizons. le en III. — FAUNES. GÉOGRAPHIE ZOOLOGIQUE. J. Murray a réuni, dans deux volumes qui ter- minent la magnifique publication des Æeports du « Challenger », tous les documents généraux ac- quis à la science. Parmi les faits sur lesquels il insiste, je signalerai particulièrement ceux qui sont relatifs à la distribution bathymétrique des animaux. On a constalé dans les dragages que le nombre des espèces et des individus diminuait au fur et à mesure que la profondeur augmentait. Tan- dis qu'au-dessus de 1.000 et surtout de 500 brasses le nombre des individus caplurés est parfois énor- me, il est rare de trouver au delà de 2.000 brasses plus de quatre ou cinq représentants de la même espèce. Les profondeurs de 100 brasses ont fourni un total de 4.400 espèces, et ce chiffre s’est succes- sivement abaissé à 2.050, 710 et 500 pour des pro- fondeurs respectives de 500, 1.000 et 2.000 bras- ses ; au delà de 2.500 brasses, il n'a élé capturé que 235 espèces en toul. D'une manière générale, la faune est d'autant plus riche qu'on se trouve plus près des côtes, et cette assertion resle vraie pour les animaux abys- saux. À une petite distance de la côte, la faune est beaucoup plus riche, pour une profondeur de 1.000 à 2.000 brasses, que très loin au large, à la même profondeur. Ce fait fournit un nouvel argu- ment à l'opinion, d'ailleurs généralement admise, R. KŒHLER — REVUE 272 ANNUELLE DE ZOOLOGIE que la faune abyssale provient de lémigration de la faune littorale dans les profondeurs. La similitude des faunes arctique et antarctique, qui avait déjà frappé les anciens observateurs, à été confirmée par les découvertes du « Challenger ». En faisant le relevé des espèces observées dans les mers arctiques et antarctiques, Murray en trouve un assez grand nombre qui sont communes aux deux régions et qui manquent dans la zone inter- médiaire. Il considère que ces espèces arctiques et antarctiques ont une origine commune et il admet qu'au commencement de l'époque tertiaire, cer- laines espèces s'étant habituées à l'abaissement de température qui s'est fait sentir vers les pôles, se sont perpétuées dans ces régions polaires ou ont été le point de départ de formes nouvelles, qui, se développant dans les mêmes conditions de part et d'autre, offrent naturellement plus d’affinités entre elles qu'avec les formes tropicales intermédiaires. Ces espèces affines sont des formes de reliquat. Tel n’est point l'avis d'Ortmann. Il y a évidem- ment, dit ce naturaliste, des espèces areliques et antaretiques qui ont une origine commune, mais la ressemblance de ces faunes ne doit pas être mise exclusivement sur le compte d'une identité origi- nelle ; dans beaucoup de eas, elle est secondaire el tient à une émigration d'un pôle à l'autre. Comment cette émigration s’est-elle faite? En très grande partie par les profondeurs où les conditions d'exis- tence restent identiques dans toule l'étendue des Océans d'un pôle à l’autre. Il est inexact d'affirmer que les espèces communes aux deux régions po- laires soient inconnues dans les districts intermé- diaires. L'assertion peut être vraie pour les zones ittorales (et encore pouvons-nous nous flatter de tout connaitre ?) mais elle est fausse en ce qui con- cerne la faune des profondeurs. Pour mettre en évidence les relations qu'ont entre elles les formes polaires, Ortmann choisit, parmi les Décapodes, quelques genres polaires, les genres Crangon, Lithodes, Pandalus et Pontophilus. 11 observe que ces deux derniers genres, à peu près inconnus sous les tropiques dans les zones littorales, y existent au contraire dans les profondeurs et que les deux autres genres ont quelques représentants littoraux dans les régions moyennes du globe. Ortmann est persuadé qu'une enquête analogue, faite pour d’autres groupes, donnerait des résultats iden- tiques. Il y a donc, parmi les espèces communes aux deux régions polaires, un certain nombre de formes au moins, qui proviennent d’une immigra- tion, soit par les profondeurs, soit le long des côtes africaines ou américaines. On peut faire remar- quer, en faveur de la thèse soutenue par Ortmann, que Bouvier, en étudiant d’une manière tout à fait indépendante la répartition géographique des Lithodinés, est arrivé aux mêmes résullats. Sous le nom d'Oceanic Ichthyology, Good el Bean viennent de publier un mémoire considérable, vé- ritable monument ichthyologique. Les auteurs élu- dient et mentionnent toutes les espèces de haute mer et de profondeur connues jusqu'à ce jour dans les Océans ouverts, etils décrivent en particulier les poissons découverts par le ‘* Blake”, l’‘Albatross ? et le ‘* Fish Hawk”, en figurant près de 500 espèces. Les conclusions générales qui se dégagent d'un pareil travail sont réservées pour un nouveau vo- lume dont j'espère avoir l’occasion de parler. Un autre travail important d'Ichthyologie a été publié par Collett et comprend l'étude de poissons recueillis par l’‘‘Hirondelle ”. Il forme le fasci- cule X de la belle publication éditée par S. A. le prince de Monaco. Le fascicule IX de celte publicalion renfermait l'étude des Céphalopodes de l’‘ Hirondelle” par Joubin, et il a élé suivi de différents mémoires du même auteur sur les Céphalopodes de la ‘ Prin- cesse Alice ”. La forme la plus remarquable men- tionnée par ce savantestle Lepidotheutis Grimaldi, dont deux débris ont été trouvés dans l'estomac d'un cachalot et dont la longueur totale doit dépas- Le viscéral est recouvert de grosses écailles imbriquées et saillantes, formant une sorte de cuirasse qui rappelle l'aspect de cer- lains Ganoïdes. Les caractères de ce Lepidotheutis diffèrent tellement de fout ce qui est connu chez les Céphalopodes qu'il est impossible de le ranger dans une famille déjà établie et qu'il constitue le type d'un groupe absolument nouveau. La nouvelle campagne de la ‘ Princesse Alice” en 1896 a été marquée par la découverte, dans les parages des Acores, d'un banc sous-marin de 200 mètres de profondeur moyenne, dont la faune offre des caractères particuliers. Cetle campagne offre un intérêt spécial, par suile de l'emploi d’en- gins qui n'avaient pas encore élé ulilisés dans les grandes profondeurs : le tramail et les hamecçons. Les autres expéditions sous-marines ont donné lieu à d'importantes publications. Les Foramini- fères de ‘ l’Albatross ” ont élé étudiés par Goes, les Comatules par Hartlaub et les Mollusques par Dall. Le mémoire de cet auteur emprunte un inlé- rèt parliculier à l'étude anatomique de certains Lamellibranches inférieurs (Zucyroa, Callocar- dia), dont la branchie est intermédiaire entre le Lype foliobranche et le Lype réticulé. Les dragages de ‘‘l’Investigator ” dans l'Océan Indien ont fourni matière à de nombreuses publi- cations. Les Poissons ont été éludiés par Alcock, les Echinodermes par Alcock et Anderson, les Dé- capodes par Alcock et Wood-Mason, et les espèces nouvelles ont été figurées dans les /{lustrations of ser 2? mètres. CRIE R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE 213 Investigator ”. Enfin les Eponges ont été étudiées par F.-E. Schulze, les Édriophthalmes par Giles, et les Mollusques par Smith; ce dernier auteur à in- sisté sur le caractère cosmopolite de la faune ma- lacologique abyssale. Plusieurs fascicules nouveaux sont venus s'ajouter aux Ærgebnisse de l'Expédition du Plankton. J'ai déjà parlé des recherches de Simroth sur les Gas- téropodes; les Polyclades de l'expédition ont été étudiées par Plebm, les Appendiculaires par Loh- mann, les Pyrosomes par Seeliger et les Lamel- libranches par Simroth. Ce dernier cite le cas très intéressant d'un Lamellibranche qui reste pélagi- que à l’état adulte : c'est le premier exemple connu. Le Planktonia Henseni est un Lamellibranche des- modonte et équivalve, dont le corps ne dépasse pas 0"%,75 de longueur. Il se maintient en suspension dans l'eau grâce à la légèreté spécifique de sa co- quille, toute en conchioline, et à des goutteleltes huileuses logées dans l'épaisseur du manteau. Une étude du Plankton dans la mer de Baffin et le détroit de Davis a permis à G.-W. Aurivillius de comparer sa composition dans les régions améri- caines et européennes de l'Océan Arctique. Le Plankton d'eau douce a été l’objet de plusieurs publications, entre autres d'Apstein et de Zacha- rias en Europe et de H.-B. Ward qui a entrepris une série de recherches dans les lacs d'Amérique. Ces travaux renferment de nombreux documents, mais il ne semble pas qu'on puisse, pour le mo- ment, en dégager des conclusions générales. Les observalions de Barrois sur la faune des eaux douces des Acores lui ont permis de formuler des conclusions précises sur l'origine de cette faune. Ces eaux ne renferment qu'un très petit nombre de types qui leur soient propres; leur faune offre un cachet européen lout à fait frappant et les formes américaines sont totalement exclues. Pour expliquer ces faits, il faut admettre, ou que les Acores ont élé autrefois rattachées au continent, ou bien qu'elles ont toujours élé isolées et que leurs eaux se sont peuplées gràce à différents modes de disséminalion. La première hypothèse, qui renouvelle l’idée d’une Atlantide disparue, est insoutenable. Barrois se range à la deuxième ma- nière de voir, déjà soulenue par de Guerne: il montre que les courants aériens ont été les agents d'importation prédominants (les vents les plus fréquents aux Acores sont ceux du nord-est qui soufflent d'Europe) et que l'homme a été lui- même un agent inconscient d'importation. Celte explication concorde parfaitement avec la remar- que, déjà faite par de Guerne, que beaucoup d'es- pèces sont localisées dans des localités uniques et que les espèces les plus communes en Europe sont aussi les plus vulgaires aux Acores. Lorsqu'il s'agit de terres séparées par de grandes distances, la similitude des faunes terrestres ou d'eau douce ne peuts’expliquer que par d'anciennes communicalions entre ces lerres. Sous ce rapport, les études de géographie zoologique fournissent parfois d'importants documents. Tel le travail de Milne-Edwards sur les ressemblances qui existent entre la faune des îles Mascareignes et celle de certaines îles de l'Océan Pacifique austral. Des débris d’Oiseaux, incapables de voler et apparte- nant aux mêmes espèces, ont été {rouvés à Mada- gascar, aux Mascareignes, à l'ile Rodriguez, aux iles Chatam et à la Nouvelle-Zélande. On est donc en droit de supposer que toutes ces iles se raltachaient autrefois à un vaste continent, dont la plus grande partie s’est engloutie dans l'Océan. Les modifications que le génie de l'homme crée à la surface du globe peuvent aussi ouvrir des voies à l’émigration des animaux et favoriser le mélange des faunes. C'est ainsi que le percement de l'isthme de Suez a permis l'introduction en Méditerranée d'animaux de la mer Rouge. Les zoologistes alle- mands ont profité de la création du canal de la Baltique, qui réunit le cours inférieur de l'Elbe au golfe de Kiel, pour étudier le passage des espèces d'une mer à l'autre. Ce canal a une longueur d’une centaine de kilomètres. L'eau de mer atteint dans le golfe de Kiel une salure de 47 0/0, tandis que l’eau du cours inférieur de l'Elbe a une salure de 5 0/0. Malgré les dispositions prises pour faciliter l'écou- lement de l’eau de mer de l’est vers l’ouest, Brandt a observé qu'en novembre 1895, six mois après l'ouverture du canal, la salure de l’eau était de 13 0/0 à l'entrée orientale du canal, de 8 0/0 vers le milieu et tombait à 4,8 0/0 à l'autre extrémité. Il put en même temps constaler que cinq espèces ma- rines s'étaient déjà établies sur toute la longueur du canal; c'étaient : Balanus improvisus, Polydora ciliata, Membranipore pilosa, Gammarus locusta et Mysis vulgaris, dont les trois premières provien- nent certainement du golfe de Kiel. Ce fait montre avec quelle rapidité certaines espèces peuvent tra- verser une grande étendue d’eau. A la même époque, d’autres espèces, provenant également du golfe de Kiel, avaient pénétré dans la partie orientale du canal, mais sans le lraverser en entier; c’élaient : Mytilus edulis, Mya arenaria, Cardium edule, Idothea tricuspidata, Gonothyrea Loveni et Polynoe cirrata. L'émigration était donc assez active de l'est à l’ouest; au contraire, les espèces qui émigraient en sens inverse étaient fort rares, et, au moment des recherches de Brandt, trois espèces seulement venant de l'Elbe, commençaient à pénétrer dans la région occidentale du canal. R. Kœhler, Professeur de Zoologie à l'Université de Lyon 27% BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 4° Sciences mathématiques Appell (Paul), Membre de l'Institut, Professeur à la Faculté des Scrences de Paris et Lacour (E.), Maitre de Conférences à la Faculté des Sciences de Nancy. — Principes de la Théorie des Fonctions elliptiques et Applications. — 1 vol. in-80 de 421 pages. (Prix : 12 fr.) Gauthier- Villars et fils, éditeurs. Paris, 1897. Ainsi qu'Halphen le prédisait, il y a une dizaine d’an- nées, dans la prélace de son grand Traité, la théorie des fonctions elliptiques, après être restée longtemps un domaine réservé aux seuls mathématiciens, com- mence à être considérée comme faisant partie de l’en- semble des notions que doivent nécessairement acqué- rir ceux mêmes qui n'envisagent les Mathématiques que pour leurs applications. Les fonctions elliptiques n'offrent d’ailleurs pas pour ceux-ci le seul intérêt résultant de leur utilité propre — pourtant point négligeable — dans nombre d'appli- calions variées. Si, pendant un si long temps, les Mathématiques ont, en quelque sorte, évolué dans le même cercle, cela a tenu à ce que, limitée aux seules formes que l’Algèbre et la Trigonométrie élémentaires avaient introduites dans l'usage courant, l’idée primordiale de fonction n'a pas tout d’abord pris la pleine extension dont elle est susceptible. Il à fallu les profondes recherches des géomètres modernes, dont le point de départ se ren- contre dans les immortelles découvertes de Cauchy et de Riemann, pour agrandir cette notion, pour la déga- ger des entraves qui lui étaient imposées par un mode imparfait de représentation analytique, pour mettre en pleine lumière les propriétés essentielles qui s’y rat- fachent. La nature intime d'une fonction est caractérisée par ce qu'on appelle ses singularités. C'est l'espèce et c’est la distribution de ces singularités qui fournissent la base d’une classification normale, on peut même dire naturelle des fonctions. À un (ype de fonction défini par des singularités données on peut faire correspondre un mode de représentation analytique ramenant, à un degré d’approximation voulu, le calcul des valeurs prises par une {elle fonction dans un certain domaine, à des opérations portant sur les fonctions élémentaires depuis longtemps connues. Nul ne saurait, dans l'avenir, se flatter de faire pro- gresser les applications des sciences mathématiques s'il ne procède pas de ce point de départ. Or, l'exemple le plus simple, après les fonctions pure- ment élémentaires, de fonctions définies par la nature et la distribution de leurs singularités, est précisément fourni par les fonctions elliptiques. Leur étude, outre son intérêt intrinsèque, offre donc l’inappréciable avantage d'ouvrir à l'esprit de larges horizons en syn- thétisant, d’une part, une foule de notions acquises peu à peu dans les éléments et qui gagnent en netteté en venantse grouper autour de quelques idées maîtresses, en déchirant, d'autre part, les voiles qui cachent à un esprit uniquement confiné dans les anciennes théories les voies dans lesquelles se développent les Mathéma- tiques modernes. Une des raisons qui ont longtemps fait obstacle à la pleine diffusion de la Théorie des fonctions elliptiques lient, sans doute, à la diversité non moins qu'à la mul- tiplicité des notations qui y ont été introduites. Outre, en effet, que les désignations de fonctions particulières ont été proposées, dans ce domaine, bien au delà des stricts besoins, les mêmes fonctions se sont trouvées ET INDEX correspondre, sous la plume de divers auteurs, à des signes tout différents. Il est facile, après les observations d'ordre général qui précèdent, de faire ressortir le caractère du livre que MM. Appell et Lacour offrent aujourd'hui au publie. D'une part, en effet, tout en restant aussi élémentaires qu'il est possible en ces matières, c'est par la défini- lion des singularités, jointe à la propriété de la double périodicité, qu'ils introduisent la notion des fonetions elliptiques, ce qui est assurément la manière la moins factice; de l’autre, non contents de s'interdire l’adop- tion de toute notation nouvelle, ils se sont efforcés, parmi les systèmes si nombreux qui ont été proposés, de ne conserver que ce qui leur a paru strictement indispensable. Deux systèmes principaux de notations sont ici en présence : celui de Jacobi, adopté par M. Hermile dans ses belles recherches, et le système, plus récent, de M. Weierstrass, qui, pour des raisons très sérieuses, à gagné la faveur de la plupart des géomètres contem- porains. MM. Appell et Lacour, faisant preuve d'un très opportun éclectisme, n'ont pas cru devoir sacrilier complètement l'un à l’autre, tout en ne prenant à cha- cun d'eux que juste ce qui est nécessaire. Selon le cas, en effet, les deux ordres de notations peuvent avoir leurs avantages; en outre, toute personne s'intéressant aux fonctions elliptiques doit être en état de lire les travaux rédigés à l’aide de Fun ou de l'autre système. Il nous suffira, après ce qui précède, d'indiquer très sommairement le plan général de l'ouvrage. En raison de ce que peut avoir de nouveau pour l'esprit d’un étudiant, seulement nourri des éléments, la marche adoptée dans l'étude des fonctions ellipti- ques, les auteurs établissent par celle méme marche, dans un premier chapitre, les propriétés essentielles des fonctions rationnelles et trigonométriques, Cette préparation une fois faite, ils abordent le sujet principal avec les notations de M. Weierstrass, et don- nent à celte occasion un exposé complet de la Théorie réduite à ses traits essentiels. La lecture de ce seul chapitre pourrait, à la rigueur, suffire à quiconque voudrait, sans se soucier des applications, se faire une idée nette de la Théorie. — Le même exposé est repris ensuite avec les notations de Jacobi. Mais, pour une élude faite à loisir, il est bon d’éclai- rer, dès que faire se peut, la Théorie par des exemples. C'est pourquoi l'exposé théorique se trouve entrecoupé de chapitres consacrés aux applications. Le chapitre UT, avec les notations de Weierstrass, le chapitre V, avec celles de Jacobi, traitent d'applications correspondant au cas où l'une des périodes est réelle, l’autre pure- ment imaginaire. Un chapitre spécial est réservé au cas où les deux périodes sont imaginaires conjuguées. Ces applications, empruntées à la Géométrie et à la Mécanique, sont variées, intéressantes en elles-mêmes; les calculs y sont poussés à fond. Les intégrales elliptiques, c’est-à-dire celles qui s'ef- fectuent au moyen des fonctions elliptiques, et à l'oc- casion desquelles d'ailleurs la notion même de ces fonctions à pris naissance, sont étudiées dans les deux systèmes de notations. Les applications viennent immé- diatement à la suite, La mise en nombres des formules elliptiques est réservée au chapitre X, où elle est réso- lue par la transformation de Landen. Le reste de l'ouvrage est consacré à des fonctions qui généralisent les fonctions elliptiques en plusieurs sens. Ce sont les fonctions à multiplicateurs constants (fonclions doublement périodiques de deuxième espèce de M. Hermite), les fonctions à mulliplicateurs expo- dde st de a dd te BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX nentiels (fonctions doublement périodiques de troisième espèce), enfin les fonctions modulaires. Les notions données sur ces diverses espèces de fonctions mar- quent une première étape dans la voie qui, par des généralisations successives, conduit aux parties les plus élevées de la Théorie des fonctions, constituées principalement de nos jours par les admirables travaux de M. Poincaré. Des exercices sont donnés à la suite de chaque cha- _pitre, el l'ouvrage est, en outre, complété par diverses notes additionnelles et un tableau de formules, très commode à consulter. Ecrit avec non moins d'ordre que de clarté, résumant sous une forme facile la substance de la théorie des fonctions elliptiques, le livre de MM. Appell et Lacour est destiné à prendre bien vite rang parmi les ouvrages classiques sur la matière. M. D'OCAGNE, Professeur à l'Ecole des Ponts et Chaussées, 2° Sciences physiques Schnabel (C.), Professeur de Métallurgie et de Chimie technologique à l'Académie des Mines de Clausthal (Har:). — Traité théorique et pratique de Métallurgie. Cuivre. Plomb. Argent. Or. (Traduit de l'allemand par L. GAUTIER.) —1 vol. in-8° de 832 pages avec 586 fig. (Prix : 20 fr.) Baudry et Cie, éditeurs. Paris, 1896. Depuis la publication du Traité de Métallurgie de Perey, on n'a édité, en France, aucun ouvrage un peu complet sur l'extraction des métaux autres que le fer. Le Traité de Métallurgie de Schnabel, dont M. le D' Gau- tier nous à donné une excellente traduction, est heu- reusement venu compléter celte lacune de notre littéra- ture industrielle. Dans sa préface, le traducteur rap- pelle d'abord que M. Schnabel a préludé à la confection de son livre par plusieurs voyages effectués non seule- ment dans les différentes contrées de l'Europe, mais encore en Amérique, en Asie el en Australie, où il à visité de nombreuses usines et recueilli de précieux documents. Ces documents et son expérience person- nelle, résultant d'une longue pratique de la métallur- gie, lui ont permis de donner des procédés actuellement en usage dans les différentes parties du monde, une description aussi exacte el aussi complète que possible. Dans ce premier volume, l’auteur ne traite que du Cuivre, du Plomb, de l'Argent et de l'Or. Il se réserve de publier un second volume sur les autres métaux qui font l’objet d'une extraction en grand : Mercure, Pla- tine, Zine, Bismuth, Nickel et Aluminium. Le cuivre occupe la première place dans ce premier volume. Après quelques pages consacrées aux pro- priétés physiques et chimiques du métal et de ses com- posés, on aborde la description des différents procédés en usage pour l'extraction du métal. Ces procédés peuvent se grouper en trois classes principales : 1° Ceux dans lesquels le cuivre est extrait par voie sèche; % Ceux dans lesquels le cuivre s’oblient par voie humide ; 3° Enfin, ceux dans lesquels le cuivre s'obtient par voie électro-métallurgique. L'auteur subdivise les procédés par voie sèche en quatre groupes : Le premier, qui est connu sous le nom de « procédé allemand », est e mployé dans quelques usines. Le sec ond, dit « procédé anglais », est e mployé dans le sud des pays de Galles, prince ipalement à Swansea el Saint-Helens, ainsi qu'au Chili et au Colorado. Le troisième procédé par voie sèche, qui est connu sous le nom de « procédé anglo-allemand », est une combinaison des deux premiers, de telle sorte que la fonte des minerais grillés est effectuée en fours à cuve, tandis que la concentration de la matte a lieu au four à réverbère, et le traitement final pour cuivre peul être fait soit en four à cuve, soit en four à réverbère. Pour chacun de ces procédés, l'auteur décrit les appareils d’une façon très complète. 275 Les fours de grillage, notamment, oceupent dans ses descriptions une place importante, et cette importance est justifiée par les moditications et les perfectionne- ments qui leur ont été apportés depuis quelques années. Le grillage des menus se fait soit dans des fours à cuve, soit dans des fours à ré sverbère, soit enfin dans des fours à moufle. Parmi les derniers types de fours à cuve, il faut citer le four Olivier-Perret, le four Malé- tra et le four de Spence. Le lecteur trouvera également les dispositions les plus récentes des fours à réverbère qui sont employés au grillage des minerais. Il en existe quatre sortes bien distinctes : les fours à réverbère fixes à travail manuel : les fours à réverbère fixes à travail mécanique; les fours à sole mobile, et, enfin, les fours à laboratoire mobile tels que ceux de Brückner, de White, etc. La fonte pour matte se fait maintenant presque partout dans des fours à cuve; ces fours ont subi également beaucoup de modifications. L'un des plus originaux est le four américain à chemise d’eau ou waler-jachet furnace. Le dernier procédé par voie sèche est connu sous le nom de « procédé au convertisseur », où « procédé Manhès ». Nous nous permettrons ici une légère cri- tique; l'auteur a accordé peu de place à ce procédé qui fonctionne dans plusieurs usines et qui à une impor- tance considérable, non seulement par l'économie qu'il procure, mais encore par la facilité qu'il offre d'être installé partout. En effet, dans les anciennes méthodes, chaque opéralion exigeait, pour réussir, la main d’ou- vriers exercés; d'autre part, pour régler à volonté la température des fours, il fallait des combustibles bons et à bas prix, car on en consommait beaucoup. Ainsi, la métallurgie di cuivre exigeait à la fois la proximité de bassins houillers et la présence d’une population ouvrière possédant la pratique de cette industrie. Au- jourd'hui, dans atelier organisé d'après le système i lI 1 un ateli ganisé d'après le systèm Manhès, à côté du contre maître qui dirige le travail, il n'ya guère que des manœuvres; on peut donc recruter des ouvriers partout, et les dresser rapidement: en outre, on dépense peu de combustible, et comme les appareils ont une forte production, il n’est plus néces- saire d’avoir un matériel considérable; beaucoup de gisements, que leur situation rendait inexploitables, pourront maintenant être utilisés. Ce procédé à été adopté dans toutes les usines récemment installées pour traiter les minerais sur place : au Chili, en Italie, en Espagne, dans l'Oural, ete. En ce qui concerne l'extraction du cuivre par voie humide, l’auteur décrit avec beaucoup de détails les différents procédés actuellement employés tant pour les minerais oxydés el carbonatés que pour les mine- rais sulfurés. Citons, entre autres, le procédé Dætsch employé à Rio-Tinto, où la chloruration se fait par voie humide; et le grillage chlorurant, où la chlorura- tion se fait par voie sèche. Depuis la découverte des machines dynamo-élec- tiques, on s’est efforcé d'utiliser les courants élec- triques pour l'extraction par voie humide du cuivre, de ses minerais et des produits mé “tallurgique S. Aujour- d'hui, on à atteint, dans cette voie, des résultats si décisifs au point de vue technique et économique, que le procédé en question à été introduit dans un gré nel nombre d'usines métallurgiques pour séparer des métaux nobles le cuivre et Pextraire simultanément; au contraire, pour les minerais et les mattes, le succès est encore à attendre. Des méthodes très rationnelles ont été proposées par Siemens el Hüpfner pour l’ex- traction du cuivre des minerais ou des sulfures métal- lique s. La possibilité de l'applic ation technique du pro- cédé en question a bien 6t6 démontrée théoriquement; mais, jusqu’ à pré sent, on manque encore de données conecluantes sur une exploitation en grand, d'une cer- taine durée. On ne peut donc actuellement émettre un avis concluant que sur lélectrolyse des alliages du cuivre, dont l'emploi est tout à fait indiqué, dès qu'il s’agit de séparer le cuivre des métaux nobles, le cuivre 276 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX élant à un bon prix et la force motrice à bon marché. L'auteur décrit néanmoins les deux procédés propo- sés par Siemens et Halske et par Hôpfner. Dans le pre- mier, on dissout le cuivre des minerais qui le con- tiennent à l’état de sulfure dans une solution de sulfate ferrique, renfermant de l'acide sulfurique libre: dans le procédé Hôpfner, le dissolvant est une solution de proto-chlorure de cuivre et de chlorure de sodium ou de calcium; des modifications importantes ont été apportées depuis quelque temps dans la disposition des appareils d'électrolyse employés dans ces deux procé- dés; on en trouvera la description dans le cours de l'ouvrage ; le procédé Marchèse diffère des précédents en ce que le cuivre n’est plus extrait directement des minerais, mais des mattes coulées en plaques et ser- vant d’anodes. Ces matles ne doivent pas être trop riches en fer. Ce procédé n'a pas, jusqu'à présent, pris une grande extension. La métallurgie du Plomb et de l'Argent est traitée avec autant de détails que celle du cuivre Les proct- dés en usage ont subi peu de modifications: seuls, les appareils ont été perfectionnés. Nous n'insisterons donc pas sur les différents pro- cédés décrits par l'auteur; on trouvera dans l'ouvrage tous les renseignements concernant le pattinsonnaye el le zincuge, ainsi que les perfectionnements qui ont été apportés dans le traitement mixte des minerais d'ar- gent, Les procédés de l'extraction de l'argent par voie humide sont longuement décrits: citons le procédé Keith, qui à pour but de séparer, par l'électrolyse, le plomb de l'argent. La dernière partie de l'ouvrage est consacrée à la métallurgie de l'Or. M. le D' Gautier ne s’est pas borné à donner une traduction claire et fidèle du texte alle- mand, il y à ajouté, en l'accompagnant de ligures, les descriptions des perfectionnements qui, depuis lappa- rilion de l'édition allemande, ont été apportés à l’ex- action de l'or par le cyanure de potassium, méthode qui, actuellement, à acquis, surtout au Transvaal, une énorme importance. Ce procédé, connu sous le nom de procédé Mac Arthur Forrest, convient surtout pour les free milling ores, c'est-à-dire pour minerais qui cèdent facilement leur or au mercure: il repose sur la transformation de l'or en cyanure de potassium et d'or, à l'aide d'une solution étendue de cyanure de polas- sium et la précipitation de l'or au moyen du zinc. I à été proposé par MM. Mac Arthur et Forrest el introduit dans un grand nombre d'usines de l’'Amé- rique du Sud; il a été essayé en Australie, dans la Nou- velle-Zélande et aux Etats-Unis. Le procédé convient aussi tout particulièrement aux résidus de lamalga- mation ({ailings). Mais, si les minerais contiennent l'or sous forme de gros grains où sont trop riches en mélal précieux, ils ne peuvent plus être traités avec avantage, pare que les gros grains ne sont que très lentement attaqués par la solution de cyanure de potassium et que les minerais riches reliennent trop d'or. De nombreux minerais pyriteux conviennent aussi pour ce procédé, mais, pour ces minerais, les frais d’ex- traction de l'or sont le plus souvent plus considérables qu'avec le chlorure. M. Gautier indique ensuite les modifications appor- tées à ce procédé : les unes ont pour but de supprimer l'emploi du zinc, qui offre des inconvénients : les autres, tels que le procédé Siemens et Halske ont pour but de déposer l'or par l'électrolyse etl'amalgamation, en même temps que se fait la chloruration. Le dernier chapitre est consacré à l'affinage des métaux précieux. En résumé, le Traité du Dr Schnabel, que vient de traduire M. le D' Gautier, est certainement l'ouvrage d'ensemble le plus remarquable et le plus complet qui existe sur la Métallurgie du Cuivre, du Plomb, de l'Ar- sent et de l’Or. Il est fait avec une méthode et une clarté parfaites. Il sera consulté avec fruit tant par les étudiants que par les ingénieurs et les métallurgistes de profession. G, GUILLEMIN. 3° Sciences naturelles Prehn (Dr). — Abstammung, Alter und Entwicke- lung der Lepidopteren. — Æxtrait de llustrierte Wochenschrift für Entomologie, n° 5, p. 75. J. Neumann, éditeur. Neudamm, Brandenbourg, 1896. Après avoir rappelé la fameuse hypothèse de Haeckel, qui croit que les Articulés ont été formés d'un rameau de l’embranchement des Vers, l'auteur traite des remarquables trachées des larves des Ephe- mera qui semblent être les organes primordiaux des véritables ailes des Insectes. Les Phryganides, appelés par lui Mouches-Papillons, sont déjà plus élevés en organisation : leurs ailes sont poilues ou écailleuses ; mais la vie larvaire se passe encore au sein de l’eau. Une espèce de genre Helicopsyche se construit une “habitation assez voisine de celle de Cochliphanes helix. Ces Articulés respirent alors au moyen d’un tube cilié el filiforme. Ce caractère ancestral se voit chez les Microlépidoptères des genres Paraponyæ et Acentropus. Un état plus avancé d'évolution s'observe chez les chenilles de Bombycidae qui dévorent les plantes sous l’eau, en respirant par un système trachéen se rappro- chant de celui des Argyronecta aquatica. À la Guyane, les chenilles du Palustra Laboulbeni viveut de la même manière sur le Myaca fluviatilis. C'est avec raison que l'auteur signale de nouveau que les papillons ont tait les derniers leur apparition à l'époque tertiaire, et que les Phragmatoecia, placés par les paléontologistes avec les Cossides, semblent être, dans l'état actuel de la science, les plus anciens Lépidoptères Mais un des points les plus intéressants du mémoire du D'Prehn est celui où il signale le Sphinx Schroeteri ! du Juras- sique de Solenhofen. Il émet une idée de philosophie entomologique, que je partage entièrement, en disant que ces Arthropodes sont, en ce moment, les seuls lossiles connus du phylum qui unissait les Neuroptères aux Papillons. Il mentionne ensuite que toutes les empreintes de Lépidoptères des différents gisements tertiaires sont parlaitement référables à cet ordre d'In- sectes. On à trouvé dans les couches coenzoïques deux Lithosia, des Satyrides, des Piérides, des Equilides, des Hespérides, une Noctuelle, les genres Sesiu Zygaena, Cossus, et une chenille que lon considère comme étant celle d’une Cossidue. Puis, il donne un apercu des papillons rencontrés dans l’ambre de la mer Baltique, el dont la plupart des espèces sont voisines de celles qui habitent les contrées chaudes du globe. Les plus ‘anciennes chenilles devaient ressembler aux larves des Phryganides de l'époque actuelle, et leurs conditions biologiques étaient probablement les mêmes que celles des Psychides, Tinéides et Dossides. Les Hétérocères paraissent être le rameau le plus ancien des Lépidop- tères. M. le D' Prenh donne de très curieux renseigne- ments sur la morphologie et la couleur des ailes et les différentes formes d'antennes des papillons européens et exotiques. Une série de papillons de nuil, comme les Sesiidae, les Zygaenidea, les Agaristidae volent sou- vent au milieu du jour. Le savant auteur n'oublie pas, en passant, de signaler le mimétisme de ces gracieux êlres, qui parlois ressemblent aux Apidae et aux Ves- pidae de l'orde des Hyménoptères. Pour le D'Prebn les Castnidue constituent le trait d'union entre les Lépidop- tères, les Hétérocères et les Rhopalocères. Des recherches de ce genre rendent plus de services à la Paléontologie et à la Zoologie générale que les. descriptions spéciliques des innombrables pélrilica- lions des gisements américains et européens. Prof. Fernand MEUNIER. Gérard (R.), Professeur de Botanique à la Faculté des Sciences de Lyon. — La Botanique à Lyon avant la Révolution. — 1 vol in-8° de 96 pages, avec figures. G. Masson, éditeur. Paris, 1897. ® Rhipidorhabus Schroeteri Oppenheim. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 2 Errera (Léo), Professeur à l'Université de Bruxelles, el Laurent (E.), Profrsseur à l'Institut agricole de Gembloux (Brlgique). — Planches de Physiologie vé- gétale. — 1 vol. in-k° de 102 pages avec 25 planches murales en couleur pour l'enseignement (Prix : 50 fr.) H. Lam:rtin, éditeur, 20, rue du Marché-au-Bois. Bruxelles, 1897. Toutes les personnes qui enseignent la Physiologie végétale et qui ont le souci de donner à leur ensei- gnement le caractère concret qu'il exige, rencontrent des difficultés pratiques particulières. Avoir sous la main des plantes vivantes, monter des appareils, dis- poser des expériences, lout cela n’est pas diflicile. Mais la Physiologie végétale présente des difficultés particulières. Les fonctions s'accomplissent lentement chez les plantes ; la moindre expérience dure plusieurs heures, parfois plusieurs semaines. Les conditions physiques extérieures y ont une grande part el il arrive trop souvent qu'une expérience préparée avec soin, répélée avec succès avant la lecon, dont la réus- sile paraît certaine, ne donne aucun résultat. La tem- pérature à baissé; un nuage à passé; cela suffit pour tout compromettre et le professeur le plus soucieux de démonstrations expérimentales en est privé souvent. En outre, il faut, dans bien des cas, tenir compte de la saison; le professeur se résout alors à mettre sous les yeux de ses auditeurs des expériences inachevées, renvoyant à une époque plus favorable une démons- ration plus complète. Il n’est pas douteux que des planches, réunissant sous une forme simple la représentation exacte des phases successives d’une expérience de Physiologie végétale, ne soient un excellent moyen d'obvier à ces inconvénients. Un terme manque au moment voulu, on y supplée en en mettant sous les yeux une représenta- lion exacte, en attendant qu'on puisse compléter la démonstration au laboratoire. I faut reconnaitre, d'autre part, que l'enseignement élémentaire des sciences expérimentales, à quelque calégorie d'élèves qu'il s'adresse, ne peut songer à don- ner pratiquement la démonstration expérimentale complète de tous les faits qu'il expose. Les élèves sont très nombreux ; il faut développer en un petit nombre ‘de lecons des programmes trop chargés, etc. MM. Er- rera et Laurent ont réussi à suppléer à ces inconvé- nients. Les planches que nous avons sous les yeux embrassent quelques-uns des phénomènes principaux de la Physiologie des plantes. Elles figurent le com- mencement et la fin d'une même expérience poursui- vie sur un méme objet. Chaque fois que le sujet l'a permis, l'expérience porte sur des plantes vulgaires connues de tout le monde, répandues dans les pays lempérés. Un texte clair, très simple, assez détaillé pourtant pour résumer complètement l'expérience lisgurée, accompagne cette série de planches murales. Elle rendra de grands services. On ne possédait guère jusque-là, en fait de planches murales pour l’enseigne- ment de la Physialogie végétale, que la collection de MM. Frank et Tschirch, mais il n'y est guère question que de Physiologie cellulaire. MM. Errera et Laurent s'adressent surtout aux phénomènes qui peuvent être démontrés par l'étude expérimentale : phénomènes de nutrilion par les racines et par les feuilles, respiralion, transpiration, accroissement des racines et des tiges, séotropisme, héliotropisme, etc. Nous ne saurions mieux terminer cette courte ana- lyse qu'en souhaitant à l'œuvre de MM. Errera et Lau- rent un succès qui les décide à la continuer. Deux, mieux encore {rois séries comme celle-ci permettraient d'embrasser l'ensemble des faits positivement établis de la Physiologie végétale (ils ne sont pas bien nom- breux) et rendraient à l'enseignement des services d'autant plus grands que les séries seraient plus déve- loppées et variées. Cu. FLAHAULT, Professeur de Botanique à l'Université de Montpellier. 4 Sciences médicales Sperk (Edouard-Léonard). — Œuvres complètes Syphilis. Prostitution. Etudes médicales diverses. (Traduit du russe par MM. OeLsnirz et DE KERVILLY, avec une préface de M. Lancereaux, de l'Acal#mie de Mé- decine).—2 vol. in-8° de 706 et 624 pages avec 33 fiqures, 2 cartes (Prix : 20 fr.) O. Doin, éditeur. Paris, 1897. C'est une singulière el attachante figure que celle de ce médecin qui, dans les hasards d'une vie assez aven- lureuse, à trouvé le moyen de faire œuvre de savant et de nous laisser des travaux considérables. Cette œuvre comprend une série de mémoires por- tant sur la syphilis, la lèpre, les fièvres éruptives, les maladies de l'estomac et des intestins, etc.; en plus, nombre d'articles de démographie et de statistique. C'est surtout la syphilis que notre auteur à étudiée et fouillée avec soin, et cela dans la Sibérie Orientale, c'est-à-dire sur un terrain immense, et éminemment favorable à l'étude, car, comme le dit M. Lancereaux, qui s’est chargé de présenter l’œuvre de Sperk au pu- blic français, « les pays primitifs se font remarquer par la simplicité et par Puniformité », el par suite l’obser- vation y est plus aisée peut-être que dans nos civilisa- tions compliquées. Rapprochement curieux ! Là, comme en France à l'époque médiévale, la syphilis était con- fondue avec la lèpre et désignée sous son nom! Ce n'est pas à coup sûr un mince mérite pour le D° Sperk, que d’avoir pu, dans la Sibérie et le Kamtchatka, re- trouver les linéaments de la maladie, et montrer que cette prétendue lèpre n'était « qu'une syphilis modiliée par des conditions particulières ». Ainsi, suivant la juste remarque de Lancereaux, « la syphilis à été dans la plupart des pays non civilisés confondue avec la lèpre, et partout la question de savoir si elle venait des in- digènes ou des envahisseurs s'est posée et a été résolue d'une facon contradictoire, presque toujours favorable à l'idée de son ancienneté, » A côté de ces études sur les formes symptomatiques de la syphilis, il faut citer celles qui ont trait à la pro- phylaxie, et la part prépondérante que prit Fauteur à l'établissement d'un régime plus humanitaire et plus libéral pour les prostituées; à noter encore son idée, bonne en soi, mais combien difficile à réaliser en pratique ! de l'institution de maisons de tolérance exelu- sivement composées de femmes antérieurement syphi- lisées et destinées aux individus atteints de syphilis. L'étendue même du théâtre des observations médi- cales du D° Sperk lui à permis de relever d'intéressants contrastes dans la pathologie comparée de diverses ré- gious, et les relations de cette pathologie avec leurs climats respectifs et le genre de vie de leurs habitants. Ainsi dans la province d’Okhotsk, la constipation opi- niätre, les typhlites, la péritonite sont peut-être favo- risées par la nourriture composée surtout de substances animales, de poisson, de graisse de phoque ou de ba- leine, presque sans végélaux et sans condiments. Dans la province de l'Amour, au contraire, la constipation estrare, la diarrhée commune en raison de la nourriture , végétale et des oscillations brusques de température. De même, l’auteur à noté que l'extension du palu- disme concorde à peu près exactement avec celle des céréales, et il croit pouvoir en conclure que les condi- tions favorables au développement des cryptogames de la malaria, sont les mêmes que celles qui favorisent là culture des céréales, à savoir une température moyenne de 9 à 40°. Autre remarque intéressante : la dysenterie débute à l'époque où la fièvre intermittente est à son déclin (moitié ou fin de juin), et atteint son apogée pen- dant les chaleurs de juillet; elle cesse en août el sep- tembre, et le paludisme fait alors sa réapparition. J'ajoute qu'on trouvera dans l'œuvre du Dr Sperk une série de mémoires intéressants sur les inoculations de la vaccine de génisse, les inoculations anti-rabiques, des recherches sur l’électrolyse, ete., et j'aurai à peine ainsi donné l'idée de la variété d'études que renfer- meut ces deux volumes. D' L. Jacouer. ACADÉMIES ET $ OCIET ÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 15 Février 1897. La Section de Physique présente la liste suivante de candidats pour la place laissée vacante par le décès de M. Fizeau : en première ligne, M. Violle; en seconde ligne, M. Amagat, M. Bouty, M. Gernez, M. Pellat. — M. Sarrau lit une notice sur la vie et les travaux du Général Favé, ancien Membre libre de l'Académie. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. M. Loewy présente à l'Académie la (roisième partie du « Catalogue de l'Observatoire de Paris » comprenant deux volumes distincts : l’un, sous le titre de Positions observées, ren- ferme 108.000 observations individuelles, d'où ont élé déduites les coordonnées moyennes de 8.565 étoiles, figurant dans l’autre volume qui constitue le Catuloque proprement dit. — M. Perrotin a éludié la planète Mars, cet hiver, à l’aide du grand équatorial de l'Obser- vatoire de Meudon. De ses observations et d'autres antérieures, il tire les conclusions suivantes : Considéré au point de vue de la couleur et de l'aspect des régions qu'on y observe, le globe de Mars semble devoir se diviser en qualre zones distinctes ; ces zones, d’'iné- gale hauteur et qui empiètent les unes sur les autres quand elles sont contiguës, font le tour de la planète en restant sensiblement parallèles à l'équateur. Deux d'entre elles comprennent les régions équatoriales, l’une, boréale, étant celle des canaux, l’autre, australe, étant celle des mers. Les troisième et quatrième zones s'étendent entre les premières et les deux pôles ; elles présentent des continents de couleur blanche ou gri- sàâtre. Pour une même distance au centre du disque, les détails de la surface n'apparaissent pas avec la même facilité dans les quatre zones. — M. J. Janssen montre que le grand intérêt de la note précédente réside surtout dans ce fait que les résultats qu'elle contient proviennent d'observations comparées, faites à Nice, au Mont Mounier et à Meudon. — M. de Jon- quières étudie certains points de la théorie des résidus «des puissances et énonce un théorème nouveau sur les caractères distinctifs des nombres, ou racines, d'où proviennent les résidus générateurs. — M. C. Bour- let nomme (ransmutation à n variables toute opéra- ion qui transforme une fonction de uw de n variables en une autre fonction des mêmes variables ; la nouvelle fonction s'appelle transmuée. Ceci posé, l'auteur donne la résolution du problème général suivant : Déterminer toutes les transmutalions telles qu'il existe une rela- lion, déterminée à l'avance, entre les transmuées des trois fonctions w et v etz(u, v), quelles que soient les fonctionsu et v; 7 (x, y) étant une fonction donnée des variables æ et y, symétrique et telle, en outre, que la fonction x {x (y, z)] soit aussi symétrique. — M. Ed. Maillet étudie une série de groupes primitifs holoëdri- quement isomorphes à des groupes plusieurs fois tran- silifs. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. J. Fournier présente un récipient destiné à contenir les gaz liquéliés ; au moyen d’un dispositif de sûreté spécial, l’auteur est parvenu à prévenir tout danger d'explosion. — MM. Jean €l Louis Lecarme présentent un appareil destiné à enre- “istrer la vitesse des mouvements pendulaires. — M. Guggenheimer à étudié l'influence des rayons de Ronigen sur la distance explosive de l'étincelle élec- (rique. 11 établit que: 1° A distance égale et à diffé- rence de potentiel égale, l'augmentalion de la distance d'explosion de l’éltincelle passive dépend de l'intensité «es rayons X ; 2 à différence de potentiel égale et à | intensité égale des rayons X, l'augmentation de la dis- tance d’explosion de l'étincelle passive dépend de la | distance des sphères électrisées à la paroi émissive du | tube. — M. V. Ducla adresse la description de divers baromètlres à air, permettant de mesurer la pression atmosphérique avec une approximation plus grande qu'avec les baromètres à mercure. — M. M. Berthelot a analysé un grand nombre d'objets, provenant de fouilles faites en Chaldée, qui ont fait connaitre des mo- numents d'une haute antiquité, remontant aux origi- nes de la civilisation, c'est-à-dire à cinq ou six mille ans. Ces objets sont constitués presque tous par du cuivre absolument pur. Il ressort de ces analyses que le cuivre pur était employé pour fabriquer les armes el outils en Chaldée vers l'an 4000 avant notre ère; lem- ploi du cuivre a précédé celui du bronze, c'est-à-dire du cuivre allié à l’étain, lequel se retrouve dans des objets postérieurs, en Chaldée comme en Egypte. — M. H. Pélabon a étudié, avec des temps de chauffe con- sidérables, simultanément la formation et la décom- position de l'hydrogène sélénié aux températures infé- rieures à 320°. Le résultat des expériences peut être représenté par deux courbes, qui se raccordent, à 320°, avec la courbe des équilibres véritables. La région comprise entre les deux courbes est la région des faux équilibres de M. Duhem. Les deux courbes se séparent d'autant plus que la température est plus: base. — M. Paul Sabatier a étudié l’aclion de l'oxyde cuivreux sur les solutions d’azotate d'argent; la liqueur bleuit et l'oxyde rouge est remplacé par une matière grise volumineuse. L'analyse des corps formés conduit à représenter la réaction par la formule: 6 AgAzO3 + 3 Cu°0 + eau — 6 Ag + 2 Cu (AzO“} + 3 CuO.Cu (Az0*}.HÉ0. — M. V. Thomas à fait réagir le bromure ferreux sur le bioxyde d'azote; l'absorption de ce dernier est faible ; le composé obtenu renferme une molécule d'oxyde nitrique pour 5 (ou 6) de Fe*Br'; il est inaltérable dans le vide. Les sels halogénés ferreux absorbent mieux le peroxyde d'azote AzO® et donne des composés stables de formule 2 Fe?Clf, AzO® et 2 Fe?Br!, AzO?. — M. Paul Rivals étudie quelques dérivés de l’aldéhyde saliey- lique : le salicylure de potassium C'H‘O?. KOH et le parasalicyle C#H'°0*, et en donne les chaleurs de for- mation. Il en déduit que, si le parasalicyle est un éther oxyde, ce n'est pas un dialdéhyde, mais un isomère asymétrique. — M. E. Gérard à extrait du Penicillium qlaucum un ferment analogue ou identique à la lipase de M. Hanriot, car il possède la propriété de dédoubler la monobutyrine. 30 SCIENCES NATURELLES. — M. Aug. Charpentier à constaté que, lorsque l'œil est soumis à une excitation lumineuse très brève (de l'ordre du dix-millième de seconde), les différentes couleurs de la flamme arri- vent à la perception à des moments différents, les cou- leurs les moins réfrangibles étant les premières. — MM. J. Teissier et L. Guinard, en poursuivant leurs recherches sur les influences capables de modifier les effets de certaines toxines microbiennes, ont constaté que l’inanition et l'abstinence mettent les animaux dans des conditions de résistance plus grande à ces poisons. Les expériences ont été faites sur le chien avec les toxines de la diphtérie et du pneumobacille. — M. J. Kunckel d’'Herculaïs a fait de nouvelles observations sur le Sesamia nonayrioï les Lefèvre, lépi- doptère nuisible au maïs, à la canne à sucre, au sorgho, en Algérie. Cet insecte se mulliplie d’une facon inin- terrompue, même durant la saison hivernale. Ainsi les ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 279 chenilles arrivées à leur complet développement à la fin de l'automne n'hivernent pas, mais donnent nais- sance à des papillons dès décembre et janvier; les œufs pondus en automne éclosent de même en hiver. — M. L. Bordas donne la description morphologique des appendices de l'extrémité antérieure de l'intestin moyen chez les différentes familles d'Orthoptères, — M. E. Bordage a observé, chez les Phasmides appar- tenant aux genres Monandroptera et Raphiderus, des phénomènes d'autotomie très curieux, déterminés par la morsure des membres de ces insectes par des four- mis du genre Plagiolepis longipes Forel. — M. A. Müntz a étudié la réfrigération des moûts dans la vinification faite dans les pays chauds. Le moment le plus oppor- tun pour la réfrigération est celui où le moût en fer- mentation à atteint 33 ou 34°. L'auteur à, en outre, constaté que, lorsque les vins se sont échauffés outre mesure et que la levure à été tuée, ces vins sont en- vahis par des bactéries qui élaborent, entre autres produits, de l'ammoniaque; on trouve jusqu'à 100 mil- _ligrammes d’ammoniaque par litre de vin. — M. J. Tempère a déterminé les genres des Diatomées qui sont contenues dans les phosphates de chaux suesso- niens du sud de la Tunisie, d'après des coupes four- nies par M. Cayeux. — M. J. Thoulet communique l'analyse lithologique de fonds marins provenant du golfe de Gascogne et recueillis pendant la campagne du Caudan. La nature des fonds dépend de la cireula- tion des courants océaniques. Séance du 22 Février 1897. M. J. Violle-est élu membre dans la Section de Phy- sique en remplacement de M. Fizeau. 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Loewy présente le sixième volume des « Annales de l'Observatoire de Bordeaux », qui contient un mémoire de M. Rayet sur le climat de Bordeaux, les calculs de M. Kromm sur la comète 1893 IT, les observations pour la revision des zones australes d'Argelander. — M. du Ligondès for- mule une nouvelle théorie du système solaire, basée sur cette hypothèse que, dans la région du chaos occu- pée anciennement par les matériaux du monde solaire, la distribution et la circulation des éléments étrient à peu près symétriques dans toutes les directions. A cause de celte symétrie approchée, la nébuleuse solaire s’est détachée du chaos sous la forme d'un sphéroïde; ce sphéroïde ayant recu un aplatissement initial, le résultat de la condensation a été de produire une aug- mentation presque indéfinie d'aplatissement; il s’est ainsi formé un disque, qui s'est séparé en anneaux concentriques, lesquels ont engendré les planètes. — M. Levi-Civita présente ses recherches faites en vue de déterminer quels sont les cas où un problème de Mé- canique admet une intégrale quadratique. — M. P, Appell compare les méthodes de M. Levi-Civita et de M. Painlevé pour arriver à la solution de la question précédente, — M. Ch. Frémont montre que le procédé d'enregistrement du diagramme du poinconnage, qu'il a indiqué antérieurement, est applicable à l’enregis- trement du diagramme par pliage dans l'essai des mé- taux. Il suffit de remplacer le poinçon cylindrique ordinaire par un poincon terminé en forme de couteau, et la matrice circulaire habituelle par deux mordaches parallèles, à écartement donné. 2° Sciences PHYSIQUES. — M. de Heen adresse deux notes intitulées : « Existence de rayons anodiques ana- logues aux rayons cathodiques » et « Photographie des radiations électriques du soleil et de l'atmosphère ». — M. Breton adresse deux mémoires relatifs lun à « l'emploi des courants alternatifs simples, diphasés et triphasés, à la production des rayons X », l'autre à une ampoule radiographique à refroidissement de Fan- ticathode par un courant d'eau froide ». — M. de Sanderval envoie des photographies obtenues au tra- vers de plaques métalliques de différentes natures. — M. A. Graby donne la description d’un procédé photo- graphique permettant d'obtenir, sans passer par un cliché, des positifs en deux couleurs. — MM. Hermite et Besançon indiquent les résultats de la deuxième ascension internalionale de lAérophile. L'aérostat est monté jusqu'à 15.000 mètres; la température minima enregistrée à été de — 66°, — M. Ch. de Watteville indique un nouveau mode de production de cristaux transparents. Il consiste à animer le cristal d’un mou- vement de rotation sur lui-même (un à deux tours par seconde) pendant sa croissance au sein d'une solu- lion très saturée. — Le chlorure de pyrosulfuryle est très difficile à obtenir à l'état de pureté, car il contient toujours de lanhydride sulfurique et de la chlor- hydrine sulfurine impossibles à séparer par distillation fractionnée. M. A. Besson est parvenu à éliminer ces impuretés par l'action de PCI qui réagit sur elles en donnant des corps plus volatils, séparables par dis- tillation. L'auteur décrit alors les propriétés physiques et les principales réactions chimiques du chlorure de pyrosulfuryle pur, — MM. Ch. Moureu et A. Chauvet ont remarqué qu'en chauffant un mélange d’aldéhyde anisique, d’anhydride propionique et de propionate de soude sec, et en élevant la température jusqu'au point d'ébullition du mélange, l'acide méthylparapropiocou- marique qui doit se former se décompose immédiate- ment en anhydride carbonique et anéthol. Les auteurs ont employé la même réaclion pour préparer divers homologues de l'anéthol. — M. P. Cazeneuve a reconnu que la casse des vins — maladie qui se traduit par l'oxydation rapide au contact de l'air de la matière colorante rouge avec jaunissement et insolubilisation — est due à un ferment oxydant, qu'il appelle œnoxydase. Ce ferment présente des propriétés analogues à celles de la laccase, mais il serait prématuré de l'identifier avec elle. — MM. Alb. d’Aguiar el W. da Silva ont étudié les procédés de recherche des colorants de la houille et des couleurs du caramel dans les vins blancs. Par le traitement usuel : évaporation avec l'alcool amy- lique et essais de teinture de la soie, les couleurs du caramel donnent toujours des résultats douteux et même négatifs; les couleurs jaunes de la houille pré- sentent au contraire un ensemble de réactions très nettes. Il est done impossible de confondre le caramel avec les couleurs de la houille. — M. A. Lacroix «à analysé des cristaux trouvés sur les os et à l’intérieur du crâne d'un cadavre en décomposition, enfermé dans un cercueil de plomb portant la date de 1630. Ces cristaux sont constitués par de la métabrushite (HCa*P?0$ 3 H°0). Ils nous offrent un curieux exemple d’autominéralisation, car ils se sont formés entièrement aux dépens du cadavre, le cercueil de plomb avant empêché l'intervention des agents extérieurs. 39 SCIENCES NATURELLES. — M. L. Ranvier étudie le rôle physiologique des leucocytes:; ces corps n’ont pas seulement pour fonction d'entourer les microbes et de les manger; ils ont un rôle important de nutrition et vont spécialement dans les parties du corps que les vaisseaux sanguins ne pourraientatteindre pour ex ce rôle; ainsi lorsqu'on provoque de petites plaies de la cornée, on les voit bientôt comblées par la prolifé- ration des cellules environnantes, en même temps qu'apparaissent un grand nombre de leucocytes qui cèdent leur substance nutritive aux cellules en train de se développer. — MM. L. Jacquet et Butte commu niquent leurs recherches sur le mécanisme de l'hyper- émie cutanée. Ils ont reconnu, en expérimentant sur le lapin, que la section du sympathique ne suffit pas pour amener l'hyperémie de l'oreille du côté seclionné, mais qu'il faut, en oulre, une irritation du nerf local. — M. Aug. Charpentier a observé, à la suite d’une excitation lumineuse brève d'une durée de quelques centièmes de seconde à une ou deux secondes, un halo autour de la source lumineuse, présentant souvent un anneau noir. Ce phénomène représente une phase postérieure à l'excitation; il n’est autre chose qu'une image récurrente; les anneaux noirs indiquent la production d'images récurrentes mul- tiples. — M. Christian Bohr à étudié l'absorption de 280 ACADÉMIES 2 ET SOCIÉTÉS SAVANTES l'azote et de l'hydrogène par le sang, il à constaté que la surabsorption d'azote est due à la présence de l'hémoglobine et n'a lieu qu'en présence d'oxygène; mais les composés qui se forment sont très instables et l'action de la pompe pneumatique suffit à les dissocier. — M. E. Roze à conslalé, dans le mucus qui se forme sur les tubercules de pommes de terre attaquées par certains microcoques, le à pr ésence d'un nouveau type générique de Myxomycètles, plus simplement organisé que tous ceux déji à connus; il se montre sous la forme plasmodique végélative el sous la forme enkystée repro- duetrice; l’auteur à désigné ce nouveau genre sous le nom de Vi/morinella. — M. Croquevielle à remarqué que l’emploi du sulfate de fer exercçait une action des- tructrice sur un grand nombre de Crypltogames: il propose l'emploi de ce corps dans les maladies erypto- gamiques de la vigne. — M. Paul Choffat donne la description du Crélacique des environs du Mondégo. Les assises que l’auteur avait reconnues dans le Créta- cique des environs de Lisbonne se fondentiei ensemble, et les espèces fossiles passent du bas en haut du massif calcaire. Ces circonstances rendent difficile le choix de la limite entre le Cénomanien et le Turonien. Louis BRUNET. ACADÉMIE DE MÉDECINE Février 1897. M. le Président annonce à l'Académie les décès de MM. Burdel (de Vierzon), associé national, Sir Spencer Wells (de Londres), associé étranger, et Wannebroucq (de Lille), correspondant national. — M. Georges Hayem fait un rapport sur un travail du D' Barré, re- latif à la désintoxication du sang par un procé “dé parti- culier : l’auteur pratique une saignée sur lun des bras du malade, pendant que sur l'autre bras on fait une injection saline intra-veineuse à dose égale à celle du sang soustrait. Ce procédé à donné des résultats excel- lents dans des cas de pneumonie, d'urémie, de rhuma- tisme cérébral. L'auteur les explique par le fait que la saignée emporte une partie des principes toxiques du sang, tandis que l'injection saline rétablit la pression sanguine et dilue les toxines restant dans le sang. — M. Georges Hayem fait un rapport sur un fravail du Dr Laval. L'auteur à observé deux cas d'urobilinurie d'une grande intensité à la suite de traumatismes de la région hépatique; il pense que Furobilinurie peut être considé rée comme un signe constant des lésions trau- matiques du foie, el que ce signe a plus de valeur, à cet égard,-que la présence de pigments biliaires, celle- ci pouvant faire défaut. M. Hayem croit que Purobili- nurie est surtout la conséquence de lépanchement intra-péritonéal du sang et donne plutôt la mesure de hémorragie interne que de Flatrilion du foie. — M. J.-V. Laborde présente un rapport sur un travail de M. E. Dubois, relatif au traitement de la tuberculose par le mercure. L'auteur emploie des injections hypo- dermiques de 1/2 à 1 c. c. d’ane solution de bichlorure de mercure au millième sans alcool. Il à obtenu plu- sieurs guérisons et des améliorations parmi les vingt cas qu'il a traités; les malades n'étaient pas syphili- tiques. — M. Hallopeau lit un rapport sur un mémoire de M. de Gouvea, inlilulé : « Etude clinique sur les ma- nifestations oculaires de la lèpre. » L'auteur fait jouer un rôle prépondérant, dans ces affections, à la piraly- sie du musele orbiculaire, Cette pathogénie le conduit à conclure qu'il y à lieu de corriger de bonne heure l'insuflisance des orbiculaires par une blépharorhapie prophylablique aussi étendue que possible. — M. Po- laillon fait un rapport sur un mémoire de M. Burot, intitulé : « Le Télanos à Madagascar. » L'auteur à observé quatre cas de tétanos à bord du Shamrork, bàäliment- hôpital stalionnant devant Majunga. Dans les deux pre- miers cas, la pénétration du microbe a eu lieu à la faveur d'une injection hypodermique de sulfate de qui- nine faite à lerre; les germes tétanigènes existent en grande abondance dans le sol et l'air de Madagascar. Séance du 2 Le tétanos s'est alors propagé par contagion aux deux autres nie sur le navire même. — M. Léon Colin fait remarquer que la peste bubonique, originaire des hauts plateaux de l'Asie centrale, fait surtout ses appa= ritions en hiver el a peu de tendance à descendre fort avant dans le sud. Toutefois, l'épidémie actuelle semble avoir une virulence particulière, puisqu'elle s'est pro= pagée jusqu'au détroit de Bab-el-Mandeb. — M. Kirz misson signale un cas de maladie kys!ique du testicule chez un enfant de dix-neuf mois, guéri par extirpation. — M. le Dr Villar (de Bordeaux) lit une note sur le manuel opératoire de la gastrotomie. — M. le D' Clozier (de Beauvais) lit un mémoire sur les accès éclampliques ou convulsions infantiles jugulés par la seule interven- tion de la zone hystéro-clasique cardiaque. Séance du 9 Février 1897. M. Fernet esi élu membre tilulaire dans la seetion de Pathologie médicale, — M. J.-V. Laborde présente à l'Académie, de la part de Me le D' Gaches-Sar- rante, {rois épreuves radiographiques relatives à l'in- fluence du port du corset. — M. Roux fait un rapport sur un travail de M. E. Maurel relatif à l'hyperleuco- cytose. L'auteur à constaté qu'à la suite de la saignée, de la cautérisation ou de l'application des révulsifs le nombre des globules blancs augmente considérable ment dans le sang. Il pense que la saignée peut favo= riser la résistance de l’organisme contre les microbes en provoquant une leucocytose critique. — M. Vallin présente le rapport dela Commission chargée de recher- cher les moyens de faire cesser linsalubrité de la fabr:- cation des allumettes. Après avoir visité les fabriques francaises et quelques fabriques belges, la Commission” est arrivée aux conclusions suivantes : 4° Il est urgent de faire cesser l'insalubrité qui persiste dans un grand nombre de manufaclures d’allumettes en France. 29 La suppression du phosphore blanc est le seul moyen capable d'assurer l'assainissement définitif de cette industrie, 3° L'emploi général de machines automa- tiques perfectionnées est une ressource précieuse, mais à la condition que les opérations nuisibles aient tou= jours lieu sous des cages vitrées où ne séjourneront pas les ouvriers. 4° En attendant la réussite complète des expériences en cours, linsalubrité artuelle pourrait être diminuée par les mesures suivantes : Ventilation beaucoup plus active ; emploi de courte durée et alter- nance des ouvriers dans les ateliers dangereux; sélec- lion iniliale et visites médicales périodiques, avec élimination temporaire ou définitive des ouvriers ayant la bouche en mauvais élal; installation plus complète et surveillance rigoureuse des réfectoires, des lavabos, des vestiaires, etc. — M. Chipault lit une note sur la cure opératoire de la phlébite otitique du sinus latéral, et présente un malade opéré et guéri à l'aide de som procédé par M. A. Lambotie.— MM.Chipault et A.Londe présentent des applications de la radiographie à la chi rurgie du système nerveux, 1897. M. le Président annonce à l'Académie le décès de M. E.-A. Bourgoin, membre dans la Seclion de l'harma- cie. — M. L. Guignard donne lecture du discours qu'il a prononcé, au nom de l’Académie, aux obsèques du défunt. — M. P. Reclus à fait une élude comparative de la cocaïne avec un nouvel anesthésique local, leu- caine, Il conclut que l’eucaïne, tout en étant un véri- table analgésique, n’est pas supérieure à la cocaïne ; en effet, l'injection en est un peu douloureuse ; le champ opératoire est souventrecouvert d'une nappe sanguine ; l'analgésie est moins complète et sa durée est beau- coup moindre; enfin, sa toxicité est presque aussi grande que celle de la cocaine. — M. V. Babes décril un cas unique d’une maladie qu'il appelle septicé- mie muqueuse et qui consiste en une décomposi- tion du sang, produite par un microbe qui détruil les globules rouges et les transforme en une subs- lance granulo-muqueuse. La maladie se traduisait Séance du 16 Février ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 281 extérieurement par de la paralysie faciale et une anémie très prononcée, À l’autopsie, tous les vais- seaux sanguins, surtout ceux des méninges, renferment une substance blanchätre muqueuse. L'auteur à isolé le microbe de cette affection ; mais la maladie ne peut ètre reproduite expérimentalement à volonté ; il faut l'intervention de circonstances particulières encore inconnues. — M. Hervieux lil un mémoire sur lintro- duetion de la vaccine en France. — M. A. Laveran étudie le rôle de la rate dans le paludisme. Il conclut que cet organe n'a pas un rôle spécial de défense ; la rate donne asile, au contraire, aux hématozoaires qui s'y multiplient el qui peuvent y vivre pendant long- temps à l’état latent; elle est leur siège d'élection, et c'est pour cela qu'elle présente chez les palustres des altérations constantes et souvent profondes. La rate n'ayant pas un rôle de protection, la splénectomie pour hypersplénie palustre peut être pratiquée sans qu'on ait à redouter ses conséquences au point de vue de l'évolution ultérieure du paludisme ; la splénec- lomie n'est indiquée d’ailleurs que dans les cas très rares où la rate volumineuse et déplacée ou flottante donne lieu à des accidents graves. — M. Delbet lit un mémoire sur un cas d'autoplastie par procédés mul- tiples. — M. Valude lit une note sur un cas d’héma- tome orbito-palpébral à répétition chez une hémo- phile. ie SOCIETE DE BIOLOGIE Séance du 6 Février 1897. MM. Ch. Richet et A. Broca ont éludié l'influence de l'oxygène et des poisons sur l’excitabilité céré- brale. L'asphyxie provoque d'abord une hyperexcita- bilité passagère, puis la diminution et la disparition complète de toute excitabilité ; mais si on rend de l'oxygène à l'animal, lexcitabilité reparait après quel- ques minules. Le cerveau ne peut donc fonctionner sans oxygène. L'éther et le chloroforme ont le même effet que l’asphyxie ; la chloralose conserve l'excitabi- lité. — MM. Klippel et Lefas out étudié, chez un labé- tique présentant des troubles de la sécrétion salivaire, les allérations des glandes. Les microorganismes jouent certainement un rôle dans les altérations observées, mais la cause principale doit être rapportée à l'irrilation fonctionnelle développée sous l'influence de la lésion du système nerveux central. — M..Soulié (de Toulouse) envoie une note sur les variations mor- phologiques des cellules endothéliales du péricarde et de la plèvre. — M. A. Prenant adresse une note rela- tive à l'étude histologique de la cellule hépatique. Séance du 13 Février 1897. MM. Teissier et Guinard ont étudié l’action des toxines bacillaires introduites sous la peau ou dans le sang. La pneumo-bacilline fraîche détermine des extra- vasalions sanguines ; plus âgée, elle provoque surtout des lésions chroniques du système nerveux. — M. A. Char- rin rappelle que, dans ses travaux antérieurs, il a déjà donné un apercu des effets des toxines sur l'organisme el dés troubles et des lésions qu'elles engendrent. — MM. Méry et Lorrain ont isolé, dans des cas de scar- latine, sept variétés de strepltocoques, dont six, présen- tant des caractères analogues, étaient complètement réfractaires au sérum de Marmorek. Des lapins ayant élé infectés avec le bacille et ayant recu des injections préventives ou curatives de Marmorek, meurent plus vite que des témoins ayant recu le baalle seul. — M. van Ermenghem à {rouvé que le botulisme est dû à un microbe particulier, fournissant une toxine extrè- mement aclive. L'injection de cetle toxine provoque de la mydriase, de la diarrhée, des vomissements, des hémorragies diffuses, symptômes que l’on observe dans le botulisme aigu. — M.Féré signale un cas d'amnésie rétroactive survenu chez un bicycliste à la suite d’un effort violent. — M. Bardier a étudié l'in- fluence de l’inanition sur les échanges respiratoires chez les oies grasses. — M. Guiraut (de Toulouse) envoie une note relative à la présence du streptocoque dans l'eau. — MM. Garnier et Lambert {de Nancy adressent une note relative à l'influence des injections intra-veineuses d'eau salée sur la respiration. Séance du 20 Février 1897. M. Dejerine, se basant sur des altérations de dégé- nérescence qu'il a observées dans trois cas de lésions corticales du cerveau, soutient que les fibres de projec- lion rayonnent dans toute la corticalité, contrairement à l'opinion de Flechsig, formulée d’après ses recherches sur le cerveau des nouveau-nés, — MM. Parmentier el Carrion ont étudié le sang d’un malade atteint de dia- bète bronzé et dosé le fer dans différents organes. II existait une légère anémie, sans leucocytose ; le fer était en excès dans le corps thyroïde el surtout dans le foie. — MM. Klippel et Lefas ont observé de l'hypersécrétion salivaire chez un malade atteint de tic douloureux de la face. — M. Gellé signale un cas d'hyperesthésie auditive douloureuse chez un éthéro- mane àgé d'environ soixante ans. — MM. Widal el Sicard montrent qu'on peut mesurer et représenter par une courbe les variations du pouvoir agglutinatif du sérum du sang chez les lyphiques; le pouvoir diminue pendant la convalescence. — MM. Méry et Lorrain ont de nouveau conslalé l’insuccès du sérum de Marmorek contre les streplocoques secondaires de la scarlatine ; toutefois, on peut rencontrer un streplo- coque analogue à celui de Marmorek, lequel est influencé par le sérum. — M. Rénon pense que, dans l'infection puerpérale, il existe également des streplo- coques réfractaires, car le sérum de Marmorek n’a pas toujours de bons effets. — M. P. Langlois à reconnu que l'extrait de capsules surrénales de grenouille pro- duit les mêmes effets que l'extrait des capsules des mammifères. — MM. L. Hugounenq et Doyon onl constaté que le bacille d'Eberth et le coli-bacille dégagent tous denx l'azote des nitrates de soude et de potasse. — M. Féré montre l'influence de la position de lœuf sur le développement de l'embryon. — M. Courmont envoie une note relative à la répartition de la substance agglutinante dans l'organisme. Séance du 27 Février 1897. M. E. Gley annonce la mort de M. Ch. Contejean el prononce son éloge. — M. Mosso a observé, au Mont- Rose, les modifications de la respiration et de la cireu- lation dues aux grandes allitudes. Les accidents respi- raloires sont dus, non au manque d'oxygène, mais à l'absence d'acide carbonique dans le sang. — M. Camus montre la présence de la bilirubine dans le sérum de cheval, mais celle-ci s'altère rapidement; lair et la lumière sont nécessaires pour que l'oxydation se pro- duise : cette dernière est activée par l'élévation de tem- pérature; la présence de l'oxydase n’est pas nécessaire ; elle n'agit d'ailleurs qu'en empruntant de l'oxygène à l'air. — M. Boucheron a {traité par le sérum antistrep- tococcique un cas de sinusite maxillaire aiguë et un cas de phlegmon aigu du sac lacrymal, et a obtenu la gué- rison. II a constaté, que dans les cavités muqueuses closes pathologiquement, lexsudat streptococcique peut se résorber sous l'influence du sérum antistrepto- coccique. — M. Mossé à trouvé le pouvoir agglutinant dans le sang d'un nouveau-né dont la mère avait eu la fièvre lyphoide au sixième mois de sa grossesse. — M. Pilliet a étudié les lésions de l'endothélium veineux dans la phlébite variqueuse sur des pièces conservées dans la formaline et colorée à la (hionine. — M. Gilbert adresse une note relative à Faction toxicologique du phosphate de gaïacol. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 19 Février 1897. M. C.-E. Guillaume revient sur l'explication qu'il a déjà proposée de la constance de la température du charbon positif dans l'arc. (Voir la Revue du 15 nov.1896). 282 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES Cette constance résulte de celle de l'éclat du charbon, constatée par M. Violle; M. Guillaume pense que le phénomène secondaire qui limite l'élévation de tempé- rature est la dissolution directe du carbone solide dans l'atmosphère ambiante. Gette vue semble confirmée par une expérience de MM. Wilson et Fitzgerald qui, faisant jaillir Parc dans l'acide carbonique comprimé, ont cons- {até au moment où l’on produit la détente, l’appari ion d'un nuage de carbone. Le (ransport apparent du char- bon s'explique immédiatement dans cette hypothèse. M. H. Le Chatelier ne pense pas non plus que lébul- lition du carbone soit la cause de la constance de la température de l'arc: S'il en était ainsi, la tension de vapeur du carbone devrait être, à la température des lampes à incandescence, bien supérieure à la valeur observée, 0,02 millièmes de la pression. Inversement, en admettant ce chiffre, on calcule qu'à la température de l'arc, la tension de vapeur serait d'environ 40 milli- mètres. Dans de l'air qu'on raréfie jusqu'à une pression de 100 millimètres, l'éclat du charbon positif ne change pas. Le phénomène secondaire serait la fusion du’ car- bone, qu'on met en évidence en déposant une petite baguette de charbon de facon qu'elle supporte le poids du positif; au moment où l'arc jaillit, la baguette est écrasée. M. H. Becquerel se demande si la conduc- libilité des gaz environnants ne joue pas un rôle essen- tiel. M. Guillaume pense que la cause du phéno- mène ne doit pas être cherchée en dehors du carbone lui-même. — M. L. Benoist a continué à étudier, par la méthode qu'il a inventée avec M. Hurmuzescu, la loi d'absorption des corps pour les. rayons X. Rüntlgen a énoncé deux résultats L'absorption croit avec la densité des corps, mais beaucoup plus vite que cette densité. La première règle à été vérifiée en général par les expériences postérieures; le spath et le quartz on! présenté une exception notable, mais l'écart diminue, comme l’a montré M. E. Wiedemann, quand on utilise les radiations qui se propagent à l'intérieur d'un tube de Crookes. Pour découvrir la loi numérique qui lie l'absorption à la densité, M. Benoist s'est adressé d'a- bord aux gaz; de l'acide sulfureux, du chlorure de mé- thyle ou de l'air sont renfermés dans un tube de laiton fermé par deux lames d'aluminium; on observe la diminution d'intensité des rayons transmis quand la pression passe de 1 à 2 altmosphères. On trouve ainsi, pour le pouvoir absorbant rapporté à l'unité de masse, des nombres inversement proportionnels à : 10,87 10,11 11,60 c'est-à-dire sensiblement égaux ; la température n’exerce aucune influence; ainsi pour les gaz l'absorption dé- pendant uniquement de la masse de la substance tra- versée, M. Benoist pense que la loi s'applique encore, comme loi limite, aux solides et aux liquides; il fait observer que les perfectionnements successifs des tubes producteurs de rayons X nous ont fourni des radiations auxquelles les métaux se sont montrés de plus en plus transparents; mais les transparences rapportées à l'unité de masse n'ont pas crù dans le même rapport; l'aug- mentation a été relativement plus grande pour les mé- taux lourds, ce qui les rapproche des métaux légers. M. Benoist met ce fait en évidence en faisant agir les rayons X sur une plaque photographique à travers une lame de cuivre et des lames d'argent dont l'épaisseur varie contre les nombres entiers de 1 à 7. Avec un vieux tube de Crookes, la lame de cuivre équivaut à deux épaisseurs d'argent; avec un tube focus, à trois épais- seurs; la transparence de l'argent a done augmenté re- lalivement à celle du cuivre. M. Benoist conclut que, malsré les écarts actuellement observés et malgré la complexité des radiations émises, le pouvoir absorbant de tous les corps, rapporté à l'unité de masse, tend vers la même limite. — M. Guillaume montre des ac- tions lumineuses des rayons X, observées par M. Radi- guet: des morceaux de verre d’origine quelconque deviennent fluorescents sous l'action de ces rayons. M. Guillaume voit dans cette expérience l'explication de l'illumination des parois d'un tube de Crookes, au voisinage d'un obstacle solide, que M. Goldstein avait attribuée à une réflexion diffuse des rayons cathodiques el qui est due en réalité aux rayons X qui prennent naissance sur cel obstacle, Il pense aussi que tous les effets lumineux observés sur des objets placés à l'inté- rieur d'un tube de Crookes sont dus aux rayons X que” ces corps émettent; la fluorescence ne serait done pas une circonstance déterminante ou concomitante, mais simplement une conséquence de l'apparition des rayons Rüntgen. M. Radiguet a réalisé, au moyen d'une lame de verre à faces travaillées, un écran fluorescent qui présente des images beaucoup plus fines que les écrans ordinaires, dans lesquels la grosseur des cristaux est une condition nécessaire pour oblenir des résultats brillants. — M.Ponsot a fait, en commun avec M. Tangl, des mesures cryoscopiques, avec unappareil de M. Raoult auquel on a fait subir diverses modifications destinées à atténuer les perturbations dues au rayonnement. On accélère la production de l'équilibre en employant une éprouvelte à parois très minces; on amène le liquide à l'état de surfusion, on y projette un crislal de glace, on agite et on lintroduit dans l'appareil dont le bain est maintenu à une température inférieure de 00,25 à celle que l’on doit obtenir; dans ces conditions le thermomè- tre placé dans l'éprouvelle peut rester fixe pendantune demi-heure. On détermine la concentration de la disso- lution en tenant compte de la quantité de glace qui s'est formée. Le résultat le plus saillant est l'absence du minimum d'abaissement que tous les autres expéri- mentateurs ont observé au voisinage de la concentra- lion nulle. Pour le sucre, le coefficient d'abaissement est 18,77; la formule de Van’t Hoff à RTE To — T — EL 100 donne 48,696; M. Ponsot ne conclut pas à l'identité des deux volumes. M. Abraham pense qu'il y auräil avantage à substituer au verre un métal qui ne serail pas dissous par l’eau et qui serait beaucoup plus con- ducteur. M. Ponsot partage cette opinion, mais il a pris soin de vérifier que le point de congélation d'une eau ne change pas quand on la maintient plusieurs heures dans l’éprouvelte à une température de 60°. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance du 22 Janvier 1897. M.Delépine donne un nouveau mode de préparation des amines primaires. Il consiste à faire réagir les acides sur les sels d'ammmonium de l’hexaméthylène- amine. On fait, par exemple, réagir l'acide chlorhydrique en présence d'alcool sur le sel d’ammonium voulu L'équalion de formation est la suivante : CSH'°AZ'RA + 3 HCI + 12 C*H°OH — 6 CH? (OC) + 3AZH'CI + RAZH*AN. — M. A. Colson à éludié la décomposition des sulfates anhydres parle gaz chlorhydrique. Si l’on opère avec le sulfate de soude, la réaction est complexe par suite de la formation de sulfates acides. 11 y a donc plusieurs phases de décomposition; leur caractéristique paraît être l'existence d'une tension gazeuse fixe pour une tém- pérature donnée. La réaction de l'acide chlorhydrique sur le sulfate de cuivre et le sulfate de plomb donne lieu à des phénomènes du même genre. On peut alors mettre en évidence le déplacement de lacide sulfu- rique par l'acide chlorhydrique. M. Colson applique à ces phénomènes l'équation de Clapeyron et en donne la théorie. Il insiste surtout sur l'importance des ten- sions de décomposition analogues aux tensions de vapeur. L'auteur se propose d'étudier les bases vola- tiles dans les mêmes conditions, puis les réactions par voie humide en essayant de voir si la pression osmo- tique joue dans les déplacements des corps dissous un rôle comparable à la tension de dissociation dans les ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES cas étudiés. — M. Blaise à obtenu par l'action du cya- nure dé potassium sur l'isocaprolactone, non pas l'acide diméthyl2-2 pentanedioïque mais acide isopropylsueci- nique. Voici comment s'explique cette transformation : CA CH°X Nc cH° — cH: °C = CH — CH? — CO'H CB” | | CH / 0 —— co (HTON CH | > C—CH—CHÈCOH+HCAz— > CH—CH—CHE— COH CHE CH” | CAZ Séance du 12 Février 1897. MM. André el Berthelot donnent un procédé de dosage du phosphore dans l'acide pyrophosphorique et les pyrophosphates. On opère avec la mixture magné- sienne fortement acidulée par l'acide acétique. Si on opère en présence de pyrophosphate de sodium il se précipite un produit de composition constante renfer- nant tout le phosphore et contenant du magnésium, du sodium et de l'ammoniaque. — M. Tixier présente un appareil à distillation fractionnée très peu volumineux et donnant des résultats comparables à ceux que don- nent les tubes à boules. — M. H. Moissan à étudié l'ac- tion de l'eau sur la chaux fondue et décrit quelques expériences sur le bombardement de Chookes sur le diamant. — M. Chabrié communique au nom de M. Loyer une note sur l’action du chlore sur les aluminates alca- lins. À la température du rouge, l'action est identique à celle de l'acide chlorhydrique ; il se fait du corindon et du chlorure de sodium avec dégagement d'oxygène d'après la réaction : ABOSNa°0 — 2 CI — Al°0* + 2 NaCI + O. Avec un peu d'un sel de chrome en présence de l'alu- minate on oblient les variétés de corindon appelées rubis, saphir, ete... — M. Colson signale le fait suivant : M. Franchimont a décrit, en 1875, au congrès de l’As- sociation française pour l'avancement des sciences, tenu à Nantes, un hydrate de peroxyde d’acétyle fusible à 27° qui doit être le même corps que celuiqu'il a signalé tout récemment.— M.Tanreta mesuré lescoeflicients de partage de l'acide azotique en présence de l'eau et de l'éther. Ces coefficients s'élèvent en raison de la con- centration de l'acide et surtout par une addition d’'azo- tale. Pour expliquer ce dernier point, M. Tanrel admet la formation d'azotate acide dont la dissociation par l'éther serait limitée dans l'eau par la quantité de nitrate neutre. L'auteur a également étudié l'action de l'acide sulfurique sur les azolales en excès. Il à re- connu que si l’on enlève l'acide azotique libre par l’éther au fur et à mesure qu'il se produit, la décomposition du nitrate est complète. En laissant en présence les pro- duits de la réaction on peut représenter celle-ci par la formule : SO'HE + 2 AzKO® — AzHO + AzKO® + SO'HK. Après l'enlèvement de AzHO® il y à dissociation de SO‘HK en S'OK? et SO*H® et lespremier phénomène se reproduit jusqu'à transformation totale. — M.Tanret à reconnu également qu'en obligeant l'Aspergillus niger à vivre de la vie mycélienne en présence d'un excès de sels ammoniacaux (sans trace de nitrale) le champi- goon mettait en liberté les acides de ces sels (acide sul- furique, chlorhydrique, phosphorique). -— M. Rosens- tiehl envoie une note-réponse à M. Miolati sur la comparaison entre les imidoéthers et les rosanilines. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 12 Février 1897. La Société procède au renouvellement de son bureau pour l’année courante. Sont nommés : Président: M. Shelford Bidwell, F. R.S.; Vice-Présidents : MM. E. R. Festing, L. Fletcher, Perry, J. Johnstone Stoney ; 283 Secrélaires : MM. Th. Blakesley ct H.-M. Elder ; Secré- taire étranger : M. S.-P. Thompson ; Trésorier: M, At- kinson ; Bibliothécaire : M. C. Vernon Boys. — M. H. H. Hoffert indique un dispositif spécial pour les miroirs lixés à cerlains instruments (miroirs de galvano- mètres, par exemple). L'auteur prend de petites bandes rectangulaires de verre (verre de couvre-objet pour les préparations microscopiques!, minces et bien planes; ces bandes sont argentées et taillées à leur forme définitive au moyen d'un éclat de diamant. On a alors des rectangles d'environ 8 millimètres de lon- gueur 6t 4,5 millimètre de large, qu'on suspend de facon que leur plus long côté soit vertical, Ces miroirs ainsi suspendus sont plus légers el ont moins d'inertie que des miroirs ronds d'égale ouverture, La flamme verticale d'une lampe à paraftine, placée obliquement au miroir, suftit comme source de lumière. Les rayons lumineux traversentune lentille et l'image de la flamme apparait sur le miroir sous forme d'une ligne droite verticale. Une échelle est fixée sur un écran placé entre la lentille et la lampe ; l'écran possède une ouverture circulaire, située au-dessous du centre de l'échelle et munie d'un réticule, L'image du rélicüle vient se for- mer sur le miroir et est réfléchie par ce dernier sur l'échelle, — M. C.-V. Boys dit qu'il s'est souvent servi d'un système analogue : il indique les précautions à prendre pour préparer le miroir et pour le fixer avec de la cire sans le déformer. — M. $S. P. Thompson fail remarquer que le procédé de M. Hoffert est remar- quable en ce qu'il ne nécessite qu'une seule lentille. SOCIÈTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 21 Janvier 1897. M. W.-A. Shenstone a étudié l'aclion des décharges silencieuses électriques sur l'oxygène en milieu saturé de vapeurs d'eau et parfaitement sec. Les résultats prouvent que, contrairement aux précédentes affirma- tions, l'oxygène fournit une plus grande quantité d'ozone à l’élat humide. Le dédoublement d'ozone en oxygène serait donc relardé par la présence de l’eau. Le chlore, le brome et l'iode chimiquement purs et par- faitement secs réagissent instantanément avec le mer- cure. Le chlore pur ne fournit aucun produit de con- densatlion sous l'influence de l'électricité. — MM. Arthur R. Ling ct Julian L. Baker ont trouvé que la maltose, chauffée avec une solution de Fehling dans les condi- tions décrites par Nein, réduit 1,079 grammes de cuivre par gramme de sucre. Examinant en détail les produits de l’action de la diastase sur l'amidon à 70°, ils ont pu séparer la maltose et différentes substances infermen- tescibles, ITS décrivent lx-maltodextrine : CH%0*, la £-maltodextrine C#H#0%,— MM. H.-T. Browne, F.R.S., G. Harris Morris e{J.-H. Millar ont délerminé la den- silé de la dextrose lévulose, du sucre interverti en solution, et leur pouvoir de réduction des solutions eui- vriques. — M. A.-G. Perkin publie un long mémoire sur les dérivés de la maclurine; parmi les nombreux corps étudiés dont il publie les propriétés et fixe la constitu- lion, nous citerons: la tiacétylmaclurine-azobenzène : C'#HOS(C?H°0} (Az?C°H5)}. — M. À. Edward Dixon, continuant ses précédents travaux sur les acidylthio- carbimides, a été amené à préparer les dérivés halogénés de substitution de certaines séries d'acides gras, dans l'espoir d'oblenir, en les combinant avec des bases organiques,des glycolylthiourées de constitution connue qui auraient permis de fixer celle des thiohydantoïines de même série. Ces corps se formeraient suivant l'équa- tion : CHE.S CHCICOAZC.S + ToAzH? = HCI + | > CAZTo. COAZH qui peut fournir le corps : CHE.S 284 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES Il décrit toute une série de ces composés, entre autres : l’orthotolylthiohydantoine : CHIPS N G: A2CH ; COAZH 7 la méthylphénylthiohydantoïne, la benzylphényl, l'allyl- phénylihiohydantoïine, etc. — MM. Percy, Frankland F, R.S., et Thomas Hater Price décrivent la prépara- tion et les propriétés des amylglycérates dextrogyre et lévogyre, de l'amylglycérate inactif et les diacétyl el dibenzoylglycérates correspondants. Ces corps sont surtout étudiés au point de vue optique. L'influence de la température sur le pouvoir rotaloire de ces corps a été trouvée très faible pour les glycérates, mais très marquée pour les diacétyl et dibenzoylglycérates. — M. Alfred E. Tutton, dans une communication sur les constantes de rélractions des sels cristallisés, critique un travail de M. William Jakson Pope, qui répond aux arguments dirigés contre lui et fait remarquer qu'il ya eu une erreur involontaire dans un des tableaux publiés par lui. — MM. W.-N. Hartley F. R.S., et Hugh Ra- mage ont examiné environ 170 spécimens de miné- raux de toutes sortes, oxydes, carbonates, sulfures et ont pu découvrir au moyen de l'analyse spectrale la présence de quelques éléments très rares. Sur six échantillons d'hématites examinés, 5 contenaient de l'argent, 5 du nickel, 3 du chrome, 2 du gallium, 2 du thallium et 4 de lindium. Quelques-uns de ces derniers métaux ont été également découverts dans certains échantillons de magnélite, sidérite, bauxite. Sur 40 blendes, 9 renfermaient de l'indium, 7 du cadmium, # du thallium. Sur 168 minerais de diverses catégories examinés, 68 renfermaient du gallium, 30 de lindium, 17 du thallium. L'auteur pense que, dans les minerais, les différents métaux se groupent suivant la loi du système périodique. ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE Séance du 4 Février 1897. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. W. Binder : Les on- dulations des courbes planes Cf. — M. R. Daublebsky von Sterneck: Sur un théorème de la théorie additive des nombres. 29 SGIENCES PHYSIQUES. — M. R. Andreascha obtenu, par réaction de l'acide citraconique sur la thiourée, l'acide thiohydantoinpropionique C'HSAZS0*, identique avec l'acide citraconthiocarbamique de Pike. L'auteur étudie les principales réactions de cet acide. L'acide maléique bromé donne avec la thiourée l'acide déhydrotbiohydan- loïnacélique CSH#Az?SO$, — M. J. Zehenter : Coutribu- tions à l'étude des chromates doubles. 30 SCIENCES NATURELLES. — M. L. Rethi a étudié les vibrations des cordes vocales dans les différents re- gistres, par l'exploration du larynx au moyen de la méthode stroboscopique. — M. C. Diener a trouvé, dans le calcaire à Bell-r0phon du sud du Tyrol un Orthocère du groupe de l’Orthocerata annulata et trois ammonites lu genre Lecanites Mojsisovics. Séance du 11 Février 1897. 1° SCIENCES PHYSIQUES. — M. E. von Mojsisovices com- “unique les premiers travaux de la Commission insti- tuée pour l'étude des séismes. — M. R. Wegscheider rectitie certaines assertions de M. Murmann relatives à la méthode de l'auteur pour le dosage quantitatif du cuivre industriel. 20 SCIENCES NATURELLES. — M. F. Czapek a étudié le moyen de transport des substances constitutives dans la plante. Il montre que ce transport n’a pas lieu par le parenchyme, mais bien par le leptome, et dans ce lissu, spécialement par l'intermédiaire des tubes cri- blés et des cellules cambiformes; les rayons de moelle inclus dans le leptome ont une tout autre fonctiou. Le transport a lieu par l'intermédiaire du protoplasma vivant el non par celui du courant de sève ; les éléments du leptome morls ou narcotisés par le chloroforme ont perdu leur farulté conductrice. — M. Wiesner com- munique ses études sur la physiologie du Tæniophyl- lum Zollingeri, faites au Jardin de Buitenzorg (Java). Les racines aériennes de cette Orchidée épiphyte croissent avec une extrème lenteur, fait remarquable pour une plante des tropiques. Ces racines s'étendent sur l'écorce du tronc principal des arbres dans uue position verticale ; elles ne sont ni géotropiques, ni héliotropiques, ni hyponastiques; elles ne croissent qu'à la lumière. — M. $. Schenk : Sur l'absorption de la nourriture pendant la vie embryonnaire. Les élé- ments nutrilifs arrivent, sous l'influence des mouve- ments du cœur, dans l'intestin antérieur ; là ils sont divisés et solubilisés de facon à pouvoir être ensuite résorbés. * Séance du 18 Février 1897. 19 SCIENCES PHYSIQUES. — M. F. Henrich à constaté que la mononitrosoorcine exisle sous deux modifica- lions qui paraissent correspondre aux deux formules lautomères suivantes : NOH NOH (l || CH — 7 Ÿ—0OH CH AN Te si en H Le H || (l (R] [0] Les dérivés de ce corps n'existent que sous une seule forme. — M.K. Brunner à préparé au moyen de liso- butyrylphénylhydrazide la pr-3.3 diméthylindolinone ; ce corps est en relation étroite avec un autre dérivé, préparé par l’auteur en faisant agir le chlorure de zine alcoolique sur la phénylpropylhydrazine, et qui n'est autre chose que la pr-3.3 diméthylindoline, — M. F. Blau étudie l'acide sulfosalycilique provenant de l'oxydation de la sulfosalycilaldéhyde ; le groupe sulfu- rique est en position para par rapport au groupe hydro- xyle. L'acide considéré est analogue à l'acide inconnu qu'on obtient quant on traite la salhydrauilide par l'acide sulfurique et qu'on dédouble le produit de la réaction par les alcalis. — M. E. Murmann à cherché le poids atomique du cuivre en le faisant passer à l’état d'oxyde d’abord, puis en le réduisant par l'hydrogène. Le cuivre métallique se réduit complètement en oxyde si on observe les précautions suivantes : {1° le cuivre est percé de trous avec une pointe; le boursouflement qui se produit autour des trous empêche les surfaces d'adhérer les unes aux autres ; 2° on interrompt l'oxy- dation pendant de Jongs intervalles de facon que l’'oxyde formé se détache de la surface du cuivre quand il se refroidit. Le poids atomique trouvé est de 63,53. 2° SCIENCES NATURELLES. — M. Von Ebner comimu- nique ses recherches sur les extrémités des papilles du gont. ERRATUM. — Nos lecteurs ont cerlainement com- pris qu'une coquille avait altéré le pourcentage exact de la mortalité par tuberculose dans le tableau qu'en a donné notre collaborateur, M. le D° Petit (Revue du 15 mars dernier, pase 90). Les chiffres des décès par tuberculose portés au lableau sont donnés pour 10.000 et non pour 1.000 comme il a été imprimé par erreur, — Dans le même article, au lieu de «Les spores des bacilles peuvent ensuite germer », lire : « Les germes morbides peuvent ensuite proliférer ». Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, À, rue Cassette. 8° ANNÉE N° 15 AVRIL 1897 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Distinctions scientifiques Élection à lAcadémie des Sciences de Paris. — Le 5 avril dernier, l'Académie à procédé à l'élection d’un membre dans sa Section d’'Astronomie en remplacement du regretté F. Tisserand. La Section avait présenté : En première ligne MM. Bigourdan, Perrotin et Radau; En deuxième ligne : MM. PDeslandres, Hamy (Maurice) et Puiseux. Le premier tour de scrutin ayant abouti à un ballot- tage, la lutte s'est concentrée, au deuxième, entre les deux candidats sur lesquels venaient de se porterle plus de voix. M. Radau obtint alors 37 suffrages et M. Bigour- dan 22. En conséquence, M. Radau a été déclaré élu. L'œuvre scientifique du nouvel académicien est con- sidérable : elle se rapporte principalement à l’Astrono- mie mathématique, c'est-à-dire à la Mécanique céleste, aux calculs de l’Astronomie stellaire et des équilibres planétaires. On lui doit aussi une étude remarquable de la réfraction atmosphérique, faite surtout en vue «d'apporter une extrème précision à la correction des observations astronomiques. Ces austères recherches n'ont pas empêché l’auteur d'écrire pour un public plus étendu que celui des as- tronomes. Les articles de vulgarisation qu'il a donnés à la Revue des Deux Mondes sur divers sujets d’Astrono- mie et de Physique, — l'Astronomie stellaire, la Spec- troscopie, ete., — soutiennent la comparaison avec les plus belles pages d’Arago. C’est donc à la fois un sa- vant éminent, doublé d'un écrivain de grand talent, que l’Académie vient de s’adjoindre. Election d'un savant français à l’Acadé- mie des Sciences de Turin et à FAcadémie des Sciences de linstitut de Bologne. — Deux Académies étrangères, célèbres parmi les Sociétés savantes de l'Europe, l'Académie des Sciences de Turin, et, centre particulier d'études mathématiques, l'Acadé- mie des Sciences de l'Institut de Bologne, viennent chacune de décerner à M. Emile Picard, membre de l’Académie des Sciences de Paris, un éclatant hom- REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897. mage. Désirant marquer la très haute estime en la- quelle elles tiennent l’œuvre mathématique de notre éminent collaborateur, ces deux Compagnies ont voulu, l’une et l’autre, le compter au nombre de leurs mem- bres, Cette double élection, dont notre savant compatriote vient d’être l'objet, fait honneur aussi au libéralisme scientifique des Italiens, si attentifs aux travaux des savants français et toujours empressés à leur rendre Justice. $ 2. — Nécrologie Antoine d’Abbadie. — Antoine d'Abbadie, dont nous avons récemment annoncé la mort, était né à Dublin en 1810 ; mais, Basque d’origine et Français de nationalité, c’est surtout en France qu'il vécut quand son humeur aventureuse ne l’entraînail pas hors d'Eu- rope. Il est entré à l’Académie des Sciences en 1867, alors que l’Académie, modiliant son règlement, décida de porter de trois à six le nombre des membres de sa Section de Géographie et Navigation. Cette élection récompensait deux sortes de travaux: les uns, relatifs aux méthodes géodésiques, relèvent des sciences astro- nomiques; les autres, consacrés à l'exploration de l'Ethiopie, sont du ressort de la Géographie physique et de la Géographie politique. Deux ordres de compé- tences étant nécessaires pour les juger, nous avons demandé la présente Notice à un géodésien et à un géographe. (Note le la Direction.) I. — LE GÉODÉSIEN ET L'ASTRONOME. Peu de voyageurs laisseront le souvenir d’un géo- graphe expérimenté, comme l'a été Antoine d’Abbadie. Son exploration de l'Ethiopie est un modèle de ce que peut fournir à la science géographique le savoir et la conscience alliés à la volonté, au courage et à l’ab- négation. D’Abbadie n'avait pas vingt ans quand il conçut le projet de parcourir l'Afrique orientale, où, dit-il, « l'é- tude des langues, des religions, de la littérature, aussi bien que des constitutions politiques et législatives pa- raissait devoir offrir des particularités dignes d'intérêt, 1 286 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE ces régions étant restées isolées de l'état stognant ou décrépit de l'Orient comme de l'élan progressif de l'Eu- rope ». Il passa d'abord près de six années à étudier les sciences nécessaires pour voyager avec fruit, et il était sur le point de partir quand Arago lui demanda d'aller observer les variations de l'aiguille aimantée au Brésil (1836). Ce voyage à peine terminé, il s'embarque pour l'Égypte, où l'attendait son frère Arnauld (1837), et fait d’abord une reconnaissance rapide jusqu'à Gondar; puis il rentre en France (1839), s'outille d'instruments et repart quelques mois après. Gette fois, le voyage dure dix ans /1839-1849); il nous a valu une exploration scien- tifique des plus complètes de l'Ethiopie. Ce qui caractérise l'œuvre de d'Abbadie, c'est sa mé- thode d'observation. Ce savant s'était rendu compte du peu de précision qu'offrent les positions géographiques indépendantes, c'est-à-dire celles qui sont obtenues par l'observation directe des astres avec des instruments de campagne et dont les meilleures ne sont exactes qu’à un ou deux kilomètres près. Il a imaginé la géodésie expédi- tive, qui consiste à former un enchaînement de triangles, lesquels sont plus ou moins bien conformés, mais per- mettent de recouper tous les signaux naturels qu'on dé- couvre desstations improvisées sur les hauteurs où l’on à pu s'arrêter. Cette méthode donne une précision dix fois supérieure à celle des positions indépendantes et elle of- fre des ressources précieuses de vérification. D’Abbadie a établi ainsi en Ethiopie un réseau qui embrasse 8°32/ de latitude sur 3° de longitude et fournit les po- sitions de 857 points. Ses observations ont été faites avec un petit théodolite, l'instrument à la fois le plus pratique et le plus précis en voyage, qu'il a même per- fectionné en maintenant la lunette parallèle au limbe horizontal: cette lunette, tournant sur elle-même, peut être pointée, grâce à l'interposition d’un prisme, en avant de l'objectif, sur tout objet en azimut et en hau- teur ; il a constitué ainsi un appareil nouveau, auquel il a donné le nom d’Aba. L'ouvrage de d'Abbadie, intitulé Géodésie de l'Ethiopie, devrait ètre le guide de tous nos voyageurs. Ceux-ci y trouveront, non seulement l'exposé des méthodes d'ob- servation et de calcul, mais les conseils les plus auto- risés sur la pratique des explorations. C’estun précieux service que ce savanta rendu à la science géographique que d'avoir frayé la voie à suivre par les explorateurs vraiment soucieux de rapporter des documents capables de contribuer efficacement au développement de nos connaissances sur les régions qu'ils parcourent. Esprit très original, très chercheur, d'Abbadie ne s'était pas cantonné dans la géodésie expéditive. Il fut également astronome à ses heures. Il alla observer une éclipse de soleilen Norwège (1851), une autre en Espagne (1860); il fut aussi le chef d'une des Missions de l'Aca- démie des Sciences, chargée d'observer aux Antilles le passage de Vénus sur le Soleil (1882). Son château d’Abbadia, près d'Hendaye, dont il a fait don à l’Académie et où il passait six mois de chaque année, renferme un véritable observatoire pour les re- cherches astronomiques et physiques qu'il poursuivait; c'est là qu'il étudiait, en particulier, depuis longtemps les variations périodiques de la déviation de la verti- cale. ! Sa passion pour toutes les choses intéressant la Géo- désie de voyage nous a valu l'introduction en France .d’une nouvelle méthode pour la mesure rapide des bases géodésiques : la méthode Jäderin, qui paraît ap- pelée à rendre les plus grands services dans les opéra- tions de campagne. ‘ ; Rappelons, en terminant, que d'Abbadie a fait de nombreuses et savantes publications sur la Météorolo- gie, la Linguistique et l'Ethnographie des contrées qu'il a explorées; ces mémoires forment un ensemble qui met en relief la variété de ses connaissances profondes. Colonel Bassot, de l'Académie des Sciences. IL. — L'EXPLORATEUR DE L'ÉTHIOPIE. Antoine d’Abbadie partit pour l'Ethiopie en 1837, à l’âge de vingt-sept ans. Depuis sa sortie du collège, il projetait une exploration en Afrique, Indif- férent aux contrées du Soudan occidental, qui lui paraissaient habitées par des barbares, il jeta son dé- volu sur l'Ethiopie pour plusieurs motifs. Il était curieux de l'antique civilisation de ce pays, avec laquelle ses lectures assidues des voyages de l'Ecossais Bruce l'avaient déjà familiarisé. Catholique très fervem, « sachant (ce sont ses propres expressions) que le temps avait altéré la foi des chrétiens du Tigré et de l’'Amara, il se proposait de travailler à la rétablir ». Enfin il espérait découvrir en Ethiopie « la solution du problème des sources du Nil », question qui, à cette époque, primait toutes les autres dans les préoc- cupations des géographes. Il arriva à Gondar, le 28 mai 1838, en compagnie d'Arnauld d'Abbadie, son frère, Arnauld et Antoine ont voyagé en Ethiopie en même temps, mais rarement ensemble. Il existait entre leurs caractères des diffé- rences très marquées. « Né pour commander, dit An- toine, mon frère prenait son parti rapidement et s’expri- mait sur un ton qui n'admettait pas la contradiction... Ma manière était toute différente : au lieu de surmonter hardiment l'obstacle, je trouvais qu'il était plus facile de le tourner, » Néanmoins, et bien qu'ils aient travaillé sur le même terrain beaucoup plus simultanément qu'en collabo- ration, leurs noms resteront unis dans l'histoire de l'exploration de l'Afrique. Son voyage de Massaoua à Gondar avait prouvé à Antoine d'Abbadie qu'il était insuffisamment armé pour procéder à des relevés topographiques précis. Il revint en France pour se pourvoir de bons instruments. En 1840, il était de retour dans la mer Rouge. Il séjourna longtemps sur la côte orientale d'Afrique. cher- chant à pénétrer dans l’intérieur par des routes non frayées, à gagner le Harrar de Berberah, ou le Choa de Tadjoura. Mais toutes les portes se fermant devant lui, il vint à Gondar par la voie ordinaire (juin 1842). Dès lors il commenca à travers l'Ethiopie, du nord au sud, de l’est à l’ouest, ses longues courses, dont témoignent les lignes multiples d'itinéraire, qui s’entrecroisent sur sa carte. Il passa l’année 1843 dans l'Inarya, sur la rive gauche de l'Abaï ou Haut-Nil Bleu. Il y conquit la faveur d'un chef, qui lui ouvrit l’accès du Kaffa, pays isolé et fermé, où aucun Européen n'avait encore pénétré. Il figura dans une mission chargée par ce chef d'aller lui chercher à Bonga, en Kaffa, sa douzième femme. D'Abbadie partit pour le Sud avec mille hommes d’escorte, porteurs des cadeaux destinés à la fiancée. De 1843 à 1846, il voyagea entre l'Inarya et Gondar, et fit des séjours prolongés dans le Godjam. Ses courses dans l'Est le conduisirent jusqu'au rebord oriental du plateau éthiopien. L'année 1847 fut consacrée à l'exploration de l'Agamé et 1848 à celle du Simen, où il fit l'ascension du Ras Dajan, dont l'altitude atteint 4.600 mètres. A celte époque, M. Charles d'Abbadie, inquiet d’être depuis longtemps sans nouvelles de ses frères, partit à leur recherche. Comme, en arrivant à Massaoua, il était muni d’un firman de recommandation très pressant de Méhémet- Ali, pacha d'Egypte, qui, malgré sa défaite diplomatique de 1840-1841, exercait encore une action prépondé- rante dans la mer Rouge, l'aga ture se mit avec grand zèle en quête d'information. M. Charles d'Abbadie sut où étaient ses frères et les rejoignit. En sa compagnie, Antoine d'Abbadie quittait définitivement Massaoua et l'Ethiopie le 4 octobre 1848. Pendant ces voyages, il fut aux prises avec de graves difficultés et entouré de dangers. Il traversa parfois des districts où la lèpre est si répan- CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE due qu'on n’y demande pas, lors des pourparlers matri- moniaux, s'il y a de la lèpre dans la famille, car on n’en doute pas, mais seulement s’il y en a beaucoup. M. d'Ab- badie me racontait les angoisses dans lesquelles la crainte d’avoir contracté la lèpre l'avait une fois jeté. Par charité, il avait pris comme secrétaire un lépreux, qui souffrait tellement qu'un jour, par espoir de soula- gement, il lui arriva de se couper une phalange d’un doigt. M. d'Abbadie lui avait fait cadeau d'une de ses che- mises. Or, un soir, celui-ci la déposa par mégarde dans la case, sur la pierre où était généralement placée la chemise de nuit de son maître. M. d'Abbadie, se cou- chant à tâtons, vu que dans ce pays tout mode d’éclai- rage fait défaut, prit la chemise et la revêlit, d'autant plus sûr que c'élait la sienne qu'elle portait le petit rabat, insigne des lettrés. Mais quelle ne fut pas sa stupeur, quand, au jour, il reconnut qu'il avait dormi dans la chemise du lépreux. Il se voyait déjà atteint de lhorrible maladie et dans l'impossibilité de retourner en Europe. Il s'était heureusement alarmé trop vite : « Je passai une rivière à la nage, disait-il en con- cluant, j'entrai dans une contrée où la lèpre est presque inconnue, et j'oubliai mes vaines lerreurs. » Il connut encore d’autres soucis. Les guerres civiles, qui vers 4840 sévissaient en Ethiopie, l’obligèrent sou- vent à des arrêts prolongés, à d'immenses détours. Les populations ne lui étaient pas toujours favorables. Dans le Djimma, il dut rester caché des semaines dans une hutte isolée au milieu des bois, car un explorateur anglais avait tué un notable Djimma et les habitants, par représailles, avaient juré la mort de tout voyageur blanc. D'Abbadie triompha de toutes ces difficultés et de bien d’autres par la patience, la persévérance et la ré- solution. A aucune époque de sa vie, il ne fut un homme pressé. Il réussissait à lasser des gens, pour qui cepen- dant le temps n’a pas de valeur. Il ne redoutait pas les conversations interminables avec les indigènes, dans lesquelles il est question de tout, de la pluie, de l'herbe qui pousse, du bétail qui engraisse, dans lesquelles on échange des niaiseries pendant des heures avant d’ar- river au véritable sujet de discussion. Il est resté plus de dix ans de son existence en Ethiopie, revenant sur ses pas, recoupant ses itinéraires. Il se plaisait à dire : « J'aime les voyages lents. » Il différait donc complè- tement de nos explorateurs contemporains, qui tra- versent une contrée à la hâte, bien plus qu'ils ne l'étudient à loisir. La figure graphique de leurs voyages est un trait fin etcontinu qui coupe en deux le blanc de la carte. Un réseau aux mailles irrégulières mais serrées, couvrant toute la superficie du pays, telle est l’image de ceux de d’Abbadie. Je me plais à m'imaginer que d'Abbadie, qui s'était fait de la persévérance une règle de conduite, devait parfois se comparer à un personnage dont il connais- sait bien l’histoire, puisque c'est un saint vénéré en Ethiopie, saint Yared, qui, lui aussi, réussit par l'effort continu. Yared en sa jeunesse était un mauvais écolier. Un jour qu'il ne savait pas ses psaumes, il fut battu. Il se sauva, maudissant les maîtres et ce qu'ils enseignent. Cependant, s'étant arrêté dans la campagne devant un arbre, son attention fut captivée par le manège singu- lier d'un insecte. Il le voyait grimper sur le tronc de l'arbre, tomber à terre, puis reprendre son ascension, retomber de nouveau, recommencer, et ainsi de suite plusieurs fois, sans lassitude, tant qu’enfin l’in- secte ayant atteint une feuille, évidemment objet de ses désirs, s'arrêta et la mangea. Ce fut pour Yared un trait de lumière. Il se remit à l'étude avec acharnement, inventa le plain-chant si original des Ethiopiens, ainsi que leur poésie sacrée et fut considéré comme un grand homme de son vivant avant de passer pour un saint après sa mort. De même d’Abbadie prouva, par sa persévérance, qu'il était inaccessible au découragement; il savait bien qu'on glisse plusieurs fois de l'arbre avant d’at- 287 teindre la haute branche que d'en bas on a avisée et de s'y établir solidement, Sa facon de voyager fut très originale, Il se départit des habitudes européennes, pour adopter celles de l'Ethiopie. Il prit la profession de mamhir, c'est-à-dire de savant. 11 fréquenta les écoles de Gondar, y fit des amis, s'y lia, en particulier, avec ce doux Tawalda madhin, qu'il emmena ensuite en pèlerinage à Jérusa- lem. Bien loin de railler les coutumes des indigènes, il affecta de s'y conformer, si contraires qu'elles fussent à celles de France. Il évitait donc de se promener les mains derrière le dos, car cette attitude est consi- dérée en Ethiopie comme un signe de démence; il ne buvait pas d’eau, car les personnages de qualité n’en font pas usage; il marchait pieds nus, car il faut être un rustre où un lépreux, pour se chausser de san- dales. Si l'on en juge par les résultats, sa méthode n'était pas mauvaise. Toute la partie méridionale de l'Ethiopie était complètement inconnue avant ses explorations, et il contribua à donner des notions bien plus précises sur les régions du Godjam, de Gondar et du Tigré dans lesquelles il avait eu des prédécesseurs. Sa carte d'Ethiopie, publiée en dix feuilles de 1862 à 1869, est incomparablement supérieure aux travaux analogues de ses devanciers. Il crut même avoir fait une décou- verte considérable. Il pensa que la rivière Uma consti- tuait le cours supérieur du Nil Blanc. Il défendit cette opinion avec une extrême ténacité. Cette conception était erronée. On sait que Spcke a tranché la question de l’origine du Nil Blanc. Quant à l'Uma, on a tout lieu de croire, depuis les explorations de M. Borelli et du comte Teleki, qu'elle se déverse dans le lac Rodolphe. Il a déterminé huit cents positions, tant par la géodé- sie expéditive, que par des détails de route et des cro- quis sur place. Néanmoins la topographie ne l’occupait pas exelusi- vement, il s’intéressait à tout dans le pays qu'il visitait, comme en témoigne la variété des études qu'il publia plus tard : La procédure en Ethiopie, Sur les Oromo ow Galla, Mémoire sur le tonnerre en Ethiopie, etc. Les questions de philologie avaient pour lui un attrait particulier. Dès son arrivée en Ethiopie, il se mit à l'étude des langues du pays, et il y fit de rapides pro- grès. Ses connaissances lui permirent de rédiger un dictionnaire amarinna-français. En 1698, Ludolf avait publié un dictionnaire amarinna-latin, et Isenberg, en 1841, un dictionnaire amarrina-anglais. Celui de d'Ab- badie est non seulement plus riche, mais encore plus exact, attendu que l’auteur a séparé beaucoup plus ri- goureusement que ses prédécesseurs les termes geez ou de la langue liturgique, des mots amarinna ou de la langue vulgaire. Le goût très vif qu'il avait pour la philologie se ma- nifeste encore dans ses constantes recherches des ma- nuscrits éthiopiens. Il réussit à rassembler cette belle collection, dont il a publié le catalogue raisonné, qui comprend plus de deux cents pièces et balance en intérêt les plus réputées des collections publiques. Toutefois quand on étudie l’œuvre tout entière de d’Abbadie, on sent bien qu’il y manque quelque chose. Il est, en effet, très regrettable qu'il n'ait pas laissé un exposé cohérent et méthodique de ses voyages et de leurs résultats analogue à l’Histotre physique, naturelle et politique de Madagascar que publie M. Grandidier, ou aux Reisen in Afrika de Junker. Grâce à la collabora- tion assidue, au travail énorme de M. Radau, qui a contrôlé ses calculs, d’Abbadie a fait paraître en 1873 sa Géodésie d’Ethiopie. Mais tous les autres documents qu'il a rapportés sont dispersés en une quantité de mémoires insérés eux-mêmes dans des recueils très variés. Quand il sentit l’âge venir, il publia ce singulier vo- lume intitulé : Géographie de l'Ethiopie, ce que j'ai en- tendu faisant suile à ce que j'ai vu. Mais ce sont des notes sans liaison, c’est la matière d’un ouvrage, non cet ou- vrage, qu'on attendit toujours et en vain. 288 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE Néanmoins, d'Abbadie laissera un grand nom dans l'histoire de l'exploration de l'Afrique au xix° siècle. Les études sur l'Ethiopie qui avaient brillamment com- mencé dans la seconde moitié du xvi® siècle et qui furent interrompues au xvii*, à la suite de l'expulsion des missionnaires catholiques, reprises par Bruce en 1770, ne furent plus interrompues. Parmi les explora- teurs qu'atlira ce pays depuis 1830, Salt, Ruppel, Ferret, Galinier, Combes et Tamisier, Lefebvre, Krapf, Beke, de l’aveu même des géographes étrangers, d'Abbadie tient le premier rang. Son œuvre est durable. Reposant sur des observa- tions exactes, elle a Ja solidité des vérités mathéma- tiques. Elle résistera aux efforts du temps, comme résiste sur le plateau d'Ethiopie cette civilisalion chré- tienne, que depuis des siècles battent en vain les flots de l’Islam. Henri Dehérain. $ 3. — Sciences physiques Science et sophisme en Chimie. — Un chi- miste éminent, M. A. Wilde, membre de la Société Royale de Londres et actuellement président de la Manchester Lilerary and Philosophical Society, vient d'adresser à M. Berthelot, secrétaire perpétuel de l'Aca- démie des Sciences, la très intéressante lettre que voici : « Monsieur, « Diverses considérations m'engagent actuellement à ine mettre en communication avec l’Académie, dans le but de stimuler de nouvelles investigations dans les Sciences physico-chimiques, et de faire disparaître quelques-uns des obstacles qui entravent leurs progrès. « L'un de ces obstacles, qui appelle la sérieuse atten- tion des penseurs philosophes, est l'invasion d’une autorité dogmatique dans une science scolastique, pour soutenir des erreurs démontrées et des méthodes erro- nées d'observation et d'expérience. « Il sera suffisant, pour l’objet que j'ai actuellement en vue, de citer le système périodique des éléments chimiques, comme un exemple de l'abus d'autorité dans une branche de la Science où vous occupez un rang si distingué. « J'ai à vous exprimer mes regrets que vos vues au sujet de la prétendue loi périodique ne soient venues que récemment à ma connaissance; sans cela, je m'y serais référé dans mes travaux généraux sur les rela- tions numériques des poids atomiques. « Quoique vous ayez clairement indiqué, Monsieur, dans vos Origines de l'Alchimie, les sophismes et les con- tradictions inhérents à ce système, et que vous ayez également montré que la prédiction de l'existence et des propriétés des éléments inconnus n’a aucune rela- tion nécessaire avec la prétendue loi périodique ; cepen- dant, ce système a depuis été imposé aux personnes qui s'occupent de Science, par les Sociétés scienti- fiques et les Corps enseignants, comme une vérité natu- relle d'une autorité indiscutable. « Je n'ai pas besoin de vous rappeler que l’état actuel de la Chimie théorique, en raison de la recon- naissance formelle de ce dogme, est réellement déplo- rable. « Les savants qui aspirent à se distinguer dans la Chimie et dans la Physique estiment qu'il est néces- saire de donner des preuves de leur croyance person- nelle, en tâchant de montrer Ja corrélation de leurs propres travaux, sur des points pärticuliers, avec le système périodique, et ils évitent toute référence aux proportions multiples des poids atomiques comme à une dangereuse hérésie. « Beaucoup de ces néophytes, de même que certains auteurs de Manuels, ne peuvent se faire une idée, ou ignorent la signification de l’idée, de la périodicité, telle qu'elle est définie par dé Chancourtois, Newlands et Mendeleeff dans leurs Mémoires respectifs; ils appli- quent l'expression impropre de loi périodique : « 49 À la progression de propriétés antérieurement connues, observables dans les familles naturelles des éléments; « 29 À la corrélation avec les poids atomiques de pro- priétés physiques et chimiques établies depuis long- temps; « 3° À la progression bien connue des propriétés physiques dans les séries homologues des composés organiques. « Par suite, le danger, pour les progrès futurs de la Chimie théorique, est que, lorsque l’idée illusoire d’une spiro-périodicité des propriétés analogues des éléments sera universellement abandonnée, le nom impropre de loi périodique est exposé à prendre dans la Science un caractère parasite; de la même facon que cette autre expression impropre : esprit lunatique, avec ses dérivés, subsiste encore dans la civilisation moderne, comme une survivance de la Physiologie mentale barbare des âges passés. « Heureusement pour l'avenir de la Philosophie chi- mique, que l'esprit de Dumas vit encore dans les esprits de la plupart des chimistes français, qui ne recon- naissent aucune autre autorité que la vérité de la nature, telle qu’elle se présente à l’entendement, et qu'ils sont par là exempts de l'illusion de la prétendue loi périodique. « En reconnaissance des nombreux profits que j'ai retirés de la Science française, tant pure qu'appliquée, j'ai l'honneur d'offrir à l’Académie la somme de £ 5.500 — 137.500 francs pour être placée en rente française; l'intérêt provenant de cette somme devra être appliqué à la fondation d’un prix de quatre mille francs, à décerner tous les ans à l’auteur d'une décou- verte ou d'un ouvrage quelconque en Astronomie, Phy- sique, Chimie, Minéralogie, Géologie et Mécanique qui, au jugement de l'Académie, sera estiméle plus méritant. « L'attribution de ce prix sera internationale et pourra être rétrospective. « Je suis, Monsieur, votre tout dévoué « A. WILDE. » Cette lettre, — curieux exemple des tendances de la science anglaise, soucieuse, avant tout, de ne jamais perdre de vue les faits sous l'appareil des systèmes, — offre à divers égards un haut intérêt. Il importe, croyons-nous, de souligner le sentiment de particu- lière bienveillance dont elle témoigne à l'égard de la France. Ce sentiment est, en effet, celui de presque tout le monde scientifique de la Grande-Bretagne. Non seulement les savants anglais, écossais et irlandais ont soin, dans leurs écrits, de rendre, avec une scrupuleuse loyauté, toute justice aux travaux de leurs confrères étrangers, mais, de plus, c'est avec une évidente sympa thie qu'ils jugent notre génie national et goùtent le caractère particulier que ce génie imprime à nos mé- thodes de recherche et d'exposition. Les quelques Français qui connaissent bien le monde scientifique d’outre-Manche s'accordent à le reconnaître. On ne saurait trop dire à nos compatriotes, et il semble utile d'indiquer ici, que c'est surtout par le contact et l'union amicale du monde scientifique francais avec la société scientifique anglaise, que le bon accord poli- tique de la France et de la Grande-Bretagne aura chance de s'affermir et de durer. Louis Olivier. Dotations scientifiques. — Nous annoncions dans la dernière livraison de la Revue que MM. Solvay et Ci° avaient mis à la disposition de M. A. Haller, di- recteur de l'Institut Chimique de Nancy, la somme de cent mille francs pour aider à la création d’un Institut de Chimie physique et d'Electro-Chimie à l'Université de Nancy. Aujourd'hui nous avons le plaisir d'ajouter que M. Rogé, directeur-administrateur des Hauts Four- neaux de Pont-à-Mousson, vient de promettre un don de dix mille franes-pour le nouveau laboratoire d'Elec- tro-Chimie. D'autre part, les verreries de Vallerystahl (Alsace) et CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE Portieux (Vosges) rénnies ont mis à la disposition de M. Bichat, doyen de la Faculté des Sciences de Nancy, dix mille francs pour transformer les laboratoires de Physique actuels de la Faculté en un graud Institut de Physique. Dans le même but, MM. Renaud et Ci°, ban- quiers à Nancy, se sont inscrits pour une donation de mille francs. Voilà donc enfin, espérons-le du moins, l’'amorce d'un mouvement qu'il va falloir s'efforcer de propager, de l'Est, où il a pris naissance, sur toule l'étendue du territoire français. $ 4. — Industrie Comité de Consultations industrielles, — En annonçant, le 28 février dernier, la constitution de notre Comité de consultations industrielles, chargé d'examiner d’une facon régulière les demandes de nos abonnés re- latives à des questions techniques, et de « désigner au demandeur un collaborateur de la Revue particulière- ment apte à le renseigner », nous avons omis d’indi- quer que ce service serait absolument gratuit. C'est, en effet, à litre gracieux, que la Revue entend obliger ses abonnés. Plusieurs lui ayant oftert des ho- noraires à ce sujet, elle s'excuse près d’eux de ne point les accepter. La Revue tient aussi à demeurer étrangère aux tran- sactions à intervenir entre les parties en cas d’études exigeant une rémunération. Son rôle est d'indiquer au demandeur le spécialiste qui lui paraît le mieux en si- tuation de le conseiller, et son entremise se borne à transmettre à ce collaborateur la demande de rensei- gnement. C'est aux intéressés à s'entendre par la suite, s'il y a lieu. $S 5. — Géographie et Colonisation Éducation scientifique des voyageurs na- turalistes. — On sait que depuis deux ans à été ins- titué au Muséum un enseignement nouveau, spéciale- ment destiné aux explorateurs. M. A. Milne-Edwards, directeur du Muséum, avait pensé, en effet, qu'il importaié d'apprendre aux voyageurs français à la re- cherche de voies nouvelles dans les pays inconnus, les règles d'hygiène à y observer, la façon d'étudier le sol, la fauve et les races humaines des régions qu'ils par- courent. Le succès de cette intelligente entreprise en ayant démontré l’évidente utilité, tout le personnel enseignant du Muséum a été mis à contribution pour développer davantage encore l'œuvre commencée. Cette année des conférences seront faites plus spécialement à l'intention des naturalistes désireux de voyager dans des pays peu connus et de les explorer dans un but scientifique. Voici le programme des cours pour 1897: 27 avril. Lecon d'ouverture . Milne-Edwards. 29 — L'homme en Zoologie. : Hamy. 1er mai. L'homme dans son industrie . Verneau. 4 — L'homme et les sociétés. Cheysson. 6et8— Mammifères et Oiseaux. E. Oustalet. Al — Reptiles et Poissons. L. Vaillant. 13 — Mollusques. . . . E. Perrier. 45 — Vers et Zoophytes : Bernard. 48 — Arachnides, Crustacés. . . Bouvier. 20 — Insectes. ee . Ch. Brongniart. 22 — Anatomie comparée. . HE. Filhol. 25 — Plantes phanérogames . E. Bureau. 29 — Plantes cryptogames . Morot. {er juin. Plantes vivantes Bois. 3 — Géologie . . . Stan. Meunier. 5 — Minéralogie. c Lacroix. 8 — Paléontologie. . . . . . Gaudry. 10 — Hygiène des voyageurs . Gréhant. 42 —- Météorologie . . . … - . . . . . H. Becquerel. 45 — Détermination dupointen voyage. Bigourdan. 15 — Notions sommaires de Géodésie et de Topographie . — 19 — Photographie en voyage. . . . . Davanne. 22 — La photographie dans la construc- tion des cartes et plans Cnel Laussedat. 289 La France dans le détroit de Bab-el-Man- deb; Cheikh-Saïd. — Il est question d'occuper for- tement le territoire de Cheikh-Saïd, que nous possédons sur la côte arabique du détroit de Bab-el-Mandeb, en face de l'ile anglaise de Périm (fig, 4 et 2, page 290). Quelle est donc pour notre pays l'utilité de ces nou- velles dépenses coloniales ? On ne doit pas se dissimuler que Cheikh-Saïd ne sera jamais un établissement d'exploitation commerciale. Le sol, de nature volcanique, y serait fertile; mais le climat n’y permet qu'un nombre restreint de cultures. Par ses chaleurs excessives (+ 30° C. en moyenne), par les violentes et irrégulières oudées que lui amènent la mousson d'été ou les vents hivernaux du N., le Tihamma, dont cette petite contrée fait partie, rap- pelle tantôt le Sahara, lantôt les « terres chaudes » du Mexique. Le café était naguère encore cultivé en ter- rasse, dans des conditions exceptionnelles, sur les ver- sants voisins, qui s’étagent au N.-E., dans l’Yemen jusqu'à Sana (2.200 m.); et le trafic important né de ce chef eût pu être à la rigueur dévié de Moka et Hodeïda vers Cheikh-Saïd, qui possède une assez bonne rade. Mais, depuis 1850, le café n'est presque plus demandé à l’Ara- bie, et ce sont le Brésil, les îles de la Sonde, l'Amérique centrale, les Antilles et l'Inde anglaise qui fournissent à la consommation pour 95 °/,. À côté du café, les autres produits de la région de Cheikh-Saïd, gommes, aroma- tes, plantes tinctoriales, sont insignifiants. La popula- tion est fort peu dense (moins de 10 habitants au kilo- mètre carré) et a très peu de ces besoins qui permet- traient d'y espérer le placement d'objets manufacturés. Mais Cheikh-Saïd peut devenir, à meilleur litre que Périm, nue, déserte et inhospitalière, une escale sur la grande voie de navigation d'Europe en Orient par Suez. On sait que cette route maritime est déjà la plus fré- quentée du monde, et que le commerce français, quoi- que heureusement battu en brèche par des rivaux - récents, y occupe encore une des premières places. Le chemin, ouvert en 4869 par le percement de l’isthme de Suez, a hérité de l'antique importance des routes du Caire-Alexandrie, du golfe Persique, même de la mer Noire ; il raccourcit de plus de 1/5 le trajet par eau de l'Europe occidentale à l'Inde; surtout, les pays situés sur le pourtour de cette mer et sur la face O. du Paci- fique, auxquels il mène, les plus riches du monde en population et en marchandises de toutes sortes, sont plus indispensables que jamais aux nations euro- péennes, depuis que les Amériques se ferment à leur trafic. Deux chiffres traduisent avec éloquence cette situation privilégiée : le tonnage net du détroit de Bab- el-Mandeb, qui fut de 6.000 tonneaux en 1869, est monté en 1895 à 8.100.000 tonneaux. Sur ce total, la meilleure part, 6.062.587 tonneaux, revient à la Grande-Bretagne, qui a la plus nombreuse marine, le plus vaste empire colonial en Orient, et que la prise de possession dégui- sée de l'Egypte, comme l'annexion d’Aden, ont mise en excellente posture dans ces parages. Vient au second rang, avec 693.000 tonneaux, l'Allemagne, qui n'en avait que 213.000 en 1883, mais dont la flotte et les ambitions commerciales s'accroissent à mesure que se développent son industrie et ses besoins, La France n'arrive qu’en- suite avec 672.000 tonneaux, avant la Hollande, l'Autri- che-Hongrie et l'Italie. Elle a donc sur cette voie une po- sition à reconquérir, des relations plus actives à nouer avec ses colonies d'Afrique et d'Asie; et elle y serait grandement aidée par la possession à Cheikh-Saïd d'une escale qui aurait l'avantage de setrouver moins éloignée qu'Obock et Aden du chemin suivi par lès paquebots. Enfin Cheikh-Saïd a, par sa situation et son relief, des qualités stratégiques de premier ordre. Or, c’est précisément à des préoccupations militaires que les puissances ont surtout obéi en s'installant dans le voi- sinage du détroit de Bab-el-Mandeb, l'Angleterre à Périm et Aden en 1837 et 1839, sur la côte somali en 1884, la France à Obock en 1882 et à Tadjourah en 1884, l'Italie à Assab en 1882. Chacun veut surveiller la route du càble et des vaisseaux de guerre ou de grand 290 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE commerce: chacun veut, en cas d’hostilités, gêner le possessions de la baie de Tadjourah, lieu de sortie natu- trafic de l'ennemi en défendant le sien, et se ména- | rel des nombreux produits de l’Abyssi ger des abris qui soient en même temps des postes de ravitaillement. Quoi que nous ayens tenté depuis quinze ans, les An- glais sont aujour- d'hui les maîtres du passage : à dé- faut de Périm, 1ls ont fait d’Aden, non seulement l’entrepôt de toute l'Arabie et de la côte somali, mais encore une escale et une posilion stratégique sans rivale sur la route d'Orient. C’est un avant-poste de l'Inde, relevant de la présidence de Bombay, et dont Périm est comme la sentinelle de jonction avec l'E- gypte; l'installa- tion du port mo- dèle de Steamer- Point, de vastes citernes d’eau douce, d’un dépôt de charbon ali- Echelle de 1 : 250.000° L em a || 0 2 CSS 8 10 Kil. Makallar À o { Aden (A) AA nie, à laquelle doit les relier un che- min de fer déjà concédé, prime- rontsans douteun jour Aden au point de vue commer- cial; mais c’est à Cheikh-Saïd, com- plément indispen- sable de ce comp- toir, que doit être uotre établisse- ment de guerre; c'est là qu'il faut aménager une es- cale munie d’eau douce et de char- bon,et mettre une artillerie capable d'éteindre le feu de Périm, domi- née à moins de cinq kilomètres par notre Djebel- Menbhali. Le grand voyageur Paul So- leillet, l'acquéreur de Sagallo, avait raison d'écrire dans son « Voyage en Ethiopie » que Cheikh-Saïd serait le «Gibraltar fran- çais »; mais la condition essen- DS 1.Sokotora (A) 5 < 2 Mandeb Gol fe UNDER PObock ss + Aacha %) C.Cuardafur T = D u = © = © af = } = + Fig. 2, — Possessions européennes sur le débroit de Bab-el-Mandeb. — (F), à la France; (A), à l'Angleterre; menté par Newcastle, la construction de fortifications inexpugnables, ont laissé Obock bien loin en arrière. Nos | Grande-Bretagne. (1), à l'Italie; (T), à la Turquie. tielle de succès est l'évacuation de l'Egypte par la J. Machat. ARMAND GAUTIER — LES MANIFESTATIONS DE LA VIE ET LES FORCES MATÉRIELLES 291 LES MANIFESTATIONS DE LA VIE DÉRIVENT-ELLES TOUTES DES FORCES MATÉRIELLES ? La matière se manifeste à nous par ses proprié- tés; mais aucune ne semble lui appartenir néces- sairement. Des échanges continuels de lumière, de calorique, d'électricité, de puissance méca- nique, etc., se font entre les objets matériels, et leur communiquent l'éclat, la couleur, la chaleur: l’élasticité, les mouvements qui les rendent sen- sibles, mais le substratum dont sont formés les corps matériels reste inerte, c'est-à-dire incapable d'engendrer de lui-même ni le mouvement, ni aucune des propriétés que revêtent ces corps. « La matière, a dit Claude Bernard, n’engendre pas les phénomènes qu'elle manifeste, elle ne fait que donner à ces phénomènes leurs conditions de ma- nifestalion. » Lorque la matière change d'état, on dit qu'elle est soumise à des forces. La force dynamique, c'est celte cause qui communique aux corps maté- riels l’aplitude de se transporter dans l’espace avec une certaine vitesse. S'il avait fallu mouvoir à la fois avec la même vitesse, deux, trois objets identiques, il eût fallu deux, trois fois plus de force dynamique. La quantilé de matière, ou masse des corps, se mesure donc par la capacité dynamique ou quantité de force mécanique néces- saire pour imprimer à chaque corps une même vitesse !. Les forces matérielles sont donc les causes qui provoquent les mouvements des objets matériels, ou qui leur communiquent l'aptitude à se mani- fester à nous par des propriétés sensibles. Animée, pour ainsi dire, par ces forces, la ma- tière possède l'énergie. Un boulet de canon placé dans l’âme d’une pièce d'artillerie estde la matière inerte au repos. Mais que, grâce à la combustion de la poudre, ce boulet soit lancé hors de la pièce, il possédera une énergie mécanique mesurée par 1/2 mv°, formule où m représente la masse du pro- jectile et v sa vitesse. Ainsi chargé sous forme d'énergie de translation de l'énergie qui existait auparavant dans la poudre sous-une tout autre forme, ce boulet s’est revêtu d'une propriété 4 On voit que, par définition, la masse ne mesure la quantilé de matière que par rapport aux forces dyna- miques prises comme étalon de mesure de cette malière. Si l'on prenait un autre étalon, la capacité calorifique ou électrique par exemple, les quantités de matière de deux objets de nature différente, mais de même masse pour le mécanicien, pourraient, mesurées à ce nouvel étalon, être fort différente. On voit aussi que la masse n'est pas une propriélé de la malière, mais une définition, une mesure de sa quantité, nouvelle : il se transporte maintenant devant lui; et si, par une hypothèse, irréalisable il est vrai, tout venait dans le monde à disparaitre, excepté lui et nous, nous pourrions penser que la matière de ce boulet a pour caractère de marcher toujours avec la même vitesse en se transportant ainsi de- vant elle éternellement. Cette propriété ne serait pourlant qu'une des formes, ou manifestations, des forces auxquelles la matière sert de support; que ce boulet rencontre, en effet, dans sa marche un obstacle mécanique, un mur d'acier suffisamment résistant par exemple, il s'arrêtera brusquement, et l'énergie de translation dont il était animé se changera en énergie élas- tique ou vibratoire qui, se transmetltant à la fois à la substance du boulet et du mur, les échauffera, et cela proportionnellement à la perte d'énergie de translation. C'est ainsi que le mouvement de transport du boulet, se changera en chaleur pro- portionnelle, de telle sorte que l'énergie ainsi transformée soit équivalente à l'énergie de trans- lation disparue, ou à celle qui était auparavant contenue à l’état de calorique dans le gaz de la combustion de la poudre, elle-même issue de celle qui était emmagasinée dans cette poudre sous forme de potentiel chimique avant la déflagration. Ainsi, ces quatre formes de l'énergie : énergie chimique de la poudre, énergie calorique des gaz de la combustion, énergie de translation, énergie élastique due à la déformation du boulet et du mur, qui se transforme à son tour dans l'énergie calorique finale au moment du choc ; ces quatre quantilés d'énergie, de formes différentes, sont nées les unes des autres, et pourraient au besoin revenir sans perte à l’un quelconque de leurs étals anté- rieurs. Ce sont des formes successives équiva- lentes de l'énergie. Les forces matérielles se reconnaissent donc à ce qu'elles communiquent à la matière de l'énergie, mais avec expresse condition qu'une des formes : chimique, élastique, calorifique, mécanique, ete., de cette énergie venant à apparaitre, la forme pré- cédente disparaîtra en quantité équivalente. Les forces que manifestent les êtres vivants ont- elles toutes ces deux caractères essentiels des forces matérielles? Avant de répondre à cette question, il faut analyser les phénomènes intimes qui se passent dans les tissus et cellules qui, par leur agrégalion etleur fonctionnement, forment les êtres doués de la vie. 19 Le 9 ARMAND GAUTIER — LES MANIFESTATIONS DE LA VIE ET LES FORCES MATÉRIELLES Les organes primitifs des corps vivants sont les cellules ou plastides, petites unités ou individua- lités qui généralement réunies en colonies forment les tissus et avec eux les organes complexes. Ces cellules (fig. 1) sont constituées par un noyau con- tenu dans une vésicule spéciale, le plus souvent complètement en- veloppée de protoplasma, subs- tance molle, granuleuse, semi- liquide, traversée par des trabé- cules de forme changeante qui paraissent être le siège d’une ac- tive circulation. Comme dans la cellule nerveuse (fig. 2) ou lym- phatique, par exemple, les trabé- cules du protoplasma cellulaire s'étendent fort loin du noyau. Portée par la circulation à chacune de ces cellules, la matière alimentaire, douée d’éner- gie chimique, ou énergie latente, est transformée suivant les besoins de chaque cellule, soil par dé- doublements fermentalifs, soit par hydratation, soit par oxydation, en matériaux nouveaux, dont l'énergie chimique, ou potentiel total, va sans cesse en décroissant. L'énergie ainsi perdue en appa- rence s’est changée proportionnellement, au sein de la cellule ou en dehors d'elle, en chaleur, travail mécanique, structure d'organes, etc., et l’ensemble de toutes ces énergies, chimiques ou réalisées, est égale à l'énergie introduite par les aliments dans Fig. 1. — Cellule végétale. Fig. 2. — Cellule nerveuse. — n, noyau; p, prolongements du protoplasma; D, cylindre-axe. la cellule, et d'une façon générale dans tout l’in- dividu, avec les aliments et l'oxygène absorbés durant le temps que l’on considère. L'animal fonctionne grâce aux modifications in- cessantes des principes qui le composent. De ces modifications résulte une quantité d'énergie qui, de latente, devient actuelle et dont dispose l'être vivant, Mais toujours pour un même cycle de transformations matérielles, les mêmes quantités, ou des quantités équivalentes, de chaleur, travail | intérieur ou extérieur, travaux de structure, etc., se | manifestent égales à celles qui apparaitraient si | les aliments consommés durant ce temps eussent été brûlés au calorimètre, en donnant les mêmes produits, que l'animal soil amibe, insecte ou homme: qu'il ait été ou non, durant ce temps, le siège d'actes psychiques. C'est en ce sens que M. Berthelot, faisant allusion aux états que mani- festent seuls les êtres vivants et qui les caracté- risent, a dit : « L’entrelien de la vie ne consomme aucune énergie qui lui soit propre !. » Nous pourrions tout de suite conclure que puis- que la vie ne consomme à se manifester et se trans- mettre aucune parcelle d'énergie matérielle, elle n’est pas une forme de cette énergie. Mais qu’est- ce que la vie, comment se mani- feste-t-elle ? Un être vivant, une cellule vivante assimile,se nourrit et se reproduit; elle assimile, c'est-à-dire qu’elle forme des prin- cipes semblables à ceux qui la composent avec des aliments qui peuvent ne pas contenir ces prin- cipes ; elle se nourrit, c'est-à-dire se conserve avec sa forme géné- rale tout en passant de l’état jeune à l’état adulte; elle se reproduit, c'est-à-dire qu'elle fait naître des Fig. 3. — Infusoire êtres semblables à elle-même. de Pour diriger ces lrois fonctions, noyau elle possède en elle une force, une cause qui règle la succession de ses actes et qui les dirige. Son protoplasma est l'agent et le siège des phénomènes chimiques de sa nutrition, mais le noyau est leur centre directeur. C'est ce qu'ont démontré Nüsbaum, Grübber, Hofer, Ver- worn, Balbiani, ele., dans leurs expériences dites de mérolomre. Que l’on vienne à couper en deux parts une grosse cellule, celle qui forme à elle seule une amibe, par exemple,ou mieux encore de petits infu- soires monocellulaires, Stentor, Cyrtostomum, Loxo- des, ete., de telle façon qu'une des deux parts com- prenne le noyau et que l’autre contienne presque tout le protoplasma (fig. 3). La première, munie de son noyau, n’eût-elle qu'une partie minime de pro- toplasma, continue à vivre, répare rapidement sés pertes et reforme une cellule entière qui se repro- duit bientôt. Au contraire, la partie riche en proto- plasma, mais privée de noyau, végète d’abord quel- que temps, puis finalement dépérit et meurt. Tandis qu'il est ainsi séparé de son noyau, le protoplasma n'en produit pas moins aux dépens de ses réserves { M. BenrueLor : Essai de Mécanique chimique fondée sur la thermochimie ; t. I, p. 91. Paris, 1879. ARMAND GAUTIER — LES MANIFESTATIONS DE LA VIE ET LES FORCES MATÉRIELLES 293 quelques-uns des principes qu'il fabriquait dans | lent leurs humeurs propres chacune en verlu de la cellule intacte; si, comme dans le cas du Stentor, la partie du protoplasma privée de noyau con- tient la bouche et les cils préhenseurs de lindi- vidu primitif, l'alimentation se continuera quelque temps, mais des principes qu'il produit ou qu'il assimile le protoplasma ne pourra se servir long- temps pour assurer sa vie durable; bientôt il dé- périt et dégénère. Le noyau n’est donc pas l'agent des transformalions physico-chimiques que le pro- toplasma parait suffire à accomplir, mais bien leur centre directeur. C'est lui qui dans la cellule organise les actes, dirige les manifestations vers un même but, le maintien du type, la reproduction, la vie de la cellule. C’est en lui que parait surtout résider cette dme nutritive d'Aristote, dont il dit : «ses actes sont d’engendrer, et d'employer la « nourriture ». Cette direction de manifestations, actes ma- tériels en vue d’un but commun, ne peut être le fait d'une force matérielle, car, ainsi que je le disais, nous reconnaissons ces forces à ce que, appliquées à la matière, elles fontapparaitre l'énergie sousl'une de ses formes : chaleur, travail dynamique, actions chimiques, etc. Or, si les phénomènes chimico-phy- siques qui se passent au sein du protoplasma dépensent l’énergie correspondant au travail, à la chaleur, aux actes chimiques produits dans ce pro- toplasma, l'ordre, le sens imprimé à ces manifesta- tions n'en saurait dépenser ni produire. La direc- tion imprimée aux phénomènes matériels, l’ordre, la loi de ces phénomènes consécutifs n'a et ne peut avoir aucun équivalent mécanique, dépenser ni pro- duire aucune énergie qui lui soit propre : lors- qu'une batterie d'artillerie tire le caron, chaque coup a son équivalent mécanique, mais l'énergie correspondant à chacun de ces coups et leur somme totale reste la même, quelle que soit leur direction. Le résultat final est cependant bien différent sui- vant que changent l’ordre et la direction du tir. Si l’on voulait, ce qui est déjà inadmissible pour la raison que je viens de dire, que tout ce qui se passe dans une simple cellule vivante soit de l'ordre physico-mécanique, il faudrait expliquer comment chacune des manifestations matérielles qui se pro- duit en chaque cellule des tissus ou des organes s’harmonise dans l'être vivant complet en une manifestation ordonnée générale où tout vient con- courir à la vie normale, à la conservation de l'in- dividu complet. Dans une nation civilisée, tous les citoyens concourent au fonctionnement normal de l'État en vertu d’une force directrice commune, d'un contrat tacite fondé sur l'intérêt, la raison, la loi morale. Il en est de même dans ce pelit Etat qu'on nomme l'individu. Que l'estomac digère chi- miquement ses aliments ; que les glandes sécrè- forces mécaniques et chimiques ; que le sang ap- porte aux tissus son oxygène et qu'en chaque cas il agisse en vertu des réactions mêmes que nous pouvons reproduire ?n vitro; que l'énergie calo- rique, mécanique, ele., de l'être vivant résulte tout entière d'actes purement matériels, cela est indé- niable, mais là n’est point la vraie difficulté. La vie résulte de l'ordre imprimé à ces divers acles, venant concourir à un même but. Ghevreul le remar- quait déjà dès 1837 : « Lors même qu'on aurait reconnu que ces phénomènes dépendent des forces qui régissent la matière inorganique, nous ne serions guère plus capables de comprendre com- ment il arrive qu'un corps qui est déjà organisé avant que nous ne puissions l'apercevoir a en lui la propriélé de se développer avec une constance admirable dans la forme de son espèce, et la faculté de donner naissance à des individus qui repro- duisent cette même forme. Eh bien! c’est là que se trouve pour moi le mystère de la vie et non dans la nature des forces auxquelles on peut espérer de rap- porter ces phénomènes. » (C. R.,t. V, p. 175.) IT Cette associalion de cause mystérieuse, ce con- trat pour le travail de toutes les cellules en vue d'un but commun, la vie générale, la conservation de l'individu, est chez l'animal, et en particulier chez l'homme, accompagné de phénomènes d'un ordre spécial qui ne paraissent avoir avec les phéno- mènes matériels aucune commune mesure ou équivalence. Je veux parler des manifestations de la conscience : la pensée, la volonté, le sens esthé- tique, le sens moral. Pouvons-nous rattacher ces manifestations aux forces matérielles? Oui, si elles sont démontrées équivaloir à une dose d'énergie mécanique, chimique ou calorifique. La pensée qui voit, compare, délibère; la volonté qui se détermine ; le sens esthétique qui juge le beau ; le sens moral qui percoit un monde de sentiments que la logique n'atteint pas, manifestent en nous une ou plusieurs forces puisque, suivant la défini- tion de ce mot, les forces sont ce qui fait passer les objets d'un état à l'autre, et que l'être qui pense ou qui veut diffère notoirement par ce quelque chose de nouveau, de ce qu'il était avant de penser ou de vouloir, Mais, on l’a vu, pour être démontrées d'ordre matériel, ces forces qui donnent naissance à la pen- sée, à la détermination d'agir, à la sensation du juste ou du beau, doivent pouvoir êlre transfor- mées en forces mécaniques, ou en dériver; appli- quées à la matière, elles doivent faire nailre de l'énergie transmuable dans les formes mécaniques, 294 ARMAND GAUTIER — LES MANIFESTATIONS DE LA VIE ET LES FORCES MATÉRIELLES calorifiques, chimiques que nous connaissons. Or, | iln’enest rien. Qu'un animal, qui consomme durant les vingt-quatre heures une quantité constante d'aliments, pense ou non, qu'il se détermine à agir ou non (pourvu quil n'agisse pas), qu'ilsoit amibe, chien ou homme, pour une même quantité d’ali- ments et d'oxygène consommée, il produira la même quantité de chaleur et de travail, ou d'énergie totale équivalente. Il n’y a donc pas eu, pour créer la pensée ou la détermination d'agir, détour- nement d'une partie des forces mécaniques ou chimiques, transformation de l'énergie matérielle en énergie de raisonnement, de délibération, de pensée. Ces actes exclusivement propres aux êtres doués de vie n'ont pas d'équivalent mécanique. «Les actes psychiques, conclut avec nous M. Chau- veau, ne peuvent rien détourner de l'énergie que fait naître le travail physiologique et qui est inté- gralement restitué sous forme de chaleur sensible. » On pourrait arguer peut-être que les phénomènes de conscience, de jugement, de volition, sont des états fransitoires se produisant passagèrement et proportionnellement à une certaine dose d'énergie équivalente, pour se retransformer ensuite chez l'être vivant en énergie matérielle, laissant repa- raître à l'extérieur la totalité de l'énergie primitive après que l’acte psychique intermédiaire a disparu. Mais ce qui caractérise les élats successifs de l'énergie matérielle, c’est qu'ils sont chacun exclu- sifs des états précédents et des suivants. Quand l'énergie chimique de la poudre contenue dans à feu disparaît par combustion, l'énergie l'arme à calorifique apparaît proportionnellement; celle-ci diminue peu à peu à mesure que nait l'énergie de translation du projectile, et s'il s'écrase tout à coup en rencontrant un mur d'acier massif et résistant, son énergie de translation s'évanouit,rem- placée qu'elle est par l'énergie élastique ou calo- rique suivant la loi de l’équivalence. Il n’en est pas de même des phénomènes psychiques : Lorsque les vibrations matérielles ou chimiques, provoquées par une sensation de cause physique périphérique, arrivent à notre cerveau, et qu'elles s'y impriment, cet effet s'accomplit dans la cellule cérébrale grâce à une suite de modifications matérielles en équiva- lence avec l'énergie mécanique cu chimique qui les provoque : du glycogène, des nucléines dispa- raissent du cerveau, de la cholestérine, des phos- phates apparaissent, le cerveau s’échauffe, etc... el l’ensemble de l'énergie représentée par les modi- fications de la cellule impressionnée est égale à celle qui a été transmise à la cellule. L'énergie d’ex- citation équivaut, en un mot, à l'énergie d'impres- sion et de réaction dans lesquelles elle se trans- forme. Mais lorsque l'impression matérielle a été ainsi emmagasinée dans la cellule cérébrale et | qu'un nouvel équilibre chimique et physique s'y est établi, les faits de conscience commencent et se succèdent. De l'impression naît la sensation; elle éveille la pensée qui se développe et peut faire naître la volition. La pensée, la conclusion peut même ne se réveiller que des années après que l'impression matérielle a été produite, et que s’est dissipé le flux d'énergie qui a traversé le cerveau. C'est que la pensée, la volition ne sont pas l’im- pression, ni l’une des formes passagères et trans- muables de l'énergie impressionnante. La sensation elle-même n’est pas une conséquence de l'impres- sion qu'elle peut ne pas suivre. Si elle naît, elle peut éveiller la pensée, c'est-à-dire l'aperception, la vue intérieure des modalités de l'impression produite dans l'organe récepteur, aussi bien que des impressions antérieures. Le jugement résulte de la comparaison de ces impressions entre elles et avec des vues, des types innés. Le sens intime, c’est ce qui nous fait ainsi voir, comparer et juger. « Ce qui constitue l’état de conscience et de pen- sée chez l'homme, dit Spinosa, c'est la sensalion intérieure de ses organes corporels, c’est-à-dire des modalités de l'étendue que ces organes repré- sentent actuellement, etrien d'autre. » Mais ces phénomènes persistants de conscience, de vue intérieure (car nous n'avons point de terme plus précis pour indiquer la sensation des moda- lités venues par l'esprit), se passent dans le silence du cerveau, après que les impressions ont élé reçues. La mémoire les conserve et l'esprit les aperçoit et les compare. L'impression a été matérielle sans aucun doute, mais les modifications mécaniques ou chimiques qui l'ont produite ou accompagnée sont depuis longtemps disparues alors que l’esprit peut continuer à comparer ces impressions entre elles, et sans qu'intervienne en rien l'énergie cor- respondant à ces impressions, énergie qui a depuis longtemps quitté la cellule cérébrale impression- née. L'acte psychique ne résulte donc pas d’une transformation de tout ou partie de l'énergie trans- mise au cerveau et ayant produit l'impression. Il serait d'ailleurs absurde de dire que la sensa- tion d’une impression, même d’une image physique extérieure, sa comparaison avec des impressions déjà reçues et la détermination d'agir qui peut suivre la pensée ou le jugement porté, ont un équi- valent mécanique : sentir, comparer et vouloir n'est pas agir, et seul l'acte matériel est transfor- mable dans les diverses formes de l'énergie qu'il représente. III La conscience, le jugement, la pensée consistent en appréciations de formes et de rapports inscrits el conservés dans nos organes, mais ils ne sont ARMAND GAUTIER — LES MANIFESTATIONS DE LA VIE ET LES FORCES MATÉRIELLES ni des modes de l'énergie matérielle, car nous avons vu qu'ils ne la font pas proportionnelle- ment disparaître, ni des conséquences directes, ou même nécessaires, de l’acte matériel qui produit l'impression, ni de la sensation elle-même. Lorsque, regardant le spectre lumineux d’une étoile, je re- connais que les systèmes de raies de son spectre sont les mêmes que dans la lumière solaire, mais avec une différence constante pour toutes, un léger déplacement des raies vers la droite ou vers la gauche de l'observateur, et que de ce déplace- ment je conclus que cette étoile, en apparence immobile depuis que l'homme lobserve, court vers nous, ou s'en éloigne avec une vitesse de 30 à 40 kilomètres à la seconde, ce n'est certes pas l'impression du dessin lumineux, ni la par- celle de la terrible énergie que transporte avec elle l'étoile qui fait naître en mon esprit la certitude de sa course rapide à travers l’espace infini. Ma pensée naît d'une série de sentiments intimes que l'impression lumineuse réveille, mais qui préexis- taient, car la plupart des phénomènes de la Nature les font renaître chez tous les hommes sans qu'ils en aient jamais trouvé la démonstration certaine. Ces sentiments sont : la croyance que dans l'Uni- vers partout les mêmes effets naissent des mêmes causes matérielles, que, par conséquent, conclut logiquement l'observateur, le soleil et l'étoile aussi bien que les vapeurs de nos éléments terrestres ayant mêmes systèmes de raies, ces éléments ter- restres doivent exister dans les deux astres qui, dès lors, sont formés de même matière; l'opinion que les lois naturelles sont immuables, que le hasard ne préside pas aux faits, et que si les raies de l'étoile sont toutes également déplacées vers la gauche (ou vers la droite), c'est en vertu d’une cause commune ; l'assurance en notre sens logique qui nous permet d'affirmer que la cause du dépla- cement commun des raies observées est bien la marche de l'étoile à travers le ciel, parce que cette induction concorde avec toutes nos mesures, et avec tout ce que nous apprennent d'autres mé- thodes fondées sur notre raison. Mais ces senti- ments, celle croyance, cette Opinion, celle assurance, tous ces postulatums, bases et principes de notre jugement, idées primitives, innées (car rien ne les démontre absolument et chacun, sciemment ou non, sent et raisonne à leur lumière), toute cette substance, tout ce substratum de la pensée, n’a rien à faire avec l'impression lumineuse du spectre de l'étoile! La pensée, on le voit, se forme non de l'impression recue, ni même de la sensalion perçue, mais de tout un système de croyances, de sentiments, venus du plus profond de nous-mêmes, réveillés, il est vrai, par la sensation reçue, mais Sans aucun rapport avec la perception lumineuse. 295 Celle-ci a simplement appelé la pensée, c'est-à- dire les comparaisons, les vues du sens intime, d’où à jailli la conclusion, l'idée nouvelle. La pensée n’est, en effet, qu'une appréciation, une comparaison de formes ou d'impressions issues de faits particuliers, avec des types géné- raux, fournis par le sens intime. Lorsqu'un artiste tire de son violon une succession de sons qui fait naïitre en nous la sensalion d’une beauté, d'une idée musicale, le travail matériel du bras, des cor- des, de l’archet, les vibrations de l'instrument et de l’air qui frappe l'oreille puis parcourt le nerf acoustique, l'impression qui modifie le cerveau et s’y conserve, tout cela constitue une succession de phénomènes mécaniques et chimiques susceptibles de mesure et d'équivalence. Ces impressions malé- rielles se transmettent aussi bien au cerveau d’un chien, d’un Nègre, ou d’un Parisien affiné, et y pro- duisent des effets physico-chimiques semblables. Mais la pensée que la perception de ces impres- sions successivement transmises et conservées fait naître en chaque esprit est fort différente. Elle va résulter, en effet, de la comparaison de ces percep- tions, de leur ordre de grandeur et de succession avec des lypes esthéliques préexistants que la rai- son peut expliquer quelquefois, mais ne nous four- nit pas. Or cette vue, cette perceplion de l’ordre de succession et de grandeur d’où va résulter le jugement, le plaisir ou la peine, est absolument immatérielle. En effet, les mêmes sons transmis au cerveau dans un ordre inverse ou réglé par le hasard, auraient produit une suite d’impressions matérielles semblables aux premières à l’ordre près, et une série d'états physico-chimiques iden- tiques pour chaque note séparée, sans qu'aucune pensée musicale en fût résullée. L'ordre changé, le sentiment intime des rapports change ou devient nul; la pensée musicale s'évanouit. C'est donc uniquement la perception intérieure de l’ordre, des rapports, c'est leur comparaison avec des types intuitifs qui permet le jugement et fait naître la conclusion, la pensée. Or, cette perception, cette vue intérieure, cette comparaison ne sauraient avoir aucun équivalent mécanique, parce qu'une forme, un rapport, un ordre n’en ont pas, à plus forte raison le sentiment intime, la perception de ces formes, de ces rapports, c’est-à-dire le juge- ment, la pensée. IV On objecte souvent que l’acte de penser fatigue le cerveau; que l'homme qui pense fait effort, pro- duit un travail, et que celui-ci est notoirement d'ordre matériel, car la substance cérébrale s'é- chauffe et se détruit, à peu près comme il arrive pour le musele qui travaille. Mais sous ce mot de 1 296 ARMAND GAUTIER — LES MANIFESTATIONS DE LA VIE ET LES FORCES MATÉRIELLES penser nous comprenons généralement une série d'actes successifs préparatoires et matériels que suit, sans se confondre avec eux, le phénomène psychique de la pensée. Une première dépense physique naît de la préparation du cerveau à rece- voir les impressions que lui transmet le monde extérieur et qui vont s'imprimer dans sa substance ou l’ébranler ; ces impressions recues ne sont efli- caces que sinous ne conservons par un effort, une sorte de tension physique de notre cerveau que réveille l'attention. Lorsqu'à la suite d'une percep- lion nouvelle, l'idéation commence à se produire en notre esprit, une singulière faculté nous per- met, quelle que soit la multitude immense d'im- pressions recues et conservées, je ne sais comme, dans les entrailles de Ja cellule cérébrale, de faire successivement passer le tableau de ces images actuelles ou antérieures devant les yeux du sens intime qui choisit celles qui sont nécessaires à sa comparaison et à son jugement. Toute cette pré- paration du cerveau à l'impression, l'impression elle-même, et l'effort qui retrouve et rapproche les impressions recues pour les mettre dans un élat sensible apte à la comparaison et à la vue du sens intime, tout cela constitue certainement un travail physique qui prépare l'acte de la pensée. Comment le cerveau fait-il cet effort, comment conserve-t-il, ou rapproche-t-il, les impressions reçues? Nul ne le sait, et pour essayer d'expliquer cette indéniable merveille, on ne saurait recourir qu'à des compa- raisons. Je me représenterais volontiers ce cerveau comme une vaste bibliothèque, dont les volumes sont faits, chez l'enfant qui vient au monde, de feuillets impressionnables où sont déjà inscrites en partie, grâce à l’atavisme, les images mêmes vues et transmises par les aïeux. Une vibration sonore, lumineuse, tactile arrive-t-elle au cerveau, elle court, à travers les millions de cellules qui le forment, vers ce livre mystérieux où elle peut s'inscrire. Il s'entr'ouvre, recoit l'impression et se referme à moitié, ou tout à fait et pour jamais, si l'attention ne s'est pas produite. Pour utiliser à un moment donné les impressions matérielles ainsi accumulées, il faut, par la mémoire, en con- sulter le catalogue, ouvrir ces volumes depuis longtemps fermés ou à demi clos, les feuilleter, en rapprocher, en reconstituer, en renforcer les images, c'est-à-dire ces impressions physiques souvent presque effacées. Tout cela constitue le travail, l'acte préparatoire matériel de la pensée. Le livre ouvert, les impressions revivifiées, rap- prochées, il est des hommes qui lisent dans ces pages clairement imprimées; elles font naître en eux, sans effort, la conclusion, quelquefois une de ces pensées géniales qui embrassent d'un coup d'œil les lois de la nature et qui éclairent l'huma- nilé. Il en est d’autres qui ne retrouvent et ne lisent qu'imparfaitement ces pages imparfaitement impressionnées, qui n'en tirent qu'une idée fruste, incomplète, incorrecte. Dans l’un et l’autre cas, l'effet produit, la vue des rapports et des lois dont ils dérivent, le jugement, la pensée, en un mot, n'est pas proportionnel à l'effort cérébral, au tra- vail préparatoire, parce que l'effet ou la pensée n'est pas le travail qui consiste à retrouver, revi- vifier, réunir les impressions antérieures pour une comparaison dont jaillira l'idée. Mais quoique in- dispensable, cette mise en état du cerveau, ce tra- vail physique de recherche et de rapprochement des impressions n'est pas l'acte définitif du sens intime, le jugement, la pensée. C'est ce qu'affirme à son tour un des plus illustres mécaniciens de notre siècle, Hirn, lorsqu'il dit : « Lorsque nous nous servons des termes de #ranail physique et de travail de tête pour désigner l'acte même grâce auquel s'engendre un phénomène dynamique ou une pensée, nous nous servons d'expressions pro- bablement des plus correctes, mais lorsque nous étendons le terme de travail intellectuel au pro- duit même de l'acte cérébral (à la pensée) nous ne recourons plus qu'à une métaphore. » V Je pourrais maintenant, me fondant sur les phénomènes de la volonté et du sens moral, montrer que les mêmes impressions n’amènent pas dans les divers cerveaux, ni fatalement dans le même cer- veau, à un moment donné les mêmes détermina- tions. 11 est vrai que par esprit de système et en verlu de ce principe a priori d'une philosophie nouvelle, que toutes les forces sont d'ordre maté- riel, il est vrai, dis-je, qu'on a nié le libre arbitre, les actes de la volonté libre étant contraires à cette vérilé, indéniable en Mécanique, que les mêmes causes agissant sur le même être maté- riel produisent toujours les mêmes effets. Telle ne parait pourtant pas être la loi des actes de la volonté. Les faits de conscience nous apportent des notions dont il faut bien tenir compte, quelque gènantes qu'elles puissent être, et qu'il ne ser- virait à rien de nier. Ils nous apprennent qu'à la suite d'une impression, le désir, la passion s'éveille, souvent violente et presque irrésistible, mais qu'il est des hommes qui, par éducation ou nature, peuvent se déterminer en sens inverse de celui où les incite l'impression. D'ordre maté- riel, celle-ci a des suites matérielles inéluctables, mais l'impression recue el percue, l'homme pèse ses motifs d'agir à la balance juste ou fausse de sa conscience, et il peut se déterminer dans un sens où dans un autre en raison de sa volonté. Si l'on me dit qu'il ne se détermine pas sans mo- ARMAND GAUTIER — LES MANIFESTATIONS DE LA VIE ET LES FORCES MATÉRIELLES difs, et que dès lors il n’est pas libre, il s'agit, remar- quons-le bien, de motifs moraux auxquels n'a rien à voir l'impression matérielle qui à provoqué la délibération de l'esprit. Ges motifs moraux sont ceux qui déterminent l'acte de volonté, et à sa suite l'acte matériel. Ils agissent, l'impression recue, dans le sens ou en sens inverse des forces d’impres- sion, mais en tous cas, en tant que forces morales, immatérielles. C’est ce que je voulais démontrer. Ainsi la dissemblance des effets de volition et des actes qu’ils entrainent à la suite d'une même exeilation de cause extérieure, suivant qu'ultérieu- rement agissent tels ou tels motifs d'intérêt lo- gique, ou lelles considérations morales, est encore une preuve de l’immatérialilé et de l'indépendance de la cause première qui détermine la volonté, car, choisissant entre ces motifs, le sens intime peut, à une même impression matérielle, faire succéder des actes opposés. A ceux qui me demanderont quel est l'agent de ces manifestations de la vie que nous ne saurions attribuer à des forces matérielles parce qu'elles n’en ont point les caractères et que leurs effets ne peuvent équivaloir aux effets de ces forces, je répondrai que c'est ici question de sentiment et de croyance. Le monde de l'esprit se manifeste à nous par ses phénomènes, comme se manifeste celui de la matière, et, à tout prendre, on aurait tort d'affirmer celui-ci à l’exclusion de celui-là, car il n’est pas moins mystérieux, ni plus acces- sible à notre entendement. Quelle est la nature de ce substralum, de ce support inerte gràce au- quel peuvent se manifester les forces matérielles? Qu'est-ce que l'énergie qui l'anime et comment : cette énergie peut-elle passer d'une forme à l’autre ? Comment peut-elle se transmettre à des milieux et par des milieux qui, tels que l’éther intersidéral ou interatomique, sont dénués de ma- lière ordinaire; et si ces milieux sont pleins de matière, quelle en est la nature? Ces questions sont-elles plus simples à résoudre que celles-ci : Quelle est l’essence, le substratum de ce qui pro- duit les manifestations de l’intelligence ? Quelle est la nature des forces et du travail de l’espril? Ses diverses manifestations sont-elles dépendantes, peuvent-elles se transformer les unes dans les autres à la facon de l'énergie matérielle? Dérivent- elles d’un principe mystérieux vivifiant le corps ? De l'esprit, nous ne connaissons que ses mani- festations ; et, quoique leur liaison à celle de la ma- tière soit difficile à expliquer nous ne pouvons la méconnailre. Des causes, des forces immalérielles existent chez l’être vivant; mais nous venons de montrer qu'elles ne résultent pas de la transforma- tion des forces matérielles et qu'elles ne peuvent davantage transmettre aux corps vivants aucune 297 énergie matérielle. Il existe des rapports cepen- dant entre les choses de l'esprit et celles de la matière, et de ces rapports évidents on pourrail peut-être donner quelques raisons en se fondant sur les considérations que je viens d'exposer. Des choses matérielles se dégage, en effet, quelque chose d’immatériel, mais qui tient pourtant à la matière, savoir : la forme, le rapport, l’ordre, l'or- ganisation. N'ayant ni masses, ni équivalent mé- canique, la position, la figure, la forme, l’ordre, sont choses immatérielles; or ce sont celles que nous avons dit être les aliments de l'esprit; ce que lui transmet la matière, ce que le sens intime observe et compare, les caractères mêmes de ce livre de la pensée dont nous parlions plus haut. Mais nous ne saurions dire qui lit dans ce livre, ou nous demander quel est le principe des mani- festations de l'intelligence, sans abandonner le ferme appui que nous prête l'observation des faits : des faits matériels ou de ceux de conscience. Aller au delà, c'est affirmer une croyance, un senti- ment, et sortir, à proprement parler, du domaine scientifique. Nous avons voulu montrer seulement que ce qu'on nomme l'état de vie, encore mieux l'état de conscience et de pensée, ne résulte pas d'une transformation de l'énergie. matérielle, et que, par conséquent, il est une cause d'ordre non matériel qui détermine ces phénomènes. Aller plus loin c'est entrer dans le domaine du pur abstrait. IL est trop loin des régions qu'observe et parcourt mon entendement pour que j'essaie d’y guider per- sonne. De ce monde mystérieux, lumineux pour les uns, obscur ou inconnu pour d’autres, je ne perçois que ce que me laissent entrevoir, comme à travers une nuée translucide, mes sentiments personnels; et, ne sachant ce que voient et comment voient les croyants ou les incrédules, je me garde de les juger. Je n'ai jamais senti ce que sent un cerveau de fourmi ou d'abeille et ne sais ce qu'est cette raison qui les pousse à agir raisonnablement. Et de même, comparant le grand au petit, quand surgissent dans l'esprit d’une Jeanne, d'un Kepler ou d’un Pascal des visions ou des sentiments que la raison ne connaîl pas, je ne pense pas qu'il soit logique de penser, parce que nous ignorerions les mystérieux mobiles de leurs consciences, que ces visions, ces sentiments, ces croyances, n'ont pas des motifs raisonnables. La vraie science ne saurait rien affirmer, mais aussi rien nier, au delà des faits observables de la matière et de l'entendement, et c’est une science à rebours que celle qui ose assurer que seule la ma- tière exisle et que seules ses lois gouvernent le monde. : ; Armand Gautier, Professeur à la Faculté de Médecine de Paris, Membre de l'Académie des Sciences, P. ZEEMAN — L'OPTIQUE ET LA THÉORIE DES IONS L’'OPTIQUE ET LA THÉORIE DES IONS On sait que, soumis à l'action d’un champ ma- gnétique, les corps ordinairement isotropes de- viennent biréfringents. Cette propriété disparait dès que l'influence magnétique cesse. Kerr, qui a découvert ce phénomène, a établi aussi que le plan de polarisation d’un rayon de lumière simple se trouve dévié lorsque ce rayon tombe sur le pôle d'un électro-aimant. L'analyse expérimentale de ces faits m'a conduit à me demander si le champ magnétique est suscep- tible de modifier la nalure même, c’est-à-dire la période vibratoire, le rang spectral d’une lumière simple émise par une flamme. Or, l'expérience répond aftirmativement à cette question. Placons la flamme d'un chalumeau oxyhydrique entre les pôles d’une bobine de Rhumkorff, et introduisons dans cette flamme un filament d'amiante imbibé de chlorure de sodium. Produi- sons au moyen d’un réseau de Rowland le spectre de la flamme, et observons-le d’abord en l'absence de tout champ magnétique, puis pendant que la bobine fonctionnera. Nous remarquerons alors d’une facon très nette le fait suivant : dès que le courant passe dans l'appareil d’induction, les deux lignes D du sodium s'’élargissent. Ce phénomène résulte-t-il d’une altération de | densité et de température de la vapeur du sodium dans le champ magnétique ? Je crois avoir éliminé cette interprétation par l'expérience que voici : A l’intérieur d’un très gros tube de porcelaine, j'ai fortement chauffé des fragments de sodium, afin de répandre la vapeur de ce corps dans le tube. Ce tube était fermé, à chacune de ses extrémités, par un hublot de verre à faces planes parallèles, offrant la superficie d'un centimètre carré. Je le pla- çais en position horizontale, entre les pôles d’un électro-aimant, et perpendiculairement aux lignes de force, et je dirigeais suivant l’axe du tube la lumière d'une lampe électrique à arc. Le spectre d'absorption montrait alors les deux lignes D. A l’aide d’un mécanisme d’horlogerie, j'imposais au tube de tourner continuellement autour de son axe afin d'éviter les variations de température. Or, aussitôt que l’électro-aimant entrait en fonction, les lignes D subissaient un évident élargissement. Qu'en conclure, sinon que la période vibratoire de la lumière du sodium est affectée par le champ magnétique ? Dès 1862, Faraday avait fait dans cet ordre d'idées la première recherche dont l'histoire de la science fasse mention. Il est remarquable qu'il ne soit arrivé qu'à un résultat négatif. Mais les res- sources dont il disposait étaient bien insuffisantes. Ce qui me conduisit à suspecter la conclusion de Faraday, ce fut, à la suite d'expériences sur la magnétisation des raies spectrales, la considération des forces accélératrices ou retardatrices en jeu entre les atomes et les tourbillons moléculaires de Clerk Maxwell; l'examen de ces systèmes m'amena à ne point rejeter, comme impossible a priori, une modification dela période vibratoire. Je fus ensuite frappé par l'exemple, imaginé par lord Kelvin, des anomalies apparentes qu'offre la combinaison d’un système rolatoire très rapide et d’un pendule double. Toutefois, c'est dans la théorie des phéno- mènes électriques proposée par le Professeur Lorentz, qu'il me semble logique de chercher l'explication du phénomène observé. Cette théorie voit, dans tous les corps, de pelits éléments moléculaires chargés d'électricité — les ions — et rattache tous les processus électriques à l'équilibre où au mouvement de ces ions. Il est naturel de penser que, dans le champ magnétique, les forces qui agissent directement sur les ions suffisent à produire l'élargissement des raies. M. Lorentz, à qui j'ai soumis cetle interprétation, a eu l’amabilité de m'expliquer comment on pou- vait calculer le mouvement des ions. Il a, en outre, appelé mon attention sur ce point : si l'application de sa théorie est valable en l'espèce, deux consé- quences s'imposent : 1° La lumière qu'émettent les arêtes des raies agrandies doit être circulairement polarisée dans la direction des lignes du champ magnétique; 2° La grandeur de l'élargissement des raies doit permettre de déterminer le rapport = qui n existe entre la charge électrique e de l'ion et sa masse 7. Les expériences que ces prévisions m'ont amené à instituer, les confirment pleinement. Au moyen d'une lame quart-d'onde et d’un analyseur, j'ai constaté que les arêtes des raies magnétiquement élargies émettent de la lumière polarisée cireulaï- rement dans le sens des lignes de force, et rectili- gnement dans la direction perpendiculaire. Ces faits paraissent manifester nettement l'existence réelle des ions. De plus, la mesure effective du rapport — donne 107 comme ordre de grandeur m de ce rapport, quand e est exprimé en unités électro-magnétiques !. P. Zeeman, Professeur adjoint de Physique à l'Université d'Amsterdam. ‘Je remercie ici M. Onnes, directeur de l'Institut de Physique de Leyde, pour l'intérêt qu'il a pris à mon travail. D' WILLIAM MARCET — LES DIFFÉRENTES FORMES DE LA RESPIRATION HUMAINE 299 LES DIFFÉRENTES FORMES DE LA RESPIRATION HUMAINE Les phénomènes de la respiration de l'Homme et des Animaux relèvent de la Physiologie, de la Chi- mie et de la Physique ; d'où il résulte que les Chi- mistes et les Physiciens ont partagé avec les Phy- siologistes l'intérêt que présente l'étude de cette fonction, et l'ont développée largement par leurs travaux. Regnault et Reiset ont apporté à leurs recherches sur la respiration les soins et l'exacti- tude bien connus du célèbre physicien, et leurs travaux peuvent être considérés comme le point de départ de l'étude moderne de la respiration. Paul Bert, dans ses écrits et dans ses discours, partait encore du point de vue physique, puisqu'il traitait de l'influence des pressions atmosphériques sur la respiration, mais il fit appel à toutes les connais- sances que les physiologistes avaient apportées à l'étude de ces phénomènes. Les recherches les plus modernes ont porté plutôt sur la respiration de l'Homme que sur celle des Ani- maux. MM. Jolyet, Bergonié et Sigalas, en 1887, et MM. Hanriot et Richet en 1891, ont ajouté une belle part à nos connaissances sur la respiration humaine. Le D° G.-L. de Saint-Martin, en 1893, publia en un volume ses recherches sur les effets de l’oxy- gène, du chloroforme et de l'acide carbonique. A ces travaux s'ajoutent aussi ceux de Haldane et de Edward-Smith en Angleterre, de Ludimar, Her- manon, Speck, Pflüger, George von Liebig, en Alle- magne ; de Chapman et Brubecker en Amérique, etc. Ces savants, en étudiant les phénomènes respi- ratoires, se sont placés à des points de vue divers. Je voudrais aujourd'hui présenter sur une partie de ce grand sujet quelques expériences person- nelles; ces expériences visent surtout les diffé- rentes formes de la respiration humaine. Je me suis efforcé de les déceler au moyen de graphiques pris directement sur les sujets en expérience!. I L'appareil, que représente la figure 1, m'a servi non seulement à enregistrer les mouvements d’ex- piration, mais encore à recueillir l'air expiré pour | en faire l'analyse. Il se compose d'une série de trois cloches À, À, À, suspendues dans un réservoir annu- laire B rempli d’eau; j'ai dû remplacer l’eau salée classique par de l’eau ordinaire, vu l’action dété- riorante du sel sur les appareils, mais j'ai reconnu que cette substitution pouvait se faire sans nuire ‘ Ces travaux ont été faits au laboratoire de Physiologie de University College, à Londres. à l'exactitude des jaugeages d'acide carbonique, pourvu que l'air expiré fût analysé dans un bref délai, c'est-à-dire moins d'une heure après qu'il avait élé recueilli. Les cloches, d’une capacité d’en- viron quarante litres chacune, étaient suspendues à une poulie C par un cordon muni d’un contre- poids D. En outre, un levier E de forme cycloïdale était fixé à la même poulie que le contrepoids prin- cipal, et à l'extrémité de ce levier pendait un second poids. Le levier, comme le montre la figure, s'élève d’abord à mesure que la cloche monte, puis s’abaisse de manière à la maintenir en état parfait de suspension dans tous les points de sa course. Cette disposition, d’une extrême simpli- cité, que je mis en usage après l'avoir vue fonc- tionner dans une fabrique de compteurs à gaz, m'a rendu de grands services. Afin de supprimer toute la résistance que pourrait opposer le poids des cloches au courant expiraloire, après avoir mis chaque cloche en équilibre parfait, j’ajoutai un poids très léger au contrepoids principal, afin de donner aux cloches un très faible mouvement ascensionnel: il suffit, dans ce but, de placer un fragment de plomb de quatre-vingt-dix grammes sur le contrepoids; les cloches pesant environ trois kilos chacune, ce poids de quatre-vingt-dix grammes était relative- ment très léger, quoique tout à fait suffisant. Il résultait de cet arrangement qu'une personne, recueillant dans la cloche l'air qu'elle expirait, ne rencontrait absolument aucun obstacle, et aurait pu croire expirer à l’air libre : l'inspiration se fai- sait par le nez, et l'expiration par la bouche, à laquelle aboutissait le tube d'expiration I, Les quatre-vingt-dix grammes ajoutés aux contrepoids produisaient une différence de tension de plutôt moins d'un millimètre d’eau; l'erreur de volume pouvait donc être regardée comme nulle. Les cloches étaient, en outre, munies d'une échelle K indiquant en litres les volumes qu'elles pouvaient contenir ; elles portaient aussi un thermomètre L et un manomètre M. La cloche la plus à gauche servait de spirographe, Elle était munie d’une tige OP fixée à son extré- mité O et portant à l’autre un style P formé d’un tube de verre à orifice capillaire : ce tube contenait l'encre. Le papier destiné à recevoir le tracé était fixé à un cylindre R tournant autour de son axe et mû par un mouvement d'horlogerie. Ce papier portait des lignes lithographiées, verticales et hori- zontales.Les abscisses correspondaient aux durées des expériences, les ordonnées indiquaient, en litres, les volumes d'air expirés. 300 D' WILLIAM MARCET — LES DIFFÉRENTES FORMES DE LA RESPIRATION HUMAINE Comme je l'ai déjà remarqué, la personne en expérience inspirait par le nez, et expirait par la bouche l'air de ses poumons dans un tube en caout- chouc I relié aux cloches; ce tube communiquait à volonté avec l'un des trois récipients au moyen d’un jeu de robinets à trois voies. On évitait de cette manière l'usage d'un appareil à soupape, et cette respiration « naso-buccale » devenait, au appareil enreg istreur piration et de l’expiration, mouvements automa- tiques et inconscients. Je recueille ensuite avec le preumographe Marey deux lracés BB et B'B' (fig. 2) de la respiration naso-buccale. Analysons ces différents tracés. D'abord ceux de la respiralion automatique et inconsciente AA et A'A" sont apparemment identiques à ceux de la respira- tion naso-buccale BB et BB’. Ces deux séries de gra- Levier Cycloïdal j = = * 2 ame | D) ! = à « D | B B 2 D Ur er \ ES = il I =] En _— —— Fig. 1. — Appareil enregistreur et récipients de l'air expür'é. — A, À, A, cloches ; B, B, B, réservoirs annulaires remplis d'eau; C, poulie à laquelle est fixé le levier cycloïdal E ; D, H, contrepoids; I, tube d'expiration; K, échelle graduée ; L, thermomètre; M, manomètre; OP, tige fixée en O et portant en P uu style; R, cylindre tournant enregistreur. bout de très peu de temps, tout à fait naturelle. On m'objectera cependant que ce mode respira- loire ne pouvait pas être substitué à la respiration automatique et inconsciente : vu que l'attention que demande ce procédé serait à elle seule de nature à modifier la respiration naturelle. A cela je réponds par l'expérience suivante : J'obtiens avec le pneumographe de Marey deux tracés respiratoires AA et A'A' (fig. 2); ces tracés sont absolument indépendants de l'attention : ils représentent les mouvements thoraciques de l’ins- | phiques accusent directement les mouvements ryth- | miques de la respiration au moyen d'un instrument entourant le thorax, mais la première série AA et A'A' est entièrement indépendante de l'attention ou de la volonté, landis que la seconde BB et B'B' fait intervenir, quoique très légèrement, l'attention pour inspirer par le nez et expirer par la bouche". 1 I] n'y a aucune différence apparente entre ces deux séries de tracés, et cependant on trouve une faible réduction du nombre des respirations par minute suivant la méthode naso-buccale, On a mesuré, au moyen d’un compas, la lon- D° WILLIAM MARCET — LES DIFFÉRENTES FORMES DE LA RESPIRATION HUMAINE Les tracés ci-dessous ont été obtenus de personnes habituées à ce genre de respiration ; l'effort de l'attention pouvait être regardé comme nul. Sur un nouveau venu, il est possible que l'attention ait exercé uneffet, quoique faible. Enfin, pour terminer cette VA AVAYAVAYA\ AV A (AVRVAV VAN \S AVE AN / AS A/\I\ PA : AAANAIUVNVUNNIUNUNUUUNNNU UN 301 plusieurs expériences et par deux personnes diflé- rentes. Nous pouvons maintenant aller de l'avant avec confiance, sachant que le mode respiratoire adopté dans ces expé- riences ne S'é- carte pas de la respiration au- expérience, j'ai tomalique et oblenu avec le KES inconsciente ANA ; AVAWAN EN ANA An AA ; pneumographe IN AVAVAVATANEVAT A TATA ANA AVAVANANATAVATATATETE ARS de Marey deux II tracés CG etC C IVINAVAN Va Va VA ta ATArA VA VA VA YA A A VAVA TA VATE ’ (fig.2)etsimul- c’ È On peulgrou- tanément j'ai . J = à = 2 per les diffé- ÉTAT AN ENT AVE AE VASAVATATET ET AVATAR A AVAUAT CURE recueilli l'air # Are Me À B rentes formes expiré dans AL ; : PRE A NN NN A NN NN TN NNINENT ee QUÉTA HÉSESRE l’appareilenre- 24’ A la respiration gistreur, re- Fig. — Graphique MAUR t ee . se AA tar de la respiration nor- de l’homme : 4 male au repos (pneumographe Marey) ; BB et B'B', tracés de la respiration naso- Û cueillant deux buccale au repos (pneumographe Marey); CG et CC’, tracés de la respiration sous quatre tracés CCetC'C' naso-buccale obtenus avec le pneumographe Marey. chefs diffé- (fig. 3) corres- rents : pondant aux tracés CC et C'C’ du pneumographe Marey. Ces tracés indiquent l'expiration de 5 litres d'air par minute, soit un volume d'air rentrant dans les limites de la respiration nor- male. La diago- nale de ces tracés en échelons cor- respond exclusi- Litres. co 4 1° La respiration normale en repos; 2° La respiration forcée; 3° La respiration pendant l'exercice musculaire ; 4 La respira- tion sous le contrôle de la vo- lonté, ou de l’at- tention s'exer- cant sur un acte vement à «l'ex- de mouvement piration ». Le ?8 volontaire. trait horizontal Ces quatre for- serapporleàl'in- spiration et aux intervalles de re- pos pendant la respiration. Les tracés ont tous étéconfirméspar 23 Pal (fl hi | : EE 4 [l gueur de vingt pai- resdetracés obtenus au moyen du pneu- mographe Marey,en suivant, autant que possible, chacune de leurs sinuosités, Chaque paire com- prenait un tracé de la respiration auto- matique et incon- sciente, et un tracé de la respiration naso-buccale pendant une durée de 1/25/, La mesure moyenne du {racé obtenu pour la respiration incon- sciente s’est élevée à 404,7 millimètres, celle du tracé de la respiration naso-buccale à 405,6 millimètres. Par conséquent, on peut dire que la moyenne des volumes relatifs d'air res- piré s’est trouvée être absolument la même dans les deux cas considérés, REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897, Fig. 3. — Graphique respiratoire. — CC, C!C', tracés de la respiration naso- buccale obtenus avec l'appareil enregistreur ; ils correspondent aux tra- cés CC, C'C! de la figure 2, obtenus avec le pueumographe Marey. mes de la respi- ration compren- nent toutes les variétés que peut présenter cette fonclion. Nous passe- Quant au nombre des respirations, la méthode naso-buc- cale a donné un chiffre légèrement plus faible par mi- nute que la respira- tion automatique, soit 15 pour la pre- mière et 17 pour la seconde. On ne peut réellement pas rc- garder cette différence comme une objection à la méthode naso-buccale, car on sait combien la fréquence de la respi- ration est sujette à varier suivant une multitude de circon- stances. Il est impossible d’attacher à cette faible différence une signification physiologique, surtout si l'on tient compte du fait que les moyennes des volumes d'air respirés son relativement égales dans les deux méthodes. 7 302 rons sous silence la respiration normale en repos pour aborder d'emblée la respiration forcée. Le sujeten expérience est confortablement étendu sur une chaise longue; il tient le tube expiratoire d’une main, les coudes reposant sur les bras de la chaise. Après quelques instants de tranquillité complète, il commence à accuser le tracé de sares- piration nor- male, lequel servira de ter- me de compa- raison. Puis, par une succession de profondes inspirations nasales, il di- late fortement ses poumons en mettant en jeu tous les muscles thora- ciques; cha- queexpiration buccale est re- cueillie dansla cloche et, si la personne en expérience n’est pas très habituée à ce genre d’exer- cice, pendant l'expiration elle tiendra l'ouverture du nez fermée avec le pouce et l'index. Au bout d’une mi- nute de cette respiration forcée,onaura expiré peut- être de 12 à 13 litres d'air, au lieu des 4 ou 5 litres qui correspondent à la respiration normale. Alors la personne en expé- rience revient subitement à la respiration auto- matique et naturelle. Le tracé ne reprend cepen- dant pas immédiatement la direction correspondant à celle de la respiration normale, mais se rapproche distinctement de l'horizontale en s’abaissant gra- duellement, puis cette courbe prend un mouve- | ment ascensionnel dépassant la direction normale, pour s’abaisser de nouveau et finalement devenir consciente en repos. E 6 $ es RS 2 (9 F A É. k ji Re 2 4 minutes. 3 a) Ë 8 > $8 n œ » œ LOI ] © S 1 a = a © CI 1 a 5 è ë \ LI t LA E LA te Ë n e CR = [4 a F5 8 © S I o œ DR am = MULTI NT INT GS SU —— th au Lo PIRE Sd Es Fig. 4. — Graphique respiratoire. — AA, respiration normale en repos; BC, respi- ration forcée ; CD, apnée et réaction de l’apnée. nous occuper plus tard. vants : D' WILLIAM MARCET — LES DIFFÉRENTES FORMES DE LA RESPIRATION HUMAINE parallèle au tracé de la respiration naturelle et in- Cette tendance de la courbe à se rapprocher de l'horizontale est le résultat de « l'apnée », caracté- risée par un affaiblissement des mouvements res- piratoires que le graphique accuse très nettement, De plus, la production de « l’apnée » est suivie d'une réaction ou surexcila- tion des mou- vements respi- ratoires; el si l'on étudie de près un certain nombre de ces tracés, on s'a- percoit facile- ment que le degré de cette réaction est proportionnel à celui de « l’apnée ». Le graphi- que de la fi- gure # montre clairement le phénomène. Le tracé AA représente la respiration normale en re- pos au mo- ment de l’ex- périence; BC, le tracé « ex- piratoire » de la respiration forcée ; CD re- présente d'’a- bord l’apnée, puis la réac- lion de cette apnée ; puis le tracé reprend la direction de la respiration normale. Cette forme de graphique se retrouve toujours dans la respiration forcée, à une certaine exception près, dont nous aurons à Nous observons cette même forme de tracé expi- ratoire dans les trois modes de respiration sui- le bâillement, l’éternuement et le soupir. Nous le retrouvons encore lorsqu'après avoir pris une inspiration profonde, on retient son souffle pendant un instant: l’expiration de cet air est suivie D' WILLIAM MARCET — LES DIFFÉRENTES FORMES DE LA RESPIRATION HUMAINE 303 d'apnée et de la réaction de cette apnée. La toux, comme nous le verrons, rentre dans le domaine de la respiration pendant l'exercice musculaire; dans certains cas cependant, elle peut prendre la forme de la respiration forcée. Sans vouloir entrer maintenant dans une discus- sion de la cause physiologique de l’apnée, on pré- voit d'emblée Litres, Cette méthode, sans être d'une grande exactitude, rappelle la marche et, par conséquent, un genre d'exercice très fréquent. La personne en expé- rience après un repos dans la chaise-longue obtient un tracé de sa respiration (expiration) normale pour servir de comparaison. Puis elle se lève et marche sur place pendant une ou deux minutes, en recueillant EP pen ue 2 miputes, 3 miputes SE dans la cloche mène ne parait REPÉRER % l'air qu'elle pas tenir à | expire; après l'absorption ” ; 7 cela, elle se d'oxygène en * # couche sur la excès pendant *? 7 chaise-longue A] 26 la respiration forcée, car, s’il CR tout en conti- nuant à expi- en était ainsi, 2% rer dans la il n'y aurait 72 cloche d'une pas de réac- 2 F facon absolu- tion. 2 ment natu- ETF ENRNERES relle. était suivie AR dure L’augmen- d'un surcroit tation du cou- mène doit être expliqué d'une tout autre ma- nière que par une absorption préalable d'oxygène. La troisième forme de la respiration de l'homme est celle que revêt cette fonction pendant l'exercice musculaire. Nous retrouvons ici un caractère tout aussi tranché que dans la respiration forcée, comme le montre le graphique de la figure 5. Le forcée pendant une minute ; CD, apnée et réaction au repos après la respiration forcée; EF, respiration pendant une minute de marche (66 pas); FG, respiration au repos succédant à la marche. mode d'exercice pratiqué dans ces expériences est surtout la marche sur place en suivantles battements d'un métronome répétés 66 ou 67 fois par minute. 18 proportionnel ——. rant respira- d'activité de É loire pendant la respiration, | | l'exercice est certes, il sem- MS ET wa accusée par blerait que CRC LE une ascension pendant l’ap- * rt: br rapide du tra- née l'oxygène E RME UE cé, puis, au doit être con- ? Re moment où le somméauxdé- © << repos succède pens des lis- SE à sllexercice, sus, d'où la 8 au lieu de se nécessité d'un 7 IL rapprocher de remplacement 6 l'horizontale, de ce gaz par s Fr BE comme dans de l'oxygène «4 l’apnée, le tra- prisàl'airat- 3 cé continue à mosphérique , s'élever décri- immédiate- , PATRON vant une cour- ment après. PA ae | A be etrevenant DONS RSerEONS AE T2, (te AT après à la di- que le phéno- Fig. 5. — Graphique respiratoire. — AA, respiration normale; BC, respiration reclion de la respiration normale en re- pos. Le phénomène en question se voit clairement dans les graphiques obtenus avant, pendant et après l'exercice de la marche. Dans la figure 5 sont inscrits trois tracés. Un premier AA correspond à la respiration normale en repos, un second BC représente la respiration forcée pendant une minute et comprend l'apnée et la réaction de l’apnée. Le troisième graphique EF s'est inscrit pendant l'exercice de la marche; au 304 D' WILLIAM MARCET — LES DIFFÉRENTES FORMES DE LA RESPIRATION HUMAINE point F la personne en expérience revient brus- quement au repos; on s aperçoit alors que la courbe continue à monter pendant environ une minule, — c’est l'essoufflement, — pour retourner ensuite pa- rallèle à la respiration normale !. Tous les exercices musculaires rentrent dans cette forme respiratoire, mais la courbure du tracé en revenant au repos dépend du degré de l’exer- cice; plus l'exercice est violent, plus l'ascension de la courbe au repos sera longue et prononcée, et vice versa. , L'explication du phénomène qu'accuse le tracé est facile à reconnaître. La chaleur nécessaire au mouvement musculaire demandant un excès d'oxygène, le corps prend ce gaz à l'air par une surexcitation de la respiration; d’où une ascension rapide du tracé. Lorsque le repos succède brusque- | ment à l'exercice, le sang, se trouvant contenir plus d'acide carbonique qu'à l'état normal de repos, demande une augmentation du courant res- piratoire pour s'en débarrasser, d'où résulte l'essoufflement. Cette explication trouve sa preuve dans le fait que si, au repos succédant à l’exer- cice, on prend une ou deux respirations fortes, l’essoufflement disparait de suite, comme par enchantement; d'où l’on conclut qu'une personne essoufflée après une course un peu forte sera sou- lagée de cet essoufflement en prenant quelques inspirations profondes. Il est évident que ces con- sidéralions ne vont pas jusqu'au fond de la ques- tion, el laissent de côté la cause immédiate de l'appel involontaire de l'excès d'air dans les pou- mons, que demande l'exercice musculaire. Toutes les sortes d'exercice musculaire pro- duisent le même effet sur la respiration, mais à des degrés très différents. Il faut regarder l'acte de la parole, le rire, le chant, le eri et la toux comme une espèce d'exercice, quoique ces deux dernières variétés, le cri et la toux, rentrent quelquefois dans la forme décrite sous le nom de « respiration for- cée ». Quant à la parole, au rire et au chant, la courbe au repos est presque nulle, le tracé revient très promptement à une direction parallèle à celle de la respiration normale. Le chant a ceci de remarquable, que, dans la position assise, ou éten- due sur un fauteuil, le graphique rappelle celui de la respiration forcée, tandis que le chant debout a donné le tracé que produirait un très faible exer- cice revenant promptement à la direction normale lors de la cessation de l'exercice. Il faut conclure de là que la position debout convient le mieux au chant, ce qui du reste est parfaitement d'accord avec l'expérience. 4 Ici (fig. 5, page 303) les tracés de la respiration normale au repos AA et de la respiration forcée BCD sont figurés comme termes de comparaison. Ilest une observation intéressante à faire au sujet de l'influence du bicycle, ou de la bicyclette, sur la respiration. L'étude du graphique respiratoire que donne l'exercice de la bicyclette montre claire- ment que cet exercice est moins fatigant, soit en tous cas moins essoufflant que la marche. Je me suis servi pour ces expériences d’un monocycle fixe dans lequel une roue en fer est actionnée par les pieds au moyen de pédales, comme dans le cas de la bicyclette ordinaire. L'usage de cette machine est de permettre l'exercice de la bicyclette dans la maison à ceux qui ne peuvent pas sortir ; elle atteint bien ce but. Les graphiques (fig. 6) ont été obtenus après un exercice modéré sur cette machine. Trois tracés ont été recueillis : un pre- mier AA représentant la respiration normale de la personne assise en repos sur la selle du mono- cycle; un second DE donnant la courbe respiratoire immédiatement après la suspension de l'exercice du monocyele (cet exercice se montant à 140 pas ou 70 tours de roue dans une minute) ; un troisième BC obtenu après une marche sur place de 84 pas dans une minute. Les tracés de la respiralion pen- dant l'exercice de la marche et du monocycele sont inscrits « en pointillé » parce qu'ils résultent d'une expérience précédente faite exactement dans les mêmes conditions que celles ayant donné les tracés ei-joints. On remarquera que la respiration est plus active pendant l'exercice de la bicyclette (12 litres d'air expiré contre 11 litres pour la mar- che), mais après l'exercice de la bicyclette la res- piration ne demande qu’une minute pour revenir à la direction normale, tandis qu'après la marche de 84 pas par minule, l’essoufflement ne s’est ter— miné qu'après deux minutes de repos. Par conséquent l'exercice de la bicyclette essouffle moins, et fatigue la respiration moins que la marche. On pourrait bien en conclure que la bicy- clette est le moins fatigant des deux genres d'exercices. Je n'ai pas besoin d'ajouter que les amateurs du bicyele savent à quel point cet exercice essouffle peu, surtout lorsqu'on est entrainé. Je voudrais pouvoir m'étendre sur ce sujet, et entrer dans quelques détails sur les volumes d’air respirés et d'acide carbonique produits dans l'exercice de la bicyclelte, mais je désire ne pas ajouter à cet article déjà un peu long. III Nous arrivons à la quatrième forme de la res- piration de l'homme : la respiration sous le con- trôle de la « volonté » ou, en d'autres termes, de l'attention. Ce sujet me parait être d’un intérêt tout spécial. D' WILLIAM MARCET — LES DIFFÉRENTES FORMES DE LA RESPIRATION HUMAINE Voici comment se passe l'expérience. Après quelques instants de repos sur la chaise-longue, le sujet recueille l'air qu'il expire dans la cloche en rapport avec l'appareil enregistreur, et obtient ainsi le tracé de la respiralion automatique et inconsciente. Puis il fixe sa volonté ou son attention sur un acte de mouvement volontaire, soit sur l'as- 305 la respiration; elle s'était accentuée, il est vrai, mais d’une facon absolument inconsciente. Ainsi donc, l'effort de la volonté ou de l'attention se traduit par un effet bien positif sur la respiration, effet qui rappelle incontestablement celui de la res- piration forcée. Si l’on rapproche les deux tracés l'un de l’autre, ils paraissent presque absolument les mêmes. 4 minutes. cension d'une qe un Bmiputes, - Voici main- côte rapide en 5 £ tenantune ex- bicyclette, soit F k périence peut- sur une course ètre encore à pied pour at- F° plus curieuse teindre une 7 que la précé- autre person- % dente. La per- ne, soit sur 2% sonneenexpé- l'effort que né- # rience com- cessiterait le 23 V 2 mence par x obteniruntra- n. cé de la res- piration auto- matique et inconsciente, en repos Com- plet. Puis elle fixe son atten- Dans ces con- transport d'un » ra poidslourd,et ,, Pt el cette concen- A > tration del'at- ,, L _ tention nedoit 2 RE en ètre traduite? 2 Pie ex) mouvement 14 . ditions,letra- %# tion sursares- piralion, soit sur le jeu de cérespiratoire quedécritl'ap- n treur est très ses muscles respiratoires, tout en forçant modérément pareilenregis- a 2: 9 différentdece- 5 l'acte respira- lui qu’on ob- tient dans l'état de repos toire. Le vo- lume d’air res- piré s'élève alors facile- ment de 5 li- tres par mi- mentalabsolu, | B; NE RE) Le corps n'a À ÿ * La 3 ” 7 pas bougé, l'é- ÿ F n L tat cérébral p seul a changé, ri Le graphique montre par Fig. 6. — Graphique respiratoire. — AA, respiration normale sur la selle du mono- nute à 12 ou L5 litres et da- vantage ; puis, au bout d’une D ES: itros. = D RE son ascension cycle; BC, respiration au repos après une marche sur place de une minute ou deux mi- (84 pas); DE, respiration au repos après 140 abaissements de pédale dans une rapide que le minute. Les lignes pointées indiquent la respiration pendant l'exercice dans nutes, subite- volume d'air chaque expérience. ment l'élat respiré est mentalestren- considérablement en excès sur le volume normal en repos respiré à l'exclusion de tout effort céré- bral. Au bout d'une minute ou d’une minute et demie, un signal est donné, et l'action de l’at- tention est suspendue; alors survient nettement l’état d'apnée qu'on avait constaté après la respi- ration forcée, ainsi que la réaction de l’apnée; et cependant on n'avait point forcé volontairement du au repos. On se serait attendu à voir survenir plus ou moins d'apnée, mais ce n’est absolument pas le cas : non seulement il n'y a pas d'apnée, mais le tracé continue à s'élever légèrement pour se re- courber et reprendre la direction normale du repos complet. Cette courbe rappelle donc en tous points celle de la respiration pendant un faible exercice. L'expérience suivante est en parfait accord avec 306 D' WILLIAM MARCET — LES DIFFÉRENTES FORMES DE LA RESPIRATION HUMAINE les deux précédentes. Après avoir obtenu le tracé de la respiration normale en repos AA (fig. 7), la personne en expérience donne à son bras droit un fort mouvement de rotation, pendant une minute, tout en recueillant son tracé expiratoire, puis elle revient subitement au repos. Il en résulte une bras, mais sur l’action respiratoire; alors le phéno- mène est changé, la respiration est bien activée comme auparavant, mais le retour au repos mental n'est plus accompagné d’apnée, le tracé BG con- tinue sa direction ascendante, puis se recourbe et revient parallèle à celui de la respiralion normale ascension du tracé bien au delà de la normale, | au repos complet. puis, en arrêtant le bras, paraît l’apnée suivie d'une réaction, tandis qu'on se Litres, Le) minute, 2 minutes Je dois ajouter que ces phénomènes se représen - tent également si le bras, au lieu minutes, FR | serait attendu à : d'être rendu au voir la courbe repos, continue ascendante de V’exercice. Si, giratoire ; alors on constate un vement de rota- % fait remarqua- pendant le mou- a R tion imprimé au ble : c'est la sus- bras, l'attention » y pension presque 2 totale de la res- est concentrée 3! Il sur le mouve- »! #2 pirationpendant ment du bras 4! a plusieurs secon- (tracé HI) (l'effet 2 z des, malgré un est le même si » 19 exercice plutôt l'attention est # portéesurunau- " tre mouvement tel qu'une course 18 violent. Après Ke l'apnée la respi- —#5%, ration reprend À avec grande 14 en bicyclette) énergie. Lorsque (tracé EF), l'ap- l'attention est née est encore fixée sur la res- plus marquée, et piralion pendant cela à un tel la rotation du point que, dans bras, si dans le une expérience ; É coursde cetexer- faite le Anovem- 6! : cice l'effort de bre 1895, au re- 5 £5 l'attention esl pos, après avoir + | Le suspendu, l'ap- imprimé au bras 5 | un mouvement a née ne se pré- sente absolu- giratoire pen- : ment pas et le d 4 o PE B A jai £ : ant une demi- A — nn ee tracé continue sa minute en fixant Fig. 1. — Graphique respiratoire. — AA, respiration normale: BC, rotation direction ascen- l'attention sur le mouvement, ma respiration s'est presque arrêtée pendant vingt et une secondes et celle de mon assistant, dans des conditions semblables, pen- dant quinze secondes. Cet arrêt de la respiration est tout à fait involontaire et n’est accompagné d'aucun sentiment de sutfocation; le besoin de respirer arrive subitement, et alors surviennent de profondes inspirations, se succédant rapidement pour revenir bientôt à la respiration normale. Maintenant, répélons le mouvement giratoire du bras, mais en portant l'attention non plus sur le du bras avec l'attention concentrée sur la respiration; CD, retour à la nor- male: EF, rotation du bras, volonté fixée sur une course en bicyclette; FG, retour à la normale; HI, rotation du bras, attention fixée sur le mou- vement du bras; IK, retour à la normale. dante. Voilà donc un cerlain nombre d'observations très simples dans leur nature et qu’une personne habituée à étudier sa respiration peut constater sans graphiques : mais, ‘en général, je les crois difficiles à reconnaître clairement sans l'usage d’un appareil enregistreur. IV Étant donnés ces faits, tächons maintenant de remonter à leur cause. Le premier effet qui nous son mouvement D' WILLIAM MARCET — LES DIFFÉRENTES FORMES DE LA RESPIRATION HUMAINE 307 frappe est l'augmentation inconsciente du volume de l'air inspiré sous l'influence d’un effort de la vo- lonté ou de l'attention. Ce phénomène se présente à l'exclusion de tout mouvement musculaire. Or on est bien d'accord, en Physiologie, que le volume d'air respiré involontairement n'augmente que quand le corps en ressent la nécessité; par consé- quent l'effort de la volonté ou de l'attention de- mande l'absorption d’un excès d'air, soit d'oxy- gène. Je me suis appliqué, par un grand nombre d'analyses, à déterminer expérimentalement s'il est possible de constater l'absorption d’un excès d'oxygène dans ces condilions, et je suis arrivé à démontrer que cette absorption a bien lieu en effet. Le siège de ce phénomène doit nécessairement ètre le foyer moteur du cerveau en rapport avec l'effort de la volonté ou de l'attention intéressée dans l'expérience. On arrive ainsi à la conclusion que tout effort volontaire de l'attention ou de la volonté demande une absorption d'oxygène dans le foyer moteur du cerveau correspondant à cet effort. Ceux que ce sujet pourrait intéresser trou- veront cette question traitée en détail dans une des quatre conférences sur la respiration que j'eus l'honneur de faire au Collège Royal des Médecins de Londres (Royal College of Physicians) en 1895". Depuis cette époque j'ai obtenu de nouveaux résul- tats et mon travail sur la respiration de l'Homme maintenant sous presse paraitra, j'espère, pro- chainement. Avant de finir cet article, il me reste à déter- miner la cause de l’apnée. Nous avons vu que ce phénomène ne parait pas devoir s'expliquer par une absorption préalable d'oxygène. Il y a plus: nous pouvons donner la preuve que ce n'est pas là l'explication du phénomène : . 4° Par le fait de l'absence d’'apnée lorsqu'en fai- sant tourner le bras, ou dans la respiration forcée, l'attention est concentrée sur l'acte respiratoire lui- même, puisque, dans ces cas, nous avons une aug- mentation de volume d'air respiré sans apnée. . 2° Parce que j'ai observé que, si la respiration Croonian Lectures: Brit. Med. Journ., of Lancet Jour- nal, 1895. forcée se fait avec l’inhalation d'un mélange d'air et d'oxygène (soit un tiers d'oxygène, soit parties égales d’air et d'oxygène), l'apnée, en général, ne se présente pas, et je suis en possession de gra- phiques démontrant clairement ce phénomène. Ce n'est qu'après avoir forcé la respiration au degré maximum, tout en respirant l'air oxygéné, que le graphique révèle faiblement l’apnée. Ces considérations montrent bien que l’apnée est indépendante de l'absorption préalable d'oxygène. Pour moi, ce phénomène tient à la relation exis- tant entre les foyers moteurs cérébraux et le centre cérébral de la respiration. L’excitation d’un foyer moteur cérébral vient-elle à s'arrêter, la respiration, n'étant plus activée par ce centre, reprend son état normal exelusivementsous l'influence du centre res- piratoire; mais, dans mon hypothèse, cet état nor- mal ne revient pas immédiatement; de là un affai- blissement momentané de la respiration ou même peut-être une suspension presque complète, dont la durée s’est élevée pour moi jusqu'à 21 secondes et jusqu'à 15 secondes pour mon assistant, après les mouvements rotatoires du bras. Dans ce cas, l'attention est concentrée sur le foyer moteur du bras, et cette excitation réagit sur le centre cérébral respiratoire. Je suspends brusquement l'attention et le mouvement, la respiration rentre sous le con- trôle unique du centre respiratoire, mais il y a quelques secondes de retard qui me paraissent expliquer l’apnée. On pourrait presque regarder comme démons- tration de cette théorie le fait que, si l'attention (ou la volonté) est portée exclusivement sur la respira- tion pendant l'exercice, comme, par exemple, dans l'acte de la rotation du bras, en suspendant l'effort de l'attention, l’apnée ne se présente pas; dans ce cas le centre respiratoire seul est impliqué. Après la suspension de l'effort mental, la respiration nor- male et inconsciente s'établit de suite, parce qu'elle n’est pas soumise à cette influence d’un centre sur l’autre, qui réglait la respiration dans l'expérience suivie d'apnée. Comme alors, il n’y a pas de temps perdu, il n’y a pas non plus d’apnée. Dr William Marcet, Membre de la Société Royale de Londres, Correspondant de la Société de Biologie. 308 ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES LA PHOSPHORESCENCE ET LA Le recours aux phénomènes de phosphorescence et de fluorescence constitue l’une des parties les plus intéressantes de l’art photographique contemporain. La photographie peut, en effet, tirer parti, dans certaines circonstances, de l'impression produite sur les pré- parations sensibles par la phosphorescence et la fluo- rescence, c’est-à-dire par les radiations secondaires lumineuses, de durée appréciable ou instantanée, que certains corps émettent sous l'influence d'une énergie étrangère, En jetant un coup d'œil sur les expériences, encore peu nombreuses, exécutées sur ce sujet, on se rendra compte des conditions dans lesquelles le procédé est susceptible d’être réellement utile. Ces expériences peuvent se classer en trois catégories : 1° cas où la substance phosphorescente ou fluorescente sert uniquement de source lumineuse impressionnant la surface sensible ; 2° cas oùelleestutilisée pour produire une image sur cette surface par interposilion d'un cli- ché ou de corps plus ou moins faciles à traverser, por- tantombre; 3° cas où elle est employée comme écran, pour renforcer l'effet d'un rayonnement capable d'impres- sionner lui-même, plus ou moins, la surface sensible ; et elle est alors placée en contact avec celle-ci, devant, derrière ou dans la couche même. 1° IMPRESSION SIMPLE. — Dans ses curieuses recherches sur l'emmagasinement de la lumière(1857-67), Niepce de Saint-Victor à constaté qu'un papier sensible au chlo- rure d'argent (préparé par double décomposition d’un chlorure alcalin et de l'azotate d'argent) était impres- sionné par un grand nombre de substances préalable- ment exposées à la lumière; pour certaines, il y avait probablement phosphorescence, mais cette action était noyée au milieu d'autres, dont il n’est possible d'éta- blir la participation que par une étude approfondie, laquelle ne peut trouver place dans le cadre restreint de cet article‘. Vers la même époque, M. Edmond Becquerel® a uti- lisé la photographie sur collodion à l'iodure d'argent pour étudier les effets chimiques de substances phos- phorescentes dans son phosphoroscope. Il à opéré sur le sulfure bleu de strontium, le sulfure bleu de calcium, l’azotate d'urane, etc., et à aussi obtenu des impressions photographiques comme avec la lumière solaire. En 1860,M. Gladstone* a reproduit par le même pro- cédé, au collodion, des lettres découpées dans du papier blanc, préalablement immergées dans une dissolution d'une substance fluorescente, et éclairées par la partie ultraviolette du spectre; l'image des lettres a vivement impressionné la plaque, MM. Warnerke et Darwin ont cherché, en 1880, à appliquer la phosphorescence aux opérations photogra- phiques *. M. Warnerke enduit de sulfure de calcium une plaque de verre, dans l'obscurité; cette plaque, introduite dans la chambre noire, recoit l'image donnée par l'objectif et la garde sous forme lumineuse par phosphorescence. Elle est alors mise en contact avec une plaque sensible, qui est impressionnée par ces radiations secondaires; le développement détermine une image très douce. A sd fn ne ie nl te ne tt Et FLUORESCENCE EN PHOTOGRAPHIE L'exposition à la lumière doit durer environ une mi- nute; le contact avec la plaque sensible est plus ou moins long suivant le degré de sensibilité de celle-ci. Dans cetie opération, on s’éclaire avec une lumière rouge très faible, et même il est préférable de main- tenir l'obscurité parce que, d'après une observation due à M. Ed. Becquerel, les radiations rouges éteignent rapidement la phosphorence. M. Warnerke à utilisé cette propriété pour photographier l'extrémité rouge du spectre; il expose d’abord la plaque phosphores- cente entière à la lumière, puis il y projette le spectre; la région rouge éteint la phosphorescence, surtout à la place des raies brillantes, qui sont alors traduites par des raies sombres sur la plaque sensible mise au con- tact de la plaque phosphorescente. M. Darwin s’est aussi servi de la lumière rouge, mais pour tirer d’un cliché négatif plusieurs exemplaires également négatifs. Pour cela, il expose la plaque phos- phorescente au soleil pendant 3 à 4 secondes; puis, après l'avoir recouverte du cliché négatif, il l'expose de nouveau au soleil, mais cette fois sous un verre rouge, pendant { minute 1/2; le contact avec la plaque sen- sible donne un négatif. M. Draper ‘ a proposé de projeter une image sur une plaque phosphorescente et d'opérer ensuite le contact de celle-ci avec une plaque sensible; il a indiqué l’ap- plication à la reproduction des raies du spectre dans l'infra-rouge, et a conseillé le sulfure de calcium à phos- phorescence violette. M. Zenger* a pensé qu'en recueillant ainsi l’image des astres, et en prolongeant le contact de la plaque phosphorescente avec la surface sensible, on pourrait augmenter le degré de sensibilité. 20 INTERPOSITION DE CORPS PLUS OU MOINS OPAQUES. — Les recherches qui ont montré l'effet photographique de la phosphorescence et de la fluorescence au travers des corps opaques ont été suscitées par les rayons Rœæntgen el par les expériences de M. Le Bon. C’est en étudiant ces dernières que M. d’Arsonval® a constaté l’action produite par la fluorescence du verre, surtout du verre d’urane, sur une plaque au gélatino- bromure au travers d’une lame de métal et d'un eliché sur verre. D'après lui, les verres qui donnent le résul- tat le plus appréciable sont ceux qui émettent une fluorescence Jaune verdàtre lorsqu'on les éclaire dans l'obscurité par l’étincelle électrique. Tandis qu'en Allemagne, M. le professeur Krippen- vorf+ impressionnait une plaque au gélatino-bromure au travers du couvercle d’une cassette au moyen de phosphore de Balmain préalablement éclairé, en Frauce, M. Niewenglowki* employait le sulfure de calcium avec le papier photographique, M. Troost ‘ le gélatino-bro- mure avec la blende hexagonale rendue lumineuse par la combustion d’un ruban de magnésium. M. Henri Becquerel?, après avoir impressionné la plaque sensible au travers d’une lame d'aluminium de 2 millimètres d'épaisseur, au moyen des sulfures de calcium bleu et bleu verdûtre, a étendu ses recherches aux sels d'uranium, puis à l'uranium métallique; il a ‘ Les Mémoires de Niepce de Saint-Victor relatifs à ces expériences el leur discussion figurent dans mon traité de LA plaque photographique (Carré et Naud, éditeurs, 4897.) : Voir l'ouvrage de M. Ed. Becquerel sur La lumière. © The Brilish Journal of Photography, 2 Juillet 1860. * Traité encyclopédique de photographie de Fabre, d'après Photographic News, 1880. ! Kabre, d'après American Journal, 1881. ? Comples rendus, 1886. % Comptes rendus, 2 Mars 1896. # Gasetle de Dresde, 15 Février 1896. “ Comples rendus, 11 Février 1896. % Comples rendus, 9 Mars 1896. ? Comptes rendus, Février, Mars, Mai 1896. ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 309 observé que ces substances exercent sur le gélatino- bromure un effet qui se prolonge pendant longtemps sans qu'il y ait radiation visible. 39 Ecrans. — On peut se demander si, par l’impres- sion lumineuse ordinaire, la couche sensible ne devient pas elle-même phosphorescente. D'après M. Laoureux", une glace au gélatino-bromure, dont la couche a été laissée pendant quelque temps en face d'une autre glace déjà impressionnée, mais non développée, à la distance d’un demi-millimètre environ, a donné un né- gatif de valeur à peu près égale à l'autre. Mais cette expérience, répétée par plusieurs personnes, n'a pu réussir de nouveau *; ce fait doit, sans doute, être attribué, comme le pense Eder, à la phosphorescence de certaines gélatinés. Cette question s’est posée, également, pour les rayons Ræœntgen; j'ai montré‘ que, tout au moins avec les plaques Lumière, marque bleue, ces rayons agissent directement sur la couche sensible, sans qu'il soit besoin d'invoquer un effet secondaire provenant du verre, de la gélatine ou du bromure. Pour renforcer l'effet des rayons X, M. le Prof. Gie- seler*, de Bonn, met au contact de la plaque sensible un papier imprégné de chlorure de fer, ou d’azotate d'urane, ou d'extrait de bois de Cuba; il trouve qu'il y a avantage à tremper la plaque elle-même dans la dis- solution de chlorure de fer. Il y aurait à examiner si une action chimique n'intervient pas ici. MM. Baltelli et Garbasso® placent des substances fluorescentes derrière la plaque. M. Ch. Henry® dépose sur la plaque du sulfure de zinc. En Angleterre, M. Gifford * emploie le platinocyanure de baryum, et M. Jackson*, le platinocyanure de po- tassium. En Allemagne, la fabrique de produits chimiques Kahlbaum'° parvenait, dès le mois de mars 1896, à augmenter dans une forte proportion la sensibilité du platinocyanure de baryum, au moyen de cristallisa- tions successives dans certaines conditions. En em- ployant des plaques au gélatino-bromure, sensibilisées à l'érythrosine ‘‘, on oblient, parait-il, un effet neuf fois plus fort que lorsqu'on n'a pas recours à la fluores- cence. Le platinocyanure est répandu en poudre fine sur un papier qui recouvre la plaque. MM. le Prof. Winkelmaon et le Dr Straubel'! dis- posent sur la plaque sensible, retournée, du spath fluor en cristal ou en poudre. En faisant abstraction des actions chimiques que ces différentes substances peuvent exercer sur la plaque sensible, il y a lieu d'observer que si, d’une part, un renforcement de l'effet sur la plaque est ainsi réalisé et permet de diminuer la durée de pose, d'autre part, 4 Bulletin de la Sociélé française de Photographie, Février 1880, d'après une communication faite à la section de Liège de l'Association belge de photographie. = Bulletin d'Aoùût, 1881. Comptes rendus, 21 Avril 1896. Pholograph. Archiv, 15 Février 1896. Nuovo Cimentlo, Janvier 1896. Comptes rendus, 10 Février 1896. The Oplician, 12 Mars 1896. Photography, 26 Mars et 2 Avril 1896. Photograph. Wochenblatt, 24 Mars et 21 Avril 1896. 10 Pour 1.000 c.c. d'eau, 40c.c. d'une dissolution alcoolique & T4 oue | 4 : : 380? 16 gouttes d'une dissolution aqueuse : pi . 132 d'azotate d'argent à T-0u0” on plonge la plaque dans ce bain pendant quatre minutes. #4 Photograph. Archiv, 1er Avril 1896. d'érythrosine à 4 c.c. d'ammoniaque concentré ; il est à craindre que le grain inévitable de ces prépa- rations etles défauts de contact de l’écran avec la couche sensible ne nuisent à la netteté. Cet inconvénient a moins d'importance lorsqu'il s'agit de grandes surfaces. Dans la photographie ordinaire à la chambre noire, l'emploi d’un écran placé en avant ou en arrière de la couche donne lieu aux considérations suivantes d'abord, il n'y a plus simple projection, comme avec les rayons X, mais formation d'une image, dont le plan doit coincider avec la surface sensible ; par conséquent, la mise au point étant faite sur celte surface, les images reçues par l'écran disposé, soit en avant, soit en arrière, manquent de netteté. De plus, l'écran en avant intercepte les rayons lumineux, ce qui peut affaiblir l'effet total sur la plaque au lieu de l’accroitre. En arrière, il est séparé de la surface sensible par l'épaisseur du support, qui est loin d'être négligeable, d'où perte encore plus forte de netteté. Ces inconvé- nients disparaissent, il est vrai, si l'on incorpore la substance à la couche sensible; mais il est à craindre, alors, que le rayonnement des parties ainsi rendues lumineuses n'impressionne les parties voisines, au détriment des contrastes et de la netteté. IL serait inté- ressant d'approfondir expérimentalement cette ques- tion, comme on l'a fait pour les teintures qui servent à sensibiliser les plaques pour les différentes couleurs. Les divers exemples qui précèdent caractérisent le rôle de la phosphorescence et de la fluorescence en photographie, et montrent l'utilisation que l’on peut en tirer dans certaines circonstances. R. Corso, Répétiteur à l'Ecole Polytechnique. LA DIVISION DÉCIMALE DU TEMPS ET DE LA CIRCONFÉRENCE La Commission officielle pour la division décimale du temps et de la circonférence à déjà adopté la division du jour en 24 heures et la division de chaque heure en 100 parties, subdivisées elles-mêmes en 100 autres par- ties. Cette division du temps présente des avantages évi- dents, mais aussi des inconvénients. En particulier, elle ferait disparaître de l'usage courant la seconde sexagé- simale qui est l'unité fondamentale de temps dans le système C. G. S., adopté officiellement par le Congrès international des Electriciens de 1881. Le Conseil de la Société Française de Physique a insti- tué à ce sujet une sorte de referendum destiné à faire connaître l'avis de ses membres quant à l'opportunité de la mesure proposée. Les réponses ont été recues jusqu'au 7 du présent mois. Elles seront examinées par une Commission nommée par le Conseil de la So- ciété et composée de MM. Caspari et Lippmann. Dès à présent, nous croyons savoir que les physiciens sont, en grande majorité, opposés à la réforme. Il sem- ble, d’ailleurs, qu'il n’y aurait que mince avantage à changer le mode de division de l'heure en vigueur, et que la commodité du caleul obtenue de ce fait serait plus que compensée par la perturbation que le système dé- cimal apporterait aux habitudes de vie courante. De même l'unification de l'heure ne nous paraît être tout à fait nécessaire que dans les limites d’un même Etat : ni la Science, ni le Commerce n'ont absolument besoin de l'unification internationale. Nous pensons enfin que la refonte de toutes nos ta- bles relatives à la division du cercle représente une besogne tellement énorme el fastidieuse qu'elle effraiera mème les plus intrépides calculateurs. 310 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 41° Sciences mathématiques Dubem (P.), Professeur de Physique théorique à la Fa- culté des Sciences de Bordeaux.— Traité élémentaire de Mécanique chimique fondée sur la Thermody- namique. Tome I. — 1 vol. in-8° de 300 pages avec figures (Prix : 15 fr). A. Hermann, éditeur. Paris, 1897. M. Duhem vient d'ajouter une œuvre nouvelle à la série d’études qu'il a entreprises sur l’ensemble des questions concernant la Mécanique, la Physique, la Chimie et, d’une façon générale, toutes les transforma- üons des corps naturels. Le point de vue, adopté par M. Duhem dans tous ces ouvrages, est d'autant plus intéressant qu'il s'éloigne davantage de celui où l’on s'était le plus souvent placé. Malgré la complication des phénomènes que nous observons, c’est dans les principes de la Mécanique ra- tionnelle que la plupart des savants en ont cherché une explication admissible et, lorsqu'elle à paru trop difficile, au moins conservaient-ils l'espoir de son exis- tence. De même, les géomètres du siècle dernier ten- taient de résoudre par des radicaux toutes les équations algébriques, de ramener aux fonctions simples déjà connues celles qui s'en déduisent par des quadratures, ou aux quadratures les équations différentielles : quand la réalité des faits s’est montrée contraire à ces con- ceptions primitives, pour en imposer d'autres, plus élevées et plus belles, ce n’est peut-être pas sans regrets qu'ils renonçaient à leur idéal et rompaient avec une tradilion dès longtemps établie. Dans les études rela- tives à l'explication des phénomènes naturels, une situation analogue semble se produire: la conception mécanique présente déjà de telles difficultés que la nécessité de l’abandonner apparaît prochaine à bien des esprits. Pour M. Duhem, la rupture est déjà faite ; la Mécanique n’est plus qu’une branche, la plus simple et la plus abstraite, d’une science plus générale, compre- nant aussi les théories physiques et chimiques et les réunissant toutes en une sorte de vaste synthèse. L'introduction de principes étrangers à la Mécanique actuelle, s'était montrée presque inévitable, à la suite des résultats obtenus en Thermodynamique et des con- tradictions rencontrées ‘ en cherchant à donner dans tous les cas la signification mécanique de l’entropie, ou des fonctions de Massieu, qui s'yrattachent. C'est une fonction de cette espèce, le potentiel thermodynamique, dont les propriétés sont sans cesse employées par M. Duhem dans son Traité de Mécanique chimique. Certains phénomènes, d'équilibre ou de dissociation, avaient été traités déjà d’une facon analogue par M. Gibbs, mais un grand nombre ‘de faits restaient inexplicables dans le système adopté par ce savant. Une notion essentielle manquait, celle des faux équili- bres : elle constitue l’une des importantes contributions de M. Duhem à cette théorie; pour la concevoir, il est commode de recourir aux analogies mécaniques. Les corps que l’on considère en Mécanique rationnelle ne sont Soumis à aucun frottement et, si l’on cherche leurs positions d'équilibre sous l'action de forces données, c'est par des équations qu'elles sont déterminées. Il en résulte que les états d'équilibre ne forment pas, en général, des séries continues. Mais ce sont là de pures abstractions, et les corps naturels se comportent tout autrement. Grâce aux forces de frottement, les états 1p Tel é à ol : . co. . l OINCARÉ : Comples rendus de l'Académie des Sciences. « Sur les tentatives d'explication mécanique des principes de la Thermodynamique, » 18 Mars 1889, d'équilibre sont définis, non par des équations, mais par des inégalités, de sorte qu'il existe, en général,non des états d'équilibre formant un ensemble discontinu, mais, au contraire, des suites continues d'états d'équi- libre aboutissant aux équilibres limites. C'est une idée tout analogue qui sert de guide à M. Duhem dans sa conception des faux équilibres chi- miques. De même que les états d'équilibre d'un corps soumis à l’action de forces données, lorsqu'ils sont reconnus possibles par la Mécanique rationnelle, le sont toujours, en effet, dans la réalité, mais que la réci- proque n'est pas vraie, de même « tout état d’un sys- ième, qui est en équilibre selon la Thermodynamique classique, est encore en état d'équilibre selon la théorie nouvelle de M. Duhem; mais cette théorie indique la possibilité d'une infinité d’élats d'équilibre, auxquels s'opposerait la Thermodynamique classique el que l'expérience fait reconnaître véritables ». Ces derniers sont ce que l’auteur appelle les faux équilibres. Le rap- prochement qui vient d'être fait n'implique évidem- ment qu'une analogie grossière entre des phénomènes fort différents; il a fallu toute la sagacité déployée par M. Duhem pour obtenir ou grouper d’une façon con- vaincante les preuves expérimentales el théoriques, qui appuient sa conception des phénomènes chimiques. Ce que M. Duhem, en généralisant les notions em pruntées à la Mécanique, appelle, d'une facon générale, des frottements, ne lui suffirait pas pour donner une explication de tous les phénomènes observés. Une autre sorte de résistances intervient dans les transformations qu'il considère; elles sont dues à la viscosité. M. Duhem désigne sous ce nom une sorte d'extension des actions auxquelles était réservé le nom de viscosité dans l'étude du mouvement des fluides. Les actions dues à cette viscosité, d'un caractère si général, interviennent dans une foule de cas; c’est ainsi que, dans les transforma- tions thermiques pour lesquelles l'expression de Clau- sius Ve 2 le corps qui se transforme) est positive, M. Duhem calcule sa valeur et montre comment elle dépend du travail de la viscosité. Toutes ces vues nouvelles permettent à l'auteur d'étudier, avec une grande précision, les questions rela- tives à la stabilité et au déplacement de l'équilibre chimique, soit sous pression constante, soit à tempéra- ture ou volume constant. Les données acquises par les expériences les plus délicates et les plus récentes sont passées en revue el trouvées en concordance parfaite avec les prévisions établies par la théorie. Mais les prin- cipes exposés par M. Duhem ne s'appliquent pas seule- ment à l'étude des conditions de l'équilibre chimique. Ils permettent aussi d'examiner un autre genre de questions et d'en présenter une théorie conforme à toutes les observations faites; il s'agit de la vitesse des réactions. L'influence de la température sur celte vitesse est un fait depuis longtemps mis en lumière par les expériences de M. Berthelot, et les conditions qui en résultent pour l'une des expressions introduites par M. Duhem lui donnent le moyen de déduire de ce fait des conséquences intéressantes, de nature à faire mieux comprendre soit la méthode du refroidissement brusque, utilisée par M. Lemoine dans ses recherches sur la dissociation de l'acide iodhydrique, soit le rôle de l'étincelle électrique pour produire certaines Com- binaisons où décompositions, notamment dans les gaz. Le dernier chapitre de l'ouvrage est consacré aux explosions et à la vitesse de l'onde explosive. C’est la première fois, semble-t-il, qu'une tentative est faite (ou dQ représente la chaleur dégagée par BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 311 pour analyser les conditions théoriques dans lesquelles se produisent les explosions et pour calculer, au moins dans cerlains cas, la vitesse de propagation de l'onde explosive. A cet effet, M. Duhem s'appuie, d'abord sur tous les résultats déjà obtenus dans les chapitres pré- cédents de son ouvrage, puis sur un théorème général, découvert par Hugoniot et d'une importance prépon- dérante dans tous les problèmes de celte espèce, Il est impossible de terminer ce résumé sans cons- tater la clarté et la précision particulières avec les- quelles M. Duhem a réussi à traiter le sujet qu'il s'était proposé. L'auteur intitule son ouvrage Traité élémen- taire de Mécanique chimique et le juge accessible à tout lecteur ayant suivi les cours de Mathématiques spé- ciales. Je n’ose affirmer qu'un lecteur, pris au hasard dans cette catégorie, suivrait toujours sans peine le chemin tracé par M. Duhem. Il serait, en tous cas, assuré de n'y trouver aucune difficulté qui ne soit inhérente à la nature même du sujet, à la variété et à l'étendue des questions étudiées. R. LiouviLe,. Ingénieur des Poudres et Salpètres. 2° Sciences physiques Ponsot (A.), Agrégé de l'Enseignement secondaire. — Recherches sur la congélation des solutions aqueuses étendues. (Thèse pour le Doctorat de la Faculté des Sciences de Paris.) — Brochure in-8° de 114 pages. Gauthier-Villars et fils, éditeurs. Paris, 1896. On sait quelle importance a prise dans ces dernières années l'étude des dissolutions : à la suite des recherches, classiques désormais, de Raoult, après le célèbre mémoire:de Van T'Hoff : Sur les lois de l’équi- libre chimique dans l'état dilué, gazeux, ou dissous, des horizons entièrement nouveaux apparurent aux yeux des chercheurs dans un champ pourtant bien souvent et bien anciennement parcouru; aussi, de toute part, les physiciens et les chimistes se mirent à l'œuvre et la biographie complète de tous les travaux entrepris sur ce sujet tiendrait un volume à elle seule. Malgré l'abondance ou peut-être à cause de la multiplicité même de ces recherches, bien des points sont restés un peu obscurs, et telle ou telle théorie repose encore sur une base dont la solidité a été assez mal vérifiée; c'est donc faire aujourd'hui œuvre très utile que de revenir au point de départ et d'étudier de près les assises du sujet. Dès le début de son intéressante thèse, M. Ponsot examine une question dont la solution semble bien simple, mais qui est, cependant, restée encore très controversée. Dans la solidification progressive et à température constante des solutions aqueuses, la masse solide qui se forme est-elle une combinaison d'eau et de sel, un eryohydrate comme on désigne les combinaisons ainsi produites, ou bien un mélange de glace et d’un sel anhydre ou hydraté bien défini ? Par l'observation microscopique de solulions de sels colorés, où par l'examen dans la lumière polarisée, M. Ponsot arrive à conclure que les cryohydrates n'existent point, la congélation produit tout simple- ment un mélange très intime de glace et d'un sel iden- tique à celui que l’on obtiendrait par évaporation à la même température; pour toutes les solutions exami- nées la conclusion est certaine, et sans doute il n’est pas trop téméraire de l'étendre, comme le fait l'auteur, à tous les cas. Cette question ainsi tranchée, M. Ponsot aborde ensuite la détermination, devenue si importante après les belles découvertes de Raoult, des tempéra- tures de congélation des solutions aqueuses étendues; mais il à jugé, avec beaucoup de raison, qu'il était tout d'abord nécessaire de préciser les conditions dans les- quelles il convient d'observer la solidification : il montre clairement que pour obtenir, avec la méthode usuelle, des résultats exacts, il faut que la température maximum corresponde à un régime permanent et que le ther- momètre soit complètement soustrait au rayonnement. Les précautions que nécessitent ces conditions n'ont certes pas toujours été prises, et l'on ne saurait dès lors s'étonner des divergences fort considérables qui existent entre les déterminations relatives aux mêmes solutions faites par divers auteurs, où même successi- vement par le même expérimentateur. M. Ponsot a institué une méthode simple, à laide de laquelle il mesure une constante parfaitement définie; l'appareil employé est bien combiné, et les températures sont mesurées à l’aide de thermomètres parfaitement étu- diés et observés avec loutes les précautions aujour- d'hui bien connues. Des déterminalions nombreuses ont été ainsi faites sur des solutions différemment concentrées de onze corps, et les valeurs obtenues méritent toute confiance; signalons plus particulière- ment ce fait que les résultats, peu nombreux il est vrai, présentés par l’auteur sur l’abaissement molé- culaire limite du point de congélation lui paraissent de nature à faire rejeter lhypothèse d'Arrhénius, d’après laquelle les ions auraient mème pouvoir d’abais- sement du point de congélation. Les mêmes résultats ne semblent pas non plus conformes aux lois de Raoult, et l'exemple de l'acide oxalique étudié soigneusement tend à prouver que la méthode cryoscopique ne serait pas infaillible pour fixer le poids moléculaire des subs- tances organiques. Outre ses recherches expérimentales, M. Ponsot a introduit dans sa thèse quelques essais théoriques sur les abaissements du point de congélation des dissolu- tions ; il serait assez difficile de résumer ici ces pages où l’auteur à rassemblé des chapitres intéressants, mais qui ne constituent pas encore un tout bien homo- gène, un corps complet de théorie. Le mémoire de M. Ponsot ne tranche pas, à coup sûr, toutes les ques- tions abordées; mais on voit, d'après ce qui précède, qu'il renferme des résultats solidement établis, et qu'il constitue certainement une très intéressante contribu- tion à l'étude des dissolutions. LUCIEN PoINCaRÉ, Professeur adjoint à la Sorbonne, Mathias (E.), Professeur de Physique à la Faculté des Sciences de Toulouse. — Sur l'étude calorimétrique complète des liquides saturés. — 1 brochure in-4° de 52 pages (Extrait des Annales de la Faculté des Sciences le Toulouse, tome X), 1897. L'objet du travail de M. Mathias est de déterminer les chaleurs spécifiques des gaz liquéfiés et de leur vapeur saturée, ainsi que les chaleurs de vaporisation interne et externe. Il était. particulièrement intéressant de poursuivre cette étude jusqu'aussi près que possible du point critique ; les déterminations de ce genre font presque complètement défaut dans la science, et en particulier la chaleur spécifique d'une vapeur saturée sèche n'avait pour ainsi dire Jamais été déterminée, car le calcul approximatif qu'on en avait fait pour quelques substances, en substituant à la chaleur spécifique du liquide à saturation celle à pression constante, ne peut plus rien donner dès qu'on approche du point critique. Voici, par exemple, comment M. Mathias détermine cette chaleur spécifique: une petite sphère métallique, résistante, de volume connu, contient un poids connu et réglable à volonté P du corps à étudier; si on connaît aux diverses températures les volumes spécifiques du liquide et de sa vapeur saturée, on pourra pour une température 0 calculer les poids x de vapeur et P—z de liquide renfermés dans la petite sphère. Une opération calorimétrique, exécutée par la méthode des mélanges, permet de déterminer la quantité de chaleur Q néces- saire pour porter le mélange ci-dessus de 0° à la tem- pérature { (calculable) pour laquelle tout est réduit en vapeur saturée. Celà fait, M. Mathias montre que, si, partant du même état initial à 0°, on arrive au même état final (vapeur saturée à {°) en vaporisant d'abord le poids x de liquide (ce qui absorbe une quantité de chaleur connue si les chaleurs de vaporisation ont été déterminées), puis en 1 portant le poids P de vapeur maintenu à saturation, 312 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX jusqu'à 4; la chaleur Q, absorbée par ces transforma- tions différera de Q par le travail extérieur qui est cal- culable si les tensions de vapeur sont connues. En exprimant cette différence, on obtient une relation de laquelle on peut tirer (tout le reste étant caleulable) la quantité de chaleur nécessaire pour porter le poids P de vapeur maintenue saturée et sèche de 0° à t°. On fait une série de déterminations analogues entre Get do, et to, etc., et on construit une courbe ayant pour ordonnées les valeurs correspondantes de Q,, OL Q!, etc., et pour abscisses les températures 6, on Ulo, ete.; le coefficient angulaire de cette courbe en un point quelconque fait connaître la chaleur spécilique de la vapeur saturée à la température correspondante. La chaleur spécifique du liquide et la chaleur interne de vaporisation sont obtenues par M. Mathias par une méthode analogne (au moyen de relations conte- nant ces quantités et la chaleur spécifique de la vapeur saturée): il semble toutefois résulter du degré d'ap- proximation de l’une des relations employées que ces coefficients sont déterminés moins rigoureusement que la chaleur spécifique de vapeur saturée, dont la déter- minalion est indépendante de celle du liquide. Les courbes de M. Mathias montrent que les chaleurs spécifiques de liquide et de vapeur saturée deviennent infinies au point critique, la première positivement et la seconde négativement; la courbe relative à la vapeur donne de suite les températures des deux points d'in- version et la température sous laquelle la chaleur spéci- fique est maxima. M. Mathias conclut de la discussion de ses résultats, que le théorème des états correspondants ne s'applique aux chaleurs de vaporisation que dans le voisinage du point critique, tandis que la chaleur interne de vapori- sation obéit à cette loi. Quant à ce qui est des tempé- ratures d'inversion, M. Mathias ne croit pas que la loi de Van der Waals s'y applique; sur ce point 1l est en divergence d'opinion avec M. L. Natanson. On pourrait reprocher à la méthode suivie par M. Mathias d'exiger la connaissance préalable d’un grand nombre d'éléments dont plusieurs sont difficiles à déter- miner (chaleurs latentes de vaporisation, volumes spéci- fiques du liquide et de la vapeur saturée, tensions maxima) et que, du reste, M. Mathias a prises dans ses propres travaux antérieurs; mais cette complication, pour ainsi dire inévitable, constitue la difficulté même du sujet, et M. Mathias n'en à que plus de mérite de l'avoir abordé; l’auteur a pris soin d'évaluer l'approxi- malion des nombres qu'il donne d'après celle que lon peut supposer aux données qui sont entrées dans ses calculs, approximation suffisante pour énoncer les résultats très intéressants que contient son Mémoire, E.-H. AMAGAT, Correspondant de l'Académie des Sciences. 4 Lenoble (E.), Professeur de Chimie à l'Université libre de Lille. — La Théorie Atomique et la Théorie dualistique. —- 1 wol. in-8° de 96 pages. Gauthier- Villars et fils, éditeurs. Paris, 1897. Ce petit ouvrage est destiné à l'enseignement et s'a- dresse surtout aux professeurs qui, ayant pris autrefois l'habitude de la notalion en équivalents, se trouvent aujourd’hui obligés de se servir de la notation atomi- que. L'auteur nous à assuré lui-même, à notre grande surprise, qu'ils sont encore nombreux; nous désirons vivement que l'opuscule de M. Lenoble réponde au dé- sir de son auteur et qu'il contribue à éclairer d’une der- nière lumière les attardés ou les récalcitrants. L. MAQUENNE, Maître de Conférences à la Sorbonne. 3° Sciences naturelles Coupin (Henri), Préparateur à la Faculté des Sciences de Paris. — Recherches sur l'absorption et le rejet de l’eau par les graines. — (Thèse pour le Doctorat de la Faculté des Sciences de Paris.) — 1 broch. in-8 de 96 pages avec 34 fig. (Extrait des Ann. des Sc. nat. 8e série. Bot., tome II). G. Masson, éditeur. Paris, 1896. Parmi les conclusions obtenues par l'auteur nous citerons les suivantes: Les graines placées dans l'eau en absorbent, mais l'eau ne peut passer de l'extérieur dans l'embryon que par le contact du tégument, et l’eau absorbée ne se déverse pas à l'intérieur de ce dernier. Les graines anesthésiées, dans la majorité des cas, absorbent autant d'eau que les graines vivantes. Une blessure dans le tégument augmente dans des propor= tions considérables la vitesse de pénétration de l’eau, mais elle est sans influence sur le pouvoir absorbant maximun. Au moment de la germination, la déhiscence du tégu- ment n'est pas produite par l'augmentation du volume de Flamande qui absorbe de l'eau, et la radicule est incapable de percer le tégument par la simple force qu'elle développe en croissant; il est donc probable que la radicule sécrète une diastase qui diminue la résistance du tégument en dissociant les cellules. Dans une graine qui absorbe de l’eau, le volume total n'est jamais égal à la somme des volumes de la graine sèche et de l'eau absorbée; il est plus grand ou plus petit, et l’on dit, assez improprement, qu'il y a eu dilatation ou contraction. Or, l'auteur établit qu'il y a dilatation, puis contraction, chez toutes les graines à tégument mince el qui se plissent, tandis qu'il y à con- traction chez les graines à tégument dur, les graines où le tégument est adhérent à l'amande, les akènes et les graines blessées. C. SAUVAGEAU, Maitre de Conférences à la Faculté des Sciences de Lyon. Duval (Mathias), Professeur à la Faculté de Médecine de Paris, Membre de l'Académie de Médecine. — Précis d'Histologie. — 1 vol. in-3° de 956 pages avec 408 jig. (Priæ : 18 fr.) G. Masson et Ci, éditeurs, Paris, 1897. Le Précis d'Histologie que vient de publier le Profes- seur Duval est une œuvre qui fait honneur à la science francaise. L'auteur a mis dans ce livre cette belle clarté, cette conscience méticuleuse, ce savoir solide et cet esprit critique qui caractérisent son enseignement aussi bien que ses travaux personnels. Il suit avec rigueur et méthode le plan qu'il a conçu et qu'ilexpose et défend dans une préface où il nous initie aux idées et aux prin- cipes qui lui ont servi de guide. Tout d'abord les limites exactes dans lesquelles l'ou- vrage doit évoluer sont tracées avec soin. M. Duval a voulu faire un précis d'histologie, c'est-à-dire d'anato= mie générale et non un traité d'anatomie microsco= pique. Les caractères propres à ces deux parties de la science sont soigneusement établis. L'histologie étudie les éléments anatomiques en eux-mêmes et dans leur association en tissus; l'anatomie microscopique est beaucoup plus spéciale, elle s'occupe de la disposition topographique des éléments dans les systèmes où dans les organes, mais seulement lorsque ceux-ci ont une constitution assez complexe pour que leur étude histo- logique ne suffise pas à faire connaître leur texture ana tomique. Aussi certaines parties, telles que les muscles et la rate, par exemple, qui n'ont pas d'anatomie micros- copique, celle-ci étant connue quand on à fait leur histo- logie, seront-elles étudiées dans l'ouvrage d'histologie et non dans celui d'anatomie microscopique que M. Du- val nous promet. Cela posé, l’auteur reconnait que, dans l'état actuel de la science, un traité d'histologie doit, logiquement, débuter par l'étude de la cellule, puisque c'est d'elle que dérivent tous les éléments; mais, ajoute-t-il, «le grand effort des histologistes actuels a pour objet d'établir la filiation des éléments anatomiques, pour en dresser, en quelque sorte, l'arbre généalogique ; ici, comme dans toutes les sciences biologiques, le problème de l’origine occupe la première place. C’est cet ordre d'idées qui BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 313 présidera à l'exposé qui va suivre. Nous commencerons l'étude de l'histologie par celle de la cellule ; puis nous étudierons l'ovule, cellule-mère de tous les autres élé- ments anatomiques; et pour établir la filiation de ceux- ci, nous ferons rapidement l'histoire de la division de l'œuf, de la formation du blastoderme et des principales dérivations blastodermiques. Ces dérivés blastodermi- ques sont précisément les éléments anatomiques que nous passerons en revue, comme formant l’objet essentiel des études d'histologie ». Nous avons relevé ce passage de l'introduction, car il nous a paru résumer très exac- tement l'idée fondamentale de l’auteur; il explique en même temps la part très large qui a été faite aux élé- ments mâles et femelles ainsi qu'à la fécondation, à la segmentation et à la blastulation, qui forment des cha- pitres du plus haut intérêt, Voici d’ailleurs les sept parties dont se compose l'ou- vrage : 4° la cellule en général; 2 les cellules sexuelles, la fécondation et le blastoderme ; 3° les tissus épithé- liaux et les glandes : 4° les tissus de substance con- jonctive; 5° les tissus musculaires; 6° le sang et les vaisseaux sanguins; la lymphe et les vaisseaux lym- phatiques; enfin 7 le système nerveux. Pour certaines questions, l’auteur a employé une méthode d'exposition qu'il désigne d’une manière très heureuse sous le nom d'évolution historique, c'est-à-dire que dans le développement de ces questions il analyse dans leur succession les idées que les anatomistes se sont faites à leur propos et c'est comme conclusion finale qu'il fait connaître l’état de la science actuelle sur le sujet étudié. Au point de vue didactique, cette méthode a le double avantage d'être à la fois attrayante et instruclive ; l'histoire de la fibre musculaire striée et celle de la constitution des fibres nerveuses à myéline, par exemple, prennent par là un intérêt beaucoup plus grand, le lecteur ne pouvant rester indifférent à tous ces efforts des chercheurs pour arriver à la solution de problèmes délicats. Mais ce qui fait peut-être plus encore l'attrait de l'ou- vrage de M. Duval c’est qu'il n'a pas manqué de donner un développement important à toutes les questions de physiologie générale qui se rattachent si intimement à l'anatomie générale. L'esprit est complètement satis- fait à la lecture de chapitres tels que ceux de la fécon- dation, des processus histologiques de la sécrétion, des phénomènes microscopiques de la contraction et de tant d'autres qui marquent les progrès immenses accom- plis par la science, grâce au microscope etaux méthodes d'investigation qui se sont si grandement développées depuis vingt ans. « Préparer et puis faire une lecon a toujours été pour moi, écrit M. Duval, la source des plus vives salis- factions que puisse procurer l’activité cérébrale et même physique. Je voudrais pouvoir espérer que le lecteur s'apercevra que je n'ai pas eu moins de plaisir à écrire ce volume et à en dessiner les schémas. » Nous croyons pouvoir affirmer que l’auteur ne se berce pas d’un chimérique espoir, car on éprouve, certes, à lire son ouvrage, au moins autant de plaisir qu'il avoue en avoir eu à l'écrire. D' H. BEAUREGARD, Assistant au Muséum. 4° Sciences médicales Vieillard (C.). — L'Urine humaine. Urines nor- males, anormales et pathologiques. Avec une Pré- face de M. Armand Gautier, de l'Institut — 1 vol. in-12 de 434 pages avec 20 fig. et 4 pl. (Prix : 6 fr.). Société d'Editions scientifiques. Paris, 1897. Le livre de M. Vieillard se divise en trois parties. La première, toute théorique, concerne l'étude des élé- ments de l'urine, leur origine, leurs transformations et touche par conséquent à la nutrition générale de l'organisme. Dans la deuxième partie, l’auteur décrit avec soin les méthodes et les procédés d'étude de l’u- rine normale : recherche et dosage des éléments. La troisième partie à trait aux urines anormales et patho- logiques. Louons d'abord M. Vieillard d'avoir fait précéder l'exposé de la technique urologique d'une étude (h6o- rique de l'urine, Cette étude contient un exposé fort clair et tout à fait au courant des idées actuelles sur la nutrition, du rôle de l'urine dans la désassimilation, de la toxicité et de la seplicité de l'urine. Un tel exposé didactique rend plus facile à comprendre et plus at- trayante l'étude des procédés d'analyse et de recher- che, et en fait mieux saisir l'importance et l'intérêt. La partie proprement technique du livre est traitée d’une façon claire et sûre, Sans nous exposer toutes les méthodes proposées pour telle ou telle recherche, M. Vieillard se borne à nous donner les méthodes que le consensus général et aussi son expérience person- nelle lui ont montrées comme étant les plus sûres et les plus précises, À ce point de vue, son livre sera con- sulté avec grand intérêt aussi bien dans le cabinet du médecin que dans le laboratoire et, comme le dit dans sa préface le Professeur À. Gaultier : « On peut conseil- ler ce petit traité aux médecins instruits qui cherchent à s'élever au-dessus de la tradition empirique aussi bien qu'aux chimistes qui peuvent être appelés à les renseigner sur le problème délicat de la composition des urines normales ou pathologiques et sur la signifi- cation précise des variations que révèle leur analyse. » D' J.-E. AgeLous, Chargé du cours de Physiologie à la Faculté de Médecine de Toulouse, Lyon (Dr Gaston), Ancien chef de Clinique Médicale à la Faculté de Médecine de Paris. — Traité élémentaire de Clinique thérapeutique. 2° Edition. -- 1 vol. gr. in-8° de 1154 pages (Prix : 15 fr.). G. Masson et Cie éditeurs. Paris, 1897. Nous voyons avec plaisir cet ouvrage parvenir à sa seconde édition. Mais cette seconde édition a été telle- ment remaniée et amplifiée que c’est en vérité un nou- veau traité que M. G. Lyon offre aujourd'hui à ses lecteurs. Ces modifications profondes ont été rendues nécessaires par les progrès incessants de la thérapeu- tique. La matière médicale s'accroît de jour en jour de nouvelles substances. Les essais se multiplient et la sérothérapie a ouvert un vaste champ d’études aux thérapeutes. Elle n’est qu'à ses débuts et elle a déjà des résultats majeurs à son actif. De même l'emploi des extraits glandulaires en est encore à la période des tâätonnements presque empiriques. Ces méthodes ré- centes ont été attentivement suivies par M. G. Lyon. Il les a exposées avec détails. Le côté purement pratique a été l’objet d’une cons- tante sollicitude de la part de l’auteur, Cela constitue un des plus grands mérites de son livre et lui donne, à nos yeux, une supériorité évidente sur des ouvrages infiniment plus prétentieux. Avant la thérapeutique de chaque maladie, on (rouve une rapide revue des notions acquises récemment sur l'affection dont il s’agit. Le lecteur est ainsi mis au courant des théories pathogéniques actuelles et comprend plus exactement les raisons des moyens thérapeutiques qui suivent. L'auteur ne craint pas d'entrer dans les détails des soins immédiats. Et cela est très précieux. Combien rares sont les médecins qui savent « soigner » les ma- lades, qui leur donnent les conseils élémentaires, la manière de s'y prendre. Le médecin a en tête de trop hautes conceptions pathologiques pour condescendre à des besognes d’infirmier : aussi laisse-t-il le malade dans l'embarras et le traitement institué perd la ma- jeure partie de son efficacité parce qu'il est appliqué tout de travers. Le livre de M. Lyon comble cette lacune de l’enseignement et de la pratique médicale. Nous souhaitons à la seconde édition de la Clinique Thérapeutique, telle qu'elle se présente aujourd'hui, avec toutes ses améliorations, le légitime succès qui lui est dû. D' A. LÉTIENNE. 314 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 1° Murs 1897. La Section de Botanique présente la liste suivante de candidats pour la place laissée vacante par le décès de M. Trécul : en première ligne, M. G. Bonnier ; en se- conde ligne, M. Bureau, M. Maxime Cornu, M. Pril- lieux, M. B. Renault, M.R. Zeiller. — M. le Secré- taire perpétuel annonce à l’Académie le décès de M. Weierstrass, Associé étranger. — M. Ch. Hermite lit une notice sur la vie et les travaux de Weierstrass. 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. Guillaume adresse ses observations du Soleil, faites à l'Observatoire de Lyon (équatorial Brunner), pendant le quatrième tri- mestre de 1896. Les taches ont augmenté en nombre, mais diminué en surface ; les groupes de facules sont en diminution. Comme les taches, les facules sont plus nombreuses dans l'hémisphère austral. — M. E. Picard donne une méthode de calcul des résidus des intégrales doubles de fonctions rationnelles, en traitant la question à un autre point de vue que M. Poincaré. Il arrive à démontrer que tous les résidus de l’inté- grale double peuvent être regardés comme des pé- riodes cycliques ou polaires d’une intégrale abélienne. — M. A. Pallet résout diverses questions de la théorie des surfaces en rapportant la surface considérée au système d’axes rectangulaires formé par la normale et les tangentes aux lignes de courbure en un point. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Henri Becquerel com- munique de nouvelles expériences sur l’action élec- trique des rayons uraniques. L'uranium décharge à distance, dans l'air, les corps électrisés à des potentiels quelconques ; l'expérience a vérifié le fait depuis moins de 4 volt jusqu’à plus de 3.000 volts. L'air joue un rôle important dans cette décharge, car c'est lui qui, après avoir été soumis à l’action des rayons de l'uranium, à acquis la propriété de décharger le corps électrisé.Lorsqu'on empêche cetair de venir au contact du corps électrisé ou lorsqu'on le raréfie, on remarque que la décharge est beaucoup plus lente. La loi de la chute du potentiel en fonction du temps semble se rappro- cher de la loi du refroidissement des corps. — M. Mi- chel Pétrovitch étudie la décharge des conducteurs à capacité, résistance et coefficient de self-induction variables et indique les conditions d'expérience à réali- ser pour que la décharge soit continue ou oscillante. — M. Jean Perrin étudie la décharge par les rayons Rôüntgen. Il appelle tonisation cubique la mise en liberté par les rayons X, sur leur parcours dans un gaz, de quantités égales d'électricité positive et négative, mo- biles le long des tubes de force qui les contiennent ; l’ionisation superficielle est le phénomène analogue, mais plus intense, qui se produit au contact du conducteur électrisé. L'auteur exprime alors la décharge en fonc- tion des deux constantes d'ionisation cubique et super- ficielle, de l'intensité et de la distance de la source de rayons et de la pression du gaz. — M. Maurice de Thierry, ayant remarqué dans ses ascensions au Mont-Blanc que les papiers ozonoscopiques bleuis- saient rapidement aux altitudes un peu élevées, a entrepris l'analyse de l'air à différentes hauteurs au point de vue surtout de sa teneur en ozone. À Chamonix (1.050 mètres) la quantité d'ozone est de 326,5 et aux Grands - Mulets (3.020 mètres) de 9%€% par 100 m. c. d'air; la quantité d'ozone croît avec l'altitude. — M. Tanret à constaté que le coefficient de partage de l'acide nitrique dans un mélange d'éther et d’eau aug- mente par l'addition de doses croissantes de nitrates. Ce phénomène peut s'expliquer par la formation de nitrates acides, qui seraient dissociés par l’éther ; ce dernier s'emparerait de l'acide devenu libre de sorte que le nouveau coefficient de partage serait la mesure de cette dissociation. — On sait que l'acide oléique, traité par l'acide sulfurique, donne un acide sulfocon- jugué, qui, dissous dans l’eau froide, donne de l'acide oxystéarique d’où l’on peut retirer de la stéarolactone. M. David, en opérant cette dernière réaction au- dessous de 0°, est parvenu à obtenir uu rendement de 50 °/, en stéarolactone, et espère, en se servant d'acide sufurique à 66°, arriver à un rendement de 800/. — M. G. Blanc qui, par l’action du chlorure d'aluminium sur l’anhydride camphorique, avait obtenu un acide C‘H#0*, est parvenu à identifier ce corps avec l'acide isolauronolique. Il à préparé les sels métalliques de cet acide, son anbhydride, l’aldéhyde et l'alcool correspondants. — M. W. Kühn, ayant observé que les procédés actuels de stérilisation par ébullition à l'air libre ou comprimé amènent une altération très sen- sible des qualités organoleptiques, a eu l’idée de prati- quer la stérilisation par chauffage dans des vases pleins et clos, s’opposant à toute déperdilion de gaz ou de principes aromatiques, et assez résistants pour suppor- ter l'énorme pression qui se développe dans le liquide. Après chauffage, le liquide reste inaltéré et présente la même composition, les mêmes qualités de goût qu'avant la cuisson. — M. Em. Serrant signale un nou- veau procédé de dosage ou d'extraction de l'or d’un minerai aurifère. Il consiste à introduire, dans la masse du minerai broyé, un mélange de chlorure de sodium, d'azotate de sodium et d'acide sulfurique. Une fois la réaction terminée, on ajoute de l’eau pour dissoudre le chlorure d’or formé, et l’on précipite l'or soit par le sulfate ferreux, soit par l'acide oxalique ou l'hydro- gène sulfuré. 3° SCIENCES NATURELLES.—M.Guyon présenteletroisième volume de ses « Lecons sur les maladies des voies uri- naires ».— M. L. Ranvier a observé le mécanisme his- tologique de la cicatrisation sur l’épiploon du lapin cau- térisé au nitrate d'argent. Il se forme d'abord des filaments de fibrine, simplesou anastomosés, qui s’atta- chent aux travées du réseau épiploïque; puis les cellu- les endothéliales s’hypertrophient, changent de forme et émettent des prolongements protoplasmiques d’une très grande longueur et fort complexes, qui s’accolent aux filaments de fibrine. Les fibres qui naissent de cet accolement ont la propriété de se rétracter (fibres sy- naptiques); elles sont toujours attachées très solidement aux faisceaux du tissu conjonctif, de telle sorte qu'en se rétractant elles les rapprochent peu à peu jusqu'à les amener au contact. — M.J. Pantel communique ses observations sur l’évolution complète d’une larve de Thrixion Halidayanum Rond, insecte diptère de la tribu des Tachininæ, vivant en parasite sur Leptynia hispanica Bol. — M. J. Eriksson a observé que le cham- pignon qui cause la rouille des céréales peut vivre sur les plantes à un état latent (état mycoplasmatique), sous forme de petits corpuscules renfermés dans le protoplasma des cellules chlorophylliennes. Sous l'in- fluence de certaines causes extérieures, Ces Corpus- cules, qui peuvent être restés pendant très longtemps à l'état latent, se développent et donnent naissance à un mycélium qui envahit la plante. — MM. Gust. Rivière et G. Baïlhache ont constaté que le porte- greffe exerce une influence considérable sur le greffon, en exaltant ou en affaiblissant la plupart des phéno- mènes physiologiques dont ce dernier est le siège. Leurs expériences ont porté sur la variété de poirier connue céédé-mmatfÎiiis ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 315 sous le nom de Triomphe de Jodoigne, greffée sur poi- rier franc et sur cognassier. Séance du 8 Mars 1897. M. G. Bonnier est élu membre dans la Section de Botanique, en remplacement de feu M. Trécul. 4° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Riquier établit que tout système orthonome, passif et linéaire du premier ordre, peut, par un simple changement linéaire et homogène des variables indépendantes, se ramener à un système régulier, passif et linéaire du premier ordre; dans tout système régulier, passif et linéaire du premier ordre, la recherche d'intégrales ordinaires répondant à des conditions initiales données, se ra- mène à une recherche semblable exécutée successive- ment sur divers systèmes simples. En résumé donc, l'intégration des systèmes différentiels quelconques est réductible à celle des systèmes simples. — M. J. Hada- mard indique les propriétés de la série obtenue en multipliant entre eux les coefficients correspondants de deux séries entières. — M. E. Duporcq établit que le lieu des centres de gravité A des surfaces S, paral- lèles à une même surface fermée, est une conique (A). — M. Delauney adresse une nouvelle note relative aux relations numériques qu'il à obtenues entre les masses des planètes. 20 SCIENCES PHYSIQUES. M. L. Marchis a étudié expérimentalement les causes du déplacement du zéro des thermomètres; pour un thermomètre ayant déjà servi, les oscillations de température ont plus d'in- fluence sur le déplacement que l’échauffement à une température fixe; pour un thermomètre neuf, c'est le contraire qui a d'abord lieu, puis les deux actions ont la même influence et enfin l'action des oscillations devient prépondérante. — M. Jean Perrin, partant du fait que les rayons de Rüntgen, ionisant les gaz qu'ils traversent, y détruisent les lignes de force qu'ils ren- contrent, a utilisé celte propriété pour la mesure des forces électromotrices de contact. Pour cela, il prend deux lames parallèles, formées de métaux différents, et reliées l’une à la cage, l’autre à l'aiguille d’un élec- tromètre; puis il fait passer un faisceau de rayons X daws le gaz qui sépare les plaques, jusqu'à destruction des charges. La variation de potentiel lue à l’électro- mètre est précisément égale à la différence initiale entre les potentiels des deux couches de gaz situées au contact immédiat des deux plaques, c’est-à-dire à la force électromotrice cherchée. — M. L. Caïlletet décrit les appareils employés pour recueillir l'air à grande hauteur dans l'ascension de l’Aérophile du 18 février 1897. Lorsque le ballon est arrivé au point le plus élevé de sa course, un robinet, de construction spéciale, actionné par un mouvement d'horlogerie, s'ouvre et laisse pénétrer l'air des hautes régions dans un réser- voir où l’on a préalablement fait le vide, puis se referme d'une manière automatique et absolue. L'ana- lyse de l’air recueilli a donné : acide carbonique dans 100 volumes d'air — 0*1,033; pour 100 volumes d'air privé d’acide carbonique : oxygène — 20,79; azote — 18,27; argon — 0,94. — M. A. Müntz fait remarquer que les résultats de l'analyse montrent déjà qu'à l’alti- tude atteinte la composition de l'air ne s'éloigne pas notablement de celle des régions basses. Mais il convient cependant de perfectionner l'appareil employé et de multiplier les observations avant de ee prononcer défi- nitivement. — MM. P. Schützenberger et Boudouard ont étudié le cérium retiré des sables monazités et l'ont séparé en trois parties : 4° un cérium à poids atomique voisin de 1438 et plutôt inférieur, dont la solu- tion ne précipite pas par l’oxyde de cuivre; 2° un cérium à poids atomique voisin de 148, dont le sulfate est précipité par l’oxyde cuivrique et aussi par le sul- fate de soude; 3° un cérium à poids atomique voisin de 157, dont le sulfate est précipité par l’oxyde cui- vrique, mais n'est pas précipité par le sulfate de soude; les solutions de ce sulfate sont caractérisées par l’as- pect gommeux qu'elles prennent pendant la concen- (ration. Ces trois terres peuvent donner des sels cériques jaunes, décomposables par la chaleur en sels céreux blancs. L'examen spectroscopique (étincelles avec chlorure) ne révèle aucune différence entre ces trois terres. — M. A. Granger a obtenu, en faisant passer de la vapeur de phosphore sur de l'or très divisé à la température de 400°, un phosphure d’or Au*P', très instable. — M. H. Baubigny a cherché à vérifier la méthode de Bunsen pour le dosage de l’antimoine à l'état de peroxyde et à constater s’il ne se produit pas de réduction, et par suite de perte d’antimoine sous forme de Sb?0% volatil; d'après ses expériences, l'oxyde d’antimoine, obtenu par décomposition de l’anhydride antimonique à une température un peu inférieure à celle de la fusion de l'argent, est bien du peroxyde Sb?0#, qui reste stable dans ces conditions. — M. A. Colson a étudié la décomposition par le gaz ammoniac du chlorhydrate de di-iso-butylamine et du chlorhydrate de pipéridine ; la décomposition des sels ammoniacaux par les bases fixes est un phénomène de dissociation hétérogène comparable à la décomposition du chlo- rure de plomb par l'acide sulfurique. — M. H. Causse, en faisant réagir l’aldéhyde salicylique sur la phényl- hydrazine, a obtenu un corps fondant à 1429, qui est du phénylisindazol. — M. Œchsner de Coninck com- munique ses expériences relatives aux modes d'action du tannin sur les alcaloïides et aux limites de la préei- pitation des solutions d’alcaloïdes par les solutions de tannin. — MM. Bordas et Génin ont exécuté de nou- velles expériences très précises sur le point de congé- lation d'un grand nombre de laits; les abaissements obtenus sont bien différents du nombre 0,55 indiqué par M. Winter. Les auteurs concluent donc à nouveau que l'emploi exclusif de la cryoscopie dans l’analyse du lait est insuffisant. — M. P. Petit a isolé la dextrine de la bière; elle renferme 3,63 °/, de pentoses; le reste est constitué par un corps de formule C°H'°05. Au point de vue de l’inversion par les acides, la dextrine de la bière se comporte d’une facon tout à fait diffé- rente des dextrines ordinaires; elle se rapproche du mélitriose. — M. V. Martinand a constaté que les phé- nomènes d’oxydation du vin peuvent se produire en l'absence de la diastase oxydante dans des conditions particulières d’acidité du vin; dans ce cas, le vin agité avec de l’éther lui cède une substance analogue aux tannins qui semble être la cause de l'oxydation. — M. A. Lacroix a étudié les modifications subies par la serpentine sous l’action de fumerolles volcaniques sul- furées. Il y a d'abord attaque de la roche par la vapeur d'eau chargée d'acide sulfurique provenant de l’oxy- dation de l'hydrogène sulfuré. La magnésie s’élimine sous forme de sulfate double (epsomite), le fer sous forme de sulfate (mélantérite), en partie réduit en sul- fure (marcasite) qui se réoxyde en sulfate. Les phé- nomènes se compliquent de réactions secondaires dues à ces sulfates agissant sur le calcaire. Le résidu final est exclusivement formé par de la silice hydratée ou anhydre. — M. L. Roze adresse une note sur la for- mation de la foudre et le bruit de l’explosion par la décharge électrique. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. le D' Danion rappelle qu'en 1887, avant les communications de M. d'Arson- val, il avait déjà conclu à l’action salutaire de l’électri- cité sur les affections dites par le ralentissement de la nutrition. — M. W. Kilian donne la description géolo- gique des massifs de la haute Bléone et du haut Var. — M. Paul Choffat fait un parallèle entre le Crétacique du Mondego et celui de Lisbonne. Séance du 15 Mars 1897. 4° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. E. Picard étudie la théorie des surfaces algébriques au point de vue de la géométrie de situation, et établit le théorème suivant : Toute surface algébrique possède p, — 1 intégrales distinctes de différentielles totales de seconde espèce, p, désignant son ordre de connexion linéaire. — M.A. Pel- let énonce quelques propriétés des systèmes de sur- 316 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES faces orthogonales et isothermes. — M. $. Zaremba montre que l'extension de la méthode des approxima- tions successives de M. Picard aux équations aux déri- vées partielles à trois variables indépendantes dépend de trois théorèmes dont il donne la démonstration. — M. D.-A. Casalonga adresse une note sur la formation et le sens de la rotation des planètes. 20 SciENCES PHYSIQUES. — M. A. Potier détermine les valeurs du couple accélérateur dans les moteurs asyn- chrones et en déduit les conditions du régime. — M. E.-H. Amagat montre que, lorsque deux substances satisfont à la loi des états correspondants de telle sorte que leurs réseaux puissent être rendus superposables, leurs divers coefficients (coefficients de dilatation, de compressibilité, chaleurs latentes de vaporisation, etc.) satisfont aussi à cerlaines relations de correspondance qui constituent des formes très intéressantes de la loi; l'auteur établit quelques-unes de ces relations. — M. Swyngedauw étudie les conditions dans lesquelles se produit la décharge par étincelle dans les condensa- teurs; il applique ces considérations à l’excitateur de Hertz pour en expliquer le fonctionnement et il montre, en outre, que, dans chaque décharge, l’excitateur de Hertz émet successivement des vibrations de période décroissante jusqu'à la période normale. — M. E. Vil- lari a constaté que les gaz, soumis aux rayons X et ayant acquis la propriété de décharger les corps élec- trisés, perdent cette propriété lorsqu'on les fait passer dans l’effluve d'un ozonateur. Ce phénomène a encore lieu pendant un certain temps après la cessation de l’effluve, comme si l'ozonateur gardait une activité résiduelle. — M. M. Berthelot décrit un appareil simple pour l'application de l'analyse spectrale à la recon- naissance des gaz. Il se compose d'un tube de verre, retourné sur une cuve à mercure et pourvu à sa partie supérieure d’un fil de platine; dans ce tube, on fait entrer un lube capillaire recourbé, contenant un autre fil de platine et fixé à l'intérieur du premier au moyen d'un bouchon, qui permet de l'y faire glisser à volonté. On introduit le gaz à la partie supérieure du tube et on fait jaillir l’étincelle entre les deux pointes de platine. M. M. Berthelot a étudié l'absorption de l'azote par les composés carbonés sous l'influence de l'effluve; il a obtenu des corps tels que : 3IC0H070/A7 248 ICS %2/A7: 2ICHHÉS PAT, L'analyse du produit obtenu avec la benzine a mon- tré qu'il était formé d'un mélange de composés azotés, dont certains sont des alcalis assez énergiques, de l'ordre des diamines, aisément dédoublables avec ré- génération partielle d’ammoniaque, et certains autres de l’ordre de l'hydrazobenzol et autres dérivés amidés de la benzine et du phénol, Les composés obtenus sous l'action de l’effluve sont très oxydables à l’air libre. — M. H. Baubigny a constaté que le peroxyde d’anti- moine, parfaitement stable à une température un peu inférieure à celle de la fusion de l'argent, se décom- pose, si l’on enlève la température, en anhydride anti- monieux volatil et oxygène. M. Œchsner de Coninck décrit les réactions du tannin, sec ou dissous dans l’alcoo!l et dans: l’éther, avec les solutions alcoo- liques éthérées des alcaloïdes. — M. G. Darzens a préparé divers dérivés chlorés de l’anéthol en traitant ce corps par une solution de chlore dans le tétrachlo- rure de carbone : il a obtenu le bichlorure d’anéthol, l'anéthol monochloré, le bichlorure d’anéthol chloré ; tous ces composés conservent l’odeur de l’anéthol. — M. G. Rouvier ayant remarqué que la quantité diode fixée par l'amidon va en croissant avec la quantité d'iode ajoutée, attribue ce phénomène à la propriété de l'amidon de former plusieurs composés avec l'iode, lesquels composés peuvent dissoudre l’iode en propor- tions variables, — M. A. Rosenstiehl établit expéri- mentalement que : 4° Contrairement à ce qui était admis, la matière colorante rouge des pellicules du raisin et d'autres fruits est soluble dans le jus non fermenté ; 2° l'action de l'air insolubilise la matière colorante ; 3° elle est une des causes du goût de cuit ; 4° on peut faire des conserves de moût stérilisé possé- dant la couleur, la saveur et le parfum du fruit à l'état frais ; 5° avec ces données, on peut aborder l'étude de la vinification sur de nouvelles bases. — M. C. Mestre adresse une note sur l'emploi de l'acide carbonique dans le soutirage des vins cassés. — M.L. Lindet a étu- dié le vin fourni par des vignes japonaises et chinoises cultivées dans le département de l'Orne, dont le climat est impropre à la culture de la vigne ordinaire. Ce vim a une quantité d'alcool égale à celle de nos vins faibles ; par contre, la quantité d'extrait est deux fois plus grande et la couleur d'une intensité quatre ou cinq fois plus forte que pour les vins ordinaires. Ce vin est appelé à rendre de grands services pour la pré- paration des vins de coupage. — M. F. Geay a déter- miné la composition des anciennes poteries indiennes du Venezuela ; les potiers indiens utilisaient une ar- gile bleu-noirâtre à laquelle ils mélangeaient de grandes quantités de spicules d’une éponge d'eau douce com- mune dans les rivières du pays. 30 SCIENCES NATURELLES. — M. A. Chauveau expose la méthode qui lui a permis de constater que, dans le muscle en contraction statique, comme dans un bou- din de caoutchouc, le travail positif prend de la chaleur au tissu qui en est l'agent et que le travail négatif en donne, au contraire, à ce tissu. — MM. Ch. Richet et An- dré Broca communiquent des expériences qui leur oné permis de préciser quelques-unes des lois qui régissent la période réfractaire dans les centres nerveux; de plus ils ont constaté que la fréquence maximum avec laquelle les excitations motrices discontinues peuvent se pro- duire dans le cerveau sans se fusionner est d'environ dix par seconde. — M. J.-J. Andeer a découvert, sur le péritoine de la grenouille et d'autres Vertébrés, une multitude de petits trous lisses, qu'il appelle ostioles. Ces ostioles sont pourvus de sphincters et paraissent jouer un rôle important dans les fonctions du péri- toine. — M. J. Pantel décrit quelques particularités anatomiques observées dans la larve de Thririon Hali- dayanum ; l'appareil digestif est très simplifié; il est caractérisé par la réduction en longueur de læso- phage et de l'intestin postérieur et par la suppression du jabot et des appendices gastriques. — M. Ch. Janet continue ses études sur les fourmis et leurs parasites. Les Antennophorus sont des parasites qui vivent en épi- zoaires sur les Lasius et qui se nourrissent du liquide nutritif dégorgé par ces fourmis; leur présence est acceptée par leurs hôtes, qui leur donnent même volontiers la nourriture qu'ils demandent. — M. Ch. Rousselet envoie une note, accompagnée d’échantil- lons, pour confirmer l'efficacité de la formaline, em- ployée, suivant sa méthode, après fixation avec l'acide osmique, pour la conservation des préparations mi- croscopiques. — M. Ph. Glangeaud à étudié les affleu- rements éruptifs des environs de Bourganeuf (Creuse). Il ya reconnu des microgranulites, des porphyres à quartz globulaire, des porphyres à quartz auréolé, des rhyolites et des porphyrites micacées. : ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 23 Février 1897. M. H. Napias est élu membre titulaire dans la Section d'Hygiène publique, Médecine légale et Police médicale, — L'Académie procède à la discussion du Rapport de la Commission pour l'assainissement de la fabrication des allumettes. Deux opinions sont en pré- sence. M. Magitot pense que la solution de la question n'est pas dans la suppression absolue du phosphore blanc, — qu'il trouve à la fois inutile et impraticable, __ mais bien dans une application rigoureuse des lois de l'hygiène. Deux dangers sont à craindre : le phos- phorisme et la nécrose. On préviendra le premier par une ventilation forcée des ateliers et on empêchera le second par une sélection des ouvriers ayant pour but de refuser tous ceux qui sont atteints de carie dentaire, ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 317 TE ———— porte d'entrée ordinaire du mal. — M. Vallin soutient la thèse contraire. Pour supprimer le danger, il faut en supprimer l'origine. Malgré toutes les mesures d'hygiène, l'ouvrier finit par s'intoxiquer après un séjour assez long à l'usine; à ce point de vue, les faits cités par M. Magitot ne portent pas sur un espace de temps assez considérable pour justifier pleinement ses conelusions. — M. Th. Roussel appuie les paroles de M. Vallin ; en l’état actuel, il est à désirer que les me- sures préconisées par M. Magitot soient mises en appli- cation ; mais le seul remèle radical est la suppression du phosphore blanc. — M. le D° Blocq donne lecture d'un mémoire sur la tarsoptose et la tarsalgie. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance du 26 Février 1897. MM. Ch. Moureu et A. Chauvet ont obtenu directe- ment le parapropénylanisol de Perkin en chauffant un mélange d’aldéhyde anisique, d'anhydride propionique et de propionate de soude. Cette méthode donne de très bons rendements et peut être généralisée. Tous les composés préparés ainsi par les auteurs ont l'odeur d'anis. — M. Etard à reconnu que les chlorophyllanes à l’état de pureté sont incolores; ce sont des carbures, des alcools, des glycérines complexes mais ne renfer- mant pas d'azote. — M. Ponsot a fait de nouvelles déterminations cryoscopiques avec un appareil de M. Raoult. Il croit que la différence entre ses résultats et ceux de ce dernier est due à une différence dans les conditions expérimentales. On ne devrait notamment pas employer d’éprouvettes à gaz comme éprouveltes cryoscopiques. — M. Freundler a essayé de préparer l’amine du furfurane : CH — CH ll HG C—AzH° NPA (9) ar l’action du brome et de la potasse sur l'amide de ‘acide pyromucique (méthode d'Hofmann) ou par la méthode de Curtius en partant de l'hydrazyde corres- pondant à l'acide pyromucique, enfin en réduisant le dérivé nitré correspondant. Cette dernière méthode paraît la seule pratique. M. Chabrié rappelle que les cristaux obtenus par M. Loyer et qu'il avait présentés dans la dernière séance comme étant de l'émeraude orientale, sont en réalité de l'oxyde de chrome cristal- lisé, — M. Nicloux en collaboration avec M. Bariduer, a étudié la distillation de mélanges d’eau et d'alcool renfermant très peu d'alcool. — M. Maumené publie les résultats qu'il a obtenus en étudiant les résidus de la préparation de l’acétylène parle carbure de calcium. On trouve dans ces résidus des diamants microscopi- ques à 48 faces très transparents. — M. Tanret à con- tinué ses recherches sur l'influence des nitrates, sur les coefficients de partage de l'acide azotique entre l’eau et l’éther. Il a opéré avec les mêmes quantités de solu- tion sur 20 nitrates différents. Les coefficients trouvés varient dans de très grandes limites. Ils présentent cer- taines relations numériques remarquables surtout si l’on compare des sels de métaux de la même famille. — M. Friedel présente une note de M. Alberto d’Aguiar et Wenceslau da Silva: Sur la recherche des colorants de la houille dans les vins blancs et la prétendue con- fusion de ces colorants avec les couleurs du caramel. — M. Lefèvre a déposé une note sur la réaction de Schiff appliquée à la fuchsine acide. E. CHanon. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES SCIENCES NATURELLES Maria M. Ogilvie, D. Sc. : Etude microscopique et systématique des types madréporaires de Coraux, — L'étude microscopique détaillée de la surface de la cloison a révélé l'existence de petites écailles disposées REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897. comme les ardoises d'un toit et constituées par des fibres fines d'aragonite, parallèlement disposées ou diver- gentes. Sur les échantillons frais, on pouvait observer en plusieurs cas, outre ces écailles calcaires, des cellules ectodermiques (calicoblastes) qui étaient atta- chées à la surface des cloisons. Heider et d’autres au- teurs ont déjà signalé la présence fréquente d'éléments organisés sur les surfaces squeléttiques. Les écailles observées par l’auteur ont précisément une forme et une taille qui correspondent à celles des calicoblastes et montrent les divers stades qui conduisent de la cel- lule organique à la cellule calcifiée. Il suit de là que le squelette des Madrépores tire son origine d'une véri- table calcification des calicoblastes et non pas, comme Koch le pensait, d’une sécrétion extérieure des cellules, L'auteur a constaté de plus que les écailles calcaires sont disposées en lamelles extrêmement minces et que les fibro-cristaux sont orientés de même dans les lamelles successives. Voici les stades habituels de la formation du sque- lette : 1° Un dépôt calcaire se forme à l'intérieur des calicoblastes de l'ectoderme, dont chacune demeure distincte. En même temps de nouvelles cellules ecto- dermiques se forment au voisinage du mésoglée et celles qui subissent la, calcification deviennent des couches peu denses de tissu à demi calcaire, à demi organique; 2° des dépôts fibro-cristallins d'aragonite se forment à l'intérieur des cellules et les parois des cellules s'atrophient. Il se forme ainsi une lamelle cal- caire continue qui finit par faire corps avec le squelette; 39 la désintégration et la cristallisation continuent après que la lamelle cellulaire a perdu tout contact vivant avec le polype. La désintégration des débris cel- lulaires organiques produit, au milieu du dépôt cris- tallin, des taches et des bandes d'ordinaire charbon- neuses. C'est là l'explication des «raies sombres » et des autres particularités de coloration du squelette. On comprendra facilement la structure fine des cloi- sons en se souvenant qu'elles se forment à l'intérieur des invaginations radiales de la paroi aborale du corps du polype. Les surfaces des cloisons calcaires sont en réalité des moules des deux faces du repli invaginé formant cloison. Lorsque ces faces sont unies, les lamelles calcaires le sont aussi; mais, d'après les obser- vations de l’auteur, il en est rarement ainsi chez les Madrépores récents. D'ordinaire, ces replis sont mar- qués de petites dépressions et gaufrés ; ils ressemblent aux replis froncés du mésentère et les surfaces des cloisons calcaires sont de même alors granuleuses et cannelées. L'auteur a constaté que, dans tous les cas, les calicoblastes calcifiés des lamelles successives se groupent autour de centres de dépôt définis, situés dans le plan médian de la cloison. Les groupes séparés de calicoblastes prennent alors la forme de faisceaux rayonnants de fibro-cristaux d'aragonite, qui se dirigent du centre du dépôt originaire situé dans le plan médian vers la surface de la cloison. L'auteur a donné le nom de fascicules à ces faisceaux fibro-cristallins et à fait voir en quelles relations ils se trouvent avec les acci- dents que l’on observe sur les surfaces latérales des cloisons. L'émergence d'un fascicule donne naissance, à la surface de la cloison, à une granulation. Ces fascicules sont de dimensions variées; un seul fascicule, s'il est grand, correspond d'ordinaire à une seule granulation ; si les fascicules sont petits, plusieurs d'entre eux peuvent, au cours de l'épaississement de la cloison, se réunir en un seul pour former une seule et large gra- nulation noduleuse, La dimension des fascicules indi- viduels dépend de la distance originaire entre les centres de calcification situés aux bords des cloisons: La trabécule (Poutrelle, Edwards et Haime), d’une cloi- son perforée se compose de groupes symétriques de fascicules, disposés en séries verticales. L'auteur a de plus établi que les cloisons décrites par Edwards et Haime comme imperforées et semblables à des feuilles, sont aussi composées de trabécules. Mais les parties individuelles sont formées d’un couple de fascicules 318 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES opposés au lieu d'être composées d'un nombre indé- fini de ces fascicules. La majorité des genres d’Astréides possèdent des cloisons où existent les deux espèces de trabécules. L'auteur applique le terme de trabécule shiple aux trabécules formées de couples successifs de fascicules, parce que l'axe du dépôt est en tout ou en partie commun aux fascicules opposés, et le terme de trabécules composées à celles qui sont formées de groupes de fascicules. Dans le premier cas, on peut considérer le dépôt fibro-cristallin comme bilatérale- ment symétrique dans les deux moitiés opposées d'une cloison; dans le second, le dépôt fibro-cristallin est radiairement symétrique autour d’axes lrabéculaires idéaux dans le plan médian! de la cloison. Chaque membre d'une série successive de couples ou groupes fasciculaires dans une trabécule est appelé par l’auteur un segment trabéculaire (trabecular part, Trabekel- glied). Le fuscicule peut être regardé comme l'unité anulo- mique du squelette coralliaire. Deux ou plusieurs fascicules se combinent pour former un segment trabéculaire. Et les variations dans l'arrangement des segments trabéculaires par rapport les uns aux autres donnent naissunce à ces variétés sans nombre de formes, que l’on retrouve dans le squelette des Madrépores. L'auteur à fait l'étude micros- copique détaillée des genres suivants : 1° Galaxea, Mussa, Heliastræa, Goniastræa, Montlivallia, Thecos- milia ; 2 Fungia, Siderastræa, Lophoseris ; 3° Eup- sammia, Haplaræa ; #° Turbinaria, Actinacis, Madrepora, Porites. Ces recherches lui permettent d'établir que des différences dans la structure des cloisons caracté- risent les différents types de Madrépores. Elles portent sur la structure microscopique des trabéeules et leur arrangement dans le plan d'une cloison. L'auteur à observé sur des sections de types récents qu'une plus grande quantité de matière cellulaire organique se retrouvait d'ordinaire vers le plan médian plus que vers les surfaces latérales. Il attribue ce fait à la plus grande rapidité de la sécrétion calcique et à la moins complète calcification des ealicoblastes qui se trouvent au double bord supérieur des cloisons invaginées. Chez les fossiles, des changements secon- daires ont rendu plus ou moins visible la structure de cette partie centrale de la cloison : les produits orga- niques ont disparu et parfois ont été complètement remplacés par des sels infiltrés. L'auteur soutient éner- giquement qu'il n'y à aucune base à la supposilion de l'existence d'une cloison primaire dans le plan médian d’une cloison, au sens où cette idée est acceptée par la plupart des paléontologistes. Tout au contraire, les sections de l’auteur montrent que la structure fibro- cristalline de la cloison est la même dans toute son épaisseur, et qu'elle consiste essentiellement en un double système de lamelles calcaires minces, unies ou cannelées, qui correspondent à un dépôt formé par les deux replis opposés d'une invagination. Les recherches de l'auteur lui ont fait découvrir de nouveaux faits de structure microscopique, qui montrent que. l'accroissement en hauteur du polypier se fait par périodes séparées par des phases de repos. Pendant chaque période d'accroissement, il se dépose un cer- tain nombre de lamelles calcaires, « lamelles d’accrois- sement », qui sont toujours en union intime les unes avec les autres. Des courbes ou lignes d’accroissement régulières se voient nettement sur les surfaces des cloisons et marquent les intervalles qui séparent les périodes d'accroissement successives. L'espace compris entre deux courbes d’accroissement sur la surface de la cloison représente la portion de cloison qui s'est formée pendant une période d'accroissement et l'auteur l'a appelée segment d'accroissement. Une observation importante, c'est que la longueur ajoutée à une trabé- cule pendant une période d’accroissement est toujours un segment trabéculaire (trabecular part) ; cette longueur varie d’une trabécule à l’autre dans la même cloison; elle est la plus grande dans les parties externes au voisinage de la paroi. Des granulations se remarquent sur les surfaces des segments trabéculaires. Edwards et Haime ont appliqué le terme de synapticules aux barres intercloisonnaires dans le genre Fungia et les genres apparentés et ont décrit les synapticules comme formées par la coalescence de granulalions provenant des surfaces opposées de cloisons voisines. L'auteur démontre que dans les Fungia, les gravulations se trouvent rarement dans les logettes intereloisonnaires. Un dépôt calcaire continu se forme dans une invagina- tion spéciale des parties intercloisonnaires de la paroi aborale du corps. Cette observation, rapprochée d'un certain nombre d'autres faites sur divers types synapli- culés, à conduit l’auteur à accepter une distinction faite par Pra!z et qui n'était plus admise. Pratz constata que les Fungides fossiles qui appartiennent à la sous- famille des Thamnastræinées ont des synapticules formées par coalescence de granulations, etilleur donna le nom de pseudo-svnapticules. Il réserva le nom de synapticules vraies à celles qui se sont formées autour de nouveaux centres de dépôt, hors du plan cloison- naire. Il les a trouvées dans le genre Siderastræa, mais il n’a point examiné d'autres genres appartenant aux familles des Funginés et des Lophoserinés. L'auteur à constaté que les pseudo-synapticules ne se retrouvent pas seulement chez les Thamnastræinés, mais aussi chez les Funginés, les Lophoserinés, et parfois chez les Astræidés et les Eupsammidés. Les synapticules vraies, au contraire, apparaissent prinei- palement chez les Funginés et les Eupsammidés, rare- ment chez les Lophoserinés, et jamais chez les Astræi- dées. L'auteur regarde les synapticules vraies comme des structures basales représentant des dissepiments modifiés. L'avantage des synapticules pour le polypier consiste en ce qu'elles constituent un support basal sur lequel les parties charnues et les logettes (loculi) mé- sentériques peuvent se recourber et grâce auxquelles elles peuvent se continuer jusqu'à une certaine profon- deur. L'auteur, en signalant ces faits, fait remarquer l'analogie qui existe entre le système viscéral canali- culé interne ainsi produit, et le système canaliculé externe que réalise un cœnenchyme poreux dans les colonies de Perforés. En même temps il combat l’opi- nion généralement acceptée que les types synapticules ont une plus étroite parenté avec les Madrépores, les Porites, etc.; les parties squelettiques en effet présen- tent de nombreuses et importantes différences de struc- ture, et le cœnenchyme poreux n’est d'aucune manière l'homologue du calice synapticulé,. Il n'y à pas de différence essentielle au point de vue de leur structure microscopique entre les cloisons (septa), les côtes (costæ) et la paroi, mais l’auteur a trouvé utile pour d'autres raisons de réunir dans son ouvrage les cloisons et les côtes sous le nom commun de structure radiale, tandis qu'il appliquait à la paroi celui de structure tangentielle. Les dissepiments, les planchers (tabulæ), les synapticules vraies et certaines espèces de columelles sont regardées par lui comme des structures basales. La structure microscopique des dissepiments et des plan- chers «st la méme. Les uns et les autres sont composés de séries de lamelles d'accroissement calcaires dépo- sées à une surface seulement de la paroi aborale du polypier. Le dépôt fibro-cristallin est donc perpendi- culaire au plan de contact entre le polype et le sque- lette. La distance d'une rangée de dissepiments à celle qui est située immédiatement au-dessus, coïncide chez tous les Astréides typiques avec l'intervalle qui existe entre deux lignes d'accroissement sur la surface eloison- naire. On en peut déduire que le polypier dépose pour lui-même un nouveau support basal à la fin de chaque période d'accroissement. Le solide dépôt calcaire (appelé habituellement stéréoplasme ou endothèque) qui se trouve à la base des calices courts et simples de la plupart des Turbinolides, a la même structure micros- copique que les planchers et les dissepiments et n’en diffère que par le fait que les nouveaux groupes de lamelles d’accroissement sont toujours exactement opposés à ceux qui les ont précédés. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES em L'aire columellaire ou pseudo-columellaire des Madré- joraires récents est considérée par l’auteur comme tent morphologique de l'aire tabulaire de la plupart des Madréporaires palæozoïques. La columelle vraie, styliforme ou fasciculée, des Turbinolia et genres apparentés est, au point de vue de sa structure, un dépôt basal et peut être considéré comme une modification des planchers qui se sont recourbés en voûte ou entrelacés. La pseudo-columelle est une struc- ture complexe où des dents ou excroissances cloison- naires s'unissent à un dépôt basal irrégulièrement dis- tribué: elles s'annoncent déjà dans l’entrelacement occasionnel des épines où extrémités internes des eloi- sons à l’intérieur de l'aire tabulaire de certains genres palæozoïques. La columelle lamellaire présente un intérêt spécial, l'auteur la considère comme un rudi- ment d'une cloison principale disparue qui constitue- rait un lien phylogénétique important entre la symétrie tétramérale et la symétrie radiale des cloisons partout où elles se rencontrent. On constate actuellement des différences considé- rables dans l'emploi chez les auteurs des termes « thèque » et « épithèque ». M“ Ogilvie accepte les termes de pseudothèque pour désigner une paroi formée par l’épaississement latéral des cloisons et d'euthèque ou simplement de thèque pour désigner une paroi où des centres de dépôt indépendants se sont formés. (Heider et Ortmann). Les sous-ordres d'Ort- mann : Euthécaliens, Pseudothécaliens, Athécaliens sont cependant considérés par l’auteur comme repo- sant sur un principe erroné, puisque tous les types à muraille poreuse sont placés parmi les Athécaliens. La parasité est regardée par l'auteur comme un caractère secondaire ; la muraille poreuse peut être l'équivalent morphologique soit d’une pseudothèque, soit d’une euthèque. Une objection plus sérieuse encore à faire à l'existence de ces sous-ordres, c'est que tous les Tur- binolides ne possèdent pas d'euthèque, ni tous les Astréides de pseudothèques, comme le croit Ortmann, mais que dans ces deux familles, il y a des types où le seul soutien périphérique est fourni par l'épithèque. L'auteur est porté à croire que c'est là la forme primi- tive du calice des Madréporaires et à considérer la thèque et l'épithèque comme des formations ulté- rieures dont l'apparition est liée à la régression de l'épithèque, à la saillie plus forte et à la plus rapide croissance des cloisons et très souvent aux processus du bourgeonnement végétatif. Certaines coloniescænenchymateuses(Madréporaires, Turbinariés, etc.), l'auteur l’a montré, présentent la structure thécale et cloisonnaire des Turbinolidés; le calice n'offre pas d’autres structures basales que la columelle. Cela jette une nouvelle lumière sur la pa- renté de ces types et fait ressortir leurs affinités natu- relles très marquées avec les Turbinolidés, ainsi que celles des Oculinidés et des Pocilloporidés avec le même groupe. Le cœnenchyme de ces colonies est regardé par l’auteur comme le développement d’un dépôt primitif extra-cilicanal autour des polypes sépa- rés. Baune, en lun de ses mémoires, indique le carac- tère épithécal possible du cœnenchyme en certains de ces types. Pour éclaircir la nature des portions exothécales (costate) des colonies d’Astréides et de Fungides, l’au- teur établit l'homologie exacte des parties du squelette dans les calices des Cyathophyllides anciens et des Astréides et Fungides récents. La pseudothèque qui apparaît dans le genre Acervularia et dans d'autres types de cyathophyllides sépare l'une de l’autre dans le calice et les cloisons une aire interne et une aire externe. L'exacte contre-partie de cette disposition est présentée par le genre Héliæstræa. Dans ce genre la pENe interne seule porte le nom de calice, tandis que aire externe est considérée comme une aire extra- calicinale. C’est sur cette aire externe que la zone de bordure (Randplatte) repose chez le polype vivant. D'après l’auteur elle présente des replis et des loculi 319 mésentériques tout simplement parce qu'elle était ori- ginairement une partie inhérente du polypier. Il est clair que ces parties exothécales des colonies d’Astræides ont une évolution absolument différente du cœænen- chyme des Pocilloporidées où le polypier n'est point entouré d'une zone de bordure. De cette différence entre des types récents de colonies l’auteur remonte à la différence, déjà bien marquée,-qui séparait chez les Madréporaires siluriens lesCyathophyllides des Zaphren- tides typiques : chez les premiers une large zone ex- terne calicinale à base dissepimentique entoure une aire tabulaire interne, chez les seconds cette zone externe n'existe pas. L'auteur a constaté que les familles de la classifica- tion d'Edwards et Haime doivent recevoir des modifica- tions considérables, Il n’examine ici qu'une ou deux des plus importantes que nécessitent la structure microsco- pique des cloisons et d'une manière générale la mor- phologie du squelette. La famille des Astræidés (E. H.) formait deux sous-familles principales : les Astræinés et les Eusmilinés; les premiers sont pour l’auteur les seuls véritables représentants des Astréidés, la seconde fa- mille est complètement détruite; les genres Trochos- milia, Placosmilia et les genres apparentés sont placés dans la famille des Turbinolidés; les genres Rhipido- gyra, Pectinia, Dendrogyra, Euphyllia et un grand nom- bre de genres fossiles sont placés dans la famille nou- velle des Amphiastræidés constituée par l'auteur. Les représentants mésozoïques de cette nouvelle famille sont les descendants directs, constructeurs de colonies, des Zaphrentides palæozoïques, tandis que les Turbino- lidés sont considérés comme des coraux simples descendant de la même famille paléozoïque. Le groupe auquel appartient le genre Stylina de la famille des Eusmilinés (E. H.) forme une nouvelle famille, celle des Stylinidés qui est intermédiaire entre les Astræi- dés et les Amphiastræidés. Le genre Galaxea est re- gardé comme un proche allié des Stylinidés; en dépit de quelques traits divergents, l'auteur le range provi- soirement dans cette famille. Il ne laisse point non plus subsister le groupe des Madréporaires perforés d'Edwards et Haime. Les Eupsa- midés montrent d’évidentes affinités avec les Funginés et ces deux familles ainsique l'Astræidésetles Stylinidés ont dérivé leur structure de types palæozoïques appar- tenant à la famille des Cyathophyllidés dans tous ses types. La structure trabéculaire de la cloison atteint un haut degré de différenciation qui apparaissait déjà dans les plus avancés des types paléozoïques. Les Madrépo- ridés (Turbinaridés et Madréporinés) (£. H.) sont placés au voisinage des Pocilloporidés et des Oculinidés; leur structure cloisonnaire simple rappelle les {types primi- tifs de cloisons présentés par les Zaphrentidés palæozoï- ques et les groupes apparentés. Les Poritidés bien qu'ayant cerlains traits en commun avec les Madrépo- ridés en diffèrent essentiellement au point de vue de la structure de la cloison et sont considérés comme un groupe de Madréporaires qui s'est détaché à une époque très ancienne de la souche ancestrale principale des Zaphrentidés et qui a suivi uve ligne de développement indépendante. Les recherches de l’auteur conduisent inévitablement à la conclusion que le sous-ordre des Madréporaires rugueux constitué par Edwards et Haime isole arti- ficiellement les Madréporaires palæozoïques et les sous-ordres récents des Madréporaires apores et des Madréporaires perforés. Dans la seconde partie du pré- sent mémoire, l'auteur détruit ces trois sous-ordres et suit l’évolution des Madréporaires à la lumière des ré- sultats morphologiques généraux auxquels il est arrivé dans la première partie de ce travail. Les termes em- ployés par Heckel de Tétracoralliaires pour les Madré- pores rugueux et d'Hexacoralliaires pour les Madrépo- raires apores et perforés ne sont qu'une expression plus énergique de la convention admise par Edwards et Haime et qui fait reposer la classification sur la symétrie tétramérale et hexamérale des cloisons. Et # ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES bien que plusieurs auteurs aient de temps en temps montré combien il convenait peu de faire reposer des subdivisions sur la symétrie cloisonnaire, rien de plus n'avait été fait. L'auteur partant des résultats auxquels il est arrivé par ses propres recherches retrace la série des changements qu'a subis le groupe des Madrépo- raires pendant le cours des âges géologiques. Voici brièvement énumérés les plus importants d'entre eux: 4° Les planchers (tabulæ) subissent au centre des mo- difications qui les transforment en collumelle et pseudo- collumelle, plus rarement ils deviennent vésiculaires. 20 Au lieu quil se produise de une à quatre dé- pressions basales (fossulæ) pour la réception de fila- ments mésentériques reproducteurs spécialisés, toute la base du calice se creuse d'ordinaire autour de la collumelle ou pseudo-collumelle axiale. 3° Les cloisons deviennent saillantes; leur structure devient plus compliquée, leurs surfaces sont canelées et richement granulées, leurs bords bossués, dentés, dentelés, épineux. 4° L'épithèque rugueuse croît plus lentement et est remplacée fonctionnellement par une thèque ou pseudo- thèque. 52 L'accroissement végélalif est facilité par la spécia- lisation d'une zone de bordure autour du polypier, représentée par la portion exothécale d’un calice ou son ancienne homologue, la zone dissepimentique périphé- rique des Cyathophyllides. 60 L'insertion pinnée des cloisons que Kunth a mise en évidence dans lescoraux primitifs devientgraduellement un trait de structure des calices embryonnaires, mais les replis mésentériques embryonnaires apparaissent dans les types récents dans le mème ordre tétraméral que les calices adultes des types primitifs. La disparition de l'insertion pinnée comme caractère générique n’entraîne pas nécessairement la disparition d'un arrangement tétraméral ou pour mieux dire bilatéral des eloisons; elle signifie simplement l'insertion plus précoce des cloisons, leur position relative étant souvent conservée même dans les formes adultes. Un grand nombre de types récents d'ailleurs, dont les cloisons présentent dans les calices adultes une symétrie radiaire, offrent, chez les individus jeunes, une symétrie bilatérale bien marquée. Toutes ces modifications ne sont pour l’auteur que des adaptations corrélatives d’un grand et dominateur changement dans le polypier vivant: l'accroissement du nombre de replis mésentériques, porteurs d'éléments sexuels et l'accroissement de la musculature de ces replis, c'est-à-dire un accroissement du pouvoir de défense et de reproduction. L'évaluation des familles récentes de Madréporaires à partir des types anciens est tout entière sous la dépen- dance de ce changement primordial. La loi générale du raccourcissement des stades de développement chez l'individu a combiné son action avec celle de cette ten- dance et l'insertion pinnée des paires cloisonnaires s'est de plus en plus modifiée jusqu’à aboutir à un type cyclique d'insertion. L'auteur invoque en faveur de son opinion le fait que les conditions défavorables à l'exis- tence des coraux qui ont prévalu en Europe pendant les périodes carbonifère supérieure, permienne, tria- sique et liasique, peuvent avoir donné une impulsion considérable à ee changement évolutif, changement qui a toujours été s'accentuant et qui continue à se mani- fester dans ces familles des Astræidés, des Eupsam- midés, des Oculinidés, etc. I n'y a pas pour l'auteur de plus grave erreur que de croire qu'un changement universel s'est produit dans les Madréporaires à la fin de la période paléo- zoïique et avant l'ère mi-triasique. La même direction peut se constater dans l'évolution de tout ce groupe des Madréporaires, Les Cyathophyllides palæozoïques présentaient déjà uné réelle précocité de transforma- tion; de là, la haute différenciation des Astræidés, des Eupsammidés et des Fungidés dès la période méso- zoïique. D'autre part, les Zaphrentidés palæzoïques et leurs descendants à la période mésozoïque étaient re- marquablement en retard dans leur évolution, et c’est chez leurs représentants récents que se retrouvent principalement des formes et des structures primitives. La régression et l'atavisme se montrent naturellement à des degrés divers dans toutes les familles et dans au- cune d'elles ils ne sont plus marqués que chez les Tur- binolidés, la famille la plus étroitement alliée aux Zaphrentidés anciens. L'auteur propose un nouveau système de classifica- tion des Madréporaires qu'il partage en un certain nom- bre de familles indépendantes de rang égal. Ce système repose sur les particularités de la structure du sque- lette, les faits d'anatomie connus et les relations phy- logénétiques. Les familles sont groupées comme suit : Familles Zaphrentoïidiennes : Zaphrentidés, Amphias- træidés, Turbinolidés, Stylinidés, Oculinidés, Pocillopo- ridés, Madréporidés, Poritidés. Familles Cyathophylloïdiennes : Cyathophyllidés, As- træidés, Fungidés, Eupsammidés, SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 26 Février 1897, M. J.-H. Vincent : Photographie des ondulations. L'au- teur s'est servi du mercure dans ses expériences. Les vibrations du mercure au nombre de 200 par seconde engendrent des ondulations dont la propagation dépend de la tension superficielle; on les appelle ondulations capillaires. Leur vitesse est de l’ordre d'un pied par seconde ; elles sont invisibles à cause de leur haute fré- quence et leur examen exige une méthode optique. M. Vincent a obtenu des photographies de la surface ondulée du mercure par l'illumination subite due à l’étincelle électrique; celle-ci a un demi-centimètre de longueur et dureun deux-cent-millième deseconde. Une lentille transmet la lumière incidente, et une autre converge la lumière réfléchie par la surface du mercure dans une chambre photographique. Les ondulations sont produites par un style attaché à un diapason; le diapason peut être mis en vibration continue par un trembleur électrique. Une première photographie montre une série d’ondulations circulaires produites par un diapason vibrant 180 fois par seconde. Des points, fixés à des distances connues au-dessus de la surface du mercure, permettent de déduire des photo- graphies les longueurs d'onde, et, au moyen de la fré- quence, la tension superficielle. Dans une seconde photographie, deux styles étaient fixés au même dia- pason. Des lignes sombres partent de la région située entre les centres d'oscillations : ce sont les lignes de perturbation minimum, hyperboles, dont les foyers sont les centres de mouvement. Une troisième photographie montre la formation d'ellipses de perturbation ; ces el- lipses sontles lieux d'intersection de deux séries de cer- cles correspondant aux deux centres de vibrations. Con- trairement aux hyperboles, ces ellipses ne sont pas fixes, mais s'éloignent des centres. Pour rendre ces ellipsesstationnaires, il estnécessaire de changerune des sources en une dépression contre laquelle lesondulations circulaires puissent converger. Les phénomènes d’in- terférence et de diffraction sont visibles dans la photo- graphie d'une source ponctuelle et d'une ligne réfléchis- sante. D'autres photographies montrent des exemples d'aberration sphérique et de vibrations foreées. M. V. Boys félicite l'auteur des difficultés qu'il a surmontées et pense que de telles photographies sont bien préfé- rables aux dessins géométriques obtenus au moyen des instruments enregistreurs. Le Directeur-Gérant : Louis OLivier. Paris.-=— L. MARErHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. 8° ANNÉE N° 8 30 AVRIL 1897 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Distinctions scientifiques Le cinquantenaire de H.-C. Sorby. siciens, chimistes et métallurgistes s'associeront de tout cœur au juste et touchant hommage que la Lite- rary and Philosophical Sociely de Sheffield s'apprète à rendre à l'un des plus glorieux enfants de cette grande cité. IL y aura, cette année, cinquante ans que le De H.-C. Sorby F.R. S. entreprit de fonder l'étude mi- croscopique des alliages. La Société voudrait, à l'occa- sion de cel anniversaire, offrir à l'illustre inventeur son portrait, et elle ouvre dans ce but une souscrip- tion. Les cotisations devront être adressées au trésorier, —_— Phy- La médaille d’or de la Société Géologique de Londres. — Les géologues et paléontologistes du Continent apprendront avec plaisir que la Société Géo- logique de Londres vient de décerner sa grande mé- daille d’or à Me John Gordon (Miss Ogilvie), pour son heau travail sur les types madréporaires de Coraux, auquel, en raison de sa grande importance, nous avons consacré un long article dans la dernière livraison de la Revue (numéro du 15 avril, p. 317, 318, 319 el 320). $S 2. — Nécrologie Morvan. — Le docteur Morvan est mort il y à quelques jours. Bien que son nom n'ait guère franchi les conlins du monde médical, il nous semblerait in- juste qu'il ne figuràät pas dans cette Renue, où tout sa- vant a droit à sa part d'honneur. Pralicien exercant modestement son art dans un canton du Finistère, à Lannilis, Morvan eut le bonheur d'illustrer son nom par une découverte c linique insigne. Depuis quinze ans, la pathologie nerveuse compte parmi ses types © liniques les mieux définis la maladie de Morvan. E tudié e par les neuropalhologistes les plus considérés, cette affection, si elle a perdu le caractère d'entité morbide ciale qu'on lui attr e pendant les quelques années qui suivirent sa description, n'en reste pas moins un syndrome remarquable dans certaines altérations limitées aux nerfs périphériques ou bien dérivant d’une 1897. Spé- REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, origine médullaire. Ce fut en 1883 que Morvan décrivit une maladie caractérisée par l'apparition suc- cessive de panaris multiples, entrainant la nécrose des phalanges, des déformations définitives des extrémités digitales, s'accompagnant d'atrophie musculaire de la main et du membre supérieur, de troubles de la sensi- bilité tactile et thermique. Ces panaris sont indolores. La sensibilité à la douleur à disparu si complètement qu'on peut les opérer sans provoquer de souffrance. Au début, ce fut là le trait Le plus saillant de cette affection, que Morvan dénomma « parésie analgésique à panaris ». Les années suivantes, les signes cliniques de cette maladie furent complétés tant par Morvan lui-même que par d’autres observateurs. Puis les constatations analomo- DAPGIPBRUES montrèrent des lésions des nerfs périphériques et des altérations de la moelle, là où précédemment Morvan, par la seule perspicacité de son Jugement, en avait indiqué le siège. Mais on entra alors dans une période de discussion sur l’individualité pro- pre de la maladie. On vit que la paréso-analgé sie des extrémités supérieures avec panaris existait dans cer- taines maladies de la moelle, dans la syringomyélie (cavité creusée dans la substance de la moelle). Les travaux cliniques et anatomiques ultérieurs et surtout ceux de Joffroy et Achard ont définitivement établi la réalité d'une forme de la syringomyélie où se présente le syndrome de Morvan. Ces dernières années encore, Zambaco à avancé que la maladie de Morvan était une variété de lèpre nerveuse : hypothèse que confirment un cas de Pitres avec présence des bacilles de la lèpre dans un nodule névritique et l’endémicité de la ma- ladie de Morvan en certaines contrées de la Bretagne. Ces diverses constatations n’enlèvent rien au mérite de Morvan, ni à l'importance de sa découverte. Les faits observés par lui sont d'une rigoureuse exactitude. Et, s'il ne semble pas qu'il y ait une véritable maladie de Morvan, au sens spécilique du mot, il y a certaine- ment un ensemble de symptômes, un syndrome de Morvan, unanimement admis et reconnu comme l'effet de lésions nerveuses de nature variée. Les descriplions du médecin de Lannilis, en perpétuant son nom, sub- sisteront inattaquables dans leur vérité d'observation. D' A. Létienne. 5 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $S 3. — Génie maritime Le Travailleur sous-marin.—Les scaphandres et cloches à plongeurs — seuls engins dont on dispose actuellement pour descendre dans la mer — ne per- mettent pas de dépasser des profondeurs de 30 à 40 mètres: au delà, la pression mettrait en péril la vie humaine. Aussi quantité de navires échoués en mer à une cinquantaine de mètres de profondeur, —el même visibles à la surface, —restent-ils hors de notre portée. A fortiori, semblaient condamnés à un éternel abandon la pression, et disposée de telle façon que ses habitants puissent, d'une part, voir ce qui se passe en dehors de leur demeure provisoire, et, d'autre part, rester en com= municalion téléphonique constante avec le navire. Ce navire est pourvu, en outre, d'engins de préhension que ses marins dirigent sur le vaisseau naufragé, suivant les indications des ouvriers descendus dans la boule à proximité de l'épave. La conception semblait facile. Il était moins aisé de la mettre pratiquement à exécution. Nous pensons tou tefois que l'inventeur y a réussi, car il vient de sou 4 Fig: remorqueur. fragé les nombreux bâtiments gisant à de plus grandes pro- fondeurs et qui échappent complètement aux vues les plus perçantes. Il y aurait cependant un grand intérêt à récupérer du fond des océans les navires qui y ont coulé à la suite de naufrages. Des trésors considérables et extrèmement nombreux, dispersés sous toutes les latitudes, seraient ainsi subitement mis au jour. Le comte Piatti dal Pozzo s'est posé ce problème et a imaginé, pour le résoudre, l'appareil que nous allons décrire (fig. 4 à 5). L'idée directrice de l'inventeur a été de munir le bateau destiné à l'exploration des fonds de mer, d’une boule d'acier complètement close, susceptible de conte- nir plusieurs hommes, d'être descendue très profondé- ment dans l’eau (fig. 4) sans s'aplatir sous l'effort de 1. — Le Travailleur sous-marin plongeant à 100 mètres au-dessous de son remorqueur. — A la Au fond de l’eau, Travailleur avec des engins de locomotion et de préhension : à côté de lui, navire nau- saisi par la pince à crémaillère et éclairé par la lampe électrique reliée au remorqueur. surface, batiment mettre son appareil à une série d'épreuves qui, bien qu'encore insuffisantes, imposent néanmoins l'examen de son système. La pièce principale de ce système est la boule creuse dont nous venons de parler. L'auteur lui donne lenom de Travailleur sous-marin. Il a choisi la forme sphérique parce que c’est celle qui résiste le mieux à la pression. La coque est épaisse de 4 centimètres ; elle offre 3» 50 de diamètre intérieur, el se compose de deux hémisphères étroitement unis, doni la surface est exac- tement polie au tour (fig. 5). Cet engin, dont la figure 2 représente la coupe ver- ticale, la figure 3 la coupe transversale et la figure 4 carcasse, est muni extérieurement de trois hélices — une en arrière (B, fig. 2 et 3) et deux latérales (A et C, CHRONIQUE ET CORRESPONDA fig. 3) — ainsi que d'un grand gouvernail fixe à large safran (D, fig. 2), sorte de queue de poisson rigide des- tinée à lui donner de l'assiette et à régulariser les mou- vements de déplacement en empêchant l'affolement. L'hélice-arrière permet d'effectuer les mouvements en avant ou en arrière et, suivant que l’on fait marcher l'une ou l’autre des hélices latérales, on oblient un mou- vement de virage à droite ou à gauche. Sur les flancs du Travailleur sous-marin et diamétra- lement opposées, sont fixées des caisses à renverse- ment (E, L', fig. 3), remplies de lest (sable ou cailloux) que l'on peut vider au moyen d'un volant intérieur CE 323 actionnée de l'intérieur sur l'ordre du commandant, lequel, au travers des hublots, suit tous les mouvements de la pince. L'ensemble de l'engin pèse environ 10 tonnes, ycom- pris un bâti extérieur en bois (fig, #) formant un large treillis en charpente, destiné à protéger la coque contre les chocs imprévus et aussi à porter et fixer divers appareils accessoires (fig. 1). Un cäble d'attache, enroulé sur un treuil, soutient le Travailleur sous-marin à l'état captif sur les flancs du navire remorqueur. Ce câble le fait descendre à la pro- fondeur voulue, selon l'ordre que le commandant, ins- Fig. 2 et 3. — Délails de l'intérieur du Travailleur sous-marin. — Fig vernail: K, pince dirigeant le crochet relié 3 au remorqueur et destiné à agripper compartiments que sépare une cloison verticale. Dans celui de gauche Coupe verticale optique. B, hélice-arrière ; D, gou- l'épave. La coupe montre les deux : hommes de manœuvre; L, dynamo; N, bâtis supportant le volant qui actionne la pince K: dans celui de droite, observateur cherchant l'épave et communiquant par téléphone avec le remorqueur. — Fig. 3. Plan horizontal : À et C, hélices latérales ; engrenage permettant de commander de bours sur lesquels s'enroulent les cordes supportant les poids morts (I fig. à renversement remplies de lest: G, agissant sur les caisses basculantes d'angle (G, fig. 3). Normalement au diamètre de ces caisses, se trouvent deux tambours (H, H!, fig. 3 et 4) sur lesquels s'enrou- lent des cordes supportant des poids morts que l’on peut descendre au fond de l’eau quand on en est assez rapproché (I, fig. 4); on allège ainsi la sphère plon- geante, qui devient captive à la manière d'un ballon muni de guideropes à poids traînants. Enfin, à la partie inférieure de l'appareil, se trouve une pince à crémaillère (K, fig. 2, 3 et 4). Cette pince est par des engrenages B, hélice intérieur le renve : &, Let N, rière; EE', caisses sement: I, H, tam- comme ci-dessus. L 1 \ + tallé dans la chambre sous-marine (fig. 2), transmet au remorqueur par un lil téléphonique placé dans le câble de suspension. Ce câble sert aussi à transmettre la puis- sance motrice fournie par des générateurs électriques placés à bord. L'intérieur du Travailleur forme une grande chambre sphérique munie d’un plancher à la partie inférieure et divisée en deux parties inégales par une paroi ver- ticale (fig. 2). La plus grande de ces deux chambres sert aux moteurs et appareils destinés à actionner les hélices et 324 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE la pince à crémaillère. Trois dynamos (L. fig. 2 et 3) | de lest. Le sous-marin délesté acquerrait aussitôt une commandent séparément chacune des hélices À, B, G. | certaine force ascensionnelle qui le ferait émerger. Des accumulateurs électriques tenus en réserve, Cet appareil, construit par M. A. Delisle, constructeur servent, en cas de besoin, à suppléer à la puissance | naval à Vitry-sur-Seime, a été mis sur chantier le 45 dé- motrice fournie par le remorqueur de surface au cas où | cembre 4896 et sera terminé vers le 10 mai prochain. le câble viendrait Les essais auront lieu, en petit, en à se rompre. D Seine, puis repris et exécutés en grand Au milieu du cl E à Brest et au Havre. plancher se trou- / L Des démarches sont faites auprès de ve un bàli (N, | : ; l'Etat en vue d'obtenir un chaland pour exéculér les essais. On à apporté dans la construction du nouvel engin le plus grand soin etila À \ été établi pour pouvoir descendre et u ai \ manœuvrer jusqu'à une profondeur de ES 500 mètres. Il M. Piatti dal Pozzo, qui portant un volant horizontal et sa transmission pour actionner la pince à crémail- fig. 2 et 3) sup- |! | lère K. Enfin,une | = à x à c = IN E échelle (fig. 2) | \ ; JE ON est déjà descendu dans un permet de des- N appareil de ce genre, mais se Fe és È H \ moins bien construit et rieur du Travail- < Y À moins perfec- leur un NT / N \ tionné, Ne par un (trou & Ll S Z N N une profondeur d'homme situé à {l ( N S K de 165 mètres a - Ne : : la partie supé- à ù - dans la baie de rieure de Ja 7 Civita-Vecchia sphère. en 1893, compte La plus petite des cham- LITE ce : 6 pouvoir descen- bres sert de poste d'obser- )) | he o re tee support D la sphère ne dre, sans difi- valtion et de comimi: nde- ” ravatillieur.— D, nè Ice-arTlere ; ñ gouvernal 4 , L à TE . oil \ KZ À H, tambour sur lequel s'enroule la corde sup- o qe red a MANCHE IAE portant le poids mort 1; K, pince à crémaillère. P USTEUTS MCE lenticulaire et à un télé- nes de mètres et phone qui transmet les or- y manœuvrer dres en haut. Au cours .des explorations et pêches | avec une facilité parfaite et une sécurité absolue. sous-marines, le remorqueur doit projeter autour du G.-L. Pesce, Travailleur sous-marin une vive lumière. Aussi descend- Ingénieur des Arts et Manufactures. il sur les fonds à proximité une forte lampe électrique : RSS (fig. 1 et 2). SA , $ 4. — Chimie En outre, des câbles munis de grappins sont aussi, Fermentation alcoolique par action dias- quand il y a lieu, descendus des flancs du navire: ils | tasique? — Sous ce titre, M. Büchner publie! d’in- téressantes expé- riences qui ten- dent à prouver l'existence, de- puis longtemps soupconnée,mais jamais démon- trée jusqu'ici, d'une diastase al- coolique. M. Büchner broie la levure fraiche en la mé- langeant avec du sable quartzeux et de la terre d'infusoires. Le magma qui ré- sulte de cette tri- turation est placé dans un linge el soumis à une pression de 400 à 500 atmosphè- res. Le liquide exprimé, filtré à plusieurs repri- sont guidés etmis en place par le Travailleur sous- marin, lequel n’a pas besoin, dans ce cas, d’avoir un mouvement pro- pre de déplace- ment. C'est le remor- queur qui le con- duit en avant ou en arrière, et ce n'est que Jors- qu'il se frouve à proximité du lieu àexplorer,etsur- tout de l'épave à récupérer qu'il se sert de ses hélices pour ap- procher davan- tage et surtout pour tourner sur lui-même. Dans le cas où, pour une cause Fe ; , : : quelconque MMS Polissage du Travailleur sous-marin. — Ce polissage est exécuté au es pour le dé- T tour, après la jonction des deux hémisphères, et s'opère sur leur ligne de ee ; âäble de suspen- J s à : £ L barrasser des ma- suture et sur tout le reste de leur surface. tières en suspen- sion viendrait à sion, est clair, de se rompre, le bal- lon caplif sous-marin ne serait pas pour cela en perdi- | couleur jaune, légèrement opalescent, doué d'une tion. Se trouvant en équilibre entre deux eaux comme | agréable odeur de levure. Ce liquide contient jusqu'à à l'état captif, il continuerait à flotter en changeant de | 40 °/, d'extrait see. Si on le chauffe, il laisse déposer niveau. | des flocons albumineux insolubles dès la température . Pour le faire remonter à la surface, on n'aurait qu'à | ——— - == vider les deux caisses basculantes(E, E', fig. 3) remplies | 1 Berichte der deulschen chemischen Gesellschaft. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE Co Lo ce de 35° à 40° et donne naissance, avant la température d'ébullition, à la formation d'un coagulum extrème- ment abondant. Lorsqu'on mélange ce sue de levure avec son volume d'une solution concentrée de saccharose, de dextrose, de lévulose où de mallose, on observe, au bout d'un quart d'heure à une heure, un dégagement régulier d'acide carbonique, qui peut continuer pendant plu- sieurs jours, en même temps qu'il se forme de l'alcool et qu'une partie du sucre disparait; il y à donc fer- mentalion alcoolique sans cellules de levure. Dans l’une des expériences rapportées par M. Büchner, il y eut 3 gr. 3 d'alcool produit en trois jours, pour 150 gra m- mes d'une solution de saccharose à 37 °/,. Le pouvoir ferment du suc de levure s'exerce encore à la température de la glacière; il disparaît au bout de cinq jours dans le liquide conservé, même à basse tem- péralure. Il se retrouve, mais diminué, après passage du liquide à travers un filtre de Berkenfeldt. L'auteur n'a pas encore pu s'assurer si le liquide dialysé reste actif. Lorsque l'on coagule le suc de levure par la cha- leur, le liquide clair, filtré, a perdu le pouvoir ferment; d'autre part, si l’on y produit un précipité par l'addition d'alcool et que l’on redissolve ce précipité dans l’eau, la liqueur filtrée est sans action sur le saccharose. S'il s'agit réellement d'une zymase, il faut admettre, avec M. Büchner lui-même, que cette zymase s'éloi- gnerait beaucoup, par ses propriétés physico- chimiques, de toutes les diastases que nous connaissons, et qu’elle se rapprocherait singulièrement des matières albumi- noïdes et du protoplasma vivant, On peut même se demander si les faits observés ne seraient pas simplement dus à la présence, dans le liquide de M. Büchner, de débris protoplasmiques assez fins pour passer à travers les filtres. Il est certain que la division mécanique de la cellule, poussée aussi loin qu'on voudra le supposer, ne suspend point les phéno- mènes de nutrition intra-moléculaire. Ceux-ci ne s'arrêtent qu'avec la vie. L'opalescence du suc obtenu par M. Büchner sous une pression de 500 atmosphères, sa haute teneur en extrait et surtout la disparition spontanée du pouvoir ferment au bout de cinq jours, même à la glacière, semblent donner un appui à l'hypo- thèse que nous émettons. Pour lever tous les doutes, il serait nécessaire que le pouvoir ferment fût retrouvé dans le suc dialysé ou tout au moins centrifugé; ou bien encore que les expériences fussent reprises en partant d'une levure préalablement tuée par des moyens suffisamment ménagés pour ne pas détruire en même temps le fer- ment soluble. D' Répin, Attaché à l'Institut Pasteur, $ 5. — Botanique Découverte d’anthérozoïdes chez les Gym- nospermes. — Deux botanistes japonais, MM. Ikeno et Hirax, viennent de faire, dans le groupe des Cycadées et celui des Gingkos, une découverte de grande portée. Leurs observations révèlent, en effet, chez certaines plantes vivantes de ces deux famille y Ja présence de véritables anthérozoïdes, longs rubans mobiles à ai- grettes ciliées, tout à fait comparables aux anthéro- zoïdes des Cryplogames. Ce fait témoigne nettement de la survivance, chez les Gymnospermes actuelles, des moyens de fécondation que Jusqu'à présent on n'avait observés que chez les C ryplogames. Jusqu'i ici, en effet, l'une des particularités importantes ét tablissant une distinction entre les plantes phanérogames et celles que l’on est convenu de désigner sous le nom de € IYp- iogames supérieures, résidait dans un détail d'organi- sation du gamète mâle‘. On sait, en effet, que le gamète Rappelons que le mot gamète s'applique indistinctement à l'élément mäle et à l'élément femelle dans le phénomène de la fécondation. mâle chez les Phanérogames (Angiospermes et Gymnos- permes) est représenté par le grain de pollen: ce cor- pusc ule, ane sur l'ovaire (Angiospermes) ou dans l'intérieur de lovule (Gymnosperme s), féconde l’o0- sphère. L'élément fécondateur parvient à l'oosphère au moyen d'un tube issu de la germination du grain de pollen; l'oosphère fécondée se transforme ensuite en embryon. Au contraire, chez les Cryptogames, le gamète mâle, constitué par la microspore, renferme un prothalle dont un certain nombre de cellules laissent échapper des corps mobiles (anthérozoïides) ayant la forme de rubans tordus en spirale et ciliés, destinés à porter l'élément fécondateur jusqu'à l’oosphère, Or, les observations toutes récentes de MM. Ikeno et Hirax montrent que le mode de transport au moyen d'anthérozoïdes existe également chez certaines Pha- nérogames: les Cycadées d'une part, les Gingkos de l’autre. Les Cycadées et les Gingkos sont des plantes extrè- mement anciennes. Les premières existent certaine- ment dans le terrain houiller supérieur et moyen, re- présentées par des Zamites et des Nocygerathia. Les secondes se montrent dans le Permien inférieur (Baicra) et même dans le terrain houiller moyen si le genre Whïtleseya appartient bien à la famille des Salisburiées. Toutes les graines de l’époque primaire possèdent à la partie supérieure du nucelle une cavité spéciale (chambre pollinique) où se réfugiaient les grains de pollen en attendant la maturation de l'oosphère. Tous les grains de pollen ((prépollinies) observés, de la même époque, contiennent dans leur intine un pro- thalle mäle développé en un grand nombre de cellules, toutes semblables; la plupart de ces cellules ont dù être des cellules-mères d'anthérozoïdes « comme on en a émis déjà plusieurs fois Phypothèse ». La chambre pollinique à été découverte en 1874, un peu avant d’avoir été aperçue dans l’ovule des Cycadées, des Gingkos et des Gnétacées actuelles. La dé couverte de la chambre pollinique dans les plantes fossiles a done provoqué les recherches qui l'ont fait reconnaître dans les plantes vivantes. Les prépollinies des Cycadées et des Salisburiées houillères laissaient prévoir l'existence des anthéro- zoïdes chez les Gingkos et les Cycas. Il est donc impor- tant de signaler les recherches de MM. Ikeno et Hirax, qui viennent d'établir le fait. Si la chambre pollinique et le pollen à prothalle pluricellulaire ont la signification que nous leur attri- buons dans les plantes fossiles, la découverte des sa- vants japovais doit nécessairement s'élargir et s'appli- quer à d'autres familles; les Gnétacées, entre aulres, remontent très haut dans le passé; les Gnelopsis, avec leur ovaire incomplet pluriovulé, prouvent, en effet, l'existence de ce groupe dans les assises houillères. L'ancienneté de leur apparition est, du reste, attestée dans les trois genres actuels par Ja présence {très accu- sée d’une chambre pollinique et de grains de pollen à prothalle pluricellulaire. On peut done, sans grande témérité, d’ après ces preuves irrécusables d’atavisme, espérer le succès de recherches tendant à démon- trer que, dans la famille des Gnétacées, le transport de l'élément fécondateur se fait égaleme nt par l'inter- médiaire d'anthérozoïdes. Ce serait, en même temps, établir un nouveau point de contact entre les plantes phanérogames et les plantes cryptogames. B:°R> $S 6. — Géographie et Colonisation Le port de Sfax. — Le 24 avril, en présence de {rois ministres et d'un certain nombre de membres du Parlement, a été inauguré le nouveau port de Sfax. C'est la troisième solenuité de ce genre à laquelle, en l'espace de moins de quatre ans, le Résident général de France à Tunis convie les représentants du Gouver- nement. En 4893, c'était l'inauguration du port de 326 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE Tunis, en 1895, celle du port de Bizerte, aujourd'hui celle du port de Sfax; et l'an prochain Sousse, à son tour, verra s'ouvrir au commerce son bassin de 13 hec- tares de superficie. Il y a dans cette succession rapide de grands travaux d'utilité publique un exemple de bonne administration et de prospérité économique (trop rare dans nos annales coloniales pour ne pas être si- snalé avec quelques détails. _ À vrai dire, {ous ces travaux ont élé la reprise, à vingt siècles de distance, de ceux, non moins impor- tants, accomplis pendant l'occupation romaine en Tuni- sie et dont nous retrouvons les vesliges soit aux em- placements mêmes que nous avons choisis comme à Sousse et à Mehdia, soit à proximité des nouveaux ports, comme à Carthage. Laissés dans le plus complet abandon pendant la dominalion des beys, les ports de la Tunisie, aujourd’hui au nombre de vingt, ont été de notre part l'objet d'améliorations, mais celles-ci furent, en général, de peu d'importance, l'effort principal ayant été, ainsi que nous l'avons vu, jeté sur les ports de Tunis, Bizerte, Sousse et Sfax. A l'extrémité d'un des troncons de voies ferrées dont la construction marche de pair avec celle des ports de la Régence, le port de Sfax était absolument insuffisant pour desservir un mouvement commercial déjà impor- tant et appelé à se développer très rapidement. En l’espace de dix ans, de 1885 à 1895, le chiffre des im- portations s'était élevé de 2 à 4 millions de franes, celui des exportations de # millions et demi à 5 millions et demi. Celte progression rapide el constante rendait nécessaire une (ransformation complète de la rade de Sfax inaccessible aux bateaux de fort tonnage. Les tra- vaux ne présentaient aucune difficulté technique par suite de la nature très stable du sol. De simples dra- gages devaient suffire. Ils furent entrepris en 1895 par la Compagnie des ports de Tunis, Sousse et Sfax, et achevés en l'espace de vingt mois à peine. Le port de Sfax, qui ne comprenait qu'un bassin d'un hectare environ de superficie creusé à 22,50, comprend aujourd'hui un bassin de {0 hectares de 6,50 de pro- fondeur. Ses quais pavés, d’une longueur de 600 mètres, supportent des hangars de 2.000 mètres carrés et 2 kilo- mètres de voies ferrées. Son outillage comprend une mäture de 20 tonnes et 3 grues mobiles de 1.500 kilos. Le chenal qui donne accès dans le bassin a 3.500 mètres de long et 22 mètres de large au plafond. Enfin un che- nal à l'usage des pelits bateaux de pêche, un autre à l'usage des torpilleurs, tous deux creusés à { mètre au- dessous des plus basses eaux, complètent l'ensemble du port de Sfax. Le coût de ces travaux si rapidement exé- cutés n'a pas dépassé, sans doute en grande partie à cause de la rapidité même de l'exécution, la somme de 2 millions de francs qu'on leur avait tout d'abord affec- tée. Des quatre grands ports de la Tunisie, celui de Sfax aura été le moins coûteux. Quels sont les services qu'il est appelé à rendre à la région qui l'entoure; quel essort nouveau va-t-1l donner à cette partie si fertile et déjà si riche de la Tunisie? Il est permis d'espérer que la concession des phos- phates de Gafsa, récemment consentie à une Société francaise, aura pour effet d'activer la construction de la ligne Sfax-Gafsa. Le trafic de ces phosphates devra fournir aux chargeurs un fret considérable, Mais celui- ci, basé simplement sur le rendement toujours crois- sint des oliviers de la région de Sfax, serait déjà am- plement assuré. En effet, il n'existe peut-être pas au monde d’endroit plus propice à la culture de lolivier que cette région. Sur les 12 millions d'oliviers qui, d'après les plus récentes stalistiques, ont été plantés en Tunisie, elle n'en contient pas moins de 3 millions. Is forment autour de la ville une épaisse forêt de près de 40 kilomètres de rayon. L'exportation des huiles par le port de Sfax, qui atteignait déjà le chiffre de un mil- lion de francs en 1592, a dépassé 3 millions en 4894. La presque totalité a été expédiée en France. Enfin il est une autre source de richesses au développement de laquelle contribuera puissamment l'ouverture du nou- veau port. Nous voulons parler des éponges, à la pêche desquelles se livrent, dans la région de Sfax, près d’un millier de pècheurs indigènes, 700 Grecs et 800 Sici- liens. L’exportation des éponges à atteint, en 1895, 1.300.000 francs, en augmentation régulière de 200.000 francs par an depuis 1892. Celle région, on le voit, peut alimenter avec les seuls produits de son sol un port tel que celui qui vient d'être inauguré; mais l’industrie de ses habitants fournira aussi un aliment important à son aclivité commerciale. Ceux-ci, en effet, se livrent sur une très grande échelle à la fabrication des conserves de poissons et à celle des ouvrages en sparterie, L’ex- portation de ces deux produits à suivi une marche ascendante en ces dernières années. Tout nous porte à croire que l'étape qui vient d'être accomplie dans la vie économique de notre colonie sera pour elle une source de développement rapide, et nous sommes heureux d'y voir une manifestalion nouvelle d'une autorité agissante et éclairée. À notre Joie, cepen- dant, il faut qu'une récente nouvelle apporte une ombre légère; nous apprenons, en effet, que le premier vapeur qui soit entré daus le nouveau port de Sfax est uu paquebot anglais. Joseph Godefroy. L'utilisation des cataractes du Nil comme force motrice. — Les Anglais se préoccupent d'éla- blir aux cataractes du Haut-Nil et du Bas-Nil des tur- binescommandant des dynamos destinées à distribuer, sur place et à grandes distances, l'énergie électrique. Aux environs immédiats des cataractes, cette énergie actionnerait un chemin de fer, des filatures de coton, des sucreries de cannes el des engins agricoles. Elle serait aussi lransporlée jusqu'à plusieurs centaines de kilomètres de l’origine, et là mise, de même, au service d'usines variées. Le Gouvernement Britannique a envoyé un physicien et électricien de grande noto- riété, M. Forbes, professeur de Technologie électrique à University College à Londres, étudier sur place le projet. L'éminent savant, après examen, estime l'en- treprise parfaitement possible et rémunératrice. Selon lui, la première cataracte donnerait une puissance d'un demi-million de chevaux ; les cataractes du Bas- Nil n'en fouruiraient que 35.000. M. Forbes vient de quitter l'Egypte, mais y relournera dans quelques mois alin de procéder à une étude plus détaillée de toutes les conditions à réaliser pour résoudre pratiquement le problème. Peut-on domestiquer FEléphant d'Afrique"? — Au moment où se pose celte question, dont nous avons indiqué l'importance pour la colonisation en Afrique, il nous paraît intéressant de signaler un cu- rieux mémoire que M. Edouard Blanc vient de pré- senter à la Société nationale d'Acclimatation : il ressort, en effet, de ce mémoire que l'Eléphant, de l'espèce afri- caine actuelle, a été domestiqué dans l'Antiquité. Jusqu'à présent, on savait bien que les Carthaginois et les rois Numides avaient possédé des éléphants dressés à la guerre ; mais on ignorait la provenance, peut-être asiatique, de ces animaux. Or, M. Ed. Blanc vient de trouver dans l’Inseription d’'Adulis, inscription faite près de l'emplacement actuel de Massouah, cette indication que Ptolémée Il Evergèle a capturé, dans cette région, des éléphants éthiopiens et s'en est servi à la guerre. L'inscription ajoute qu'il employa ces ani- maux pour vaincre les éléphants indiens « qui lui furent opposés en Syrie, en Asie-Mineure et jusqu'en Bactériane ». M. Ed. Blanc fait, en outre, remarquer que « les chasses à l'Eléphant faites dans la région du Haut-Nil par les Egypliens pour capturer ces animaux vivants et les domestiquer sont encore relatées dans l'inserip- ion hiéroglyphique de Python. » « Ces deux inscriplions, conclut l'auteur, témoignent nettement en faveur de la solution du problème de la domestication de l'espèce africaine dans le passé, et, par conséquent, de la possibilité de cette mème solution dans l'avenir. » E. PERRIER — LE MÉCANISME DE LA COMPLICATION ORGANIQUE CHEZ LES ANIMAUX 327 LE MÉCANISME DE LA COMPLICATION ORGANIQUE CHEZ LES En face de la discipline rigoureuse à laquelle se sont depuis longtemps conformées les Sciences physiques guidées par les Mathémaliques, rien n'est plus frappant et, à certains égards, plus humi- liant que le désarroi dans lequel se débattent les Sciences naturelles, ou, si l'on veut limiter le sujet, les branches de ces sciences qui traitent plus parli- culièrement de l'origine, de l’évolution, de la com- plication graduelle et des rapports des formes animales. Depuis que le transformisme de Lamarck, bien plus que celui de Darwin, paraît avoir définili- vement triomphé, il est entendu, pour tout le monde, que l'explication des formes revêlues par les êtres vivants, doit être demandée à des causes purement physiques; mais, comme on nesaitencore presque rien de ce qu'il serait le plus utile de sa- voir sur la structure et les propriétés élémentaires “des substances vivantes les plus simples, comme on n’a que de vagues nolions sur les changements que les agents extérieurs peuvent leur faire subir et même sur la durée et la transmissibilité de ces changements, dès qu'on se met en devoir de cher- cher une explication des formes des animaux basée sur ce qu'on appelle la Bio-mécanique, aussitôt le terrain se dérobe, et les plus extravagantes concep- tions prennent la place des données posilives sur lesquelles on avait tout d'abord promis de s'ap- puyer exclusivement. À ce jeu, les réactions les plus violentes succèdent aux engouements les plus irréfléchis; les plus ridicules querelles s'élè- vent «entre des hommes qui devraient donner l'exemple du calme et de la pondération, et l'habi- tude s'étend. de remplacer l'étude méthodique des faits et la sereine raison par de stériles diatribes. Tout monographe se croit le droit de dresser ses catapultes contre les édifices les plus patiemment construits, les plus solidement cimentés, et l’on à pu voir récemment la découverte &'une sorte il'infusoire présentant quelques traits d'organisa- tion à peine imprévus affoler des intelligences, d'ailleurs bien douées, au point de les inciter à chercher pour la science des assises nouvelles et à déclarer nulles loutes les explications tentées jus- que-là. Un tel état d'esprit ne se rencontre pas dans les autres sciences; il est, dans les sciences naturelles, la conséquence du choc qui s'est produit, à une époque relativement récente, entre deux doctrines opposées : 1° celle du siècle dernier, qui, considé- rant le monde vivant comme inexplicable, bornait ANIMAUX son ambition à la recherche des harmonies de la Nalure ou des plans suivant lesquels ses produc- lions avaient été réalisées, et qui a complètement faussé, en s'appliquant exclusivement à la recherche des fins, le sens du mot explication ; 2° la doctrine dont Lamarck a élé l'inilialeur, qui voit dans les formes vivantes des effets dont il faut s'ap- pliquer à délerminer les causes et qui prétend expliquer les phénomènes biologiques, comme on explique les phénomènes physiques, en cher- chant des lois élémentaires, dont on s'efforce en- suile de développer les conséquences. Sans doute, celle dernière doctrine à pulvérisé la première; mais ceux-là mêmes qui se réclament d'elle le plus énergiquement n'ont pu se débarrasser tout à fait des vieilles facons de procéder : la coordination patiente des faits est un procédé trop lent à leur gré; les uns déclarent que cette coordination dé- passe les forces d’un homme, etils s'excusent ainsi de ne pas s'en préoccuper; les autres scindent le règne animal en types réels ou virtuels, arbitraire- ment choisis, autour desquels ils groupent tout ce qu'ils savent, el établissent ainsi une décevante discontinuilé là où il faudrait s'efforcer de cons- truire avec les faits une chaine ininterrompue; d'autres encore agissent comme si les animaux adultes n'avaient plus aucun intérêt, et, sous pré- texte que le développement embryogénique de chaque espèce ne serait que l’histoire abrégée de son évolution paléontologique, n'accordent de créance qu'à l'Embryogénie, et la font intervenir à tout propos et hors de propos dans l'apprécia- tion des affinités des êtres. C'est là surtout que les esprits inventifs se sont donné libre carrière : la position de l'embryon par rapport au vitellus, le mode de segmentalion de l'œuf, le mode de forma- lion et le rôle ultérieur des feuillets germinatifs, l'origine et le sort du premier orifice embryonnaire ou blastopore, l'absence ou la présence de mem- branes d'enveloppe pour l'embryon, l'origine et le mode de formation des feuillets embryonnaires, le défaut ou l'existence d'une cavité générale du corps, les rapports de cette cavilé avec les feuillets germinatifs, qui en font soit un sehizocèle, soit un entérocèle, etbien d'autres observations encore, ont donné lieu à des théories générales du Règne ani- mal ou à des théories partielles qui se sont écrou- lées les unes sur les autres en un parfait chaos. Mon but, dans cet article, n’est pas de critiquer ces théories, ni d'en exposer une nouvelle. Je voudrais seulement montrer comment il suffit de 328 E. PERRIER — LE MÉCANISME DE LA COMPLICATION ORGANIQUE CHEZ LES ANIMAUX suivre rigoureusement et strictement la méthode des physiciens, de substiluer aux hypothèses plus ou moins fondées, plus ou moins compréhensives, une définition aussi exacte, aussi précise des faits qu'il est actuellement impossible d'expliquer, pour que ces faits initiaux, au delà desquels lexplica- tion ne saurait pour le moment remonter, devien- nent les têtes de séries de faits de plus en plus compliqués, séries dans lesquelles tout s'enchaine et s'explique clairement, en tenant compte des résultats acquis ou suggérés par ce que l'on sait de la dynamique des êtres vivants. Les êtres vivants, végétaux ou animaux, sont fon- damentalement constitués par une classe de subs- lances particulières’. Ces substances ont été long- temps réunies sous une dénomination abstraite, celle de protoplasme ; elles sont cependant fort di- verses, mais se laissent ranger par catégories dont on reconnait les représentants dans la plupart des éléments vivants à cerlains caractères de réfran- gibilité, d'arrangement, d'apiitude à l'absorplion de malières colorantes déterminées, ou même à des propriétés physiologiques particulières, telles que la conlractililé. Combien existe-t-il de ces catégo- ries; les substances de chaque catégorie diffè- rent-elles d'un individu à l'autre, d’une espèce à l’autre ; procèdent-elles toutes d’une substance primilivement unique, ou étaient-elles originaire- ment indépendantes; demeurent-elles identiques à elles-mêmes ou se modifient-elles soit avec le temps, soit sous l’action des agents extérieurs, physiques ou chimiques ; leurs modifications sont-elles tran- sitoires ou permanentes? Toutes ces questions, dont un cerlain nombre sont insolubles peut-être, demeurent encore pour nous sans réponse précise. La propriélé commune qui nous conduit à réunir toutes ces substances en une mème classe, propriété que nous appelons la Vie, ne nous est pas davan- lage connue dans son essence ; nous ne savons si elle est le résultat de deux actions contraires, l’as- similation et la désassimilalion, ou, si l'assimilation, comme cela parait plus probable?, est son caractère essentiel. Mais dans une première approximalion, pour coordonner les faits morphologiques que nous connaissons, nous n'avons pas besoin, quelque important que cela soit pour les explications finales, de pénétrer aussi profondément les choses, ni de substituer des hypothèses à ce que nous ne savons pas: il suffil de bien préciser les caractères des subs- ? Evmoxo Perrier : Les Colonies animales el la formation des organismes. Masson, éditeur. ? Le Daxrec : Théorie nouvelle de la vie. Alcan, éditeur, 1896. lances vivantes et parmi ces caractères, — étant donné que nous ne poursuivons pour le moment que ce problème : rechercher quelles ont pu être les causes déterminantes des formes organiques, — ceux qu'il nous importe seulement de connaitre sont essentiellement les caractères morpholo- giques. A ce point de vue, il n’est indispensable de dis- linguer dans un élément vivant que deux grands groupes de substances : celles qui constituent le corps même de l'élément, corps absolument con- linu el que nous pouvons désigner sous le nom de cylosarque ; celles qui forment les noyaux, etqui sont parfois diffuses dans l'élément, plus sou- vent distribuées en un certain nombre de masses distinctes, dans la règle générale condensées en une seule masse. On peut à volonté considérer l'une ou l’autre de ces trois dispositions comme ori- ginelle; la solution ne saurait jamais êlre qu'une hypothèse plus ou moins fondée. Mais ce qui est un fait d'observation contre lequel rien ne saurait actuellement prévaloir, c'est que les corps vivants composés d'un cylosarque continu, quel que soit le nombre des noyaux qui s'y trouvent disséminés,- ne dépassent pas des dimensions très restreintes. À part certains Myxomycètes, comme le champignon de la tannée, ces dimensions n’excèdent pas une fraction de millimètre. On doit donc reconnaitre aux substances vivantes, une première propriété mor- phologique : Les substances vivantes élémentaires ne subsistent que sous des dimensions limitées, générale- ment très faibles. IT Un autre trait morphologique, d'importance non moins grande, consiste dans les rapports des noyaux et du eylosarque. Que les cytosarques aient été originairement plurinucléés ou uninucléés, on ne peut se dispenser de reconnaitre que les cyto- sarques plurinucléés sont aujourd'hui l'exceplion. On peut ciler, parmi les Champignons, les Myxo- mycèles, parmi les Algues, les Siphonées, parmi les Protozoaires, les Foraminifères, qui peuvent at- teindre d'assez grandes dimensions et parfois une forme assez complexe, les noyaux se mullipliant dans le cylosarque sans que celui-ei se divise ; sous des dimensions beaucoup plus restreintes, le sac embryonnaire de la plupart des Phanérogames, le corpsdedivers Lagynnis,Opalina, Holophrya, Uro- leptus, Holosticha, parmi les Infusoires ciliés, sont aussi plurinucléés. Mais, dans leurs groupes res- pectifs, souvent mème dans leur genre, tous ces or- ganismes à eylosarque simple et à plusieurs noyaux, sont l'exception; la grande règle, c'est que chaque masse de cylosarque ne possède qu'un seul noyau; et, si l’on considère les organismes supérieurs, on E. PERRIER — LE MÉCANISME DE LA COMPLICATION ORGANIQUE CHEZ LES ANIMAUX 329 ne peut échapper à cetle constalation formelle : que leur corps est essentiellement constitué de masses de cylosarque, dont chacune est serrée au- tour d’un noyau : c’est là, pour ainsi dire, la proposi- lion iniliale de l'Histologie. Ces masses de eylosarque nucléé, on est convenu de les appeler des plastides. Rien n'empêche que certains de ces plastides soient plurinueléés ; rien n'empêche que les cytosarques voisins demeurent en communicalion par des réseaux protoplasmiques plus ou moins complexes,comme le montrent nom- bre de Rhizopodes ; le fait fondamental c'est que le noyau semble être, pour les substances protoplas- miques qui consliluent le cylosarque, un centre d'attraction; ce centre agit, en tous cas, de telle facon qu'il semble nécessaire à la nutrilion du cylosarque, tout au moins à la régularité de celte nutrition, car il impose au cylosarque une forme déterminée. Le fait que les Myxomycèles et les Foraminifères, qui comptent parmi les plus simples des formes vivantes, sont plurinucléés ; le fait que la division des noyaux, même dans les formes organiques élevées, par exemple dans le sac em- bryonnaire des Phanérogames, dans l'œuf des Arlhropodes, précède la division du cylosarque, peuvent ètre considérés comme une indication que les êtres vivants primilifs étaient des masses plurinueléées de cylosarque; mais cette consta- lation hypothélique n'a qu'une importance très secondaire pour l’évolution des formes vivantes, puisque les seules formes vivantes qui aient alleint quelque degré de complexité sont celles où àl s'est établi un tel rapport entre les noyaux et le cyto- sarque que chaque noyau est entouré d'une masse de cylosarque qui lui appartient en propre el qui con- stitue cvec lui un plestide uninucléé. Peu importe encore que ce résultat ait élé obtenu d'emblée, que les noyaux soient issus de la divi- Sion d'un noyau primilivement unique, qu'ils se soient coordonnés primitivement autour d'organes préexistant avant de s'emparer de la masse de cylosarque qui devait constituer avec chacun d'eux un plastide, qu'il y ait même actuellement quelques organismes chez qui les choses semblent se passer ainsi (Salinella), ou que les organes résullent, au contraire, de la façon dont des plastides préalable- ment formés se sont groupés; ces hypothèses, qui sont loules possibles, qui se sont peut-être toutes réalisées, et entre lesquelles il nous sera probable- ment {oujours impossible de choisir d'une facon absolue, ne changent rien à cetle proposition qui résume toute l'Histologie : périeurs sont constitués par une association de plas- tides et ces plastides sont, en général, uninucléés ; en d'autres termes : {ous les organismes supérieurs sont des colonies de plastides. Tous les organismes su- III IL est même impossible de ne pas reconnaitre que si les divers procédés énumérés tout à l'heure ont pu être employés indifféremment, à l'origine des choses, pour constituer les êtres vivants, tous ont élé réduits à une importance secondaire, si- non complètement éliminés, au profil d'un seul. A l'heure actuelle, sauf dans les cas évidemment peu nombreux que nous avons énumérés : for- malion de l'albumen des Phanérogames, premières phases de la segmentation de l'œuf quand le vi- tellus est très abondant et enfermé sous une coque rigide, développement de certains éléments spé- ciaux le plus souvent pathologiques, la division du noyau et celle du cylosarque chez les êtres vivants supérieurs sont deux phénomènes synchroniques, ayant pour résultat la multiplication des plastides, qui se groupent, après leur constitution définitive, pour former les tissus et les organes dans lesquels se décompose le corps de ces êtres. C'est là, dégagée de toute hypothèse, la proposition fondamentale de l'Embryogénie. Toutes les supposilions que l'on pourra faire pour expliquer ce résullat, toutes les études que l’on pourra entreprendre pour déterminer la voie par laquelle il a été oblenu, ne sauraient y rien chan- ger. Lui seul peut nous servir de point de départ pour nos coordinations ultérieures, parce qu'il est le seul mécanisme de formation des êtres vivants qui ait subsisté et qu'alors même que des êtres vi- vants auraient été construits par un autre procédé ou même que tous auraient élé construits, à une autre époque, par un procédé différent, {out se passe aujourd'hui comme si ce procédé avait élé seul el constamment employé. D'autre part, quels qu'aient pu êtrelesphénomènes compliqués qui ont marqué la formalion du noyau de l'œuf végétal, aussi bien que de l'œuf animal, il est hors de doute que tout être polyplastique com- mence par être réduit à un plastide unique, uni- nucléé, l'out se passe donc encore, à l'heure actuelle, convme si les êtres vivants élaient issus de plastides uninucléés el s'élaient constitués par la division si- multanée du noyau primitif unique el du cylosarque de ces plastides. £ Que les proposilions que nous avons jusqu'à présent formulées expriment des faits primitifs ou des résultats graduellement réalisés, cela ne dimi- nue en rien ni leur généralité, ni leur importance; quelles que soient les interprélations que l'avenir leur réserve, elles sont les bases sur lesquelles la morphologie actuelle ne peut éviter de s’ap- puyer. C'est done en vain qu'on essayerait d'imaginer que les animaux supérieurs descendraient d’êlres 330 E. PERRIER — LE MÉCANISME DE LA COMPLICATION ORGANIQUE CHEZ LES ANIMAUX sarcodiques ayant une bouche et un anus réunis par un tube digestif creusé à même dans le cyto- sarque, une vacuole contractile découpée dans la substance proloplasmique, un tégument pure- ment cuticulaire ; que sous ce tégument, autour des parois sans structure du tube digestif et de la vacuole contractile seraient venus à posleriori se grouper des noyaux qui auraient altiré à eux la substance du cytosarque et auraient ainsi créé du même coup tout un ensemble d'éléments analomi- ques différenciés d'emblée autour d’une cavité géné- rale; si des Métazoaires ont pu se constiluer ainsi, nous ne le saurons jamais, attendu que tous ceux dont nous avons pu actuellement étudier le déve- loppement se constituent suivant les règles que nous venons d'énumérer, c'est-à-dire tout autre- went. Or, ces êtres appartiennent aux types les plus variés et notamment aux types les plus élevés aussi bien du Règne végétal que du Règne animal. La Morphologie actuelle repose donc sur cette base inébranlable que les êtres vivants, loin de se faire en bloc, comme le voudrait l'hypothèse que nous venons d'indiquer, se construisent pièce à pièce par l'addition successive à un plastide pri- miltif, de plastides nouveaux, nés de sa propre substance. Cette édificalion conduit-elle direc- tement, sans aucun intermédiaire, sans lemps d'arrêt, du plastide primitif à l'organisme complexe auquel il doit aboutir? C'est là une nouvelle ques- lion, à laquelle peut seul répondre l'examen des faits, et il y en a deux séries que nous pouvons exa- miner tour à tour: les uns concernant les animaux adultes seulement, les autres leurs formes em- bryonnaires. [LV La comparaison des formes adultes du Règne animal conduit à cette conclusion, sur laquelle tout le monde est à peu près d'accord aujourd'hui, que les animaux polyplastiques ou métazoaires se sub- divisent, pour le moins, en cinq séries : celles des SPONGIAIRES, des PoLyres, des ÉcniNODERMES, des ARTnRoPOoDEs el des NÉPHRIDIÉS. Chacune de ces séries comprend des êtres d'iné- gale complication ; pour l’une d'elles, tout au moins, celle des Polypes, la facon dont la compli- calion est obtenue est d’une telle évidence qu'il n'y à à cel égard aucune dissidence parmi les commence par des simples, ayant la forme d'un cornet dont la paroi serait formée d’une double assise de plastides; des zoologistes. La série êtres prolongements tactiles, les tentacules, entourent l'orifice du cornet, qui sert à la fois de bouche et d'anus ; c'est ce qu'on appelle une Hydre. Les formes complexes ne diffèrent de cette forme simple que parce qu'elles sont constiluées par des | hydres nombreuses qui ont poussé les unes sur les autres latéralement, et ont ainsi formé un arbris- seau dont la forme rappelle celle d'un végétal. Ces hydres ne sont pas nécessairement toutes sembla- | bles entre elles; de même que les feuilles des végélaux pourront devenir dissemblables, se diffé- rencier au point de constituer des feuilles radicales, des feuilles caulinaires, des écailles, des bractées, des sépales, des pétales, des étamines, des car- pelles, de même des hydres associées en un même arbuseule pourront différer beaucoup les unes des autres; les unes sont nourricières el ont, comme telles, une bouche; d’autres, quien sontdépourvues, peuvent s’'employer à l'exploration du milieu, à la capture des proies, à la défense de la communauté, à la reproduction, ou se grouper de manière à fouroir des productions variées telles que les phy- | lactocarpes, vérilables organes de fructification, des Aglaophenia, les méduses de beaucoup d’Hy- | draires gymnoblasliques, les coralliozoïdes des Co- ralliaires, ele. La ressemblance avec ce qui se passe chez les végétaux est telle que les méduses sont pour les arbrisseaux formés par des hydres de vé- rilables fleurs. Ces fleurs animales sont formées d'un bouquet d'hydres, comme les fleurs végétales sont formées d'un bouquet de feuilles; mais chez le végétal, la fleur est inerte et ne devient libre qu'à l’état de fruit; chez l'animal la fleur est mobile, se détache le plus souvent quand elle a acquis lout son développement et nage librement dans l'eau | ambiante, comme le ferait un poisson. Sur cet en- semble de faits que l'hydre, en se répélant par bourgeonnement, produit un arbrisseau qui fleurit et dont les fleurs, les méduses, se délachent pour vivre d'une façon indépendante, on a construit une foule d’édifices métaphysiques; on s'est évertué à rechercher si l'hydre était un individu, la méduse un individu différent, l'arbrisseau sur lequel elle pousse un autre individu; et comme ce mot indi- vidu qui est, au fond, synonyme d'unité indivisible, prête à toules les confusions, suivant qu'on se place au point de vue morphologique, embryogé- nique, physiologique ou psychologique, suivant que l’on considère un végétal où un animal, un Vertébré, un Ver ou un Polype, on a pu se livrer, sur ce futile sujet, à d'interminables discussions porlant exclusivement sur des mots. Les faits sont infiniment plus simples et plus instructifs. Il est clair pour tout le monde qu'une hydre est un organisme irréductible en parties similaires autres que ses plastides ; nous pouvons toujours convenir de désigner un organisme ainsi construit par un nom; nous adoplerons celui de méride. Il est non moins évident que l’arbrisseau résultant du bourgeonnement répété d'une hydre peut être considéré comme résultant de l'associa- E. PERRIER — LE MÉCANISME DE LA COMPLICATION ORGANIQUE CHEZ LES ANIMAUX 5331 tion d'un certain nombre d'hydres ; à un tel orga- nisme, nous pouvons donner un nom arbitraire- ment choisi, celui de zoide; le zoïde est ainsi l'équivalent d’une somme de mérides ; à ce point de vue, une méduse est un zoïde. Une association dans laquelle entrent à la fois des hydres et des méduses est plus complexe qu'une association for- mée d'hydres seulement, puisqu'elle est une somme de mérides et de zoïdes: on peut lui donner le nom de dème, et, pour ne pas compliquer inulilement la nomenclature, étendre ce dernier nom aux asso- ciations de zoïdes. Ce sont là de pures définitions. Toutes les fois qu'un organisme paraitra composé de parties équivalentes chacune à un méride, il pourra rece- voir la qualification de zoïde: loutes les fois que, dans un zoïde, un certain nombre de mérides se grouperont de manière à former un ensemble qui pourra être considéré à part, cet ensemble de mérides sera par définition un zoïde, et l'organisme dont ce zoïde fera partie, par cela seul qu'il com- prendra encore d'autres zoïdes ou d’autres mérides, sera un dème. Nous sommes ici sur le terrain de la morphologie pure; il n'y a pas à mêler à la notion morphologique si simple et si claire du méride, du zoïde ou du dème, des considérations physiologi- ques, psychologiques ou autres sur l'individualité, l'autonomie des organismes ou des parties d’orga- nismes que ces termes désignent; peu importe que les mérides dont un zoïde est constitué, les zoïdes dans lesquels un dème se décompose, soient ou aient été, à une période paléontologique quel- conque, capables de mener une vie indépendante ; il y a des méduses qui ne se détachent jamais du dème dont elles font partie ; elles n'en sont pas moins des zoïdes; la ruplure du pédoncule des méduses n'est qu'un accident qui ne change rien à l'essence des choses et dont, pour le moment, nous n'avons pas à lenir compte. y Si maintenant, généralisant ces définitions, nous essayons d'interpréter à leur lumière l'organisalion d'un animal tel qu'un Iasecte, il apparaitra claire- ment que chacun des segments du corps de l'In- secte est un méride; que ces mérides forment trois groupes distincts, auxquels convient de tous points la dénomination de zoïdes et que l'ensemble de ces trois zoïdes est un dème. De ce que le zoïde méduse d'un Polype se sépare accidentellement de son dème pour mener une vie indépendante, on ne saurait inférer que la têle des Insectes, parce qu'elle est un zoïde, ait jamais été susceplible de mener une vie indépendante, qu'elle ait été un organisme capable d’en engendrer un autre difré- rent, le thorax, qui aurait lui-même engendré l'abdomen. Cela n'est pas aussi absurde qu'on pourrait le croire au premier abord ; l'histoire du développement des Crustacés supérienrs est là pour le démontrer, comme nous le verrons tout à l'heure; mais enfin, en ce qui concerne les Insectes, les choses se passent autrement. Au point de vue morphologique, l’Insecte se prête done à la même analyse qu'un dème d'hydres, ou, pour simplifier le langage, qu'un hydrodème. Entre les deux catégories de dèmes, iln'y a qu'une différence résidant dans l’orientalion des mérides : les mé- rides d'un hydrodème font les uns par rapportaux autres des angles variables, différents de 180 de- grés ; ceux d'un Insecte font tous les uns par rap- port aux autres un angle constant de 180 degrés ; autrement dit, ils sont disposés en ligne droile : un hydrodème est donc un dème ramifié ; VInsecte, un dème linéaire. Nous sommes loujours, on ne saurait trop le remarquer, dans le domaine des définitions et, par conséquent, tout ce que nous venons de dire esl au-dessus des discussions. Mais revenons à l'hydrodème et voyons comment il se constitue. Est-ce tout d’une pièce, comme il conviendrait à une masse protoplasmique qui aurait grandi et dans laquelle les noyaux auraient pris ensuite une disposilion spéciale ? Nullement. L'œuf né sur un hydrodème, produit d'abord un hydro- méride; sur celui-ci en nait un second, parfois plusieurs, par bourgeonnement; sur chacun de ces derniers en poussent d'autres, et ainsi de suite, de sorte que c'est par étapes successives que l'hydro- dème se constitue, chacun de ses mérides étant produit par celui sur lequelilest fixé et produisant ceux quil porte ; c’est à peu près ce qui se passe chez les végétaux lorsqu'ils se ramifient. Chose remarquable, les œufs sur un hydrodème naissent de préférence sur les parties vagues, intercalées entre les mérides et qu'il est impossible d’altri- buer en propre à aucun d'eux; ils semblent être lu propriété indivise de l'hydrodème plulôt que la propriélé particulière d’un méride détermine, el ils reproduisent l'hydrodème avec toutes ses par- ticularilés; les choses se passent de mème dans le Règne végétal. Il suit de là que malgré tout son appareil de polypes nourriciers, préhenseurs ou tactiles, et de méduses capables de devenir auto- nomes, un hydrodème est un organisme, au même titre qu'une plante phanérogame quelconque, ou, si l’on veut se servir avec le sens courant qu'on lui donne dans le langage usuel, d’un mot que son élasticité a rendu mauvais dans le langage scienti- fique, c'est un individu, un individu au même titre qu'un poisson, un oiseau ou un chien. Cela est si vrai que si nombre d'hydrodèmes sont fixés, il en 332 E. PERRIER — LE MÉCANISME DE LA COMPLICATION ORGANIQUE CHEZ LES ANIMAUX est aussi de libres, ce sont les Siphonophores, et ceux-là ont une forme déterminée, des organes de flottaison, de natation, de protection, occupant des places fixes, se présentant en nombre constant, exactement comme les membres ou les organes des animaux supérieurs ; de même que ces animaux, les Siphonophores combinent leurs mouvements et se déplacent sous l'influence manifeste d’une volonté unique. On s'est atlardé cependant à discuter la question de savoir si un hydrodème fixé ou libre était un individu ou une association d'individus; cette question s'est posée pour les ténias : on à in- venté les mots de colonies, de cæœnobium, de cormus, pour désigner de telles associations où plusieurs êtres, capables cependant de mener une existence indépendante, demeurent en continuité de tissu et combinent leurs facultés pour vivre en commun. Le mot de colonie est ainsi devenu l'opposé du mot individu, el celte opposition, qui a amené tant de discussions oiseuses, a élé une des plus malheu- reuses conceptions de la Zoologie. Certes, le mot de colonie n'eût jamais été inventé, si d'emblée on avait comparé les hydrodèmes non pas à des ani- maux supérieurs, mais à des végélaux; on n'aurait pas élé surpris de les voir bourgeonner, se rami- lier, fleurir, produire des drageons, des boutures ou des grefles, et l’on aurait tout de suite compris qu'un hydrodème est un organisme au même litre qu'un poirier. Toutes les théories relatives à l’indi- vidualilé, aux géaérations alternantes et aux mille détails qui s'y rattachent eussent été ainsi évilées ; mais les zoologistes se croyaient obligés de retrou- ver le Vertébré ou l'Insecte dans tous les animaux, ils s'eforcaient de faire rentrer lout ce qu'ils dé- couvraient dans le cadre étroit des conceptions qu'ils avaient tirées de l'étude des animaux supé- rieurs; ils renversaient ainsi la méthode scienti- fique; c'est l'origine réelle de l’inextricable con- fusion qui s’est un moment introduite dans la science el dont elle subit encore les conséquences. En se placant au point de vue purement slatique, en comparant entre eux des organismes achevés dans des conditions différentes et dont le mode de constitution élait parfois irréduetible, on a rendu absolument confuses des idées qui restent parfai- tement claires, quand on se place non pas même au point de vue de la dynamique, mais de la ciné- malique des organismes, quand on essaye de se rendre comple du chemin qu'ils ont suivi pour arriver à leur acluelle complication. VA Quoi qu'on en ait pu dire, le mode de constitution de l'organisme qui a conduit à l'idée de colonie nest en aucune façon exceptionnel. Général dans la série tout entière des Polypes, ila présidé à peine atténué à la constitution de la série des Éponges; il caractérise, sans conteste, la classe des Bryo- zoaires, celle des Lucies ou Pyrosomes dans l’em- branchement des Tuniciers et dans la classe des Ascidies, l'ordre entier des Synascidies ou Ascidies sociales et composées. Or, l'Éponge primitive ou spongoméride, l'hydroméride, le bryoméride!, Vasei- die sont des organismes de type absolument diffé- rent et qui comprennent entre eux le Règne animal presque entier, puisque le spongoméride présente encore des traits d'organisation qui ont permis de le comparer à un protozoaire, tandis que l'Ascidieest généralement considérée aujourd'hui comme un vertébré dégénéré. On ne saurait évidemment ad- mettre à priori,sans grave imprudence, qu'un mode de formation des organismes qui se retrouve endes régions si diverses du Règne animal, soit chose sans imporlance et dont il soit loisible de négli- ger les indications relativement au mécanisme de la complication graduelle de l'organisme animal. Il y a donc lieu de rechercher si les organismes que l’on oppose aux organismes coloniaux ou orga- nismes polysoïques, en les considérant comme des organismes simples où organismes monozoïques échap- pent réellement aux lois qui ont présidé à la consti- tution des premiers. Or, quand on examine ces organismes on trouve que la plupart d’entre eux sont constitués sur le lype même que nous a pré- senté l'Insecte auquel s'applique si bien le vocabu- laire morphologique auquel nous a conduit l'étude des organismes dits coloniaux où polyzoïques. Ils sont formés de mérides placés bout à bout, en ligne droite; on dit pour celte raison qu'ils sont méla- méridés, et l'on applique la dénomination de méla- méridation où de mélamérisme à leur mode de cons- litution. Chez les Arthropodes (Onychophores, Mérostomacés, Arachnides, Crustacés, Myriapodes, Insectes), les Vers annelés (Polychètes, Oligochètes, Hirudinées) et les Cestoïdes ou Ténias, le métamé- risme est évident; mais ces animaux ne sont pas seuls mélaméridés; les jeunes Géphyriens armés le sont également; les Trématodes que le mode simple de leur développement conduit à considérer comme primitifs (l'emnocephala, Stichocotyle, Dac- Lylocotyle, Plectanocotyle, jeunes Udonella, Ptero- nella, Diplozoon), les Turbellariés (Polyelades, Procerodes), les Dinophilus, un grand nombre de Némerles (PELAGONEMERTINA, SCHIZONENERTINA, TRE- MONEMERTINA), les embryons d'Enléropneustes, tous les Vertébrés ont, de l’aveu de tous les zoologistes, un corps métaméridé. Une étude comparative des 1 Nous désignons ainsi le méride dont la répélition forme ce qu'on appelle dans le langage courant des Zoologistes une Eponge, une colonie d'Hydres, de Bryozoaires, d'Ascidies. E. PERRIER — LE MÉCANISME DE LA COMPLICATION ORGANIQUE CHEZ LES ANIMAUX 333 Géphyriens, des Trématodes, des Turbellariés, des Némertes et même des Cestoïdes, montre d'ailleurs que le métamérisme est susceptible de s’effacer gra- duellement dans ces groupes zoologiques; et comme le développement des Mollusques, dont l'organisme adulle parait, au premier abord, si nettement frappé au coin de l'unité la plus pure, présente des traits assez nombreux qui ne peuvent guère s'ex- pliquer que par l'existence d’un ancêtre métamé- ridé, on est conduit à cette proposition : J'ous les animaux de grande dimension ou d'organisation complexe dont le cerps n'est pas ramifié, sont actuel- lement métaméridés ou descendent d'ancètres qui l'étaient. La question du métamérisme prend, en raison de celte proposilion, une importance de premier ordre. Aussi a-t-on cherché à donner de ce mode d'organisation des explications plus ou moins heu- reuses. On a invoqué pour en rendre compte : 1° Les nécessités de la nutrilion : le tube digestif se serait plissé transversalement pour augmenter l'étendue de sa surface active et aurait entrainé le reste du corps dans son plissement; 2 Les conséquences de la locomotion : les ondu- lations régulières du corps d’une Annélide qui nage auraient amené des plissements des parois du corps alternativement éloignées du tube digestif ou contiguës avec lui, les pieds et les ganglions se formant aux points d'inaclion; 3 La disposition des organes génitaux, formant d'abord des colonnes longitudinales continues, que les mouvements de natation auraient régulièrement fragmentées, les fibres annulaires étranglant le corps entre les fragments el déterminant ainsi une réelle segmentation du corps. Nous sommes bien habitués, depuis Lryell et Darwin, à voir les pelites causes produire de grands effets; mais ici la disproportion est vraiment par trop grande. Tout d'abord, les Arthropodes, bien que si netlement métaméridés, échappent à ces trois sortes d'explication; leur tube digestif n’est nullement plissé; ils ne se meuvent que bien rare- ment en ondulant comme le font quelquefois les Vers annelés. Il serait bien étrange qu'ayant perdu les plis du tube digestif qui devaient assurer la puissance de la nutrition et dont l'importance est toujours actuelle, ils aient conservé les constric- tions des parois de leur corps après avoir perdu presque dès l'origine des choses, s'ils l'ont jamais possédé, le mode de locomotion qui les aurait acci- dentellement produites. D'ailleurs, où sont ici les muscles constricteurs ? La même observalion s'applique, à peu de chose près, aux Vertébrés. Nous verrons que cependant leur métamérisme est calqué jusque dans les moindres détails de sa produclion sur celui des Vers annelés et doil, par conséquent, êlre ratla- ché à la même cause. En ce qui concerne les Vers, il est d'abord à remarquer que ceux dont le tube digestif présente la plus grande complication de plis latéraux, les Polyclades, les Némertiens, par exemple, sont jus- tement ceux chez qui le métamérisme est le moins accusé, ce qui n’est guère en rapport avec la théo- rie, contre laquelle la constitution du tube digestif des Mollusques que M. de Quatrefages appelait phlébentérés élève une objection de même nature. La théorie voudrait encore que ce fût chez ceux dont le corps est le plus volumineux, chez qui, par conséquent, la disproportion entre le volume du corps à nourrir et la surface d'absorption est plus considérable, que le mélamérisme fût poussé à son maximum. Or, chez tous ceux-là il s'efface plus ou moins, tandis que chez les plus humbles, les plus petits des Vers annelés, comme des Tur- bellariés, les Syllidiens, les Naïdiens, les Microsto- midés, dont le tube digestif est presque rectiligne, le métamérisme est exagéré à ce point que le corps peut se dissocier en troncons, dont chacun reconstitue un organisme indépendant; c'est l’ori- gine des phénomènes qu'on a décrits chez ces ani- maux sous les noms de scissiparité et de généralion allernante. D'autre part, quiconque a étudié les Vers anne- lés sait que la natation par ondulations est chez eux un mode de locomotion exceptionnel, surtout pendant la période de reproduction. Les Vers annelés nageurs sont l’exceplion; presque tous se terrent ou vivent dans des lubes; c'est seulement quand ils sont épeurés, qu'ils fuient en nageant; et ce serait celte allure accidentelle qui aurait été la cause mécanique de ce grand phénomène du mélamérisme! Admettons pourtant que cette allure soit normale, encore faudrait-il, pour que l'explication fût admissible, que les segments du Ver fussent à peu près de même longueur que les demi-ondulations de son corps; or, quiconque a vu nager une Annélide sait encore qu'une multi- tude de segments sont contenus dans chacune de ses demi-ondes, et qu'il ne peut exister aucune sorte de rapport entre les uns et les autres. Enfin, si la segmentation des Vers annelés était réelle- ment la conséquence des ondulations de Jeur corps, surtout si les organes génilaux interve- naient dans celte segmentation, elle se serait seu- lement produite lorsque le Ver aurait été très près de l’âge adulte; d’après la loi de l'Aérédité aux âges correspondants de la vie, qu'il est toujours, à la vérité, loisible aux auteurs d’hypothèses de mettre en doute, la segmentation du corps de l'embryon devrait donc être tardive; c’est, au contraire, le phénomène inilial de la formation du corps. Tous 391 E. PERRIER — LE MÉCANISME DE LA COMPLICATION ORGANIQUE CHEZ LES ANIMAUX les segments devraient se former simultanément; au contraire, aussi bien chez les Arthropodes, les Vers annelés, les Cestoïdes que chez les Vertébrés, ils se forment un à un, généralement à l'extrémité postérieure du corps, en avant du télson. Il est done permis de dire que les hypothèses le plus récemment proposées pour expliquer le métamé- risme ne reposent que sur un rêve; et que, de plus, loin d'expliquer quelque chose, ellés sont en contradiction formelle avec les habitudes physio- logiques et les rapports morphologiques du corps des Vers annelés, avec les données les plus précises de l'embryogénie, et une loi de l’hérédité jusqu'à présent regardée comme fondamentale par les transformistes. Il serait done contraire à toute méthode scientifique de s’y arrêter. VII Revenons, au contraire, à nos organismes rami- fiés et cherchons à préciser les caractères des faits de développement qu'ils nous présentent. L'œuf d'un spongodème, d'un hydrodème, d'un bryo- zoïide, d'un ascidiodème, produit tout d’abord, avons-nous dit, un spongoméride, un hydroméride, un bryoméride, ou une ascidie!; le méride ou l’as- cidie commence par différencier ses tissus el ses organes et, pendant un certain temps, grandit en demeurant semblable à lui-même; puis, sans qu'il soit possible d'avoir du phénomène une raison « bio-mécanique » précise, mais il est bien clair que personne ne suppose cetle raison surnalurelle ou mélaphysique, le sens des phénomènes de crois- sance change; il se constilue en une région de la paroi du corps que nous ne savons pas encore caractériser physiologiquement, une protubérance à la formation de laquelle prennent part les prin- cipaux lissus du méride ou de l’aseidie, et cette protubérance qu'on désigne sous le nom de Lour- geon devient un organisme, méride ou ascidie, semblable à celui qui est issu de l'œuf?. Nous pou- 4 S'il est réel que les Tuniciers soient des Vertébrés dégé- nérés, une ascidie serait déjà un organisme du rang des dèmes:; comme les organismes d’une complication supé- rieure au rang des dèmes sont rares, il n’est pas nécessaire de créer pour eux un nom nouveau et l'on peut se borner à désigner sous le nom des démules les organismes de compli- cation supérieure aux zoïdes qui prennent part à leur cons- titution ; certains Siphonophores ont ainsi des démules capables de se détacher et de mener, comme les méduses, une existence indépendante. 2 1l est très vraisemblable cependant que les nécessités de la nutrition et, notamment, l'incontestable disproportion entre l'accroissement du corps en surface et son accroisse- ment en volume comptent ici, au moins dans une certaine mesure, parmi les canses qui ont rendu nécessaire le bour- geonnement des mérides, aussi bien que la division des plastides et la limitation de leur taille ; l'observation de tous les organismes inférieurs montre que toutes ces causes ont agi d'ailleurs non pas en provoquant la formation de plis vons donc, en ce qui concerne les zoïdes et les dèmes ramifiés, exprimer cette loi, qui rappelle une loi analogue que l'étude des plastides nous a conduit à formuler : « Les mérides constitutifs d'un zoïde ou d'un dème grandissent en demeurant géomé- triquement semblables à eux-mêmes jusqu'à une cer- laine limite; puis leur croissance se localise et ils donnent naissance à un ou plusieurs bourgeons dont chacun se transforme en un méride nouveau. » Les mérides ainsi formés peuvent être identiques au méride originel ou en différer plus ou moins, s'ils s'adaptent à des fonctions nouvelles. Les bour- geons peuvent aussi se former bien avant que le méride qui les porte ait alteint sa taille ou sa constitution définitive, au point que le méride ini- tial et ses bourgeons peuvent paraitre se former presque simultanément aux dépens de l'œuf(Sipho- nophores), que l’œuf peut produire presque direc- tement un zoïde au lieu d'un méride (Trachymé- duses, Acalèphes, Coralliaires), et qu'on voit même chez les Tuniciers, le bourgeonnement se produire dans l'œuf, l’ascidie initiale se résorber presque entièrement et l’œuf laisser éclore un petit dème formé de plusieurs ascidies nées par bourgeon- nement sur l'ascidie-mère disparue. Ce sont là les phénomènes d'accélération embryogénique ou de tachygénèse dont j'ai minutieusement exposé toutes les gradations connues, soit dans les Colo- nies animales, soit dans mon 7raité de Zoologie. Les raisons bio-mécaniques de cette accélération embryogénique, comme celles de la limitation de la taille des mérides, nous les entrevoyons en par- tie; mais malgré tous nos efforts de pénétration, nous sommes bien obligés de reconnaitre que nous ne les possédons pas sûrement; au moins les fails sont-ils incontestables et, bien définis, bien com- pris, peuvent-ils nous servir de base pour coor- donner des fails nouveaux, les ramener aux fails connus, ce qui est proprement, au point de vue scientifique, les expliquer. MINI Si l’on cherche maintenant à quelles conditions générales d'existence répondent les deux grandes formes d'organismes, la forme ramifiée (Paxro- ZOAIRES) et la forme segmentlée (ARTIOZOAIRES), On trouve que tous les organismes ramifiés — et ceci comprend même les végélaux — sont fixés au sol ou suspendus dans l’eau à une bulle d'air (Siphonophores), ce qui est, en somme, une sorte de fixation; au contraire, tous les animaux simullanés dans tel ou tel organe, mais celle de bourgeons successifs intéressant tout l'organisme; de là, la complica- tion graduelle du corps des organismes et son mode de développement par addition successive de mérides, jamais par clivage simultané de toute sa longueur. E. PERRIER — LE MÉCANISME DE LA COMPLICATION ORGANIQUE CHEZ LES ANIMAUX 335 segmentés sont libres et mobiles. Les réciproques de ces deux proposilions ne sont pas rigoureuse- ment vraies !, mais il n'entre pas dans notre sujet d'en rechercher les raisons, qui sont d'ailleurs faciles à donner dans chaque cas particulier; il nous suffit de constater la grande généralité des deux propositions directes pour être autorisés à chercher dans les deux genres de vie si différents qui leur correspondent, l'origine des deux types de structure que présentent les animaux. Or, ce n'est pas faire une supposilion qui sorte des don- nées les plus probables de la « bio-mécanique » que d'admettre, comme je l'ai indiqué dès 1879 dans une lecon au Muséum, que les mérides initiaux nélaient pas tous également pesants, à volume égal; que les moins pesants ont pu nager plus faci- lement que les autres dans le milieu ambiant tout à fait homogène; que leur natation s'est accomplie dans le sens du premier orifice formé à leur sur- face, devenu par cela même orifice buceal; qu'ils ont pris dès lors el conservé la forme d'un solide de révolution; que s'ils se sont fixés plus tard, ils l'ont fait par un de leurs pôles en conservant leur symétrie par rapport à un axe; qu'ils ont pu dès lors produire des bourgeons en tous les points de leur corps où, pour une raison quelconque, l’activité nourricière a élé surexcitée, el qu'ils sont ainsi devenus l'origine d'organismes ramifiés. Au contraire, les mérides les plus lourds sont tombés sur le sol sous-marin et ont dù se mouvoir à sa surface pour y trouver leur nourriture; par suite de leur pesanteur, ils se sont forcément plus où moins aplatis: leur locomolion s’est faile dans le sens de l'orifice buccal; les efforts de l'animal pour saisir sa nourriture ont amené cet orifice sur la face du corps reposant sur le sol; cette face s'est caractérisée comme face ventrale, la face opposée comme face dorsale; dès lors le méride ayant une extrémité antérieure, une extré- milé postérieure, une face ventrale, une face dor- sale, a eu, par cela même, une moitié droite et une moitié gauche; la symélrie bilatérale commune à tous les animaux métaméridés s’est trouvée réalisée. : Etant donné notre point de départ, admissible, je pense, pour lout le monde, ces conséquences sont rigoureusement nécessaires. Or, le fait d'être plus ou moins lourd n'a pu faire perdre à notre méride sa propriété de bourgeonner ; de ce que cette pro- priélé est générale chez les mérides fixés végé- taux où animaux, nous avons bien le droit de con- clure, sans exagération, que cette propriété ne peut manquer aux mérides libres. S'exercera-t-elle ici dans les mêmes conditions? Evidemment non: la ‘ Les Méduses, les Etoiles de mer, etc., quoique libres, ont un corps ramifié; les Cirripèdes, quoique fixés, ont un corps segmenté. « bio-mécanique » combinée avec la sélection na- turelle nous indique clairement ce qui arrivera. Il ne pourra se former de bourgeon en avant du méride, parce que le terrain sur lequel se trouve la nourrilure serait balayé lorsque la bouche y arriverait; il ne pourra s'en former sur le dos parce que les bourgeons, plus lourds que l’eau par hypothèse, seraient appliqués sur le dos de l’ani- mal par leur propre poids et par la pression de l'eau dès que l'animal se déplacerait; les bour- geons latéraux seraient de même alors rabattus sur le côté et se souderaient au corps en même temps quils gêneraient la marche; il ne saurait être question davantage de bourgeons ventraux; il ne reste alors qu'une seule place pour la pro- duction de bourgeons, c’est l'extrémilé postérieure du corps; et la production de tels bourgeons con- duit forcément à la formation d'organismes méta- méridés. Mais que peut être un bourgeon posté- rieur, sinon l'extrémité postérieure même de notre méride, plus ou moins isolée par une constriction transversale de la région antérieure, extrémité toujours en voie de croissance et dans laquelle les mêmes organes se constituent? On peut mème prévoir que ce second méride une fois caractérisé ne produira pas de bourgeons à son extrémité postérieure; il constitue, en effet, pour ainsi dire, l'arrière-garde du jeune zoïde; s'il n'acquérait pas très vite et ne conservail pas une grande sensibilité, ce dernier serait sans cesse exposé à être surpris par derrière. Le méride pos- térieur, une fois caractérisé, ne bourgeonnera done qu'en avant de son extrémité antérieure; les mé- rides nouveaux se formeront un à un, et le plus jeune sera loujours l’antépénultième. IX Si cette conclusion est exacte, si les animaux métaméridés résultent du bourgeonnement posté- rieur de mérides libres, les plus inférieurs d'entre eux doivent naître réduits à un seul méride ou à un pelit nombre de mérides. Les mérides suivants doivent naître un à un, par la constitution graduelle à l’état de méride de la région postérieure du corps du premier méride, puis successivement de la région qui précède immédiatement le deuxième méride formé; celui-ci demeure le méride termi- nal ou telson. C'est justement l'histoire même du dévelop- pement des Vers annelés les plus inférieurs (Sylli- diens); ils naissent sous la forme d'un méride qui a reçu le nom de #rochosphère et dont la ressem- blance avec certains Rotifères demeurant toujours à l’état isolé est frappante (7rochosphæra æquato- rialis). L'accélération embryogénique fait ensuite 336 E. PERRIER — LE MÉCANISME DE LA COMPLICATION ORGANIQUE CHEZ LES ANIMAUX son œuvre et éloigne peu à peu du type initial le mode de développement des plus spécialisés de ces Vers. En présence d’un tel résultat, toutes les ob- jections que l’on pourrait soulever ne sauraient être considérées que comme des difficullés momenta- nées qu'il appartient à des recherches précises, intelligemment conduites, de lever. La première qui ait été formulée consiste à dire que la trochosphère n’est pas un méride, qu'elle comprend trois parlies dissemblables : une anté- rieure à la bouche qui deviendra la lête du Ver, une moyenne qui formera son corps, une poslé- rieure qui formera son lelson. C'est là une inlerpré- lalion purement arbitraire de la trochosphère; les trois régions qu'on lui suppose iei sont absolu- ment virtuelles, c'est-à-dire qu'elles n'existent pas; la trochosphère Lypique est parfaitement indivise ; c’est bien un méride isolé. Il importe peu dès lors qu'une partie plus ou moins étendue de son corps soit employée à former des segments différents, comme cela arrive d'ailleurs partout où il y à bour- geonnement; il n'importe pas davantage que le mésoderme se forme dans la région qui deviendra plus tard le telson et passe de là dans les régions moyenne et antérieure du corps. L'histoire de la formation des bourgeons chez les Ascidies compo- sées, dont la constitution coloniale est cependant incontestée, présente des faits autrement étranges, qui s'expliquent par des considérations tirées des effets connus de l'accélération embryogénique. C'est en raison de ces phénomènes d'accéléra- tion que les Arthropodes inférieurs naissent sous la forme d’un organisme à trois mérides, le nauplius, qui est peut-être lui-même issu de formes particu- lières de Rotifères, tels que les Pedalion (Zograf). D'ailleurs, quel que soit le degré de l'accélération embryogénique, chez tous les animaux mélamé- ridés, du Copépode ou de la Syllis à l'Homme, les segments se forment tout d'abord un à un, en avant du telson; la règle du développement demeure in- variable. Toutefois, la théorie ne s'oppose pas à ce qu'il s'inlercale des segments n'importe où, à la condition que la production de ces segments ne gène pas la locomotion; il pourra donc s'inter ‘aler entre certains groupes de segments, des zones par- ticulières de bourgeonnement; ces zones ne sont pas nécessairement assujetlies à un rôle parlicu- lier (embryons des Vertébrés); le plus souvent, néanmoins, elles aboutissent soit à la formation de nouveaux zoïdes qui se séparent les uns des autres pour vivre à l’état de liberté (Naïdiens, Syllidiens), soit à une double mélaméridation dont les Sang- sues fournissent un remarquable exemple, soit à la formalion de régions distinctes du corps. Ce cas, particulièrement intéressant, caractérise le déve- loppement des Crustacés décapodes. Chez tous les Crustacés inférieurs, le telson étant mis à part, les trois segments du nauplius deviennent respec- tivement les Lrois premiers segments céphaliques del’'animal,etces segmentssontcaractérisés,comme segments céphaliques, bien avant que le reste du corps se soil constilué. On peut donc dire que le nauplius qui naît avant que son telson soit différencié, représente morphologiquement la tèle du crustacé adulte et que cette têle a bourgeonné le reste du corps. Si étrange qu'elle puisse paraitre au premier abord, cette proposition est absolument conforme aux faits. Chez les Crustacés podophthalmes, il se constitue très vite en arrière de la future région céphalique deux segments qui produisent chacun des segments nouveaux: le second en avant du telson, suivant la règle habituelle; le premier en avant du second; ces deux segments sont l’origine, l’un de la région thoracique de l'animal, l'autre de sa région abdominale qui se comportent, on le voit, au point de vue du développement, comme deux zoïdes distincts. Ces deux zoïdes peuvent d’ailleurs se développer simullanément (Schizopodes); ou bien le thorax prend l'avance sur l'abdomen, de sorte que l'embryon présente une région cépha- lique et une région thoracique bien différenciées quand l'abdomen est encore à l'état de moignon (PENÆIDÆ, ERYONDX, PALINURIDÆ, HOMARIDE); ou bien, au contraire, l'abdomen se développe plus rapidement que le thorax (GALATHÆIDÆ, PAGURIDX, Brachyures). Les trois zoïdes accusent ainsi une indépendance relative, liée sans doute à la com- mune facon d'agir des mérides qui les constituent; et l'on remarquera que si le nauplius n’est formé que de mérides qui entreront dans la constitu- tion de la tête du crustacé adulte, les Crustacés du second groupe présentent aussi un stade em- bryonnaire libre et actif, où tous les segments dif- férenciés représentent exclusivement les segments céphaliques et thoraciques de l'adulte. Pour con- vaincre un naturaliste de bonne foi qu'il est réel- lement possible qu'un animal soit à un certain moment réduit à ce qui deviendra sa tête, que son thorax bourgeonne en arrière de cette tête et l’ab- domen en arrière du thorax, il suffira, par consé- quent, de l'engager à étudier l'embryogénie des Crustacés podophthalmes. On ne voit même pas pourquoi ces formes embryonnaires qui mènent une existence si active n'auraient pas pu vivre indéfini- ment sous cet élat, à une période géologique plus ou moins ancienne. Il est vraisemblable cependant, et l'histoire des Trilobites semble l'indiquer, que les mérides constitutifs d’un Arthropode élaient primi- tivement semblables entre eux, comme ceux d’un Polychète errant, qu'ils se sont graduellement diffé- renciés et groupés en régions, d'après les fonctions que sa position dans la série linéaire rendait possible E. PERRIER — LE MÉCANISME DE LA COMPLICATIOM ORGANIQUE CHEZ LES ANIMAUX 337 à chacun d'eux, et que s'ils apparaissent aujourd'hui d'emblée différenciés, c'est le résullat d’une accé- léralion embryogénique plus ou moins intense. Dès lors les formes embryonnaires libres des «rustacés ne représenteraient pas nécessairement des formes ancestrales adultes. — A peine est-il besoin de prévenir que dans un animal tel qu'un &rthropode, dont toutes les parties sont étroitement faites les unes pour les autres, il serait absurde de supposer que la tête ou région sensitive, le thorax ou région locomolrice, et l'abdomen ou région viscé- rale pourraient vivre d'une manière indépendante, après leur différencialion. Il serait tout aussi absurde de supposer qu'un méride d’Arthropode, un méride de Vertébré, après avoir subi les modi- fications profondes qui sont justement résultées pour eux de leur association constante avec des mérides plus ou moins similaires, aient pu jamais mener, sous celle forme modifiée, une existence indépendante, ou pourrait jamais y revenir. Il a'en est pas moins, au plus haut point, vraisem- blable, que ces êtres polymériques ont eu pour pro- géniteurs primilifs des êtres réduits à un seul méride, qui se sont graduellement compliqués en produisant des mérides nouveaux. Il existe encore aujourd'hui, à l'origine de chacune des grandes séries organiques, des êtres qui demeurent à cet état et des embryons qui ne font que le traverser, < 500 de section avec un fruit de 0,02 par mètre. Les lingots chargés chauds dans les pits élaient transformés en blooms, puis réchauffés el lami- nés en plaques. On y découpait alors des barres que le laminage réduisait à la largeur de 30 à 40 millimètres. Les éprouveltes de traction élaient finies de tours et sur les morceaux cassés on détachait des copeaux qui étaient analysés. M. Webster à cherché d'abord comment la charge totale de rupture se trouve influencée par la tempéra- ture où l’on termine le laminage. Celle-ci varie avec l'épaisseur et la largeur des pièces, et, si l'on prend pour base des résultats les essais faits sur une tôle de 10 mil- limètres d'épaisseur ayant une largeur inférieure à 1 m. 780, il faut appliquer les corrections indiquées ci-dessous aux plaques dont les épaisseurs et largeurs différent de ces dimensions. Épaisseur des plaques. Largeur <[ 1,780. Largeur > 1,780. 19mm — 900K — 453k 17 —_ 800 340 16 "680 — 927 14 = 570 = 114 13 = 453 il 11 — 997 10927 10 û + 433 8 + 4.360 + 1.820 Les résullats des essais de traction comparés aux teneurs en C, Si, Mn, Ph, S trouvés dans les morceaux correspondants, ont amené M. Webster aux conclusions suivantes : Une tôle de 10 millimètres d'épaisseur en fer pur, c'est-à-dire absolument exempt de corps étrangers, donne une résistance d'environ 24 kil.# par centimètre carré pour l'acier Bessemer et de 22 kil. 9 pour l'acier Martin. Chaque unité °/, de G accroit la résistance de 56 kil. 2. L'effet par unité de Mn semble diminuer à mesure que le pour 100 de cet élément augmente : ainsi la différence de ténacité entre les aciers conte - nant de 0,20 à 0,30 de Mn est plus grande qu'entre les aciers dont la teneur varie de 0,50 à 0,60, tous les autres éléments restant les mêmes. L'influence du Ph se fait plus sentir dans l'acier dur que dans l'acier doux. En présence de 0,06 à 0,08 de C, chaque unité °/, de Ph augmente comme le C la résistance de 56 kil. 2; pour une teneur plus élevée en C, soit de 0,15 à 0,250), l'effet du Ph est à peu près double, puisqu'elle est éva- luée à 105 kil. # par unité °/, de Ph; pour les teneurs en C intermédiaires comprises entre 0,08 et 0,15 l’aug- mentalion de charge résultant du Ph est progressive et variable entre 56 kil. 2 et 105 kil. #. Le S de son côté augmente proportionnellement la résistance de 35 kil. 2 pour une leneur de 1°/,. Quant au Si, qui n'existait qu'à l'état de (races dans ces aciers, son effet durcis- sant n'a pu être suffisamment apprécié. M. Webster à rassemblé tous les résultats si intéres- sants de son étude dans une série de lableaux. Le premier est à double entrée el donne les valeurs de la résistance à la traction en fonction du G et du Ph. Les autres reproduisent les charges en regard des teneurs en Mn ou en S. Ces lableaux nous ont paru un peu encombrants el en tous cas trop longs à consulter. Aussi avons-nous cru devoir en concentrer les chiffres en des formules analogues à celles déjà établies par MM. Deshayes et Osmond; pour l'acier Bessemer : R— 24,4 + 56,2 C + 19,1 Mn — 10,4 Mn° + f(C) Ph + 35,28. pour l'acier Martin : R=—929,9+ 56,2 C + 19,1 Mn — 10,4 Mn° + f(C) Ph + 35,28. Les valeurs de la fonction f (C) étant les suivantes : Pour C de 0,15 à 0,25 0} f{ — de 0,08 à 0,15 Jet — de 0,06 à 0,08 f C)= la constante 105,4. ) = 702,5 X C. (C) = la constante 56,2, On peut remarquer que le ferme négatif — Mn? permet de ramener à sa Juste valeur l'influence de ce corps qui est loin d'être proportionnelle à sa teneur. Le baron Juptner à publié tout récemment une étude établissant des relations entre la ténacité, la striction el la composition chimique du fer et de l'acier. Ce mélallurgiste ne considère que l'influence du C, du Si et du Mn. Pour lui, 42 éléments de CG ont la même valeur que 28 éléments de Si ou 54,8 éléments de Mn. En remplacant ce dernier chiffre de 54,8 par 56, pour faciliter les caleuls, il arrive à énoncer cette règle d'équivalence : CS Si= 1 Mn — 14 ce qui veut dire que 3 °/, de G ou 7 °/, de Si ou 14°}, de Mn sont des quantités équivalentes pour augmenter la ténacité du fer de 200 kilos par millimètre carré. Si nous admettons avec le baron Juplner que la résistance du fer pur est de 25 kilos par millimètre carré, el si nous adoptons les mêmes désignations que dans les formules précédentes, les résullats que nous venons d'énoncer peuvent se traduire ainsi : 9 ) R—25 + _ C + 2e Si + — Mo, c'est-à-dire : R = 25 + 66,6 C + 28,5 Si 14,3 Mn. M. Juptner fait remarquer que le carbone peut exister dans le fer sous différentes formes qui influencent ses propriétés de facons bien distinctes, mais que toutefois ces différences perdent de leur importance pour les faibles teneurs en C. D'autre part, l'influence que peut exercer un seul et même corps varie suivant les autres éléments en présence et, abstraction faite des éléments secondaires, ne croît pas toujours proportionnellement à la teneur de ce corps. Hadtfield à montré que l'influence du chrome sur le fer exempt de Carbone est à peu près insigni- fiante, tandis que le Chrome et le Carbone réunis permettent d'atteindre une ténacité et une dureté plus grandes que celles que l’on obliendraitavee chacun des corps séparément. Le Manganèse, suivant sa teneur, peut agir dans des sens (très opposés. Enfin le Phos- phore influence plus fortement le fer riche en Carbone que le fer peu carburé. Nous rappelons à ce sujet que M. Webster considère que les coeflicients du Phosphore sont variables suivant les teneurs en Carbone et que l'influence du Manganèse est loin d'être proportion- nelle au pourcentage de ce mélal. Les essais du baron Juptner ont porté sur 393 éprou- veltes de métal coulé (Fer ou Acier). La lénacité était calculée d'après la composition chimique, puis com- parée à la résistance réelle. IL est difficile de rappro- cher les formules Webster et Juptner : Les premières ne se rapporlaient qu'à du fer coulé basique sans sili- cium et dont la teneur en carbone ne dépassait pas 0,25 0/4, tandis que la plupart des essais allemands portèrent sur des aciers à haute teneur en Carbone 390 ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES (jusqu'à 0,70 °/,) et assez fortement siliciés (jusqu'à 0,50 0/,) et ne tinrent pas compte du Phosphore. Voici quels furent les écarts trouvés entre la résistance réelle et la résistance calculée : 1 à 3k par millimètre carré pour 57,13 °/, des essais. SA — — 29,69 _ MEME = = 9,90 — > 6 = — 3,26 — Dans les travaux de Webster les écarts pour 90 °/; ne dépassaient pas 2 kil. 8 et pour 29 °/, d'entre ceux-ci la différence restait au-dessous de 0 kil. 7. Toute'ois, il faut remarquer que les compositions chimiques des éprouvelles de Juptner élaient comprises dans des limites sensiblement plus étendues que celles de Webster, ce qui augmente les chances d'écart. Quoi qu'il en soit, la comparaison qui précède prouve que l'on peut arriver par des moyens différents à des valeurs approchées de la résistance, à condition que les teneurs des corps qui influent sur elle ne dépassent pas les limites usitées dans les aciers soudables ordi- naires (Schmiedbaren Eisen). M. Jupiner ne dit pas quelles dimensions il donnait à ses éprouvetles et quel traitement il leur faisait subir. En tout cas, le métal, quelle que soit sa prove- nance, fut essayé de la facon la plus précise. Si l'on calcule par la dernière formule énoncée Ja résistance d'un cerlain nombre d'aciers à rails dont la composition chimique et la ténacité réelle ont été indiquées par Tetmajer (Stahl und Eisen, 1885, p, 348), on sapercoit que, pour obtenir à peu près l'identité entre la résistance trouvée et celle calculée, il faut donner une autre valeur à la constante A = 25 de la formule et poser À — 28 el quelquefois 30. La valeur du terme A dans la formule empirique n'est done pas absolue et résulle de l'expérience. On juge d'après cela combien l'emploi d'une formule de ce genre, dans laquelle on se donnerait a priori la valeur de la constante, peut conduire à des erreurs, si on l'applique à un mélal quelconque d'une fabrication non courante. La constante A représente Ja somme de Ja résistance à Ja traction du fer avant forgeage, laminage ou trempe, el de l'augmentation de résistance qui résulte de ces opérations ou de l'une d'elles. Autrement dit, l'écart ressortant de la comparaison entre la ténacité véritable et celle calculée et rapporté à la valeur de la constante donne la mesure du traitement qu'a dù subir le métal, C'est là la conclusion la plus importante de Juptner. Toutefois sa formule n'est pas dépourvue d'objection, puisqu'elle néglige complètement l'influence du Ph, du Set de tous les autres corps étrangers au fer; elle ne peut done suffire pour calculer la mesure du trai- lement qui a eu lieu et encore moins la part d'augmen- lalion de résistance qui revient au lravail mécanique et celle qui se rapporte à la trempe. Dans un second ouvrage, le même savant a cherché une relation entre la striction et la composition chimique du métal. La diminution de section de léprouvette étant d'autant plus faible que la teneur en corps étrangers augmente, l'équation cherchée est de la forme : S = B —f(C, Si, Mn), — B représentant la striction du fer pur, et sa valeur, comme pour A dans la formule de la ténacité, dépendant des conditions de préparation du métal. D'après les cassures des éprouvettes employées dans les essais de résistance, on arriva aux coefficients suivants: S 0/0 — 60 2/9 — [46,6 C + 20 Si + 10 Mn] °/6 Sur les 393 essais : 58,04 °/, donnèrent des écarts de 1 à 40/0 26,48 — 4 à 7 — 8,97 — 1à 9— 2 30 — 9 à 10 — 4,12 = > 10 — entre les strictions réelles et celles calculées. Mais lorsqu'on appliqua la formule aux rails dont nous avons parlé, on trouva pour B des écarts consi- dérables, puisque sa valeur oscillait entre 17,5 et 72,8 °/,. M. Jupiner en explique la cause par des diffé- rences de fabrication et surtout par les variations qui existent dans la constitution chimique, notamment en ce qui concerne le phosphore *. On sait que les aciers phosphoreux sont caractérisés par une striction presque toujours faible, jointe à un allongement généralement aussi considérable que celui correspondant à la même composition chimique comme carbone el manganèse, mais sans phosphore. M. Deshayes, dans les nombreux essais qu'il a faits de ces métaux phosphoreux à l’an- cienne usine de Terre-Noire, a constaté des allonge- ments de 20 à 25 °/, mesurés sur 200 millimètres entre repères, alors que l'allongement pour 100 mesuré sur* 400 millimètres atteignait seulement 21 à 26 °/,. La barre s'allongeait done également dans toutes ses par- ties et d'une façon plus homogène que dans d'autres métaux. — Nous citerons les conclusions du baron Jupt- ner ainsi que les considérations émises à ce sujet par le professeur Ledebur (Stahl und Eisen, 1896, p. 350) : 19 La résistance à la traction et la striclion dépendent de la composition chimique et du traitement subi; 20 Si le {traitement est toujours à peu près le même, on peut employer des formules empiriques pour cal= culer approximalivement R et S en fonction de la teneur des corps étrangers; » 3° Inversement, les coefficients A ou B peuvent se déduire des valeurs réelles de la résistance ou de la striction et de la composition chimique et fixent l'éten= due de l'élaboration subie par le mélal; 4% Les valeurs de À el B peuvent servir de caraclé- ristiques des propriétés des métaux; 5° Les valeurs de A et B permettent de reconnaîlre el de supprimer des erreurs dans la fabrication. M. Ledebur admet la première de ces propositions, mais ilremarque avec raison que ce n'est pas seule- ment de la composition chimique et de l'élaboration que dépendent les qualités de résistance du métal. Les soufflures dans le mélal coulé, les scories dans le métal soudé participent également à les modifier. L'origine du mélal joue aussi son rôle : L'acier au creuset se comporte autrement que les aciers Bessemer où Martin de même composition etil n'est pas prouvé qu'un acier Thomas carburé d'après le procédé Darby et riche en manganèse soit comparable à un acier Bessemer acide el carburé par le Spiegel. Le baron Juplner à raison d'employer le mot « approximalif » dans sa deuxième conclusion ef ce mot doit s'étendre aux (rois suivantes, car les calculs qu'il cite à propos des rails ne sont pas faits pour prouver une concordance absolue, tant il peut se produire d'influences diverses pour contrarier l'exactitude du caleul. Nous ajouterons que, si les formules empiriques que nous venons de passer en reyue ou les nouvelles que l’on pourra établir sont à peu près impuissantes pour dénoncer comment s'est effectuée l'élaboration du mé- {al ?, elles n'en ont pas moins leur imporlance el leur utilité, avec celle réserve qu'elles soient la consé- quence d'un même genre de fabrication et que les éprouveltes qu'on y rapporte aient élé toujours pré- parées de la même facon, et, si possible, par le même ouvrier. Dans ces conditions, le chimiste pourra les employer pour contrôler ses résullats d'analyse; ces formules serviront de plus à apprécier d'une facon approximative la dureté d'un métal qu'il ne serait pas possible d'essayer à la traction et dont il suflira de se procurer quelques copeaux. EuiLe DEMENGE, Ancien élève de l'Ecole Polytechnique. i Louis Schneider : Oesterreichische Zeitsch:, 1886, p. 730. 2 Aujourd'hui, les procédés d'examen micrographique des aciers, si bien mis en lumière par M. Osmond, suffisent amplement à ce but. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 351 BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET 1° Sciences mathématiques Haure (M.), Ancien élève de l'Ecole Normale Supérieure. — Recherches sur les points de Weierstrass d’une courbe plane algébrique. (Thèse pour le Doctorat de la Faculté des Sciences de Paris.) — 1 brochure in-4° de 88 pages. Gauthier- Villars et fils, éditeurs. Paris, 1896, Prenons dans le plan de la variable complexe # un point a, qui soil un infini d'ordre s, pour la fonction rationnelle u de æ; s est, pour un choix convenable de u, égal à un entier quelconque. Désignons, au con- traire, par w une fonction algébrique de x, c'est-à-dire une fonction rationnelle des coordonnées x et y d'un point », mobile sur une courbe algébrique plane C; supposons que « possède au point 4 de GC un infini unique d'ordre s. La suite de lous les ordres s possibles ne reproduit la suite naturelle des entiers qu'à un cer- ain nombre de lacunes près, constituées par des ordres manquants. Si a est quelconque sur C, les ordres man- quants sont : ADS ED: p désignant le genre de C; c'est même la propriété que Weierstrass prend pour délinition du genre. Si « vient en un «point de Weierstrass » A,.les ordres manquants sont différents, sans qu'aucun d'eux toutefois dépasse 2p—1. Weierstrass à construit p intégrales abéliennes de première espèce distinctes, infiniment pelites en À, dont les degrés d'infinitésimalité respectifs sont préci- sément les ordres manquants. Cela fournit un procédé pour construire les A. D'un autre côté, deux fonctions u et v,ralionnelles en æ eby, ayant sur C un même infini unique a,sont liées par une relation algébrique, équation d'uue certaine courbe F. Sia vient en À, la courbe l'est fort particularisée. Réci- proquement, la manière d'être de L commande dans une certaine mesure celle du point À de Weierstrass. Il est donc naturel d'étudier F au lieu de A lui-même. M. Haure s'attache à construire, pour les genres infé- rieurs à huit, les tableaux d'ordres manquants et, pour un système déterminé d'ordres manquants, la courbe l'. Le travail se termine par une application aux courbes gauches algébriques ; ces dernières, conformément à des idées de Brill, Nœther et Halphen, sont envisagées comme des (ransformées point par point de courbes planes. La nature de recherches à laquelle est consacrée la thèse est très ardue; nous ne connaissons rien dans la science qui soil à la fois plus abstrait et plus minutieux que les discussions numériques « à la Halphen » sur les degré, classe, genre, nombre de points doubles, réels ou apparents, de courbes non encore construites. Sans doute M. Haure n'a pas épuisé la matière qu'il avait choisie, maisil à apporté une contribution sérieuse à la solution du problème. Il à montré qu'il savait évo- luer à l'aise dans des théories élevées et difficiles. LÉON AUTONNE, Maitre de Conférences à la Faculté des Sciences de Lyon. Armengaud ainé (M.). — Le Vignole des Mécani- ciens. Etudes sur la Construction des Machines (3° Edition, 1°7 Fascicule). — 1 vol. in-8° de 192 pages avec 222 figures. (l'rix de l'ouvrage complet en sous- criplion: 20 fr.). E. Bernard et Ci, éditeurs. Paris, 1897. L'ouvrage de M. Armengaud, dont nous avons sous les yeux le premier fascicule, est concu dans un esprit INDEX essentiellement pralique. Il a pour but de donner aux mécaniciens tous les renseignements nécessaires pour la construclion des principaux organes qui entrent dans la composition des machines. Le livre commence, il est vrai, par une élude théo- rique de la résistance des matériaux, mais cette étude était nécessaire pour la déterinination des proportions des organes examinés ultérieurement et l’auteur l’a, d’ailleurs, réduite au minimum en se bornaut aux idées générales et aux formules d’un usage courant dans la pratique. Les chapitres suivants sont consacrés entièrement à la description des organes: vis, boulons, écrous, rivets, arbres, pivols, coussinets, graisseurs, transmissions, engrenages, poulies, pistons, bielles, manivelles, excen- triques, cylindres, tuyaux, soupapes, volants, etc. Pour chaque organe un type est étudié complètement, puis l’auteur indique quelles modifications il doit subir dans son adaptation à divers genres de machines. Le livre renferme un nombre considérable de don- nées fort utiles et il estappelé à rendre les plus grands services aux mécaniciens, ingénieurs, constructeurs, et aux élèves des écoles professionnelles et des écoles d'arts et méliers. A. B. Maréchal (Henri), Ingénieur des Ponts et Chaussées. — Les Tramways électriques.— 1 vol. in-S° de 204 pa- ges avec 115 fig. (Priæ relié : T fr. 50). Baudry et Ci, éditeurs. Paris, 1897, Au moment où se pose le problème de la transfor- mation des tramways dans Paris, l'auteur nous donne un exposé sommaire des diverses méthodes employées en Europe et en Amérique pour la traction électrique. Il passe tour à tour en revue les dispositions générales, les systèmes de distribulion, la voie, les moyens employés pour conjurer les risques d'électrolyse; tour à Lour, nous voyons les divers (ypes de tramways à fil aérien, à conducteur souterrain, à conducteur inter- rompu au niveau du sol, à accumulateurs; la distribu- lion par courant continu, alternatif imonophasé, alter- nalif polyphasé. Les lecteurs de la Revue y retrouveront le tramway Claret-Vuilleumier, et ceux qui aiment à voir dans l'avenir auront pu y trouver, avant la mise en service, les nouvelles installations à accumulateurs rapides de la Compagnie des Tramways de Paris et du département de la Seine. L'ouvrage se fermine par la description du matériel roulant, des stations centrales el un apercu des prix de revient. Sur un sujet aussi touffu que la fraction électrique, il ne pouvait ètre question d'un exposé complet de tous les systèmes employés et dont là deseription emplit continuellement les colonnes des journaux spéciaux. L'auteur à dù se borner à décrire sommairement les principaux {ypes dans chaque catégorie, L'ouvrage est également très sobre en fait de discussion critique. Ceux qui par profession ont à s'occuper de traction électrique n'y verront peu qu'ils ne connaissent déjà ceux qui sy intéressent, mais qui n'en peuvent faire l'étude approfondie, tout en étant familiers avec l'élec- {ricité, trouveront un exposé succint bien coordonné, qui les mettra au courant de l'état actuel de la ques- tion, P:E, Marchand (E.), Ingénieur civil. — Nouvelle théorie des pompes centrifuges. Etude théorique et pra- tique. — 1 vol. in-8° de 192 pages, avec 44 figures. E. Bernard et Cie, éditeurs, 53 ter, quai des Grands- Augustins. Paris, 1897, BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 2° Sciences physiques \Veiss (Pierre), Agrégé des Sciences physiques, Maitre de Conférences à la Faculté des Sciences de Rennes. — Recherches sur l'aimantation de la Magnétite cristallisée et de quelques alliages de Fer et d’An- timoine. (Thèse pour le Doctorat de la Faculté des Sciences de Paris.) — 1 brochure in-4° de 64 pages avec 37 fig. G. Carré et C. Naud, éditeurs. Paris, 1896. Parmi le petit nombre de corps qui présentent des propriétés fortement magnétiques se trouve l'oxyde de fer, Fe‘0#, la pierre d'aimant: mais sice minéral est f'aimant le plus anciennement connu, il était resté le moins bien étudié; au cours de ces dernières années les propriétés magnétiques du fer ont été lobjet d'une admirable suite de travaux; la magnélite, assez inutile au point de vue des applications pratiques, à été un peu laissée de côté, el cependant le fait que ce corps peut être étudié à l'état eristallisé semble promettre de très intéressants résultats théoriques, c'est la pensée qu'a eue M. Weiss, et son mémoire vient nous montrer aujourd'hui combien celte pensée était heureuse. L'auteur, qui à eu à sa disposition de très beaux échantillons de magnétite cristallisée de diverses pro- venances, à effectué une série de mesures très soignées et bien systématiquement ordonnées; il a employé la méthode du galvanomètre balistique, convenablement modiliée de facon qu'elle s'adaptät à la petitesse des corps-étudiés dans cette méthode ; laimantation et le champ magnétique sont mesurés d'une semblable facon par Fimpulsion de l'aiguille. Les résullats géné- raux sont, comme on pouvait S'y attendre, du même ordre que ceux auquels on est arrivé pour le fer, mais le fait le plus remarquable mis en évidence par M. Weiss est que la magnétite, bien que cristallisée dans le système cubique, n’est-pas isotrope au point de vue des propriétés magnétiques ; les mesures qui ont porté sur des prismes taillés parallèlement aux axes cristallographiques ont montré que l'aimantalion est maxima suivant laxe lernaire, minima suivant l'axe quaternaire, el à une valeur intermédiaire sui- vant l'axe binaire. Cet important résultat à été confirmé et étendu à des directions autres que celles des axes par une autre méthode comportant des mesures effectuées sur des disques de magnétite ; l'auteur a réalisé de bien curieuses expériences qualitatives montrant de la facon la plus nette cette dissymétrie magnétique. Dans une seconde partie, M. Weiss adapte la méthode du galvanomètre balistique à la mesure de l'intensité d'aimantation des corps faiblement magnétiques, en compensant l'induction de la bobine qui produit le champ sur la bobine induile par une autre induction mutuelle; il peut ainsi déterminer avec précision les courbes d'aimantation d'une série d'alliages échelonnés entre les corps peu magnétiques el les corps ferroma- gnétiques; ces alliages sont des alliages de fer et d'an- fimoine chez qui M. Cuilletet à montré, il ya long- temps déjà, l'existence de la propriété magnétique. L'un des alliages étudiés estun premier exemple dun corps à peu près complètement dépourvu daimantation résiduelle et ne s'aimantant pas proporlionnellement au champ. Enfin, le mémoire se termine par une dlis- cussion très serrée des résultats obtenus par différents auteurs relativement à la dissipation de l'énergie dans les eyeles d'aimantation. A coup sûr tous ces derniers résultats sont impor- tants, et particulièrement la discussion de la formule de Steinmelz présente pour tous les électriciens un ovande intérêt : il faut bien avouer toutefois que celle partie de la (hèse n'a avec la première que des rapports assez éloignés. On serait presque tenté de reprocher à M. Weiss d'avoir produit un mémoire (rop riche; il aurait pu faire de son travail sur les alliages un mé- moire distinet, et la loi d'unité d'action, applicable en littérature scientifique peut-être aussi bien qu'en art dramatique, eût été mieux observée. L'étude de la ma- unétite eût été certes bien suflisante pour constituer, à elle seule, un fort beau lravail, surtout si M. Weiss avait été moins réservé.et s'il avait traité plus complè- tement la discussion théorique du résultat si important qu'il avait réussi à mettre en évidence. L'analogie avec les propriétés optiques aurait pu faire supposer que la magnétite se comporte comme un Corps isotrope ; il n’en est pas ainsi, el, après tout, la chose n'a rien qui nous doive beaucoup surprendre ; mais c’est un fait capital au point de vue de toutes les théories du magnétisme et aussi de la théorie électromagné- tique. Si l'auteur n'a pas épuisé le sujet à cet égard, il a, par ses belles expériences, mis en lumière un résultat dont, maintenant, tout théoricien devra tenir le plus grand compte. LuctEN PoINCaRÉ, Chargé de cours à la Faculté des Sciences de l'Université de Paris. Villard (Paul). —Etude expérimentale des Hydrates de gaz. — Etude des gaz liquéfiés. (Thèses de la Fa- culté des Sciences de Paris.) — 1 brochure in-8° de 154 p. avec 30 fig. Gauthier-Villars et fils, éditeurs. Paris, 1896. On sait les lois générales très simples qui régissent les corps à l’état gazeux, lois dont l'expression mathé- malique est la même pour tous les gaz, pourvu qu'à l'unité de masse habituelle on substitue la masse de la molécule considérée. Ne pourrait-il pas en ètre de méme des combinaisons dissociables que les gaz for- ment avec l’eau? D'après M. Berthelot, « les deux com- posants subsistent intégralement dans le composé el conservent un état moléculaire aussi voisin que pos: Sible de celui qu'ils possèdent à l'état de liberté ». S'il les hydrates constitués par leau et les comme les gaz eux-mêmes, des la nature du en est ainsi, gaz devront posséder, propriétés communes, indépendantes de COrpsS Sazeux. Telle est l'idée générale qui sert de guide à M. Vil- lard et qu'il a cherché à vérilier dans son travail. La manipulation des gaz comprimés purs, dont on fait usage dans la préparation des hydrates, est une opé- ration délicate, nécessitant l'emploi d'appareils spé- Caux. M. Villard se sert d’une pompe de compression (rès simple (dont la partie essentielle est un robinet à poin- eau en nickel), parfaitement hermétique malgré Pab- sence de tout corps gras, où le gaz n'est en contact qu'avec le verre, le mercure et des pièces métalliques. I] décrit avec beaucoup de soin la gradualion de ses manomètres, qu'il compare à un manomètre à azote, puis il passe à l'étude de l'hydrate de protoxyde d'azole, dont il fait une monographie complète. Le gaz, obtenu par distillation du produit médical, est assez pur pour pouvoir être liquéfié totalement, sans aucun résidu. La production de l'hydrate est com- parable à la solidilication d'un liquide surfondu où à la evistallisation d'une solution sursaturée; l'hydrate forme difficilement dans des tubes parfaitement propres, où Peau peut rester en surfusion. IL n'existe qu'à l'état solide, sous pression, el à chaque tempéra- ture le gaz en contact avec lui possède une force élas- tique déterminée, qui est la tension de dissociation de lhydrate; cette tension esl la même dans leau qu'en présence du gaz, ainsi que l'avait déjà constaté M. Rooze- boom, à propos de lhydrate sulfureux. L'hydrale de protoxyde d'azote n'exerce pas d'action sur la lumière polarisée ; il appartient done au premier système cris: {allin. Nous arrivons à la partie la plus intéressante du travail de M. Villard, celle où il détermine la composi- tion chimique et la chaleur de formation de Fhydrate. La marche suivie, trop minulieuse pour ètre résumée, paraît irréprochable ; l'auteur se contrôle fréquemment et les nombres qu'il obtient possèdent évidemment un haut degré d'exactitude. La composition de l'hydrate est représentée par la formule simple : AZO, 6 HO. se BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 353 Les expériences calorimétriques sont effectuées dans un calorimètre à glace de Bunsen, à tige longue et de diamètre relativement fort, ce qui permet d'augmenter le poids de la matière mise en œuvre, Pour constaterles analogies entre les divers hydrates, il suffisait d'étudier une ou plusieurs de leurs pro- priétés en procédant comme pour le protoxyde d'azote. M. Villard s'est occupé des hydrates des gaz carbonique et sulfureux, du chlorure de méthyle, de lacétylène el de l'éthylène. Tous ces composés n'existent qu'à l'état solide. IIS se sont montrés sans action sur la lumière olarisée; tous ont la méme composition chimique que hydrate de protoxyde d'azote, c'està-dire renferment 6 molécules d'eau pour 4 molécule de gaz. Les trois premiers hydrates avaient déjà été examinés par divers auteurs qui leur avaient attribué des for- mules différentes; nous pouvons y ajouter les hydrates du chlore (et du brome) et de l'hydrogène sulfuré. Les formules proposées jusqu'ici pour ces corps renferment probablement une lrop grande quantité d'eau. Ces hydrates appartiennent tous au système cubique; ils semblent être isomorphes, car la présence de lun d'eux suffit pour provoquer la cristallisation des autres : il est donc vraisemblable qu'ils sont construits sur le même type et qu'ils possèdent la même formule à 6 molé- cules d’eau. En résumé, on peut conclure, d'après l'excellent tra- vail de M. Villard, que les gaz sont susceptibles de con- tracter avec l’eau des combinaisons à structure sem- blable, où l'affinité chimique semble ne jouer qu'un rôle très effacé", Ces composés paraissent rentrer dans la classe, du reste assez mal délimitée, des combinaisons molécu- laires; classe ainsi dénommée par les chimistes pour indiquer un assemblage moins intime d'où les molé- cules primitives peuvent être dégagées facilement el sans altération, el où, inversement, il serait possible aux molécules gazeuses combinées de conserver leur individualité physique avec une partie de leurs pro- priétés communes. Le travail de M. Villard sur les gaz liquétiés prend deux parties. La première est consacrée à la mesure de la force élastique maxima d'un certain nombre de gaz que l’auteur s'est astreint à préparer aussi purs que possible et qu'il a débarrassés de toute trace d'air par une ébullition prolongée. C'est pour cette raison, sans doute, que les tensions trouvées pour le protoxyde d'azote sont inférieures aux don- nées de Faraday et de Regnault. Signalons deux tableaux des forces élastiques de léthylène et de lacétylène liquides; pour ce dernier gaz, la tension à 0° est égale à 26 atmosphères, et à 209 elle atteint 42 alm. 5. Dans la seconde partie de son travail, M. Villard s'occupe des phénomènes critiques. Il démontre d'abord que les expériences de MM. Cailletet et Colardeau sur la détermination du point critique s'interprètent bien avec l'hypothèse d'Andrews, sans qu'on soit obligé d'ad- mettre la persistance de l’état liquide. Il en est de même des expériences de l'auteur? sur la condensa- Uüon simultanée dans les deux branches d'un tube en 0 ou dans tube en U renversé : à 4 ou 5 dixièmes de degré, au-dessus du point critique, on à un fluide abso- lument homogène el une densité unique, à la condi- tou que les gaz soient entièrement privés d'air. On arrive aux mêmes conclusions en examinant des tubes à acide carbonique renfermant une trace diode; les diverses apparences que l'on observe s'expliquent par la dissolution de l'iode dans le gaz carbonique com- primé, Enfin, l'auteur démontre directement que les ? Ainsi l'Argon, ce gaz que M. Ramsay qualifie de zérova- lent, dont les affinités chimiques sont nulles, a cependant donné à M. Villard un hydrate tout à fait comparable aux hydrates des autres gaz. (Comples rendus du 17 août 1896.) ® Voir la Revue, t. V, p. 630 (1894). 8 Ibid., p. 662. < REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897, phénomènes de mirage el les différences de densité que présentent les tubes de Natterer et qui semblaient inconciliables avec la théorie d'Andrews, sont dus à des différences de température, le liquide étant tou- jours plus froid que la vapeur !; à l’aide de la formule de M. Sarrau, on à pu calculer numériquement les variations de densité provoquées par le défaut d'uni- formité de la température. Il est permis de conclure, à la suite des expériences et des interprélalions de M. Villard, que la théorie d’Andrews, dans sa simplicité primitive, suffit à rendre compte de tous les phénomènes critiques; les pertur- balions sont d'ordre secondaire et faciles à expliquer : elles ne paraissent nullement incompatibles avee l'hy- pothèse de la continuité de l'état gazeux et de l’état liquide, P.-TH. MULLER, Maitre de Conférences à la Faculté des Sciences de l'Université de Nancy. 3° Sciences naturelles Foà (Edouard), Chargé de Mission par le Ministère de l'instruction publique. — Du Cap au Lac Nyassa. — 4 vol.in-18 de 382 pages avec 16 gravures, une carte et un vocabulaire. (Prix : 4 fr.) Plon, Nowrrit et Cie, édi- teurs, 10, rue Garancière. Paris, 1897. M. Edouard Fo, chargé de mission par le miuistère de l’Instruction publique, explore en ce moment le bassin du Zambèze. Ce métier, qu'il fait depuis 1891 dans le sud de lAfriqne, il s'y était préparé par un séjour de trois ans au Dahomey; car il n'esl pas de ces voyageurs qui prennent des noles el qui passent :il s'installe dans le pays dont il parle, il y vit, il en apprend la langue, et, suivant un programme déterminé, tracé à l'avance, il en étudie successivement les ressources naturelles, la géographie et la climatologie, la faune et la flore, les industries et les mœurs, l'histoire et les races, la religion et les caractères ethnographiques. Il à publié il y a deux ans, en un gros volume substantiel et plein de choses? le résultat de l'enquête qu'il avait ainsi poursuivie sur Ja Côte d'Ivoire et au bord du Whémé. Malheureusement le lecteur francais goûte peu ces traités graves et d'un aspect sévère. Il aime mieux les fantaisies, le romanesque ou ce qui y ressemble. Aussi ce compact et excellent livre, pour estimé qu'il soil des gens du métier, n'a-t-il pas eu auprès du publie le même succès qu'un autre ouvrage du même auteur, ouvrage dont, à la vérité, l'intérêt est poignant et qui, d'ailleurs, renferme bien des considérations dont les hommes de science peuvent faire leur profit. Je parle ici de ses Grandes chasses dans l'Afrique centrale 3, qui, publiées comme livre d’étrennes, ont une portée de beaucoup supérieure à la plupart des publications de ce genre, lesquelles n’ont souvent qu'une vogue éphémère, et ne méritent pas mieux. Eclairé par celte lecon, M. Foù a adopté pour ce volume-ci un moyen terme. Renonçcant à rassembler, quant à présent, les notes qu'il a recucillies sur la géo- logie, l’orographie, etc., il s'est borné à conter son voyage, mais non sans parler, à l’occasion, du c'imat, des productions du sol, de l'altitude des régions qu'il a {raversées, des coutumes et du genre de vie des habitants. Pour le lecteur, c'est tout profil; mais on nous permellra d'exprimer le regret de n'avoir pas ici un {raté scientifique complet, où le sujet soit épuisé, et qui satisfasse pleinement les hommes d'étude. Les premiers chapitres, en particulier, à part quelques observations personnelles, manquent d'originalité et de profondeur. Ils sont consacrés au voyage rapide de 4 Voir la Revue, {. VIT, p. 326 (1896). ? Le Dahomey, 1 vol. grand in-80 de 430 pages, avec 17 plan- ches ou gravures hors texte, plans et cartes coloriés (Brblio- thèque de l'Explorateur). — Paris, A. Hennuyer, 1893. # 4 vol. grand in-8° de 340 pages avec 76 gravures, d'après les dessins et les documents de l'auteur. — Paris, Firmin- Didot et Cie, g"* 304 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX Paris au Cap et du Cap au Transvaal. Ces pays nous sont maintenant connus, el les impressions d'un tou- riste qui les parcourt sans avoir presque le temps de regarder n'ont de piquant que par la forme de sa narra- tion, le charme de son style et la fertilité de son imagi- nation. Un écrivain de profession saura broder des développements ingénieux sur un détail entrevu en cours de route; un esprit fantaisiste ou rêveur se lais- sera aller à d'aimables vagabondages sur le spectacle de la nature ou sur un épisode de voyage. Avec M. Foù, rien de pareil. Ni l'imagination, ni la poésie, ni le souci de | « écriture artiste » ne le poussent à parler pour ne rien dire, et, quand il s'y hasarde, c'est sans grand succès. Aussi peut-on faire assez bon marché des pages du début qui sont, en quelque sorte, de la mise en train. Au contraire, dès que notre guide quitte les pays con- nus et pénètre dans ceux qui sont neufs pour Ja civi- lisation française, à partir de Prétoria et jusqu'au lac Nyassa, c'est tout plaisir de le suivre, et on l'accom- pagne avec d'autant plus de sécurité, qu'on sent bien qu'il n'invente rien : on éprouve une entière confiance en sa sincérité. Ajoutons que, s’il n'est pas un écrivain d'une correction impeccable et d’une forme toujours parfaite, il n’en a pas moins composé son récit avec habileté, sachant mélanger à doses convenables l'épi- sode anecdotique avec les renseignements statistiques, les considérations sur l'avenir politique de ces régions ou sur la suppression de la traile avec des croquis de paysages lestement enlevés, et des conseils sur la facon de voyager dans la brousse avec des souvenirs de prouesses cynégétiques: Voici, par exemple, une page qui nous parait donner une idée assez exacte du « faire » de notre voyageur : «€ A Nahanji, au moment de notre arrivée, le village était en fête; le tambour s'en donnait à cœur joie. Cet instrument de. tapage, nous l'avons entendu presque partout sur notre passage : c'est l'amusement préféré du noir et on ne trouve jamais l’un chez lui sans l’au- tre. C’est l’accompagnateur du chant, de la danse et de toutes les cérémonies; il pleure auprès des morts et rit aux joies des vivants; il frappe le premier les oreilles du nouveau-né et conduit le vieillard à sa dernière de- meure : le tambour fait partie de la vie courante de l'indigène, et ceux qui sont accoulumés au noir n'y font pas plus attention que lui. Mais ils ne comprennent pas, comme le noir, les batteries différentes qui consti- tuent son langage à lui, langage qu’on entend à de grandes distances, tandis que les autres instruments paraissent muets à quelques mètres. Un indigène re- connait au tambour ce que faït un voisin : il peut dire exactement, sans se tromper jamais, à quelle cérémo- nie, à quel passe-temps se livre ce dernier, et Dieu sai si la variété en est grande : ce peut être un enterre- ment, un anniversaire d’enterrement, le jour d’un décès ou bien le lendemain de ce décès. Ou encore, c'est la naissance d'un enfant, l'arrivée d’une jeune fille à l'âge nubile, la prise d'armes d'un jeune guerrier, sa circon- cisiov, un mariage depuis le premier jour jusqu'au dixième. Ou bien, enfin, c'est simplement une des nom- breuses danses locales dont la liste serait trop longue : pau chacune d'elles ou pour toute cérémonie, le tam- our change ses accents et annonce au loin ce que fait son maitre. « La fête à laquelle nous avons assisté était plutôt une réunion générale à la fin des moissons, afin de célébrer la rentrée et la mise à l'abri de la mapira (sorgho) de l'année. Plusieurs villages avaient dû se joindre à celui où nous élions pour prendre part à la réjJouissance, car le nombre des individus semblait beaucoup plus consi- dérable que celui des cases, et le bruit était assour- dissant. » Si ce passage n'est pas d’une langue bieu châtiée, du moins est-ce clair, vif, précis el neuf, Beaucoup de gens, en effet, même de ceux qui savaient l'usage (el presque l'abus) que les noirs font du tambourin, ignoraient que cet instrument püût vouloir el voulût dire fant de choses et que son langage eût un vocabulaire semblable au « cahier des batteries réslementaires » qui sont en usage dans notre armée. De pareils détails donnent au récit plus de couleur peut-être que des épithètes rares; ils évoquent, mieux que bien des explications, l'idée de la demi-civilisation de ces races encore rudimentaires que nous avons tant besoin de connaitre, et que des livres comme celui-ci nous aident à comprendre, Aussi est-ce avec une insistance particulière que nous en re- commandons la lecture. Lieut.-Colonel Y... Y.… 4° Sciences médicales Gayet (D'), Médecin principal de la Marine. — Guide sanitaire à l'usage des officiers de l'Armée colo- niale. —1 vol. in-18 de212 pages. (Prix cartonné :2 fr. 50.) 0. Doin, éditeur. Paris, 1897. Destiné aux chefs de détachements dans les postes éloignés de loute assistance médicale, cet opuscule résume sous une forme claire et concise les notions élémentaires sur l'hygiène du soldat dans les pays intertropicaux, el contient quelques conseils sur les premiers soins à donner aux malades. — Dans la pre- mière partie, consacrée à l'hygiène coloniale en géné- ral, avant de traiter de l'alimentation, de l'habillement, de l'habitation, elc..…, l'auteur effleure quelques ques- lions d'actualité concernant la constitution de l’armée coloniale, en ce moment à l’ordre du jour. Il réclame nolamment l'augmentation de lélément indigène, à l'exemple des Anglais, el un meilleur choix de l'élé- ment européen, qui ne devrait comprendre aux Colonies que des hommes ägés d'au moins vingt-deux ans. Malheureusement, ces deux desiderata de l'hygiène, dont les expéditions récentes ont fait ressortir l’impor- lance capitale, ne sont pas toujours conciliables avec les difficultés du recrutement, dans les conditions actuelles de la constitution des troupes coloniales. Dans la seconde partie, l'auteur passe suceinelement en revue les affections les plus communes, en insistant sur les maladies qu'on rencontre le plus souvent dans les pays chauds, et indiquant à propos de chacune d'elles la conduite à tenir et les premiers soins à donner. ? Ce guide, concu dans un esprit pratique, sera cerlai- nement ulle aux officiers et aux colons que les exi- gences de la vie coloniale relégueront souvent dans des postes dépourvus de médecin. Dr J. ALYERNHE. Trillat (A.), Expert chimiste uu Tribunal civil de la Seine. — La Formaldéhyde et ses applications à la Désinfection des locaux contaminés. — 4 vol. in-8° de 128 pages. G. Carré et C. Naud, éditeurs, 3, rue Racine. Paris, 1897. L'intérêt général qu'ont soulevé les premières expé- riences sur les propriétés antiseptiques de la formaldé- hyde à engagé M. Trillat à réunir dans une brochure les principaux travaux qui ont lrail à ce produit. En même temps que le résumé des expériences de tous les savants qui se sont occupés de cette question et celui des travaux personnels de l’auteur, se trouve la des- cription de certaines propriétés peu connues de Ja formaldéhyde., Dans la première partie de l'ouvrage, l'auteur donne un aperçu du rôle de la formaldéhyde dans la physiologie végétale : les expériences concer- nant l'insolubilisation des albuminoïdes sont parlieu- lièrement intéressantes. VE Dans la deuxième partie, M. Trillat, après avoir. cité les expériences qui mettent en évidence les propriétés antiseptiques de la formaldéhyde, donne la descriplion des essais en grand qui établissent le mode pratique de l'emploi des vapeurs de formaldéhyde pour désinfecter les appartements. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 355 » ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 22 Mars 1897. M. le Président annonce à l’Académie la mort de M Antoine d'Abbadie, membre de la Section de Gto- graphie et Navigation. 4 SorenNcEs MATHÉMATIQUES. — M. Moutard étudie les différentielles successives d'une fonction de plu- sieurs variables et montre qu'elles jouissent des pro- priétés suivantes : 1° Lorsqu'il existe une solution commune à des différentielles consécutives, en nombre égal à celui des variables, cette solution appartient à toutes les différentielles suivantes; 2° lorsqu'une diffé- rentielle admet une solution multiple, cette solution appartient, avec le même degré, à toutes les suivantes; 3° lorsqu'un groupe de différentielles consécutives, en nombre inférieur à celui des variables, admet une solution commune double, celle-ci est une solution double de tout groupe plus éloigné. — M. F. Marotte étudie les méthodes par lesquelles on peut arriver à la détermination du groupe de transformations d'une équation différentielle linéaire. — M. R. Bourgeois présente les résultats des travaux topographiques exé- vutés par le Service géographique du Corps expédition- naire de Madagascar pendant la campagne de 1895. — M. D.-A. Casalonga adresse une note sur le mouve- ment de rotation lunaire. — M. Delauney adresse une note sur les périhélies des planètes. — M. Labergère adresse un mémoire sur la Géométrie du triangle. 90 SCIENCES PHYSIQUES. — M. G. Darzens, dans le but de vérilier la loi des états correspondants, a fait l'essai suivant: Si l'on porte sur une feuille quadrillée T ® « à MA : abscisse et T ordonnée, chaque mesure de À (cha- leur latente de vaporisation) se trouve représentée par un point et ces différents points, appartenant, soit à un inôme corps, mais à des températures différentes, soit à des corps différents, devront se placer suivant une courbe continue, ou plutôt suivant nne zone étroite si la loi des états correspondants est exacte. En opérant ainsi, l’auteur a constaté que la loi est inexacte si l’on veut réunir tous les corps ensemble, et cela même aux environs du point critique. Mais il est possible de former des groupes de corps où cette loi se vérilie, au contraire, d'une facon très satisfaisante. — Les clichés radiographiques ordinaires présentent deux sortes d'inconvénients : 1° Les trois dimensions de l’objet sont réduites à deux et l’image ne présente pas de relief; 2° la faible distance qui sépare le tube produc- teur de rayons X de la plaque sensible entraîne souvent une déformation de l’image. MM. T. Marie et H. Ri- baut proposent, pour remédier à ces inconvénients, de faire de la radiographie stéréoscopique ; ils indiquent les conditions dans lesquelles la méthode stéréosco- pique peut être appliquée et présentent les épreuves qu'ils ont obtenues. — M. C. Gros adresse une note. sur un commutateur électrique manœuvrable à dis- tance. — M. Foveau de Courmelles adresse une note sur l’autoradioscopie. — MM. Paul Sabatier et J.-B. Senderens ont constaté qu'en faisant passer de l’éthy- lène sur du nickel (obtenu en réduisant l'oxyde par l'hydrogène) chauffé vers 300°, le métal foisonne en donnant une matière noire volumineuse; cette matière noire est du charbon; les gaz qui sortent de l'appareil ne renferment plus d’éthylène; ils sont constilués par du méthane et de l'hydrogène. — MM. G. Urbain et E. Budischovsky ont étudié les sables monazités; après séparation du didyme, ils ont converti les terres restantes en acétylacétonates, dont ils ont fait la cris- tallisation fractionnée dans l'alcool et dans le benzène ; ils ont obtenu diverses portions de poids atomiques variant de 95 à 112 et des eaux-mères plus lourdes dont ils continuent l'étude. — M. A. Mermet a constaté qu'une solution faible de permanganate de potasse aci- dulée par l'acide azotique se décolore sous l'influence de traces d'oxyde de carbone; la décoloration est accé- lérée en présence d'azotate d'argent. — M. G. Blanc à traité le chlorure de l'acide isolauronolique par le zinc-méthyle et a obtenu un corps C#H'O, isomère du camphre; ce corps, par réduction, donne un alcool C'°H%0 et un corps (G:*H70}. — MM. Georges Claude et Albert Hess signalent un nouveau mode d'emma- gasinement de l’acétylène; il consiste à dissoudre ce gaz dans l'acétone; à la pression ordinaire et à 15°, l'acétone dissout 25 fois son volume d’acétylène; sous 12 atmosphères, 1 litre d’acétone dissout 300 volumes de gaz; si la température s'élève à 50°, la pression double, tandis que pour l’acétylène liquide, elle triple pour une élévation de température bien moindre. On pourra done employer des récipients à parois plus minces; les dangers et les dégäts d'explosion en seront de beaucoup diminués, 30 SCIENCES NATURELLES. — M. A. Chauveau montre que si un travail mécanique, de cause purement exté- rieure, est exécuté automatiquement, sans dépense supplémentaire d'énergie intérieure, par des muscles en état de contraction statique, le travail positif dimi- nue et le travail négatif augmente l'échauffement mus- culaire résultant de la dépense d'énergie intérieure. — M. Ph. van Tieghem présente un mémoire sur les Phanérogames où il propose une nouvelle division de cet embranchement; il appelle Séminées les plantes pha- nérogames dont le fruit renferme plusieurs corps dis- tincts ou graines, pouvant être séparés facilement et donnant chacun naissance à une nouvelle plante ; Inséminées celles dont le fruit ne contient pas de graines et doit être soumis tout entier à la germination pour produire upe ou plusieurs plantes nouvelles, suivant qu'il renferme un ou plusieurs embyrons. Par la con- sidération des ovules, des nucelles et des téguments de la nucelle, l'auteur divise ensuite les Séminées en Bitegminées et Unitegminées, les Inséminées en Bitegmi- nées, Unitegminées, Integminées, Innucellées et Inovulées. — M. A. Lacroix à étudié la constitution minéralo- gique de l'ile de Polycandros (Archipel) ; les parties les plus intéressantes sont les assises de l'ile, formées par une succession de chloritoschistes, de micaschistes et de calschistes. — M. L. de Launay étudie le rôle des phénomènes d'altération superficielle et de remise en mouvement dans la constitution des gîtes métallifères. — M. P. Termier montre que l’appauvrissement gra- duel en chaux des roches éruptives basiques de la région du Pelvoux est dû à l’action des eaux superti- cielles. Ces eaux, au contact des granites et des gneiss, s’enrichissent en silicates alealins qui déplacent la chaux dans les roches basiques qu'ils rencontrent. Séance du 29 Mars 1897. La Section d'Astronomie présente la liste suivante de candidats à la place laissée vacante par le décès de M. Tisserand : en première ligne, MM. Bigourdan, Perrotin, Radeau ; en deuxième ligne, MM. Deslandres, Maurice Hamy, Puiseux. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Brioschi présente un mémoire sur la transformation des équations algé- briques; il donne l'application de la formule de 350 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES M. Hermite aux équations du septième degré. — M. C. Guichard démontre que les congruences associées jouissent des propriétés suivantes : 4° les réseaux con- jugués découpés par les développables sur les con- gruencesse correspondent ;2sil'une des deux congruen- ces est une congruence de normales à une surlace, il en est de même de l’autre. Les surfaces correspondantes ont, aux points correspondants, les mêmes rayons de courbure ; 3 si les développables de l’une des congruen- ces correspondent aux lignes de courbure d'une focale de cette congruence, il en est de même pour la con- gruence associée. — M. Jules Beudon indique une extension de la notion de caractéristique aux équalions aux dérivées partielles d'ordre supérieur et à plus de deux variables indépendautes. — M. E. Borel montre qu'on peut, dans certains cas, rendre déterminé Île problème indéterminé de l'interpolation au moyen d'une condition d’inégalité, mais cela n’est possible que si les données elles-mêmes vérifient des conditions du même genre. — M. E. Goursat rappelle qu'il a déjà énoncé, en 1885, plusieurs des propositions établies récemment par M. Moutard sur les différentielles suc- cessives d’une fonction de plusieurs variables indé- pendantes. — M. Mengin à constaté que l'aluminium, l’acier-nickel, le métal Delta, le laiton soumis à des efforts obéissent aux mêmes lois générales que l'acier, c'est-à-dire que la déformation ne se propage pas pro- gressivement d'un point à tous les points voisins, mais qu'elle se fait par ondulations, en se subdivisant en zones discontinues, géométriquement déterminées d'a- près des lois déterminées. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. A. Potier éludie lhéori- quement l'influence de la répartition des circuits induits sur le fonctionnement des moteurs asynchrones. — M. Jagadis Chunder Bose présente un appareil qui produit des radiations électriques de très courte lon- sueur d'onde et permet de reproduire les expériences de Hertz sur l'analogie des ondes électromagnétiques et des ondes lumineuses : réflexion, réfraction, diffiaction, polarisation. — M. H. Deslandres à éludié les actions mutuelles des électrodes et des rayons cathodiques dans les gaz raréliés. Il à constaté que, lorsque, dans le voi- sinage d’une cathode, on à un corps conducteur ou isolant qui est pris comme anode ou est isolé, tout se passe comme si les rayons cathodiques étaient attirés. L'action mutuelle des rayons et des cathodes se pro- duit seulement lorsque les rayons se pénètrent. — MM. Berthelot et André ont étudié au point de vue thermochimique les divers modes de dédoublement des glucoses : 1° en alcool et acide carbonique; 2 en acide lactique ; 3° en acide lévulique, acide formique et eau. Tous trois sont exothermiques et n'exigent pour s'ac- complir la consommation d'aucune énergie étrangère. — M.C. Friedel a analysé des matières grasses trouvées dans des tombes égypliennes d'Abydos. Un premier échantillon contenait de l'acide palmitique, un glycé- ride et un mélange d'acides de la série succinique; on se trouvait probablement en présence d'huile de palme, qui pendant sa longue conservation s'était saponifiée en partie, la glycérine s'étant oxydée ensuite en acides de la série succinique. Un deuxième échantillon contenait de l’acide stéarique et un peu de glycéride; c'était sans doute du suif de bœuf ou de mouton. Un troisième échantillon contenait environ la moitié de cendres; c'était le reste de gâteaux de raisin dont la matière organique avait été détruite par une combustion lente. — M.H. Moissan à analysé la croûte noire qui se forme sur le diamant lorsqu'il est soumis au bombardement moléculaire dans l'intérieur du tube de Crookes; cette matière noire n'est autre chose que du graphite, lequel n'a pu se former qu'à une température d'environ 3.000. — M. A. Besson à préparé les chlorobromures stanni- ques : 1° par l’action lente de l'acide bromhydrique see sur le chlorure stannique à 00; 20 par l’action du brome sec sur le chlorure stanneux anhydre dilué dans un corps inerte (CCI) à 0°. On obtient un mélange de chlorobromures qu'on peut séparer pardistillation frac- | tionnée sous 3centimetresde pression, puis parsolidifica- tion fractionnée. — M. H. Pélabon a étudié les condi- tions de la combinaison directe du soufre avec l'hydro- gène. Elle commence à 215°; elle s'effectue d'autant plus vite que la température est plus élevée; la quantité d'hydrogène sulfuré formé croît avec la température ; à partir de #40°, la combinaison de l'hydrogène tt du soufre se trouve limitée par la réaction inverse. — M. Boleslas Epstein, en faisant réagir le brome sur le monobromopropionate d’éthyle, a observé un dégage- ment considérable de gaz bromhydrique; en opérant avec l'acétate d’éthyle, M. Crafts n'avait constaté aucun dégagement de gaz. — M. Bouffard a étudié les pro- priélés de l’'oxydase qui produit la casse des vins; si on chauffe le vin à 60°, l'oxydase est détruite, mais la nature chimique du milieu à ici une inflaence sur la température de chauffe, car si l’on extrait l'oxydase, et qu'on Ja redissolve dans l’eau pure, il faut alors la chauffer jusqu'à 72° pour la détruire. L'acide sulfureux agit directement sur l’'oxydase el en détruit les pro- priétés oxydantes. — M. Balland à analysé des échan- tillons de seigle récolté en France en 1895 et 1896; les matières grasses et azotées y sont en proportions nola- blement moindres que dans le blé; les autres éléments ne diffèrent pas sensiblement. 30 SCIENCES NATURELLES. — M. Ph. van Tieghem étudie les Inséminées sans ovules, formant la subdivi- sion des Inovulées ou Loranthinées. D'après le carac- tère des fleurs, il divise ce groupe en Loranthales et Viscales, puis ces deux subdivisions chacune en cinq familles, dont il donne les caractères principaux. — M. Maxime Cornu indique une méthode nouvelle des- linée à mesurer l'émission d’eau liquide par les végé- taux ; elle est fondée sur l'enregistrement électrique de la chute directe des gouttes d'eau. — M. Joannes Chatin à rencontré, dans le tissu lacunaire d’un cer- ain nombre de Lamellibranches, des cellules particu- lières qui se distinguent aisément des éléments voi- sins par leurs dimensions comme par leur aspect; il établit que ces cellules ne sont autre chose que des clasmatocytes semblables à ceux que M. Ranvier a, le premier, fait connaître chez les Vertébrés. — MM. E.-L. Bouvier et H. Fischer ont étudié un des exemplaires de Pleurotomaires recueillis par M. Agassiz dans la campagne du Biake; les auteurs concluent que les Pleurotomaires présentent le premier stade d’une con- centration ganglionnaire qui s'accentue de plus en plus à mesure que l'on s'élève dansle groupe des Mollusques. —— MM. André Broca et Ch. Richet ont constaté que la période réfractaire et la synchronisation des oscilla- tions nerveuses se produisent avec des oscillations rythmées autres que les excitations électriques, par exemple des excitations mécaniques. — M.C. Delezerne montre qu'il existe dans les vaisseaux sanguins des nerfs vaso-sensibles qui sont excités par les variations brusques de pression sanguine et transmettent cette excitation aux nerfs des vaisseaux voisins pour pro- duire par leur moyen des variations de la pression san- guine., — M. A. Bickel a constaté que l'application de la bile concentrée ou des sels biliaires sur Ja surface du cerveau provoque, chez certains animaux, des phé- nomènes cérébraux divers caractérisés surtout par des convulsions et de la perte de connaissance accompa- unces de salivation. — M. E. Roze à examiné des échantillons de pommes de terre (variété Quarantaine de la Halle) qui devenaient en partie jaunâtre et brunätre après la cuisson; ces altérations sont dues au Pseudo- commis vilis Debray, myxomycète décrit sur la vigne par M. Debray. — M. F. Garrigou présente deux radio- graphies d'un homme et d'une femme, montrant le tronc et le bassin, et obtenues avec un grand focus Ducretet. Sur l'écran radioscopique, on voyait les mou- vements du cœur et le jeu de la respiration. — M. Mar- tin-Dürr envoie deux radiographies du thorax entier, montrant l’une un poumon sain, l'autre un poumon avec indurations. — M. L. de Launay étudie la forme profonde des amas filoniens de fer; les grands amas de ACADÉÈMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 95 fer sulfuré sont toujours dans les schistes, les grands amas de fer carbonaté dans les calcaires. Les amas de fer carbonaté partiellement oxydé à la surface se trou- vent toujours dans des régions accidentées. Louis BRUNET. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 2? Mars 1897. L'Académie continue et termine la discussion de la question de l'assainissement de l'industrie des allu- mettes. M. Magitot donne lecture de deux lettres du directeur d'une des plus importantes fabriques d’allu- mettes actuelles, lequel déclare se rattacher complète- ment à la thèse soutenue par M. Magitot, M. Bou- chardat soutient les conclusions de M. Magitot, M. Lere- boullet, celles du rapporteur, M. Vallin. Puis on vote; l'amendement de M. Magilot est repoussé; les conclu- sions de M. Vallin sont adoptées à l'unanimité moins deux voix. — M. P. Berger fait un rapport sur un fra- vail de M. Lue, relatif à l'ablation d’un sarcome du sinus frontal. Séance du 9 Mars 1897. M. Paul Berger présente d'ingénieux appareils, cons- truits par M. le D° Goldenstein, pour servir de char- pente aux parties molles du nez dans les restaurations de cet organe, nécessitées par des destructions ayant porté principalement sur le squelette. — M. Le Dentu donne la description de quarante cas de divisions acquises ou congénilales du palais, traités par la sta- phylorraphie, l'urano-staphylorraphie et opération du bec-de-lièvre. — M. Péan communique un cas de res- lauration anaplasique de l'urètre, du vagin, de la vessie et du rectum, fait à la suite d'une déchirure com- plète du périnée résultant d’une application violente du forceps. M. Péan signale un cas de fibro-sar- come de la région ischio-pubienne remplissant le bassin, et enlevé par la voie pubio-vulvo-périnéo-vagino-sacrée à l’aide de la méthode de morcellement. — M. Péan présente une épreuve radiographique montrant la pré- sence d'une balle dans le rocher etayant permis lex- traction rapide de cette balle. — M. Dieulafoy, après examen d'un assez grand nombre de cas, croit pouvoir formuler les conclusions suivantes : Il y a une lithiase intestinale, comme il y à une lithiase biliaire et une lithiase urinaire; elle peut être formée de sable, de gravier et même de calculs composés de matières organiques e inorganiques. La lithiase intestinale est très souvent accompagnée d’entéro-colite muco-mem- braneuse. Au point de vue de sa pathogénie, elle fait souvent partie de la diathèse goutteuse; il y à une gra- velle intestinale diathésique au même titre qu'une gra- velle urinaire et biliaire. La lithiase intestinale donne lieu à des cerises abdominales fort douloureuses, suivies de l'émission de sables ou de graviers. — M. A. Manou- vriez rapporte quatre cas d'intoxication aiguë acciden- telle par les vapeurs nitreuses résultant de l'échauffe- ment spontané d'un engrais arlificiel composé de nitrate de soude, de lignite pyriteux et de déchets de laine gras. Deux ouvriers, quiavaient respiré les vapeurs en plus grande quantité, furent pris de troubles divers qui se terminèrent par la mort au milieu d’atroces souf- frances; à l’autopsie, le sang était acide et profondé- ment alté — M. le D' Routier communique une observation de grossesse extra-utérine à terme avec fœtus retenu pendant trois mois environ; l'ablation totale du kyste fœtal avec l'hystérectomie abdominale furent suivies de la guérison. Séance du 16 Mars 1897. L'Académie procède à l'élection de deux correspon- dants étrangers dans la Division de Médecine. MM. Emi- lio Coni (de Buenos-Ayres) et Janssens (de Bruxelles) sont élus. — M. Joannes Chatin présente un rapport sur un mémoire du D° Mangenot, concernant une observation de fièvre typhoïde, d'origine oslréaire, suivie de mort. Le rapporteur fait ressortir la nécessité de l'alimentation des parcs à huîtres avec de l'eau de mer pure et non stagnante; si tel n’est pas le cas, les huîtres suspectes doivent, avant la consommation, être placées durant une semaine dans l'eau de mer courante et pure, — M. V. Cornil explique le rôle de la fibrine exsudée à la surface des organes dans les inflamma- tions des séreuses et du tissu conjonctif., — M. Paul Reclus signale cinq cas d'appendicite consécutifs à une entéro-colite; d'après lui, l'entéro-colite est une des trois causes principales de l'appendicite. Le mucus et le pus provenant de l'inflammation de l'intestin viennent stagner dans l’appendice et favoriser la pullulation de germes pathogènes. — M. le D' Malherbe lit un mé- moire sur l’évidement pétro-mastoïdien appliqué au traitement chirurgical de l’otite sèche. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 6 Mars 1897. M. Ch. Féré présente un coq, portant sur la peau des tumeurs qui se sont développées à la suite de greffes blastodermiques datant d'un an. — MM. Abelous et Biarnès ont constalé l'existence, chez la langouste, d'un ferment soluble ou oxydase, qui bleuit la teinture de gaïac. — M. P. Mégnin préseute un acarien, l'Olo- thymus coccinella, qui vit en parasite sur les canards de l'île Maurice et qui peut également déterminer une affection parasitaire chez l’homme. — MM. Veillon et Zuber ont recherché les microbes qui se trouvent dans les abcès et les suppurations fétides; ce sont des microbes anaérobies qui ne se développent pas sur les milieux ordinaires de culture. — M. Achard a éludié expérimentalement le pouvoir agglutinant du sérum de nouveau-nés dont les mères jouissaient de cette pro- priété. Lorsque le pouvoir de la mère est faible, le pla- centa ne le laisse généralement pas passer ; mais lorsque les inoculations aux mères sont répétées, la barrière offerte par le placenta est d'autant moins efficace. — M. U. Guinard à fait l'examen histologique d'une tumeur du sein et y a reconnu deux variétés : un car- cinomé glandulaire et un carcinome malpighien. Séance du 13 Mars 1897. M. Dejerine signale deux cas de maladie de Little et donne la description des coupes du cerveau et de Ja moelle qu'il a faites à l’autopsie. — M. Josué moutre que l'appendicite ne se produit pas seulement par obs- truction du canal appendiculaire: il a pu reproduire des lésions de cet organe par inoculation intra-veineuse de toxine du streptocoque isolé par M. Charrin sur des lapins atteints d’appendicite. — M. Thiroloix a observé chez deux malades, atteints de rhumatisme articu- laire, le bacille anaérobie décrit par M. Achalme.— M. Achalme signale un autre cas où il a également retrouvé ce baclle. — M. H. Roger montre que, pour qu'il se produise des fausses membranes, il n’est pas nécessaire qu'il existe une lésion de la muqueuse et des bacilles diphtériques vivants; la simple injection de toxine diphtérique dans le larynx amène la production de ces fausses membranes. — M. L. Lévy à fait l’au- topsie d’une malade morte de la maladie osseuse de Paget. Il a trouvé une sclérose d'origine vasculaire dif- fuse s'étendant sur diverses parties de la moelle; mais ces lésions caractérisent plutôt la moelle sénile que la maladie de Paget. — M. Courmont envoie une note dans laquelle il montre que le sérum de Marmorek n'immunise pas le lapin contre le streptocoque de l'éry- sipèle. — M. Dastre montre que la transformation de la bilirubine en biliverdine est un processus d'oxyda- tion, qui a lieu grâce à la présence d’une oxydase. La chaleur et la lumière sont nécessaires à la transfor- mation. Séance du 20 Murs 1897. M. N. Gréhant présente un nouvel appareil, le myo- dynamomètre, avec lequel il mesure la force des 398 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES muscles. Ainsi le muscle gastro-enémien de la grenouille peut soulever un poids de 700 à 1.000 grammes; l'hy- drogène, l'acide carbonique, l’oxyde de carbone, le curare, ont peu ou pas d'effet sur le muscle; seule, la vératrine produit un abaissement marqué de force, — M. Péron rapporte l'observation d'un malade qui pré- sentait un abcès du cou, dù à un streptocoque peu viru- lent; l'abcès n'ayant pas été évacué produisit, au bout de trois semaines, du purpura, des accidents choléri- formes, et le malade mourut. — MM. Garnier et Gil- bert ont constaté que beaucoup de paralytiques meurent de la tuberculose: ce fait n'est pas étonnant, la sup- pression de l'énergie des masses musculaires entraînant une déchéance vitale énorme. — M. E. Retterer pré- sente ses études histologiques sur le développement des follicules clos, qui lui paraissent naître d'invaginations épithéliales. — M. Denigès adresse une note sur l'uro- biline. Séance du 27 Mars 1897. M. Boureau (de Tours) a découvert un nouveau réac- tif des albumines qui permettra d'établir une distinction préeise entre les cas d'albuminurie vraie (émission d'al- bumines coagulables par la chaleur) et de peptonurie (émission d’albumines solubles à chaud). Le nouveau réactif (acide oxyphénylsulfureux tenant en dissolution un tiers d'acide sulfosalicylique) précipite les albumines coagulables par la chaleur et n’agit pas sur les peptones. — MM. J. de Nittis et A. Charrin ont étudié diverses altérations du foie et de la rate survenues chez des ani- maux à la suite de l'injection de produits microbiens, séreux ou urinaires. — M. Lemoine à étudié la pulpe vaccinale glycérinée et y a trouvé deux sortes de microbes : les uns (staphylocoques) sont les agents de la suppuralion vaccinale ; les autres sont accidentels et peuvent être évités avec quelques précautions, On peut se débarrasser des staphylocoques par un chauffage à 30°, pendant 24 heures, qui n’altère pas les propriétés vaccinantes. — M. Capitan présente un enfant obèse, âgé de 4 ans et # mois et pesant 51 kilos; tous les organes sont normaux. — M. Josué décrit les modifi- cations de la moelle osseuse qu'il a observées à la suite de l'infection streptococcique. — M. A. Laveran décrit les altérations des hématies qu'il a observées dans le sang d’un malade atteint de fièvre bilieuse hématurique suivie de fièvre continue; ces altérations diffèrent de celles qu'on rencontre dans le sang des paludiques. — M. Charrin présente des tracés du cœur chez des ani- maux intoxiqués pris à l'aide du cardiographe de M. Bardier. — M. A. Giard adresse une note sur la régénération chez les Annélides. SOCIÉTÉ FRANCAISE DE PHYSIQUE Séance du 5 Mars 1897. M. Darzens a étudié Les chaleurs latentes de vaporisa- ton au point de vue de la loide van der Waals. Le savant hollandais à établi, comme une conséquence de son équation caractéristique, la relation: M)_, a Fe Fe dans laquelle X désigne la chaleur latente de vaporisa- tion d'un liquide de poids moléculaire M, etf une fonc- tion qui est la même pour tous les corps. Un peut, en appliquant simplement le théorème des élats corres- pondants, retrouver cette équation, que M. Darzens met sous la forme un peu différente : Nu ë Dre Si cette relation est vraie, les courbes qui ont pour [ pour tous les corps. M. Darzens a tracé d’abord ces courbes pour Az°0 et CO? d’après les valeurs de uet u' déterminées par MM. Cailletet et Mathias ; elles sont très ; MÀ - abscisses T et pour ordonnées = seront les mêmes voisines l’une de l’autre el ont un point d'intersection qui leur est commun avec la courbe qu’on trace en par- tant des valeurs déterminées par M. Amagat, laquelle se trouve toujours entre les deux premières, La courbe de SO* pour des températures réduites plus basses, se place à peu près dans le prolongement. Les ordonnées des points représentatifs du benzène, du toluène, du tri- chlorure de phosphore, du chlorure de méthyle, ete., dif- fèrent pour une même abscisse de moins de 2 0/5. Les alcools donnent des courbes très voisines entre elles mais placées beaucoup plus haut. L'éther, d'après Re- gnault, se place près de l’eau dans une région intermé- diaire; d’après les résultats de MM. Ramsay et Young, il se rapprocherait beaucoup de CO? et Az°0. Le sulfure de carbone se place beaucoup plus bas que tous les autres corps. Le théorème des états correspondants est done loin d'être vérifié; au point critique, les courbes ont une tengente commune perpendiculaire à l'axe des T; mais à partir de ce point, elles se séparent très rapide- ment. M. Trouton à trouvé, comme résultat de lexpé- MA , T° sensiblement la même valeur pour un grand nombre de corps à la tempéra- ture T d'ébullition normale; M. Darzens à constaté que p rience, que la quantité le rapport T. À des valeurs peu différentes pour tous ces corps. — M. E.-H. Amagat indique une règle tirée des propriétés des fonctions homogènes, qui permet d'écrire immédiatement toutes les formules que l'on peut déduire du théorème des étals correspondants. Si un coefficient C est fonction homogène f (p,v,t)etsi p,,w,,4, sontles constantes criliques, on peut écrire: = 3, DCE: G—= f\(p, v, D=pmontef(e, — , r) Pi di et par suite C th pan vin L,s (GR p'itv!,n ts solution à laquelle on joindra l'égalité pos plu! TU On montre aisément que la forme des relations ne change pas, si p,,0,, 4, p',,v',; 1, définissent deux points correspondants quelconques. M. Amagat pense que la courbe vraie de l'éther doit se rapprocher de celle de CO®?; c'est ce que montrent ses études sur les états correspondants et sur la pression intérieure, — M. Fournier présente un récipient de sureté destiné à contenir des gaz liquéfiés. Cet appareil se distingue par son robinet pointeau et sa soupape de sûreté. Les pièces du pointeau sont simplement pressées les unes contre les autres et l'ouverture peut se faire sans clé; le mouvement d'une bague qui, par l’'écrasement d’une rondelle de plomb, assure la fermeture abso- lue, est également commandé par un écrou qu'on fait facilement mouvoir à la main. Les mouvements de la soupape de sùrelé sont solidaires du déplace- ment de l'extrémité d'un tube recourbé fixé à la par- tie supérieure du récipient et qui se déforme sous la pression du fluide qu'il contient. Les causes d’explosion les plus fréquentes: dégagement de chaleur par frotte- ment des pièces du robinet et excès de pression, son. ainsi évités. M. Fournier place sur deux récipients des becs à acétylène qui fonctionnent avec la plus grande régularité. — M. Cailletet présente le phonographe à haute voix de M. Lioret ; il rappelle en quelques mots l'historique de la question, depuis le phonautographe de Scott, jusqu'au projet de « paléophone » de Ch. Cros, qui a précédé de quelques mois le premier appareil d'Edison. M. Lioret a pensé que les défauts du phono- graphe tiennent à ce qu'il est impossible d'obtenir une pression notable du style sur le cylindre sans dé- iruire l'inscription; il s'est adressé à une substance très dure, le celluloïd, qu'on ramollit, pendant la ré- ception, au moyen d'alcool qui s'évapore ensuite. La ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 359 membrane vibrante est métallique et porte, dans l’ap- pareil inscripteur, une pointe de saphir; dans l'ap- pareil reprodueteur cette pointe est mousse et la pression qu'elle exerce sur le cylindre est de 25 gram- mes. M. Lioret fait répéter à l'appareil plusieurs airs, chansons ou romances, qui sont entendus de toutes les personnes présentes. C. RAVEAU. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS SECTION DE NANCY Séance du 17 Mars 1897. M. A. Haller, poursuivant ses éludes sur l'action des aldéhydes sur le camphre sodé, a préparé les paramé- thoxybenzylidène -et métaméthoxybenzylidène cam- phres en partant des aldébydes anisique et métamé- thoxybenzoïque. Ces composés, isomères avec le méthylsalicylidène camphre, coustituent, le premier de très beaux cristaux orthorhombiques, le second, soit des houppes soyeuses, soit des prismes. Leurs cons- tantes physiques sont données par le tableau I. Ces composés, réduits au moyen-de l'amalgame de so- dium, ont douné naissance aux dérivés benzyliques correspondants. L'anisylecamphre cristallise eu beaux prismes srthorhombiques fondant à 71°, très solubles dans l'alcool, l'éther et la plupart des solvants organi- même lorsqu'on passe de l'acide acétique (K — 0,00180) à l'acide propionique (K=— 0,00134). Ensuite, la variation est faible dans les deux cas (dérivé propylé K —0,00230, acide butyrique normal K=—0,00152, acide isobutyrique K=—0,0013). Dès qu'on aura réussi à préparer à l'étatde pureté les composés en C‘H' et CS'*, on continuera Ja comparaison. Jusqu'à présent on peut dire que l'in- fluence des radicaux hydro-carbonés sur l'acidité du groupement — AzOH est la même que sur l'acidité du carboxyle —COOH, — MM. Guntz el Férée ont obtenu des cristaux d'amalgame de strontium Hg‘#Sr par élec- trolyse d’une solution concentrée de chlorure de stron- tium avec une cathode de mercure. Le courant em- ployé avait une srande densité: 60 ampères pour 10 cen- timètres carrés de surface de la cathode, Par compression à la main dans une peau de chamois on obtient l'amal- game Hg''Sr; ce dernier, soumis à une pression de 200 kilos par cc* donne un nouvel amalgame Hg‘Sr. Ces cristaux, déterminés par M. Minguin, offrent l’as- pect de certains cristaux de grenats. Ce sont des cubes modifiés sur les arêtes par des troncatures tangentes conduisant au dodécaèdre rhomboïdal. — M. Minguin montre que les phtalates acides de bornéols stéréoiso- mères crislallisent isomorphiquement. Ces résultats sont identiques à ceux qu'il a obtenus avec les diffé- rents succinates neutres de bornéols'. On peut donc penser que dans les composés des camphols l'orienta- TasLeau ÎI , G = CHCSHIOCH3 Hu” | N CO Paraméthoxybenzylidène camphre Métaméthoxybenzylidène camphre . POINTS DE FUSION POUVOIRS ROTATOIRES TT dans l'alcool daus le toluène + 1920 + 1020 + 4680 + 3070,55! LAN an Ë] Il | (il ques ; 4» = 124° dans l'alcool. Le mélaméthoxybenzyle camphre est une huile incristallisable jusqu à présent et qui distille entre 205 et 206° sous une pression de 10 millimètres. Le pouvoir rotatoire de ce dernier (xp — + 4470 dans l'alcool) nous semble encore trop élevé et comme il ne cristallise pas, il est possible qu'il renferme encore quelque peu de dérivé benzylidénique. Tous ces composés sont inodores, bien que leurs compo- sants aient une odeur plus ou moins parfumée. — M. H. Petit : Sur un hydrute de curbone contenu dans la bière. La bière, déféquée au sous-acélate de plomb, l'excès de plomb étant éliminé par HS, fouruit par précipitalion à l'alcool une matière blanche, se desséchant à 100° sans altération, mais qui brunit au contact de l’eau. Les constantes du produit sont (an —+-149°8, R —13,4 en maltose ; elle contient 3,63 °/, de pentoses, et la compo- sition élémentaire répond sensiblement à un mélange de 96 °/, de dextrine C‘H!°0° et 4°/, de pentoses; son poids moléculaire est 1039 à la méthode cryoscopique, répondant à l’achroodextrine I de Lintner. Son imver- sion par l'acide HCI n'est complète qu'après 3 heures et le pouvoir rotatoire limite est Æ 3008. Le liquide inverli donne outre la glucosazone, une osazone se dé- posant par refroidissement et fondant à 465°. Le liquide inverti à un pouvoir réducteur de 70,4°/, en glucose, Il est done certain qu'on a affaire à un sucre complexe, donnant par inversion du glucose et un biose, fait déjà observé pour le mélilriose. Cette étude est continuée. — M. P.-Th. Muller « étudié, au moyen de la condueli- bilité électrique, les constantes d'aflinité de certains composés isonibrosés rendus acides par l'introduction du radical négatif CAz (éthers isonitrosocyanacétiques CAz — C—Az0H — COR). Il a reconnu qu'en remplacant R par les trois premiersradicaux hydrocarbonés l'acidité ne diminue notablement qu'en passant du dérivé en CHE (K—0,00315) au dérivé en C*H° (K — 0,00228) ; de tion différente des radicaux autour des deux carbones asymétriques n’a pas d'influence sensible sur la direc- tion d'attraction mutuelle des molécules chimiques et par conséquent sur la symétrie de la molécule cristal- line résultant de la position d'équilibre d'un certain nombre de molécules chimiques. Ces molécules eristal- lines élant identiques pour lous les stéréoisomères se déposeront alors sur le même réseau. M. Minguin indi- queensuile les constantes cristallographiques du phtalate acide de bornéol droit & et du phtalate acide de bornéol gauche «&. Cristallisés dans le benzène, ce sont des prismes orthorhombiques de 106942! dans lesquels h = 698,9 pour b — 1000. Les faces observées sont g,h; 1; e,,b 1. Après ayoir observé une centaine de cristaux de phtalate droit « et de phtalate gauche «, M. Minguin se croit en présence d'hémiédrie plagièdre (b + étant la facette hémiédrique) bien qu'il ait trouvé deux ou trois cristaux possédant des faceltes droites et gauches sur lesquelles il reviendra plus tard. De plus, à peu près tousles cristaux semblent formés par l’acco- lement d’un grand nombre d'individus suivant g, de facon à faire naître une sorte d'escalier à la partie su- périeure et inférieure du cristal dans le sens de l’orien- tation que nous avous adoptée. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES M. Beckit-Burnie: Les propriétés (hermoélectriques de quelques métaux liquides. Ces expériences ont eu pour but de déterminer l'effet de la fusion sur les propriétés thermo-électriques de quelques métaux. Le métal à examiner est contenu dans un tube de verre en forme de W, dont une partie peut être refroidie et l'autre partie chauffée; une partie contient le métal solide, l’autre le métal fondu. Des fils de cuivre sont plongés dans chaque partie et le tout est relié à un 360 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES galvanomètre. Les jonctions thermiques sont donc : cuivre-métal chaud et cuivre-métal froid. La tempé- riture est mesurée au moyen d'un couple thermique calibré par un thermomètre à mercure. On dresse les courbes de la température et de la force électro- motrice. On trouve que leur courbure dépend du degré de refroidissement ou d'échauffement des métaux. Get effet peut être attribué à la variation de strueture cris- talline du métal à différents degrés de solidification; il est très marqué dans le bismuth, moindre pour l’étain, inappréciable pour le plomb. Aux environs du poiut de fusion, la courbure des courbes change considérable- ment; le bismuth, l'étain et le plomb se succèdent dans un ordre décroissant. Une grande modification s'observe aussi pour le mercure, ce qui indique une différence dans l'effet Pellier entre l'état liquide et l’état solide. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Communications récentes. Lord Rayleigh F. R.S. n'a pu observer, contraire- ment à l'assertion de Davy, l'oxydation de l'azote gazeux durant l’électrolyse de l’eau dans laquelle il est dissous. Il examine ensuite l'effet de la pression sur l'oxydation de l'azote gazeux au moyen de l'étincelle électrique, les pressions comparées étant de 2, 4 et 1/2 atmosphère. — M. F. E. Matthews décrit de nouveaux appareils pour distiller à la vapeur. — M. John J. Sud- borough par l’action du pentachlorure de phosphore sur la désoxybenzoïne a obtenu un chlorstilbène solide différent du corps huileux trouvé par Zinnin. MM. John J. Sudborough, Percy G. Jackson et Lo- renzo L. Lloyd publient leurs travaux relatifs à la saponificalion des dérivés substitués de la benzamide. — M. O. Forster a obtenu le dérivé méthylé dé la camphoroxime par méthylation en tube scellé de cette substance au moyen de l'iodure de méthyle. Ce corps déjà décrit par Tiemann a pour formule : , CITE CH NC :AzMe L'action de l'acide nitrique sur la camphoroxime inter- rompue après quelques minutes donne naissance à la camphénylnitramine. — M. Arthur W. Crossley for- mule quelques critiques à l'adresse de la méthode décrite par Wechsler pour la séparation des acides gras. — M. À Liversidge a examiné un grand nombre d'échantillons de pépites et lingots d'or et de platine afin d'étudier leur nature cristalline. Il croit que la structure cristalline a été donnée par l’eau et pense que l'or a été déposé de ses solutions soit à la température ordinaire soit à une température élevée. — Le même auteur fait une deuxième communication sur la pré- sence de l'or dans les dépôts naturels de sel et de plantes marines. MM.T. S. Dymond et F. Hughes ont remarqué que, dans le traitement d'une solution d'acide sulfureux par le permanganale, la décoloration du permanganate cesse de se produire lorsque 89 0, de la quantité cal- culée de ce corps à été absorbée pour l'oxydation de l'acide sulfureux en acide sulfurique, Ce fait est dû à la formation d'un acide dithionique. La proportion de cet acide est constante et n'est influencée ni par la dilution, ni par la température de la solution. — M. J. Norman Collie : Sur la formation des dérivés pyridiques du $ amidocrotonate d'éthyle. En chauffant à 120 degrés le chlorhydrate du $ amidocrotonale d'éthyle, l'auteur a obtenu un éther de loxylutidine. M. A. W. Titherley en étudiant les différentes réac- tions de la sodamine, à remarqué que c’est l'hydrogène de ce corps qui estaclif, produisant de l'acide chlorhy- drique avec les chlorhydrates organiques, de l’ammo= niaque avec les amides, tandis que le groupe NaAz demeure plus ou moins iulact fournissant parfois du cya- nure de sodium ou le dérivé sodique d'une cyanamide, Une série de produits de substitution de la sodamine se forme par remplacement d'un ou de deux atomes d'hydrogène dans NaAzH?, En faisant réagir ce corps sur les amines aromatiques on a la réaction suivante: NaAZIP + RAZH? — NaA%IIR + AZH*: avec les amides aromaliques on a : NaAzH? + RCOAZH® — NaAzII.CO.R + AzH. — Dans une deuxième communication le même auteur déerit la rubidamide RhAzH?, — M. W. N. Hartley F. R. S. et Hugh Ramage ont éludié au moyen de la spectrographie un grand nombre d'échantillons com- merciaux de mélaux préparés chimiquement et quel- ques minerais provenant des gisements de potasse de Stassfurt. Ils donnent la liste des éléments trouvés et croient que l'analyse spectrographique est appelée à rendre service dans l'industrie en décelant dans cer- lains minerais la présence de métaux tels que le cuivre, le plomb, l'argent, le gallium, etc., dont on ne tient pas compte dans le travail industriel, etqui peuvent appor- ter par leur présence des modifications dans les métaux préparés. — MM. James Walker et John S. Lumsden publient leurs travaux sur les pressions de dissocia- lion des hyposulfites d'ammonium, d'éthylammonium, et diméthylammonium. — M. Francis Robert Japp FE. R.S. présente une rectilicalion au sujet d'une publi- cation faite par lui sur la condensation du benzyle avec l'alcool éthylique. — MM. T. E. Thorpe K. R. S. et J. W. Rodger : Etude de la viscosité de différents mé- langes de liquides. — M. H. Lloyd Snape a recherché s'il élait possible d'utiliser l'azoture de magnésium pour introduire l'azote à la place de l'oxygène, du chlore et autres éléments négatifs se combinant avec le chlore. Ses travaux ont porté sur l’action exercée par ce corps sur le chloroforme, le trichlorure de carbone, la benz- aldéhyde; dans aucun cas il n'a obtenu le corps cher- ché. — MM. Lloyd Snape et Arthur Brooke : Sur l'identité de l’amarone de Laurent avec la tétraphényl- azine. — M. William French : Elude des réactions des corps gazeux chimiquement purs en présence des agents catalytiques. — M. S. Ruheman publie lo troi- sième partie de son travail sur la contribution à l'étude des acides & cétoniques. — La qualrième partie est publiée dans une deuxième communication en collabo= ration avec M. A. S. Hemmy. — M. George Young : L'oxydation du phénylstyrényloxytriazol en milieu alca- lin,au moyen du permanganate de potasse produit l'acide phénxyloytriazolcarboxylique : C‘H°C?Az° (OH) CO*H qui se décompose en acide carbonique et phényloxytriazol : C°H. Az. A7 | CO. IC : Az M. A. G. Perkin : Sur l'apine et l'apigénine. — M. J. W. Mallet F. R. S. : Note sur la constitution des corps appelés iodures d'azote, Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. ——\ Patis. — 1. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette, 8° ANNÉE NtR9 15 MAT 1897 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Nécrologie Discours sur Pasteur à la Société Chimique de Londres.— Le Professeur Percy Fankland, mem- bre de la Société Royale de Londres, a été récemment chargé par la Société Chimique de Londres de la Pas- teur memorial Lecture. L'éminent savant, voué, comme on sait, à la Microbiologie, s’est acquitté de cette tâche de la façon la plus heureuse : en un discours magistral il a retracé l’admirable vie et décrit l'œuvre immortelle de l’illustre Maître. Savants récemment décédés. — Depuis l’ap- parition de notre dernière livraison, la Science a perdu : 1° Le D' Magilot, membre de l'Académie de Méde- cine, qui avait conquis en Hygiène et en Chirurgie den- laires une place distinguée, et, sous l'impulsion de son maître Broca, avait utilement concouru au développe- ment de l’Anthropologie en France; 20 M. Léon du Pasquier, professeur de Géologie à l'Académie de Neuchâtel, qui laisse d'importants (ra- vaux sur les phénomènes glaciaires en Suisse; 3° M. Alfred Louis Olivier Descloizeaux, membre de l'Académie des Sciences. La Revue consacrera prochai- nement une notice à la vie et à l’œuvre de l'éminent cristallographe et minéralogiste, S 2. — Physique générale L'Hyperphosphorescence.— La dixième livrai- son de cette année du Jahresbericht. des Vereins für Naturwissenschaft zu Braunschweig contient un impor- tant travail de MM. Elster et Geitel, qui confirme plei- nement les découvertes récentes de notre compatriote M. H. Becquerel sur l'émission de radiations invisibles par certains sels d'uranium. Notamment, ils ont con- servé ces sels à l'obscurité pendant plusieurs mois sans que ces substances aient jamais cessé d'émettre les radiations en question. Ces radiations, d'après les expé- riences des auteurs, ne semblent pas excitées par la lumière incidente. Il ne semble donc pas qu'on puisse les attribuer à une phosphorescence exaltée, à une « hyperphosphorescence », comme on l'a écrit. L’ori- gine de l'énergie qu’elles dissipent est inconnue. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897, Sur quelques propriétés des gaz faradisés. — On sait, notamment par les belles expériences de M. J.-J. Thomson, que les gaz qui ont été traversés par des décharges électriques sans subir aucune modifica- tion de combinaison ou de polymérisation, offrent néanmoins des propriétés physiques très spéciales. Un physicien italien, M. E. Villari, vient de présenter à ce sujet à l’Académie Royale de Naples, un curieux mémoire. Ses expériences manifestent d’une manière particulièrement sensible ce fait qu'après le passage des étincelles électriques les gaz refroidissent les corps chauds plus vite qu'ils le faisaient avant d'avoir subi ces décharges, comme si celles-ci avaient rendu le fluide meilleur conducteur de la chaleur. Il en était ainsi lorsque le gaz oxygène, azote et surtout hydrogène agis- sait avant, puis après de fortes étincelles, sur une spi- rale de plaline rougie par un courant électrique. Le pouvoir refroidissant apparent du gaz semblait accru de 10 °/, dans le cas des deux premiers gaz, et davan- tage dans le cas de l'hydrogène. S 3. — Électricité industrielle l'Electrodialyse des jus sucrés, — Les diffi- cullés économiques qu'a suscitées à la sucrerie fran- caise la concurrence étrangère ont très nettement démontré la nécessité de produire « en fabrique » c’est- à-dire dans les sucreries mêmes et non dans les raffi- neries, un sucre susceptible d'être livré directement au consommateur sous la forme et avec le degré de pureté auquel le public est habitué en France. Sans doute notre sucre blanc, tel qu'il sort des sucre- ries, contenant 99,70 °/, de saccharose, est évidemment propre à la consommation; la meilleure preuve, c’est qu'un tel sucre est de vente courante en Angleterre. Mais en France, il est de toute nécessité, pour que notre café soit sucré, que nos morceaux de sucre affectent chacun une forme parallélipipédique ! Or, si, par nos procédés de cristallisation, nous pouvons produire de la saccharose chimiquement pure en cristaux réguliers, — et cela avec un rendement satisfaisant, — il n’en est plus de même lorsque nous cherchons, — nous, su- criers, — à produire du sucre en morceaux. Les rende- Ÿ © 1] 19 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE ments sont si mauvais que tout le monde a dû y renon- cer, et laisser ce privilège au raffineur. Or, l’on sait combien l’entremise de cet industriel est coûteuse ‘. La fabrication du sucre en morceaux exigeant des si- rops très purs, le problème s’est donc posé de produire « en fabrique », c'est-à-dire dans les sucreries, des sirops aussi purs que ceux de Ja raffinerie. Etant don- née la complexité des matières contenues dans les jus de la betterave ou de la canne, le problème était diffi- cile à résoudre; cependant une solution très élégante, fournie par l'électrodialyse, commence sinon à s'im- poser, du moins à mériter très sérieusement l'examen. Les premiers essais de traitement électrique des jus résidaient dans l’électrolyse simple, le liquide sucré étant l’électrolyte dans lequel plongeaient des électrodes de plomb ou de zinc. Les résultats ainsi obtenus étaient mauvais au point de vue de l'épuration: on avait rem- placé l’oxyde de calcium, ordinairement employé, par l’oxyde de plomb ou l’oxyde de zinc, et ce changement ne semblait pas être avantageux. D'ailleurs aucune épu- ration minérale n'élait venue compenser les frais d'ins- tallation et de force supplémentaire. Il fallut recourir à l'emploi de cloisons poreuses per- mettant d'isoler en compartiment positif les acides, el en compartiment négatif les bases. Le plus ancien de tous les procédés préconisés dans cet ordre d'idées est le procédé Maigrot et Sabates (1889). Bien qu'il n'ait pas donné de bons résultats industriels, 1] convient de le rappeler parce que c’est lui qui a ouvert la voie aux chercheurs; et, d’ailleurs, le dispositif em- ployé par MM. Maigrot et Sabates a été conservé dans les deux procédés actuellement en usage: le procédé Javaux, Gallois et Dupont (1894), et le procédé Jin et Leleux (1895). Le dispositif consistait en un appareil divisé en trois compartiments par deux cloisons poreuses. Le liquide sucré occupait le compartiment du milieu ; une première électrodialyse éliminait les alcalis, une seconde opération, les acides. Ce traitement était évi- demment irrationnel, parce qu'en présence des acides restés libres après le premier traitement, il y avait une forte inversion du sucre. On a donc dû l'abandonner. Le système Jin et Leleux qui, à notre connaissance, n'a pas encore fait ses preuves industrielles, consiste à traiter le jus sucré d’abord en épurant chaux et alumine combinées, pour précipiter une certaine quantité d'im- puretés; puis par le courant d’électrolyse en comparti- ment négalif avec électrodes insolubles; on élimine ainsi les acides qui passent en compartiment positif; une deuxième électrodialyse du jus en compartiment positif élimine ensuite les alcalis. Ce deuxième traite- ment a lieu, partie avec anodes solubles, partie avec anodes insolubles, l'oxyde du métal de l’anode soluble devant fixer à l'état insoluble les dernières traces d'acides organiques qui auraient échappé au premier traitement. Enfin, une dernière électrolyse terminerail l’épuration. On concoit la possibilité d’épurer complè- tement les jus sucrés par ce dernier procédé, qui doit toutefois être assez coûteux, et qui, s'il est la mise au point du procédé Maigrot et Sabates, se rattache aussi, comme le lecteur va le voir, au procédé Javaux, Gallois et Dupont par l'emploi d'une anode soluble. MM. Javaux, Gallois et Dupont, tout en conservant le dispositif de Maigrot et Sabates, qui consiste, nous le répétons, en un bac à trois compartiments séparés par deux cloisons poreuses, obtiennent l'épuration inté- grale en une seule opération. Le liquide sucré occupe le compartiment du milieu, où se trouve l’anode de plomb. De chaque côté sont les compartiments à eau, dans lesquels sont placés les cathodes en fer ou en charbon. Sous l’action du cou- rant les sels sont décomposés, les métaux se rendent aux cathodes en traversant des cloisons poreuses ; et, comme ce sont des métaux alcalins, ils décomposent ! Voyez à ce sujet l'article de M. L. Olivier dans la Revue du 15 mars 1895. : , l’eau avec production d'hydrogène; el il reste autour des cathodes une solution de potasse et de soude qui peut être utilisée. Les acides se portent sur l’anode de plomb avec laquelle ils se combinent pour former des sulfate, chlorure, pectate, phosphate de plomb, sels organiques divers insolubles ; tous ces sels se préci- pitent donc au sein du jus. L'épuration peut être pous- sée aussi loin qu'on le désire ; et, comme les acides, au fur et à mesure de leur libération, se combinent au métal des anodes, il en résulte que les jus ne sont jamais acides et que, par conséquent, ilne peut y avoir inversion du sucre même à une lempérature élevée. Pour les jus de betteraves, la durée de l’électrodia- lyse varie entre une heure et deux heures suivant lin- tensité du courant, laquelle doit être maintenue entre 30 et 50 ampères sous une force électro-motrice de # à 5 volts. Il en résulte que la force nécessaire à l’épu- ration est au maximum d’un demi-cheval pour 4.000 ki- los de betteraves par 24 heures. Pour une sucrerie travaillant 500.000 kilos de betteraves par 24 heures, la force nécessitée par la station d'épuration serait de 250 chevaux, ce qui ne semble pas {trop excessif, étant donné le résultat obtenu. Sans êlre taxé d’exagéralion, on doit reconnaitre à ce procédé un très grand avenir, il marque un pro- grès considérable. Il est encore un peu coûteux, et le faible prix du sucre en retarde l'application, non pas qu'on ne puisse en relirer bénéfice, mais parce que la concurrence étrangère acharnée, et l'ignorance de cer- tains de nos législateurs en matière industrielle, met- tent en péril une grande industrie française en lui reti- rant toute confiance en son avenir. Edouard Urbain, Chimiste des Sucreries D. Linard et Cie, 4, — Arts chimiques CN Création, à Rouen, d’un laboratoire de Chimie pour l'enseignement de la Teinture et de l’Impression. — M. Horace Kæchlin, manu- facturier à Rouen, et M. Léon Lefèvre, préparateur de Chimie à l'Ecole Polytechnique, tous deux directeurs d'un recueil très nouveau, la Revue générale des matières colorantes', viennent de prendre une heureuse initia- tive : ils s'occupent de créer à Rouen, grand centre des industries du blanchiment, de la teinture, de l’impres- sion et des apprêts, un laboratoire destiné à l’ensei- gnement pratique et à l'étude expérimentale des faits scientifiques sur lesquels reposent ces industries. Qu'il nous soit permis de signaler aux fondateurs comme un modèle à imiter le laboratoire de teinture de Yorkshire University à Leeds. Le rôle de la Science et des Laboratoires industriels dans les usines céramiques. — Au cours d'études récentes sur la porcelaine et la faïence ?, nous avons pu apprécier le rôle que les labo- | ratoires peuvent jouer dans l'industrie céramique. Qu'il nous soit permis, à celte occasion, de nous asso- cier une fois de plus à la campagne que poursuit Ja Revue en faveur de la pénétration de la Scieuce dans | l'Industrie. Dans un article publié l’an dernier ici-mème *, nous | avons montré les services que peut rendre le chimiste de verrerie, et indiqué le programme des travaux qu'il doit poursuivre ;nous avons, de même, au dernier Congrès de Chimie appliquée ‘, précisé le rôle scientilique 2 Etudes de Céramique exécutées à la demande des fabri- cants de porcelaine de Limoges. Bulletin de la Sociélé d'En- | couragement, février et mars 1897. L | 3 L'état actuel et les besoins des industries de la Verrerie | | ll | | 1 Editée chez Masson et Cie, à Paris. | et de la Cristallerie en France. Rôle de la Science en Verrerie. Revue générale des Sciences du 15 février 1896, spécialement page 160. : À # Deuxième Congrès inlernalional de Chimie appliquée, Paris, juillet-août 1896. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 36: de l'ingénieur dans la conduite des fours industriels. Nous voudrions ici gagner à notre cause la grande In- dustrie céramique. Notre tâche sera d'autant plus aisée que, si l'empi- risme à régné longlemps dans la majorité des usines francaises, Le progrès des idées scientiliques s'accentue tous les jours. Plusieurs faïenciers se sont assuré le concours d'ingénieurs-chimistes, et les fabricants de porcelaine comprennent sans nul doute l'utilité de la Science, puisqu'ils ont provoqué les travaux dont nous avons élé chargé. I reste cependant beaucoup à faire, et actuellement, entre l'usine modèle de Sèvres, qui fait de la science sans faire vraiment de l'industrie, et tant d'usines qui ne font que de la production routi- nière et du commerce sans recours à la science, on ne trouve peut-être nulle part ce juste milieu qu'a su réa- liser en Allemagne le professeur Seger, à la fois indus- lriel et savant, à l’usine de Charlottenburg. Aussi nous excusera-{-on si, espérant häler un mouvement qui se «dessine en France, nous venons, dans l'intérêt de la cause, parler ici de nos propres travaux. Un laboratoire d'usine céramique doit s'attacher d'abord à remédier aux accidents de la fabrication courante qui causent, par le déchet, un préjudice con- sidérable : parmi ceux-ci le plus fréquent et le plus dangereux, puisqu'il se produit à la dernière cuisson, est le craquelé sous ses deux formes: la fressaillure el l'écaillage. Or les travaux que nous avons effectués ont mis en lumière les résultats suivants : 1° Pour qu'une pâte et une couverte ne tressaillent pas, il suflit, en général, que leurs cœæfficients de dilatation entre 0° et 100° soient identiques. Ce fait, qu'il était permis de prévoir sous bénéfice de vérilica- tion expérimentale, n’est pas, de lui-même, évident : l'égalité de dilatation entre 0° et 100° n'implique pas, en effet, l'égalité à des températures supérieures; et, d'autre part, la couche iutermédiaire entre Ja pâte et la couverte peut suivre une loi de dilatation diffé- rente. Une étude complète des faiences nous a donné l’assurance que, sauf quelques rares exceptions, l'ac- cord d'une pâte et d'une couverte entre 0° el 1009 est industriellement suffisant. 2 La dilatation des pâtes varie beaucoup avec la température à laquelle la cuisson a élé opérée ; 3° On peut modifier dans un sens déterminé la dila- tation d'une couverte; on accroît, par exemple, par une addition calcaire, le coefticient de la couverte nou- velle de Sèvres ; on le diminuerait par une addition d'acide borique. Dans ces conditions, le rôle bien indiqué d'un labo- ratoire céramique consistera : 1° à mesurer les dila- {ations des pâtes et couvertes en usage dans l'usine ; 29 à indiquer dans quel sens on devra tenter de modi- lier les compositions des couvertes pour les faire accorder avec les pâtes; 3° à fixer et à maintenir ia température de cuisson des fours. S'il s’agit d’une usine à porcelaine, ce rôle sera sur- tout un contrôle : on sait, en effet, que cette industrie, après {rente ans'de tätonnements, a obtenu un accord suffisant entre ses pâtes el ses couvertes; la fabrication a trouvé son équilibre : il suffit de l'y maintenir. Ce pourra être aussi un rôle d'économie pour l'achat des matières premières, sur la qualité desquelles on pourra se montrer moins rigoureux, grâce à Ja garantie que donvent les essais de dilatation. Eu faïiencerie, au contraire, la {ressaillure est très fréquente, et le chimiste, à côté de son rôle de surveil- lance, devra poursuivre l'étude des pâtes et couvertes de son usine, imdiquer celles qui peuvent le mieux être associées, el, s'il n’en existe pas dans le stock qui s’ac- cordent de facon satisfaisante, tracer la voie des modi- fications insensibles par lesquelles on réalisera le progrès, avec certitude et sans danger d'accidents ; ce sera une étude longue et difficile, mais elle est de toute importance; nous connaissons plusieurs usines vù elle est commencée. L'outillage de notre laboratoire céramique est très simple : il comprendra d'abord les quelques appareils et ustensiles nécessaires à l'analyse chimique des pâtes et couvertes, un pyromètre (hermo-électrique Le Cha- telier, enfin le nouvel appareil à mesurer les dilatations de M. Le Chatelier. Cet appareil (fig. 1), qui à servi à toutes nos mesures de dilalations, réalise une simplification de la méthode de Fizeau ou des anneaux de Newton; il permet de mesurer la différence de dilatation entre un support en 10.000 ‘° millimètre près (environ une demi-longueur d'onde lumineuse), et, par suite, de connaître la valeur absolue du coefficient de dilatation à une unité du septième ordre près : c’est pour une couverte de porcelaine ‘la dilatation de la couverte de Sèvres — 0%,000005%1%) une approximation de 4 à 2 °/, de la valeur absolue du coeflicient, approximation bien suflisante pour les re- cherches industrielles, Pour faire une mesure, léchan- tüillon observé doit être préparé sous forme d’un prisme de 2 à 3 centimètres de hauteur, poli sur l'une de ses bases, ce qui ue présente aucune difficulté sérieuse ; l'observation ne demande plus ensuite qu'une heure environ !; l'installation est de la plus grande simplicité. fer ou platine et le corps en expérience à Fiv,2 Fig. 3 Fig. 1 Fig. 1,2 et 3.— Croquis schématique de l'appareil à mesurer les dilatations par la méthode de Fizeau, modifié par M.H. Le Chatelier. — La figure | représente l'ensemble de l'appareil; les figures 2 et 3, les supports en fer main- tenant le corps P en expérience, organe principal de l'ap- pareil. Le prisme P, dont on veut mesurer la dilatation, est maintenu par les trois vis calantes o (fig. 2 et 3) sui- vant le plan horizontal moyen du cercle d'acier R, et à une hauteur telle que la base polie soit sensiblement dans le même plan que les pieds du support. Le support étant alors posé sur Ja lentille plan-convexe L (fig. 3), on pourra obtenir des anneaux de Newton. La lentille L est placée (fig. 1) au sommet d'un tube cylindrique BC, et éclairée en dessous par la lumière monochromalique (sodium) émanant du brüleur I et réfléchie par le prisme à réflexion totale G. Les anneaux formés en L (fig. 2) donuent une image qui, réfléchie par un second prisme à réflexion totale G, est examinée à l’aide du microscope M. Le tube BE, la lentille L et le support sont coiffés d’une chaudière annulaire À formant cage d'air, chauffée à 1009 par une rampe à gaz F et portée par un trépied TT indépendant du reste de l'appareil. — V, vis calantes. — Le nombre des anneaux epparaissant ou disparaissant en M permet de mesurer la dilatation pendant toute la durée de l'échauffement de la pièce P. Aussi, si nous rapprochons l'utilité des recherches el du contrôle chimiques de cette simplicité d'outillage, il nous semble hors de doute qu'un chimiste industriel, se proposant comme seul but de diminuer le déchet el de réaliser des économies sur les acha!s de matières premières, m'arrive rapidement à rémunérer, — el bien au delà, — par son travail les fraisique son traite- 1 Les détails de construction et les précautions opératoires sont indiqués en détail dans le Bulletin de la Sociélé d'En couragement. 304 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE ment et le fonctionnement de son laboratoire peuvent ontraîner. Emilio Damour, Chef des Travaux pratiques de Chimie à l'Ecole Nationale Supérieure des Mines. $ 5. — Hygiène publique La désinfection des locaux. — En 1894, la dé- sinfection des locaux se faisait exclusivement à l'aide d'antiseptiques liquides, soit par pulvérisation, soit par lavage ; l'inconvénient grave de celte méthode est de détériorer les matières à stériliser; et souvent, bien que ruissélant d'eau, l'objet mal imprégné conserve en son centre des germes non détruits. Parmi les agents pré- Fig. 1° conisés: le chlorure mercurique à 2°}, nécessite un pulvérisateur d’ébonite, gâte les dorures; l'acide phéni- que à 5 °/,, plus coûteux, est très actif, mais son odeur persistante en restreint l'application; le lysol fort odo- rant encrasse les appareils. L’acide phénique agitencore mieux en lavage et la désinfection la plus parfaite était réalisée par un neltoyage avec une solution sayvonneuse suivie d’un lavage au phénol. Il est évident que cela n’était guère applicable aux ippartements; la question était en cet état, lorsque M. le D' Miquel, pour augmenter la pénétration de l'an- luiseptique, eut l’idée d'uliliser un gaz: l’aldéhyde formi- que, formol où formaldéhyde. L'industrie fournit ce gaz en solution aqueuse, obte- nue en faisant passer de l'air chargé de vapeurs d'alcool méthylique sur une colonne de ponce platinée portée au rouge; l'alcool est rapidement oxydé, les produits gazeux lavés à l’eau abandonnent le formol soluble, La solution commerciale titre environ 40 °/,, mais contient surtout des polymères mal définis de cette aldéhyde; évaporée à basse température ou traitée par l'acide sul- furique, elle dépose un corps solide, iosoluble dans l'eau et inactif comme antiseptique : le {rioxyméthylène, condensation de trois molécules de formaldéhyde, que l’on peut régénérer par la chaleur. Le formol agit en coagulant le protoplasma albumi- noide des bactéries et, avantage précieux en désinfec- tion, les couleurs des tentures, les ors des cadres ne sont pas attaqués; en outre, l'odeur du formol ne per- siste pas après une bonve aération. Pour l'usage, il fallait faire dégager l'aldéhyde ga- zeuse; or, par évaporation directe de la solution, tout le principe actif reste sous forme de trioxyméthylène. Au nombre des premiers essais pratiques nous citerons : les toiles imbibées d’une solution de chlorure de cal- cium et de formol, exposées dans l’espace à désinfecter; le sel calcique favorisant la dépolymérisation, l'aldé- hyde se dégageait; la lampe de MM. Brochet et Cambier utilisant la réaction d'Hoffman, oxydation de l'alcool au contact de platine chauffé au rouge. Tous ces pro- cédés étaient trop coûteux, les toiles pénibles à instal- ler, la lampe d'un faible débit; l'on ne pouvait songer à la désinfection de grands espaces. : M. Brochet a résolu ce problème en réalisant un appa- reil à grand débit (fig. {) permettant la préparation éco- nomique des mélanges gazeux d'air el de formaldéhyde que l’on envoie, à dose déterminée, dans la pièce à stériliser. La solution commerciale ou le tryoxymé- thylène sont vaporisés, en diluant les vapeurs pour éviter une repolymérisation, par un courant d'air chaud; le mélange des gaz conslitue alors un puissant désinfectant. L'appareil se compose d’un récipient de cuivre et de deux serpentins; l’un amène à la partie infé- rieure du récipient de l'air envoyé par une soufflerie, l'autre est soudé au sommet de lappareil pour le départ des vapeurs. Le tout, entouré d'une enveloppe de tôle, est placé sur un fourneau. Le trioxyméthylène se charge directement dans le récipient; quant à la solution, on règle son débit en la plaçant dans le réser- voir figuré à droite et s’adaptant à la place du bouchon à vis fermant le dôme de l'appareil. L'air se chauffe par son passage dans le serpentin; les produits gazeux for- més sont séchés par la circulation dans le second ser- penlin, puisintroduits par le trou de la serrure dans la pièce à purifier soigneusement calfeutrée, Cet appareil, très transportable, offre l'avantage d'opérer la désinfec- tion du dehors, de ne pas avoir de risques d'incendies et de permettre ie dosage exact de l’antiseptique em- ployé. Pour assurer une bonne stérilisation, il faut une légère humidité; l’on emploie dans les temps secs la solution, et, lorsque l'air est saturé d’eau, les polymères solides. M. Trillat procède d'une facon à peu près analogue, en dépolymérisant une solution d’aldéhyde et de chlo- rure de calcium; d’autres inventeurs entraînent l'aldé- hyde par la vapeur d'eau surchauffée. Outre les dan- gers que présentent les fortes pressions, les procédés employant la vapeur nous semblent moins avantageux que la méthode Brochet, à cause de la grande quantité d’eau vaporisée : on condense sur les murs assez d'eau pour redissoudre le formol, donnant alors les ennuis de la pulvérisation directe de la solution : odeur persis- tante, liquide caustique, inactif endommageant les objets; en outre, la brusque détente de la vapeur amène une repolymérisation affaiblissant le pouvoir antiseptique des gaz; la pratique fixera le meilleur mode opératoire. La dose à employer varie de 2 à 4 grammes d'aldé- hyde par »°, que l'on laisse agir 8 heures. Cette dose, intolérable pour l’homme, ne présente pas cependant de dangers d'intoxication. L'industrie livre l'aldéhyde à 100/, au prix de # francsle kilo par grandes quantités; CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE l'aldéhyde à 100 °/, revient à 10 francs, ce qui donne un prix de O0 fr. 40 à 0 fr. 50 par »m° pour la désinfection, frais de calfeutrage et de pétrole du fourneau compris. L'emploi du trioxyméthylène est plus coûteux: ce pro- duit à 100 °/, coûte 20 francs le kilo. La formaldéhyde est l'idéal des désinfectants, d'une diffusion absolue, n'attaquant pas les objets et d'un prix de revient qui diminuera par la création en France d'usines produisant à bon compte cette substance, pour laquelle nous sommes encore en grande partie tribu- taires de l'Allemagne ; la désinfection deviendra une habitude courante : le publie, convaincu de la facilité de la purification sans rien altérer, utilisera ce puissant agent au grand profit de l'Hygiène publique. Marcel Molinié. Chimiste à l'Observatoire municipal de Montsouris. Nouvel emploi du Choléra des Poules pour détruire les Lapins en Australie. — Tous nos lecteurs savent que notre grand Pasteur avait eu l’idée d'employer le microbe du « choléra des poules » à dé- truire les lapins qui iufestent les pampas australiennes. L'illustre savant avait fait des expériences qui légiti- maient l'espoir d'obtenir ce résultat. Sur ses conseils, notre distingué collaborateur, M. Adrien Loir, aujour- d'hui directeur de l'Institut Pasteur de Tunis, était allé à Sidney el avait entrepris des essais que le succès a couronnés. On sait aussi que ses tentatives furent en- rayées par les industriels, nombreux dans le pays, qui utilisent les peaux de lapins. Ceux-ci propagèrent dans toute la Nouvelle-Galles du Sud cette crainte que le cho- léra des poules, introduit ‘sur leur territoire, y devint un fléau pour les animaux domestiques et l'homme lui- même. M. Loir s'était heurté à ce préjugé. Or, voici qu'aujourd'hui M. C.-J. Pound, bactériolo- giste du Gouvernement, annonce que le « choléra des poules » authentique existe en abondance à Queensland et dans la Nouvelle-Galles du Sud. Ayant reconnu l’effi- cacité du microbe pour détrüire le lapin, il a suscité un mouvement d'opinion en faveur du procédé pastorien; à l'heure actuelle les fermiers qui souffrent des ravages des lapins demandent au Gouvernement l'autorisation de répandre sur leurs champs des boulettes de son renfermant l'agent spécifique de l'infection. Ces bou- lettes sont imbibées du bouillon de culture. Un litre de ce bouillon suffit à la destruction directe d'environ deux mille lapins, lesquels deviennent à leur tour chacun un centre de contagion et de propagation du fléau. On sème les boulettes le soir, afin d'éviter l'insolation qu'elles subiraient pendant le jour, el qui risquerait de les stériliser. Louis Olivier. $S 6. — Géographie et Colonisation Au Siam. — Semble-t-on se douter en France que l'avenir de notre Indo-Chine dépend de la solution qui sera donnée à la question du Siam, car il y a une ques- tion du Siam, comme il y a une question d'Orient? En dehors des quelques orateurs qui ont, à la Chambre, au commencement de l’année dernière, signalé la décla- ration de Londres du 15 février 1896 comme étant l'acte diplomatique le plus important que la France et l’Angleterre aient conclu depuis la déclaration du 5 août 1890, relative à Zanzibar, à Madagascar et au Niger moyen, il ne parait pas que lastrès riche vallée du Meï-Nam ait excité en France dans l'opinion tout l'intérêt qu'elle mérite. Favorisée assurément par la na- ture de son sol, ses richesses minières et forestières, elle l'est plus encore par sa situation géographique qui en fait l'une des artères par où les provinces méridio- pales de la Chine pourront dans un avenir prochain écouler leurs produits. Et c'est précisément la conquête commerciale de ces provinces, du Yunnam et du Set- chouen qui a fait l’objet principal de notre action en Indo-Chine, de même qu'elle est devenue l’objet de la politique anglaise dans la Haute-Birmanie. Nos relations avec le Siam ont été réglées par la convention du 15 janvier 1896. Aux termes de cette 363 déclaration, le Siam est divisé en {rois zones d'influence. La première comprend la région de la moyenne Salouen et la péninsule Malaise, qui passent sous l’in- fluence de l’Augleterre ; la deuxième comprend tout le bassin du Mékong et se trouve affectée à la France; la troisième, enfin, est le Siam proprement dit, c'est-à- dire la vallée du Mei-Nam. L'Angleterre, dans ce partage, s’est taillé la part du lion, tout en paraissant aban- donner à la France certaines acquisitions territoriales. Et en fait, l'Angleterre seule à jusqu'ici profité des avantages qu'elle semblait, aux termes de celte conven- tion, devoir partager avec nous, afin d'assurer au Siam son indépendance, Elle s’est installée victorieusement dans la vallée du Meï-Nam où toute action militaire nous est interdite; elle a opéré de telle facon qu'au Siam tout est devenu anglais dans la pratique. La France n'est ni crainte, ni respectée, On refuse à ses protégés les droits qui leur ont été garantis par les traités. On leur refuse des concessions. On les arrête, on lesemprisonne à toute occasion et le Gouvernement siamois conteste à la France le droit de juridiction sur ses protégés. On se souvient de l'incident survenu le 7 septembre dernier : M. Defrance, notre représentant au Siam, est allé protester en pleine audience du Tri- bunal contre l'arrestation arbitraire d’un de nos proté- gés cambodgiens, Kadir, et plus encore, contre le droit que s'étaient arrogé les tribunaux siamois de le juger. Tout récemment, en février dernier, un autre conflit éclata entre le Siam et notre Ministre à propos des assassins du prospecteur Ménager. Ce conflit prit un tel caractère de gravité que M. Defrance fut obligé de menacer d'amener son pavillon dans les vingt-quatre heures et de se retirer à bord de la Vipère. La liste de ces incidents, dont le moindre serait de nature à pro- voquer de notre part une intervention armée, s'aug- mente à chaque courrier de faits nouveaux et de même nature : poursuites de nos protégés cambodgiens, lao- tiens ou annamites, assassinats de nos nationaux, bri- gandages contre nos biens, tel est le bilan que nous recevons périodiquement d'un pays où les Anglais ont joui jusqu'ici de toutes les faveurs et de toute la sécu- rité désirables. Leur situation vis-à-vis du Siam est cependant identique à la nôtre, d’après la convention du 15 janvier 4896 conclue entre les deux nations, a-t- on dit à la Chambre, dans un esprit de concorde et de sympathie réciproques. Mais la situation qui nous est faite et qu'il est de toute importance de faire cesser au plus tôt n'est pas sans s'étendre depuis peu aux autres nations représentées au Siam : Allemands, Amé- ricains ont à subir contre leurs personnes ou contre leurs biens des vexations arbitraires. Les Allemands et les Américains n'auront sans doute pas vis-à-vis du Siam notre attitude résignée et il est à craindre qu'ils ne se chargent d'eux-mêmes de rétablir l'ordre du pays troublé. D'autre part, l'éventualité d’une occupa- tion militaire anglaise du Siam, habilement provoquée par les sujets de la Reine à la faveur du désordre sans cesse grandissant, nous semblerait possible et de nature à aftirer l'attention de nos diplomates, car l'exemple de l'Egypte ne saurait être oublié. Souhaitons que le prochain voyage du roi de Siam en Europe ait pour résultat d'aplanir les difficultés pendantes et de per- mettre à nos nationaux de porter, avec de sérieuses garanties, leur activité dans ce riche pays. J.-M. Godefroy. Un câble anglais à travers le Pacifique. — Lorsque la Grande-Bretagne désire actuellement télégraphier à ses possessions des Indes et de l'Austra- lie, elle se voit réduite à emprunter une des cinq direc- tions suivantes : 1° Lisbonne, Gibraltar, Malte, Egypte, mer Rouge; 20 France, Italie, Grèce, Egypte, mer Rouge; 3° Allemagne, Autriche, Turquie, Russie et Perse; 4 Allemagne, Autriche, Turquie, Russie etla côte du Pacique ; 59 Lisbonne et la côte E. ou O. du continent africain. 306 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE Ces lignes traversent chacune plusieurs pays élran- sers et risqueraient peut-être de faire défaut en cas de guerre. La Grande-Bretagne a donc le plus grand intérêt à posséder seule un moyen sûr de communication avec ses deux grandes colonies; aussi se préoccupe-t-elle depuis longtemps de l'installation d’une ligne qui, par- lant de ses possessions du Canada, irait rejoindre l'Aus- tralie à travers tout l'Océan Pacifique. De nombreuses éludes et des sondages précis ont été exéculés pour déterminer le tracé de la nouvelle ligne. Le Blackwood's Magazine (numéro de février) nous en indique les prin- cipaux résultats. La meilleure route pour le câble transpacitique irait de Vancouvert à Fanning-Island, de là à Fidji et de Lidji à Norfolk Island; là le câble se dédoublerait : une ligne irait rejoindre la Nouvelle-Zélande, l’autre l'Aus- tralie. L'immersion ne présentera pas de diflicultés sérieuses, vu la nature du lit de l'Océan Pacitique. La régularité du fond et la profondeur restreinte en divers points permettront une installation rapide et peu coûteuse. Deux nouvelles Ecoles à Madagascar. — L'apaisement des troubles qui ont récemment désolé d'importantes régions de Madagascar, entravé et décou- ragé les entreprises agricoles et minières de plusieurs Sociétés francaises, vient de permettre au général Gallieni de fonder à Tananarive deux institutions d'une incontestable utilité : 1° Une école d'interprètes, qui s'appellera Ecole Le Myre de Vilers, et formera à la fois des maîtres pour l'enseignement primaire, des interprètes pour les rela- lions administratives, juridiques el commerciales. Cest par ces interprètes que se fera peu à peu la diffusion de notre civilisation parmi les diverses races mal- gaches ; 20 [ne Ecole professionnelle destinée à fournir aux colons français un personnel indigène de contre- maîtres et d'artisans habiles à divers métiers manuels : forge, serrurerie, chaudronnerie, horlogerie, typogra- phie, brochage, faiencerie, poterie, menuiserie, INArO- quinerie, confection de vêtements, tapis, etc. S T. — Universités, Congrès et Concours Recherches scientifiques mises au eon- cours par l'Académie Royale de Belgique. — L'Académie Royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique met au concours pour 1898 les questions suivantes : 1. Mathémaliques. — Apporter une contribution impor- tante à l'étude des correspondances que l’on peut établir entre deux espaces !. 2. Physique. — Faire l'exposé des recherches exécutées sur les phénomènes critiques en Physique. Compléter nos con- naissances sur cette question par des recherches nouvelles. 3. Chimie physique. — Faire l'exposé et la critique des di- verses théories proposées pour expliquer la constitution des solutions. Compléter, par des expériences nouvelles, nos connaissances sur cette question, surtout en ce qui concerne l'existence des hydrates en solution dans l’eau. 1. Chimie organique. — Déterminer l'influence exercée par le radical nitryle AzO®, dans les composés aliphatiques, sur les caractères des fonctions composées. 5. Bolanique. — On demande de nouvelles recherches, inacrochimiques et microchhniques, sur la digestion chez les plantes carnivores. à 6. Zoologie. — On demande de nouvelles recherches sur 1? L'Académie accepterail, par exemple, une étude des connexes à deux séries de quatre variables homogènes, dans le sens des recherches de Clebsch (voir Vorlesungen über Geomelrie, chapitre VID); de même, on pourrait répondre par une élude géométrique et analytique de l'équation Un di À de + Gay O5 + du Di qe Fr 2443 di 2044 Li y À 2eg D À es Lo Da À 2ya My Pa = 0, dans laquelle les coefficients sont des fonctions du second degré de variables y,, Ye, Ya, Ya l'organisation etsur le développement d'un Platode, en vue de déterminer s'il existe ou non des rapports phylogéniques entre les Platyhelmes et les Entérocæliens. La valeur du prix attribué à la solution de chacune de ces questions est de six cents francs. Les mémoires devront être écrits lisiblement et pour- ront être rédigés en francais ou en flamand. Ils devront être adressés, francs de port, à M. le Secrétaire perpé- tuel, au Palais des Académies, avant le 1er août 1898. Donations aux Universités. — L'Université de Lyon a recu de M. Augustin Faleauz une rente annuelle de 4.000 francs. Sur cette rente vient d'être fondé un prix biennal de 1.000 francs, que la Faculté des Sciences de Lyon aura mission de décerner. La Faculté attri- buera ce prix en 1898 au meilleur mémoire qu'elle aura recu avant le 47 mai 4898 sur ce sujet : « Descrip- tion géographique et géologique d'une région naturelle du Sud-Est de la France. » Sont seuls admis au concours les Francais âgés de moins de trente ans au 1°" mai 1898. D'autre part, les donations faites à la Faculté des Sciences de l'Université de Nancy, el dont nous avons signalé les quatre premières dans une livraison précé- deute de la Revue, ont suscité l'émulation de nos indus- triels, si bien qu'aujourd'hui c’est à 489.000 francs que se montent les dons faits à la Faculté. En voici le détail : MM. Solvay.et Cie ont donné. .:... 100.000 fr. ROSÉ EC EE MT NN EE EE OA Verreries de Portieux et Valerysthal. 10.000 Cristalleries de Baccarat . . . . . . .« 10.000 Blanchisserie de Thaon. . . . . . . . 10.000 Keller te IGUETINRERE RM EAN 4.000 Bœringer, Guth et Cie. 2,000 Les fils d'Emmauuel Lang. 2.000 Renauld et Cie, banquiers: : + 1.000 Société nancéenne de crédit industriel. 1.000 Fenal (Théophile), de Badonviller. . . 1.000 Saïntignon et Cie. . . . . . . 1.000 Bichelberg, papeteries . 1.000 Pottecher et Cie, à Bussang. . 1.000 Dietrich et Ci°, à Lunéville. . . 10,000 Sociétété anonyme de matières colo- rantes et produits chimiques à Saint- DENIS ENS ON ACC 5,000 Société de Saint-Gobain, Chauny et Bo too E > AT 189.000 fr. CITES Se Total. Le même mouvement se continue en Ecosse. Trois Universités de cette partie du Royaume-Uni viennent de recevoir des legs importants : Miss Brown, récemment décédée, a, par testament, fait don de 105.000 francs à l'Université de Glasgow et de pareille somme à l'Univer- sité d'Edimbourg. Miss C. Trow a fondé, à l'Université de Saint Andrews, sous le nom de «Thomas Trow Scolar- ship » une série de bourses s'élevant à 50.000 francs. Congrès international de Médecine. — Ces à Moscou que le Congrès international de Médecine tiendra cette année ses assises. Il sera ouvert au com- mencement du mois d'août. Dès à présent, on peut prévoir que les notabilités médicales s'y réuniront en grand nombre. Nous croyons savoir que la France y sera brillamment représentée. Le corps médical allemand se dispose, dit-on, à y faire, par le nombre et la qualité, une sorte d’exhibition de son importance scientifique. La Grande-Bretagne y en= verra moins de clinieiens, mais plusieurs physiologistes du Royaume-Uni se rendront à Moscou. Parmi les eli- niciens, le Professeur Lauder Brunton FE. R.S. est dé- signé pour l'une des lectures inaugurales du Congrès. L'éminent savant y exposera les récents progrès cle la Thérapeutique contemporaine. Congrès international d'Hygiène et de Démographie. — Ce Congrès, qui devail se réunir en octobre prochain à Madrid, voit son ouverture retardée par les récents événements d'Espagne. C'est seulement en avril 4898 qu'il aura lieu. F. DOMMER — PRODUCTION ET UTILISATION DE L'ACÉTYLÈNE 367 L'ÉTAT ACTUEL DE LA PRODUCTION INDUSTRIELLE ET DE L'UTILISATION PRATIQUE DE L’ACÉTYLÈNE L'éclairage par le gaz acétylène a subi, durant ces derniers mois, un temps d'arrêt imputable à la fois à l'absence -du carbure de calcium sur le marché, et aux quelques accidents survenus à des constructeurs improvisés, accidents qu'il faut met- tre sur le compte de l'ignorance et de l'imprudence. Le gaz acétylène, sous des pressions inférieures à 2 atmosphères, ne présente pas plus de danger que le gaz d'éclairage ordinaire. Aussi ne cesse-t-il de stimuler l’ingéniosité des inventeurs : ceux-e1 sont arrivés en ces derniers temps, d’une part, à per- fectionner la fabrication du carbure de calcium qui sert à produire l’acétylène, et, d'autre part, à améliorer le rendement des brûleurs où ce gaz est employé soit à l'éclairage, soit au chauffage. Nous nous proposons de décrire ici ces nouveau- tés, de façon à bien préciser l’état actuel de la question industrielle de l’acétylène, qui comprend à la fois la production du gaz et ses applications. TI. — FABRICATION DU CARBURE DE CALCIUM. La fabrication du carbure de calcium est actuel- lement entrée dans la période industrielle, quoi- qu'il n'existe pas encore en France d'usines dépas- sant une production journalière de 2 à 3 tonnes. Un certain nombre de Sociétés viennent de se créer pour utiliser, en vue de cette fabrication, des chutes d’une puissance de plusieurs milliers de chevaux. Voici les principales : Société des car- bures métalliques Briancon-Vallorbes; Société de Froges; Société des carbures de calcium (Savoie); Société du gaz acétylène (Isère); Usine Robert (Isère); Société de Neuhausen; Société Génevoise (à Vernier), près Genève; enfin plusieurs usines dans le Tarn. $S 1. — Disposition générale des opérations. En général, les fours employés jusqu'à présent dérivent du four Moissan: ils transforment l'éner- gie électrique en énergie calorifique, et dévelop- pent celle énergie au sein même du mélange de charbon el de chaux. Ce procédé a l'avantage de concentrer l'énergie calorifique et d'éviter l’élé- vation de température des parois du four. Plusieurs modèles ont déjà été utilisés : le four Wilson, aux usines de Spray et du Niagara; le four à fusion continue, de M. J.-A. Vincent (de Philadelphie); le four Bullier, aux usines de Bellegarde et de Val- lorbes !, Les fours les plus employés (fig. 1 et 2) sont du système Palin; le fond en est constitué par une plaque de fonte M, que l'on peut élever ou abaisser au moyen d'un système de roues d’engrenage el d'un volant P. Les deux charbons sont disposés obliquement en face l’un de l’autre, et traversent les parois du four : le porte-charbon se compose d'une pièce en bronze A, divisée en deux parties comme un porte- mine, et fixée à l’intérieur d’une pièce en fonte B, qui constitue le guide mobile du porte-charbon, et à l'intérieur de laquelle existe une circulation d’eau ; elle est reliée au porte -charbon par des boulons de serrage et coulisse à l’intérieur d'une pièce fixe en fonte D. Le déplacement des charbons est produit par un levier articulé autour de l’axe E, et dont l’une des extrémités est terminée par une fourchette qui embrasse la pièce A. L'arrivée du courant est en C, et l’on abaisse la plate-forme M pendant la fusion. Le bloc de ca bure est retiré par les portes latérales H. Le mélange de chaux et de coke est amené aux fours par une vis d'Archimède, alimentée par une chaine à godets qui transporte les produits du broyeur. Le broyage s’effectue au moyen d’un broyeur du système Loiseau, construit par M. F. Weidknecht (fig. 3), et basé sur le principe du cassage à la volée, par des marteaux mobiles el articulés; dans cet appareil, les pièces qui s'usent se remplacent très facilement, et sont d’un prix peu élevé. Un broyeur d’une production de 100 kilos par heure, exige une puissance de 4 chevaux. La chaux vive et le coke sont introduits par pel- letées dans la trémie du broyeur, qui joue le rôle de ventilateur soufflant, el lance le mélange broyé dans une caisse recouverte d'une toile, qui commu- nique avec un conduit aboutissant à la trémie d’ali- mentalion de la chaine à godets. Après la forma- tion du carbure, il reste un déchet considérable, provenant des matières non combinées, et conte- 4 Actuellement une usine affectée à la fabrication du carbure de calcium devra comprendre: 1° une salle pour les fours; 2° une salle contenant le broyeur, la bluterie et les cases pour les matières premières; 3° la salle de concassage : 4° une salle d'emballage: 5° un laboratoire et des bureaux. 368 F. DOMMER — PRODUCTION ET UTILISATION DE L'ACÉTYLÈNE nant des scories; ces résidus doivent passer au | de 60 volts; mais le régime s'établit comme dans blutoir avant leur rentrée dans le four électrique. | un four à résistance, vers 30 volts, et même au- Sans cette précaution, on obtiendrait des carbures | dessous, ce qui permet d'en mettre facilement de qualité inférieure, donnant 100 litres d’acétylène | deux en tension. Il produit en 10 heures un bloc D | | 2 | | | | | E | 44 | E | | V Lls ske ER LT R 2} È RSS Fig. 1 et 2, — Coupes verticales du Four Patin. — M, plaque de fonte constituant le fond du four et commandée par le volant P; À, pièce en bronze portant le charbon: B, pièce de fonte, à circulation d'eau intérieure, portant la pièce A; D, pièce en fonte, faisant corps avec le bâtis de l'appareil, et soutenant le porte-charbon; E, articulation du levier qui fait mouvoir le charbon; C, arrivée du courant; H, porte latérale par où l'on retire le carbure ; L, porte latérale par où l’on introduit le charbon; K, bouche de chargement. par kilo. On disposera une deuxième vis d'Archi- | de carbure à section ellipsoïdale de 0", 28 de petit mède pour amener ces résidus à la bluterie. | axe, sur 0", 50 de grand axe, et d’une hauteur Le four Patin, précédemment décrit, exige un | de 1 mètre environ. Il peut produire facilement | courant de 1.200 ampères au moins, et un voltage | 400 kilos en 2% heures. F. DOMMER — PRODUCTION ET UTILISATION DE L'ACÉTYLÈNE 369 S 2, — Modèles de fours à l'essai. 1. Four King William Roberts- Wyalt.— De nou- veaux modèlesde fours sont actuellement à l'essai. Parmi ces derniers, nous trouvons le four de M. King William Roberts Wyalt (fig. 4), qui n'est qu'une modification du four Borchers. Il se compose d’un creuset en briques e dont le fond est traversé par un crayon de charbon formant l'une des électrodes ; l’autre E est ajustée sur un bâti FG, et peut être élevée ou abaissée. Ces deux électrodes sont réunies par un noyau de charbon, qui sera détruit, et formera partie intégrante de la masse de carbure. Sur le côté se trouvent une paire de pinces I, pour défourner le bloc de carbure. Les inventeurs signalent, parmi les désavan- tages des fours à arc, celui de fournir une chaleur Fig. 3. — Broyeur du système Lorseau, basé sur le principe du cassage à la volée par des marteaux mobiles el articulés. plus efficace autour de l’arc qu'au centre. Il en résulte que le centre des blocs de carbure contient du coke et de la chaux non combinée. 2. Four Pacotte (fig. 5). — C'est un four Hé- roult à renversement. Il se compose d'un creuset en dolomie avec revêtement en charbon A, for- mant l’une des électrodes. A l'intérieur du creuset pénètre une électrode B en charbon, fixée dans un support C, excentré par rapport à l'axe, et animé d’un mouvement lent de rotalion. Après la fusion, le charbon est soulevé par un système de chaines et poulies DE F G, el le creuset est renversé; on recharge immédiatement, avant le refroidissement du creuset. Le mélange de char- bon et de chaux est introduit à l’état d’agglomérés ou boulets, ce qui a pour but d'éviter la transfor- mation rapide du carbone en oxyde de carbone. Les inventeurs annoncent un rendement bien su- périeur à celui dessystèmes précédents: 8 à 9 kilos — par cheval-2% heures. Ces nombres très élevés ont besoin d’être vérifiés. 3. Autres essais en cours. — Les fabricants de carbure cherchent à l'obtenir moulé, en cylindres ou en plaques régulières ; le carbure peut se cou- ler, et possède, à la sortie du four, une parfaite fluidité; mais les différents essais de moulage n'ont pas encore réussi. Le problème industriel pourra sans doute se résoudre en faisant couler le carbure sur une plaque ayant l'aspect d'un moule 0 Ê Ci | a = m l = 2 IH É rx RE = d IE VAN £YŸ SLT pu E H LR Gr SA FX SN À Z 25 2 À À 12 - 2 _ _ Z . He À 2 LC l =) Ni 1Z on AREA TT KW A Fig. 4. — Four King William Roberts Wyallt. — e, creuset en briques; C et E, électrodes de charbon, réunies par un noyau de charbon placé au milieu de la masse À qui doit entrer en réaction; F G, bras supportant l’électrode E; H, bras supportant les pinces 1 destinées à enlever le carbure: « et d, arrivées du courant; k, g, e, b, pièces destinées à faire mouvoir l'électrode E. à gaufres, et se déplaçant au-dessous du jet. Il se pourrait que l’on obtint ainsi des plaques à peu près régulières. On a beaucoup parlé du procédé Heibling, qui permettrait d'obtenir le carbure de calcium à bas prix comme sous-produit d'opérations métallur- giques, et qui consiste à traiter dans le four élec- trique cerlains minerais de fer, dont la gangue est infusible, en y ajoutant un fondant conducteur de l'électricité, composé d'un mélange de chaux et de charbon. 310 F. DOMMER — PRODUCTION ET UTILISATION DE L'ACÉTYLÈNE Il se forme un carbure fusible, qui noie dans son sein toutes les matières constituant la gangue mi- _ |FA SI 'IÈES |] à | |A À | 2 2 IZIZ S ES À ANA) il #0 Fig. 5. — Four Pacolle. — À, revêtement en charbon du creuset; B, électrode de charbon fixée au support C; D et L, arrivée du courant; E, F, G, système de poulies et de poids servant à l'enlèvement du carbure; H, com- mande de bascule. nérale, Ce carbure sera certainement très pauvre, contiendra des siliciures, silicates, etc., et donnera un gaz acétylène évidemment très impur. $ 3. — Prix de revient des opérations. Il est encore bien difficile d'établir exactement le prix de revient du carbure. En déterminant par le calcul l'énergie calorifique nécessaire pour sa formation, on trouve 3.344 calories par kilo; ce qui représente 6,6 chevaux par kilo de carbure ou 3 kil. 63 par cheval-24 heures. Mais les constantes physiques employées dans le caleul ne sont pas celles qui correspondent aux températures élevées du four électrique. Nous allons faire connaître le rendement oblenu après une série d'essais, réali- sés avec un four Patin. La puissance est de 6 chevaux-heures ou 4,4 ki- lowatts-heure par kilo de carbure ; c'est-à-dire qu'avee une puissance de 4 cheval pendant 24 heures on peut obtenir 4 kilos de carbure. Avec une puis- sance de 4 kilowatt pendant 2% heures, on peut obtenir 5 kil. 5 de carbure. Le prix de revient doit varier dans de grandes proportions, suivant les centres d'exploitation. Pour établir le prix de la tonne, il faut connaitre les prix suivants : 1° prix du cheval-an; 2 prix du coke pulvérisé (600 kilos) ; 3 prix de la chaux réduite en poudre (950 kilos); 4° frais de transformation du courant ; 5° prix des électrodes (il est de 50 à 75 centimes le kilo). Il faut compter au minimum 11 kilos d'électrode par tonne; ce chiffre peut même aller jusqu'à 20 kilos: 6° réparation des fours ; 1° main-d'œuvre ; 8° emballage : 9° transport ; 10° frais généraux, amortissement, ele. Le prix de revient peut osciller actuellement, avec une petite fabrication, entre 205 et 250 francs la Lonne : ilest certain qu'ilsera diminué pour une grande fabrication. Après de nombreuses fluctuations produites par l'absence du carbure sur le marché, il a élé vendu jusqu'à 1.500 francs la tonne. Aujourd'hui, il est offert par plusieurs usines de Suisse aux conditions suivantes : Carbure donnant 300 litres d'acétylène. 55 fr. les 100 kilos. 500 fr. la tonne. 150 fr. la tonne par marché de 100 tonnes. Emballage : Le bidon de 100 kilos est facturé 6 fr. el repris pour la même somme. S 4. — Installation des Usines. Nous donnons ci-après le devis d'installation de deux usines, l'une utilisant une force de 300 che- F. DOMMER — PRODUCTION ET UTILISATION DE L'ACÉTYLÈNE vaux, l’autre une force de 4.000 horse-powers ou 1.048 chevaux-vapeur. Usine de 500 chevaux. Achat de la chute, droits de riveraineté, terrains nécessaires, réalisation de la chute y sRRprs les 2 turbines de 150 che- vaux chacune. …...... fr.00100.0008» Bâtiments de l'usine. 6 20.000 » 2 alternateurs E. Labour accouplés directement aux lurbines par manchon semi-élastique, pouvant produire chacun 1.700 ampères sous 60 volts avec leur excitatrice particulière pla- cée sur leur bâti. (Ces excitatrices permettent de faire varier le voltage de 55 à 65 volts poRe les alternateurs.)= . . tableau de distribution comprenant : 4 pan- neau marbre ; 2 rhéostats d'excitation pour les excitatrices ; 2 ampèremètres enregistreurs de 2.000 ampères; 2 voltmètres enregistreurs de 80 volts (appareils très utiles pour pouvoir comparer entre eux des échantillons de car- bure produits suivant des intensités et des voltages différents) ; bornes: 4 coupe-circuits et barres de connexion. . . . Barres de cuivre haute conductibilité réunissant les alternateurs au tableau et le tableau aux fours. Euviron . fours à carbure en briques ordinaires, formant un cylindre de 50 centimètres intérieur et de 95 centimètres extérieur sur 2 mètres de hauteur, avec porte de déchargement à la par- tie inférieure, cône pour l'arrivée des ma- tières à la parlie supérieure, dispositif pour l'avancement des charbons. . . Imprévuet divers. . . . . . . . . Total. . 2, Usine de L. — PARTIE HYDRAULIQUE. 12 Le 2.000 = .800 » .200 12 1 .500 » .b0Ù » 202.000 » LAIT 4.000 HA. P. 1° Acquisition de 4.000 H. P. que nous supposerons amé- nagés s (canalisation et tuyauterie jusqu'au collecteur des turbines) à raison de 250 fr. par H. P. . Fr. 1.000.000 » 20 8 turbines de 500 H. P. environ, sous une chute supposée de 100 mètres (avec tubulures et vannage), UREnn direct et libre dé- viation. ae 56.000 » 30 2 turbines de 40 H. P. pour excitatrices. : ë 6.000 » IT. — BarIMENTs. 1° Salle des machines de 40 mètres sur 10 avec massifs bétonnés pour les dynamos, ete. . . 40.000 » 20 Salle des fours, parallèle, pour 16 fours, #0 mètres sur 12. AVE 25.000 » 39 Salle de broyage et tamisage. pour 2 instal lations indépendantes, 12 mètres sur 12. . . 15.000 » 4° Fours à chaux : 2 de 30 mètres cubes avec hangars à chaux et à coke. . 12.000 » 5° Salle d’ emballage pour le carbure, atelier de DÉDHNA TO NENE ILE RU en nee » de0e 10.000 » MT. — PARTIE MÉCANIQUE. 10 Broyage : 2 concasseurs dés sagrégateurs, 2 2 fi- nisseurs à boulets, 2 chaînes à sodets, 2 blu- toirs avec transmission, etc. s See 16.000 » 20 2 presses à charbon pour élec trodes. : : . 25.000 » 3° Turbine de 50 à 89 H. P. pour le travail mé- canique de l'usine. De 5 4.000 » 4 Voie, wagonnets, plaques tournantes, etc. pont roulaut des dynamos. . . . . . . . .. 8.000 » IV. — PARTIE ÉLECTRIQUE. Los 8 alternateurs (biphasés et CHRpRB EE) de 350 kilowatts à 27.000 fr. RTE NC 21620008% 20 2 excitatrices de 25 kilowatts à 4.000 fr. . . 8.000 » DSIRBICAUNE SUIS NS ic ET 6.000 » 49° Connexion avec les fours. LR ne 12.000 » 59 16 fours électriques et régulateurs. DEN à 0 32.000 » DORE PT AO OUR PTE VU REC EE EE CR COMMON DOME Total général. . Fr. 1.600.000 » 371 Cette usine comporte, pour le personnel : Administration, 1 ingénieur-directeur et 1 comp- table, 2 contremaîtres (1 par équipe), 1 électricien et2 aides (1 par équipe), 1 garde-vannes pour le canal ; 2 hommes par couple de fours el par équipe (soit 16); 2 hommes au broyage par équipe (soit 4): % hommes aux fours à chaux. IT. — PRODUCTION DE L'ACÉTYLÈNE. S1° — Disposition générale des appareils. Les appareils employés pour obtenir l'acétylène au moyen du carbure de calcium peuvent se diviser comme suit : 1° Appareils à contact; 2° appareils à chute. Les divers systèmes dans lesquels le carbure élait attaqué par une petite quantité d’eau, soit en filet, soit en pluie, paraissent abandonnés : l’atta- que du carbure dans ces conditions donnait lieu à une élévation de température, et à des phénomènes de polymérisation. D'autre part, on a renoncé en partie à attaquer toute la masse du carbure à trai- ter, en raison de la surproduction qui a lieu, alors même que l’eau n’est plus au contact du carbure; toutes les fois qu'une masse de carbure est atta- quée en vase clos en un de ses points, elle arrive plus ou moins vite à une décomposilion totale. On est donc arrivé à diviser la charge totale d'un appareil en un cerlain nombre de petites charges partielles isolées, soit par un système de casiers (appareil Bon, Société continentale de l’Acétylène), soit par des godets (appareil At-Home, appareil Fourchotle), soil par des assises isolantes (appa- reils Deroy et Trouvé). En outre, le carbure a été mis en présence d’un excès d’eau, ce qui assure la décomposition complète et méthodique, sans élé- vation sensible de température. Mais, quels que soient les dispositifs et leur ingé- niosité, il est incontestable que la meilleure solu- tion consisterait à projeter simplement le carbure dans une masse d’eau par charges définies, au moyen d'un bon distributeur, procédé recommandé par M. Moissan. L'obstacle auquel on se heurte consiste dans l’irrégularité de forme du carbure tel qu'il est fourni par l’industrie, qui n'est pas arrivée à le livrer sous une forme régulière. Divers appareils très ingénieux ont déjà élé établis sur ce principe : l'acétylénogène O. Patin exige le concas- sage préalable du carbure, son imprégnation de pétrole, et le chargement anticipé d'une série de casiers. On a voulu tourner cetle difficulté en em- ployant du carbure granulé. L'opération de la pul- vérisation constitue une augmentation sensible du prix de la malière première. Ce carbure pulvérisé s'altère plus facilement à l’action de l'air, son ren- dement en gaz diminue et, d'autre part, les organes 312 F. DOMMER — PRODUCTION ET UTILISATION DE L'ACÉTYLÈNE de distribution s'encrassent facilement. Ces appa- | reils exigent encore des perfectionnements pour entrer dans la pratique. L'appareil de la Société internationale est ainsi | le gra- constitué carbure nulé est in- troduit dans une trémie portant à sa partie infé- rieureunesou- pape de distri- bution. Pen- dant la des- cente de la cloche, la tige de la soupape rencontre un plateau de bu- tée; la sou- pape se soulè- ve, le carbure granulé coule, rencon- s'é- tre le disperseur, el tombe en gerbe dans l’eau, le gaz se dégage et la cloche remonte en provoquant la fermeture de la soupape. | S 2 Appareils de grande production. Un essai de 250 becs a élé réalisé par la Société du gaz acélylène pour l’éclairage d'une exposi- tion locale, au Palais du Tra- vail, à Belle- ville : Le premier appareil établi par cette So- ciété était au- tomatique, et comprenait 6 générateurs montés en dérivation, et un gazomètre de 2 mètres cubes de capacité. Le chargement et le décharge- ment des générateurs exigeaient un travail assez long, et nécessitaient la présence d'un homme. Cette Société a depuis établi un modèle d'appareil, | rage, et qui à pu, pendant quatre | EN) l (sms \ Fig. 6. — Coupe d'une usine de gaz acélylène inslallée par la Socièlé du gaz acélylène. : Elle comprend un gazomètre de 6 (sr Ecoulement des eaux . — Plan d'une usine de gaz acélylène installée par la Société du gaz acétylèene. | en forme d'entonnoir à l'extérieur, dit type éndustriel, non plus automatique, mais se chargeant à la pelle, suivant les besoins de l’éclai- mois, éclairer sans le moindre arrêt l'Exposition du Travail. Lamême So- ciété a installé chez M. Ollier, industriel à la Courneuve, près Paris, une petite usine de gaz acétylène produisant 6 mètres cubes à l'heure (fig.6 et 7). Elle est disposée dans un petit bäti- ment situé à 20 mètres de l'usine princi- pale, et n'oc- cupant que 12 mètres carrés de superficie. mètres cubes de capacité, équilibré de façon à donner au gaz une pression de 160 millimètres d’eau. Ce gazomè- tre estalimen- té par deux gé- nérateurs du type industriel conjugués el disposés de fa- con à pouvoir produirele gaz soitisolément, soit ensemble. Chacun d’eux peut recevoir jusqu'à 30 ki- los de carbure àl'heure. L'ap- pareil (fig. 8) se compose d'un récipient cylindrique C en tôle galva- nisée, de 65 centimètres de diamètre; dans ce cylindre, rempli d’eau jusqu'aux deux tiers de sa hauteur, plonge un large tube B de 16 centimètres de diamètre, légèrement évasé Ce tube forme la manche de chargement. A la F. DOMMER — PRODUCTION ET UTILISATION DE L'ACÉTYLÈNE DE partie inférieure de cette manche vient s'appliquer un flotteur conique G&, qui s'oppose à la sortie du gaz produit dans le générateur. Ce flotteur est guidé de façon à s'abaisser verticalement lorsque le carbure est versé par l’entonnoir ; il se relève par la pression de l’eau et vient oblurer l’orifice infé- rieur de la manche de chargement. Le carbure traverse une légère couche de 3 à 4 millimètres de pétrole, qui le recouvre superti- ciellement, et lui permet d'eau sans être attaqué; il tombe dans le fond du générateur et se décom- pose. Un bac de refroidisse- ment entoure le gazogène de traverser la colonne 4° À la sortie de l’épurateur chimique, le gaz se rend au gazogène, où il se détend, se repose, ce qui parait important pour l’acétylène. A la sortie du gazomètre, il passe dans un dessicateur constitué par une colonne de carbure de caleium. Enfin, à l’origine de la canalisation, se trouve un appareil extineteur de retour de flamme, formé par une série de toiles mélalliques espacées de 1 centimètre, qui s'opposent à toute rentrée de la flamme dans le gazomètre. $ 3. — Epuration de l’acétylène. L'acétylène obtenu au moyen du carbure de cal- cium est généralement ac- et s'oppose à l'échauffe- ment. Le fond de l’appa- reil est en forme de tronc compagné d'hydrogène phosphoré, d'hydrogène sulfuré, d'ammoniaque. de cône, fermé par un L'hydrogène sulfuré large clapet D manœu- provientsans doute du sul- vrable à la main par le fure d'aluminium AFS": Wiveau d'eau bras F. au contact de l’eau, les Les résidus de la dé- sulfures alcalino-terreux composition du carbure ne dégagent de l'hydro- viennent s’y accumuler el on les évacue de temps gène sulfuré qu'en pré- sence des acides. en lemps: ils tombent L'hydrogène phosphoré dans un large caniveau couvert E, qui les con- duit à l'extérieur dans un puisard constitué de facon à pouvoir éva- cuer l'eau et UE vont chaux hydra- E tée. Une sonne- ue > rie électrique, / DD DU actionnée par le mouvement de la cloche du gazomètre, avertit du moment où le chargement doit ètre renouvelé. Des générateurs, le gaz ainsi formé se rend au gazomètre en traversant : 1° Une nourrice, à laquelle sont reliés les appa- reils de production ; 2° Un serpenlin refroidi, dans lequel se font à la fois la condensation des vapeurs entrainées et une véritable épuralion physique ; la plupart des hydro- carbures lourds sont arrêtés ; 3° Du serpentin, le gaz se rend à l’épurateur chi- mique. L'épurateur comprend, en outre, une cuve de barbottage dans laquelle le gaz se débarrasse des traces d'ammoniaque qu'il renferme : RL 1), /f/ 111: — = —# Fig. 8. — Générateur d'acétylène de la Société du gaz acélylène. — C, récipient cylindrique en tôle, en partie rempli d’eau; B, tube de chargement; G, flotteur conique s'opposant à la sortie du gaz; D, clapet de vidange, manœuvré par le bras F;E, tuyau de purge; A, sortie du gaz. est dû à la présence du phosphale de chaux dans les calcaires em- ployés à la fa- brication de la chaux. La présence de l’ammonia- que aurait pour origine l’action de l’eau sur l’a- zolure de cal- cium qui existe dans le carbure et provient sans doute du contact de l'air pendant le refroidissement du carbure. Cet azoture donne avec l’eau de la chaux et de l’am- moniaque. Pour des carbures produisant de 280 à 305 litres de gaz, la somme des gaz étrangers ne dépasse pas 1 °/.. Voici la moyenne de quelques analyses de gaz : Hydrogène 0,06 0} 0,02 0,18 0,5 0,76 0/0 phosphoré . sulfuré. Ammoniaque . On pourra supprimer en partie ces impurelés en 374 F. DOMMER — PRODUCTION ET UTILISATION DE L'ACÉTYLÈNE employant, pour la fabrication du carbure de cal- cium, des produits ne contenant pas de phosphate de chaux, de soufre ou d'alumine, ou bien en faisant subir au gaz une épuration chimique. On emploie actuellement pour l'épuration un mélange de sulfate de fer, sulfate de cuivre, ses- quioxyde de fer, protochlorure de fer, auquel on ajoute de la braise et de la sciure de bois. Le protochlorure de fer s'empare de l'ammo- niaque pour former du chlorure ammonique et de l'hydrate ferreux. L'oxyde de fer hydraté donne avec l'hydrogène sulfuré du sulfure de fer et de l’eau. Le sulfate de cuivre absorbe l'hydrogène phosphoré. III. — EMPLOI DE L'ACÉTYLÈNE A L'ÉCLAIRAGE. De récents accidents ont montré les dangers de l'acétylène liquide. On doit, au moins dans l’état actuel des appareils, se garder d'employer l'acéty- lène sous cette forme. Au contraire, et il faut y insister, l'acétylène gazeux n'offre en lui-même aucun danger, et il semble en être à peu près de même de l’acétylène accumulé sous forme de dis- solution. $ 1. — Emploi de l’acétylène gazeux. L'acétylène gazeux se brûle, comme le gaz d'éclai- rage ordinaire, dans des becs à flamme et dans les appareils à incandescence. 1. Becs à flamme.— La question des becs n’est pas encore complètement résolue et tous les jours les inventeurs présentent de nouveaux modèles. Diffé- rentes hypothèses ont été émises sur l’obstruetion des becs; l'une des causes principales serait la formalion de carbures liquides qui se solidifient et produisent des dépôts charbonneux. Il faut brû- ler l'acétylène dans des becs à trous (très fins, ou dans des becs papillons à fente très étroite, en donnantau gaz une pression de 80 à 120 millimètres et de 300 millimètres pour certains becs à appel d'air. Dans ces conditions, le gaz lancé avec une certaine vitesse en lame mince, est en contact avec une quantité d'air suffisante pour ètre complète- ment brûlé, et la combustion ne se produit qu'à une certaine distance du bec, ce qui évite l'encras- sement par le dépôt charbonneux. Parmi les modèles les plus récents, nous pouvons citer le bec Bocandé-Gillet (fig. 9), à appel d’air, composé de trois ajutages superposés, À, B, CG, de diamètres croissants, et muni de deux petites ou- vertures latérales d pour l'appel d’air; il est sur- monté d'une tête en stéatite formant papillon. Ce bec foneclionne dans de bonnes conditions, mais avec une pression de 200 millimètres d’eau. Le bec Viard (fig. 10) est un bec conjugué, formé de deux petits canaux lerminés par un tube capillaire en verre, présentant l'aspect de deux pelites cornes qui viennent déboucher sous une inclinaison de 50 à 60°, à 15 millimètres l’une de l'autre; de ces deux orifices très petits, sortent deux jets qui viennent se briser et donnent une Fig. 9. Fig. 10. Fig. 9. — Bec Bocandé-Gillet. — A, B, C, ajutages super- posés: d, d, appels d'air. — Fig. 10. Bee Viard. flamme étalée dans un plan normal à la direction des jets. Cette disposition a pour but d’éloigner la zone de décomposition des orifices de sortie, et d'éviter l’encrassement. D'après le même principe, nous trouvons le bec Lebeau (fig. 11}, qui se compose d’une chambre en LA NC à Fie. 11. — Bec Lebeau. — R, chambre en stéatite; b, b, ar- rivées du gaz; D, jonction des deux jets gazeux; E, E, prises d'air. sléatite R, servant de régulateur, et où le gaz s'échauffe; de deux ouvertures d'arrivée du gaz b, de position invariable, produisant la Jonction des ni jets gazeux en D, et de deux prises d'air E, facili- tant la combustion. La flamme est fixe el ne pro- duit pas de dépôt charbonneux. Le mème constructeur a établi un bec pour éclairage de haut en bas, constitué par une tête en stéatite de forme cylindrique, présentant plusieurs F, DOMMER — PRODUCTION ET UTILISATION DE L'ACÉTYLÈNE 375 canaux semblables à 4, disposés sur les généra- lrices d’un cylindre vertical. Le plan de jonction des flammes est horizontal. Le bec Jarre se compose d'un bec en stéatile pro- duisant deux jets divergents et recouvert d'un capuchon métallique forcant les deux jets à se ren- contrer, comme dans le bec Viard. Le nelloyage se feraiten enlevant le capuchon pour donner un coup de brosse sur le bec en stéatite. Quelques inventeurs ont cherché à mélanger l'acétylène avec l'azote ou l'acide carbonique ; nous signalerons comme essai nouveau un mélange d’a- célylène et d'hydrogène, qui donnerait de bons résullais. D'après les expériences de MM. Dumontet Hubou, dépense de 2 lit. 1/2; les plus petits manchons, ayant 6 centimètres de hauteur et 2 centimètres de diamètre à la base, donnent 12 carcels. On peut obtenir, avec des manchons de 9 centimètres de hauteur et de 3 cent. 1/2 de diamètre, une puis- sance lumineuse de 55 carcels. Ce mode d'éclairage a élé proposé pour les phares. Le prix de revient serait, pour des intensités variant de 120 à 4.000 bougies, de 0 fr. 005 pour la dépense de carbure, plus 0 fr. 001 pour le pétrole d'imprégnation et les manchons, par carcel-heure. Dans les phares, il est indispensable de se préoc- cuper de l'emplacement. Pour un éclairage de 120 bougies et une durée moyenne de douze heures, la quantité de carbure pour trois mois sera de Tableau I. — Prix de revient et pouvoirs éclairants des différents modes d'éclairage. NOR PRIX DE REVIENT CONSOMMATION HORAIRE | a — "| ÉCLAIRANT du bec-heure par carcel-heure carcels centimes franes Bougie ue. | 0,125 10 grammes. 2 0,160 Dampelcarcel se. N.: 1 42 — 4,4 0,044 Lampe pétrole, 7 lignes, plat. 0,5 20 — 1,94 0 ,0388 — 8 — rond 3,2 S0 — Ya 0,0256 Bec papillon gaz . . . L 140 litres. 42 0,042 Bec parisien . ë De) 200 — 6 0,0102 — CES M Re a TE: CRC 1e 9,60 300 —— 9 0 ,u102 CROIENT EVENE ALL 3,7 170 _ 5,4 0,0137 = CAMeE APE PRE NE PAR PA 5,12 SUN UE 1 0,0195 PARU SET ee M NE arte the 7 350 = < 0,015 = RE 10 ARTE : 0,0128 = AMEN 22 Fotiihl Ë 0,01 Lampe Wenham 5,8 170 - 0,01 — 11,09 283 — 0,0075 _ Re PNEUS LOT ARS 12,30 796 — 0,0098 BECAUEr NO: >. : OU. a MATE TENR 3 85 _ 0,0086 — EL SRE RES re ; NS ire 5 120 — 0,0072 Lampe à incandescenee. . . . LS PE 1 30 watts-heure. 0,03 Bec acétylène. . . . 5 35 litres. 5,83 0,0116 Bec OP ee RP à 10 50 — 8,33 0,00833 Incandescence par l'acétylène {carbure à 500 fr. la tonne), système R. Turr, brev. S. G. D. G. 12 30 — i 0,00%1 la dépense pour les becs donnant moins de 1 carcel est de 8 lit. 1/2; entre 1 el 2 carcels, elle est de | 8 litres; de 2 à 5 carcels, de 7 litres; enfin au-dessus de. 10 carcels, de 5 litres 1/2 seulement (Tableau 1). Dans ce tableau les matières employées à l'éclai- rage sont complées comme suit : 2 (0 le kilo. 1 ,Gä 0,97 0,3 le mètre cube. 1,00 le kilowatt-heure. Bougie en stéarine . Huile de colza épurée. . Pétrole de luxe. Gaz de houille . Lampe à incandescence. . Acétylène (450 fr. la tonne de carbure) , . 1,50 le mètre cube. 2. — Brüleurs à incandescence. struit des brûleurs genre Bunsen, avec appel d'air et réglage, donnant une flamme bleue, entourée d'une aigrelte rouge; sur ce brûleur on dispose un manchon. La carcel-heure est produite avec une M. Turr à con- 108 kilos, el le volume de 60 décimètres cubes, soit un füt de 40 centimètres de diamètre sur une hau- teur de 50 centimètres. La quantité de pétrole destinée à recouvrir le car- bure, afin d’en éviter l’altération, sera de 23 litres. Le gazogène aurait 60 centimètres de hauteur et 28 centimètres de largeur. M. Turr a construit une lanterne qui permet d'utiliser l’incandescence pour la cinématographie, dans les mêmes conditions que l'arc électrique. Le chauffage par le gaz acétylène semble un pro- blème résolu, en employant des fourneaux munisde brûleurs à appel d'air, identiques à ceux employés pour l’incandescence. Le meilleur rendement est obtenu lorsque la flamme présente un liseré bleu de 1 millimètre environ autour de l’orifice de sortie, une zone 316 F. DOMMER — PRODUCTION ET UTILISATION DE L'ACÉTYLENE blanche éclairante de 5 à 6 millimètres, une zone presque incolore, légèrement violacée, de 15 à 20 millimètres. Le tableau Il résume le résultat d’un certain nombre d'essais réalisés par la Société du gaz acé- tylène. Tableau II. — Essais à l’'incandescence. eee SA TEMPS PRESSION DÉBIT cts | ESSAIS en millimètres à l'heure Pépallition k d'eau du gaz l Mate DES] millimètres litres min. sec. | Aer 160 36,5 17 30 | 2e 200 42 13 00 a 160 50 13 00 4e 200 63 1945 Le débit des brûleurs à la sortie du mélangeur d'air et d’acétylène était, pour les quatre essais, de 500 litres. Si nous prenons une dépense moyenne de 10 litres, et le prix du carbure à 400 francs la tonne, la dépense, pour porter un litre d'eau à l'ébullition, sera de 1 cenlime 33 ; en supposant pour le gaz une dépense de 45 litres, le prix sera 1 cen- time 35. £ 9 S à. — Emploi de l’'acétylène dissous, MM. Claude et Hess ont utilisé la solubilité de l'acétylène dans l’acétone, qui augmente sous l'in fluence de la pression, pour transporter un grand volume d’acétylène dans des récipients de petite dimension et sous pression relativement faible, D'après MM. Claude et Hess, l’acétone dissoudrait de 25 à 30 volumes d'acétylène, et, sous une pression de 10 atmosphères, 1 litre d’acétone em- magasinerait 250 litres d’acétylène, que l’on pour- rait utiliser dans un brûleur, en interposant un détendeur régulateur de pression; le gaz dissous se dégagera comme l’anhydride carbonique dans les siphons d’eau de Seltz. En employant l’acéty- lène liquéfié à 37°,5, le même récipient devrait supporter une pression de 70 atmosphères! En résumé, un récipient de 2 litres, sous une pression de 12 atmosphères, peut contenir 400 litres d’acétylène, c'est-à-dire de quoi alimenter une lampe de 20 bougies pendant 26 heures. La vapeur d’'acétone entrainée par l'acétylène ne nuit pas au rendement lumineux. La quantilé d’acétone entrainée n’est que de 20 centimètres cubes par litre, soit environ une dépense de 2 centimes. Au point de vue de l’explosibilité, les inventeurs citent l'expérience suivante, qui consiste à mainte- nir au rouge vif, par le courant électrique, un fil de platine plongé dans une dissolution d'acétylène dans l’acétone, sous 3 atmosphères,renfermée dans un siphon d'eau de Seltz. Dans un deuxième brevet, MM. Claude et Hess semblent revenir aux procédés de liquéfaction. Voici l'ensemble de ce brevet : « L'acétylène est soluble dans de nombreux liquides ; de cette solu- bilité, il résulte que, si l’on comprime de l’acétylène renfermant une quantité très faible de vapeur du dissolvant, la liquéfaction est obtenue, à tempéra- ture égale, à l'aide de pressions moindres que celles nécessaires pour l’acétylène pur. » La température critique de l’acétylène liquéfié ainsi obtenu est plus élevée que celle de l'acétylène pur liquéfié. L'acétylène purifié est mélangé à des traces de ces produits par simple barbottage et liquéfié par les moyens ordinaires avec ou sans le concours de la réfrigération. Il serait intéressant de connaitre le point et la pression critiques de ce nouveau mélange et de savoir comment il se comporte en présence des causes ordinaires d'explosion. M. Barillot a cherché, de son côté, à produire une combinaison d'acétylène, stable dans certaines con- ditions, et destructible ensuite par mise en liberté de l’acétylène. L'acétylène ayant pour formule c'est-à-dire disposant de deux valeurs de satura- tion, doit être facile à combiner et, pour celte combinaison, il faut s'adresser à des produits non saturés. M. Barillot débarrasse l'acétylène des gaz phos- phorés, sulfurés et surtout des phosphines qui se forment par l’action de l’eau sur le carbure, au moyen d’un barbottage lent du gaz dans l'acétone qui enlève ces produits. L'excès d'acétone en- traîné est enlevé par un second barbotage dans le bisulfite de soude, de densité 1,135; enfin, il termine par un passage sur un alcali, pour enlever les traces de SO? entrainé. Dans ces conditions de pureté, l'acétylène est presque inodore ; l'intensité lumineuse de sa flamme est augmentée, elle semble ne pas encrasser les becs. Au début de l'entrée de l'acétylène dans les acétones et les kétones, il se produirait un phéno- mène de dissolution; mais, à mesure que la pression augmente, on s'approche d'une limite où il y à combinaison réelle. Entre 5 et 6 atmosphères, l'acé- tylène, refroidi sous la pression de 6 kilos, pénètre dans les acétones ou dans les kétones en y produi- sant un dégagement perceptible de chaleur. Pour obtenir le maximum de combinaison d’acé- tylène, il faut opérer la compression en plusieurs phases et laisser aux corps mis en jeu un temps de contact assez long pour permellre la comhinai- F. DOMMER — PRODUCTION ET UTILISATION DE L'ACÉTYLÈNE 377 son. C'est là, comme on le sait, la caractéristique de beaucoup de réactions organiques (éthérifica- tion, saponificalion, etc.). Ces combinaisons n'existent que sous pression, analogues en cela aux chlorhydrates, iodhydrates, bromhydrates de phosphure d'hydrogène; elles laissent dégager l’acétylène régulièrement par dépression. Les procédés de MM. Claude el Hess et de M. Ba- rillot ne sont pas encore suffisamment connus, mais ils permettent d’entrevoir la solution du pro- blème de l'éclairage domestique, des wagons, des navires et des phares, en supposant que l'emploi de l’acétylène, dissous ou combiné, ne présente pas plus de danger que celui de l’acétylène gazeux. Fig. 12. Fig. 12 et 13. — Rampes à acélylène pour le grillage des tissus. — À, A, plaques entretoisées par des boulons B, B: C, C, règles mobiles entre lesquelles passe le gaz; D, plaques munies de tourillons E, permettant d'incliner la rampe à volonté; F, entrée du gaz. IV. — EMPLOI DE L'ACÉTYLÈNE COMME COMBUSTIBLE. L'acélylène n'a jusqu’à présent reçu qu'un petit nombre d'applications comme combustible. Mais il est permis de penser que ces applications se déve- lopperont rapidement dès que viendra à être abaissé, par suite d’abondante production, le prix du-carbure de calcium. $ 1. — Grillage des tissus. Dans l’industrie textile, le grillage des tissus joue un rôle considérable, surtout pour les tissus à imprimer. Cette opération consiste à faire passer rapidement le tissu au-dessus d’une flamme de gaz mélangée d'air et brûlant bleu comme dans un Bunsen. Or, le gaz acétylène chauffant beaucoup plus que le gaz ordinaire, donne une plus grande rapidité au grillage, d’où perfection dans l’exécu- tion et économie de temps. De plus, il permet de faire le grillage là où il n’y a pas d'usine à gaz. Les rampes employées sont à flamme unique REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897, (fig. 12, 13 el 14) ; elles se composent de deux pla- ques À, entretoisées solidement par des boulons B et laissant un espace libre entre elles à la partie supérieure. L'écartement de cet orifice est mathématique- ment déterminé (4 à 5/10 de millimètre) par deux règles CC’ qui peuvent être rapprochées ou écar- tées à volonté. C’est par l'intervalle laissé entre ces plaques que s'échappe le mélange d’acétylène el d'air. Les extrémités de cette rampe sont fermées par des plaques D (fig. 13) munies de tourillons E, qui permettent d'incliner la rampe à volonté; un de ces tourillons est creux pour recevoir un T muni de deux robinets par lesquels entrent, d'un | côté, l’acétylène et, de l’autre, l'air. Fig. 13. L'acétylène entre à une pression de 160 milli- mètres d'eau, et l'air est introduil sous une pres- sion de 200 à 220 millimètres. De cette manière, on obtient une flamme rigoureusement droite, inco- lore, donnant le maximum d'intensité de grillage. La vitesse du tissu peut atteindre 50 mètres à la minute, soit 3 kilomètres à l'heure. C’est plus du double de la vitesse obtenue avec le gaz ordinaire. La dépense par mètre de rampe est d'environ 250 litres de gaz acétylène par heure. $ 2. — Chauffage des calandres. Pour le chauffage des calandres, on se sert d'un tube de fer dans lequel on fait arriver un mélange d'air et d'acétylène; le gaz est introduit sous une pression de 160 millimètres d’eau, et l'air, sous une pression de 250 à 300 millimètres. Le long du tube sont disposés des brûleurs à fente large, espacés de 8 à 10 centimètres. La flamme obtenue doit être presque incolore, tirant sur le violet. 9" K. DOMMER — PRODUCTION ET UTILISATION DE L'ACÉTYLÈNE Une extrémité du cylindre de la calandre reste libre: l’autre est continuée par une cheminée. La température des cylindres doit être de 450 à 180°. Cependant, ceux destinés au gaufrage ou au moirage doivent atteindre 220 à 250°. Le chauffage all gaz, quoique moins économique que celui à la vapeur, est préférable à ce dernier au point de vue du fini du travail. Pour chauffer un cylindre de 1,50 de longueur, de 200 millimètres de diamètre, de 4 centimètres pour 2 chevaux effectifs. La puissance de l’acéty= lène serait done de 2,1 fois celle du gaz de houille, et la consommation par cheval-heure effectif de 460 litres d’acétylène sous la pression atmos- phérique. M. Cuinat a réalisé une série d'essais, dont voici le résullat, surun moteur à gaz à détente prolongée : À vide : consommation 475 litres: À demi-charge : (3 chevaux) 291 litres par che- val-heure effectif; rempe dx rouleau exprimeur rouleau TaÀ TA 20e mouilleur | , ——— — | | D _ TT I I, Fig. 14, — Schéma du grillage des tissus. — L'étoffe, placée sur un support, est conduite par des rouleaux mobiles sur la rampe à acétylène où elle se grille; plus loin, elle recoit un filet d’eau qui l'imbibe complètement, puis elle passe entre deux rouleaux qui expriment l'eau qu'elle a reçue ; d'épaisseur, il faut dépenser 350 à 400 litres de gaz. Pour l’entretenir à 180° il faut compter sur une dépense horaire de 150 à 200 litres. : S 9, — Application de l’acétylène aux moteurs. Des essais ont été entrepris par M. Ravel, qui conclut de ses expériences qu'un litre d’acétylène produit sur le piston d'un moteur à gaz, du type de deux chevaux, un travail indiqué de 860 à 870 kilo- grammètres. Le même moteur, avec le gaz d'éclai- rage, dépensait de 940 à 960 litres par cheval-heure enfin elle est conduite dans un chariot destiné à l'emporter. A pleine charge : (6 chevaux) 175 litres par che- val-heure effectif: Pression du gaz : 50 millimètres. Nous ne pouvons lirer aucune conclusion de ces résultats différents, l'emploi de l’'acétylène pour les moteurs étant encore dans la période d'essai. F. Dommer, Professeur de Chimie industrielle à l'Ecole de Physique et de Chimie de la Ville de Paris. J. SAINT-ROMAS — SUR LA NATURE DE L'ATTRACTION NEWTONIENNE 319 SUR LA NATURE DE L’ATTRACTION NEWTONIENNE Nos lecteurs se souviennent de l'exposé magistral que M. Vernon Boys à fait de ses mesures de la constante de la gravitation dans la Revue du 30 janvier dernier, et des très fines remarques de M. C.-E. (ruillaume qui accompagnaient cet article. Ces deux études ont excité un grand intérêt parmi les physiciens ; plusieurs savants nous ont adressé à ce propos d’intéressants apereus. Nous publions ci-après une étude de M. Saint-Romas, ingénieur des Ponts el Chaussées, qui nous semble caractériser nettement l'une des facons dont beaucoup de personnes comprennent la loi de Newton. M. C.-E. Guillaume, auquel nous avons com- muniqué cet article, y a fait une courte réponse que l’on trouvera insérée à la suite. (NOTE DE LA DIRECTION.) LI — LA LOI DE NEWTON CONSIDÉRÉE COMME UNE NÉCESSITÉ LOGIQUE Sur quelque point des sciences abstraites que s'exerce l'esprit humain, lorsque l’on remonte la chaine des idées jusqu'aux principes fondamen- laux, il arrive toujours un moment où le raison- nement s'arrête, où l'investigation devient impuis- sante. On touche à la métaphysique et il est illusoire de chercher à aller plus loin sans sortir du domaine scientifique proprement dit. Il est remarquable, d’ailleurs, que les postulats ou les principes primordiaux auxquels on se trouve ainsi, en quelque sorte, acculé, ont un caractère de simplicité et de généralité tel que l'esprit en est satisfait ; l'on sent alors qu'il est impossible d'aller plus loin dans la voie de l'analyse, et que l'on est arrivé à la limite du cercle infranchissable. Lors donc que l'on rencontre dans le développe- ment d'une science, l'énoncé d'un principe qui n’a pas ce caractère, on ne peut se défendre de cette impression que l'analyse n’a pas été poussée assez loin, ou, tout au moins, que le système adopté pour les définitions et pour l'exposé de la science n'a pas revêlu la forme susceptible de mettre le véritable principe en lumière et sous son aspect définitif: Ainsi, la loi du carré des distances en Optique ne satisfait en rien l'esprit: en décomposant, au con- traire, ce principe en ses éléments, il devient, pour l'esprit, une véritable nécessité. Tout se réduit, en dernière analyse, à la conception de certaines con- ditions théoriques ; si elles ne sont pas remplies, le principe n'existe plus ; si elles le sont, le principe est imposé par le raisonnement, il prend le carac- tère même d'un théorème de Géométrie. Il importerait donc beaucoup, au point de vue de la logique et de la clarté, que, dans l'exposé didactique des sciences, l’on s'astreignit à mettre en lumière sur chaque objet fondamental ce point crilique de passage de la science proprement dite à la métaphysique. Il conviendrait de ne pasrester en deçà en considérant comme des postulats ou des principes rationnels ou expérimentaux, des lois qui peuvent être déduites par le raisonnement, des définitions précédemment admises et conve- nablement coordonnées ou d'idées plus simples. Il conviendrait autant de ne pas aller inconsciem- ment au delà, en admettant implicitement dans les démonstrations de véritables postulats ou prin- cipes non énoncés. Malheureusement, il n’est pas toujours facile d’en arriver là. Ainsi, le principe de la conservation de l’énergie, par exemple, donne lieu, en dernière analyse, à la conclusion suivante de M. Henri Poin- caré : « Si l’on veut énoncer le principe dans toute sa généralité, et en l’appliquant à l'Univers, on le voit, pour ainsi dire, s'évanouir, et il ne reste plus que ceci : Il y a quelque chose qui demeure cons- tant. » Tel postulat, comme celui d'Euclide, ne livre à l'esprit sa valeur véritable qu'après la créa- tion de géométries purement symboliques, — ce qui est un procédé bien détourné. Laissant de côté ces questions d’ordre général, nous nous proposons d'appliquer cette méthode à un point particulier et de faire voir que la pre- mière parlie de la loi de Newton, à savoir la pro- portionnalité de la force d'attraction aux masses agissantes, ne doit pas être considérée comme un résultat de l'expérience, mais qu'elle révèle une propriété de la matière d’un énoncé beaucoup plus simple ayant presque, sous cette forme, le carac- tère de l'évidence. Dans les traités de Mécanique, on définit d'abord la force, ou, pour mieux dire, on constate l’exis- tence de forces comparables entre elles par leur action sur un système matériel déterminé. IL faut bien prendre garde que ces forces ne se mani- festent que par une propriété spéciale prise par la matière dans des conditions déterminées et que l'on ne peut concevoir la force, abstraction faite de la matière. Puis, la masse est définie par le rapport commun 380 J. SAINT-ROMAS — SUR LA NATURE DE L'ATTRACTION NEWTONIENNE des forces aux accélérations qu'elles impriment à | Ce sera, par exemple, un kilogramme d'eau défini chaque système matériel. Enfin, lorsqu'on arrive à l'étude de l'attraction newtonienne, on énonce comme un fait vérifié par l'expérience que les corps s'attirent proportion- nellement à leurs masses. Pourtant, l'esprit n’est pas salisfait et l’on sent bien que cette loi n’est pas accidentelle. Il est évi- dent, par exemple, que si la Terre attire avec une certaine force un litre d’eau situé en un point de l’espace, elle attirera exactement avec la même force un autre litre d’eau placé au même point. D'où, immédiatement, l’idée que, dans certains cas, au moins celui de l'identité, par exemple, la pro- portionnalité des forces aux masses en jeu n’est pas un fait expérimental, mais bien une nécessité pour notre esprit. Toute la difficulté me paraît n'être qu'apparente et provenir uniquement de la définition ordinaire de la masse. Dans cette définition, en effet, la masse est un rapport, c'est-à-dire une chose abs- traite ne correspondant à aucune représentation dans l'esprit, landis qu'en réalité, vis-à-vis des forces newtoniennes, l'idée de masse est une chose concrète et précise. C'est la propriété essentielle de la matière, sous toutes ses formes si diverses, par rapport à ces forces ; c’est le degré de réaction des divers modes de la matière par rapport à ces forces. En un mot, c'est une propriété de la matière comme la conductibilité ou la transpa- rence, avec cette caractéristique que c'en est la propriété capitale, en raison du principe de la con- servation de la masse et de ce fait que nous n'avons pas d'autre moyen de définir une quantité déterminée de matière, indépendamment de ses transformations physiques où chimiques, autre- ment que par sa masse. En second lieu, la définition de la masse est une définition dynamique qui suppose le mouvement, tandis que l’idée la plus simple que l’on peut se faire des forces est un phénomène slatique, comme celui de l’action d’une force équilibrant un ressort. Aussi n'est-il pas étonnant que, lorsqu'on passe de cette définition à l'étude de l'attraction newto- nienne, on ne trouve plus aucune relation théo- rique entre l’idée de masse et celle de l'attraction. II Changeons la méthode. Considérons un centre d'attraction déterminé, la Terre, par exemple, agissant sur les substances placées en un point défini de l’espace. Prenons pour unité de masse la quantité d’une substance homogène connue suscep- tible de donner, sous l'effort d'attraction, naissance à une force déterminée mesurable par un ressort. | à la manière habiluelle. Il est bien évident que, si nous remplacons ce kilogramme d’eau idéal par une quantité d’eau égale, l’action de la Terre sera la même et nous aurons le moyen de mesurer la masse de toute la matière qui sera sous la forme prise pour élalon. Si nous passons à une autre substance, nous devrons en prendre un volume différent pour avoir la même action sur notre ressort, mais nous parviendrons à diviser chaque substance en masses équivalentes entre elles et à notre élalon par rapport à l’action du centre aiti- rant. Nous pourrons donc mesurer la masse de tous les corps de l'Univers. Nous aurons ainsi classé, en quelque sorte, tous les corps de l'Univers par rapport à l'action du centre atlirant qui nous occupe : nous aurons déterminé leurs masses (les quantités ainsi définies seront proportionnelles aux masses de la définition usuelle). Et, dans ces conditions, n'est-il pas évident, par la définition même, que l’action du centre attirant sur les corps attirés sera proportionnelle à la masse de chacun de ces corps? Quant à l'influence de la masse même du corps attirant, il faudra, pour nous en faire idée, que nous considérions l’action inverse d’un autre centre d'attraction sur celui qui nous à servi jusqu'ici, mais, bien entendu, en conservant les unités de masse qui ont été définies une fois pour toutes. Quel sera donc le résultat de l’action de ce nouveau centre sur les unités de masse définies dans le premier? Si ces unités de masse considérées sont constituées de la même substance, l'idée s'im- pose comme une nécessité à notre esprit que, sous l’action du nouveau centre, elles réagiront d’une manière identique. Si elles sont de substances dif- férentes, elles continueront à ètre des unilés par rapport au nouveau centre, c'est-à-dire à donner toutes la même réaction, et alors la loi de propor- tionnalilé des masses, déjà démontrée pour les corps attirés, deviendra également une nécessité pour la masse du corps attirant. Ou bien, le fait n'aura pas lieu, mais alors la loi de Newton n’exis- terait plus. III Ainsi donc, en dernière analyse, la loi de propor- tionnalité des forces attractives aux masses n’est qu'une conséquence, une forme altérée d'un prin- cipe primordial pouvant être énoncé ainsi : & Dans l'Univers, tous les corps exercent les uns sur les autres des actions attractives réciproques, soumises à cette règle que, si deux quantités de matière réagissent de la même manière sous l’ac- tion d’un corps attirant, elles réagissent égale- CH.-ED. GUILLAUME — SUR LA NATURE DE L'ATTRACTION NEWTONIENNE ment de la même manière sous l’action d’un autre corps attirant quelconque de l'ensemble. » Mis sous cette forme, le principe parait naturel à l'esprit et dépouille le caractère accidentel qui affecte à première vue la loi de proportionnalité aux masses. . Rentrant dans l’ordre d'idées où nous nous 381 sommes placé dès le début de la présente étude, nous estimons que c'est là ce qu'il faut considérer, au point de vue de l’idée de masse, comme le véritable fait essentiel, vérifié par l'expérience, dans l’élude des conséquences nécessaires de la loi de Newton. J. Saint-Romas. Ingénieur des Ponts et Chaussées. II. — LA LOI DE NEWTON CONSIDÉRÉE COMME UN RÉSULTAT D'EXPÉRIENCE Les déductions de M. Saint-Romas, d'une logique | réciproques auxquels ils sont soumis en présence si serrée, conduisent à une conclusion bien diffé- rente de celle à laquelle j'avais cru pouvoir me rallier dans une précédente étude sur le même sujet. L’un des deux résultats est donc erroné; il ne s’agit pas d’ailleurs d’une subtile distinction, d'un insaisissable plus ou moins. La première loi de Newton est considérée, dans un cas, comme une nécessité d'esprit, comme un véritable axiome ; dans l’autre, elle est l'expression d'un fait d’expé- rience. La forme de l'exposition ne doit pas ici nous induire en erreur: la mesure qu'indique M. Saint-Romas est seulement imaginalive, et ne sert qu'à matérialiser le raisonnement; son résultat est considéré comme de toute évidence. Analysons cette mesure : « Nous pourrons, dit M. Saint-Romas, mesurer (à l’aide d'un ressort) la masse de tous les corps de l'Univers. » La discussion peut se concentrer tout entière sur cette idée, d'où les autres conclusions décou- lent d’elles-mêmes. La réponse n’est pas difficile. L’effort antago- niste d'un ressort mesure un poids, non une masse. Confondre ces deux notions en une seule revient à admettre comme un simple postulat la première loi de Newton. Toute preuve supplémentaire de- vient dès lors inutile, et la découverte de Newton se réduit à un énoncé. Si nous convenons de nous limiter aux forces newtoniennes, nous pourrons affirmer, sans autre restriction, que deux corps, pesés à l’aide d'une balance ou d'un ressort et trouvés-de même poids en un point quelconque d'un champ d'attraction, seront encore de méme poids en un autre point du champ. Mais il n’en résulte nullement que, aban- donnés en ce point, ils prendront la même accélé- ration. Cette conclusion s'impose seulement si les deux corps sont de même matière; mais, s'ils sont de deux espèces différentes, rien ne nous dit à priori que les résistances qu'ils opposent aux forces sont exactement proportionnelles aux efforts | d'une autre matière. C'est précisément cette merveilleuse coïncidence qui constitue la première loi de Newlon, démon- trée, comme je l'ai rappelé, par les expériences du grand philosophe, vérifiée avec une exactitude plus grande par des mesures ultérieures. Cette loi, considérée comme expérimentale, est non point une nécessité, mais la meilleure preuve d’un fait dont la portée est immense : c'est que toutes les matières si diverses qui composent l'Univers pos- sèdent une propriété commune. Aucun autre phénomène ne nous y conduit aussi directement et d'une manière aussi simple. Sans doute, les périodes de la Chimie nous enseignent que les divers éléments ne sont pas des entités isolées : elles nous révèlent certains liens qui exis- tent entre les corps simples, et qui dérivent d’un autre fait plus général et encore caché. La loi de Newton rassemble tous ces liens en un seul fais- ceau, et c'est ce qui fait sa valeur exceptionnelle pour la philosophie naturelle. La genèse de l'idée contenue dans celte pre- mière loi est purement expérimentale. L'esprit, dans son besoin de relations simples, n'y a ajouté qu'une chose, c'est qu'elle est rigoureusement exacte, bien que la précision des mesures qui l'ont révélée soit forcément limitée. Il n'y aurait aucune absurdité, d’ailleurs, à sup- poser que la loi fût restée ignorée et considérée comme une loi limite. La faiblesse des perturba- tions, le hasard, pourrait-on dire, de laconstitution de notre globe, le peu de précision des premières mesures ont peut-être joué un rôle important dans la découverte de cetle loi. On l'a répété bien souvent, si Kepler avait pos- sédé des données précises sur les mouvements des planètes, les lois de ces mouvements lui seraient restées cachées. Il aurait pu en être de même pour la loi de Newton. On pourrait, sans commettre une faute de lo- gique, imaginer le développement intégral de l'industrie électrique sans la connaissance de la loi de Newton. Supposons que cela soit, et mel- 382 CH.-ED. GUILLAUME — SUR LA NATURE DE L’ATTRACTION NEWTONIENNE tons-nous à la place d'un chercheur, peu au cou- rant de ce qui se passe autour de lui — cela aussi n’a rien d'absurde — qui ait établi son laboratoire au voisinage d'un puissant électro-aimant dont il ignore la présence; je dis que, dans ces condi- tions, la première loi de Newton devra échapper à ses investigalions. Il trouvera bien un embryon de loi, mais pour certains corps seulement. S'il opère avec une grande précision, les exceptions iront en se multipliant, et finalement la loi de Newton lui apparaitra comme une loi limite, à laquelle obéissent la généralité des corps, mais qui admet des écarts positifs ou négatifs par rap- port à une moyenne dont un grand nombre de substances se rapprochent. Dans ces conditions, cette loi aurait été classée parmi ces relations un peu vagues, telles que celles de Dalton ou de Dulong et Petit, qui, elles aussi, embrassent toute une série de corps possédant ap- proximativement une propriété commune. Généralisant cette idée, nous pourrions penser inversement que ces lois deviendront exactes lors- qu'on aura découvert les circonstances simples dans lesquelles toute perturbation est évitée. Peut- être alors, après qu'elles auront été enseignées à plusieurs générations d’écoliers, arrivera-t-on à les considérer comme des nécessités logiques parce que l’on aura oublié leur origine empirique. On serait parfois tenté d’assimiler la loi de New- ton à la loi d’'Ohm, toutes deux étant de simples définitions. Il n’est pas douteux que cette dernière loi pro- cède d’une définition. On peut, en effet, caraetéri- ser de la manière suivante les trois facteurs qu'elle embrasse : La force électro-motrice, principe actif : L'intensité du courant, procédant du premier facteur ; La résistance, principe passif, défini par le quo- tient des deux autres entités directement mesurables. Ainsi envisagée, la résistance du circuit devient assimilable à la réciproque d'une conductibilité calorifique, qui dérive de la chute de température, de la quantité de chaleur transportée et des dimen- sions du conducteur. Le raisonnement de Fourier a été, comme on sait, adapté mot pour mot par Simon Ohm au cas du courant électrique. Jusque-là, la résistance était une quantité de définition, dont il était impossible de rien préjuger, et c'est l'expérience seule — rappelons ici les recherches trop oubliées de Pouillet — qui a mon- , L d'où est résullée l'idée que la résistance est une pro- priété caractéristique d'un circuit, indépendante de la force électro-motrice. tré la remarquable constance du quotient Mais rien ne nous dit que de nouveaux progrès des mesures confirmeront indéfiniment la cons- RUE RAS tance du quotient TT dans un même circuit. Si l’on parvient un jour à mettre hors de doute une variation, si pelite soit-elle, de ce quotient, la loi d'Ohm ira rejoindre, après tant d’autres, la loi de Mariotte, à l’infaillibilité de laquelle on a pu croire pendant deux siècles. IT Beaucoup de personnes confondent le poids et la masse; un plus grand nombre distinguent ces deux notions, mais ne se rendent pas un compte exact de leurs valeurs relatives. Cette confusion semble provenir d'un vice de méthode dans l’enseigne- ment élémentaire de la Mécanique. Dans la hâte d'arriver à des données précises et de mettre l’idée en formule, dans la crainte peul- être d’éveiller un doute dans l'esprit des débu- tants, on fait trop rarement ressortir le côté expé- rimental des premiers principes de cetle science; de telle sorte qu'arrivés au terme de leurs études, les jeunes ingénieurs, les futurs professeurs, regar- dant en arrière, à un âge où ils ont appris à penser, se demandent ce qui resterait de cet admirable enchainement logique que l’on nomme la Mécanique rationnelle si on l’avait édifié sur d’autres Aypo- thèses. L'étude de l'histoire des découvertes est, pour eux, le meilleur moyen de refaire leur credo; on leur aurait épargné ces doutes si l’on avait, dès l’origine, posé dans leur esprit ces principes sur une base expérimentale. Il semblerait fort utile, par exemple, de faire comprendre tout d'abord aux débutants, à l’aide de quelques démonstrations faciles à imaginer, que les masses et les forces sont des quantités additives; la relation Te force accélération — Inasse en découlerait alors tout naturellement. Voici, par exemple, un appareil (fig. 1) qui, à défaut de la machine d’Atwood, ferait saisir nette- ment ces premiers principes : Sur une table bien plane, on place un petit cha- riot C auquel est attelé un poids P agissant par l’in- termédiaire d'une corde supportée par une poulie. Un deuxième système de poulies (L, M) soutient un équipage composé de deux poids (N, K) différents, dont l'un N, le plus léger par exemple, porte une plume disposée pour inscrire son mouvement sur une des parois de la caisse. Par un dispositif facile à imaginer — un électro-aimant par exemple — CH.-ED. GUILLAUME — SUR LA NATURE DE L'ATTRACTION NEWTONIENNE 383 les deux équipages sont libérés simultanément. La plume remonte alors le long du chariot, qui, se déplaçant horizontalement, garde la trace du phénomène en une ligne droite oblique partant de O, et dont l'inclinaison dépend du rapport des accélérations des deux mobiles. En changeant soit le poids moteur du chariot, soit la masse entrai- née, on obtiendrait un graphique montrant les variations correspondantes de l’accéléralion ; rien ne serait plus facile alors que d'établir, par le relevé des diagrammes, le fait expérimental con- tenu dans la relation que je viens de rappeler. En possession de la véritable signification du quo- A tient A — TE l'élève Lirerait lui-même la conclu- sion qui s'impose lorsqu'on vient d'exprimer cel autre fait que tous les corps ont, à la surface de la Terre, la même accélération. La plupart des traités de Physique définissent la masse comme quotient du poids par l'accélération de la pesanteur. Cette définition pèche de deux d’abord elle déduit une quantité simple de deux quantités complexes; puis, surtout, elle n'est que la traduction d’un fait d'expérience. Elle est exacte numériquement; philosophiquement, elle est inacceptable en tant que définition. Elle est si éloignée d’une définition que tous les physiciens la considèrent comme erronée dans le cas de l’éther. Nous ne savons rien concernant le poids de l'éther, c'est-à-dire la constante des allractions réciproques qui s’exercent entre lui et la matière ; et cependant on a pu, avee quelque côtés : : apparence de rigueur, chercher à déterminer sa masse spécifique !. IT Cette discussion m'a entraîné loin de la pre- mière loi de Newton; il convenait de chercher la source première de la divergence entre l'opinion de M. Saint-Romas et celle que j'avais exprimée précédemment. M. Saint-Romas voit, dans les pre- miers principes de la Mécanique, des axiomes, alors qu'il semble plus correct d'y voir la traduc- tion simplifiée d’une série de fails d'expérience. Sans doute, la pure spéculation a largement contri- bué à donner à ces premiers principes leur carac- tère véritable. Les expériences sur lesquelles ils reposent sont rarement précises ; elles ne condui- sent pas directement à la simplicité; elles n'y amènent qu'à travers la pensée qui la recherche, mais il ne faut pas oublier cette collaboration. Ch.-Ed. Guillaume, Physicien au Bureau international des Poids et Mesures. ‘ L'idée sur laquelle repose cette évaluation est très simple ; la voici en deux mots : Une radiation est transpor- tée par l’éther à raison de 3.10‘ centimètres par seconde. L'énergie qui frappe en une seconde une surface de 1 centi- mètre carré, se trouvait réparlie sur un volume d'éther égal à 3.104 cm3. et si la lumière est polarisée circulairement, toute l'énergie recue en une seconde par la surface consi- dérée, se trouvait à l’état cinétique dans l’éther. On peut connaître, dans le cas d’une radiation‘'homogène, la période vibratoire dau mouvement lumiueux ; si, de plus, nous con- naissons l'amplitude de la vibration, nous aurons tout ce qu'il faut pour calculer la masse d'éther intéressée. C'est l'évaluation de ce dernier facteur qui constitue le point déli- cat de la méthode. Lord Kelvin, à qui l’on doit le raisonne- ment qui précède, part de la constance de la vitesse de pro- pagation du mouvement vibratoire pour en déduire la limite supérieure de l'amplitude. Cette vitesse possède une valeur limite, atteinte lorsque l'amplitude du mouvement est infiniment petite ; mais elle reste sensiblement cons- tante tant que l'amplitude est une très petite fraction de la longueur d'onde et que le carré de cette fraction est négli- geable. On peut ainsi estimer la valeur maxima que peut prendre cette amplitude pour assurer encore la constance de la vitesse de propagation. On en déduira la valeur minima de la densité de l'éther. L'évaluation faite par lord Kelvin en 1851 le conduisit à fixer cette limite à 107%. En d'autres termes, la masse de 1 kilomètre cube d'éther serait au moins égale à un milligramme. L'amplitude pourrait aussi être déduite du mouvement de la source. Nous possédons une valeur approchée de la distance des molécules. Combinant cette distance avec la dilatation thermique des corps, on arriverait à évaluer l'élongation de la molécule. Il ne semble pas bien difficile de démontrer, au moins avec le degré de probabilité que présente tout le raisonnement ci-dessus, que l'amplitude du mouvement de l’éther est sensiblement égale à celle de la source. On aurait ainsi la base d'une autre évaluation de la densité de l’éther. Mais, avant que l'on puisse procéder avec quelque chance de succès au calcul numérique, il con- viendrait de fixer définitivement la théorie de l'émission des radiations par les molécules ou les atomes. 381 D' R. ROMME — LA NOUVELLE TUBERCULINE DE KOCH LA NOUVELLE TUBERCULINE DE KOCH :T LA THÉORIE DES SUCS PLASMATIQUES DE BUCHNER Il y a six semaines, le monde médical était mis en émoi par une grosse nouvelle lancée avec fra- cas par les agences lélégraphiques : « Robert Koch, le célèbre bactériologiste allemand, a découvert le remède spécifique de la tuberculose. » Le fait était vrai, et, trois jours après, la Deutsche medicinische Wochenschrift publiait un mémoire !, dans lequel Koch exposait, avec suffisamment de détails, le mode de préparation d’une nouvelle {uberculine et les résultats qu'elle lui a donnés chez les animaux et chez l'homme tuberculeux. La nouvelle tuberculine diffère entièrement de l'ancienne, celle de 1890, qui fut saluée par un enthousiasme inconnu dans l'histoire de la Méde- cine, a provoqué une véritable exode des tuber- culeux du monde entier vers Berlin, et se signala par les désastres thérapeutiques que lon sait. L'ancienne tuberculine était un extrait glycériné de cultures tuberculeuses ; la nouvelle est un liquide qui s'obtient par la trituration mécanique des bacilles tuberculeux desséchés et par la cen- trifugalion consécutive de la masse additionnée d'eau. L'ancienne tuberculine, quand on l’injectait sous la peau d'un tuberculeux, provoquait une réaction locale (un afflux du sang vers les foyers tuberculeux) et une réaction générale (une fièvre élevée, de l'abattement, de {a céphalalgie, des “omissements, de l’albuminurie, etc.); rien de tout cela avec la nouvelle tuberculine, qui, en injection sous-culanée, à dose modérée, ne provoque ni chez l’homme ni chez l'animal tuberculeux aucun phé- | nomène morbide. Les deux sont toxiques, mais, tandis que l’ancienne accélérait, quoi qu'en dise Koch dans son nouveau mémoire, la marche de la tuberculose et {uait, pour employer le vrai mot, les tuberculeux, — la nouvelle, à en croire Koch, gué- | rit la tuberculose de l'homme et de l'animal quand la maladie n'est pas trop avancée. Elle permet aussi, par le procédé classique d’immunisation (au moyen des injections progressivement croissantes), de rendre les animaux réfractaires, insensibles aux bacilles tuberculeux qu'on leur injecte ensuite, en un mot, de les immuniser contre la tuberculose. Tels sont, très brièvement résumés, les faits consignés par Koch dans son mémoire. L'impor- tance de ces faits n’a pas besoin d'être soulignée. Nous nous proposons d'exposer ici avec quelque R. Kocu : « Ueber neue Tuberculinpraparate » in Deutsch. med. Wochenschr., 1er avril 1897, n° 14. détail l'idée directrice qui a guidé les recherches de l'éminent savant et le procédé technique qui semble en avoir assuré le succès. Dès le début de ses investigations, Koch a été frappé du fait suivant : Dans la tuberculose expéri- mentale du cobaye (animal particulièrement sus- ceptible aux bacilles tubereuleux) ou dans la tuber- culose miliaire aiguë généralisée de l’homme, où l'organisme est rapidement envahi par une énorme quantité de bacilles, pullulant dans tous les or- ganes, il arrive un moment où les bacilles devien- nent tellement rares qu'il faut les rechercher avec beaucoup de soin pour en déceler quelques-uns çà et là. Il semble que les bacilles tuberculeux sont, dans ce cas, détruits, digérés, pour ainsi dire, par les tissus. Pourtant, comme tout le monde, Koch savait que les bacilles, introduits artificiellement dans l’organisme, n’y sont presque pas absorbés. Comment expliquer alors la disparition des bacilles dans la tuberculose miliaire aiguë? Koch pensa que le phénomène pouvait s'expliquer par l’action immunisante qu'exercent les sécrétions d'un grand nombre de bacilles évoluant au milieu des tissus. L'immunité une fois créée, les bacilles tuberculeux seraient détruits par l'organisme et disparai- traient. Si, malgré cette immunité, l'animal venait à succomber, c'est que l'état réfractaire se serait manifesté trop tard, c’est-à-dire à un moment où il n'était plus d'aucune utilité à l'organisme pro- fondément atteint. x Cette hypothèse paraissait à Koch d'autant plus plausible qu’elle expliquait en même temps pour- quoi l’immunité ne se manifeste pas dans les cas où, au lieu d'une marche suraiguë, la tuberculose offre une évolution plus lente. En effet, dans ces cas de tuberculose chronique, l'organisme n’hé- berge habituellement qu'un nombre restreint de bacilles tuberculeux. En outre, ceux-ci se mulli- plient très lentement, se trouvent le plus souvent entourés de tissus nécrosés et ne sont absorbés que tardivement, lorsqu'ils ont vraisemblablement subi des modifications profondes. On comprend que, dans ces conditions, il ne puisse s'établir d'immunité. Celle-ci ne devient réalisable, tou- jours dans l'hypothèse de Koch, que si un grand nombre de bacilles se répandent dans tout l'orga- nisme et entrent en contact intime avec presque D' R. ROMME — LA NOUVELLE TÜBERCULINE DE KOCH 385 tous les tissus, ainsi que cela se produit dans la tuberculose miliaire généralisée de l'homme ou dans la tuberculose expérimentale du cobaye. En admettant l'hypothèse de l’immunité surve- nant dans la tuberculose miliaire aiguë, il restait encore à savoir quelle était la nature de l'im- munilé qui se manifestait alors. Il pouvait, en effet, s'agir d'immunité antiloxique, comme dans le tétanos où l'animal immunisé contre les toxines tétaniques ne détruit pas les bacilles tétaniques qu'on lui injecte après l'immunisation ; il pouvait aussi s'agir d'immunité antibactérienne, comme dans la fièvre typhoïde où l'animal immunisé, tout enrestant sensible aux toxines typhiques, fait périr avec une rapidité étonnante les bacilles typhiques qu'on lui injecte après immunisation. Enfin, les deux genres d’immunité pouvaient être combinés, mais la disparition des bacilles tuber- culeux dans la tuberculose miliaire suraiguë devait faire penser que, dans ce cas, il s'agissait plutôt d'une immunité antibactérienne. Koch pensa que, si l’on voulait réaliser artificiel- lement cette immunité, il fallait imiter la Nature et trouver un moyen qui permit d'inonder l'organisme de bacilles luberculeux, mais, bien entendu, de bacilles modifiés, susceptibles, d’une part, d’être absorbés par les tissus, et, d'autre part, d'apporter à l'organisme une certaine quantité de matière immu- nisante. IT L'idée directrice des recherches à faire dans cette voie était donc bien nette dans l'esprit de l'inventeur. Les premiers essais furent pourtant infructueux. Les cultures tuberculeuses vivantes ou mortes, les cullures traitées par les acides comme les cultures trailées par les alcalis caustiques, n'élaient toujours pas absorbées, et, quand on les injeclait à des animaux, elles ne produisaient pas d'immunité, elles formaient des abcès. L'extrait glycériné des cultures, c'est-à-dire l'ancienne tuber- culine, créait bien une immunité antitoxique, mais ne porlait aucune atteinte aux bacilles tubereuleux, lesquels continuaient de proliférer et d'exercer leurs ravages. Mais, au cours de ces recherches, Koch constata un fait très important : la présence, à l'extérieur des bacilles tuberculeux, d'une couche uniforme de matières grasses qui semblaient pro- téger le bacille contre les influences extérieures et en rendaient l'absorption bien difficile. Pour rendre les bacilles tuberculeux facilement absor- bables, il fallait donc détruire cette enveloppe. C'est alors que Koch eut l'idée de « réduire méca- niquement les bacilles en une masse susceptible d'être absorbée par les tissus plus facilement que les bacilles ayant conservé leur forme primitive ». Les premières expériences de destruction méca- nique des bacilles ont toutes échoué. Ce n'est que lorsque l’expérimentateur eut recours aux cul- tures bien desséchées, puis triturées dans un mor- tier d’agate au moyen d'un pilon également en agate, qu'il put constater la diminution progres- sive du nombre des bacilles intacts. Pour se débar- rasser de ces derniers, il additionnait la masse d'une certaine quantité d'eau distillée et soumet- tait le mélange à la centrifugation exercée pendant une demi-heure à trois quarts d'heure dans un appareil faisant 4.000 tours par minute. L’émul- sion se divisait alors en deux couches : une supé- rieure, composée d'un liquide blanchàtre, opa- lescent, mais transparent et ne contenant plus de bacilles tuberculeux ; l'autre inférieure, consistant en un précipité boueux, adhérant fortement aux parois du vase. Ce précipité élait séché de nou- veau, puis trituré dans le mortier et enfin centri- fugé comme précédemment : on obtenait encore ane couche supérieure liquide et un précipité solide. En répétant plusieurs fois de suite cette même opération, on arrivait enfin à n'avoir pres- que plus de précipité. En d’autres termes, la masse entière des bacilles tuberculeux se trouvait à la fin délayée en une série de couches liquides absolument transparentes. Koch touchait ainsi au but. Par des essais insti- tués d’abord sur les animaux, puis sur l’homme, il à pu se convaincre d'abord que les liquides qu'il avait successivement oblenus s’absorbaient facile- ment. En second lieu, il constata que seul le liquide obtenu par la première centrifugation se distinguait des liquides obtenus par les centrifu- gations ultérieures et qu'au point de vue de son action, il était presque identique à l'ancienne tu- berculine. Par contre, les liquides obtenus par la seconde, puis par la troisième, puis par toutes les autres centrifugations ne présentaient entre eux aucune différence et possédaient tous la propriété d'immuniser l'organisme contre la tuberculose, de guérir dans certains cas la tuberculose confirmée et de rendre l'organisme tuberculeux insensible à l'action de l’ancienne tuberculine. C'est à ces liqui- des réunis que Koch donna le nom de « nouvelle tubereuline ». III A l'appui des propriétés immunisantes et théra- peutiques de la nouvelle tuberculine, l'éminent bactériologiste cite les fails suivants : Si l’on injecte à un cobaye bien portant des doses progressivement croissantes de nouvelle tuberculine, on arrive à oblenir une immunisation si complète que l'animal supporte les inoculations ultérieures de bacilles tuberculeux virulents sans 386 D' R. ROMME — LA NOUVELLE TUBERCULINE DE KOCH être infecté. Autrement dit, tandis que les cobayes témoins suecombent sans exception à cette Ltubereu- lose expérimentale, les cobayes soumis préalable- ment et pendant un temps suffisamment long aux injections immunisantes de nouvelle tubereuline, survivent; si on les tue, on ne trouve dans leurs organes ni tubercules, ni bacilles tuberculeux. Si les injections de bacilles virulents sont faites à un moment où l’immunité par les injections de nou- velle tuberculine n’est pas complètement établie, les animaux survivent cependant; ils ne présentent alors qu'une dégénérescence caséeuse des gan- glions lymphatiques de la région au niveau de laquelle on avait fait l'injection de bacilles tuber- culeux; si l’immunisation n’est encore qu'à son début, les animaux succombent, et, à l’autopsie, on trouve une tuberculose pulmonaire, mais sans tuberculose du foie el de la rate. Quant aux propriétés thérapeutiques de la nou- velle tuberculine, Koch a tout d’abord constaté que, lorsque les injections de nouvelle tuberculine sont faites à des cobayes, peu de temps, quelques jours, après l'injection de bacilles tuberculeux virulents, les animaux ne succombent pas ; si alors on les sacrifie, on trouve des métamorphoses régressives plus ou moins avancées dans les organes qui étaient frappés de tuberculose au moment où le traitement avait été institué. Les effets thérapeutiques de la nouvelle tubercu- line sont également manifestes dans la tuberculose de l'homme, quand celle-ci n’est pas avancée ou n'est pas compliquée de lésions produites par des bactéries pyogènes, sur lesquelles la nouvelle tuberculine n’a aucune aclion.Chez les tuberculeux pulmonaires, parexemple, Koch a vu les injections de doses croissantes de nouvelle tuberculine (la dose initiale qu'on injecte sous la peau du dos est de 1/500e de milligramme) amener la dispari- tion progressive des bacilles tuberculeux des cra- chats et la rétrocession progressive, à en juger du moins par l'auscultation, des signes stéthosco- piques; la fièvre tombe, les malades engraissent, et, au bout de deux mois de traitement, ils sont tellement changés qu'on peut les considérer comme guéris. J'ajoute qu'en consignant ces résultats thé- rapeuliques, Koch se sert du mot « amélioration », bien que « dans nombre d'observations on soit autorisé à parler de guérison dans le sens courant de ce mot; mais, dit-il, il ne faut employer le mot de guérison avant qu'un temps suffisamment long se soit écoulé sans récidive ». IV Un fait a dû frapper le lecteur : le résultat auquel est arrivé Koch ne corrobore pas complètement l'idée directrice de ses recherches. Son point de départ à été, nous l'avons dit, l'hypothèse que la disparition des bacilles dans la tuberculose mi- liaire aiguë tenait à l’état d'immunité créé par l'absorption de nombreux bacilles, et nous venons de voir que, pour réaliser artificiellement cette immunilé, il cherchait un moyen de rendre ces bacilles facilement absorbables. Or, sa nouvelle tuberculine ne représente pas la masse intégrale, mais seulement une partie du bacille, probable- ment un produit de sécrétion ou d'échanges intimes retenu à l’intérieur du protoplasma bacillaire. Si nous relevons ce fait, c'est que, six jours avant l'apparition du mémoire de Koch, le Professeur H. Büchner (de Munich) publiait un travail très remarquable sur « le rôle des produits cellulaires solubles dans les fonctions chimico-physiologiques de la cellule! ». Dans ce travail, consacré à l'étude du suc obtenu par la irituration mécanique des cellules avec expression de la masse sous une pression de 500 atmosphères, Büchner disait que ce procédé de trituralion mécanique appliqué par son frère, Ed. Büchner (de Gættingue), au traite- ment de la levure de bière?, lui avait permis de retirer des bacilles de la tuberculose, du choléra et du bacille pyocyanique, des sues susceptibles d’immuniser très rapidement des animaux contre ces bacilles; ses expériences n'étant pas encore entièrement terminées, il se réservait de publier très prochainement le résultat détaillé de ses re- cherches. Indépendamment l’un de l’autre, — nous voulons le croire’ du moins, — Büchner et Koch sont donc arrivés en mème temps au même résul- tat à l'aide d'un procédé technique identique : celui de la trituration mécanique des bactéries. Mais, tandis qu'en ce qui concerne Koch, sa nou- velle tubereuline ne se trouve pas en complet ! H. Bücuxer : « Die Bedeutung der acliven lôslichen Zellproducte für den Chemismus der Zelle », in Munchen. med. Wochenschr., 23 mars 1897, n° 12. ? Voyez à ce sujet la Revue du 30 avril dernier, p. 324 et 325. # L'apparition presque simultanée de ces deux Mémoires a soulevé la question de priorité du procédé et de la décou- verte, et la polémique qui s'en est suivie a pris de suite un caractère très personnel. Le Mémoire de H. Büchner a paru le 23 murs; trois jours après, les agences télégraphiques annoncaient au monde en- tier la découverte de Koch, et trois jours plus tard, c'est-à- dire le 4e avril, paraissait le Mémoire de Koch, mais daté du 14 novembre 1896. Dans une lettre adressée à la Berliner klinische Wochenschrift du 12 avril, Büchner, enrelevant ces faits, ajoute que le procédé de trituration mécanique des cel- lules de levure a été trouvé en 1893 par son frère, Ed. Büchner, professeur de Chimie à la Faculté de Gœættingue, qui à cette époque a proposé à la maison de Meister Lucius la même qui fabrique actuellement la nouvelle tuberculine de Koch), de prendre un brevet d'exploitation, et qui, en janvier 1897, a exposé un procédé de trituration mécanique dans les Berichle der deutschen chemischen (resellschaft. Koch, qui depuis quatre mois se trouve en Afrique, n'a pas encore répondu. D' R. ROMME — LA NOUVELLE TUBERCULINE DE KOCH accord avec l'idée qui la guidé, au contraire, la découverte de Büchner découle logiquement des idées que ce savant soutient depuis huit ans sur le rôle des sues plasmatiques des cellules et sur l'origine des toxines et antitoxines. En effet, au lendemain des recherches de Brieger et Fraenkel sur les toxines formées par les bacté- ries dans les milieux de culture, donc bien avant que l’on fût fixé sur la nature de ces substances, Büchner, dans une conférence sur la suppuration, faite Le 6 mai 1890 à la Société de Morphologie et de Physiologie de Munich, soutint que la suppu- ralion est provoquée par une protéine, substance albuminoïde retenue dans les sucs plasmatiques des bactéries; il ajoutait que cette protéine passe en bien petite quantité dans les milieux de culture, et n’est mise entièrement en liberté dans l’orga- nisme vivant qu'après la mort de la bactérie. H. Büchner reprocha même, à cette occasion, à Brieger et Fraenkel de ne pas lenir compte de ce rôle énorme des sucs plasmatiques qui retiennent les substances albuminoïdes actives !. Ces idées, Büchner les défendil encore avec plus de force, après la découverte de l’antitoxine du tétanos et de la diphtérie, puis de la sérothérapie. Dans une série de mémoires? il développa la théo- rie suivante : Le microbe tétanique et le microbe diphtérique renferment chacun dans son corps, dans ses sues plasmatiques, probablement à l'état liquide, la substance toxique et la substance antitoxique ; mais ces deux substances qui ne se détruisent mutuellement ni in vitro ni dans l’organisme ani- mal, exercent sur les cellules des tissus une action opposée, de sorte qu’elles neulralisent leurs effets. Däns. les milieux de culture le micro-organisme sé- crête les deux substances, et, si le sérum d’un animal immunisé jouit de propriétés anlitoxiques, c'est que, par un mécanisme encore inconnu, son organisme détruit les toxines qu'on lui à injectées pendant limmunisation et gardé seulement les antitoxines qui s'y trouvaient associées : l'animal désintoxique 1 Cette idée d'une protéine faisant partie intégrante de la bactérie et jouissant de la propriété de provoquer la suppu- ration et l'inflammation a été développée par lui d'une facon encore plus détaillée quelques jours après l’appari- tion du premier mémoire de Koch 17 novembre 1890) sur l’aucienne tuberculine. (H. Bücuxen : « Die Bakterienprotéine und dessen Beziehung zur Entzundung und Eiterung », in Centralbl. f. Chir., 13 décembre 1890, n° 50. 2 H. Bücaxer : « Ueber Bakteriengifte und Gegengifte », in Munchen. med. Wochenschr., 13 et 20 juin 1895, n° 24et 25. — « Beruht die Wirkung des Behring'schen Heilserum auf Giftzerstérung? » Berlin. klin. Wochenschr., 189%, n° 4, p. 73. — « Neuere Fortschritte in der Immunitatsfrage, » Munch. med. Wochenschr., 12 et 19 juin 189%, n°S 24 et 25. — « Ueber fmmunität und Innounisirung », communic. au Congrès de Buda-Pest in Centralbl. f. Bakleriolog., 1894, n° 18, p. 137. 387 simplement le mélange et verse l’antitoxine dans son sérum. Le sérum est done antitoxique parce qu'il ne renferme que l’antitoxine provenant du bacille Létanique ou diphtérique, et non pas parce qu'il renferme, comme on le dit généralement, une substance antitoxique fabriquée par l'animal sous l'influence des toxines qu'on lui injectait pour l'im- muniser, et qui impressionnaient d'une façon par- ticulière ses tissus. Mais, si les propriétés immuni- santes d'un sérum antitoxique liennent à ce qu'il renferme à l'étac de pureté l’antitoxine qui se trouvait dans les sucs plasmatiques du bacille spécifique, il est tout indiqué de chercher à retirer cette antitoxine en s'attaquant au bacille mème directement, c'est-à-dire sans passèr par l'intermé- diaire d’un animal dont le rôle consiste actuelle- ment à délruire simplement la toxine du mélange qu'on lui injecte. Le jour où l’on arrivera à isoler cetle antitoxine sans le secours d’un organisme animal jouant le rôle d’intermédiaire, la sérothé- rapie aura vécu, et l'antitoxine immunisante et curative, retirée directement des sucs plasmatiques du bacille, sera administrée à l'organisme dans un liquide moins nocif que le sérum. On voit donc que, pour Büchner, l’antitoxine dont l'organisme a besoin pour sa défense, il la trouve dans la bactérie, dans ses sucs plasmatiques qui contiennent en mème temps les principes nocifs : la protéine qui provoque l'inflammation et la sup- puration, la toxine albumineuse qui empoisonne et tue, une enzyme qui peptonise les substances albuminoïdes, peut-être autre chose encore. On voit ainsi quelles fonctions physiologiques com- plexes H. Büchner prête au microbe et, d’une facon générale, à la cellule. V La démonstration expérimentale des idées sou- tenues par H. Büchner élait difficile dans une ques- tion aussi complexe, et aux expériences, aux faits qu'il invoquait, ses adversaires opposaient des expériences non moins décisives et des faits non moins probants. Aujourd'hui, la question n'est peut- être pas loin d’être résolue. Si la nouvelle tubercu- line de Koch, et si la substance isolée par Büchner des bacilles tubereuleux, pyocyaniques,cholériques, jouissent réellement des propriétés immunisantes et curatives, si la nouvelle tuberculine constitue réellement l'antitoxine tuberculeuse retirée directe- ment du corps des bacilles, elle confirme d’une façon éclatante les idées de Büchner sur la présence simultanée, dans le corps des bactéries, des sub- stances toxiques et antitoxiques, les unes à côté des autres. Le rôle des substances actives retenues dans les 388 D' R. ROMME — LA NOUVELLE TUBERCULINE DE KOCH sues plasmatiques à l'intérieur des bactéries, res- sort encore avec plus de clarté des expériences récentes que Ed. Büchner! a faites avec le suc des cellules de levure. Jusqu'à présent il était admis que la fermentation alcoolique du sucre était la fonction de la cellule de levure, et que cette fonc- tion ne pouvait s'accomplir en dehors de la cel- lule-ferment. Ed. Büchner vient de montrer que les phénomènes classiques de la fermentation peuvent se produire en l'absence des levures, si l'on fait agir sur le sucre le suc obtenu par la tri- turalion mécanique de ces cellules. C'est une étape considérable dans la connaissance du mécanisme profond de la fermentation cellulaire. H. Büchner conclut de ces faits que ce n'est pas la cellule de levure elle-même, mais une sub- stance soluble, une « zymase » contenue dans son sue plasmalique qui est l'agent de la fermentalion alcoolique. Si le sucre fermente en présence des cellules de levure vivantes, intactes, cela tient, d'après lui, à la très pelile quantité de zymase que la cellule sécrète. , Mais le sue, obtenu par la trituration des cellules de levure, ne renferme pas que de la zymase. Comme il liquéfie la gélatine, on peut supposer qu'il contient encore une enzyme peptonisante, ordi- nairement non sécrétée, et qui, d'après Büchner, servirait à rendre plus assimilables, par une diges- tion pepsique, les substances albuminoïdes utili- sées par les cellules. En généralisant ces faits, Büchner nous donne, dans son dernier travail, le schéma suivant de la physiologie de la cellule : La cellule vivante (bactérie, cellule ordinaire ou cellule-ferment), possède deux catégories dis- tinctes de fonctions : Les unes sont liées intimement à la structure organique et comprennent les fonctions dites fon- damentales de l'organisme, notamment les fonc- lions d’assimilalion, de désassimilation, de proli- fération par division. Ce sont, suivant la termino- logie de Sachs-Kupfer, des fonctions énergéliques, c'est-à-dire relevant des parties cellulaires douées d'une vie propre: Le second groupe de fonctions comprend les actions engendrées par les produits cellulaires, ? Voyez la Revue du 30 avril 1897, page 324, et I. c. in Munchen med. Wochenschr., 23 mars 1897, n° 12, p. 299. solubles ou dissous, pouvant être séparés de la cellule, tels que les zymases, les enzymes, les toxines spécifiques, les protéines bactériennes, les aléxines sécrétées par les leucocytes, etc. Ce sont, suivant Büchner, des fonctions paraplasliques, parce qu'elles relèvent des produits formés par la cellule avec ses substances paraplastiques '. VI Le mémoire de Koch et surtout celui de Büchner confirment un fait qui s'est vérifié bien des fois dans l’histoire des sciences. À l'origine de toute découverte importante on trouve l'intervention d'un instrument où d'un moyen d'investigation inconnu jusqu'ici, d'un procédé d'analyse inédit ou simple- ment d'une technique nouvelle. Il est certain que la triluration mécanique des bactéries qui nous a fait déjà connaitre la zymase des cellules de levure et la nouvelle tuberculine des bacilles tuberculeux, suppose déjà un haut perfectionnement de la tech- nique mécanique dont les médecins d'il ya trente ou quarante ans n'avaient aucune idée. Sans la cen- trifugation, Koch chercherait encore à l'heure ac- tuelle un procédé pour faire disparaitre de la masse trilurée les bacilles encore intacls; sans la pression de 500 atmosphères, Büchner serait probablement encore aux prises avec un mélange de sable, de cellules écrasées et de cellules encore vivantes.Quoi qu'il en soit, la trituralion mécanique des bacté- ries, nouveau procédé d'investigation, est certai- nement destinée à nous faire mieux connailre la physiologie des sécrétions cellulaires et à amener peut-être la découverle de substances intracellu- laires dont nous ne nous doulons même pas à l'heure actuelle. D' R. Romme, Préparateur du Cours de Pathologie interne à la Faculté de médecine. 1 J] ne faudrait cependant pas que ces mots mirifiques fissent illusion: ils ne sauraient cacher l'ignorance profonde où nous sommes quant à la nature de toutes ces substances qu'on nomme zymases, enzymes, loæines de ceci ou de cela, proléines bactériennes, etc. etc.; le peu que nous sachions de ces matières est relatif à leurs effets physiologiques; mais la Chimie la plus avancée est demeurée, jusqu'à pré- sent, impuissante à les définir. Il n'est pas douteux que c’est du perfectionnement de la Chimie organique et de la Chimie physiologique, que la Bactériologie actuelle doit attendre ses plus grands progrès philosophiques. (NOTE DE LA DiRECTION.) BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 389 BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques Beudon (J.), Agrégé-préparaleur à l'Ecole Normale Supé- rieure. — Sur les systèmes d'équations aux déri- vées partielles dont les caractéristiques dépendent d’un nombre fini de paramètres. (Thèse pour le Doc- torat de la Faculté des Sciences de Paris.) — 1 brochure in-4° de 52 pages. Gauthier-Villars et fils, éditeurs. Paris, 1897. Le travail de M. Beudon se rattache intimement à un ensemble déjà considérable de théories récentes (MM. Lie, Darboux, Riquier, ele.) qui ont transfiguré le problème des dérivées partielles. Pour donner de la thèse un compte rendu aussi précis qu'elle le mérite, il faudrait recourir à des explications préliminaires trop longues pour trouver place ici. Je suis donc forcé, à mon grand regret, de me borner à quelques indications brèves et assez vagues. Soit H un système d'équations aux dérivées partielles, d'ordre p, à n variables indépendantes æ,,.., æ,. On peut : 1° faire en sorte que toutes les équations de H soient d'ordre p; 2° supposer, sans restreindre la géné- ralité, qu'il n’y a qu'une seule fonction inconnue z; 3° s'assurer si H est intégrable, c’est-à-dire possède des solutions. Tout cela résulte de recherches dues à M. Ri- quier. C’est d’un pareil système H que l’on s'occupe. Le mémoire de M. Beudon est rédigé avec la termi- nologie spéciale due à M. Lie, laquelle consiste à trans- porter dans l'espace E à n + 1 dimensions les méta- phores géométriques empruntées à l’espace ordinaire du cas n— 2. z, lesæ et les dérivées partielles de z jusqu'à l'ordre p inclusivement, sont les coordonnées d'une figure e, de E nommée « élément de multiplicité d'ordre p ». Par exemple, pour n — 2, e, est l’ensemble formé par un point etun plan passant parle point. L'élément e,, dont z et les x sont les coordonnées, est le point de E. Le lieu de l'élément e,, dont les coordonnées véri- fient certaines relations, est une multiplicité. Ainsi H définit une multiplicité. Si la multiplicité entraîne entre les e, seuls g relations, il y a une multiplicité ponctuelle à n—+1— 4 dimensions qui est le support de la précé- dente. Se donner une intégrale de H, c’est-à-dire z en fonction des æ, c'est se donner le support d’une « mul- tiplicité intégrale M ». Sur cette dernière existent cer- taines courbes (multiplicités ponctuelles à une dimen- sion) caractéristiques, définies par un système aux diffé- rentielles totales. On peut connaître passablement de propriétés des caractéristiques sans avoir besoin de pos- séder M. Il existe aussi des « multiplicités caractéris- tiques » telles qu'à un e, du support ne correspond qu'un élément e, unique. M. Beudon étudie les systèmes H dont les caractéris- tiques dépendent d’un nombre fini de paramètres ; sont données les conditions nécessaires et suffisantes pour qu'il en soit ainsi. Les systèmes H, possédant la propriété en question, ne semblent d'ailleurs pas plus faciles que les autres à intégrer effectivement. LÉON AUTONNE, Maitre de Conférences à la Faculté des Sciences de Lyon. Schubert (Hermann), Professeur à l'Ecole des Savants du Johanneum de Hambourg. — Fünfstellige Tafeln und Gegentafeln für logarithmisches und trigo- nometrisches Rechnen. {Table de Logarithmes à à dé- cimales.) — 1 vol. in-8° de 160 pagés. (Prix relié : 6 fr. 25.) B. G. Teubner, éditeur. Leipzig, 1897. 2° Sciences physiques Cotton (A.), Maitre de Conférences à la Facullé des Sciences de Toulouse. — Recherches sur l'absorption et la dispersion de la lumière par les milieux doués du pouvoir rotatoire. (Thèse pour le Doctorat de la Faculté des Sciences de Paris.) — 1 broch. in-8° de 92 pages avec 22 fig. Gauthier-Villars et fils, édi- teurs. Paris, 1897. Fresnel a donné des phénomènes de la polarisation ro- tatoire une célèbre interprétation théorique : Si l'on re- marque qu'un rayon de lumière polarisé rectilignement peut être regardé comme résultant de la superposition de deux rayons circulaires de sens contraire ayant même période, il suffira, pour rendre compte des principales particularités que présentent les phénomènes de la polarisation rotatoire, d'admettre que ces deux espèces de rayons circulaires traversent le corps actif avec des vitesses différentes. M. Cornu a, par certaines considé- rations, élabli que l’on ne doit point considérer l'hypo- thèse de Fresnel comme une simple fiction mathéma- tique, mais bien, au contraire, comme une réalité physique; le grand mérite de M. Cotton sera d’avoir le premier apporté dans le même sens un argument décisif, une véritable preuve expérimentale. Dans son Traité d'Optique, un peu vieilli en vérité, mais si plein d'idées suggestives, Billet, faisant remar- quer que l’on trouve des cristaux où les deux rayons fournis par le phénomène de la double réfraction sont inégalement absorbés, la tourmaline par exemple, émettait, par analogie, l'hypothèse qu'il doit exister des corps actifs absorbant inégalement un rayon circulaire droit et un rayon circulaire gauche ; c'est cette hypo- thèse qu'est venue confirmer la découverte de M. Cotton ; à l’aide d’un appareil très simple, il montre l'existence de cette inégalité d'absorption, de cette sorte de di- chroïsme dans des tartrates doubles, et il étudie quantitativementle phénomène ; on pourra tirer de cette étude une application possible au dédoublement des racémiques ou des mélanges inactifs obtenus par synthèse. Mais l’action de ces liquides absorbant inégalement ne consiste pas simplement à faire tourner la vibra- tion qui s’y propage; l’auteur montre qu'en outre ils la déforment : une vibration rectiligne, par exemple, est changée en une vibration elliptique. Pour étudier ce changement, M. Cotton à été conduit à combiner un appareil intéressant qui permet de mettre en évidence une vibration elliptique très aplatie. En mesurant le pouvoir rotatoire, M. Cotton a encore été amené à remarquer un fait très général : il a constaté que, dans uue bande d'absorption, la loi de dispersion rotatoire est modifiée ; il résulte de là uue remarque pratique qui peut avoir de l'importance : dans les recherches où l'on compare entre eux les différents corps d'après le pou- voir rotatoire, il convient d'examiner, ce que l’on a dû parfois négliger de faire, si l'absorption ne vient pas moditier ce pouvoir. On voit aisément que la considération des deux vibra- tions circulaires inverses permet de comprendre la raison de cette dispersion anomale et conduit même à interpréter toutes les particularités qu'elle présente; c'est ce que M. Cotton montre très clairement. Son remarquable travail restera, il nous fournit une raison de plus pour admirer l’œuvre éternelle de Fresnel. LUCIEN Porxcaré, Chargé de cours à la Faculté des Sciences de l'Université de Paris. 390 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX Ath (G.), Professeur de Chimie industrielle à la Faculté des Sciences de Nancy. Recueil de procédés de dosage pour l'analyse des combustibles, des minerais de fer, des fontes, des aciers et des fers. — À vol. in-8° de 312 pages avec 61 fig. et À planche. (Prix : 8 fr.) G. Carré et C. Naud, éditeurs. Paris, 1897. En Chimie, il n'y a pas d'œuvre plus difficile à com- poser, comme il n y en à pas de plus ingrate que celle qui consiste à e Xposer, SOUS une forme concise, claire et rigoureuse, les méthodes d° analyse à ; e mployer pour une certaine catégorie de substances. Les dissertations théoriques n'y sont pas de mise, pas plus que les con- ceplions sur la conslitution de la matière ; c’est le terre- à-terre de la pralique journalière de l'analyste dans tout ce qu'il a de plus humble et de plus patient. Ne le plaignons cependant pas outre mesure, cel auxiliaire si utile et si nécessaire de nos laboraloires et de nos usines. Si, dans son labeur monotone, il a souvent des déboires et des mécomptes, il y rencontre parfois aussi «les surprises et des joies inaltendues. Ce n'est en effet pas en se livrant à des spéculations théoriques, à des conjeclures, que les Lecoq de Boisbaudran, les Winckler, les lord Rayleigh, les W. Ramsay, ont réussi à faire les importantes découvertes qui ont enrichi la science de quatre éléments nouveaux dans ce deruier quart de siècle. C'est la simple analyse, avec ses moyens les plus délicats, et aussi le génie intuitif de ces savants, qui les à conduits aux remarquables résul- lats que l’on connait. Le bon analyste est généralement modeste comme la tâche qui est son lot. Il est réservé, prudent, soigneux, peu remuant, sobre de paroles et de mouvements, qualités qui l'harmonisent avec la nature des opéra- lions qu'il conduit. Mais les services qu'il rend et qu'il peut rendre, s'il a l'esprit observateur, sont considé- rables. Dans les Institutions scientifiques comme dans l'Industrie, il est la cheville ouvrière, l'homme pondéré qui doit inculquer aux commençants la patience, la rigueur dans les opéralions, en un mot loules les qua- lilés nécessaires pour faire un bon chimiste. L'Institut Chimique de Nancy a la bonne fortune de posséder dans l’auteur du traité que nous présentons au public, non seulement un professeur remarquable, mais encore un expérimentateur et docimasiste des plus habiles. Presque toutes les méthodes décrites dans ce volume ont été vériliées par ses soins. Choisies entre beaucoup d’autres, el soumises à une critique minutieuse, elles peuvent être recommandées en toute sécurité aux praliciens. L'ouvrage comprend trois parties. Dans la première l'auteur traite de l'essai et de l'analyse des combus- tibles. Tous les éléments constitutifs de ces derniers sont passés en revue el dosés. Un chapitre spécial est réservé au pouvoir calorifique dont la détermination peut se faire par le calcul d’après la règle de Dulong ou par les procédés calorimétriques. Les nombreuses opéralions faites par M. Arth sur les houilles de di- verses provenances, font que cette partie de son travail est particulièrement bien expose. Il est regrettable que les résultats tout récents qu'il a obtenus avec certaines houilles, n'aient pu être signalés dans ce Traité, car, comme M. Bunte, il a trouvé « qu'il est possible de calculer le pouvoir calorifique des houilles d’après la règle de Dulong, avec une approximalion suflisante pour la pratique industrielle ». Pour appliquer cette règle, il faut, il est vrai, faire l'analyse élémentaire du combustible, opération qui est aussi longue qu'une détermination à la bombe. Celle-ci est dons à recom- mancer à toutes les usines où il se fait une grande con- sommation de houille. La deuxième partie est consacrée aux analyses des minerais de fer et de nickel oxydé, des fers chromés, etc. Dans le (roisième chapitre on traite enfin les prin- cipales méthodes d'analyse des fers, des fontes et des aciers et l'ouvrage se lermine par le dosage des scories, des laitiers, des calcaires et des dolomies. Un grand nombre de figures d'appareils ajoutent à la clarté de cette œuvre, qui est à recommander non seu- lement aux chimistes industriels dont ces sortes d'ana- lyses constituent la spécialité, mais encore aux élèves chimistes qui veulent s’inilier à ces méthodes. Inutile d'ajouter que la maison Carré et Naud a mis tous ses soins dans l'impression et la publication de ce volume. A. HALLER, Correspondant de l'Institut. 3° Sciences naturelles Arréat (Lucien). — Mémoire et Imagination. Peintres, Musiciens, Poètes et Orateurs. — 4 vol. in-18 de 171 pages. (Prix: 2 fr. 50.) F. Alcan, éditeur. Paris, 1897. Il y à quelques années déjà, M. Arréal esquissait, dans une très intéressante on la « Psycho- logie du peintre ». Il s’efforcait de montrer que la vocalion picturale résultait essentiellement d'une cer- taine structure de la mémoire, de lintensité et de l'organisation de certaines catégories d'images, d’une aptitude spéciale à percevoir et à relenir analytique- ment des formes et des couleurs, que les hommes qui ne sont pas en possession de ce don particulier pour les arts du dessin, ne saisissent et ne reliennent que dans la complexité mème où elles nous apparaissent dans les objets sensibles; les peintres simplifient en dissociant, les autres hommes, en oubliant ou en ré- duisant à un schème déjà connu l’image nouvelle, Ce sont ces relations étroites entre la mémoire et l'imaginalion constructrice que, dans ce nouvel ou- vrage, M. Arréat à voulu rendre plus évidentes encore, en élargissant le champ de son enquête et en étudiant, parallèlement à celle du peintre, la vie mentale du musicien, de l’orateur et du poète. Il examine le rôle Joué par chacune des formes diverses de mémoire dans la naissance etle développement des aptitudes profes- sionnelles de ces diverses catégories d'artistes ; il in- siste sur la place, non pas sans doute prééminente, mais extrèmement importante, cependant, qu'il cosn vient d’assigner à la mémoire motrice. Tant que las- sociation ne s'est pas faite intime entre certaines images visuelles et auditives d’une part, et certaines images musculaires et lactiles de l’autre, il peut bien exister chez une personne un goût très vif pour la musique ou pour la peinture, mais il ne saurait y avoir chez elle aucune habileté professionnelle, aucune virtuosité d'exécution, et, si l'habilelé technique n’est pas l’art tout entier, elle en est, au moins, même dans le do- maine musical, où il faut bien que le compositeur se représente exécuté ce qu'il a conçu ou auditivement imaginé, la condition essentielle. M. Arréat à mis en relief l'importance considérable du rôle joué par les éléments moteurs dans le rythme poétique ou ora- toire. Les deux chapitres suivants traitent de la mémoire visuelle et de la mémoire auditive. 11 convient de signa- lerles pages intéressantes consacrées aux images d’inter- prétation (schémas visuo-moteurs), qui se forment dans l'esprit du peintre et lui fournissent les moyens de transporter sur sa Loile, par des symboles appropriés, qu'il n'a pas conscience d'inventer, les contours et le modèle des objets, aux différences qui séparent l'ima- ginalion du peintre de celle du poète, qui suggère des émotions par des épithètes au lieu de chercher à plaire aux yeux par des associations de lignes etde couleurs, à la mémoire analytique des sons, au souvenir net que garde des sons isolés et de leur succession mélodique l'oreille du musicien, qui résout les accords en leurs éléments, décompose les rythmes, discerne les limbres et le ton. M. Arréat cherche à déterminer quelle forme revêt communément, chez les artistes, le souvenir des états émotionnels, et quelle place tiennent dans ce sou- venir les images sensorielles, qui tendent à faire prédo- miner la mémoire des expressions des émotions sur celle des émotions mêmes. Il signale l'opposition qui BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX existe entre là mémoire émotivo-sensorielle de artiste el la mémoire symbolique ou abstraite du savant ; l'oraleur sert de trait d'union entre ces deux types intellectuels nettement caractérisés, Dans la seconde partie de son livre, M. Arréal à essayé de faire, dans Pimagination créatrice, le départ entre ce qui est invention el ce qui est réminiscence ; il à montré que, si la mémoire nous fournit les maté- riaux de nos créalions, ce sont nos habitudes motrices, nos émotions, notre altitude desprit, — résultant, en grande parlie, de nos études et de l'exercice coutumier de tel ou tel art ou de tel ou tel mode de pensée, — qui les organise en des ensembles originaux ; ces ensembles seront, au reste, d'autant plus neufs que nous aurons mieux réussi à nous laisser impressionner et émouvoir par le contact direct des choses, à ne les voir point exclusivement à (travers des formules, des schémas, que la pratique de notre art, empruntée à autrui, aura imposés à notre perception. Il examine alors le rôle de l'attention et du jugement dans la préparation et l'exécution de l'œuvre d'art, et montre que l'improvisation n'est jamais qu'une impro- visalion apparente, que lartiste inspiré et qui produit sans effort, recueille le fruit de tout un labeur accu- mulé, d'un travail latent qui s'est fait en lui sans qu'il le sache, Il met en contraste l’état mental du délirant el celui du poète, el fait voir que la systématisation des images résulle, dans ces deux cas, de l'action de mécanismes tout différents. Il recherche enfin dans le tempérament « favorable » la cause des aptitudes spéciales pour certaines classes de perceptions et de souvenirs, qui prédestine tel ou tel homme au goût el à la pratique de tel ou tel art particulier, Il est permis de trouver que cette der- nière formule, que son vague même soustrait à la cri- tique, ne nous apprend rien, et peut-être est-ce, en réalité, l'avis de M. Arréat. La vérité, c'est que les différences individuelles résultent, non seulement de la prédominance de telle ou telle catégorie d'éléments représentatifs où émotionnels de la conscience, mais aussi de telle ou telle catégorie de modes de liaisons, que les imaginations ne diffèrent pas seulement par ce quelles contiennent, mais par la manière dont esl arrangé leur contenu, et cela, M. Arréat ne l'a peut-être pas mis en lumière aussi nettement qu'ilaurait convenu. La critique, au reste, qu'on pourrait adresser à ce petit livre, tout rempli d'observations intéressantes, de faits uliles à connaître, patiemment recueillis, de remarques de détail fines et justes, c’est que les idées générales S'en dégagent malaisément, qu'on ne sait pas loujours nellement ce que l’auteur veut prouver, et s'il veut prouver quelque chose ou s'il se contente de décrire. Tel qu'il est, cet aimable volume, court et plein tout ensemble, forme une très curieuse contribution à la psychologie du sens esthétique. L. MARILLIER, Agrégé de l'Université. 4 Sciences médicales Toulouse (Edouard), Chef de Clinique des Maladies mentales de lu Facullé de Médecine de Paris, Médecin de l'Asile Suinte-Anne. — Enquête médico-psycholo- gique sur les rapports de la supériorité intellec- tuelle avec la Névropathie. I. Emile Zola. — 1 vol. in-12 de 286 pages. (Prix : 3 fr. 50.) Société d'Editions scientifiques. Paris, 1897. M. Toulouse, dans ce volume dont on sait le grand retentissement, s’est proposé pour but l'étude d'une question intéressante entre loutes : celle des rapports du génie et de la folie. Pour mener à bien ces recher- ches, reprises {out récemment par Lombroso, M. Tou- louse — et c'est l'originalité et le mérite de son œuvre — à inauguré une méthode nouvelle. Ses devanciers n'avaient guère osé aborder l'étude des hommes géniaux ou supérieurs de leur temps. C’est sur les grands hommes du passé qu'ils faisaient porter leur enquête. 391 |, Les données fournies par les historiens, des biographies d'authenticité douteuse, voire même des légendes, tels étaient les documents qui devaient servir à reconstituer, à plusieurs siècles parfois de distance, la personnalité psychologique des grandes figures de l'humanité. C'est dire combien défectueuse était cette méthode, dite his- torique. D'autre part, les quelques études faites jus- qu'ici sur des hommes supérieurs contemporains ont été, en général, l'œuvre de littérateurs peu familiarisés avec les questions de psychologie morbide: elles sont restées trop passives pour ainsi dire, elles ne ressem- blent pas assez à une exploration clinique. À ces pro- cédés, dont on connaît les lacunes et les inexactitudes, M. Toulouse a eu l'idée de substituer une méthode ri- goureusement scientifique. Rompant avec la timidité qui avait jusqu'alors restreint le domaine des investi- gations médico-psychologiques, l'auteur à pensé que, ce qui avait été fait avec des résultats éclatants pour les aliénés et les criminels, on pouvait l'entreprendre pour les hommes supérieurs. Il s'agissait d'étudier ceux-ci, non plus dans les mémoires et à l’aide d’anec- dotes, mais en utilisant les méthodes d'exploration eli- nique applicables à des sujets vivants; il s'agissait de les soumettre aux recherches les plus précises de l'exa- men direct physique et psychique. Gelte méthode d’ob- servation médicale, M. Toulouse à voulu l'appliquer, pour son premier volume, à un écrivain que son génie original el puissant el aussi son amour de la vérité in- diquaient pour une pareille enquête. Le livre de M. Toulouse se divise en deux parties : 1° l'introduction générale, dans laquelle l’auteur étu- die les rapports du génie et de la folie; 2 l’ « obser- valion » médicale et psychologique de M. Zola. Le chapitre consacré à l'historique de Ja question rappelle les noms et les théories de Réveillé-Parise, de Moreau (de Tours), qui voient dans la névropathie la condition principale de l'éclosion des facultés exceptionnelles, de Lombroso, pour qui le génie est une forme larvée de l’épilepsie. L'auteur n'a pas de peine à montrer combien peu solides sont les bases sur lesquelles le célèbre aliéniste italien asseoit sa théorie. Il fait le procès de la méthode dite historique qui laisse le chercheur à la merci des naïfs, des visionnaires et des gens de mauvaise foi. Il met en évidence les avan- ages de l'observation directe, Sur quels sujets doit porter cette méthode scientifique? M. Toulouse ne re- connaîl pas de limites précises entre le génie et le grand talent; aussi écarte-l-il le mot « hommes de gé- nie », pour faire porter son enquête sur les personna- lités douées de facultés créatrices exceptionnelles en art, en littérature et en sciences, en un mot sur les individus possédant une supériorité intellectuelle. De même, afin de ne pas restreindre les données du pro- blème, il substitue au mot folie le terme, plus com- préhensif, de névroputhie. 11 s'agit de rechercher si les hommes supérieurs sont, plus souvent que d'autres, des névropathes et quels sont les rapports de leur né- vropathie avec leur supériorité intellectuelle. Sur quels éléments se baser pour apprécier, avant l'examen, si tel sujet est intellectuellement supérieur? La notoriété est souvent trompeuse, elle va quelquefois à des mé- diocrités ; elle dépend, en outre, pour beaucoup, de la nature du domaine où s'exerce l’activité de l'homme supérieur. On se fera cependant une opinion en con- trôlant les désignations de la notoriété par les juge- ments des professionnels, des critiques. Dans son inves- tigation, deux points doivent être envisagés par le médecin : 1° l'étude des rapports de la névropathie avec la supériorité intellectuelle ;;2° la recherche des signes anatomiques el physiologiques de cette supériorité, Les causes du tempérament névropathique sont étu- diées de près. Les conditions héréditaires (maladies nerveuses, mentales, diathésiques, infectieuses, intoxi- cations) en sont bien connues. L'auteur insiste sur l'influence, plus considérable qu'on ne l'admet géné- ralement, des facteurs intervenant après la naissance, tels limitation, la mauvaise éducation, les infections, 392 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX les intoxications, les traumatismes. 1] montre enfin que la névropathie peut être produite par le surmenage et par une hygiène défectueuse. Quels sont les signes de ce tempérament névropathique ? Unie par de nombreux liens à la dégénérescence, la névropathie présentera souvent les stigmates physiques et psychiques de cette dévialion du type normal de l'espèce. Le défaut de proportion au point de vue morphologique, le manque d'équilibre au point de vue fonctionnel, l'inégalité des facultés au point de vue intellectuel, la prédisposition aux affections du système nerveux et surtout l’exagéra- lion des réactions émolives, tels sont les traits qui peuvent servir à caractériser les névropathes. Exami- nant ensuite les conditions de la supériorité intellec- tuelle autres que le tempérament névropathique, ainsi que les signes par lesquels cette supériorité se mani- feste, l’auteur regarde comme mal établie la transmis- sion héréditaire des aptitudes supérieures; la question de la précocilté des hommes de génie est, elle aussi, loin d’être tranchée. La part du milieu général dans le développement des facultés intellectuelles est, pour M. Toulouse, très importante : comme le vice, le crime et même la folie, le génie est un fait psycho-social, et non la simple expression d’aptitudes innées. Parmi les signes physiques qu'il faut étudier chez les hommes supérieurs, notons la taille des sujets, leur vigueur physique, leur état de santé, leur physionomie, les diamètres du cräne (la supériorité pondérale du cerveau constituant une condition des plus importantes, mais non la seule, de la supériorité intellectuelle), la sensibilité, la motricité, etc. L'examen psychologique doit être poussé (rès loin : on fera porter les investi- gations sur les aptitudes et les habitudes intellectuelles, sur la mémoire, l'attention, etc. On pratiquera l'explo- ration des divers territoires psychiques à l’aide des mental tests. Des signes de névropathie étant constatés chez un homme exceplionnellement doué, il faut établir les relations qu'ils peuvent avoir avec sa supériorité intel- lectuelle. Quatre hypothèses ont été soutenues : 4° les troubles névropathiques seraient la cause de la supé- riorité intellectuelle; 2° le génie, entendu dans son sens le plus large, serait la cause et non l'effet de la névropathie; 3° les troubles nerveux et la supériorité intellectuelle seraient indépendants; il n'y aurait entre eux aucun rapport de causalité ; 4° la supériorité intel- lectuelle et les troubles névropathiques seraient des expressions différentes des mèmes conditions com- munes à toutes deux (Moreau de Tours). Pour M. Tou- louse, la névropathie paraît être ordinairement liée avec la supériorité intellectuelle, sans qu'on puisse dire que la névropathie est la cause de cette supério- rité, ni émettre la proposition contraire. Le tempéra- ment nerveux est une condition favorable à la sensi- bilité et à l’activité cérébrales qui sont nécessaires au travail de l'esprit, comme il prédispose aussi aux trou- bles du système nerveux qui surviennent facilement à la suite du surmenage auquel sont soumis les sujets bien doués. Mais de là à déclarer que la névropathie est nécessaire au génie, il y à loin; la santé, l'équilibre parfait sont uliles au travail de la pensée. La seconde partie du volume est consacrée à l « ob- servation » de M. Zola. IL faut avouer que jusqu'à ce jour il n’a jamais été pris d'observation avec une telle exactitude ni une telle abondance de détails. Pour ce qui concerne les recherches nécessitant une compétence toute spéciale (vision, audition, mensura- tions, urologie, graphologie, etc.), M. Toulouse s'est adressé à des collaborateurs autorisés, se réservant ce qui était d'une étude générale, tout ce qui appartenait au neurologiste et à l’aliéniste, et enfin l'exploration psychologique. Lés antécédents héréditaires et person- nels du sujet nous apprennent l'existence chez la mère d'un état névropathique qui explique la disposition nerveuse originelle de M. Zola ; ils nous le montrent, Jeune homme, réservé, affectueux, précoce au point de vue de linstinet sexuel, méthodique et conscien- cieux dans le travail, curieux des belles œuvres litté- raires. L'examen physique, très complet, est impossible à résumer, Signalons seulement la dimension, un peu supérieure à la moyenne, de tous les diamètres crà- niens, une constitution anatomique robuste et exempte de stigmates avérés de dégénérescence, un odorat ne dépassant pas quautitativement la normale (coïncidant avec une mémoire très développée des sensations ol- factives), des troubles nerveux multiples (contracture de l’orbiculaire, tic vésical, fausse angine de poitrine, etc.). L'examen psychologique montre que les percep- tions se caractérisent surtout, sauf celles de l'audition, par leur justesse (act, vision, temps) et aussi par leur finesse (lact, odorat). M. Zola se sert surtout de l'audi- tion verbale pour retenir, de la vision verbale pour comprendre, el du langage écrit pour analyser et déve- lopper ses pensées. L'attention, l'observation, le temps de réaction, l'idéation, l'association des idées, la nature des idées, les obsessions, l'émotivité, la volonté, le ea- ractère sont examinés avec beaucoup de précision et le plus souvent à l’aide d'expériences appropriées (mentals tests). Cet examen psychologique, uu peu aride dans cer- laines parties, eûtgagné,croyons-nous, à être illustré par une étude plus approfondie de l'œuvre de M. Zola. Sans vouloir dédaigner les résultats précis des tests, il nous semble que l’œuvre même des hommes supérieurs est le plus précieux et le plus instructif des documents. Etudiée par un auteur compétent en matière de psy- chologie morbide, elle eùt pu fournir des données inté- ressantes sur l’état mental de l'écrivain. Les conclusions de l’ «observation » sont que M. Zola n'est ni épileptique, ni hystérique, ni suspect d’aliéna- tion mentale, bien qu'il ait des troubles nerveux multiples. Peut-être pourrait-on le ranger parmi les « dégénérés supérieurs », bien qu'on ne voie pas chez lui les lacunes psychiques plus ou moins grandes de ces sujets. L'élatnévropathique incontestable de M. Zola est dù en partie à l'hérédité, en partie au surmenage, mais cel élal névropathique ne paraît pas avoir été el être indispensable en aucune sorte à l'exercice des heu- reuses facultés du romancier. Une autre question peut aussi être posée : quelle est la personnitication psy- chologique de M. Zola ? La cause la plus immédiate de sa supériorité serait un développement égal, harmo- nique, entre ses diverses facultés, d’où un pouvoir merveilleux d'utilisation de ces facultés. Ses qualités sont la finesse et l'exactitude des perceptions, l’inten- sité de l'attention, une grande éducabilité, la clarté dans les conceptions, la sûreté du jugement, l’ordre dans le travail, une ténacité extraordinaire dans leffort, et surtout l’utilitarisme psychologique poussé à l’ex- trème. Ce résumé ne donne qu'une idée imparfaite des ques- tions multiples abordées dans le livre de M. Toulouse, et surtout de l'originalité des vues, de la sévérité de l'esprit critique qui caractérisent cette enquête. En- nemi des hypothèses simplistes, des généralisations hasardées, l'auteur ne s’en laisse pas non plus imposer par les préjugés et les idées communément recues. Ses documents, nombreux et authentiques, sont interprétés avec sagacité. M. Toulouse, dans ce livre, ne nous donne qu'une seule « observation »; il ne prétend pas, avec un fait unique, résoudre la question des rapports du génie et de la folie. Il continuera ses recherches sur d’autres personnalités supérieures et pourra alors faire une étude d'ensemble basée sur une série d’en- quêtes médico-psychologiques poursuivies dans des conditions jusqu'alors non réalisées. Mais, dès mainte- nant, il lui est permis de revendiquer l'honneur d’avoir inauguré une méthode nouvelle, rigoureusement scien- tifique. Nous devons lui savoir gré d’avoir fermé délini- tivement la porte aux enquêtes sommaires et impar- faites, aux théories aventureuses, el d’avoir, par son audacieuse entreprise, signalé à la curiosité du psycho- logue et du psychiâtre, des terres inexplorées. Dr PAUL SÉRIEUX, Médecin des asiles d'aliénés de la Seine, ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 398 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 5 Avril 1897. M. Radau est élu membre de la Section d'Astrono- mie en remplacement de M. EF. Tisserand, décédé. — M. H. Wilde fait don à l’Académie d’une somme de 437.500 francs, dont l'intérêt servira à décerner tous les ans un prix de 4.000 francs à l’auteur d'une décou- verte ou d’un ouvrage quelconque en Astronomie, Physique, Chimie, Minéralogie, Géologie et Mécanique qui, aux yeux de l’Académie, sera jugé le plus méri- tant, SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. H. Poincaré cousidère un point mobile dans le plan et donne les équations de son mouvement et des forces vives ; il se propose d'étudier les solutions périodiques de ces équations en faisant intervenir dans la question la considération du principe de moindre action. — M. B. Baïllaud a appli- qué la méthode de M, Gruey à la détermination des formules générales relatives aux quadratures méca- niques d'ordre quelconque. — M. A. Pellet étudie cer- taines questions de la théorie générale des surfaces. — M. Eug. Cosserat, éludiant la déformation de certains paraboloïdes, montre que le problème de la recherche des surfaces applicables sur un paraboloïde tangeant au plan de l'infini en un point du cercle de l'infini et celui de la détermination des surfaces à courbure totale constante sont deux problèmes qui se ramènent lun à l’autre, — M. Cotton démontre que, pour que les équa- lions linéaires aux dérivées partielles du second ordre à deux variables admettent un groupe continu de (rans- formations, il faut que le ds? attaché à l'équation et L. , H s : ; linvariant — admettent simultanément les transfor- VA malions du groupe. — M. Desaint communique deux théorèmes sur les fonctions entières et établit une nou- velle distinction entre les fonctions uniformes et les fonctions non uniformes. — M. Delauney adr-sse une note sur les distances des étoiles à Sirius. — M. Serge Socolow envoie un mémoire sur les grandeurs des rayons des orbites planétaires. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — MM. N. Egoroff el N. Géor- giewsky ont observé directement, à l'aide d'un analy- seur de Savart, la polarisation partielle des radiations émises par quelques sources lumineuses sous lin- fluence du champ magnétique. Ce phénomène avait été décrit par M. Zeeman. — M. Maurice Hamy décril une nouvelle lampe à cadmium pour la production de franges d'interférences à grande différence de marche. — M. C.-E. Guillaume poursuit l'étude des aciers au nickel. Ils sont très peu attaquables par l’eau, la résis- tance à l'attaque augmentant avec la teneur en nickel. La valeur du module d'élasticité varie avec la teneur en uickel; elle passe par un maximum et un minimum bien accusés qui coincident sensiblement avec ceux de la dilatation. Soumises à des recuits difcrs, les barres ont présenté des mouvements de peu d'amplitude, ayant une grande analogie avec ceux du zéro des (thermo- mètres. — M. G. Le Bon définit les radiations obscures produites par les corps sous linfluence de la lumière. Les unes sont simplement constituées par de la lumière ordinaire qui reste à létat de résidu sur les corps illuminés; elles sont identiques à la phosphores- ceuce dont elles ne diffèrent que par leur invisibilité. Les autres ont la propriété de décharger l'électroscope et d'impressionner les plaques photographiques au tra- vers des corps opaques : c'est la lumière noire de l’au- teur. — M. H. Abraham donne la description d'un REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897. oscillographe à induction, constitué par un galvano- mètre à cadre mobile tel que les courants Let soient reliés par une relation particulière, résultat auquel on arrive en faisant intervenir les phénomènes d'induc- lion. — M. G. Le Cadet a étudié, au moyen d'un nou- veau dispositif très simple, l'état électrique des haules régions de l'atmosphère par le beau temps; il conclu que le champ électrique est certainement plus faible au-dessus de 1.500 mètres d'altitude dans l’atmos- phère que sur le sol inférieur supposé plan. — M. H. Moissan a cherché à obtenir du carbure de fer par union directe des deux constituants. Lorsque l'on chauffe du fer pur et du charbon de sucre au four élec- trique et qu'on laisse refroidir lentement le culot, on ne trouve, dans le métal, qu'une très petite quantité de carbone combiné ; on obtient ainsi une fonte grise soli- ditiable vers 1.150. Si le métal, à 1.300° ou 1.4009, est coulé dans une lingotière, il renferme après refroidis- sement une quantité plus grande de carbone combiné : cest la fonte blanche. Enfin, si l'on refroidit brusque- ment, dans l'eau, le fer saturé de carbone à 3.000, il se produit dans le métal une abondante cristallisation, et l’on peut en séparer un carbure pur, cristallisé et défini, de formule CFe’, identique à celui de l'acier. — M. A. Besson, en faisant réagir l'hydrogène phosphoré gazeux PHS sur le chlorure de phosphoryle POCF en présence d'uve petite quantité de HBr, à obtenu un corps jaune rougeàtre, de formule P°0 dont il décrit les principales propriétés et réactions. — M. R. Engel a constaté que le corps qui s'obtient par l'action de l'acide chlorhydrique sur l'acide métastannique est, en réalité, un mélange de deux chlorures correspondant à deux acides mélastanniques différents. L'un répond à la formule Sn‘O‘CE,4H20 correspondant à l'acide Sn°0"“H?,4H°0. — M. A. Mourlot étudie l'action de la température du four électrique sur divers sulfures. Ceux de cuivre et de bismuth se désulfurent complète- ment:le sulfure d'argent donne un produit volatil ren- fermant des traces de soufre; les sulfures de cobalt et de nickel donneut des fontes renfermant encore un peu de soufre; le sulfure d'étain donne un culot de protosulfure très stable. — M. J. Bonnefoi étudie les combinaisons formées par les sels haloïdes de lithium avec le gaz ammoniac el la méthylamine. — M. Œchs- ner de Coninck examine l’action du tannin et de l'acide wallique secs ou en dissolution sur la nicotine et sur la cicutine. — M. C. Matignon à obtenu l’acétylène mono- sodé et le carbure de sodium par l’action de l'acéty- lène sur le sodium ; les deux produits sont absolument blanes et purs si lon prend des précautions spéciales, telles que l'agitation continuelle du sodium fondu pen- dant la réacuon. — M. J. Winter répond aux précé- dentes critiques de MM. Bordas et Génin; le point de congélation du lait peut varier légèrement avec l'appa- reil cryoscopique dont on se sert; mais avec un méme appareil, on obtient des indications presque constantes pour les-divers laits purs; ainsi les déterminations inèmes de MM. Bordas et Génin se rapprochent toutes de 00,32. — M. Hanriot a reconnu la non-identité des lipases extraites du sang et du pancréas. En effet, des solutions des deux lipases neutralisant dans le même temps un même excès de carbonate de sodium en pré- sence de monobutyrine, ont une activité toute diffé- rente si l'on change le milieu ou si lon fait varier la température. — M. P. Cazeneuve étudie les propriétés du ferment qui produit la casse des vins : l'æœnoxydase; il a constaté que l'acide sulfureux agit directement sur lui en le détruisant, — M. Jacques Passy indique un nouveau mode d'extraction du parfum des fleurs dans ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES lesquelles ce parfum n'est pas tout formé, mais se pro- duit d’une manière continue. Il consiste à immerger complètement les fleurs dans l’eau et à remplacer celle-ci à mesure qu'elle se charge de parfum. 30 SCIENCES NATURELLES. — M. Ph. van Tieghem donne uue classification des Inséminées à ovules sans nucelle, formant la subdivision des Innucellées ou Santalinées ; il établit d’abord deux alliances : les Ola- cales et les Santalales, la première comprenant trois familles : les Harmandiacées, Aplandracées, Olacacées: la seconde six familles : Schœpliacées, Arionacées, Sarcophylacées, Santalacées, Myzodendracées et Opi- liacées. — M. L.-A.Gayot communique ses recherches sur l'embryogénie de l’archégine chez les Muscinées ; elles le conduisent à considérer comme toutà fait homologues les organes femelles des Musecinées et des Cryplosames vasculaires. — M. N. Gréhant es! parvenu à reconnaitre que, dans des conditions encore mal délinies, l'air provenant d'un calorifère de cave peut contenir assez d'oxyde de carbone pour provo- quer des accidents. — MM. A. Moutier et Granier ont constaté que, chezles artistes qui ne sont alleiuts d’au- cune affection pouvant avoir une influence sur le bon fonctionnement de leur appareil vocal, on observe, à la suite de la franklinisation, une amélioration dans la clarté, la souplesse, le timbre, la facilité de la voix. — M. L. Dubois (de Reims) a soumis des cultures de streptocoque à l’action des courants de haute fréquence et a constaté que leur arcroiss ment et leur virulence étaient d'autant plus diminués que l’électrisation était plus longue. —M. G. Seguy elF. Quénisset nt obse r'vé que les pers'nnes soumises très longtemps à l’action des rayons X éprouvent du côté du cœur des troubles particuliers (palpitalions et battements). — M. V. Babes et C. Levaditi ont observé le bacille de la tuberculose avec les divers procédés de coloration recommandés pour l’actinomyces et ont reconnu qu'il présentait la forme actinomycosique. — M. Maurice Lugeon à re- cherché la loi de formation des vallées trausversiles des Alpes occidenta’es ; il montre qu'elles occupent 1E emplacement d’un synclinal transversal au plissement normal des régions considérées, — M. E Rivière à trouvé, au cours d’une nouvelle exploration de la grotte de la Mouthe, uu grand nombre de dessins gravés sur roche, représentant des animaux el des huttes. Séance du 12 Avril 1897. 1° SGIENCES MATHÉMATIQUES. — M. H. Faye donne quelques renseignements sur l'Observatoire de l'Etna, d’agrès M. Ricco. Les manifestations électriques sur l’'Etna sont rares et ont lieu spécialement en automne. — M. Vénukoff donne les valeurs des longitudes et des latitudes astronomiques et géodésiques, observées dans 37 localités de la vallée de Fergana; les différences entre les données géodésiques et astronomiques sont dues aux attractions locales. 29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Henri Becquerel donne l'expression de la loi de la décharge dans l'air de l'ura- nium électrisé, en fonction du te mps et du potentiel d'électrisation. — M. Marage à photosraphié les flammes de Kœænig par un nouveau procédé; la flamme n'étant plus agitée par la masse d'air qu'entraînent les miroirs tournant(s, les images oblenues sont très nettes : l'auteur à pu ainsi observer de nouveaux détails dans la forme des flammes produites par divers sons. — MM. Foveau de Courmelles el G. Seguy décrivent les CRRÉAPRCES qu'ils ont faites avec un nouvel appareil cathodique, générateur de rayons X, et possédant plu- sieurs ampoules greffées sur un même cireuil Lazeux. Is ont constaté que la pression intérieure dans un tube à vide n’est pas égale en tous les points. — M. V. Du- ela adresse une note sur un baromètre horizontal à air rarélé sans glace fondante. — M. Marcel Delépine à mesuré les chaleurs de formation de l'aldéhyde for- mique à l'état gazeux (+ 25 cal. 4), à l'état dissous (++ 40 cal. 4); en partant, à cet effet, de la réaction qui transforme l'aldehyde formique en hexaméthylène amine. — M. Denis Lance à conslalé que le gaz am- moniac passant sur du charbon à une température comprise entre 1.009 et 1.100° C. donne toujours du cyanure d'ammonium; le rendement en cyanogène est plus considérable lorsqu’ on emploie un mélange de gaz ammoniac, d'azote et d'hydrogène. : 30 SCIENCES NATURELLFS. — M. Ph. van Tieghem étudie les Inséminées à nucelle nu, formant la subdivision des Integminées; elles ne forment qu'une seule famille, les Anthobolacées, qui ne comprend elle-même que quatre genres, — Au sujet des dernières communications de M. Pb. van Tieghem sur les Phanérogames inséminées, M. D. Clos fait quelques restrictions sur l'interpréta- Lion des parties de l'anthère et sur la nature de l'ovaire dansle genre Lesitoceras (Loranthinées). — M. Armand Sabatier étudie l’origine et la signilication morpholo- gique du sternum et des elivicules. D'après lui, l'appa- reil sternal ést une tran-formation de la série des interépineux ventraux; il n'est pas une dépendance directe des côtes vertébrales. L'interclavicule repré- sente une pièce sternale médiane et impaire, et les clavicules ne sont que les côtes sternales correspon- dantes. — M. L. Bordas donne une classification des Orthoptères basée sur les caractères de l'appareil diges- tif; il les divise d’abord en deux sous-urdres, caracté- risés principalement par la présence ou l'absence de diverticules intestinaux. Puis le nombre et la disposi- lion des tubes de Malhighi, de mème que la conforma- tion et la structure int re du gésier permettent de subdiviser chaque sous-ordre en un cerlain nombre de familles. — M. G. Marinesco communique ses re- cherches sur l'histologie de la ce: Ilule nerveuse ; l'étude des coupes lui a moutré qu'on doit admettre une conti- nuitée anatomique entre les fibrilles Vu cylindre-axe el des prolongements A GIE et les travées du réseau cyloplasmatique. — Sorel, dans deux expériences de radiographie du fa chez des jeunes filles, à vu survenir au bout de quelque temps une tache rouge à l’épigastre, puis une plaie très doulou- reuse; les sujets étaient très nerveux. — M. Lanne- longue pense que lis effets pathologiques des rayons X doivent être attribués à des troubles nutritifs spéciaux des tissus. — M. Picaud à éludié la toxicité des alcools sur les Poissons, les Batraciens et les Oiseaux, en mé- langeant l'alcool ou sa vapeur à l’eau où a l'air dans lequel ils vivent. Il à vérifié que la toxicité des alcools est d'autant plus grande que leur point d'ébullition est plus élevé, — M. R. Quinton montre qu'en face du relroidissement du globe. les êtres organisés ont tendu à maintenir artificiellement dans leurs tissus la haute température extérieure. primilive. Cette tendance a déterminé la modification de tous les appareils orga- niques et par conséquent l'évolution elle-même, — M. Ch. Cornevin a constalé que le chauffage de la ricine à 100° pendant deux heures la transforme en un vaccin qui, injecté sous la peau, immunise contre l’empoisonnement par le ricin. L'auteur a pu, après avoir ainsi immunmisé des animaux, les nourr iren grande partie avec des graines et des tourte: aux de ricin. Louis Bruner. DE MÉDECINE 23 Mars 1897. à l'Académie le décès du Debierre ACADÉMIE Séance du M. le Président annonce D' Morvan, correspondant nalional, — MM. de Lille) et Renou (de Saumur), sont élus correspon- dants nalionaux dans la Division de Médecine. — M. Lucas-Championnière pense que l’'appendicite n'est pas toujours une maladie primitive de l'organe, mais qu'il y a un très grand nombre de cas où le gros intes- {in est d'abord longtemps malade et encombré avant que l'état morbide de l'appendice ne s'affirme d'une manière délinitive ; il reste done une quantité considé- rable d’appendices à soigner par le traitement médical. — M. Dieulafoy, après l'examen d'un grand nombre de stalistiques, conclut que lappendieite et l'entérite ACADÉÈMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 395 muco-membraneuse, bien que pouvant coexister chez un même individu, n'ont cependant entre elles aucune relation de cause à effet, contrairement à l'opinion de M. Reclus; d'autre part, bien des appendicites ne sont généralement que des typhlites. — M. le D° Hoffa (de Würtzhourg) lit un mémoire sur le traitement de la luxation congénitale de la hanche. — M. le D' Vacher (d'Orléans) donne lecture d'un travail sur l'extraction du cristallin {transparent dans la myopie forte. Séance du 30 Mars 1897. M. Ch. Périer présente une aiguille de Reverdin, perfectionnée par M, Mariaud. — M. Ch. Monod fait un rapport sur un mémoire du D' Bazy, relatif à un cas d'hydronéphrose. L'ablation du rein correspondant pa- raissait être Le meilleur traitement du cas; cependant . M. Bazy a tenté de réimplanter l’uretère dans le bassi- net (urétéro pyélo-néostomie) et il a pleinement réussi, — M. Hervieux entretient l'Académie des mesures à prendre en l'absence d'une loi sur la vaccine obliga- loire. — M. P. Reclus cite de nouveaux cas où l'appen- dicite a été la suite de l'entéro-colilte muco-membra- neuse, — M. le D' Mouchet (de Sens) lit une observation d'opération césarienne suivie de Phystérectomie totale chez une femme en travail atteinte d'un gros fibrome de l'utérus; il vint au monde un enfant vivant et la mère guéril. Séance du G Avril 1897. M. Richelot est élu membre titulaire dans la Section de Médecine opératoire. — M. Lucas-Championnière présente quatre malades, atteints de fracture de la cla- vicule, qui ont été traités exclusivement par le massage sans immobilisation. — M. Guyon présente un nouveau cystoscope construit sur les indications de M. Albar- ran. — M. Brouardel donne un compte rendu sum- maire des travaux de la Conférence internationale de Venise du 19 mars 1897. Les mesures à prendre contre la peste sont rangées sous trois ordres : 1° Mesures à prendre au mment où un voyageur quitte le foyer de l'épidémie (ne laisser monter à bord que des voyageurs bien portants); 2° mesures à prendre en cours de route (avoir à bord des médecins el des étuves pour faire opérer de suite les désinfections nécessaires); 3° me- sures à prendre à l’arrivée (elles sont basées sur l'iso- lement et la désinfection). — M. Laboulbène fait re- marquer que des accidents d'appendicite ne doivent pas être attribués à la présence de vers parasites dans l'intestin. — M. Potain annonce que les 103 malades qu'il a cités comme alleints d'entéro-colite ont été souvent revus et qu'ils n'ont jamais présenté d'appen- dicite. — M. Dieulafoy, après examen des objections de M. Reclus, maintient que l’appendicite, non pas la pseulo-appendicile, mais l’appendicite vraie, vérifiée par l'opération, ne snrvient que très rarement, à titre exceplionnel, dans le cours des entéro-colites. MM. De Lapersonne et Grand signalent un cas d'hé- mianopsie horizontale inférieure d'origine traumatique. — M. Chipault donne lecture de mémoires sur la cure radicäle du mal perforant par l’élongation des nerfs plantaires, la ponction lombo-sacrée et le traitement des déviations vertébrales. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 3 Avril 1897. MM. C. Richet et A. Broca ont excité électrique- ment le cerveau d'un chien; si les excilations sont lentes, il y a réponse à chaque excitation; si elles se rapprochent de plus en plus, les répon-es deviennent irrégulières et il n'y a bientôt plus qu'une réponse pour deux, trois ou quatre excitations. — M. Hanriot montre que la lipase du pancréas n'est pas analouue à celle du sang, car elles sont différemment influencées par le milieu et la température. — M. Camus à cons- taté que la formation de biliverdine dans la bile fraîche n'a pas lieu, même sous l’action de la chaleur, s’il n'y a pas d'oxygène libre en présence. — M. Boucheron à employé le sérum de Marmorek dans le traitement de certains rhumalismes à streptocoques et dans cer- laines iritis rhumatismales; il a obtenu des résultats irès encourageants: — M. Gouget a observé que, lors- qu'on injecte au lapin le bacille de la pseudo-tubercu- lose, il se localise dans certains organes : le foie, la rale, et souvent l'appendice, — M. Rénon rapporte un cas d'éléphantiasis nostras, M. Bonnier est élu membre de la Société. SOCIÈTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 19 Mars 1897. M. H. Pellat, secrétaire général, annonce que les membres de la Société seront ul inetidielemen au sujet d'une récente décision de la Commission de la division centésimale de l'heure et de la circonférence, qui propose de diviser l'heure en 100 minutes et la minute en 100 secondes. — Une Commission étudie la proposition faite par M. Cadot, de publier, sous les aus- pices de la Société, une collection de fiches bibliogra- phiques concernant les notes et mémoires relatifs à la Physique; le format adopté serait celui de l'Institut international de classification décimale, — M. J. Per- rin à continué d'étudier la décharge par les rayons Rünlgen et en partivutier le rôle des surfaces frappées. La décharge peut s'effectuer par l'intermédiaire de l'atmos- phère qui sépare les conducteurs, en vertu de ce que M. Perrin appelle l'effet gaz: il y a aussi une action directe sur les surfaces métalliques, qui est l'effet métal. Pour séparer les deux effets, on vérifie d’abord que l'effet gaz est indépendant de la direction relative des rayons X et des lignes de force en les faisant passer parallèlement, puis perpendiculairement aux armatures d'un condensateur, sans qu'ils rencontrent jamais les armatures et en conservant, dans les deux cas, les mêmes dimensions de l’espace où se produit l’action des rayons. Si l'on recommence la même expérience en con:ti- tuant l’une des armatures perpendiculaires aux rayons par une mince feuille d'aluminium qui permet à ces rayons d'atteindre les deux surfaces, les deux conden- saleurs se déchargent avec une rapidité inégale et la diérence des deux effets observés constitue la somme des deux effets métal. On peut supprimer l'effet métal relatif à l'une des armatures en y étendant une mince couche d’eau; on constate de la sorte que les effets- métal des Zeux armatures s'ajoutent. Les mesures montrent que dans un condensateur zinc-aluminium, d'un ceutimètre d'épaisseur, l'effet métal est 0,4 de l’effet total, c’est-à-dire de 0,7 de l'effet gaz. L'effet mé- tal varie en raison inverse de la racine carrée de la distance à la source; il est indépendant de l'angle d’in- cidence des rayons, Tous les faits s'expliquent en ad- mettant que les rayous X produisent dans la masse du gaz une ionisation cubique et dans les surfaces métal- liques une ionisation proportionnelle à l'aire frappée. M. Perrin à vérifié la loi de la racine carrée de la den- sité, établie par MM. Benoist et Hurmuzescu pour l'effet total; en retranchant l'effet gaz, proportionnel à la pression, on ne trouve pas, pour l'effet métal seul, de loi simple. M. Benoist insiste sur Je fait que l'effet total, tel qu'il l'a mesuré, est expérimentalement propor- tionnel à la racine carrée de la densité du gaz; il fait observer que M. Perrin n'a pas utilisé, pour calculer l'effet métal d'après les expériences de MM. Benoist et Hurmuzeseu, les dimensions véritables de l'appareil. M. Benoist a étendu ses expériences sur le rôle de la pression jusqu'à 3 atmosphères; en descendant jusqu'à 29,5 cent, de mercure, la loi de la racine carrée sub- siste, avec un écart moyen de 29 teur où la distance des armatures (1 cent. 5), était trois fois plus grande que dans le premier appareil. — M. D. Korda a constaté, en commun avec M. Oudin, une dissymétrie très marquée produite par les rayons Rüntgen et pour un cond-nsa- 396 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES dans Le champ électrostatique des tubes à vide. Une ai- guille aimantée qui sert d'électromètre, placée au voi- sinage d'un tube, subit des déviations dont Ja valeur absolue, indépendante du sens du courant, quand la décharge se fait par une étincelle en dérivation sur le tube, devient au contraire très différente suivant que le tube est traversé daus un sens ou dans l’autre. M. Cornu présente, au nom de M. Bose, professeur à Collège de la Présidence, à Calcutta, un appareil des- tiné à la production et à l'étude des vibrations de Hertz. L'excitateur est une sphère de platine de 8 millimètres de diamètre, de part et d'autre de laquelle sont situées deux petites boules reliées à la bobine; la longueur des élincelles est inférieure à 0"",3. La bobine et l'ac- cumulateur qui l'excite sont enfermés, ainsi que l'exei- lateur, dans une boîte de cuivre doublée intérieure- ment de tôle; un ressort extérieur permet de faire jaillir l'unique étincelle nécessaire pour répéter chaque expérience. Le récepleur est basé sur l'augmentation de conductibilité qu'éprouve brusquement une pou- dre métallique sous l'influence d'une étincelle:; M. Bose oblient un appareil de fonctionnement beaucoup plus régulier en juxlaposant une série de spirales de Cuivre enroulées sur des aisuilles à tricoter, qu'on peul res- serrer à volonté au moyen d'une vis. L'appareil entier présente une surface de 2 centimètres sur # millimèe- tres: cette résistance est mise ensériesur une pile etun galvanomèlre sensible; la déviation croit brusquement quand une onde électrique atteintlesfils. On ramène l'ap- pareil à son état primitifen donnant une léxère secousse. L'axe du vibrateur est la ligne focale d'une lentille cylin- drique d’ébonite, de laquelle sortent des ondes planes; on montre aisément la réflexion par un miroir métal- lique, la réflexion totale sur un prisme en éhonite, qui permet de déterminer l'indice par approximalions suc- cessives; la polarisation par une grille métallique. Une urille perpendiculaire à la première ne laisse pas passer les vibrations: l'action reparaît si on interpose un cristal biréfringent : spath, tourmaline, etc. Tous les corps fibreux présentent un maximum de transparence pour les vibrations perpendiculaires aux fibres; ce maximum est coriélatif d'un minimum de conductibilité dans cette direction; l'expérience réussit avec le Jute, une mèche de cheveux, la némalite (brucite fibreuse), un faisceau de tubesde verre capillaires contenant du sul- fate de cuivre et même avec les doigts allongés + L joints. Les corps feuilletés, livres, ardoises, absorbent les vi- brations parallèles aux couches superposées. Toutes ces expériences se succèdent devant la Société sans interruption, avec une facilité et une sûreté des plus remarquables. C. RAVEAU. Séance du 2 Avril 1897. M. Abraham décrit l'oscillographe à induction que M. Carpentier a construit sur ses indications. L'équa- tion générale qui donne la déviation 0 d'un galvano- mètre traversé par un courant [ est: «6 AT CRU — + C0 — à, dt A, B, Célant des constantes; si, | élant un courant donné, on réalise un courant à qui salisfasse à la rela- tion : dl di A BE CI =, PTT k étant une constante, 0 deviendra, quand l'appareil aura pris son régime, proportionnel au courant Là étui dier. Le courant CI est fourni par une dérivation du me RC à : : courant principal; le terme B FT est fourni par induc lion sur une bobine plate à un seule couche de fil, dont la self-induction est négligeable ; la constante de L c : 7 Lemps de cette babine descend jusqu'à 105 seconde; celte valeur limile la durée des perturbations qu'on 2 s : u æT cherche à enregistrer; enfin le terme À TE est obtenu 4 2 . : dx par induction du courant induit B 7 SUT une autre (124 bobine. Le galvanomètre est à cadre mobile, très pelil, porté par deux fils métalliques, qui roulent, au voisi- nage du cadre, sur deux coussinets, ce qui permet de régler parfaitement la tension; le miroir réfléchit les rayonsenvoyés par unarcdiaphragmé sur un miroir (our- nant, En inscrivant photographiquement la déviation produite par un courant connu, celui qui sert à l’entre- lien d'un diapason, on peut régler l'appareil, jusqu'à ce qu'on obtienne la courbe prévue. M. Abraham pro- jette plusieurs clichés montrant les divers effets des défauts de réglage et l'enregistrement de courants avec l'appareil réglé; il montre, en particulier, la courbe d'un courant induit oscillant, dans laquelle l'influence des vibrations propres de l'inducteur apparaît netle= ment au début. — M. N. Gréhant « mesuré l'effort mazimum que peut produire un muscle isolé à l'aide d'un myo-dynamrmôtre à sonnerie. Les courants induits d'un appareil de Du Bois-Reymond traversent un muscle uastroenémien de grenouille, dont la contraction télaz nique, en entrainant un fléau de balance, ferme le cireuit d’une sonnerie électrique; on peut porter la charge du musele jusqu'à 1.200 grammes, Sans que la contraction cesse de se produire. Les poisons ne semblent pas, en général, moditier cette force portante du muscle: avec une grenouille qui a vécu vingt-quatre heures, sans paraitre incommodée, dans l'hydrogène ou dans une atmosphère contenant 50 °//0 d'oxyde de car- bone, ou encore qui a été asphyxiée par l'acide carbo- nique, on oblient loujours les mêmes résultats. Un musele curarisé ne présente rien de spécial; la véra= trine seule, qui modilie si profondément le tracé mus- culaire, réduit beaucoup le poids maximum que peut soulever le muscle. — M. Gréhant donne quelques détails sur les derniers perfectionnements qu'il à ap- portés au grisoumètr: de Goquillion (Compies rendus, {. LXXXII et LXXXVID); après avoir fait passer qualre cents fois le courant dans la spirale de platine qui traverse le mélange à analyser, on prend soin pour faire les lectures, de ramener les gaz à la pression atmosphérique; on juge que ce résultat est atteint par l'observation d'un tube en U contenant de l’eau, bran= ché sur l’éprouvette. M. H. Le Chatelier doute qu'on puisse obtenir une grande précision dans des mesures faites sur l'eau; en portant le platine au rouge blanc, on obtient la combustion presque instantanée du gri- sou. Les appareils basés sur là mesure de la vitesse d'inflammation sont seuls employés aujourd'hui. — NL. Villard a observé une réflexion et une réfraction des rayons cuthodiques. Un faisceau de rayons cathodiques qui tombe sur une lame mélallique mince la traverse et sort normalement à la lame, quelle que soit la direc- lion de celle-ci. Le faisceau réfracté est d'autant plus diffus que son intensité est plus grande; il produit les effets ordinaires d'échauffement et de fluorescence, ces derniers avec peu d'intensité; il est dévié par l'ai- mant. On ne constate ces phénomènes qu'au delà d'une lame suffisamment mince, ce qui exelut l'hypoz= {bèse d'une nouvelle émission sur la lame fonctionnant comme cathode, En avant d'une lame reliée où non à l'anode, on peut observer une réflexion qui donne également naissance à un rayon d'abord normal; l'en- semble de la trajectoire rappelle la forme d’une veine liquide qui, tombant verticalement, se réfléchil, puis tend à reprendre sa direction primitive. Deux faisceaux séparés, tombant sur la même lame, peuvent se couper après réflexion dans leur partie courbe. Ces phéno- mènes apparaissent avec une netteté particulière dans les vides qui commencent à donner naissance aux rayons X ; si le vide est moins élevé, il faut rapprocher la lame de la cathode: M. Villard présente des photo- graphies de tubes dans lesquels des rayons sont réfléchis ou réfractés. C. RavEAu. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 397 SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 19 SGIENCES PHYSIQUES NVilliam Ramsay, F. R. S. ct Morris W. Tra- vers : Les constituants gazeux de certaines sub- stances minérales et eaux naturelles. — Jxramen des minéraux : Le minéral était réduit en poudre fine dans un mortier d'agate, puis mélangé avec environ deux leis san poids de sullate acide de potassium ; le mélange élait placé dans un tube en verre dur, relié à une pompe de Tüpler, et, après qu'on eut fait le vide, chauffé jusqu'au rouge avec un bec de Bunsen. Les gaz dégagés étaient pompés, puis recueillis sur le mercure dans un tube contenant un peu de polasse caustique en solution. Le minéral était quelquefois chauffé seul; le résultat élait le même, mais le dégagement des gaz était généralement moins rapide. La fergusonile, la sa- marskite, la monazite ont donné jusqu à 1,5 c. e. d'hé- lium par gramme, la columbite (variété de tantalite) 1,3 ©. ©. d'hélium. Un échantillon de piichblende du Colorado a donné 0,36 c. e. de gaz, dont 0,3 ce. c. d’hé- lium. 5 grammes de malacone (ZrS0*) donnèrent 12 c. c. de gaz non absorbable par la soude caustique : après explosion avec l'oxygène, il restait 0,1 c. c. de “az, lequel, soumis à l’étincelle électrique, montra les raies de l'argon et de l'hélium. D’autres essais faits avec de plus grandes quantités du minéral, ont donné des résultats identiques. Le cinabre, la cryolithe, l’apatite, la serpentine, le gneiss, du minerai de cobalt, de la lave d'Islande, du diamant, donnèrent des quantités varia- bles de gaz; mais ces gaz consistaient entièrement en hydrouène, oxygène et oxyde de carbone. La célestine et la seapolite ne donnèrent rien. Cinq échantillons dif- férents de fer météorique donnerent des quantités va- 1iables de gaz, consistant uniquement en hydrogène. Examen des eaux minérales. — Une tourie d’eau de la source sulfurée de Harrogate donna 650 €. c. de gaz; après aclion de l’étincelle, il resta 45 c. e. d'argon. Une tourie d'eau des sources de Strathpeffer donna un litre de gaz. lequel contenait 22 c. c. d'arzon. M. Bouchard à, le premier, signalé la présence d’argon et d'hélium dans les eaux minérales de Cauterets; les auteurs se sont rendus dans cette localité et ont prélevé, au moyen d'un dispositif ingénieux, des échantillons des gaz qui s'échappent des sources Raillère, des OEufs, César et Espagnole. Le gaz de la source Raillère contient de l'argon et beaucoup d'hélium; celui de la source des OEufs, de l’argon avec peu d'hélium; celui de la source Espagnole, de l’argon et de l'hélium; celui de la source César, de l’argon avec un peu d’hélium. Les auteurs ontes-ayé de séparer les mélanges de gaz obtenus en plusieurs constituants, soit en se basant sur leurs solu- bilités diférentes dans l’eau, soit au moyen de la diffu- sion; mais les parties de gaz obtenues n'ont jamais montré, au spectroscope, d’autres lignes que celles de l'argon et de l'héliumn. — Les auteurs sout parvenus à séparer largon de l'hélium en absorbant ce dernier gaz par du platine déposé sur les parois du tube où jaillit l’étincelle. La combinaison de platine et d'hélium laisse ensuite dégager l'hélium quand on la chauffe forte- ment dans un tube. 29 SCIENCES NATURELLES Sbelford Bidwell, F.R.S.: Sur les phénomènes de coloration qui accompagnent des variations subites d’illumination. — Les expériences qui suivent ont été entreprises dans le but de donuer une explica- tion des phénomènes de coloration produits par la toupie de Bentam. Cette toupie est formée par un disque de carton d'environ 10 cent. 8 de diametre; une moitié du disque est noircie; l’autre moitié présente, sur fond blanc, quatre groupes de trois lignes noires, ayant la forme d’arcs de cerele concentriques d'une ouverture de 45°, situés à des distances différentes du centre du disque. (fig. 1); l'épaisseur des lignes est d'environ { millimètre. Quand le disque tourne, chaque groupe de lignes présente une couleur différente. Mais la na- ture des couleurs dépend de la vitesse de rotation, de la nature et de l'intensité de l'illumination. L'auteur à adopté, dans ses expériences, une vitesse de 5 fours par seconde et l'éclairage d'une lampe à incandes- cence de 146 bougies placée à 15 centimetres. Dans ces conditions, le groupe de lignes internes apparaît d’une couleur rouge vif, le groupe voisin rose brun, le groupe suivant vertolive et le dernier groupe bleu sombre. Si la rotation du disque est renversée, les couleurs appa- raiss- nt dans l'ordre inverse. La plus frappante de ces couleurs est le rouge, à peine y a-l-il quelque hésita- lion pour le bleu, mais les teintes des deux groupes intermédiaires sont plus indécises et difficiles à spéei- fier. Les deux seules théories sérieuses qui aient été données de ces phénomènes sont celles de Liveing el d’Abney. La théorie de Liveing repose sur l'hypothèse que cerlains constituants de la lumière blanche sont plus rapidement percus par l'œil que d’autres, (le rouge étant le premier à cel égard) et que la durée de l'im- pression de chaque constituant diffère (le bleu étant le Fig. 1. — Joupie de Benham. dernier à disparaitre). Abney pense que les phénomènes s'expliquent facilement si lon admet que l’ordre de persistance des sensations colorées est : violet, vert, rouge. Plusieurs objections peuvent être faites à ces théories; en particulier, le fait que, si l'on augmente l'épaisseur des lignes, le rouge et quelques autres cou- leurs n'apparaissent plus que sur les bords, autorise suffisamment à les rejeter. Pour l'auteur, la vraie expli- cation, spécialement en ce qui concerne le rouge et le bleu, doit être recherchée dans les phénomènes colorés qui accompagnent les changements subits d'illumina- lion. Voici quelques expériences faites dans cet ordre d'idées. Expériences. — Une plaque métallique est percée d'une ouverture circulaire, qu'on recouvre de mince papier blanc portant diamétralement une bande de papier d'étain; on place à 30 centimètres derrière la plaque une lampe à incandeseence de 8 bougies. L'ou- verture, d'abord masquée par un obturateur, est décou- verte rapidement : 1° On observe que le disque lumi- neux semble s’accroître, puis il revient à sa largeur primitive; au contraire, la bande de papier d’étain semble se rétrécir, puis s'élargit ensuite. 2° Un halo lumineux, bleu ou bleu-violet, apparaît, s’élargit au delà des bords du disque, puis se contracte rapidement et disparait. 3° En même temps, le disque parail entouré d'une couronne rouge-vif, qui se dilate égale- ment, puis se contracte ; l'accroissement apparent du disque lumineux est probablement dû à lextravasation 398 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES de cetle couronne rouge. La bande de papier d’étain araît également rouge. Si on déplace rapidement la ampe derrière l'ouverture, les bords de la traînée de lumière formée sont rouges. Si on se sert d’une lampe de 16 bougies, la couleur rouge fait place à une couleur bleu-verdätre. Lorsqu'on fait usage de lumières colo- rées, la bordure rouge n'apparaît que si la lumière contient des radiations rouges et jamais dans le cas contraire. Ces phénomènes n'apparaissent qu'aux per- sonnes très exercées à ce genre d'expériences; l’auteur indique un appareil simple qui permet de les rendre visibles aux observateurs non initiés. — Dans un disque de carton de 15 centimètres de diamètre, on découpe un secteur de 60°; le reste du disque est divisé, par un rayon, en deux parties, dont l'une est peinte en noir. Le disque tourne à une vitesse de 5 ou 6 tours par seconde ; il est éclairé par une lampe de 16 bougies. Une carte blanche sur laquelle on à tracé des lignes noires est placée sous le disque, de facon à être vue quand elle se trouve sous le secleur enlevé. Si le disque tourne de facon à ce que le secteur supprimé suit pré- cédé par la partie noire du disque et suivi par la par- tie blanche, les lignes noires apparaissent en rouge. Si on tourne dans le sens contraire, les lignes noires appa- raissent en bleu, comme les lignes extérieures de la toupie de Benham. Mais si on analyse de plus près ce dernier phénomène, on voit qu’ n'y a là qu'une illu- sion : c’est le fond blanc immédiatement contigu aux lignes noires qui devient bleu; les liynes elles-mêmes sont grises. En effet, si une feuille de carton entière- ment noircie est placée sous le disque tournant, elle apparaît grise ; mais si l’on place au milieu de la feuille de carton un petit morceau de papier blanc, les bords du papier sont colorés en bleu, mais non le carton noir. En résumé, si un disque noir apparaît subilement sur un fond blanc, il paraïtra entouré d'un bord bleu. Remarques sur les eæperienves. — Le halo bleu observé dans la première expérience peut être dù, soit à une excitation sympathique des fibres nerveuses de la rétine placées au voisinage de celles directement influencées par la lumière ou à de la lumière dispersée par le milieu imparfaitement transparent de l'œil; dans ce dernier cas, la disparition rapide du halo peut être attribuée en partie à la diminution de sensibilité de la rétine après la première impression, eu partie à la contraction de l'iris. L'intérieur sombre du halo est prohablement counexe à une classe de sensations lumineuses étudiées par M. Aug. Charpentier : ce dernier a observé que la sensation de luminosité est suivie immédiatement par une réaction sombre tres brève, Quoi qu'il en soit du halo bleu, il n’y a aucun doute que la couronne rouge ne soit due à une excilation sympathique; lorsque les libres nerveuses rouges de la théorie de Young-Hel- mholtz sont affectées par une lumière dont l'intensité ne dépasse pas certaines limites, les fibres avoisinantes sont affectées sympathiquement pendant une courte période, tandis que les fibres violettes et vertes réa- gissent peu ou pas. Il est plus difficile d'expliquer pour- quoi, lorsque l'intensité lumineuse dépasse une cer- taine limite, le bord rouge est doublé ou remplacé par une bande hleue-verte, Lorsqu'une toupie de Benham tourne à la lumière du jour, il est très possible d'aper- cevoir le rouge et le bleu-vert en même temps: la per- sistance du bleu est plus grande que celle du rouge. Le bleu-vert paraît être une couleur complémentaire du rouge, et c'est le développement de cette couleur qui rend le rouge moins visible à la lumière ordinaire qu'avec une lumière artificielle. — La formation d'un bord bleu autour des objets noirs sur fond clair peut s'expliquer par une réaction sympathique brève dans les fibres nerveuses adjacentes à celles où le stimilus excitant n'existe pas, cette réaction ‘étant plus pro- noncée pour les fibres rouges ou ayant lieu seulement pour ces fibres; si les fibres rouges immédiatement exté.ieures à la région noire cessent pour un moment dé répondre à l'excitation lumineuse, comme les fibres comprises dans cette région, il se produira un bord bleu. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 12 Mars 1897. M. William Barlow : Sur une cause mécanique de l'ho- mogénéité de structure et de symétrie. L'auteur établit d'abord que toute structure homogène montre l’une ou l’autre des trente-deux espèces de symétrie cristalline: il montre ensuite que des structures homogènes pos- sédant la plupart, si ce n'est toutes ces espèces de symétrie, peuvent être produites mécaniquement elles sont létat d'équilibre d’un assemblage de par- ticules qui se repoussent mutuellement, et ces systèmes mécaniques offrent des propriétés analogues à cwlles de la matière cristallisée. L'auteur part du point de vue suivant : Un eertain nombre de particules de diffé- rentes natures se repoussant mutuellement sont dis- persées dans l’espace: la différence de leurs natures consiste simplement dans la différ.nre de répulsion mutuelle entre des particules semblables de deux natures différentes. Tout assemblage ainsi constitué tendra continuellement ou coïncidera avec un étal limite, dans lequel les particules seront disposées de telle facon qu'elles occuperont un espace minimum sous une pression générale (ou une répulsion moyenne) donnée. Cette loi, que l’auteur appelle la loi de l'arran- gement le plus compact, régit tous les assemblages de particules définis plus haut, quelque nombreuses que soient les espèces de particules; mais l'arrangement limite ne peut être déterminé que si l’on se trouve en présence d'un petit nombre de particules différentes. L'auteur étudie alors les assemblages les plus simples el indique le type de symétrie qui se produit lorsque l'équilibre des particules est réalisé. La description est illustrée par des modèles composés de petites sphères en bois représentant les particules. De très petites variations dans la répulsion des particules altèrent la forme de l'arrangement d'équilibre, quelquefois en modifiant seulement les angles sans affecter le type, d'autres fois en changeant le {ype. Les variations du premier cas sont analogues aux déformations des cris- taux soumis à des variations de température, celles du second cas sont analogues à ce qui se passe dans le polymorphisme. L'auteur moutre comment sa théorie peut expliquer certaines propriétés des cristaux et le mécanisme des combinaisons chimiques. Mars 1897. M. R. Appleyard signale quelques expériences sur la cohésion des liquides servant de conducteurs : 19 Un tube de verre contient du mercure et de l'huile de paraffine ; on l’agite jusqu'à ce que le mercure se divise en petits sphéroïdes. Dans ces conditions, la résistance de la chaîne de sphéroïdes est de plus eurs mégohms. Si l’on fait passer dans le liquide un courant ou la décharge d’un oscillateur, la cohésion se manifeste et les petits sphéroïdes se rassemblent en larges globules : en même temps la résistance tombe ju-qu'à une frac- lion d'ohm; 2° Une expérience analogue peut être réa- lisée avec de l’eau en suspension dans de l’huile. Après électrisation, l'eau est précipitée comme de la pluie dans l'air; 3 Dans une autre expérience, des globules de mercure émettent, sous l'influence de l'électricité, des espèces de tentacules qui peuvent se résoudre en un certain nombre de pelitssphéroïdes. —M.W.Ramsay dit qu'il a essayé de produire du beurre en rassem- blant les particules grasses du lait par l'électricité. — M. Dalby présente cinq appareils montrant, d'une facon pratique, le degré de liberté des corps qui sont retenus par un certain nombre de points. — M. Thomp- son expose deux appareils destinés à mettre en évi- dence ce principe que tout mouvement harmonique simple peut être considéré comme la résultante de deux mouvements directs opposés. Dans le premier cas, deux mouvements circulaires opposés d'éuales pé- riode et amplitude forment un mouvement rectiligne: dans le second cas, deux mouvements harmoniques Seauie. du 26 ACADÈMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 399 simples d'égales période et amplitude avec une cer- laine diff -rence de phase forment un mouvement cireu- laire. — M. Thompson #xécule quelques expérienres avec une couleur sensible à la chaleur, composée avec un iodure double de cuivre et de mercure; à la tempé- rature ordinaire elle est rouge, au-dessus d: 97% noire. Si on en couvre un papier et qu'on le chauffe, le chan- gement de couleur se fait en quelques secondes; si on applique la main derrière le papier de facon à le refroidir localement, la main apparaît en rouge sur noir. — M Thompson présente un appireil qui montre le mode de tran-miss on des osvillalions hertziennes. Une rangée de balles de plomb sont suspendues en ligne droite par des fils, lesquels sont arrangés en forme de filet, Si Lon veut proyager dans le système une ondulation de la forme des ondes acoustiques (en balançant la première balle dans Le plain des autres), le mouvemeut s'arrèle, car il est empêché par le filet. I n'y a que les vibrations transverses qui peuvent être transmises, Séance du 9 Avril 1897. M. T.-A. Garnett el W. Lucas décrivent un nouveau téléphone avec aimantsen nickel". — M.S.-P. Thompson dit que des récepteurs a fils de nickel ou de cobalt lui ont donné de bons résultats: mais il n'a rien obtenu en se servant de ces métaux pour les transmetieurs, — M. W.-A. Price étudie au point de vue mathématique une nouvelle forme de cable sous-marin. 11 se compose de deux conducteurs concen'riques interrompus alter- nativement à différents points sur toute leur longueur. Le câble est supposé posé en cercle, et des charges successives d'électricité sont appliquées à l'extremité d’un diamètre; on calcule l'amplitude des charges périodiques arrivant à l'extrémité opposée du dia- mètre. La théorie indique que, dans aucun cas, la vitesse de ce càble- ne peut être plus grande que celle d'un càble ordinaire. La « définition » des signaux est meilleure que celle obtenue avec un cäble ordinaire de même poids et de mème longueur. — M. W.-A. Price montre un galvanomètre dont l’iguille est supportée par des fils de caoutchouc. — MM. H. Garnett el W.-B. Morton étudient l'effet produit par l'insertion d'un con- den-ateur dans le circuit secondaire de l'appareil em- ployé par Blondlot pour obtenir des ondes électriques stationnaires dans les fils. La position des nœuds était déterminée comme d'habitude par un pont et un lube à vide indicateur. La valeur du déplacement des nœuds dépend de la position du condensateur; elle est nulle quand il est placé à un nœud, maximum quand il est au milieu entre deux nœuds. ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM Séance du 27 Février 1897. 1. SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. H.-G. van de Sande Bakhuyzen rend hommage à la mémoire de K. Weier- strass, membre étranger de l’Académie, décédé, — M. G. de Vriès : Les équations du mouvement les cyclones. L'auteur cherche à démontrer qu'on peut arriver à une solution en faisaut des supposiltionssimpifiantes. D'après ses résultats, la supposition du D' Pockels (Meteorolo- gische Zeitung, 1893) est à rejeter. 2. SCIENCES PHYSIQUES. — M. J.-D. van der Waals Particularités de forme de la courbe de*rusi n. L'auteur continue la précédente communication (voir Revue géné- rale des Sciences, t. VIIL, p.219) sur la courbe f (æ, +) —0, où æ représente pour la matière solide (sel) la teneur en sel anhydre, tandis que + indique la température de fusion. En flagrant désaccord avec les résultats de M. H. Le Chatelier: « Ueber einige Eisentümlichkeiten der Lüsl:chkeitskurven » {Sur quelques particularités de courkes de solution, Zeitschrift für Phys. Chem., L. XXI), M. van der Waals prouve d'abord que la tem- 4 La Revue consacrera prochainement une notice détaillée à cette intéressante application. pérature maximum de fusion qui se présente quand la teneur æ de la matière solide est égale à celle de la matière liquide, est un maximum ahsou; ensuile que le p'int correspondant de la courbe est un maximum analytique et non pas un point anguleux, si æ diffère des deux valeurs limites zéro et l'unité. — M. H. Kamer- linsh Onnes présente un mémoire de M. W. van Bem- melen inlitilé : Werte der erdmagnetischen Deklination für die Periode 1500-1700, und ihrer Säcular-Varia- tion für die Periode 1500-1850. — M. H. Haga pré- sente, au nom de M. P.-G. Tiddens (Groningur), un mémoire : Remarques sur les expériences de M. Fomm, se rapportant à la longueur d'onde des rayons X. L'au- teur démontre que les “onclusions de M. Fomm ( Wi-de- manns Annuln, o L. 1896) sont lout à fait illusoires et que l'explication de M. Sagnac (Comptes rendus, no- vembre 1896) ne s'applique pas à une nouvelle série d'expériences qu'il vient de faire. — M. A.-P.-N. Fran- chimont iraile du groupe nitro dans les n {ramines. Selou lui les nilramines neutres et les nitramines acides contiennent le même groupement. Mais si, dans les der- nières, on remplace l'atome d'hydrogène par uu métal, celui-ci se transporte plus facdement de l'azote à l'oxy- sène. Ces dérivés mélalliques réagissent de deux facons avec des chlorures d'akyvle, mius aucun des produits, ui la vraie nitramine neutre, ni son isomére, ne rendent la nilramine acide dans le fra tement avec un alcali. Aucun des deux ne se comporte romume le ferait un éther composé d'un acide stable, Cependant, le carac- tère acide de la méthylnitramine est démontré, parce qu'elle décompose le: carbonates, les cyanures, les cya- nutes, les sulfures, les s illites, Les azolites, les alcaiis: elle réagit sur le tournesol et se combine directement à l'ammoniaque. Sa condurli ilité éle trique n’est que très faible et ne peut démontrer pas plus que les propriétés prévédentes la présence d'un groupe OH. La méthyinitramine réagit, ainsi que les nitroéthanrs, immédiatement el à froid avec l'alcool pipéridinomé- thylique en donnant un corps bien cristallisé foudant à 51°; une molécule d'eau est éliminée. De la mème facon se conduit |'éthvlène dinitramine ave- deux molé- cules de l'alcool susdit. Mais ces corps différent de ceux proiuils par les nitroéthanes en ce qu'ils sont facile- ment decomposés à froid par les alcalis ou leurs carbo- nates en rendant la nitramine et l'alcool. Toutes les propriétés des nilramines acides s'expliquent facile- ment avec les formules ordinaires en admeltant que l'atome d'hvdrogène mobile se fixe selon les circons- tances, tantôt à l'azote, tantôt à l'oxygène; en tout cas, celte explication est préférable à celle qui se bas: sur une formule nwuvelle, proposée récemment par M. Hantzsch. — Ensuite M. Franchimont présente un travail de M. P. van Romburgh (lBuitenzorg, île de Java) sur l'action de l'acide azotique fumant sur la méthyléthylaniline et d: l'anhydride chromique sur la 2.4 dinitrométhyléthylaniline. La première réaction à engendré la trinitrophénylméthylanilime ; oonele groupe éthyle a été oxydé et remplacé par A7z0.. Le même résullat futobtenu en traitaut la 2.4 dinitrométhyléthyl- aniline avec l'acide azotique fumant. Dans la secon le réaction, c'est encore le groupe éthyle qui est oxydé; ici il «st remplacé par un atome d'hydrozène, caral s'est formé de l’aldéhyde et la 2.4 dinitromouométhylaniline. 3. SCIENCES NATURELLES. — M. H -J. Hamburger vun- tinue ses recherches sur l'influen-e de l'acide carho- nique sur le gouflement des corpuseules rouges et blancs du sang (voir Revue gén. des Sciences, &. VIT, p. 40). Il se demande s'il s'agit ici d'une action spécifique de ce gaz ou bien si l’on a affaire à un cas special d’une action d'ac des en général. Or, il trouve que, par l'ad- dition de quanlisés minimes d'acide chlorhydrique ou d'acide sulfurique (0.00%% °/;) les globules rouges et blancs se gontlent disinctement, Au centraire, on oblient un réliéci-sement par l'addition de KOH. Ces phénomènes s'expliquent par le fait que, par l'addition d'acide, la force hydrophile du contenu liquide des glo- bules subit un accroissement plus considérabie que L_! 100 ACADÉMIES ET SOCIÈTÉS SAVANTES celui du sérum ambiant et que, par l'addition d'alcali, | magnétisantes; l'autre se développe lentement après la il se montre précisément le contraire. — M. R.-D.-M. Verbeek présente un exemplaire de l'ouvrage intitulé « Description géologique de Java et de Madoura », par le D'R.-D.-M. Verbeek et R. Fennema, en deux volumes avec atlas. À celte occasion, il donne un apercu des formalions qui se rencontrent à Java. Dans l’île de Java méme on ne rencontre pas de roches plus anciennes que les roches crétucées, mais dans l'archipel voisin des Karimoundiawa, on trouve des quartzites et des schistes argileux qui, de même que les roches de Bangka et de Biliton, sont probablement paléozoïques. On trouve ensuile à Java des assises du terliaire inférieur, avec nummulites, orhbitoides à loges médianes rectangu- laires et alvéolines. Les couches néo-tertiaires qui atteignent l'épaisseur considérable de 6.000 mètres, se distinguent du tertiaire inférieur par l'absence des nummulites et l'apparition d'orbitoides à loges médianes spatuliformes. Les assises, que l’on peut diviser, suivant leur position, en trois étages ou sections, renferment presque toutes du gravier de roches éruptives du mio- cène inférieur, savoir : des andésites et des basaltes. Parmi les roches éruptives on trouve, dans la formation crélacée du diabase, du gabbco et de la porphyrite à quartz; dans le tertiaire inférieur également des roches présentant encore un caractère ancien et correspondant complètement aux diabases et diorites d’assises beau- coup plus anciennes de l'Europe. Les roches érupluves miocènes, au contraire, ont un aspect plus récent et appartiennent aux andésites et aux basaltes. Les ro/cans, au nombre de 421, en y comptant les iles volcaniques du détroit de la Sonde, ont déjà pris naissance à l'époque du tertiaire supérieur ; ils ont été édifiés principalement dans la période quaternaire par accumulation de maté- riaux autour d'un centre, le cratère. Quelques-uns sont encore actifs dans la période actuelle : il y a 14 de ces volcans dont on connaît des éruptions modernes. Cinu «des cimes volcaniques se composent de roches leuci- tiques et néphéliniques, tout le reste d'andésite et de basalte outre des quantités très peu importantes d'ob- sidienne et de ponce. Les sédiments quaternuires sont presque totalement formés de gravier volcanique, dis- posé ordinairement en couches horizontales, en sédi- ments, partiellement d'eau douce, partiellement d'eau marine. Entin les formations alluviales se composent des alluvions les plus récentes des rivières et de la mer, sable et argile, puis calcaire corallien, déjections volca- niques et quelques autres roches. L'auteur montre une carte géologique de Java jointe à l'ouvrage susdit et termine en dounant un aperçu des minéraux utiles de Java. Les minerais sont de peu d'importance. Les houîlles que lon trouve dans la formation éocène du Bantam méridivnal ne promeltent pas grand chose, surtout à cause de leur position très défavorable. Le pétrole tou- lefois est de urande importance. Il se montre à Java dans les couches néotertiaires et doit probablement son orisine principale à la masse sarcodaire de fora- minifères très petits mais représentés en quantité innombrable. Sumatra et Bornéo semblent également riches en pétrole. — Rapport de MM. C.-K. Hoffmann el T. Place sur le mémoire de M. Eugène Dubois : Le rapport entre le poids du cerveau et le volume du corps des Mammifères. P.-H. Scnoure. ACADEÈMIE DES SCIENCES DE VIENNE Séance du # Mars 1897. 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Em. Wælsch : Sur les surfaces à arcs élémentaires de Liouville. M. Fr. Maly : Principes du calcul de médiation. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. I. Klemencic comintu- nique ses recherches sur le retard magnétique, L'induc- tion magnétique, qui se produit dans les fils de fer doux chauffés pendant longtemps dans un champ magnétique faible, se compose de deux parties, comme l'ont montré Ewing et Lord Rayleigh. L'une suit immé- diatement lapparition et la disparition des forces première, de telle facon que l'intensité magnétique n'atteint son maximum qu'après quelques minules. C'est cet effet que l’auteur appelle retard magnétique: il se forme plus rapidement au milieu du fil qu'aux extrémités. Il ne se produit que dans les champs faibles et diminue quand la force du champ augmente, L'au- teur n'a pu mettre en évidence la relation qui existe entre le retard magnétique et l'épaisseur du fil, proba- blement à cause des échauffements différents des divers ils. Le phénomène ne se produit qu'avec des fils neufs. — MM. F. Ulzer et H. Seidel : Sur l'acide lactique. Les auteurs indiquent un nouveau procédé de dosage de ce corps, qui consiste à l’oxyder en acide. oxalique par le permanganate de potasse dans un milieu alcalin. Les auteurs ont reconnu que les acides lac- liques du commerce renferment des anhydrides du groupe des lactones. — M. L. Kohn étudie les produits de condensation de l'aldéhyde isovalérique. Par l’action de la potasse alcoolique sur le valéral, l'auteur à obtenu un polymère de ce corps, auquel il attribue la formule du valéraldol; cette formule se vérifie par la prépara- tion el\l'analyse de l’oxime et de l'oxyacide correspon- dants, Le valéraldol est instable aux hautes tempéra- tures; dans sa décomposition, il se forme souvent un aldébyde non saturé C!°H'0, 3° SCIENCES NATURELES. — M. F, Becke donne la des- cription du tremblement de terre qui s’est fait sentir le 5 janvier 1897 dans le sud du Bôhmerwald. — M. A. Adamkieviez : Sur la pression intra-crâänienne et le mouvement du liquide cérébrospinal. Séance du 11 Mars 1897. SCIENCES NATURELLES. MM. M. Steinlechner el C. Tittel : Le musculus ventriculuris de l'homme. Séance du 18 Mars 1897. 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. M. F. Mertens com- munique deux notes: l'une relative à la preuve, donnée par Dirichlet, du théorème d’après lequel toute pro- sression arithmétique infinie de nombres entiers, dont la différence n'a pas de diviseur, contient une infinité de nombres premiers; l’autre sur un problème de la théorie des nombres. 29 SCIENCES NATURELLES. — M. A. Wagner : Monogra- phie du genre Pomalias Sluder. — M. A. Kreïdl com- munique ses recherches sur les racines des nerfs glosso-pharyngien vague el accessoire chez les Singes. Il s'agissait de trouver les racines nerveuses qui, dans leur développement périphérique, forment les nerfs moteurs du larynx, du pharynx, de l’æsophage, les fibres suspensives du cœur el les fibres de Hering- Breuer. L'auteur à employé la méthode qui a servi à Grossmann dans ses recherches analogues sur les lapins. — M. Lorenz von Liburnau donue la descrip- lion d’une nouvelle espèce fossile, la Halimeda Fuggeri, trouvée dans le flysch préalpin de Muntigl (près Salz- bourg). Séance du A Avril 1897. 1° SGrENcES PHYSIQUES. — M. Bruno Bardach : Sur là cause de la coagulation des laits chauffés. On sait que le lait chauffé au-dessus du 400° se coagule au bout d’un certain temps, qui peut varier de douze heures à 1009 jusqu'à trois minutes à 150°, L'auteur établit que cette coagulation est due à une (ransformation de la caséine, qui a lieu grâce à la formation d'une petile quantité d'acide aux dépens de Ja lactose contenue dans le lait. 20 SCIENCES NATURELLES. — M. Lazar Car : Sur le mé- canisme de la locomotion chez les Pulmoncées. M. J. Zanietowski communique ses études graphiques sur le mécanisme de lexcitabilité dans l'électrisation. -M. J. Schaffer : Sur les glandes du tube salivaire de l'homme. Le Directeuwr-Gérant : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette, 8° ANNÉE N° 10 30 MAI 1897 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER LES VOYAGES D'ÉTUDE DE LA REVUE Un goût plus vif et plus éclairé pour les voyages semble se manifester depuis quelques années dans l'élite de notre société française, si longtemps accusée de ne pas savoir franchir les limites de la Patrie, d'oser à peine s'éloigner du foyer familial. Ge mouvement est trop intéressant au point de vue du développement in- tellectuel de notre pays, pour que la Revue générale des Fe à n'estime pas devoir le seconder de toutes ses orces. Des contrées parcourues, le géographe rapporte une vision plus nette. L'’historien et l’ethnographe com- prennent mieux le développement d'une civilisation, les circonstances qui ont influé sur la formation d'un peuple, les conditions de la lutte des races, après avoir visité les monuments de l'antique Egypte, les vieilles cités de l’Asie-Mineure ou cette grande ville cosmopo- lite qu'est la moderne Constantinople. Si nécessaires que soient aujourd'hui au géologue, au physicien, au biologiste, les études de cabinet, le laboratoire ne sau- rait dispenser ces chercheurs d'observer de leurs yeux les grands phénomènes naturels : le cratère encore enflammé du Vésuve, les fjords et les glaciers de la Norvège, une forêt des tropiques n’en apprennent pas moins au savant qu'au simple touriste. L'artiste, qui est en tout homme cultivé, le littérateur, l’archéologue ne se trouvent-ils pas en plus étroite communion d'idées avec les Maîtres lorsqu'ils connaissent le pays même — Grèce, Italie, etc. — où ceux-ci ont vécu, rêvé et travaillé, où sont venus au jour les chefs-d’œuvre qu'ils ont enfantés et dont la beauté se révèle plus saisissante lorsqu'on les voit se dresser encore debout sur le sol natal? À la suite de longues et patientes recherches dans les documents arides de la Statistique, quelle im- pression de vie intense ne ressentira pas l’économiste à voir palpiter sous ses yeux, comme des organismes en pleine activité, les cités industrielles et manufactu- rières du Royaume-Uni et de l'Allemagne, les grands ports du Nord de l'Europe? ; A côté de cet attrait particulier, presque profes- sionnel, que présente le voyage pour le spécialiste de REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897. chaque genre d'étude, un avantage d'ordre supérieur en résulte : chacun est en droit d'y chercher plus et mieux que la satisfaction d'une curiosité simplement technique. « Je crains l’homme d’un seul livre », disait Sénèque ; à nul il n’est permis aujourd’hui d'être strictement l'homme d’une seule science ou d'une seule idée. Savants ou artistes, hommes d'étude ou d'industrie, jeunes gens sortant des écoles, hommes du monde mêmes, il faut que tous aient_«-des clartés de tout »; tous doivent chercher et trouver dans le voyage un complément à leur culture générale, un enseignement dont bénéficient, en fin de compte, la Société et la Patrie, Pour retirer du voyage ce profit intellectuel, certaines conditions sont nécessaires. Il importe de ne pas s’en aller à l'aventure, avec un itinéraire de hasard, tracé sans discernement, et il est bon qu'une organisation prévoyante épargne au voyageur, presque à son insu, les mille soucis de la vie de chaque jour, surtout la perte d’un temps souvent étroitement mesuré. Il y a des livres à connaître et qui doivent être indiqués. Enfin, il faut que, choisis d'après leur compétence et leur expérience des contrées à visiter, des hommes d’érudition et de science veuillent bien se faire les ini- tiateurs de ceux qui, moins spécialement préparés, ont, avec le désir de voir, celui de comprendre et de retenir, alin de se trouver, au retour, plus riches d'idées et de connaissances. C'est dans cet esprit que la Revue à pensé devoir mettre à l'étude toute une série de voyages où, en as- surant à ceux qui voudraient y prendre part, toutes-les facilités matérielles, elle pourrait joindre à eux, comme directeurs et conférenciers, des hommes d’une autorité reconnue aussi bien dans les Arts et l'Archéologie que dans les Sciences et l'Histoire. Pour mieux y réussir, elle a demandé et obtenu la formation d’un Comité d'hommes de science et d'hommes d'exécution, devant donner les uns les conseils de leur savoir, les autres le concours de leur expérience pra- tique des grands moyens de communication modernes 10 402 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE tant sur terre que sur mer. Ce Comité se trouve dès | France a largement contribué et dont la destinée ne maintenant constitué comme il suit : saurait être réglée sans son concours ; Comité de Patronage et d'Études. MM. MM. O. Gréarp . . Vice-Recteur de l’Académie de Paris, T.Homwozre. . Directeur de l'Ecole francaise d'Athènes, membre de l'Académie française et de membre de l'Académie des Inscriptions l'Académie des Sciences moraies el poli- et Belles-Lettres ; tiques ; E. Levasseur . Professeur au Collège de France et au J. BouqQuET DE LA GRYE, Ingénieur en chef de la Marine, Conservatoire des Arls et Métiers, mem- membre de l’Académie des Sciences ; bre de l'Académie des Sciences morales E. Bourceois . Maitre de Conférences à l'Ecole Normale et politiques ; Supérieure ; A. Mine-Enwanps, Directeur du Muséum, membre de P. Brouarnez. Doyen de la Faculté de Médecine de Paris, l'Académie des Sciences, Président de la membre de l’Académie des Sciences ; Société de Géographie ; E. Caagrier. . Ingénieur civil, Administrateur délégué de G. Mono. . . Président de l'Ecole pratique des Hautes la Compagnie générale Transatlantique ; Etudes, maître de Conférences à l'Ecole L. GRANDEAU., Inspecteur générul des Slations Agrono- Normale Supérieure ; miques, membre du Conseil supérieur de A. MusnieR. . Administrateur de la Compagnie des Mes- l'Agriculture ; sageries maritimes. A. GRanDinier. Membre de l'Académie des Sciences, Prési- O. Noz . . . Publiciste, Administrateur de la Compa- dent du Comité de Madagascar ; gnie des Messageries muritimes ; S. HazroN., . Administrateur de la Compagnie générale L. Orrvier. . . Doctewr ès sciences, Dürecteur de la Revue Transatlantique ; générale des Sciences; E. Ham . . . Professeur au Muséum, membre de l'Aca- H.LÉonNaRDoN. Archiviste-paléographe, Secrétaire du Co- démie des Inscriptions et Belles-Lettres ; maté. En s’associant étroitement à celte œuvre de haute 2° Possessions françaises d'outre-mer. éducation intellectuelle, pour laquelle se sont ma- | Elle se préoccupera aussi de faire visiter à bon nifestées de si précieuses et de si honorables sympa- | nombre de nos compatriotes certaines colonies étran- thies, la Revue a pensé qu'elle ne faillirait point à sa | gères, anglaises et hollandaises, dont la bonne gestion mission. et la mise en valeur sont des modèles à imiter. Elle s'appliquera d'une façon particulière à faire & MU : : connaître à nos nationaux les contrées où se trouvent Nous DHOMerOnS prochainement, le programme des engagés des intérêts français : voyages d'étude que la Revue organise pour la présente ; PIE | nee. : : 49 Pays d'Europe au développement desquels la | SARSE La Direction. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE stations en 10 minutes environ. On a trouvé une con- S SES ee Distinctions scientifiques sommation de 860 watts-heure par kilomètre-voiture, et Élection d’un Savant français à la Société | une consommation de 2,6 kilogrammes de charbon. des Sciences de Haarlem. — La Société des Les Automobiles électriques. — À la même séance de la Société internationale des Electriciens, M. E. Hospitalier a fait une conférence sur les automo- biles électriques. Il admet qu’un cheval peut produire 500 watts et 3 kilowatts-heure par jour. Etudiant les différentes parties des automobiles, il rappelle qu’en ce qui concerne les accumulateurs on n’obtenait en 1894 que 2 watts par kilo et 12 watts-heure par kilo; on peut SDS Électricité | arriver aujourd'hui à 10 watts par kilo et 20 watts-heure par kilo. Les moteurs électriques ont fait aussi de Le système de traction électrique sur les | grands progrès et l’on atteint maintenant des rende- lignes de la Madeleine à Courbevoie, Neuilly | ments électriques de 80 °/, avec un poids de 15 à 20 ki- Sciences de Haarlem, qui, restée fidèle à ses illustres origines, tient à honneur de comprendre, avec les plus grands savants de la Hollande, les représentants les plus autorisés de la Science à l'Etranger, vient de s’as- socier notre éminent collaborateur M. Moissan, membre de l’Académie des Sciences de Paris et de la Société Royale de Londres. et Levallois. — Le système de traction établi sur | los par kilowatt. Les automobiles électriques présentent ces lignes a été, à la dernière séance de la Société inter- | de grands avantages au point de vue de la sécurité, de nationale des Electriciens, l’objet d’une intéressante | l'absence d'à-coups, des trépidations, de l'odeur, de la communication de M. J. Lanier. Nous empruntons à | propreté, de la mise en marche et de la commande. Ils l’auteur les indications suivantes. offrent l'inconvénient d'exiger la recharge, mais on Les tramways portent des accumulateurs Tudor, qui | peut s'arranger de manière à charger les batteries d’ac- sont chargés aux postes de repos à différence de poten- | cumulateurs pendant la nuit sur un réseau de distri- tiel constante. Des bornes de charge ont été installées | bution. Passant ensuite en revue les voitures construites aux extrémités des lignes. Ces bornes sont en commu- | en 1881 par M. Trouvé, en 1882 par M. Ayrion, en 1887 nication par des feeders avec la station centrale établie | et 4888 par M. Magnus Volk, en 1893 par M. Carli, par sur le quai de Seine, à Puteaux. L'usine comprend trois | M. Bouchain d'Armentières, en 4894 par M. Jeantaud, chaudières Babcok et Wilcox de 1.800 kilogrammes de | en 1894 et 1895 par MM. Moris et Salope, en 1897 par vapeur à l'heure, 3 machines Willans de 200 chevaux | MM. Kriéger, Darracq, Riker, il conclut qu'’actuellement actionnant directement à 450 tours par minute 3 dyna- | il faut compter une dépense de 100 watts-heure par mos Brown de 200 ampères et 660 volts. Les voitures de | tonne-kilomètre. Le prix de revient est environ de 52 places renferment 200 accumulateurs Tudor d’un | 4 francs par jour pour la charge et 4 francs pour l’en- poids total de 3.600 kilogrammes. Le service est établi | tretien et l'amortissement. Des fiacres électriques exis- et fonctionne depuis deux mois. La charge est faite aux | teront bientôt dans Paris. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 3. — Chimie Application de lAcétylène à FAnalyse chimique. — Les Berichte der deutschen chemischen Gesellschaft nous apportent un nouveau procédé d’ana- lyse chimique fondé sur l'emploi de l’acétylène au lieu du classique hydrogène sulfuré : M. H.-G. Süderbaum montre, en effet, dans un intéressant mémoire sur la question, que le cuivre est, par le gaz acétylène, préci- pité de la solution ammoniacale, et peut être, par ce procédé, séparé de métaux comme le zinc, que l’am- moniaque ne précipite pas. Le précipité obtenu offre sur le sulfure l’avantage, d’une part, de pouvoir être retenu sur place et lavé très rapidement, d'autre part, de mieux résister à l'oxydation qui réintroduirait le métal dans la solution. Nouvel appareil pour la diagnose rapide du Potassium. — On sait combien il est difficile, en analyse spectrale pratique, c'est-à-dire faite dans les usines, de déceler, par les caractères de la flamme, les composés du potassium. Le prisme d’indigo, employé dans ce but, offre l'inconvénient de laisser passer, outre les raies rouges du potassium, les raies de même couleur que donnent les sels de lithium, strontium, calcium et baryum. Or, le Patent Office de Londres annonce que M. S. G. Newth, chimiste au Royal College of Science de South Kensington, vient de faire breveter un appareil de son invention qui absorbe les radiations rouges autres que celles du potassium. Nous décrirons l'instrument dès que nous en posséderons la description. $ 4. — Géologie Les nouvelles Cartes géologiques. — C'est surtout par la pPREHon des cartes que progresse une des branches les plus importantes de la Géologie, la Géologie régionale; aussi nous semble-t-il utile de signa- ler ici les plus récentes. Plusieurs Etats, chez lesquels il existe un Service géologique depuis un certain nombre d'années, n’ont pas encore commencé à publier des cartes géologiques à petite échelle sous la forme de feuilles établies d'une manière uniforme pour tout le pays. Jusqu'à ces der- nières années, le Geological Survey des Etats-Unis était dans ce cas; il vient d'inaugurer, sous le titre de Geo- logical Atlas of the United States, la publication d'une carte détaillée qui comprendra, étant donnée l'immense surface du pays, plusieurs milliers de feuilles. Douze feuilles portant la date 1894, mais mises en vente en Eu- rope depuis peu seulement, ont paru; afin de donner une idée de l’œuvre future, on à choisi, pour la publication, des feuilles appartenant aux régions les plus diverses. Comme la complication de la structure géologique n'est pas la même dans les différentes parties du pays et comme l'intérêt que présentent les différentes régions au point de vue économique, est loin d’être partout comparable, la direction du Survey a choisi plusieurs échelles différentes : le 1/250.000, pour des régions simples et encore presque inhabitées, comme le Mon- tana ; le 1/125.000, pour des régions d’une complication moyenne, telles que la Californie et les Etats de l'Est; le 1/62.500 enfin, pour des régions offrant un intérêt géologique et minier tout particulier. Comme on le voit, le Survey a renoncé à l'échelle du mille au pouce (1/63.360), si fréquemment employée en Angleterre et en Amérique. Les feuilles au 1/250.000 correspondent exactement à un rectangle compris entre deux méri- diens et deux parallèles ; les feuilles au 1/125.000 ont les mêmes dimensions et correspondent par consé- quent à un rectangle ayant1/# de degré de côté ; celles au 1/62.500, à un rectangle de 1/16 de degré. Tandis que, dans les autres pays, on s’est, en géné- ral, contenté de publier un tirage unique de chaque feuille avec les teintes géologiques et un texte expli- calif, aux Etats-Unis on a voulu faire mieux : chaque feuille est représentée par toute une livraison, qui d) 403 comprend cinq tirages différents de la même feuille, plus une feuille de texte explicalif et une feuille de coupes idéales (« columnar sections »). Gomme le Ser- vice topographique fait partie intégrante du Geological Survey, on a placé en tête de la livraison une feuille topographique en trois teintes : le bistre pour les courbes de niveau figurant le relief, le bleu pour les cours d'eau (« drainage ») et le noir pour tout ce qui est l'œuvre de l'homme, villes, voies de communica- tion, etc. Une seconde feuille (« areal geology ») est consacrée au figuré de l'extension des formations géo- logiques au moyen des teintes conventionnelles. Une troisième feuille (« economic geology ») porte en outre l'indication des industries extractives. Enfin, sur une quatrième feuille, on a figuré plusieurs coupes du ter- rain représenté ; suivant un système très en vogue en Amérique, ces coupes sont placées sur la feuille géo- logique avec leur orientation réelle; elles sont rabat- tues le long de la ligne de profil sur le plan de la feuille, sur des bandes ménagées en blanc à cet effet. Les six feuilles qui constituent chaque livraison sont placées dans une couverture, sur le verso de laquelle on a reproduit huit colonnes d'explications générales, avec figures signées du directeur, M. Powell, tandis que le texte explicatif relatif à chaque livraison est signé des auteurs de la carte. Ces explications donnent des renseignements d’une clarté et d’une précision remar- quables sur la signification et l'utilité des cartes. L'Autriche, quoique son Institut géologique (4. k. geologische Reichsantalt) soit un des plus anciens et des mieux organisés, n'avait pas encore publié les cartes détaillées dont les minutes s'accumulent depuis des années dans les archives du Service. Un premier pas vient d'être fait : dix feuilles au 1/75.000, gravées et coloriées ont été mises en vente. Elles sont groupées en trois livraisons : la première, de six feuilles, est l’œuvre de Stur; elle comprend les environs de Vienne; un texte explicatif a été rédigé, après la mort de l’auteur, par MM. Paul et Bittner ; la seconde ne comprend qu'une feuille, c’est la carte des environs d'Olmütz, par M. E. Tietze; la troisième est consacrée aux Karawan- kas orientales : elle comprend trois feuilles, qui sont l'œuvre de M. F. Teller. Plusieurs autres livraisons sont en préparation, mais, de même que les premières, elles ne constitueront que des essais, car l'édition définitive et uniforme pour tout le pays cisleithan ne commen cera à paraître qu'à partir de 1899; il est à souhaiter que la gamme des couleurs, que choisira la direction, se rapproche, plus que dans l'édition provisoire, de la gamme conventionnelle adoptée par les congrès géolo- giques internationaux. Ainsi se trouveront enfin mis en valeur les beaux travaux qu'une pléiade de géologues remarquables exécute depuis bientôt un demi-siècle avec une ardeur qui mérite les plus grands éloges. Ce n’est pas sans un sentiment de satisfaction pour notre amour-propre national que nous annonçons l’ap- parition prochaine des deux premières feuilles de la Carte géologique détaillée de l'Algérie, qui ont été pré- sentées en épreuves par M. Ficheur au Congrès de Car- thage. Plus heureuse que la Métropole, l'Algérie pos- sède une carte topographique à courbes de niveau au 1/50.000, d'une fort belle exécution; c'est cette carte, en cours de publication, qui servira de base à la Carte géologique, au moins pour les régions du littoral, car pour les Hauts Plateaux on se contentera de faire des levés au 1/200.000. Les feuilles géologiques de Méner- ville et de Palestro, que nous avons eues sous les yeux, sont d’un aspect très harmonieux et les particularités très curieuses que présente la région (située à l'est d'Alger) ressortent fort bien. Le Service de la Carte géologique d'Algérie à choisi la gamme des couleurs employée sur la Carte géologique détaillée de la France (au 1/80.000) en y introduisant quelques modifications heureuses; c'est à cette même carte qu'a été emprun- tée la notation des terrains. Nous aurions préféré voir appliquer à cette carte nouvelle les teintes el, surtout, les notations de la Carte géologique de la France au 40% CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 1/320.000, qui sont bien mieux en harmonie avec l'état actuel de la science. Devancçant plusieurs Etats de la vieille Europe, le Japon a, depuis un certain nombre d'années, com- mencé la publication de cartes géologiques détaillées à l'échelle uniforme du 1/200.000, et tous les ans nous arrivent quelques feuilles nouvelles, de sorte que, dans un avenir prochain, les levés géologiques de tout PEm- pire seront sous nos yeux. En même temps, le Service géologique du Japon a fait faire des levés provisoires au 1/400.000 et il a publié, à cette échelle, une carte générale de tout l'archipel, qui est déjà à sa deuxième édilion. La légende de ces cartes est en japonais et en anglais. Emile Haug, Docteur ès sciences, Chef des Travaux pratiques de Géologie à la Faculté des Sciences de Paris. Découverte d'un Scombéroïde fossile. — M. Demenge nous signale la découverte, faite par M. A. Proost dans les marnes bruxellienues de Maran- sart-lez-Placenadit (Belgique), de débris d'un Scombé- roide voisin du Cybium Bleckeri, mais formant une espèce nouvelle. Ces débris sont une demi-mächoire gauche et une série de six vertèbres, indiquant un ani- mal de 22,55 de longueur. $S 5. — Sciences médicales Nouvelle application de la Radiographie à la Médecine. — En examinant à l’aide des rayons Rôntgen, au niveau du genou, avant la fin de la crois- sance, le cartilage de conjugaison du tibia et du fémur, on constate qu'il se présente alors sous l'aspect d'une zone claire et transparente. Gelte zone diminue à me- sure que la croissance progresse et disparaît complète- mentquandle cartilage,infiltré de sels calcairesetossifié, arrête définitivement la croissance. MM. Springer et Ser- banesco ont recherché‘ quel est l'état de ce cartilage dans différents troubles de croissance attribuables à des causes diverses. Le fait le plus remarquable est fourni par le myxœæ- dème. Dans cette affection, la radiographie révèle que le cartilage de conjugaison persiste longtemps sans s’ossilier. Et, en effet, le traitement thyroïdien peut faire grandir, même à trente-quatre ans. Cette persistance de lPétat infantile de certains organes concorde bien avec un fait récemment mis en lumière par le Dr H. Vaquez: la présence, chez les mêmes sujets, de globules rouges nucléés révélant la persistance du processus fætal de l'hématopoièse. Dans la syphilis héréditaire l'arrèt de développement paraît dû à une tendance à l'ossification précoce, mais le cartilage persiste. Chez les enfants d’alcooliques, le cartilage est mince, irrégulier et s'ossifie prématuré- ment. Par contre, dans la {uberculose héréditaire ou ac- quise, le cartilage persiste et son ossification paraît ralentie. Un grand nombre de maladies produisent des altéra- tions dans la disposition de ce cartilage et dans son mode d'ossification. La radiographie ajoute donc, comme le remarquent MM. Springer et Serbanesco, « à l'étude des troubles de la croissance un nouveau signe physique aisément appréciable et fort utile pour le diagnostic. Cette recherche pourra désormais guider le traitement, puisque, tant quele cartilage présente une zone transparente, on peut combattre les arrêts de croissance, tandis que, lorsque le cartilage est opaque, tout traitement dans le but de faire croître est inutile, la croissance étant définitivement arrêtée. » S 6. — Géographie et Colonisation La question de Cheik-Saïd. — À propos de l'article que M. J. Machat a publié ici même sur Cheik- Said, considéré surtout comme poste stratégique et ! Académie des Sciences du 17 Mai 1897. lieu de ravitaillement!, M. Ed. Rabaud, de Marseille, nous adresse les intéressants renseignements que voici : . « Depuis quelques années le commerce des cafés d'Arabie à Cheik-Saïd a augmenté. Je tiens ce renseigne- ment positif d'un des principaux négociants d’Aden, et, si vous le désirez, je puis vous en prouver l'exactitude en vous communiquant les statistiques officielles de la douane d’Aden. « Je dois aussi vous faire observer que Cheik-Saïd peut devenir un très important établissement d’exploi- tation commerciale à cause de son excellente situation comme point d'embarquement de toutes les marchan- dises de cette partie de l'Arabie. Il est sous ce rapport mieux situé qu'Aden, et, il y a quelques années, quand le bruit se répandit que la France allait s'installer uti- lement à Cheik-Saïd, les principaux négociants d'Aden se préparaient à quitter Aden pour Cheik-Said, con- vaincus de la supériorité de ce dernier point. » Les conserves de viandes destinées aux administrations de la Guerre et de la Marine. — Voici une question qui semble devoir intéresser d’une facon toute particulière l'élevage du bétail dans cer- taines de nos colonies : L'alimentation des troupes de la Guerre et de la Marine exige chaque année l'emploi d’une grande quan- tité de conserves de viandes. La Guerre prévoit, pour ses besoins annuels, 847.200 kilos de ces conserves et la Marine en consomme en moyenne 850.000 kilos par an. En temps de paix, les conserves de viandes, étant d'un prix relativement élevé, ne sont consommées par l'administration de la Guerre que pour renouveler le stock, tandis que, dans la Marine, ces conserves sont d'un usage courant, chaque navire en cours de cam- pagne emportant pour six mois de vivres à son bord. Le stock d’approvisionnement pour la Guerre est de 2.000.000 de kilos environ, et celui de la Marine de 1.600.000. Autrefois ces conserves provenaient surtout de l'Aus- tralie, et leur prix variait de 1 fr. 45 à 4 fr. 35 le kilo. En 1895, les Chambres, désireuses de voir l’agricul- ture et l’industrie françaises participer à la préparation de ces conserves, votèrent des crédits pour en fabri- quer une certaine quantité avec du bétail indigène, et, l’année suivante, une loi (11 juillet 1896) décidait que dorénavant les conserves destinées à la Guerre et à la Marine seraient de provenance française ou provien- draient des colonies ou des protectorats français. Les 2.000.000 de kilos, nécessaires à la Guerre, devaient comprendre, par exemple, 800.000 kilos de viandes françaises et 1.200.000 kilos de viandes des colonies ou protectorats français. L'administration de la Guerre, se conformant aux décisions des Chambres, avait fait, dès 1895, des adjudi- cations de conserves de viandes françaises. Le 27 juin 1895 une adjudication de 5.250 quintaux de conserves de viandes fabriquées en France avec du bétail indi- gène, n'a pu donner des résultats immédiats, le prix minimum, fixé par le ministre, élant inférieur à celui indiqué par les soumissionnaires. Cette adjudication à été recommencée deux ou trois fois et il n’a été adjugé qu'une faible partie de ce qui était demandé. En octobre 1896, il y a eu une nouvelle adjudication pour les conserves françaises : elle n'a donné aussi que des résultats insignifiants et a été recommencée le 12 novembre. L'adjudication a été faite, cette fois, au prix de 2 fr. 80 le kilo. Une adjudication de 12.000 quintaux de viandes de conserves des colonies à été également faite el 6.000 quintaux seulement ont été adjugés au prix de ? francs. Quant à la Marine, elle avait des marchés, pour son approvisionnement en conserves de viandes, qui ne prenaient fin qu'en décembre 1896. Ces marchés ter- minés, elle pourra s'approvisionner de conserves fran- 1 Revue générale des Sciences du 15 Avril 1897. PA CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE caises, soit en procédant par adjudications, soit en fabriquant elle-même, comme elle l'a déjà fait autre- fois dans son usine parfaitement installée à Rochefort, Les divers modes de préparation des conserves de viandes ont été essayés à l'usine de Billancourt, appar- tenant à l'administration de la Guerre; ces essais ont servi de base à l'établissement du cahier des charges. Voici les principales indications de ce cahier : Les conserves doivent être faites suivant le procédé Appert et stérilisées à l'autoclave. La viande peut être de bœuf ou de vache — cette dernière dans la propor- tion d'un tiers au plus. Les animaux doivent être adultes, sains, bien en chair et convenablement gras. L'emploi des viandes congelées est interdit. La viande doit être parfaitement fraiche au moment de sa prépa- ration, désossée, suffisamment dégraissée, parée et coupée en gros morceaux avant son blanchiment; elle doit être ensuite cuite à point pour pouvoir être man- gée froide. É Les conserves ne doivent contenir ni sel ni légumes, elles doivent renfermer au maximum 20 °/, de bouillon ou jus et de graisse. L'emploi d'acide salicylique est formellement interdit. Le bouillon et la graisse doivent provenir exclusivement de la viande qui a servi à faire les conserves. Le bouillon ne doit se liquéfier qu'à une température supérieure à 15°. Le fournisseur est responsable pendant deux ans de la conservation des boîtes. Les modes de fabrication des conserves de viandes, qui ont été essayés par la Guerre dans son usine de Billancourt, sont principalement les trois suivants : 1° Procédé Appert primitif, consistant à mettre la viande fraîche dans la boîte, fermer celle-ci, puis la stériliser. Le bouillon de cette conserve était du jus de viande pur, mais il était trop étendu. La conserve était bonne, mais la viande, ayant beaucoup diminué par la cuisson, ne remplissait pas assez la boîte. 20 Procédé ordinaire, qui se pratique de la ma- nière suivante: La viande, étant désossée, dégraissée et séparée des tendons, est coupée en morceaux de 500 à 800 grammes, puis soumise au blanchiment. Pour cela, on la place dans un panier en tôle perforée, que l’on plonge dans une chaudière contenant un poids d’eau égal à celui de la viande. On fait cuire pendant une heure. On retire la viande et on fait cuire successi- vement, dans le même bouillon, deux autres charges de viande; la deuxième cuisson dure 1 heure 1/4 et la troisième {1 heure 1/2. On a donc trois parties de viande cuite et une partie de bouillon, contenant le jus de ces {rois parties de viande. On concentre le bouillon au bain- marie ou dans des chaudières à double fond chauffées à la vapeur. On place dans les boîtes 800 grammes de viande cuite et 200 grammes du bouillon concentré; on ferme les boîtes et on les stérilise à 115-1189 pendant 1 heure 1/4. 3° Procédé Montupet, qui consiste à cuire la viande dans la vapeur saturée. La viande désossée et dégrais- sée, est placée sur des claies, que l'on met dans le panier d'un autoclave. Au-dessous du panier, on dis- pose une cuvette destinée à recevoir le jus qui s'échappe de la viande pendant la cuisson. On met une petite quantité d’eau au fond de l’autoclave, on y introduit le panier rempli de viande, on ferme l’autoclave et on chauffe à 115-1189. On obtient ainsi la viande cuite et du jus déjà très concentré, qu'il suffit de réduire à 30 °/, de son volume par chauffage dax.s un vide par- tiel. Les boîtes remplies de viande et de jus sont fer- mées et stérilisées comme dans le procédé précédent. L'emploi de ce dernier procédé a donné des résultats excellents tant au point de vue économique qu'à celui de la qualité des conserves. C’est celui qui semble être le plus avantageux à adopter dans une installation des- tinée à préparer une assez grande quantité de con- | serves. Il est assez difficile de se rendre compte des avanta- I 405 ges que présentera la modification apportée dans l'ap- provisionnement en conserves de viandes de la Guerre et de la Marine. Cette modification nécessite tout d’abord un sacrifice pécuniaire assez considérable, puisque l'écart entre le prix des conserves austra- liennes et celui des conserves indigènes est considé- rable, ces dernières coùtant plus du double. Ce sacri- tice sera-t-il compensé par la supériorité de qualité des conserves indigènes et par l'impulsion donnée à une industrie française ? Ce sont là deux questions qu'ilest bien difficile de trancher actuellement. La qualité des viandes australiennes était excellente, mais il ne paraît pas douteux que les conserves fabri- quées en France avec du bétail indigène ef par des pro- cédés perfectionnés seront meilleures encore. Au point de vue de l'impulsion donnée à la fabrica- tion des conserves françaises, on à vu le peu de suc- cès qu'ont eu les adjudications faites en 1895 et 1896. Sans doute, les fabricants français répondront mieux, dans l'avenir, à l'appel que leur fait l'administration de la Guerre, mais, il ne faut, en tous cas, pas oublier que nous ne sommes pas un pays ayant une surproduction de viande, et que cet aliment yest, au contraire, en déficit. Certaines de nos colonies, au contraire, pour- ront trouver dans l'élève du bétail destiné aux con- serves de l’Armée et de la Marine ufte nouvelle source de richesse. X. Rocques, Ingénieur-Chimiste, Ex-Chimiste principal du Laboratoire Municipal Etudes coloniales mises au concours. — L'Exposition internationale de Bruxelles met au con- cours l'étude de plusieurs questions scientifiques inté- ressant les colonies : 1° Aide-mémoire à l'usage des Européens se rendant au Congo. Manuel du voyageur et du résident au Congo. Prime : 3.500 francs; 2° Guide médical, rédigé au point de vue des con- naissances des gens du monde, à l'usage des voyageurs dans les contrées équatoriales non civilisées. Prime : 2,000 francs; 30 Petits manuels relatifs au Congo et destinés les uns à l'enseignement primaire, les autres à l’enseigne- ment moyen et supérieur; — Exposé de géographie commerciale faisant connaître aux industriels et aux commerçants les produits d'importation et d’exporta- tion. Prime : 1.000 francs ; 4 Etude pratique sur la construction des bâtiments d'habitation dans les pays chauds (avec plans de cons- truction à charpente métallique et à remplissage en matériaux du pays où a lieu l'emploi). Prime : 1.500 fr. $S 7. — Congrès Association française pour lavancement des Sciences. — Le prochain congrès de l'Associa- tion française se réunira à Saint-Etienne le 5 août pro- chain. Plusieurs présidents de Section ont déjà indiqué les sujets spécialement portés à l’ordre du jour et qui seront, en raison de leur intérêt d'actualité, l'objet de discussions approfondies. En Physique, le président, M. Ch. André, directeur de l'Observatoire de Lyon, appelle tout particulièrement l'attention sur l'Elec- tricité atmosphérique. Dans la Section de Zoologie, Ana- tomie et Physiologie, les questions signalées comme devant donner lieu à d’utiles débats sont : 4° l’applica- tion des rayons X aux sciences de la vie etla produc- tion de tels rayons par les êtres vivants ; 2 les mala- dies des animaux d'eau douce; 3° l'introduction de bétes de somme à Madagascar ; 4° l'étude anatomique et physio- logique des neurones. En Agronomie, la discussion por- tera principalement sur l'élevage du cheval en face des progrès de la traction mécanique sur route et de l’automo- bilisme. 406 L'HISTOPATHOLOGIE DE Quand on se reporte à la structure de la cellule nerveuse, telle qu’elle était admise il y a quinze ans, et qu'on la compare à celle qui résulte des re- cherches les plus récentes, on s’apercoit aisément des grands Progrès ac- complis dans cetintervalle. A quoi doit- on attribuer celte blerévolution sur la notion de la texture intime de l’é- lément fon- damental du système ner- veux ? C'est, comme dans toute autre branche de la science, à la création de nouvelles mé- thodes. Quel- les sont ces méthodes? Il y en à deux surtout qui méritent d’é- tre prises en considéra- tion l’une, la méthode de Golgi, consis- vérita- D' GEORGES MARINESCO — L'HISTOPATHOLOGIE DE LA CELLULE NERVEUSE LA CELLULE NERVEUSE topographique qui met en évidence la silhouette de la cellule nerveuse, mais non un procédé d'in- vestigation pour le protoplasma. La seconde nous fait connaître l'intimité de la cellule, la structure fine du proto- plasma où se déroulent les phénomènes de la vie. La mélhode de Golgi a chan- gé de fond en comble nos connaissan- ces sur l'his- tologie nor- male du systè- me nerveux ; celle de Flem- ming et de Nissl a ouvert une ère nou- velle à la pa- thologie de la cellule ner- veuse. C’est des résullats dus à celte dernière mé- thode que nous allons nous occuper. I. — TRAVAUX SUR LA STRUC- TURE INTERNE tantdansl'im- DE LA CELLULE prégnation NERVEUSE ET métallique SES LÉSIONS des centres ; ÉAC S 4 ; : me 3 2 ; DE REACTION. ee nl Fig. 1. — Cellule motrice de la corne antérieure de la moelle chez l'homme, préparée RESCRE nerveux qaur- d'après la méthode de Nissl (faible grossissement). — a, cylindre-axe, uniforme et cis dans le sans substance chromatique; b, b, b, prolongements protoplasmiques contenant Nous allons a des éléments chromatophiles en forme de filaments; e, ce, gros éléments chroma- D fee ichromate tophiles de forme triangulaire, au point de bifurcation des prolongements proto- €ESquISSer à de potasse : plasmiques. Tous ces prolongements ont un aspect légèrement strié. grands traits l’autre, la mé- thode de Flemming et de Nissl, d'après laquelle on fixe les pièces par le sublimé, l'alcool ou le for- mol, puis l'on colore ensuite à l'hématoxyline el aux couleurs d’aniline telles que le bleu de méthy- lène, ete. La méthode de Golgi permet d'étudier la configuration externe des éléments nerveux, le trajet des fibres nerveuses. C'est une méthode les étapes par lesquelles a passé celte question. Ce qui a frappé les premiers observateurs, Flemming, Nissl, Ben- da, etc., dans la structure de la cellule ner- veure, c'est la découverte d’un nouvel élément jus- qu'alors méconnu dans le protoplasma de la cel- lule : l'élément chromatophile, ainsi nommé parce qu'il se colore fortement par les couleurs basi- D' GEORGES MARINESCO — L'HISTOPATHOLOGIE DE LA CELLULE NERVEUSE ques d’aniline. Ces éléments sont disposés concen- triquement autour du noyau et affectent la forme polygonale (fig. 1). À mesure qu'on s'éloigne du centre, ils deviennent plus allongés, et, dans les prolongements protoplasmatiques, ils prennent un aspect fusiforme, leur grand axe étant paral- lèle à celui de ces prolonge- ments. Le cy- lindre-axe n'en possède pas. Ces élé- ments chro- matophiles donnent aux cellules de la corne anté- rieure de la moelle un as- pect tacheté comme la peau de tigre; exa- minés à un très fort grossisse- ment, ils ap- paraissent composés de granulations élémentaires agglutinées entre elles par une substance pâle achromatique. Le cylindre-axe a (fig. 1) se dégage de la cellule par une dilatation en cône évasé. Toute cette région est aussi très pâle parce qu'elle ne contient pas de substance chromatique. Au milieu de la cellule, on voit le noyau el son nucléole. Dans une première phase des recherches sur cette struc- ture interne(Nissl, Lenkossek, Marinesco, etc.), la substance fondamentale ou achromati- que de la cellule fut considé- rée comme une substance amorphe. À cette époque, on s'occupa surtout de la mor- phologie des éléments chro- Fig. 2. — Cellule du noyau de l'hypoglosse chez le chien, treize jours après la sec- tion du nerf. — N, noyau dans une situation excentrique. Dissolution partielle des éléments chromatophiles au niveau de la couche périnucléaire (4 d); e, la dissolution incomplète des éléments chromatophiles permet de voir un réseau; f, éléments chromatophiles normaux. (Oculaire 4 à immersion, de Reichert.) Fig. 3. -— Cellule du ganglion plexiforme du 407 huchten, etc., ont confirmé cette donnée fonda- mentale de la pathologie nerveuse : je dis fonda- mentale parce qu'on avait admis depuis Waller que le bout central d'un nerf sectionné et son centre d'origine restent intacts. Or, la méthode de Nissl a montré d'une manière certaine que cette propo- sition est in- exacte. Les lésions que détermine la section d’un nerfsensitif ou moteur sont très faciles à constater. Il suffit de cou- per le nerf hy- poglosse, chez le chien par exemple, et at- tendre 10 à 415 jours, sacri- fier ensuite l'animal, fixer son bulbe dans l'alcool, le for- mol, le sublimé, et traiter par la méthode de Nissl. Sans entrer dans la description détaillée de ces lésions, nous ferons remarquer que la première altération observée, après la section d’un nerf, est la désin- tégration ou,comme je lai ap- pelée, la chromatolyse des cor- puscules chromatiques (fig. 2). Cette lésion commence tout près du cylindre-axe.La chro- matolyse peut gagner tout le corps de la cellule nerveuse, mais, une chose essentielle à noter, c'est que le noyau qui, à l'état normal, occupe le cen- tre de la cellule, émigre à ce moment vers la périphérie (fig. 2 et 3). Cette émigration du noyau est-elle un phéno- mène actif ou s'agit-il d’un VA matophilesetdeses allérations ge. / 1 déplacement passif? Il est dif- MES 2 chien, montrant des lésions très nettes dues à NE: ; re dans les divers élats patholo- la Section du nerf pneumogastrique. — Le ficile de trancher cette ques- giques. La grande découverte qui a été faite dans cette pre- mière période est due à Nissl, qui a montré que la section d’un nerf moteur ou sensilif amène une désintégration des éléments chromatophiles, processus que j'ai désigné sous le nom de chromatolyse. Mes recherches personnelles, celles de Ballet et Dutil, de Lugaro, de van Ge- noyau est situé à la périphérie. La partie centrale de la cellule, privée des éléments chromatophiles, présente un aspect uniforme. tion. Quand la plus grande partie de la substance chromatique est ainsi désintégrée, le centre de la cellule pré- sente un fond plus ou moins uniforme dans lequel sont disséminées de fines granulations (fig. 3). Cette désintégration de la substance chromatique permet quelquefois d’entrevoir dans le cytoplasma 108 D' GEORGES MARINESCO — L'HISTOPATHOLOGIE DE LA CELLULE NERVEUSE _un réseau trabéculaire, qui n’est autre chose que la substance achromalique organisée (fig. 2), e*est-à- dire celle qui se continue directement avec les fibrilles du cylindre-axe, J'ai soutenu, — et, depuis, plusieurs auteurs ont confirmé cette opinion, — que la désintégration -des éléments chromatophiles ne retentit pas sur la structure du cylindre-axe et des nerfs périphé- riques. Pour que celui-ci soit atteint, il faut une altération de la substance achromatique, évenlua- lité qui se présente dans les cas de lésions primi- tives de la cellule nerveuse, lésions que nous étu- dierons plus loin. Cette constatation anatomique a eu une autre conséquence : celle de prouver que la cellule nerveuse constitue une unité, un neurone dont l'intégrité dépend de l'intégrité de loutes ses parties constituantes : corps cellulaire, cylindre- axe, prolongements protoplasmatiques. J'ai montré l'application impor- tante qu'on pouvait faire à la Pathologie nerveuse de cette don- née expérimentale. En effet, les névrites qui déterminent la destruction du nerf réalisent en somme une section nerveuse. Par conséquent, il n'existe pas de né- vrites sans réaclion des cellules des nerfs atteints. J'ai montré aussi l’exclusivisme de ceux qui ont voulu faire des névrites une lésion purement pé- riphérique. Mais ces lésions centrales sont consé- cutives à la dégénérescence des nerfs. Les modifications de réaction à distance que je viens de décrire peuvent, dans une deuxième phase, rétrocéder, et la cellule récupère un aspectnormal; cette deuxième phase est la phase de réparation. Pour connaître exactement ce qui se passe dans la cellule nerveuse pendant la phase de répara- tion, il faut laisser les animaux vivre pendant un, deux, trois ou quatre mois. On voit bien alors que la cellule, avant de revenir à son aspect normal, présente une hypertrophie considérable, qui s'ac- croit jusqu’à 90 jours après la section, et qui inté- resse à la fois le volume général de la cellule et celui des éléments chromatophiles. Ceux-ci acquiè- rent de grandes dimensions, se colorent d’une manière plus foncée; ainsi la cellule présente, d'une part, une augmentation de volume et, d’au- tre part, une coloration plus intense (B, fig. 4). Fig. 4. sissant. La cellule A — A, cellule normale du noyau de l'hypoglosse gauche. — B, cellule du noyau de l'hypoglosse droit, 90 jours après la section du nerf. — L'aspect de ces deux cellules offre un contraste sai- est de volume normal; la cellule B est hypertrophiée, volumineuse et fortement colorée, ses éléments chromatophiles ont des dimensions supérieures à ceux de la cellule A; ils sont plus rapprochés. II. — RELATION ENTRE L'ORGANISATION INTERNE DE LA CELLULE NERVEUSE ET SES MODALITÉS FONCTION- ‘ NELLES. € Je passe maintenant à l'interprétation des phé- nomènes constatés dans ces expériences. Nous avons vu, en effet, que, pendant la phase de réac- tion, les éléments chromatophiles sont à l’état de désintégration et la cellule nerveuse présente un aspect pèle ou granuleux. Par contre, dans la phase de réparation, les éléments chromatophiles sont hypertrophiés, très denses, et se colorent d'une manière intense. Le corps de la cellule lui- même est hypertrophié. Je vais essayer d'expliquer ces modifications des- tructrices en faisant appel à la Physiologie géné- rale, et particulièrement à l'opinion de Claude Bernard, opinion qu'il a émise dans ses Lecons sur les phénomènes de la vie. L'illustre phy- siologiste admet, dans l'être vivant, deux ordres de phé- nomènes : 1° Les phénomènes de désorganisation ou de destruction orga- niques, qui corres- pondent aux phéno- mènes fonctionnels de l’être vivant. Quand un organe fonclionne, tel que les nerfs, la moelle, le cerveau, les mus- cles, les glandes, ete., la substance de cet organe se consume; celle destruction est un phé- nomène physico-chimique, le plus souvent le résultat d’une combustion, d'une fermentation, ete. Les manifestations fonctionnelles par lesquelles se traduisent ces phénomènes sont très accidentées, telles que contraction musculaire, sécrétion, etc.; 2 Les phénomènes de création organique ou d'organisation, qui s'accomplissent dans les orga- nes au repos et les régénèrent. La synthèse assimi- latrice rassemble les matériaux et crée les réserves que le fonctionnement doit dépenser. C’est un tra- vail intérieur, silencieux, sans expression phéno- ménale évidente. Les deux opérations de destruc- tion et de rénovation, inverses l'une de l’autre, sont absolument connexes et inséparables en ce sens que la destruction est la condition nécessaire de la rénovation. C'est-à-dire que les phénomènes plastiques ou de synthèse sont subordonnés aux phénomènes fonctionnels ou de destruction. D' GEORGES MARINESCO — L'HISTOPATHOLOGIE DE LA CELLULE NERVEUSE 409 Malgré les objections très graves qu'on a faites ! à la manière de voir de Claude Bernard, nous ver- rons que la conception du grand physiologiste est confirmée par nos expériences. En effet, pendant le processus de réparalion, la fonction essentielle du neurone-moteur, — à savoir, production d'éner- gie dans la cellule nerveuse et conduction de cette énergie par des prolongements nerveux, — est abolie. À ce point de vue, on doit admettre que la cellule nerveuse se trouve à l'état de repos fonc- tionnel. Mais dans le corps cellulaire et probable- ment dans le noyau, il existe une activité d’un autre ordre, activité plastique, activité de synthèse organisatrice qui a pour but la régénérescence du nerf dégénéré. La cellule, dans ces conditions, est le siège d’un processus actif de nutrition; elle ras- semble les matériaux, les assimile et les utilise en fin de compte pour réparer les modificalions mor- phologiques du neurone produites par la section nerveuse. Il s'agit d'une activité continue, prolon- gée, essentiellement plastique, qui est toute diffé- rente de celle produite par la stimulation des neurones soit à l’état normal ou à l’aide des exci- ! tants artificiels. Il y a donc lieu, à mon avis, de : distinguer, dans la vie du neurone, deux espèces d'activité : une activité plastique, tangible au mi- croscope, facile à constater par tout le monde; et une aclivité de désintégralion organique, aclivité fonctionnelle dont le substratum anatomique nous est beaucoup moins connu. Il se passe, dans ce dernier cas, des phénomènes d'oxydation, de dé- doublement, grâce auxquels la cellule peut dégager son travail spécifique. Ce processus de désintégra- tion est suivi, peut-être même accompagné, des phénomènes de réintégration qui réparent les pertes produites. Ces deux processus sont com- muns et indissolubles à l'état normal, mais leur intensité varie suivant les propriétés biologiques de l'organisme où elles s’effectuent. III. — LA SUBSTANCE ACHROMATIQUE ET SES ALTÉRATIONS. Nous avons envisagé jusqu'ici la substance achro- matique comme étant constituée par une matière amorphe ; mais les recherches toutes récentes de Flemming, Becker, Lévi, Lugaro et les miennes ont montré que cette substance est composée d’une partie organisée, dont nous allons étudier la tex- ture, et d'autre part d'une substance fondamentale. La substance achromatique, dont la véritable nature a donné lieu dans ces derniers temps à de nombreuses discussions, affecte une disposition variable dans les prolongements et le corps de la cellule. Même dans les pièces traitées par la méthode de Nissl, on peut voir une vague striation, qui est assez évidente dans les grandes cellules de la substance réticulée du bulbe; mais, pour voir d'une façon indubitable que cette striation dépend en réalité de l'existence de vraies fibrilles dans ses prolongements, il faut faire usage de l'héma- toxyline diluée. Sur la figure à cet aspect est des plus nets : les fibrilles du prolongement nerveux (A), en traver- sant le collet de la cellule, se présentent sous l’as- pect de faisceaux rayonnants, et leurs fibrilles se dirigent en partie vers la périphérie et se perdent dans le réseau (R) du protoplasma cellulaire, à la formation duquel ses fibrilles prennent part par les ramifications collatérales qu’elles donnent. Les travées du réseau achromatique s’insèrent d'une part à la périphérie de la cellule, d'autre part au centre sur la paroi du noyau. Aux points d'intersection des travées du réseau, il existe des renflements chromatiques (c) minus- cules qui, sur les coupes obliques de la cellule, font partie intégrante des filaments achromatiques. Il résulte de cette courte description que dans les mailles du réseau viennent se mouler les éléments chromatophiles, et que c’est de la texture du réseau que dépend la forme de ces éléments. Quel est le rapport des fibrilles du cylindre-axe et des prolongements protoplasmaliques avec le réseau achromatique ? L'étude attentive d’un grand nombre de coupes montre jusqu’à l'évidence qu'on doit admettre une continuité anatomique entre les fibrilles de ces prolongements et les travées du réseau de la cellule. Cette continuité a une grande importance au point de vue des rapports qui existent entre les lésions des prolongements et ceux de la cellule, ce qui confirme l'opinion que j'ai émise le premier, à savoir que les lésions de la substance achromati- que entrainent la dégénérescence des prolongements | périphériques parce que les fibrilles de ceux-ci ne sont autre chose que la continuation du réticulum intracellulaire. AR LÉSIONS DE LA CELLULE NERVEUSE DUES A L'ACTION DIRECTE DES POISONS. Les modifications des cellules nous venons de passer en revue sont secondaires, c'est-à-dire qu'elles suivent la section des nerfs nerveuses que périphériques. Nous arrivons à présent à la des- cription des lésions primitives des centres nerveux, c'est-à-dire aux lésions dues à l’action directe d’un poison sur la cellule nerveuse. Etant donné le champ très étendu des lésions primitives, je me bornerai à l'étude des lésions produites par l'in- toxication arsenicale, la rage, l'anémie expérimen- tale, le botulisme, le tétanos, affections dont je me 410 D' GEORGES MARINESCO — L'HISTOPATHOLOGIE DE LA CELLULE NERVEUSE suis occupé plus particulièrement depuis quelque temps. centes de Nissl, qui a établi que le mème poison exerce une action variable sur les diverses espèces de cellules nerveuses, j'aurai en vue, dans celle description, des lésions des cellules des ganglions spi- naux et des grandes cel- lules motrices de la corne an- térieure. $ 1.— Lésions consécutives à l'intoxication arsenicale,. On peut, par l'injection d'une quantité minime d'ar- séniale de po- lasse, déterminer chez le chien une intoxication arsenicale dont les lésions histologiques présentent beaucoup d'intérêt. Nous avons étudié ces lésions montre, d'autre part, que la densité des mailles du réseau n’est pas la mème pour loules les cel- Pour être conforme aux recherches toutes ré- | lules. Fig. 5. — Cellule du ganglion spinal du chien intoæiqué par l'arséniale de polasse. — À, cylindre-axe constitué par des fibrilles, lesquelles rayonnent dans le proto- plasma cellulaire et prennent part à la constitution du réseau; €, c', points nodaux chromaliques situés sur le trajet des trabécules du réseau. surtout dans la moelle épinière et les ganglions | m'envoyer. : : À & spinaux ; ces derniers pré- ù sentent, dans un grand nom- + bre de cellules, une chroma- à tolyse périphérique (fig. laissant presque intacts les éléments chromatophiles centraux. La désintégration de ces éléments met en re- lief, de la manière la plus nelle, la fréquence d’un ré- seau dans le cytoplasma (R). On voit qu'au point d'inter- section des travées seau, existent points chromaliques (ec). Je reviendrai plus loin sur la signification morphologique 5) È Ÿ À ré- pelits La comporte des lésions fort in- tenses, lésions qui nous ren- dent bien compte du phéno- mène principal de lamaladie, c'est-à-dire de la paralysie. Ces lésions, tout à fail carac- léristiques, existent dans le système nerveux central des animaux qui ont vécu douze à quinze jours ; elles se pré- sentent, dans la plupart des cellules, sous la forme d'une chromatolyse plus où moins intense, Dans Plus rarement, on voit des cellules d'aspect uniforme, sans trace de structure organisée ; le cyloplasma à l'aspect homogène, c’est à peine si on y reconnait une vague striation etdes granulations chromatiques : très pàles. Dans les cel- lules de la cor- ne antérieure, la chromato- lyse se pré: sente plutôt sous forme dif- fuse, et, dans quelques cas, on peul y dis- tinguer un ré- seau nuclé- aire. Ces lésions ressemblent beaucoup à celles que vient de dé- crire Lugaro et que j'ai eu l’occasion de constater sur des préparations que cet auteur a bien voulu 2. — Lésions dues au virus rabique. expérimentale périphérique : Fig. 6. — Cellule de la corne antérieure de la Ë : de ce réseau. Dans quelques moelle du lapin inoculé avec du virus rabique. cerlaines cellules, celle-ci cellules se voit, autour du — On voit de la manière la plus nette le réseau est plus accentuée, mais dans noyau, une sorle de zone plus claire, privée chromalophiles et que j'appellerai zone claire-péri- nucléaire. La désintégration plus complète des élé- | ments chromatophiles donne à la cellule un aspect d'éléments achromatique mis à nu par la désintégration des éléments chromatophiles. acts autour du noyau (fig. 6). colorent plus fortement et sont modifiés dans leur d'autres elle va jusqu'à la désintégration complète des éléments chromatophiles, quelques-uns restant in- Ces derniers se très particulier etnous fait connaître la vraie nature | forme et leurs dimensions; le noyau ne semble pas de la substance achromatique organisée ; elle nous | encore atteint. Deux autres formes de chromato- | LOS EM D° GEORGES MARINESCO — L'HISTOPATHOLOGIE DE LA CELLULE NERVEUSE Ai lyse, qu'on voit plus rarement, sont la chromato- lyse généralisée et celle que j'appellerai concen- trique ; cetle dernière est plus rare, La désintégration et la disparition des corpus- cules chromaliques à la périphérie de la cellule, mettent en évidence l'existence d'un réseau à mailles plus ou moins larges, avec renflements colo- rés aux points d’intersection. Nous avons mon- tré précédemment quelle est la signi- ficalion de ce ré- seau ; il constitue la trame de la cel- lule.Ilarrive quel- quefois que, ce réseau élant en partie détruit, il en résulte à l'inté- rieur de la cellule 5 l’'apparilion de vi- lume:; quelquefois j'ai vu ces corpuscules perdre leur faculté de coloration (fig. 7). Dans le cervelet les lésions étaient beaucoup plus intenses, et l'on voit de suite l'intérêt pra- tique de cette constatalion : elle démontre que l'alcool, à un degré faible de concentration, déter- mine dans le sys- tème nerveux cen- tral des lésions extrèmement net- tes qu'on peul re- connaitre au mi- croscope. Je serais très disposé à admet- tre que des lésions semblables doi- vent exister chez l’élal d'ivresse; ainsi cel élat pathologique s'accompagnerail de lésions maté- rielles très déter- l'homme à ia Fig. 7. — Cellule motrice de la corne antérieure de la région lombaire da: desoude vacuoles. (chien, intoxication par l'alvool). — Au centre de la cellule et autour MInees. du noyau, on voit que les éléments on natopEnes sont denses et for- Route : 2 tement colorés. En dehors de cette zone, on distingue une couche plus CODEN ES à LEE ré pâle, composée d'éléments chromatophiles raréfiés, amincis, et même Sue LEONE sultant del'inges- aisant défaut en certains points où l'on voit un réseau de travées déterminées tion et de l’injec- achromatiques. L'ensemble de ces lésions constitue la chromatolyse par le ; s périphérique. : tion d'alcool. botulisme. Il est important de savoir comment les cellules nerveuses se comportent quand on administre aux animaux par la voie veineuse ou digestive des quantités massives d'alcool. J'ai injecté à un chien pesant 7 kil.1/2, une quantité Lo- tale de 160 gram- mes d'alcool en 12 jours, la dose Parmi les intoxications qui atteignent le système nerveux central, il en existe une que nous devons mentionner : c'est celle que produit le botulisme. On entend par ce mot l'ensemble des accidents morbides obser- vés à la suile de l'ingestion de jambon, saucis- ses où de vian- quotidienne va- des avariés; des riant entre 15 à cas ont été ob- 25 grammes. servés l’année Après chaque dernière en Bel- injection, l'ani- gique où le pro- mal tombait fesseur van Er- dans un état de Fig. 8 — Cellule du noyau de l'hypoglosse chez un chat inoculé avec la toxine mengem à eu du Bacillus botulinus, — La moitié droite et la moitié gauche de la cellule somnolence, el, au réveil, pré- sentait les phé- nomènes de l'i- vresse, parmi lesquels la démarche’dite litubante tenait la première place, Dans le système nerveux central, la corne antérieure de la moelle et le cer- velet, j'ai trouvé des lésions très nelles, consistant dans la désintégration périphérique des éléments chromalophiles et dans leur diminution de vo- nerveuse forment un contraste par leur différence de coloration. La moitié droite de la cellule.est claire, la moitié gauche est très foncée. Les prolon- gements protoplasmatiques à droite sont normaux, à gauche sont tuméliés et fortement colorés. l'occasion d’étu- dier une épidé- mie de ce genre. IL a trouvé la cause de ces accidents graves suivis même de mort | rapide dans la présence d'un microbe anaérobie dans le jambon consommé par les sujets malades, microbe qu'il a désigné sous le nom de Bacillus botulinus. L'injection de ce microbe ou de ses toxines 412 D° GEORGES MARINESCO — L'HISTOPATHOLOGIE DE LA CELLULE NERVEUSE détermine chez les animaux les mêmes accidents nerveux graves que chez l'homme. L'examen du système maux qui ont succombé à la suite de l’inoculation de ce microbe m'a mon- tré des lésions très inté- ressantes dans lamoelle, le bulbe, la protubé- rance, etc., etc. Ces lésions consistent dans une désintégra- tion, autrement dit dans la chromatolyse péri- phérique des corpuscu- les ‘chromatiques. En outre, J'ai vu, dans certaines cellules des noyaux bulbaires (hy- poglosse pneumogastri- que, etc., etc.), que la lésion débute plus par- ticulièrement par les prolongements proto- plasmatiques (fig. 8). Ceux-ci sont tuméfiés, leur substance, privée des éléments chromato- philes, se colore vive- ment par les couleurs d’aniline et présente un nuleux. $ 5. — Lésions produites par l’anémie expé- rimentale. Quelles lé- sions détermi- ne dans les centres ner- veux l'anémie ou la suppres- P sion de l'irri- gation sangui- ne normale ? Une expérience nerveux central des ani- Fig. 9. — Cellule de la corne antérieure d'un lapin auquel on a pratiqué la ligature de l'aorte abdominale. — L'ani- mal à vécu huit heures et demie. Chromatolyse périphé- rique avec pâleur des différentes couches des éléments chromatophiles. aspect légèrement gra- coup d’autres lésions primitives des centres ner- veux, on observe une chromatolyse périphérique (fig. 9), c'est-à-dire qu'il y a une désintégration des éléments chromatophi- les situés à la périphérie de la cellule nerveuse. Dans un stade plus tardif, la coagulation du protoplasma cellulaire fait apparaître dans ce- lui-ci un réseau bril- lant, très coloré par le bleu de méthylène. Enfin, certaines cellu- les présentent une lé- sion très grave qui con- siste dans la destruc- tion de la substance achromatique; cette lé- sion, comme je l'ai mon- tré, est irréparable : elle entraine à sa suile la mort de la cellule et de ses prolongements. $ 6. — Lésions dues au virus tétanique. J'arrive maintenant aux allérations produi- tes par la toxine téta- nique. Sur un certain nombre de cellules de la corne antérieure, on voit une lésion tout à fait ca- è ractéristique. La cellule ner- veuse est, pour ainsi dire, con- stituée par deux régions qui diffèrent complètement au point de vue de leurs pro- priétés physi- co-chimiques. Une région qui occupe un quart, une moi- récente qui S 2 : j 3 ; ié, troi < Il Fig. 10. — Cellule motrice de la corne antérieure de la moelle lombaire d’un té, trois quarts consiste dans re Te jee la loxine létanique. — Lpere Us cat eee et quelquefois Ë Û eristique. oute la région ui Correspond au cylindre-axe es ortemen x la ligature de Re CONCRR même toute la l'aorte abdo- minale va nous permettre de répondre à cette question. Six à huit heures après colorée. Sur le fond obscur de la cellule, il est difficile de voir encore des cor- puscules chromatiques : par contre, dans la région diamétralement opposée, le fond est plus clair et l'on voit encore quelques éléments chromatophiles (E), plus visibles encore dans les prolongements protoplasmatiques (PP). cellule, se dis- tingue par un aspect foncé qui va jusqu'à l’opacilé, opacité dans laquelle il est la ligature, on constate dans la moelle épinière les | difficile, même impossible, de voir la structure his- lésions suivantes. Tout d’abord, comme dans beau- tologique. Quel que soit son degré d’altération, LUCIEN POINCARÉ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE A13 cette partie est dirigée du côté du cylindre-axe (fig. 10). Tout ce qui est dans la zone de cette région — cylindre-axe,prolongements protoplasmatiques, corps cellulaire, — présente le même aspect. Le cylindre-axe a changé de propriétés physico-chimi- ques; ainsi, à l’état normal, il est incolore et uni- forme : à la suite de l’intoxication parle poison téta- nique, il est devenu légèrement granuleux et se colore d'une facon intense jusqu'à devenir, par la | méthode de Nissl, d'un bleu foncé. Les prolonge- : ments protoplasmatiques compris dans l'aire de dégénérescence représentent des espèces de bran- ches noueuses à contour irrégulier et quelquefois sinueux, sans trace apparente d'éléments chroma- tophiles. Quelquefois même, il peut se faire qu'ils soient hérissés de pointes comparables à des épines. La seule particularité qui puisse les distin- guer du cylindre-axe, c'est, d'une part, leur vo- lume, et, d'autre part, parce qu'ils se divisent de distance en distance. C'est à peine si l’on peut dis- linguer, dans le corps ainsi modifié de la cellule et dans les prolongements de la région atteinte, des éléments chromatophiles. La région altérée que nous venons de décrire offre, par sa coloration foncée, un contraste saisis- sant avec le reste de la cellule, qui constitue la deuxième région. On dirait que celle-ci a été divisée en deux par le processus pathologique : une partie obscure, profondément altérée, et une autre claire, contenant encore des éléments chromatophiles et donnant naissance à des prolongements qui rap- pellent, par leur aspect, les prolongements nor- maux; mais, ils sont beaucoup plus pauvres en éléments chromatophiles, et sont quelquefois légè- rement augmentés de volume. Le noyau est un peu plus volumineux et se colore d'une façon plus diffuse ; son contour est moins bien défini, mais sa paroi est à peu près normale. Une altération beau- coup plus rare est la transformation de la cellule en un bloc homogène et subissant la désintégra- tion ou la fragmentation. V. — CONCLUSIONS. Les lésions des cellules nerveuses que nous venons de décrire, prises dans leur ensemble, offrent un aspect tout à fait particulier, que je n'ai retrouvé dans aucune autre intoxication, et qui nous permet, jusqu'à un certain point, de les dis- tinguer des autres lésions de la cellule nerveuse. Ainsi qu'on le voit par ce court exposé, la Patho- logie fine de la cellule nerveuse a ouvert une nou- velle voie à la Toxicologie et à la Thérapeutique générale. Les méthodes nouvelles d'investigation dues à Flemming, Nissl, etc., nous montrent des lésions tangibles au microscope dans beaucoup d'affections considérées jusqu’à présent comme sine maleria, comme des maladies dynamiques. Grâce aux nouvelles recherches, nous avons pu surprendre les modifications si multiples et si variables, produites par les divers agents qui al- tèrent la nutrition et la fonction de la cellule ner- veuse, et je pense qu'un jour les histologistes nous montreront le mécanisme intime de l’immunité morbide et indiqueront les procédés qui la con- fèrent,. D' Georges Marinesco. REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE Depuis la publication dans ce recueil de la der- nière revue de Physique, où M. Gariel à résumé avec tant d'autorité les progrès accomplis pendant l’année 1895-1896, aucune de ces découvertes sen- sationnelles, que nous commencions presque à prendre l'habitude de voir surgir soudainement, n'a été annoncée dans le domaine de la Physique. L'an dernier, au contraire, un fait capital s'était produit dont le retentissement s’est prolongé jus- qu'à l'heure présente : les rayons X étaient venus au monde, prouvant ou rappelant une fois de plus à ous, savants et ignorants, que la science pure est la source la plus abondante des plus belles applications pratiques. L'étude de ces singulières radiations a suggéré à divers théoriciens des idées toutes nouvelles et leurs propriétés encore mal expliquées sont venues nous rappeler un peu à la modestie, en nous montrant combien la Nature re- cèle encore de mystères. L’extraordinaire facilité avec laquelle les phénomènes physiques s'expli- quaient, pour la plupart, par des hypothèses mé- caniques produisait sans doute quelque illusion ; il semblait bien à certains esprits que la Physique fût presque sur le point de toucher à son terme; les réflexions que provoquent des découvertes aussi inattendues doivent probablement contribuer à écarter un telle confiance. Un champ si nouveau devait naturellement ten- ter les chercheurs; aussi sont-ils innombrables ceux qui ont exploré avec profit telle ou telle ré- gion de ce domaine si riche, si récemment ouvert à l'activité scientifique. Nous reviendrons en temps ulile sur les plus importantes de ces études, mais il serait fort injuste de ne point parler ici avec au- A4 LUCIEN POINCARÉ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE tant de détails des travaux dirigés dans d’autres directions. Si l'intérêt de la nouveauté a entrainé surtout l'attention du public curieux de science vers les nombreux mémoires consacrés, dans les divers recueils scientifiques, aux rayons de Rônt- gen, il convient de ne point oublier que d'autres recherches également importantes ont été poursui- vies avec succès depuis un an. Aujourd'hui où les frontières scientifiques sont abolies, des esprits semblables, sinon identiques, dominent dans tous les laboratoires; aussi, peut- on grouper d'une façon systématique des travaux accomplis dans des pays souvent très différents, mais se rattachant d'une facon tout à fait intime au même ordre de questions. On ne saurait, à coup sûr, parler dans un seul arlicle de tous les mémoi- res importants qui ont été publiés durant une an- née entière; il importe beaucoup plutôt ici de cher- cher à marquer, d'une façon générale, les positions conquises que de tâcher vainement à être complet. Aussi bien laisserons-nous de côté, volontairement, certains travaux soit parce qu'ils restent pour le moment un peu isolés, soit parce qu'ils font parlie d’un ensemble encore inachevé et qu'il sera possi- ble de les étudier une autre fois avec plus de profit, quoique avec un peu de retard. I. — ÉTUDE THERMIQUE DES CORPS. La loi des états correspondants de Van der Waals offre une importance philosophique et pra- tique considérable : si elle était exactement vérifiée, la détermination des constantes critiques d’un corps suffirait pour connaitre ses lois de compressibilité et de dilatation; aussi. depuis plusieurs années, a-t-elle été l’objet de nombreuses vérifications, qui n’ont malheureusement été faites le plus souvent que dans des limites restreintes de température el de pression et qui exigent la connaissance de va- leurs numériques généralement très incertaines. M. Amagat a imaginé un moyen des plus simples el des plus ingénieux pour arriver à vérifier celle loi : il remarque que, dans toute sa généralité, elle peut se traduire ainsi: Siles réseaux d'isothermes de deux substances sont construits à une même échelle en prenant pour unité de volume et de pression les valeurs des constantes critiques, les deux réseaux devront coïncider, c’est-à-dire que leur superposi- tion présentera l'aspect d'un réseau relatif à une seule substance.Par suite, sil’on possèdeles réseaux le deux corps tracés avec des échelles quelconques, rapportées également à des unités quelconques, changements d'unités reviennent à changer l'échelle des axes, on devra rendre l’un des réseaux semblable à l’autre par un allon- gement ou une diminution suivant l'un des axes. comme les M. Amagat photographie alors deux réseaux d’iso- thermes, il en laisse un fixe, l’autre au contraire peut tourner autour de chacun des axes de coor- données, et, en projetant en lumière parallèle le second sur le premier par transparence, il arrive à une coïncidence pour ainsi dire complète dans le cas de l'acide carbonique et de l’éthylène. Ce moyen mécanique dispense ainsi de calculs laborieux, souvent douteux; il établit d'une façon incontestable, en dehors de toute hypothèse, que la loi de Van der Waals est beaucoup plus appro- chée que les recherches les plus récentes tendaient à le faire croire. A Ia suite du mémoire de M. Amagat, M. Raveau a publié des remarques fort intéressantes sur le même sujet : il indique tout d’abord un moyen également simple pour procéder à la vérification de la loi, en remarquant que si l'on prend pour coordonnées les logarithmes de la pression et du volume, les coordonnées de deux points correspon- dants diffèrent de deux quantités constantes, et les courbes correspondantes sont identiques. Une semblable représentation graphique serait d’ail- leurs applicable à tout autre ordre de questions et elle permettrait évidemment la comparaison de séries différentes de mesures relatives sur un même sujet. Les courbes de M. Raveau, comme celles de M. Amagat, conduisent à une vérification très sa- tisfaisante de la loi; toutefois, M. Raveau fait très justement observer qu'il ne résulte pas de là né- cessairement que l'équation caractéristique des fluides est plus simple que les dernières recherches expérimentales conduisaient à le penser. Si cette équation est algébrique, elle ne renferme que trois constantes qui caractérisent chaque corps, mais le nombre des coefficients pour chacun reste indéter- miné. Les recherches des formules empiriques gardent donc un haut intérêt, mais on conçoit qu'elles n’aboutiront que si l’on se préoccupe aussi de mettre en évidence les propriétés calorimétri- ques des corps. Ce sont précisément des expériences calorimé- triques que M. Mathias a poursuivies sur les liquides saturés ; il détermine d'une façon complète les cha- leurs spécifiques des gaz liquéfiés et de leurs vapeurs saturées, ainsi que les chaleurs de vapori- salion interne et externe. La méthode employée est comparée avec raison par l’auteur à celle dont on se sert en Géométrie pour étudier un solide en déterminant des sections parallèles à un plan donné, ou encore à la méthode des coupes de lhis- toire naturelle; c'est une série de mesures calori- métriques poursuivies dans un ordre nécessaire sur une quantité variable du corps que l’on étudie et qui est contenu dans un vase se vidant du com- til, LUCIEN POINCARÉ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE 15 mencement à la fin d’une série d'expériences. | M. Griffiths sur la capacité calorifique de l’eau à Un poids connu d’un mélange de liquide et de vapeur saturée est enfermé dans un récipient métallique; selon que la masse est supérieure ou inférieure à celle qui remplirait le vase à la tempé- rature critique, sous la densité critique, l'appareil est disposé pour donner la chaleur spécifique du liquide saturé ou celle de la vapeur saturée. A cet effet, on porte l'appareil dans une étuve à température constante, il y est maintenu plusieurs heures au voisinage immédiat de la température à laquelle il est plein soit de liquide, soit de vapeur saturée; puis on le plonge dans un calorimètre. On mesure ainsi la quantité de chaleur à fournir au mélange du liquide et de la vapeur saturée, à volume constant, depuis la température finale du calorimètre jusqu'à la température finale de l’étuve. En commençant avec la plus grande quantité de liquide possible, puis enlevant du gaz progressive- ment, on obtient une série de mesures qui permet de résoudre complètement l’étude calorimétrique du corps. Cette méthode, appliquée avec grand soin, a con- duit M. Mathias à de fort intéressants résultats sur l'acide sulfureux ; la discussion de ces belles expériences a d’ailleurs été faite ici même par M. Amagat. M. A. Batelli a poursuivi les recherches qu'il a entreprises depuis plusieurs années et qui consti- tuent déjà un ensemble très important de mesures des constantes thermiques et calorimétriques des corps; il a obtenu, dans ses dernières expériences, des valeurs nombreuses des coefficients de dilata- tion de la vapeur d'alcool el des densités sous la pression de la vapeur saturée. En utilisant les résul- tats de ces recherches, ainsi que ceux des travaux antérieurs de M. Batelli sur l’éther et le sulfure de carbone, M. van der Waals j" a obtenu de son côté une vérification satisfaisante du théorème des états correspondants. Signalons encore, comme se rattachant à un ordre d'idées semblables, une note où M. Leduc montre que le principe d'Avogadro-Ampère, appa- rait comme une loi limite exacte si on l'énonce de la facon suivante : à des températures et sous des pressions correspondantes, tous les gaz ont le même volume moléculaire. Parmi les autres travaux importants effectués dans le domaine de la chaleur, il convient de citer les recherches de M. Lussana sur la chaleur spéci- fique des gaz, les expériences de MM. A. Schuster et William Gannon sur la détermination de la cha- leur spécifique de l’eau en fonction des unités élec- triques internationales, et aussi les recherches de 4 Revue du 15 avril 1897. diverses températures. Depuis les mémorables expériences de Rowland sur l'équivalent mécanique de la calorie, on ne saurait douter que les formules de Regnault ne sont point exactes ; l'unité calorimétrique à 15°, qui est la mieux déterminée directement, est mal connue en fonction de la calorie moyenne ou de l'unité à zéro. M. Griffiths, reprenant une idée analogue, émise il ÿ a plusieurs années déjà par M. Lippmann, propose, afin de remédier aux inconvénients qui résultent de cette incertitude pour la définilion ordinaire de la calorie, de prendre pour unité de chaleur la chaleur équivalente à 42 X 106 ergs. À limitation de ce qui a été fait pour l'unité de résis- tance, on pourrait donner ainsi une définition théo- rique, rattachant l'unité de quantité de chaleur à une unité du système C. G. S.; puis, pour les besoins pratiques, les physiciens pourraient adop- ter par convention un étalon représentant suffi- samment l'unité théorique (par exemple la calorie définie à 15°); l'unité pratique pourrait être légère- ment modifiée à mesure que les déterminations deviendraient plus précises. M. Griffiths, qui a fait ces propositions, il y a plus d’un an, à l'Association britannique pour l'avancement des sciences, de- mande, sur ce point, l'avis de tous les physiciens. Il est certain qu'il y aurait un haut intérêt à obtenir une unification dans les mesures de quantités de chaleur, semblable à celle qui a été réalisée avec tant de succès pour d’autres mesures des grandeurs physiques. Aux recherches sur les propriétés élastiques et calorifiques des corps dont nous venons de parler, il conviendrait d'ajouter le travail de M. Ponsot sur la congélation des solutions aqueuses étendues et le beau mémoire de M. Bouasse sur la torsion des fils fins, si ces deux mémoires présentés comme thèses ne devaient être étudiés par ailleurs. Il. — THERMODYNAMIQUE. Les plus importants travaux parus depuis un an en Thermodynamique sont dus à M. Duhem, dont l’activité scientifique ne se dément point. Il a publié un travail considérable sur la théorie thermodyna- mique de la viscosité, du frottement et des faux'équi- libres chimiques, c’est-à-dire des états d'équilibre qui sont expérimentalement réalisables, bien que la Thermodynamique ordinaire les déclare impos- sibles. M. Duhem arrive à penser que l’établisse- ment des équations de la Thermodynamique et, par suite aussi, celle de la Mécanique des corps dénués de frottement, qui peut être considérée comme un cas particulier, suppose, entre autres hypothèses, la suivante, qui est entièrement arbitraire : Lorsqu'on 416 LUCIEN POINCARÉ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE donne l'état d'un système, les actions extérieures capables de le maintenir dans cet état sont déter- minées sans ambiguïté par des équations dites con- ditions d'équilibre du système. Si l’on rejette cette hypothèse, il sera alors permis d'introduire dans les lois de la Mécanique et de la Thermodynamique des propositions qu'elle exeluerait. M. Duhem cherche, en somme, à faire prévaloir deux idées fondamentales : la première, déjà déve- loppée par Navier dans un cas particulier, est que la viscosité et le frottement ne sont pas toujours des termes fictifs introduits dans les équations du mouvement des systèmes pour arriver à tenir un compte sommaire de perturbations complexes et mal connues, mais tout au contraire des termes essentiels et irréductibles; la seconde idée est que les divers changements de propriété d'un système ne sauraient se réduire au mouvement local. Ces vues nouvelles s'éloignent des idées généra- lement admises ; elles présentent cependant un haut intérêt, car l’on ne saurait douter que la Thermody- namique apparait de plus en plus comme pouvant devenir la science la plus générale, celle dont la Mécanique ne serait qu'une branche spéciale et qui permettrait sans doute de réunir aussi en un seul faisceau les diverses parlies des sciences physiques et chimiques. Maïs, si elle restait enfermée dans les limites classiques que les physiciens lui avaient assignées, lorsqu'ils cherchaient avec une tendance d'esprit tout opposée à la faire rentrer comme cas particulier dans l'étude de la Mécanique, la Thermo- dynamique ne saurait devenir cetle sorte de science universelle que l’on aspire à établir. Les tentatives du genre de celles que poursuit M. Duhem per- mettent, au contraire, de légitimes espérances de succès. III. — RECHERCHES SUR LES GAZ LIQUÉFIÉS. Depuis les progrès accomplis dans ces dernières années dans les procédés opératoires permettant d'obtenir et de manipuler les gaz liquéfiés, on a réussi à étudier la plupart des propriétés physiques des différents corps à l’état liquide; en particulier, les travaux de M. Dewar ont fourni des résultats précieux. Cette année, M. Dewar, avec l’aide de collabora- teurs plus particulièrement compétents, a pour- suivi la détermination des différentes constantes physiques de l’air liquide. Il a d'abord combiné un appareil de laboratoire permettant la préparation facile de l'oxygène et de l'air liquide et dont le principe est en somme celui de l'appareil employé dès 1878 dans les recherches bien connues de M. Cailletet. Par une détente par- Lielle de l’air comprimé et refroidi lui-même par la détente d'une masse d'acide carbonique, on obtient aisément un litre d'air liquide; en faisant le vide dans un récipient contenant cet air liquide, on obtient ensuite une gelée épaisse et transparente, qui, placée dans un champ magnétique, laisse couler de l'oxygène liquide et doit, par suite, être com- posée d’une gelée d'azote contenant de l'oxygène liquide. M. Dewar a également éludié la liquéfaction de l'hydrogène : il montre que la température critique de ce corps est très basse, mais la pression critique peu élevée; pris à — 194°, point d’ébullition de l'air, l'hydrogène est dans un état tel que sa liquéfaction directe à partir de celte température doit être considérée comme comparable à celle de l'air pris dans une atmosphère à 60°. Cependant l'auteur a pu liquéfier nettement l'hydrogène à une tempéra- ture de — 200°, sous une pression de 200 atmo- sphères. L'oxygène, ou l'air, liquide, placé dans un jet de cet hydrogène, se transforme très rapide- ment en une neige blanche, fort différente par son aspect de la gelée ordinaire formée par l’air solide. Avec le concours de M. Liveing, M. Dewar a déterminé, par une variante de la méthode de la réflexion totale, les indices de réfraction de l’oxy- gène liquide pour diverses radiations; en collabo- ration avec M. J.-A. Fleming, il a comparé aussi la perméabilité magnétique de l'oxygène liquide à celle de l'oxygène gazeux à la température de l'ébullition normale — 182°; les deux auteurs dé- terminent, à cet effet, le rapport des valeurs du coefficient d’induction mutuelle des deux bobines d'un transformateur, lorsque son noyau est en oxygène liquide ou en oxygène gazeux; les nombres trouvés pour la perméabilité de l'oxygène liquide placent ce corps, au point de vue des propriétés magnétiques, à côté d'une solution saturée de per- chlorure de fer. MM. Dewar et Fleming ont pu également déter- miner les constantes diélectriques de l'oxygène et de l'air liquéfiés en mesurant la charge d'un condensateur où ces corps séparent les armatures; l'oxygène et l'air liquides sont des diélectriques aussi parfaits que le pétrole; l'oxygène liquide obéit très approximativement à la loi de Maxwell. IV. — QUESTIONS D'ÉLECTRICITÉ. Comme toujours l'électricité a, celte année, attiré un grand nombre de chercheurs; des résultats fort intéressants ont élé acquis. L'électricité stalique continue le plus souvent à être enseignée en partant de l'hypothèse des ac- tions à distance. Cette ancienne manière de voir n'est guère d'accord avec les vues modernes sur le rôle des milieux intermédiaires, et les idées de LUCIEN POINCARÉ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE M7 Maxwell tendent, de plus en plus, à prévaloir. L'illustre physicien anglais a montré, on le sait, qu'il y a une équivalence mathémalique entre les conséquences des lois de Coulomb et les consé- quences de cette hypothèse que, placé dans un champ électrique, un diélectrique est soumis à des forces de tension dans le sens des lignes de force et de pression suivant les normales à ces lignes, quand il est homogène. Dans la plupart des recherches entreprises pour mettre en évidence ces forces à l'intérieur des diélectriques, on a cherché leurs effets à la surface de séparation de deux corps diffé- rents; mais, dans ce cas, l'hypothèse que le diélec- trique est homogène n’est plus naturellement véri- fiée. D'autre part, M. H. Poincaré a montré que, pour expliquer les phénomènes électrostatiques par des actions de milieu, l'hypothèse de Maxwell n’est pas nécessaire et qu'elle ne peut même être acceptée que si on la modifie quelque peu. M. Pellat a pensé qu'il serait possible d’édifier l'Électrostatique en laissant de côté toute hypo- thèse et en la faisant reposer sur des bases expéri- mentales assez larges pour comprendre, dès le début, le cas de plusieurs diélectriques placés dans le champ, mais en laissant de côté les lois de Cou- lomb, puisqu'elles ne sont pas directement appli- cables dans ce cas. Son mémoire, paru dès 1895, est une tentative des plus intéressantes pour in- troduire dans l'enseignement de l'Électricité stati- que des réformes qui s'imposent. Par la méthode qu'il suivait, M. Pellat arrivait, en outre, à démon- tirer qu'un diélectrique non électrisé, placé dans un champ électrique, peut être soumis à des forces; il donnait même l'expression analytique de ces forces. Il a pu cette année vérifier, soit avec des diélec- triques solides, soit avec des diélectriques liquides, les formules qu'il avait précédemment établies. Dans le même ordre d'idées, mais se plaçant à un point de vue presque opposé, M. Gouy cherche et parvient à démontrer que l’on peut continuer à admettre, avec les fondateurs de l'Électrostatique, que la force qui s'exerce entre deux particules électriques est bien indépendante du milieu am- biant, à condition de tenir compte des effets indi- rects qui produisent des forces apparentes; ainsi, dans les diélectriques fluides, une pression hydro- statique intervient qui modifie l'action électrique. On ne peut s'étonner de voir ainsi qu'avec des _ points de départ bien différents, on arrive à inter- préter d’une facon satisfaisante les mêmes résultats expérimentaux. On sait bien, en effet, que des hypothèses mécaniques entièrement distinctes peuvent conduire à des résullats identiques dans leurs conséquences même les plus reculées. Mais, si l'essence même des phénomènes doit nous rester cachée, les tentatives du genre de celles dont nous REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897. venons de parler n'en gardent pas moins un haui intérêt philosophique. Les diélectriques ont été aussi l’objet d'un grand nombre de recherches expérimentales; nous cite- rons en particulier un mémoire de M. Houllevigue, qui à étudié l’échauffement d’un condensateur soumis à une série de charges ou de décharges, cet échauffement découvert par Siemens avait été déjà l'objet d'un ceftain nombre d'expériences peu concordantes; les résullats de M. Houllevigue sont entièrement d'accord avec la théorie. L'Électrolyse a fourni son contingent habituel de travaux. Les procédés opératoires, qui font péné- trer de plus en plus dans l'industrie les méthodes de préparation ou d'analyse électriques, ont reçu des perfectionnements de détail. Au point de vue scientifique, peu de résultats nouveaux sont à signaler. Citons cependant : une note de M. Joubin sur la conductibilité des sels moléculaires en disso- lution, où l’auteur tire de la loi énoncée par M. Bouty d'intéressantes conséquences; un travail de M. So- kolow sur l’électrolyse de l’eau, où l’auteur élucide un certain nombre de questions délicates et par- vient à rétablir l'accord entre les conséquences tirées par Helmholtz de l’application de la loi de l'énergie libre aux phénomènes de l’électrolyse et de la polarisation et les résultats expérimentaux trouvés par divers auteurs ; un mémoire de M. Ba- gard qui contient la démonstration expérimentale de l'existence du phénomène de Hall dans les liquides et des mesures sur ce phénomène ; les expériences de M. Braun sur la conductibilité de l'air éleetrisé el sur le courant magnétique. La conductibilité des métaux a été également l'objet de plusieurs recherches. M. Fleming, par exemple, a effectué des mesures de la conductance de métaux et d’alliages à de basses températures. 11 montre que la résistivilé des métaux purs tend vers zéro, à mesure qu'on se rapproche du zéro absolu de température, tandis que celle des alliages parait, au contraire, tendre vers une limite finie; de très petites quantités de matières étrangères produisent, pour certains corps, des variations énormes dans la valeur de la résistivité. L'auteur signale des faits analogues pour les propriétés magnétiques du fer et de ses alliages. Lord Ray- leigh pense que l’on pourrait peut-être expliquer les phénomènes observés par M. Fleming sur la résistance des alliages en supposant que ces corps sont hétérogènes et constitués de lamelles de com- positions diverses; il se produirait alors, sous l'influence d'un courant, des effels Peltier qui engendreraient des forces contre-électromotrices proportionnelles à l'intensité; ces forces électro- motrices joueraient dans les mesures exactement le même rôle qu'une augmentation de résistance. 10* 118 LUCIEN POINCARÉ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE Peut-être des effets semblables se produisent- ils dans des phénomènes curieux observés par M. Branly; ils ne sauraient cependant suffire pour les expliquer complètement. M. Branly réussit à montrer qu'il existe une résistance de passage entre deux surfaces mélalliques, résistance qui est sou- vent considérable alors même que les surfaces ont élé bien polies, bien nettoyées, qu'elles sont main- tenues en contact par pression et en apparence parfailement adhérentes. Si cette résistance est négligeable avec les conducteurs qui constiluent d'ordinaire les circuits, elle a une certaine impor- lance avec des métaux tels que l'aluminium ou le plomb. V. — RECIERCIIES SUR L'ARC ÉLECTRIQUE. De divers côtés, l'arc électrique a été depuis quelque temps l’objet d'expériences qui ont con- duit à des résultats théoriques et pratiques dignes de remarque. MM. Wilson et Fitzgérald ont éludié les effets de la pression de l'atmosphère ambiante sur la température du cralère de l’are. On admet assez généralement que cette température qui, d’après les belles expériences de M. Violle, est fixe et voi- sine de 3.400°, ne serait autre que la température d'ébullition du carbone. S'il en était vraiment ainsi, z difficile d'admettre qu'ilexiste, dans la photosphère solaire, des particules de char- bon solide, puisque la température de cette pho- il deviendrait asse tosphère dépasse, d'après les plus basses estima- tions, 8.000°; ou bien il faudrait alors que la pression de l'atmosphère solaire fût suffisante pour porter le point d'ébullition du carbone jusqu'à ces hautes températures. Les expériences des au- teurs paraissent prouver que les changements de pression ne produisent pas de tels effets; il sem- blerait même, en certains cas, que la température s’abaisse quand la pression augmente. Les phéno- imènes sont d'ailleurs très complexes; les varia- lions d'éclat que l’on observe et par lesquelles s'accusent les changements de température sont cerlainement dues en partie à une absorption dans le tube d'observation; d'autre part, les auteurs ont également observé dans les gaz comprimés des courants de convection qui dispersent et réflé- chissent la lumière et l'empêchent, en partie, de parvenir jusqu'à l'observateur. MM. Wilson et Filz- gérald pensent que de semblables phénomènes se produisent dans l'atmosphère solaire et empêchent sans doute un certain nombre des radiations qui s y produisent d'arriver jusqu'à nous. À la Société Erançaise de Physique, M. Ch.-Ed. Guillaume a émis, à propos de ces expériences, une idée inté- ressante; il pense que l’abaissement d'éclat du charbon positif, sous l'influence de la pression, pourrait peut-être s'expliquer par la dissolution du carbone dans l'atmosphère ambiante; il résulle, en effet, des expériences bien connues de M. Vil- lard sur la dissolution des solides dans les gaz, que la quantité dissoute est d'autant plus abon- dante que la pression est plus élevée. L'une des expériences de MM. Wilson et Fitzgérald donne- rait même de l'hypothèse de M. Guillaume une confirmation directe; ces deux physiciens ont, en effet, remarqué que, si l’on fail jaillir l'arc dans une atmosphère d'acide carbonique sous pres- sion et que l'on produise ensuite la détente, on voit un nuage de carbone apparaitre autour de cet arc. M. Le Chatelier estime aussi que le charbon posi- lif est à sa température de fusion et non pas à une température d’ébullilion, car, autrement, la force élastique de la vapeur de carbone devrait déjà être considérable à la température à laquelle se trouvent portés d'ordinaire les filaments des lampes à incandescence, ce qui parait peu vrai- semblable. Divers physiciens ont entrepris des recherches relatives à d'autres questions qui se posent à pro- pos de l’are. MM. Frith et Rogers ont cherché à mesurer ce qu'ils appellent la vraie résistance, c'est-à-dire le rapport d’un petit accroissement dans la différence de potentiel entre les charbons à la variation correspondante du courant; la résis- lance ainsi définie est posilive avec des charbons pleins, négative, au contraire, avec des charbons creux. Au cours de ces expériences, M. Frith aremarqué que l’are a la propriété de modifier la forme de l'onde lorsqu'il est excité par un courant aller- natif; ainsi, l'introduction d'un are peut changer une courbe à sinuosilés allongées en une courbe à sinuosités aplaties; ce fait a un véritable intérêt industriel, car on a remarqué depuis longtemps que le pouvoir éclairant est plus grand lorsque la courbe du courant est aplalie. Me Ayrion a publié une curieuse expérience sur les variations brusques de voltage dans l’are, lorsqu'on fait changer l'intensité; ces varialions, accompagnées de variations d'éclat sur le charbon positif et de condensation sur le négalif, paraissent dues, d'après M° Ayrton, aux variations de volume des vapeurs conductrices comprises entre les charbons; on doit, en tout cas, retenir cette consé- quence pralique que lorsque l'arc est alimenté par un courant variable, la différence de potentiel entre les charbons dépend non seulement de l'in- tensité, mais aussi de la manière dont cette inten- sité varie avec Le temps. M. Leroux a émis, il y à longtemps déjà, cette Eee LUCIEN POINCARÉ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE idée que la force contre-électromotrice qui appa- rait dans l’are est d’origine thermo-électrique; M. Gorges a réalisé des expériences sur l'arc aller- nalif qui paraissent tout à fait favorables à cette idée; M. Arons cile également des faits en faveur de cette hypothèse; et, d'autre part, M. Ayrton à vérifié qu'en chauffant par une source étrangère le charbon négalif, le voltage nécessaire pour main- lenir l'are s’abaisse, ce ‘qui pouvait être prévu dans l'idée de M. Leroux. Peut-être une explication semblable pourrait-elle êlre donnée d’une expérience de M. Sahulka, qui a découvert, que si on lance un courant alternatif entre deux pointes, l’une de charbon, l’autre de fer, il semble se produire, pendant le passage de Pare, un courant continu dirigé du fer vers le char- bon; c'est-à-dire que, pour une mème longueur d'are et une même force électromotrice, le courant est plus intense dans le sens fer-charbon que dans le sens opposé. Nous croyons nous souvenir que de pareils faits avaient élé déjà observés par M. Ma- neuvrier, il y a plusieurs années. E Au point de vue pratique, un progrès considé- rable à été accompli depuis un an dans l'éclairage à arc par M. Marks, qui est arrivé à éclairer d’une façon tout à fait satisfaisante un grand nombre de rues de New-York, avec des arcs en vases clos. Depuis 1866, où Staite avait le premier imaginé une lampe à arc fermée, bien des tentatives avaient été faites pour rendre praliques de tels appareils; ils semblent, à première vue, présenter de grands avantages : propreté, innocuité, diminution de la consommation des charbons et du prix de la main- d'œuvre nécessaire pour les changer; mais de graves difficullés s'étaient toujours présentées qu'on n'avait pu écarter; en particulier, il se pro- duisait sur les globes des dépôts de charbon qui absorbaient au bout de peu de temps la plus grande partie de la lumière émise. M. Marks est arrivé à combiner un appareil simple et pratique; Lout le carbone enlevé par le courant au charbon positif se transforme en gaz et il n'y a pas de dépôt; un ingénieux régulateur d'admission d'air est disposé pour faire entrer en conflit les courants de gaz sor- lant de l'appareil ou y pénétrant, de façon à obte- nir une parfaite régularité dans l’are. Signalons enfin, pour terminer l'exposé de ces recherches sur l'éclairage électrique, les récentes expériences de M. Schutt sur ce qu'il appelle la lumière électro-capillaire, en faisant passer dans un tube de verre capillaire plein d’air à la pression atmosphérique, les décharges d'une bobine d'in- duction entre des électrodes en cuivre ou en alu- minium ; on obtient une lumière d'un éclat surpre- nant, mais peu durable, le tube de verre étant rapidement détruit. 119 V{. — KELECTRO-O0PTIQUE; OSCILLATIONS ÉLECTRIQUES. Les expériences de Hertz ont provoqué depuis une dizaine d'années un mouvement scientifique considérable ; l'étude des phénomènes se rappor- tant aux relations qui existent entre la lumière et léleclricité attire toujours un grand nombre de chercheurs, car, derrière l'illustre physicien, il reste à glaner presque une moisson. C’est ainsi que, cette année, M. Strinberg a pu vérifier ex- périmentalement l'interprétation théorique que M. H. Poincaré et M. E.-V. Bjerknes ont donnée du phénomène de la résonnance multiple des ondula- tions électriques, ou bien encore que M. Righi a pu étendre au cas de deux pelites oscillations électriques perpendiculaires de même période, de même amplitude et de phases différant de un quart de période, la théorie que Hertz avait donnée pour une petite oscillation rectiligne. C'est également au même ordre d'idées que l’on peut raltacher les mesures effectuées par M. Zee- man sur l'influence d’une aimantalion perpendi- culaire au plan d'incidence sur la lumière réfléchye par un miroir de fer, et peut-être aussi les très curieuses expériences du même auteur relatives à l'influence du magnétisme sur les radiations émises par les corps. M. Zeeman a rendu compte ici même du résultat de ses recherches. On sait qu'il a constaté que si l'on place entre les deux pôles d’un électro-aimant un bec de gaz donnant la flamme jaune du chlorure de sodium, au moment frécis où l'on excite l'électro-aimant les deux raies D s'élargissent. Le phénomène, qui cesse quand le champ vient à être supprimé, ne parait point ètre dû à un changement dans l'état de la vapeur de sodium, mais bien à une modification véritable de la période vibratoire de la lumière: les bords des raies D élargies sont polarisés circu- lairement. Dans l’idée de l’auteur, ces faits seraient une confirmation d'une théorie de M. Lorenz, d'après laquelle les forces qui agissent sur les ions électrisés dans un champ magnétique pourraient produire précisément les effets signalés. M. Jagadis Chunder Bose a continué les belles expériences qu'il poursuit depuis quelques années sur les radiations électriques et dont M. Gariel à déjà parlé; le jeune physicien indien s’est plus particulièrement occupé dans ces derniers temps de la détermination des longueurs d'onde des ra- diations électriques au moyen de réseaux de dif- fraction. L'oscillateur est constitué par deux pelites boules en platine fondu, entre lesquelles se trouve interposée une sphère; il est excité par une bobine de Ruhmkorff, ingénieusement modifiée et contenue tout entière dans une boîte de fer recou- verte de feuilles d’élain. Le résonnaleur est une 120 LUCIEN POINCARÉ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE spirale d'acier reliée à une pile et à un galvano- mètre. Lorsque la radiation électrique tombe sur cette spirale, il se produit une brusque diminution de résistance et la déviation du galvanomètre décroit soudainement. Un même récepteur peut servir pour plusieurs vibrations, si l’on modifie la force électromotrice introduite dans le circuit. Le réseau sur lequel tombe la radiation qui sort par une fente verticale est un réseau cylindrique formé par des bandes d'étain tendues sur une mince feuille d’ébonite courbée. Les expériences semblent prouver que le spectre diffracté est un spectre inéaire et non un spectre continu; ce résultat très important n’est pas conforme aux idées primitives de Hertz, mais il est bien d'accord avec l'opinion de J.-J. Thomson. M. Righi a également réalisé d'importantes expériences sur les oscillations électriques ; un oscillaleur, excité par une machine à influence, est plongé dans un liquide isolant et disposé de telle facon que la ligne des centres de ses deux sphères coïncide avec la ligne focale d'un miroir cylin- dro-parabolique constitué par une lame de cuivre. Le système produit alors des rayons électriques avec lesquels on peut répéter la plupart des expé- riences d'Optique : expériences d'interférence avec les miroirs de Fresnel; mesure des longueurs d’ondé avec le dispositif employé par M. Michelson dans ses célèbres expériences sur la comparaison du mètre aux longueurs d'onde de la lumière; phé- nomènes de réfraction et de polarisation par réfrac- tion, réflexion totale, polarisation circulaire, ré- flexion métallique. Si l’on joint à ces expériences les résultats obtenus par M. Lebedew, qui, expéri- mentant avec des longueurs d'onde de six milli- mètres seulement, -a pu, en 1895, constater la double réfraction du soufre et polariser des vibra- tions électriques avec des nicols de soufre, on peut dire qu'aujourd'hui toutes les propriétés de la lumière ont été étendues systématiquement aux vibrations hertziennes. Il y a, dans la science, peu d'expériences pré- sentant un intérêt philosophique aussi grand que celles qui se rapportent à ces phénomènes d'oscil- lalion et de résonnance électriques; mais il ne sem- blerait guère au premier abord qu'elles pussent conduire à des applications utiles au point de vue industriel. Divers essais ont cependant été tentés depuis quelque temps qui paraissent promettre des résultats prochains. C'est ainsi que MM. Hutin et Leblanc ont indiqué un procédé qui deviendra sans doute rapidement pratique et qui permettrait de résoudre le problème de la transmission simul- tanée de plusieurs conversations sur une même ligne téléphonique. Au lieu de courants continus, on enverrait dans la ligne plusieurs courants alter- natifs de haute fréquence, mais de fréquences dif- férentes et l’on disposerait sur la même ligne les postes qui doivent converser ensemble avec des résonnateurs correspondants à une même fré- quence. C'est ainsi encore que les mêmes auteurs proposent d'employer des résonnateurs pour trans- mettre à des tramways l'énergie électrique amenée dans une ligne au voisinage de la voiture sans qu'il soit nécessaire d'établir une communication entre elle et la ligne. Les expériences de MM. Marconi et Preece, effectuées dernièrement à Londres, parais- sent également indiquer la possibilité de réaliser de semblables transports d'énergie sans fil. Dans un ordre d'idées semblable, on connaît aussi les ingénieux appareils où M. Boucherot utilise les phénomènes de résonnance pour la production industrielle des courants alternatifs par des moyens très simples. VII. — RAYONS CALORIFIQUES DE GRANDES LONGUEURS D'ONDE. Comme nous venons de l'indiquer, les radialions électriques peuvent aujourd’hui être considérées comme entièrement connues; les dernières hésita- tions sont levées et l’on ne saurait plus douter de l'identité de nature des oscillations électriques et desoscillations lumineuses ; toutefoislesoscillations électriques les plus rapides que l’on ait su pro- duire, celles de M. Lebedew, ont 6 millimètres de longueur d'onde, tandis que les longueurs d’onde les plus longues de la lumière, observées avec cer- titude par M. Langley dans l'infra-rouge, ne dépas- sent guère 15 microns. On verrait facilement que le spectre inconnu qui s'étend entre ces deux ra- diations extrêmes occupe un intervalle presque égal à celui que l’on a étudié entre les radiations ultra- violettes et les rayons infra-rouges les plus éloi- gnés. La lacune est donc encore considérable. Un intérêt évident s'attache aux expériences dans lesquelles on cherche à la combler. Le problème peut être attaqué de deux côtés dif- férents, il est pour ainsi dire possible de partir des deux rives pour franchir l'intervalle. Les efforts tentés dans ces derniers temps avaient été surtout dirigés du côté des oscillations électriques, et nous avons vu qu'ils n'avaient point étéinutiles, puisque les longueurs d'onde des expériences primitives de Hertz ont été considérablement abaissées; mais tout récemment MM. H. Rubens et F.-F. Nichols viennent de publier des expériences qui les con- duiront sans doute à diminuer beaucoup l’inter- valle encore inexploré, et le point de départ de ces expériences est au contraire du côté des rayons calorifiques. Les auteurs remarquent que la diffi- culté la plus grande de ce genre de recherches pro- LUCIEN POINCARÉ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE rs LS — vient de ce que les ondes extrêmes du spectre | coefficients de transmission et de réflexion pour de infra-rouge ne renferment qu'une très faible part de l'énergie totale émise par un corps incandes- cent, de sorte que si, pour les étudier, on les dis- perse encore par un prisme ou par un réseau, l'intensité en un point devient si faible qu'elle n’est plus observable. L'idée originale de MM. Rubens et Nichols est d'obtenir, sans prisme ni réseau, un faisceau homogène de grande longueur d'onde suffisamment intense pour être étudié; à cet effet, la source radiante_est une lame de platine recou- verte de fluorine ou de quartz en poudre, qui émet des radiations nombreuses au voisinage de deux bandes d'absorption linéaires qui existent dans les spectres d'absorption de la fluorine et du quartz, et, dont l’une est, comme l’a constaté M. Nichols, située dans l'infra-rouge; les radiations ainsi émi- ses se réfléchissent plusieurs fois sur de la fluo- rine ou sur du quartz, et comme, au voisinage des bandes, l'absorption est de l'ordre de celle des corps métalliques pour les rayons lumineux, les ondes correspondantes apparaissent en proportion de plus en plus considérable dans le faisceau réflé- chi. Ainsi, par exemple, dans le cas du quartz, au voisinage de À — 84,5, l'absorption est trente fois plus grande dans la région de la bande que dans la région voisine, et, par suite, après trois réflexions, tandis que les radiations correspondantes ne seront presque pas affaiblies, les ondes voisines le seront, au contraire, dans le rapport de 1 à 27.000. L'appareil qui sert à mesurer la longueur d'onde se compose d’un réseau de fils qui permet d’obte- nir avec le quartz les images diffractées du pre- mier et du troisième ordre, que l'on observe avec un bolomètre très sensible dont les bandes de pla- tine sont recouvertes de noir de platine élec- trolytique plus absorbant pour ces longueurs d'onde que le noir de fumée. Avec la fluorine, les auteurs ont observé des longueurs d'onde de 244,5 ; avec le sel gemme et la sylvite, on peut obser- ver des longueurs d'onde plus éloignées, voisines de 504, mais les expériences ne sont point encore terminées. On remplacera pour ces recherches le bolomètre par un radiomètre de Crookes, formé de deux petites ailettes en mica noirci suspendues par un fil de quartz dans une ampoule fermée par une lame de fluorine, et qui est tellement sensible qu'une bougie placée à 6 mèlres donne une dévia- tion de 66 millimètres sur une échelle placée à 1 mètre ; il résulte d’ailleurs des expériences de M. Nichols que, dans des conditions convenables de pression, les indications de l'appareil sont exacte- ment proporlionnelles au flux d'énergie qui y pénètre. M. Nichols a utilisé déjà, dans des expé- riences antérieures, cet appareil pour éludier les propriétés du rayon ordinaire dans le quartz et les grandes longueurs d'onde. Outre le résultat capi- tal, que nous avons tout d'abord indiqué, les expé- riences de MM. Nichols et Rubens paraissent devoir fournir de nombreux renseignements sur la façon dont se comportent les radiations infrarouges, au point de vue de leur absorption, de leur réflexion et de leur réfraction par diverses substances. Signalons enfin une curieuse expérience effec- tuée par les auteurs ; ils ont pu reproduire, avec les radialions de grande longueur d'onde qu'ils ont obtenues, un phénomène particulier de réson- nance découvert par M. Garbasso pour les oscilla- tions hertziennes: c’est là un résultat bien intéres- sant, puisqu'il montre bien clairement que l’inter- valle qui reste à franchir pour raccorder défini- tivement les deux régions spectrales jusqu'ici séparées, n'apparait plus infranchissable. VIII. — DÉCHARGES DANS LES GAZ RARÉFIÉS, RAYONS X, RAYONS URANIQUES, ETC. Comme nous le disions au début de cet article, les travaux consacrés à l'étude des rayons de Rœntgen ont été de plus en plus nombreux: il serait difficile de les mentionner tous, c'est sur ce sujet d’ailleurs qu'il est permis d'être ici le plus bref car les lecteurs de la Revue générale des Sciences ont été constamment tenus au courant des progrès accomplis tant au point de vue de la technique ex- périmentale qu'au point de vue des idées théo- riques. Nous ne parlerons donc point des procédés opé- raloires qui ont permis l'obtention, avec une durée de pose très courte, des magnifiques clichés radio graphiques que tout le monde connait aujourd'hui et nous laisserons aussi de côté la description des procédés fluoroscopiques grâce auxquels la vision directe des parties internes du corps humain est devenue d’une pratique courante et facile. Rappe- lons seulement les travaux de J.-J. Thomson, puis en France les procédés indiqués tout d’abord par M. James Chappuis et par M. Meslin pour diminuer le temps de pose, et enfin la construëtion des tubes de M. Colardeau et les perfectionnements apportés par des constructeurs tels que MM. Chabaud, Ducre- tet, Séguy, Radiguet, qui ont tant contribué àrendre pratique la nouvelle méthode de radiographie. Au point de vue théorique, les recherches ont été dirigées dans deux voies différentes : un grand nombre de physiciens ont imaginé des expériences qui devaient, dans leur pensée, résoudre enfin l'énigme posée par les expériences de Rœntgen et permettre de connaitre d’une facon définitive et indubitable la nature des fameux rayons; d'autres au contraire, laissant provisoirement de côté toute 429 LUCIEN POINCARÉ —— REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE tentative pour la solution directe du problème, se sont surtout attachés à étudier les diverses pro- priétés et les effets si variés de ces radiations. On ne saurait encore prétendre aujourd'hui que les efforts des premiers ont été entièrement cou- ronnés de succès; aucune solution incontestable n'a été proposée, et tout au plus peut-on affirmer qu à l'heure présente il n'y a aucune raison absolue qui empêche d'admettre que les rayons X sont des rayons de très courte longueur d'onde. Comme il est d’une bonne méthode scientifique de conserver l'interprétation la plus simple d’un phénomène jusqu'au jour où elle a été mise formellement en défaut, c'est l'opinion de ceux qui voient dans les rayons X des rayons de très petite période qui est actuellement la plus généralement admise; mais les expériences de M. Gouy établissent que, s'il existe vérilablement des longueurs d'onde des nou- veaux rayons, elles sont considérablement infé- rieures à 04,005, c’est-à-dire à 1/100 de la longueur d'onde du vert, et entre ces rayons et les rayons ultra-violets il reste un large abime à combler. Un point qui paraît aujourd'hui acquis, c'est que les rayons X ne prennent pas, comme on l'avait cru d'abord, naissance au point où les rayons ca- thodiques frappent les parois et que le phénomène de la phosphorescence n’est nullement nécessaire à la production des rayons X : ainsi, les lueurs ob- servées à l’intérieur de tubes de Crookes sont dues aux rayons X ct non à l’action des rayons catho- diques sur l’ampoule. Parmiles propriétés des rayons les plus curieuses au point de vue physique, on a particulièrement étudié les effets de décharge qu'ils produisent sur les corps électrisés. MM. Benoist et Hurmuzescu, qui avaient été des premiers à signaler cette action, ontétudié,comme d’autres savants (MM. J.-J.Thom- son, Righi, Borgmann, Gerchun, H. Dufour, Batelli et Garbasso), les particularités du phénomène. Un fait très important a été mis en évidence par M. J. Perrin qui a établi que la décharge se pro- duit alors même que les corps ne sont pas touchés par les radiations. Il suffil que les rayons traver- sent dans un gaz le champ électrique situé entre deux conducteurs pour que des échanges d'élec- tricité se produisent qui ramènent ces conducteurs au même potentiel; les gaz ainsi traversés con- servent, même pendant quelque temps, la pro- priélé de décharger les corps électrisés sur les- quels on les envoie. M. Perrin a interprété ces expériences en admettant que sur leur passage les rayons de Rœntgen décomposent les molécules gazeuses en ions et il a tiré de cette hypothèse d'intéressantes conséquences. Lorsque les corps électrisés sont sur le parcours des rayons, outre le phénomène qui se produit dans le gaz et qui dépend de sa nature, il existe un phénomène qui se produit à la surface du métal au contact du gaz et qui dépend de la nature du gaz et de celle du métal. Des expériences de M, Richarz, qui établissent que les rayons de Rœntgen agissent sur un jet de vapeur pour provoquer la formation d’un brouil- lard, peuvent être considérées — d'après des remarques faites à propos d’autres recherches par R. von Helmholtz — comme fournissant un nouvel argument en faveur de l’idée d’une sorte d’électro- lyse de l'air produite par les rayons X. M. Wiison a montré, d’un autre côlé, que les rayons aident à la condensation de la vapeur d’eau, et peut-être ces phénomènes jouent-ils un certain rôle dans l'atmosphère, quoique, d’après M. Carey Lea, il n'existe pas de rayons Rœntgen dans la lumière du Soleil. Parmi les nombreuses théories dont quelques- unes ont été échafaudées un peu à la hâte, il en est une qui a élé proposée dernièrement par M. de Heen pour expliquer la cause de la production des rayons X et qui, si elle ne peut ètre regardée comme l'expression exacte de la vérité, est, en tout cas, fort curieuse et suggestive. D'après cet auteur, les rayons seraient bien dus à des vibrations de l’éther de très courtes longueurs d'onde, produites par l’élévalion de température considérable, mais très fugace, due au choc des molécules dans les tubes de Crookes: ces ondes éthérées très courtes, rencontrant la surface des corps, détermineraient, dans la couche d’éther qui les recouvre, des wi- bralions auxquelles on pourrait attribuer toutes les manifestations électriques. Ces considérations sur la nature de l'électricité et des rayons X per- mettent d'expliquer un grand nombre de faits, même ceux qui restent encore assez vagues, comme ceux qu'a signalés M. Lebon. À côté des rayons X, il faut désormais placer les rayons uraniques découverts, on le sait, par M. H. Becquerel et dont ce savant a continué l'étude ; ila, en particulier, dans ces derniers temps éludié la décharge des corps électrisés par ces rayons et démontré que les corps sont déchargés, quel que soit leur potentiel, depuis 1 volt jusqu'à 3.000, et que la durée de la décharge est la même pour une charge positive ou une charge négalive. Un morceau d'uranium électrisé et qui resterait dans le vide se décharge spontanément dans l'air ou dans d’autres gaz suivant des lois que M. Bec- querel a établies par de très élégantes expériences. Tout se passe donc comme si les rayons ura- niques possédaient, eux aussi, la propriété de rendre conducteurs les gaz qu'ils lraversent, el, sans doute, ces faits se rattachent intimement aux phénomènes d’électrolyse, d'ionisalion, des gaz étudiés par J.-J. Thomson. LUCIEN POINCARÉ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE 423 IX. — QUuEsrIoNs D'OPTIQUE. L'Optique pure continue à donner lieu tous les ans à d'importants travaux; dans ce champ, depuis si longtemps retourné en tous sens, il reste encore des points nouveaux à étudier. Ainsi M. Sagnac a pu, par de simples considé- ralions géométriques, expliquer des illusions qui accompagnent la formation des pénombres et aussi desillusions qui accompagnentles défauts d’accom- modalion et dont- quelques-unes avaient déjà été signalées el expliquées par M. Meslin. Les remar- ques de M. Sagnac, en dehors de leur intérêt direct, tirent une grande importance de l'application que l'on en peut faire à l'étude des rayons X; elles éla- blissent, en effet, la cause des divergences obtenues par différents expérimentateurs dans bien des cas, el elles nous font comprendre comment l’on à pu prendre pour des franges de diffraction de simples effets d'ombre et de pénombre. Signalons, parmi les bons travaux d'Optique effectués dans ces derniers temps, les expériences de M. Dongier sur la double réfraction du quartz par compression. Au point de vue de l’élasticité mécanique, il existe, comme l'a montré Savart, deux direclions situées dans le plan des axes binaires d’un cristal de quartz et faisant avec eux des angles différents, suivant lesquelles les pro- priétés varient tandis que la surface d'onde n'éla- blit aucune différence entre ces deux directions. M. Dongier s'est demandé si une même compres- sion effectuée suivant l’une ou l’autre de ces deux directions allérerait la surface d'onde de la même façon ou d’une manière différente. L'expérience a été faite avec un prisme de quartz comprimé à des pressions de 200 atmosphères. La biréfringence se calcule à l’aide des formules de M. Gouy. L'auteur a d'abord vérifié que, comme l'avait montré M. Beau- lard, la biréfringence est proportionnelle à la pres- sion, puis il à établi qu'une même compression, dirigée suivant des sens indépendants par rap- port aux axes binaires et normaux aux axes ler- naires, allère d’une manière différente la biréfrin- gence observée pour une propagation parallèle à l'axe ternaire. Dans toutes les théories mécaniques relatives à la propagalion de la lumière à l’intérieur des mé- taux et à sa réflexion à leur surface, il intervient deux coeflicients, l'indice de réfraction et l'indice d'extinction, qui définissent complètement le milieu absorbant au point de vue optique; mais la mesure directe des indices des mélaux est entourée de diffi- cultés expérimentales considérables, surtout parce qu'il est nécessaire de prendre les métaux sous une épaisseur supérieure à une certaine limite, l'épaisseur de la couche de passage, et que les lames satisfaisant à celle condition sont presque entièrement opaques. M. Salvador Bloch est par- venu, dans un travail très remarquable, à utiliser non plus des métaux, mais des solulions optique- ment mélalliques, constituées par des pellicules de collodion colorées par de la fuschine, et qui lui ont fourni des résultats d’une haute valeur sur les indices de réfraction et d'extinction. L'auteur a pu ainsi faire une comparaison complète entre les valeurs directement mesurées de ces indices et leurs valeurs théoriques, c'est-à-dire celles que l’on peul déduire des paramètres de réflexion. X. — ConGRÈs, EXPOSITIONS. L'une des causes qui ont, de toute évidence, le plus contribué dans ce siècle aux progrès des sciences expérimentales, est la facilité qu'ont ap- portée les Congrès et les Expositions à l'échange des idées entre les savants de divers pays. Depuis un an plusieurs manifestations scienti- fiques de ce genre se sont produites, dont les résul- lats furent fructueux. L'Exposilion de Genève à permis d'examiner d'importantes et nouvelles applications de l'énergie électrique, au sujet desquelles la evue générale des Sciences a déjà donné tous les détails nécessaires, Mais il importe de signaler ici les décisions prises par le Congrès international des Électriciens qui s'est tenu à Genève du 4 au 9 août 1896. Le Congrès s’est occupé des unités magnétiques, et, adoptant les conclusions d’un savant rapport de M. Hospitalier, a émis le vœu que les unités ma- gnéliques C. G. S. fussent adoplées comme unités pratiques, et que, conformément aux propositions faites en 1894 par l'American Institut of Electrical Engineers, on désignàl par des noms de physiciens les unités de champ, d’induction et de réluctance. Mais la discussion la plus importante peut-être a porté sur les unités pholtométriques. On sail qu'en 1889 le Congrès des Électriciens a adopté définitivement comme unité vingtième partie de l’étalon cision n'était pas suffisante pour répondre à tous les besoins de la pratique, et le Congrès de Genève a complété l'œuvre commencée en acceptant dans leur ensemble les propositions d'un physicien Francais, tout particulièrement compétent dans cet pratique de lumière la Violle; mais cette dé- ordre de questions, M. Blondel, lequel, depuis plu- sieurs années, a cherché à établir un système ra- tionnel et complet de définilions des grandeurs et des unités qui peuvent intervenir dans les études photométriques. Les grandeurs photométriques internalionales définies ont pour base l'intensité lumineuse d'une source ponctiforme; on distingue Pintensité, le 424 flux, l'éclairement, l'éclat et l'éclairage, dont les unités sont la bougie décimale, le lumen, le lux, la bougie décimale par centimètres carrés et le lumen- heure. Il est fort à désirer que ces décisions ration- nelles soient adoptées par tous les physiciens, comme elles l'ont été par les électriciens. S'il n’y a pas eu en France de réunion interna- tionale comme celle de Genève, en revanche deux Sociétés qui ont, chacune dans un genre différent, singulièrement contribué aux progrès de la Phy- sique dans ce pays, ont, l’une et l’autre, installé des exposilions particulières dont il convient de faire mention. Les 23 el 24 mai 1896, la Société internationale des Électriciens a, sur l'initiative de son ancien et éminent président, M. Potier, organisé une expo- silion d'électricité appliquée aux usages domes- tiques, médicaux el scientifiques. L’exposilion ne renfermait peut-être pas d'appareils reposant sur des principes entièrement nouveaux, mais, en re- vanche, une foule de perfectionnements dont les détails ont été mis pour la première fois en évi- dence, et l'on peut sans paradoxe prétendre que l’on trouve dans cette absence même d'invention, venant modifier complètement tel ou tel procédé d'application, la meilleure preuve que l'industrie électrique est entrée aujourd'hui comme ses ainées dans la phase des résultats définitifs et a atteint un équilibre parfaitement établi. Plus récemment, les 23 et 24 avril derniers, la Société Française de Physique a tenu ses séances annuelles de Pâques, accompagnées, comme on sait, d’une exposition que son habile secrétaire général, M. Pellat, sait rendre de plus en plus intéressante toutes les années. Outre des appareils ou des expé- riences se rapportant à un grand nombre des tra- vaux dont nous avons précédemment parlé, on remarquait plus particulièrement des appareils comme le pendule de M. Guillaume, le beau go- niomètre de M. Carvallo, les instruments imaginés par M. Cailletet pour puiser de l'air aux hautes régions de l'atmosphère, et aussi de nombreux ins- truments destinés aux mesures électriques; c'est ainsi que l’on peut citer : le galvanomètre, absolu- ment astatique et à grande sensibilité, de M. Broca, les enregistreurs et autres appareils de mesures pour courants continus ou alternatifs, de MM. Ar- noux et Chauvin, l’électromètre absolu de MM. Pé- rot et Fabry, qui a permis déjà à ces physiciens d'obtenir des mesures intéressantes, celles relali- ves au coefficient de viscosité de l’air, par exemple. On sait l'importance exceptionnelle acquise de- puis quelques années par les courants alterna- üfs; ils atlirent aujourd'hui autant l'attention des industriels que celle des théoriciens, mais l'étude expérimentale de leurs éléments est bien LUCIEN POINCARÉ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIQUE moins avancée que celle des courants continus; aussi un grand intérêt d'actualité s’attache-t-il aux appareils de mesure combinés pour leur élude. A l'exposition de la Société de Physique deux oscillo- graphes attiraient plus particulièrement l'attention : l'oscillographe double à vision directe, bien connu, de M. Blondel, et l’oscillographe de MM. Abraham et Carpentier, où l’on réalise d’une manière bien ingénieuse une proportionnalité parfaite à chaque instant entre la déviation de l'équipage mobile d'un galvanomètre et l'intensité du courant que l’on veut enregistrer, en faisant intervenir des circuits auxiliaires dans lesquels se produisent des courants induits convenablement réglés. Avec des instruments de ce genre ou avec l'excellente mé- thode électro-chimique proposée il y a quelques années par M. Janet, on se trouve maintenant en mesure d'aborder expérimentalement un grand nombre de questions qui ne sont point encore résolues. C’est précisément vers des recherches de cette catégorie, altenant à la fois à la science pure et à l’application pratique, que se sont portés depuis un an, comme on vient de le voir, beaucoup des efforts qui ont été le mieux récompensés par le succès. Des travaux accomplis avec toute la rigueur de la méthode expérimentale, dirigés dans un esprit entièrement scientifique, ont conduit à des appliea- tions importantes, par exemple les recherches sur l'arc électrique ou encore les expériences sur les phénomènes de résonance dont nous avons parlé; et ce sera l’un des caractères les plus mar- quants du mouvement scientifique à notre époque que cette fusion, de plus en plus intime, entre la théorie et la pratique. Les recherches plus pure- ment spéculatives ne sont point d’ailleurs négligées pour cela, l’on en trouverait une preuve dans ces mémoires de Thermodynamique que nous avons analysés, ou dans ces essais si heureux tentés pour combler le dernier vide qui séparait encore l'Élec- trieité et l’Optique et qui contribuent les uns et les autres d'une large facon au progrès de la Philoso- phie naturelle. On le voit donc, si, depuis un an, la Physique n’a point vu naitre de découvertes retentissantes, en revanche bien des positions antérieurement con- quises ont été forlifiées, et ces derniers mois ont apporté une part qui n'est pas négligeable à l'œuvre scientifique du siècle. Aussi bien, la science mar- che-t-elle si vite de nos jours qu'il n'est peut-être point inutile qu'elle ralentisse parfois un peu sa marche pour attendre les savants. Lucien Poincaré, Chargé de cours à la Faculté des Sciences de l'Université de Paris. L. MALPEAUX — CULTURE DES PLANTES OLÉAGINEUSES HERBACÉES EN FRANCE 425 L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE DES PLANTES OLÉAGINEUSES HERBACÉES EN FRANCE Parmi les nombreuses plantes oléagineuses her- bacées, quelques-unes seulement peuvent être eul- livées avec profit sur notre territoire, ce sont : le colza, le pavot-æillelte, la navette et la cameline. (Le lin et le chanvre sont plutôt considérés comme plantes textiles et seront l'objet, plus tard, d’une monographie spéciale.) Quoique notablement plus restreinte et d’un caractère moins géné- ral que l'exploitation des céréales, des plan- tes fourragères et des 200 variations des prix des graines oléagineuses de 1820 à 1896. TJ. — Cozza. Le colza (famille des Crucifères) est, pour les con- trées tempérées, la plante oléagineuse d'une cul- ture très ancienne qui produit le plus de graines. La graine du colza fournit 25 à 35 °/, d'une huile claire, jaune, à odeur forte, employée surtout pour l'éclairage. Ses tourieaux sont un ex- racines, la culture des végétaux oléagineux en France fournit des va- cellent aliment pour les bêtes bovines, mais en France on préfèreles ré- leurs importantes. Elle server comme engrais. alimente de graines les huileries, principale- ment dans la région du Nord et ces usines lais- 150 La paille, de faible qualité, est employée comme litière. sent des résidus connus $ 1. — Variétés. Millions d'hectares sous le nom de tour- On ulilise deux va- teaux, qui jouent dans 100 riétés cullurales : le l'économie agricole un colza d'hiver ou colza rôle considérable, soit froid, qui est le plus comme aliment pour le communément cultivé, bétail, soit comme en- et le colza de printemps grais. ou colza chaud, beau- 50 L l Années18#0 13 Cette culture des 27 ccm plantesoléagineusesest aujourd'hui dans une situation assez précaire; malgré le perfectionnement des progrès culturaux en vue d'obtenir des rendements plus élevés, l’éten- due consacrée à ces plantes a beaucoup diminué dans ces dernières années. C'est ce que montre le graphique de la figure 1, établi d’après des chiffres fournis par le Bulletin du Ministère de l'Agriculture. Cette décadence s'explique facilement par l'im- portation toujours croissante des graines étran- gères à bas prix et par l'emploi, de plus en plus répandu, des huiles d'olive dans l'alimentation, des : essences minérales, du gaz et même de l'électricité dans l'éclairage. Il faut aussi joindre à ces causes de dépréciation l'entrée en franchise des graines oléagineuses étrangères qui pèsent sur les cours et diminuent les prix de vente. Le graphique de la figure 2 (p. 426) montre les _—_— 89 90 91 Fig. 1.— Diagramme montrant les varialions dans la superficie cultivée en plantes oléagineuses herbacées de 1840 à 1895. coup moins important, surtout moins produc- tif et qui n'est guère employé que pour rem- placer le colza d'hiver détruit par les gelées. J 92 93 94 95 $ 2. — Exigences culturales. Le colza réussit particulièrement dans les bonnes terres à froment, substantielles, suffisamment ameublies et bien fumées. L'élément calcaire lui Tableau I. — Eléments pris au sol. GRAIN PAILLE TOTAL kilos kilos kilos Azote par hectare. . . 78 31 109 Acide phosphorique., . 41 13 54 MAURICE CRE ï 63 17 TASSE 0e est des plus favorables; l'humidité des terres tenaces non assainies lui nuit extrêmement; en 326 L. MALPEAUX — CULTURE DES PLANTES OLÉAGINEUSES HERBACÉES EN FRANCE sols marécageux on ne récolte qu'une graine légère, pauvre en huile et dépréciée sur le marché. Le colza met fortement le sol à contribution, comme le montrent les chiffres empruntés à MM. Muntz et Girard, que résume le tableau I. L'importance de ces prélèvements, la faible rami- fication des racines, la rapide croissance de la plante, obligent à offrir au colza une terre bien pourvue d'éléments nutritifs facilement absor- bables. Aussi peut être plus complète, car elle peut se faire pen- dant la croissance des plantes en pépinière. Ces avantages sont d'autant plus sérieux que les semis en place exigent des soins d'entretien plus nom- breux pour être tenus nets de mauvaises herbes. Le colza que l'on destine à la transplantation doit être semé vers la fin de juillet, dans un sol bien ameubli et richement fumé. Un hectare de pépi- nière fournit les plants nécessaires à la plantation d'une surface 35 francs lui accorde-t- on la tête de la cinq à six fois plus grande. rotation et d’a- Oncommen- bondants en- celerepiquage grais. Habi- Fe vers la mi-sep- tuellement on tembre au fait grand em- pioi du fumier de ferme; on préconise plantoir ou à la charrue. Le” mode à adop- ter est une beaucoup 1 parcage de moutons. Le guano et le ni- trale de soude, e S queslion de prix el d'abon- dance de la main-d'œuvre, mais la plan- la poudrette, les lourteaux, tation à la charrue est les engrais de \ presque seule poisson, les \ possible en engrais liqui- 15 LA] grande cultu- des, sont d'un \ CR L pale re. Les plants excellent em- Prix dés graïnef oléagineusés sont placés à ploi pour le de 1820 à 1896 une distance colza. En Flan- de 0%,40,; sur dre, la planta- jo rang de 0",20 lion est sou- ER DeCo/za à 0m,25: vent précédée |. Œibrte Les semis en par une fu- Camelrne place ou à de- mure de 30,000 meure sont les kilos de fumier 5 | ÉRCR) plus fréquents ou par l’appli- Amées820 25 30 45 40 45 50 58 60 65 10 15 80 85 90 9% 9% parce qu'ils calion de 1.800 Fig. 2, — Prix de diverses graines oléagineuses de 1820 à 1896. sont moins kilos d'engrais dispendieux, flamand. Le chaulage est à recommander dans les sols pauvres en calcaire. $ 3. — Semailles. On sème le colza en place ou en pépinière. A ne considérer que la main-d'œuvre et les frais de cul- ture, les semis pourraient paraitre plus économiques que la transplantation; mais il n'en est pas tou- jours ainsi quand on compare les deux méthodes dans l’ensemble de leurs résultats. Les semis en pépinière sont plus facilement protégés contre l’a/- lise, les vides sont moins à craindre dans l’em- blavure, la préparation du sol pour la plantation | | lorsqu'on opère dans une terre bien préparée et bien fumée. On sème volontiers après jachère, trèfle ordi- naire où mélange de fourrages; la conduite à tenir est indiquée par le temps et par les circons- lances. Il faut faire les semis de bonne heure, dès le mois de septembre; on sème à la volée ou en lignes. Dans ce dernier cas, les binages el sar- clages ultérieurs sont facilités ; on réserve de 95 à 40 centimètres entre les lignes, suivant que l’on veut se servir de la houe à main ou de la houe à cheval. RSC ù #2 ET 13 L. MALPEAUX — CULTURE DES PLANTES OLÉAGINEUSES HERBACÉES EN FRANCE 427 $S #. — Travaux d'entretien. On éclaircit les semis en lignes de bonne heure parce que les plants superflus nuisent aux plants conservés. On conserve les plus beaux plants à une distance de 0%,95 à 0",30. Avant l'hiver on donne un binage: le deuxième est exécuté à l'entrée du printemps. Un troisième est quelquelois indispen- sable pour la destruction des mauvaises herbes. Pendant sa végétation le colza est attaqué par divers insectes qui _oc- casionnent souvent des $ 6. — Rendements. Les rendements varient suivant le mode de cul- ture; ils sont moins forts pour le colza semé à demeure que pour le colza repiqué. En moyenne, on obtient de 25 à 30 hectolitres par hectare. En France,le rendement moyen s'est élevé en 1895, à 15 hectol. 55 par hectare. Les moyennes les plus élevées sont fournies par la Marne, 25 hecto- litres, le Nord, l'Oise, l'Aisne, 23 hectolitres. La production lotale a été en 1895 de 817.589 hec- dégâts notables. Tout d’abord, il faut men- tolitres pour une sur- face de 52.584 hectares. tionner l’a/lise ou puce L'étendue consacrée en de terre, qui fait, dans France à la culture du certaines années, le dé- colza va toujours en sespoir des cultivateurs en s'altaquant aux jeu- se restreignant depuis quelques années, ainsi nes semis. On prévient que le montre le gra- ses ravages par l’épan- phique de la figure 3, dage d'un mélange de qui donne non seule- Millions d'hectares chaux pulvérulente et de cendres. Vient en- ment la superficie culti- suite le charanron du colza qui s'attaque aux siliques, mais qui est vée, mais encore la production correspon- dante. Tandis qu’en 1840 le fort heureusement très colza occupait 173.500 rare. Enfin, le elige- hectares ayant une va- thes, petit coléoptère, À L leur de 51.127.000 fr., dévore les étamines et 2 À 7 en 1893, cette étendue fait avorter les fleurs. \ : Fe se réduisait à 168.000 Il à causé des ravages À oduction| totale hectares ; en 1882, elle considérables dans le | k tombait à 105.000 hec- Pas-de-Calais en 1895. tares et, enfin, en 1895, Les autres insectes le colza était restreint ont peu d'importance; Millions d'hectolitres Ê à 52.584 hectares ayant DA | nous les passerons sous une valeur de 15 mil- l Ï A silence. ES 500 — 1000 + DES D 7 L lions 331.932 francs. Annéesl8#0 13 82 85 81 $ 5. — Récolte. Er r Fig. 3. Le colza est arrivé à maturité quand les graines sont devenues brunes; cela arrive vers la mi-juillet dans la région du Nord. Il importe, dès qu'on a commencé la récolte, d'opérer avec diligence, car l'égrenage est facile. On choisit de préférence le matin pour faire la coupe, qui se pratique à la faucille. Les javelles sont réunies en meulons coniques, mais dans maintes localités elles restent sur le sol jusqu'à l’époque du battage, que l'on exécute fréquemment sur place. Les tiges, déposées sur une toile, sont battues au fléau ou avec des gaules. Le nettoyage n’a lieu que lorsque la dessiccation des graines est parfaite: il faut conserver les produits le moins longtemps pos- sible, car l’échauffement est inévitable. 89. 90 9 92 — Cullure du Colza en France de 1840 à 1895. Les circonstances économiques ont, en effet, eu raison de cette culture. Le quintal de colza, qui valait de 35 à 40 francs en 1865, a diminué de plus de moitié. En 93 94 95 Tableau II. — Production de 4 départements. HECTARES CULTIVÉS HECTARES CULTIVÉS DÉPARTEMENTS | en 1552 en 1895 Calvados . SE 26.981 11.890 Seine-Inférieure 16,123 10.796 Eure. . AE 6.045 1.435 Saône-et-Loire . 11.904 3.441 1896, le cours est tombé au prix tout à fait misé- | rable de 18 à 19 francs le quinlal, soit 12 à s de 100 à 500 —— {| 500 - 1000 | ET 7 _ 2000 5000 plus de 5000 moins de 100 hectares Répartition de la culture du colza en France, par département Dép" ne cultivant pas le colza — Ca DIAPASON DES TEINTES DZ Æ Ke TSX | MAYENNE,” “h} EURE er LOIR fre ess Pres SARTHE EEE Ÿ +++ ++4++ ++4+4++4 41143 +AISN Lttett+ 444444 4 ++ +++ ++++++ +444 ++4+410 +++ #2 +44, 4+4+4+/ << (2 ++ +++ + È Hs + + ++ Fer 244 1 ++ Car À +1 nm tt +++ : +: | Yrtr++ 3 >, SSI ÉERERTTE ra Pa ++H ++ +++ +427 LOIRE: — + +++++4+ ++4 2: Ts 4 SD ANNE PR —— à} CHER? PNR A ren fun AH +++ +++ + + +447 #+++++++4 INDRE- Rite +++++++ te ++ ++ + = +2 ? VIEN ï = h+t+t+t++ +++++ PH + +++ ++++4+ +++ ++ Htt+ RE CREU + ++ ++ +++ 77 BASSES PYRENÉESS ee “u Ê HAUTES SAINT ; a Fe 2 SL CAS | AUDE L, CPYRÉNEES )| (7 aRieGe © S Net { fi È NEA 2 SE A se. ZT INT À 'MAILL0T 04 PYRENEES ORLES —# + + | ASIA f ne a 4 IMEUSE 253. +4 +444 =\ ttttttr-, IMEURTHE s tre 4 FL 4 le Es f corrEze /_ “iii f DORDOGNE Ë AE caNrac dE LE Nr ke ee — PE \ d Rs d ) Re =) FFF. 4 CA = ù ; Lor S ER | Lor ent! "4 NEC rrttti | ) À Yon ou RH CL £ Hé + PT FIFA +4++4+4 + 111124 Li JURA 1° WI S S'E ++++ Ss ++++ ù ++++ _—- ++++ ++++ # 42 SAVOIE! }; +++++++ HE KUN Ÿ ; pe ï + È ONE! te montrant la répartition par département de la cultu e du { ol a en l'ance, L. MALPEAUX — CULTURE DES PLANTES OLÉAGINEUSES HERBACÉES EN FRANCE 429 13 francs l'hectolitre. Les départements qui, à l'heure actuelle, cultivent le plus de colza, sont ceux du Calvados, de la Seine-Inférieure, de l'Eure et de Saône-et-Loire (g. 4). Le tableau II résume pour ces départements les surfaces ensemencées en 1852 et en 1895. A l'étranger, la culture du colza a diminué d’une manière très sensible. En Belgique les statistiques | accusent qu'elle occupail : LR TEEN CE LIRE ME NE 26.098 hectares 6.427 — Aujourd'hui on ne lui consacre plus qu'une sur- face très faible. En Europe, la Hongrie tient le premier rang avec 90.833 hectares et une production totale de 841.258 hectolitres ; viennent ensuile-la Roumanie, 90.000 ; l'Angleterre, environ 25.000 hectares, et le Danemark 466 hectares. En Russie, la culture du colza est limitée à quelques départements. $ 7. — Commerce avec l'Etranger. La graine de colza donne lieu à un certain com- merce d'importation et d'exportation. Le tableau II indique les quantités et valeurs de ces opérations pour les quatre dernières années. Tableau III. — Importations et Exportations. IMPORTATIONS EXPORTATIONS ANNÉES CR RS ÉN Valeur Quantités Valeur Quantités francs 1.298.374 quintaux francs quintaux 224.943| 6.073.418 370 1.041.938 [28.132.342 .062 112.286| 3.031.736 5.690 345.112] 0.318.024 3.411 315.508 Comme on le voit, le chiffre des importations est bien supérieur à celui des exportations, dont la valeur décroît de plus en plus. II. — OEILLETTE. Sous le nom d'æillette ou oliette on désigne une variété du pavot somnifère cultivée pour sa graine comme plante oléagineuse. De Candolle pense que le pavot actuel de nos cultures à pu venir d’Asie-Mineure, où il était déjà connu il y a au moins trois mille ans: En France, cette culture prit naissance vers la fin du xvmf siè- cle, mais elle n'y acquit un certain développe- ment qu'après la réussite des démarches de l'abbé Rozier, pour faire annuler les sentences du Chà- telet qui interdisait la vente de l'huile de pavot, considérée comme pernicieuse pour la santé hu- maine. Elle atteignit son plein essor dans les périodes qui suivirent les hivers rigoureux de 1820, 1855, pendant lesquels les oliviers furent complètement détruits sur de nombreux points de la région méditerranéenne. La Société Centrale de Paris lui imprima une impulsion remarquable, en proposant des prix de 1.000 et 2.000 francs aux cultivateurs qui la pratiqueraient dans les localités où elle était encore inconnue. L'huile d'æillette, désignée sous le nom d'huile blanche, est d'une saveur agréable très digestible ; elle a été employée longtemps à l'exclusion de toute autre en France et dans l'Europe septentrionale. Aujourd'hui elle trouve de redoutables concurrents dans les huiles d'olive et d’arachide. Le tourteau est un résidu important de fabrica- tion, très estimé pour l'alimentation des bovidés et des ovidés. Les tiges qui restent après le battage sont des matières encombrantes et de peu de valeur ; on les utilise comme combustible ou comme litière asso- | ciées aux pailles de céréales. $ 1. — Variétés. On cultive deux variétés d’æillette : le pavot œil- lette ordinaire à capsules déhiscentes ; le pavot aveugle qui se distingue par ses capsules qui res- tent operculées à la maturité. La première variété a surtout de l'importance ; c’est la seule qui soit réellement adoptée pour la culture. $ 2. — Exigences culturales. Comparée à celle du colza, la culture de l’æillette offre quelques particularités à mentionner. À son avantage, il faut, par exemple, signaler que, se semant au printemps, la plante échappe aux ris- ques de l'hiver et laisse plus de latitude pour la préparation du sol. Par contre, les soins d'entretien sont plus nombreux et la récolte demande plus de précautions. La nature du sol joue un rôle considérable. Il faut à l’œillette un sol profond, substantiel, bien ameubli. Le diluvium argilo-calcaire, que l’on trouve sur de vastes surfaces dans la région du nord, offre toutes les conditions requises. La plante occupe toujours la tête de l’assolement; on la sème souvent après le trèfle, quelquefois après l'orge ou la féverole. C'est un bon précédent pour le froment. En ce aui concerne les apports de matières fer- tilisantes à faire au sol, il faut remarquer tout d’abord que l’œillette met fortement la terre à contribution, car elle est épuisante ; elle ne saurait donner de produits rémunérateurs dans les sols où la préparation mécanique et chimique laisse à désirer. Les grandes exigences de la plante sont montrées par les chiffres se rapportant au produit d'un hectare (Tableau IV, page 431). Aie EURE erLO! DIAPASON DES TEINTES > à VENDÉE Répartition de la culture de l'œillette en France, par département. (ESS a j S 04 / ; " RON RHONE? TE) PUY 0e DOME | & CORRÈZE PA gr Net ANS {moins de 100 hectares de 100 a1000 plus de 1000 AUTES< GARO m7 (6; > Fig. 5. — Carte montrant la répar ilion par département N SA CANTAL er ÉORRENS, CT À LOZERE L ae ST d'e SAONE 5 de L \ ARDECHE) DROME AMEXRON ER ES Fort = CEMANSRRISRERE 1 HV BASSES ALPES — He MAR #°° FLN Ne NE = D as = HERAULT, À =. LS = = — = Se ME = = > =Y, = @ = SE, =) ES = = rés DEA = Lee de La culture de l'OEïllette en France. L. MALPEAUX — CULTURE DES PLANTES OLÉAGINEUSES HERBACÉES EN FRANCE 431 On peut voir que l'azote et l'acide phosphorique ont une grande influence dans celte culture, in- fluence mise en relief par les expériences de Tableau IV. — Quantité d'éléments pris au sol. 1.000 kilos de GRAINES 2.000 kilos de PAILLE kilos kilos Cendres. . . . Acide phosphorique Patasse. . . : Chaux: : - Azote. M. Pagnoul, Directeur de la Station Agronomique d'Arras. Les résultats obtenus par M. Pagnoul sont consi- gnés dans le tableau V. Tableau V. — Influence de l’Azote et du Phosphore sur le rendement. , POIDS NATURE DE L'ENGRAIS de plantes grammes Sans engrais. . . . Engrais complet à azote ammoniacal ° nitrique. F5 à phosphate naturel. . à RL Le Engrais sans phosphate . : azote. potasse Les différences sont assez sensibles pour ne laisser aucun doute sur les conclusions. Il semble résulter, au point de vue de la pralique culturale, qu'il faut fournir à l'œillette de fortes Tableau VI. — Influence des Engrais sur le rendement. . RENDEMENT NATURE DE L ENGRAIS à l'hectare | | | hectolitres | | Sans engrais Engrais “complet à azote nitrique. Nitrate de soude NE Bt Tourteau de colza . sans potasse . . azote. . acide phosphorique . Engrais doses de superphosphates, que la plante réclame beaucoup d'azote dans la dernière période de sa végétation et que, cependant, l'azote nitrique semble plus favorable que l'azote ammoniacal. Dans d’autres expériences failes à l'Ecole d'Agri- culture du Pas-de-Calais, nous avons obtenu les mêmes résullats que M. Pagnoul (Tableau VI. Etant donnée la courte durée de végétation de l’œillelte, nous devons conclure à la nécessité de fournir avant les semailles de fortes fumures azotées au sol destiné à la culture de eelte plante. Le fumier de ferme est presque toujours l'engrais le plus avantageux, mais il doit être souvent com- plété par des engrais spéciaux, tels que les tour- teaux, les superphosphates et le nitrate de soude. On peut ensuite obtenir sans fumure une bonne récolle de froment. * Il faut à l'œillette une terre parfaitement ameu- blie; les cultivateurs du Pas-de-Calais attachent une grande importance à l'émiettement parfait de la surface du sol tout en laissant le fond ferme, probablement dans le but de permettre aux plantes d’avoir une grande stabilité et de mieux résister aux vents violents. $S 3. — Semailles. Le choix de la graine a une importance considé- rable. On arriverait certainement à accroilre les produits par une sélection soignée faite au mo- ment de la récolte, en prenant les porte-graines parmi les pieds les mieux conslitués, présentant des capsules grosses et bien fournies d’ovules. En opérant ainsi, nous sommes arrivé à produire des sujets d'élite. On sème de fin février au 45 avril dans la région du Nord; on fait les semis échelonnés pour facili- ter les binages. On opère à la volée ou en lignes. La première méthode est encore la plus suivie, mais on aurait grand profit, en cette période de crise où il est nécessaire d’abaisser le prix de revient, à adopter partout les semis en lignes, qui rendent les binages plus économiques. YF; S 4. — Soins d'entretien. L'œillette a une jeunesse longue; la végétation est souvent retardée par l’action des vents du nord. On donne le premier binage dès que les jeunes plantes se distinguent facilement des herbes spon- tanées. C’est là une opération importante, et de sa bonne exécution dépend la réussite de la récolte. Le deuxième binage peut se donner quelques jours FE tard en même temps que l'éclaircissage; il n'exige plus les mêmes précautions. Un troisième binage est souvent nécessaire, mais il n'est pas indispensable. A partir du troisième mois, la l'œillette est rapide et, vers la mi-août, la maturité est assez avancée pour qu'on puisse faire la récolte. Les ennemis sont peu nombreux; le ver blanc est le seul insecte qui cause des dégâts appré- ciables dans certaines années. Les influences atmosphériques agissent plus ou moins favorable- croissance de 432 L. MALPEAUX — CULTURE DES PLANTES OLÉAGINEUSES HERBACÉES EN FRANCE ment; les étés secs et chauds sont à redouter, ainsi que les grands vents qui provoquent l'égrenage. $ 5. — Récolte. On entreprend l’arrachage lorsqu'il y a environ un! quart de capsules bien ouvertes. Cette opéra- tion réclame beaucoup de main-d'œuvre et doit être faite avec précaution. Les plants arrachés sont réunis en petites botles serrées par un lien et dressées ensuite sur le sol en faisceaux pour faci- liter le séchage. Après dix à douze jours, on peut dégager la graine. Le battage se fait sur le champ, en frappant ee rieurs à la moyenne dans le Pas-de-Calais (moyenne, en 1895, 5 hectol. 10); ils sont, d’ailleurs, très varia- bles dans la plupart des départements, d'une an- née à l’autre (Pas-de-Calais, 15 hectolitres en 1892, 5 hectol. 10 en 1895). La récolte totale annuelle varie de 415 à 150.000 hectolitres; elle fut, en 1895, de 116.955 hec- tolitres sur une étendue de 13.200 hectares. En France, l’œillette est cultivée dans dix-sept | départements ; ceux de la région du Nord lui con- sacrent la plus grande étendue (fig. 5, p. 430). Le tableau VII énu- mère les surfaces en- semencées, en 1895, les poignées l'une con- tre l’autre au-dessus d’une toile chargée de recueillir la graine. 1m e dans le Pas-de-Calais, la Somme et le Nord. La production de l'œillette n'a pas cessé de décroiître en France depuis quelques an- Millions d'hectares 5 nées ACIE NCeRquE montre le graphique de Ja figure 6, qui $ 6. — Rendements et 16 Etendue cultivée. 5 ; 1# Le produit varie avec la nature et la richesse 7 du sol, etle mode de culture. On peut ré- 10 colter par hectare jus- donne non seulement la superficie, mais en- core la production to- qu'à 25 et 40 hecto- tale et le rendement moyen par hectare. litres de graines, mais c'est là un chiffre élevé, si on le compare à la moyenne obtenue dans La superficie culti- vée est passée de 25.000 hectares en 1882, à 11.000 hecta- res en 1894!. Cette diminution reconnail pour causes : l’impor- talion toujours crois- sante des huiles et Milhons d'hectohitres Hectolitres ces dernières années pour l'ensemble des 250 départements produc- teurs : 200 1892. . 9 hectol. 88 18932. 14 0 — 89 150 1894. . 10 — 03 1895. 8 = — 7" 36 HE graines étrangères, la Années1882 85 87 89 Les rendements sont parliculièrement éle- vés pour les départe- ments du Nord (moyenne, en 1895, 15 hectolitres), Tableau VII. — Production maximum de trois départements. HECTARES |HECTOLITRES BRCDOIT DÉPARTEMENTS par Le cultivés hectare | hectolitres | Pas-de-Calais . . 7.070 5,10 36.057 | Somme. RÉ LE oh Lo 4.163 12,94 61.626 NOTA EEE 710 15,00 10.650 et sensiblement infé- de l'Oise (20 hectolitres), 90 91 92 93 94 95 Fig. 6. — Graphique montrant l'élat de la culture de l'OEillette en France de 1882 à 1895. faveur dont jouissent les huiles d'olive sur le marché français, et la multiplication, sur une grande échelle, des plantations d’olivier en Algérie et en Tunisie. La culture subit durement le contre-coup de la crise: il est, en effet, très diffi- cile aux cultivateurs de remplacer l’œillette par autre chose, ear ils n’ont pas d’autres plantes sar- clées rémunératrices. $ 7. — Commerce avec l'Etranger. Nos exportations sont sans importance, étant. donnée la faiblesse de la production indigène. 1 En 1895, on constate une légère recrudescence, proba- blement en raison de la crise betteravière. L. MALPEAUX — CULTURE DES PLANTES OLÉAGINEUSES HERBACÉES EN FRANCE 133 Quant aux importations, bien que les graines d'œil- lette soient exemptes de tous droits de douane, Tableau VIII. — Commerce de l’œillette avec l'Etranger. EXPORTATIONS IMPORTATIONS ANNÉES en quintaux en quintaux 1.153 Te 6.592 11199 155 289 138.174 180.163 516 520 1.099 1.145 au même titre que les autres graines et fruits oléa- gineux, elles sont devenues d’une année à l’autre presque insignifiantes, l'automne. Cette propriété la fait rechercher pour remplacer une céréale d'hiver ou de printemps, une plante oléagineuse quelconque mal venue. En dehors de ces circonstances particulières, on lui préfère toujours la navette d'hiver, qui est plus productive. La navette reste plus petite que le colza el souffre moins que lui des gelées, de la sécheresse, ainsi que des ravages de l’altise. Moins exigeante, on la sème avec une sécurité relative dans les sols légers, surtout s'ils sont calcaires; toutefois, nous pouvons ajouter qu’elle ne donne de pleins produits qu’en terres bien traitées. Les détails dans lesquels nous sommes entrés au sujet des engrais, de la place à assigner au colza dans la rotation, de la prépa- ration du sol, sont applicables à la navette. La plantene supporte ainsi que le montrent pas le repiquage. On les chiffres ci-dessus de la sème à demeure, à notre tableau VIII em- raison de 6 à 8 kilos pruntés au Pullelin du de graines par hectare, Ministère de l'Agricul- en lignes espacées de ture. OMAN OSSS etron . Milhons d'hectares IT. — NAvErTrE. l'éclaireit dès qu'elle a formé sa cinquième ou sixième feuille. On peut La navette, d’après se servir d'une berse de Candolle, est un na- plus ou. moins énergi- Milhonsdhectolitres vet à racine grêle, chez 80 = FA NT que, suivant l'impor- lequel les matières nu- ad 4 ne ar 4 tance du travail que tritives, au lieu de s'ac- “ur dr vs | l'ondésire obtenir dans Ge ee am ae soc 2e os on 9 les Semis dla VOIE: vont se déposer dans Fig. 7. — Cullure de la Navelle en France de 1885 à 1895. L'époque de la ré- les graines. Les graines de la navette sont d'une teinte plus claire, elles sont plus petites el d'aspect moins hui- leux que celles du colza; leur huile est propre aux mêmes usages. Le commerce n'établit pas de diffé- rence entre le tourteau de navette et celui du colza: tous les deux se vendent le même prix. Il semblerait, au premier abord, que la navette présente peu d'intérêt au point de vue agricole, puisqu'elle est inférieure au colza et qu'elle sert aux mêmes usages; mais on remarque que ces deux crucifères peuvent se remplacer dans des situations différentes. Sous les climats rigoureux et dans les sols sees, la navette est incontestable- ment supérieure au colza; c'est ainsi que la culture de cette plante a pris une certaine importance dans l'Est (départements du Jura, de Saône-et-Loire et de l'Ain). La figure 8 (page 434), montre la répar- tilion de la culture de la navette en France en 1895. On ulilise deux sous-variétés : la navette d'hiver et la navetle de printemps. Cette dernière n'offre qu'un seul avantage, celui d'être semée tard au printemps et de mûrir encore de bonne heure à REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897. colle est indiquée par le desséchement des feuilles, le jaunissement des tiges et des siliques inférieures ; elle se fait de la même facon que celle du colza. $ !. — Rendements et étendue cultivée. En raison du peu de soins qu'on apporte dans la culture, les rendements sont en général très faibles. Ils peuvent atteindre 35 hectolitres par hectare el ne devraient jamais être inférieurs à 15 hectolitres. La statistique accuse pourtant des rendements moins élevés. En 1895, le rendement moyen en France a été de 8 hectol. 71 par hectare. Le département de Saône-et-Loire, qui vient en première ligne, au point de vue de la superficie consacrée à la navette, accuse un rendement de 6 hectol. 30. Pour l’ensemble de notre pays on constate qué les vingt-sept départements qui se sont livrés en 1895 à la culture de la navette ont produit un total de 86.868 hectolitres sur une étendue de 9.977 hec- tares. Les départements qui consacrent à la navette la 10** AISNE ARDENNES "à ; EE SEINE INF“ ++++hk++AUB E+ DA +EIENE TE #+++ht++++++7 He MARNE 4 +++ +++ ++2#++++ +41 Li MORBIHAN &ttttt SRE FHtt++iit+ D + +++ HE 4H + +++ pe. == - A+YONNE+++ Êtttttt}ttetsss + nee —— AL tort LE +444 SAONE EP no +ttk+tttt+ n vs; QE LErrptits 4 Htétkéteé RE 44444 ELLE EE ET +EEHR +++ HHHHHHIT EEE EN +ttk+Fént +++HE++++++ ET = ++t+t++++Far HAL ++ + +++ ET = = Aberttttt+ ++DO = Htttéthtt +T+ = — = NIEVRE + ++ = = Lr++ttr + NI +E++++++ = Fttt E 7 DIAPASON DES TEINTES ++ttt++h ++ktk+ rh Répartition de la culture de la navette HARENTE ? 2-21 y en France. par département mn. RENTE . 2 :, SAVOIE > s Dép°ne cultivant pas la navette LA + EPS HAUTES $ ALPES = = À moms de 100 hectares E 7 L +++++t+t ++++++ ++ ++++++++ el URAO OO [3 BASSES aupes VA LPÈS 5 MAR =: H plus de 1000 r. | PABASSES PYRÉNÉES; j À PA HAUTES Le DEC SET ‘ser ÉPYRÈNÉES) _ \ E S P EVA E ZA & D Pan Ur À Mai or %/ | . 8, — Carte montrant la répartition par département de la culture de la Nävette en France. L. MALPEAUX — CULTURE DES PLANTES OLÉAGINEUSES HERBACÉES EN FRANCE 435 plus grande étendue sont : Saône-et-Loire, Ain, Jura et Côte-d'Or. Le tableau IX montre pour ces départements les étendues ensemencées en 1895. Tableau IX. — Départements où le rendement est supérieur. d : PRODUCTION TOTALE DÉPARTEMENTS HECTARES CULTIVÉS + en hectolitres Saône-et-Loire . . 1.964 12.375 PU. |.” 1.643 14,787 MEL. -., 1.392 16.356 Côte-d'Or. . 1.035 5.302 Le diagramme de la figure 7 (page 433) indique les variations dans la superficie cultivée et le ren- dement total en France de 1885 à 1895. Comme on peut le voir, la culture de cette plante oléagineuse reste à peu près stationnaire. (Dans les statistiques étrangères la navette figure avec le colza.) S 2. — Commerce avec l'Etranger. La navette est aujourd'hui l’objet d’un commerce spécial assez important, mais beaucoup plus faible que celui du colza. Pour la France les importations el exportations sont résumées dans le tableau X. Tableau X. — Importations et Exportations. É IMPORTATIONS EXPORTATIONS ANNÉES en quintaux en quintaux | 1892 . » 1893 . 1.162 1894 . 169 1895 . 173 Contrairement aux importations, les tions sont devenues d'une année à l’autre presque insignifiantes. exporla- IV. — CAMELINE. | La cameline (improprement camomille) a pres- | que disparu de la culture française. Les petites graines de cette plante annuelle renferment envi- ron 30 °/, d'une huile à brûler, moins fumeuse et répandant moins d’odeur que celle du colza; on | l’'emploie également à la fabrication des savons. | Le tourteau, à odeur d'ail, n’est employé que comme | engrais. Les tiges élaient autrefois très recherchées pour la fabrication des balais. Outre la cameline ordinaire, on connait la cameline majeure, plus hâtive, plus vigoureuse et plus pro- ductive. Plante des climats brumeux et des sols légers, elle prend, surtout dans la petite culture de la ré- gion du Nord, la place des colzas détruits par l’hi- ver, celle du lin ou de l'œillette manqués. Elle ne se sème en effet qu'en mai ou même plus tard, à la volée, à raison de 7 à 8 lilres de graines par hec- tare. Cette plante a sensiblement les mêmes exi- gences que l’æillette en ce qui concerne la fumure et les soins d'entretien. La récolte a lieu en septembre, lorsque les sili- cules jaunissent. On arrache ordinairement les plantes, qui, après 15 à 20 jours de séchage, sont rentrées et battues au fléau. On obtient par hectare de 15 à 20 hectolitres de graines pesant 65 à 70 kilos et 1.500 à 2.000 kilos de paille. Le rendement moyen en France a été, en 1895, de 8 hectol. 93 par hectare. La récolte totale annuelle varie entre 10 et 15.000 hectolitres; elle fut, en 1895, de 9.421 hectolitres pour une surface de 1.055 hectares. La cameline n'est plus cultivée en France que dans sept départements, dans lesquels elle occupait dans ces dernières années la surface qu'énumère le tableau XI. Tableau XI. — État de la culture de la cameline en France. SURFACE CULTIVÉE EN PRODUCTION TOTALE EN | DÉPARTEMENTS | nage 2 | 1595 1893 1891 1893 1891 1895 —————— hectol. 1.570 7.078 137 114 219 39 17 hectol. 9.800 hectar. |hectol. 1.096 hectar.|hectar. Pas-de-Calais . Nord . SOMME. . . Haute-Marne . Meuse LÉ: M.-et-Moselle . Vosges Vols Pour la France, .511/15.881 La graine de cameline n'est l’objet d'aucun com- merce avec l'Etranger. L. Malpeaux, Professeur d'Agriculture à l'Ecole d'agriculture du Pas-de-Calais. 136 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques Eberhard (D: V.), Professeur à l'Université de Künigs- berg. — Die Grundgebilde der ebenen Geometrie. Erster Band. — 1 vol. grand in-8° de xzvri-302 pages, avec 5 planches hors texte. (Prix : 17 fr. 50.)B. G. Teu- bner. Leipzig, 1897. Voici un ouvrage d'un grand mérite, qui intéresse à la fois le mathématicien et le philosophe. M. Eberhard se propose de présenter la Géométrie sur une base nouvelle, en partant d'un certain nombre de principes fondamentaux établis par l’observation. Dans la Pré- face (48 pages, en vente séparément), il donne d'abord un exposé crilique du développement de la science géométrique; puis il établit les conditions nécessaires et suffisantes que doivent remplir les formes fonda- mentales de la Géométrie considérée comme science d'observation. Le premier volume, seul encore paru, est entière- ment consacré à l'étude du système ponctuel plan. Les méthodes que l'on y rencontre sont, pour la plu- part, entièrement nouve Iles; l’auteur a su les exposer d'une facon très claire, sans crainte d'entrer dans les détails, lorsque la nature du problème l’exigeait. H. Fer, Privat-Docent à l'Uriversité de Genève. Haton de la Goupillière, Inspecteur général des Mines, membre de l'Institut, Directeur de l'Ecole Natio- nale Supérieure des Mines. — Cours d'Exploitation des Mines. ?° édition, revue et augmentée avec le concours de M. Maxime PELLÉ, Ingénieur des Mines. Tome I. — 1 volume in-8° de 90% pages avec 500 figures dans le texte. (Prix : 35 fr.) V*e Ch. Dunod et P. Vicq, éditeurs. Paris, 1897. Combes, Callon, Halon, ces trois noms caractérisent les trois âges successifs de l'exploitation des mines dans notre pays. Lorsque, vers 4840, Combes entreprenait son raste Traité de l'Exploitation des Mines, il n'avait com- me précurseur qu'un Autrichien, Délius, qui, soixante- dix ans auparavant, posait les premiers principes de ce qui n'était jusqu'alors qu'un ensemble de procédés plus ou moins rudimentaires. Ce fut le grand mérite de Combes d'appliquer tout à la fois son génie mathé- matique et son esprit pratique aux problèmes d’aérage, d'épuisement et de résistance des matériaux, dont bien peu alors entrevoyaient même l'importance. Quand, trente ans après, Callon publiait les Cours de machines et d'exploitation des mines, qu'il avait si longtemps professés à l'Ecole des Mines de Paris, il avait moins à énoncer des principes qu'à décrire les multiples applications, sans cesse plus parfaites, des principes énoncés par le Maitre dont il occupait la chaire. Les deux éditions qui se succèdent, en un si court espace de temps, de l'ouvrage de M. Haton, nous prou- ventàleur tour avec quelle x apidité lascience de l’exploi- lation a marché depuis un demi-siècle. Ouvrage didactique, œuvre essentiellement person- nelle d'un puissant esprit qui s'était attaché successive- ment à chacun des problèmes qu'il avait rencontrés dans sa pratique d'ingénieur et de directeur : tel était l'ouvrage de Combes. Callon décrivait surtout ce qu'il avait vu, ce qu'il avait essayé le plus souvent avec succès, dans les nombreuses affaires industrielles qui avaient fait appel à son coup d'œil et à son expérience. ET INDEX M. Haton a compris qu'à une époque comme la nôtre, il fallait s'attacher à connaître et à faire connaitre les solutions si diverses données à un même problème dans les divers pays, sous les diverses latitudes, par les peuples les plus différents. Des indications bibliographiques rencontrées à cha- que page permettent à l'ingénieur, à l'exploitant de remonter aux sources, el dispensent en même temps l’auteur des longues descriptions qui eussent alourdi l'ouvrage. Tandis que Combes et Callon s'étaient tous deux altachés à donner, à une échelle suffisante, des plans et coupes, véritables dessins d'exécution, M. Halon s’est contenté de croquis dans le texte, renvoyant constam- ment à ces publications techniques, si nombreuses et si bien exécutées dans ces vingt dernières années, où tout, jusqu'aux moindres détails, est minutieusement représenté, Grâce à ces figures si nombreuses et si claires, le cours de M. Haton a quelque chose des publi- cations de vulgarisation qui rentrent si bien dans le goût du jour, mais ilest resté en même temps l’ou- vrage scientifique auquel doit nécessairement recourir même le praticien le plus expérimenté. On comprend mieux la décroissance rapide du nom- bre des accidents dans les mines, quand on voit avec quel soin sont étudiées et résolues les questions d'aé- rage, d'emploi des explosifs, de transports et d'ex- traction. Nul mieux que le savant président de la Commission du grisou ne pouvait traiter des minutieuses précau- tions à prendre pour déceler le grisou, et, dès qu'il apparaît, l'évacuer en le diluant sans jamais le laisser s’accumuler en aucun point du trajet. En un temps où les distances ne jouent plus qu'un rôle secondaire, et où surgissent les concurrences les plus inattendues, les moindres variations du prix de revient ont souvent une grosse influence. Pour juger d'une méthode, il ne suffit done pas de l'étudier au point de vue technique, il faut calculer le coût de cha- cun des éléments, travaux préparatoires, abatage, transports, entretien : c’est encore ce que montre en plus d'un endroit M. Haton : peut-être eut-il pu insister encore plus sur ce point de vue. Mais que nous sommes loin de la conception essen- tiellement scientilique de l'ouvrage de Combes! Nous devrions presque rougir de penser qu'on puisse s’en écarter plus encore,et pourtant n'est-ce pas cette ques- tion du prix de revient qui doit sans cesse préoccuper l'ingénieur-directeur astreint à diminuer ses dépenses ou à limiter son exploitation faute de débouchés. Si notre pays n'a point été assez largement pourvu de richesses minérales pour qu'il pût occuper le pre- mier rang parmi les nations minières et métlallurgi- ques, il a tout au moins su prendre et conserver un rang prééminent par ses publications techniques, el les cours des professeurs de l'Ecole des Mines consti- tuent à cet égard une collection hors ligne. Après Combes et Callon, M. Haton a su à son tour réaliser une œuvre dont la première édition s'est ré- pandue dans le monde entier. La seconde édition, dont le premier volume a paru il y a déjà quelques mois, à largement bénéficié de la collaboration de M. Pellé qui, grâce à sa connaissance des langues étrangères, a su trouver et analyser tout ce qui avait paru de plus caractéristique à l'étranger. Puis- sions-nous bientôt voir se compléter cette œuvre. E. GRUNER, Ingénieur civil des Mines, Secrétaire du Comité central des Houillères. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 437 2° Sciences physiques Joannis (A.), Professeur à la Faculté des Sciences de * Bordeaux, Chargé de Cours à la Faculté des Sciences de Paris. — Cours élémentaire de Chimie. — 1 vol. de 448 pages (en deux f'ascicules) avec figures. (Prix : 5 fr.) Baucdy et Ce, éditeurs. Paris, 1897. L'ouvrage publié par M. Joannis, et dont les deux premiers fascicules (Métalloïdes et Métaux) ont paru, est un ouvrage élémentaire, un livre d'enseignement, Son étendue devait donc être limitée. Dans un pareil traité, tout doit être sacrifié à la méthode et à la clarté. Les faits de premier ordre doivent être mis en pleine Jumière, ceux qui ont une importance secondaire doi- vent être indiqués d’une facon nette, mais sommaire ; enfin il faut, si l’on veut être compris, laisser de côté tout ce qui n’est utile qu'à un chimiste de profession, tout ce qui s'écarte des théories fondamentales et des applications les plus importantes, — Ces qualités d’or- dre, de méthode et d’élégante concision distinguent ce nouveau cours élémentaire. Après un exposé rapide et substantiel des lois qui régissent les combinaisons chi- miques, l’auteur aborde l'étude des métalloïdes. Ces corps sont rangés par familles et l’histoire de chacune de ces familles est suivie d'un tableau qui résume les propriétés communes et les différences essentielles Il est fait usage, en beaucoup de circonstances, de for- mules décomposées, notamment pour les acides poly- basiques donnés par le soufre et le phosphore. La théo- rie de ces acides, exposée de celte manière, présente beaucoup de netteté ; ces modes de représentation sou- lagent la mémoire et permettent de figurer aux yeux d'importantes relations. L'auteur a introduit en beaucoup de points les don- nées thermochimiques et cela toutes les fois que leur emploi était utile pour la clarté des explications. Des noles au bas de la page sont réservées à des détails d'expérience, ou à des comparaisons des faits exposés avec d’autres établis plus loin ; leur lecture sera très utile aux élèves qui veulent ne pas s’en tenir aux no- tions strictement indispensables. L'étude attentive de ce cours de Chimie sera utile aux professeurs comme aux élèves; ils y trouveront exposés les progrès les plus récents de la Chimie: ils y rencontreront, pour l’ensemble et pour les détails, bien des innovations heureuses, qui donnent au livre de M. Joannis une réelle originalité. LÉON PIGEON, Professeur adjoint de Chimie à la Faculté des Sciences de Dijon. Thomas-Mamert (R.), Professeur de Chimie orga- nique à l'Université de Fribourg (Suisse). — Sur quel- ques amino-acides non saturés. (Thèse de Doclorat de la Faculté des Sciences de Paris.) — 1 brochure in-8° de 80 pages. G. Carré et C. Nuud, éditeurs. Paris, 1897. Le travail de M. Thomas-Mamert est relatif surtout aux dérivés aminés de la série fumarique et présente un réel intérêt au point de vue des isoméries stéréo- chimiques qui se manifestent dans ce groupe de com- posés. Après avoir constaté que l’action de l'ammoniaque sur les deux éthers chlorocrotoniques ei$-et cis-trans ne fournit qu'un seul dérivé aminé, identique avec celui que donne l’éther acélylacétique et correspondant sans doute à l'acide isocrolonique ou cis-trans BUTÉNOÏQUE 2, l’auteur étudie la même réaction sur les éthers chloro- fumarique et chloromaléique, dérivés eux-mêmes de l'acide tartrique. Avec le chlorofumarate d’éthyle il obtient un amido- chlorofumarate, par saponification partielle, et lamino- fumaramide ou amino-diamido-butène par saponification totale, enfin, en présence d'alcool, l'aminofumarate d’éthyle provenant de la substitution pure et simple du groupe AzH® au chlore primitif. Le chloromaléate d’éthyle donne exactement les ; mêmes corps, donc l'isomérie n'existe plus chez ces composés, pour lesquels la forme cis-trans paraît être la seule stable. L'anino-diamido-butène se transforme très aisément en diamidobutanone où amide oxalacétique par l’action des acides étendus, il précipite même le sulfate de cuivre pour donner la diumidobulanone cuprique CSH0fAz!Cu, se comportant donc comme les G-dicétones. La potlasse le saponifie partiellement et donne un sel monométallique que l'hydrogénation transforme en añino 3 amido buténoate ou isoasparagine potassique. Il a été enfin possible d'obtenir deux isomères de l’éther amino 3 amido 4 buténoïque, correspondant aux deux formes maléique et fumarique primitives. Les corps de structure CO (AzH®)— C (AzH?) — CH — CO2C2H5 sont donc jusqu'à présent les seuls, parmi les dérivés aminés cle la série fumarique, qui conservent la pro- priété d'exister sous les deux formes isomériques eis et cis-lrans. Tous ces faits sont bien étudiés, les préparations sont décrites avec soin, ainsi que les propriétés de tous les corps obtenus ; en un mot, le mémoire de M. Thomas- Mamert est une contribution importante à l’histoire des composés à double liaison éthylénique. L. MAQUENNE, Maître de Conférences à la Sorbonne. Klobb (T.), Chargé de Cours à l'Ecole Supérieure de Pharmacie de Nancy. — Nouvelles synthèses .au moyen de l’éther cyanacétique. (Thèse de la Fa- cullé des Sciences de Paris.) 1 brochure in-8° de T0 pages. Gauthier- Villars et fils, éditeurs. Paris, 1897. On sait qu'en introduisant dans certaines molécules neutres des radicaux électro-négatifs, tels que Az0?, CO. CAz, SO?, on communique, par le fait même, à l'hydrogène des groupes carbonés voisins, la pro- priété de s'échanger contre le métal. On obtient ainsi de nouveaux acides carboniques nommés par M. Haller acides méthéniques et méthiniques, de formule : vR /R ce et CHR! R! \ R" R, R', R’ étant des radicaux dits négatifs. Les éthers cyanacétiques appartiennent précisément à cette classe de composés : GAZ R—CO-CH NCOOR! et ont été particulièrement étudiés par M. Haller et ses élèves. L'auteur a étudié dans son travail la préparation des éthers méthylique et éthylique de l'acide isovalé- rylcyanacétique ; ces dérivés attaquent les métaux avec dégagement d'hydrogène, comme les acides propre- ment dits. La potasse concentrée les dédouble à 4009 en alcool, acides carbonique, valérique et acétique, sans qu'il-se produise de l'acide malonique. L'éther cyanacétique sodé donne avec le bromacé- tylbenzène les acides phénacyl et diphénacylcyanacé- tiques, dont l’auteur à préparé divers éthers. La potasse décompose les éthers diphénacyleyanacétiques avec dégagement d'ammoniaque et il se forme de l'acide diphénacylacétique. Sous l'influence de la potasse les éthers phénacylcyanacétiques donnent successivement de l’acide phénacyleyanacétique, puis une substance bleu indigo qui est, sans doute, un produit de condensation de ce dernier, et enfin de l'acide phénacylacétique, ou benzoylpropionique. L'auteur à encore préparé l'acide phénacyleyanacé- tique et un grand nombre de dérivés, puis a étudié la 438 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX condensation de la monochloracétone avec les éthers cyanacétiques sodés. On obtient dans cette réaction des éthers acétonyleyanacétiques, dérivés qui réagis- sent très nettement sur la phénylhydrazine. GEORGE-F. JAUBERT. 3° Sciences naturelles Carnot (Paul), Préparateur à la Faculté de Médecine de Paris. — Recherches sur le Mécanisme de la Pigmentation. (Thèse pour le Doctorat de la Faculté des Sciences de Paris.) — 1 brochure in-8° de 80 pages. Imprimerie L. Danel. Lille, 1897. La question des pigments, malgré les nombreuses recherches qu’elle a suscitées, reste toujours une ques- tion ouverte, où l’on ne peut que multiplier les points d'interrogation : les pigments sont-ils toujours des déchets inutilisables, qui pourraient disparaître sans dommage pour l'animal qui les porte, comme le veut Eisig, ou, au contraire, les cellules pigmentaires fa- briquent-elles exprès le pigment, dans un but défini, de même que les cellules à chlorophylle ou à hémoglo- bine ? La classification chimique des pigments est dans l'enfance ; quant à leur rôle physiologique, on sait bien qu'ils sont utilisés comme moyen de défense (homo- chromie), comme couleurs sexuelles, etc., mais ce ne sont là que des fonctions accessoires ; on a le pressen- timent que les pigments tégumentaires doivent avoir une fonction de première importance, probablement en rapport avec la lumière, et commune à fous les animaux pigmentés. Bien que le travail de M. Carnot ne touche pas à ces questions fondamentales, il n’en apporte pas moins des documents intéressants, qui ouvriront peul- être de nouvelles voies à la recherche. M. Carnot s'est attaché uniquement à l'étude des pigments foncés, dits mélaniques, qui se rencontrent dans l'épiderme des Vertébrés, les poils, les chromo- blastes du derme ou de la choroïde, etc. Il pense que le granule pigmentaire est constitué par un granule protoplasmique ayant fixé le colorant à la manière d'une teinture; la formation du pigment tient à une propriété spécifique de la cellule, car si l'on transplante une cellule pigmentée sur un territoire incolore, ses cel- lules-filles, et elles seules, fabriquent aussi du pigment. M. Carnot a tenté de fournir artificiellement une certaine dose de pigment à l'organisme, en injectant dans la cavité abdominale, les veines ou le tissu sous- cutané, des émulsions dûment stérilisées de pigment oculaire ou de tumeurs mélaniques de Cheval; comme on pouvait s’y attendre, ce pigment se comporte comme un corps étranger quelconque, et les phagocytes de la rate, des ganglions Iÿmphatiques, du sang, s'en em- parent en formant souvent de petites embolies; une partie très notable du pigment est éliminée au niveau des glomérules du rein, sans doute par diapédèse des phagocytes. De plus, on retrouve des grains de pigment à l’intérieur de cellules épithéliales, cellules alvéolaires du poumon, épithélium rénal et hépatique, capsules surrénales, etc.; dans ces dernières, le pigment parait même subir une digestion intracellulaire, comme dans les globules du pus. Mais cette addition de pig- ment n'a aucun effet sur les parties normalement pig- mentées (poils, épiderme), et on pouvait le prévoir en raison de l'introduction très artificielle du pigment dans des cavités où il n’y en a pas normalement, Je regrette que M. Carnot n'ait pas fait des injections parallèles d’une substance inerte, comme l'encre de Chine, afin de voir s’il y avait quelques différences dans la manière de se comporter des deux substances; il aurait été curieux de constater si les épithéliums rénaux, surrénaux, pulmonaire et hépatique ont réelle- ment des propriélés phagocylaires et sont capables d'ingérer des substances solides apportées par le sang, comme M. Carnot l’affirme pour les granules de pigment. Les greffes d'épiderme pigmenté sur épiderme blanc, et vice versa, ont donné à M. Carnot des résultats quelque peu contradictoires, mais vraiment intéres- sants au point de vue de la lutte des cellules entre elles. Chez le cobaye, animal bigarré, si l’on greffe un lambeau noir dans uue zone blanche du même animal, la greffe prend en quelques mois une extension consi- dérable et persiste ; les cellules noires ont évidemment une vitalilé plus considérable que les blanches, se di- visent plus activement et les refoulent. Cela est rendu encore plus évident par l'expérience suivante : sur la limite de deux zones blanche et noire, on traumatise par des brûlures plusieurs points de la zone blanche; la partie noire ne tarde pas à s’avancer et à former des saillies au niveau de chaque point blanc traumatisé. Par contre, la greffe blanche prend rarement sur peau noire, et, en tous cas, elle rétrocède rapidement et disparaît. Les rapports de vitalité entre les deux sortes d’épiderme sont évidemment réglés par des conditions complexes; ainsi, il semble que sur un animal très coloré dans un sens, les greffes de couleur opposée ne peuvent prendre d'extension; le noir ne prend pas ou rétrocède chez les Cobayes albinos, contrairement à ce qui se passe chez les Cobayes bigarrés. Les greffes de sujets jeunes se développent rapidement sur les vieux Cobayes, tandis que celles de Cobayes vieux ou ma- lades se résorbent sur des porte-greffes jeunes ou sains. Les cellules greffées ont une variété d'évolution qui exigerait de multiples expériences pour en fixer le déterminisme; mais c’est un sujet des plus curieux, si l’on songe que l'on est conduit graduellement aux néo- plasmes, qui ne sont en somme que des éléments cellu- laires à vitalité renforcée, refoulant et supprimant tous les éléments voisins. Les chromoblastes des Batraciens, comme on sail, sont des éléments pigmentaires mobiles, susceptibles de se rétracter ou de se dilater plus ou moins sous certaines influences : les unes, telles que l’action de la lumière (larves de Batraciens, Protée), du nitrite d’amyle injecté dans l'organisme, sont chromato-dilata- lrices; d’autres sont chromato-constrictives, la chaleur et la lumière chez les Grenouilles adultes, le chlorhydrate d'aniline, l’ergotine, la santonine, etc. Ces conditions externes agissent sur les chromoblastes par des ré- flexes centraux ou périphériques, comme le prouve l'expérience suivante : les chromoblastes réagissent aussi bien sur une patte de Grenouille qui n’est ratta- chée au corps que par le nerf sciatique ou par l’artère (avec son réseau nerveux péri-vasculaire). Il est pro- bable qu'il y a deux sortes de fibres nerveuses qui se distribuent aux chromoblastes, fibres chromato-cons- trictives et chromato-dilatatrices, contenues les unes et les autres à la fois dans le sciatique et dans le réseau nerveux péri-artériel. Quant à la signification de la pigmentation, les don- nées acquises sont trop contradictoires pour qu'on puisse en dégager une loi; chez les animaux à peau nue (Homme, par exemple), il semble acquis que la cellule épidermique réagit en produisant du pigment toutes les fois qu'elle est attaquée : peau exposée aux rayons du soleil, à des actions chimiques irritantes (vésica- toires), à des frottements mécaniques, à l'humidité pro- longée (aisselles), pigmentation de la tuberculose, de la grossesse, etc. ; 1l est possible que ce soit un ré- flexe défensif primitivement dirigé contre les rayons lumineux, qui est devenu un processus général répon- dant à toutes les excitations et tombant parfois à faux. Cette réaction cellulaire diminue certainement lorsque l'organisme s’affaiblit (albinisme), ou lorsqu'il vieillit (blanchissement des cheveux, des plumes). ù Le mémoire de M. Carnot renferme, comme on voit, beaucoup d'aperçus intéressants et de méthodes origi- nales, qui permettront d'avancer plus loin vers les solu- tions définitives des problèmes relatifs aux pigments. Son étude des greffes pigmentées esl une excellente contribution à la Biologie cellulaire, et il faut espérer qu'il sera suivi dans celle voie, qui promet d’être féconde. L. CuÉNor, Professeur-adjoint à la Faculté des Sciences de Nancy. { BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX - 439 Douxami (H.), Professeur agrégé au Lycée de Lyon. — Etude sur les terrains tertiaires du Dauphiné, de la Savoie et de la Suisse. (Thèse de Doctorat de la Faculté des Sciences de Lyon.) — 1 vol. in-8° de 303 pages avec 6 planches. Prix : 6 francs. (Extrait des Ann. de l'Univ. de Lycn.) G. Masson et Ci°, éditeurs. Paris, 4897. L'étude des dépôts de la période tertiaire est particu- lièrement difficile et compliquée. L'extrème variété des sédiments formés à cette époque, l'instabilité du régime hydrographique, le fait que ce ne sont presque exclu- sivement que des formations littorales, saumâtres, lacustres ou continentales qui sont accessibles à nos recherches et dont il faut reconnaître les rapports mutuels et l'homotaxie, sont autant de causes qui rendent très délicate la tâche du stratigraphe lorsqu'il s'occupe de la série cénozoïque. Les travaux conscien- cieux et bien connus de Fontannes, puis, plus récem- ment, les brillantes synthèses du Professeur Depéret, ont jeté une grande lumière sur l'histoire du bassin du Rhône pendant la période néogène. M. Douxami vient, dans le volume que nous avons sous les yeux, de faire connaître la composition des terrains tertiaires dans une région qu'avaient dans ces derniers lemps un peu délaissée les spécialistes; il a dirigé ses recherches sur le Bas-Dauphiné, la Savoie el la Suisse occidentale. Joignant à une riche moisson d'observations personnelles les résultats soigneusement analysés et soumis à une critique éclairée d'une foule de mémoires détachés dus à des auteurs variés, il nous donne un intéressant tableau des phases successives par lesquelles a passé, de l'Eocène au Pliocène, le territoire qui fait l'objet de sa monographie. Nous remarquons un important chapitre sur le Nummulitique de Savoie, accompagné de considéra- tions sur le parallélisme de ce terrain avec les couches analogues des régions plus méridionales. La carte que donne M. Douxami de la mer nummulitique prête le flanc à de sérieuses critiques, l’auteur paraissant avoir considéré en beaucoup de points comme rivages de cette mer les limites de l'extension actuelle de ses dé- pôts; le tracé du golfe étroit de Tarentaise, en particu- lier, est tout à fait invraisemblable. En ce qui concerne les matériaux exotiques du Flysch et de la Mollasse, on est un peu surpris de voir l’auteur recourir, sans la discuter sérieusement, à l'hypothèse de glaciers oligocènes et miocènes. La « Mollasse », en particulier, a été examinée avec soin par M. Douxami, et plusieurs niveaux y ont été distingués et suivis: travail d'autant plus méritoire que, dans la Haute-Savoie et la Savoie, par exemple, cette formation, d'une lassante monotonie et très peu fossili- fère, présente une composition qui prête peu à l'éta- blissement de subdivisions. Un appendice paléontologique contient la description de quelques fossiles nouveaux ou peu connus des ter- rains, tertiaires de la Savoie et du Dauphiné septentrio- nal, et une monographie de la faune du « niveau d'Aoste » (Tortonien); des planches accompagnent ces descriptions. Mentionnons aussi une carte des syneli- naux dans les chaînes subalpines où M. Douxami à su éviter les erreurs grossières récemment commises à ce sujel el soutenues, malgré l'évidence des faits, par des géologues éminents. En somme, et malgré de regrettables légèretés (page 9 par exemple), le travail de M. Douxami est cer- tainement supérieur à beaucoup de thèses récemment parues; c'est de la bonne stratigraphie de détail, appuyée sur un fond très sérieux de documents paléon- tologiques et, si l’auteur n'a pas épuisé son sujet, il peut du moins se dire que son livre rendra de grands services à tous ceux qu'intéresse la géologie du bassin du Rhône et de la « Plaine » helvétique. W. Kizraw, Professeur de Géologie à la Faculté des Sciences de Grenoble. 4 Sciences médicales Bazy P.), Chirurgien de l'Hôpital Tenon. — Maladies des Voies urinaires. Séméiologie. — 1 vol. in-16 de 212 pages de l'Encyclopédie scientifique des Aide- Mémoire, publiée sous la direction de M, H. Léauté, de l'Institut. (Prix : broché, 2 fr. 50 ; cartonné, 3 fr.) G. Masson et Gauthier-Villars, éditeurs. Paris, 1897. La séméiologie des maladies des voies urinaires offre au clinicien l’occasion d'exercer sa sagacité, car elle est faite de menus faits qui, mal ou incomplètement obser- vés, conduisent facilement à un diagnostic erroné. Aussi ne saurail-on manquer de lire avec intérêt le petit livre que vient de consacrer à cette étude M. Bazy dont on connait la compétence particulière dans la question. Le praticien y trouvera, en quelques pages, la signification des principaux symptômes de ces affec- tions, les indications qu'ils fournissent pour l’explora- tion et le traitement. Dans une première partie l’auteur passe en revue les signes extra-miclionnels, c'est-à-dire les écoulements d'ordres divers : pus, sang, liquide pros- tatique, ete., les phénomènes douloureux, les accidents généraux dont l'infection ordinaire n’est pas le moindre. Dans une deuxième partie, les troubles accompagnant la miction, les modifications pathologiques des urines, sont examinés avec le soin qu'ils comportent. Disons enfin que ce petit aide-mémoire est écrit dans un style souvent pittoresque, où l'expression fait retenir aisé- ment l’idée, et qu'il est rempli de remarques curieuses, de procédés élégants, de stratagèmes ingénieux dont la connaissance et l’usage seront d'un grand secours pour le praticien. D' GABRIEL MAURANGE, Œuvres de Léon Le Fort, publiées par le Dr Félix Lejars, Professeur agrégé à la Faculté de Médecine. Tome IT: Chirurgie. — 1 vol. in-8° de 800 pages avec 64 fig. (Prix : 20 fr.) F. Alcan, éditeur. Paris, 1897. Ce volume est entièrement consacré aux travaux de chirurgie de Léon Le Fort. Ou y retrouvera les princi- pales leçons cliniques du maître, écrites dans cette lanuue sobre et élégante dont il avait le secret. Citons én particulier la lecon sur les atrophies musculaires consécutives à l’hydarthrose, celle sur l’exophtalmos pulsatile et celle sur la trochantérite. Dans la partie consacrée aux études de médecine opératoire, il nous faut retenir plusieurs monographies sur les résections et un mémoire sur l’ampulation ostéoplastique tibiocalcanéenne à laquelle Le Fort à attaché son nom. Il y a en outre plusieurs procédés qui lui appartiennent en propre : tels ceux qui ont trait à la périnéorrhaphie, au traitement du prolapsus utérin à la blépharoplastie dans l’ectropion, à la théra- peutique des rétrécissements de l’urètre par la dilata- tion immédiate progressive. L'ouvrage se termine par la description des instruments et appareils de prothèse qu'il avait imaginés ou perfectionnés et dont quelques- uns sont encore employés avec succès en pratique cou- rante. D' GABRIEL MAURANGE. 5° Sciences diverses La Grande Encyclopédie. Inventaire raisonné des Sciences, des Lettres el des Arts, paraissant par livrai- sons de 48 pages grand in-8° colombier, avec nombreuses figures intercalées dans le texte et planches en couleur. 561° livraison. (Priæ de chaque livraison : 1 fr. 25.) H. Lamirault et Ci°, G1, rue de Rennes. Paris, 1897. La 561e livraison de la Grande Encyclopédie renferme une remarquable étude de M. A. Laisant sur la Méca- nique: la Mécanique industrielle ÿ est trailée par M. Béguin. La Mecque fait l'objet d'une monographie de M. Leriche. Enfin l’histoire de la Médecine dans l’an- tiquité y est exposée par le Dr Liétard. 440 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 20 Avril 1897. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. Delauney, en s'ap- puyant sur les résultats de ses précédents calculs sur les distances de Sirius au Soleil et aux étoiles les plus proches de nous, arrive à cette conclusion que Sirius serait un centre fixe autour duquel graviterait un sys- tème d'étoiles dont le Soleil ferait partie. 20 SaiENCES PHYSIQUES. — M. F.-M. Raoult donne quelques délails sur la méthode suivie par lui dans les recherches cryoscopiques précises; il indique plusieurs moyens pour connaître d'avance l'excès de la tempéra- ture convergente sur celle du bain. Il a, en outre, re- marqué qu'il se produit des variations continuelles du zéro des thermomètres résultant soit des changements de température, soit des varialions de pression atmos- phérique ; il est bon de conserver toujours les thermo- mètres dans la glace fondante. — M. V. Agafonoff, au cours de ses recherches sur l'absorption de la lumiere ultra-violelte par les milieux cristallisés, a étudié l'ah- sorption des rayons de Rüntgen par les mêmes milieux; il a pu, à ce point de vue, classer les cristaux expéri- menés en cinq groupes. Il existe, en général, une sorte d'opposition entre l'absorption pour les rayons lumi- neux et pour les rayons Rüntgen. — M. Perrigot ayant repris les expériences de M. G. Le Bon sur la Jumière noire, à constalé que les faits cités par ce dernier étaient dus simplement à la transparence de l’ébonite pour la lumière blanche el qu'ils se rattachent tout naturellement au phénomène bien connu de l’inversion des images photographiques. — MM. H. Baubigny ct P. Rivals indiquent un nouveau procédé de dosage du brôme en présence du chlore; il est basé sur ce fait qu'à froid la solution de chlorure de cuivre neutre n’est pas attaquée par le permanganate de potasse, tandis que celle du bromure est décomposée avec mise en liberté de brome. — M. E. Pinerua donne un procédé rapide de séparation du nickel d'avec le cobalt etle fer; il repose sur le fait que le chlorure de nickel est tout à fait insoluble dans de l’éther saturé à basse température par du gaz acide chlorhydrique, tandis que les chlorures de cobalt et de fer se dissolvent facilement dans ce réactif. — M. Ch. Cloëz a constaté que, dans l’action du brome sur la cholestérine, il peut se former un monobromure C?‘H#OBr ou plutôt C'’H#O°Br#; ce corps ne peut pas exister théoriquement et il est pro- bable quil n’est qu'une combinaison moléculaire de cholestérine et de son dibromure ; cette hypothèse se vérifie, car on peut en effectuer la synthèse à partir de ses deux composants. 30 SCIENCES NATURELLES. — M. Ph. van Tieghem étudie les Inséminées à nucelle pourvu d’un seul tégu- ment, formant la subdivision des Unitegménées ou Icacininées. Il les divise en deux alliances; l’une, les Icacinales, possédant une fleur zygomorphe et des car- pelles biovulés, se compose de sept familles : Leptau- lacées, Ilodacées, Phytocrénacées, Sarcostigmatacées, Icacinacées, Pleurisanthacées, Emmotacées; l’autre, les Ximéuiales, à fleur actinomorphe el carpelles uniovulés, comprend trois familles : Strombosicacées, Ximéniacées et Tétrastylidiacées. — M. L. Daniel a zreffé l'Helian- thus annuus sur l'Helianthus lactiflorus et vice versa. L'influence directe du sujet et du greffon est récipro- que ; l’action du sujet est prédominante sur la forme de l'appareil assimilateur du greffon et se manifesle aussi sur la floraison; l’action du greffon s'exerce surtout sur le mode et sur la durée du développement du sujet. — M. Ch. Bouchard appelle corpulence, chez l’homme, le quotient du poids divisé par la taille; il donne, pour chaque sexe, une échelle de 43 degrés de corpulence et, en regard, une formule correspondant à chaque type et permettant de déduire la surface du corps de la constatation des trois mesures : poids, taille et tour de taille. — M. W. Crookes pense que l'action physiologi- que, souvent très énergique, produite par les rayons de Rôntgen sur le corps humain, dépend, jusqu’à un certain point, de l'idiosyncrasie de l’expérimentateur. Séance du 26 Avril 1897. L'Académie présente la liste suivante de candidats à M. le Ministre de l'instruction publique pour la place laissée vacante au Bureau des Longiludes par le décès de M. Fizeau : 1° M. Bassot; 2° M. Lippmann. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Bouquet de la Grye présente dix-huit cartes et plans de la Corse, levés sous la direction de M. Hatt ei de M. Bouillet.— M. N. Ursa- loviteh adresse deux mémoires sur un procédé pour la détermination rapide des distances. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Gustave Le Bon établit que tous les corps soumis à l'influence de la lumière émettent ensuite des radiations qui possèdent la pro- priété de décharger l’électroscope; tous les corps sem- blent donc posséder des propriétés du même ordre que celles manifestées par l'uranium, mais à un degré moindre. — M. J.-J. Borgman à constaté que la ther- moluminescence d'un mélange de sulfate de calcium avec 5 0/, de sulfate de magnésie est provoquée non seulement par les rayons de décharge, comme l’a indi- qué M. Hoffmann, mais aussi par les rayons de Rôntgen et par les rayons provenant des sels d'uranium. — M. P. Garrigou-Lagrange éludie l’action du Soleil et de la Lune sur l'atmosphère et les anomalies de la pression. Au point de vue de la distribution des pres- sions sur l'hémisphère nord, les années se suivent et ne se ressemblent pas; dans une même année, au contraire, estimée à partir du solstice d'été, les saisons se suivent et se ressemblent. — M. F.-M. Raoult à cherché à déterminer l'influence de la surfusion sur le point de congélation des dissolutions de chlorure de sodium et d'alcool. En effet, au moment où l’on fait la mesure, la partie de la solution restée liquide à une concentration plus grande que la dissolution primitive; on obtient ainsi des abaissements moléculaires trop forts. L'auteur montre que l'erreur commise varie avec la concentration. — M. A. Granger a obtenu un bi- phosphure d'argent Ag P? en chauffant de l’argent très divisé à 400° dans la vapeur de phosphore ; ce corps se décompose déjà à 500°. — M. Ch. Cloez à essayé de préparer le dérivé dinitrosé de la méthyldiphénylamine; mais il se forme toujours le dérivé mononitrosé. Ge corps est très stable et cristallise en lamelles d’un beau vert; son chlorhydrate sert de base à la préparation de matières colorantes intéressantes. — M. Aimé Gi- rard voudrait voir substituer à l'analyse des blés, qui se pratique actuellement sur le grain entier, une mé- thode plus rationnelle. Le grain moulu est séparé en deux parties : d'un côté la farine panitiable (à 70 °/, d'extraction), de l'autre les bas produits et les issues mélangés. La farine comprend des matières solubles et des matières insolubles dans l’eau; il faut faire la dis- solution dans l’eau glacée, car, déjà à la température ordinaire, les diastases transforment l’amidon insoluble en produits solubles, lesquels ont été considérés à tort jusqu'à présent comme constituants immédiats du grain de blé. 39 SCIENCES NATURELLES. — M. Ph. van Tieghem clas- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES Ur sifie les Inséminées à nucelle pourvu de deux tégu- ments, formant la subdivision des Bitegminées. Il les divise en deux grandes sections : les Heistérinées, qui sont dicotylées et les Gramininées, qui sont monocoty- lées. Les Heistérinées se divisent en deux alliances : les Heistériales, à ovule épinaste et à placentation axile, comprenant cinq familles (Coulacées, Heistériacées, Cathédracées, Scorodocarpacées, Chaunochitacées), et les Erythropalales, à ovule hyponaste et placentalion pariétale, comprenant une famille (Erythropalacées). Les Gramininées ne forment qu'une alliance, les Gra- minales, comprenant une seule famille, les Graminées. — M. Paul Vuillemin a constaté que l'appareil nour- ricier du Cladochytrium pulposum, qui vit en parasite sur la Betterave, est un protoplasme nu, granuleux, conte- nant de nombreux noyaux et des faisceaux de fibrilles striées musculiformes. — M. J. Chatin a observé un certain nombre de truffes qu'on lui signalait comme nématodées; il établit que les Némalodes ne peuvent attaquer les tissus de la truffe et qu'ils y ont pénétré simplement à la suite d'altérations dues à des Anguil- lules. — M. Louis Léger a observé chez un Myriapode une nouvelle coccidie polysporée monozoïque se ratta- chant au genre Barruusia; il a également constaté que le Coccidium n'est pas précisément propre aux Verté- brés, mais qu'il est (très répandu chez les Myriapodes. — M. A. Pomel communique une monographie cles Carnassiers fossiles quaternaires de l'Algérie. Il a trouvé des restes des animaux suivants . Ursus libycus, Hyaena spelaea et vulgaris, Felis speluea et antiqua, Her- pestes, Canis aureus et familinris. — M. P. Le Hello présente un appareil de démonstration des actions musculaires dans la locomotion du cheval; il conclut que : 4° les membres antérieurs produisent une impul- sion locomotrice dès le début de l'appui; 2° les muscles pectoraux, dont le volume est si remarquable, sont les agents essentiels de cette action. — MM. Lannelongue et Achard pensent que l'immunité des Gallinacés contre la tuberculose humaine résulte seulement de ce que, dans la grande majorité des cas, le bacille ne se multi- plie pas dans leur organisme, bien qu'il y garde sa vi- talité et sa virulence pendant des semaines et quelque- fois des mois. Mais celte immunité n'est jamais que parlielle, car les Gallinacés sont sensibles à l'action nécrosante des substances contenues dans le corps des bacilles. — M. Demars communique six cas de cure radicale de hernie par les injections de chlorure de zinc suivant la méthode de M. Lannelongue. La guéri- son a été obtenue très vite el s'est maintenue depuis. L'auteur conseille de commencer les injections externes plus en dehors que le pubis, sur la crête pectinéale. — M. Lannelongue annonce que, daus tous les cas de hernies qu'il a opérés par sa méthode depuis plus de six mois, la guérison s'est maintenue jusqu'à ce jour. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 13 Avril 1897. M. Péan montre quatre malades ayant présenté : le premier des polypes myxo-glandulaires, le second des polypes vasculaires, le troisième des polypes fibreux, et le quatrième des polypes tuberculeux des fosses nasales; chez ces malades, la récidive s'est produite avec la plus grande rapidité malgré une extirpation complète; l'auteur a dù alors mettre à nt, aussi large- ment que possible, l'intérieur des cavités nasales et a enlevé, en même temps que les polypes, toute la pitui- taire. La guérison s’est maintenue.—M. Péan présente trois malades ayant subi l'æsophagotomie externe à cause de la présence de corps étrangers dans l'æso- phage. — M. Léon Colin demande comment il se fait que deux cas de peste aient pu éclater à Londres l'été dernier chez deux marins venant de Bombay, alors qu'il ne s'était produit aucun cas pendant toute la traversée et que la durée maximum d'incubation ne dépasse généralement pas huit jours. — M. Brouardel répond que la contagion a eu lieu seulement à l’arrivée par des vêtements infectés qui n'avaient pas élé utilisés pendant la traversée, — M. Laveran analyse un mé- moire de M. J.-P. Cardamatis (d'Athènes) relatif à l'emploi du bleu de méthylène dans le traitement des lèvres palustres. L'auteur aurait obtenu des résultats très favorables avec des doses de 50 à 60 centigrammes par jour pendant 12 à 16 jours avec des suspensions. M. Laveran fait remarquer que, dans beaucoup de cas, les fièvres auraient pu céder spontanément; toutefois, on emploiera certainement le bleu de méthylène avec succès dans les cas où les sels de quinine sont contre- indiqués. — M. Panas analyse un travail de M. le Dr Dianoux relatif à l'iridectomie périphérique par- tielle dans le traitement du glaucome chronique. — M. Paul Reclus vient apporter de nouvelles observa- tions à l'appui de sa théorie que, dans le plus grand nombre des cas, l'appendicite est la suite et l'aboutis- sant del'entéro-colitemuco-membraneuse.— M. Albert Robin pense qu'il existe le plus souvent, à l’origine des affections graves de l'intestin, une certaine variété de dyspepsie, l'hypersthénie gastrique, caractérisée sur- tout par une coprostase ayant son siège dans le côlon et dans le cæcum; c'est en traitant convenablement cette dyspepsie et ses premiers retentissements intes- tinaux (par le régime, l'usage des laxatifs ou des grandes irrigations intestinales) qu'on évitera, le plus souvent, et l’entéro-colite muco-membraneuse et l’'appendicite. .— M. le D' Guépin lit un mémoire sur la forme eurable de l'hypertrophie sénile de la prostate. Séance du 20 Avril 1897. MM. V. Babes et C. Levaditi ont constaté, dans leurs recherches sur les colonies de bacilles tuberculeux, des formes identiques au champignon de l’actinomycose ; elles ne s'en distinguent que par la coloration d'Ehr- lich, caractéristique pour les filaments du parasite de la tuberculose. — M. Frantz Glénard étudie les rap- ports de l'entéro-colite et de l'appendicite avec la ptose viscérale ; d'après lui la colite membraneuse est une modalité symptomatique d'une maladie de la nutrition à la phase de ptose viscérale, et son traitement le plus efficace sera celui qui combattra celte ptose. Il ne semble pas qu'on soit autorisé à admettre une relation de cause à effet entre l'entéro-colite et l'appendicite. — M. Léon Labbé présente quelques indications sur l'opportunité de l'intervention chirurgicale dans les divers cas d’appendicite. — M. Dieulafoy apporte un contingent de 53 nouveaux cas d’entéro-colites muco- membraneuses non suivies d’appendicites. — M. le Dr E. Doyen lit un mémoire sur l'exlirpation extempo- ranée par les voies naturelles des gros polypes naso- pharyngiens et une note relative au tubage du larynx dans les opérations sur la cavité naso-buccale, la plèvre et le poumon. Séance du 27 Avril 1897. M. le Président annonce à l'Académie le décès de M. Magitot. — M. H. Huchard étudie l'ædème aigu du poumon ; il établit trois éléments dans sa patho- génie : 4° énorme hypertension pulmonaire, affaiblis- sement subit ou rapide de l'organe compensateur, du ventricule droit vaincu par cette hypertension (élément, mécanique) ; 2 troubles de l'innervation cardio-pulmo- naire (élément nerveux) ; 3° imperméabilité rénale très fréquente avec intoxication consécutive de l'organisme (élément toxique). Comme indicalion thérapeutique, il faut procéder à une large saignée générale qui soulage le cœur et abaisse la tension. — M. Debove fait remar- quer qu'il n'y a aucuve liaison entre l'ædème du pou- mon et l’'angine de poitrine, — MM. G. Linossier el Lannois ont constaté que l'iode appliqué en badigeon- nages est absorbé par la surface cutanée; cette absor- ption, minime quand la partie badigeonnée est aban- donnée à l'air libre, devient beaucoup plus active quand elle est hermétiquement enveloppée. L'iodoforme, l'io- dure d’éthyle sont absorbés par la peau saine, ce der- nier corps en assez grande quantité fpour pouvoir être 442 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES utilisé, le cas échéant, en vue d'une médication géné- rale iodurée.— MM. Gilles de la Tourette et Chipault présentent un mémoire sur l'élongation vraie de la moelle épinière et son application au traitement de lataxie locomotrice. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 10 Avril 1897. M. Ch. Richet inocule à un lapin du sérum de sang d’anguille, à un autre lapin le même sérum mélangé avec du sérum de sang de chien immunisé; le premier lapin meurt, le second ne présente rien. L'auteur pense qu'il y a neutralisation chimique de la toxine par l’an- titoxine. M. C. Phisalix pense, au contraire, que la toxine et l'antitoxine existent toutes deux dans le venin, la première agissant plus rapidement que la seconde; mais, si par le passage à travers le chien on dissocie le venin, en ne conservant que l’antitoxine, celle-ci peut ensuite exercer son pouvoir contre la toxine. — M. A. Charrin communique les tracés cardiographiques obtenus par M. Bardier dans l'infection pyocyanique; la toxine produit des variations de vitesse, d'amplitude, de l’arythmie et des intermittences. — MM. Lacaille et Rénon ont eu recours à la radiographie pour poser le diagnostic d'une affection douteuse dans la région du thorax. — M. Gérard (de Toulouse) a constaté qu'une intoxication lente par le sous-nitrate de bismuth peut se produire chez certaïns dyspeptiques dont l'estomac contient beaucoup d'acide lactique. — M. Weiss à essayé divers types de sphygmomètres avec un appa- reil à circulation artificielle fixe et a trouvé qu'ils donnaient des indications souvent très différentes. — M. Josué a étudié les modifications histologiques de la moelle osseuse sous l'influence des injections de sérum antistreptococcique. — Quoique les animaux carnas- siers soient généralement réfractaires à l'infection charbonneuse, M. C. Phisalix a observé au Muséum trois fauves qui sont morts de cette maladie après avoir mangé de la viande charbonneuse ; il est vrai que ces animaux étaient déjà considérablement affaiblis. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance du 12 Mars 1897. MM. M. Berthelot et G. André ont étudié les acides phosphoriques. Si l’on prépare le métaphosphate de soude : 4° en fondant à 280° le phosphate monosodique ; 2° en fondant au rouge le même sel, on obtient des produits très différents. Dissous dans l’eau, le premier produit renferme beaucoup d'acides pyro et orthophos- phoriques; on peut, par la mixture magnésienne acé- tique, y doser le pyrophosphate qui représente environ 80 °/, du produit total; le second, dans les mêmes conditions, se transforme beaucoup plus lentement. On arrive à précipiter à chaud, comme dans le cas pré- cédent, par la mixture magnésienne acétique, 50 °/, du phosphore total à l'état de pyrophosphate. — M. Blaise à reconnu que la réaction de Vogel, pour déceler la quinine (coloration rouge obtenue avec quinine, eau de brome, ferrocyanure de potassium el ammoniaque), marche très bien sans ferrocyanure. Ce sel ne sert qu'à donner de la fixité à la coloration. On peut en sa présence détruire la coloration par un acide minéral et la faire réapparaître par l'ammoniaque concentrée. La réaction de Vogel marche avec n'importe quel composé alcalin; on peut la produire avec l’ammoniaque, les amines grasses, aromatiques, elc..., et aussi avec le phosphate de soude, le borax, le bicarbonate de po- lasse et le carbonate de chaux. — M. Béhal démontre que l’on peut expliquer l’isomérie entre la tropine et la pseudotropine, sans recourir à la stéréochimie de l'azote, D'après une conception émise par M. Adam, on peut supposer que les atomes d'azote et de carbone sont contenus dans trois plans faisant entre eux un angle de 120°, Ces plans renfermant des groupements moléculaires divers, il peut y avoir des isomères cis et des isomères trans. — M. Hanriot présente de la part de M. Godart un flacon à l'émeri spécial. Le rodage du bouchon et du goulot sont tels que le bouchon s'adapte au flacon extérieurement. Grâce à ce mode de ferme- ture, les poussières ne peuvent plus pénéter dans le flacon même lorsqu'on ouvre et, de plus, on évite les chances de soudure. — M, Nicloux fait quelques re- marques sur le dosage de la glycérine par le procédé de MM. Bordas et Raczkowski. Il faut employer une solution à 38 grammes etnon à #8 grammes de bichro- mate par litre. E. CHaRoN. SOCIETE ROYALE DE LONDRES 1° SCIENCES PHYSIQUES NV. À. Tilden, F. R. S.: Sur les gaz inclus dans les roches et les minéraux cristallisés. — On sait depuis longtemps que beaucoup de minéraux eristalli- sés contiennent des gaz enclos dans des cavités qui renferment fréquemment aussi des gouttes de liquide: Ce liquide est souvent de l’eau, quelquefois un hydro- carbure, assez fréquemment de l'acide carbonique li- quide, reconnaissable à la facon dont il se comporte vis-à-vis de Ja chaleur. Les gaz inclus dans les roches ont été étudiés déjà par plusieurs savants ; on a reconnu successivement l'acide carbonique, l'oxyde de carbone, l'hydrogène, l'azote, le méthane. Les recherches que l’auteur a entreprises dans celte voie présentent un grand intérêt. Il a étudié les roches et les minéraux suivants : granite, gabbro, basalle, quartzite, granulite, schistes quartzeux, gneiss à grenats, lave du Vésuve, graphite, quartz, béryl, gneiss à pyroxènes, gneiss à cormdon. Les gaz y sont contenus dans des cavités qu'on aperçoit distinctement sur une coupe mince de la roche lorsqu'on la regarde au microscope; ces cavités sont si petites qu'il se perd très peu de gaz quand la roche est réduite en poudre. La poudre est chauffée dans le vide. Le volume du gaz dégagé a varié de une fois à dix-huit fois le volume de la poudre chauffée. Le gaz dégagé est composé surtout d'hydrogène (40 à 100 °/,) et d'acide carbonique; il y a de petites quantités d'oxyde de car- bone et d'hydrocarbures. Le gaz dégagé a toujours été examiné au spectroscope, afin de déterminer s’il conte- nait de l’hélium ; mais dans aucun cas on n'a aperçu les lignes de cet élément. — La grande quantité d'hydro- gène et d'acide carbonique que renferment les roches examinées peut faire supposer qu'elles ont cristallisé dans une atmosphère riche en acide carbonique et en vapeur d'eau, qui était elle-même en contact avec des substances facilement oxydables (comme le carbone, les métaux, les protoxydes métalliques). Maislaréduction de l'acide carbonique ou de la vapeur d’eau par le carbone donne lieu à la formation d'oxyde de carbone, et, dansce cas, la proportion de ce gaz eût dù être supérieure à celle effectivement trouvée. On sait en outre que l'acide carbonique et la vapeur d’eau sont dissociés à une tem- pérature modérément haute, et que, si l'oxygène se recombine en grande partie dès que la température s'a- baisse, une partie peut rester libre en présence d'un excès d'un gaz indifférent; or, parmi les gaz analysés, on n'a pas retrouvé d'oxygène libre. D'autre part, l'ex- périence directe à montré que l'oxyde ferreux, à la cha- leur rouge, décompose la vapeur d'eau et l'acide car- bonique en hydrogène et oxyde de carbone, tandis qu'il se transforme en oxyde magnétique; le fer mé- tallique réagit de même : 3 Fe + 4 H°0 — Fe*0! + 4 H° 3 Fe + 4 CO? = Fe’0! + 4 CO Or, le fer métallique a été rencontré par plusieurs sa- vants et l'auteur lui-même dans les roches; mais il faut se rappeler que les réactions indiquées ci-dessus sont réversibles, et la présence de fer métallique et d'oxyde magnétique dans une roche ne peut pas être regardée comme une preuve certaine que le second dérive du premier. — La présence de méthane dans les rochesetlt production d'hydrocarbures gazeux ou liquides en de AUADÈMIES ET SOCIÈTÉS SAVANTES 443 nombreux points de la surface terrestre nous montre de plus en plus que l'intérieur de la terre renferme de grandes quantités de métaux alliés à du carbone; il est plus aisé de concevoir que l’action de l'eau sur ces matériaux à donné naissance à des oxydes et à des mélanges d'hydrogène et d'hydrocarbures. Cette hypo- thèse prend de plus en plus de valeur, surtout depuis les travaux de M. Moissan. 29 SCIENCES NATURELLES John W.dJudd, C. B., L.L. D., J. R.S. : Deuxième rapport sur une série d'échantillons des dépôts du Delta du Nil, obtenus dans des sondages entrepris par la Société Royale. — Bien que les sondages exé- cutés en 1885 sous les auspices de la Société Royale à Kasr-el-Nil, Kafr-ez-Zayat et Tantah aient atteint une plus grande profondeur que ceux de MM. Leonard Horner et Linant de Bellefondes, ils ne rencontrèrent pas cependant les roches solides dans lesquelles le Nil a creusé sa vallée. Le Comité du Delta a fait exécuter à Zagazig un defnier sondage, commencé en 1886, poussé à une profondeur de 345 pieds, 319 au-dessous du ni- veau de la mer, sans atteindre la roche solide. De la surface à la profondeur de 115 pieds, les dé- pôts consistent en alternances de sables de désert et de Jimons du Nil, identiques à ceux traversés dans les précédents sondages. Les sables observés entre les profondeurs de 20 et 75 pieds, évidemment d'origine éolienne, étaient en certains points agglutinés en une sorte de grès imparfait. Jusqu'à la profondeur de 20 pieds on put recueillir des petits corps tubulaires ou noduleux, indubitablement formés par le dépôt du carbonate de chaux sur de petites racines; plus bas, ces petits corps devenaient moins abondants et d'une forme moins bien définie; entre 75 et 92 pieds ils man- quaient absolument et étaient alors remplacés par des masses calcaires concrétionnées résullant de la disso- lution et de la reprécipitation du carbonate de chaux. Malgré les recherches minutieuses de M. Chapman aucune trace d'organisme contemporain du dépôt ne put être observée, mais seulement un foraminifère remanié de l'Eocène Nummuliles Guettardi d'Arch. et Haime. Un très important changement dans la nature des couches survint à la profondeur de 115 pieds; de 115 à 451 pieds, le sondage traversa un épais dépôt de sables grossiers mélangés de cailloux roulés ; à la pro- fondeur de 151 pieds existait une couche d'argile jaune épaisse de 2 pieds, au-dessous de laquelle les lits de sable et de cailloux roulés dominaient jusqu'à la plus grande profondeur atteinte dans l'opération, soit 345 pieds. Dans quelques-uns de ces lits, les éléments bien arrondis, de toutes tailles, jusqu'à celle d'un œuf de poule, représentaient de véritables galets. Un sondage exécuté à Roselte en 1885, a donné une success'on semblable à celle du sondage de Zagazig, avec celle différence loutefois que les couches de sables grossiers avec galets y furent atteintes à la profondeur de 143 pieds, 134 au-dessous du niveau de la mer, au lieu de S9 à Zagazig, indiquant ainsi le manque d'hori- zontalité de la surface de ces couches. Il serait donc possible qu'en certains endroits elles traversassent complètement les dépôts du Nil pour former la surface actuelle du pays. Sir Samuel Baker attira l'attention sur les « turtle-backs », larges ilots sableux épars au milieu des limons, preuve selon lui de. la préexistence du désert et qui, supportant la totalité des dépôts du Nil, n'apparaîtraient qu'aux points épargnés par les inondations. On doit cependant remarquer que les alluvions alternent avec des masses considérables de sables d'origine éolienne et que les « turtle-backs » peuvent bien être la surface de grandes taches lenti- culaires sableuses de même origine. Il n’est pas douteux que ces dépôts de galets aient élé effectués dans des conditions toutes différentes de celles qui ont présidé à la formation des couches supé- rieures, mais l'époque de leur venue reste un problème | | | du plus srand intérêt. Malheureusement, aucune trace d'organisme, si ce n'est toutefois quelques fossiles rema- niés, n’est venu jeter quelque jour sur la question. M. Karl von Zittel, qui a examiné la nature des galets pour en déterminer l'origine, a reconnu que les galets siliceux rappellent plutôt les grès tertiaires de Gebel Achmar, près du Caire, que les grès crétacés de la Haute-Egypte. L'absence de galets calcaires est remar- quable ; ceux-ci, à cause de leur légèreté relative, ont dù être entraînés plus loin. Les roches éruptives semblent provenir des vallées latérales du désert ara- bique. Des galets de calcaire siliceux contenant des foraminifères furent soumis au Professeur Rupert Jones, qui, gräce à la présence de Textularia globulosa Ehrb., 1. saggitula Defr., Globigerina bulloides d'Orb., Discor- bina globuluris d'Orb., Rotalia ammonitiformis Lam. etc., leur reconnut une origine éocène incontestable. Seul un galet formé d'une roche arénacée et contenant Lagera lævis Mont., L. globosa Mont., Globigerina sp., un spicule d'éponge, une valve d'ostracode, etc., pour- rait provenir d'un dépôt crétacé. Ces observations ont amené M. Karl von Zittel à penser que les galets ont dû être déposés à une époque où le Nil avait déjà creusé sa vallée, mais non encore si profondément qu'aujour- d'hui et qu'ils n’ont pas dû être amenés d'un pcint très éloigné de celui où ils reposent actuellement. IL est regreltable que les travaux enirepris par la Société Royale n'aient pas encore permis d'atteindre le fond de la vallée du Nil: mais les résultats obtenus : 1° épaisseur beaucoup plus grande qu’on ne le suppo- sait des alluvions du fleuve, 2° leur superposition à des dépôts effectués dans des conditions tout autres que celles qui dominent aujourd'hui dans le nord-est de l’Afrique, sont malgré tout d’une grande importance. Clement Reïd, I. L. S., IL. G. S.: Les dépôts paléolithiques à Hitchin et leur relation avec l'Epoque glaciaire. — Après les recherches faites en 1896 à Hoxne, aux frais de l'Association Britannique et de la Société Royale, il était intéressant de s'adresser à une nouvelle localité pour contrôler les résultats obtenus sur les relations de l’homme paléolithique avec l'Epoque glaciaire. Les recherches de Prestwich, de sir John Evans, de M. W. Ransom et de M. William Hill ont établi que la terre à brique qui, à Hitchin, contient dans son inté- rieur et à sa base des instruments paléolithiques, repose sur une marne Coquillière, mais les relations de ces alluvions anciennes avec le boulder-clay calcaire et les cours d'eau actuels restaient douteuses. Les alluvions anciennes occupent à Hitchin une petite vallée irrégulière presque entièrement comblée. Hitchin est siluée dans la vallée du Hiz; la craie qui forme le sous-sol solide perce en certains points le drift dont elle est presque partout recouverte. Ce drift, grossier gravier siliceux, est en partie glaciaire, en partie paléolithique, et l'une des plus grandes difficultés consistait dans chaque sondage à déterminer son âge exact, le drift post-glaciaire ne différant du drift gla- ciaire que par la présence seule d'instruments paléoli- thiques. Un des points les plus importants à établir était la position du boulder-clay, dépôt indubitablement gla- ciaire; grâce à un sondage qui l’atteignit, on put en effet constater qu'il était recouvert successivement par des alluvions anciennes et la terre à brique paléo- lithique. La présence du boulder-clay dans ce sondage, effec- tué sur les bords de la vallée, et son absence dans ceux entrepris vers le centre où cette formation était repré- sentée uniquement par des matériaux remaniés, don- nent une preuve cerlaine du creusement de la vallée à une époque postérieure à celle du dépôt du boulder- elay, comme c'est d'ailleurs le cas à Hoxne. Les allu- vious entièrement recouvertes par la terre à brique semblent occuper une bande étroite dans le milieu de l'ancienne vallée, dout la direction sud-nord corres- 44% ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES pondant à la pente générale du pays, est parallèle aux cours d'eau actuels. Au point de vue paléontologique on peut considérer deux groupes très différents de dépôts : la terre à brique, ne contenant que des instruments paléolithiques, et les alluvions, remplies de coquilles d’eau douce et de restes de plantes, sans aucun vestige de l'industrie humaine, les os de mammifères provenant tous d’une boue marneuse blanchâtre apparaissant en certains points au-dessous de la terre à brique. La faune et la flore, où l’on remarque les mollusques vivant encore dans nos cours d’eau et des arbres tels que le chène, le frêne, l’aune, le sureau, etc., indiquent un climat tem- péré ne différant pas sensiblement de celui dont nous jouissons actuellement. La ressemblance de la terre à brique de Hitchin avec celle de Hoxne et la similitude des alluvions anciennes déposées dans les mêmes conditions et contenant les mêmes fossiles engagent à raccorder couche par couche les dépôts observés dans les deux localités; il faut ce- pendant remarquer que les dépôts intermédiaires avec débris de formes arctiques de saules, si remarquables à Hoxne, manquent totalement à Hitchin. Dans les deux localités, le sol, plus élevé à l'Epoque glaciaire qu'il ne l’est aujourd'hui, permettait aux cours d’eau, grâce à leur pente plus forte, de creuser des vallées plus profondes; le sol abaissé de ce fait, les vallées se comblèrent d’'alluvions, le climat restant tempéré; à la suite d’une période plus froide repré- sentée seulement à Hoxne, la terre à brique, non strati- fiée, avec cailloux épars et instruments paléolithiques, dut se former sous l'influence du vent et du ruisselle- ment. Si l'on admet celte origine de la terre à brique, le défaut des superpositions des vallées actuelles sur les vallées anciennes devient explicable, alors qu'il l'est difficilement, si on donue, au contraire, à la terre à brique une origine fluviale. En considérant la terre à brique comme l'équivalent du læss continental, on peut admettre, en effet, que, pendant la période froide correspondant à ces dépôts, les cours d’eau trop affai- blis pour emporter les matériaux apportés par le vent et le ruissellement ont pu laisser combler leurs vallées, et qu'il leur a fallu se creuser de nouveaux lits, une fois le climat tempéré rétabli. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 4: Mars 1897. MM. Sydney Young F. R. S. et G.-L. Thomas ont séparé du pétrole d'Amérique le pentane normal et l’isopentane dont ils donnent les constantes physiques. — M. Sydney Young F. R. S.: Note sur la tension de vapeur, le volume spécifique, les constantes critiques et le point critique du pentane normal. — MM. C.-T. Heycock F. K.S. et K.-H. Neville ont éludié les points de fusion des différents alliages du zinc et leurs gra- phiques. Dans le cas des alliages zinc-cadmium, zinc-alu- minium, Zinc-étain, les mélaux semblent se dissoudre les uns les autres en toutes proportions; quant à l'al- liage zinc-bismuth la courbe tracée suivant son point de fusion devieut à un moment donné une ligne droite caractéristique des alliages séparés en deux liquides superposés. Dans la deuxième partie de leur commu nication, les auteurs étudient les solutions diluées de cuivre et d’or dans le zinc, et donnent la courbe complète fournie par la fusion des alliages de zinc et d'argent. — MM. Arthur H. Mc Connell et Edgard-S. Hanes décrivent une méthode pour la préparalion des cobal- tites alcalins et démontrent que le cobalt forme un oxyde CoO° et un acide H*Co0", dont l'existence à l’état libre doit étre regardée comme hypothétique, mais dont on connaît une série de sels alcalins du type du cobaltite de potasse K?20Co0®, Ils ne croient pas à l'existence de l'acide cobaltique ou percarbonate de cobalt décrit par Durrant. — M. H.-J. Horstman Fenton a étudié les dif- férentes propriétés du produit de condensation de laldéhyde glycolique obtenu par oxydation de l'acide lartrique en présence du fer. Les conditions dans les- quelles l'acide tartrique peut être transformé en acide dihydroxymaléique par l'oxygène atmosphérique, sem- blent présenter plusieurs analogies avec celles dans les- quelles se forment certains végétaux ; et l’auteur suppose que la formation directe du sucre pourraits’expliquer par une oxydation analogue, — M. Francis E. Francis : Note sur les dinitrosamines de l'éthylène aniline, de l'éthylène loluidine et de leurs principaux dérivés. — MM. S. Ruhemann et A.-S. Hemmy, en faisant réagir le dérivé sodé de l’oxalacétate d'éthyle sur le chlorofu- marate d'éthyle, ant observé la formation de deux iso- mères. Selon eux le premier a la coustitution suivante: COUCHE CE AC COMME | OC.COH : G.COOCH° et serait l'anhydro-oxalaconitate d’éthyle. Le deuxième serait le pyronetricarboxylate d'éthyle ayant pour for- mule : COOEt.C. O .COOEt Il ] HC.CO.COOEt M. Clare de Brereton Evans : Note sur les formes énan- tiomorphes de l'iodure d'éthylpropylpiperidonium. — MM. W.-S. Gilles et F.-F. Renwick : Formation et propriétés de l'acide pinophanique. — M. W:-T. Lau- rence a trouvé une nouvelle synthèse de l'acide citrique. Il à réussi à préparer le citrate d’éthyle par la conden- sation du bromacétate d’éthyle et de l'oxalyl-acétate d'étyle en présence du zinc. La réaction à lieu suivant les équations : (4) COOEt.CH?Br + COOEt: CH?2CO.COOEt + Zn — COOELCHÈC(OZnBr) (CHÈCOOEt) COOET (2) COOEt.CH?C (0ZnBr) (CHÈCOOEL) COOEt + H°0 — COOEt.CH2.C (OI) (CHÈCOUEL) COOEL + Zn0 + HBr. Séance du A8 Murs 1897. M. Alexander Scott : Note sur le poids atomique du carbone.—Dans une deuxième communication, le même auteur décrit une nouvelle série de sulfates mixtes ayant pour formule : (M.N)"SO‘.H*0. Le plus iutéres- sant de ces sels est le sulfate cuprico-ferreux, brun rouge, se dissolvant dans l’eau en vert-bleu. Sa com- position répond à l’une des deux formules suivantes : (CuFe)SO*.H°O ou (Fe*Cu?) (S0‘)H°0: MM. Henry Perkin jun. F. R. S. et Jocelyn Field Thorpe, par une longue suite de savantes recherches qu'ils décrivent dans leur note, sont arrivés à pré- parer synthétiquement l'acide camphoronique. Ils ont comparé leur produit de synthèse avec le produit ordinaire et n'ont pu trouver de réaction dissem- blable. — M. Eruest-H. Cook : Nouvelle méthode pour la détermination des points de fusion. — MM. James Walker el Sidney A. Kay ont déler- miné la vitesse de formation de l'urée dans des solu- tions aqueuses d'alcool. Ils dissolvent pour cela le cya- nate d'ammouium dans l’eau pure etdans des mélanges contenant de l’eau et de l'alcool dans des proportions de 10, 30, 50, 70, 90 °/, de ce dernier. L'alcool diminue le degré de dissociation du cyanate. — MM. Wyndham R.Dunston F. R. Set Ernest Goulding ont trouvé que la formaldoxime, l’acétaldoxime et l'acétoxime chauf- fées en solution alcoolique avec des bromures ou iodures alcooliques sont converlis en composés alky- loximes dans lesquels le groupe alkyle se trouve uni à l'azote. Ils sont représentés par les formules : R'CHAZ(R')O et RCAzR'O isomères des éthers peu connus des oximes ayant pour formules : R'CH : AZOR' et R'CAZOR'. Le Directeur-Gérant : Louis OLivier. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. 8° ANNÉE N°41 15 JUIN 1897 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Distinctions scientifiques Election à la Société hollandaise des Sciences de Haarlem. — Notre éminent collabo- rateur, M. E.-H. Amagat, répétiteur à l'Ecole Polytech- nique, Correspondant de l’Académie des Sciences de Paris et Associé étranger de la Société Royale de Londres, vient de recevoir de la Société Hollandaise des Sciences de Haarlem une récompense justement en- viée et très légitimement attribuée à son œuvre : lil- lustre Compagnie vient, en effet, de l’élire parmi ses membres, faveur qu'elle a récemment accordée, comme le savent les lecteurs de la Revue, à notre compatriote, M. H. Moissan. 2 . $S 2. — Art de l’Ingénieur La réfection du cours de la Loire. — Nos lecteurs savent où en est actuellement, au point de vue technique, la question de la Loire navigable. M. C. Le- chalas, Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, et M. Audouin l'ont traitée ici même '; ils ont indiqué et la facon dont se produisent les ensablements du fleuve etle programme des travaux à effectuer pour opérer une parfaite réfection des rives. Le plan qu'ils ont exposé à ce sujet semble avoir réuni tous les suffrages, et l’on peut aujourd’hui espérer à bon droit qu'il sera prochai- nement réalisé. À une réunion tenue à cet effet le 3 juin dernier par la Société La Loire navigable et la Société Les Nautes, M. Turrel, ministre des Travaux publics, a promis à ces deux Compagnies le concours effectif de l'Etat. $S 3. — Physique Les récentes expériences de lord Rayleigh sur les ondes sonores. — À une récente réu- nion de la Royat Institution, Lord Rayleig, ex-secrétaire perpétuel de la Société Royale de Londres, a fait une très intéressante conférence sur les limites de l’au- 1 Voyez les numéros de la Revue du 15 septembre 1896 et du 30 mars 1897. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897, dition. On sait que les Lectures de la Royal Institution sont données par les plus grands savants du Royaume- Uni et quelquefois de l'Etranger, devant un public d’a- bonnés recrutés principalement dans le monde scienti- lique. A ces conférences se déploie, on pourrait presque dire avec magnificence, un luxe d'expériences destinées à illustrer de la facon la plus brillante la parole du maître. La Revue se préoccupe d'’instituer quelque jour à Paris une Institution analogue. Aujourd'hui, nous nous bornerons à signaler, parmi les recherches que Lord Rayleigh a tout récemmentsignalées à sesauditeurs, les très intéressantes expériences et considérations que voici : Pour un son de hauteur déterminée, susceptible d'être perçu par l'oreille, il est extrêmement impor- tant de déterminer l'amplitude minimum de vibra- tion au-dessous de laquelle la perception cesse. C’est au physicien allemand Boltzmann que l'on doit les pre- mières évaluations faites à ce sujet. Cet expérimenta- teur est parvenu à préciser l'amplitude minimum en mesurant, d'une part, la somme d'énergie nécessaire pour souffler dans un sifflet, et, d'autre part, la distance à laquelle le sifflet pouvait être entendu. Cette distance était d’un demi-mille. Boltzmann a trouvé ainsi l’ampli- tude de 8X10* centimètres, longueur bien petite, mais encore cent fois supérieure à celle que les plus puis- sants microscopes sont susceptibles de nous montrer. Lord Rayleigh vient d'arriver à des résultats plus nets en produisant le son au moyen d'un diapason. Il a montré, dans une récente conférence à la Royal Institution, que l'énergie qui réside dans le diapason peut être déduite, à chaque instant, de l'amplitude de ses vibrations mesurées au microscope à chariot. La grandeur de l'énergie émise se calcule d'après l'amplitude de vibration au-dessous de laquelle les mou- vements s'éteignent. L'éminent physicien est parvenu de cette facon à réduire à 30 mètres la distance per- ceptible à l’ouie ; dans de telles conditions, la propa- gation des ondes risque peu d’être troublée par les irrégularités de l'atmosphère ambiante, et cela autorise à accueillir comme non entachées d'erreur physique les déductions que le calcul peut tirer de l'expérience. Soit s le taux de condensation des ondes qui sont tout 11 146 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE juste capables d'exciter l’ouie; les résultats peuvent | s'exprimer ainsi : 6,0 X 107 Fréquence ; 4,6 X 107? ,6 On voit par là que l'oreille est capable de discerner des vibrations qui exigent, pour se produire, des varia- tions de pression très inférieures à la pression totale existant dans nos meilleurs tubes à vide. Dans de telles expériences, la totalité de l'énergie est très minime; elle contraste étrangement avec les 60 Horse-Powers ‘ lancés dans la sirène de Trinity House. Si l’on calcule d’après la loi de l'inverse des carrés à quelle distance un son absorbant 60 Horse-Powers peut ètre entendu, on trouve 2.700 kilomètres. Il fauten con- clure, remarque Lord Rayleigh, qu'il existe une source importante de perte d'énergie indépendante de la simple diffusion sur une grande surface. Il y a long- temps, Sir George Stokes s'était proposé d'évaluer l'effet de la radiation sur la propagation du son, et il était arrivé à cette conclusion : L’amplitude du son propagé en ondes planes tomberait à la moitié de sa valeur en un temps sextuple de celui qu'il faudrait à une masse d'air portée à une température supérieure à celle de l'air ambiant pour se refroidir de la moitié de cet excès de température. Cette dernière durée ne semble guère susceptible de mesure précise; si elle correspondait à une minute, il faudrait en conelure que le son considéré se propage pendant six minutes, parcourant alors environ 70 milles sans subir de ce chef aucune perte sensible d'énergie. Lord Rayleigh pense que la décroissance d'intensité du son aux grandes distances résulte principalement de la réfraction atmosphérique due aux variations de température et de vent suivant la hauteur. À l’état normal, l'air est plus frais dans les régions élevées ; Le son s’y propage donc plus lentement, y modifiant en conséquence sa trajectoire. La théorie de ces phénomènes a été donnée par Stokes et Reynolds et l'application en a été faite par Henry à l'explication des variations observées dans la propagation du son des sirènes. Aussi Lord Rayleigh fait-il observer qu'une connaissance plus profonde de ce qui se passe dans l'atmosphère au-dessus de nos têtes ferait certainement avancer la question. $S 4. — Electricité industrielle Nouveau Voltmètre d'étalonnage. — À une récente séance de la Société internationale des Electri- ciens, M. Pérot à décrit un voltmètre électrostatique d'étalonnage, basé sur l'attraction de deux disques placés en regard à une faible distance, et chargés à une certaine différence de potentiel. Les deux plateaux sont formés par deux lames de verre argentées, pla- cées à 0,4 millimètre l’une de l’autre. L'attraction est très faible. Pour une différence de potentiel de 10 volts, la force est de 1/160 gramme. La lame supérieure est maintenue à la partie inférieure par des ressorts en pincettes et à la partie supérieure par un ressort com- pensateur. Lorsque la lame est attirée, on peut la ra- mener à sa place première en allongeant le ressort compensateur. L’allongement est proportionnel au carré de la différence de potentiel. On peut déterminer facilement cet allongement par le déplacement sur une graduation d'un index maintenant le ressort. Pour pou- voir ramener la plaque supérieure à la même distance, on a recours à un phénomène optique. On prend une surface sphérique pour lame supérieure et on fait tom- ber un rayon lumineux normalement. On obtient alors des anneaux analogues aux anneaux de Newton. On à ainsi par projection un point de repère bien déterminé. Ce dispositif est certainement intéressant; mais l’appa- reil ne permet de mesurer que le dixième de volt. ? L'Horse-Power représente 1,012 cheval-vapeur, S 5. — Hygiène publique Letraitementdes ordures dans les grandes villes. — Au moment où fonctionne en Amérique un excellent procédé de transformation des gadoues, il semble intéressant de résumer les avantages et les in- convénients des méthodes actuellement appliquées dans les grandes villes pour se débarrasser de ces nuisances. A Paris, le cube de gadoues enlevées est d'environ un million de mètres cubes; la grande teneur en azote, acide phosphorique et potasse fait rechercher ces matières comme engrais. La fumure obtenue par épan- dage direct, à la dose de cent mètres cubes par hec- tare-an, est très puissante, mais aussi très coûteuse (3 à 600 francs) ; la moitié des ordures parisiennes est uti- lisée dans le département de la Seine; le reste, expédié plus loin, est également employé par l’agriculture. Le principal reproche fait à l’épandage direct est, outre le prix de 2 francs par tonne payé à la ville, de ne pas détruire les germes et de propager peut-être des maladies; aussi plusieurs hygiénistes proposent-ils purement et simplement l'incinération. Les Anglais ont, en partie, adopté les fours à inci- nérer, mais seulement sur une faible échelle; dans beaucoup d'usines, les fours se sont montrés très défec- tueux : ils ont brûlé incomplètement les gadoues en répandant une odeur infecte, et le prix de revient de l'opération s’est maintenu très élevé. A Philadelphie, la moitié des résidus de la ville est détruite dans des foyers à récupérateurs alimentés au gaz d'eau. Par le feu, les germes sont infailliblement détruits, mais l'opération est financièrement onéreuse : sans compter les frais de transport des ordures et la décharge des scories, on évalue à 1 france et jusqu'à 1 fr. 50 par tonne le coût de l'incinération; de plus, la perte de l'azote, représentant environ les deux tiers de la valeur de l’ordure verte, font abandonner ce procédé barbare. Dans cette même ville de Philadelphie un autre pro- cédé est en usage : c'est le procédé Arnold, satisfaisant hygiénistes et agronomes, très applicable en raison de la faible dépense qu'il exige. Les gadoues sontstérilisées par l’action de la vapeur d'eau à 4 atmosphères; les substances se transforment en une pulpe qui, égoultée, forme, après dessiccation, un excellent engrais conte- nant tout l'azote et tous les principes fertilisants de la gadoue brute. Cet engrais, de conservation indéfinie, est d’un écoulement facile. L'eau d'égouttage entraine les graisses en émulsion. D’après le rapport de M. Li- vache, ingénieur civil des Mines, 100 parties d'ordures tout-venant donnent environ : 2,5 de graisse vendue sans purification 0 fr. 30 le kilogramme, et 15 parties d'engrais valant de 40 à 60 francs la tonne. Il nous reste à mentionner un excellent moyen appli- cable à la destruction des débris animaux, déchets de boucheries, abats, etc., préconisé par M. Aimé Girard. L'acide sulfurique à 60° est un bon dissolvant des tissus : avec 320 kilos d'acide recouvrant 204 kilos de viande de mouton, la solution fut complète en moins de #8 heures. Les graisses, fondues par la chaleur des réactions, viennent surnager; le sirop noir obtenu est employé à la préparation des superphosphates. L'opération écarte toute épidémie, les spores mêmes du charbon ne résistent pas au traitement. En résumé, la fumure directe est dangereuse {el ne détruit pas les microorganismes de la putréfaction, agents de diverses épidémies; l’incinération est barbare et coûteuse; seules, les méthodes de transformation chimique, satisfont tous les desiderata. : Marcel Molinié. $ 6. — Géographie et Colonisation Les voyages d’étude de la «Revue » : Voyage en Egypte. — En tète de sa dernière chronique, la Revue à indiqué dans quel esprit à la fois scientifique et pratique elle avait décidé d'entreprendre toute une série de voyages d'étude, sous le patronage d'un Comité CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 4417 dont elle est heureuse et fière d'avoir obtenu le con- cours. Sans pouvoir préciser encore les détails d'itinéraire et d'organisation, la Revue croit devoir annoncer qu’elle met dès à présent à l'étude, pour être prochainement soumis au Comité, un projet de voyage en Egypte, qui devrait se placer à la fin des vacances universilaires de cette année, c'est-à-dire au mois d'octobre. Les récentes complications de la question d'Orient n'ayant heureusement pas agité cette terre classique, il nous paraît à propos de commencer par elle la série de nos voyages. De bonne heure parvenue à une civili- sation manifestée par un grand développement des arts el des sciences, l'Egypte a été, à l'égard de plusieurs peuples de l'Antiquité, la nation initiatrice; pour n’en point citer d'autres exemples, parmi les bijoux trouvés à Mycènes et à Argos, il en est qui prouvent clairement que son goût n’a pas été sans influence sur les origines mèmes de l'art grec. C'est à ce titre d'initiatrice qu'il convient de la visiter la première. D’autres souvenirs nous y atlirent. Lors de son expé- dition en Egypte, Bonaparte n'avait pas seulement voulu occuper militairement un point stratégique dont il avait deviné toute l'importance future; il avait le pro- jet d'y importer notre culture, nos procédés scienti- liques, d'y réveiller le commerce et l'industrie. C’est pour cela qu'il avait créé cet Institut du Caire, qui, au cours de sa brève existence, fit preuve d’une si féconde activité. Sous sa direction furent fabriqués de l'acier, des armes, de la poudre, des draps, des machines hy- drauliques, des instruments de Mathématique el d'Optique. « Plusieurs fois obligés de substituer des armes aux instruments géométriques el, en quelque sorte, de disputer et de conquérir le terrain que l’on avait à mesurer », ses ingénieurs et ses astronomes dressèrent une carte de l'Egypte en 50 feuilles. Dès ce moment, l'idée ancienne de faire communiquer la Médi- terranée avec la mer Rouge fut reprise, avec une pré- vision {rès nette de la révolution commerciale qu'a, en effet, entraînée l'ouverture du canal de Suez. Au retour en France, un monument magnifique fut dressé, composé de toutes les monographies savantes rédigées par les membres de cet Institut et par leurs collaborateurs : Jomard, Costaz, les colonels Coutelle et Jacotin, le général Andréossy, Monge, l’astronome Nouet, le baron Larrey, le musicien Villoteau, les na- turalistes Geoffroy Saint-Hilaire, J.-C. Savigny, Victor Audouin, toute une pléiade d'ingénieurs, Lancret, les deux Le Père, du Bois Aymé, P.-S. Girard, Chabrol, Jol- lois, de Rozière, P.-D. Martin, l'architecte Norry, les pharmaciens en chef Boudet et Rouyer, d'autres encore qu'il serait trop long d'énumérer. Dans la préface de ce grand ouvrage, on à pris soin d'indiquer sur quels sujets les auteurs de ces mémoires ont fait porter leurs recherches : « 4° Sur les institutions, les mœurs, la littérature, les sciences, les arts, le système des mesures et l'industrie des anciens Egyptiens; « 2° Sur la géographie ancienne et moderne, l'his- toire de l’Egypte, le gouvernement actuel de ce pays, la réligion, les mœurs, les usages publics ou particu- liers, l’état des arts, de la littérature et des sciences, l'agriculture, l'industrie, les revenus publics, la navi- gation et le commerce ; « 3° Sur la nature et l’état physique du sol, de l'air et des eaux, sur la zoologie, la botanique, la minéra- logie et la géologie de l'Egypte. » C'est ce programme d'éludes que nous voudrions faire nôtre pour ce voyage d'Egypte, non pas en le conservant dans toute sou ampleur et dans son infini détail, —il serait vain d'y prétendre, ne disposant que d'un temps fort court; mais, ce que désire la Revue, c'est que, par quelques conférences, par quelques explica- lions données sur les lieux mêmes, les questions les plus importantes de ce programme soient (raitées devant les touristes; ce qu'elle voudrait aussi, ce serait susciter par son initiative quelques travaux qui seraient comme un complément moderne à l'œuvre de l’ancien Institut du Caire el qui, présentés à ses lecteurs, for- meraient un ensemble d'études scientifiques sur des sujets de tout ordre relatifs à l'Egypte, ensemble analo- gue à la série de monographies qu'elle a déjà publiée au sujet du Congo francais, de Madagascar et de la Tunisie, La Thessalie. — La malencontreuse guerre gréco- turque et les négociations qui la terminent, ont dé- tourné Pattention du publie des difficultés dernières soulevées par la question d'Orient en Arménie et en Crète, pour l'amener sur la Thessalie. Les Turcs vain- queurs ont d'abord réclamé le champ de bataille dont ils élaient maitres, et que les puissances leur avaient enlevé au Congrès de Berlin (1878-1881) pour le don- ner aux Grecs; au moins comptent-ils sur une rectifi- cation de frontière au sud de la Macédoine. Or, l'impor- tance économique et militaire de la Thessalie est capitale pour la Grèce : malgré les torts des Hellènes, le concert européen, non seulement se déjugerait, mais mettrait en jeu la prospérité et la sécurité de leur pays, en tolérant que la Porte s’installât à nouveau dans la plaine du Pénée ou prit définitivement les routes qui y mènent du nord. (Voy. fig. 4, p. 448.) Au point de vue physique et ethnographique, la Thessalie est une province grecque. Sauf par le climat, elle ressemble bien plutôt à l'Hellade qu'à la Macé- doine : c’est le plus septentrional de ces bassins à demi fermés qui, au nord des collines de l’Attique, séparent les hautes chaînes du Pinde de la mer Egée ; c'est une Béotie en grand. D'autre part, les Grecs de l'Antiquité avaient toujours considéré la plaine que barrent au nord l’Olympe et les monts Khassia comme ne faisant pas partie des pays barbares. Et de nos jours, malgré les invasions du Moyen-Age, qui y ont amené Goths, Huns, Bulgares et Slaves, aujourd'hui éliminés ou fondus avec les autres habitants, malgré une forte immigration de Turcs, d'Albanais musulmans et de Valaques (Roumanie), l'élément hellène et orthodoxe y domine de beaucoup. Les musulmans n'y sont que 10 °/, de la population totale. Tures et Albanais ayant violemment réprimé l’insur- rection des Thessaliotes lors de la guerre d'indépen- dance, le traité d'Andrinople (1829) donna pour limite nord à la Grèce la ligne de l'Othrys, laissant la Thessa- lie au Sultan. Plus tard, les communautés orthodoxes de la région, appuyées, sinon par la Russie, au moins par l'Angleterre, qui venait de faire donner les iles Ionienues à la Grèce (1862), demandèrent la réunion à ce royaume ; et, quand éclata la guerre russo-turque, en 1877, une armée hellène ne fut retenue sur la fron- tière de l’Othrys que par l'intervention de la France et de l'Angleterre, créancières des Grecs. Le Congrès de Berlin (1878) ne voulut pas satisfaire toutes les exi- gences de la Grèce, qui réclamait, outre la Thessalie, l'Epire, où les Hellènes sont la minorité ; mais les puis- sances furent d'accord pour porter les bornes du royaume jusqu'à la rivière Arta, aux monts Zygos, Kas- sia et Olympe, en laissant aux Tures la haute vallée du Xerias, qui conduit dans celle du Pénée. La Porte ayant consenti en 1881, l’«hellénisation » du nouveau terri- toire fut menée avec assez de vigueur. On le divisa en trois nûmes : Arta, Haute-Thessalie (Trikkala) et Bas Thessalie (Larissa); un archevèque fut établi à Laris des Grecs immigrèrent pour remplacer ceux des Tures qui partaient, on restaura quelques forts, on hâta les chemins de fer, on essaya la colonisation. C'est que la Thessalie, avec ses 12.410 kilomètres car- rés et ses 315.000 habitants, est une contrée économi- quement nécessaire à la Grèce, parce qu'elle en diffère de sol et de climat. Les montagnes du pourtour sont des chaînes de calcaire couvertes de forêts, ou des pla- teaux ventueux avec de maigres pâturages, qu'utilisent les bêtes des Albanais et Valaques, encore à demi nomades. Mais la plaine intérieure semble plus favo- risée que le reste de la Grèce. Avec ses hivers longs el froide, ses étés chauds et secs, elle fait songer à la Hon- 418 grie ; et, de fait, la steppe s’y est installée comme sur la Theiss. Ce fut dans l'Antiquité un pays renommé de chevaux; la décomposition des herbes y a produit le même humus noir qu'au sud de la Russie. Le Pénée et ses affluents, qui débordent chaque année à la fonte des neiges, y couvrent leurs rives de limon, ou ali- mentent de fiévreux marécages. Prairies, marais et cultures se partagent ainsi le sol, et leur étendue res- pective varie selon les époques. En ce siècle, un impru- dent déboisement des versants a diminué la régularité des crues ; le système des latifonds à grands pâturages a été établi par les propriétaires tures, auxquels les Grecs ont succédé en partie depuis 1881; enfin il y 4 N \ L-Leucade {\ II Pays TILOTLÉATLELLT Frontiere de 1829732. Jrontere actuelle . ..... CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE déjà se développait Volo, dont la population était mon- tée depuis 1881 de 4.000 à 13.000 âmes, et qui a fait en 1892 un commerce de plus de 20 millions de francs. La Grèce, montueuse et dénudée, avait retrouvé l’équiva- lent de ses antiques colonies de la mer Noire. Mais les ravages de la guerre se réparent; ceux qui viennent d'être exercés en Thessalie compromet- tent moins la prospérité de la Grèce, que ne sont dan- gereuses pour sa sécurité les revendications des Turcs. La Thessalie est un camp retranché qui couvre le che- min d'Athènes, et les récentes hostilités ont montré qu'un ennemi supérieur en nombre, quien tient une partie ou seulement les portes, est près de l'avoir tout, = (Cernir de fér:. Defile } Pro nte: E .Michiels Fig. 1. — Carte des frontières de la Grèce et de l'Empire Otloman. avait, avant la guerre, défaut de bras, parce que les | chacun fit-il son devoir. Le golfe de Volo étant barré paysans Ottomans qui ont émigré n'ont pas été rempla- cés tous par des Hellènes, d’ailleurs moins rompus à l'agriculture. La steppe et le marais l'emportent donc, la campagne est pauvre, la densité faible (25 habitants au kilomètre carré), leschampslocalisésautour de pelites villes, sales, et ne présentant même plus l'animation du temps des bazars musulmans : avant la guerre, Trikkala avait 10.000 habitants, Larissa, 13.000, et les Juifs y faisaient tout le commerce, Mais la situation eût pu changer si l'agression des Grecs en Macédoine n'était pas venue compromettre l'œuvre de colonisation com- mencée. L'Ossa et le Pélion produisent des olives, des figues et des raisins comme l'Hellade; et surtout la Thessalie pouvait fournir de plus en plus des denrées rares chez les Grecs, du froment, du maïs, du tabac, du coton et même du riz, des moutons et des buffles : par l'étroit canal de Trikéri, la passe de Zygos sans route et souvent obstruée des neiges, on n'entre en Thessalie que par les chemins du Xerias, et l’on n’en sort que par la passe de Pharka, où l'on cons- truisait une voie ferrée: Tournavos enlevée, il n'y à plus de vraie résistance possible qu'à Domokos, dont les fortifications sont antiques, et, Domokos pris, l'envahisseur se trouve sur le Sperchios, d’où les deux routes de Béotie et des Thermopyles mènent à Athènes. Toute rectification de frontière au profit des Turcs semble done devoir les rendre maîtres virtuellement de la Thessalie. 11 faut convenir qu'après leur victoire et les concessions qu'on leur à imposées au sujet de la Crète, la situation est embarrassante. J. Machat, Agrégé d'Histoire et de (iéographie. AIMÉ WITZ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES MOTEURS A GAZ ET À PÉTROLE 149 L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS DE L’INDUSTRIE DES MOTEURS A GAZ ET A PÉTROLE EN FRANCE I. — L'INVENTION DU MOTEUR A GAZ. Le moteur à gaz est d'invention française; pour le démontrer, il nous paraît superflu de remonter à l'abbé Hautefeuille et aux temps où l’on ne fabri- quait point encore de gaz; nous rappellerons de préférence que Lebon, aussitôt après avoir trouvé le procédé permettant d'extraire de la houille un gaz éclairant et combustible, indiqua nettement le moyen d'utiliser l'énergie de ce gaz. Son brevet, du 24 septembre 1799, mentionnail déjà la compres- sion préalable, qu’on attribue faussement à William Barnett. Soixante ans plus tard, un autre Français, Lenoir, établissait la première machine capable d’une marche pratique. Ce sont là les véritables créateurs de cette brillante industrie des moteurs à gaz, devenue si importante aujourd'hui. On a voulu joindre à ces noms celui de Beau de Rochas, dont les idées fécondes et neuves auraient hâté certainement l’évolution du moteur à gaz, si le penseur profond et original avait été doublé d'un mécanicien aussi habile. Mais ces qualités ne marchent pas toujours de pair; d’ailleurs, la mise en œuvre et l'exploitation des découvertes ne semblent pas données au génie français, qui est caractérisé par plus d'invention que de savoir-faire, et par une initiative plus intellectuelle que com- merciale, ainsi que l'histoire de Denis Papin et du marquis de Jouffroy en offre deux célèbres exemples. Aussi n'est-ce ni Lebon, ni Lenoir, ni Beau de Rochas qui devinrent le Watt du moteur à gaz; la fortune et le succès de Watt et de Fulton échurent à Nicolas-Auguste Otto et à son collaborateur et associé Eugène Langen, qui établirent d'abord un moteur atmosphérique fort intéressant, mais atro- cement bruyant, puis un moteur à quatre temps, qui à marqué un progrès énorme en 1876, et qui constitue encore le type le plus parfait et le plus économique du genre, le seul que l’on construise aujourd’hui, sous les formes les plus variées et les noms les plus divers. De 1876 à 1881, époque de la mort d'Otto, les ateliers de Deutz, près de Co- logne, fournirent 5.425 moteurs, représentant un total de 16.189 chevaux; à ce jour, il en a été vendu plus de 50.000 (développant au moins 350.000 chevaux) par la maison de construction rhénane et ses nombreux concessionnaires à l'étranger, parmi lesquels nous citerons : la Com- pagnie française des moteurs à gaz; MM. Crossley frères, de Manchester; Fétu, de Liège, Schleicher- Schumm, de Philadelphie, etc. Cinquante-deux brevets d’addition et de perfectionnement ont été pris depuis 1876 et plus de cent récompenses d’expo- sitions et de concours sont venues consacrer le succès de cette remarquable machine et glorifier le nom de l’heureux ingénieur allemand, que l’Uni- versité de Wurzhourg à honoré d’un diplôme de docteur, et qui est devenu ainsi pour la postérité le D' Otto. Son mérite n’est pas d’avoir inventé le cycle à quatre Lemps, qui parait bien appartenir à Beau de Rochas, mais d'en avoir reconnu les avantages et d’avoir trouvé le moyen de l’appli- quer, ce que de Rochas n'avait point su faire. IL. — ORGANISATION DE L'INDUSTRIE DES MOTEURS A GAZ EN GRANDE-BRETAGNE ET EN ALLEMAGNE. Les ateliers de Deutz, où ce sont développés les moteurs Otto, sont très considérables, mais leur importance est dépassée par l'usine des frères Crossley, les plus connus parmi les conces- sionnaires d'Otto, Ces immenses ateliers, silués à Openshaw, près de Manchester, couvrent près de 4 hectares et ont une population de mille ouvriers et employés; il existe, de plus, douze maisons de réparations, réparties dans les plus grandes villes des Iles Britanniques. La maison Crossley a vendu à elle seule 28.000 moteurs, pouvant développer 185.000 chevaux; sa production annuelle est main- tenant de plus de 3.000 moteurs, qui sont exportés dans tous les pays du monde. MM. J. et O.-G. Pierson, agents de la maison en France, en placent un grand nombre dans notre pays; malgré les droits d’entrée dont ces machines sont grevées, leurs prix sont souvent inférieurs à ceux de la construction francaise, à laquelle elles font une redoutable concurrence. La puissante maison Tangye, de Birmingham, marche depuis quelque temps sur les brisées de MM. Crossley et elle a placé de beaux moteurs dans le Nord, à des prix qui témoignent du désir de se créer une clientèle française. Signalons enfin, parmi les constructeurs anglais qui importent des moteurs dans notre pays: MM. Andrew, de Stockport; Fielding et Platt, de Gloucester; Peter Burt (Acmé), de Glasgow; | Taylor (Midland), de Nottingham, etc., mais le 450 AIMÉ WITZ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES MOTEURS A GAZ ET A PÉTROLE chiffre d’affaires de ces dernières maisons est assez restreint en France et nous ne les cilons que pour marquer notre intention d'être complet. L'importation allemande, belge et suisse est, pour ainsi dire, nulle. La France, il faut le déclarer bien haut, pourrait se suffire à elle-même et elle se passerait sans peine du concours de l'étranger. Nous ne faisons assurément pas moins bien que les autres, nous le prouverons plus loin: si nos constructeurs récla- ment de la protection, c'est parce qu'ils font géné- ralement plus cher. Cela tient à des causes mul- tiples et surtout à ce que nos ateliers de construction ne sont ni assez importants, ni assez spécialisés : le moteur à gaz doit se construire comme les ma- chines à coudre et les vélocipèdes, par séries, de manière à réduire au minimum tous les frais de production. Cest la règle du travail dans ces grands établissements étrangers, qui livrent jus- qu'à soixante machines par semaine; or, cette orga- nisation du travail est la première condition d'abaissement des prix de revient. La spécialisation des ingénieurs, du personnel, des machines-outils est un autre élément, non moins important, qui nous manque généralement aussi en France, alors que cela existe ailleurs. La maison Crossley, qu'on ne se lasse pas de citer, n’a d'autre objectif que la construction, l'étude, le perfectionnement et la vente des moteurs ; à des collaborateurs éprouvés par trente ans de pratique du moteur, elle a adjoint plus récemment M. Atkinson, dont la com- pétence n’a pas à être signalée; elle s’est outillée d'une facon admirable; elle a la propriété de plus de cent brevets, dont quelques-uns sont excellents, relatifs à l'allumage, à la mise en marche, à la ré- gulation, au balayage des produits, notamment par le principe du scavenging, préconisé par M. Atkinson; tout est centralisé à Openshaw ; au lieu de concéder à l'étranger des licences de construc- tion, elle préfère y vendre ses moteurs, établis par elle dans les meilleures conditions de vente. Une réclame fructueuse a conduit à ce résultat, c'est que dans les principales villes d'Angleterre, il y a un moteur Crossley par 600, au plus par 4.500 ha- bitants. Chez nous, en France, les moteurs à gaz de toute marque sont loin d’être aussi répandus et, dans cette ville de Lille, de plus de 200.000 habi- tants, si ouverte à tout perfectionnement indus- triel, ils’en faut de beaucoup qu'il y ait 300 moteurs. À Paris, sur 270 millions de mètres cubes de gaz vendus par la Compagnie parisienne, il n'y en a que 6 qui aillent aux moteurs à gaz. Il en faut rechercher la cause dans le prix élevé des moteurs et dans celui du gaz: de plus, les constructeurs, au lieu de se syndiquer moralement, se font une guerre acharnée et maladroite. Chacun d'eux revendique pour son moteur, el pour lui seul, toutes les perfeclions; tout insuccès des collègues (je me garde bien de dire confrères, de crainte de faire penser aux frères ennemis) est proclamé urbi et orbi, à son de trompe, au grand détriment de la corporation. À quoi sert-il, dès lors, d'appeler les moteurs des noms suggestifs d’ «incomparable » ou de «merveilleux », et de leur appliquer tousles com- paratifs et tous les superlatifs de notre langue? Il serait peut-être spirituel, mais je croirais injuste, de dire que chez nous l'industrie des moteurs à gaz est encore dans l'enfance : constatons seulement que ses procédés sont lout au moins puérils. Elle devrait pourtant être florissante, cette belle industrie, née sur notre sol, et développée par le concours d'ingénieurs instruits non moins que laborieux et de constructeurs habiles et conscien- cieux. L'historique que je vais tracer des péripéties qu'elle a traversées, confirmera le lecteur dans cette opinion, énoncée sans chauvinisme d'aucune sorte !. III. — EVOLUTION DE L'INDUSTRIE DES MOTEURS A GAZ EN FRANCE. Le moteur Lenoir, breveté le 24 janvier 1860, fut construit d’abord par la maison Marinoni, puis, à partir de 1865, par la Compagnie Parisienne; dès 1864, il existait déjà à Paris 127 moteurs Lenoir, d'une puissance de 4 chevaux à un demi-cheval, dépensant moyennement 2.000 à 3.000 litres de gaz par cheval et par heure. Le moteur Hugon, avec allumage par brûleur et injection d’eau pul- vérisée dans le cylindre, vint abaisser la consom- mation du gaz et surtout la dépense d'huile dont se plaignaient amèrement les clients de Lenoir; malgré cela, il ne se vendit que quelques centaines de machines Lenoir ou Hugon, de 6 chevaux au plus. Le moteur atmosphérique Langen et Otto fit son apparition à l'Exposition de Paris de 1867, et Tresca reconnut que, même pour une puissance d'un demi-cheval, la consommation de gaz ne dé- passait pas 1.365 litres par cheval-heure, allumage compris; on réussit encore à abaisser cette con- sommation à 800 litres dans des moteurs plus puissants, el ce beau résultat réconcilia la petite industrie avec le moteur à gaz. Mais il fallait être sourd pour s'habituer au ferraillement et aux chocs de ce pilon d'un nouveau genre ; de Bischopp sacrifia habilement une partie des avantages du moteur Langen et Otto, et il réussit, en 1872, à constituer une petite machine verticale, extrème- ment simple, d'une conduite facile, fort silen- 1 Les preuves justificatives de ce travail sont tirées, pour la plus grande partie, de mon Trailé des Moteurs à gaz et à pétrole, qu'on me dispensera de citer. AIMÉ WITZ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES MOTEURS A GAZ ET À PÉTROLE cieuse, à consommation assez réduite, dont il fut construit un grand nombre par MM. Mignon et Rouart, de Paris. On cite de ces machines qui-ont marché deux et mème trois mois de suite sans qu'on eût d’autres soins à leur donner que de garnir leurs graisseurs d'huile : voilà bien le mo- teur qu'il fallait pour la petite industrie. M. Ravel, qui est un des promoteurs les plus convaineus et les plus actifs du moteur à gaz, pré- senta sa première invention à l'Exposition de 1878, et elle y fut remarquée, même à côté du moteur Otto, qui attirait alors tous les regards. Malheu- reusement, l'idée valait mieux que le constructeur, et cette machine oscillante n'eut qu'un succès d'estime. Nous croyons que M. Ravel se découragea trop vite, car son moteur était remarquable par l'économie réalisée dans la consommation du gaz. Mais on élait alors tout à Otto et à son cycle à quatre temps. Toutefois, il restait bien des objec- tions contre ces machines dans lesquelles un seul coup est impulsif sur les quatre coups dont se compose son cycle, et l’on était fortement tenté d'arguer contre elles de l'irrégularité qui devait caractériser la vitesse de ces machines, M. Dugald Clerk imagina, en 1879, une marche à deux temps, dans laquelle la compression préalable devait se faire dans un cylindre distinct, ce qui permettait d'obtenir une impulsion motrice par tour: Kærting- Lieckfeld, Wittig et Hees, Andrew, Benz, Ravel et d’autres encore firent preuve d'une grande ingé- niosité dans ces recherches, et ils obtinrent de beaux résultats; mais la consommation des mo- teurs à deux temps resta toujours supérieure à celle des moteurs Otto. On acquit bientôt la conviction qu'il fallait néces- sairement que le cyele se développât en entier dans un seul cylindre compresseur et moteur. Or, Otto revendiquait le privilège de ce système. C’est alors qu'on découvrit le fameux brevet de Beau de Ro- chas, pris en 1862, abandonné dès sa seconde an- nuité, ne figurant pas dans les collections officielles, oublié de tous, et peut-être même de l'auteur : on en fit un argument d'attaque contre Otto, et les tribunaux furent appelés à trancher la question. Ce n’est pas chose aisée pour des juges, quelque intelli- gents qu'ils soient, de se faire une conviclion en une matière aussi délicate et d'ordre absolument scientifique et industriel : aussi les solutions adop- tées à Londres et à Leipzig ne furent-elles pas les mêmes que celles auxquelles on s'arrêta à Munich et à Paris. En France, les hostilités furent ouvertes par Le- noir, le célèbre inventeur du moteur de 1860 : il débuta en faisant breveter, en 1881, l'addition au cylindre des moteurs à compression d'un réchauf- 451 en 1883, il transporta ce réchauffeur dans le pro- longement du cylindre, avec lequel il fit corps; le tiroir fut aussi disposé sur le côté du cylindre sui- vant l'exemple donné, en 1881, par Crossley. Otto cria à la contrefaçon et Lenoir fut poursuivi dans la personne de ses constructeurs, MM. Mignon et Rouart,. Dans le courant de l’année 1884, MM. Ed. Dela- mare-Deboutteville et Malandin firent breveter un nouveau modèle de moteur, à quatre temps, carac- térisé par un allumage électrique à l’aide d’une élincelle continue, et par un tiroir extrêmement simple. Ce moteur, qui a fait brillamment son che- min sous le nom de Simplex, était construit par la maison Powell, de Rouen. Ce moteur fut aussi saisi par Otto, et une action fut engagée contre Mignon, Rouart et Powell. M: Pouillet plaida pour Otto, M° Huard pour Mi- gnon et Rouart et Powell; la 3° chambre du tribu- nal civil de la Seine, présidée par M. Gressier, donna tort à Otto. Le différend fut porté en appel devant la Cour de Paris, qui nomma experts MM. Mascart, membre de l'Institut, Banderali, ingénieur civil des Mines, et Violet, ingénieur civil : leur rapport fut déposé au greffe le 30 juin 1888, et le premier arrêt fut confirmé presque entièrement par juge- ment du 29 novembre 1888. Enfin, le 20 avril 1890 la Cour de cassation rejeta le pourvoi d'Otto : il ne lui resta plus qu'à maudire.ses juges, à payer les frais et des dommages-intérèts considérables fixés par état. Le eycele Otto, dénommé désormais le cycle Beau de Rochas, était dès lors à la disposition de tous : on ne se fil pas faute de l'appliquer et tous les moteurs, sauf un ou deux, dont nous parlerons, sont aujourd'hui à quatre temps. Ils ne diffèrent plus les uns des autres que par la forme et la dis- position de leurs organes de distribution, d’allu- mage,de régulation, de mise en route ; les soupapes et les tubes d'allumage lendent à prévaloir. [ls sont, pour la plupart, à grande vitesse et à forte com- pression, ce qui permet d'augmenter leur puis- sance et d'améliorer leur rendement, ainsi que l’auteur de ces lignes l’a préconisé dès l’année 1883, dans ses Études sur les moteurs à gaz tonnant. Par contre, leur consommation à puissance moyenne croit sensiblement; les difficultés de graissage et de refroidissement du cylindre s'exa- gèrent, l'usure est un peu plus rapide, et il faut des volants assez lourds pour effacer l'accélération due au coup dur de l'explosion d'un mélange for- tement comprimé. Les bons constructeurs sur- montent aisément ces difficultés, mais les qualités de la construction prennent une importance plus grande ; le type du moteur est de moins en moins feur remplaçant la chambre de compression; puis, | à considérer, alors que l'habileté, la valeur et 452 AIMÉ WITZ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES MOTEURS A GAZ ET A PÉTROLE l'honnêteté du mécanicien entrent de plus en plus en ligne de compte. Une concurrence acharnée a fait baisser les prix, qui restent néanmoins rému- nérateurs, surtout pour les grands producteurs, ainsi que nous l'avons fait ressortir ci-dessus. IV. PRINCIPAUX TYPES DE MOTEURS FRANÇAIS SUSCEPTIBLES DE GRANDE PUISSANCE. Nous allons passer rapidement en revue les principaux constructeurs francais, et caractériser aurait pu être ainsi considérablement augmentée. MM. Rouart se sont fait, par contre, une spécialité des moteurs à essence de pétrole, au progrès des- quels ils ont grandement contribué et dont ils ont su tirer un excellent parti pour les usages agri- coles et la propulsion des bateaux. Mais le déve- loppement des moteurs à pétrole lourd (ou pétrole lampant) semble devoir paralyser aujourd'hui l'essor de ce genre de machines, dont l'emploi pré- sentait bien des facilités, mais aussi quelques in- convénients connus de ceux qui s’en sont servis. Fig. 1. — Installation générale du moteur SrmpLex el de ses gazogènes el gazomèlres (aux moulins de M. Abel Leblanc, à Pantin). leur siluation actuelle, d'après les renseignements que nous avons pu nous procurer et que nous avons la permission de communiquer au publie. $ 1. — Nouveau moteur Lenoir. Le nouveau moteur Lenoir est construit par MM. Rouart frères et C*, successeurs de Mignon et Rouart, à Paris; la Compagnie Parisienne a un droit de construction et de vente pour les départe- ments de la Seine et de Seine-et-Oise: MM. De- neffe et C*, de Liège, sont concessionnaires de l'étranger. D'intéressants essais, effectués par M. Hirsch, en 1890, ont fait ressortir les excellentes qualités de cette machine, pour laquelle il a été fait néanmoins peu de réclame, et dont la vente $ 2, — Moteur Simplex. Le procès soutenu contre Otlo avait nui à l’ex- pansion du moteur Simplex, qui était déjà établi en 1884, et pour lequel nous relevions en 1885 une consommation remarquable de 562 litres par che- val-heure effectif, sur un moteur de 8 chevaux, alimenté de gaz à 5.400 calories. Parfaitement construite dans les ateliers Powell, de Rouen, cette machine a su faire brillamment son chemin, et, grâce à l'intelligente initiative de MM. Delamare- Deboutteville et Malandin, elle a réalisé d’inces- sants perfectionnements : l’'énumération détaillée de ces améliorations nous entrainerait trop loin, mais nous ne pouvons nous dispenser de signaler les faits les plus saillants de cette intéressante his- AIMÉ WITZ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES MOTEURS A GAZ ET A PÉTROLE 453 toire. Et d’abord, c'est M. Delamare-Deboutteville qui à introduit en France la marche au gaz pauvre, ainsi qu'en témoignent nos essais de 1885, faits à Rouen avec un gazogène Dowson; en 1887, un mo- teur et un gazogène fonctionnaient à l'Exposition du Havre; en 1888, les moulins Barataud, de Mar- seille, étaient actionnés par ce procédé et, à l'Expo- sition de 1889, un moteur de 100 chevaux marchait sous les yeux des visileurs accouplé à un gazogène Buire-Lencauchez. Mais voici un second point à noter: alors qu'à cetle même Exposition de 1889, les ingénieurs de lx maison Otto présentaient un moteur de 100 chevaux à quatre cylindres, le Simplex abordait cette puissance formidable dans l'espèce par un seul cylindre de 575 millimètres de diamètre et 0,95 de course. Ce n'était qu'un début: en 1893, M. Matter, successeur de M. Powell, éta- blissait un Simplex de 250 chevaux effectifs par un seul cylindre de 870 millimètres de diamètre. C'est le mammouth du genre : il est installé dans les moulins de M. Abel Leblanc, à Pantin, et il con- somme 468 grammes de charbon maigre d'Anzin par cheval-heure effectif. Malgré un accident, sur- venu à l'arbre de couche, de construction défec- tueuse, le propriétaire de ces beaux moulins donnait, en juillet 1896, une attestation de bonne marche, qui témoigne de Ja viabilité d’un moteur monocylindrique de 300 chevaux : c'est une étape nouvelle du moteur à gaz vers les grandes puis- sances. La figure 1 montre l'installation générale du moteur et de ses gazogènes et gazomètres; la figure 2 représente une vue d’arrière du moteur. Un nouveau type a été exposé à Rouen en 1896: il est caractérisé par un bâti Corliss à baïonnette et par un arbre à manivelle, identiques aux bâtis et aux arbres des machines à vapeur les plus mo- dernes ; on le voit sur la figure 3. La suppression de l'arbre à vilebrequin et cette création de puis- sants moteurs monocylindriques! constitue un sérieux progrès, dont nous sommes heureux de reporter l'honneur sur des ingénieurs et des cons- tructeurs français ?. 4 M. Meyer, prival-docent à l'Ecole supérieure (Technische Hochschule) de Hanovre, vient de publier un fort beau tra- vail d'analyse sur un moteur à deux cylindres opposés, livré par les ateliers de Deutz au service des eaux de Bâle: ce moteur développe 200 chevaux indiqués. L'auteur de cette étude paraissait d'abord peu favorable à l'établissement de puissants moteurs et la première partie de l'article reflète cet état d'esprit; mais on peut croire qu'il a été converti par les résultats observés par lui. En effet, la consomma- tion du coke, dont on alimentait le gazogène, a été de 861 grammes par cheval-heure effectif, et M. Meyer constate qu'une bonne machine à vapeur jumelle, installée dans la mème usine, consommait un tiers de combustible en plus. Nos essais de 1890 sur le moteur Simplex de l'Exposition de Paris, avaient donné un résultat non moins remarquable. 2 Nous avons applaudi à la distinction méritée qui vient d'être accordée à M, Delamare-Deboutteville, 45% Les ateliers Powell, qui construisent le Simplex, sont importants : ils couvrent 60 ares et occupent 200 ouvriers, sans compter ceux que la maison emploie au dehors. L'outillage est complet et com- porte des machines spéciales pour la fabrication des moteurs. La production a dépassé 1.800 che- vaux de puissance, en 1895, el nous relevons dans ce compte de fortes machines, qui élèvent beau- coup la moyenne par moteur. On nous à cité, parmi les installations faites depuis 1889, 12 unités supérieures à 100 chevaux et 24 supérieures à 40 chevaux. Pour que l'initiative féconde des in- AIMÉ WITZ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES MOTEURS À GAZ ET A PÉTROLE $ 3. — Moteurs Niel. M. Niel-est, lui aussi, un vétéran des moteurs à gaz, car son premier brevet date de 1882; c'était un moteur compound, dans lequel on se proposait de mieux utiliser la chaleur de l’échappement, à l’aide d’un réchauffeur : cette tentative de com- poundage n’a pas micux réussi à M. Niel qu'à ses concurrents. En 1888, on vit paraitre un moteur Niel à quatre temps, caractérisé par sa distribution, effectuée par un robinet tournant, et par l'emploi d'un ingénieux régulateur d'inertie à chocs : pour Fig. 3. — Moteur à gaz Delamarre-Deboutleville (Vue prise à l'Exposilion de Rouen en 1896). venteurs du Simplex portät ses fruits, il faudrait que la construction de ces gros moteurs fût faite par un établissement analogue à ceux de Deutz ou de Manchester, possédant, comme eux, de grands capitaux et un marché international assuré par de nombreux agents : si le Simplex était anglais ou allemand, on ne construirait pas 1.800 chevaux par an, mais on en ferait 10.000, et bien des gazo- gènes auraient déjà remplacé des chaudières à vapeur. Le moteur de MM. Delamare-Deboutteville et Malandin a obtenu en 1889, à Paris, une médaille d'or, qui était la plus haute récompense accordée aux moteurs à gaz, et, depuis lors, à diverses Expo- sitions, notamment à Chicago, en 1893, trois di- plômes d'honneur et un grand prix. allonger la détente sans diminuer la compression, l'inventeur supprimait l'admission aux deux tiers de la course, ce qui constituait une modification, marquée au coin des plus fécondes nouveautés. M. Niel oblint une médaille d'argent pour son mo- teur, et une Société fut constituée, en janvier 1891, au capital de 300.000 francs : ce capital, qui était trop faible, vient d'être porté à 700.000 francs, ce qui est encore trop peu; mais le talent et l’activité de l'ingénieur en chef de la Société, M. Wehrlin, la connaissance qu'il a du moteur à gaz el son habileté commerciale ont suppléé à l'insuffisance du capital. En 1894, la Compagnie des moteurs Niel a construit, dans ses ateliers d'Evreux et d'Ornans, et vendu 238 moteurs, d'une puissance totale de 1.533 chevaux; cette puissance a atteint AIMÉ WITZ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES MOTEURS À GAZ ET A PÉTROLE 455 1.674 chevaux en 1895, et elle a encore augmenté en 1896. On construit aujourd'hui 52 types diffé- rents de moteurs Niel, variant d'un demi-cheval à 80 chevaux, fonctionnant au gaz de ville, à l'air carburé, au gaz pauvre ou au pétrole. Ces moteurs sont utilisés par la petite industrie, par les impri- meries, les ateliers de construction en bois et métaux, les élévations d’eau et surtout les stations Pour propager le moteur à gaz dans la petite industrie, où il peut rendre tant de services, M. Webrlin a inauguré un système de ventes à tempérament qui permet aux entrepreneurs les moins riches de s'installer mécaniquement et de payer les frais de leur force motrice sur les écono- mies réalisées par la suppression du travail à la main, cette barbare application de l'homme à un Fig. 4. — Moteurs à gaz Niel avec accouplement direct des dynamos qu'ils commandent, à la Station centrale d'Electricité de Calais. centrales d'électricité. Nous mentionnerons spécia- ment les stations de Calais, Reims, Toulon, Nice, Lyon, Cognac, Royan, etc. La figure 4 montre l'ins- tallation de Calais, dans laquelle les dynamos sont directement accouplées aux moteurs par des em- brayages à brosse, qui donnent une régularité remarquable. Des moteurs Niel sont installés aussi à la station centrale de Valence, en Espagne, à l'Ecole des Arts et Métiers du Caire, à l'usine à gaz de Beyrouth, à la Faculté des Sciences de San- liago du Chili, etc., ce qui témoigne du bon renom de la Compagnie et de son succès à l'étranger. travail inintelligent qui devrait être réservé aux bêtes de trail et de somme. Le succès a répondu à cette louable initiative : plus de 180 moteurs Niel ont été installés à Paris et à Lyon pour des ouvriers en chambre dont aucun n'a laissé protester sa signature; On nous à dit que jamais le moindre retard ne s’est produit dans les paiements. La Compagnie des moteurs Niel a été la pre- mière à construire en France les moteurs à pétrole : elle a créé des types spéciaux fort recomman- dables, à disposition verticale ou horizontale, d'une 456 AIMÉ WITZ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES MOTEURS À GAZ ET À PÉTROLE puissance de 1 à 15 chevaux, dont la vente a été considérable, parce que M. Webrlin s’est ingénié à en multiplier les applications; signalons, en par- ticulier, les locomobiles pour l’agriculture et les irrigations, et une remarquable machine destinée à percer les trous des rails pour les éclissages de jonction; la Compagnie Thomson-Houston en à fait usage sur le tramway électrique de Pantin à la porte d'Allemagne, et elle a réalisé une sérieuse économie dans la pose de la voie. S 4. — Moteurs Charon. A côté du moteur Niel était apparu, dans la vaste halle des machines de 1889, un autre portant un nom inconnu, originaire d’une petite ville du Nord, que les géographies omettent sou- moteur Nous ne perdrons pas notre temps à énumérer et à compter les médailles et diplômes octroyés à la Compagnie Niel, auxquels s'est jointe heureusement une décoration qui avait été bien méritée. vent de signaler; nous voulons parler du moteur Charon (fig. 5), construit à Solre-le-Château, bre- veté en août 1888; à la veille de l'Exposition, le 13 avril 1889, j'avais été appelé à essayer une ma- chine à peine achevée, de 180 millimètres de dia- mètre et 360 millimètres de course, développant 4 chevaux à 166 Lours, et j'avais eu la stupéfaction de constater une température de 250° à l'échappe- ment et une consommation de 510 litres de gaz par cheval-heure effectif. Le gaz était riche, il est vrai, puisque je relevai un pouvoir de 5.980 calo- ries par mètre cube, mais le rendement du moteur n'en était pas moins remarquable. Il était dû à une compression et à une détente variable sous l'action du régulateur, avec remisage dans un long serpentin des gaz explosifs ayant échappé à la compression; le procédé constituait une nouveauté aussi bien que le résultat obtenu; malgré cela, le moteur Charon n'obtint qu'une médaille de bronze, ce qui n'était pas assez. Le jury avait été +. hist AIMÉ WITZ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES MOTEURS À GAZ ET À PÉTROLE 451 sans aucun doute mal impressionné par l'aspect extérieur de cette intéressante machine, qui était mal dessinée et médiocrement construite; aujour- d'hui le moteur Charon à des formes mieux étu- diées et plus séduisantes et des grands prix ont fait oublier le bronze de 1889. Il revendique pour lui les consommations les plus réduites, quand il travaille à pleine charge, et d’intéressants procès- verbaux d'essais justifient cette prétention. Ce moteur appartient à la Société nouvelle des Moteurs à gaz français, qui le construisait d'abord à Solre ; cet atelier ayant été supprimé, plusieurs constructeurs furent chargés d'exécuter les com- mandes (notamment la Société de Fives-Lille) par une sorte d’adjudication échuc, en ce moment, à MM. Maguin et C*, de Charmes, dans l'Aisne, qui sont outillés spécialement pour établir ce moteur dans les meilleures conditions. La vente en est faile par la Sociélé générale des Industries écono- miques, au capital de 1.500.000 francs, qui a entrepris de grandes installations d'éclairage élec- trique : citons, entre autres, les éclairages de la gare de Tergnier (120 chevaux), des Nouvelles Ga- leries de Bordeaux (116 chevaux), de l'hôtel du Palais à Biarritz (60 chevaux), de l'Ecole des Arts et Métiers de Chälons (45 chevaux), du théâtre des Folies-Marigny (158 chevaux) et de l'Imprimerie Nalionale de Paris (200 chevaux). Cette dernière installation mérite une mention toute particulière : elle comporte 2.300 lampes à incandescence de 16 bougies et 12 arcs de 10 ampères, alimentés par 4 moteurs de 50 chevaux, installés dans une cave voûtée de 7*,60 de large et 8,50 de long; notre figure 5 montre la disposition adoptée pour les moteurs et les dynamos. La réception de cet éclairage a été faite le 1” septembre 1896, par MM. Ribourt et Vigreux, ingénieurs de l'Impri- merie nationale, et la marche des six premiers mois à fait ressorlir une dépense de 950 litres par kilowalt enregistré aux compteurs, rendement des batteries d’accumulateurs y compris : c'est un fort beau résultat, Pour une dépense annuelle moyenne de 110.000 francs, l’'Imprimerie Nationale jouit de deux fois plus de lumière qu’elle n’en avait autre- fois à prix égal, en brûlant du gaz dans des becs plus ou moins économiques : j'avais déjà relevé cet avantage paradoxal de l'emploi des moteurs à gaz, dès l’année 1891, dans cette Revue même. L'emploi du bec Auer est venu évidemment modi- fier les chiffres sur lesquels portait la comparaison que j'avais établie alors, mais la lumière électrique produite par l'emploi des moteurs à gaz reste, néan- moins, une des meilleures solutions qu'on puisse 4 Du rendement photogénique des foyers, in Revue géné- rale des Sciences pures et appliquées, t. 1, p. 663. adopter en bien des cas. Le moteur Charon nous en donne une brillante démonstration. On nous dit que des expériences se poursuivent en ce moment en vue de l'application de ce moteur à la traction mécanique des tramways, à l'aide du gaz com- primé, par un système qui n'aurait rien de commun avec celui des tramways de Dessau, de Dresde, de Hanovre, de Blackpool, de Neuchâtel, etc.; nous faisons tous nos vœux pour le succès de cette entreprise, car sur ce point la construction fran- caise était restée en retard, ainsi que nous le dirons ci-après. V. — Types SPÉCIAUX DE MOTEURS FRANÇAIS DE PETITE ET DE MOYENNE PUISSANCE. En outre des moteurs francais dont il a été ques- lion ci-dessus, nous avons le devoir de signaler quelques types dont le mérite est indiscutable. M. Levasseur, d'Evreux, construit un moteur à tiroir circulaire qui fournit, paraît-il, de très bons résultats et se vend bien. M. Cadiot, de Paris, s’est fait une spécialité des petits moteurs à grande vi- tesse (Maurice, Marcel, etc.), destinés à actionner des dynamos. M. Crouan s’est donné pour but de réduire au minimum l'encombrement des moteurs et de les renfermer dans des caisses closes, per- mettant de les placer n'importe où, mème dans des locaux remplis de poussière. Citons encore pour mémoire le Gnôme, et les moteurs Bilbaut, Durand, Millot, Pellorce, Delahaye, elc., etc., à gaz, à essence ou à pétrole lourd. A Vierzon, il s'est formé deux importantes mai- sons de construction. MM. Merlin et C*, qui occupent 200 ouvriers, et dont les ateliers couvrent 12.000 mètres carrés, construisent surtout des moteurs à pétrole; leur machine, qui n'est pas sans analogies avec le moteur allemand Grob (brevet Capitaine), a remporté le premier prix au Concours de Meaux de 189%. Ils construisent des moteurs de un demi à 16 chevaux. MM. Brouhot et Cie ont aussi adjoint la construction des moteurs à gaz et à pétrole à celle des machines agricoles et autres, pour lesquelles ils ont acquis une juste renommée; leurs ateliers ont une surface de 15.000 mètres carrés et renferment 250 ouvriers; un outillage perfectionné est appliqué à la fabrica- tion des organes de moteurs. La puissance des moteurs Brouhot va d'un quart de cheval à 25 che- vaux; le chiffre des ventes annuelles dépasse un million de francs: il a été placé à ce jour plus de 4.500 moteurs représentant près de 20.000 che- Vaux. MM. Japy frères et Gi°, de Beaucourt (Haut-Rhin francais), ont créé un type de moteur à pétrole qui mérite le nom qui lui a été donné, « Le Succes »; 58 AIMÉ WITZ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES MOTEURS A GAZ ET A PÉTROLE il ne possède ni pompe à air, ni pompe à pétrole, ni carburateur, ni pulvérisateur, et le nombre de ses organes est réduit au minimum. Malgré cela, la consommation des plus petits modèles ne dépasse pas un demi-litre de pétrole par cheval-heure effectif. Un moteur Japy à deux pistons opposés dans le cylindre réalise un équilibrage parfait, qui permet de concevoir les plus grandes espérances pour son applicalion à la traclion des voitures, aux lieu et place du moteur Daimier, d'origine alle- mande. A Lille, un ingénieur distingué, M. Letombe, s'est donné pour lèche de réaliser une marche à double effet et à détente variable, et il y à réussi. La distribution est faite par un jeu de clapets mé- talliques, rappelant la distribution à deux tiroirs des machines à vapeur à détente Meyer. Cette ma- chine présente la curieuse particularité de s'arrêter toujours dans la position voulue pour démarrer ensuite en charge, sans qu'on ait à agir sur le volant. La régularité de marche est telle qu'à Croix, chez MM. Masurel et Caen, un moteur de 30 chevaux peut commander à la fois d'immenses tonneaux à rotation alternative et une dynamo, sans que l'éclairage cesse d’être parfaitement uni- forme. On nous a cité des rendements remarqua- bles. Ce moteur est établi par MM. Mollet-Fontaine et CG, qui ont formé le projet de développer sa construction et d'aborder les plus grandes puis- sances. À Lille encore, MM. Caloin et Marc ont entrepris l'exploitation des brevets Heynen, datés de 1895, et caractérisés par un système ingénieux de détente variable avec compression constante; la variabilité de la compression a, en effet, l'inconvénient de faire croître la consommation aux faibles charges et c’est une heureuse innovation de maintenir sa constance. Une cinquantaine de moteurs ont déjà été construits et on a relevé des consommations très réduites : les fortes compressions pratiquées exigent des dispositions particulières pour main- tenir la régularité cyclique nécessaire pour la com- mande des dynamos. VI. D'ALIMENTATION PRÉCÉDENTS. — SYSTÈMES DES MOTEURS L'alimentation aux gaz pauvres ne s’est peut-être pas répandue en France autant qu'on pouvait l’'es- pérer, il y a dix ans, sans doute à cause du prix relativement élevé des charbons maigres et des anthracites soigneusement criblés, dont l'emploi s'impose dans les gazogènes. Mais nous possédons d'excellents générateurs de gaz en France, et nous avons cessé à cet égard d’être tributaires de l'étran- ger. Citons en premier rang lez azogène Buire- Lencauchez, et celui de MM. Fichet et Heurtey. Le premier est caractérisé par une cuve cylindrique à grilles avec cendrier arrosé d’eau; l'injection d'air est effectuée par un ventilateur spécial. Nous avons dit précédemment, en parlant du moteur Simplex, quelles importantes applications ont été faites de ce remarquable gazogène. MM. Fichet et Heurtey, qui se sont fait depuis longtemps un nom dans ce genre de travaux, ont modifié et perfectionné le gazogène américain de Taylor, à grille tournante, et ils en ont fait d’heureuses adaptations aux moteurs à gaz, parmi lesquelles nous relevons celle de la minoterie du cap Janet et de la Compagnie des tramways de Lausanne. Au cap Janet, le gazogène alimenté de coke était adjoint à un moteur Niel de 20 chevaux, et il ne devait pas consommer plus de 850 grammes de coke à 12 °/, de cendres et #4 9}, d'humidité par cheval-heure effectif; or, d’un pro- cès-verbal dressé par M. Stapfer, ingénieur à Mar- seille, il appert que la consommation n'atteignit pas 775 grammes en combustible brut. Une invention pleine d'originalité est celle du moteur thermique de Gardie, qui recoit son gaz combustible d’un appareil soufflé à haute pression, sans interposition d'aucun scrubber, laveur ou gazo- mètre ; le moteur est à deux temps et du troisième genre, à combustion et compression, avec régéné- ration du calorique. La ville de Nantes, dans la- quelle ce moteur a été construit et longuement essayé, s'est vivement intéressée à cette machine, qui vient seulement d'entrer dans la pratique : une machine de 25 chevaux éclaire le château de M. Prot, à Charbonnières, près Orléans. Les frères Bénier avaient créé une machine à air chaud, à foyer intérieur, qui peut ètre comptée parmi les meilleures, attendu qu'un moteur de 20 chevaux ne consommait que 900 grammes de coke par cheval-heure effectif : mais les moteurs à gaz pauvre étaient venus supplanter ce genre de machines. MM. Bénier ont suivi le mouvement et ils ont imaginé un gazogène à aspiration, dans lequel un moteur à deux temps puise son gaz, au fur et à mesure de ses besoins, sans qu'il soil nécessaire de créer une réserve dans une cloche de gazomètre. Le problème était ardu, mais il a été brillamment résolu, ainsi que j'ai pu le constater en novembre 1894. Un moteur-gazogène Bénier de 15 chevaux con- somme 714 grammes d’anthracite à 8 °/, de cen- dres par cheval-heure effectif. Une cinquantaine d'installations ont été faites et nous indiquerons particulièrement celle des ateliers de Monchat, à Lyon, de la fabrique de pâtes alimentaires de Tou- louse, de M. Aubert, à Paris, de la Station centrale d'Amplepuis, du collège Slanislas, du séminaire d’Issy, etc., qui ont donné pleine satisfaction et AIMÉ WITZ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES MOTEURS A GAZ ET À PÉTROLE 159 ont témoigné d'une consommation très réduite. Des moteurs de 40 chevaux viennent d'être mis en service et nous serons bientôt à même de faire connaitre leur dépense, en marche industrielle; on étudie d’ailleurs aussi le moteur de 60 chevaux. La Société des Moteurs-gazogènes Bénier est au capital de 1.250.000 francs; elle a pour construc- teurs la Société Lyonnaise de construction de l'avenue de Suffren, à Paris, et M. Fournier, de Lyon. — CONSTRUCTION, EN FRANCE, DE MOTEURS ÉTRANGERS. VIT. Notre énumération de constructeurs français n’est sans doute pas complète, car un grand nombre de petits mécaniciens sont entrés dans cette voie, pourtant bien ingrate; mais nous croyons avoir mentionné la plupart d’entre eux; il convient tou- tefois d’adjoindre à cette liste quelques cons- tructeurs français de moteurs étrangers, tels que MM. Boulet et Cie pour le moteur Kærting, la Com- pagnie des Moteurs Universels pour le moteur Grob, à pétrole, M. Roger pour le moteur Benz, et, en tout premier rang, la Compagnie Française des moteurs à gaz, concessionnaire des brevets Otto. Cette Compagnie avait été constiluée, en 1878, au capital de deux millions, pour exploiter en France ces importants brevets : les machines étaient construites par la Société des constructions spéciales dans ses ateliers de la rue Lecourbe, à Paris. Ces deux Compagnies ont fusionné en 1890 et elles se sont organisées de manière à pouvoir aborder la construction des plus puissants moteurs et de livrer en moyenne une machine par jour; le capital social a été porté, en conséquence, à 3.250.000 francs. Abandonnant d'anciens préjugés, les ingénieurs de la Société nouvelle ont enfin pris le parti de faire les fortes compressions préalables, qui permettent le mieux de réduire la consom- mation et ne sont pas incompatibles avec une bonne marche et avec la stabilité des organes, quand leur construction recoit les soins voulus, et ils ont été amenés ainsi à substituer une soupape au tiroir classique d'Otto ; l’arbre de distribution porte donc trois cames, commandant les soupapes d'admission, de mélange et d'échappement; l'allu- mage est effectué par un tube de porcelaine, qui est remplacé par une petite maquéto lorsqu'on se sert des gaz pauvres. Dans les machines destinées à actionner des dynamos d'éclairage, la came ordi- naire est transformée de manière à supprimer les passages à vide et à obliger le moteur à prendre du gaz tous les quatre coups. Tout cela est rationnel, logique et bien compris; la plupart des construc- teurs sont d'ailleurs entrés dans cette voie depuis plusieurs années déjà et ils s’en sont bien trouvés; si les propriétaires des licences Otto s'étaient déci- dés plus tôt à entrer dans le mouvement, alors qu'on le leur conseillait, il eût été difficile à tout autre de se créer une clientèle. Un dernier type de moteur a été créé et appli- qué aux puissances de 20 chevaux et plus, pour lesquels on garantit une consommation de 500 litres par cheval-heure effectif : nous n'avons pas eu l’oc- casion de contrôler cette garantie, mais l’ancienne répulation des ateliers de la rue Lecourbe nous autorise à ajouter foi à cette affirmalion. VIII. — NOUVEAUX MODES D'UTILISATION DES MOTEURS A GAZ. Les moteurs à gaz trouveraient un vaste champ d'utilisation dans la traction des tramways; cette branche à été trop négligée en France, semble-t-il. Par contre, nous avons été hardiment et heureuse- ment de l'avant dans l'application des moteurs à la propulsion des bateaux : l'honneur de cette féconde initiative revient à un industriel du Havre, M. Ca- pelle, qui a fondé une Société destinée à faire sur la Seine un service régulier de transports entre cette ville et Paris. Le gaz est emmagasiné dans des tubes en acier, disposés en batterie sur le pont, etil se rend au moteur après s’ètre détendu à la pression convenable dans un appareil spécial ; une usine à gaz, située au milieu du parcours, assure le ravitaillement des chalands. Chaque tube ayant un volume intérieur de 135 litres, et la pression du gaz étant égale à 100 kilos au moins, on peut accu- muler 13.500 litres par tube, soit 540 mètres cubes pour les 40 cylindres composant la batterie. Le moteur, du système Delamare-Deboutteville et Malandin, construit par la maison Matter, de Rouen, (ateliers Powell), actionne directement l'arbre à hélice, qui est du système Marc Glasson, à pas réversible; cet agencement se prête fort bien aux départs, aux changements de marche et de vitesse et aux arrêls. L'emploi de l’essence de pétrole avait déjà per- mis à MM. Rouart frères d'exposer, en 1889, un canot mû par un moteur Lenoir, et les mêmes cons- tructeurs avaient fourni au marquis d'Urre d'Aubay un yacht de plaisance qui a fait preuve des meil- leures qualités de marche sur la Méditerranée. MM. Lalbin, Forrest et Gallice et plus tard MM. Panhard et Levassor ont aussi obtenu de beaux résultats avec leurs canots à pétrole. L'automobilisme réservait enfin aux moteurs à pétrole un succès indiscutable; les courses de Rouen, de Bordeaux, de Marseille ont consacré ce succès et établi la prééminence du moteur à pétrole sur la machine à vapeur dans l'espèce, Les inven- 460 teurs du genre ne sont pas Français : ils s'appellent Daimler et Benz; mais MM. Panhard et Levassor, Peugeot, Roger, Tenting, Lepape, Bollée, Landry, Beyroux, Rossel, Delahaye, Pellorce, Jeantaud, etc., ont établi des types de voitures qui font honneur au génie et au goût francais. Le moteur Daimler, presque uniquement utilisé d'abord, s’est trans- formé successivement entre les mains des Panhard et Levassor et des Peugeot, au point de perdre sa marque d'origine, et les moteurs Phénix des pre- miers, le moteur sans nom des seconds, le Japy, le Tentin, le Lepape, le Bollée (nous nommerions le Lalbin si l'auteur ne paraissait avoir quitté la piste), et d’autres encore ont supplanté aujour- d'hui les machines de provenance d’outre-Rhin. N'omettons pas de signaler les bicyclettes Millet et les tricycles de Dion, Bollée et Gladiator, dans les- quelles le moteur à pétrole vient soulager le tou- riste et lui épargner de rudes coups de pédale aux montées. L'emploi de l’acétylène, ce merveilleux gaz de l'avenir, dont l'application aux moteurs a été étudiée déjà par M. Ravel, pourra encore amé- liorer ces légers véhicules et nous croyons qu'il nous réserve encore bien des surprises. IX. — ConcLusIon. Nous venons de faire connaître les principaux constructeurs de moteurs à gaz en France, en H. MOISSAN er J. DEWAR — LA LIQUÉFACTION DU FLUOR caractérisant de notre mieux l'œuvre capitale de chacun d'eux et leurs mérites respectifs : nous avons dit que ces maisons sont habilement dirigées, que leurs types de machines sont remarquables, que leur construction est bonne, mais nous avons regretté de ne pas les voir disposer de capitaux assez considérables pour produire les moteurs par séries, à des prix plus réduits, qui augmenteraient rapidement leur clientèle. Les puissants établisse- ments de l'étranger arrivent, en effet, à leur dis- puter nos commandes, malgré les droits d'entrée qui leur sont imposés et en dépit des frais énormes de représentation et de réclame auxquels ils sont obligés par leur situation même : par contre, nous autres, nous ne vendons rien en Angleterre ni en Allemagne. Nous n'avons pas su recueillir l'héri- tage de Lebon, de Lenoir et de Beau de Rochas. Cette critique, que nous devons formuler malgré notre vif désir de faire ressortir la fécondité de notre génie national, mérite, croyons-nous, atten- tion. Il serait, à Lous égards, profondément regret- table qu'un vice d'organisation industrielle et commerciale vint empêcher notre pays de bénéfi- cier de la longue suite de recherches et d'efforts que nous venons de décrire et dont le sol français a été le théâtre. Aimé Witz, Doyen de la Faculté des Sciences à Lille. LA LIQUÉFACTION DU FLUOR' Les propriétés physiques d’un grand nombre de composés fluorés minéraux et organiques faisaient prévoir théoriquement que la liquéfaction du fluor ne pouvait se faire qu'à très basse température. Tandis que les chlorures de bore et de silicium sont liquides à la température ordinaire, les fluo- rures sont gazeux et bien éloignés de leur point de liquéfaction. La différence est la même pour les composés organiques : le chlorure d'éthyle bout Les lecteurs de la Revue apprendront sans doute avec intérèt l’origine de la belle découverte qui fait l'objet de cet article. La Royal Instilulion avait récemment convié notre éminent collaborateur, M. H. Moissan, à exposer devant elle l'ensemble de ses recherches sur le fluor. Cette conférence a eu lieu le 28 mai dernier; la partie expérimentale avait été préparée une journée à l'avance dans le laboratoire du Pro- fesseur J. Dewar. La production du fluor libre dans ce célè- bre établissement où s'était opérée avec tant d'éclat la liquéfaction de l'oxygène, devait suggérer aux deux illustres savants la pensée de profiter de leur réunion, comme aussi de la présence simultanée de l'oxygène liquide et du fluor libre, pour tenter de concert la liquéfaction de ce dernier gaz, etceet ainsi qu'ont eu lieu les belles expériences expo- sées ici même, (NOTE DE LA DIRECTION.) à + 1% et le fluorure d'éthyle à — 32° ?; le chlo- rure de propyle bout à + 45° er le fluorure de propyle à 23%, Des remarques semblables avaient été indiquées antérieurement par Paterno et Oliveri * et par Vallach et Heusler*. On peut rapprocher de ces faits les expériences de Glads- tone sur la réfraction atomique °. Enfin, par certaines de ses propriétés, bien que le fluor reste nettement en tête de la famille du chlore, il se rapproche aussi de l'oxygène. L'ensemble de ces observations paraissait bien 2 H. Morssas : Propriétés et préparation du fluorure d'é- thyle. Ann. de Chim. el de Phys., 6e série, t. XIX, p. 266. 3 Mescaws : Comples rendus, t. CVII, p. 352. # Parenno et Ouvert : Surles trois acides fluobenzoïques isomères et sur les acides fluotoluidique et fluoanisique. Gazella chimica italiana, t. XII, p. 8; 1882, et t. XII, p. 583. 5 VarLaca et HEUSLER p. 219; 1887. 5 J.-H. GLapsroxe AND G. GLADsroxE: Refraction and disper- sion of fluorobenzene and allied Compounds. Phil. Mag., ÿe série, t. XXXI, p.41. : Annales de Liebig, t. COXLITI, H. MOISSAN er J. DEWAR — LA LIQUÉFACTION DU FLUOR 461 établir que le fluor ne pourrait que difficilement être amené à l'état liquide. L'un de nous avait démontré qu'à — 95°, à la pression ordinaire, il ne changeait pas d'élat !. Dans les nouvelles expériences que nous pu- blions aujourd'hui, le fluor a été préparé par élec- trolyse du fluorure de potassium en solution dans | l'acide fluorhydrique anhydre. Le gaz fluor était débarrassé des vapeurs d'acide fluorhydrique par son passage dans un petit serpentin de platine re- froidi par un mélange d'acide carbonique solide et | d'alcool. Deux tubes de platine remplis de fluorure de sodium bien sec complétaient cette purification. L'appareil à liquéfaction se composait d'un petit cylindre de verre mince, à la partie supérieure duquel était soudé un tube de platine. Ce dernier | contenait, suivant son axe, un autre tube plus petit de même métal. Le gaz à liquéfier arrivait par l’es- pace annulaire, passait dans l'ampoule de verre et | ressortait par le tube intérieur. Cet appareil était réuni, par une soudure, au tube abducteur qui amenait le fluor. Dans ces expériences, nous avons employé l'oxy- gène liquide comme substance réfrigérante. Cet oxygène élait préparé par les procédés décrits par l'un de nous, et ces recherches ont exigé la consom- mation de plusieurs litres de ce liquide *. L'appareil étant refroidi à la température d'é- bullition tranquille de l'oxygène (— 183°), le cou- rant de gaz fluor passait dans l’ampoule de verre sans se liquéfier. Mais, à cette basse température, le fluor avait perdu son activité chimique : il n'at- | taquait plus le verre. Si l’on vient alors à faire le vide sur l'oxygène, on voit, aussitôt que l’ébuilition rapide se produit, un liquide ruisseler à l’intérieur de la petite am- poule de verre, tandis qu'il ne sort plus de gaz de l'appareil. À ce moment, on bouche avec le doigt le tube de sortie du gaz pour éviter toute rentrée d'air. L’ampoule de verre ne larde pas à se remplir ? H. Morssax : Nouvelles recherches sur le fluor. Annales de Chimie et de Physique, 6° série, t. XVIV, p. 224. 2 J. Dewar : New Researches on liquid air. Royal Instilu- | tion of Great Brilain ; 1896 et Proc. Roy. Inst. ; 1893, REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897, d’un liquide jaune clair possédant une grande mo- bilité. La couleur de ce liquide rappelle bien la teinte du fluor vu sous une épaisseur d'un mètre. D'après cette expérience, le fluor se liquéfie aux environs de — 1859. Aussitôt que le petit appareil de condensation est retiré de l'oxygène liquide, la température s'é- lève, et le liquide jaune entre en ébullition en four- nissant un abondant dégagemeut de gaz présen- tant bien les réactions énergiques du fluor. Il Nous avons profité de ces expériences pour élu- dier quelques-unes des réactions du fluor sur les corps maintenus à très basse température. Le silicium, le bore, le carbone, le soufre, le phosphore et le fer réduit, refroidis dans l'oxygène liquide, puis projetés dans une atmosphère de fluor, ne deviennent pas incandescents. À cette basse température, le fluor ne déplace pas l’iode des iodures. Cependant, son énergie chimique est encore assez grande pour décomposer avec incan- descence la benzine ou l'essence de térébenthine aussitôt que leur lempérature s'élève au-dessus de — 180. Il semble que l’affinité puissante du fluor pour l'hydrogène soit la dernière à disparaitre. Enfin, il est une autre expérience que nous de- vons mentionner. Lorsque l’on fait passer un cou- rant de gaz fluor dans l’oxygène liquide, il se pro- duit rapidement un dépôt floconneux de couleur blanche qui ne tarde pas à se réunir au fond du vase. Si l’on agite le mélange et qu'on le jette sur un filtre, on sépare le précipité, qui possède la curieuse propriété de déflagrer avec violence aus- sitôt que la température s'élève. Nous poursuivons l'étude de ce composé ainsi que celle de la liquéfaction et de la solidification du fluor, qui exigent encore de nouvelles expé- riences !. H. Moissan et de l'Académie des Sciences et de la Soc.Royale de Londres, Professeur de Chimie à l'Ecole Supér. de Pharmacie. J. Dewar, de la Soc. Royale de Londres; Professeur à l'Université de Cambridge et à l'Institution Royale, 1 Communication faite à l'Académie des Sciences, C. R., t. CXXIV, n° 22, p. 1202. 162 A. BIGOT — LES DINOSAURIENS LES DINOSAURIENS Le Geological Survey des États-Unis vient de pu- blier un important travail sur les Dinosauriens de l'Amérique du Nord, où sont condensés les résul- tats des longues recherches du Professeur Marsh sur intéressant groupe de Reptiles. L'occa- sion est donc propice pour jeter un coup d'œil sur ces étranges créatures, qui donnent ün caractère très signiticatif à cette ère secondaire appelée quel- quefois l'ÉÊvre des Reptiles. Exclusivement cantonnés dans ces formations secondaires, les Dinosauriens débutent dans le Trias pour disparaitre à la fin du Crétacé. Ce sont des formes terrestres remarquables en général par leur grande taille: la longueur de certains d’entre eux, tels que l'Atlantosaurus, dépasse 35 mètres; celle du Pronlosaurus n'est pas infé- rieure à 18 mètres: les formes de 8 à 10 mètres sont fréquentes, mais il y à aussi des formes de petite taille, telles que le Compsognathudus du Jurassique supérieur, qui n'a guère plus de 0,60. Ces formes de petite taille sont d’ailleurs excep- et les Dinosauriens comprennent les plus gigantesques des animaux terrestres qui aient jamais existé. cet tionnelles, Plus de soixante ans se sont écoulés depuis que Buckland et Mantell ont fait connaître pour la pre- miere fois des débris appartenant au Mégalosaure et à l'Iguanodon ; mais c’est surtout depuis vingt-cinq ans que les descriptions de Dinosauriens se sont mullipliées. En Angleterre, MM. Hulke, Huxley, Lydekker, Owen, Seeley en ont décrit une vinglaine de genres : Eudes-Deslongchamps, MM. Gaudry et Sauvage ont fait connaître les Dinosauriens France ; MM. H.-V. Meyer, Wagner, Koken, ceux de l'Allemagne, M. Sauvage, ceux du Portugal: et, tout récemment, M. Depéret et M. Boule ont mon- tré l'abondance des débris de ces animaux dansles dépôts de notre nouvelle possession de Madagascar ?. En Europe, la découverte la plus remarquable de Dinosauriens est celle qui fut faite, en 1878, dans une poche d'argile Wealdienne du charbonnage de gique); vingt-trois squelettes d'/qua- nodon en furent retirés ; six sont montés au Musée de Bruxelles et excitent autant la stupéfaclion du publie que ou rose des natur shStese de Bernissart (Be O0, GC. Mars, The Dinosaurs lof North America, 16h An- (B nual Report of the U. St. Geological Survey, fase. I, p. 143-244, 66 fig., pl. II-LXXXV. 2 On trouvera des références très complètes dans le cata- logue de M. Lydekker : Cataloque of fossil Reptilia and imphibia in the British Museum, pt. I, 1888. Mais ce sont surtout les dépôts seéondaires des États-Unis qui fournissent les débris les plus com- plets et les plus nombreux de Dinosauriens étudiés par M. Cope et M. Marsh. Comme en Europe, les plus anciens ont été rencontrés dans le Trias, les plus récents au sommet du Crétacé, dans les cou- ches inférieures du groupe de Laramie, qui se ral- tache par son sommet aux terrains tertiaires. Les couches crétacées des Montagnes-Rocheuses dans le district de Wyoming sont une véritable nécro- pole de Dinosauriens. Les plus remarquables sontles Triceratopus,Sterrolophus,exelusivementcantonnés à ce niveau etsi abondants que plus de trente crânes de Cératopsides ont été trouvés dans un petit espace sur les bords de la rivière Cheyenne ; ils y sont as- sociés à quelques Dinosauriens Ornithopodes etThé- ropodes ; des Crocodiles et Tortues de types crélacés, des Plésiosaures, de petits mammifères Allothériens tels que les Cimolomys, Dipriodon, Selenacodon, eom- plèlent la faune avec des débris d'Oiseaux et de Poissons. Plus bas, dans le Jurassique de ce même Wyoming, dans celui du Dakota et du Colorado. les Cératopsides sont absents, mais les couches à Atlantosaurus renferment de nombreux représen- tants des autres groupes, qu'accompagnent des Mammifères Allothériens tels que les Ctenacodon et des Marsupiaux comme les Driyolestes. Beaucoup moins nombreuses sont les formes du Trias, repré- sentées par le seul Théropode Anchisaurus. Il Remarquables souvent par leur grande taille, les Dinosauriens ne le sont pas moins par leurs carac- tères anatomiques. Letype Reptile est actuellement assez homogène ; un naturaliste qui n'étudie- rait les Reptiles que dans la faune actuelle y trou- verait des formes, en somme, peu variées, se grou- pant autour des types Serpent, Lézard, Crocodile et Tortue. Encore, en ne tenant compte que des caractères superficiels, ces quatre groupes pour- raient-ils être réduits à deux : d’une part, les Tor- tues, que la disposition de leur squelette semble isoler ; d'autre part, les Crocodiles, Lézards et Ser- pents, qui, à partir des Crocodiles et Lézards pour- vus de quatre membres, donnent, par l'intermé- diaire de cerlains Lacertiens (Anguis), une série dont le terme extrême est formé par les Serpents, aux quatre membres disparus. Quoi qu'il en soit, tous ces êtres ont en commun un caractère essen- tiel tiré du mode de locomotion: chez les Serpents, par suite de la disparition des membres, le dépla- A, BIGOT — LES DINOSAURIENS 165 __ "| ]-_|_—]|-]|-_.]-|-_._].]-]-(-|- |" | -————————————____……—…—_—_. cement de l'animal ne peut se faire que par des | et des habitudes, le port, qui rappelle parfois celui mouvements de la colonne vertébrale; dans les | des Mammifères, enfin des caractères ostéologiques formes quadrupèdes, l'allure rampante est encore | qui rapprochent cerlains d’entre eux des Oiseaux. la règle : Lézards, Crocodiles et Tortues ont leurs Les Sauropodes (fig. 2) sont les Dinosauriens qui quatre membres im- s'éloignent le moins plantés latéralement; leur corps est pres- que appliqué contre le sol, les mouve- ments de la queue viennent souvent en aide aux membres pour faire progresser l'animal. Quand on étudie les formes fos- siles, cetteconception du type Reptile n’est plus exacte. Déjà les formes les plus an- ciennement décrites montrent : dans les Enaliosauriens (Ich- thyosaures, Plésio- saures) et les Pytho- nomorphes (Mosa- saures), des Reptiles adaptés exclusive- ment pour la nata- des autres Reptiles; à l'inverse de ce que nous verrons dans les autres groupes, les membres antérieurs et postérieurs sont également dévelop- pés; la marche est plantigrade; les ex- trémités des doigts, entourées de sabots, rappellent celles des Mammifères ongulés. La dentition (fig. 1,A) indique un régime herbivore, bien que les dents ne soient point plissées sur leurs bords comme celles des Ornitho- podes (fig. 1, D). Ce groupe renferme les plus gigantesques Di- 2 3 23) 2 =, 3 3 D Han les Pte Fig. 1. — Dents de Dinosauriens. — À, Brontosaurus excelsus : É ’ tion ; dans les Ptéro- Marsh, Sauropode, 1/1 (Marsh): B, Megalosaurus insignis Desl., NOSAUTIENS : le fémur sauriens (Ptérodac- Théropode, 1/2 (Sauvage); GC, Triceralops prorsus Marsh, dent Qu Cetiosaurus d'An- È à double racine, Cératopside, 1/1 (Marsh) ; D, Iguanodon F tyles), des Reptiles Mantelli, Ornithopode, 1/2 (Mantell). gleterre a 1",75 de adaptés à la locomo- hauteur, celui d'un tion aérienne; mais ces adaptations, — de même | Atlantosaurus d'Amérique a 2 mètres, et M. Marsh ordre, en somme, que celles qui font d'un phoque | estime la longueur de cet animal à plus de 35 mè- ou d’une baleine un mammifère nageur, d'une | tres; le Brontosaure, dont le squelette est comple- ARTS ER. Q DR é uen Mi Fig. 2. — Brontosaurus excelsus Marsh (Sauropode du Jurassique de Wyoming) (Marsh). chauve-souris un mammifère volant, — ne sont | tement connu (fig. 2), a une longueur de 18 à pas surprenantes. 20 mètres. Il n’en est plus ainsi si l’on examine les Théro- Les Théropodes (Megalosaurus, Dimodosaurus, morphes du Trias du Cap, qu'Owen et Seeley ont | Anchisaurus) contrastent avec les Sauropodes par fait connaître, et surtout les Dinosauriens. Chez | la disproportion entre les membres antérieurs et ceux-ci tout est fait pour étonner: la taille, presque | les membres postérieurs, les premiers étant consi- toujours gigantesque, la variabilité des formes | dérablement plus courts que ceux-ci (fig. 8), leur 10% A. BIGOT — LES DINOSAURIENS marche digitigrade, leurs doigts armés de griffes recourbées (fig. 4, À), leurs dents tranchantes den- telées sur les bords (fig. 4, B) indiquant un régime carnassier. Sous le nom de Prédentés, M. Marsh à groupé des formes herbivores dont le maxillaire inférieur présente avant un prédentaire. Les uns, tels que les Sté- gosauriens (Stegosaurus, Scelidosau- rus) et les Cé- ratopsides (Ceratops, Sterrolophus , Struthiosau- rus) ont une marche qua- drupède (fig. 5et6);les au- tres, c'est-à- dire les Or- nithopodes (Camptosau- vus, Laosaurus, Iquanodon, Hypsilophodon, nosaurus, elc.), montrent dans la longueur relative de leurs membres antérieurs et postérieurs une différence telle que la station bipède devait être leur station normale; reposant sur leurs membres postérieurs et sur! l'extrémité de ‘leur longue queue, leur pose rappelle celle des Kanguroos (fig. 7) Les Dinosau- riens forment done un groupe complexe, dont les variations sont liées à des modifications dans le régime et le mode de locomotion. Généralement nus, ils étaient quelque- fois pourvus de plaques dermiques de formes va- riables et de dimensions souvent colossales. On se figurérait difficilement, sans les belles restaurations de M. Marsh}ce qu'étaient des animauxitels que le Stégosaure(fig.:5);dont le: dos rélaitiogarni de grandes plaques osseuses, -dressées verticalement, älteignant parfois plus ide 1 mètre de! hauteur, et en os Fig. 4. D* F = J Ornilhomimus Sedeus Marsh, Fig. 3. — Ceralosaurus nasicornis Marsh (Théropode jwrassique du Colorado) (Marsh). — Phalanges unguinales de Dinausauriens. — 3/10 (Marsh); horridus Marsh, 1/5 (Marsh). dont l'extrémité de la queue était pourvue de longues épines disposées par paires, qui devaient faire de la queue une arme redoutable et consti- tuer pour ces herbivores un respectable moyen de défense. Chez les Cératopsides (fig. 6), il naît sur le front et sur le nez de longues cornes qui font pen- ser à celles d’un Rhinocéros; et, en effet, à pre- mière vue, on ne peut manquer d'être frappé de la ressemblance des Zriceratops avec ces grands pa- chydermes d'Afrique. Une masse osseuse aussi énorme que celle de la plupart des Dinosauriens, quelle que fût la puis- sance des muscles auxquels elle donnait attache, était d'un poids considérable, Chez les Thé- ropodes, celte massivité du squelette était corrigée par la présence d’une cavité centrale dans les os des membres. En outre, chez les Théropodes et cer- tains Sauropodes, le corps des vertèbresestprofondémentereusé de chambres qui réduisent la partie osseuse à des lames plus ou moins épaisses (fig. 8). Ces vertè- bres sont d’ailleurs Na- | plus solidement articulées que chez aucun autre Reptile; aux zygapophyses des autres Vertébrés s'ajoutent des facettes articulaires supplémentaires (Zygosphène et Zygantrum). Comme on doit s’y attendre Le des animaux dont la tête est généralement petite, il y a une disproportion énorme entre le volume de l’en- céphale et celui de la moelle. M. Marsh a pu, en moulant la cavilé cranienne et celle de la ré- gion sacrée du canal rachidien, obtenir la forme de l’encéphale et aussi celle du renflement lombaire. On peut juger par la reproduetion de ces parties dans le Stegosaurus (fig. 9), de la petitesse de l’encéphale et de l'énorme développement de la moelle au ni- veau du sacrum, développement qui est d’ailleurs en rapport avec la puissance des membres posté- rieurs. C'est là un trait tout à fait remarquable de l'anatomie de ces grands Vertébrés secondaires. A, type onguiculé Triceralops B, type ongulé : A. BIGOT — LES DINOSAURIENS 465 chez les premiers d’une apophyse antérieure du pubis (fig. 10), qu'on retrouverait rudimentaire Ce n’est pas seulement par leur aspect extérieur | chez les Oiseaux coureurs. que les Dinosauriens sont des êtres intéressants. Les recherches embryogéniques de Bunge et III La dénomination d'Ornithopodes appliquée à l’un | Menhert ont montré que les apophyses antérieures des groupes indique que ces Vertébrés présentent | des pubis des Dinosauriens ne peuvent être compa- avec les Oiseaux certaines affinités. A la vérité, ces | rées aux propubis des Oiseaux coureurs. Je ne crois Fig. 6. — Triceralops prorsus Marsh (Cératopode de la Craie de Wyoming) (Marsh). affinités demandent à être discutées; quelques-unes | pas qu'on les ait comparés aux os marsupiaux des ont moins de valeur qu'on ne leur en a attribué. | Mammifères éplacentaires ; il n’est pas sans intérêt On a signalé, notamment, comme caractère rap- | de constater l'existence d'os de soutien de la paroi prochant les Ornithopodes des Oiseaux, la présence | abdominale chez des animaux aussi éloignés que A. BIGOT — LES DINOSAURIENS les Marsupiaux et les Ornithopodes, mais que rapproche leur station. Peut-être le développe- ment de ces apophyses Est-il impossible d'admettre que les Ornithopo- des étaient également vivipares, que les apophyses antérieures des pubis ont pour but de soutenir la paroi abdominale, devenant ainsi les analoques, par leur fonction, des os marsupiaux qui servent de soutien à la poche des kanguroos et genres voisins ? Si l’apophyse antérieure du pubis des Dinosau- riens ne peut êtrecomparée auprépubisdesOiseaux, il est cependant d’autres caractères com- muns entre les deux groupes. Ils sont tirés de la comparaison des membres postérieurs : existence d’une tubérosité entre les faceltes ti- biale et péronéale du fémur chez les Oiseaux et les Dinosauriens, d’un astragale à apophyse pos- térieure ascendante chez les Di- nosauriens et les Oi- seaux coureurs, dispo- sition analogue des Métatarsiens (voir fig. 11 et 12). Malgré tout MAR Û A F \ Lis = D 8 1e meme Fig. 7. — Iquanodon Bernissartensis Boulanger (Ornithopode du Weäldien de Belgique) (Marsh). — Quatre squelettes de cette espèce sont montés au Musée royal d'Histoire naturelle de Belgique. non homologues est-il lié chez les Ornithopodes | il ne saurait être question d'affirmer que les Oi- comme chez les Marsu- piaux à un mode particu- lier de gesta- tion. On sait, en eflet, que certains Dino- sauriens, tels que les Comp- sognathus étaient vivipa- res ; M. Marsh a constaté la présence d'un fœtus dans la cavité abdo- minale du Compsogna- thus du Musée de Munich!. ;- z Fig. 8. ! On sait que la viviparité des Ichthyosaures est incontestable. Des fœtus ont été trouvés | à diverses reprises dans la cavité abdominale de ces Enalio- seaux déri- vent des Di- nosauriens et en particulier des Ornitho- podes. Dans l’état actuel de nos con- naissances une première raison, d'or- dre chrono- logique, sy oppose : les Ornithopodes d'Europe ne se trouvent que dans le Crétacé ou les dépôts supé- rieurs du Ju- — Verlèbre dorsale postérieure de Morosaurus lentus Marsh, 1/5 (Marsh). — A, vue de côté; B, vue arrière; C, section transversale du corps. sauriens. Dans un récent tra- vail, M. Quinton a développé par des considérations très ingénieuses l'idée que le refroidissement du globe est un "+ +4 - A. BIGOT — LES DINOSAURIENS (pr) 1 rassique (Purbeck) ; en Amérique, les plus anciens proviennent des couches à Atlantosaurus que leur faune de petits Marsupiaux rapproche du Purbeck, tandis que le plus ancien oiseau Archæopteryx ?, apparait plus bas en Europe dans les calcaires Kimméridjiens de Solenhofen. Puis, une grosse Fig. 9. — Slegausaurus ungulatus Marsh.— A, #7oulage de la cavité cranienne : ol, lobe olfactif; c, hémisphères céré- braux ; cb, cervelet; », moelle allongée; on, nerf optique; op, lobes optiques. — B, Moulage du canal rachidien au niveau du sacr'um. difficulté vient de ce que, dans l'étude des affini- tés, il est souvent délicat de discerner les carac- tères acquis par adaptation de ceux qui viennent de la filiation. Comme l'a dit M. Gaudry, « nous voyons des dents assez semblables chez des Mam- mifères Car- nassiers, comme le Wa- chairodus et le Dinictis, chez l'Amphi- tragulus qui était un Ru- minant, chez le Megalosuu- rus qui était un Dinosaurien, chez le ZLiodon qui facteur important de l’évolution. Entre autres arguments, il fait observer que les animaux primaires étaient tous ovi- pares, les animaux secondaires ovipares ou ovovipares (Marsupiaux), et que c’est seulement dans le Tertiaire qu'apparaissent les Vivipares. L'existence d'Ichthyosaurus et Compsognathus vivipares dans le Jurassique diminue beaucoup la valeur de cet argument. * Læpteryx du jurassique supérieur de Wyoming est con- sidéré par Cope et Meyer comme un Reptile. Fig. 10. — Comparaison du Bassin chez les Dinosauriens el chez les Oiseaux coureurs. tile à son — À, Claosaurus anneclus Marsh: B, Apteryx australis Owen; a, cavité cotyloïde ; pe * il, iléon ; is, ischion; p, pubis; prp, propubis. membre anté- rieur trans- était un Saurien marin, chez le Pachyrhizodus qui était un poisson » ; ici les ressemblances par adap- tation sont évidentes parce que d’autres caractères permettent de rapporter les dents comparées à des types très différents. Il n’en est pas toujours ainsi, en dépit des ressemblances signalées entre les Or- Fig. 11. — Comparaison de l'extrémilé inférieure du tibia (gauche) chez les Dinosauriens el les Oiseaux coureurs (1/4 Marsh). — A, Struthio cameleus (jetum); B, Ornitho- mimus velox Marsh; a, astragale; as, apophyse ascendante de l’astragale; c, calcanéum; f, péroné; f', facette d'in- sertion du péroné, nithopodes et les Oiseaux, nous ne sommes pas en mesure de fixer le degré de parenté qui unit ces derniers aux Reptiles. Cette parenté apparait incontestabie quand on voit l’'Archæopte- ryæ présen- ter, au lieu du croupion des Oiseaux, une longue queue de Reptile, varder des griffes de Rep- formé en aile, les Hesperomis et Zchthyornis de la craie d'Amérique conserver à leur bec des dents comme celles des Reptiles. Mais, avec ces caractères reptiliens, ces Oiseaux primitifs n’en sont pas moins des Oiseaux parfaitement caractérisés ; dans l’état actuel de nos connaissances aucun intermédiaire ne vient les relier aux Ornithopodes. Chez ceux-ci, la forme du crâne, la disposition de la ceinture sca- pulaire sont des caractères Reptiliens qui priment 468 HENRI LECOMTE — LA CULTURE DU CACAOYER DANS LES COLONIES FRANÇAISES des aspects rappelant ceux des Oiseaux'. Tout ce qu'il est possible de dire, c’est que la valeur du groupe des Sauroprida d'Huxley se trouve confir- mée par les données paléontologiques. Quant au degré de parenté qui unit les deux classes de ce nous contentons de signaler cette solution pour expliquer l’origine des Reptiles et des Oiseaux. Il faut savoir parfois avouer son impuissance, La Paléontologie a établi sur des bases certaines la filiation d'un assez grand nombre de formes pour Fig. 12. — Comparaison des mélalarsiens chez les Oiseaux et les Dinosauriens. Métatarsiens unis : À, Ceratausaurus nasicornis Marsh : B, Aptenodyles Pennantii Marsh; C, Meleagris gallivapo Linné. groupe, il est, encore une fois, très incertain. On a tant abusé, pour expliquer les ressemblances de deux groupes à affinités incontestables, mais cepen- dant assez éloignés à d'autres égards, de la concep- tion d’un type hypothétique, qui aurait été la souche commune de ces deux groupes, que nous Métatarsiens séparés : D, Ornithomimus velox Marsh. Cette séparation est exceptionnelle chez les Dinosauriens, tan- dis qu'elle est la règle chez les Oiseaux. qu’elle n’ait point à pâtir de tels aveux. Telle qu'elle est, elle a assez de grandeur pour qu'on n'ait pas à craindre d'en étaler les misères. A. Bigot, Professeur de Géologie et de Paléontologie à l'Université de Caen. LA CULTURE DANS LES COLO Le cacao, dont l'usage est aujourd'hui universel- lement répandu, est fourni par la graine d’un arbre des pays tropicaux qui a recu le nom de 7heo- | broma® cacao L. La consommation de cette pré- cieuse substance augmente tous les jours et nous avons pensé quil n’était peut-être pas inutile d'appeler sur la culture du cacaoyer l'attention des nombreux lecteurs de la /evue générale des Sciences. ? M. Marsh fait remarquer que dans tous les Oiseaux, vi- vants et fossiles, à l'exception de l'Archzopleryx, les os de la ceinture pelvienne sont réunis par une ossification, tandis que dans tous les Dinosauriens connus, à l'exception des Ceralosaurus et Ornithomimus, ils sont séparés. Ces carac- tères contradictoires montrent combien les relations sont difficiles à apprécier. 2 Nourriture des dieux. DU CACAOYER NIES FRANÇAISES Le cacaoyer pousse naturellement au Mexique et les habitants de ce pays avaient de bonne heure reconnu et apprécié les qualités du cacao. Ils l’esti- maient plus peut-être que les autres productions naturelles de leur heureux pays, et, quand les ha- bitants de l’Anahuac eurent l'idée de créer une monnaie pour faciliter les échanges commerciaux, ils prirent pour unité la graine du cacaoyer. Suivant Herrera, les provinces fertiles acquit- taient en graines de cacao leur tribut à l'empereur; Montezuma en avait accumulé dans ses palais des quantités considérables. On raconte même que cet empereur avalait, chaque fois qu'il franchis- sait la porte de son harem, une coupe d'un breu- vage préparé avec le cacao Soconuzco et que msn. at _#éil HENRI LECOMTE — LA CULTURE DU CACAOYER DANS LES COLONIES FRANÇAISES 4 69 chaque fois la coupe qui avait servi était brisée ou jetée dans le lac dont son palais était entouré. Les Espagnols et les Portugais furent les pre- miers initiés à l'usage du cacao, mais pendant fort longtemps ils entourèrent de mystère la découverte qu'ils avaient faite. Les autres Euro- péens étaient même si peu instruits des usages de cette sub- stance que les cor- saires hollandais, ignorant la valeur des prises qu'ils en faisaient, jetaient de dépit toute cette marchandise à la mer. Aujourd'hui, le ca- cao est universelle- ment employé dans l'alimentation, et les principaux pays d'Europe en reçoi- vent annuellement des quantités consi- dérables, I. — CARACTÈRES BOTANIQUES. Nous ne mention- neronspas dans cette étude Jes nombreu- ses espèces actuelle- ment connues du genre Z'heobroma. Il n'est cependant pas sans inté- rêt de faire remarquer, en passant, que le 7'heobroma cacao n'est pas la seule espèce cultivée et que le fameux cacao Soconuzco, le plus apprécié de tous, mais actuellement à peu près inconnu dans le com- merce, est probablement fourni par une espèce spé- ciale, T'heobroma angustifo- lium Moc et Sess, assez dif- férente du Z'heobromacacao. On a, d’ailleurs, signalé ré- cemment, dans la Sierra Nevada de Santa-Martha (Colombie), un autre ca- caoyer qui constitue sans doute une espèce nouvelle et dont les qualités paraissent incontestables, Les fleur ouverte : : Les figures 1, 2, 3 et 5 nous ont été obligeamment prètées par MM. G. Carré et C. Naud, chez lesquels MM. Lecomte Fig. 2. — Fleur du Cacaoyer. — A gauche, vue d'une à droite, coupe l'ovaire. | | et Chalot publient un ouvrage sur la culture du Cacaoyer. | études entreprises sur les diverses espèces sont surtout des travaux botaniques; mais il ne semble pas qu'on ait fait, au point de vue de la culture, toutes les recherches comparatives que parait comporter l'importance d'un tel sujet. Le Z'heobroma ca- cao L., est l'espèce laplus généralement cultivée et on en connait actuelle- ment de nombreuses variétés. C'est un petit arbre ramifié (fig. 1) haut de 4 à 10 mètres et à ra- cine longuement pi- volante. Les feuilles, simples et alternes, longues de 0,20 à 0230 "Sur 20207 à 0",10 de largeur, sont pourvues de deux stipules. Le pé- liole est court; le limbe est entier, un peu ondulé sur les bords et de forme oblongue. Les fleurs, quirap- pellent un peu celles du Lyciet de nos pays, sont disposées en cymes dichoto- mes et se trouvent le plus souvent dis- séminéessur le tronc et sur les feuilles âgées à l’aisselle de feuilles tom- bées depuis très longtemps. Elles sont, d'ailleurs, très petites, et la figure 2 en fait voir suffisamment les diverses parties pour qu'il ne soit pas néces- saire d'y insister davan- tage. Le fruit, désigné com- munément sous le nom de cabosse, est une sorte de baie à enveloppe tante, dont la forme, va- riable suivant les espèces, se rapproche souvent de l'ovale oblong (fig. 3). Ge fruit est marqué dans sa résis- transversale de longueur de dix sillons alternant avec autant de côtes, couvertes de tubercules irréguliers. Le pé- ricarpe est assez dur à la surface; mais à l'in- térieur ou trouve une pulpe molle dans laquelle sont nichées les cinq rangées de graines cor- 170 HENRI LECOMTE — LA CULTURE DU CACAOYER DANS LES COLONIES FRANÇAISES respondant aux cinq loges primitives de l'ovaire. Comme pour un grand nombre d'arbres des ré- | gions tropicales qui sont en végétation continuelle, on trouve à la fois sur le même arbre et à la même | saison des boutons, des fleursépanouies,des fruits en voie de développement et des fruits complète- ment mürs. Ceux-ci sont le plus souvent d'un jaune teinté de rouge. Les graines présentent une forme irrégulière- ment ovoide, et, sous la mince pellicule d'un rouge vif qui les recouvre, on trouve une amande com- posée d’un gros embryon à radicule conique et à cotylédons épais, char- nus, repliés sur eux-mé- mes et logeant dans leurs replis une même mem- brane parcheminée, qui représente l’albumen. II. -— PRÉPARATION DES GRAINES. Les graines de cacaoyer, retirées du fruit au moment de la récolte, sont soumises à une fermen- ation qui dure quel- ques jours et qui à pour but à la fois de provoquer la décom- position de la pulpe qui entoure les graines et d'amener dans l'a- mande elle-même cer- taines transformations chimiques encore peu connues. Avant de les soumettre à la dessic- cation, quand la fer- mentalion termi- née’, onleurfait subir, en beaucoup de points du Vénézuéla, qui est un des principaux pays producteurs, une opé- ration qui consiste à les saupoudrer d'une terre rouge colorée par de l’oxyde de fer. Cette opération à évidemment pour but de faciliter l'ab- sorption de l’eau provenant de la décomposition est lig. 4. fermentée. — a, parenchyme appartenant au péricarpe: b, té- gument de la graine avec ses cellules gommeuses e, e, e, et, plus en dedans, son assise 1 V.-II. Lecoure et C. Cnaror : Le Cacaoyer et sa culture. G. Carré et C. Naud, éditeurs. Paris, 1897. Fig. 3. — Fruil du Cacaoyer, contenant à l'intérieur cinq rangées de graines. — Section transversale dans l'enveloppe de la graine non de cellules sclérifiées; e, albumen très réduit: d, cotylédon. de la pulpe et en même temps de déposer à la surface des graines une substance qui évitera l’at- taque ultérieure des insectes. Au Pérou, les indi- gènes obliennent ce dernier résultat en faisant subir aux graines une lé- gère immersion dans l’eau salée; mais celte pratique est fort peu répandue, car le Pérou ne produit qu'une faible quantité de cacao. La pulpe que la fermentation a pour but d'enlever est, en somme, constituée par deux tissus d'origine essentiellement différente (fig. 4). A l’ex- térieur on trouve un pa- renchyme très läche a pro- venant de la prolifération des cellules les plus in- ternes du péricarpe et de celles des cloisons; plus en dedans, le tégument de la graine b se compose à l'intérieur d'un paren- chyme lacuneux de couleur brunâtre dans lequel courent les faisceaux libéroligneux et qui se trouve divisé en deux couches par une assise de cellules sclérifiées; la partie la plus externe de ce tégu- ment est constituée, au-dessous de l’épiderme, par de grandes cellules à gomme 2 formant une assise à peine inter- rompue par des brides de tissu conjonctif. Au moment de la fer- mentation, ces grandes cellules à gomme se gonflent beaucoup et les bandes de tissu conjonctif qui les sé- parent finissent par se rompre. Tout ce qui est en dehors de la ligne mn se délache donc, et la graine ne se trouve plus recou- verte que par la cou- che la plus interne du tégument. Ce résultat ne pour- rait être atteint complètement par un simple Ja- vage. Ce lavage permettrait bien, à la vérilé, de débarrasser les graines de la pulpe qui appartient au péricarpe, mais — inconvénient nolable — il laisserait intacte la région du tégument qui con- tient les cellules gommeuses. _… ti ne etes use - Gé qi exe HENRI LECOMTE — LA CULTURE DU CACAOYER DANS LES COLONIES FRANCAISES 471 III. — COMPOSITION CHIMIQUE DES GRAINES. Les analyses de graines de cacaoyer, effectuées jusqu'à ce jour, ont fourni des résullats assez variés. Il est évident d’ailleurs qu'en dehors des variations dues simplement aux procédés d'analyse, il ne faut pas s'attendre à trouver la même compo- sition chez des cacaos appartenant à des espèces distinctes ou cullivées dans des sols de composi- tion différente. Il suffit de citer les résultats de ces analyses quant à la teneur en théobromine pour ètre fixé sur ces divergences : Boussingault et Payen . . . . . . . 1,1-1,5 Trojanowsky. . 2, Wolfram. . 2,9 ART ER EE Rs Te 1,56 Tuchen . 0,38-0,66 Hanssal . 0,47-0,78 Muter . 0,90 Le cacao contient principalement une matière grasse, le beurre de cacao, qui représente, en gé- néral, un peu plus de la moitié du poids de l'amande crue décortiquée. Ce beurre de cacao, en raison, d’ailleurs, du mélange des matières grasses dont il est constitué, présente des points de fusion diffé- rents suivant les provenances. Nous ne voulons pas ici donner les divers résul- tats obtenus par l'analyse; il nous suffira de signa- ler, pour une provenance donnée, la composition chimique des graines, d'après Zipperer !. Cacao de Caracas ; amandes crues décortiquées. BARRE 1 - 6,50 0h Matière grasse. . 50,31 Théobromine . ne 0,77 Autres matières azotées . 17,23 Amidon . MS ENTER 7,65 Tannin, sucre, produits detransformation. 10,76 POMUOSE ME RON TN, -9 61 Cendres . 17 Ces résultats d'analyses présentent d’ailleurs des différences notables suivant les provenances et suivant les procédés d'analyse employés. IV PAYS PRODUCTEURS DU CACAO. Comme nous l'avons dit plus haut, c’est le Mexi- que qui futle berceau de la culture du cacaoyer. Mais actuellement, malgré l'existence de quelques cultures dans la province de Tabasco, ce pays ne fournit pas mème le cacao nécessaire à sa consom- mation, et il est obligé d'en importer. La culture du cacaoyer s'est étendue rapidement dans l'Amérique Centrale et dans l'Amérique du Sud depuis le Yucatan jusqu'au parallèle de Bahia. Dans cette immense région de l'Amérique équato- 4 ZxppeRER : Unlersuchungen über kakao und dessen Prü- parate. Hamburg und Leipzig, 1887. riale on trouve, en effet, réunies les condilions de température et d'humidité que recherche le ca- caoyer. D'ailleurs, cet arbre y poussait naturelle- ment en un certain nombre de points et l'existence de cacaoyères naturelles est connue depuis long- temps. En 1729, le sergent La Haye, envoyé par le gouverneur d'Orvilliers à la recherche du fameux lac Parime, rencontra dans le haut Camopi une « forêt de dix lieues environ d'étendue, presque toute de caçaoyers ». En 1730, des soldats trou- vèrent une autre forêt de cacaoyers plus en aval sur l'Oyapock. Enfin, une carte de la Guyane dres- sée par les Jésuites en 1741 figure une forêt de cacaoyers dans la région supérieure du même fleuve. De nos jours, M. de Brettes a rencontré de ces cacaoyères naturelles sur les versants ouest et nord de la Sierra Nevada de Santa-Martha (Colom- bie). Naturellement le cacaoyer ne pouvait que pros- pérer et sa culture donner les meilleurs résultats dans des régions où on l'avait trouvé à l'état sau- vage. Et cependant on ne le cultive que très peu à la Guyane, tandis que les plantations de cacaoyers sont particulièrement nombreuses à Trinidad, au Vénézuéla, en Colombie, à l'Équateur, et, plus au sud, au Brésil jusqu'aux environs de Bahia. Si on ne voulait considérer que la situation géographique des Antilles et la température moyenne qui y règne, elles paraïitraient tout à fait propres à la culture du cacaoyer; mais il faut aussi tenir compte des vents auxquels elles sont expo- sées et qui produisent, en général, des effets d'au- tant plus marqués que ces îles sont plus petites. Il en résulte que la culture du cacaoyer n’est guère avantageuse que dans les plus grandes de ces iles. Nos colons se livrent quelque peu à cette culture, à la Guadeloupe et à la Martinique, mais, comme nous aurons l'occasion de le dire plus loin, les exportations totales de ces deux colonies ne dé- passent guère 800 tonnes par an et n’ont pas sen- siblement augmenté depuis un grand nombre d'années. On cultive encore actuellement le cacao à l'ile de San Thomé, au Congo, au Cameroun, aux Seychelles et à Madagascar; enfin à Ceylan les cultures pren- nent peu à peu de l'extension, de même qu'à Java. Le cacaoyer, originaire de l'Amérique Centrale, se trouve donc actuellement cullivé dans loutes les régions tropicales des deux mondes. Ce n’est pas ici le lieu d'indiquer en détail quelles sont les diverses conditions de tempéra- ture, d'humidité, de nature du sol, elc., que réclame le cacaoyer; mais on nous permettra cependant d'insister sur quelques points particuliers. On sait, par exemple, quels sont les éléments qu'une récolte de cacao prélève sur le sol; on a pu, 112 HENRI LECOMTE — LA CULTURE DU CACAOYER DANS LES COLONIES FRANÇAISES par l'analyse du cacao, apprendre que la potasse est contenue en grande proportion dans les graines et qu'il convient de choisir pour la culture du cacaoyer des sols particulièrement riches en po- tasse. Or, nos colons ne paraissent pas se préoc- cuper beaucoup de cette condition: on n'y pense guère qu'au mo- LE COMMERCE DU CACAO EN FRANCE DEPUIS 1850. trouvons dans les premiers numéros non seule- ment des indications très complètes sur l'analyse de la terre prise en diverses régions de la colonie naissante du Cameroun, mais encore, pour faciliter les comparaisons, des analyses du sol de certaines plantations de café et de cacao de l'ile de San Thomé. Etcesana- Ne Où ES Hé hors lyses, effectuées coltes diminuent ti) |) sur des échantil- PEUMANDEURCIES EEE lons prélevés à à-dire quand il est diverses profon- trop tard; nous 7 30.000 deurs, sont de na- avons déjà eu en- ture à renseigner tre les mains bon & 28.000 nombre de publi- complètement le planteur sur les cations coloniales chances de succès que peut présen- ter telle ou telle 5 26.000 françaises; en ce moment même 24.000 nous avons sous plantation. Sinous les yeux une pu- 22.000 insistons sur ce blication réservée point, c’est que aux cultures colo - 20.000 cette question de niales et dont la la composition disparition date de 18.000 chimique du sol loin! ; nous n'y nous parait pré- avons rencontré que des indica- tions très rares et 16.000 senter un intérêt de premier ordre. loujours incom- 14-000 On a vu des plan- tations donner dès plètes sur la na- ture du sol dans 12.000 les premières an- nos diverses colo- néesles'plus belles espérances pour nies. Les publica- 10.000 péricliter ensuite tions coloniales peu à peu, et il ne étrangères nous 8.000 faut voir le plus paraissent con- souvent dans cet çues dans un eS- 6.000 épuisement trop prit beaucoup plus rapide dusolqu’un pratique que les vice de composi- nôtres et les co- tion, que l’analyse lons peuvent y trouver des ren- pouvait seule ré- véler. Mais il n’est seignements pré- cis soit sur la cli- à matologie du pays, soit sur la compo- sition du sol. Le Watls Diclionary of Economic Products constitue un modèle dans ce genre. Ceylan observer, Tropical agriculturist, Gardener's Chronicle, ete., fourmillent d'indications de cette nature. Nous avons sous les veux, en ce moment, un bulletin colonial? alle- mand qui vient de faire son apparition, et nous 1855 18 Fig. Annales de l'Agricullure des Colonies el des régions tro- picales. = Zeitschrift für tropische Landwirtschaft, Berlin." 5. — Diagrammes montrant le commerce du Cacao en France depuis 1850. pas seulement né- cessaire de con- naître la nature exacte du sol dans la région où on désire installer une plantation, il est encore fort utile d'être renseigné très exactement sur les con- dilions elimatériques, c'est-à-dire sur les varia- lions de température et sur le régime des pluies. Négliger ces renseignements, c'est s'exposer, de gaieté de cœur, aux plus graves mécomptes. On ne saurait trop insister sur les considérations de cet ordre dont, nous avons le regret de le dire, ne tien- nent pas suffisamment compte les colons français. A 2 En) 1 E = El 3 « à \ HENRI LECOMTE — LA CULTURE DU CACAOYER DANS LES COLONIES FRANÇAISES 473 V. — LE COMMERCE DU CACAO EN FRANCE. Les diagrammes de la figure 5 montrent suffisam- ment au lecteur quelle a été la marche croissante des importations de cacao en France pour qu'il ne soit pas nécessaire d'y insister davantage. Le dia- gramme relatif au commerce spécial indique quelles sont les quantités qui ont été mises annuellement en consommation. Depuis 1870, on peut dire que cette consommalion est presque régulièrement croissante et on peut prévoir un moment où le cacao tiendra dans notre alimentation une place encore plus grande que celle qu'il occupe déjà aujourd'hui. Le Brésil nous fournissait autrefois la plus grande partie du cacao utilisé en France. Ainsi, il ya quarante ans, en 1857, les importations se décomposaient comme l'indique le tableau f ci- joint. Tableau I. — Importation du cacao en France en 1857. COMMERCE QUANTITÉS PROVENANCE GÉNÉRAL mises en consommation SE kilos kilos Anpleterre. ! : . ...-, .154 61.590 CERTA NT NME . 14 #3 .959 MENEZUELA 7.1. - à 815.036 341.173 AN TS OEM .211.104 139.900 CAN MN. sui 60.79 82.330 FEMAIBULE. 0.0 571.762 186. SENN EMONM RE 446. 200. Chhatet PR... 420 .: 334.: Guyane anglaise. re E 86.36 Saint-Thomas . Guadeloupe . Martinique Autres pays. Totaux . La valeur des quantités mises en consommalion était estimée à 6.484.565 francs; les droits perçus à l'entrée en France se montaient à 2.180.084francs. Comme le montre le tableau I, en 1857, le Brésil nous fournissait la moitié du cacao utilisé par les usines françaises. Nos colonies de la Guadelouppe et de la Martinique en produisaient tout au plus 400.000 kilos. Actuellement, le Brésil tient encore le premier rang dans les importations de cacao; mais il faut surlout remarquer l'importance croissante que prennent les possessions anglaises de l'Amérique méridionale Le tableau IT fournit la stalistique des quantités de cacao en fèves introduites ou consommées en France pendant l'année 1895. Sur le lotal des importations nous remarquons que 15.551.370 kilos ontété introduits en France par navires français, 17.205.576 kilos par navires | étrangers, et 57.718 kilos par terre ou par pays tiers. Notre pays a, en outre, reçu pendant la même année 1895 : 105.881 kilos. 212.790 — L5 A. 308 — Cacao broyé. . Beurre de cacao. Chocolat Ce qu'il convient surtout de remarquer, c'est la part importante que prennent les colonies anglaises Tableau II. — Importation du cacao en France en 1895. QUANTITÉS CRE. A PROVENANCE Commerce Commerce général spécial —_— Bios kilos Anoleler retenir .403 OO ous 4 6 K 0 ee 56.800 Portugal . 515 Possess. angl. : Afrique Occid. Indes anglaises. ave Etats-Unis (Océan Atlantique) Colombie. Guatémala . Vénézuéla . Brésil . Equateur. . Poss. angl. Haiti Poss. hollandaises d’ Auérique. Martinique . - ; Guadeloupe Autres pays . É Amérique $ Mérid. Totaux. dans nos importations de cacao. D'ailleurs, nous avons placé en regard, dans le tableau III, d’une part les quantités de cacao en fèves fournies an- nuellement par nos colonies de la Guadeloupe et de la Martinique, et, d’autre part, les quantités ver- sées sur notre marché par les colonies anglaises. Tableau III. — Part des colonies françaises et anglaises dans l'importation du cacao en France. QUANTITÉS ANNÉES totales fournies par l'ensemble des plantations de la Guadeloupe et de la Martinique tonnes. 27 446 25 S68 118 562 662 665 832 QUANTITÉS expédiées en France d'Angleterre et des colonies anglaises a ———_— 679 tonnes. On reconnaitra que cette comparaison contient pour nous un sérieux enseignement. ATA HENRI LECOMTE — LA CULTURE DU CACAOYER DANS LES COLONIES FRANCAISES Ainsi, pendant que la production de nos colonies reste à peu près stationnaire, celle des colonies an- glaises prend une extension énorme el cette pro- duction inonde non seulement notre marché, mais elle alimente encore le commerce de l'Angleterre et d'une partie de l'Europe. La quantité totale de cacao mise en consomma- lion par les usines anglaises s'est élevée à 22.184.502 livres en 1895. Or, Les importations des colonies anglaises pendant la même année ont alt- teint le chiffre de 49.901.020 livres, se décomposant comme il suit par pays de provenance ; Livres anglaises, Afrique occidentale anglaise. 107.853 Bombay 11.674 Ceylan . AE UMR RDA 2.581.708 Autres possessions des Indes angl. 4.423 Iles des Indes occidentales anglaises. 16.909.456 Guyane anglaise. . 255.906 A .901.020 11 en résulte donc que l'Angleterre à recu en 1895 199 =" du cacao qu'elle a consommé, soit environ 244 les les cinq sixièmes. Pendant la même année nos colonies n'ont fourni à la métropole que 832 tonnes de cacao sur une con- sommation totale de 145.243 tonnes, soit environ T de la consommation. Il importe, en outre, de faire remarquer que toul le cacao importé en France de nos propres colonies est utilisé dansla métropole même ; les exportations sont insignifiantes, et il estfacile de le comprendre puisque la loi de douanes de 1892 assure aux cacaos de nos colonies consommés en France une détaxe de 50 °/, sur les droits d'entrée, qui sont de 104 fr. les 100 kilos. Au contraire, le cacao des colonies anglaises est importé non seulement en Angleterre mais encore aux États-Unis, en France, en Allema- gne, ec. Il ne nous convient pas d'insister davantage sur celte infériorité incontestable de notre agriculture coloniale, infériorité qui ne se manifeste pas seu- lement dans le cas particulier du cacao mais qui est encore plus évidente pour le coton, le jute, le café, ete. Nous importons en France annuellement (Com- merce général) pour plus de 500 millions de francs de café, de cacao, de jute et de coton, pour ne consi- dérer que l’ensemble de ces quatre pro luctions. Or, sait-on quelle est la part de nos colonies sur ce chiffre considérable d'importation ? À peine 4 mil- lions et demi, c'est-à-dire moins de la centième partie. Ce n’est pas par les primes agricoles accordées à diverses cultures, comme le proposait récemment le Conseil général de la Martinique, qu'on peut ar- river àremédier à ce fâcheux état de choses. Le sys- tème des primes n'a jamais produit qu'un résultat momentané, et, le jour où ces primes disparaissent, les cultures partagent le même sort. Cest ce qui arriva autrefois pour la culture du coton en Al- gérie. Une culture comme celle du cacaoyer ne doit pas avoir besoin d'être encouragée par des primes. La détaxe de 50 °/, sur les droits d'entrée en France nous semble constituer un avantage plus que suf- fisant. Les planteurs du Vénézuéla, de Trinidad, de l'Equateur, du Brésil et de San Thomé ont trouvé dans les bénéfices de cette culture, sans prime d'au- cune sorte, une large rémunération de leurs ef- forts. On ignore malheureusement trop chez nous l’im- portance d’un certain nombre de ces cultures colo- niales. L'exploitation agricole de nos colonies ne semble pas être encore aujourd'hui pour les capi- taux français un aimant capable de lutter contre l'attraction des mines d’or imaginaires et des che- mins de fer sans trafic. Nos compatriotes reconnaïtront un jour, il est permis de l’espérer, que le meilleur moyen de tirer parti de notre immense domaine colonial n'est peut-être pas de ne penser qu'à l’étendre tous les jours davantage. L'exemple des colonies anglaises et hollandaises montre nettement que la prospérité d’une colonie est intimement liée au développement de l’agricul- ture et probablement en raison inverse du nombre de fonctionnaires qu'on y rencontre. On s’obstine un peu trop chez nous à confondre deux choses es- sentiellement différentes: l'esprit d'aventure etl’es- prit de colonisation. Si l'esprit de colonisation était un peu plus développé chez nous, nos colonies trouveraient dans l’agriculture une prospérité qui leur manque, et elles fourniraient à l'industrie na- tionale les matières premières que nous demandons actuellement à l'étranger. Henri Lecomte, Docteur ès sciences, Professeur au Lycée Saint-Louis, BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX _ 1 n BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques Meyer (W.-Fr.), Professeur à l'Ecole royale des Mines de Clausthal (Hanovre). — Sur les progrès de la Théorie des Invariants projectifs. (Traduit et annoté par M. H. Feux, Privat-Docent à l'université de Genève, avec une préface de M. MAURICE D'OCAGNE, Professeur à l'Ecole des Ponts et Chaussées). — 1 vol. an-8° de 160 pages. (Prix : 5 fr.) Gauthier-Villars et fils, édi- teurs. Paris, 1897. On peut comparer les Mathémathiques à un pays, qui, comme la Russie ou les Etats-Unis, déjà énorme, s'agrandit et se peuple avec une extrême rapidité. Les voyageurs qui ne veulent pas se lancer à corps perdu dans telle ou telle province, ont besoin d'un livre-guide, comme Joanne ou Bæœdecker. Ils examineront bien tout seuls, en détail, les curiosités qui les intéresseront, mais ils désirent qu'on leur dise en gros quelles choses sont à voir. C'est un pareil livre-guide qu'a composé M. Meyer pour la province Théorie des Formes algébriques, et dont les Invariants sont les plus notables monuments. Il faut souhaiter la multiplication de pareils ouvrages, dont l'utilité est si grande. On ne fait pas le résumé d'un résumé. Je me borne- rai à dire que le livre est clair, précis, bien ordonné, suffisamment complet. La bibliographie est riche, sys- tématiquement classée, avec table alphabétique de noms d'auteurs. On peut conseiller aux algébristes l'acquisition de l'ouvrage ; il leur épargnera bien du temps et des recherches dans de volumineux recueils. M. d'Ocagne à ajouté quelques mots de préface pour présenter au public de France la traduction de M. Fehr. LÉON AUTONNE, Maitre de Conférences de Mathématiques à l'Université de Lyon. Farman (D.), Ingénieur mécanicien. — Les Automo- biles. — 1 vol. in-8° de 319 pages avec 102 figures dans le texte. (Prix : Broché, 5 fr.; cartonné, 6 fr.) J. Fritsch, éditeur. Paris, 1897. Cet ouvrage embrasse la locomotion automobile sur rails et sur routes, par moteurs à vapeur, à air com- primé, à essence de pétrole et à accumulateurs élec- triques. C'est dire que, dans un domaine aussi vaste, tout n'a pu être beaucoup développé. Dans les chapitres 1 et IL, l'auteur rappelle les lois fondamentales de la Thermodynamique des gaz parfaits et la théorie générale des divers genres de moteurs, par des considérations assurément intéressantes, mais qui ne nous semblent pouvoir être consultées avec fruit par les profanes et qui n'offrent rien de nouveau pour les ingénieurs. Peut-être les quatre-vingls pages qu'elles prennent auraient-elles pu être plus utilement consacrées à des développements moins abstraits. L'étude de la traction à vapeur débute par celle du générateur Serpollet, auquel est fort justement attri- buée la majeure partie des progrès réalisés par ce mode de locomotion, el qui est, en tout cas, la base des tram- ways et voitures Serpollet et des tracteurs et voitures Le Blant. Puis, c'est le tour du générateur de Dion et Bouton, et du tracteur, bien connu, de ces constructeurs : de la chaudière Field et des véhicules de M. Amédée Bollée, l'un des premiers mécaniciens qui se soient occupés de la locomotion sur routes; du moteur rotatif Filtz, que cherche à exploiter la Société Decauville. L'étude des tramways Rowan et Francq, le premier à vapeur, le second à vapeur sans feu ou à eau chaude, termine celte partie de l'ouvrage. 1 ET, INDEX Les automobiles à air comprimé ne sont représentés que par le tramway Popp-Conti,— le système Mekarski, qui à cependant fait ses preuves, n'y étant mentionné qu'en passant. Avec les automobiles à pétrole, nous arrivons à des malières plusneuves que celles étudiées jusque-là. Cette parie s'ouvre naturellement par l'étude du moteur Dai- mler, le premier qui ait été véritablement combiné pour Ja propulsion des voitures et qu'ont exclusivement em- ployé MM. Panhard et Levassor et la maison Peugeot, Jusqu'au jour où ils ont eu créé leurs moteurs actuels, simplement indiqués par l'ouvrage. Le moteur Benz est étudié, à propos de la voiture Roger, mais princi- palement sous sa forme à deux temps, qui n’est plus employée. Les véhicules Gladiator viennent ensuite avec leur moteur spécial, et nous conduisent à la voi- ture américaine Duryea à moteur Kane-Pennington. Nous voyons enfin défiler le moteur Loyal, le tracteur à pétrole Lepape, les voitures Tentiog, Delahaye, Rossel, les moteurs Pygmée et Gnome. Comme automobiles électriques sont décrits les sys- tèmes Jeantaud, Morris et Salom (de Philadelphie) el Bogard. L'ouvrage donne l'intéressant rapport de MM. J. Lundie et L. Sammers sur les voitures américaines, inscriles dans la course de « Times Herald » de Chicago. Le dernier chapitre est consacré aux appareils de carburation, d'allumage et de graissage, dont le jeu est si important pour le bon fonctionnement des automo- biles. En lisant ce livre, on se prend souvent à désirer plus de détails qu'il n’en donne; mais la faute en est surtout aux constructeurs, qui se montrent fort avares de renseignements. Cependant nous avons remarqué certaines lacunes regrettables : telle celle relative à l'engrenage différentiel de Pecqueur, qui y est seule- ment nommé, alors qu'avec l’essieu à deux pivots de Bollée, il a été l’un des gros facteurs du développement de l’automobilisme sur route. Du reste, le reproche qu'on peut faire à l'ouvrage, c'est justement de ne pas mettre assez en relief les points saillants qui dominent la question, quelque mal fixée qu'elle soit encore. Au demeurant, on y trouvera des renseigne- ments puisés à bien des sources et qu'il était intéres- sant de grouper. GÉRARD LAVERGNE, Ingénieur civil des Mines. 2° Sciences physiques Voigt (Waldemar), Professeur de Physique à l'Univer- sité de Güttingen.— Kompendium der theoretischen Physik. I Band: Mechanik starrer und nichts- tarrer Kærper, Wærmelehre. 1 vol. de 610 pages avec fig. (Prix : 17 fr. 50). — Il Band: Elektricitæt und Magnetismus. Optik. 1 vol. de 810 pages (Prix : 22 fr. 501. Veit et Cie, éditeurs, Leipzig, 1897. Voilà un fort bel ouvrage, dans lequel l'éminent professeur de Güttingue a réussi à condenser, sous une forme mathématique, le plus clair de nos connais- sances en Physique. La méthode que nous avons ren- contrée dans la Mécanique du même auteur, analysée récemment dans la Revue, se retrouve dans cet ouvrage plus considérable encore. Les Mathématiques sont ici un moyen d'abréger le langage et de renfermer l'idée dans sa forme la plus concise. Mais toujours celle-ci prédomine, émergeant à chaque page en vues générales et en apercus ingénieux. Ah ! par exemple, les lecteurs qui aiment à rencontrer dans un livre beaucoup de petits faits dans un nombre égal de petits casiers ne trouveront pas leur compte à la lecture de l'ouvrage BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX de M. Voigt ; le cadre craque, les sections empiètent les unes sur les autres, mais combien l’ensemble gagne à ces rapprochements ! Ainsi, dès le deuxième chapitre, nous abordons l'étude des actions qui interviennent dans le mouve- ment d'un système de points matériels; sous le titre Forces réciproques fonctions de la distance seule, nous trouvons l'expression des lois de Newton et de Cou- lomb; puis, sous le titre des Actions réciproques de na- ture générale, nous arrivons à l'étude de la loi de Weber, dans laquelle interviennent les vitesses et les accélérations. A l’article suivant, après la démonstration du théo- rème du viriel, nous entrons d'emblée dans l'étude de la théorie cinétique des gaz et de la pression osmo- tique. Ce n’est cependant qu'après avoir passé le chemin moyen des molécules, le frottement des gaz et les phénomènes qui en dépendent, que nous arrivons à la répartition des vitesses dont on a tant parlé en ces der- niers temps à la suite de la discussion serrée à laquelle M. J. Bertrand à soumis les fondements du calcul de cette vitesse. Nous voici, à la page 78, aux équations d’'Hamilton et de Lagrange. Ce serait peu si l’on avait suivi le droit chemin; mais les applications que l'on a traitées à propos des théorèmes généraux en ont mon- tré la signification et l'importance. L'introduction de deux systèmes particuliers de coor- données dans les équations de Lagrange relatives au mouvement d'un point matériel, conduit aux systèmes nommés par Helmholtz systèmes cycliques, parce que le problème général qui en dépend est analogue à celui du mouvement d’un fluide en un cycle fermé. Un coup d'œil sur les applications des systèmes cycliques à l'étude de l'Electricité et de la Thermodynamique ter- mine le chapitre. Le mouvement des corps rigides forme l'objet du chapitre suivant ; outre les théorèmes que l’on doit s'attendre à rencontrer sous ce titre, nous sommes très naturellement conduits, par l'étude des actions récipro- ques entre des systèmes rigides, à la théorie moléculaire de l’élasticité, dans sa forme la plus générale, et aux groupements cristallographiques. La pente naturelle qui a conduit M. Voigt à l'étude personnelle de ces parties de la Physique donne à ces pages une grande autorité, dont l’auteur use, d’ailleurs, fort discrètement; le reste du chapitre traite des diverses fonctions poten- tielles, des fonctions de Green, et de l'application des systèmes cycliques à l'étude de l’Electrodynamique suivant les conceptions de Maxwell. Sous le titre de corps non rigides, M. Voigt comprend les liquides, dont l'étude mécanique forme l’objet de la deuxième partie ; les forces capillaires, les tourbillons, l'écoulement des fluides sans surfaces libres conduisant aux équations du courant électrique, et, plus générale- ment, au mouvement des fluides impondérables dans la matière pondérable, sont groupés dans ce chapitre ; enfin l’'Elasticité et l’Acoustique terminent la partie äe l'ouvrage consacrée à la Mécanique et à ses applica- tions. Certaines équations rencontrées ici se retrouveront en Optique; ce sont, en particulier, celles qui traitent du mouvement ondulatoire dans un milieu absorbant, auxquelles on est conduit par les phénomènes de frot- tement intérieur et les résidus d’élasticité. Lorsque nous abordons, à la fin du volume, l'étude de la Chaleur, le terrain est défriché; il reste surtout à faire voir l'importance des deux principes et leurs applications aux phénomènes naturels; de nouvelles conséquences desthéorèmes généraux étudiés au début de l'ouvrage conduisent à l'équilibre thermochimique et à la dissociation. D'après ce que nous venons de voir au sujet du pre- mier volume, l'arrangement du second, consacré à l'Electricité et à l'Optique était à peu près prescrit ; aussi, bien qu'il soit peut-être plus important encore, pourrons-nous en abréger l'analyse. Après les conduc- leurs, nous arrivons aux diélectriques, d'abord iso- | tropes, puis aux cas importants des diélectriques cristallisés ; d’ailleurs, les phénomènes réels sont ramenés aux deux cas extrêmes par quelques indiea- tions générales aboutissant à cette règle pratique que « tous les corps possèdent les propriétés des diélec- triques pour des variations rapides de l'état électrique, et celles des conducteurs pour des variations suffisam- ment lentes de cet état ». L'étude des propriétés élec- triques des cristaux donne à l’auteur l’occasion de revenir à d'importants développements de Thermodyna- muique, à propos de la piézo-électricité et de la pyro- électricité. Quelques considérations sur les actions à distance ont montré qu'il était pour le moment illusoire de chercher à se représenter le mode de transmission des forces électriques; c'est pourquoi, jusqu'à la deserip- tion des expériences sur les oscillations rapides, on se bornera à la forme mathématique, sans faire allusion au principe du phénomène. | Mais les oscillations permettent de faire ressortir la part que prend le diélectrique aux phénomènes élec- tro-magnétiques variables; et, dès le moment où l’on étudie les expériences de Hertz, le milieu prend une importance prédominante; cette importance du milieu apparaît surtout daus la difficile question, traitée par Hertz, des équations de l'induction pour les corps en mouvement par rapport au milieu ambiant. Mais les équations, telles que les adopte M. Voigt, ne rendent pas compte du fait que les milieux transparents empor- tent avec eux dans leur mouvement propre une partie du mouvement vibratoire, comme l’avait prévu Fresnel, | et comme l'ont démontré expérimentalement M. Fizeau et MM.Michelson et Morley. L'auteur mentionne ce défaut des équations, mais en réserve la correction, indiquée du reste par M. Lorentz. Lorsqu'on arrive, à la fin de l'ouvrage, aux théories optiques, elles ne sont plus incounues : nous avons vu, dans l'Elasticité, les équations du mouvement des ondes, et, dans l'Electricité, la théorie électro-magnétique de ce mouvement. Il reste maintenant à partir des faits d'expériences purement optiques pour compléter l'étude de l’Optique physique. C’est par l'expérience fondamentale de Thomas Young, ou mieux encore par les interférences obtenues par la méthode de Jamin, # l’aide de deux glaces parallèles, que M. Voigt établit l'équation du mouvement lumineux. Le cas de la lumière polarisée est ensuite étudié comme le plus simple, et c'est seulement après avoir résolu les pre- miers problèmes qui s'y rattachent que l’on arrive à la lumière naturelle ou partiellement polarisée. Des équations générales de la propagation dans le vide, on passe aux milieux actifs et inactifs et aux milieux absorbants. Ces dernières questions sont trai- tées en partant du principe d'Hamilton appliqué d’abord au vide, puis aux milieux possédant des pro- priétés quelconques. Ce chapitre se termine par l'absorption sélective et la réfraction anomale, aux- quelles on a consacré tant de travaux depuis quelques mois. C’est au dernier chapitre seulement que l’on abordera l'étude générale de la diffraction, déduite du principe d'Huyghens, soit dans la méthode de Fresnel, soit dans celle de Fraunhofer. Jusqu'ici, nous n'avons considéré que les ondes. Dans un court article qui clôt le volume, nous passons le pont qui conduit à l'Optique des rayons en spécialisant les formules générales. On apercoit ainsi, de loin, l'Optique géométrique, dont il n'est pas question dans l'ouvrage. C'est aussi dans ce dernier article que l’on trouve la loi d'émission indiquée par Euler dans le cas de la Mé- canique, et spécialisée par Kirchoff; et l’on termine par un doute sur la généralité de cette loi au sujet de laquelle des expériences récentes onf montré qu elle contient peut-être dans tous les cas une part d'un phé- nomène irréversible. Arrivé au terme de cette analyse, nous ne nous flat- tons pas d’avoir pu caractériser exactement l'œuvre de M. Voigt. L'ouvrage est en même temps un aide-mémoire 4 TÉL HE vd ü BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 1177 etune œuvre didactique, plutôt qu'une érudite compi- lation. Peu d'expériences, en effet, sont indiquées au cours de l'ouvrage, et une demi-douzaine de résultats numériques au maximum. L'exposé est allégé aussi de la plupart des noms d'auteurs; c'est à la fin de chaque chapitre que M. Voigt indique les sources : d'abord les ouvrages généraux, puis les mémoires auxquels ren- voient des chiffres du texte. L'ouvrage entier témoigne d'un immense labeur, et d'un grand effort de synthèse. Est-il en tous points parfait suivant le plan même de l’auteur ? C'est aux maîtres qu'il appartient de le dire. CH.-E. GUILLAUME, Physicien au Bureau international des Poids et Mesures. 3° Sciences naturelles De Margerie (Emm.). — Catalogue des Bibliogra- phies géologiques. — 1 vol. in-8° de 734 pages. Gau- thier- Villars et fils, éditeurs. Paris, 1897. Quiconque s'est livré à des recherches bibliogra- phiques sur un sujet déterminé sait en présence de quelles difficultés il s’est trouvé, quelles pertes de temps il a éprouvées en raison de l’éparpillement des docu- ments, de la multiplicité des périodiques scientifiques. Au milieu de ce labyrinthe de la liltérature, une biblio- graphie bien faite du sujet dont on s'occupe est un fil d'Ariane que l’on prend toujours en main avec salisfac- lion; mais comment avoir connaissance des bibliogra- phies qui ont pu être publiés sur une matière donnée ? En Géologie, notamment, la multiplicité des branches de la science, la nécessité dans laquelle on se trouve d'avoir recours à des travaux publiés dans les langues les plus diverses et dans les pays les plus lointains com- pliquent singulièrement les recherches. Lorsque, à la suite de la 5° session du Congrès Géologique Internatio- nal, tenue à Washington en 1891, une Commission per- manente de Bibliographie eut été constituée, son pre- mier acte fut de voter la préparation d'un répertoire des bibliographies géologiques; l'exécution du travail fut confiée au secrétaire de Ja Commission, M. Emm. de Margerie, que sa compétence en matière de bibliogra- phie et sa grande érudition désignaient tout particuliè- rement pour cette fonction. M. de Margerie eut à cen- traliser tous les documents qui lui furent communiqués par les membres de la Commission, mais il dut se livrer à une refonte complète de ces documents. Il put réunir : et classer ainsi tout près de 4.000 fiches; le volume dans lequel elles sont reproduites vient de paraître ; par sa correction typographique il fait honneur à l’au- teur el à l'éditeur; il rendra aux géologues, aux géo- graphes, aux minéralogistes de tous les pays des ser- vices inappréciables. Euice Hauc, Maître de Conférences de Géologie à la Faculté des Sciences de Paris. Langlois (Paul), Chef du Laboratoire de Physiologie à la Faculté de Médecine de Paris. — Sur les fonctions des Capsules surrénales. (Thèse pour le Doctorat de la Faculté des Sciences de Paris.) — 1 vol. in-8° de 136 pages avec figures. F. Alcan, éditeur. Paris, 4897. Lorsque MM. Abelous et Langlois entreprirent leurs premières recherches sur le rôle des capsules surré- nales (1891), si cette question n'était point neuve, elle était encore fort obscure. Elle n’était pasneuve, puisque le célèbre médecin anglais Thomas Addison avait décou- xert en 1855 la relation entre le syndrome morbide qui a conservé son nom (maladie d'Addison) et des altéra- tions des capsules surrénales, el que, l'année suivante, Brown-Séquard avait montré par un grand nombre d’ex- périences sur les animaux que la suppression de ces organes entraine la mort à la suite d'accidents carac- téristiques. Mais la signification du rapport établi par Addison entre la maladie bronzée et des lésions des capsules, avait été contestée, et, d'autre part, les con- clusions tirées de ses expériences par Brown-Séquard avaient trouvé peu d'adhérents. C'est que, il faut bien REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897. le reconnaitre, parmi ces conclusions, toutes n'étaient pas exactes; bien plus, les faits principaux eux-mêmes avaient été révoqués en doute par plusieurs expérimen- tateurs qui, par exemple, prélendaient avoir vu sur- vivre les animaux à l’ablation complète des capsules ; etla raison de {elles contradictions restaitindéterminée, Ce fut le premier et essentiel mérite des expériences très soignées d’Abelous et Langlois de lever tous ces doutes; la question se trouya du coup éclaircie. L'extir- pation des glandes supra-rénales, si elle est totale, est rapidement mortelle chez la grenouille (Abelous et Lan- glois) comme chez le cobaye (Brown-Séquard, Abelous et Langlois) et chez le chien (Langlois); mais il faut absolument que celte extirpalion soit complète, et, comme il est assez facile, si l’on n'est pas bien prévenu de la nécessité absolue de cette condition, de laisser en place un fragment glandulaire, on s'explique aisé- ment par là les insuccès des anciens contradicteurs de Brown-Séquard. Ces résultats rapprochaient d'ailleurs la glande surrénale des autres glandes à sécrétion interne, telles que le pancréas et la thyroïde. Mais ces recherches furent poussées plus loin. Déter- minant avec précision les accidents consécutifs à l'opé- ration, les auteurs remarquèrent un fait d'une grande importance, c'est à savoir que les grenouilles et les cobayes privés de leurs capsules présentent des modi- fications de l'excitabilité des nerfs moteurs telles que l’on est nécessairement amené à penser que ces ani- maux sont empoisonnés par une substance qui agit à la facon du curare. La présence d'une semblable subs- tance fut, en effet, constatée physiologiquement dans le sang des cobayes, lapins et chiens opérés, au moyen d'injections de sérum sanguin de ces animaux, faites à d’autres de même espèce ou d'espèce différente et produisant des phénomènes {ypiques de paralysie. En même temps, d'autres expériences élablissaient que la substance en question doit provenir du tissu muscu- laire, résultant du fonctionnement des muscles. Ce der- nier fait d’un si haut intérêt fut bientôt confirmé par un très bon travail du physiologiste italien Albanese. Dans le dernier chapitre de sa thèse, Conclusions, M. Langlois a écrit : « Les capsules surçgénales sont des glandes vasculaires sanguines dont l'importance fonc- tionnelle est manifeste. Leur destruelion totale amène fatalement et rapidement la mort. Ce sont des organes chargés de modifier, neutraliser ou délruire des poisons fabriqués sans doute au cours du travail musculaire et qui s'accumulent dans l'organisme après la destruction des glandes surrénales... Quant au lieu de formation des produits toxiques que doivent détruire les capsules surrénales, nous pensons qu'il se trouve dans les muscles, attendu que l'extrait alcoolique de muscle est très {toxique pour les grenouilles acapsulées et que ces animaux ne résistent pas à la fatigue, fait bien observé depuis par Albanese et par Abelous. » C'est là le résumé exact des principales recherches exécutées par l’auteur, soit seul, soit en collaboration avec Abelous. Il n'est que juste d'ajouter que ces recherches ont singulièrement enrichi la Physiologie ; sur une question fort obscure une claire lumière à été projetée ; on sait sûrement maintenant :que les capsules sont indispensables à la vie, et cela chez les animaux à sang froid comme chez les Mammifères; quelle est la nature essentielle des troubles présentes par les ani- maux privés de ces organes, et que ceux-c1 détruisent normalement une substance toxique produite dans les muscles. Et ces acquisitions peuvent être considérées comme définitives. Dans la voie ainsi largement ouverte, d’ailleurs, bien des chercheurs se sont engagés et à leur tour ont récolté. De telle sorte qu'il est aussi per- mis de dire que les recherches dont il s'agit ont rappelé l'attention des physiologistes sur des organes négligés à tort ou de guerre lasse. Sans doute, bien des points sont encore indéterminés : la nature de la toxine musculaire dont il a été parlé, par exemple, et le mode même d'action des capsules surrénales, le mécanisme par lequel les éléments glan- 17 RTS BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX dulaires neutralisent ou délruisent la toxine. Dans la seconde partie de sa thèse, M. Langlois examine avec prudence ces problèmes et quelques autres questions diseutables, plus où moins récemment posées sur les fonctions de ces glandes, et il soumet à une critique sagace, à la fois d'ordre théorique et de nature expé- rimentale, les solutions qui ont pu en être données. De tous ces derniers chapitres il ne se dégage plus sans doute de notions aussi importantes que celles qui sont exposées dans la première partie de l'ouvrage, mais on y trouve encore bien des indications utiles, des apereus ingénieux, des faits intéressants, comme ceux relatifs, par exemple, à l’action antitoxique du tissu des capsules, à l'action vaso-motrice, si curieuse, des extraits de ces organes ou à d’autres effets de ces extraits, aux effets du sang de la veine capsulaire, etc. Pour toutes ces raisons, la thèse de M. Langlois con- stitue et restera une excellente monographie. C’est que l’auteur avait fait sur la question des expériences déci- sives et qu'il lui a suffi d'en rédiger un exposé précis el clair pour présenter à la Faculté des Sciences un tra- vail müri, dont la valeur, la signification et la portée sont déjà reconnues par tous les physiologistes. E. GLEY, Professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Paris, 4° Sciences médicales Gautier (Armand), Membre de l'Académie des Scien- ces el de l’Académie de Médecine, Professeur de Chimie à la Facullé de Médecine de Paris, et Arthus (Mau- 1ice), Professeur à l'Université de Fribourg (Suisse). — Leçons de Chimie biologique normale et patholo- gique. — 1 vol. in-8° de 828 pages avec figures (Prix : 18 francs). Masson et Ci°, éditeurs. Paris, 1897. Dès la première édition, les lecons de Chimie biolo- gique de M. Armand Gautier étaient devenues un livre classique, quelque chose comme le Hoppe-Seyler fran- cais pour tous les chimistes, physiologistes ou méde- cins qui s'intéressent aux progrès de cette branche sans cesse grandissarme de la Chimie. La nouvelle édition peut revendiquer sur la précédente deux avantages : toul d’abord, celui de paraître à une heure décisive dans l'évo- lution de la science, au moment précis où la Chimie biolo- gique, après avoir glané nombre de découvertes aux abords immédiats du domaine médical, s'est attaquée directement aux problèmes de la Médecine propre- ment dite, et déjà, dans cette voie, a remporté quelques victoires qui ne laissent pas que d’être fort brillantes. A un second point de vue, cette deuxième édition arrive à son heure : la Chimie biologique ne s'adresse pas seulement à un groupe restreint de savants ou de curieux, elle figure aujourd'hui dans le programme des Facultés de Médecine, et a sa véritable place à côté de la Physiologie, à laquelle une communauté évidente du but à poursuivre et des méthodes à em- ployer la lie de plus en plus étroitement. Enfin, la Chi- mie biologique n'est plus, comme autrefois, reléguée aux dernières lecons d'un cours magistral ou résumée en un modesle enseignement auxiliaire ; d'après les nouveaux règlements, elle constitue le domaine exclu- sil des professeurs de Chimie dans les Facultés de Médecine et, pour ainsi dire, la principale raison d'être de leur maintien dans les cadres de la scolarité médicale. Le livre de M. Armand Gautier est appelé à bénéficier de tous ces avantages, et l’auteur s’en est bien rendu compile. S'il a donné dans son traité un grand déve- loppement à l'histoire chimique des principes immt- diats de l'organisme, à l'étude de leurs propriétés, à leur préparation ou à leur synthèse, s’il s'est proposé d'asseoir sur une forte instruction chimique l'éducation biologique du futur médecin, M. Armand Gautier n’a pas perdu de vue que le publie auquel il s'adresse est, par excellence, un public médical, que la Chimie n'est pas le but final des efforts de l'étudiant en médecine, mais bien une voie d'accès, la plus rationnelle, la plus sûre et aussi la plus féconde, vers la Physiologie, la Pathologie, la Clinique et toutes les sciences qui gravi- tent autour d'elles. M. Armand Gautier a, pour cette seconde édition, associé à son œuvre un jeune savant qui a réussi à imposer l'autorité de son nom et de ses travaux aux spécialistes de la Chimie aussi bien qu'aux profession- nels de la Physiologie pure. M. Maurice Arthus à apporté plus d’une addition précieuse au livre sub- stantiel, riche d'idées, nourri de faits, qu'avait éerit M. Armand Gautier en rédigeant la première édition de son traité. L'ouvrage est distribué en cinq parties : 4° Princi- pes immédials de l'organisme ; 2° Humeurs et tissus ; 3° Fonctions générales (respiration, digestion, ete.) ; 1 Phénomènes primordiaux de l'assimilation et de la désassimilation ; 5° Lois de la vie d'ensemble. Bien que ce programme présente dans son application quelques difficultés de détail, qu'il ne sépare pas assez nette- ment ce qui est du domaine de la Chimie biologique gé- nérale et ce quiappartient en propre à la Chimie physio- logique, quoiqu'il expose les auteurs à répartir sur plusieurs chapitres des notions qui seraient avec avan- lage condensées en un seul, malgré lout, l'exposition se développe bien, suivant un plan logique, plein de méthode et de clarté. Personne mieux que M. Armand Gautier ne pouvait écrire l'histoire complète des albumines; on en trou- vera dans son livre une fort belle étude. Relevons, en passant, quelques modifications dans la classification des albumines, le groupement très naturel des corps protéiques qui, outre les éléments fondamentaux, ren- ferment du fer, du cuivre, de l’iode, ete. Les travaux de Kossel et de l’école de Marburg ont éclairé d'une vive lumière Ja constitution des nucléo-albumines; ils sont exposés avec détails dans le chapitre consacré à cette importante classe de composés. Actuellement, en Bactériologie la première place est aux produits solu- bles: MM. Gautier et Arthus se sont efforcés d'en tenir compte et ils y ont pleinement réussi en dévelop- pant comme il convient la question des toxines micro- biennes (tétanos, diphtérie, charbon, choléra, tubercu- lose). La part contributive de l’auteur dans la décou- verte des principes immédiats dérivés des albumines a élé lrop grande pour que le chapitre des leucomaïnes ne porte pas l'empreinte d'un esprit qui a su découvrir, puis grouper en de larges vues synthétiques les faits qu'il avait mis en lumière. Dans la deuxième partie, on trouvera, à propos du musele, un exposé complet des belles recherches de M. Chauveau sur la source du travail musculaire. Ces pages sont aussi claires que le comporte l'étude de cette très difficile question où les notions d'élasticité, de force et de travail s’entremélent encore avec quelque confusion, du moins dans l'esprit du lecteur. En trai- tant du cartilage, les auteurs ont signalé les dernières recherches de Schmiedeberg sur les composés sulfo- conjugués du tissu cartilagineux. L'activité cérébrale a été pour M. Armand Gautier l’occasion d'exposer une fois de plus des idées très justes sur la délimitation entre la sensation d'une part, la conscience de cette sensation et l'idée d'autre part. On pourrait encore invoquer à l'appui de sa théorie l'argument des per- ceptions subconscientes, si propres à accuser cette dif- férenciation. Toutes les branches de la Chimie biologique ont fait, comme nous le disions plus haut, de remarquables progrès. On en trouvera la preuve dans les chapitres consacrés au foie et surtout à la glande thyroïde, sur laquelle la découverte du regretté Baumann vient d'at- tirer l'attention des chimistes. Mais nulle part peut- être, cette influence des travaux récenls ne se marque mieux que dans l'histoire chimique du sang et tout spécialement de la coagulation que MM. Gautier et Arthus, ce dernier en collaboration avec M. Pagès, ont contribué à élucider à la suite de recherches devenues BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX A79 classiques. Peut-être cependant pourrait-on trouver que la question n'est pas mise au courant des tout derniers efforts : la découverte, par Lilienfeld, de Ja leuco-nucléo- histone, les expériences de Woolridge sur le sang peptoné. C'est par une étude historique de nos connaissances sur le chimisme respiratoire que débute la troisième partie de l'ouvrage (Fonctions générales) ; puis vien- nent successivement la Respiration et la Digestion. Le livre de M. Armand Gautier est assez remarquable pour qu'on n'hésite pas à formuler un vœu : c'est celui de trouver à cette place, dans les éditions futures, une étude préliminaire, préface indispensable de la diges- tion, nous voulons parler de l'alimentation. La chimie des aliments est si fertile en déductions et en applica- tions de toutes sortës, elle présente de si étranges sin- gularités, elle à été racontée (c’est le mot) d'une façon si attrayante dans le fameux livre de Bunge, qu'un chimiste ne doit pas, semble-t-il, négliger cette riche matière ou même en écourter les développements. L'étude de la salive, celle du suc gastrique sont remar- quablement traitées : elles comprennent une monogra- phie complète de la pepsine; par contre, la part faite au chimisme pathologique de l'estomac aurait gagné à une plus grande étendue. Nous passons ensuite au sue pancréatique, à la bile, aux principes immédiats de cette humeur, enfin au suc intestinal et aux réactions chimiques de l'intestin grêle. L'urine a été etest encore le sujet de prédilection d'un grand nombre de biologistes; c'est de tous les liquides organiques le mieux connu, celui aussi dont l'étude, bien que très avancée, laisse le plus facilement sur- preudre quelques vérités nouvelles. L'importance de l'urine se mesure à la place toujours considérable qu'occupe l'urologie dans les traités classiques. L'ou- vrage de M. Armand Gautier n'échappe pas à la règle commune : il est fort bien documenté; malheureuse- ment, l'histoire des principes immédiats est répartie sur plusieurs chapitres et quelquefois dans des parties dif- férentes du volume. L'auteur passe en revue les lois de l'élimination des composés urinaires, les procédés de dosage, les variations physiologiques et pathologiques. Notons, en passant, un exposé très complet des élé- ments anormaux, des conditions de leur apparition, de leur origine et de leur diagnose. Tout ce qui est dit de la peptonurie et de l’hémoglobinurie paroxystique serait à citer. C’est par la chimie des organes reproducteurs que se termine la troisième partie de l'ouvrage : l'œuf, le sperme, l’importante et difficile question du lait sont étudiés tour à tour. Au sujet de la constitution phy- sique du lait, les auteurs se rangent avec la plupart des savants parmi les partisans d’une émulsion simple des globules butyreux maintenus à l'état d'éléments isolés par les seules forces capillaires, sans l'intervention d'une membrane protéique enveloppante. On ne sera pas surpris de trouver MM. Gautier et Arthus au nombre des auteurs qui admettent des différences foncières, spécifiques, entre les albumines du lait, contrairement à l'‘pinion uniciste soutenue par M. Duclaux, mais rejetée par tous les chimistes. Dans la quatrième partie du volume, le lecteur trou- vera une étude des divers mécanismes de la nutrition générale : d'abord, les procédés chimiques (actions de l’eau, des sels, des ferments solubles). € dernier cha- pitre a été mis au courant des importants travaux de ces dernières années; les recherches de MM. Bertrand et Bourquelot sur les oxydases, celles de M. Hanriot sur le ferment saponifiant des graisses y sont analysées avec soin. Une note expose, peut-être un peu briève- ment, les idées exprimées par M. Arthus touchant la nature des diastases. A ce propos, on ne peut nier que nous n’assistions actuellement, au cœur même de la Science et à l'exemple de ce qui se passe dans la Littérature et dans l'Art, à un incontestable réveil de ce que M. Brunelière appel- lerait l'idéalisme. Qu'on s'en offusque ou. qu'on s'en félicite (la chose importe assez peu), par suite d'une réaction contre la matérialisation systématique de tous les phénomènes naturels, nombre de savants écrivent aujourd'hui ce que nul d'entre eux n'eût coutresigné il y à vingt ans. M. Arthus à exprimé sur la nalure des enzymes des idées qui, pour n'être pas absolument neuves, n'en ont pas moins un grand intérêt, el je peux bien dire à mon tour que je considère ces myslérieux agents comme participant en quelque sorte aux phéno- mènes de la vie par suite de leurs étroites relations (qui peut-être ne sont pas seulement d'ordre chimique) avec les nucléo-albumines des noyaux cellulaires. Jai regretté, à cet égard, de ne pas trouver dans le volume que nous analysons ici, la relation d’une expérience, aussi ingénieuse que suggestive, imaginée par M. Ar- mand Gautier et qui ne ‘end à rien moins qu'à nous faire admettre qu'une trace de pepsine ensemen- cée dans un milieu favorable y développe progressive ment sa puissance et s'y comporte à la facon d'un microbe en voie de multiplication. Les procès chimiques de l'organisme occupent les derniers chapitres de la quatrième partie. L'auteur insiste avec force sur les phénomènes d'hydratation dont il a le premier signalé et démontré toute l'impor- tance : il établit que l'hydrolyse est par excellence le procédé de désassimilation des albuminoïdes et appuie de preuves nombreuses el décisives une opinion deve- nue classique. Puis, viennent les procès d’'assimilation et de désassimilation des matériaux organiques (sub- stances protéiques, graisses, hydrocarbonés), leurs modes de transformation et de dédoublement dans l'éco- nomie (oxydations, réductions, déshydratalions, ete.). C'est dans cette partie du volume que sont étudiées les mulations de matières dans l’économie, l’origine du glycogène, des corps gras, de l’urée, de l'acide urique, des composés biliaires, des pigments. La dernière partie est un chapitre de haute biologie: c'est un exposé de nos connaissances actuelles sur les sources de l'énergie et les lois de sa transformation chez les êtres vivants : principes thermochimiques géné- raux, évaluation chimiques et énergétique du potentiel alimentaire, dépenses d'énergie sous forme de chaleur, de travail physiologique et de travail extérieur, bilans en matière et en énergie des gains et des pertes de l’or- ganisme. Le volume se termine par la synthèse des idées et des faits qui constituent la texture du livre, M. Armand Gautier professe qu'un savant, arrivé au sommet de la hiérarchie scientifique, a pour devoir de jeter sur les choses un regard d'ensemble. Qui oserait l'en blâmer? Un homme de science, que ses travaux ont classé tel, doit-il écarter ces considérations synthé- tiques, ces vues hautes jusqu'où de pelits esprits dédaignent de s'élever ? M. Gautier est de ces savants que la philosophie n’effraie point, parce qu'ils croient très justement que la philosophie est la conclusion nécessaire, l’expresssion ullime, le couronrement in- dispensable de la science. Les lecteurs de cette Revue savent de quelle portée est l'esprit philosophique de M. Gautier. Ils retrouveront cette puissance de syn- thèse, ces théories hardies et fécondes dans le bel ouvrage dont l'analyse précédente ne saurait donner une idée exacte, mais dont on peut dire, en manière de conclusion, qu'il n'est pas seulement un volume des plus substantiels et des plus utiles par la somme cou- sidérable des matériaux qui y sont accumulés. C'est plus et mieux qu'un grand traité classique; c'est un bon livre : il fait penser. Dr Louis HUGOUNENO, Professeur à la Faculté de Médecine de Lyon, Correspondant de l'Académie de Médecine. 480 2 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS. SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 3 Mai 1897. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. H. Faye présente le sixième volume des Annales de l'Observatoire de Nice, contenant des recherches sur la planète Hécube, l'ob- servalion de nébuleuses et leur catalogue, la détermi- nalion descoordonnéesdes étoiles doubles. — M.F.Gon- nessiat à déduit, de mesures faites depuis douze ans à l'Observatoire de Lyon, une nouvelle loi des variations de la latitude; cette loi contient deux termes de plus que la loi .de Chandler; le plus important se rattache au déplacement de la ligne des nœuds de l'orbite lunaire. Cette nouvelle loi met en évidence l'action du Soleil et de la Lune sur le déplacement de l'axe de rotation à l'intérieur du sphéroïde terrestre. —M.S.Za- remba communique quelques considérations sur le problème de Dirichlet, d'où il déduit qu'on peut étendre à l’espace le « procédé alterné » de M. Schwarz., — Pour repérer la direction de la verticale, on emploie généralement soit des visées nadirales sur un bain de mercure, soit un pendule, soit une nivelle à bulle d'air. M. Ch. Lallemand a comparé les indications données par ces trois procédés avec celles fournies par une nou- velle méthode, proposée récemment comme plus expé- dilive et plus précise : le repérage direct par contact en trois points avec la surface libre du mercure. Il éta- blit que le nouveau procédé ne saurait, dans aucun cas, lutter avec la simple nivelle à bulle d'air. — M. G. Darboux fait le récit de l'inauguration du monu- ment de Lobatchevski à Kazan. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. H. Deslandres à observé une propriété nouvelle des rayons cathodiques: lors- qu'un de ces rayons est dévié par un corps voisin, le plus souvent il se divise en même temps en plusieurs rayons distincts qui sontinégalement dénés: les seconds rayons, qui étaient réunis dans le rayon primitif, se trouvent ainsi séparés. — MM. N. Egoroff et N. Geor- giewsky ont continué l'étude de Ja polarisation par- tielle des radiations émises par quelques sources lumi- neuses sous l'influence du champ magnétique et de sa varialion avec l'intensité du champ magnétique et la température de la flamme. — L'étude des phénomènes d'oxydation lente a conduit M. A. Bach à la conclusion que la transformation, dans l'organisme animal, de l'oxygène passif en oxygène actif peut s'effectuer par l'intermédiaire des peroxydes qui prennent naissance dans l'oxydation des substances facilement oxydables. — MM. H. Baubigny et P. Rivals donnent l'équation finale de la réaction qui se passe dans leur procédé de dosage du brome par le permanganate de potassium en présence de sulfate de cuivre : 2% KBr + SMnO'K + 21 CuSO* + 18 H20 — 12Br° + (Mn‘O1H5}° Cu + 5 [SOCuO + 3Cu (OH}2]+16K2S0; M. G. Charpy, dans ses études sur la constitution des alliages métalliques, est arrivé à reconnaitre : 40 des alliages eutectiques, c’est-à-dire à point de fusion mini- mum, analogues aux cryohydrates de M. Ponsot aides composés dléfinis, tels que Cu‘Sn ou Cu?Sb. — MM. Albert Lévy el F. Marboutin ont constalé que leur méthode de dosage de l’oxygène dissous dans l’eau ne s'appli- quait plus très bien à l’eau de mer; dans ce cas, ils pré- lérent remplacer le permanganate par le bichromate de potasse et déceler la fin de l'opération par le pro- cédé de la touche au moyen du ferricyanure de potas- siumn. M. D. Tombeck décrit un certain nombre de composés formés par les sels métalliques (ZnCI, ZnBr°, Znl°, CaCl°, CdBr°, Cd) avec des bases organiques (aniline, toluidine, xylidine); ces composés sont ana- logues à ceux formés par l'ammoniaque avec les mêmes sels. — M. R. Jarry a conslaté que la monométhyl- amine, liquide ou gazeuse, se combine avec le chlorure d'argent pour donner un composé de formule AgOl, AZH° (CH°). — MM. Alberto d'Aguiar et Wenceslau da Silva indiquent une méthode pour la recherche du Jaune de naphtol S et des colorants analogues dans les vins blancs et dans les liqueurs. — M. Aimé Girard termine la description de si nouvelle méthode d'ana- lyse du blé. Les bas produits et issues sont agités dans l'eau glacée pendant vingt-quatre heures; lamidon et le gluten restés adhérents aux débris d'enveloppes se détachent; les matières solubles se dissolvent. On dose alors séparément lamidon, le gluten, les matières solubles et le résidu insoluble, — M. E. Fleurent indique une méthode perfectionnée pour la détermination de la composition immédiate du gluten des farines de blé, c’est-à-dire du rapport de la gluténine à la glia- diné qui indique la qualité boulangère de la farine. — MM. L. Roos et F. Chabert adressent une note inli- tulée : Influence de la température de fermentation sur la teneur en azote des vins. 39 SCIENCES NATURELLES. — M. Ph. van Tieghem donne une classification générale des Phanérogames dans laquelle il se base, en première ligne, sur la nature du fruit, suivant qu'il est ou non pourvu de graines, puis sur l'absence ou la présence (et, dans ce dernier cas, la conformation plus ou moins compliquée) de l’ovule. Ce n'est que plus tard qu'il fait intervenir les caractères lirés de la conformation de la corolle et des rapports du pistil avec les verticilles externes de la fleur. — M. A. Sabatier recherche la signification morpholo- gique des os en chevron des vertèbres caudales. I montre que le système des os interépineux qui, au ni- veau de la cavité viscérale, a fourni les ceintures, les membres, le sternum et la clavicule, fournit, dans bien des cas, en arrière de la cavité viscérale, une série d'os en V, ou os en chevron, qui représentent les interépi- neux de la région caudale de la colonne vertébrale. — M. Louis Léger pense que, chez les Arthropodes, le genre Etmeria ne représente pas un parasite distinct, mais une partie du cycle évolutif de la Goccidie à spores durables qui coexiste avec lui. Le cycle entier de la Coccidie peut alors se résumer ainsi : sporozoïle eimérien, forme encapsulée, kyste tétrasporé (Cocei- dium), sporozoïle coccidien (pénétration dans lhôle), bourgeonnement eimérien, sporozoile eimérien. — M. J.-P. Morat montre que les inhibiteurs vasculaires quittent la moelle et par les racines antérieures et par les racines postérieures : ceux qui émanent des racines antérieures sont condensés vers ou dans la moelle dorsale; ceux qui émanent des racines postérieures sortent de la moelle au niveau de ses renflements (lombaire, bulbaire) et suivent le trajet direct des nerfs sensitivo-moteurs de la région. — MM. J. Sabrazès el P. Rivière ont constalé que les rayons X n'avaient au- cune influence appréciable sur le Microbacillus prodi- giosus; de même, ils n'ont ancune action sur la production des leucocytes, ni sur les mouvements du cœur chez les grenouilles. — M. J. Vallot établit que le Mont-Blanc est constitué par une série de plis paral- lèles très aigus, dirigés du nord-ouest au sud-est el plongeant tous au sud-est. — MM. J. Révil el J. Vivien étudient Ja tectonique de la chaîne Nivollet-Revard. L'anticlinal, qui constitue l'accident fondamental de la chaîne, est la continuation de celui du Semnoz; mais de nombreux plis secondaires sont venus s'y adjoindre pour s'empiler plus au sud. Louis BRUNET. ACADÉÈMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 181 ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 4 Mai 1897. MM. Prosper Lemaistre (de Limoges) et Vidal (d'Hyères) sont élus correspondants nationaux dans la Division de Médecine. — M. Javal présente un rapport sur un mémoire de MM. De Lapersonne et Grand (de Lille) relatif à un cas d’hémianopsie inférieure binocu- laire d'origine traumatique. La lésion, origine du mal, paraissait être corticale et située dans la partie la plus reculée du lobe occipital. — M. Le Dentu rapporte une observation de perforation spontanée de l'estomac sur sa face antérieure, sous le foie et à peu de distance du pylore. On pratiqua la laparotomie et le malade guérit. La laparotomie donne aujourd'hui de très bons résul- tats lorsqu'elle est pratiquée dans les premières heures de la perforation ; mais ses chances de réussite dimi- nuent rapidement à partir du premier jour. — M. Le Deutu montre un appendice extirpé présentant un rélrécissement et une toute petite perforation au delà du rétrécissement. — M. Dumontpallier, se basant sur un assez grand nombre de statistiques, pense que le traitement médical de l'appendicite est rationnel, utile et, le plus souvent, suffisant. L'intervention chirurgicale doit être réservée à des cas nettement déterminés. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 17 Mai 1897. M. Bouchard annonce la mort de M. Magitot el prononce son éloge. — MM. Gilbert et Garnier ont observé chez un chlorotique un souffle doux, continu, à renforcement systolique, au niveau de la veine cave supérieure et des troncs veineux branchio-céphaliques. — M. G. Linossier croit que, chez beaucoup d'hyper- chlorhydriques, l'acide chlorhydrique qui franchit le pilore détruit la trypsine pancréatique s'il nest pas neutralisé par une hyperalcalinité de l'intestin, et em- pêche ainsi, en partie ou totalement, la digestion pan- créalique. — M. C. Richet fait remarquer que chez les Sélaciens, où il existe de l'hyperchlorhydrie, la diges- tion est cependant très active. — MM. Souques et Marinesco décrivent les lésions de la moelle épinière qu'ils ont observées à la suite d'une amputation de la main. — M. Féré communique l'observation d'un épi- leptique devenu hémiplésiuue. — M. Féré a étudié l'action des vapeurs d'alcool, de chloroforme et d’éther sur le développement des œufs. — M. Lemoine (de Lille) a constaté que le bleu de méthylène amenait la disparition de l’albuminurie dans le mal de Bright. — M. Bourquelot met en garde les expérimentateurs, dans la recherche des ferments oxydants, contre des substances, telles que la quinone, qui ont des réac- tions colorées analogues à celles de ces ferments. — M. G. Weiss a mesuré la longueur des fibres de diffé- rents museles et étudié leur rapportavec le déplacement des extrémités. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance du 26 Mars 1897. M. H. Hélier passe en revue ses expériences sur les combinaisons des gaz aux basses températures. IL dis- cute les théories applicables à l'explication de ces phé- nomènes, que la théorie thermo-dynamique classique ne peut expliquer. Ces recherches démontrent qu'il existe des combinaisons limitées, mais non limitées par la réaction inverse. Ce fait, établi pour les gaz, parait plus général et pourra aussi expliquer les expériences de M. Pictet sur les réactions aux basses températures et les observalions que nous connaissons de réactions limites irréversibles. — M. L. Bourgeois a repris l'étude de la formation de l'urée par chauffe du sesquicarbo- nate et du carbamate d'ammoniaque. On arrive ainsi à des rendements de 7 à 40 °/,. — M. Friedel présente une note de M. Charabot sur l'essence de géranium et une note de M. A. Mermet sur une réaction de l’oxyde de carbone. Séance du 9 Avril 1897. M. Béchamp traite des ferments solubles, — M, C. Matignon à préparé le carbure de sodium et l’acéty- lène monosodé par l'action du sodium sur l’acétylène. Il est parvenu à obtenir ces composés très purs. Leurs réactions avec les oxydants, les halogènes, les aldé- hydes, les acétones feront l'objet de communications ultérieures. — M. H. Le Chatelier à éludié la dissocia- tion du minium. A 640° la tension de l'oxygène atteint une atmosphère. À température moins élevée elle dé- croit rapidement. À 445° elle n’est plus que de quel- ques millimètres de mercure. — M. Léger à étudié l'action de l’hypobromite de sodium sur certains phé- nols, Avec le phénol ordinaire, il semble d’abord y avoir formalion de tribromophéuol; puis la molécule se détruit, il se dégage de l'acide carbonique, il y a forma- tion d'acide oxalique, de tétrakromure de carbone ct d'une matière bromée amorphe. Les diphénols benzé- niques donnent des résultats identiques; il y a souvent formation d'abord de bromoforme, puis de ftétrabro- mure de carbone. Avec le pyrogallol on obtient presque exclusivement de l'acide carbonique etde lacide oxa- lique. Avec les phénols dérivés de la naphtaline, la destruction de la molécule est bien moins accusée. Ilse forme surtout des matières colorantes permeltant de distinguer ces corps. — M. Rosenstiehl démontre que, contrairement aux idées courantes, on peut, avant toute fermentation, dissoudre la matière colorante rouge des pellicules du raisin dans le jus du fruit. Il suftit de chauffer le moût à l'abri de l'air à 45-50°. La présence d'air donne un goût de euit et amène l'insolubilisation de la matière colorante. — M. Friedel présente une note de M. Collet sur l’action du chlorure d’acétyle sur quel- ques hydrocarbures aromatiques en présence du chlo- rure d'aluminium et une note de M. Genvresse sur un isomère du disulfure de diphenylène. E. CHarow, SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES C.-G. Knott : Sur les périodicités lunaires dans la fréquence des tremblements de terre. — Le mémoire de l’auteur est consacré à la discussion d'un catalogue de 8.831 tremblements de terre, survenus au Japon de 1885 à 1892, et enregistrés par le Professeur Milne. M. Knott arrive aux conclusions suivantes : 19 La fré- quence des tremblements de terre au Japon est évidem- ment soumise à une périodicité associée avec le jour lunaire ; 2° La période lunaire semi-diurne est particu- lièrement évidente, en raison de sa prééminence rela- tive et de la régularité avec laquelle, dans chacun des deux groupes des nombreux districts séismiques, sa phase est en relation avec l'époque du passage de la lune au méridien ; 3° Il n’est pas certain que la charge et la décharge dues au flux etau reflux des marées océaniques aient un effet sur la fréquence séismique ; 49 On doit donc considérer l'attraction périodique di- recte de la lune, dans sa variation journalière, comme la cause la plus probable d'une classe de fréquence qui n'excède pas 6°/, de la fréquence moyenne; 51 existe également à la fois comme amplitude et comme phase, une périodicité de quinze jours (semi-mensuelle) associée aux époques de conjonction et d'opposition de la Lune et du Soleil; 6° Aucune conclusion définie ne peut être tirée des périodicités apparentes, mensuelles et semi-mensuelles, qui semblent associées avec les chan- gements périodiques dans la distance de la lune et la déelinaison, car bien que des composants harmoniques existent lorsque les statistiques sont analysées confor- mément au changement périodique dans la position de la lune relatif à l'écliptique, aucune atiraction pério- dique ne peut ètre rattachée directement à cette pé- riode particulière ; 7° Dans aucun cas, la valeur de la phase n'apporte un soutien à l'hypothèse qu'il y a une 2 482 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES connexion réelle entre le changement dans la position de la lune et la fréquence des tremblements de terre, puisque la fréquence maximum tombe près de l'époque du périgée ; 8° Ces conclusions ont une valeur parti- culière, en ce qu'elles sont basées sur des statistiques exactes de plus de 7.000 tremblements de terre, ayant eu lieu pendant huit ans sur une portion limitée de la croûte lerrestre, les conditions séismiques étant donc restées constamment les mêmes. 20 SCIENCES PHYSIQUES J. Hopkinson, FE. R. S., et E. Wilson : Sur la capacité et la charge résiduelle des diélectriques et l'influence que la température et le temps exercent sur eux. — ia majeure partie des expériences décrites dans la note ont été faites avec le verre et la glace. On constate que, pour de longues durées, la charge rési- duelle diminue avec l'élévation de température dans le verre, mais que, dans un temps très court, elle aug- mente pour le verre et la glace. La capacité du verre, quand elle est calculée pour une petite durée, telle qu'un centième à un dixième de seconde, augmente plus avec l'élévation de tempéralure, mais quand elle est calculée pour une courte période, comme o de seconde, il ne se produit pas d'élévation sensible. La différence est due à la charge résiduelle qui apparaît 1 ; A entre de seconde et 200 de seconde. La capacité 50.000 de la glace, mesurée pour des périodes de un centième à un dixième de seconde, croît à la fois avec la tempé- rature et avec le temps; sa valeur est de l’ordre de 80. 5 Phi 1 Mesurée pour des périodes de 10% de seconde, sa valeur n’est plus que de 3. La différence est due à la charge résiduelle, qui apparaît dans les courtes durées. Pour le verre, la conductibilité a été observée à de très hautes températures et après un temps très court d’électrisa- tion; la conductibilité après =——— de seconde d’élec- PTÉS 50,000 trisalion est plus grande qu'après 10-000 mais, pour de plus grandes durées, elle est sensiblement constante. Morris WW. Travers : Expériences sur l'hélium. — MM. Runge et Paschen avaient annoncé, l’année dernière, que Fétude du spectre de l'hélium conduit à supposer la présence de deux éléments dans ce gaz, l’un donnant les lignes dans le jaune, l'autre les lignes dans le vert. M. Runge avait même présenté un tube contenant le constituant vert; mais il indiquait plus tard que cette couleur du spectre pouvait provenir d’une variation de pression. M. Travers a pensé que si l'héllum est réellement composé de plusieurs gaz, il devait être possible de [es séparer en se basant sur leur absorption différente par le platine. Dans ce but, les expériences suivantes ont été entreprises : Un tube de Pflücker, à électrodes de platine, est chauffé dans un bec de Bunsen; puis on y introduit de lhélium à 3 millimètres de pression. Si l’on y fait alors passer le courant d’une bobine, on observe un dépôt de platine autour de la cathode, en même temps que di- verses coloralions se succèdent dans l’ordre suivant : jaune (avec un peu de rouge), jaune prononcé, jaune vert; vert (très prononcé), vert phosphorescent; vide phosphorescent (des étincelles jaillissent entre les électrodes en dehors du tube). Si l’on relie alors le tube à une pompe de Tôpler, on constate qu'il ne con- tient plus aucune trace de gaz. Mais si l'on chauffe le tube dans un bee de Bunsen, le gaz se dégage peu à peu et, si l’on fait passer la décharge, on observe toutes les colorations précédentes, du vert au jaune. On voit donc que lhélium peut être entièrement absorbé par le platine. (l ne deuxième expérience est commencée comme la premiere, mais on arrête la décharge au moment où la coloration verte est la plus prononcée. S'il y a eu séparation, le gaz absorbé par le platine doit être formé en majeure partie du constituant jaune et doit donner un spectre jaune après avoir été mis en liberté. On en- lève donc le gaz restant et après avoir refermé le tube, on le chauffe dans un bec de Bunsen; mais si l’on fait passer de nouveau le courant, on observe invariable- ment une coloration verte. La couleur du spectre de l'hélium dépend donc de la pression; jaune à une cer- taine pression, elle devient verte à mesure que l'hélium est absorbé par le platine et que la pression diminue, L'auteur a remarqué, d'autre part, que si l’'hélium contenu dans le tube est mélangé à de l'argon, ce der- nier n’est absorbé qu'en très petite quantité. L'auteur s’est servi de cette propriété pour séparer ces deux corps el il donne la description d'un appareil qui per- met de faire cette séparation en grand. 39 SCIENCES NATURELLES Karl Pearson, F. R.S. et miss Alice Lee : Con- tributions mathématiques à la théorie de l’évolu- tion : la télégonie chez l’homme. — La réalité des faits de félégonie est aujourd'hui encore très énergique- ment contestée par bon nombre de naturalistes, qui croient pouvoir rendre comple soit par une connais- sance incomplète de l'hérédité des deux générateurs, soit par une variation spontanée, des très rares exemples authentiques apportés à l'appui de cette hypothèse. M. Pearson a pensé que l’on pouvait trouver dans une statistique comparative des mensurations des divers membres d'un certain groupe de familles des données utiles pour la solution de cette question de biologie générale. Si l’on constatait en effet qu’à tel ou tel point de vue, au point de vue de la taille par exemple, les plus jeunes enfants d'un couple présentent avec le père une ressemblance plus grande que les aînés et avec la mère une ressemblance moindre, on en pourrait infé- rer que l'organisme de la mère a subi une modification sous l'influence des relations sexuelles ou des gros- sesses successives qui l’a amené à différer de moins en moins de l'organisme paternel; il serait dès lors intel- ligible que les enfants que cette femme ainsi modifiée concevrait ultérieurement d’un autre homme présen- tassent des traits de ressemblance soit avec leurs frères aînés, soit avec le père de ceux-ci. Sans donner des faits aucune explication physiologique précise, on pour- rait donc affirmer qu'une influence télégonique existe, si la taille des cadets d’une famille est plus voisine de celle du père et plus éloignée de celle de la mère que ne l'était la faille des aînés, puisque dans le premier sas les deux générateurs seraient moins dissemblables que dans le second. M. Pearson à fait porter ses re- cherches sur 1.000 familles qui lui ont fourni 350 couples de frère aîné et frère cadet el 450 couples de sœur aînée et sœur cadette dont il a pu comparer les tailles entre elles et avec celles des parents. Les comparai- sons qu'il à établies entre ces données numériques l'ont amené à affirmer qu'en ce qui concerne la taille, il n'existe aucune preuve que dans l'espèce humaine le mâle exerce sur la femelle une influence télégonique constante, D'une manière générale, la stature des fils aînés est plus voisine que celle des fils cadets de la stature des pères, mais d'autre part, étant d'ordinaire moins élevée que ceile de leurs frères plus jeunes, elle s'éloigne moins de la stature des mères et si la taille des filles cadeltes se rapproche davantage de celle des pères que la taille de leurs sœurs aînées, on peut expliquer ce fait comme le précédent par un changement périodique ou séculaire de la taille ou comme le résultat de condi- tions différentes d'éducation physique qui tendent à l'élever. Si l'on n'avait examiné que les relations de la taille des filles à celles des parents, on aurait done pu être conduit à affirmer l'existence d'une influence télé- gonique dont nulle preuve ne vient ici établir la réalité. M. Pearson en arrive en outre à la conclusion qu'il est improbable que les coefficients de corrélation qui me- surent la force de l’hérédité entre parents et enfants ACADÈMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 183 soient constants dans une même race pour toutes les classes et il est amené à penser que, si l'influence de la mère semble décroître à mesure que s'accroit le nombre de ses enfants, l'influence du père restant constante, cela tient à ce qu'il existe chez la femelle, entre la transmission héréditaire de ses qualités et sa fécondité, une relation que l'on peut formuler ainsi : l'influence héréditaire varie en raison inverse de la fécondité. ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM Séance du 27 Mars 1897. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. H.-G. van de Sande Bakhuyzen : In memoriam de Ch. M. Schols, membre de l'Académie, professeur de Géodésie à l'Ecole Poly- technique de Delft. — M. J.-A.-C. Oudemans présente la cinquième partie de son travail : Die Triangulation von Java, u. s. w. — M. N.-T. Michaëlis présente la deuxième partie de son « Spoorwegbruggen over de hoofdrivieren » (Ponts de chemin de fer sur les rivières capitales). 2° SCIENCES PHYSIQUES. — Au nom de M. J.-W. Giltay, M. H. Haga fait la communication suivante : En 1883, J'ai démontré (Arch. Néerl., t. 19 et 20) qu'un conden- sateur sans batterie de charge, ainsi qu'un téléphone sans aimant permanent, rend les octaves des sons vhantés dans le microphone, de manière que les voyelles subissent des altérations graves. J'ai répété ces expériences avec un microphone du genre Hunnings qui donne des courants téléphoniques beaucoup plus loris, ce qui ma fait trouver quelques phénomènes nouveaux. Un condensateur (n° 1), dont la matière iso- lante consiste en papier à lettres, donnait exactement les phénomènes que j'ai décrits dans l’article cité, en se servant de charges téléphoniques bien fortes. Mais un condensateur (n° 2) à papier paraffiné comme matière isolante, quoique rendant le son d'une petite flüte (le la d'orchestre) à l'octave supérieure, parla in- telligiblement sans batterie auxiliaire. À vrai dire, le son n'était pas agréable et beaucoup moins intelligible que lorsqu'on faisait usage de la batterie de charge, mais avec beaucoup d'attention on pouvait suivre tout ce qui se disait à l’autre station. Cela s'explique proba- blement par la pénétration des charges dans la matière isolante, qui peut causer dans le condensateur, après le nivellement du potentiel dans l'inducteur, une aug- mentation ou une diminution de charge. Dans ce cas, ce résidu remplira le rôle de la charge permanente donnée par une batterie auxiliaire. Quand deux charges successives sont de même grandeur et de signe con- traire et que le temps qui les sépare reste constant — cas d'un son d'intensité et de hauteur constantes, — la charge pénétrée dans l’isolant ne pourra pas polariser le condensateur, parce que chaque nouvelle charge renverse le signe de la charge résiduelle de son prédé- cesseur. Il s'ensuit que le n° 2 rendra le son de la flûte d'orchestre à l'octaye supérieure aussi bien que le fait le n° 4. La voyelle o, prononcée avec une intensité constante, est reproduite comme à par le n° 2, Sans pile de charge, Obrocodobro est rendu comme Abrocodo- bro : au moment de l’arrivée des charges de la première voyelle, le condensateur n’est pas encore polarisé; à celui de l'arrivée des charges du second o, il a été pola- risé par les charges des consonnes b et r. Un conden- sateur (n° 4 ) à une feuille de mica comme isolant, donne un tout autre résultat, Il ne se produit de péné- tration des charges téléphoniques dans le mica. Sans batterie, le n° # parle inintelligiblement, mais, en revanche, ce condensateur montre, à un haut degré, la pénétration de la charge de la batterie dans le mica., En pressant pendant un moment le bouton qui fait entrer la batterie dans le circuit, on fait parler le con- densateur n° 4 d’une manière parfaitement articulée. En lâchant le bouton, après 30" l'influence polarisatrice de la batterie a disparu et le son est redevenu inintelli- gible. Eu égard à la lenteur avec laquelle la charge se meut dans le mica (elle a besoin de 30” pour le quitter), on s'explique que les charges téléphoniques ne sau- raient polariser le condensateur, leur existence éphé- mère étant d'une durée beaucoup trop courte pour effectuer une pénétration de quelque importance dans le mica. Le n° 4 montre encore un autre phénomène. En pressant le bouton indiqué plus haut, non pas mo- mentanément, mais durant 2 à 3 minutes, on entend distinctement le son devenir de plus en plus confus. Après 2 minutes, le n° & est tout à fait inintelligible, exactement comme s'il n’y avait pas de batterie dans le circuit. En relächant le bouton, immédiatement le son redevient très distinct, pour quelques moments seulement. Une expérience avec la flûte d'orchestre donna les mêmes résultats. En laissant la batterie dans le circuit pendant quelques minutes, le son acquiert un caractère de plus en plus aigu; en supprimant la batte- rie, le son s’abaisse immédiatement d’une octave pour revenir à sa hauteur primilive dans quelques minutes. On peut s'imaginer que la charge pénétrée dans l'iso- lant cherche la surface de la feuille de mica, dès que la batterie est supprimée, et qu'alors cette charge polarise encore le condensateur pendant quelques mo- ments. Mais il reste inexpliqué que la pénétration de Ja charge fait diminuer l'influence de la batterie et finit par en détruire totalement l'effet. Quand on veut dé- montrer par la voie téléphonique la théorie des voyelles donnée par Helmholtz, et qu'on désire être indépen- dant de la nature de la matière isolante, on peut se servir d'un petit appareil bien simple qu’on peut nom- mer téléphone électrodynamique. Cet appareil se com- pose d’une bobine en bois, sur laquelle est enroulé un fil de cuivre isolé, et qui est munie d’un manche. L'une des extrémités qui se porte à l'oreille est formée d’une lame mince de mica. En faisant circuler dans celte bo- bine un courant téléphonique, celle-ci montre tous les phénomènes que donne le condensateur n° {, sans pile auxiliaire : elle élève d’une octave la hauteur de tous les sons et parle donc inintelligiblement; mais si l’on y fait circuler en même temps un courant vol- taïque, il rétablit immédiatement l'articulation par- faite. — M. J.-D. van der Waals présente un travail de M. Z.-P. Bouman intitulé : Emission et absorption du verre el du quartz, à des températures diverses. Dans ses recherches, l’auteur s’est servi du radiomicromètre de M. C. Vernon Boys, après y avoir apporté quelques chan- gements de forme, conduisant à un plus haut degré de sensibilité. Les vibrations avaient une durée de 3" 1/2. L'échauffement des petites lames de verre ou de quartz (de 4 millimètre d'épaisseur) se faisait à l’aide du cou- rant électrique; on introduisait la lame dans un cy- lindre de cuivre, qui s'échauffait à l’aide d’un courant de + 10 ampères. Le maximum de l'émission du quartz se trouve près de 4,9 4; il éprouve un déplacement à peu près inversement proportionnel à T°. À partir des petits À, la courbe monte rapidement, pour descendre lentement vers le côté des grands X. Dans la partie qui monte, on rencontre deux petites vallées qui se pré- sentent également dans la courbe de l'absorption et dont la position ne dépend pas de la température. L'absorption de la lame de quartz croît d'une manière régulière avec la température. Le maximum de l'émis- sion du verre se trouve près de 4,6 p; la partie mon- tante présente un aplatissement assez large, que l'on rencontre aussi dans la courbe de l'absorption. L'ah- sorption du verre décroit, si la température s'élève jusqu'à 375°, pour recroître, si la température monte davantage; la température de 500 détruit la lame. Le ; émission - : quotient —— conduit encore à une courbe à absorption maximum dans le cas du verre: cependant, ce maxi- mum occupe une autre position. Pour une mème tem- pérature, il correspond au maximum du rayonnement de l’oxyde de cuivre; son déplacement est inversement proportionnel à T. Pour le quartz, la petitesse des nombres obtenus ne permettait pas de constater avec certitude les résultats analogues. 30 SCIENCES NATURELLES. —M, C.-K. Hoffmann présente 484 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES une communication de M. A.-G.-H. van Genderen Stort intitulée : Sur les téléneurones dans la rétine de Leuciseus rutilus. L'auteur est le premier qui observa, en 4884, une migration de l’ellipsoide des cônes qui, dans l'obscurité, s'éloignent de la membrane limitante ; il a, dans ces derniers mois, obtenu un durcissement etune coloration parfaits. Les expériences ont été faites sur des yeux de poissons téléostéens physostomes et principalement sur le Leuciscus rutilus. Les poissons élaient maintenus pendant quatre heures ou plus dans l'obscurité absolue ou pendant une heure ou plus à la lumière ordinaire du jour. Une telle rétine-obscurité se prête le mieux pour l’examination des cônes et des bâtonnets; ces derniers, qui sont très minces, sont beaucoup plus nombreux que les cônes dont le nombre diffère partout dans la rétine. Le noyau du cône est arrondi et situé sur la membrane limitante externe; il ne se trouve pas dans la couche des grains externes, qui ne renferme que les noyaux des bâlonnets. Entouré du protoplasme contractile du cône, ce noyau reste invariable el ne se colore pas facilement, ce qui, au contraire, est bien le cas avec le noyau des bâtonnets. Ce protoplasma contractile, allongé dans l’obscurité et rétréci à la lumière, réunit la cellule du cône à l'ellip- soide de forme ovoide, à laquelle se joint le segment externe. A ce côté de la membrane limitante externe, vers le centre de l'œil, on voit sortir de la cellule, à travers la couche des grains externes, un pédoncule mince, mais pourtant fort, se terminant avec pied élargi sur la couche basale ou granuleuse externe. Les cellules des bâtonnets se trouvent dans la couche des grains externes el ont l'air de petites bobines à grands noyaux qui se colorient facilement. De la bobine, une fibre monte à travers la membrane limitante externe pour s'attacher à un bâtonnet court et mince qui con- lient à Ja place de l'attachement un corps lenticulaire. La longueur de cette fibre dépend de la place du bâton- net dans la couche des cellules visuelles. En bas, vers le centre de l'œil, une fibre plus ou moins longue sort de la bobine ; elle se termine en bouton, comme l'a démontré M. Ramon y Cajal. — M. R.-D.-M. Verbeek: Sur la géologie de Bangka et de Biliton. Les deux îles se composent des mêmes formations. On y trouve une formalion sédimentaire, d'âge paléozoïque proba- blement, composée de grès, de quartzites, de schistes argileux et siliceux et de quelques autres roches, atteignant une épaisseur extraordinaire ; des granites, qui ont fait éruption à travers ces couches, les ont modiliées aux lieux de contact et se présentent aussi en forme de filons. Ces roches sont couvertes jusqu'à une hauteur de 30 à 40 mètres au-dessus du niveau de la mer par des couches horizontales de sable et d'argile, pour la plupart d'âge quaternaire, les couches infé- rieures des vallées (qui contiennent le minerai d'étain) faisant partie probablement de la formation pliocène. Aux embouchures des rivières et à la côte de la mer on trouve, comme formations alluviales récentes, des dépôts d'argile, de sable et du calcaire corallien, d’une élévation extrêmement faible par rapport à la marée haute. Les granites contiennent une quantité extrème- ment petite d'oxyde d'étain, ce qui prouve que les par- tiesplus profondes de la terre d'où ces granites en fusion ont pris naissance, renfermaient des composés d'étain. Une partie insignifiante de l’étain est cristallisée dans le granite comme cassitérite, mais la plupart s’est liée chimiquement en substituant l'acide silicique. La for- malion du minerai d'étain est de date plus récente; le minerai se présente sous forme de filons, combiné avec du quartz et des minerais de fer en filons très minces sur les faces de stratification des couches, et en même temps dans les filons du granite, imprégné dans le granite et les grès et alors toujours avec du quartz el des minerais de fer. Divers gisements semblent mon- trer que le minerai d'étain s’est précipité après la solidilication du granite. Les filons de cassitérite sont de dimensions insignifiantes. Cependant, la partie su= périeure de ces filons, disparue par décomposition el érosion, doit avoir été plus épaisse et plus riche en minerai. Car on a trouvé dans le sable des gros blocs de minerai cristallin, jusqu'à 1.000 kilogrammes, et des cristaux du quartz jusqu'au tiers d’un mètre. Parmi ces gros blocs se montrent des morceaux de lilons nets, à surfaces planes et parfois de structure systématique ; ils ne laissent aucun doute sur l’exis- tence antérieure de filons plus épais. Probablement ces gros morceaux de minerai et ces cristaux de quartz se sont formés par une vaporisalion continuée de fluides à la surface. La plupart des couches étant très inclinées (de 709 à 900)les faces de stratification partei- pent de cette inclinaison; ainsi les fluides et les gaz, qui montaient le long de ces faces, avaient l'occasion de déposer leurs constituants métalliques près de la surface les fluides à l’aide de vaporisation, les gaz (chlorure d'étain) par une décomposition avec de la vapeur d’eau. 11 semble que le fluor n'ait pas joué un rôle important sur Bangka et Biliton. Carles minerais de fluor, comme la topaze et la tourmaline, sont relativement plus rares. Même le spath-fluor fait totalement défaut. Les filons et les imprégnations en question ont fourni le minerai d'étain qu'on trouve encore dans la croûte décomposée des roches mêmes, sur le sol des vallées, dans les lits des rivières quaternaires. Dans le pre- mier cas le minerai n’a pas été transporté; il fut mis sur le sol des vallées par un transport d'eau bien lent, les couches quaternaires ne contenant pas de gros cailloux roulés. Le dépôt de minerai des vallées repose immédiatement sur le granite ou sur les couches sédi- mentaires et est couvert de couches alternantes de sable et d'argile ordinairement minces, qui atteignent une épaisseur de 16 mètres à Bangka et de 41 metres à Biliton. Après l'éloignement des couches supérieures, la couche de minerai est fouillée ; son épaisseur ordi- naire est de 0,30 à 0,50, rarement de 4 mètre. Pour la plupart elle se compose de particules de quartz et de grains de minerai d’étain. Le lavage en éloigne le quartz. Ensuite le minerai est fondu avec du char- bon de bois, ce qui doune un étain très pur. Seule- ment il contient encore du fer, qui se présente dans tous les minerais d'étain, soit sous forme de très petits cristaux de magnétite, soit comme l’oxyde de fer dans les cristaux mêmes. Il n'y a que les espèces de couleur très claire qui ne contiennent pas d'oxyde de fer, — Ensuite M. Verbeek s'occupe des boules vitreuses de Biliton. P.-H. SCHOuTE. Le Directeur-Gérant : Louis Ozivir. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. 8 ANNÉE à N°42 30 JUIN 1897 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER LE VOYAGE D'ÉTUDE DE LA REVUE AUX CAPITALES DE LA BALTIQUE ET EN RUSSIE Sur l'avis de son Comité de patronage et d'études, la Revue a résolu de ne pas attendre l'automne pour orga- niser un premier voyage. Mais une croisière au mois d'août ne saurait se diriger vers les pays d'Orient, trop brûlés de soleil en cette saison de plein été. Aussi la Rn Me (A On | 7 a # 7 Amsterdam : une visite à son musée est une utile pré- paration à l’étude des collections de l'Ermitage, à Saint- Pétersbourg, où dominent précisément les œuvres des maîtres hollandais et flamands. Tout à côté, Zaandam, où subsiste encore la fameuse cabane de Pierre le Grand, Fig. 1. — Iinéraire du Voyage d'Etude de la Revue aux Capitales de la Ballique el en Russie. (Cette carte, tout à fait schématique, a pour seul but de montrer les principaux points que l’on visitera.) Revue se propose-t-elle de conduire cette première excursion dans la mer Baltique, où la température est à ce moment agréable, la mer généralement calme et les jours encore longs. Les grandes lignes de l'itinéraire sont dès mainte- nant arrêtées. Le départ aura lieu du Havre, dans les premiers jours du mois d'août. La première escale sera REVUR GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897, pourra être, pour les amateurs de réminiscences histo- riques, le but d’une promenade facile. D’Amsterdam, le paquebot se dirigera sur Copenhague, en contournant le Danemark. De là il fera route vers le golfe de Finlande, pour s'arrêter à Revel, un des plus grands ports de commerce de la Russie en même temps qu'une de ses plus anciennes cités, 12 486 De Revel, en une nuit, le bateau gagnera Saint-Pé- tersbourg, en passant devant Cronstadt. Une excursion par chemin de fer dans l’intérieur de la Russie sera organisée de Saint-Pétersbourg. Elle aura pour objectif Moscou et Nijni-Novgorod, dont la foire célèbre s'ouvre le 27 juillet et dure jusqu'à la mi- septembre. Revenant à Saint-Pétersbourg pour y retrouver leur bateau, les voyageurs seront transportés à Stockholm. Dans cette ville a lieu cet été, à l'occasion du jubilé du roi Oscar, une Exposition universelle, installée dans le grand parc, le Djurgärden. Les grandes industries du Nord y sont représentées, et dans un immense pavillon en bois, couvrant 17.000 mètres carrés de terrain, seront exposés côte à côte les produits de la Suède, de la Nor- vège, du Danemark et de la Russie. Une aile particulière est réservée à la section de Culture. Sur le rivage, la Norvège a installé une section de Pêcherie, et tout auprès la Suède a reconstruit un « Vieux Stockholm », avec son château et ses murs. Enfin dans la section des Beaux-Arts où sont réunies des œuvres de tous les artistes européens, il sera tout particulièrement intéressant pour nous d'étudier toute une série de toiles d'artistes du Nord, suédois, norvé- giens, danois et finlandais. De Stockholm une excursion serait faite à l'Université d'Upsal, dont la bibliothèque et les collections scienti- fiques sont bien connues du monde savant. Au retour, une escale d'une journée permettra de visiter la vieille et pittoresque ville de Visby, dans l’île de Gotland. Enfin un autre arrêt aura lieu à Hambourg, avant de regagner le Havre. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE Le voyage, organisé avec le concours de la Compa- gnie Générale Transatlantique, durera environ vingt- six jours. Vivant à bord comme les propriétaires ou les invités d’un yacht, les passagers y pourront passer toutes les nuits, y prendre tous leurs repas, même pendant les escales, excepté, cela va sans dire, pendant la durée de l’excursion à Moscou et Nijni-Novgorod. Fidèle à son programme, la Revue n'entend pas seu- lement faciliter le voyage à ceux qui voudront y prendre part. Elle a voulu leur assurer le concours de guides intellectuels d’une autorité incontestée ; par leurs conférences à bord, par leurs causeries sur les lieux mêmes, ceux-ciles préparerontà rapporter, de cette croi- sière dans le Nord, de sérieuses connaissances. M. Louis Leger, professeur au Collège de France, dont personne n'ignore la haute compétence en tout ce qui touche l’histoire et la littérature des peuples slaves, et M. Henri de Varigny, attaché au Muséum, un de nos plus distingués naturalistes, ont bien voulu accéder à la demande de la Revue et accepter cette mission. Qu'il nous soit permis de les en remercier iei et de leur dire que leur bienveillant concours est pour nous le plus précieux des encouragements. La Direction. N. B. — Les personnes qui désireraient avoir des renseignements plus complets, dates, prix, etc., et s'inscrire pour le voyage, sont priées de s'adresser à M. AuwPxoux, à la direction de la Revue, 34, rue de Pro- vence, à Paris. Chargé spécialement de veiller à l’orga- nisation de ces voyages, M. Amphoux s'empressera de répondre à leurs demandes. 5 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Nécrologie A. Des Cloizeaux. — Le mois dernier, s’est éteint à Paris, après une longue et douloureuse maladie, un des savants qui, dans ce siècle, a occupé l’une des places prépondérantes dans la science minéralogique. Né à Beauvais, le 17 octobre 1817, Des Cloizeaux rencontra à la fin de ses études classiques le cristallogra- phe Lévy qui décida de sa carrière : ce fut sous son influence qu'il entreprit ses premiers travaux dès sa sortie de l'Ecole des Mines. Ils furent consacrés à l'étude cristallographique d’un très grand nombre de minéraux et se firent immédiatement remarquer par leurs quali- tés de méthode, leur degré de précision, leur ingénio- sité d’apercus, qui sont au plus haut point développés dans son célèbre mémoire sur la cristallisation du quartz, resté un modèle du genre. Ces œuvres de Cristallographie géométrique qui, à elles seules, suffiraient à établir une solide réputation, ne constituent pas cependant l’œuvre principale de Des Cloizeaux. C’est dans l'étude des propriétés opti- ques des minéraux qu'il devait se tailler une puissante originalité. Il y a quarante ans, leur importance était à peine soupconnée : élevé à l’école de Senarmont, Des Cloizeaux sut voir nettementle parti que l’on pourrait en tirer et, dans un rêve enthousiaste de jeunesse, il se pro- posa de déterminer les propriétés optiques de toutes les substances cristallisées transparentes. Il se mit résolu- ment à l’œuvre, s’attaquant aussi bien aux sels de la chi- mie qu'aux minéraux. Longtemps seul sur la brèche, sans dévier un seul jour de la ligne qu'il s'était tracée, il mena à bien cette œuvre colossale, dotant ainsi la Mi- néralogie d'une branche nouvelle et féconde, dans laquelle se presse aujourd’hui la foule de ses continua- teurs. Ce sont les résultats de ses recherches qui ont rendu possible l'étude rationnelle des roches à l’aide des propriétés opliques des minéraux qui les constituent. | On peut donc dire que si Des Cloizeaux n'a pas été pé- trographe lui-même, il n’en est pas moins l’uu des pères de la Pétrographie moderne. Parmi ses innombrables observalions, abondent des découvertes de premier ordre : il trouva la polarisa- tion rotatoire dans le cinabre et aussi dans le sulfate de strychnine, qui fut alors le premier corps connu dé- viant le plan de polarisation aussi bien en cristaux qu'en solution; il montra l'existence d’amphiboles et de pyroxènes rhombiques, apporta les premières no- tions précises sur les propriétés optiques des feldspaths tricliniques, dont il découvrit un nouveau type, le microcline. Il montra aussi l'importance des caractères tirés de la dispersion pour la distinction des miné- raux biaxes; enfin il publia un remarquable ouvrage sur les variations que l’écartement des axes optiques | d’un grand nombre de corps cristallisés subit sous l’in- fluence de la chaleur, ouvrage qui eut pour point de départ ses mémorables expériences sur le feldspath orthose. Il fallut à Des Cloizeaux une persistance dans les des- seins, une ténacité remarquables pour arriver au résul- tat cherché ; il travailla en effet toujours avec des res- sources matérielles insuffisantes, ne dut jamais compter que sur lui-même. Il lui fallut imaginer ses méthodes de travail, ses instruments et mener de front les obser- vations au microscope et au goniomètre avec les opé- rations manuelles au tour de l’opticien. Tous ces travaux ont fait l'objet de très nombreux mémoires, mais l'œuvre de prédilection de Des Cloi- zeaux était ce Manuel de Minéralogie, malheureusement inachevé, qui n’a pas tardé à devenir le livre de chevet des minéralogistes du monde entier. Il y a réuni avec ses qualités maîtresses de précision, sa conscience tou- jours en éveil, sa loyauté scientifique impeccable, les constantes cristallographiques, optiques et chimiques de tous les minéraux connus, les indications sur leur sh à E } « 4 « CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE PS 2 —1 isement, y ajoutant à chaque page une somme pro- ets d'observations personnelles. Des Cloizeaux était un minéralogiste complet : aucun recoin de sa science ne lui était étranger. Il rejetait la conception d'une minéralogie étroitement limitée à des recherches de cabinet : à ses yeux, l'histoire phy- sique et chimique des minéraux était intimement liée à celle de leur histoire naturelle. Aussi, était-il devenu un voyageur intrépide: tous les grands gisements miné- raux d'Europe lui étaient connus de l'Islande à l'Oural, et ses longues pérégrinations, ses nombreuses études sur le terrain n'avaient pas peu contribué à faire de lui une autorité incontestée pour tout ce qui touche à la science minéralogique. Des Cloizeaux avait successivement rempli diverses fonctions dans l'enseignement : répétiteur à l'Ecole Centrale en 1843, maître de conférences à l'Ecole Normale en 1857, il avait suppléé Delafosse à la Sor- bonne de 1873 à 1876 et l'avait remplacé au Muséum, en 1876. Mais, ses goûts l’entrainaient beaucoup plus vers les recherches solitaires que vers l’enseignement dans l’'amphithéâtre. C'est dans son cabinet qu'il était vraiment lui-même, véritable bénédictin d'une puis- sance de travail extraordinaire, ardent à l’œuvre, ne prenant jamais que le repos imposé par la maladie, toujours à l'affût de quelque nouvelle recherche à entreprendre. Aussi, bien que sa réputation fût univer- _ selle etincontestée partout où il existeun minéralogiste, était-il peu connu du grand public, auprès duquel il négligeait de faire valoir ses travaux. Les honneurs étaient venus le trouver dans sa re- lraite ; élu à l'Académie des Sciences en 1869, il en devint le président en 1889. La Société Royale de Londres, la plupart des grandes Académies et So- ciétés scientifiques étrangères le comptaient au nombre de leurs membres; il avait, en 1889, recu la rosette d'officier de la Légion d'honneur. Des Cloizeaux laisse, avec une œuvre considérable, le grand et fortifiant exemple d'une vie exclusivement remplie par le culte désintéressé et passionné de Ja science. A. Lacroix, Professeur de Minéralogie au Muséum. $ 2. — Physique Recherches nouvelles sur les aciers au nickel. — Les singulières propriétés des aciers au nickel, étudiées pour lapremière fois par M. John Hopkin- son, attirent depuis quelques années l'attention des savants et des métallurgistes. Aucune des anomalies de ces alliages n'était aussi inattendue que celles que notre collaborateur, M. Ch.-Ed. Guillaume, vient d'indiquer dans deux notes présentées à l'Académie des Sciences. I y à plus de deux ans, M. J.-R. Benoît, directeur du Bureau international des Poids et Mesures, avait trouvé qu'un certain alliage non magnétique de fer et de nickel possédait un coefficient de dilatation voisin de celui des laitons. Un an plus tard, M. Guillaume ayant entrepris l'étude d'un barreau d'acier au nickel contenant 30 °/, environ de ce dernier métal, trouva cette fois un coefficient de dilatation inférieur d’un tiers à celui du platine. Avec la collaboration de la Société de Commentry-Fourcham- bault, M. Guillaume est parvenu à caractériser parfaite- ment l'anomalie présentée par les aciers au nickel et dont voici les particularités essentielles : Jusqu'à 20 °/, de nickelenviron, les nouveaux aciers ne présentent aucune différence importante par rap- port à ce que la loi des mélanges permettait de prévoir. Mais, dès qu'on dépasse la teneur de 20 °/,, le cœffi- cient de dilatation augmente rapidement, et atteint, vers 24 °}, un maximum pour lequel la dilatation est sensiblement égale à celle des laitons ‘. La dilatation 4 M. André Le Chatelier a même trouvé pour un acier- nickel non magnétique une dilatation voisine de celle de l'aluminium. diminue ensuite, repasse vers 29 °/, par la valeur nor- male, diminue encore et atteint vers 36 °/, de nickel un minimum au delà duquel elle remonte pour atteindre, vers 50 °/, sa valeur normale. À endroit du minimum, la dilatation n'est que le dixième de celle du platine. On possédera done désormais une série d'alliages assez semblables à l'acier, mais beaucoup moins oxy- dables, dont le coefficient de dilatation varie d’une ma- nière continue en fonction de la teneur, et atteint des valeurs dix fois plus faibles que celles qui étaient con- nues jusqu'ici pour les métaux et alliages ; c’est là une découverte importante, tant au point de vue de la cons- titulion des alliages qu'à celui de la construction des instruments. Pour ces derniers, on pourra, par l'emploi du nouvel alliage, réduire au vingtième les erreurs provenant des dilatations par rapport à ce qu'elles sont dans les instruments en laiton. 1l est encore une parti- cularité des nouveaux alliages qui les rendra très pré- cieux dans la construction des systèmes compensés. Le coefficient du terme du second degré dans la formule de dilatation varie d'une manière continue avec la teneur, et devient négatif vers 37 °/, de nickel, c'est-à- dire très peu après le minimum absolu de la dilatation. Il en résulte ce fait curieux qu'en choisissant convena- blement les alliages, il sera toujours possible d'en (trou- ver deux pour lesquels le rapport des deux termes de la formule de dilatation soit le même, de telle sorte qu'ils forment entre eux un système compensé pour un large intervalle de température. On pourra réaliser ainsi un grand progrès sur les compensations incom- plètes auxquelles on était limité jusqu'ici par la nature même des métaux dont on disposait. Cette curieuse anomalie de dilatation n’est pas isolée ; elle est accompagnée d'une anomalie d’élasticité carac- térisée par le fait que le module passe par un maxi- mum et un minimum pour les teneurs mêmes qui donnent le maximum et le minimum de la dilatation. La densité présente une marche moins régulière; cependant, on y retrouve la trace des variations des autres propriétés. Si, en effet, on rapporte les densités vraies à ce qu'elles devraient être d’après la règle des mélanges, on trouve un excès correspondant à l'excès de dilatation ou d'élasticité et un défaut dans la région où les deux autres propriétés sont elles-mêmes en défaut. M. Guillaume à étudié aussi les variations qu'éprou- vent les nouveaux alliages avec le temps ou sous l’ac- tion du recuit, et a retrouvé, pour ces ehangements temporaires ou permanents, des lois en tous points analogues à celles auxquelles obéissent les déplace- ments du zéro des thermomètres. D’ailleurs, ces mou- vements sont de peu d'amplitude pour les alliages les moins dilatables, et ne semblent pas devoir être un obstacle à leur emploi, sauf peut-être pour les étalons de premier ordre. G. Charpy, Docteur ès sciences. L’Exposition de la Société française de Physique. — Les vendredi 23 et samedi 24 avril a eu lieu l'Exposition de la Société française de Physique, reportée à la fin de la semaine de Pâques pour faciliter l'emploi du temps de leurs congés aux nombreux pro- fesseurs de province qu'elle attire annuellement. Le jeudi, la Compagnie générale des lampes à incandescence avait admis les membres de la Société à parcourir son usine d'Ivry; les visiteurs ont remarqué le nourrissage du filament qui s'effectue au moyen d'un gaz d'éclai- rage, l'essai de substitution du nickel au fer comme support du filament, le photomitrage, qui est parfaite- ment soigné; la Compagnie exposait une lampe de 500 bougies. L'éclairage de l'Exposition avait été confié, pour l'intérieur, à la maison Cance et, pour l'entrée, à la Compagnie d'éclairage Denayrouze, qui présentait des brûleurs à incandescence donnant par manchon, main- tenu à l'air libre, de 150 à 200 bougies, avec une dé- pense de 13 à 15 litres par carcel-heure, 188 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE Un grand nombre des appareils exposés avaient déjà été présentés dans le courant de l'année précédente aux séances de la Société; nous ne reviendrons pas sur leur description et nous ne signalerons que ce qui figu- rait pour la première fois à l'Exposition. L'électricité occupait, comme toujours, une place très importante; nous avons remarqué la lampe Bardon, à point lumineux fixe, sans mécanisme, le réducteur de charge de la Compagnie française d’appareillage élec- trique (anciens établissements Grivolas, Sage et Grillet), qui évite la mise en court-circuit au moment du pas- sage d’un accumulateur à l’autre. M. Cadiot présentait sa dynamo Bébé et plusieurs appareils de chauflage élec- trique ; les accumulateurs étaient représentés par un modèle du type Blot, construit spécialement pour la traction et étudié par M. Picou, et par le type Boese, exposé par M. Dinin, qui est très employé dans l’allu- mage des moteurs automobiles; pour le même usage, M. Girard à construit une dynamo qui peut donner de 5 millimètres à 6 centimètres d’étincelle. Les rayons X, qui ont fait d'immenses progrès depuis un an, nous permettent de voir, sur les écrans de MM. Ducretet et Chabaud, la cage thoracique et les battements du cœur; ce dernier constructeur présente un tube dans lequel une lame supplémentaire permet, par dégagement d'hydrogène, la régénération indéfinie. M. Contremoulins construit un petit appareil qui per- met, après l'obtention de deux radiographies, de diri- ger en toute sûreté l'instrument du chirurgien vers l'objet à extraire ; MM. Marie et Ribaut montraient des vues stéréoscopiques de lintérieur des membres. M. Gouy à apporté les clichés originaux qui ont servi à démontrer que l'indice de réfraction de divers corps pour les rayons X ne diffère pas de l'unité de plus de 10-5 et que la période du mouvement vibratoire, s'il en existe un, est certainement 100 fois plus courle que celle des vibrations lumineuses. Les appareils de mesure étaient intéressants : MM. Ji- souro et Pellin ont exécuté l’oscillographe double à vision directe pour l'étude des courants alternatifs de M. Blondel, qui donne les courbes d'intensité et de force électromotrice. L'oscillographe à induction de M. Abraham, construit par M. Carpentier, nous à montré les courbes du courant du secteur, envoyé directement ou bien par l'intermédiaire d’un are ou d’une bobine de réaction. M. Gaiffe avait envoyé un nouveau modèle du milliampèremètre à courants alternatifs de M. d’Ar- sonval et M. Jacquemin, un électrodynamomètre propor- tionnel, dont la construction un peu compliquée est fort bien réussie. MM. Pérot et Fabry avaient envoyé leur électromètre absolu à plateaux, dans lequel l'épais- seur de la lame d'air, qui est de l'ordre de Omm 1, est dé- duite de l'observation de franges d'interférence et qui permet de mesurer le volt à T-ouo P'ÈS- L'Optique était brillamment représentée par le gonio- mètre de précision, que M. Gautier a construitsur les in- dications de M. Carvallo. L'appareil permet de lire la seconde, les lunettes sont remplacées par des miroirs travaillés par M. Jobin; on évite la déformation du limbe gradué en fixant l’alidade sur un second cercle concentrique. Citons aussi la lampe à cadmium de M. Maurice Hamy, appareil de construction simple et de longue durée, qui facilitera beaucoup létude des interférences à grande différence de marche par la mé- thode de M. Michelson, et le photomètre universel de MM. Broca el Blondel. La maison Krauss'et Cie exposait des types intéressants de stéréo-jumelle et de stérco- longue-vue. L’acétylène, trop oublié peut-être après un engoue- ment passager, était représenté surtout par la lampe de \. Gossart, dans laquelle la chute de l’eau sur le car- bare de calcium est réglée par un tube capillaire ; dans le bec du type Manchester, la flamme, produite par l'écrasement mutuel de deux jets rectangulaires, est assez éloignée des orifices pour qu'aucun échauffement des tubes ne se produise. Nous notons encore, dans diverses parties de l'exposition, le moteur à pétrole Loyal, à allumage automatique, sans circulation d’eau ; le dynamomètre inscripteur des cycles de flexion et la modification de l'appareil de lord Kelvin pour la me- sure de lallongement des fils qui ont figuré dans les lecons sur l’élasticité professées au Collège de France, par M. Brillouin; l'ingénieux ergomètre de MM. Broca et Richet, destiné à mesurer le travail total d’un muscle dans une suite de contractions; les photographies de M. Marage, qui a étudié les cornets acoustiques par les flammes de Kæœnig; le pendule compensé de M. Guil- laume, en acier au nickel de la Société de Commentry- Fourchambault; les appareils à prise d'air dans ha haute atmosphère de MM. Hermite et Besançon; divers. appareils de M. Jules Richard : un anémomètre avec déclenchement simultané du compteur de secondes et du compteur de tours et un thermomètre enregistreur enfermé dans une bombe qui peut supporter la pression et la température des étuves de désinfection; M. de Watteville nous présentait de très beaux cristaux trans- parents qu'il à obtenus en leur communiquant um mouvement de rotation pendant leur accroissement; M. Ch. Verdin exposait les appareils phonétiques de: M. l'abbé Rousselot, dont un enregistreur du mouve- ment des lèvres, construit pour le laboratoire de pho- nétique expérimentale récemment adjoint à la chaire: de grammaire eomparée du Collège de France. M. l'abbé Le Dantec, que nos lecteurs connaissent déjà, exposait une série d'appareils de démonstration souvent très ingénieux; malheureusement le fonction- nement de ces appareils était destiné à appuyer des opinions qui n'ont pas semblé être accueillies avec beaucoup de faveur; les thèses principales que M. Le Dantec a développées dans une conférence spéciale sont les suivantes : « Toute onde progressive est alter- nativement longitudinale et transversale; toute onde transversale ne peut pas être progressive, elle est né- cessairement stationnaire. » C. Raveau, Préparateur à la Sorbonne. $S 3. — Industrie Comité de Consultations industrielles. — Nous rappelons à nos lecteurs que les demandes de renseignements d'ordre technique doivent être adres- sées au Directeur de la Revue, 34, rue de Provence, à Paris, avec la suscription: Comité de Consultations indus- trielles. L'oubli de cette mention entraîne inévitablement des relards dans le dépouillement de notre correspondance, partant dans nos réponses. $ 4. — Chimie L'argentaurum. — Nous connaissons aussi peu que possible la structure interne de ce que nous appe- lons les atomes ou les molécules des corps simples. Aussi nul ne peut affirmer qu'il soit un jour impos- sible d’abaisser un instant les atomes d'argent à l’état de fragments afin de les élever ensuite à la dignité de lingots d’or. On n’est pas davantage autorisé à dire avec certitude que le soleil brillera lan prochain. Quoi qu'on suppose des préjugés des savants officiels, leur esprit est parfaitement prêt à recevoir avec joie la révélation d'une « transmutation des métaux » sérieu- sement démontrée. La démonstration est, pour le savant de nos jours, plus magique que la pierre philosophale — elle est la plus magique des choses, — aucun obstiné n'y résiste. Si le Dr Emmens avait converti une notable quantité d'argent en or, ce que je ne crois pas, faute de preuves, il aurait pour quelque temps jeté le trouble dans la re- présentation de la richesse. 1 Le capital, ce travail potentiel, recevrait un autre signe déjà connu. L'équivalence des produits, des besoins, des capacités el des travaux accomplis retrou- À den CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 489 verait bientôt sa preuve dans des billets en papier qui sont, en somme, de petits contrats entre les hommes. Le veau d'or changerait de nom d'une façon quel- conque. Une telle découverte serait pour la science une étoile de plus dans la nuit qu'elle contemple tou- jours. L'esprit publie aime le merveilleux, la décou- verte de vagues trésors antiques et l'astrologie. Dans un milieu plus haut, la théorie possible de l'unité de la matière, ressuscite de temps à autre des alchimistes. Pour le moment, il n'y a rien à penser ni à croire au sujet de l’argentaurum, car rien de précis ne nous à été dit. $S 5. — Géographie et Colonisation _ Le Mouvement Colonial en Allemagne. — Alors que l’idée coloniale se répand de plus en plus en France et qu'elle trouve chaque jour de nouveaux interprètes, il peut être intéressant d'étudier sous quelle forme cette même idée fait son chemin chez nos voisins d'Outre-Rhin. Nés d'hier à la vie coloniale, les Allemands semblent vouloir réparer le temps perdu et accomplir en quelques années le chemin parcouru par nous depuis trois siècles. Chez eux, les premières ma- nifestations du mouvement colonial ont été provoquées au début des conquêtes allemandes, en Afrique, par une puissante association : la Société Coloniale Allemande. L'étude de l’organisation de cette Société, de ses moyens d'action, de son développement, se rattache donc intimement à l'extension du mouvement colonial aïlemand; elle a centralisé tous les efforts, provoqué toutes les énergies, subventionné les premières tenta- tives et donné à la poussée coloniale devenue irrésis- üble une direction ferme et prudente, qui à puissam- ment contribué au développement de l’empire colonial allemand. La Société Coloniale Allemande est née en 1897 de la fusion de l'Association Coloniale Allemande et de la Société pour la Colonisation Allemande. Son but est : 4° De diriger le travail national vers la colonisation allemande ; de propager de plus en plus l’idée de la nécessité de cette colonisation ; 2 De hâter la solution pratique des questions colo- niales ; 3° De prendre l'initiative d'entreprises coloniales allemandes, de les encourager ou de les prendre direc- tement et énergiquement en mains; 4 De travailler à la solution des questions se ratta- chant à l’émigration; 5° De maintenir et de fortifier les liens économiques et moraux des Allemands établis à l'étranger avec la mère-patrie ; 6° De créer un centre de direction pour tous les efforts isolés accomplis en vue de ces différents buts. La Société compte aujourd’hui plus de 20.000 mem- bres, elle en comptait 17.000 au commencement de 1896. Ces membres paient une cotisation annuelle de six marks (7 fr. 50) quand ils habitent l'Allemagne, et de huit marks (10 francs) quand ils résident à l’étran- ger. Les ressources de la Société proviennent, pour la plus grande partie, du produit des cotisations ; celles- ci ont atteint à la fin du dernier exercice 115.720 marks (144.650 francs); les dépenses se sont élevées à 114.433 marks (142.7%1 francs). Dans les prévisions de dépeuses pour l'année 4897 figurent.18.000 marks (22.500 francs) pour la propagande et les renseigne- ments, et 17.650 marks pour les subventions et les secours que la Société pourra être appelée à distribuer ; 45.680 marks seulement sont affectés aux frais du per- sonnel et à ceux du loyer; 27.380 à ceux de la publi- cation de la Gazette Coloniale, organe de la Société, envoyé à tous les membres. ; Les membres sont répartis en sections, au nombre de 248, qui jouissent d'une certaine autonomie et par- ticipent, à raison d'une voix par cent membres, à l'élection du Comité Directeur. Chaque section se sub- divise en groupes, dont quelques-uns ont leur siège à l'étranger. Il en existe en France, en Angleterre, en Belgique. Celui de Paris comprend 42 membres et celui de Bruxelles 192, Toutes les sections constituent de petits Etats dans F'Etat, en sorte qu'on peut dire que la Société Coloniale Allemande est constituée à l'image de l'Allemagne elle-même. En raison de leur demi-indépendance, les sections peuvent prendre l'initiative de communications (Einga- ben) adressées au Gouvernement. Voici quelques-unes de celles qui ont été envoyées, sous forme de vœux, à l'Office des Affaires étrangères : 1 jo Que l'Allemagne occupe ou du moins se réserve la côte des Somalis, du cap Guardafui au nord du cap Hafoun ; 20 Que le Gouvernement prenne toutes les mesures de nature à resserrer les liens d'amitié entre le Trans- vaal et l'Allemagne et à fortifier l'indépendance des Boers : 3° Que les frontières anglo-allemande et franco-alle- mande du Togo soient redressées en faveur de l’Alle- magne ; %° Que, dans ies négociations avec la France, le Gou- vernement tienne compte des traités conclus par le D: Gruner dans la boucle du Niger ; 5° Que l'Allemagne s'oppose aux velléités d'annexion de l'Angleterre dans la Delagou bay ; 6° Que l'Allemagne cherche à acquérir, partout où besoin sera, des stations navales pour sa flotte; 7 Que l'Allemagne ne tarde pas à s'emparer d'une ile le long des côtes de Chine; So Que l'Allemagne empêche l'Etat du Congo de con- céder une ligne télégraphique aux Anglais le long de la rive méridionale du Tanganyka au lac Albert-Edouard ; 9° Que le Gouvernement allemand écarte le droit de préemption de la France sur l'Etat du Congo, droit qui contrecarre les intérêts allemands, afin de rendre impossible ou du moins très difficile l'intervention de la France dans la fixation définitive de la frontière entre l'Etat du Congo et l'Afrique orientale allemande. Parmi ces vœux, combien ne se sont-ils pas réalisés! A la tête de la Société se trouve le Comité Directeur, composé des personnages les plus considérables de l'aristocratie, de la science et du haut commerce. Le président d'honneur est le prince de Hohenlohe-Lan- genburg, statthalter d’Alsace-Lorraine; le président, Son Altesse Jean-Albert, duc de Mecklembourg: Parmi les membres, nous relevons les noms du comte d’Ar- min Muskan, du prince d’Arenberg, les deux porte- parole des coloniaux au Reïchstag, du D' Herzog, de M. von Wissman, du D" Peters, dont on a pas oublié le récent procès. De telles personnalités placées à la tête d'une telle association devaient lui assurer une influence prépon- dérante dans la direction des affaires coloniales. On voit qu'elle a su en tirer parti. Aussi bien, le développement de cette Société n'est-il pas pour nous un enseignement? Alors qu'en France les efforts individuels risquent de demeurer stériles, parce qu'ils sont isolés, que ne tentent-ils de se grou- per autour d'une association établie sur les mêmes bases? De louables efforts ont été accomplis en ce sens, nous verrons prochainement ce qui leur a jusqu'ici manqué pour donner tous les résultats qu'on en pou- vait attendre. Joseph Godefroy. $ 6. — Universités, Congrès et Concours La « British Association » au Canada. — On sait que la British Association (Association britan- nique pour l'avancement des Sciences) se réunit chaque année dans une des grandes villes du Royaume-Uni. L'Association a de cette facon déjà fait plusieurs fois le tour de l'Angleterre, de l'Ecosse et de l'Irlande. Aussi a-t-elle pensé rénover l'intérêt de ses congrès en tenant, par exception, celui de 1897 hors d'Europe. C’est à Toronto, au Canada, qu'elle a décidé de se transporter au mois d'Aoùt prochain. 490 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE La British Association compte plus de quatre mille membres. On peut affirmer qu'un très grand nombre d’entre eux prendront cel été le paquebot de Liverpool à destination de l'Amérique. Et ce ne seront pas seule- ment des savants anglais, écossais et irlandais qui feront le voyage: beaucoup d'hommes de science suédois, nor- wégiens, danois, allemands et russes sont inscrits pour partir avec leurs confrères de Grande-Bretagne. Un iout petit, trop petit nombre de Français les accompa- gneront. Il y a cependant un grand intérêt à ce que ceux de nos compatriotes que leur savoir et leur situation dési- gnent pour exercer sur la jeunesse studieuse une in- fluence efficace, et qui représentent avec le plus d'éclat le génie de la France aux yeux de l'Etranger, aillent renouer avec nos frères Canadiens les relations qui les unissaient si étroitement à nous autrefois. Qu'on le re- marque bien, l’arrivée à Toronto de l'élite pensante du Nord de l'Europe constitue un événement dont la portée doit inquiéter le patriotisme francais : un grand pays où notre langue est demeurée en honneur, où les pro- duits français, en particulier ceux de notre librairie, trouvent encore un débouché important, va recevoir la visite de tout ce qu'il y a de plus élevé dans le monde intellectuel de l'Europe : des astronomes, des physi- ciens, des biologistes, des géologues, des chimistes, des ingénieurs, des géographes, des économistes du vieux monde, vont entrer en rapports cordiaux avec l'élite de la population canadienne, avec les principaux représen- tants de la Science, de l'Enseignement, de l'Industrie, de l’Acriculture et de l'Administration au Canada. En même temps qu'ils étudieront le pays et s’enquerront de ce que leurs nationaux ont à y faire, ils laisseront cha- cun la trace personnelle de son passage. A leur suite, et comme portés par leur souvenir, s'introduiront davan- tage dans le pays leurs livres et leurs idées; et à mesure que s'implanteront, dans les Universités et les Ecoles ca- nadiennes, la Science anglaise ou la Pédagogie allemande, se déve lopperont aussi, dans les villeset les campagnes, les entreprises industrielles et commerciales des An- glais et des Allemands. Si nous ne prenons une part ac- tive à ce mouvement de pénétration, que le Congrès de Toronto va sûrement accélérer, nous ne tarderons pas à perdre tout reste d'autorité morale au Canada, et, en mème temps que le prestige du nom francais, s'y éva- nouira notre influence matérielle. Pour cette raison, on ne saurait trop inciter nos grands Etablissements d'enseignement supérieur, nos Ecoles de Commerce, surtout nos Universités, — puis- qu'elles ont anjourd” hui la libre disposition de leurs re- venus, — à s'imposer quelques sacrifices pour permettre à leurs doyens et à certains de leurs professeurs de se rendre, sans charge personnelle excessive, à Toronto. Nos Chambres de Commerce feraient aussi bon emploi de leurs richesses en envoyant, à l'occasion du Congres, — et en profitant de toutes ses ressources, — une mis- sion d’études au Canada, Désireuse d'aider à ce mouvement, la Revue se met à la disposition de ses lecteurs pour les renseigner en détail sur les condilions matérielles du voyage et la dé- pense qu'il entraînera‘. Les congressistes parcourront une bonne partie du pays. Le Comité local d'organisation a, d’ailleurs, pris toutes les dispositions requises non seulement pour accueillir magnifiquement ses hôtes à Toronto, mais ! La dépense de la tournée d'un mois (avec départ de Liverpool et retour en ce port) est fixée à 1.500 fr. par per- sonne. aussi pour assurer le succès des excursions projetées au Canada même et sur le territoire des Etats-Unis. Chaque excursion sera dirigée par un spécialiste de marque. Le professeur Colemann mènera les géologues aux glacial beds de Don Valley. La Muskola Lakes Association conduira les touristes au lac Muskola, et leur y offrira l'hospitalité. On ira aussi aux chutes du Niagara et l'on y étudiera les tur- bines et les immenses usines qui alimentent d'énergie électrique une grande partie de la région et de la ville même de Buffalo. Soubaitons que ces séductions et l'attrait particulier d'un voyage fait en la compagnie des plus éminents représentants de la Science étrangère, décident beau- coup de savants, d'ingénieurs et d’industriels francais à s'embarquer dans quelques semaines pour l'Amérique. Louis Olivier. Donations aux Universités. — Le mouvement de libéralité de nos industriels en faveur des labora- toires scientifiques, mouvement que nous avons déjà eu le plaisir de signaler’, continue notamment dans la région de l'Est, son point de départ. Aux 189.000 ‘fr anes, dont nous avons annoncé la do- nation à la Faculté des Sciences de Nancy, sont venues tout récemment s'ajouter d'importantes libéralités. L'Institut Chimique de cette Faculté vient de rece- voir de: MM. Vincent, Ponnier et Cie, à Senones (Vos- ges) cer À AUD NUL) Sociélé des Hauts Fourneaux de Vezin- Aulnoye. 5. Manufacture lyonnaise des matières colorantes 5.000 000 AALYON NON MANN ES RE ENT RREEEE 2.000 M. Grosdidier, maître de forges à Commercy. 1.000 Crédit Lyonnais ns SUN verre EE A EUR Banque d’Alsace- Lorraine . 1.000 M. Albert Scheurer, manufacturier à Thann (AL sace). . . 2 HOMME MM. Fénal frères, à Pexonne (Vosges). 1.000 Société des Hauts Fourneaux de la Chiers, à Longwy. . . 1.000 MAI. Berger- Levrault et Cie, inprimeurs- “éditeurs, Paris- Nancy. A la dE 000 MM. Lévy, Mees et Cie, banquiers, à Nancy. NE UD M. Luc, tanneur, à Nancy . 2.000 Les fils de Cartier- Bresson, à Celles-sur-Plaine. 1.000 MM. Zellertet Cic,.à Blamont. 1.000 L'Ecole de Brasserie de la même Faculté vient d'être aussi l’objet de donations qui vont permettre à ce labora- toire, si utile dans la région nancéenne, de développer son enseignement etses recherches. Il à reçu de: MM. Tourtel frères, à Tantonville. 4.000 MM. Betting frères PR 3.000 Grande Brasserie de l'Est 7.000 Brasserie de Xertigny . . u 1.000 MM. Karcher et Cie, à Paris 2 1.000 Concours sur les Variétés de nos Cé- réales. — L'Académie des Sciences de Berlin met au concours l'étude de l'origine et des caractères des diverses variétés de céréales obtenues depuis une vinglaine d'années. Les mémoires devront être présentés sous forme de manuscrits en allemand, francais, anglais ou italien avant le 31 décembre 1898. — L'auteur du mémoire couronné recevra un prix de 2.500 francs. 1 Voyez la Revue du 30 mars 1897, pp. | 15 avril, pp. 288 et 289; du 15 mai, p. "366. LIEUTENANT-COLONEL PÉRISSÉ — LES OBUS PERFORANTS 491 LES OBUS PERFORANTS « Dans la prochaine guerre navale européenne, « la victoire appartiendra à celui qui aura des « obus en acier, à forte capacité d’'explosif avec « fusée de culot retardée. » Telle est la conclusion par laquelle M. A. Croneau, Ingénieur des Cons- tructions Navales et professeur à l'Ecole d’Appli- cation du Génie maritime, terminait en mai 1895 la revision annuelle des progrès de la Marine publiée par cette Revue. Nous n'avons pas besoin d’insister sur l'importance que la situation de l’auteur don- nait à cette déclaration. Ces paroles sont d’ailleurs rigoureusement con- formes aux faits : il est certain qu'un navire qui pourra faire éclater dans l’intérieur d’un cuirassé ennemi un obus contenant 12 à 15 kilos de mélinite ou de l’un des explosifs à grande puissance récem- ment adoptés par les différentes artilleries navales, aura bien des chances pour qu'un seul coup de ce genre réduise pendant quelque temps son adver- saire à l'immobilité et lui donne ainsi toute facilité pour le torpiller ou l'éperonner. Une charge semblable de mélinite, quand elle vient à éclater entre deux ponts dans l'intérieur d'un cuirassé, y produit, en effet, des ravages vrai- ment effrayants. Les tôles des ponts, au-dessus et au-dessous du point de l'explosion, sont arrachées ou défoncées. Les poutres voisines sont cassées ou tordues, et leurs liaisons avec la membrure forte- ment ébranlées. Les chaudières, s'il y en a dans le compartiment atteint, sont crevées; et, en tous cas, les tuyaux de vapeur sont disloqués par l’arrache- ment des collereites. Les fils électriques, les tuyaux acoustiques servant à la transmission des ordres ou de la force motrice sont rompus, en sorte que toute communication est coupée entre le Com- mandant dans sa tourelle de combat et les diffé- rents organes du navire, machines motrices, artille- rie, torpille, gouvernail. En outre, l'explosion laisse après elle une fumée asphyxiante, épaisse, qui interdit, pendant un laps de temps de quinze à vingt minutes, tout accès sur le théâtre de l'explosion. Il n’est donc point excessif de dire qu'un coup semblable à bien des chances d'être mortel pour le cuirassé qui le recevra. Comme les escadres ac- tuelles ne comportent, en somme, qu'un nombre assez restreint de navires de cette espèce, la perte d’une de ces unités pendant le combat causerait une diminution notable de la puissance matérielle d’une flotte. Il n’est pas besoin de beaucoup réflé- chir pour comprendre que l'effet moral serait encore plus désastreux. Un coup semblable aurait donc probablement une influence considérable sur le résultat final d’une bataille. Il semble donc intéressant d'étudier, dans ce journal de haute science lu et consulté par tous ceux qui ont souci des affaires publiques, le pro- blème de l'obus à grande capacité. Cette étude nous à paru d'autant plus utile que, dans la discus- sion qui eut lieu l’année dernière devant la Com- mission extra-parlementaire de la Marine, il semble y avoir eu une confusion dans les différents élé- ments du problème. Cette confusion se trouve déjà en germe, comme on va le voir, dans la citation que nous avons placée en tête de cet article. Le problème de l’obus à grande capacité et à explosion retardée destiné au tir contre les cuiras- sés, est, en effet, plus compliqué qu'on ne pourrait le croire tout d'abord. En réalité ce problème en comprend trois autres qui non seulement sont absolument distincts, mais encore relèvent de trois branches différentes de la science : 1° Ztant donnée l'épaisseur de la cuirasse de la défense, fixer le poids et la vitesse d'un boulet de calibre donné, nécessaires pour que ce boulet traverse cette cuirasse. — C'est un problème d'artillerie. 20 Connaissant la force vive nécessaire à la masse d'acier, trouver un métal de telle qualité qu'on puisse lui donner une forme d'obus, afin de produire à l’in- térieur du navire des effets de mitraille. — Cela est de la métallurgie pure. 3° L'obus étant ainsi tracé, déterminer la charge d’éclatement et le mécanisme d'inflammation de cette charge, de manière à ce que l'explosion n'ait lieu qu'après que l'obus a dépensé la majeure partie, sinon la totalité, de sa force vive. — Cela est une question de pyrotechnie. Le premier de ces problèmes est une simple question de mécanique balistique dont la solution est connue depuis longtemps. Chez loutes les na- tions militaires, on a des formules qui donnent, avec une approximation suffisante, les nombres demandés; la plupart ont dressé des tableaux où l'on peut puiser par une simple lecture le ren- seignement cherché. Parfois, même, ces chiffres figurent dans les tables de tir, qui indiquent, dans une colonne spéciale, les épaisseurs de cuirasse traversées par le boulet aux diverses distances, c'est-à-dire avec la vitesse restante aux distances considérées. Le deuxième problème est un problème fort diffi- 192 LiEUTENANT-COLONEL PÉRISSÉ — LES OBUS PERFORANTS cile de métallurgie : cependantilarecu,à différentes époques et suivant les besoinsde l’altaque, de solu- tions satisfaisantes. C'est ainsi que vers 1875 les obus Whitworth, les obus de Terrenoire et même, dans quelques cas, les obus en fonte ‘dure, traver- sent sans se rompre les plaques de cuirasse en fer employées à cette époque. Après l'adoption des cuirasses en acier, les projectiles Holtzer donnent, à leur tour, une solution convenable. Enfin, depuis l'introduction des cuirasses en acier harveyé, ces mêmes projectiles Holtzer et d’autres analogues, munis d'une coiffe en métal doux, donnent à leur tour la perforalion. IT Le troisième problème, celui du chargement pro- prement dit, est un problème de pyrotechnie. Au premier abord la solution semble toute simple et facile. Dans les premiers tirs qui furent faits avec des obus chargés et amorcés, on constata que l'obus éclatait avant d'avoir traversé la muraille. On attri- bua ce fait tout d'abord à un fonctionnement pré- maluré et anormal du mécanisme d'inflammation ; mais, ayant remplacé ce mécanisme par un simple bouchon en fer, on retrouva les mêmes éclate- ments prémalurés. Cela se passait avec de la pou- dre noire. On comprend que quand on arriva aux explosifs plus puissants, — que l'augmentation de la résistance des parois des projectiles rend néces- saires, — le même phénomène se produisit « for- tiori. Cet éclatement, en brisant l’obus, alors qu'il n'avait dépensé qu'une minime partie de sa force vive sur la muraille, diminuait considérablement sa faculté de perforation, en sorte qu'on arrivait à ce résultat tout à fait paradoxal, que l'introduction d’une charge d’éclatement dans la chambre de l’'obus le rendait moins efficace que quand la chambre était pleine de sable. A la vérité, quand le chargement fut composé de mélinite, le trou produit dans la muraille était notablement plus grand que le calibre du projectile, mais cette éner- gie même de l’action du nouvel explosif montrait la perte de puissance que causait cette explosion spontanée extérieure. Ainsi, à chaque fois qu'on tire un projectile chargé sur une plaque de cuirasse, cet obus éclate et se brise au premier instant du choc, même quand la plaque est très mince relativement à la puissance de l’obus. Les effets destructeurs en sont considérablement atlénués et ne se produisent que sur la euirasse sans grand risque pour le navire. La cuirasse a donc rempli son office de protection, et lobus n’a point rempli le sien. Cela se produit dès qu'il y a une charge d'éclate- ment, petite ou grande. De ce fait toujours constaté, et, après bien des essais, acceplé par beaucoup comme inévitable, les Constructions navales et l'Ar- tillerie ont tiré chacune des conséquences différen- tes. Les ingénieurs ont conclu à l'utilité des cuiras- ses minces et, par suite, à leur extension dans toutes les parties du navire, cette extension devenant à la fois nécessaire et efficace. Les artilleurs ont dit : explosion pour explosion, il vaut mieux faire éclater 10 ou 12 kilogrammes de mélinite que 2 ou 3. De là sont nés les obus à grande capacité ou obus de semi-rupture. Ceux-ci, moins massifs que les obus de rupture précédents, seraient moins puissants sur les cuirasses épaisses, mais, comme nous venons de le dire, les cuirasses ont été sensi- blement amincies, et, par suite, les facultés rela- tives de pénétration sont restées les mêmes. L'obus de semi-rupture, quand il n’a pas de charge inté- rieure, perce les plaques qui lui sont opposées, c'est-à-dire toutes les cuirasses des hauls des na- vires, de même que les obus de rupture percent les plaques de ceinture. Pour l’un comme pour l’autre, le principal obs- tacle à leur action est en eux-mêmes : c’est l’explo- sion spontanée el toujours prématurée de leur charge intérieure. Quand ces faits furent bien constatés et bien mis hors de doute, il fallut de toute nécessité s'occuper de trouver un procédé pour retarder ces éclate- ments. C’est cette recherche à laquelle se livrent depuis plusieurs années les artilleurs de tous les pays, sans avoir, Croyons-nous, trouvé une solution complète, ou même simplement approximative. Pour rechercher le moyen d’obvier à ces explo- sions prématurées, si nuisibles à la puissance du projectile, il serait utile d'abord de connaître le processus exact de l’inflammation. De nombreuses hypothèses ont été faites à ce sujet depuis que ce problème s'est posé devant les artilleurs. Il est évident que c'est la transformation en chaleur de la puissance vive de la charge brusquement arrè- tée qui produit la combustion. Mais le calcul indi- que que cette transformation ne donnerait à la charge qu'une température moyenne très inférieure à celle qui est nécessaire pour commencer la transformalion chimique, si lachaleur était effecti- vement répartie dans toute la masse. De là cette double conclusion : d’abord, que le problème n'est pas insoluble, et, ensuile, qu'il existe une cause seconde spéciale qui provoque la combustion d’une partie déterminée de la charge, combustion qui se propage ensuite dans toute la masse. Voici quelles sont les hypothèses qui ont été émises sur la cause de la mise en feu première : 1. — Au moment du brusque arrèt de l’obus, la charge continuant son mouvement en avant, les : ; LikurenANT-CoLoNEz PERISSE — LES OBUS PERFORANTS parties placées à l'avant de la chambre sont sou- mises à une énorme pression. C’est cette pression qui, comme dans le briquet à air, produit un échauffement local intense ; 2, — Le mouvement en avant de l'obus et aussi sa rotation cessant brusquement au choc sur la cuirasse, landis que la charge continue ce double mouvement auquel elle participait, il se produit des frottements énergiques qui échauffent jusqu'à linflammation certains points plus où moins sail- lants ; 3. — Les déformations du projeclile causent un échauffement du métal qui, soit par contact direct, soit peut-être par des étincelles, enflamme tel ou tel point de la charge; 4. — La charge se casse au choc, soit qu'elle soit naturellement massive, soit qu'elle ait été en- rochée par le choc au départ. Cette cassure et peut- être aussi les frottements des morceaux entre eux déterminent l'inflammaltion ; 5. — Les vibrations produites par le choc dans le métal de l'obus et transmises à la charge par contact sont suffisantes pour amener la réaction chimique de l'explosion ; 6. — Quand il, y a un détonateur, les éléments eux-mêmes de ce détonateur s’enflamment spon- tanément et mettent le feu prématurément, Remarquons, en passant, qu'il y a dans le déto- nateur plusieurs éléments d’une sensibilité particu- lière : nous n'y insisterons pas afin de ne pas parailre dévoiler quoi que ce soit au sujet de cet arlifice que nous ne connaissons pas du reste exac- tement. 11 nous suffira de bien poser en principe que ce détonateur est la partie la plus sensible et la plus inflammable. Si l’on réfléchit aux différentes hypothèses que nous venons d'énoncer, on comprend que, selon toute probabilité, chacune des causes énoncées à son rôle dans le phénomène : suivant les cireons- tances du tir, la nature, l’état ou la disposition de l’explosif, chacune d'elles peut devenir prédomi- nante. Nous pensons que le procédé à trouver de- vra par suite remédier à la fois à toutes ces causes diverses, On sait que, surtout avec les explosifs les plus puissants, il se produit parfois, rarement à la vé- rité, des éclatements dans l'âme de la pièce, par l'effet du choc au départ, Ces éclatements sont particulièrement désastreux avec les nouveaux explosifs. Ils entrainent alors, en effet, la rupture de la pièce et souvent aussi de l'affût, la mort des servants et, en outre, des avaries considérables. Il est done à désirer que le procédé cherché puisse aussi, sans trop de complications, faire disparaitre radicalement ce grave inconvénient. Dans l'impuissance où l’on s’est trouvé jusqu'ici d'empêcher ces éclatements prématurés, on à es- sayé deux palliatifs différents pour en atténuer les conséquences fàcheuses !. L’explosif le plus puissant ayant paru aussi le plus sensible, certains artilleurs ont proposé d'em- ployer, pour le chargement des obus, de rupture, surtout pour ceux à grande capacité, un produit, moins puissant à la vérité, mais qui, ayant une rapidité de combustion moins grande, permettait une meilleure utilisation de la force vive du pro- jectile. Il n'y a pas besoin de réfléchir longtemps pour comprendre que cette solution est assez mé- diocre, puisqu'elle fait perdre d'un côté ce qu'on gagne de l'autre. Elle ne serait admissible que si l'explosion ne se produisait plus réellement que dans l'intérieur du navire; mais il n'en est pas ainsi, et ce procédé si contestable n’a produit qu'un retard à peine appréciable. Un autre procédé a consisté dans le déplacement de la fusée : on a transporté au culot la fusée qui, auparavant, était placée à la pointe de l'ogive. On a vu, dans la citation placée en tête de cel article, que c’est cette solution que prône M. Croneau, qui ‘demande une fusée de culot retardée. Il ne faut pas confondre fusée de culot avec fusée retardée : il est bien évident en effet, que, si l’on avait une fusée retardée, et surtout, si les autres éléments de la charge lui laissaient jouer son rôle, et ne prenaient pas feu avant que cette fusée le leur eût communiqué, il est évident, disons-nous, qu'au point de vue où nous nous plaçons, celte fusée re- tardée pourrait se placer indifféremment à l’ogive ou au culot. Cette question de position serait alors déterminée par d'autres considérations : la posi- tion à l’ogive a le petit avantage de diminuer les chances d’explosion dans l'âme. La fusée, en effet, est ainsi mieux protégée contre les effets du choc au départ; mais ces effets ne sont redoutables qu'au cas d'une malfaçon quelconque. À côlé de ce petit inconvénient, la fusée au culot a pour les petits calibres l'avantage de donner une ogive plus massive el, par conséquent, plus résistante; mais cet avantage, qui est certain pour les petits calibres, ne l'est peut-être pas autant pour les gros. Sans vouloir entrer dans des considérations qui nous entraineraient trop loin de notre sujet, il nous suf- fira de rappeler un fait qui concerne les obus de Terrenoire, qui, vers 1880, suffisaient contre les 1 On nous excusera, ici encore, de ne pas donner d'indi- cation précise, ce qui pourrait paraître une indiscrétion blä- mable, Ce reproche serait d'autant moins justifié que nous n'avons aucune donnée précise sur ce qui se passe, äu moins en France. 494 LIEUTENANT-COLONEL PÉRISSÉ — LES OBUS PERFORANTS cuirasses en fer. L'usine ne put arriver à fournir les projectiles de 27 centimètres el surtout de 32 centimètres que lorsque, sur l'avis d'un mem- bre de la Commission de Gàvres, elle se fut décidée part en part suivant l'axe de l’'obus. En augmentant l’action de la trempe, ce canal, qu'on bouchait ensuite avec une cheville d'acier, donnait une ogive plus résistante. D'ailleurs, cette question de la position de la fusée, à l’ogive ou au culot, n’a qu'une importance relative, parce que la détonation franchit toujours tous les échelons retardateurs, c’est-à-dire que la charge et le détonateur prennent toujours feu au choc, sans attendre le fonctionnement plus ou moins compliqué du dispositif de retard. Quand c’est le délonateur qui cause celte in- flammation et, par suite la rupture prématurée de l’'obus, comme il accompagne forcément le mécanisme d'inflammation on obtient un relard sensible à percer l’ogive de Cu / GI, LOL Plaque Cuirasse par le seul efret de son déplace- ment de l'ogive au culot. Mais ce serait une erreur decroire que des dispo- silions spécia- les de la fusée d'inflarmmation 2 ns Fig. 1. — Obus perçant une plaque de cuirasse. — D, délonateur; O, ogive; C, culot: E, corps de l’obus; D', nou- velle position du détonateur; dis- tance AB = 5 à 6 centimètres. retardée soient pour rien dans cet effet. Cela peut, il être expliqué aisément. des faits montre que, lorsque le détonateur D (fig. 1) est placé dans l'ogive O, si l’obus est tiré sur une plaque en acier de bonne qualité, sa rupture par l'explosion se produit alors que la pointe de l’'obus à pénétré Ale 5 à 6 (AB) dans la plaque. instants la nous semble, L'examen centimètres Coime dans les premiers vitesse de l’obus diminue peu, initiales actuelles, la vitesse moyeune de ce petit parcours de quelques centimètres à 550 mètres par seconde environ; on a ainsi, pour le petit parcours considéré AB, une on peut évaluer, avec les vitesses durée de de seconde environ. Tel est donc 1 10. 00 le temps nécessaire pour la série de phénomènes qui commencent à l’ébranlement de la fusée et se terminent à la rupture de l’obus. Cela posé, et sans rien changer d'ailleurs, transportons cette même fusée et, avec elle, le détonateur de l'ogive au culot en D’; la figure, toute schématique, montre que le choc sur la plaque n'arrivera plus directement à ce double artifice; il n’y atteindra que par l'intermédiaire du métal de l'obus. Or, la vitesse de transmission dans ce mélal nous est connue : elle est égale à celle de la transmission des vibrations dans les métaux, soit à 5.000 mêtres par seconde à peu près. En comptant seulement 0%,50 pour la longueur du projectile (et c’est un minimum déjà atteint avec l'obus de 15 centimè- tres), on voit que la fusée et le détonaleur D' ne recevront la commotion que lorsque les premières vibrations éprouvées par la pointe A arriveront au culot C; soit, avec les chiffres ci-dessus, "Us ou 5.000 il 10.000 étant alors les mêmes que dans le premier cas, exi- seront, comme tout à l'heure, le même laps de temps; par suite, le seul déplacement de la fusée aura plus que doublé le temps écoulé entre le premier choc de la pointe À etla rupture de l’obus. Cette rupture se produira done, non plus quand la pointe aura pénétré de 5 à 6 centimètres, mais quand la pénétration sera de 8 à 9 centimètres. Le temps est au moins doublé, mais non fa pénétra- lion, à cause de la diminution rapide de la vitesse. On comprend que, si en même lemps qu'on à changé la position du détonateur et de la fusée, on Al one cela arrive généralement, les dis- positions de cette fusée, on peut se laisser tromper par le résultat obtenu, et attribuer ce premier ré- sultat appréciable au dispositif nouveau de la fusée, au lieu de l’attribuer à sa vraie cause, qui est: le relard dans la transmission du choc, de la pointe de l'ogive aux points d'inflammation. Mais bientôt on est forcémentremis sur la bonne piste, par suite de l'invariabilité du bénéfice ob- tenu, quelque changement qu'on puisse faire dans les dispositions de la fusée: cela provient de ce que, comme nous l'avons déjà dit, l'inflammation spontanée de la charge et la rupture prématurée de l’obus ne sont à peu près jamais produites par la fusée de mise de feu, mais par l'inflammation spontanée du détonateur d'abord et de la charge C'est donc sur eux qu'il faut agir pour erreur, à moins que ce ne soil un trompe-l'œil, de chercher la solution dans des dispositifs de la fusée de mise de feu. Le bénéfice de pénétration obtenu par le simple retard, extrèmement pelit cependant, que procure le transport du délonateur de l'ogive au culot, montre, semble-t-il, la voie dans laquelle il faut il s'agit d'obtenir un retard de de seconde. Tous les autres phénomènes ensuite. supprimer ce grave inconvénient. C'est une pousser les essais : LiEUTENANT-CoLONEL PÉRISSÉ — LES OBUS PERFORANTS quelques dix-millièmes de seconde. Le problème serait done résolu si l’on trouvait un moyen, non pas tant d’atlénuer les résultats du choc, que de soustraire pendant un millième de seconde à peu près, la charge et le détonateur, au choc éprouvé par l'obus. IN Si nous nous sommes appliqué à poser le pro- blème avec netteté, c’est que nous ne pensons pas, avec M. Croneau, que ce problème ait encore été réellement résolu chez aucune puissance navale. Définissons bien la question : aujourd’hui toutes les nations ont des obus de rupture capables de traverser, à l’élat inerte, c'est-à-dire sans charge intérieure, une plaque d'acier de bonne qualité d'une épaisseur égale à leur calibre. Ces obus peu- vent recevoir une charge d’explosif égale au = environ de leur poids total. Mais, dès que ces obus sont tirés munis de cette charge d'explosion, sur une plaque même très mince, ils éclatent au premier choc. Les avaries sont alors localisées au cuirassement, et le person- nel et le matériel placés derrière n’ont à redouter que quelques éclats, soit du projectile, soit de la muraille. Ne Avec les obus à grande capacité, c'est-à-dire L t1 à t1 contenant le + et le 5x linite, les choses se passent exactement de même en ce qui concerne le moment et par suite le point de l'explosion. La nature de la fusée n’arien à faire en l'espèce. Mais cette explosion, foujours exté- rieure, portant, dans ce dernier cas, sur une quan- tité d'explosif quatre ou cinq fois plus grande, les effets sur la muraille sont beaucoup plus considé- rables et la brèche produite beaucoup plus grande. Pour le personnel et le matériel, le résultat est à peu près le même: une violente commotion suivie du de leur poids total de mé- passage de quelques éclats de l'obus et de la mu- raille. La puissance des nouveaux explosifs est telle, en effet, que, même avec l'explosion extérieure à la muraille, elle compense la différence de faculté de pénétration des deux obus inertes. Il est bien clair que l'obus à grande capacité, moins robuste que l'autre, ne peut, à l'état inerte, percer des plaques aussi épaisses que l’obus de rupture de même ca- libre. Mais, en somme, quand l'un et l'autre ne font, par l'effet de leur imperfection, que du tir contondant, c’est-à-dire qu'un tir destiné à détruire la plaque, l’obus de rupture perdant ainsi sa pro- priété d’être perforant, l'obus à grande capacité reprend sur lui toule sa supériorité. Les choses se passant comme nous venons de le dire, on comprend qu'une euirasse mince soit à la 495 fois nécessaire et suffisante pour empêcher l'explo- sion à l'intérieur du navire. C'est ce qui explique pourquoi toutes les nouvelles constructions pré- sentent ce caractère de l'augmentation des surfaces cuirassées accompagnant la diminution des épais- seurs de cuirasse. Mais si les artilleurs réussissaient à empêcher les explosions prématurées, il deviendrait, par contre- coup, absolument nécessaire de trouver un mode de protection capable d'arrêter les projectiles au dehors, et cela ne conduirait pas certainement à l'emploi des plaques minces. Or, c’est précisément ce qui caractérise au plus haut degré les construc- tions anglaises qui ont suivi le Naval Defence Act de 1891 : amincissement et augmentation des sur- faces des cuirasses. Nous sommes donc autorisé à croire que les plans de ces constructions reposent sur ces deux données, l’une positive et l’autre né- gative : 1° Augmentation considérable de la résistance des plaques obtenue par le procédé Harvey ; 2 Opinion que les obus à inflammation vÉRITARLE- MENT RETARDÉE ne Seront jamais trouvés. On nous objectera peut-être que ce sont là des bases un peu fragiles pour une dépense qui à atteint, en crédits déjà votés, environ 1.100 mil- lions de francs. Nous répondrons d'abord qu'en ce qui concerne les plaques Harvey, l'opinion que l’on s'en était faite à l’origine élait naturellement peut- être un peu entachée d’exagération. Il faut, d’ail- leurs, remarquer que, pendant plusieurs années, elles sont restées invulnérables, et qu'encore au- jourd'hui l'amélioration de la résistance qu’elles procurent à égalité d'épaisseur avec les plaques d'acier ordinaire justifie largement la grande réputation qu'elles ‘ont acquise. Encore aujour- d'hui (1897) on n’est pas bien fixé sur les condi- tions de profil, de fixation et de qualité du métal à employer pour la construction de la coiffe qui permet la perforation par les projectiles. En ce qui concerne le problème que nous étu- dions spécialement, c'est-à-dire la recherche d’obus à inflammation retardée, il ne faut pas oublier que voilà vingt ans qu'il s’est posé pour la première fois et cela sans avoir trouvé encore de solution complète. Les nouveaux explosifs d'une rapidité de combustion beaucoup plus grande rendent le problème encore plus difficile en même temps qu'ils augmentent l'importance de la -solution. IL n’était donc pas excessif d'admettre que cette solu- tion ne serait jamais trouvée. Enfin, si nous ne craignions de sortir des sujets habituellement traités dans cette /evue, nous fe- rions remarquer que la situation politique créait précisément en ce moment, pour l'Angleterre, l'obligation de s'assurer à bref délai une prépon- 496 CH. BARROIS — RECHERCHES DE M. CAYEUX SUR LES TERRAINS SÉDIMENTAIRES dérance navale incontestable : les événements qui se préparaient en Turquie, la situation de la Grande-Bretagne en Égyple «et au Cap faisaient prévoir des difficultés prochaines. La question se posait, semble-t-il, pour elle en ces termes : la possession de l'Afrique depuis l'Egypte jusqu'au Cap; avec crochet au Niger, vaut-elle 4.100 millions ? Une fois le problème ainsi posé, on sail avec quelle netteté, et quelle vigueur les Anglais ont répondu. On raconte qu'au moment oùles travaux de per- cement du Canal de Suez allaient commencer, de Lesseps demanda aux constructeurs francais et nes dragues nécessaires pour ce travail. Les Français fournirent des dragues excellentes qui sont encore aujourd'hui employées à l'entretien; mais elles furent livrées en 1872, trois ans après l'ouverture du canal qui avait élé creusé par les très médiocres dragues anglaises qui, elles, avaient été livrées à temps. La situation politique actuelle indique que la construction de la nouvelle flotte anglaise est arri- vée à temps. Est-ce que la France attendra la fin de la pro- chaine guerre pour avoir les obus à grande capa- cité et à explosion retardée qui diminueraient dans une si forte proportion la valeur de cette flotte nouvelle ? V En résumé, nous ne croyons pas qu'aucune puis- sance navale possède encore aujourd'hui des obus réellement retardés, c’est-à-dire organisés de telle manière que le projectile ait dépensé la majeure partie de sa force vive pour la pénétration dans la plaque de cuirasse, avant d'être rompu par l’écla- tement de sa charge intérieure. La plupart, toute- fois, ont des obus à grande capacité, dont l'explosion contre la cuirasse produit des effets conlondants considérables. L'énormité même de ces effets ex- plique pourquoi nous sommes entièrement de l'avis de M. Croneau en ce qui concerne l'importance de l’obus retardé : cette importance est capitale et ne saurait être exagérée. En par slier pour la France, la possession d’obus à grande capacité et à explosion retardée aurait cel avantage de diminuer dans une propor- tion considérable la valeur défensive et militaire des dernières constructions navales de ses princi- paux adversaires éventuels. En Angleterre, en Allemagne, en Italie on a adopté le système du cuirassement général de petite épaisseur. Nous avons démontré qu'un seul obus de gros calibre à explosion retardée peut être décisif contre un navire construit d’après ces données. Nous ne pouvons donc que répéter, après M. Croneau, en le modifiant très légèrement, l'aphorisme que nous avons placé en tête de cet article : « Dans la pro- chaine querre navale européenne, la victoire appar- tiendra à celui qui aura des obus en acier à forte capacité d'explosif et à éclatement retardé. » LIEUTENANT-COLONEL Périssé. LES RECHERCHES DE M. CAYEUX SUR LES TERRAINS SÉDIMENTAIRES DU BASSIN DE PARIS ET DE LA BELGIQUE? La préoccupation habituelle des savants qui s’adonnent à l'étude des terrains sédimentaires, consiste à rechercher l’ordre de succession des couches, à décrire leur faune et leur répartition géographique. L'examen microscopique des sédi- ments, tant au point de vue des minéraux que des débris organiques composants, est plutôt négligé. 1 Le ministre auquel j'ai entendu raconter cette anecdote levant les Ingénieurs coloniaux en tirait pour eux celle nclusion qu'il ne suffit pas de très bien faire, mais qu'il aut surtout arriver à temps. Ce n’est pas le ministre de la Morine qui parlait ainsi : c’est le ministre des Colonies. 2 L. Caveux : Contribution à l'étude micrographique des ter- rains sédimentaires. Lille 1597. 589 pages in-49, 40 planches, 20 figures dans le texte. (Extrait des Mémotres de la Sociélé de Géologie du Nord.) | Le travail que vient de publier M. Cayeux rompt avec ces vieilles méthodes: il sort du domaine des thèses habituelles, et, à ce titre, mérite d'attirer l'attention du publie scientitique. Dans ce mémoire, l'auteur décrit non seulement les parties ténues des roches qui échappent à une observation super- ficielle, mais il apprend, de plus, tout le parti qu'on peut tirer de leur étude, pour interpréter la genèse des roches, et retracer l'histoire des anciennes mers, en expliquant leur profondeur, leurs cou- rants, et les diverses conditions physiques des dépôts. Les roches qui ont fixé l'attention de M. Cayeux et auxquelles le présent mémoire se trouve limité, sont les plus vulgaires et les plus répandues du CH. BARROIS — RECHERCHES DE M. CAYEUX SUR LES TERRAINS SÉDIMENTAIRES 497 Bassin de Paris et de la Belgique : les siliceuses et les calcaires, et, parmi elles, les gaizes et les craes. Ces roches affleurent partout, et sont connues de tous : ainsi, la Champagne est un pays formé tout entier de craie ; l'Argonne, un pays de gaize, sorte de grès tendre, léger, poreux, de couleur vert- clair. Pour l’auteur, l'étude micrographique des dépôts sédimentaires, c'est la recherche du rôle qu'il convient d'attribuer aux agents mécaniques, chi- miques et physiologiques, qui concourent à leur formation. Et, pour arriver à ce résyltat, il les con- sidère successivemenl : en géologue, pour connaître leur gisement; en minéralogiste, pour la diagnose des minéraux en lames minces; en chimiste, pour la teneur des principales substances; et en natura- liste, pour la détermination générique des débris animaux et végétaux. Cette méthode permet de dire ce que renferme réellement une roche, et aussi ce qu'elle a contenu, avant que les phénomènes tectoniques et chimiques ne l’aient lentement transformée en son état actuel. La valeur de cette méthode reposant sur le nombre et la précision des observations de détail, le mémoire de M. Cayeux a nécessité des dévelop- pements considérables, tant pour les roches sili- ceuses que pour les calcaires. » I. — ROCHES SILICEUSES. Les roches sédimentaires siliceuses présentent trois groupes principaux : les grès, où prédominent les débris clastiques de quartz crislallin ; les gaëzes, très riches en débris d'organismes siliceux; les sileæ, où la silice est en majeure partie d'origine chimique. C'est à l'étude des gaizes, parmi les roches sili- ceuses, qu'est limité le présent mémoire. $ 1. — Nature des gaizes. Si l'on comprend sous le nom de quize les roches siliceuses très riches en débris d'organismes sili- ceux, renfermant du quartz et de la glauconie, également agglutinés par un ciment d'opale addi- tionnée d'argile, quelquefois de calcédoine, et ecom- portant une très faible proportion de carbonate de chaux, on peut grouper, sous une rubrique unique, toute une série de roches siliceuses diverses, dis- tinguées sous des noms locaux, désignations vul- gaires, qui n'ont point pris rang dans la science, où ces roches méconnues sont généralement clas- sées parmi les grès, comme variétés. Un‘premier titre de M. Cayeux est d'avoir reconnu la parenté de toutes ces roches de facies si polymorphe, tant dans les grandes collections de l'Université de Lille que dans celle de l'École nationale des Mines, el, par-dessus tout, sur le terrain où ses recherches se sont étendues, des falaises de la Manche aux coteaux de la Bourgogne, et du département du Cher, à l'ouest, au pays du Herve, au delà de Liège, à l’est, comprenant les formations des époques jurassique, crétacée et tertiaire. Les formations siliceuses suivantes ont été l’objet de descriptions détaillées : Epoque Jurassique : Gaize oxfordienne à Cardioceras Marine. Epoque Crélacée : —— %. -Gaiïze albienne à Acanthoceras mamillare. %.. Gaïze cénomanienne à Schloenbachia inflat&, Gaize cénomanienne à Acanthoceras Mantelli. Meule cénomanienne de Braquegnies ét Phivencelles. Tôtes de chat de Maisières (Turonien). Rabots de Saint-Denis (Turonien). Smectique de Herve (Sénonien). Epoque Tertiaire : Tuffeaux landéniens à Cyprina planata (Thanétien). Tutfeaux yprésiens des Flandres. L'étendue des recherches auxquelles ces roches ont donné lieu empêche de les résumer toutes ici: il suffira, d’ailleurs, de considérer d'une d'elles, prise au hasard, pour apprécier la manière de l’auteur, et signaler l’œuvre aux spécialistes. Nous arrêterons notre choix sur la gaize de l'Argonne, comme sur le type lithologique connu par le plus grand nombre des géologues. C'est la roche po- reuse, qui forme, à l’est du bassin de Paris, le rempart de l’'Argonne, enceinte dont les défilés célèbres sont aussi connus des historiens que des géographes. Pour les géologues, la gaize était jus- qu'ici une roche siliceuse, argileuse, poreuse et tendre, une sorte de grès renfermant une forte proportion de silice soluble dans les alealis ; M. Cayeux a reconnu qu'elle était essentiellement formée de débris d'organismes siliceux, parfois intacts et déterminables, souvent altérés et trans- formés, et qu'il y avait lieu de considérer succes- sivement ses minéraux constituants, ses organis- mes, son ciment et sa composition chimique. $ 2. — Minéraux constituants de la gaize. Les minéraux de la gaize sont ou détritiques ou authigènes. Les premiers n'interviennent dans la composition de cette roche que pour la moitié au plus, oscillant généralement autour de 1/10, et des- cendant parfois à 1/20 et même au-dessous : les variétés les plus calcarifères sont les plus pauvres en minéraux. Ce sont : quartz, mica blanc, orthose, plagioclase, zircon, magnétite, tourmaline, rulile. La glauconie est le minéral authigène le plus inté- ressant ; le nombre et le volume de ses éléments augmentent à mesure que le caractère littoral est plus marqué. Elle présente plusieurs manières 198 CH. BARROIS — RECHERCHES DE M. CAYEUX SUR LES TERRAINS SÉDIMENTAIRES d'être distinctes (fig. 1), et, par suite, deux modes d'origine : 1° en grains arrondis ou concrétionnés, clivés, en taches, en enduits; 2° en relation avec les débris organiques. La pyrite, parfois en pro- portions notables, occupe l'emplacement des spi- cules d'éponges. $ 3. — Organismes de la gaize. Quelle que soit la part qui revienne aux miné- raux dans la composition de la gaize, celle des organismes est toujours importante. Les principaux groupes dont le rôle ait été précisé sont les Spon- giaires, Radiolaires, Foraminifères et Diatomées. Les Spongiaires (fig. 2) forment la principale caractérislique organi- que; les nombreux ves- tiges qu'ils ont laissés sont de forme excessi- vement variée, ils se répartissent entre tous les groupes d'éponges siliceuses. Le degré de fréquence des spicules est sujet à de grandes variations ; leur pro- portion s'élève au maxi- mum à 1/2, variant Ge 1/2 à 1/10. La matière dont est formé actuelle- ment le spicule est très variable : opale, calcé- doine, glauconie ou py- rile. Les trois premières substances sont suscep- tibles de s'associer en répandus dans les variétés calcaires; la taille de ces coquilles et l’épaisseur de leur test sont d'au- tant plus grandes que le caractère liltoral du sédi- ment est plus marqué. Les Diatomées, sans importance numérique, sont cependant représentées, et fournissent, de concert avec d'autres débris organiques des gaizes juras- siques, de remarquables exemples de transfor- mation en calcaire de leur cuirasse siliceuse. La substitution lente et progressive du carbonate de chaux à la silice peut seule expliquer l’état de conservation de ces Diatomées. Les Diatomées marines ont fourni à M. Cayeux une flore plus remarquable dans les tuffeaux éocènes. S 4. Ciment de la gaize. L'étude du ciment des gaizes, ou de la matière qui agglutine les minéraux et les or- ganismes, offre des pro- blèmes variés. Le car- bonate de chaux est un élément habituel, le reste est un mélange intime de silice et de matière argileuse. Des trois modalités que pré- sente la silice libre dans les gaizes, l'opale est de beaucoup la plus ré- pandue; la calcédoine est un élément d'impor- tance secondaire. L'o- toutes proportions dans un seul spicule ; la pré- sence de la pyrite est Fig. 1. — Gaise de la Reupelle à ACANTHOCGERAS NAMILLARE vue au microscope (grossissement : 40 diamètres). — a et d, restes de spicules calcédoniéux; b, grains de glauconie homogène; €, grains de glauconie à structure granuleuse; tous les bâtonnets allongés ainsi que les sections circulaires pale montre trois ma- nières d'être : opale gélalinoïde, qui prédo- intéressante, parce qu’elle correspond à la mise en liberté de la silice qui formait primiti- vement le& spicules. On doit en dire autant de l'existence de vides correspondant à l’emplace- ment de spicules dissous, et qui, parfois, enva_ hissent la roche au point de constituer le 1/4 de son volume. É Les Radiolaires, dont l'existence n'avait jamais élé signalée dans la gaize, appartiennent aux Sphæroidea et Discoidea (Argonne), ou aux Sphæ- roidea, Ellipsida et Stichocyrtida (Cher); mais leur rôle a été des plus restreints dans la formation de a roche. Ils ont fourni, par contre, une faune nou- très riche, illustrée par de belles planches, dans la Smectique de Herve. Les Foraminifères sont très inégalement répar- rares dans les variétés siliceuses, ils sont plus velle Lis : ou eliptiques appartiennent à des spicules de Spongiaires. mine de beaucoup, opalehyalitiqueetopale sphérolilique, très accessoires. Les plages de cal- cédoine se forment aux dépens du ciment et des organismes siliceux, mais on peut ériger en prin- cipe quelles parties cherteuses(parties silicifiées pas- sant au silex)correspondent aux points où les orga- nismes siliceux présentent leur fréquence maxima. L'analyse chimique accuse une proportion très variable et souvent très notable d’alumine. La plus grande partie de cette substance se trouve com- binée à la silice sous forme d'argile. La silice géla- tinoïde et la matière argileuse se pénètrent de la facon la plus intime pour former le ciment de la plupart des gaizes. On constate qu'il y à associa- tion dans le ciment des gaizes siliceuses, comme dans les argiles sédimentaires proprement dites, de différentes espèces de silicates d’alumine hydra- CH. BARROIS — RECHERCHES DE M. CAYEUX SUR LES TERRAINS SÉDIMENTAIRES 499 tés, l’une à l’état de paillettes nettement cristal- lines, l’autre ne se laissant pas décomposer en ses éléments constituants, mais présentant une action évidente sur la lumière polarisée. Ces matières argileuses ne présentent pas une grande stabilité ; elles sont détruites lorsque la silice de la gaize subit une différenciation morphologique prononcée ou qu'elle cristallise en calcédoine : la quantité d'argile aux différents points d'une gaize qui passe au chert, varie en raison inverse des métamor- phoses subies par la silice. $ 5. — Composition chimique de la gaize. Les analyses chimiques des gaizes montrent que la proportion de silice soluble dans la potasse que contiennent ces ro- ches est très variable : 10 à 70 °/,; mais la va- leurabsoluedes chiffres qui servent à exprimer les teneurs ne corres- pondent pas à une mo- dalité délerminée de la silice, que le micro- scope pourrait mettre en évidence. La propor- tion de la silice totale est comprise entre 76 et 92 °/,. La proportion d’alumine esltrès chan- geante. Le carbonate de chaux existe, bien qu'en proportions très variables, dans toutes les gaizes : ses varia- Fig. 2. — Tuffeau landénien de Bouchavesnes vu au micro- celle qui a été introduite dans le dépôt à l'origine. Par conséquent, la silice du ciment étant secon- daire, on peut se représenter l’état initial des gaizes comme une boue calcarifère et argileuse, chargée d'une quantité très variable d'éléments de trans- port, renfermant un grand nombre d'organismes siliceux et accidentellement des Foraminifères. La métamorphose de la roche s'est faite principale- ment aux dépens du carbonate de chaux qui a été remplacé par la silice. La matière argileuse n'y est point restée étrangère. Il est peu de dépôts, parmi les terrains sédimen- laires, chez lesquels l'activité chimique ait aussi profondément marqué son empreinte. On lui doit dans le domaine orga- nique : dissolution de spiculesdeSpongiaires, transformation de la silice des spicules con- servés, formation de spicules glauconieux et pyriteux, silicification de Foraminifères el cal- cification de Diatomées ; et dans le règne miné- ral : genèse des diffé- rents élals de la silice hydratée, formation de nodules siliceux, des- truction de la matière argileuse et du carbo- nate de chaux, genèse de la glauconie et de la pyriteetdéveloppement du carbonate de chaux secondaire. C'est une tions sont en relation immédiate avec la com- posilion organique spé- ciale de la roche. La silice, qui prend une part si importante à la composition de la scope (grossissement : 40 diamètres). — à, quartz; b, grain de glauconie; e, spicule dont les extrémités sont en calcé- doine et la partie moyenne en opale avec canal d'une grande finesse; d, spicule calcédouieux avec vestige de canal: e, spicule calcédonieux avec canal élargi, arqué, et en grande partie calcédonieux; 7, spicule calcédonieux ayant perdu une grande partie de ses contours, par suite de la transformation en calcédoine du ciment ambiant; g, section trausversale d'un spicule calcédonieux avec canal glauco- nieux très large; X et ?, radiolaires; 7, spicule globuleux _ d'éponge; #, diatomée. roche subordonnée au système de la gaize ox- fordienne qui présente la plus grande somme de métamorphoses cette roche, calcarifère à l’origine, est devenue gaize (76-92 °/,), et qui lui imprime une physionomie si particulière, a plu- sieurs origines. Si l’on se demande d'où vient la silice minérale du ciment et à quelle époque elle a pris la place qu'elle occupe aujourd'hui, on devra reconnaitre que ces processus sont multiples. Les diverses sources de silice reconnues ici sont la dis- solution de spicules sur le fond de la mer, puis leur dissolution à l'intérieur du sédiment, l'inter- vention des dépôts supérieurs à la gaize, et enfin la destruction de la matière argileuse. On voit ainsi que la quantité de silice libre que les gaizes renferment actuellement, est supérieure à siliceuse et a élé, fina- lement, transformée en calcaire cristallin. S 6. — Conclusions tirées de l'étude des gaizes. Le principal résultat de cette étude est la mise en évidence du rôle important des organismes sili- ceux qui président, pour ainsi dire, aux mélamor- phoses du sédiment dans lequel ils sont inclus. Par leur dissolution, ils fournissent de la silice à ces ter- rains (épigénie du ciment) et, par leur présence, ils attirent et fixent sur place la silice en solution qui circule dans le dépôt, qu'elle soit d’origineorganique | ou non. Au fur et à mesure que se poursuivent ce 500 CH. BARROIS — RECHERCHES DE M. CAYEUX SUR LES TERRAINS SEDIMENTAIRES transformalions, la silice des Spongiaires, Radio- laires, Diatomées est restituée au monde inorga- nique; elle y entre dans des combinaisons diverses, et on voit apparaitre les différentes formes de silice hydratée, opale gélatinoïde, hyalitique, sphé- rolitique, calcédoine, quartzine, quartz globulaire, et jusqu'au quartz lui-même. On connaît des exemples de production de quartz aux dépens de la silice des Spongiaires. Par ces considérations sur la migration des élé- ments et la genèse du ciment, M. Cayeux s'élève jusqu'aux grandes questions de la Géologie, ques- tions fondamentales, souvent discutées et toujours pendantes, et il fournit des arguments au Neptu- nisme contre le Plutonisme. Dans la théorie nep- tunienne, l’imprégnation d’eau, agissant pendant longlemps, sous les conditions ordinaires, aurait provoqué parmi les roches les cristallisations et les changements de substance produits sans apport ni enlèvement de matière; M. Cayeux a décrit dans les gaizes de curieux exemples de pseudomorphoses miné- rales, des enlèvements et des apports de matière par transport de solutions minérales de niveaux superficiels à des niveaux plus profonds, et de multiples réactions produites par les solutions sur les roches traversées, ayant pour résultat eb pour consé- quence de lentes néoformalions cris- la mer anglo-parisienne avec celle du Jura et des Alpes, et le Crétacé du S.-0. et de l'Ouest pour montrer comment s'effectue le passage latéral de dépôts littoraux et subliltoraux à la craie propre- ment dite du centre du bassin. L'étude complète d’une craie comporte une série d'opérations multiples. L'analyse microsco- pique en à été faite de deux manières : 1° par l'examen de sections minces; 2 par dissociation mécanique des éléments, obtenue par une série de lévigations, de décantations, éléments qu'on étudie ensuite séparément dans l'eau, la glycérine et le baume de Canada. La teneur en calcaire a été déterminée en dosant l'acide carbonique à l’aide de l'appareil de Geissler et Erdmann et en le rapportantenéntier au carbonate de chaux. Le résidu insoluble dans l'acide chlorhydrique est pesé, puis débarrassé de l’argile par décantation; les proportions d'orga- nismes et de ciment sont obtènues par des décantations successivess les minéraux lourds ont été séparés à l’aide de la liqueur:de Thoulet. L'étude micrographique de la craie: conduit à la eonnaissance de cér- taines caractéristiques de niveau, d'assise, d'étage, susceptibles de pré- senter un grand'intérêt au point de vue pratique ; etl’examen d’une seule coupe mince fournit presque toujours tallines, rappelant celles qui sont Fig. 3. — Cristaux de zireon le moyen de déterminer les différents s : ss è trouvés, celui de gauche i Ç 25 ans t > ST ) y a TS niveaux. , répandues dans la pàle des roches Ailes débt eenS veë ; Fac plutoniques acides. éocènes, celui de droite M. Cayeux décrit successivement dans le Turonien et le Sé- sud-ouest du Bassin de Paris. nonien du IT. — ROCHES CALCAIRES. La seconde partie du mémoire est consacrée à l'étude de la craie du Turonien et du Sénonien du Bassin de Paris. $S 1. — Nature des craies. Les craies du département du Nord, du pays de Bray, de la région de Rouen, de l'Yonne, du S.-0. et de l'Ouest du Bassin parisien ont été soumises à une élude micrographique détaillée. Le choix de ces points a été dicté par les raisons suivantes : la craie du département du Nord se trouve à la limite septentrionale des affleurements du bassin, et la plupart des niveaux s'y présentent avec des facies qu'ils ne revêtent qu'en cette région. Le pays de Bray occupe sensiblement le centre de l'ancienne mer crétacée anglo-parisienne. La craie le Rouen fournit une série placée dans le voisi- nage de la O. du bassin. La craie de l'Yonne a été étudiée en raison de son emplace- ment en face du détroit qui faisait communiquer bordure les éléments détritiques, les organis- mes, le ciment et la composition chi- mique de la craie. $ 2, — Eléments détritiques de la craie. Les galets étrangers qu'il a trouvés dans la craie sont rapportés à l'intervention active des végétaux et des courants; il y a; dans les mêmes gisements, des fragments de bois flottés. Les miné- raux clastiques, toujours en proportions faibles, °/, en général, n’atteignent des proportions plus élevées, 45 ‘/,, que dans les formations littorales du Turonien. Ce sont : quartz, zircon (fig. 3), tour- maline, rutile, magnétite, orthose, plagioclase, ana- tase, brookite, chlorite, staurotide, grenat, apatile, corindon, ilménite, disthène. Ils sont inégalement répartis dans les diverses régions du bassin. Les minéraux secondaires sont: glauconie, phos- phate de chaux, orthose, leverrierite, calcite, py- rite, limonite, oxyde de manganèse, quartz, opale, silex, dolomie. Le phosphate de chaux amorphe ou cristal- dans toutes les craies : il est rare lisé existe CH. BARROIS — RECHERCHES DE M. CAYEUX SUR LES TERRAINS SÉDIMENTAIRES 501 qu'une section mince, pratiquée au hasard dans n'importe quelle craie, n'en rencontre pas un et parfois plusieurs éléments, bien qu'il se déve- loppe de préférence dans le bassin à des niveaux déterminés. On retrouve à ces niveaux les différents lypes de grains distingués par MM. Renard, Cornet et Strahan : fragments de tissu osseux, éléments résultant du remplissage de coquilles de Rhizo- podes et concrélions microscopiques; M. Cayeux a, de plus, mis en évidence l'existence d’une nouvelle catégorie de grains, engendrés sur place. Tous ces gise- ments de phosphate de chaux du Crétacé supé- rieur ont pris naissance aux périodes de grande rupture d'équilibre de la mer. Le phosphate de chaux a commencé par se précipiter directement sur le fond, sous la forme d'un vernis brun nacré, et presque chimiquement pur; la grande masse des grains de phosphate se serait ensuite déposée. L'orthose existe à tous les niveaux de la craie du bassin parisien, en pe- tits cristaux limpides de On 05; rare dans le Tu- ronien, elle constitue la moitié du résidu minéral du Sénonien, mais est in- également répartie dans les diverses régions. $ 3. — Organismes de la craie. La présence de débris de coquilles de Mollusques etde Brachiopodes est constante à tous les niveaux. Les prismes d’Inocérames prédominent générale- ment, ils atteignent la proportion de 9/10 dans une craie à M. c. testudinarium de Lille, 5/10 à Rouen, 1/5 dans l'Yonne; ils manquent dans le S.-0. où la masse du Turonien et du Sénonien est formée en majeure partie par des débris de Bryozoaires. Les débris d'Echinodermes, assez répandus, forment 4/5 de la craie à St. anguinum de l'Eure. Les Spongiaires ont laissé des débris dans presque tou- tes les craies, mais en proportions très varia- bles; un seul horizon, celui de la craie à M. bre- viporus, se rencontre par- tout dans le bassin avec une riche faune de spi- cules. Les spicules des Spongiaires de la craie ont rarement conservé leur composition initiale en opale (fig. 4); ils sont généralement glauco- nieux ou transformés en calcite, parfois en pyrite, en phosphate de chaux, en limonite, ou tantôt remplacés par des vides. Des Radiolaires ont été rencontrés en différentes assises et en plusieurs points du bassin; c’est seulement dans la craie ÿ Ldecqueren Le quartz se montre à Bélemnitelles qu'ils se ; Re , Fig. 4. — Spicules en opale de la craie à TEREBRATULINA : parfois dans le résidu in- GRAGILIS de la région de Rouen (grossiss. : 40 dia- présentent avec quelque soluble des craies en cris- mètres). — 1-9, spicules monoaxes se rapportant aux fréquence. Cérbines pla- taux bipyramidés; il s’est formé sur une grande échelle en plusieurs points du Crétacé du S.-0. du bassin. Dans le tuffeau angoumien de Langeais, sa structure rappelle celle du quartz des granits. L'étude des rognons de silex, si répandus dans la Monactinellidæ, Tetractinellidæ et Lithislidæ ; 10, spi- cule en forme de trident, prolongé sous forme de hampe (Geodia); 11-14 et 21, spicules en ancre d'’af- fourche ; 15, spicule dernique de Geodites (très rare); 16, spicule dermique de Stelletites (?) (très rare); 18-20, formes simples à quatre rayons coniques égaux ou non (Pachastrella); 22, spicule du squelette de Mega- morinu, lisse, irréguliérement ramifié; 23, spicule du squelette de Tetracladina, àquatrerayons épaissis bifur- qués ; 24 et 28, spicules dermiques de Tetracladina pour- vus d'un grand nombre de bras; 25-27 et 29, spicules du squeletté de Rhizomorina, branchus et irréguliers ; 30, disque siliceux de Telracladina; 31-33, spicules de Dyclyonina soudés entre eux; 34-35, spicules hexara- diés libres de Lyssakina. ges phosphatées en mon- trent en nombre relative- ment grand et de formes variées; ils ne paraissent si rares dans la craie que parce qu'ils y ont été dé- truits chimiquement. Les Foraminifères sont très inégalement répartis et généralement fragmen- craie, a montré que leur formation a pu se pro- duire à diverses périodes, de telle sorte que, débu- tant sur le fond de la mer, elle a pu se continuer, au moins dans certains cas, jusqu'après l’'émersion de la craie. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897. taires; on les trouve en plus grande proportion dans le Turonien (80 °/, à Rouen), et en très faible proportion dans le Sénonien, à partir de l'assise à M. cor anguinum (5 à 10 ‘/,). Les Foraminifères monothalamiens (#issurina, Orbulina) sont pré- 12° 502 CH. BARROIS — RECHERCHES DE M. CAYEUX SUR LES TERRAINS SÉDIMENTAIRES pondérants dans le Turonien, les formes Plurilo- culaires (Zextularia, Rotalia) Yemportent dans le Sénonien. Le rôle des Globigérines, considéré dans son ensemble, est tout à fait secondaire et souvent presque négligeable. $ 4. — Ciment de la craie. Le ciment des craies est formé par des éléments minéraux et organiques de dimensions tellement exiguës qu'il est impossible d'en préciser la forme et la nature par l'examen des sections minces aux faibles grossissements. Une argile cristallisée en est un élément important. La proportion relative du ciment varie beaucoup dans les diverses craies. La majeure partie du résidu, dû à l’activité chimique, est formée de très petits rhom- boèdres de calcite, de particules calcaires pas- sant de la forme rhom- boédrique à la forme arrondie et de granules irréguliers ; ils provien- nent en partie de la transformation en cal- cite des coquilles en aragonite. La produc- tion de ce carbonate de chaux granuleux du ciment a commencé sur le fond de la mer; elle s’est poursuivie pen- dant que s'accumu- laient les sédiments supérieurs, après l'é- Fig. 5. — Coupe d'une craie à large de la substance qui les constitue. L'état défi- nitif et stable du carbonate de chaux n’est pas, comme celui de la silice, le résultat d'une longue évolution, dont toutes les phases correspondent à des modalités particulières de l'élément : il est atteint d'emblée. Les recherches de M. Cayeux permettent d’affir- mer que toutes les craies blanches sénoniennes, très pauvres en organismes, étaient à l'origine des boues à Foraminifères, présentant les caractères physiques des boues à Globigérines les plus pures des océans actuels. Mais dans cette comparaison d'un sédiment fossilisé avec un sédiment actuel inaltéré, il faut se représenter ce que fut à l’origine le limon crayeux d’où est issue la craie; c'est ce qu'a parfaitement fait l’auteur, non en se basant sur une série de considérations théori- ques, mais en choisis- sant ses échantillons, en partant de craies qui ont conservé leurs organismes grâce à Ja présence d'un milieu protecteur (argile, si- lex, phosphate) (fig. 5). En ne mettant en paral- lèle que la composition organique originelle de la craie, telle qu’elle est conservée dans ses par- ties silicifiées ou phos- phatées, et celle de la boue à Globigérines Bélemnitelles de la Somme mersion de la craie et pendant sa consolida- tion jusqu'à nos jours. 5.— Conclusions tirées de l'étude des craies. (grossissement : 45 diamètres). — La partie nord-ouest de la figure est formée d'une craie blanche normale très fine, ne renfermant que de très rares vestiges de Foraniuifères. Le reste de la figure représente la même craie imprégnée de phosphate de chaux avec de nombreuses coquilles de Rhi- zopodes calcaires conservées grâce à la présence de la ma- tière phosphatée. Cette figure montre donc la composition organique initiale de la vase calcaire dont procède la craie et le résultat de la transformation de cette vase, dans les points où elle est restée calcaire. considérées toutes deux dans leurs grands trails, il est impossible de ne pas être frappé des analogies de ces deux dépôts. Tous les change- ments qui ont affecté la craie se résument par la production de substances minérales nouvelles et la destruction de formes organiques. Malgré son apparente fraicheur, cette roche est loin d'avoir conservé sa composition initiale ; elle a commencé son évolution vers un étal indéfiniment stable, caractérisé par l’anéantissement total des dé- pouilles organiques et la transformation de tout le carbonate de chaux en calcite largement cristallisée. L'histoire des roches calcaires du Crétacé pari- sien est plus simple que celle des roches siliceuses; toute la métamorphose se ramène à la destruction des formes organiques, par cristallisation plus Les bancs durcis et perforés, qui ont été relevés et étudiés par Hé- bert avec tant de soin, correspondent à des inter- ruptions dans la sédimentation. Ge sont les hard grounds de l'époque crétacée. Comme ces derniers, ils ont pris naissance sur le fond de la mer. Il faut se garder pourtant de s'exagérer, COMME on l'a souvent fait, les relations génétiques de la craie et de la boue à Globigérines. Les conditions physiques dans lesquelles s’est déposée la craie elle-même ne furent pas semblables dans les divers points du bassin de Paris : d'origine pélagique dans le centre du bassin, elle est terrigène dans le N., et M. Cayeux qualifie de benthogènes les craies HENRI DE ROTHSCHILD — DES LAITS DITS MATERNISÉS 903 à Bryozoaires et les craies siliceuses campaniennes du S.-0. Les craies pélagiques qui présentent les analo- gies les plus étroites avec les boues à Globigérines doivent ces analogies à l'abondance commune des Foraminifères, mais elles en sont très distinctes par leur faune d'Invertébrés. Ces craies sont d’an- siennes boues à Foraminifères qui, dans l'échelle des sédiments du Crétacé, occuperaient la même place que la vase à Globigérines parmi ceux de l’époque actuelle; mais, parmi les condilions qui ont présidé à la formation de la craie, il en est d’es- | sentielles, comme la profondeur, absolument difré- rentes de celles qui concourent à la genèse de la boue à Globigérines. En considérant de très près | les genres d'organismes de la craie qui ont per- sisté jusqu'à nos jours, ils enseignent que les pro- fondeurs auxquelles ils vivent aujourd'hui ne sont pas du tout celles qui correspondent aux aires de dépôt de la vase à Globigérines, mais aux zones des sédiments terrigènes actuels. Parmi les nombreux genres d'Invertébrés de la craie qui ont persisté jusqu'à nos jours, il n’en est aucun qui vive exclusivement à une profondeur supérieure à 450 brasses, el le plus grand nombre occupent des fonds de moins de 150 brasses; M. Cayeux en conclut que la profondeur du Bassin de Paris est restée inférieure à 150 brasses, même dans les périodes de plus grande dépression, cor- respondant au dépôt de la craie à M. c. anquinum et de la craie blanche à Bélemnitelles. La profon- | deur maxima du Bassin parisien était ainsi beau- coup plus faible à l’époque crétacée, que la profon- deur minima à laquelle on trouve aujourd'hui la boue à Globigérines. Mais la profondeur du Turo- nien se serait tenue bien au-dessous de cette limite, et diverses parties du Sénonien se trouvent dans les mêmes conditions, si l’on en juge par les cour- bes des profondeurs des divers niveaux, dans les différentes parties du bassin, tracées par M. Cayeux. Des arguments d'ordre stratigraphique et tecto- nique sont également favorables à l’idée de la faible profondeur du Bassin parisien. Tout s'accorde ainsi avec ce fait fondamental, définitivement établi par M. Cayeux, que chaque banc de craie s’est formé dans des conditions spéciales, distinctes, nonobs- tant leur aspect d’uniformité abyssale. Il en a donné des preuves surabondantes, illustrées par des planches d’une exécution remarquable. Et c'est ainsi sur des données tout à fait neuves, basées entièrement sur des observations qui lui sont personnelles, que M. Cayeux a pu écrire l'his- toire de la mer crétacée du Bassin parisien, si souvent essayée avant lui. Cette mer est aujourd'hui aussi bien connue des géologues qu'aucune mer actuelle des hydrographes. On trouvera dans l’ou- vrage de M. Cayeux les documents les plus positifs sur sa profondeur, son étendue, sa faune, ses dé- pôts, sa température, ses courants superficiels et profonds, et enfin ses relations avec les mers voi- sines de l’Europe occidentale. Malgré la variété et l'importance des résultats acquis, il s'en faut cependant que M. Cayeux ait épuisé ce sujet, qui a priori pouvait paraitre plutôt restreint. Mais il a accumulé tant de faits, ouvert tant d'aperçus nouveaux, qu'on peut dire qu'il a inauguré une voie nouvelle; et incapable de limiter ce sujet, auquel il à su donner tant d’ampleur, M. Cayeux, en terminant, nous promet un second mémoire sur les roches subordonnées à la craie (silex, phosphate de chaux, dolomie), mémoire qui sera la suite et le complément de celui-ci. Charles Barrois, Président de la Société géologique de France DES LAITS DITS MATERNISÉS DE LEUR FABRICATION ET DE LEUR EMPLOI DANS L'ALLAITEMENT MIXTE ET ARTIFICIEL Le devoir de toute mère est de nourrir au sein l'enfant qu'elle vient de mettre au monde, Il arrive parfois cependant que l'allaitement ma- ternel devient insuffisant, ou se trouve rendu im- possible, soit parce que la nouvelle accouchée n’a pas de lait ou en à trop peu, soit parce qu'elle est dans un état de maladie ou de faiblesse tel que nourrir son enfant rendrait encore pire son état, ou exposerait le nourrisson à dépérir ou à contrac- ter une affection grave ‘. Dans ces cas l’allaite- 4 C'est ainsi que l’on interdit généralement l'allaitement | ment mercenaire est de rigueur; mais le prix d'une nourrice est chose coûteuse, et bien des mères ne peuvent y avoir recours. Alors seulement l'allaile- ment mixte ou artificiel est toléré. Il est encore un cas où l'allaitement mercenaire ne saurait exister et où l'allaitement artificiel seul peut être autorisé : c'est le cas où le nourrisson est ou atteint d’une aux femmes tuberculeuses, aux femmes atteintes de mala- dies du cœur, et à celles qui ont accouché dans le cours d’une affection aiguë telle que la fièvre typhoïde, la scaurlus tine, la rougeole, la pneumonie, etc. d04% HENRI DE ROTHSCHILD — DES LAITS DITS MATERNISÉS affection contagieuse, ou suspect de contagion, de syphilis par exemple, et capable, par ce fait, de contaminer une nourrice saine. C'est encore quand les mères de tels nourrissons n'ont pas de lait, que l'allaitement artificiel s'impose. Or, si l'allaitement maternel sait trouver un équi- valent dans l'allaitement mercenaire, il ne saurait en être de nême pour l'allaitement artificiel. Les accoucheurs et les médecins ont toujours insisté sur ce point; aussi n'est-ce qu'exceptionnellement qu'ils autorisent l’allaitement artificiel, c'est-à-dire le biberon. Si, pour une des causes que nous venons d'énu- mérer, l'enfant a été mis partiellement !, ou com- plètement ? au biberon, son avenir, jusqu'à ces dernières années, a toujours été douteux, et sa chance de viabilité singulièrement diminuée. Aussi le médecin ne devait-il se résoudre qu’à la dernière extrémité à instituer l'allaitement artificiel. Jusqu'à ces dernières années la mortalité des en- fants élevés artificiellement a été, à tous égards, lamentable, digne de pitié et d'intérêt. Aussi les médecins de tous pays et les accoucheurs ont-ils cherché les moyens d'y porter remède. Après le lait d'ânesse et le lait de chèvre, télé au pis de la bête ?, on est arrivé successivement, avec les pro- grès de la science, au lait stérilisé, dont notre maître, le D' Budin, a été l’un des premiers pro- moteurs en France ‘, et aux laits malernisés. I On a déjà beaucoup écrit sur le lait stérilisé ?. Ici même, notre savant maître, le D' Budin, a longue- ment traité du lait stérilisé, de sa fabrication et de son mode d'emploi °. Les opinions d'un des premiers promoteurs du lait stérilisé pour l'alimentation des nourrissons soumis à l'allaitement mixte, ou à l'allaitement artificiel, sont aujourd’hui universellement répan- dues, et l'allaitement mixte ou artificiel dans les 4 Allaitement mixte. ? Allaitement artificiel. 3 Les étables de l'Hôpital des Enfants assistés, créées par le Professeur Parrot, sont aujourd'hui abandonnées. (Cazeaux : Accouchements, 9 édition, p. 1157.) * Budin : Communication à l'Académie de Médecine, 1892; Chavane : Thèse de Doctorat, 1893. 5 Voyez Duclaux : Annales de l'Institut Pasteur, 1889, p. 30. — Jbid. : 1891, p. 50.— Ibid. : 1894, p. 352. — Strauss : Archives de Médecine expérimentale, numéro 2, 1890. — \inay : Manuel d'asepsie, 1890. — Arnould : In Collection Charcot-Debove, 189%. — A. Rodet : Lyon Médical, 23 et 30 décembre 1894, et 6 et 13 janvier 1895. — A. Fraenkel : Hygien-Rundschau, numéro 14, 1893. — Gautrelet : Société nédicale et chirurgicale de Paris, 25 mars 1895. — Soxhlet : Revue générale des Sciences, p. 113, 1894. — Budin : Bulle- lin de l'Académie de Médecine, 92. — Chavane : Thèse de Doctorat, Paris, 93, etc. 5 Voyez les livraisons de la Revue générale des Sciences du 15novembre et du 15 décembre 1893. familles ne saurait plus exister sans l’emploi d'un des appareils de Soxhlet, de Gentile, de Mathieu, ete. Depuis, des perfectionnements nombreux ont modifié quelque peu l'alimentation des enfants, élevés pour une cause quelconque artificiellement, c'est-à-dire au biberon. L'emploi rationnel du lait stérilisé d'après les principes si souvent formulés par le docteur Budin, c'est-à-dire l'emploi d’un lait pur, non additionné d'eau, stérilisé au bain-marie, et employé dans les vingt-quatre heures qui suivent la traite, convient à merveille à la plupart des enfants âgés de plus de 2, 3 ou 4 mois. Mais, pour des causes souvent difficiles à expliquer, certains nourrissons, dans les premiers mois qui suivent la naissance, ne par- viennent pas à digérer le lait de vache stérilisé ou à se l’assimiler. La substilution d’une bonne nour- rice au sein à l'allaitement artificiel peut seule mettre fin à des vomissements ou à des diarrhées rebelles à toute thérapeutique. Or, dans certains cas, comme nous l'avons déjà dit, la nourrice au sein peut ne pas être autorisée ; il faut donc y sup- pléer, en modifiant d'une facon quelconque le lait de vache, autrement que par la stérilisation. Le problème consistait à transformer le lait de vache en un lait aussi semblable que possible au lait de femme. L'analyse comparée des deux laits suffit à démontrer que le taux des divers éléments qui en- trent dans leur composition est essentiellement dif- férent dans le lait de vache et dans le lait de femme. C'est ainsi que, dans ce dernier, la caséine se trouve en quantité moitié moins grande que dans le lait de vache. D'autre part, le lait de femme con- tient une quantité plus grande de beurre. Nous trouvons également dans le lait de femme deux fois plus de sucre de lait. Eau. (Caséine. Lactoso. Beurre. Sel. Lait de femme. 881 0/6 19 60 40 3 Lait de vache . 872 35 50 36 7 Pour rendre le lait de vache identique au lait de femme, il fallait en retirer une partie de la caséine, et y ajouter les quantités requises de beurre et de lactose. Cest dans ce but que certains auteurs ! proposèrent de couper le lait de vache avec de l'eau bouillie, afin de diminuer sa teneur en caséine, et d'y ajouter une certaine quantité de lactose ou de sirop de sucre. De ce fait, le but cherché n'élait qu'imparfaitement atteint, car, si l’on diminuait la richesse du lait en caséine par l'addition d’une certaine quantilé d’eau, et si l’on remédiait à son insuffisance en éléments sucrés par l'addition de 1 Jacquemier, x Tarnier et Chantreuil, p. 910. — Cazeaux : Accouchements, 9 édition, revue par Tarnier, p. 1158. — Cumming : On natural and artificial lactation, American journal of Med., t. XXXIV, 2° série, 1858. — Tarnier et Chantreuil : t. 1, p. 910 et suivantes. HENRI DE ROTHSCHILD — DES LAITS DITS MATERNISÉS sucre ou de lactose, on diminuait la richesse du lait en beurre. Or, nous venons de dire que le lait de vache était moins riche en beurre que le lait de femme. Il fallait donc être plus complet et trouver le moyen de ramener à leur juste taux tous les élé- ments du lait : caséine, beurre et lactose. IT Les chimistes se sont mis à l'étude. Dès 1893, M. F. Vigier! présentait à la Société de Théra- peutique un lait décaséiné, dit lait « humanisé ». Comme nous le dirons bientôt, ce lait ne répondait pas entièrement au desideratum scientifique. En 1894, le Professeur Gaertner, de Vienne?, trouvait le moyen de modifier mécaniquement le lait de vache pour le rendre semblable au lait de femme. Enfin, tout récemment, au commencement de 1896, le Professeur Backhaus *, de Kænigsberg, publiait une nouvelle méthode pour materniser le lait de vache à l’aide de la trypsine et du ferment lab. Ces diverses préparations sont actuellement dans le commerce, et portent le nom de laits maternisés ou humanisés. Nous croyons intéressant de mon- trer comment les trois chimistes sont arrivés, par des procédés absolument différents, à réaliser le problème de la maternisation du lait de vache. 4. Lait humanisé de M. F. Vigier. — C'est la première tentative qui ait été faite. Bien que le résultat obtenu ne soit pas encore parfait, nous croyons cependant intéressant de nous y arrêter un instant. M. F. Vigier traite le lait de vache de la manière suivante‘ : On prend une certaine quantité de lait de vache aussitôt après la traite, et on y dose sommairement la caséine. Supposons que la quantité de caséine soit de 40 °/, ; il s’agit de la ramener à 20 °/,, c'est- à-dire à la moitié, sans rien faire perdre au lait de ses autres principes. On divise la quantité de lait en deux parties égales : la première ne subit aucun traitement, la seconde est mise à reposer, et, quand la crème s'est suffisamment réunie à la sur- face, on la lui enlève et on la met dans la première. Dans ce qui reste de celte seconde partie, on coa- gule la caséine avec de la présure; on retire le caillot et l'on transvase le sérum dans la première moitié. Le mélange est ensuite décanté dans des “ F. Vigier : Communication à la Société de Thérapeu- tique, 23 janvier 1893. * Gaertner : Ueber die Erfolge der Feltmilch Nahrung bei gesunden Suuglingen, Wien, 1896; Ueber die Herstellung der Fettmilch. Wien, 1894. * Backhaus : Eine neue Methode die Kuhmilch der Frauen- milchk ahnlicher zu gestallen Gœættingen, 1896, et Deutsche Medicinische Wochenschrift, 1896,et Berliner Klin. Wochen- schrift, 1895, numéro 26. ® F° Vigier: Loc. cil. 505 flacons de contenances diverses, puis slérilisé à l'autoclave. Telle est la méthode indiquée par M. Vigier en 1893. Plus récemment, sur le conseil du D' Marfan, médecin des hôpitaux, M. Vigier a ajouté à son lait « humanisé » quelques grammes de lactose par litre de lait (2 °),). Le lait maternisé de M. Vigier n'est pas parfait, en ce sens que l'on n’a fait qu'enlever 50 °/, de la caséine, sans élever le taux du beurre, qui est tou- jours en quantité plus faible dans le lait de vache que dans le lait de femme !. 2. Lait maternisé du Professeur Gaertner. — Le Professeur Gaertner, de Vienne, procède de la facon suivante. Le lait, une fois trait, est refroidi, puis coupé d’un volume égal d’eau bouillie. Le mélange est ensuite écrémé à l'écrémeuse centri- fuge* comme il sera décrit plus loin. L'analyse chimique du lait à été faite préalablement. Le taux du beurre est évidemment le point le plus impor- tant à connaître. Dans ce but on se sert d’un appa- reil très simple et très pratique : le butyromètre centrifuge du D° Gerber, de Zurich. Une fois le taux du beurre eonnu, on pratique l'écrémage, de telle façon que le pelit-lait possède toute l’eau qui a été ajoutée au lait pur, plus une petite quantité de l'eau contenue primitivement dans le lait pur, de sorte que le liquide qui s'écoule par le déversoi de la crème est sensiblement plus riche en beurre que le lait primitif; de là le nom de lait concentré de Gaertner, qui lui a été donné par certains au- teurs. On règle l'écrémeuse de telle facon que le taux du beurre, contenu dans le liquide ainsi obtenu, soit aussi voisin que possible de celui du lait normal de la femme. Mais, si l’on augmente par cetle opération le taux du beurre, on diminue de moitié celui de la caséine, car 50 °/, de la ca- séine du laït pur s’est mêlé au petit-lait, qui l’a entrainé avec lui. Le lait se trouverait donc lrans- formé, au point de vue de sa constitution chimique, en un lail similaire au lait de la femme, sil ne lui manquait toutefois quelques grammes de sucre. La correction s'obtient par l'addition de 20 à 95 gram- mes de lactose par litre de lait*. 4 Marfan : De l'allaitement artificiel, Paris, 1896. ? Dans le cours d'un voyage récent en Allemagne et en Autriche, nous avons visité différents établissements où l'on fabrique industriellement les laits maternisés des Profes- seurs Gaertner et Backhaus. Nous avons donc pu étudier sur place les appareils employés et suivre les différentes manipulations. # L'écrémeuse centrifuge a pour but de séparer la crème du petit-lait. Quel que soit l'appareil employé, il se compose de quatre parties essentielles : 49 Un récipient pour le lait à écrémer : 2° une turbine faisant en moyenne 7.000 tours à la minute; 3° et 40 deux pièces en forme de tubes cylin- driques (ferblanterie), l'une pour l'écoulement du petit-lait, l’autre pour l'écoulement de la crème. 506 HENRI DE ROTHSCHILD — DES LAITS DITS MATERNISÉS Le lait ainsi obtenu est décanté dans des flacons de capacités diverses, variant de 150 à 500 grammes. Ceux-ci sont ensuite stérilisés à la température de 105° pendant 25 minutes. 3. Lait maternisé du Professeur Backhaus. — Le Professeur Backhaus, de l'Université de Kænigs- berg, procède d’une tout autre facon. Le but cherché est réalisé, non plus par des moyens mé- caniques, mais par des moyens chimiques. Il traite le lait de vache par le ferment-lab et la trypsine; il y ajoute ensuite la quantité voulue de lactose et de beurre. Le lait, sitôt lrait, est pasteurisé. Une fois refroidi, il est écrémé à l’écrémeuse centri- fuge; le petit-lait, entièrement débarrassé des prin- cipes gras par l’écrémage, est placé dans une bas- sine où il est chauffé à 35°, mélangé à une dose déterminée de ferment-lab. Le lait subit l’action du ferment pendant vingt-cinq minutes environ. Au bout de ce temps, une partie de la caséine, à peu près 50 °/,, contenue dans le petit-lait, se pré- cipile sous forme de petits grumeaux; le reste de la caséine demeure en suspension dans le petit-lait sous forme de propeptone, c'est-à-dire de caséine en partie digérée. Après la fermentation tryptique, le petit-lait est passé au travers d’un filtre très fin qui laisse passer le pelit-lait et arrête les gru- meaux de caséine coagulée. Le petit-lait est ainsi décaséiné en proportions voulues. Il y reste envi- ron 1,80 °/, de caséine. Mais le lait a été préala- blement écrémé : on prélève sur la crème la quan- lité de beurre nécessaire, correspondant au taux normal, indiqué par l'analyse du lait de femme. Celui-ci, additionné de la quantité nécessaire de lactose (20 à 25 grammes par litre) est mélangé au petit-lait au moyen de l'appareil centrifugeur. On décante le lait ainsi obtenu, dans des flacons gra- dués, que l’on bouche à l’aide d’une capsule en caoutchouc, analogue à celle de l'appareil de Soxhlet; on les stérilise ensuite dans un auloclave à la température de 105° pendant vingt-cinq mi- nutes. Le lait ainsi obtenu offre une composition chi- mique absolument analogue à celle du lait de femme, avec cette différence, toutefois, comme l'ont fait remarquer MM. Budin et Michel!, que ia caséine du lait de vache n'a pas tout à fait les mêmes réactions chimiques que la caséine du lait de femme. Ainsi stérilisé, le lait maternisé du professeur Backhaus peut se conserver pendant plusieurs semaines, mais il est recommandé de ne l’employer que dans les vingt-quatre à trente-six beures qui suivent la fabrication, et cela, afin d’éviler la séparation de la crème. Qu'il s'agisse du lait de Gaertner ou de Backhaus, ? P. Budin et Michel : In l'Obstétrique, numéro 2, 15 mars. deux conditions sont indispensables pour obtenir les résultats désirables. Les professeurs Gaertner et Backhaus sont l’un et l’autre unanimes sur ces deux points, et ils répètent dans toutes leurs com- munications les deux recommandations suivantes : 1° I! faut que le lait soit maternisé dans la demi- heure qui suit la traite; 2 I faut que le lait maternisé soit employé dans les vingt-quatre heures qui suivent sa fabrication. III Tels sont les premiers travaux qui ont été faits en vue de la transformation du lait de vache en un lait s'approchant autant que possible du lait de femme. Cependant le laboratoire de la Maternité de Paris ne chômait pas. MM. les D* P. Budin el Michel! viennent de terminer la publication d'un très important mémoire sur l’alimentation des enfants débiles, par l'emploi des produits de digestion artificielle du lait de vache. Ces auteurs sont partis d'un point de vue tout différent de celui de Vigier, de Gaertner et de Backhaus. Ils ont re- marqué, par l'examen chimique des excréta de certains enfants débiles, nés avant lerme ou ca- chectiques, que les matières albuminoïdes n'étaient qu'imparfaitement digérées, et par conséquent, insuffisamment assimilées, alors même que ces nourrissons élaient alimentés d'une facon exclu- sive au lait de femme (Service des débiles à la Maternité). Pour faciliter la digestion des matières albuminoïdes, pour assurer l'assimilation de ces matières, en un mot, pour permettre aux nourris- sons de profiter de l'alimentation qui leur est donnée, MM. Budin et Michel ont pensé qu'il serait possible de préparer des laits en partie digérés, qui posséderaient par ce fait des propriétés assimi- latrices plus grandes. Ils ont observé, en effet, que chez les nourrissons débiles, la digestion inlesti- nale est, de toutes les fonctions du tube digestif, la moins développée. L'observation et l'expérimen- tation ont done amené MM. Budin et Michel à la fabrication de laits destinés à remédier à l'insuf- fisance des fonctions digestives des nourrissons prématurés. Ces laits en partie digérés, — qui peu- vent, le cas échéant, être employés pour l’alimen- tation de nourrissons bien portants, qui pour une cause quelconque viennent à être privés de leur nourrice au sein, — n'ont été donnés jusqu'à pré- sent qu'à des débiles, nés avant terme ou devenus cachectiques par suite d’une alimentation défec- tueuse. Nous renvoyons le lecteur aux numéros du 1 P. Budin et Ch. Michel : Recherches sur l'alimentation des enfants débiles. Emploi des produits de digestion artificielle du lait de vache. In l'Obstétrique, numéro 2, 15 mars 1897, et no 3 du 15 mai 1897. HENRI DE ROTHSCHILD — DES LAITS DITS MATERNISÉS 507 45 mars et du 15 mai 1897 de l'Obstétrique, pour la description in extenso de la préparation des laits dits digérés que préparent au laboratoire de la Maternité MM. Budin et Michel. Nous croyons cependant indispensable de donner, dans cet article sur les laits dits « maternisés », une description ra- pide de la fabrication de ce nouvel aliment. Le point de départ de la nouvelle méthode a été indiqué par M. Michel dans un article paru dans l'Obstétrique en janvier 1896. Les essais qui ont abouti à la préparation actuelle ont commencé par la peptonisation du lait de vache. Voici commenton procéda au début. Du lait de vache de bonne qua- lité, préalablement stérilisé à l'autoclave dans des matras de deux litres, fut additionné, après refroi- dissement à 40°, de 30 centimètres cubes de la solu- tion suivante : Acide chlorhydrique réel. . 6 grammes. Pepsine extractive. . . . . . . 2 Eau distillée. . 110 On porta le mélange dans l’étuve de Roux à 40°, en laissant digérer pendant 8 heures ; puis on chauffa à 100° pour arrêter l’action du ferment digestif et pour coaguler les albumines non digérées. On neu- tralisa le mélange avec du bicarbonate de soude et on le filtra sur un papier Chardin. Le liquide obtenu était clair. On le transvasait dans des fla- cons d’une contenance variant de 400 à 200 centi- mètres cubes et on stérilisait au bain-marie. I] devait être employé dans les vingt-quatre heures. La préparation ainsi obtenue ne contenait pas de graisse. L'analyse chimique donnait pour un litre : ( 23 gr. d'albumine Azote. 3 gr. 60 ) disérée! Lactose . “ob 55 gr. 00 SUISADTLIÉT AUS Le rene te LiD OT: 20 | Extrait sec. 84 gr. 40 La préparation n'était pas satisfaisante ; elle contenait, il est vrai, la caséine sous la forme de propeptone, mais elle manquait de principes gras. On chercha alors à digérer les principes gras du lait. On dut: avoir recours au suc pancréatique. MM. Michel et Budin obtiennent un suc pancréa- tique suflisamment actif en faisant macérer du pancréas de veau frais haché menu dans une solu- tion d'eau chloroformée à saturation. On laisse macérer pendant vingt-quatre heures et on filtre le liquide. On prélève 50 centimètres cubes du liquide pancréatique, que l'on ajoute à un litre de lait, préalablement stérilisé à l'autoclave. On laisse digérer pendant une heure à l’étuve de Roux. Après que la digestion artificielle s'est opérée, on ajoute à la préparation obtenue le mélange suivant : Lactose.. NEA 2% grammes. SITODNABPSUCLE EM NN. 50 = Eau : Q.S. pour faire. . 500 c. c. Le mélange est ensuite décanté dans des flacons | de 100 à 200 centimètres cubes qui sont stérilisés au bain-marie !. L'analyse chimique du lait ainsi digéré donne les chiffres suivants : Lactose . . 16 gr. 60 } 67 gr. 40 Sucre . . 20 gr. 80 { de matières sucrées RÉUNÉE..-.0 7 Or eee à 26 gr. 00 Matières albuminoïdes . . 23 gr. 60 Sels MIMÉTAUX UE NUE ENCORE ICE MOD Cette composition n'est pas encore celle du lait de femme, mais elle s'en rapprochait suffisamment pour le but que se proposaient d'atteindre MM. Bu- din et Michel. Ilest très facile, du reste, de parfaire la ressemblance. JAY Connaissant les principaux moyens employés dans l’industrie dans le but de donner au lait de vache une composition chimique aussi voisine que possible de celle du lait de femme, nous devons maintenant nous demander quelle est la. valeur respective de ces divers laits maternisés? Il convient de faire parmi eux deux catégories : d'une part, les laits de Backhaus, de Gaertner: d'autre part, les laits thérapeutiques de Budin et Michel. Les laits de Backhaus et de Gaertner s'adressent plutôt aux nourrissons bien portants, et doivent suppléer à l'allaitement au sein de la mère ou de la nourrice. Les laits de Budin et Michel ont été employés jusqu'ici, pour ainsi dire exclusi- vement, à nourrir des enfants débiles. Les statis- tiques, au point de vue des résultats obtenus par l'emploi des laits de Gaertner et de Backhaus, sont satisfaisantes?. Le Professeur Gaertner a publié trente observations d'enfants élevés artificiellement avec son lait maternisé et suivis de très près dans un dispensaire à Vienne. Nous y voyons des enfants qui ont augmenté d’une moyenne de 20, 21,2%, 26, 27, 29 et 30 grammes par jour. Ces enfants ont été suivis pendant un laps de temps variant de six semaines à trois mois. Dans une statistique plus récente encore, le D' Boissard*, médecin en chef de l'Asile municipal Ledru-Rollin, nous montre des courbes d'enfants soumis à l'allaitement mixte (lait de la mère, lait maternisé), d’autres soumis au lait maternisé et au lait stérilisé. Mais les chiffres que nous y lisons ne résument qu'un traitement de trop courte durée. On peut y constater cependant, avec une certaine surprise, que certains enfants ont toléré le lait de vache pur stérilisé, alors qu'ils ne supportaient ni le lait maternisé, ni le lait maternel. Le tube digestif des nourrissons nous offre encore de ces bizarreries qu'il est difficile d'expliquer. 4 A la température de 1000 le chloroforme employé pour la macération du pancréas est volatilisé. 2? Gaertner : Ueber die in dem Ambulalorium des Dozenten Dr Fruhwald mit den Fettmilch erzielten nahrunguerfolge, Vienne, 1895. 3 Ju l'Obstétrique, numéro du 15 janvier 1897. Herrn Er- 508 Quant aux laits thérapeutiques de MM. Budin et Michel, les observations déjà recueillies et l’expé- rimentation sur les animaux, en attestent toute l'importance. La fabrication de ces produits, encore peu éten- due et confiée jusqu'à présent aux chimistes de nos laboratoires, s’étendra probablement sous : de remplacer. G. BIGOURDAN — REVUE ANNUELLE D'ASTRONOMIE peu à l’industrie, qui en propagera les bienfaits. Mais le dernier mot de la question n’est pas dit : l'avenir nous réserve probablement des surprises, dont pourront profiter les nourrissons privés pour une cause quelconque des produits du sein mater- nel, produits que l'on devra s’efforcer d'imiteret non Henri de Rothschild. REVUE ANNUELLE D’ASTRONOMIE A défaut de découvertes astronomiques de pre- mier ordre, l’année 1896 a vu paraître des travaux importants, des recherches pleines d'intérêt, qui assurent à la Science une marche rapide : pour les exposer nous commencerons par ce qui est relatif au Soleil et aux corps qui constituent le système solaire. I. — LE SoLeiL. 4. Taches solaires. — On admet généralement que, dans les taches solaires, la matière lumineuse se trouve à un niveau inférieur au niveau général de la surface du Soleil. Ce fait fut clairement mis en évidence par le D' Wilson, en 1769, et sa dé- monstration est basée sur les aspects successifs que présente ordinairement une tache qui traverse le disque solaire. Comme cette manière de considérer les taches, regardées alors comme des cavités, est sujette à diverses objections, il était intéressant de vérifier à nouveau la théorie de Wilson; et c'est ce que vient de faire le professeur Ricco, directeur de l'Observatoire de Catane, au moyen de 18.000 des- sins de taches qu'il a pu obtenir dans les onze dernières années. Sur un total de 3.324 taches, il en a choisi 185 dont la pénombre était parfaitement centrée sur le noyau au moment de leur passage: vers le milieu du disque. Parmi ces dernières, 36 n’autorisent aucune conclusion, mais, sur 1es 149 restantes, 86 °/, sont favorables à la théorie de Wilson; et ce résultat est d'accord avec ceux déjà obtenus par De la Rue, Stewart, le P. Secchi, Tacchini, etc. Une discussion analogue des observations failes à Stonyhurst (Angleterre), par le P. Sidgreaves, à donné 75 taches sur 100 favorables à la théorie de Wilson. Il est d’ailleurs évident que, de la largeur appa- rente de la pénombre à un moment donné, on peut déduire la profondeur de la cavité : au moyen de ses mesures de la largeur de la pénombre, M. Ricco trouve 1.037 kilomètres pour la profondeur moyenne des taches. 2. Rotation du Soleil déduite des facules. — L'ob- servation des taches solaires a montré à Carring- ton (1863) que la vitesse de rotation de la surface du Soleil, déduite de l'observation des taches, di- minue quand la latitude augmente; et ce fait capi- tal sert de base à l'explication cyclonique de l'origine des taches (théorie de M. Faye). Aussi les astronomes furent vivement surpris par les conclu- sions d'un mémoire de M. Wilsing (1888), annon- çant que la durée de rotation déduite de l'observa- tion des facules, est la même à toutes les latitudes. Aussitôt divers observateurs, particulièrement M. Bélopolsky, utilisèrent leurs photographies solaires pour discuter la même queslion, qui ne put êlre complètement élucidée. M. Stratonoff, à son tour, utilisant les clichés oblenus à Poulkova depuis 1891, a déterminé à nouveau, au moyen des facules, la vitesse de rota- Lion de la surface du Soleil; il trouve, comme avec les taches, que la vitesse déduite des facules dimi- nue en allant de l'équateur vers les pôles. D'ailleurs la vitesse donnée par les facules est toujours supé- rieure à celle que donnent les taches; et cette dernière est elle-même plus grande que la vitesse de rotation fournie par le spectroscope (Duner). 3. Activité solaire. Variations du diamètre du Soleil. — L'aclivité de la surface solaire, manifestée par les taches et par les facules, a continué à dimi- nuer, toutefois en présentant, comme à l'ordinaire, une marche un peu irrégulière. Ainsi, M. Guillaume, de Lyon, qui suit avec beaucoup de soin l’état de la surface solaire, signale un minimum secondaire bien accusé qui s’est produit en mai 1896. Depuis longtemps on a pensé que le diamètre solaire peut présenter des variations en rapport avec les taches, les facules, ete. M. Sykora, de l'Observatoire de Kharkof, a publié le résultat des recherches qu'il a entreprises en vue d'élucider cette question. Il conclut que les taches produisent dans leur voisinage une sorte de soulèvement de la surface solaire ; en effet, les diamètres aboutissant aux régions qu'elles occupent sont généralement plus grands que ceux qui correspondent aux régions G. BIGOURDAN — REVUE ANNUELLE D'ASTRONOMIE 509 —————————————_—_— — ————…—"…"—…—"—"—…—" "—…"…"—"…"…"…"…"…"…"…"…"…"…"…"”"…"—"’"…"…"…"—"…"…"…"…"…"—"—"—"—"—"—"—"—"—"—"—"—"—…"…"—"—"—— ————————— voisines, ou que ceux qu'on mesure, dans la même direction, la veille ou le lendemain. 4. Spectre solaire. — La raie de l'hélium, signa- lée depuis longtemps dans je spectre solaire au voisinage de D, et plusieurs autres raies brillantes n'avaient pu être relrouvées dans le spectre des corps terrestres. On sait comment, à la suite de la découverte de l'argon, l'hélium a élé découvert à son tour dans le gaz de la clévéite. Le spectre du même gaz a présenté, notamment à M. Deslandres, quelques-unes des raies solaires qui n'avaient pas encore été identifiées, et il ne reste plus aujour- d'hui, dans le spectre solaire, qu'une seule raie permanente qui n'ait pas encore élé reconnue sur la Terre : c’est la raie de la couronne (1 = 531), ou, comme on a dit déjà, la raie du coronium. 5. Éclipse totale de Soleil du 8 août 1 896.— Cette éclipse était observable au nord de la Suède, au nord- est de la Sibérie et au Japon: Parmi les nombreuses missions organisées pour l’observer, celles de Sibé- rie ont seules été favorisées par le beau temps. Cependant, une mission française, installée au Japon et dirigée par M. Deslandres, à pu obtenir diverses photographies de la couronne; elles con- firment cette loi déjà indiquée antérieurement: les variations périodiques des taches, qui sont suivies par les protubérances, s'étendent aussi à la cou- ronne. Par suite, elles s'étendent à l'atmosphère solaire tout entière. 6. Influence des taches solaires sur les phéno- mènes terrestres. — L'influence des taches solaires sur le magnétisme de notre globe est aujourd'hui complètement hors de doute. Mais d’autres phéno- mènes lerrestres paraissent être également en rela- tion avec l’activité solaire. Sans parler des recherches peu concluantes ten- dant à établir une relation entre le nombre, l'éten- due des taches solaires et le prix du blé (W. Hers- chel), les crises commerciales (Jevons), l'ozone atmosphérique (Moffat), rappelons que, d'après Meldrum, la quantité moyenne d’eau qui tombe annuellement à la surface de la Terre serail plus grande dans la période du maxima des taches. Beaucoup d'astronomes ont signalé des coïnci- dences entre des cyclones terrestres. et le passage de taches ou de facules solaires remarquables par telle ou telle région du disque du Soleil. D'après M. Brillouin, toute entrée de taches, surtout entou- rées de facules étendues et éclatantes, produit dans les vingt-quatre heures un trouble rapide et étendu dans la circulation de notre atmosphère. Le plus souvent ce trouble est limité aux plus hautes régions de l'atmosphère et consiste unique- | ment dans la projection de nombreux jets de cirrus en plumes déliées ou en fusées, émanant des ré- gions de basses pressions et se précipitant rapide- ment vers les hautes pressions, sans modification sensible de la pression générale. Ge flot de cirrus se produit tout le long de la rive droite (hémisphère nord) du courant équatorial qui longe ordinaire- ment les côtes ouest et nord-ouest de l'Europe. Mais, en certains points particuliers du bord de ce courant, le trouble peut se produire dans les régions inférieures de l'atmosphère et influencer alors considérablement les conditions météorolo- giques de ces points. On ne saurait trop recommander aux amateurs astronomes et météorologistes, munis de lunettes de force moyenne, l'exploitation de cette mine qui s'annonce comme très riche en observations du plus haut intérêt. Reste à savoir comment se transmet, à de telles distances, l'influence solaire. Les expériences de Hertz et de ses successeurs ont montré que les longueurs d'onde des oscillations électriques ne sont plus séparées de celles des rayons infra-rouges que par une lacune insignifiante. L'existence des radiations électriques émanant du Soleil est donc vraisemblable a priori. MM. Wilsing et Scheiner ont cherché à en démontrer la réalité et, pour cela, ont fait usage d'un appareil fondé sur une pro- priété curieuse des oscillations électriques, signalée par M. Lodge : c'est la diminution de résistance qu'elles produisent au point de contact de deux métaux. Ces essais n'ont donné jusqu'ici que des résultats négatifs, c’est-à-dire qu'on n'a pu consta- ter l'existence de radiations électriques solaires; mais il est possible que ces variations, si elles existent, soient arrêtées en grande partie par l'atmosphère terrestre. 7. Lumière zodiacale. — La lumière zodiacale est un fuseau lumineux couché le long du zodiaque, et que sa faiblesse rend difficile à observer. Elle est considérée par les uns comme due à une continua- tion de l'atmosphère du Soleil, tandis que d’autres attribuent son apparence à de la lumière solaire réfléchie par des myriades de particules météori- ques se mouvant autour du Soleil, à peu près dans le plan de l’écliptique. On comprend que, pour décider entre ces deux opinions, il importe de savoir si l'axe du fuseau est dans l’écliptique ou s'il se rapproche davantage de l'équateur solaire. Houzeau, qui avait beaucoup observé ce phénomène dans les régions équato- riales (Jamaïque, ete.), trouvait que cet axe coïncide plutôt avec l'écliptique. De son côté M. Marchand, profitant de la grande pureté de l'atmosphère au sommet du Pic du Midi, a observé avec soin ce 510 G. BIGOURDAN — REVUE ANNUELLE D’ASTRONOMIE phénomène et trouve que son axe coïncide sensi- blement avec la trace du plan de l'équateur solaire. D'ailleurs ses observations, poursuivies depuis 1892, confirment nettement ce fait, déjà énoncé, que la lumière zodiacale fait le tour entier de la sphère céleste : la Terre se trouve donc, parfois du moins, plongée complètement dans la matière qui produit la lumière zodiacale. 8. Parallaxe du Soleil. — La troisième loi de Képler permet de calculer les distances des diverses planèles au Soleil en prenant pour unité l’une d’elles, ordinairement la distance de la Terre au Soleil. Afin de pouvoir passer aux distances abso- lues, il est indispensable de déterminer la valéur de cette unité, en kilomètres par exemple. Parmi les méthodes employées à cet effet, la plus connue est celle qui est basée sur l’observa- lion des passages de Vénus devant le Soleil; mais il en est d’autres qui peuvent être employées plus fréquemment et qui sont au moins tout aussi pré- cises : telle est celle dans laquelle on détermine la parallaxe diurne des diverses pelites planètes qui approchent le plus de la Terre. Cette méthode, appliquée aux petites planètes Victoria, Sapho et Iris, a conduit M. Gill, pour la parallaxe 7 du Soleil, aux résultats suivants dont la concordance est vraiment merveilleuse : Victoria . r = S!8013 + 00061 Sapho. 8,1981 + 0,0414 Iris . 8,8120 + 0 ,0090 ce qui Une donne en moyenne 7 —8'',8036 + 0/',0046. autre méthode, basée sur l'inégalité paral- lactique de la Lune, a donné à M. Newcomb la valeur x — 8,802. Finalement M. Gill adopte la valeur 7 —8/',800 | + 0’',004. Si pour le rayon équatorial de la Terre on adopte la valeur de Clarke, ou 6.378.249 mètres, cette pa- rallaxe solaire donne 149.465.000 kilomètres pour la distance moyenne de la Terre au Soleil. IT. — La Lune. Les revues précédentes ont déjà signalé les belles pholographies lunaires obtenues par MM. Lœæwy et Puiseux à l'Observatoire de Paris. Ges photogra- phies, agrandies puis magnifiquemeñt reproduites en photogravure, doivent former un atlas lunaire complet dont deux fascicules ont déjà paru. En même temps les auteurs ont lenté de remon- ter à la cause physique des accidents présentés par le sol lunaire, et l’on peut résumer à peu près ainsi leurs vues sur la manière doyit les choses ont dû se passer [. Admetlant à l'origine Ain état de fluidité com- plète, il a dû se former d’abord à la surface des scories qui se sont agglomérées en bancs plus ou moins étendus, souvent disloqués par les courants, mais dont les lignes de jonction et les lignes de rupture ont laissé des traces encore apparentes et nombreuses. . IL. Une écorce continue s'étant formée ensuite, le liquide intérieur, qui n'avait plus d’issue, a produit des crevasses par lesquelles la lave s’est épanchée, recouvrant certaines parties qui ont conservé l’as- pect de plaines unies. III. L'écorce s’est trouvée: plus tard assez solide pour résister aux pressions intérieures; mais il s’est produit des intumescences, suivies d’effondre- ments. IV. Alors apparaît une nouvelle période, celle des affaissements généraux, donnant naissance aux dépressions connues sous le nom de mers. V. Enfin, dans une période volcanique plus ré- cente, les éruptions ne sont plus que tempo- raires et limitées à des orifices de peu d’étendue : c'est ainsi que se seraient formées les trainées blanches si remarquables issues de Tycho, de Képler, d’Aristarque, etc. Comme elles s'étendent à des distances énormes, laissant intact le relief des régions qu'elles traversent, il parait difficile que ce transport de matières, de cendres par exem- ple, ait pu se produire sans l'intervention d’une atmosphère alors assez importante. Mais aijourd'hui cette atmosphère, si elle existe encore; doit être bien faible; et l'absence de glaces montre que toute l'humidité libre de la surface avait déjà disparu, avant même que les régions polaires à une température inférieure à ifussent tombées Zéro. III. — Vénus. Depuis que M. Schiaparelli a annoncé (1890) que la durée de rotation de Vénus est de 225 jours, et non de 2% heures comme on l’a cru si longtemps, les astronomes placés dans les meilleures condi- tions atmosphériques ont cherché à contrôler ce résultat. Mais l'accord est loin d'être établi, les uns tenant pour l'ancienne valeur et les autres pour la nouvelle. Ajoutons que ceux qui se rangent à l'opi- nion de M. Schiaparelli deviennent de plus en plus nombreux. Cependant un habile observateur, M. Brenner, installé sous le climat éminemment favorable de l’Illyrie, est encore convaincu que la durée de rotation est voisine de 24 heures. IV. — Mars. L'observation attentive de cette planète a con- firmé les brillantes découvertes de M. Schiaparelli, notamment l'existence des canaux et leur dédou- G. BIGOURDAN — REVUE ANNUELLE D'ASTRONOMIE blement. Toutefois les conditions dans lesquelles se produit celle gémination ne sont pas encore connues. L’avant-dernière opposition de cette planète a présenté un phénomène qui n'avait pas encore été observé, la disparition de la tache polaire australe. Les taches polaires paraissent dues à des calottes de glace que l'on voit diminuer considérablement à tous leurs étés et augmenter à tous leurs hivers, mais dont on n’avait jamais noté la fusion com- plète. Ce phénomène a été reconnu notamment par | M. Percival Lowell qui, dans le but d'observer spécialement la planète Mars, avait installé une puissante lunette à grande altitude, à Flagstaff (Arizona), dans un site dont les conditions almo- sphériques sont des plus favorables. NV. — Jurrrer. L'éclat des satellites de Jupiter présente une certaine variabilité, notée déjà par Galilée. Elle s'explique par des taches que présente la surface des satellites et dont l’une fut apercue, sur le satel- lite II, par J.-D. Cassini, en 1694. En suivant at- tentivement ces variations d'éclat, dont la période fut trouvée à peu près égale à celle de la révolution du satellite autour de la planète, Cassini conclut que, comme notre Lune, ces satellites ont une durée de rotation sur eux-mêmes égale à leur durée de révolution autour de Jupiter. Ce résultat, confirmé par divers observateurs, notamment par Schrôter, et plus lard par Engel- mann pour le satellite III, paraissait un peu tombé dans l'oubli quand, il y a quelques jours à peine, une dépêche à annoncé que les observations de M. Douglass venaient de metlre le même fait en évidence. Voici d’ailleurs les durées de révolution, mises en comparaison avec les durées de rotation trouvées par M. Douglass : DURÉES DURÉES DE ROTATION DE RÉVOLUTION (Douglass) ee CRT Satellite TITI . . 0300491330 75 bh{ + 1h2 — INRP AGE 32H12 ACIER ES 1 VI. — PeTires PLANÈTES. L'essaim des petites planètes qui circulent entre les orbites de Mars et de Jupiter s’est accru, en 1896, de 23 astres nouveaux, portant le nombre total de ces astéroïdes à 427. Dans ce nombre de 427 ne sont pas comprises environ 20 planètes qui, lors de leur découverte, n’ont pas été obser- vées suffisamment pour qu'il soit possible de cal- culer leur orbite. Les 23 astres trouvés en 1896 l’ont été, au moyen de la photographie, par M. Char- lois à Nice et par M. Max Wolf à Heidelberg; 511 M. Witt, à Berlin, en à également trouvé un. Après avoir inauguré la recherche des petites planètes par la photographie, en 1890, M. Max Wolf abandonne aujourd'hui ce genre de travaux et donne un résumé de ce qu'il a fait : ses clichés ont été généralement obtenus avec une lentille à portrait, de 6 pouces d'ouverture; et, d’après M. Schæberle, la grandeur limite des étoiles ainsi pholographiées (non des planètes, à cause de leur déplacement sur la plaque) n’est pas inférieure à celle des étoiles visibles dans la grande lunette de 36 pouces de l'Observatoire de Lick; cependant, celle-ci est située à 1.500 mètres d'altitude, tandis que les photographies de M. Max Wolf ont été obtenues sur les bords du Rhin. VII. — ComèTes. En 1896, on a découvert les comètes suivantes : Comète « 1896 1896 1’, découverte le 14 fé- vrier à l'Observatoire de Lick, par M. Perrine, et, | le lendemain, par M. Lamp, à l'Observatoire de Kiel. Son passage au périhélie avait déjà eu lieu (1° février). Comète b 1896 1896 III?, découverte par M. Swift à Echo Mountain (Californie), le 13 avril; elle a passé au périhélie le 18 avril. Comète c 1896 — 1896 VI. C'est le premier retour de la comète périodique Brooks (1889 V); calculée par M. Bauschinger, elle a été retrouvée par M. Javelle à Nice, le 20 juin. Comète d 1896 — 1896 V. Cette comète, décou- verte à Nice par M. Giacobini le 28 octobre, est périodique et a une durée de révolution de 8 ans; elle est toujours restée très faible. Comète e 1896 1896 IV, découverte par M. Sperra, le 31 août, à Randolph (Ohio), et par M. Brooks à Geneva, le 4 septembre. Elle a passé au périhélie le 41 juillet. Comète f 1896 = 1897 I, découverte par M. Per- rine à l'Observatoire de Lick, le 2 novembre ; elle a passé au périhélie beaucoup plus tard, le 8 fé- vrier 1897. Comète g 1896 — 1896 VIT, découverte également par M. Perrine, qui en a ainsi découvert trois dans la même année. Elle avait déjà passé au périhélie depuis 13 jours; elle est périodique et la durée de sa révolution est de 6 ans, 441. Enfin, le 20 septembre 1896, M. Swift, à Echo Mountain, aperçut près du Soleil une comète qui n’a 4 On connaît le sens de la double notation employée pour désigner les comètes : les lettres &, b, ce. indiquent l'ordre dans lequel elles ont ét£ découvertes, tandis que les chiffres romains [, II, [I... indiquent l’ordre de leurs passages au périhélie. 2 La comète 1896 IL est la comète périodique de M. Faye, ! déjà retrouvée en 1895. 512 G. BIGOURDAN — REVUE ANNUELLE D'ASTRONOMIE pas été suffisamment observée pour qu'il soit pos- sible de calculer son orbite. Parmi ces comètes, celle de M. Giacobini (1896 V) et la dernière de M. Perrine (1896 VIT) offrent un intérêt spécial : La comète Giacobini paraît être en connexion intime avec la comète de M. Faye; toutefois (à cause du désaccord entre les durées de révolution obtenues d'un côté par MM. Perrotin et Giacobini, de l’autre par les astronomes américains), on ne peut pas affirmer que ces deux astres appartiennent à la même famille. La comète Perrine (1896 VII) a le plan de son orbite en coïncidence presque parfaite avec celui de l'orbite de la comète de Biéla; mais l'application du critérium de Tisserand montre que les deux comètes ne sont pas identiques. La coïncidence des plans des orbites tient-elle au hasard? Pour l'expliquer, M. Ristenpart a émis l'opinion que ces deux astres proviennent d’une comète mère, divi- sée par une action violente, et dont les deux frag- ments seraient restés dans le plan de l'orbite de la comète primitive. Depuis les travaux de MM. Schiaparelli, E. Weiss et Le Verrier, les astronomes sont devenus fami- liers avec les curieuses transformations que peuvent éprouver les comètes. Il y a peu d'années, le regretté Tisserand publia | une étude très appréciée sur la capture des co- mèêtes, et fit connaître le remarquable critérium dont nous venons de parler, permettant de grou- per les comètes périodiques par familles ; et, par son emploi, M. Schulhof a pu mettre en lumière les groupements dont nous parlons. M. Callandreau, de son côté, a pris une large part aux travaux de ce genre, et tout récemment, il a cherché à apprécier d'une manière plus nette l'influence dissolvante du Soleil ou d'une grosse planèle sur une comète : cette désagrégation des comèêtes, souvent invoquée, réclamait l'étude ma- thématique plus précise que M. Callandreau vient de faire. VIII. — TRANSPORT DU SYSTÈME SOLAIRE DANS L'ESPACE. H Dès que l'existence des mouvements propres de certaines étoiles fut nettement élablie (Cassini II, 1738), on pensa que ces déplacements pouvaient tenir, en partie du moins, à un mouvement du Soleil entraînant tout notre système dans l’es- pace. Cette idée, assez vague chez Fontenelle et chez Cassini Il, se précise chez Bradley (1748) et chez Lambert (1761). Cependant, Tobie Mayer trouva que l'examen des mouvements propres stellaires | par lui déterminés était défavorable à l'hypothèse du mouvement propre du Soleil. Le premier essai tenté pour déterminer la direc-= tion de ce mouvement fut fait en 1781 par P. Prévost, bien oublié aujourd'hui comme astro- nome, et qui observa quelque temps à l'Ecole militaire. Mais cette idée du mouvement propre du Soleil ne prit dans la Science la place qu'elle mérite, qu'après un travail de W. Herschel, publié en 1783. Depuis lors, la recherche de la direction et de la vitesse de ce transport a suscité des travaux très nombreux; mais il faut avouer qu'ils n'ont pas beaucoup avancé nos connaissances sur ce point. L'existence de ce mouvement n'est pas douteuse, et il paraît bien prouvé que l'ascension droite de l'apex du Soleil, c’est-à-dire du point vers lequel il se transporte, diffère peu de 270°; mais pour la déclinaison de cet apex, que d'ordinaire on sup- pose voisine de + 30°, les résultats sont fort dis- cordants, puisque dans un travail récent M. Kobold trouve cette déclinaison égale à — 3° environ. Voici, du reste, les coordonnées de cet apex obtenues par divers astronomes (tableau I) : Tableau I. — Coordonnées de l’apex du Soleil. FPE . ASCENSION É ANNÉES DÉCLINAISON DROITE P. Prévost. . 1781 2300 + 250 W. Herschel. 17183 260,35" + 26,11 Olbers 1821 269.23 + 68,40 Argelander 1839 259,48 + 32,30 O. Struve . 184% 261,23 + 37,36 Plana . 1852 260 A1 + 36,54 Mädler. . 1856 261,39 + 39,54 ATTYA NE 1860 261 ,29 + 24,44 L. Struve:. 1887 21321 + 27,19 Kobold 1595 266,30 — 3,5 Ajoutons, toutefois, que le grand écart présenté en déclinaison par le résultat de M. Kobold paraît tenir surtout à la méthode employée. D'ailleurs, on ne pourra guère obtenir une valeur sûre que lorsque l’on connaîtra en plus grand nombre les mouvements propres des étoiles australes. En atten- dant, il semble qu'on peut admettre, pour les coordonnées de l’apex du Soleil, les valeurs sui- vantes : 2670— 17h48; déclinaison : Ascension droite : +- 300. La vitesse de translation est beaucoup plus incer- taine encore que la direction du mouvement. D'après M. O. Struve, l’espace parcouru par le Soleil en un an serait de Ja distance Il 600.000 moyenne des étoiles de première grandeur, dis- tance qui correspondrait à une parallaxe à 0'',083, G. BIGOURDAN — REVUE ANNUELLE D'ASTRONOMIE 513 ———————_—_—_—_—_—_—_—_—_—.…— —…—…"…"…"…."…"…".…"—…"…"…"…"…—.…"…" ——…"…"…—"— ———— ce qui donnerait une vitesse d'environ 20 kilo- mètres par seconde. L'emploi des déplacements des étoiles suivant coup moins avancé, parce quil faut des durées de pose beaucoup plus longues et, par suite, des cir- constances atmosphériques bien plus rares. le rayon visuel, déterminés par la méthode Düp- pler-Fizeau‘', a conduit M. Vogel à une vitesse de 12 kilomètres par seconde. Mais le nombre des étoiles pour lesquelles on connaît ces déplace- | ments, est encore trop restreint pour qu'on puisse | attribuer à ce résultat une bien grande exactitude : M. Vogel a trouvé pour son erreur probable 3 ki- lomètres. De son côté, le regretté Tisserand ? avait déduit cette vitesse des vitesses radiales de 14 nébu- leuses, obtenues par M. Keeler, et avait été con- duit au chiffre de 15 kilomètres : on voit que c'est la valeur moyenne que l’on peut admettre aujour- d’hui. IX. — LE CATALOGUE ET LA CARTE PHOTOGRAPHIQUES DU CIEL. Les bases de cette entreprise furent posées dans un Congrès réuni à Paris en 1887. Dans deux autres réunions, en 1889 et 1891, on fixa les méthodes à suivre. Enfin une nouvelle réunion à eu lieu à Paris en 1896. Le travail photographique du Catalogue (étoiles jusqu'à la grandeur 11 inclusivement) est achevé ou très avancé presque partout. Lorsque les me- sures et les calculs seront terminés, les astronomes auront entre leurs mains un catalogue précis de plus de 2 millions d'étoiles, qui facilitera singuliè- rement l'observation des astres mobiles, comètes et petites planètes. Et, repris cent ans plus tard, ce travail fera connaître les mouvements propres d’un grand nombre d'étoiles, permettant ainsi de ré- soudre les plus intéressantes questions sur la cons- üitution de l'Univers, notamment celle du trans- port du Système solaire dans l’espace. Mais le travail de la carte proprement dite (étoiles Jusqu'à la grandeur 14 inclusivement) est beau- | 1 On peut voir l'exposé de cette méthode et des princi- paux résultats qu'elle a fournis, dans une intéressante No- tice insérée par M. Cornu, dans l'Annuaire des Longiludes pour 1891. = Voir sa Notice sur le mouvement propre du système solaire, dans l'Annuaire du Bureau des Longiludes pour 1897, * X. — COMMISSION INTERNATIONALE DES ÉTOILES FONDAMENTALES. Le but supérieur de l’Astronomie est de nous | faire connaître les lois qui régissent les mouve- ments célestes. Aussi les astronomes déterminent ces mouvements avec toute la précision possible, notamment ceux des grosses planètes; pour cela on les rapporte aux étoiles les plus brillantes, les mieux connues, qui sont au nombre d'environ 300 et qu'on appelle les étoiles fondamentales. Les positions de ces étoiles sont connues avec beaucoup de précision; mais, comme pour toute donnée fournie par l'observation, les positions con- nues varient légèrement d'un observateur ou d’un observatoire à un autre. D'autre part, les étoiles elles-mêmes ont des mou- | vements produits par la précession, par la nula- tion et par l’aberration; or les constantes de ces mouvements se déduisent aussi de l'observation, de sorte que les astronomes qui les ont déterminées ont obtenu des valeurs qui ne sont pas identiques. De là de légères différences entre les positions des étoiles fondamentales fournies par la Connaïs- sance des Temps, par le Berliner Jahrbuch, par le Nautical almanack, soit américain, soit anglais; et cela occasionne un travail supplémentaire consi- dérable aux astronomes qui veulent réduire toutes les observations à un système homogène. Mais cet inconvénient ne se produira plus à partir de 1901, car les directeurs de ces éphémérides, réunis en Congrès, également à Paris en mai 1896, ont con- venu de prendre les mêmes éléments de départ, savoir : Nutation. . . ; 921 Aberration. . . . . 20,47 Parallixetsolairer 128" 8,80 Pour la précession, la conférence à confié à M. Newcomb la recherche des valeurs définitives à adopter. G. Bigourdan, Astronome-adjoint à l'Observatoire de Paris. 51% BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 4° Sciences mathématiques Picard (Emile), Membre de l'Institut, Professeur d'Ana- hyse à lu Faculté des Sciences. — Traité d'Analyse. Tome LIT. — 4 vol. gr. in-8° de 580 pages. (Prix : 18 fr.) Gauthier-Villars et fils, éditeurs. Paris, 1897. Le tome II du Traité d'Analyse de M. Picard est presque exclusivement consacré aux équations diffé- rentielles. « J'ai eu pour but, dit l’auteur dans sa pré- face, d'exposer quelques-unes des questions qui inté- ressent particulièrement aujourd'hui les analystes el dont l'étude peut être utilement poursuivie.» En disant que ce but est atteint de la manière la plus heureuse, on ne peut faire de l'ouvrage un plus grand éloge. Choisir, dans les parties essentielles et neuves de la doctrine des équations différentielles, des questions variées, les dégager des obscurités qui semblent inhé- rentes aux théories en formation, orienter ainsi le lec- teur dans les principales directions suivant lesquelles se développe la science, c'est, en de telles matières, l’objet le plus utile d'un livre didactique, en même temps que le plus difficile à remplir. Les théorèmes d'existence des intégrales d'un sys- tème différentiel ont été établis dans les tomes précé- dents, en supposant les conditions initiales régulières. Quand ces conditions sont singulières, M. Poincaré, en se bornant au cas à la fois le plus général et le plus simple, a obtenu des résultats de la plus haute portée. Ces résultats forment la matière du premier chapitre. Leur application au premier ordre permet d'approfon- dir et de compléter la discussion de Briot et Bouquet. Vientenfin une élégante théorie des intégrales singulières. La nature des intégrales étant ainsi élucidée dans le voisinage des valeurs iniliales, comment poursuivre leur étude dans un domaine quelconque ? C'est là un problème qui peut être traité à deux points de vue : au point de vue analytique (en donnant à la variable des valeurs complexes), et au point de vue réel. À ces deux points de vue correspondent deux sections considé- rables de l'ouvrage. L'étude du domaine réel, longtemps négligée, n’a été reprise que dans ces dernières années, sous l'influence «es travaux de M. Poincaré et de M. Picard. Tous les esprits qui ne veulent pas réduire les mathématiques à une science de pure curiosité, doivent désirer que cette étude soit désormais poursuivie assidûment. C'est donc .un véritable service que M. Picard a rendu à l'Analyse en rassemblant, sous une forme systématique, les prin- cipaux résultats obtenus jusqu'ici dans cette voie. Trois chapitres sont d'abord consacrés aux travaux bien connus de lauteur sur les équations réelles du second ordre, dont l'intégrale est définie par ses va- leurs pour deux valeurs numériques de la variable. De telles conditions aux limites se rencontrent dans un urand nombre d'applications naturelles. L'élégance de la méthode, l'importance et la netteté des résultats font de cette partie du livre une des plus attrayantes. Signalons, notamment, la discussion de l'équation : dy Lx? dence des particularités bien remarquables qui se représentent, sous une forme plus compliquée, en \coustique, dans la théorie des sons fondamentaux. Les trois chapitres suivants traitent de la théorie des intégrales réelles, d'après M. Poincaré : solutions pé- riodiques, asymptotiques; courbes définies par un -ystème différentiel, ête. Ces travaux de M. Poincaré sont l'effort le plus vigoureux qu'on ait encore tenté — A(x)y. Celte discussion rigoureuse met en évi- ET INDEX pour découvrir, sur les équations différentielles, les propriétés qualitatives et quantitatives de leurs inté- grales réelles. Mais ils se prêtent mal, par leur nature même, à un exposé didactique. Aussi ne saurait-on trop louer la perfection de forme que M. Picard a donnée à ces quelque cent pages de son traité. L’exis- tence des solutions périodiques, celle des solutions asymptotiques, sont établies par des méthodes extré- mement simples. Les notions fondamentales de cycles limites, d'indice de cycle, etc., sont introduites dans le cas du premier ordre, cas très élémentaire il est vrai, mais qui fait bien ressortir leur nature et leur portée. Il convient d'indiquer, comme appartenant en propre à l’auteur, la discussion des points singuliers réels d'une équation du premier ordre non résolue en y, ainsi que la détermination, dans tout leur domaine réel, des intégrales de certains systèmes différentiels : ces sys tèmes comprennent notamment les équations du mou- vement d'un solide pesant fixé par un point. Quant à la théorie analytique des équations diféren- tielles, elle n’occupe pas moins de huit chapitres. Si l’on excepte une étude succincte des équations du premier ordre à points critiques fixes et de certaines équations du second ordre qui généralisent les équations de Briot et Bouquet, c'est aux équations linéaires, dont la théorie est aujourd'hui poussée si avant, que s’est atta- ché l’auteur. Un substantiel exposé des propositions fondamentales relatives à ces équations, à leurs singu- larités, à leur groupe, est suivi d'une application aux fonctions hypergéométriques (chapitre XIL), lesquelles conduisent naturellement aux fonctions de M. Schwarz (chapitre XIII) : une fois établies les propriétés fonda mentales de ces fonctions, et notamment de la fonction modulaire, M. Picard est en état de démontrer dans toute sa généralité son célèbre théorème sur les zéros des fonctions uniformes, théorème dont il indique quelques applications. La lecture de ce chapitre XII sera des plus utiles à ceux qui veulent s'initier aux propriétés des fonctions fuchsiennes. Les intégrales irrégulières des équations linéaires ont été, dans ces dernières années, l'objet de nombreux travaux qui ne pouvaient être négligés ici. Un chapitre résume les résultats de M. Thomé et de M. Poincaré sur les intégrales irrégulières à l'infini et leur représenta- tion asymptotique déduite de la méthode de Laplace. Enfin, après une revision rapide des principales classes d'équations linéaires intégrables (en particulier, des équations à coefficients doublement périodiques connues sous le nom d'équations de M. Picard), l’au- teur aborde, dans sa généralité, le problème de la réduction des équations linéaires. La profonde analogie qui existe entre les équations algébriques et les équa- tions linéaires a été, depuis longtemps, mise en évi- dence par M. Picard, et c'est cette analogie qui a servi de point de départ aux brillantes recherches de M. Ves> siot sur l'intégrabilité des équations linéaires. Deux chapitres parallèles, l'un sur la théorie des équations algébriques d'après Galois, l'autre sur la théorie des équations linéaires, font ressortir avec une rare netteté la parfaite symétrie des deux théories et constituent un exposé magistral de la doctrine de la réductibilité des équations différentielles linéaires. Par sa profondeur et sa diversité, comme par sa lumineuse élégance, le livre que nous venons d’ana- lyser brièvement est appelé à provoquer de fécondes recherches dans tous les domaines auxquels il touche et dont un grand nombre ont été ouverts par l'auteur. PAUL PAINLEVÉ, Professeur-adjoint à la Sorbonne. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 515 2° Sciences physiques Damien (B.-C.), Professeur de Physique à la Faculté des Sciences de Lille, et Païllot (R.), Chef des Travaux pratiques de Physique à la Faculté des Sciences de Lille. — Traité de Manipulations de Physique.— 1 vol. in-8° de 504 pages. Masson, éditeur. Paris, 1897. L'excellente Introduction à la Physique expérimentale de MM. Terquem et Damien appelait, depuis bien des années déjà, un supplément. Le Traité actuel en peut être regardé comme la continuation. Il existe, comme le remarquent les auteurs, de fort bons livres pour ini- tier les élèves de nos Facullés aux manipulations de physique qu'ils auront à effectuer. Pour ces élèves, — et pour eux tous, à quelque examen particulier qu'ils se destinent, — le livre de MM. Damien et Paillot sera un très bon guide; mais ce livre sera quelque chose de plus. A tous les physiciens, il donnera des rensei- gnements très précis sur nombre de méthodes de me- sure d'un emploi commode, sinon courant; il les ini- tiera au maniement de quelques appareils fréquemment utilisés dans les laboratoires étrangers, et dont l'usage est moins répandu en France. L'Institut de Physique de Lille est, à cet égard, un modèle, avec la riche col- lection que son Directeur met tant de soin et de zèle à enrichir et à compléter sans cesse. Dans le chapitre de la Chaleur, signalons les détails sur le calibrage des thermomètres, sur la mesure des hautes températures par le couple Le Chatelier, sur la mesure relative des conductibilités calorifiques des métaux; en Optique, la description du photomètre Lummer et Brodhun, du lucimètre Mascart, des ré- fractomètres d’Abbe et de Pulfrich. L'Electricité à reçu des développements tout particuliers ; à côté des mé- thodes de mesure de résistances liquides et de forces électromotrices, telles qu'elles sont appliquées d'ordi- naire en France, et réalisées notamment au laboratoire d'Enseignement physique de la Sorbonne, nous trou- vons décrites les méthodes allemandes, moins exactes, mais plus brèves. Sur la comparaison des capacités, la mesure des coefficients d’induction, la mesure des champs magnétiques par les procédés de Lenard (spi- rale de bismuth) et de Stenger, nous sommes munis de tous les renseignements nécessaires pour répéter ces mesures nous-mêmes, sans avoir à recourir à des mé- moires ou traités spéciaux. Pour les constantes d’ai- mantation, les auteurs nous donnent la méthode ma- gnétométrique unipolaire et la méthode d'Hopkinson ; ils y ont ajouté la description de l'appareil de M. Bru- ger. L'ouvrage se termine par une série de tables de constantes physiques, judicieusement choisies, el sur- tout par un chapitre important qui ne compte que 2% pages, mais que son titre : « Recettes utiles aux physiciens » suffit à recommander à l'attention des lecteurs. Procédés d’argenture des miroirs, fabrication des suspensions en quartz filé, préparation des élé- ments Gouy et Latimer Clark, description de l'excellent appareil Gouy à distiller le mercure, emploi de divers régulateurs de températures, on a là toute une foule de détails pratiques qui achèvent de faire du livre un pré- cieux outil de laboratoire. BErXARD BRUNHES, Chargé du Cours de Physique à la Faculté des Sciences de Dijon. Lespieau (R.). — Recherches sur les épidibrom- hydrines et les composés propargyliques. (Thése de Doctorat de la Faculté des Sciences de Paris.) — 4 brochure in-8° de 60 pages. Gauthier- Villars et fils, imprimeurs. Paris, 1897. M. Lespieau à repris d'une façon complète l'étude des dérivés bromés incomplets en C*, dans l'espoir de parvenir à doubler leur molécule et à effectuer de cette manière la synthèse de combinaisons aroma- tiques nouvelles. La question avait déjà été l’objet de nombreux travaux, parmi lesquels il faut citer surtout ceux de M. Henry, qui a découvert l'alcool propargy- lique et le dipropargyle, mais elle présentait encore de profondes lacunes que \. Lespieau à réussi à combler, au moins en grande partie. En traitant la dibromhydrine symétrique par l'anhy- dride phosphorique, l’auteur a obtenu le dibromo 1. 3 propène, où épidibromhydrine $, qui n’était pas encore connu, et en saponifiant ce Corps, ainsi que son isomère le dibrorio 2. 3 propène, il arrive à préparer les alcools correspondants et un grand nombre de combinaisons bromées par addition ou par substitution, dont la plu- part sont nouvelles. L'action de la polasse sur ces composés le conduit aux corps propargyliques ; celle du cyanure de potas- sium sur l’épidibromhydrine $ lui donne un nitrile et un acide bromobuténoiïiques dérivés de l'acide croto- nique ou de son isomère plan; enfin, en oxydant la combinaison cuivreuse de l'alcool propargylique par le ferricyanure de potassium, il obtient le glycol dipropar- gylique où hexadiinediol CHOH — C=C—C=C— CHONH, correspondant à l'acide diacétylène dicarbonique de Bæyer. Ce corps curieux cristallise aisément; il fond à 111-1129 et se décompose avec une sorte de déflagra- tion à plus haute température, Il est probable qu'il donnera à son tour des dérivés intéresssants, que M. Lespieau ne manquera pas de nous faire connaître plus tard, et qui viendront complé- ter son travail actuel, déjà riche en résultats expéri- mentaux, tous solidement établis. L. MAQUENNE, Chargé de cours à la Sorbonne. Henriet (H.), Chimiste à l'Observatoire de Montsouris. — Les Gaz de l’Atmosphère. — 1 vol. in-16 de 192 pages de l'Encyclopédie scientifique des Aide- Mémoire, publiée sous la direction de M. H. Léauté, de l'Institut. (Prix, cartonné : 3 fr.; broché : 2 fr. 50.) Gau- thier-Viliars et G. Masson, éditeurs. Paris, 1897. Les travaux ayant pour objet l'étude des gaz de l'at- mosphère sont nombreux el épars dans un grand nombre de mémoires; l’auteur a eu l'idée de résumer en pages succintes les connaissances actuelles sur ce sujet, mais presque exclusivement au point de vue chi- mique. Après quelques considérations physiques, M. Henriet décrit les éléments de l'air, scindés en éléments fixes, ou plutôt de variations inappréciables (azote, oxygène, argon), et éléments variables (vapeur d'eau, acide car- bonique, oxyde de carbone, ammoniaque, ozone, etc.). Les chapitres relatifs à chaque gaz contiennent l'exposé des causes de variations, de nombreux renseignements analytiques sur les méthodes employées pour arriver à l'évaluation de ces variations, puis un résumé des résultats obtenus par divers observateurs. Les procédés de ‘dosage tiennent une place impor- tante dans ce travail et plus d'un chimiste pourra y trouver des indications utiles sur la pratique de l’ana- lyse des gaz. Parmi les méthodes intéressantes, nous signalerons celles adoptées à l'Observatoire de Mont- souris où, chaque jour, les éléments variables de Pair sont dosés. Ces analyses ont permis d'établir les résul- tats publiés par M. Albert Lévy, directeur du Service chimique à Montsouris, résultats déduits de vingt ans d'expériences. Puis viennent le dosage de l’argon d'après M. Schlæsing fils, et un procédé de mesure de l'acide carbonique, dû à l’auteur et permettant l'analyse sur un volume de six à sept litres. Un ballon vide d'air est ouvert au milieu de l'air à analyser. Le ballon rempli, on ajoute un volume mesuré de potasse pour absorber l'acide carbonique que M. Henriet dose en utilisant la réaction suivante : si de l'acide sulfurique est ajouté à une solution diluée de carbonate de potasse colorée en rouge par la phénolphtaléine, la coloration disparait lorsque la moitié de l'acide carbonique du carbonate est fixée sur le carbonate non décomposé pour former du 516 bicarbonate. Cette méthode rapide permet de faire avec exactitude des dosages en divers endroits sans emporter le matériel encombrant des tubes et barbotteurs. Les chapitres suivants traitent des modifications im- portantes subies par l'atmosphère sous l'influence du sol et des pluies; un index bibliographique assez complet termine ce livre. En résumé, le travail de M. Henriet nous renseigne sur les changements de composition de l'air, et il est permis de croire qu'un grand nombre d'analyses de ces perturbations nous conduiront un jour à quelque grande loi mécanique céleste. MarceL MoLiINiÉ, Chimiste à l'Observatoire municipal de Montsouris. 3° Sciences naturelles Tswett (Michel). — Etudes de Physiologie cellu- laire. (Thèse de Doctorat de la Faculté des Sciences de Genève.) — 1 brochure in-8° de 80 pages avec 1 planche. (Extrait des Archives des Sciences naturelles et phy- siques.) Genève, 1896. La matière vivante de la cellule est limitée par des membranes, aussi bien à l'extérieur que du côté des vacuoles. Pfeffer l’a prouvé. La formation de ces mem- branes est-elle déterminée par des propriétés hérédi- taires, comme le pense M. de Vries, ou bien est-elle due aux propriétés physico-chimiques de la matière vivante ? M. Tswett établit par l'expérience que ces membranes, nettement différenciées, sont de nature plasmique; il les considère comme des organes de la cellule. Des solutions fortement plasmolysantes déterminent dans les protoplastes de l'Elodea une contraction et une concentration de la partie circulante du protoplasme, d'autant plus grande que le pouvoir osmotique de la solution est plus élevé. Dans les solutions de substances anélectrolytes, telles que celles de glycérine, de glucose, de saccharose ou de mannite, la contraction est passa- gère et le protoplasme reprend bientôt sa distribution normale; il y manifeste, en outre, des mouvements analogues à ceux d’un plasmode de Myxomycète, et souvent aussi des portions de protoplasme s'isolent de la masse principale sans perdre leur vitalité. L'auteur ne détermine pas leur sort ultérieur, comme M. G. Klebs l'a fait pour des exemples qu'on rapprochera avec intérêt de ceux-ci. M. Tswett voit dans ces phéno- mènes une réaction de l’organisme cellulaire à une tension osmotique exagérée; c'est un phénomène dépendant de la vie de la cellule et pas un effet méca- nique de Ja plasmolyse. Les protoplastes plasmolysés se prêtent bien à l'isolement des vacuoles; il suffit, pour l'obtenir, de diminuer la concentration du liquide qui baigne le protoplaste ; sa membrane crève brusque- ment et se désorganise en entier, pendant que la vacuole, échappant souvent à la coagulation du proto- plasme diffusé apparaît comme une vésicule claire, parfaitement libre. Quant aux chloroplastes, c'est par la voie expéri- mentale que M. Tswett cherche à résoudre les pro- blèmes que l'observation n'a pas résolus jusqu'ici. L'observation directe est impuissante, suivant lui, à en révéler la structure ; mais les chloroplastes d’Elodea mis en expérience, dépourvus d'une membrane plas- mique différenciée, peuvent être étudiés plus aisément à quelques égards que les protoplastes non chloro- phylliens. L'auteur reconnaît ainsi dans la chloro- phylle un réseau de substance dense, réfringente, support exclusif de la chlorophylle, et une substance interstitielle incolore, de nature protéique comme la précédente. Cette structure est toujours invisible dans la cellule intacte, vivante ou morte. CH. FLAHAULT, Professeur de Botanique à l'Université de Montpellier. Guibert (J.), Professeur de Sciences naturelles uu Séminaire d'Issy, et Guillemet (C.-L.). — Atlas de Biologie végétale. 1° fascicule : 18 planches, conte- nant plus de 500 dessins. V. Relaux, éditeur, 82, rue Bonaparte. Paris, 1897. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX Gravier (Charles), Agrégé des Sciences naturelles, Pré- parateur à la Faculté des Sciences de Paris. — Recher- ches sur les Phyllodociens. (Thèse de Doctorat de la Faculté des Sciences de Paris.)—1 vol. in-8° de 100 pages avec 8 planches hors texte. (Extrait du Bulletin scien- tifique du nord de la France et de la Belgique, t. XXIX.) Imprimerie L. Danel. Lille, 1897. Le très consciencieux travail que M. Charles Gravier a présenté, comme thèse, à la Faculté des Sciences de Paris, s'explique et se justifie amplement par quelques phrases qu'on peut y lire à la dernière page. « Le phy- lum des Annélides, dit l’auteur, n’est pas établi d’une facon positive. À mon avis, la solution de cette question, d'un haut intérêt philosophique, suppose préalablement la détermination précise des liens phylogéniques qui unissent entre elles les différentes familles à l’intérieur de chacune des classes d'Annélides; en ce qui concerne les Polychètes, on est encore loin d’avoir atteint ce but idéal. » Cette allégation ne manque ni de justesse, ni de fon- dement, mais ce ne sera pas la faute de M. Gravier si la Zoologie n'avance que lentement vers cetidéal. Dans sa monographie anatomique des Annélides polychètes du groupe des Phyllodociens, il s’est constamment efforcé d'établir les affinités et les points de contact que ces animaux présententavec les familles voisines, et comme par bonheur ces dernières avaientété en partie très bien étudiées, comme d'autre part ses propres recherchesont été particulièrement approfondies, il a pu mettre en évidence des liens phylogéniques entre des familles d'Annélides qu'on supposait plus éloignées jusqu'ici. Cette préoccupation si louable de l’auteur apparaît à chaque page de son travail, le vivifie pour ainsi dire et sert de fil conducteur à celui qui, non spécialiste, — comme c'est mon cas, — essaie de s’y aventurer. — Dans la partie morphologique, M. Gravier insiste fort justement sur les arceaux ciliés qui relient dorsalement un parapode à l’autre chez les Phyllodociens; il observe que cette disposition fort rare n’a été signalée que chez certaines formes archaiques (Ophryotrocha, Protodrilus, Nerilla), ou chez des larves de Syllidiens (Autolytes, Eusyllis, etc.) et que, par conséquent, ce caractère in- dique à tous égards des formes primitives. — Plus frappants encore sont les caractères primitifs que l’au- teur a pu relever dans le système nerveux des animaux qu'il a étudiés; appliquant à l'étude de ce système la méthode qui a donné des résultats si excellents à M. Racovitza, il trouve que l’encéphale des Phyllodo- ciens se compose de trois parties : un cerveau antérieur, un cerveau moyen et un cerveau postérieur, que la partie moyenne forme seule une masse indépendante, et que les deux autres, beaucoup plus grandes, sont en- core en relation intime avec l’'épiderme. Ge caractère embryonnaire, qui se manifeste avec plus d’évidence encore chez les Protodrilus (où l’on peut observer toutes les transitions entre les cellules ganglionnaires et les cellules épidermiques), rapproche les Phyllodociens des Syllidiens, et les place à un degré très inférieur dans la série des Annélides, Toutefois, avec M. Frai- pont, l’auteur observe que ce caractère est sujet à des divergences considérables; que chez les Polygordius, par exemple, l'encéphale s'entoure déjà d’une sorte de gaine et qu'il ne faut, dès lors, lui attribuer qu'une valeur relative dans la détermination des affinités des Anné- lides. Ce ne sont point là, tant s'en faut, les seuls caractères primitifs que M. Gravier a pu mettre en évidence chez les Phyllodociens. Le système vasculaire était inconnu. Il a montré qu'il se compose de deux vaisseaux réunis par une anse antérieure, qu'il est de la sorte très sim- ple, et qu'il rappelle à beaucoup d’égards l'appareil vas- culaire des Syllidiens et celui, plus réduit encore, des Protodrilus. Quant aux organes segmentaires, dont on ignorait l'existence dans la famille, il a pu les étudier d'une manière complète et montyer qu'ils tiennent, — par leur structure élémentaire, — le milieu entre les LE. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 517 organes des Protodrilus et ceux des Syllidiens. Il n'est pas jusqu'à la formation des produits sexuels qui ne lui ait offert des caractères d'organismes à évolution peu avancée: ces produits ,eneffet, se développent dans toute l'étendue de la cavité du corps et dans le péritoine; il n'y à pas trace de localisation dans la formation des cellules reproductrices, si bien que, par ce côté encore, les Phyllodociens se rapprochent des Archiannélides (Polygordiidés avec Protodrilus) et des Syllidiens. Je n'insiste pas sur les détails anatomiques de ce lravail ; ils sont tous étudiés avec le plus grand soin, mais il serait beaucoup trop long de les rappeler ici; je tiensspécialement à appeler l'attention sur les chapitres, très fouillés, que l’auteur consacre au tube digestif (à la trompe notamment) et à la formation des produits sexuels. Au reste, la-thèse de M. Gravier n'est point purement anatomique; elle renferme une partie biolo- gique et descriptive — assez courte, il est vrai, — ainsi que les diagnoses de quelques espèces nouvelles décou- vertes par l'auteur à Saint-Vaast (Station zoologique du Muséum). | Chez les femelles, pendant la reproduction, M. Gravier a pu constaler un fait très curieux et qui mérite d'at- tirer l'attention des zoologistes. Les ovules mürs rem- plissent la cavité du corps, se compriment, refoulent graduellement devant eux le tube digestif « et finissent par le faire disparaître presque complètement, tandis que, normalement, ce tube occupe presque toute la ca- vité du corps el possède des parois fort épaisses. D'autre part, la musculature se frouve également fort atteinte par le développement des ovules; les faisceaux musculaires ventraux sont très réduits en épaisseur, et les faisceaux dorsaux ne laissent plus que des traces ». Pour expliquer cette réduction bizarre d'organes pri- mitivement très développés, l’auteur est porté à consi- dérer les ovules comme des sortes de phagocytes et à voir dans la réduction elle-même le résultat d'un phéno- mène d'histolyse ; si, comme on peut le croire, la femelle survit à la ponte, il y aurait fatalement réfection des organes, et à l'histolyse ferait suite l'histogénèse, comme dans les chrysalides d'insectes. ë . C'est un problème fort intéressant que pose là M. Gra- vier; il ajoute encore à Ja valeur d’une thèse qui est toute remplie de qualités et que les zoologistes, j'en suis sûr, accueilleront avec faveur. E.-L. Bouvier, Professeur au Muséum. 4 Sciences médicales Bordier (D: H.). — Précis d'Electrothérapie. (Avec une préface de M. n'ArsonvaL.) — { vol. in-8 de 580 pa- ges avec 146 figures. (Prix : 8 fr.) J.-B. Baillière et fils, édileurs. Paris, 1897. Depuis quelques années, il a paru plusieurs traités ou précis d'Electrothérapie ; peu d'auteurs me semblent avoir fait œuvre aussi réussie que celle de M. Bordier. Chaque chapitre a recu un développement bien propor- tionné à l'importance du sujet qui y est traité; l’expo- sition des diverses parlies de l'électricité soit théorique, soit appliquée, est claire et non encombrée, comme il arrive trop souvent, d'une foule de hors-d'œuvre. Après un chapitre très court de considérations géné- rales, l'auteur fait, en trois autres chapitres, l'exposi- tion des connaissances indispensables au médecin électricien consciencieux. On percoit bien à la lecture que ce livre est écrit par un pralicien; passant assez rapidement sur les points n'intéressant que le physi- cien, M. Bordier s'étend surtout sur les moyens de roduire l'électricité sous ses différentes formes, sur es manières de l'appliquer et d'en déterminer les mesures. Puis vient un chapitre V consacré à l'électrophysio- logie. Ici encore l'auteur a résolument passé sous silence tous les faits relatifs à l'électricité produite par les animaux, Si curieux pour le biologiste, mais dont la clinique n'a tiré encore aucun profit. L'auteur in- siste au contraire avec raison sur les résultats expéri- REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897. mentaux obtenus dans l'action de l'électricité, sous ses diverses formes, sur l'homme et les animaux. Ainsi bien préparé, le lecteur arrive aux deux der- niers chapitres, les plus importants. L'un comprend l'électrodiagnostie, qui tous les jours prend plus d'importance en gynécologie et surtout dans les affections du système nerveux. Dans le second, M. Bordier expose les applications à la thérapeutique, et, sans vouloir faire de l'électricité une panacée universelle, montre les services qu'un médecin expérimenté peutentirer. D°G. Weurss, Professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Paris. Dallemagne (J.), Professeur de Médecine légale à l'Uni- versité de Bruxelles. — Les Théories de la Crimi- nalité. — 1 wol. in-16 de 21% pages de l'Encyclo- pédie scientifique des Aide-Mémoire, publiée sous la direction de M. H. Léauté, de l'Institut. (Prix : broché, 2 fr. 80; cartonné, 3 fr.). G. Masson et Gauthier-Villars, éditeurs. Paris, 1897. Ce volume fait suite aux deux études sur les stismates anatomiques, biologiques et sociologiques de la crimi- nalité, dont nous avons rendu compte ici même. Il nous présente un résumé succinct des nombreuses écoles qui, de nos jours, sous l’impulsion de Lombroso, ont essayé d'interpréter les actes du criminel et de les rattacher à une cause simple et déterminante. Autrefois, en effet, on se préoccupait du crime en lui-même comme d'une entité juridique et abstraite. On ne voyait le criminel que comme une unité semblable aux autres, à laquelle il est permis d'appliquer le critérium général de la moralité. L'école anthropologique formula la nécessité d'étudier le criminel en lui-même. Par suite d'une dis- position naturelle qui l'entrainait à préciser l’objet de son étude, elle affirma d'abord l'existence d’un type criminel anatomiquement caractérisé. C'est le criminel- né, le criminel atavique, surtout étudié par Lombroso d'après des caractères anatomiques, des anomalies du crâne, de la face, du corps. Ce type criminel au point de vue anatomique auquel manque la persistance, la régularité, l’hérédité, est repoussé presque partout en dehors de l’école italienne. Le criminel fut plus tard sur- tout caractérisé et expliqué par sa constitution psycholo- gique. On le rapprocha du fou moral, de l’épileptique, de l'aliéné, de l'hystérique, du neurasthénique. M. Dallema- gne nous montre tel ou tel auteur expliquant presque tous les crimes par l’une ou l’autre de ces assimilations, tandis que tous les autres protestent contre la généra- lisation d'un semblable rapprochement. Avec les tra- vaux de Colajanni, de Garofalo, de Tarde et surtout avec ceux de l'école de Lyon représentée par Lacassagne, Coutagne, etc. nous entrons, au contraire, dans l'étude des conditions sociales dans lesquelles se développe le criminel, et les crimes sont expliqués non pas unique- ment par la malformation cranienne, l'épilepsie ou la folie de leur auteur, mais par les modifications écono- miques et sociales du milieu rural, industriel ou urbain dans lequel ils se présentent. La théorie de M. Enrico Ferri semble la plus complète, la plus large. « Chaque crime n'est que la résultante du concours simultané et indivisible soit des conditions biologiques du criminel, soit des conditions du milieu (physique et social) où ïl nait, vit et agit. » On arrive à une sorte d'éclectisme et on s'accorde sur une formule complexe où entrent à la fois l'étude du criminel et l'étude du milieu. Il est vrai que l'on perd ainsi la précision et la clarté un peu ambi- tieuse des premières interprétations. Il était bien difficile de suivre l’évolution de ces écoles d'anthropologie criminelle devenues très nombreuses. M. Dallemagne caractériseleurs tendances avecbeaucoup de précision et nous montre la force et la faiblesse de la plupart de ces théories. Son exposé rendra certainement les plus grands services à tous ceux qui veulent se mettre rapidement au courant des principaux résultats de ces nouvelles études. Dr PIERRE JANET, Protesseur suppléant au Collège de France. 12** ACADÉÈMIES ET SOCIËÈTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 10 Mai 1897. M. le Président annonce la mort de M. Des Cloizeaux, membre de la Section de Minéralogie, et de M. le due d’Aumale, et prononce leur éloge funèbre. — M. Souil- lart est élu correspondant dans la Section d'Astrono- mie, en remplacement de M. Gylden. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Eug. Cosserat se sert de l’espace à quatre dimensions dans l'étude des surfaces algébriques (F) admettant plusieurs séries de coniques, Il montre que la surface du huitième ordre, étudiée récemment par M. Alberto Bambilla, constitue un cas particulier de ces surfaces (F). — M. F. de Salvert communique une formule d'Analyse relative à certaines intégrales de fonctions elliptiques par rap- port à leur module. — M. A. Boulanger présente cer- taines considérations relatives à l'intégration algébrique des équations différentielles linéaires du troisième ordre. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. H. Becquerel indique un certain nombre d'expériences d’après lesquelles les phénomènes que M. G. Le Bon rapportait à l'existence d’une lumière noire, sont simplement des effets produits par les rayons rouges et infra-rouges, dont les propriétés sont connues depuis longtemps. — M. A. Aignan signale une nouvelle méthode pour mesurer la solubi- lité des liquides, et donne les résultats qu'il a obte- nus en appliquant sa méthode aux mélanges d'eau et d'éther. — M. L. Décombe s’est proposé de rechercher si, en renversant les conditions d'amortissement dans les phénomènes de résonance multiple, on pourrait rendre la longueur d'onde indépendante du résonateur employé, conformément aux théories de MM. Poincaré et Bjernkes, En augmentantle décrément du résonateur et en diminuant celui de l’excitateur, l'auteur est arrivé très près du résultat cherché. — M. Alfred Angot montre que la direction OA du vent à une heure quel- conque peut être considérée comme la résultante du vent moyen OM et d'une composante diurne MA qui décrit, dans le cours de la Journée, une rotation complète au- tour du point M. La composante diurne est méridionale dans la première partie de la journée, et septentrionale le reste du temps. — MM. Berthelot et P. Vieille ont étudié les propriétés explosives de l’acétylène dissous dans l’acétone. Le choc explosif de l'amorce de fulmi- nate, exercé sur l’acétylène dissous à une pression de 43 kilos dans un récipient à moitié plein, n'a pas déter- miné l'explosion. Dans les mêmes conditions, un fil métallique qu'on fait rougir au sein de latmosphère gazeuse surmontant la dissolution, provoque la combus- lion du gaz, mais l'explosion ne se propage pas dans Ja dissolution; si le fil métallique rougit au sein de la dis- solution, une partie de l'acétylène se dégage et explode, mais sans propager cette explosion. Enfin, si l'acétylène dissous est à une pression voisine de 20 kilos ou supé- rieure, le fil métallique rougi provoque une explosion générale. — Les mêmes auteurs ont constaté que lors- que l’acétylène fait explosion sous une pression de 20 kilos, son dissolvant, l'acétone, est également entière- ment décomposé; c’est une réaction par entraînement. Les auteurs en discutent les conditions et montrent qu'elle se produit seulement lorsqu'il y a assez d'acéty- lène dissous pour que la chaleur dégagée par son explo- sion soit capable de dissocier l'acétone.— MM. Berthelot el Vieille étudient les conditions de propagation de la décomposition de l'acétylène pur; ils emploient deux modes d'excilation 1° par l’incandescence d'un fil métallique; 2° par une amorce au fulminate de mer- cure, Is ont opéré dans de larges récipients et dans des tubes métalliques. Dans aucun cas on n'a pu définir une pression critique fixe au-dessous de laquelle la pro- pagation serait impossible, tandis qu'immédiatement au-dessus elle serait certaine. — M. Tassilly, en chauf- fant à 200, en tube scellé, une solution concentrée de bromure ou d'iodure de cadmium en présence d'oxyde du même métal, à obtenu un oxybromure et un oxyiodure de cadmium (CdBr? (ou I) CdO. 3H20). — M. José Rodriguez Mourelo indique une nou- velle méthode pour obtenir du sulfure de strontium très phosphorescent. On prend 285 grammes de BaCO*, 62 grammes de fleur de soufre, 4 grammes de Na°CO* cristallisé, 2 gr. 5 de NaCl et Ogr. 4 de sous-nitrate de bismuth. Le mélange, bien pulvérisé, est comprimé dans un creuset et chauffé au rouge vif pendant cinq heures; on obtient un agglomérat presque blanc très phosphorescent. -- M. C. Matignon à déterminé la chaleur de formation de lacétylène monosodé (— 29,2 cal.) et de l'acétylène disodé (— 8,8 cal.). Ces corps sont endothermiques, et, quand on élève leur température sans précautions spéciales, ils se décom- posent l'un et l’autre avec mise en liberté de charbon. — M. L. Prunier montre que, dans la préparation de l’éther ordinaire, il se forme un certain nombre de dé- rivés sulfonés aux dépens de l'acide sulfovinique; ces dérivés se retrouvent en partie dans l'éther ordinaire du commerce, mais surtout dans les résidus de fabrication de l’éther. — M. H. Causse à constaté que, lorsque la phénylhydrazine est mise au contact de l'hydrate de chloral, il se forme de la trichloréthylidène-diphényl- hydrazine, corps dont l'existence est passagère, et qui se dédouble immédiatement en chloro — ou hydroxydi- phénylglyoxazol : H Ï | . ZX COHS.HAz — Az Az — Az. CH. M. G. Bertrand à reconnu que la laccase donne par incinéralion des cendres relativement riches en oxyde de manganèse; il a, en outre, constaté que l'activité oxydante d'un certain nombre d'échantillons de lac- case variait à peu près comme leur teneur en manga- nèse. L'auteur pense que la laccase n’agit qu'en pré- sence du manganèse et proportionnellement à la quantité de ce dernier corps. — M. Balland commu- nique les analyses de l'orge de différents pays; on constate, sur le blé, un excès de cellulose, provenant des glumelles restées adhérentes au grain. Cest au centre du grain qu'on trouve le plus d'amidon; les matières azolées, grasses et minérales y sont en très faible quantité et vont en augmentant vers l'extérieur. — Dans le but de démontrer l'absorption directe des substances humiques par les plantes, M. J. Dumont a soumis des humates alcalins à la dialyse sous de petites différences de pression; il a constaté que ces corps traversaient parfaitement les membranes; toutefois, la composition du liquide est différente des deux côtés de la membrane, certains composés dialysant probable ment mieux que d’autres. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. L. Lapicque à conslalé que le foie détruit l'hémoglobine dissoute et en garde le fer. Il a injecté de l'hémoglobine dans les veines d'un chien; l'hémoglobine éliminée par les urines n’est que le dixième de la quantité injectée, Si on sacrifie ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 519 ensuite l'animal, on constate que le foie a changé de couleur et qu'il renferme une proportion de fer double de la normale. — M. A. Charrin montre qu'un même microbe pathogène n'agit pas sur l'organisme par la sécrétion d'une seule toxine; il fabrique, au contraire, des composés multiples, qui peuvent être plus ou moins séparés par divers réactifs chimique s, e& qui agissent chacun d'une facon différente sur l Jrénnisnes _— M. Louis Roule à étudié la faune des étangs de la côte orientale de la Corse: elle se compose de deux sortes d'animaux : les animaux ordinaires des élangs, qui y vivent en permanence, et les animaux amenés et emportés par la mer, La faune est très riche, malgré les variations considérables de salure suivant les sai- sons. — M. L. Mangin étudie une maladie des Orchi- dées causée par le Gloeosporium macropus Sacc. Il observé les diverses formes de fructilication du para- site et a reproduit la maladie par inoculation sur des plantes saines. — M. E. Durègne établit que les dunes primaires de Gascogne ne proviennent pas d’un dépla- cement de matériaux légers dans le sens du méridien; elles ont été formées sous l’action de vents orientés en moyenne de l'ouest vers l’est; elles paraissent avoir recu leur figure d'équilibre sous la seule influence des courants atmosphériques. — M. Stanislas Meunier montre que les phénomènes auxquels donne lieu la progression des glaciers ont souvent une grande ana- logie avec ceux dont s'accompagne la dénudation flu- viaire. Ainsi le phénomène dit de capture (maintenant bien admis pour les rivières) a joué un grand rôle dans la distribution des formations morainiques. Séance du 17 Mai 1897. M. Klein est élu Correspondant dans la Section de Géométrie en remplacement de M. Sylvester, décédé, 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — MM. Læœwy et Puiseux présentent le deuxième fascicule de l'Atlas photographi- que de la Lune publié par l'Observatoire de Paris et font suivre les principales planches d'explications détaillées. Les théories émises par les auteurs relativement à la formation de notre satellite ont trouvé des confirma- tions nombreuses dans l'étude de ces photographies. — Soient D une droite appartenant à un complexe quel- conque et O un point de cette droite; considérons les courbes C dont les tangentes font partie du complexe et qui touchent en O la droite D, M. A. Demoulin démontre qu'il existe, en général, la même relation linéaire entre la courbure et la torsion de chacune de ces lignes au point O0. — M. C. Guichard établit que les réseaux cycliques points s'obtiennent en joignant un point fixe aux centres de courbure d'une surface. — M. Michel Petrovich indique un nouveau procédé d'intégration graphique des équations différentielles basé sur le principe suivant : un corps prismatique est immergé plus ou moins profondément dans un bain de mercure de facon à satisfaire une équation différen- tielle donnée ; un flotteur, muni d'un style, trace lin- tégrale sur un papier placé sur un cylindre tournant. = a Téguor adresse une note intitulée : Règle pour servir à la résolution de deux équations numériques d'un degré quelconque à deux inconnues. 29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. J. OL poursuivant ses recherches sur la distribution de la pesanteur le long du parallèle moyen, a déterminé la gravité en trois nouvelles stations : Aurillac, Saint-Pierre-le-Chastel et Turin. Dans chacune des stations, on a constaté un dé- ficit de pesanteur. — M. F.-A. Forel étudie la relation qui existe entre les variations barométriques et la pro- duction des seiches sur le lac de Genève; il montre qu'une baisse barométrique de 6 millimètres (semblable à celle observée à Paris lors du cyclone de 1896) cause- rait à Genève une dénivellation de 1,95; c'est précisé- ment la hauteur des plus grandes seiches observées. — M. C. Maltézos à observé quelques phénomènes intéressants dans les tubes à vide. Si on touche avec le doigt le tube près du disque cathodique, on observe une attraction des rayons cathodiques; c'est un phéno- mène d'influence électrostatique. Si on touche le tube avec le fil conducteur qui va de la cathode à la bobine, les rayons sont aussi attirés; le phénomène est dû à l'action électromagnétique entre le courant du fil et le courant de la matière cathodique. — M. Perrigot a re- pris ses expériences sur la transparence des lames d’é- bonite; il a constaté que des lames de 2 millimètres d'épaisseur laissent surtout passer les radiations rouges et orangées. — M. H. Le Chatelier a préparé le borate de lithium en chauffant l'acide borique avec le carbonate de lithium; il a obtenu un sel anhydre Bo*0*, Li®0, qui se dissout dans l’eau et cristallise à l'état de sel hydraté avec 16 molécules d'eau. Ce sel présente des particula- rités intéressantes au point de vue de sa solubilité. Celle-ci croît d'abord lentement avec la témpérature, puis plus rapidement jusqu'au point de fusion du sel, (47°); alors, si la solution renferme moins d'eau que l'hydrate cristallisé, le point de cristallisation s’abaisse et redescend à 34°. — M. F. Osmond étudie les alliages du groupe argent-cuivre; Levol et Behrens avaient si- gnalé un composé dé fini Ag%Cu®, mais l'existence de ce composé est en contradiction avec la théorie. L'auteur a examiné une coupe mince de cet alliage au micro- scope et a constaté qu'il n'était nullement homogène; on observe une alternance de lamelles jaunes et de. lamelles blanches, structure identique à celle de la perlite des aciers. — M. Léon Lémal a cherché à colo- rer le verre directement et à y produire des dessins en faisant pénétrer les métaux ou oxydes colorants par des procédés analogues à ceux de la cémentation. Les sels d'argent déposés sur du verre qu'on porte ensuite à 500 ou 6002 le colorent en jaune; le verre coloré pré- seute le phénomène du dichroïsme, L'or, le fer, le cui- vre, donnent des résultats analogues. — M. A. Gautier fait remarquer que M. H. Hélier avait déjà observé la pénétration de l'argent métallique dans le verre vers 4500. — M. A. Besson a étudié l'action de l'eau sur le chlorure de phosphoryle et a obtenu du chlorure de pyrophosphoryle, du chlorure de métaphosphoryle et de l'acide orthophosphorique, suivant les trois réactions suivantes : 2 POCF + H20 —2 POCE + H20 — 51 HCI + P202CI4 Il POCÉ + 3 H20 — 3 HC 1 1 L PO2CI 1 + PO (OH MM. P. Cazeneuve et Moreau ont obtenu de nou- velles urées symétriques aromatiques en faisant réagir la pseudocumidine, les xylidines et les cumidines ortho et para sur l’éther carbonique du gaïacol., — M. Ch. Lauth a préparé la paramido-benzényl-phénylène amidine : AU CEE C — C‘H".AzH?. Az 7 Son chlorhydrate se diazote aisément et le diazoïque obtenu donne, avec les phénols et les amines, des colo- rants azoïques teignant directement le coton. — M. C. Gerber a étudié la transformation du tannin dans les fruits charnus sucrés détachés de la plante. Il a constaté que, pendant la maturation de ces fruits, les tannins disparaissent par oxydation complète sans donner naissance à des hydrates de carbone. Le rôle des tannins semble être de s'opposer à la transforma- tion des matières sucrées par fermentation pectique. 30 SCIENCES NATURELLES. — M. Ch. Bouchard commu- nique de nouvelles applications de la Radioscopie au diagnostic des maladies du thorax; il à pu constater un cancer de l'œsophage et de nombreux cas d'insuffisance aortique. — M. Ollier démontre d'une facon cerlaine, par la Radioscopie, la régénération osseuse chez l'homme à la suite des opérations chirurgicales. Il si- gnale surtout deux opérations, exceptionnelles en ce que les portions enlevées représentaient la plus grande partie du squelette de la jambe, où la régéné ‘ration par le périoste a été complète. — M. Destot cherche à montrer que les troubles physiologiques et trophiques qu'on attribue aux rayons X sont dus aux générateurs 520 électriques qui alimentent le tube à vide. — MM. Mau- rice Springer et D. Serbanesco ont examiné, à l’aide des rayons de Rôntgen, l'état du cartilage de conjugai- son du tibia et du fémur, dans différents troubles de croissance altribuables au myxœdème, à la syphilis, à l'alcoolisme et à la tuberculose héréditaires. — M, Ad. Chatin donne la signilication de l'existence et de la symétrie des appendices dans Ja mesure de la grada- tion des espèces végétales : là où ils manquent, linfé- riorilé est manifeste, — M. E. Roze a cultivé le Pseudo- commis vitis Debray sur des sols très humides et la inoculé à un grand nombre de plantes, Il à constaté qu'il se trouve d'ailleurs normalement sur beaucoup de plantes de jardin et de serre, dont il brunit et dessèche les feuilles. — M. Emile Mer à étudié la lunure du chène, maladie caractérisée par un arrêt de la trans- formation de l'aubier en bois. Il a constaté que cet arrêt provient simplement des froids excessifs qui se sont produits pendant certains hivers. Séance du 24 Mai 1897. 4° SGIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Ch. Lallemand montre que les lois du Colonel Goulier, relatives aux variations de longueur des mires de nivellement, sont . parfaitement exactes, malgré les doutes qu'avaient émis à ce sujet le Dr Oertel et M. F. Lehrl. — MM. F. Gossot et R. Liouville adressent un mémoire sur les vibra- tions élastiques et la résistance des canons. — M. Ger- main Bapst communique quelques détails sur le séjour de Poncelet à Saratow. 20 ScIENCES PHYSIQUES. — M. H. Faye présente son dernier ouvrage intitulé : Nouvelle étude sur les tempôtes et les trombes ou tornados. — M. Mascart présente un catalogue renfermant l'indication des observations météorologiques faites en France depuis l’origine jus- qu'en 1850. — MM. Hermite et Besançon commu- niquent les résultats des trois ascensions françaises de la troisième expérience internalionale. L'un des ballons, Jancé à Paris, est tombé dans la région de Novare en Italie: le baromètre est descendu à 90 millimètres de pression, le thermomètre à — 60°. Les deux autres bal- lons, plus petits, sont tombés moins loin; sur lun d'eux, pourvu d'un hygromètre, on a constaté une di- minution rapide de l’élat hygrométrique jusqu'au point culniinant. — M. le Général Vénukoff communique une lettre de Saint-Pétersbourg, d'où il résulte que le ballon-sonde russe à été relrouvé en Finlande: il s’est élevé à 41.000 mètres el le thermomètre a marqué — 750 C, — M. Gouy rappelle qu'il a déjà montré au- irefois que la lumière, réfléchie sur le tranchant bien fin d’une lame d'acier, est polarisée perpendiculaire- ment au plan d'incidence. Ce phénomène est de la même nature que la polarisation des rayons caloritiques de grande longueur d'onde par réflexion sur une lame étroite d'argent, observée récemment par MM. Rubens et Nichols. — M. C. Maltézos relale certaines expé- riences sur les tubes à vides qui semblent prouver l'existence, sous certaines conditions, de rayons ano- diques, qui provoquent la phosphorence visible el invi- sible du verre. — M. Gustave Le Bon répond aux objections que M. H. Becquerel à faites sur l'existence de la lumière noire. D'abord, ce dernier savant s’est servi de plaques d'ébonile trop minces, qui laissaient passer la lumière ordinaire. D'autre part, même si des plaques épaisses laissaient passer des rayons rouges, cela ne prouverait rien, car on oblient des résultats identiques lorsqu'on arrête les rayons rouges par un écran de verre vert. — M. M. Berthelot donne quelques renseignements sur des outils et des armes trouvés par MM. de Morgan el Amelineau et remontant aux âges les plus anciens de l'empire égyptien. Ces objets sont tous constitués par du cuivre à peu près pur, ren- fermant parfois de l’arsenie, mais ne contenant ni étain, ni plomb, ni zinc. — M. Berthelot communique également l'analyse de divers liquides contenus dans des vases antiques. Un vase trouvé près de Reims avait dû contenir une huile végétale, qui s'était lentement ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES oxydée sous l'influence de l'air; de l’eau, ayant pénétré dans le vase par infiltration, avait dissous une partie de la glycérine et des acides formés, Un liquide, con- tenu dans un tombeau syrien, n’était autre chose que de l'eau d'infiltration. — MM. Armand Gautier et H. Hélier ont étudié les conditions de la combinaison des mélanges de chlore et d'hydrogène. A l'obscurité absolue, et même au bout d'un an et demi, le chlore et l'hydrogène, secs où humides, ne se combinent pas entre eux, À la lumière d'une bougie, il n'y a pas non plus de combinaison appréciable. — M. N. Gréhant signale un nouveau perfectionnement apporté à son grisoumètre; le volume du gaz y est maintenant mesuré exactement à la pression atmosphérique. — M. N. Gré- hant à constaté que les parois de fonte d'un poële portées au rouge ont la propriété de réduire l'acide carbonique de l'air ambiant en le transformant en oxyde de carbone. — M. J. Meunier indique un nou- veau procédé pour précipiter le sulfure de zine et le filtrer sans que la liqueur qui passe soit trouble. On précipite le zinc par l'ammoniaque et on redissout le précipité dans la quantité d’ammoniaque juste néces- saire; puis on fait passer l'hydrogène sulfuré bulle à bulle, et on arrête le courant quand une goutte préle- vée de la solution donne un précipité avec le sulfate de fer. — M. de Forcrand présente quelques remarques relatives à la chaleur de formation des acélylènes so- dés. Il trouve 21 cal. comme valeur acide moyenne de l'acétylène, le premier hydrogène étant un peu plus acide que le second. — M. Raoul Varet à préparé de nouvelles combinaisons de la pyridine, de la pipéri- dine et de la quinoléine avec les sels métalliques, en particulier avec les bromures de cuivre, de cadmium et de nickel, le cyanure et l'iodure de zine. — M. P. Freundler à distillé du pyromucate de baryum, dans le but d'obtenir du furfurane; le rendement est faible, et on obtient, en outre, un nouveau carbure CH et de loxyde de carbone. Par contre, en chauffant l'acide pyromucique en vase elos, vers 2600-2759, on obtient un rendement théorique de furfurane, — M. Œchsner de Coninck donne la solubilité de l’ecgo- nine dans un grand nombre de dissolvants organiques. — M. Ernest Barillot montre que le procédé de déna- turation‘de l'alcool par les huiles d'acétone est illusoire. En effet, si on fractionne ce liquide dans un appareil convenable, on obtient au milieu 70 °/, d'alcool parfai- tement consommable. — M. C. Gerber a étudié les quotients respiratoires des fruits charnus sucrés pen- dant leur maturation ; il distingue des quotients d'acide dus à la présence des acides, et des quotients de fer- mentation dus à l'insuffisance de la quantité d'air qui parvient aux cellules et à la production d'alcool qui en est la conséquence. Il donne les valeurs et la significa- tion de ces quotients. — M. Gaudet adresse une note sur la formation de l'acide acétique dans une pile à gaz. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. J.-P. Morat pense que la cause des troubles {rophiques consécutifs à la section des racines postérieures médullaires est à rechercher dans la paralysie fonctionnelle d'éléments nerveux dont la conductibilité a été interrompue. — Mlle Pom- pilian étudie l'influence du poids tenseur sur la cha- leur dégagée par le muscle pendant la contraction. Dans le cas d'excitation neuro-musculaire directe, à mesure que le poids augmente, la chaleur dégagée va en diminuant. Dans le cas de contraction réflexe ou volon- taire, la contraction est d'autant plus forte et la chaleur dégagée d'autant plus grande que le poids à soulever est plus fort. — M. Fouquet a constaté qu’en Egypte le tatouage est employé comme traitement de diverses affections; cette pratique remonte à une haute anti- quité, car on a retrouvé la trace de ces mêmes tatouages sur une momie qui date de cinq mille ans, — M. Foveau de Courmelles signale un cas d'appréciation médico-légale des lésions traumatiques et de détermi- nation de l'identité individuelle par les rayons X, — | M. Félix Bernard étudie la coquille embryonnaire ou ACADÉMIES ET SOCIÈTÉS SAVANTES 521 a —_— prodissoconque des Lamellibranches; c'est un stade com- run à tous ces animaux et constitué de manière à pou- voir vivre en liberté; il représente visiblement la forme ancestrale du groupe et c’est de là qu'on devra partir jour reconstituer la phylogénie des Lamellibranches. — MM. Prillieux et Delacroix ont éfudié une maladie qui se développe sur les branches des müriers dans la Turquie d'Europe ; cette maladie est très certainement produite par le Sclerotinia Libertiana. — M. E.-A. Mar- tel a étudié l'hydrographie souterraine du Dévoluy (Hautes-Alpes). La contrée est parsemée de cavernes et de puits naturels (nommés chouruns) qui drainent les eaux et alimentent les sources du pays. Louis BRUNET. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 41 Mai 1897. M.J. Renaut a observé la lésion de l'ædème aigu con- gestif du poumon; elle consiste en une énorme inon- dation séreuse qui remplit toutes les alvéoles et com- prime les capillaires sanguins; elle est la conséquence des troubles de l'innervation cardio-pulmonaire et d'une augmentation considérable de la tension vasculaire . dans la petite circulation. — M. Landouzy cite certains cas dans lesquels l'ædème aigu du poumon était la suite d’une simple lésion aortique. — M. Brouardel pense que l'œdème se produit surtout chez des personnes atteintes d’affections du rein. — M. Liétard continue ses études sur la médecine dans l'Inde. Il retrace les doctrines du médeein Charaka et montre lanalogie qui existe entre le serment des hippocratistes et celui des médecins hindous. — M. Dieulafoy cite de nouveaux cas d'appendicites où une, intervention immédiate à sauvé les malades, tandis que le traitement médical n'aurait été d'aucun secours. M. Dumontpallier, s'appuyant sur de nombreuses statistiques, maintient que le traitement médical doit être la règle et l’inter- vention chirurgicale l'exception. — M, le D' Ménard lit un mémoire sur le redressement de la gibbosité du mal de Pott. Séance du 18 Mai 1897. M. Rendu est élu membre titulaire dans la Section de Pathologie médicale. — M. Ollier communique des radiographies qui montrent la régénération osseuse après les opérations chirurgicales; il s'agit ici de grandes perles de substance du tibia qui ont été com- plètement réparées par ossification du périoste, — M. Péan à eu l'occasion de reconnaître aussi les pro- priétés ostéogéniques du périoste; mais pour combler les pertes de substances importantes, il se sert d'appa- veils prothétiques en caoutchouc durci autour desquels se forme le nouvel os. — M. G. Hayem fait l'étude des sténoses, caractérisées par la présence constante à jeun de liquide stomacal renfermant des débris d’ali- ments; leur siège peut être au niveau du pylore ou au- dessous de celui-ci. Ces affections sont graves; elles cèdent quelquefois à un régime très sévère, mais le véritabletraitement curatif est chirurgical.—M. A. Robin pense que la sténose pylorique n'est pas toujours due à une lésion; elle peut être causée par le spasme ou la contracture pylorique, et, dans ce cas, peut être guérie par le traitement médical, — M. R. Blanchard cite un cas de pseudo-parasitisme du Gordius chez l'homme ; ce pseudhelminthe, qui vit normalement dans l'eau glacée des torrents, est capable de vivre dans le tube digestif. — M. le D' H. Barré lit un mémoire sur les causes de la mort tardive à la suite des brûlures étendues de la peau. Séance du 25 Mai 1897. M. le Président annonce le décès de M. Deroubaix, associé étranger. — M. Laborde présente un micropho- uographe Dussaud perfectionné, qui reproduit nettes ment les sons articulés et parlés. — M. Nocard présente le rapport d'une Commission qui autorise M. Arloing et l'Ecole de Médecine de Rouen à vendre du sérum anti- diphtérique, M. Barlerin à vendre du sérum naturel, MM. Bouty, Flourens et Masselin à distribuer des pro- duits organiques préparés par la méthode de Brown- Séquard, MM. Max frères à vendre provisoirement la nouvelle tuberculine de Koch. — M. Ehrmann propose les précautions suivantes pour éviter les fistules laté- rales éonsécutives à l’uranostaphylorrhaphie : 4° limiter l'étendue des incisions libératrices ; 2 veiller à ce que le travail de réparation des plaies marche toujours paral- lèlement; 3° quand l'opération a lieu en deux temps espacés, ne pas attendre plus de sept jours pour appli- quer la suture. — M. A. Robin cherche à montrer que dans les cas de sténose pylorique ou sous-pylorique, il y a le plus souvent un obstacle fonctionnel (spasme, contracture), là où M. Hayem voit surtout un obstacle mécanique (ulcère). Dans ce cas l’action médicale peut s'exercer sur un large champ. — M. Hayem pense que les divergences qui le séparent de M. Robin viennent de ce qu'ils considèrent comme maladie de Reichmann des affections différentes, SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 8 Mai 1897. M. Laveran signale, chez les paludiques, l'existence de deux pigments : un pigment ocre, qui peut se ren- contrer dans d’autres affections, et un pigment noir spécial, qui se trouve surtout dans la rate et dans le sang. Il diffère du premier par ses réactions chimiques. — MM. Gilbert et Carnot, ayant constaté la fréquence des hémorragies dans les cas de maladie du foie, ont essayé de les prévenir par l’ingestion d'extrait hépa- tique; leur tentative a été couronnée de succès. — MM. Luys et David ont photographié diverses espèces d’étincelles électriques et ont obtenu des images diffé- rentes. — M. Bourquelot montre que certaines subs- lances chimiquessont analogues aux ferments oxydants, en ce qu’elles peuvent tirer de l'air autant d'oxygène que l'on veut; elles en diffèrent toutefois parce que leurs propriétés ne sont pas anéanties par la chaleur. — M. Bourquelot pense que les ferments oxydants des végétaux se conservent mieux dans la glycérine que dans tout autre dissolvant. — M. Bougaud envoie une note sur une réaction simple permettant de reconnaître la tyrosine dans la pancréätine, la pepsine et autres substances. — M. Delezenne adresse une note sur la coagulation du sang chez les Reptiles. — M. Boinet a établi que le rat résiste mieux aux toxines après abla- tion d'une capsule surrénale qu'après ablation des deux organes. Séance du 15 Mai 1897. M. Charrin présente des photographies montrant le développement remarquable de certains animaux et de certaines plantes sous l'influence de la lécithine. — M. L. Lapicque établit, par des dosages rigoureux, le rapport entre la quantité de fer contenue dans le foie et l’âge des sujets. Faible pendant la période de crois- sance, la quantité de fer reste à peu près constante, pendant l’âge adulte. — M. N. Gréhant montre qu'il est très dangereux de maintenir rouges les parois mé- talliques des calorifères et des poëles, car ces parois acquièrent la propriété de transformer en oxyde de carbone l’acide carbonique de l’air ambiant. — MM, Im- bert et Astruc envoient une note sur la variabilité de l'acidité dans les urines. — M. Delezenne signale la lenteur de la coagulation du sang chez tous les Pois- sons. SOCIÈTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 7 Mai 1897. M. H. Becquerel expose les résultats de ses expérien- ces sur la décharge des corps électrisés sous l'influence des radiations émises par l'uranium. On sait que quand on approche un morceau d'uranium d’un électroscope bien isolé, la décharge se produit, On peut répéter cette expé- rience en mettant en série une source d'électricité, un électroscope à décharges et deux boules de cuivre, séparées par une couche d'air, au voisinage desquelles on place le fragment d'uranium; on constate un débit ‘continu d'électricité entre les deux boules. Si l’une des boules est d'uranium, le débit se produit de lui-même. Quand on maintient une boule d'uranium isolée au voisinage d’un corps électrisé, elle acquiert elle-même une charge, et son potentiel est très différent de celui qui prend une boule de cuivre de même dimension. Le milieu ambiant joue un rôle essentiel dans la décharge, qui se ralentit quand un courant d'air passe entre Pu- ranium et le corps électrisé; cet air a acquis lui-même la propriété de provoquer la déperdition. Une sphère isolée d'uranium conserve sa charge dans le vide: dans l'hydrogène, la perte est moins rapide que dans Pair. La potentiel v dans l'air varie en fonction du temps sui- vant la formule : dv =) = 34 ai \° 25 AT 4 a et b étant proportionnels à la capacité du système électrisé qui se décharge. Quand le potentiel est faible et la capacité grande, on a sensiblement : 1 dv Il DCE UC: tandis que, pour les potentiels élevés, la loi tend vers dv 1 ET CD M. A. Broca rappelle les expériences de M. Villari sur la décharge des corps électrisés : les gaz qui ont acquis la propriété de décharger les corps, soit qu'ils proviennent d’une combustion, soit qu'ils aient été soumis aux rayons X ou aux élincelles électriques, la perdent quand on les fait passer dans un ozoniseur ; il semble done bien prouvé que l’état particulier des gaz est dù à une jonisation; le mécanisme semble être le même dans les opérations de M. Becquerel. — M. Guillaume rend compte des recherches de MM. Rubens et Nichols sur les radiations de grande longueur d'onde. Une première série d'expériences, faite par M. Nichols avec un radio- ‘mètre de Crookes très sensible, préférable ici au bolo- mètre, a montré l'existence d'une bande d'absorption énergique dans le spectre de transmission du quartz, entre = 8petÀ—9u; l'indice de réfraction croit très vite avec la longueur d'onde; le coefficient de ré- flexion est du même ordre de grandeur que pour les métaux. Dans une étude postérieure, MM. Rubens et Nichols ont observé une seconde bande du quartz avec maximum à À — 20,75 p. Le mica présente trois bandes de réflexion; le spath fluor en à une seule, au voisinage de À — 24 y. À l’aide de plusieurs réflexions successi- ves sur le spath fluor, on à pu obtenir une radiation très pure voisine de cette longueur d'onde, qu'on à fait tomber sur divers corps. Tous les métaux la réfléchis- sent; le noir de fumée des bolomètres en absorbe la moitié; le sel gemme exerce aussi une absorption. En faisant tomber cette radiation sur de petits miroirs rec- tangulaires découpés dans de l'argent déposé sur verre et dont les grands côtés ont respectivement 6 4, 42 p, 48 &, 24 uw, on observe une réflexion très énergique sur le premier et le quatrième, quand le vecteur électrique de la vibration (perpendiculaire au plan de polarisation) est parallèle au grand côté. L'expérience serait analo- gue à celle dans laquelle M. Garbasso a montré que les vibrations de Hertz sont fortement réfléchies par un résonateur de même période. — M. Guillaume parle ensuite de la dispersion électrique anormale. L'indice de l’eau pour les radiations électriques hertziennes est voi- sin de 8 ou 9, tandis qu'il est de 1, 3 environ dans le spectre visible. Tous les corps dont la formule chimique présente un hydroxyle, offrent la même anomalie, d’après M. Drude, et M. Ramsay a montré qu'ils jouis- sent tous de la propriété d'associer leurs molécules. Célte union étant accompagnée d’un dégagement de ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES chaleur extrêmement faible, les vibrations d'ensemble doivent avoir une période très longue, qui serait de l'ordre de celle des ondes de Hertz. Il en résulterait l'existence d’une bande d'absorption très diffuse dans celte région. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS SECTION DE NANCY Séance du 26 Mai 1897. MM. A. Haller et Minguin ont cherché à préparer des homologues supérieurs du mononitrile campho- rique, partant de l'acide camphorique, en se basant sur les considérations suivantes : Les formules que M. Tiemann d'une part et M. Bredt de l’autre attribuent à l'acide camphorique renferment toutes deux un groupe — CH — CO0 H qui, dans le mononitrile cam phorique, devient — CH — CAz. Or le voisinage de CAz doit imprimer à l'H de CH la faculté de pouvoir être remplacé par du sodium et, par suite, par des + == radicaux R ou R. Les auteurs ont donc préparé l’éther méthylique du mononitrile camphorique : 4° par la méthode de MM. Oddo et Léonardi, en traitant le sel d'argent par CH'I; 2° en faisant agir du méthylate de soude sur l'anhydride du mononitrile camphorique. Dans les deux cas, ils ont obtenu un produit cristalli- sant facilement en prismes orthorhombiques, fondant au début à 32-35° et ne prenant le point de fusion de 40-410 qu'à la suite de cristallisations répétées. Les auteurs n'ont pas remarqué que ceb éther possède une odeur de pipéridine comme l'indiquent les savants italiens. Cet éther traité par du méthylate de soude sec et de l'iodure de méthyle n’a pas donné le dérivé de substitution : CAZ CH — CH SCOOCH* cherché. En partant d'un éther /CAz DEL SCOOCHS fondant à 34-35, ils sont tombés sur le même produit : /CAZ CH SCOOCHE fondant à 40-%1°. Y a-t-il stéréoisomérie entre l’éther fondant à 34-35° et celui fondant à 40-#1°? Une autre transformation, il est vrai, aurait pu s'opérer. L'éther méthylique du mononitrile camphorique à la même composition que la méthylcamphorimine. Or celle-ci fond à la même température que la modification de l'éther méthylique 40-419. Les auteurs ont done préparé la méthylcamphorimine et ont constaté qu'elle diffé- rait de son isomère comme forme cristalline et comme pouvoir rotatoire ainsi que le montrent les mesures suivantes : Méthyleamphorimine . . . « (æ)n=— + 11046" Ether méthylique du mononi- trile camphorique. . . . . («)?— + 64017! à 6509! __ MM. A. Haller et Guyot décrivent un dérivé sulfoné de l'acide diméthylamido-benzoylbenzoïque, qu'ils ob- tiennent avec un ‘rendement de 80 °/, en chauffant pendant deux heures, à 1159-1259, 1 partie de l'acide précédent avec % parties d'acide sulfurique à 30 °/o d'anhydride. Cet acide sulfoné se présente en belles aiguilles blanches, très peu solubles dans tous les dis- solvants et répondant à la formule : Az (CH)? OMCOE CL CSH#/ NSOtII SCOOH Son sel de baryum est en gros prismes incolores, ren- fermant 4 molécules 1/2 d'eau de cristallisation. strié ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 523: SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 1° SCIENCES PHYSIQUES Jagadis Chunder Bose : Sur la conductibilité de certaines substances polarisantes. — Dans ses précédentes recherches, l'auteur avait constaté que la némalite et le crysotile possèdent la propriété de pola- riser les rayons électriques. La némalite est une variété fibreuse de brucite; c'est un hydrate de magnésie avec un peu de protoxyde de fer et de CO*. Elle absorbe for- tement les vibrations électriques parallèles à sa lon- gueur et transmet les vibrations perpendiculaires. Le crysotile est une variété fibreuse de serpentine; c'est un silicate hydraté de magnésie. Il transmet les vibrä- tions perpendiculaires et absorbe les vibrations paral- lèles à sa longueur. L'action de ces deux corps sur les vibrations électriques est analogue à celle de la tour- maline sur la lumière; mais il est à remarquer que la tourmaline ne polarise pas les vibrations électriques. Or, les réseaux polarisants de Hertz transmettent de même les vibrations perpendiculaires aux fils, tandis que les radiations parallèles sont absorbées ou réflé- chies. Ces réseaux offrent, en outre, une anisotropie élec- trique; la conductibilité dans la direction des fils est plus grande que transversalement. La némalite et le crysotile polarisant les rayons électriques par inégale absorption, l'auteur a été conduit à rechercher si ces deux substances présentent des conductibilités diffé- rentes dans les deux directions de l'absorption et de la transmission. Les mesures effectuées avec la némalite donnèrent, pour un premier échantillon, 2.136 me- gohms comme résistance dans la direction de la trans- mission et 154 megohms comme résistance dans la direc- tion de l'absorption; le rapport des deux conductibilités était donc de EXT pour un autre échantillon, il fut de Rae Pour le crysotile, on obtint des rapports 13,4° variant d SFA rl ae 10 a ne l'absorption est celle de la plus grande conductibilité, tandis que la direction de la transmission est celle de la moins grande conductibilité. Ces résultats se sont trouvés confirmés par l'étude postérieure des propriétés de l’épidote, dont les conductibilités sont dans un rap- - ME: port variant de F1 à 5,2" L'auteur mentionne, d'autre part, les intéressantes expériences suivantes : Un livre ordinaire est inégale- ment conducteur dans les deux directions parallèle et perpendiculaire aux pages. Si on le place, avec sa tranche à 45°, entre le polariseur et l’analyseur croisés d’un électropolariscope, le champ éteint est immédia- tement rétabli. Si l'on maintient l’analyseur et le pola- riseur parallèles et verticaux et qu'on interpose le livre, avec sa tranche parallèle à la direction de la vibration électrique, la radiation est complètement absorbée. Enfin, si la tranche est perpendiculaire à la radiation, celle-ci est transmise. Un livre ordinaire peut donc servir de polariseur parfait des ondes électriques. Les vibrations parallèles aux pages sont complètement absorbées, celles à angle droit transmises. On voit donc que la direction de 2° SCIENCES NATURELLES +J.-S. Risien Russell : Sur l’origine et la desti- nation de certains faisceaux afférents et efférents de la moelle allongée. — M. Risien Russell, pour déter- miner l'origine et la destination de quelques-uns des faisceaux afférents et efférents qui existent dans la moelle allongée, a eu recours aux procédés expérimen- taux suivants : 4° la section ou la destruction de la région latérale du bulbe entre la racine descendante des nerfs de la cinquième paire et l’olive inférieure; 2° la section du corps restiforme; 3° la section du faisceau cé- rébelleux sensitif direct de Edinger ; 4° la séparation du noyau de Deiters de toutes ses connections avec le bulbe; 5° la section des colonnes postérieures et de leurs noyaux dans le bulbe. Voici les principales con- clusions auxquelles ont amené ces recherches : 4° Le faisceau antéro - latéral descendant, qui dégénère dans la moelle épinière après une lésion de la région laté- rale du bulbe, est probablement le même que celui qui dégénère après une lésion du noyau de Deiters et pro- bablement identique à celui décrit par Marchi comme dégénérant à la suite des lésions du cervelet, par Mott comme dégénérant à la suite de la lésion de fibres du plancher (ground fibres) et de quelques-uns des noyaux des nerfs craniens, et par Biedl comme dégénérant à la suite de la section du corps restiforme ; son origine réelle est le noyau de Deiters comme l’ont soutenu Ferrier et Turner; 2° les fibres qui se rendent aux co- lonnes antérieures de la partie supérieure de la moelle à travers les faisceaux longitudinaux postérieurs et dégénèrent après une lésion du noyau de Deiters sont entièrement distinctes de ce faisceau antéro-latéral, et appartiennent probablement à quelque système de fi- bres internunciales analogue à ceux que Boyce a suivis après hémisection du mésocéphale jusqu'aux colonnes postérieures de la moelle par la voie des faisceaux lon- gitudinaux postérieurs ; 3° le faisceau descendant direct de fibres dégénérées que l’on trouve dans la moelle épinière, après une lésion de la région latérale du bulbe, en rapport étroit avec les fibres du faisceau py- ramidal croisé, est probablement identique à un faisceau analogue que Boyce a pu observer après l'hémisection du mésocéphale, et Biedl, après la section du corps restiforme etdelaracineascendante du nerfdelacinquiè- me paire ; la proximité du faisceau colonnaire de Boyce etde cette racine rend probable l'inclusion de ce faisceau dans la lésion de Biedl; 4 les fibres qui proviennent du corps restiforme proprement dit el qui subissent après sa section une dégénérescence descendante ne constituent pas un faisceau afférent dans la moelle; 5° il n'y a pas de preuves que le faisceau cérébelleux sensitif direct de Edinger soit composé de fibres affé- rentes, il semble au contraire que ce soit un faisceau efférent allant du nucleus globosus au noyau de Deiters, comme l'ont pensé Ferrier et Turner ; 6° un des faisceaux afférents de fibres dégénérées que l’on trouve après une lésion de la région latérale du bulbe corres- pond si exactement par sa position et sa distribution au faisceau antéro-latéral de Gowers que leur identité est extrêmement probable ; les observations de Mott et d'Auerbach sont donc sur ce point exactes; 7° un autre faisceau efférent qui dégénère après la lésion de la région latérale du bulbe et qui est en relation avec la bandeletté dans son trajet jusqu'à la région des tuber- cules quadrijumeaux, est probablement le même que celui qui a été décrit par Mott comme une partie dis- tincte du faisceau antéro-latéral de Gowers et n’est cer- tainement pas artificiel, comme l’a pensé Patrick. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 14 Mai 1897. 6 M. W. Watson décrit un appareil destiné à la com- paraison des thermomètres avec un étalon. Les ther- momètres sont placés dans un tube de vapeur clos, dont la température est maintenue partout constante. C'est un large tube vertical en verre, avec un tube plus étroit fixé au fond; ce dernier se recourbe et commu- nique avec un grand récipient de vapeur, cela pour éviter les erreurs provenant d’un changement fortuit de pression, Une partie du tube vertical est entourée d’un manchon condenseur, et un manomètre est placé à la base, On emploie successivement les liquides sui- vants qui donnent des températures allant de 20° à 120°: sulfure de carbone (20°-46°), alcool éthylique (80°), chlorobenzène (120°). Les variations de l'appareil n'ex- cèdent pas 0°,02 par heure. — M. D.-K. Morris commu- nique ses recherches relatives à l’action de la tempéra- ture sur les propriétés électriques et magnétiques ‘du 524 fer (résistance, perméabilité magnétique et hystérèse). Autour d'un anneau de fer, on enroule : 1° un circuit primaire; 2° un circuit secondaire relié à un galvano- mètre balistique; 3° un circuit pouvant être chauffé électriquement jusqu'à 4.050°. Aux hautes températures, l'appareil est placé dans le vide. L'auteur a constaté que l'hystérèse diminue avec la température; elle disparait complètement à 764. — M. R. Appleyard signale le phénomène suivant: Ni un morceau de cuir humide, ou d'une autre substance perméable, est employé comme diaphragme entre deux masses de mercure, et si l’on fait passer un courant au travers, une pellicule de mer- cure se dépose sur la surface reliée au pôle positif, et cette pellicule reste sur le diaphragme quand on inter- rompt le courant. Si on rélablit le courant, mais en en renversant le sens, la pellicule disparaîtra sur le côté où elle s'était formée pour reparaitre de l’autre côté. Un courant de un cinquantième d'ampère est néces- saire pour produire le phénomène. L'auteur pense que la formation de la pellicule est un effet secondaire d’électrolyse et aussi d’osmose électrique. SOCIÉTÉ Seance DE CHIMIE DE LONDRES anniversaue du 31 Mars 1897. Cette séance est consacrée à l'élection du bureau pour le nouvel exercice 1897-1898. Après avoir rendu compte de la marche de la Société durant sa prési- dence, M. Vernon-Harcourt fait passer au vote. M. James Dewar, FE. R. S., est élu président. Séance du 1°" Awril 1897. MM. F. Chattaway el H.-P. Stevens saponifient l'acide perthiocyanique en le chauffant soit avec de l'eau sous pression, soit avec de l'acide sulfurique con- centré. Il se forme de la thiourée, de l’oxysulfure de carbone et du soufre. Comme on opère à haute tempé- rature la thiourée est complètement transformée en thiocyanate d’ammonium; l’oxysulfure se décompose en acide carbonique et hydrogène sulfuré. — Miss Ka- tharine Williams donne les résultats de ses travaux sur la composition des poissons cuits. Elle a examiné trente-deux espèces de poissons et analysé leurs cons- tituants.— Miss Emily Aston et M.J.NormanCollieont obtenu, en oxydant au moyen du permanganate de potasse l’a-y-diméthyl-«-chloropyridine, deux acides iso- mères qu'ils ont isolés et caractérisés. Le premier est l'acide «-chloro-y-méthyl-«-pyridine carboxylique, ayant. pour formule : CH — CG (COOH) CH5 — CK ? Az; Ÿ CH ————— CCI le deuxième, représenté par le schéma suivant : CH = C(CH°), COON — C: ; AZ ; CH CCLZ | est l'acide &-chloro-a-méthyl-«-pyridine carboxylique. ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE Séance du 8 Avril 1897. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. L. Weinek présente irente photographies nouvelles très agrandies de la Lune ; elles ont été faites en janvier et février 1897. Elles montrent de nouvelles particularités intéressantes à la surface de notre satellite. — M. Rudolf Spitaler communique un travail sur les causes des variations de la latitude. 11 montre que certaines influences météorologiques peuvent provoquer une variation de l'axe principal d'inertie de la terre, dont l'amplitude annuelle atteint 0",2; cette variation produisant, d'après Radau, une variation trois fois plus grande de la lati- lude, on arrive, pour cette dernière, à des valeurs qui concordent avec celles qu'on a observées. L'auteur ACADEMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES montre qu'il doit exister de même une variation dans . la direction du méridien. 20 SCIENCES NATURELLES. — M. Hans Rabl a étudié les premiers phénomènes de croissance dans les œufs des Mammifères, Les noyaux des ovogonies sont remplis d’un réseau de fibres achromatiques, dans lequel on trouve quelques grains chromatiques. Le réseau se transforme peu à peu en un fil continu, qui remplit bientôt tout le noyau. Puis, par division longitudinale et transversale, se forme un certain nombre de chromosomes. — M. Hans Rabl décrit ensuite la nature des fuseaux directeurs dans les œufs dégénérés de Mammifères. Séance du 6 Mai 1897. 10 SGIENCES MATHÉMATIQUES. — M. W. Binder : Les on- dulations des courbes planesC{; courbes à deux points doubles imaginaires. — M. le Colonel Albert von Ober- mayer décrit des expériences de tir faites avec un fusil Mannlicher de 8 millimètres contre des masses d'argile plastique, soit nues, soit recouvertes d'un côté d'une feuille métallique. La vitesse initiale du projectile était de 620 mètres à la seconde. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. L. Pfaundler à étudié expérimentalement la tension de la vapeur au-dessus d'une surface liquide de forme circulaire; il a déterminé les couches de même tension et les quantités de vapeur formées dans l'unité de temps au-dessus de chaque unité de surface. Les résultats obtenus diffèrent passa- blement des résultats théoriques calculés par J. Stephan. — M.R. Wegscheider a préparé l'acide s-tribromoben- zoïque à partir de la s-tribromaniline ; il a obtenu comme produits accessoires du chlore, du s-tribromobenzol et de la s-trichloraniline; cette dernière provient de l'ae- lion du chlorure de cuivre ou de HCI sur la tribromani- line. — M. O. Rint à obtenu les éthers diméthylique et diéthylique de l'acide afy-pyridinetricarbonique, en chauffant ce corps avec de l'acide chlorhydrique et de l'alcool méthylique ou éthylique. — M. Carl Storch étudie la nature des composés albuminoïdes du lait de vache. Par l’action de certains sels, la caséine est pré- cipitée; mais elle se dédouble immédiatement en deux corps albuminoïdes contenant du phosphore; pour pré- cipiter la caséine non modifiée, il faut employer l'acide acélique. 39 SCIENCES NATURELLES. — MM. Müller, Albrecht el Ghon, membres de la Commission envoyée à Bombay pour l'étude de la peste, communiquent quelques dé- lails sur l'épidémie. La maladie s'est surtout propagée par les rats. La porte d'entrée du bacille était le plus souvent la peau, puis la langue. Le sérum de Yersin et celui de Haffkin n'ont donné aucun résultat entre leurs mains. — M. H. Mannaberg : Recherches sur la for- mation et la préservation de certaines épizooties du bé- tail. — M. A. Nalepa donne la description de nouveaux organismes qu'il a rencontrés dans la bile, — M. vV. Uhlig, présente un mémoire sur la géologie du massif du Tatra. — M. J. Steiner donne la description des lichens rapportés de l'Afrique orientale anglaise par le prince de Liechtenstein et M. Pospischil. 13 Mai 1897. SciëNcÉs PHYsIQuEs. — M. Æ. Haschek communique les spectres d'étincelles ultra-violets du tellure, du bis- rmuth, du mercure, de l’antimoine et du carbone. Pour le spectre du carbone, on à réuni les spectres de diffé- rentes variétés de cet élément. — M. L. Kann à déter- miné le frottement intérieur du brome d'après la mé- thode de Poiseuille. Le coefficient de frottement est, à la température ordinaire, environ les deux tiers de l’eau; il diminue peu avec la température. Séance du Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. —— Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. 8° ANNÉE N° 43 15 JUILLET 1897 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES DIRECTEUR PURES ET APPLIQUÉES : LOUIS OLIVIER CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE S 1. — Distinctions scientifiques Elections à l'Académie des Sciences de Paris. — Le 21 juin dernier, l'Académie a procédé à l'élection d'un membre dans la Section de Géographie el Navigation, en remplacement de M. d'Abbadie, décédé. La Section avait présenté : en première ligne, M. Hatt ; en seconde ligne, MM. de Bernardières, Bertin et Cas- pari; en troisième ligne, MM. Angot et Lallemand. Au premier four de scrutin, le nombre des votants étant 59 : M. Hatt a obtenu 28 suffrages. M. Bertin — 19 — M. de Bernardières — 11 _ M. Caspari = 1 = Au deuxième tour : 31 suffrages. M. Hatt a obtenu M. Bertin _ 26 M. de Bernardières — 2 En conséquence, M. Halt a été déclaré élu. Le nouvel Académicien est ingénieur hydrographe de première classe et chef du Service des instruments scientifiques au Ministè.e de la Marine, Il a effectué en Cochinchine, puis sur les côtes de la Corse d'importants levés hy:ro- graphiques et géodésiques et a dirigé la mission envoyée en 1882 dans la République Argentine pour observer le passage de Vénus sur le Soleil. Le 28 juin, l'Académie procédait à une nouvelle élec- lion; il s'agissait de remplir la place laissée vacante, dans la Section de Minéralogie, par le décès de M. Des Cloizeaux. La Section avait présenté : en première ligne, M. A. de Lapparent; en seconde ligne, M. Barrois; en lroi- sième ligne, MM. Douvillé, Lacroix et Munier-Chalmas. Au premier tour de serulin, Je nombre des votants étant 56 : M. de Lapparent a obteuu M. Barrois M. Munier-Chalmas M. Lacroix 48 suffrages. 2 2e [ = REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897, En conséquence, M. de Lapparent à été déclaré élu. M. de Lapparent est trop connu des lecteurs de la Revue, à laqueïle il collabore depuis :ongtemps, pour que nous ayons besoin de rappeler ici les beaux travaux qui lui ont valu la nouvelle distinction, bien méritée, dont il vient d'être l’objet. S 2. — Nécrologie Paul Schützenberger. — Paul Schützenberger, Membre de l'Institut, vient de disparaître dans sa soixante-seplième année. Son caractère d'homme était la bienveillance et la simplicité; aussi, plus que beau- coup d'autres, fut-il en relations coriliales et même alfectueuses avec les grands et les petits de son temps. Cette universelle bonté lui faisait, même aux yeux des étrangers à la science, une auréole d'enviable popularité. La jeunesse des Ecoles, à chaque génération, compte ses prélérés, s’en souvient et les regrette. Schüt- zenberger était l’un de ces grands indulgents qu'elle aime. On n'a pas connu le savant professeur avec les signes de la vieillesse; droit, non blanchir, debout au laboratiire, lecteur assidu des diverses publications chimiques d'Europe, plein d’érudition et d'idées, il est entré comme par hasard dans le tourbillon de la mort. Schützenberger se faisait remarquer en Science pau la tournure originale de son esprit, indifférent à la poursuite dé ce que la Chimie commence à prévoir et cherchant loujours du neuf dans cet ahime de choses que la Nature nous cache. Issu d'une famille de légistes de Strasbourg, une hérédité semblait le pousser encore à discuter et argumenter dans le sens de la science. La vie du savant à une perspeclive sinsulière car ses actes récents s'entremêlent avec l'Histoire; ses décou- vertes paraissent bientôt anciennes parce qu'elles passent dans les livres que tous connaissent. Et cepen- dant combien les contemporains trouvent qu'un des leurs à passé vite! C'esten 1850 que Schülzenberger à débuté dans la Science, en Alsace, à la Faculté de Médecine de Stras- bourg; en 1852, il vint à Paris, aux Artset Métiers; pou retourner bientôt profésser la Chimie appliquée, à Mulhouse, où il resta pendant dix ans. ï 13 BIG CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE De retour à Paris, en 1865, il fut d'abord chef des travaux praliques de Balard, puis, bientôt, en 1876, professeur au Collèse de France. Appelé en 1882 à la direction de l'Ecole municipale de Physique et de Chimie de la Ville de Paris, il devint l'un des fondateurs de cet élablissement, lui prêta pen- dant les premières années l'appui de son nom et en fit ce centre de dispersion des idées de Science pratique qui | tient aujourd'hui une si large lace dans nos industries. | Membre de linstitut’depuis 1888, Schützenberger ? s'est accupé , É des sujets ei } plus variés. Mais ses tra- vaux touchant à la Biologie paraissent for- mer l'ensem- ble le plus im- portant de son œuvre. Il suffit de mentionner les recherches sur le système osseux au point de vue chimi- que et physio- logique, les fonctions chi- miques du foie et surtout le mémoire fon- damental sur les substances albumimoïdes. Certes, peu à peu, on pé- nétrera plus avant dans la connaissance des albumines; dans la chimie biologique, au- cun travail nest définitif; on approche seulement par étapes de dif- ficultés crois- santes. Mais, lorsque M. Schützeuber - ger osa S'atta- quer à celle question, une des plus im- poids atomiques ont encore occupé cet esprit aclif, qui avait le laboratoire comme lieu de spectacle et est mort en pensant aux choses de la Chimie. A. Etard Répétiteur à l'Ecole Polytechnique. K.IR. Fresenius. — Un autre chimiste, dont la renommée s'élait aussi répandue bien au delà des limites de sa patrie, vient de disparaître : Karl Remi- gius Fresenius est mort à Wiesbaden le 11 juin dernier. Fresènius était né à Ftanefort-sur-le-Mein le 28 dé- ceunbre 1818. Il étudia d’a- bord au Gym- nase, puis chez un pharmacien de sa ville na- tale. Il se ren- dit ensuile à l’Université de Bonn, el com- plélas:s études à Giessen, où il devint succes- sivement assis- tant de Liebig et Privat-do- cent de Chi- mie. En 184, on lui offrait à Wiesbaden la chaire de pro- fesseur de Phy- sique, de Chi- mie et de Tech- nologie. C'est dans cetle ville quil fonda en 184$ sou célè- bre labora- toire, auquel il consacra dès lors toute son activité; il lui adjoisnit suc- cessivement une station de Chimie agrico- le, une école de Pharmacie et un institut bactériologi- que. Les recher- ches de Frese- nius ont porté | dans tous les portantes qui soient, on n'en avait pas la moindre no- tion. C’est à lui que l’on doit de savoir quels sont les matériaux chimiques de pre- mière assise, dont sont pélris les êtres vivants. Il nous a appris que les dérivés amidés des acides gras, entre autres la leuvine, le glycocolle et les leucéines, cimen- tés par des uréides et des acides bibasiques, entrent pour une part prépondérante dans la matière des tis- sus. Quand de moindres travaux ont pass® à l'oubli, ces questions d'ordre général restent toujours. Il faut ici aisser bien des études magistrales intéressantes faute le place, mais rappeler cependant, en Chimie inorga- nique, la découverte des hydrosulfites, ces composés du soufre inférieurs en oxydation à l'acide sulfureux. et qui ont le pouvoir de réduire l'indigo bleu en le ren- | dan à la Leinture. | Le chlorure d'iade, lacétate. de chlore, l'étude. des | propre Fig. 1. — Schéma de l'installation d'un lorpilleur dans les flancs d'un cuirassé. — On «percoit, sur la figure, la chambre sous-marine, située au-dessous de la ligne de flottaison, et fermée par trois volets mobiles qui s'écartent au moment où le torpilleur doit sortir. domaines de la Chimie, mais principale- mentsur l'ana- lyse minérale. I à publié un grand nombre de mémoires, surtout dans la Zertsehrift für analytische Chemie qu'il avait fondée en 1852. Ses deux traités d'analyse qualitative et d'analyse quanli- tative sont des ouvrages classiques, qui ont été traduits dans toutes les langues. S 3. — Génie maritime Installation de torpilleurs sous-marins dans les flanes des croiseurs et des eui- rassés. — En atlendant la création de torpilleurs sous- iarins entièrement autonomes, des inventeurs ont cherché à douner à ces bateaux amphibies des dimen- sions réduites permettant de les accrocher aux porte- manteaux des cuirassés et de ne les mettre à leau CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE qu'au moment du combat. La figure 1 ci-jointe montre une disposition nouvelle imaginée par M. G.-E. Coflin, ingénieur américain. Elle consiste en un logement réservé dans ies flancs des croiseurs ou des cuirassés et qui peut communiquer librement avec l’eau ambiante par de larges portes, que l'on ouvre au moment voulu. Dans cette chambre sous-marine, que lon peut rem- plie d’eau ou vider à volonté, se trouve logé un bateau sous-marin de petites dimensions dans lequel peuvent pénétrer cinq hommes composant l'équipage ainsi que le matériel d'alimentation. Au moment voulu, lorsque l'ennemi est en vue, le sous-marin s'échappe des flancs du cuirassé et, muni de ses torpilles, va les lancer de près contre l'adversaire, qui n'a pu apercevoir la mise à l’eau du sous-marin, celle-ci s'étant effectuée à son insu et la manœuvre n'étant pas apparente, En ellet, ce lancement serait effectué, d'après M. Cof- lin, par une forte chasse due à des pompes très puis- santes. Un fil téléphonique relierait le sous-marin au cuirassé, dont le commandant donnerait les indications pour la direction à suivre. A une certaine distance celte communication pourrait être supprimée. Le sous-marin, après s'être approché de l'ennemi et avoir lancé ses torpilles, peut retourner à bord de son porteur ou bien faire route vers la terre s'il y a un port ami à proximité. L'introduction du torpilleur dans le logement du cuirassé se ferait soit par un halage à l’aide d’un cäble, soit par une forte succion des pompes. Cette disposition, préconisée par M. Coffin dans le New-York Journal ne parait pas avoir encore recu la sanction de la pratique, mais il ne se passera pas un long temps, croyons-nous, avant sa mise a exécution aux Etats-Unis, où la navigation sous-marine à recu, dans ces dernières années, une vigoureuse impulsion, inconnue sur notre vieux continent. CE, $ 4. — Électricité industrielle Emploi des gadoues à la production de l’éleetrieité. — Le lundi 28 juin a eu lieu à Shore- ditch, sous la présidence de lord Kelvin, l'inauguration d'une station centrale d'énergie électrique qui offre un intérêt tout particulier : en effet, la force motrice est de la vapeur produite dans un four pour la combustion des gadoues. Il y a douze fours, chaulfant six chaudières. La combustion est entretenue par trois ventilateurs électriques et une cheminée de 150 pieds de hauteur et 7 pieds de diamètre interne à la base. On brûle de 8 à 12 tonnes de gadoue par jour, Les fours fonction- nent continuellement, mais, comme on n'a besoin de l'énergie que pendant un certain temps, un dispositif ingénieux permet d’emmagasiner la chaleur produite quand on ne produit pas d'électricité. La partie électrique se compose de trois générateurs travaillant à 4.100 volts et de trois dynamos à basse ten- sion à 165 volts; ils sont tous aclionnés par des ma- chines Willans. Bien que des fours pour la destruction des gadoues fonctionnent depuis plusieurs années, on avait rarement. songé à uliliser la chaleur qu'ils dégagent pour produire de la vapeur. La station centrale de Shoreditch nous en offre un exemple frappant; espérons qu'il sera bientôt et souvent jmité *. $ 3. — Chimie Création d’un Laboratoire international pour Faunalyse des f-+rs et des aciers. — Parmi les projets que s'efforce de réaliser l'Association internationale pour l'Essai des Matériowr de construction, fondée à Zurich en 1895, celui de l'unification des mé- thodes d'analyse chimique des fers el des aciers a tuu- Jours tenu une des premières places. Sans doute de louables efforts ont déjà élé tentés dans ce sens par un * D'après le jouraul anglais Nature du 1r juillet 1897. Il certain nombre de chimistes; ais qui ue voit le päs immense que ferait faire à la question la création d'un Laboratoire central, où les travaux des chimistes isolés seraient revisés, classés, comparés el ramenés à des méthodes communes ? L'Association internationale fait en ee moment les plus actives démarches en vue de l'institution de ce Labora- toire. Dejà le Conseil fédéral suisse à accordé l'usage d'une des grandes salles de l'Ecole Polytechnique de Zurich, et M. Hans de Juptner, dont la haute compé- tènce dans toutes les questions de chimie mélallurgique est bien connue, à accepté la direction du futur Labo raloire. Mais une somme de 50.000 francs estnécessaire pour son entretien annuel, et les ressources de l'Associa- lion internationale ne Sont pas suffisantes pour permettre dès maintenant, la construction du Laboratoire. Aussi l'Association a-t-elle décidé de s'adresser aux souscrip- tions de tous les métallurgistes et maîtres de forges. Nous espérons que ces derniers, comprenant l'immense importance que le Laboratoire central est appelé à prendre dans l'industrie du fer et les grands bénéfices qu'ils retireront de cette institution, n'hésiteront pas à répondre à l'appel de l'Association internationale. $ 6. — Géographie et Colonisation Le Mouvement Colonial en France, — Nous nous sommes efforcé de montrer, dans une de nos der- mères chroniques *, l'ampleur prodigieuse du mouve- ment colonial accompli en Allemagne en ces dernières années. Nous avons vu que cette formidable poussée de l'Allemagne vers l'Afrique, vers la Chine, vers les ilots perdus de l'Océanie, était due, en grande partie. aux efforts d’une unique et puissante association : la Société Coloniale allemande. Aujourd’hui, nous verrons quels efforts ont été accomplis en ce sens dans notre pays. Laissant de côté la part qui incombe à l'Etat. nous étudierons surtout celle de l'initiative privée, des- tinée à compléter et à seconder l'action du Gouverne- ment, Au lendemain de la constitution de notre empire d’In- do-Chine, les coloniaux francais semblèrent comprendre que le rôle de l'Etat en matière de colonisation était fatalement limité à la prise de possession du sol et à son organisation administrative, mais qu’elle ne pouvait s'étendre à la mise en valeur des colonies. Désireux néanmoins de collaborer dans la mesure du possible à l'émigralion des colons, quelques-uns de nos sous- secrétaires d'Etat et de nos ministres des Colonies ins- lituèrent un « Bureau de l'émigration » et une « Exposi üuon permanente des produits des Colonies », bientot transformés en un « Office des renseignements com- merciaux » et un « Office de la Colonisation ». L'un de ceux qui firent preuve des plus louables efforts pour collaborer au développement de la vie économique de nos colonies, M. Delcassé, a complèté ces deux services par la création d'une « Revue mensuelle coloniale » et d'une série de « Guides de l'Emigrant », d'un prix modique, rédigés sous la forme des publications cola- niales émanant du « Bureau de l'Emigration Londres. Mais ces différentes fondations, excellentes en elles- mêmes, ne produisirent pas les résultats attendus. La Ministère des Colonies ne pouvait pas se servir ulile- ment des instruments de propagaude qu'il avait Ini- même forgés. Il ne pouvait pas les. faire connaître an grand public par la voix de la presse, et, l'aurait-il pu. que ces renseixnements, par cela même qu'ils émanaient de l'Etat, n'auraient pas été acceptés sans réserve par ceux qui les seraient venus chercher, Le public, en effet, fera preuve le plus souvent d'une certaine méfiance: à l'égard des renseignements qui lui auront été fournis par le Ministère, et il voudra an moins les contrôler de ‘_ Voir, dans la Revue générale des Sciences du 30 1897 (p. 499) : Le Mouvement colonial en Allemagne M. J. Godetroy. “TS Juin par 525 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE auprès de ceux qui, sans atlaches oflicielles, sont à même de juger les Golonies sans parti pris el de mon- trer, par une expérience personnelle, ce qu'on y peut faire. Dans sa pensée, l'Etat se doit à lui-même de jus- lilier les conquêtes successives de nouveaux et lointains territoires: il ne paraît pas possible qu'il consente à dire au futur colon : « N'allez pas dans telle colonie, la misère est au bout de vos efforts et la maladie vous : uuette, » Cette liberté de langage et cette franchise, le colon ira plus volontiers les chercher ailleurs qu'au Pa- \illon de Flore, vers l'une des nombreuses Sociétés qui se sont fondées depuis une dizaine d'années à son usage. A l'encontre de ce qui existe en Allemagne, où une seule Société privée seconde si efficacement l’action du Gouvernement, en France, vingt Sociétés au moins ont pris à tâche de faire connaitre aux Francais les richesses de notre domaiue colonial et de guider colons et com- mercants sur les sentiers abrupls qui mènent à la for- tune. Un tel déploiement d'activité, de si nombreuses bonnes volontés mises au service de la cause coloniale prouvent surabondamment à ceux qui en pourraient encore douter que la politique coloniale suivie en france depuis vingt ans correspond bien au génie de notre race et à notre tempérament national. Peu à peu ceux qui s'étaient montrés le plus hostiles au mouve- ment colonial s'y sont ralliés, où tout au moins ont accepté le fait accompli: n'a-[-on pas vu, il y à quelques mois, un ancien représentant du parti monarchique présider une conférence coloniale, et l'une de nos plus belles possessions, la Tunisie, offrir un champ d'action à l'activité des fils des plus grandes familles francaises. Au nombre des Sociélés de propagande coloniale, il faut citer : le Comité Dupleix, fondé en 1896 sur l'initia- live de l'explorateur Bonvalot; la Société française de Colonisation, plus ancienne, qui a pour président actuel M. de Lanessan: le Comité de Madagascar, à la tête duquel à été placé M. J. Charles-Roux ; la Lique coln- niale françuise avec M. Flourens; la Société africaine cle France, la Société des études coloniules el maritimes, l'AI- liance philalgérienne, la Société ( oligny et, emin, le Comité de l'Afrique francaise et l'Union Coloniale francrise. L'action de ces deux dernières à été considérable. Le Comité de l'Afrique francaise, fondé en 1890, dans une pensée purement patriotique, par des hommes émi- nents appartenant à des confessions et à des partis politiques différents, s est efforcé de développer lin- (luence et le commerce francais en Afrique. Il a, en quelques mois, réuni des fonds sullisants, plus de 00.000 francs, pour subventionner un certain nombre de missions organisées soit par le Gouvernement, soil par lui-même. Tout d'abord, celle de Paul Crampel, dont le programme, la réunion sur les rives du lac Tchad de l'Algérie, du Soudan et du Congo francais, devait être repris et en partie réalisé par Dybowski, Maistre, Monteil et Mizon. Son influence s est étendue Sur tous les pays d'Afrique où la France avait à main- tenir des droits séculaires ou intérèt à en acquérir de nouveaux. Tour à tour, l'Egypte, le Maroc et le Trans- vaal ont été l'objet des préoccupations du Comité et, partout en Afrique, son action bienfaisante el discrète à été pour notre diplomatie l'auxiliaire le plus utile et le plus éclairé. Un bulletin en langue arabe, créé en 1896, est largement répandu par les soins du Comité dans tous les pays d'influence française ; il y favorise le pro- crès de notre action dans le monde islamique, pendant qu un organe mensuel permet à tous les membres du Comité résilant en France de suivre aisément Lous les événements d'Afrique, présentés sous une forme al- travante el particulièrement compréhensible. Le but de l'Union Coluniale est plus vaste. IT consiste rechercher tous les moyens propres à assurer le déve- vwppement, la prospérité el la défense des diverses branches du commerce et de l'industrie dans l'ensemble de nos colonies. L'Union Coloniale devrait s'appeler la Chambre syndicale du Commerce colonial », si ce premier but n'était pas doublé d’un secoud,non moins ) réalisé. L'Union ,sestrencore ulie et dès à présent imposé la tâche de recruter des colons pour nos colo- nies de peuplement, Par une propagande incessante et qui revêt toutes les formes, conférences, cours à la Sor- bonne, articles de journaux, affiches, ete., elle sollicite les bonnes volontés, suscite les vocations coloniales, détourne, au profit de nos coloni-s, le courant de l’émi- gration qui, chaque année, se dirige vers l'Amérique. Son influence, à ce double point de vue, a été considé- rable : un certain nombre d'importantes réformes sont dues à son initiative ef, grâce à son activité, plusieurs centaines de familles ont été se fixer au Tonkin, en Tunisie el en Nouvelle-Calédonie. Elle est une puissance avec laquelle il faut compter et dont il convient de reconnaitre la bonne volonté agissante et éclairée. Elle a groupé autour d'elle tout ce que le commerce fran- cas compte de plus considérable, et l'ensemble de ses ressources constitue une force intelligemment em- ployée par son Comilé directeur pour la prospérité de nos colonies. Ce très rapide résumé de l’œuvre accomplie par le Comité de l'Afrique francaise et par l'Union Coloniale prouve ce que peut encore chez nous l’inilialive privée. Mais qu'il nous soit permis, en terminant, d'exprimer un regret : c'est que tous ces efforts, toutes ces éner- gies tendant au même but ne soient pas combinés, comme en Allemagne, en une action commune. Le groupement de toutes les Socié'és coloniales françaises lormerait à coup sûr une force au moins égale à celle de la Société coluniale allemande, ef ne saurait manquer d'exercer auprès des Pouvoirs publies une pression qui parfois leur manque pour pouvoir agir. Joseph Godefroy. Le Voyage d'étude de la Revue aux Capi- tales de la Baltique et en Russie. — Après avoir été soumis à la Compagnie générale Transatlan- tique, l'itinéraire suivant à élé arrêté. d'accord avec elle, pour le voyage projeté dans la Baltique. Le départ aura lieu du Havre le 14 août à 10 heures et demie du soir, et le bateau se rendra directement de là à Copenhague. On à cru devoir renoncer à Ja trop courte escale d'Amsterdam, pour gagner du temps et laisser plus de loisir aux voyageurs à Saint-Péters- bourg. On à voulu aussi y arriver le plus tôt possible, de facon à permettre aux médecins qui désireraient assister au Congrès réuni à Moscou de s'y trouver en temps pour assister aux séances des 22, 23, 24, 25 et 26 août. Après deux jours passés à Copenhagüe, el une jour- née à Revel, le bateau, d'après les prévisions de son ordre de march+, arriverait le 21 août au malin à Saint- Pétersbourg, d'où il ne repartirait que le 42 septembre. Une excursion tracée d'après les conseils de M. le Professeur Louis Leger, et préparée par les soins de la Revue, permettrait de visiter Moscou, de se rendre de là au fameux couvent de Troïtsa, puis de gagner Jaroslav; les voyageurs sy embarqueraient sur un des grands bateaux qui descendent le Volga et ils seraient ainsi portés à Nijni-Novgorod d'où ils relourneraient à Moscou et Saint-Pétersbourg. Les personnes qui comptent prendre part à cette excursion, sont priées de l'indiquer spécialement en s'inscrivant. L'avrivée dans la capitale de la Suède est fixée au 2 septembre. Le 5, une escale à Visby permellra de visiter l'île curieuse de Gotland. Enfin, le retour aura lieu par le canal de Kiel, dont les travaux d'art font un objet de haut intérêt pour les ingénieurs; après un séjour à Hambourg, le bateau reprendra la route du Havre, où il doit rentrer le 10 septembre, à la marée du matin. La Revue S'empresse de communiquer à ses lecteurs ce plan plus précis d'ilinéraire, étudié avec soin dans lous ses détails. Elle rappelle que c'est M. Amphoux, à lx direction, 34, rue de Provence, qui est spécialement chargé de recevoir les inscriptions et de donner tous les renseignements désirables. CH.-ED. GUILLAUME — LES RAYONS X ET LA DISSOCIATION 529 LES RAYONS X ET LA DISSOCIATION Il faudrait se livrer aujourd'hui à de longues recherches bibliographiques, à de minutieuses comparaisons des textes et des dates, si l'on vou- lait écrire l'histoire complète de nos connaissances concernant la dissociation des gaz. L'idée de dissociation, émise par H. Sainte-Claire- Deville, fut d'abord familière aux spectroscopisles qui trouvaient, dans les modifications qu'elle sup- pose, une explication toute naturelle de l'identité des spectres dus aux sels d'une même base, ou de leur variabilité dans d’autres circonstances. Mais c'est seulement l'étude de la conductibilité élec- trique des gaz qui montra combien cette idée est fertile en applicalions. A l’état habituel, les gaz sont des isolants par- faits. Qu'on les soumette, au contraire, à certaines actions particulières, immédiatementils deviennent des conducteurs suffisants pour qu'un électroscope se décharge très rapidement à leur contact. Toute- fois, l'examen le plus superficiel montre que ces conducteurs ne ressemblent en rien à ceux avec lesquels on opère ordinairement; ils traitent, par exemple, la loi d'Ohm avec la plus parfaite désin- volture, comme s'ils étaient en quelque sorte insen- sibles aux variations du champ électrique. Cer- taines relations numériques entre les éléments du courant engendré à travers le gaz montrent qu'il s'agit ici d’un transport de l'électricité, et non d’un flux comme dans les conducteurs ordinaires. Cependant, la simple convection n'est pas suflfi- sante pour expliquer ses causes et ses caprices, et c'est ici que la théorie de la dissociation révèle son étonnante fécondité. Timidement exprimée dans les travaux de Giese, l’idée du transport de l'élec- tricité par les alomes ou les {ons provenant de la ruplure de la molécule s'affirme dans les re- cherches de Schuster et d’Arrhenius, puis gagne du terrain dans celles de Wiedemann, de Branly, de Villari, et des nombreux observateurs qui étu- dièrent, à la suite de Hertz, l’action de la lumière ultra-violette sur les corps électrisés. Enfin parurent les rayons X, dont on constata bientôt la curieuse action sur les décharges élec- triques. établies auraient peut-être permis de tout expliquer dès le premier jour si l'on n'avait pas opéré avec un peu de nervosité, se bornant parfois à des expériences Les théories antérieurement rapides et contradictoires. Il fallut des mois pour passer au crible les matériaux rapidement amassés. Alors seulement, tout devint limpide, à tel point que la théorie de la dissocialion ou de l'ionisation par les rayons X est de celles que l'on s'étonne le plus de n'avoir pas loujours possédées, lant elle est simple et tant les faits en imposent l'évidence. Plus on mulliplie les observations de toutes sortes, plus on charge la matière de qualités di- verses. Les premières découvertes de la Chimie conduisirent à la conception de la molécule et de l'atome ; l'électrolyse révéla les charges atomiques de même grandeur, tout en laissant provisoirement incertain le nombre d'ultimes individus composant la molécule. Les nombres indiqués parles formules chimiques suffisent aux de l'électrolyse. Mais la spectroscopié exige des écha- faudages plus complexes. L'existence d'une seule raie spectrale entraine celle de deux mobiles décri- faits élémentaires vant des courbes périodiques autour d'un centre commun ; les gaz dits monoalomiques se composent done, au minimum, de deux atomes indépendants. Quant aux spectres composés d’un grand nombre de raies, ils nous révèlent des molécules compli- quées, formées probablement d'un grand nombre d'alomes. Bien plus, comme nous l'avons rappelé, le spectre d’un même corps est souvent variable. Les raies des sources terrestres, identifiées comme position dans les spectres des corps célestes, se présentent sous des aspects divers; parfois même, elles disparaissent totalement. Le spectre du fer, par exemple, est plus où moins complexe suivant la source, contenant moins de raies dans les étoiles nouvelles et à température très élevée que dans les astres plus vieux, ce qui, suivant M. Norman Lockyer, correspond à divers degrés de dissocia- tion. En détruisant liberté à un grand nombre de corpuscules isolés, les ions, doués de propriétés bien différentes de celles de la matière dont ils sont les derniers repré- la molécule, on rend done la sentants. C’est qu'ils portent des charges élec- triques libres et non plus neutralisées par des charges voisines. Ces charges deviennent, dans le champ électrique, de véritables propulseurs, for- cant les ions à se mouvoir le long des lignes de force, et à les transporter dans les régions du champ où elles trouveront leur contre-partie. Quelques-uns parviennent jusqu'aux électrodes et y neutralisent des charges égales à celles qu'ils emportent, donnant l'illusion d’un véritable cou - rant. D'autres se rencontrent sur une même ligne et, unissant leurs charges, forment le de force novau d'une molécule nouvelle que respectera dé- 30 CH.-ED. GUILLAUME — LES RAYONS X ET LA DISSOCIATION sormais la poussée du champ. Telle est l'idée du transport conveclif par les ions: nous allons en examiner le détail. IT On provoque la rupture d'un système matériel en appliquant en ses divers points des forces sta- hiques suffisantes. On peut sont encore des conducteurs passables, mais on leur enlève instantanément leurs propriétés en les dirigeant au travers d’un ozonateur, dont l’effluve est le plus puissant moyen de combinaison que l’on connaisse. III Après que les rayons X eurent été définitivement séparés des rayons catho- aussi arriver à ce résul- + M diques, on comprit que lat, si lon met le corps fe M. Lenard avait, le pre- dans un état d'intense vi- a nier, indiqué leur action bralion, comme on le fait T sur les corps électrisés. ‘ans des expériences clas- Cependant, la découverte, siques d’acoustique. C'est faite à peu près simulta- ainsi que l'on brise la nément par MM. Benoist molécule en appliquant A et Hurmuzescu, H. Dufour les forces attractives aux et J.-J. Thomson, de cette alomes qui la composent, E action particulière des ou en lui faisant absorber 3 rayons était parfaitement des vibrations de l'éther, originale à l’époque où ils synchrones de celles : ; 1 l’annoncèrent, puisque, Fig, 14. — Un écran A interceple les rayons émanés d'un qu'elle effectue naturelle- ment, jusqu'à ce que l’é- nergie cinétique de ses parties surpasse l'énergie potentielle de leurs attractions mutuelles. Il faut, toutefois, pour que cette dernière action puisse se produire, que la moléeule soit libre de vibrer suivant sa propre période, et que son énergie ne se dissipe pas dans les molécules voisines. C'est évidemment dans les corps gazeux que l’on devra trouver les effets ionisants les plus énergiques, el ce sont ces iraire, tube de Crookes T et s'oppose à la décharge de l'élec- troscope E; cette décharge est provoquée, par la présence de la plaque metallique M. At dans le mémoire de M. Le- nurd, celte aclion était attribuée aux rayons ca- thodiques. On avait découvert la décharge de l'électroscope en faisant tomber les rayons sur les feuilles d'or ou sur un récepteur en communica- tion métallique avec elles : il était donc naturel d'étudier d’abord l'influence du récepteur, que MM. Benoist et Hurmuzescu mirent bientôt hors de doute ; toutefois, ces habiles observateurs arrivèrent en mêèmetempsque M.J.-J.Thom- au con- derniers qui devront présen- j ; son à la conclusion que la ter la plus fréquente dissocia- ie \ nature et la pression du gaz tion. c; se ambiant sont deux facteurs L'air, par exemple, absorbe ñ \ imporlants de l’action. fortement les radiations de E l 3 E La nature des phénomènes longueur d'onde inférieure à AN son était déjà suffisamment com- 0,265 et Lolalement, sous une SL laible épaisseur, les radiations inférieures à Ou,18, comme l'a Kig. 2. — AB, montré M. Cornu dansses clas- EAN Aonite siques recherches sur le spec- tre. Comme conséquence, l'air éclairé par certaines lumières ultra-violetles devient conducteur. et, sous “elle nouvelle forme, agit puissamment sur les dé- chargesélectriques.[lenestdemêmedel'airéchappé les flammes ou des gaz traversés par l’étincelle. D'ailleurs, la certitude d'une transformation l'ordre chimique nous est donnée par le fait que e gaz Soumis aux. diverses actions qui favorisent es décharges conserve, pendant un temps plus ou noins ses propriétés nouvelles. Les gaz long, ‘chappés de Ia flamme el complètement refroidis | conducteurs chargés; Sous l'act:on de srayons X, la décharge suit les lignes de force Aa. DL pliquée; elle le sembla plus encore après de curieuses ex- périences de M. Villari, d'où il sembla résulter que les rayons contournaient les écrans. On put même hésiler un instant entre ce phénomène et l'absence de diffraction que révélaient les effets opliques des rayons et l'on n'eut que plus lard la clef de celle contradietion. Laréflexion des rayons, qui induisit en erreur tant d'observateurs, à commencer par l'heureux inilia- teur des recherches, vint une lois de plus compli- quer les phénomènes. M. Villari dirigea sur un élec- troscope (fig. 1) masqué par un écran, les rayons qu'il supposait réfléchis, et reconnut l'action bien nette du miroir. Nous en verrons plus loin la raison. C, écran ; CH.-ED. GUILLAUME — LES RAYONS X ET LA DISSOCIATION 581 Enfin, quelques expériences de M. Righi appor- térent un premier éclaircissement à cette question jusque-là très complexe; voici la plus démonstra- tive : Une lame conductrice (lig. 2) esLl recouverte d'une feuille d'ébonite. Au-dessus d'elle, on place un conducteur chargé et masqué par un écran. Après avoir dirigé un faisceau de rayons X paral- Jèlement à la feuille d’ébonite, | parallèlement à leur direction, un faisceau de rayons X étroit et qui n'effleure pas leur surface: On commence par un bord de l'appareil, puis on déplace le faisceau lentement vers le milieu. Or on constate que, pendant le mouvement du fais- ceau, les échanges électriques ne se produisent qu'avec celle des deux parties de l’armature infé- rieure à laquelle aboutissent des lignes de force coupées par le faisceau. un la saupoudre du mélange de A A M. Perrin a donné ensuite soufre et de minium servant à l'expérience tout opposée qué déceler la distribution électri- -B C se voici. Un récepteur métallique que: l'une des deux poudres ER: est enfermé dans une cage de s'attache alors à l'écran d’ébo- : Faraday, munie d’une étroite uite, suivant un dessin assez ouverture (fig. 4). Ea regard de semblable au contour del'écran, cette derrière est disposée une inais qui n’est pas identique à plaque d'aluminium chargée à sa projeclion vue du conduc- un potentiel élevé. On dirige un leur supérieur. Ce contour des- . faisceau de rayons X à travers sine l'extrémité des lignes de foree qui, partant de ce conduc- teur, eflleurent l'écran pour aboutir à la feuille d’ébonite. Dès cette époque, M. Villari et M. Righi purent définir l’ac- lion des rayons X sur les corps électrisés comme une danse électrique atomique le long des lignes de force du champ. C'était, avec plus de pittoresque dans la forme, l'idée contenue dans les mémoires de M. J.-J. Thomson, qui avait insisté, dans une série de tra- vaux remarquables, sur les relations quanlitatives exis- tant entre les résul- tats de l’expérience et ceux que l’on pou- vait déduire de la théorie convective du phénomène. Toutefois il man- quait encore les ex- périences simples et Lypiques qui rendent Fig. 4. une théorie popu- laire; on doit à M. J. Perrin d'avoir imaginé et | réalisé des démonstrations après lesquelles le doute ! devient impossible. | Voici peul-être la plus frappante de toutes :. Un condensateur se compose d'une armature large et d'un seul morceau (fig. 3), tandis que l'autre armature est formée d'un disque central entouré d’un anneau; ces deux conducleurs sont séparés par un sillon étroit et peuvent être réunis isolément à un électromètre. Les armalures étant chargées, on fait passer Fig. 3. — A, B, B, C, armatures; H, sec- tion d'un faisceau des rayons X coupant les ligues de force troscope. — À, conducteur renfermé dans la cage de Faraday C; B, conducteur chargé. Les rayons X allaut de B en A ne com- uuniquent aucune charge à A. E, électroscope. la plaque sur le récepteur. Dans ces conditions, on ne constale pas le moindre échange d'élec- tricilé entre les conducteurs. Ces deux expériences impo- sent la conclusion suivante : Les rayons X provoquent des échanges é'ectriques entre deux conducteurs toules les fois qu'ils coupent des lignes de force aboutissant à ces conducteurs, et seulement dans ce cas. Le contact des rayons avec les corps métalliques n'est nullement nécessaire pour que l'échange se produise; ce contact peut même n'avoir aucun effet. Les premières ex- périences de M. Vik- lari s'expliquent maintenant d'elles- mêmes; ce n’élaient point les rayons X qui empiélaient dans l'ombre géométrique de l'écran, mais au contraire les lignes de force qui en sor- taient. Quant à l'action du miroir, elle est due bien certainement à une concentration des lignes de force sur le trajet des rayons. du champ; E, élec- B | + IV Une théorie n'est réputée acceptable que si, don- nant la raison de certains fails, elle n'est en con- tradiction avec aucun autre; tant que l'on reste dans les termes vagues d'une philosophie générale, la deuxième partie de cette proposition impose son 232 CH.-ED. GUILLAUME — LES RAYONS X ET LA DISSOCIATION velo à toute idée contre laquelle il est possible d'élever une seule objection. Mais, en pratique, il faut savoir faire crédit. Une théorie n'arrive pas d'un seul coup à la perfection ; il suffit parfois d’un rien pour la sauver el lui permettre de rendre pen- dant longtemps d'importants services. La théorie de l'ionisation par les rayons X se développa dans ces conditions un peu précaires. Dès le début, on crut observer que les diélectriques solides déchargent, à l'égal des gaz, les conduc- teurs qui s’y trouvent plongés:; or il est bien diffi- cile de relier la convection à l’état solide. Mais on reconnut bientôt que, dans le cas des solides, les courants élaient de très courte durée; à la rigueur, on arrivait à décharger un électroscope ou à action- ner un téléphone à travers un diélectrique soumis au rayonnement du tube. Jamais il ne fut possible d'entretenir un courant continu: même, lorsqu'on relia l’électroscope à des capacités importantes, on vit la décharge s'arrêter brusquement à mi-chemin dès que le diélectrique eut épuisé son pouvoir d'ab- sorplion. Une autre objection, rigoureuse en apparence, a été formulée par MM. Percy Frankland et Mac Gregor. Ayant soumis à l’action des rayons X une solution d’un sel très aisément dissociable et doué du pouvoir rotatoire, ils ne trouvèrent aucune modification des propriétés optiques de la solution. La réponse découle d'elle-même de l'étude quanti- tative du phénomène. Si l’on calcule, en effet, quelles sont les quantités de gaz dissociées par les ‘ayons en partant des charges qu'ils neutralisent, ‘on arrive à une proportion remarquablement faible. Dans des conditions ordinaires, ainsi que l'ont montré MM. J.-J. Thomson et Rutherford, il ne se trouve en moyenne qu'une molécule dissociée pour trois milliards que rencontre le faisceau !. Cette ionisation doit donc échapper aux méthodes d'examen qui ne sont pas d’une extraordinaire sensibilité. La méthode électrique doit iei ses avantages à la grandeur des charges atomiques. I ne semble donc pas que la théorie de lionisa- lion par les rayons X rencontre de bien sérieuses difficultés. Si on l’admet, les relations expérimen- tales trouvées entre les constantes du champ élec- trique et la quantité d'électricité transportée pré- sentent un accord remarquable avec les résultats que le simple bon sens permet de prévoir. Ainsi, MM. J. Perrin et J.-J. Thomson ont montré simul- tanément que le transport augmente d’abord avec Untensité du champ, à peu près proportionnelle- agit ici du nombre moyen de molécules décompo- dant la durée très courte du p: re des rayons X, l saz, l'ionisation est certainement beaucoup plus considérable, inais elle disparaît rapidement dans le champ électrique ment à sa valeur; puis l'intensité du courant s'ap- proche insensiblement d'une valeur limite, variable avec l’intensité des rayons, et qui est atteinte lorsque tous les ions formés dans la masse gazeuse sont immédiatement utilisés pour le transport des charges. Les relations entre l'intensité du transport d'une part, et la pression ou la température du gaz d'autre part sont bien d'accord avec les conelu- sions à priori que permettent de tirer les faits généraux reliés par les théories ordinaires de la dissociation. V Nous avons négligé jusqu'ici l'action directe des ‘ayons X sur le récepteur solide faisant partie du système éléctrique. MM. Benoist et Hurmuzescu ont mis, comme nous l'avons dit, cette action hors de doute par des expériences ayant porté sur un grand nombre de métaux. Cet effet complique un peu la théorie de l'ionisation, mais pas assez pour la rendre défectueuse. L'action spécifique du récepteur peut avoir des causes diverses. On sail, par exemple, que les rayons X se transforment en rayons d’une autre nature lorsqu'ils frappent un corps quelconque, et celle aclion à fait croire pendant longtemps à la possibilité de les réfléchir sur des miroirs particu- liers. Or, il est parfaitement admissible que ces ayons transformés, dont la qualité — on le sait aujourd'hui — dépend de la nature du corps frappé, produisent une ionisalion supplémentaire s'ajou- tant à la dissociation primitive du gaz. On pourrait penser aussi, à l'exemple de M. Per- rin, que les gaz se trouvent, au voisinage du métal, dans un état très voisin de la dissociation, et que la couche mince qu'ils forment est détruite très aisément par les actions extérieures. On s’'expli- querail ainsi comment l'instabilité des molécules compense l’extrème minceur de la couche, de facon à ce que le produit soit comparable en grandeur aux actions observées dans une couche gazeuse de grande épaisseur. Cette explicalion ne fait d'ail- leurs que préciser celle que donnait M. Benoist en disant que l’action des rayons sur le récepteur est due à la couche de gaz qu'il condense. Cette action particulière des rayons nous ramène à un ancien travail de MM. Lenard et Wolf exposé, il y a quelques années déjà, dans la lÆevue. À la suite des belles expériences de Hertz, sur la dissi- palion de l'électricité par la lumière ultra-violette, ces deux habiles physiciens avaient pensé démon- trer que le transport des charges à lieu par les poussières arrachées à la surface du métal. Pour en constater l'existence sur le trajet des charges électriques, MM. Lenard et Wolf employaient le CH.-ED. GUILLAUME — LES RAYONS X ET LA DISSOCIAFION 933 réactif découvert, après les remarquables travaux de Coulier, par M. Aitken et R. von Helmholtz. Ils lançaient, sur le point à examiner, un jet de vapeur sursaturante, qui blanchissait à la ren- contre du flux de particules chargées. Or on sait aujourd'hui que la condensation se produit non seulement sur des particules solides, mais encore sur les ions libres, à tel point qu'il suffit de faire passer des rayons X sur le trajet de la vapeur pour voir immédiatement la condensalion s'opérer. Il est donc parfaitement possible que les noyaux de condensalion, dans les belles de MM. Lenard et Wolf, ne fussent autre chose que les ions échappés à la couche gazeuse voisine du métal et prête à l'ionisation. expériences VI Si nous avons rapproché l'ionisation par les rayons X de leur action sur les corps électrisés, c'est seulement parce que ces derniers phénomè- nes conduisent, par une série logique de faits et de raisonnements, à des conclusions ayant un haut degré de probabililé. Mais celte ionisalion par les nouveaux rayons provoque d’autres aclions. Peul- être pourrait-on dire que tous les phénomènes aux- quels donnent naissance les rayons X ne sont que des manifestations diverses deleur pouvoirionisant. Il semble inutile d’insister sur leurs actions pho- tographiques, qui consistent en une simple décom- position du sel d'argent et qui, par conséquent, conduisent directement à l'idée que les rayons X sont susceptibles de produire celte décomposition. L'origine des actions lumineuses est moins évi- dente ; cependant, on la découvre aussi dans l'io- nisation en y regardant de près. Les recherches déjà anciennes d'Edmond Becquerel, celles plus récentes de M. E. Wiedemann et de ses élèves, ont conduit à admettre que les corps phosphorescents sont constitués par un mélange d’un cerlain com- posé chimique et d'une impüreté qui s'y trouve à l'état très divisé, le tout formant, suivant l’expres- Sion fort juste de M. van ’Hoff, une so/ution solide. Les expériences faites avec les rayons X n'ont fait que confirmer celle idée, puisque les corps chimi- quement purs ne semblent donner aucune lumière sous l'action des rayons X. On peut admettre que, dans une telle solution, les rayons X produisent une double décomposition, et que le retour au premier état se fait à son lour avec un dégagement plus où moins abondant de lumière. MM. Silvanus-P. Thompson et Jackson ont mon- tré, en effet. que le spectre des lueurs émises par les écrans contient loujours les raies de la base qui s'y trouve en plus grande quantité. L'action chimique résulte aussi du fait bien éta- bli de la fatigue des écrans, facile à observer lors- qu'on fait (tomber uniformément un faisceau de rayons X sur un écran dont certaines parties ont été préalablement exposées à la même action. La nalure de celte transformation ressort plus nettement encore des phénomènes présentés par les écrans thermoluminescents, si bien étudiés par MM. Wiedemann, Arnold, G.-C. Schmidt et W. Hof- mann. Une solution solide de sels, exposée pen- dant un cerlain temps à une radiation particulière, n'émet pas la moindre trace de lumière. Mais, lorsqu'on vient à la chauffer, elle donne, pendant un court instant, une lueur très vive, tandis que le sel retourne à son élal primitif. L'aclion sur les écrans de cette nalure à été observée aussi dans le cas des rayons X, particulièrement par M. Arnold. On peut donc admettre, avec un haut degré de probabilité, que les actions lumineuses, photogra- phiques, électriques des rayons X ne sont que trois formes distinctes d'une action chimique, d'une jionisalion de la molécule, dont on observe soit les effets directs, soit les actions secondaires, c'est-à-dire le retour à l'état intégral. VII Nous avons laissé de côté jusqu'ici les aetions physiologiques des rayons, qu'il convient d’abord de rappeler sommairement. Plusieurs personnes soumises à une exposition prolongée aux rayons X ont vu se produire des lésions d'une espèce particulière, assimilables à l'insolation, mais souvent plus intenses; les der- matites suivies de chute du poil, les suppurations, la perte des ongles, telles ont été les conséquences de l’action des rayons qui ont même occasionné des plaies profondes, des abcès ou des périostites localisées : comme compensation ils auraient pu êlre employés avec succès, — nous disent plusieurs auteurs, — dans la réduction des tumeurs et des foyers tuberculeux, dans la guérison de l’'anky- lose musculaire, et dans un certain nombre d'au- tres cas. Toutes ces actions sont de celles que l'on oblient à des degrés divers par des caustiques ou des révulsifs. Admettons pour un instant que les rayons X produisent l'ionisalion des lissus : en résulter ? que devra-t-il Les ions libres, alcalis ou acides très diffusés, agiront sur chaque parcelle de malière organique, d'abord comme excitant, ensuite comme corrosif. Cette aclion ne se dislinguera de celle que l’on oblient à laide d’injections hypodermiques que par l'extrême division de l'agent chimique; elle sera plus complète el ne donnera pas naissance à 534 CH.-ED. GUILLAUME des lésions locales sans que l’ensemble soil atteint. On trouve même, dans quelques cas, celui de l'épilation par exemple, une analogie plus évidente. Cette opération se pratique, comme on sait, à l’aide du courant électrique par la production, sur le bulbe même du poil, de l’aleali ou de l'acide provenant de la décomposition des liquides organiques. On n'aura donc pas de peine à admettre qu'une action analogue, due aux rayons X, puisse être attribuée à la même cause immédiate, c'est-à-dire à un effet de nature purement chimique. La réduction des tumeurs ou des foyers tubercu- leux est fort probablement un effet de cautérisa- tion par les ions. Quant à la diminution de l’anky- lose musculaire, elle semble due simplement à l'excitation produite par les éléments caustiques répandus uniformément dans toute la matière du muscle. On peut généraliser cette idée et penser que l’in- solation, dont l’origine semble bien indépendante de la température atteinte par le derme, est attri- buable à une cause analogue. Les actions sur les microbes ont été contestées. Les mêmes bacilles, exposés à l’action des rayons, se sont montrés sensibles ou insensibles suivant le milieu de culture. Rien n’est plus simple dès lors que d'admettre que les rayons X n'agissent pas directement sur les bacilles, mais seulement par l'intermédiaire des ions créés au sein du milieu dans lequel ils vivent. Celte action des ions sur les bacilles n'a rien qui doive surprendre. D'une part, nous savons qu'ils sont d'un ordre de grandeur tel que leur contact individuel puisse êlre ressenti par les microorga- nismes. Les plus pelits bacilles connus n'ont guère que 1/10 à 1/20 de micron dans leur plus grande longueur. La molécule est 100 à 1.000 fois plus petite. Les ions sont donc, comparés aux plus petits bacilles, ce que le petit plomb est à l'oiseau, ou la chevrotine aux cerfs ou aux chevreuils. De plus, les ions portent des charges électriques dont les effets peuvent être puissants, et il n’est pas ab- surde d'admettre qu'un bacille, ayant rencontré un ion isolé, soit anéanti ou fortement alténué. À première vue, ces déductions semblent bien hypothétiques, et l'on serait peut-être tenté de les reléguer dans le domaine de la fantaisie pure si l’on n'avait quelques vérifications de la théorie qui vient d’être exposée. Dans un travail récent, MM. Th. Paul et B. Krô- nig, étudiant l’action de divers sels sur les spores a les bacilles, ont trouvé que les combinaisons ha- logénées du mercure ont un pouvoir désinfectant proportionnel à leur degré de dissocialion; que, de plus, les alcalis simples, présentant à peu près le même degré de dissocialion, ont sensiblement le | LES RAYONS X ET LA DISSOCIATION méme pouvoir désinfectant, alors que la solution ammoniacale, peu dissociée, désinfecte beaucoup moins. Il semble donc que, dans certains cas, l'ac- tion sur les microbes est liée de près à la dissocia- tion et il ne serait pas surprenant qu'il ‘en fût de même pour les rayons X. Si nous rapprochons ces résullals de l'action assainissante des rayons solaires et de la lumière en général et du pouvoir ionisant bien connu des radiations, nous aurons groupé dans une même idée un ensemble de faits disparates, et apporté à la nouvelle théorie une probabilité que n’eût pas fait soupconner le simple énoncé de l’une quel- conque des expériences que nous venons de men- lionner. On peul élendre cette théorie dans une autre direction : MM. d’Arsonval el Charrin ont les pre- miers appelé l'attention sur l'action des courants de haute fréquence sur les microorganismes. Cette action est restée mystérieuse jusqu'ici parce qu'on a coutume de dire que les courants changeant très rapidement de sens ne produisent aucune électrolyse. Cela est vrai si l’on borne la notion d’électrolyse à un dépôt de matière au voisinage des électrodes. Dans le cas du courant continu, il se forme, dans le circuit électrolylique, des chaînes moléculaires complètes, et l’on trouve, aux deux électrodes, des quantilés de matière électro-chimi- quement équivalentes à la quantité d'électricité qui a passé d'une électrode à l’autre. Mais, lorsque les courants changent très rapidement de sens, les phénomènes se brouillent, les chaînes se rompent à chaque inslant, et les produits de la décomposi- tion par chaque courant partiel restent en partie à l'état libre. Les ions peuvent alors agir individuel- lement et produire l’atténuation des virus, l’exei- lation du muscle, la vascularisalion, el tous les phénomènes fort intéressants observés pendant le traitement par les courants de haute fréquence. Les aclions physiologiques des rayons X et des courants de haute fréquence n'auraient pas alors une analogie de hasard; la cause ultime serait dans les deux cas la même. Je ne me dissimule pas l'imprudence qu'il y aurait à enregistrer comme l'expression des faits les hypothèses que je viens d'accumuler; elles cachent encore plus d’une difficulté, et le contrôle serré de l'expérience leur fait en partie défaut ; mais elles ramènent à une même idée, grâce à de frappantes analogies, une série de fails épars Jus- qu'ici el considérés comme inexplicables dans l'état actuel de nos connaissances. Cela seul suf- bira, je l'espère, à leur assurer l'indulgence. Ch.-Ed. Guiliaume, Docteur ès sciences, Physicien au Bureau international des Poids et Mesures. L. DE LAUNAY — LES DIAMANTS DU CAP 339 LES DIAMANTS DU CAP L'importance du commerce des diamants bruts el le nombre considérable de millions que représen- tent chaque année les quantilés nouvelles de celte précieuse marchandise écoulées dans le monde, sont, pour quiconque a eu en mains les éléments du problème, une véritable curiosité économique. N'est-il pas singulier, en effet, de voir que cetle substance, assurément d’un bel aspect, mais à peu près sans autre emploi que là parure et qui, par l'usure et les pertes, ne subit, on peut le dire qu'un déchet insignifiant, trouve ainsi un débou- ché annuel régulier de peut-être deux cents millions de francs etque le goût, que la mode de ces pierres brillantes se perpéluent ainsi de génération en gé- nération ? Le cours des diamants présente, mal- gré d'inévitables fluctuations, une fixilé relative qui surprend à côlé des brusques soubresauts aux- quels est soumis notamment le marché de toutes les autres gemmes, et cela lient, sans doute en partie, à ce qu'on s'en lasse moins que des pierres de cou- leur ou de fantaisie, tantôt prises, tantôt abandon- nées par le changeant caprice féminin ; mais c’esl aussi la conséquence d'une très savante et irès particulière organisatior industrielle, qui équivaut, pour le diamant, à un immense monopole étendu au monde entier et dont il n'existe guère d’autres exemples pour aucun produit ulile. Ce monopole est celui des mines de diamants du Cap, mines également des plus originales par leur constitution géologique, par leur mode d'exploitation et même par leur histoire. Ayant eu l’occasion de les visiter récemment, nous avons pensé que quelques notes sommaires sur ces divers aspects de la question pourraient offrir un cerlain intérêt, même sans aborder une étude approfondie du sujet, qui trou- vera sa place ailleurs !. On sait fort peu, jusqu'ici, dans le public que, depuis une vingtaine d'années, l'Afrique australe et, pour préciser, le pays du Griqualand West (au sud-ouest de ce Transvaal devenu célèbre pour ses mines d'or) est à peu près seule à alimenter en diamants les vitrines des joailliers. Les noms de Golconde (dans l'Inde), où il n'exista jamais de mine, où de Diamantina au Brésil, où la produc- lion est Lombée à un chiffre presque nul, sont assu- rément les premiers qui se présenteront à l'espril de la plupart de ceux ou de celles qui ont l'occa- ! Voir Les Diamants du Cap, 1 vol. in-80, à paraitre chez Baudry, 1597. sion d'acheter ou de porter des diamants, tandis que presque aucun d'entre eux ne connail celui de Kimberley, la ville du Griqualand d'où, actuelle- ment, ils proviennent fous. Il règne même, à ce sujet, quelques idées très fausses, et la réponse presque inslinctive d'une personne à la parure élincelante, dont tous les dia- mants sont en réalilé sud-africains, sera, si vous lui parlez des diamants du Gop, de dire, avec une moue de dédain:« Oh oui, de mauvais diamants jaunes. » Ges préjugés, en dehors d'une certaine part de vérité qui leur a servi de prétexte, s'expli- quent assez aisément par deux mots d'histoire. Il y a bien peu de temps, en somme, que le dia- ant a commencé à être autre chose qu'un sim- ple objet de curiosité, dont la rareté paraissait faire le plus grand prix, et à sortir des trésors royaux ou princiers pour entrer dans l’usage cou- rant. On sait que le clivage — sur lequel repose l'opéralion de la taille — n'a été découvert que vers 4600. C'est sous Mazarin seulement qu'on commence à faire des roses, et le brillant actuel en 32 (soit à 58 facettes) date à peine de la fin du xvi° sièele. Jusqu'au début du siècle dernier, tous les rares diamants qui pénétrèrent en Europe y arrivèrent de l'Inde, où Golconde était l'un des centres com- merciaux, et chacun de nous à appris, étant en- fant, qu'il existait de merveilleux diamants dans les trésors des rajahs. Le Brésil, lui, n'a fait son apparition que vers 1727, et ses produits commencèrent même par se heurter à un dénigrement systématique, analogue à celui que l'on a opposé aux diamants du Cap. Comme le commerce du diamant est, par sa n3- ture même, très sensible à tous les caprices du goût, à toutes les modifications économiques, et comme il exige nécessairement, chez ceux quis'y livrent, la formalion de stocks d’une valeur très considérable, sur lesquels les pertes peuvent de- venir énormes, la découverte de grands gisements nouveaux y amène aussitôt une perlurbalion pro- fonde, contre laquelle les intéressés essaient de se défendre de leur mieux. Quand, en 1727, on trouva les mines de Diamantina et de Bahia au Brésil, il se produisit une crise intense, el, pour écouler sans trop de déficit les diamants de l'Inde qu'ils avaient en caisse, les commercants cherchèrent à persua- der aux acheteurs que les nouveaux diamants du Brésil étaient d’une qualité très inférieure, ou même qu'il n'existait pas du tout de diamants au Brésil, landis que les exploitants du Brésil, d'autre part, 30 L. DE LAUNAY — LES DIAMANTS DU CAP commencaient par expédier leurs diamants au Ben- gale pour les en faire revenir avec la marque in- dienne. C'est un peu ce qui s'est produit quand, en 1870, on à commencé à exploiter les mines du Cap. Là surtout, les gisements étaient tellement abondants et lon aurait pu aisément atteindre une production si colossale que les cours ont failli un moment s'effondrer. Pour les mines des autres pays, ou même pour les diamants déjà en magasin, le commerce devenait impossible, à moins de se borner à fournir des pierres de qualité Lout à fait supérieure, alleignant alors des prix tout particu- lièrement élevés, tandis que le Cap pouvait donner, à lui seul, une quantité absolument inusitée de pierres de toute espèce, et surtout de grosses pier- res, parmi lesquelles celles d'une teinte et d’une eau secondaires étaient nécessairement les plus communes. On s'efforca alors de faire croire au publie que le Cap n'en produisait pas d’autres!, afin de placer à plus haut prix les anciens dia- mants du Brésil, et les acheteurs confiants s'imagi- nèrent que tous les beaux diamants qu'ils voyaient arrivaient du Brésil, tandis qu'ils attribuaient au Cap loutes les pierres défectueuses, et elles seules. La vérité est que toutes les exploitations de dia- mants autres que celles du Cap sont aujourd'hui fermées et que, par suite, beaux ou laids, tous les diamants mis en circulation sont sud-africains. Quels sont done ces gisements si extraordinaires que leur exploitation a pu ainsi tuer toute concur- rence, et sous quelle forme s'y présentent done ces minéraux, que nous connaissons surtout taillés et montés en broches, en branches, en bagues ou en pendants d'oreilles? C’est ce qu'il est assez fa- cile de faire comprendre, sans entrer pour cela dans des considérations bien ardues et bien sa- vantes. Que l’on imagine, au milieu de cet immense plateau nu et désolé qui constitue ce que l'on ap- pelle le désert du Karoo dans l'Afrique Australe, une région d'environ 200 kilomètres de longueur, où l’on découvrait à la surface, quand on y pénétra pour la première fois, comme des boulons sur une plaque de tôle, un certain nombre de proltubé- rances, formées d'une roche grise où jaunâtre très différente des terrains avoisinants. Cette roche est la roche diamantifère. Au-dessous de chacune l2 ces bosses, qui peut avoir 100 à 600 mètres de lustriellement, et c'est là ce qu'il y a d'exact dans préjugé en question, la valeur moyenne des diamants produits est sensiblement moindre au Cap qu'au Brésil : Huis larmants de certains gisements africains, tels que eux ou Vaal où de Jagersfontein atteignent une beauté tout 1 fait comparable à celle des diamants brésiliens. diamètre au maximum, s'enfonce dans le sol, verti- calement, pareille à la tige du boulon auquel nous pensions tout à l'heure, ou encore à quelque grande colonne, une masse de celte même roche, recou- pant à l’emporte-pièce les feuillets horizontaux des couches encaissantes. Dans l'intérieur de la colonne se trouvent les diamants, tandis qu’il n’en existe aucun au dehors. L'exploitation consiste donc à enlever, depuis son affleurement jusqu'à sa limite non inconnue en profondeur, chacune de ces colonnes de roche diamantifère par tranches hori- zontales successives, un peu comme on découpe un sau£isson, el, à mesure qu'on avance dans cette exploitation en tranchée à ciel ouvert, on forme un grand puits vide, une gigantesque cheminée béante, une sorte d'immense cratère, qui s'enfonce de plus en plus profondément dans le sol et dont, jusqu'ici, on n’a,dans aucun cas, trouvé l'extrémité. Ce qu'il y a de très particulier dans ces colonnes de roches diamantifères, indépendamment des dia- mants ou autres pierres précieuses qu'on peut y rencontrer, c'est d’abord la facon dont les parois verticales du cylindre sont netlement tranchées et striées comme un fond de glacier; c'est aussi l'existence, au milieu de la masse, d'innombrables débris arrachés aux parois de la cheminée et sou- vent remontés de plus de 100 mètres au-dessus de leur point d’origine : débris de roches diverses, schistes, grès, ophites, mélaphyres, granits, ete., parmi lesquels certains, comme le granit, ne peu- vent venir que de la profondeur, car ils n'existent pas dans cette partie de l'Afrique à la surface du sol. Quand on essaie de s'expliquer ce phénomène, on est amené à admettre qu'il a dû se produire quelque chose dans ce genre : après s'être d'abord déposés et consolidés dans les eaux d’un grand lac, qui, pendant les anciennes périodes géologiques, a certainement couvert l'Afrique du Sud, les Ler- rains horizontaux qui forment le plateau du Karoo ont été, au bout d’un temps plus ou moins long, perforés par un phénomène éruptif, peut-être par une explosion de gaz internes; alors se sontouvertes brusquement ces cheminées de dégagement, dont l'orifice est comparable à ces cralères incomplets des pays volcaniques, souvent transformés plug lard en lacs, qu'on appelle les gours dans lAu- vergne, les maare dans l'Eiffel. Puis, il est monté de la profondeur une masse de roche, à l’état de fu- sion aqueuse, entrainani, avec des débris de granit ou des minéraux divers arrachés au sous-sol et des fragments de loutes sortes éboulés des parois de la cheminée, des diamants entièrement eristal- lisés sous une très forte pression en profondeur, el le tout s’est solidilié pour des siècles en attendant que l'homme vint l'extraire de terre. Cette cristallisation du diamant, qui, jusqu'à ces Lt 546 mt L. DE LAUNAY tout derniers temps, paraissait encore un phéno- mène singulièrement obscur, se conçoit aujourd'hui fort bien depuis les beaux travaux de M. Moissan, qui, on le sait, est parvenu récemment à repro- duire en petit l'action des forces naturelles et à faire, dans son laboratoire, avec du charbon de véritables diamants. Sans entrer dans le détail de ces expériences, on peut, du moins, en rappeler le principe. Personne n'ignore — el Lavoisier, puis Dumas, deux chimistes français, ont particulièrement con- tribué à le prouver — que carbone, graphile et diamant, ces corps si distincts d'apparence et si différents de couleur, sont, en réalité, des élats divers d'un même élément chimique : il restait à montrer la possibilité pralique de passer de l’un à l’autre. C'est ce que M. Berthelot, puis M. Moissan ont réussi à faire. Pour obtenir, en particulier, la cristallisation du carbone à l’état de diamant, on s'est rendu compte qu'il fallait d'abord l'amener à l'état liquide, ce qu'on n'obtient que par une pression extrémement intense, et c'est faute de cette pression que tous les essais de reproduction du diamant avaient échoué jusqu'à ces derniers temps; car, à la pres- sion ordinaire, le carbone présente cette particu- larité de passer, directement el sans transition, de l'état solide à l’état gazeux au lieu d'admettre la succession habituelle d'états physiques que Fon rencontre dans la plupart des autres corps, et que caractérisent, par exemple, pour la subslance la plus connue, la glace, l'eau et la vapeur d'eau. Quand le carbone cristallise à la pression ordi- naire, sans passer par l'élat liquide, il prend toujours, malgré les lempératures énormes de plus de 3.000° auxquelles on àx essayé de le porter, la forme de graphite: M. Moissan l’a, au contraire, soumis à une forte pression en le dissolvant d'abord dans du fer en fusion, que l’on refroidit brusque- ment et qui, à ce moment, augmentant fortement de volume (comme la glace), se trouve comprimé violemment dans le vase il était renfermé. M. Moissan a obtenu alors des diamants artiliciels, qui- sont, qu'on le remarque bien, des diamants vrais, absolument identiques par toutes leurs pro- priélés physiques, minéralogiques et chimiques, aux diamants nalurels. mais seulement de dimen- sions microscopiques !. C'est ce qui s'est réalisé également dans les méléorites ou dans les blocs d'acier de nos usines, où divers savants viennent de reconnaitre la pré- sence de petits diamants cristallisés au milieu où ! Ces travaux sont tout à fait récents; car le mémoire d'ensemble qui en expose les résultats détaillés, à paru seulement dans les Annales de Chimie el de Physique en août 1896. — LES DIAMANTS DU CAP d'une masse de fer. C'est aussi approximaltivement ce qui à dû se produire en grand dans les chemi- nées diamantifères du Cap, ou plutôt au-dessous d'elles. L'étude de la Géologie conduit à admettre comme très vraisemblable l'existence, dans les profondeurs de la terre, d’un bain de fonte en fusion, où le fer et les autres métaux doivent être associés au car- bone, et c'est par la scorification de cette fonte magnésienne sous l'intervention d'une certaine quantité d’eau brusquement introduite par des fissures du sol, que l’on explique, en général, la formalion des roches éruptives analogues à la roche diamantifère du Cap. On peut donc supposer que la consolidation soudaine d'une partie de ce magma igné, à la suite de l'explosion (produite peut-être par la pénétration d'une venue d'eau extérieure) qui a perforé le plateau Sud-Africain de cette série de cheminées cylindriques, a déter- miné la cristallisation des diamants en profondeur et que ces diamants ont été entrainés par une sorte d'émulsion de la roche, qui s'est élevée dans les cheminées et les a remplies. On a une preuve indirecte assez curieuse de la pression à laquelle les diamants ont été soumis et de l’état de tension où ils se trouvent encore, dans le fait que certains diamants, une fois extraits de la roche, se fendent ou éclatent après un temps variable. Quoi qu'il en soit, la répartition des diamants dans ces gisements du Cap, dans ce que les mineurs appellent « la roche bleue », présente une particu- larité remarquable et d’une grande importance industrielle : c’est sa régularité relalive sur une même verticale, régularité que l'on a trop exa- gérée, mais qui n'en est pas moins d'autant plus frappante que laproportion des diamants est, en réalité, extrêmement faible. Que l'on ne s'imagine pas, en effet, d'après ce que nous avons dit sur la richesse de ces mines, une roche constellée de diamants el où l’on en voit apparaitre de tous les côtés ; on peut, äu contraire, se promener sur toute la longueur des chantiers d'exploitation sans apercevoir la plus minime pierre précieuse. Et cela est tout naturel quand on songe qu'une teneur de 1 carat (205 milligrammes) par wagonnet d'un demi-mètre cube, c'est-à-dire de 35 centigrammes au mètre cube, 27 cenligrammes à la tonne, ou encore de en poids, estcelle I 3.690.000 des mines les plus prospères, c'est-à-dire qu'il faut fouiller à fond près de 3 mètres cubes de roche pour y rencontrer en moyenne un pelil diamant d'un gramme, el, comme la masse contient beau- coup de diamants plus gros (on en à trouvé un de 971 carats) qui viennent relever fortement la L. DE LAUNAN — LES DIAMANTS DU CAP moyenne, en pralique, cest beaucoup plus encore de la roche qu'il faudrail examiner. Un caleul très simple montre, d'ailleurs, comment cette teneur, qui semble, au premier abord, si faible, suffit pour donner, avec de grandes industries puissamment outillées comme celles de Kimberley, des résultats très fructueux ; le carat de diamant brut vaut, en effet, en moyenne, sur la mine, 32 francs; les frais d'extraction sont de 12 francs ; le bénéfice net de 20 francs ; avec une extraction de 2 millions 1/2 de carats, qui a été celle de Kim- berley en 1895, on arrive à un bénéfice net de 50 millions et l’on s'explique alors comment on peut rémunérer largement, avec une produelion de ce carbone brillant et dur appelé le diamant, — qui représente à peine une demi-tonne par an et ne remplirait pas 150 litres, — une industrie dont le capital réel, aux cours actuels, représente 600 mii- lions de francs, c’est-à-dire, pour prendre un point de comparaison bien connu, quatre fois el demi le capital des mines de houille d'Anzin qui produisent, elles, par an, environ 3 millions de Lonnes de car- bone sous une autre forme. (Ra L'histoire de ces mines de diamants du Cap pré- sente, en dehors d’un véritable intérêt romanesque, tenant aux formes tout à fait extraordinaires et pittoresques par lesquelles ont passé les exploila- tions, un enseignement économique et social qu'il peut êlre bon d'ajouter à beaucoup d’autres du même genre : il est, en ellet, peu de cas, où se soit montré plus nettement l'avantage, pour créer rapi- dement dans un désert une industrie rudimentaire et un semblant de colonisation, d'avoir affaire à des bandes d'aventluriers, prêls à tout risquer sur la chance d’une carte, et à persévérer dans une folie commencée avec cette obstination anglo- saxonne, qui transforme parfois un désastre immi- nent en un merveilleux succès. Mais jamais sur- tout on n’a vu d’une facon plus évidente combien les efforts individuels et désordonnés d'hommes sans instruclion et sans discipline devenaient vile impuissants en face d'une industrie minière, com - meneant à sortir de l'enfance, et combien, dès qu'on se heurte à ces inévilable difficultés, qu'un peu d'expérience technique et professionnelle permet seule de résoudre, il faut, pour réussir, l'unité d'une direction ferme, un outillage puissant, de iongues immobilisations de capilaux et de forces as des travaux d'avenir, en apparence impro- duelifs au moment où on les exécute, enfin des prévisions commerciales et économiques à longue mises à profit par une savante organisa- ion financière. échéance, | [ En France, où nous poussons volonliers à l'exeès cette prudence de vieillards timorés, qui voudraient voir l'État imposer des bourrelets et des lisières à tous les ciloyens, pour leur épargner le danger des chutes, et où l'usage est d'apprendre longuement à nager sur la terre ferme avant de se risquer au bain, on applique souvent, dès la première période des découvertes aventureuses, la machinerie com- pliquée de ces rouages savants, qui deviendront indispensables plus tard, mais qui, au début, ne font que gêner en tournant à vide, . l'on voil parfois se former — mème dans des cas où tout le monde est de bonne foi — de vastes sociétés à frais généraux considérables, qui commencent par construire des usines très perfeclionnées pour s'apercevoir ensuite, quand tous les fonds sont épui- sés, qu'elles n’ont pas de minerai à leur fournir. En pays anglo-saxon, c’est l'inverse; tout le monde commence par se jeler à l’eau sans savoir comment on s'en lirera. Cela fait d’abord une mêlée où l'on se rudoie réciproquement, et où tous les faibles et les malheureux coulent à fond; mais. sur cent, il s'en trouve toujours bien un qui a l’ins- tinet de la nage et, après un premier moment de désarroi, arrive à régler ses mouvements : dans le nombre des prospecteurs qui s'altaquent à un filon vierge, l’un rencontre une veine lellement riche que, malgré son ignorance et ses fautes, il fait for- tune ; alors il s’oulille peu à peu, s'instruit ou paie des gens instruits pour le servir et, cahin-caha. l'industrie s'organise, les capitaux arrivent, attirés par le premier succès; de grandes sociétés se for- ment et fusionnent entre elles ; une exploitalion ra- tionnelle commence qui, assurément, trouve devant elle beaucoup de richesses irrémédiablement gà- chées par l'imprévoyance des premiers travail- leurs, mais qui, d'autre part, a cette supériorité énorme de marcher sur un terrain reconnu et, sui- vant l'expression consacrée, d'entrer dans une maison dont on a essuyé les plâtres. Dans l'espace de vingt-cinq ans, qui constitue toute l'histoire des mines diamantifères de Kimberley, nous allons voir ainsi débuter par un éparpillement d'efforts isolés, qui offrait une des caricatures les plus réussies d'individualisme qu'on puisse concevoir et qui faillit conduire à la ruine générale, pour aboutir à un gigantesque monopole industriel el commercial, embrassant le monde entier, à un paroxysme de centralisalion, dont le monde laüin n'a jamais fourni de meilleur exemple, et y trouver une remarquable prospérilé. IX Quand, à la fin de 1870 et au début de 1874, on trouva, par hasard, dans ie désert où s'élève au- L. DE LAUNAY — LES DIAMANTS DU::CAP jourd'hui la grande ville de Kimberley, les premiers diamants, personne, parmi les audacieux qui ac- coururent en foule, n'avait la moindre idée de ces gisements nouveaux; aucun d'eux n'avait même vu une mine quelconque de sa vie; il n'y avait, d'ailleurs, dans le pays, aucune espèce de gouver- nement ni de loi, cette région, appelée dans la suite le Griqualand West, étant alors rattachée à l'État d'Orange d'une facon loute théorique, et l'Angleterre, qui n'en soupçonnait pas la valeur, ne s'étant pas encore aperçue qu'elle devait logi- quement lui appartenir. Afin de mettre entre eux ce semblant de règle et d'ordre, qui est nécessaire, même dans une bande de mineurs au centre de l'Afrique, les premiers chercheurs de diamants adoptèrent, tout naturelle- ment, les usages que nombre d’entre eux avaient suivis déjà sur les gisements d’alluvions du Vaal, c'est-à-dire qu'ils divisèrent le sol par un réseau de lignes à angle droit formant une sorte de damier, en un certain nombre de petits carrés, ou claims, de 9°,45 de côté, dont le premier venu put prendre possession, à la condition d'y tra- vailler personnellement et sans interruption, sous peine de déchéance; il arriva même assez vile, l'obligation du travail personnel étant bientôt fombée en désuétude, qu'on revendit des fractions de claims. On vit alors l’affleurement de la princi- pale cheminée diamantifère, celle de Kimberley, qui à 150 mètres de largeur sur 300 mètres de lon- gueur, se couvrir de près de 1.600 minuscules exploitalions distinctes, consistant chacune en une fouille qui s’enfoncçait verticalement dans le sol,avec l'idée d'arriver bien vite au fond de ce qu'on regar- | dait alors comme une simple couche d'alluvions superficielles. Il faut avoir vu des pholographies reproduisant ce premier élat de choses, pour se faire une idée de l'invraisemblable chaos que re- présenta bientôt la mine de Kimberlev, de l'aspect ruiniforme que prirent tous ces murs de minerai, constamment prêts à s'écrouler, tous ces piliers carrés restés en relard et perchés en l'air, toutes ces fosses plus avancées et plus profondes, dans lesquelles les eaux de pluie, bien que rares en ce pays, commencèrent vile à s'accumuler. Ni une machine, ni un outil un peu perfectionné, ni un bois de charpente, ni même une cuve de mélal; les objets les plus nécessaires à la vie, qu'il fallait apporter à travers des centaines de kilo- mètres de désert, se vendaient à prix d’or; l’eau était une marchandise infiniment précieuse. Pour extraire les diamants de la roche, on la pulvérisait avec des pilons de bois et l’on se débarrassait des résidus encombrants comme on le pouvait, volontiers chez le voisin; au bout de peu de temps, les rixes furent continuelles; l'im- 534 possibilité d'accéder aux claims centraux, et d'en sortir le minerai, éclata d'une façon manifeste ; tous ces coureurs d'aventures, indépendants et indociles. durent se résigner à accepter l'autorité d'un con- seil minier, le mining board, constitué par eux, qui fut chargé des mesures d'intérêt général. C'est ainsi que l’on expropria provisoirement une rangée de claims sur deux, dans la largeur, pour v établir des routes, où commencèrent à cir- culer des broueltes, puis des charrettes; que l’on y installa des appareils d'extraction sommaires, formés de quelque tronc contourné de mimosa, placé obliquement et porlant une poulie avec un cäble, au bout duquel le minerai fut chargé, d'abord dans des sacs de peau de bête, puis dans des vases en bois ou en fer; que l'on soumit chacun à une taxe pour payer les frais généraux de l’épuise- ment, du transport des stériles, de la police, elc., enfin qu'il s'organisa, par la nécessilé même des choses, un rudiment de société régulière. On supposait toujours que l’on avait affaire à une poche d’alluvions un peu plus profonde que d'habitude et dont on rencontrerait bientôt fin; aussi les propriétaires des rangées de claims expropriés n’avaient-ils pas trop réclamé au début: mais on avait beau descendre, celte soi-disant poche gardait toujours les mêmes dimensions, les chemins que l’on devait creuser pour accéder au centre prenaient des pentes invraisemblables ; enfin, les murs verticaux ne pouvant se maintenir sur de pareilles hauteurs, il fallut donner à l’ensemble de la fouille une forme de cratère évasé, c’est-à-dire entamer le terrain stérile sur les bords, dans la zone où, sans prévoyance aucune, On avait com- mencé par accumuler les débris, afin d'assurer aux parois extrêmes, qui perdaient toute stabilité en s'allongeant ainsi, une inclinaison convenable. Dès 1873, moins de trois ans après la première découverte, l'exploitation de Kimberley avait déjà pris l'aspect d'un énorme entonnoir, de 50 à 60 mètres de profondeur, au-dessus duquel les 1.600 cèbles aériens, servant à l'extraction des 1.600 petites propriétés du fond, dessinaient le plus étrange réseau de loile d’araignée. Et l’on continua à descendre, en palliant tant bien que mal aux difficultés de plus en plus graves du travail; parfois, d'immenses des parois stériles s’éboulaient ou glissaient dans la tranchée, venant couvrir d'un épais manteau à déblayer la roche diamantifère et l'on voyait alors, pendant des semaines ou des mois, cette fourmi- lière d'hommes, travaillant au fond, uniquement occupés à réparer le désastre, à remettre à décou- vert péniblement la roche diamantifère, qu'une nouvelle chute de stérile viendrait peut-être réen- sevelir quelques jours après. Rapidement, les mi- 1 1a morceaux 540 L. DE LAUNAY — LES DIAMANTS DU CAP neurs isolés, sans capitaux, durent céder la place : dans ces conditions, il se forma un certain nombre de petites sociétés, ou plutôt de petits syndicats, entre quelques financiers entreprenants, qui agglo- mérèrent les claims épars et les groupèrent entre eux, mais qui, eux-mêmes, dans les premiers temps, vers 1875, n'obtinrent pas des résultats bien brillants. C'est surtout vers 1880 et 1881 que toutes les affaires diamantifères de Kimberley furent lancées dans le public anglais ou, comme on dit, flottées; dès le début de 1881, il s’élait déjà formé quinze compagnies, dont le capital nominal d'émission atteignait 75 millions de francs. On commença aussitôt à spéculer, à Londres et au Cap, sur ces actions nouvelles ; la valeur des claims décupla en quelques mois; celle des actions de mines qua- drupla, en moyenne: il y eut ce qu'on appelle un boom, c'est-à-dire une de ces hausses folles, dans lesquelles chacun s’'imagine faire fortune du soir au malin. Mais toutes ces sociétés nouvelles s'étaient cons- tituées à l'anglaise, sur le papier, sans fond de roulement, les capitaux versés par les souscrip- teurs allant presque entièrement aux promoteurs de l'affaire ; pour travailler, on emprunta, et dans des proportions telles que les dettes atteignirent rapidement 300 millions. Il arriva alors ce qui se reproduit toujours en pa- reil cas : l’industrie minière traversait une crise, il fallait remédier aux maux anciens par une organi- salion nouvelle, dont les préparatifs demandaient du temps; les résultats se firent trop attendre au gré des joueurs impatients; quelques-uns commen- cèrent à revendre leurs actions; la panique se mit parmi les autres, et, en 1883, il y eut. sur les affaires sud-africaines, un premier krach, dont nous avons vu la répétition presque textuelle deux ou trois fois depuis lors. Ce krach coïncida avec deux phénomènes, recon- nus, depuis plusieurs années, inévitables, l'un tech- nique, l’autre commercial, que tous les ingénieurs français ayant eu à s'occuper de ces questions avaient facilement prédits. Techniquement, l'ex- ploilation avait atteint la limile extrême de pro- fondeur jusqu'à laquelle on peut exploiter en tranchée à ciel ouvert : il devenait urgent d'orga- niser une exploilation souterraine, dont les préten- dus ingénieurs sud-africains, formés au hasard à Kimberley même, n'avaient pas la moindre idée : t celle exploitation rationnelle exigeait une en- le complète entre les propriétaires des quatre 2rands gisements de la région, réduits dès lors à une quinzaine, dont quatre où cinq principaux. Commercialement, la concurrence entre tous ces propriélaires et la surproduction, qui élait la cousé- quence logique de cette division trop grande de la propriété, avaient déterminé une baisse telle sur te diamant que l'on finissait par travailler à perte : là encore, un groupement des intérêts concurrents en une seule société, avec réglementation de la production, élait indispensable. Le krach aidant, chacun y songea sérieusement et, non sans peine, après bien des tätonnements et des essais infrue- tueux, en six ou sept ans, on parvint à réaliser cette fusion, qui a constitué la Société actuelle de la de Beers. Pour faire ce syndicat commercial, il ne suffisait pas de grouper les propriétaires de la mine de Kimberley, mine dont nous avons exclusivement parlé jusqu'ici, parce qu'elle a été la plus ancienne et, de beaucoup, la plus riche et la plus importante ; il fallait également s'entendre avec les trois autres grandes mines, mises surtout en valeur depuis 1883 : de Beers, Dutoitspan et Bultfontein. Parmi les chefs de file, entre lesquels porta surtout la discussion, il y avait la Compagnie francaise de Kimberley, constituée en partie sous les auspices de M. Porgès, la plus importante à cetle époque, et dans laquelle élaient alors employés des hommes qui ont réalisé plus tard au Transvaal des fortunes colossales : MM. Wernber, Brit, Lionel Phillips, ete. : la Compagnie de Barnato, la de Beers C°, ayant à sa lète Cecil Rhodes, devenu si fameux depuis, la Griqualand West, de Dutoitspan où dominait G. B. Robinson, qui a donné son nom à la mine d'or la plus connue du Transvaal, ete. Nous citons tous ces personnages — qui sont aujourd'hui célèbres, dans le monde des affaires, comme ceux de géné- raux triomphants — pour montrér incidemment comment l'industrie diamantifère de Kimberley à été, en quelque sorte, la source de l'industrie auri- fère du Witwatersrand, à laquelle elle a fourni au début lout son personnel, et qui a profité de l'expérience acquise là-bas, aussi bien en matière de finances qu’en matière de mines, pour éviter bien des écoles. Entre les gros intéressés, il pouvait y avoir en- tente sur le principe d'une fusion ; mais il y eut naturellement rivalité sur le choix de celui ou de ceux au profit desquels elle se ferait, et c'est dans les discussions, les marchandages, les in- trigues auxquels sa réalisation donna lieu, que M. Cecil Rhodes — aujourd'hui si célèbre, et sur- nommé par ses parlisans le Napoléon du Cap — édifia, en même temps que sa fortune personnelle, son éclatante situalion politique. Si nous ne nous trompons, dès 1885, la fusion fut, un instant, un fait presque accompli ; un télé- éramme arrivant de Paris et l'industrie diamantifère du Cap, dans laquelle les intérêts français étaient alors considérables, se groupait Lout entière autour mt te. da. L. DE LAUNAY — LES DIAMANTS DU CAP DAL de la Société française de Kimberley ; une après- midi, les paroles avaient été échangées:; M. Cecil Rhodes notamment, au nom de la de Beers, avait donné la sienne ; le télégramme attendu n'arriva pas avant le soir, et la nuit porta conseil; le lende- main, le journal de M. Cecil Rhodes, divulguant toutes les combinaisons en cours, tira sur elles à boulets rouges; il élait, dès lors, un allié indispen- sable ; tout l'édifice diplomatique s'écroula. Quatre ans après, la même fusion se réalisa; mais, cette fois, au profit de la de Beers C°, avec le concours payé de M. Barnato, qui, de courtier en diamants suspect, passa membre du Parlement, tandis que M. Cecil Rhodes passait premier ministre et grand homme. V Nous n'avons pas, on le concoit, l'intention de décrire ici en délail l'organisation financière assez compliquée qui, pour l'industrie des diamants, est résultée de cette fusion; il y a là pourtant une question économique curieuse dont il faut dire quelques mots. À tous lesinnombrables pelits propriétaires, dont nous avons vu les travaux contigus et concurrents se juxtaposer en désordre sur les cheminées dia- mantifères du Cap, s’est, depuis 1889, substituée une et une seule société, la de Beers Consolidated C?, au capital de 98.750.000 francs — qui, par le fait de l'arrêt des mines au Brésil et d’une entente impli- cite avec la seule mine de diamants sérieuse de l'Afrique australe, restée en dehors de la fusion, la Jagersfontein C° dans l'État d'Orange, — délient aujourd'hui le monopole presque absolu du com- merce des diamants bruts dans le monde. Cette société s’est, à son Lour, entendue avec un syndicat de cinq gros marchands de diamants, qui, très au fait des besoins de la consommation, avec laquelle ils sont en rapport plus direct, lui achè- tent, six mois ou un an d'avance, à un prix déter- miné, toute sa production, limitée d'un commun accord à un total calculé de façon à ne pas surchar- ger le marché !. IL en résulte, d'une part, que tous les diamants vendus dans le monde commencent par passer entre les mains de ce syndicat, qui est, dans la me- sure compalible avec la loi économique de l'offre et de la demande, libre d'en fixer le cours à son gré, et que, d'autre part, les mines de diamants, bien que travaillant sur une matière d'une valeur essentiellement capricieuse et sujette à la mode, ont, pour l'écoulement de leur production pendant un temps relativement considérable, une assez rare en industrie minière, sécurité ‘ Pour limiter cette production, on a fermé toutes les mines, sauf deux, celles de Kimberley et de de Beers. REV£E GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1891. On à même élé plus loin, et, comme il faut pré- voir une année de crise où de conflagration géné- rale où l'on cesserait d'acheter des diamants, la de Beers C s'est mise en mesure de pouvoir tra- vailler sur le même pied, pendant six ou huit mois. sans vendre une seule pierre et sans risquer, par suite, d'amener une dépréciation : elle a, pour cela, constitué une réserve, toujours immédiatement mo- bilisable, en consolidés anglais, qui monte aujour- d’'hui à 25 millions, disposition assez anormale en apparence pour une société qui à encore une dette de 100 millions, sur laquelle elle paye 5 °/, d'intérêt. landis que sesconsolidés ne lui rapportent que 24}e mais DA NnENREE en réalilé, par cette rai- son de prudence. La conséquence a élé de maintenir le cours des diamants bruts, depuis cinq ans, à un taux moyen de 32 francs à 36 francs le carat (de 205 milli- grammes), tout en jetant, chaque année, dans la consommation environ 2.406.000 carats (500 kilos) et alors que les frais totaux de production corres- pondants sont environ de 12 francs, ce qui laisse 20 francs de bénéfice moyen par carat de diamant. On le voit, c'est, sous sa forme le plus manifeste, le hideux accaparement contre lequel le consom- mateur garde toujours la consolation de protester et, S'ille peut, le droit de se défendre: mais nous avouons que, dans le cas présent, le consommateur nous semble moins intéressant que d'habitude, puisqu'il s'agit éminemment d'une substance de luxe, dont il à toujours la possibilité de se passer si le prix lui en semble trop élevé: et, précisément, cette faculté, dont il use silencieusement sans avoir besoin de former ni contre-syndicat, ni coopérative, ni comité de résistance, oppose en fait une limite logique, infranchissable au pouvoir arbitraire des commerçants en diamants qui savent fort bien qu'au delà d'un certain prix ils ne trouveraient plus à placer leur marchandise. \aIl Nous venons de parler là de prix d'extraction et de prix de vente, nous avons indiqué comment les mines du Cap trouvaient le placement de leurs diamants et nous n'avons pas encore dit comment elles arrivaient à les extraire de terre : cet ordre, qui peutsembler irrationnel, est, en réalité, celui dans lequel tout exploitant de mines intelligent devrait étudier son affaire, bien qu'il le fasse trop rarement; car, en matière d'industrie, il est plus essentiel et souvent plus difficile d'écouler ses pro- duits que de produire. Nous arrivons maintenant à la méthode d'extraction et de traitement pour les roches diamantifères, usitée méthode que lon est, en général, très loin de soupconner et dont la 13° 542 L. DE LAUNAY — LES DIAMANTS DU CAP forme actuelle date, d'ailleurs, à peine de deux ans. Une exploitation de diamants, ainsi qu’une ex- ploitation d’or, apparait volontiers, aux imagina- tions de ceux qui ne sont pas du métier, comme une installation de mineurs lavant des sables dans une sébille au bord de quelque rivière et en reti- rant des gemmes étincelantes ou des pépites ; nous surprendrons sans doute beaucoup de personnes, en leur disant qu'on va chercher la roche diaman- tifère à 300 ou 400 mètres sous lerre, par des tra- vaux à peu près identiques à ceux d'une de nos mines de houille, et qu'après l'avoir extraite de ces profondeurs, on la soumet à une préparation mé- canique, longue et compliquée, dans laquelle les broyages jouent un grand rôle, et dont le principe est tout à fait analogue à celui de la méthode em- ployée pour un minerai de plomb, de zine ou de cuivre quelconque, sauf qu'ici l'on n’a pas besoin de faire succéder à cette préparation un traitement métallurgique, semblable à celui qui isole le plomb ou le zine du soufre avec lequel ils sont générale- ment combinés dans la Nature, puisque le diamant est, au milieu de sa gangue, à l’état natif el libre. Voici, en quelques mots, le système employé. Nous avons dit que les diamants étaient englobés dans une roche stérile, d'aspect bréchiforme et de couleur bleu verdàtre, remplissant des sortes de grandes cheminées de 100 à 600 mètres de dia- mètre et qu'elle v était répartie en très minime quantité : 1 gramme par 3 mètres cubes dans les mines les plus riches. Si cette roche s'était trouvée, comme cela eût pu fort bien arriver, une matière dure, compacte, inaltérable à l'air et à l'eau, un porphyre par exemple, il est probable qu'on eût dû renoncer à en extraire pratiquement les dia- mants et que quelques échantillons de celle roche seraient seulement aujourd’hui conservés comme curiosilés dans des musées; mais, par une très heureuse chance, il est arrivé que la roche dia- mantifère avait, au contraire, dans sa plus grande partie, la propriété de se désagréger très rapide- ment et de tomber en boue sous les actions alter- nutives de la pluie ou du soleil, mettant ainsi à nu les diamants primitivement emprisonnés dans sa masse. On à donc eu l'idée toute simple de laisser le temps et la nature faire leur œuvre, en la facili- tant seulement par quelques artifices. Acet effet, mine, sur d'immenses champs appelés les floors, et tout le traitement a consisté, jusqu'à ces dernières années, à l'y laisser séjourner douze ou quinze mois en le eylindrant, le hersant et l'arrosant de emps à autre, de manière à le réduire en bouillie ; puis à metlre cette boue diamantifère, étendue on a étalé le minerai, à sa sortie de la d'eau, en suspension dans de grandes cuves où tournaient des bras mobiles, faisant un brassage continu, afin d'y séparer par densité les parties lourdes renfermant le diamant, des résidus plus légers, et enfin à trier à la main les graviers dia- mantifères ainsi recueillis. Mais on avait fini par s'apercevoir que, même après des années d'exposition sur les floors, cer- laines parties plus dures, formant environ un sixième de la masse, échappaient à la décomposi- tion, et que, par suile, les diamants contenus dans ces fragments plus résistants allaient ètre perdus. D'autre part, l'épandage sur les f/oors pendant des mois, avait pour effet d'immobiliser des capitaux considérables et de faciliter singulièrement les vols. On est donc arrivé, depuis deux ans, non sans quelque hésitation, à l'idée, un peu paradoxale en apparence, de broyer toute la partie dure de la roche pour en extraire les diamants. Il y avait, on le conçoit aisément, un grave dan- ger à cette opération, c'était de casser les gros dia- mants. Quand il s'agit d'un minerai métallique ordinaire, comme ceux auxquels on applique gé- néralement ces broyages, peu importe qu'ils soient réduits en poudre fine ou laissés en gros frag- ments, le prix étant uniquement proportionnel au poids; mais il n’en est pas de même pour le dia- mant, dont la valeur par carat, c'est-à-dire par unité de poids, diminue extrêmement vile quand la dimension totale se réduit. On a obvié avec succès à ce danger en employant une série de broyages fractionnés et progressifs, entre chacun desquels s'intercalent des triages, soit à la main, soit à la machine, ayant pour but d'éliminer successivement les diamants trop volumineux, apparaissant par quelque point sur un morceau de roche et exposés, par suite, à être cassés dans le broyage suivant. Quand le minerai est ainsi réduit à l’état de gra- vier suffisamment fin, il subit un criblage automa-- tique, qui a pour effet de concentrer les diamants dans un volume de sable très restreint, et on l'amène alors dans un atelier spécial où, étalé sur de longues tables, il subit une inspection minu- tieuse de la part d’un personnel très exercé. Dans cet atelier, on le fait d’abord examiner, à l'état humide, par des ouvriers blancs, puis à sec par des nègres, bien plus adroits que les blancs pour [®) apercevoir les diamants, el on le fait repasser ainsi devant des groupes de noirs différents, tant qu'on peut estimer qu'il s’y trouve encore quelque pierre précieuse. Le résidu va sabler les allées des jardins de Kimberley, où il n'est pas très excep- tionnel de rencontrer, en se promenant, un petit diamant oublié, qu'on est, d’ailleurs, sous peine de prison, tenu de reporter aussitôt à la Société. En définitive, on recueille à Kimberley, dans les ateliers de la de Beers, comme produit du travail L. DE LAUNAY — LES DIAMANTS DU CAP 43 de chaque journée, environ un demi-litre de dia- mants, pesant en moyenne 1.800 grammes, et va- | lant 260.000 francs, qui est apporté, sans avoir en- core été ni complé ni pesé, sans que personne au monde en sache la valeur réelle, entre les mains d'un surveillant particulièrement sûr, qui en prend livraison, en inscrit le poids et le livre à une der- nière catégorie d'employés, les assortisseurs. Ceux-ci travaillent dans une salle spéciale, sur de grandes tables largement éclairées et couvertes de feuilles de papier blane, où l'on étend, à côté les uns des autres, ces pelits Las de cristaux blancs ou jaunètres, à l'éclat tout particulier, qui représentent tant de centaines de mille francs. Il s'agit là de diviser la production suivant la taille, le mode de cristallisation, la teinte, l’eau, etc., en une quarantaine de lots qui sont, sous cette forme, remis au syndicat et expédiés à Londres. où les marchands de diamants bruts viennent les acheter. Il ne reste plus, dès lors, aux diamants, pour en- trer dans la consommation, qu'à passer par la taillerie, à traverser encore les coffres de deux ou trois intermédiaires, et à venir enfin dans les mains du bijoutier, qui les montera. VII Dans cette curieuse industrie, dont nous venons d'examiner rapidement les divers côtés, nous de- vons encore, pour être à peu près complet, signaler rapidement un détail assez piquant : ce sont les précautions très raffinées, très rigoureuses, qu'on a dû prendre contre les vols. Ces vols ont atteint jadis des chiffres énormes, pour lesquels, bien entendu, l'on manque de don- nées précises, mais que, dans certains cas, on n'évaluait pas à moins de 30 ou 40 °,, de la pro- duction totale, les diamants dérobés étant, cela se conçoit, toujours ceux qui en valaient la peine, c'est-à-dire les plus purs et les plus beaux. Les noirs (et même les blancs) arrivaient, en effet, à une habileté extrème pour dissimuler les pierres, malgré une surveillance attentive, en les saisissant, par exemple, entre deux doigts de pied, puis, guettant un instant favorable pour les ca- cher dans une oreille, une narine ou les avaler. Une fois sortis de la mine, les diamants gagnaient soit les gisements d'alluvions du Vaal, plus libres d'accès, auxquels on à attribué ainsi bien des grosses pierres venant de Kimberley, soit les pays limitrophes, l'État d'Orange, le Transvaal, et sur- tout les régions vagues de la Chartered ou du Mozambique. il a fallu de grands Pour remédier à ce grave préjudice, jeter par-dessus bord un certain nombre principes, dont l'Anglais se fait gloire en théorie (toutes les fois que la nécessité pratique ne le con- traint pas à les abandonner), et l’on a appliqué aux noirs travaillant dans les mines — on eût même im- posé aux blanes s'ils n'eussent riposté à cette pré- tention par une grève terrible — des mesures de précaution tout particulièrement vexatoires et même humiliantes. En réalité, les noirs qui travaillent aux mines de diamants sont, pendant toute la durée de leur sé- : jour, fixé d’avance à un certain nombre de mois, de vérilables esclaves, des prisonniers enfermés dans une enceinte entourée d’un double rempart, gardée par des hommes armés, éclairée loute la nuit par des fanaux électriques, et même couverte d'un large filet pour empêcher de jeter des pierres au dehors. Les blancs, qui pénètrent dans cette enceinte, dans la mine ou dans les ateliers, sont chargés, en même temps que de surveiller les noirs, de s’espionner les uns les autres, quelques- uns, que personne ne connait, étant toujours de la police. Quand un noir veut, au bout de quatre ou cinq mois, sortir du compound (c'est le nom de cette enceinte de baraquements où la Société le loge et le nourrit), il doit subir, dans un petit local appro- prié, une observation continue, accompagnée d'un traitement énergique dont on devine aisément la nature, et ce n’est qu'après avoir reconnu la purelé absolue de son âme et de son corps qu'on l'aulo- rise enfin à prendre la clef des champs... pour aller se griser dans les cabarets de la ville. Malgré tous ces soins, les vols restent assez fré- quents, comme il est facile de s’en rendre comple par le seul nombre des voleurs qui se font prendre. Aussi a-t-on dû édicter, dans toute l'Afrique du Sud, une loi draconienne, d'après laquelle qui- conque est trouvé ayant en sa possession un dia- mant brut, sans un certificat correspondant de l'autorité prouvant qu'il l'a acheté dans des condi- tions déterminées, est, de ce fail même et sans discussion possible, condamné à un certain nombre d'années de travaux forcés. La digue de Cape Town, le break water, que les grandes houles antarc- tiques tendent sans cesse à détruire, est entre- tenue en grande partie par ce genre de condamnés, et c'est une plaisanterie de mauvais goût, assez fréquente entre notables sud-africains, que de s'aceuser réciproquement d'avoir contribué à l'édi- fication du un I. D. B. Les [. D. B. (illicit diamond buyer), ce sont les courtiers interlopes, dont cette loi a naturellement amené l'éelosion, intermédiaires palentés, mais incorrects, entre le nègre voleur et un honnête né- gociant, qui leur achète dans toutes les formes de break water, où encore d’avoir été EQ ‘ 544 GÉRARD LAVERGNE — LES APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ A L'ARTILLERIE la loi, en leur laissant une part de bénéfice, mais aussi à leurs risques et périls, les précieuses pierres dont il est toujours censé ignorer la prove- nance. VIII Grâce à ce système, qui vient compléter l’orga- nisme remarquable dont nous avons essayé de montrer le fonctionnement, l'industrie diamanti- fère du Cap est aujourd’hui magnifiquement pros- père, et il nous suffira, pour le montrer, de citer quelques chiffres, représentant les résultats de la dernière année d'exploitation dans l'exercice clos le 30 juin 1896. Dans cette année, on a extrait 2.363.000 carats (484 kilos 415) de 2.597.000 wagonnets de minerai (1.539.000 mètres cubes) et on les a vendus pour 79.134.500 francs, à un prix moyen de 33 fr. 45 le carat, en réalisant un bénéfice net total de 50 mil- lions : ce qui prouve, tout au moins, que les pro- grès continus de la démocratie dans le monde n y ont pas absolument détruit le goût du luxe, et qu'aucune loi somptuaire n’est venue encore res- treindre les dépenses de la coquetterie féminine. L. de Launay, Ingénieur ‘des Mines. Professeur à l'École supérieure des Mines. LES APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ A L’ARTILLERIE Il n'est, pour ainsi dire, pas une seule branche de l'industrie humaine, qui n'ait tiré un bénéfice plus ou moins direct de l'Électricité. Mais, assuré- ment, il n'en est pas beaucoup qui aient donné lieu àautant d'applications de cet agent que l'Artil- lerie. Pour mettre de l'or- dre dans le tableau que nous voulons faire de ces emplois, aussi ingénieux que variés, nous les subdi- viserons en trois classes : 1'° classe. — Applications aux appareils d'observa- Lion et de mesure, servant à analyser les phénomènes qui accompagnent le Ur; 2 classe. — Applications aux organes accessoires des canons, afin d'en faci- liler le service; 3° classe. — Applications aux organes principaux Free” — Chronographe Lewis. — M, N, chambres cela, parce que les méthodes dont ils disposaient ne leur permettaient pas d'apprécier des durées aussi minimes que celles qui suffisent pour la pro- duction de ces phénomènes. C’est l'électricité qui, en leur donnant la possi- bilité d'introduire: la no- tion de lemps dans cette élude, leur a permis de la SE mener à bien. Pour mesurer la vitesse en un point de la trajec- toire d'un projectile, on se sert des chronographes. Le type le plus répandu de ces appareils est le Le Boulan- gé-Bréger, employé depuis longtemps par les Com- missions d'expériences de presque tous les pays. Il mesure très bien des temps inférieurs à 1/15 de se- conde, et cela suffit pour apprécier les vitesses de 800 mètres que les projec- des pièces, pour les faire mouvoir. [. — APPLICATIONS AUX AP- PAREILS D OBSERVATION ET DE MESURE. Il y à à peine quelques années, les artilleurs ne noires ; E, F, objechifs photographiques; 13, 14, pla- ques sensibles; C, D, cadrans à aiguilles synchrones iuues par un mouvement d'horlogerie; G, H, bo- bines d'induction destinées à produire l'éclairement successif des cadrans, par le jaillissement d’étiucelles électriques eu 15 et 16, aux moments où l’obus K, en rompaut les cadres 1, J, coupe les circuits électriques de ces bobines. Par suite de ces éclairements instan- tanés, les plaques 13 et 14 enregistrent les images des aiguilles C et D aux instants précis où l'obus coupe les cadres, autrement dit ses heures de passage dans les plans de ces cadres. tiles atteignent parfois au- jourd'hui, parce qu'à ce laux les obus mettent en- core 1/16 de seconde pour franchir la distance de 50 mètres qui sépare ordi- nairement les deux cadres employés dans l'appareil. Mais il eût été impuissant à enregistrer les vi- possédaient aucun moyen de mesurer la puissance d'une bouche à feu; ils ne connaissaient ni les vi- tesses avec lesquelles le projectile parcourt l'âme de la piè { conslances qui accompagnent le recul de l'affût. Et tesses en 8 ou 10 points de l'âme d'un canon, comme cela est nécessaire pour l'étude de la tra- et sa trajectoire extérieure, ni les cir- | jectoire intérieure du pro,eclile: avec celle-ci ce | ne sont plus des quinzièmes, mais des millièmes de GÉRARD LAVERGNE — LES APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ A L'ARTILLERIE 545 seconde qu'il faut apprécier. Ce desideratum avait été à peu près rempli, dès 1860, par le chrono- graphe du capitaine Schulz, de l'artillerie fran- caise, fondé sur l'emploi d'un cylindre métallique horizontal tournant très vite (tout en étant animé d'un mouvement de translation) et dont la vitesse pouvait être connue à chaque instant, avec une précision extrême, grâce à un diapason vibrant sous l'influence de deux électro-aimants, et portant à son extrémité un stylet, qui laissait sur le cylindre des traces sinusoïdales. Si chacune de ces vibra- tions doubles correspondait à 1/500 de seconde, chaque demi-amplitude représentait 1/1.000 de cette même unité. Le second, le pholo-chronographe de MM. Cush- ing Crehore et Owen Squier (fig. 2), repose sur la rotation qu'éprouve le plan de polarisation d'un faisceau lumineux, en traversant un tube à sulfure de carbone entouré d'un solénoïde parcouru par un courant. Les projectiles enregistreurs portent en eux- mêmes les appareils destinés à indiquer graphi- quement leurs vitesses el, par conséquent, la loi d’après laquelle ces vitesses croissent ou dé- croissent. Tandis que ces projectiles se déplacent, une masse intérieure qui reste fixe pendant un court espace de temps, grâce à l'inertie, trace, par un stylet, une sinusoïde sur un ruban noirci. On ®) À B Le RS ne nt LE c Car Dre al Fo c | | | b | | b a” a” a” NE RUE Fis. 2 — Pholochronographe polarisant de MM. Créhore et Squier. — F, fente laissant passer le faisceau lumineux, P et A, nicols polariseur et analyseur; T, tube rempli de sulfure de carbone et entouré d'un solénoïde; L, lentille faisant converger les rayons sur la plaque photographique, portée par le disque D. Ce disque tourne à une vitesse connue (12 à 13 tours par seconde); il est enfermé dans la boite B; M, pile; G, galvanomètre:; aa',aa'.…, fils métalliques ; ce, c,.… interrupteurs formés par des blocs isolants b, b, …, fixés à l'extrémité de fils tendus par les poids D, b',.…..: C, canon.— Après avoir orienté les deux nicols, de manière à produire l'extinction des rayons, on fait partir le projec- tile : celui-ci, en coupant des fils échelonnés sur son parcours, produit des ruptures et des fermetures successives du courant qui traverse le solénoïde, fait varier la position du plan de polarisation du faisceau, et, dès lors, réapparaître la lumière; celle-ci est recue par une plaque photographique montée sur un disque tournant, et produit sur elle des impressions dont les distances angulaires font connaître le temps employé par le projectile pour parcourir les distances qui séparent les fils successifs. Les auteurs ont pu mesurer des vitesses de 488 mètres à la seconde, et constater que le maximum de vitesse du projectile n'est atteint qu'un peu au delà de la bouche du canon. MM. Marcel Deprez et Sébert ont beaucoup per- fectionné ce chronographe; ils l'ont doté d'un enregistreur composé de petits électros, porteurs de styles, qui marquent l'instant précis des di- verses phases du phénomène à étudier. Les chronographes, qui sont basés sur la mise en mouvement de cerlaines masses, comme le Le Boulengé, soulèvent une objection tirée de l'inertie de ces masses. Deux appareils fort ingénieux, de créalion récente, obvient à ce défaut. Le premier, le chronographe de M. Lewis (fig. 1), est basé sur la photographie des heures de pas- sage du projectile aux deux points entre lesquels on veut mesurer sa vitesse. | peut, de la sorte, étudier le mouvement du projec tile dans l'âme. dans l'air, dans les chambres à sable, dans les plaques de blindage. Perfectionné comme il l'a été par MM. Deprez et Sébert, le chronographe a pu enregistrer les indi- cations &e la balance manométrique des mêmes inventeurs, avec laquelle on mesure directement les pressions développées dans l’äme du canon. Comme la balance manométrique, l'accéléromètre et l'accélérographe de MM. Deprez et Sébert per mettent d'étudier ces pressions : ils déterminent la loi qui les régit par l'enregistrement des mouve- ments que prend un piston, sous l’action des gaz de la poudre. 546 GÉRARD LAVERGNE — LES APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ A L'ARTILLERIE Pour étudier les mouvements du canon et de son affût pendant le recul, ou même du projectile, M. le général Sébert a imaginé une série d'appareils fort ingénieux, qui reposent presque tous sur un mème principe. Un diapason mobile se déplace devant des rubans noireis à la lampe et y laisse des traces sinusoïdales; on peut, en relevant ces traces, construire, en fonction du temps, la courbe des espaces parcourus et étudier la marche des phénomènes. Parmi ces appareils, le vélocimètre sert à enre- gistrer le déplacement du canon et de son affüt, pour en déduire la vitesse du recul et la pression dans les cylindres du frein hydraulique. On peut ainsi se rendre compte très exactement du fonc- tionnement de ce frein et déterminer mathémati- quement le réglage des orifices d'écoulement du liquide. De plus, le projectile commencant à se déplacer en même temps que l'affût, l'étude des quantités de mouvements à permis de se rendre compte du déplacement du projectile. Tous ces appareils ont servi à étudier les lois de combustion de la poudre et de détente des gaz. Ils ont permis de déterminer mathématiquement ce que peut donner une pièce construite dans des conditions bien délerminées. La photographie instantanée du projectile au sortir de l'âme, pour la réalisation de laquelle l'électricité a été accessoirement utilisée, a donné l'image des déformations que les couches d'air subissent à l'avant et à l'arrière de l’obus. On a pu ainsi se rendre compte de la façon dont se répartissent ces couches et dont s'exerce la résis- tance de l'atmosphère '. Les appareils à miroirs éclairés par l'électricité ont donné le moyen de vérifier, d'une facon très simple, l’état de l'âme des canons et de s'assurer que les bouches à feu n’ont pas été détériorées per.- dant le tir. Enfin une application très ingénieuse du télé- phone, due à M. le capitaine de Place, et appliquée pour la première fois à l'artillerie, a permis de s'assurer que le métal d'un tube à canon ou d’un projectile est sain. Un trembleur, mû par un mou- vement d'horlogerie, vient frapper le métal; le bruit du choc est multiplié par un microphone, réglé de manière à ce que le son perçu soit cepen- dant très faible. Dès que l'intensité augmente, on peut en déduire que le métal est probablement creux sous le point frappé, et on l’examine de plus près. IT. — APPLICATIONS AUX ORGANES ACCESSOIRES DES CANONS. Les amorces électriques ont été appliquées aux canons; elles ont l'avantage de supprimer l'emploi des amorces fulminantes, qu'un simple choc suffit à faire partir, et qui peuvent présenter quelque danger, notamment avec les canons à tir rapide, si en faveur aujourd'hui. Comme mises de feu élec- triques simples, il faut citer celles des systèmes Mac-Evoy, Noble, Vavasseur, Canet !. Quelquefois, elles se combinent, pour les pièces installées à bord des navires, avec le pointage de ces pièces: elles ont alors pour but de faire partir automati- quement le coup, au moment où la pièce est ame- née par les mouvements du navire à l'inclinaison dans laquelle le projectile doit ètre lancé pour frapper le but. À cet ordre d'appareils mixtes se rattache celui qui à été conçu, dès 1872, par Bessemer, l'illustre inventeur de l'acier moderne, et qui constitue, croyons-nous, le premier essai tenté dans ce sens. Le courant, destiné à passer dans l'amorce et à faire partir le coup, est fermé par le jeu d'un pendule, soutenu par un secteur fixé lui-même au canon ; on peut, en donnant à ce secteur l’inclinai- son voulue, faire en sorte que le pendule rencontre son contact, quand la pièce fait avec l'horizon l’angle voulu. L'idée de Bessemer a été reprise en 1889 par M. P. Oriolle, de Nantes ?, et, en 1890, par M. Pola, de l'artillerie de la marine autrichienne *. L'appareil du lieutenant J.-R. Crampton est fondé sur un principe différent: un disque, cons- tamment horizontal, comme la rose d’une bous- sole, ne ferme le circuit allumeur que si le pont du navire est lui-mème horizontal, de sorte qu'il suffit de pointer le canon par rapport à ce pont, comme s'il était en terre ferme *. Celui de M. Siemens” fait partir automatique- ment le canon, dès qu'il occupe exactement la di- restion indiquée par l'aiguille d'un pointeur, com- mandé à distance par un poste central. Les mires lumineuses électriques ont donné des résultats bien meilleurs que les guidons phospho- rescents essayés avant elles. Le rougissement d’un fil de platine s'est montré insuffisant ; on a alors eu recours à de véritables lampes électriques. Dans le système Mac-Evoy, une de ces lampes éclaire le guidon formé par un cône de verre; une autre projette ses rayons sur la barre horizontale de PH, : Sur cette question si intéressante de la Photographie projectiles, voyez dans la Revue du 15 octobre 1892, t. III, p. 66 et suiv., l’article de M. Vernon-Boys, intitulé : « Les Projectiles pris au vol ». C’est dans cet article qu'ont été publiées, pour la première fois, des photographies repré- sentant les ondes aériennes. des ! Lumière Electrique, &. XXXII, p. 65; t. t. XLIV, p:113;1t XLIX,p-"22: ? Lumière Electrique, t. XXXII, p. 60. 3 Jbid.) t. XXXIX, "p.425: ‘ Jbid., t. XXXII, p. 61. 5 Jbid., t. XLIT, p. 459. XXXIX, p. 24; GÉRARD LAVERGNE — LES APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ A L'ARTILLERIE 547 adoptée comme viseur dans la marine anglaise, | peinte en rouge pour la mieux distinguer. Ces lampes sont alimentées par le courant d'une pile, ou mieux par celui d'une dynamo. Les canons à tir rapide Van Skoda sont munis, pour les moyennes portées, d'une hausse excen- trique, dont la gorge de mire est plus ou moins élevée, à l’aide d'une poignée, mobile sur un limbe gradué en celluloïd ; ce limbe est éclairé, la nuit, par une lampe électrique, chargée aussi d'éclairer la visée par des trous percés oblique- ment dans la gorge de mire. Le guidon est formé par une pointe de celluloïd, rendue visible par une autre lampe, montée, comme la première, dans un tube d'ébonite. La gorge de visée apparait comme une raie verte, et le guidon comme un point rouge. Une des solutions les plus satisfaisantes du pro- blème est celle qui a été donnée par le capitaine dans la troisième classe, où nous l'étudierons, l'électricité sert, en actionnant les organes des pièces, à réaliser le pointage. Toutes ces applications, sauf celles relatives à l'éclairage des mires (des soutes à munitions, des projecteurs, dont nous n'avons pas parlé), n'exi- gent qu'une électricité à faible potentiel et à débit assez restreint, et les sources d'électricité mises en œuvre ne sont guère que des piles, des accu- mulateurs ou de pelites machines magnétos se ma- nœuvrant à la main. Il n'en est pas ainsi de celles qu'il nous reste à décrire. III. — APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ COMME FORCE MOTRICE. Dès 1885, MM. Symon et canon, dans lequel toules les manœuvres, mise en Maxim proposaient un Fig. 3. — Pointage eleclrique à servo-moteur (système Fisxe, 1889). — Deux dynamos C et D, servant l’une au pointage en hauteur, l'autre au pointage en direction, sont manœuvrées par un même levier E, à joint sphérique », guidé par les deux coulisses croisées w et u!. Quand on soulève ou abaïsse le levier E, il coulisse en w! et fait, par la crémaillère s tourner le commutateur 0, de manière que la dynamo G soulève ou abaisse le canon. Cette rotation de la dynamc ramène d'elle-même le commutateur, la crémaillère et le levier dans leurs positions neutres primitives, de sorte que le canon s’arrète après avoir pivoté d'un angle proportionnel à celui du levier. De même, quand on déplace ce dernier à droite ou à gauche, il coulisse en # et commande, par la crémaillère s',le commutateur de la dynamo D. Grenfell, et qui consiste à éclairer, au moyen d'une lampe incandescente à réflecteur, une petite sur- face polie formant miroir incliné à 45 degrés, mé- nagée dans une arcade placée au-dessus de la hausse et du guidon. La première apparait comme deux points rouges, entre lesquels vient se placer le point blanc du guidon; la ligne de visée est ainsi très bien déterminée. Cette question des mires lumineuses nous amène à parler du pointage, auquel l’électiicité peut, de diverses manières, prêter son concours. Dans une première catégorie d'appareils (Fiske, Anderson, American Range Finder C°) !, elle ne sert qu'à déterminer les éléments de ce pointage. Dans une autre, beaucoup plus importante, mais qui rentre ! Lumière Electrique, t. XXXVI, p. 369 et t. XLII, p. 458; Eclairage Electrique, t. 1, p. 581. batterie, pointage et Lir, devaient être faites électri quement, et commandées par un manipulateur unique, placé à telle distance qu'on le voudrait de la pièce. L’avancement de cette dernière sur son affût était assuré par une dynamo et par un train d'engrenages (roues et crémaillère), dans lequel était intercalé un embrayage à friction, destiné à permeltre le recul du canon. La mème dynamo commandait, à l'aide d’une plaque tournante mon- tée sur l'affût, le pointage en direction. Une autre était préposée au pointage en hauteur, qu'elle pro- voquait par l'action d'une roue dentée sur un sec- teur solidaire de la pièce. Toutes ces manœuvres pouvaient d'ailleurs être aussiexécutées à la main. En 1889, M. l'iske a imaginé un système, basé sur l'emploi d’un servo-moteur électrique très simple (fig. 3). Vers la même époque, on appliquait à la ma- 548 GÉRARD LAVERGNE — LES APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ À L'ARTILLERIE nœuvre des mitrailleuses Gat- ling le dispositif de la figure 4. En 1890, M. Maxim a pro- posé un dispositif qui semble capable d'assurer très com- modément le pointage des ca- ions à tir rapide, à l’aide d'une seule dynamo. La légende qui accompagne les figures 6 à8, indique très nettement la des- tination des divers organes de ce mécanisme et la façon dont ils fonctionnent. dispositifs que nous venons de décrire, sont tous Les plus ou moins ingénieux; mais la plupart n'ont mème pas été essayés :; aucun, en {ous cas, n'a recu la sanction d'une pralique véritable. Il en est tout autrement de ceux que nous allons décrire, dus à M. Canet, l'éminent directeur de l'artillerie aux Forges et Chantiers de la Méditerranée. Ainsi, l'affût (fig. 5) que cet inventeur a étudié en 1887 et 1888, el 1889 à Paris, — d'ailleurs le premier dans lequel l'électricité ait été exposé en réellement employée pour les jt fl on (LL 1 ji ul “ D nt nu Fis.v4. 5 | “| jt — Manœuvre électrique de la milrail- leuse Galling (système Crocker-Wheeler). — La dynamo, que l’on voit sur la gauche de la mitrailleuse, permet au pointeur de manœu- vrer d'une main le distributeur, tandis que de l'autre il actionne la barre de pointage. Avant l'application de ce dispositif, la manœuvre de la mitrailleuse exigeait deux hommes, un à la barre de pointage, l’autre à la manivelle du distributeur. Cette dualilé troublait le pointage par le défaut de concordance entre les manœuvres des deux servants, et par les vibrations que les mouvements du distribu- teur imprimaient à l'ensemble. La dyna- mo, du type Crocker-Wheeler, développe, à S0 volts, 3 1/2 ampères, 1/3 de cheval et per- met de tirer 1.500 coups par minute. En cas de dérangement du mécanisme électrique, un débrayage permet de remplacer rapidement la dynamo par la manivelle ordinaire. manœuvres de pointage, — a été appliqué, notamment sur trois croiseurs chiliens, à des pièces de 12,15 et 24 cen- timètres. Le pointage en direc- tion est assuré par une dy- namo (qui n’est pas visible sur la figure), placée sur le côté gauche du flasque, un peu en avant et au-dessous du volant que l’on y voit. L'arbre de l'in- duit, qui est horizontal et perpendiculaire aux flasques, porte à son extrémilé un pi- gnon, qui engrène, à la base de l'affût, avec une circulaire dentée. Un levier placé à l’ex- térieur, sur le côté gauche du flasque, permet de passer, par un embrayage, dela manœuvre électrique à la manœuvre à bras. Pour le pointage en hau- teur, une autre dynamo, ren- fermée dans l'enveloppe eylin- drique que l’on voit sur la ligure, un peu en avant el au- dessous du commutateur, dont le pointeur lient la manette, agit, par l'arbre de son induit et par les engrenages, sur un arbre à clavette permettant Fic To est située à qui commande les deux dynamos. Celle du pointage ur la figure, un peu en avant et au-dessous du commutateur. Mon à pointage éleckrique (système Canet, A888). — Le pointeur tient de la main gauche la manetle du commu- en hauteur est placée dans l'enveloppe cylindrique que Celle du pointage en direction, qui est invisible, i gauche du flasque, un peu en avant et au-dessous du volant de manœuvre à la main. GÉRARD LAVERGNE — LES APPLICATIONS DE L ÉLECTRICITÉ A L'ARTILLERIE 549 d'actionner, quelle que soit la position de l'affût sur le châssis, le pignon qui engrène avec le sec- teur denté solidaire de la pièce. Ce pignon peut être mû à la main, quand on a débrayé la com- mande électrique. première pèse 33 kilos et a une puissance variant de 45 à 90 kilogrammètres par seconde, suivant qu'elle recoit un courant de 7,5 ou de 15 ampères; la seconde pèse 28 kilos et développe 78 kilogram- mètres avec 12 ampères. La distribution du cou- en Fig, 6 à 8. — Canon rapide à pointage électrique (S. Maxim 1890). — A, berceau supportant la pièce; A,, tourillons du berceau; B, montants sur lesquels reposent les tourillons A; a,, dynamo de manœuvre, mobile autour de larticula- tion b: 4,, armature de la dynamo; €, roue montée sur l'armature 4,; €,; g, e,, articulation sphérique, joint universel, tige, reliant l’armature a, à la crosse de pointage e, mobile autour de l'axe e*; h, cône solidaire de l'armatnre, pressé dans le logement j par le ressort #, pour maintenir en ligne droite l'armature 4, et la tige e,; 0, 6, 0, 0, galets, montés sur les axes », et pouvant être successivement actionnés par la roue e de l'armature. Les roues supérieure et inférieure commandent, par le train à vis sans fin f et la crémaillère C, le pointage vertical. Les deux roues médianes commandent le pointage horizontal par les pignons g, g:, l'articulation univerglle s et le train à vis sans fin /, K H,. En temps normal, l'armature 4, et la tige e, de la crosse de pointage sont maintenues en ligne droite, par suite de l'encastrement du cône L dans son logement 7; mais si, en appuyant sur la crosse e, on dégage, par l'intermédiaire de la tige / le cône de son logement, rienne s'oppose plus à ce qu'on fasse pivoter librement la dynamo autour de son articulation b, et à ce qu'on embraie sa roue de friction e avec l’une ou l’autre, ou avec deux quelconques des galets 0. Comme d'ailleurs la pression qu'on a exercée sur la crosse e a fermé le circuit de la dynamo, celle-ci s'est mise à tourner et elle actionne, dans le sens voulu, la partie du mécanisme qui a été mise en prise avec elle. Le mouvement une fois produit, on n'a qu'à lâcher la crosse pour que le circuit se rompe, et que les pièces reprennent automalique- ment leur position neutre. Les deux dynamos, étudiées par M. le capilaine | rant se fait au moyen d'un commulateur à quatre Krebs, montées chacune en dérivation sur le cir- | touches, dont la manelte se déplace, pour le poin- cuit principal du navire, marchent à 70 volts, à | tage en hauteur. sur un tableau verlical, pouvant peu près la tension limite admise sur la flotte. La | lui-même se mouvoir horizontalement et permet- 550 GÉRARD LAVERGNE — LES JD) APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ A L'ARTILLERIE aleuT de CONManQe partage /3lr2/ Axe du canon 1, Holeur de pontaqe late! Fig. 9. — Schéma d'une lourelle de 2% centimètres, manœuvrée électri- quement (système Canet). — La carapace est à section ovoide: le tube de chargement par lequel les munitions arrivent à la pièce, cylindrique et concentrique à la carapace, est mobile avec la tou- relle, de facon à permettre le chargement de la pièce dans toutes ses orientations. Tout cet ensemble repose, par une couronne de galets circulaires, sur une plate-forme fixe, et, par le pivot du tube, sur une crapaudine inférieure. Le centre de gravité se trouve cons- tamment sur la verticale de ce pivot, lorsque la pièce est en batterie. La tourelle est ainsi équilibrée, par rapport à son axe de rotation. Pour lui donner les mouvements nécessités par le pointage en direction, on actionne le tube au moyen d’un couple réalisé par l'emploi de deux moteurs électriques identiques, agissant aux extré- mités d'un même diamètre, et tournant constamment à la même vitesse; on évite ainsi les efforts latéraux sur le tube. Ces deux moteurs commandent chacun, par une vis sans fin non réversible, un pignon sur lequel s'enroule une chaine Galle, dont les extrémités sont fixées, par l'intermédiaire de fortes boîtes à ressorts Belleville, sur un tambour porté par le tube. La commande des moteurs se fait au moyen de deux commutateurs : l'un, peu encombrant, placé à portée du pointeur, sert uniquement à commander à distance le commutateur du bas; celui-ci, asservi au premier, et placé à côté des moteurs, est vraiment le commutateur de marche. Le commuta- teur du haut est muni d'un levier, qui revient automatiquement au zéro, dès qu'il est abandonné à lui-même; ce levier commande la marche dans les deux sens et peut donner à la tourelle quatre vitesses différentes. Il permet de dégrossir rapidement le pointage, que l’on achève ensuite, au moyen de deux boutons commandant l'un la marche à droite, l’autre la marche à gauche. En cas de rupture des fils électriques placés au-dessus du pont cuirassé, on pourrait continuer à manœuvrer électriquement eu agissant à la main sur le commutateur du bas, au commandement du pointeur. Pour passer de la manœuvre électrique à la manœuvre à bras, il suffit de couper le courant dans les anneaux et l'excitation, et de eler par une transmission à pignon el chaîne Galle les arbres des ÿnamos à l'arbre des manivelles. On entraine l'anneau, qui fait inplement l'office de volant. Le mode d'action sur les tubes est lors le même qu'avec les moteurs électriques. Le pointage en hau- teur se fait à bras ou électriquement comme pour les affüts. Le monte-charges est aussi manœuvré des deux facons, sauf cependant pour les canons de 12 centimètres, desservis par une noria à bras. tant ainsi d'imprimer à la manette, vers la gauche et vers la droite, les mouvements “nécessaires au pointage en direction; de la sorte, une seule manette suffiL. Ce système, en recevant de l'expérience une sanction heureuse, a fait passer dans la pratique la manœuvre électrique des affüts. Il a marqué une étape féconde dans cette voie de l'application de l'électricité à l'arlillerie, dont le couronnement naturel a été la manœuvre électrique des tourelles. On comprend, en effet, que s’il était dési- rable de pouvoir confier à un agent méca- nique l'exécution des mouvements d’une pièce de gros calibre, il était presque in- dispensable de le faire pour une masse aussi considérable que celle d'une tourelle. C'est d’abord à l'eau sous pression qu'on s'est adressé pour cela, ei, dans certaines tourelles, comme les tourelles-barbette de 32 centimètres des garde-côtes japonais Lisukushima et Matsushima, on l'a chargée non seulement du pointage, mais encore de la manutention des obus et des gar- gousses dans le tube central, de tout enfin jusqu'à la mise en ‘place des munitions dans le canon. | Mais on n'a pas lardé à s'apercevoir que le concours, à beaucoup d’égards précieux, de l'eau sous pression était inséparable d'inconvénients fort graves. Les organes dont elle entraine l'emploi sont lourds, encombrants et coûteux. Ils sont exposés à des oxydations, qui nuisent à leur bon fonctionnemenl et à leur durée. Le dessè- chement des cuirs, par suile des inaelions prolongées, inhérentes au service des tou- relles, expose les canalisations à des fuites, fort gênantes au moment où l'on veut ouvrir le feu. Les canalisations sont su- jettes, pendant le combat, à cerlaines dété- riorations impossibles à réparer sur-le- champ. Enfin, il faut parfois compler avee la congélation de l’eau, qui, elle, rend tout service impossible. La guerre sino-japo- naise a fait ressortir ces multiples incon- vénients : on a élé obligé, au siège de Weï- Haï-Weï, d'entretenir des braseros dans les Lourelles. De tous ces défauts l'électricité exempte. Les moteurs et mécanismes qu'elle emploie sont légers et d'un volume réduit par rapport à leur puissance : ils sont, par suile, faciles à installer et lais- sent un plus grand espace disponible pour les aménagements du bord. Ils sont ro- est GÉRARD LAVERGNE — LES APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ A L'ARTILLERIE bustes, et, sans demander aucun entretien sérieux, 551 de leur chômage. momentanément, sans fatigue, un effort très supé- toujours prêts à repartir, qu'elle qu'ait été la durée | rieur à celui qu'ils donnent normalement: la chose LÉSSSSSINSSNNNNNNNSINNENENSENEIEREEET Fig. 10. Fig. 10 et 11. — Towrelle type (système Canet) pour canons de 19 à 24 cm. — Fig. 10. Coupe par le plan médian longitudinal Fig. 11. du navire. — Fig. 11. Coupe par un plan perpendiculaire transversal. — La tourelle est recouverte d'un toit presque plat, surmonté lui-mème d'un capot, destiné à abriter la tête du pointeur. Son plancher est rivé à la partie supé- rieure du tube, et supporté par une couronne de galets circulaires. Le tube repose à sa partie inférieure sur un pivot hydraulique. Le pointage vertical se fait à la main. Le pointage de direction et la manœuvre des munitions le long e cas échéant. du tube sont normalement confiés aux dynamos « et b; des manivelles permettent d'ailleurs de les effectuer à bras, À côté de cela, l'électricité offre des avantages propres. Ses moteurs sont capables de développer de masses aussi considérables que celle d’une tou- relle. Une simple manœuvre de commutateur trans- = £ est particulièrement précieuse pour les démarrages e] SSS SSSR b GÉRARD LAVERGNE — LES APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ A L'ARTILLERIE forme une réceptrice en génératrice, fait d'elle un frein énergique capable d'assurer l'arrêt rapide des mécanismes en mouvement. On sait que les efforts pour manœuvrer une tourelle sont différents suivant que le navire est droit ou in- cliné : la dépense d'électricité peut suivre ces varia- tions, tandis que celle d’eau sous pression reste la même et correspond toujours à l'effort maximum. Les canalisations électriques ne prennent aucune place et se prêtent aux mille détours des circuits les plus compliqués; comme, en outre, elles sont nécessaires Her. ÇCên. CES Fig, 12. Pour ce qui est des accidents à craindre, notam- ment au point de vue des incendies, le faible vol- tage des courants employés (70 volts), joint à la facilité avec laquelle on dispose les coupe-circuits et autres appareils de sécurité, doit bannir toute crainte sérieuse. Enfin les appareils électriques, agissant toujours par rotation, se prêtent bien mieux que les moteurs hydrauliques, chez lesquels le mode par translation est la règle, au passage des manœuvres méca- niques aux manœuvres à bras; or, la possibilité de C-RuUrERT SE, — Afjül de lourelle à manœuvre electrique (systeme Cunel) rour cunon de 24 em., construit par la Sociélé des Forges el Chantiers de la Méditerranée. peu coûteuses, rien n'empêche de les meltre en double pour parer à la rupture de l'une d'elles, car un simple commutateur permet de passer de l'une à l'autre au moment voulu. Si elles sont tou- tes les drux rompues, on peut, quand on à eu le soin de les seclionner d'une facon rationnelle, les réparer [rès rapidement. L'éleclricilé est déjà employée sur les navires pour l'éclairage, et les génératrices qui assurent ce dernier peuvent fournir la force nécessaire au ser- ice des tourelles. Cette communaulé d'emplois rinel de réduire l'importance des machines de : devant faire face à cette double installation. aussi le personnel, habitué au maniement de l'électrieit suflira presque pour les deux services. , qui existe déjà à bord des bateaux, ce passage, destiné à parer à toute éventualité, est formellement demandée par la marine moderne. Ajoutez à cela que la découverte des nouvelles poudres et l'adoption des canons longs ont permis, sans diminuer la puissance des pièces, de réduire leur calibre et leur poids, et que celte réduction a elle-même facilité l’équilibrage de la masse et la diminution des efforts. « Les efforts étant réduits, il a été possible de faire usage de l'électricité el de prévoir, en même temps, même pour les gros calibres, la manœuvre à la main absolument indis- pensable en cas d'avarie des appareils mécani- ques. » 1 MenveizLeux pu ViGaux: L'Artillerie de bord et l'Arme- ment des navires. Bulletin de l'Association technique mari- lime, n° 5, session de 1894. GÉRARD LAVERGNE — LES APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ À L'ARTILLERIE 593 . C'est ce qui a élé réalisé, dès 1892, par M. Canet pour l'artillerie du Capitan Prat, croiseur cuirassé chilien, construit sur les plans de M. Lagane, par la Société des Forges et Chantiers de la Méditer- ranée. Les manœuvres des huit tourelles, armées de canons de 12 et 24 centimètres et des munitions de ee bâtiment, sont effectuées électriquement par des dispositifs dus à MM. Savatier et de Lagabbe. La figure 9 représente schématiquement une tou- relle de 24 centimètres de ce système. Peu de temps après le Capitan Praf, c'était le er: Gen. ces ySE/enres. ————— | reçu ou recevront la cartouche électrique construite par M. Hillairet-Huguet. On voit tout l'intérêt pratique qui s'attache à cette question; aussi allons-nous décrire avec détail une tourelle qui peut être considérée comme la lou- relle-type des canons de 19 à 24 centimètres, dont les dispositions sont d’ailleurs à peu près identiques à celles des canons légers à tir rapide (fig. 10 à 13). La tourelle comprend la plate-forme et le tube central de chargement. La première est constituée par un plancher en tôle, fixé à la partie supérieure Fig. 13. — Affüt de lourelle à manœuvre électrique (système Canet) pour canon de 2% cm., construit par la Société des Forges et Chantiers de La Méditerranée. : , . On voit à droite, près du poiuteur, la cartouche électrique commandant le moteur du pointage en direction. tour du ZLatouche-Tréville, croiseur cuirassé de | du tube au moyen de cornières, et qui se prolonge deuxième classe de la marine francaise, sur lequel 2 canons de 19 centimètres et 6 de 14 centimètres, ceux-ci, à ir rapide, ont été placés isolément dans des tourelles mues par l'électricité. Le mème sys- tème de tourelles à été, ou est en ce moment, appli- qué aux bâtiments français Jaurégutherry, d'En- au bâliment Carlos V, et à plusieurs autres, si bien que la Sociélé trecasteaux, Saint-Louis, espagnol des Forges el Chantiers de la Méditerranée compte déjà à son aclif près de 40 tourelles à manœuvre électrique, exécutées ou en cours d’exéculion. Le Janvéquiberry, le d'Entrecasteaux, le Saint-Louis ont été ou seront munis d'appareils de commande de Savatier et de Lagabbe. Les autres lourelles ont jusqu'au platelage de la cuirasse mobile. Elle com- porte des poutres longitudinales, à l'aplomb des supports d'affûts, des entreloises transversales el une série de goussets rayonnants. La tourelle est recouverte d'un toit presque plat, surmonté lui- même d'un capot destiné à abriter la tète du poin- teur. Le tube, en tülerie, est formé d'une partie supérieure tronconique, guidée par une couronne de galets verticaux qui supporte la plate-forme, et d'une partie inférieure cylindrique, reposant sur un pivot hydraulique. L'ensemble de ces disposi- tions concourt, avec l'équilibrage de la lourelle, à diminuer si bien les frottements que deux hommes peuvent à bras faire tourner une tourelle de 19 à suy 294 GÉRARD LAVERGNE — LES APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ A L'ARTILLERIE 2% centimètres, et qu'un seul suffit pour celles de 12 à 15 centimètres. Mais, normalement, la manœu- vre du pointage en direction est confiée à un moteur électrique : le pointage vertical qui ne demande pas d'efforts considérables se fait à la main. Le mécanisme dupremier comprend (fig. 10 et11): une circulaire dentée, fixée sur le tube au-dessous du pont cuirassé; un pignon qui engrène avec elle, et, sur le même arbre que ce dernier, une roue à denture hélicoïdale, conduite par une vis sans fin, calée directement sur l'arbre du moteur. Ce der- nier porte également la manivelle de la commande à bras. La roue héliçoïdale et son arbre sont reliés l'un à l’autre par l'intermédiaire de rondelles de friction, alternativement solidaires de l'arbre et de la roue, et qui sont chargées par une rondelle Bel- leville, dont la tension est calculée de manière à éviter une trop grande fatigue des organes en cas d'arrêt brusque de la tourelle. La commande du moteur est, ainsi que nous l'avons dit, confiée à un appareil qui a recu le nom de cartouche électrique (fig. 14 et 15). Dans sa réa- lisation, MM. Canet et Hillairet-Huguet se sont posé comme condition première de faire manœuvrer par le pointeur lui-même et, pour ainsi dire, sans intermédiaire, le commutateur dont le jeu règle la vitesse de rotation du moteur; ce n'est du reste que dans ces conditions qu'il peut avoir réellement la tourelle dans la main, et obtenir chaque fois à coup sûr, dans un sens ou dans l’autre, de très petits déplacements de la ligne de mire. Pour bien comprendre la constitution de la cartouche il est nécessaire de rappeler les diverses conditions à remplir : 1° Faire tourner la tourelle, à droite ou à gauche, en actionnant un levier dans le sens du dépla- cement; 29 Quelle que soit la brusquerie du mouvement imprimé au levier, assurer à la tourelle une marche doucement progressive ; 3° Obtenir ainsi une vitesse proportionnelle à l'angle décrit par le levier de manœuvre; 4°Ramener la tourelle à l'arrêt, par une succession de phases inverses de celles de la mise en marche; 5° Provoquer l'arrêt instantanément, mais cepen- dant sans à-coup ni mouvement de lancé provenant de l’inertie de la grande masse en mouvement: 6° Obtenir, à volonté, dans les deux sens, par de petils mouvements du levier de manœuvyre, des déplacements extrêmement faibles permettant de pointer avec la plus extrème précision; 1° Assurer l'arrêt automatique à chaque extré- nilé de la course de la tourelle, avant que celle-ci vienne heurter contre les butées mécaniques, el sans rompre brusquement le cireuit du mo- teur, atin d'éviter les éti celles. Les quatre premières conditions ont été facile- ment obtenues, gràce à une série convenable de résistances et à un commutateur comportant un nombre suffisant de divisions. Pour obtenir l'arrêt immédiat, on a donné au pointeur la possibilité, non seulement de couper le courant, mais encore de mettre le moteur en court circuit, tout cela par un simple mouvement de levier; de cette facon, le moteur transformé en générateur remplit vis-à-vis de la tourelle le rôle d’un frein très énergique. Les faibles mouvements destinés à assurer la précision du pointage ont été obtenus par une disposition permettant de déplacer le frotteur de quantités très petites, alternativement des deux côtés de la position de démarrage. La dernière condition, re- lative à l'arrêt automatique de la tourelle aux deux extrémités de sa course, qui constituait le point le plus délicat, a été ingénieusement réalisée, au moyen d'un embrayage magnétique, dont le courant seul est coupé par les butées, et qui, abandonnant le porte-balais du commutateur du rhéostat, lui laisse la faculté de revenir rapidement à la position zéro, sous l’action d’un ressort. La cartouche électrique, à l’aide de laquelle ces multiples résultats ont été atteints, et que re- présentent schématiquement les figures 14 et 45, renferme trois groupes d'organes distincts : les appareils de commutation à la partie haute; le commutateur de marche, avec son rhéostat, à la partie basse; au centre, l'entraîneur magnétique, reliant entre elles les deux parties précédentes, ou les séparant à volonté. L'installation est complétée par les butées fixes, placées sous le pont cuirassé, à droite et à gauche de la tourelle, et qui ont pour effet de couper le courant de l'entraîneur magné- tique, un peu avant que la tourelle arrive aux ex- trémités de sa course. Les détails de l'appareil sont donnés par la légende très explicite, qui ac- compagne les figures 14 et 15. Voici comment il fonctionne. Lorsque, par l'ac- tion des commutateurs du tableau général, les sénératrices sont fermées sur le cireuit de la tou- relle, mais que la manette est dans sa position zéro, le circuitest encore ouvert dans la cartouche. el par suite aucun courant ne passe dans le moteur, qui est d'ailleurs en court circuit. Seul le circuit de l’entraineur magnétique est parcouru par un cou- rant dérivé. Lorsque le pointeur actionne, dans un sens ou dans l’autre, sa manette N, le levier 6, qui en est solidaire, prend la position voulue pour assurer le retour du courant de l'entraîneur par celles des butées 8 ou 10, qui correspond à la direction du mouvement; en même temps le levier 11 est dis- posé pour envoyer au moteur M le courant dans le sens voulu. La rotalion de l'arbre 1 entraine celle GÉRARD LAVERGNE — LES APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ À L'ARTILLERIE 599 += 7: 2 SS SA TS POS ST CLÉ SSS : £ GER RSS | Fig. 16. Fig. 14 et 15. — Carlouche électrique de MM. Canet et Hillairet-Huguet pour la manœuvre électrique des tourelles. — Fig. 14. Coupe transversale. — Kig. 15. Schéma des connerions. — 1, arbre de la cartouche portant la manette de manœuvre N ; 2, montants en fonte formant carcasse pour l'enveloppe de la cartouche; cette enveloppe est constituée par des plaques de tôle cintrées; 3, plateau de fonte sur lequel sont boulonnés les montants 2; 4, cliquet à ressort assurant l'arrêt franc de la manette N sur les divisions du cadran 5; 6, premier levier de commutation, claveté sur l'arbre 1, mobile sur les touches 33, 34, 35 : la touche 33 est en relation permanente avec le circuit dérivé, qui traverse l'entraîneur magnétique ; les touches 34, 35 communiquent respectivement avec les butées fixes 9, 10 et 7, $. Le levier 6, toujours en contact par l’une de ses extrémités avec Ja touche 33, frotte par l’autre sur l'une des touches 34, 25, assurant de la sorte le retour du courant de l'entraîneur magnétique par l'une ou l’autre des butées. Quand la manette N est à sa position zéro, le levier est à cheval sur les deux touches 3%, 35: 11, second levier de commutation, claveté aussi sur l'arbre 1, mobile sur les touches 12 à 16. Les touches 12, 12, sont en relation avec le circuit principal; les touches 14 et 15 communiquent avec les balais du moteur M de la tourelle, la première par l'intermédiaire du commutateur de marche et du rhéostat, la seconde directement; 13 et 16 sont des contacts neutres sur lesquels se trouve le levier 11, quand la manette N est au zéro. Lorsqu'on l'amène à droite ou à gauche de cette osition neutre, en reliant les touches 12 ou 12, avec les touches 14 et 15, il change le sens du courant à l'intérieur de a dynamo M: 17, 18, secteurs dentés, calés, le premier sur l'axe 1, le second sur l'enveloppe de l’électro 19; 19, électro- aimant mobile autour de l'arbre horizontal, qui passe suivant son axe; 20, armature de l'électro. Cette armature porte une dent qui, lorsque l’électro est excité et l'armature attirée, pénètre dans un logement que porte l'électro et les rend solidaires. Quand l'électro n'est=nas excité, le réssort à boudin, qu'on voit au centre de la bobine, éloigne l'armature de l'électro. L'armature porte aussi une broché 36, par laquelle, une fois solidarisée avec l'électro, quand elle tourne avec ce dernier autour de l'axe horizontal, elle agit sur l’une ou l’autre des pièces 37, 38, solidaires elles-mêmes des secteurs dentés 21, 22: 21, 22, secteurs dentés engrenant avec le pignon 23, qu'ils conduisent dans des sens opposés; 24, levier du commutateur de marche 25, qui est construit comme le collecteur d'une dynamo. Ce levier porte d'un côté les balais du collecteur 26, de l'autre Je contact 27, qui, lorsque la manette est au zéro, relie les pièces 28 et 29, et, par elles, met en court circuit le moteur M: 30, ressort ramenant le levier 24 à sa position zéro, quand le circuit de l'entraineur magnétique est automatiquement coupé par le contact d'un des butoirs mobiles, qui porte la tourelle avec la butée fixe qui lui correspond sur le pont cuirassé. Ces butées fixes 7, 8 et 9, 10 sont constituées chacune par un cylindre de matière isolante, dans lequel peut glisser suivant l'axe une tige métallique : quand celle-ci est maintenue par un ressort au contact d'une lame de métal fixée à l'intérieur du cylindre, le circuit de l'entraîneur est fermé; mais quand le butoir de la tourelle rencontre la butée du pont cuirassé, la tige glisse suivant l'axe de cette derniére, et le circuit est coupé dans l'entraîneur magnétique ; 31, résistances du rhéostat, auxquelles sont reliées les diverses touches du commutateur 25; 32, disques isolant les résistances 31. 596 GÉRARD LAVERGNE — LES APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ A L'ARTILLERIE du secteur 17, qui en est solidaire, et, par suite celle du secteur 18, en prise avec le précédent; l'électro, sur l'enveloppe duquel le secteur 18 est monté, tourne done, et avec lui l'armature 20 et la broche 26. Celle-ci actionne l’une des pièces 37 ou 38, et celui des secteurs 21 ou 22, qui correspond à cette pièce, fait tourner le pignon 23. La rotation du levier 24, d'une part, éloigne la pièce 27 des contacts 28 et 29, et par là rompt le court cireuit dans le moteur M; d'autre part, elle fait parcourir aux balais 26 les touches du commutateur 25, en relation avec les résistances progressivement dé- croissantes du rhéostat 31. Le courant est done admis, à l'intérieur du mo- teur M, à un potentiel d'abord très faible; mais qui croit à mesure que se prolonge le trajet de la ma- nette. Dès qu'il atteint la valeur requise pour le départ du moteur, le démarrage se produit, d'ail- leurs sans à-coups; c'est aussi sans à-coup, el quelle que soit la brusquerie des impressions recues par la manette, que la vitesse du moteur augmente jusqu'à sa valeur maximum. Inverse- ment, l'arrêt de la tourelle, provoqué par le retour de la manette au zéro, ne se produit qu'après que le moteur a parcouru la même gamme de vitesses qu'à l'aller; aussi, quelque rapide qu'il soit, cet arrêt n’est jamais brusque. Le retour de la manette au zéro remet en court circuit le moteur électrique, et tout mouvement de lancé est évité, malgré l’im- portance de la masse tournante. Ce qui se passe, par suite du déplacement de la manette dans un sens, se reproduit dans le sens opposé, les con- nexions étant automatiquement inversées par les leviers 6 et 11, au passage de la manette au zéro. On voit donc que, la tourelle étant dans une posi- tion quelconque, le pointeur peut toujours amener rapidement la ligne de mire dans la direclion du but, par un simple mouvement de la manivelle, dans le sens même qu'il veut imprimer à la tou- relle ; il lui est ensuite très facile de terminer le pointage ainsi dégrossi, par de petits mouvements alternatifs donnés à la manette. Le moteur étant lancé à une vilesse quelconque au cours d'une manœuvre, si le pointeur abandonne sa manette, s’il est blessé, par exemple, pendant le combat, la tourelle continue son mouvement; mais, à l’ap- proche de l'extrémité de sa course, l’un des butoirs mobiles arrive au contact de la butée fixe qui lui correspond, le courant de l’entraineur magnétique est rompu, et, par suite, les organes de marche tant brusquement rendus indépendants ‘de tout ie système, le ressort 30 amène au zéro le frotteur du commutateur 25, et, au moment où le courant est coupé, les balais du moteur sont mis en court circuit : l'arrêt est immédiat. Pour embrayer de nouveau, il suffit de ramener la manette au zéro : le circuit de l'entraineur est alors fermé sur la seconde butée, et tout est disposé pour imprimer à la tourelle un mouvement inverse du premier. Toute fausse manœuvre est impossible, car le cir- cuit de l'entraîneur n'étantrétabli que par la butée qui n'a pas agi, on ne peut imprimer à la tourelle qu'un mouvement de retour; un déplacement in- verse de la manette aurait pour effet de couper immédiatement le circuit. En ce qui concerne la commande électrique du monte-charges, le dernier organe de la tourelle qu'il nous reste à décrire, le problème était moins complexe, puisque, d’une part, la vitesse de marche devait être constante, et, d’autre part, les arrêts en haut et en bas devaient se produire en des points fixes. Aussi, tout en basant les appareils de commande sur les mêmes principes, a-t-il été pos- sible de les simplifier. L'ensemble du commutateur affecte la forme d'une boite rectangulaire de très faible épaisseur, ne laissant dépasser extérieure- ment que la manette. Par le mouvement de celle-ci dans un sens ou dans l’autre, on provoque à vo- lonté la montée ou la descente. Le pourvoyeur peut mème, s’il le désire, arrèter le monte-charges en un point quelconque de sa course; il n'a qu'à ramener la manette au zéro. Le moteur électrique est disposé sur une pelite plate-forme (fig. 10) fixée sur le tube de la tourelle, dès lors mobile avec elle; le moteur est constamment en mouvement pendant la durée du tir. Dans la transmission, qui le relie au monte-charges, est intercalé un embrayage à friction, qui a pour but d'arrêter celui-ci, tout en laissant marcher le moteur. Le monte-charges est constitué par une chaîne sans fin, dont les godets reçoivent indifféremment les projectiles ou les demi-gargousses. Le moteur pour le pointage en direction d'une tourelle de 24 centimèlres a ordinairement une puissance d'une quinzaine de chevaux, sur lesquels deux tiers seulement sont utilisés en service nor- mal. Un moteur de huit chevaux actionne la noria du monte-charges. Nous arrêlerons ici cette revue des applications de l'électricité à l'artillerie. Nous aurions pu assu- rément l'étendre à d'autres emplois du même agent, notamment aux transmetteurs d'ordre, dont l'usage se répand beaucoup sur les navires, et qui dans l’espèce sont destinés à assurer des communi- cations faciles entre le commandant de l'artillerie el les diverses pièces, mais cela nous aurait conduit à étendre démesurément un article déjà trop long !. Gérard Lavergne, Ingénieur civil des Mines. 1 La figure 2 de cet article nous a été prèlée par l'Ec'ai- rage Electrique, les figures 9, 40, 11, L£ et 15 par le Génie civil, Nous désirons remercier ici ces journaux de leur obligeance. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 537 BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques Du Ligondès (Lieutenant-colonel R.). — Formation mécanique du Système du Monde. — 1 vo/. in-8° de 177 payes. Gauthier-Villars, éditeur. Paris, 1897. L'ouvrage du Lieutenant-colonel du Ligondès contient nombre de vues nouvelles et ingénieuses; plusieurs re- marques intéressantes complètent heureusement l'es- quisse tracée par M. Faye dans son beau livre Sur l'ori- gine du monde, dont l’auteur s’est largement inspiré. Ce ne sera pas l’un des moindres services rendus par M. Faye que d'avoir ramené l'attention du monde sa- vant sur les questions d'origine, naguère abordées avec une confiance excessive et aujourd'hui, par contre, un peu délaissées comme si elles étaient chimériques. Il n'en est rien; le ferme bon sens de Le Verrier ne s'y est pas trompé. Si la place l'avait permis, nous au- rions eu plaisir à reproduire le magnifique tableau des recherches à poursuivre en Astronomie, tracé dans le Rapport qui commence les Annales de l'Observatoire de Paris, ainsi que les réflexions contenues dans une lettre adressée en 1867 à Sir John Herschel, à propos des météores de novembre. Contentons-nous de rappe- ler l'estime témoignée aux travaux de Roche qui s’at- tacha pendant longtemps à approfondir et à dévelop- per les théories cosmogoniques de Laplace au moyen de l'analyse mathématique. O. CALLANDREAU, de l'Académie des Sciences. Stahl (Hermann), Professeur de Malhématiques à Tübin- gen. — Theorie der Abel'schen a PGRonen — 1 vol. in-89° de 354 pages avec fig. (Pric : 15 fr.). B.-G. Teubner, éditeur. Leipzig, 1897. Bien qu'il existe déjà plusieurs excellents traités des fonctions abéliennes, le besoin se faisait vivement sen- tir d’un nouvel exposé de celte importante branche, créée il y a quarante ans par Riemann. L'ouvrage que vient de publier M. Stahl sera donc le bienvenu. Tout en se plaçaut au point de vue de Riemann, l’au- teur a tenu compte des progrès réalisés dans la théorie des fonctions algébriques. Le développement qu'a pris cette branche semble ouvrir à l'étude des fonctions abéliennes une direction nouvelle, dans laquelle, au lieu de faire appel au principe de Dirichlet, dont fait usage Riemann, on adopte une méthode purement alsébrique, basée sur les travaux de MM. Brill et Noether. C'est dans ce sens que l'auteur envisage la théorie dans la première partie de son ouvrage, consacrée aux fonc- tions rationnelles et aux intégrales abéliennes. La seconde partie a pour objet le problème de l'in- version de Jacobi. Elle contient un exposé général des fonctions 6 et de leurs transformations linéaires. Ces fonctions sont étudiées suivant la méthode employée par M. Hermite pour les fonctions elliptiques, et étendue ensuite aux fonctions abéliennes par M. Weber. A l'avantage d’une complète généralité, eëtte manière de procéder joint celui de c onduire directement à la repré- sentation des fonctions algébriques et des intégrales abéliennes au moyen des fonctions 0. Au début de chaque parte, l'auteur a soin de rappe- ler les principaux théorèmes de la théorie des fonc- tions elliptiques et de faire entrevoir comment ils se prêtent à une extension aux fonctions abéliennes, qui ne sont qu'une généralisation des précédentes. C? est là une disposition “heureuse, dont lui sauront gré les lec- teurs qui abordent pour la première fois cet intéressant domaine. H. Feur, Privat-docent à l'Université de Genève, REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897. 2° Sciences physiques Loppé (F.), Ingénieur des Arts et Manufactures. — Les Transformateurs de tension à courants alternatifs, — 1 vol. in-18 de 208 pages avec 49 figures de l'Eney- clopédie scientifique des Aile-Mémoire, publite sous la direction de M.H. Léauté. (Priæ : broché, 2 fr, 50; car- tonné, 3 fr.). Gauthier-Villars et G. Masson, éditeurs. Paris, 1897. / Après avoir doté l'excellente collection des Aide- Mémoire Léauté d'une Ans sur les Accumula- teurs électriques, M. F. Loppé nous donne aujourd'hui un nouveau volume sur les Transformateurs de tension à courants alternatifs, écrit surtout au point de vue de l'étude du calcul et de la construction des transforma- teurs industriels. La détermination des conditions théoriques de fonc- tionnement d'un transformateur à noyau de fer est l'un des problèmes les plus difficiles que présente l’électro- echnique ; aussi faut-il savoir gré à l'auteur d'être parvenu à condenser dans les 200 pages de cet Aide- Mémoire les études théoriques et les données expéri- mentales les plus essentielles, fournies jusqu'ici dans les nombreuses revues techniques sur ce sujet, et que ses fonctions de professeur au Laboratoire central d'Electricité lui ont permis de sélectionner pour le plus grand bien des ingénieurs el constructeurs électriciens, qui trouveront dans ce pelit volume tous les éléments nécessaires pour l'étude et la construction de ce genre de transformateurs. L'ouvrage est divisé en deux parties, l'une théorique et l’autre pratique. Dans la partie théorique qui comprend environ 50 pages, l’auteur établit les équations générales d’un transformateur idéal sans dispersion magnétique età réluctance constante et il étudie ensuite l'influence de la dispersion, de l'hystérésis, des courants de Foucault, de la capacité électro-statique et enfin de la courbe de la force électro-motrice primaire sur les éléments de fonctionnement d'un tel transformateur. Dans la seconde partie, qui est la partie pratique de l'ouvrage, l’auteur donne la description du classe- ment et de l'emploi des différents systèmes de trans- formateurs, de leurs avantages et inconvénients respec- tifs, des meilleures dispositions à donner au circuit magnétique métallique, aux enroulements primaires et secondaires, du choix de la valeur maxima de l'induc- tion dans le fer, de l'épaisseur des tôles suivant la fré- quence du courant primaire et les applications qu'on a en vue. Les électriciens qui abordent pour la première fois cette question sauront cerlainement gré à l'auteur d'avoir donné quelques exemples de calculs numériques des transformateurs industriels les plus courants, étu- diés surtout au point de vue du rendement sous diffé- rentes charges. Cette partie de l'ouvrage est d'ailleurs illustrée de courbes et de nombreux tableaux de don- nées numériques destinées à faciliter les calculs. Si nous avons une critique à formuler, c'est d’avoir à constater, en dehors de quelques fautes de calcul et d'expressions impropres, telles que phases enroulées, phases extérieures et intérieures (jage 202), que l’auteur n'a pour ainsi dire rien consacré aux méthodes à em- ployer pour mesurer le rendement, la puissance de transformation et les différents éléments de fonctionne- ment des transformateurs; cette question a bien sonim- portance cependant dans un ouvrage visant surtout la pratique et les applications industrielles. R. A. 13** 558 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX EEE aa —— Chancel (F.), Préparateur de Chimie à la Faculté des Sciences de Marseille. — Contribution à l’étude des propylamines normales et de leurs dérivés. (Thèse pour le Doctorat de la Faculté des Sciences de Puris). — 1 brochure in-8° de 100 pages avec planches. Bar- thelel et Cie, imprimeurs, 19, rue Venture. Marseille, 1897. Le travail de M. Chancel est une revision des con- naissances acquises relativement aux propylamines normales, au cours de laquelle l’auteur à pu obtenir quelques dérivés nouveaux, {ous prévus par la théorie, et appartenant soit à la classe des propylglycocolles, soit à celle des propylacétamides ou enfin à celle des propylurées. M. Chancel indique avec soin la meilleure marche à suivre pour préparer les propylamines et effectuer leur Séparation; il donne leurs chaleurs de formation et leurs chaleurs de saturation par les principaux acides; enfin il termine son Mémoire par deux notes relatives aux tensions de vapeur des trois propylamines, dont il donne la correspondance avec la température jusque vers lrois atmosphères de pression. L. MAQUENNE, Chargé de Cours à la Sorbonne. Joannis (A.), Professeur à la Faculté des Sciences de Bordeaux, Chargé de Cowrs à la Faculté des Sciences de Paris. — Cours élémentaire de Chimie (Chimie organique). — 1 vo/.in-18 de 262 pages. (Prix: 3 fr.50.) Baudry et Cie, éditeurs, Paris, 1897. Le dernier fascicule du Cours élémentaire de Chimie de M. Joannis vient de paraître. L'importance toujours croissante de la Chimie Organique a obligé l'auteur à développer cette partie de son ouvrage ; l'étendue qu'il lui donne est presque égale à celle que prend l'étude des métalloïdes. Les théories de la valence des éléments et des grou- pements fonctionnels, qui ont rendu ces questions si claires et si aftrayantes, sont présentées au lecteur brièvement et simplement. L'examen des corps deve- nus classiques vient ensuite ; l’auteur à pris soin d'in- diquer pour chaque corps étudié les réactions analyti- ques qui servent à le faire reconnaître. LÉON PIGEON, Professeur adjoint de Chimie à la Faculté des Sciences de Dijon. 3° Sciences naturelles Larbalétrier (A.), Professeur de Chimie et de Techno- logie agricoles à l'Ecole d'Agriculture du Pas-de-Calais. — Les résidus industriels employés comme en- grais. I. Industries minérales et animales. II. In- dustries végétales. — 2 vol. in-18° de 200 et 160 payes de l'Encyclopédie scientifique des Aide-mémoire. (Prix de chaque volume: broché, 2 fr. 50; cartonné, 3 fr.). G. Masson et Gauthier-Villars, éditeurs. Paris, 1897. Les deux volumes que vient de publier M. Larbalé- trier constituent un ouvrage complet sur l'emploi agri- cole des résidus industriels donton a reconnu l'impor- tance et qui permettent aujourd'hui de rendre au sol une partie des éléments fertilisants qui luisont enlevés par les récoltes. La première partie, consacrée aux résidus des indus- tries minérales, comprend l'examen des déchets de la fabrication du gaz d'éclairage, de l'alun, de l'acier. Les eaux et les sels d'ammoniaque, les chaux d'épu- ration du gaz sont étudiés au point de vue de leur com- position, de leur efficacité comme engrais, des matières nuisibles qu'ils peuvent renfermer, des fraudes dont ils sont l’objet. Il en est de même, dans l'industrie de l'alun, pour les cendres pyriteuses et le sulfate de fer : enfin l'auteur insiste spécialement sur l'emploi des scories de déphosphoration obtenues pendant l'affinage de l'acier. | La seconde partie, industries animales, relate, comme Composition et comme efficacité, ce qui est relatif aux résidus des fabriques de laines et lainages, de la tabletterie et industrie des os (noir animal, superphosphates d'os, phosphates précipités), du sang el.de la viande, du cuir, des boyauderies, räpures de cornes, crins et plumes, pains de creton ; un chapitre spécial est réservé aux engrais de poissons, dont M. Lar- balétrier montre l'importance et constate le bon effet. Dans le second volume, qui traite des résidus de malières végétales, l’auteur laisse de côté l'étude des tourteaux de graines oléagineuses qu'il a examinés spécialement dans un des volumes de la Collection Léauté. Les matières abandonnées par les industries des varecks, les sucreries, et les distilleries, les fécule- ries el amidonneries, les brasseries et malteries, les industries textiles, les marcs de vins et de cidres, les résidus des meuneries, des tanneries, les cendres vé- gétales, les détritus de la tourbe et des tourbières, des papeteries, etc., forment le fonds de ce deuxième ou- vrage, qui se termine par quelques mots sur les com- posts et fumiers. Ce dernier sujet est traité un peu succintement, mais il faut reconnaitre qu'il pourrait, à lui seul, former le sujet d’un livre entier. Les diverses études présentées par M. Larbalétrier sont très consciencieuses el sont rédigées surtout au point de vue pratique ; il était intéressant à ce titre de les signaler au monde agricole auquel elles pourront rendre de réels services. A. HÉBert. Binet (\.). — L'année Psychologique. Avec la collabo- ralion de MM. Beauvais, Ripor, HENRI, ele. — 1 vul. in-8° de 82% pages el 105 fig. (Priæ : 15 fr.). C. Rein- wald, éditeur. Paris, 1897. La troisième Année Psychologiqur, qui vient de parai- tre, est conçue sur le même plan que ses deux devan- cières ; elle est formée de deux parties d'importance à peu près égale, des mémoires originaux et des analyses. Les mémoires originaux émanent, pour la plupart, du Laboratoire de Psychologie de la Sorbonne et sont dus à la plume de M. Binet et de ses élèves ; ils sont pré- cédés d’une étude suggestive de M. Ribot sur l’abstrac- tion des émotions. L'auteur s'efforce de prouver que des émotions semblables, en se répétant et en s'addition- nant, donnent lieu à des abstraits rudimentaires, qui diffèrent des idées abstrailes bien développées par l'absence de mot et de signe. L'activité de M. Binet et de ses collaborateurs s’est portée principalement cette année sur l'étude des ques- tions de circulation, partie si importante de la psycho- logie physiologique, puisque la circulation — en y comprenant le cœur et les vaso-moteurs — constitue le réaclüif le plus délicat des phénomènes de conscience, à telles enseignes qu'une personne peut éprouver une émotion si légère qu'elle ne s’en aperçoit pas, et cepen- dant ses vaso-moteurs sont influencés. Cinq articles, en collaboration avec M. Courtier, nous montrent les modifications de forme du pouls capillaire suivant les heures de la journée, et sous l’in- fluence du travail intellectuel, du travail physique et de la vie émotionnelle. Ici même, il y a quelques mois, M. Binet à tracé l'historique de la question, à laquelle se rattachent les noms de Marey, François- Franck et Mosso. Les investigations qu'on nous met sous les yeux, avec de nombreux tracés à l'appui, nous montrent que la forme du pouls capillaire varie sui- vant les heures de la journée d’une manière très régu- lière, et qu'elle est surtout influencée par les repas; le travail intellectuel agit de deux manières, suivant qu'il est court ou prolongé ; dans le premier cas il agit comme excitant, il accélère le cœur et la respiration, et impressionne le système vaso-moteur; dans le second cas, c'est la dépression qui domine. Le travail museu- laire, étudié sous le rapport de son action sur les capil- laires, doit être distingué en deux formes; l'effort très énergique, par exemple la pression au dynamomètre, tend à effacer le dicrotisme de la pulsation; l'effort plus modéré et général, celui qui active la respiration par exemple, comme la marche, produit un effet inverse, une accentuation du dicrotisme. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 99 Sous le titre de La vie émotionnelle, nous trouvons un ensemble de recherches relatives aux rapports des émotions avec le pouls capillaire. MM. Binet et Cour- lier avouent qu'ils ne sont pas parvenus à des conclu- sions précises, à cause de la complexité du sujet; en revanche, toute cette partie fourmille d'observations curieuses et d'expériences inattendues, faites pour pro- voquer au laboratoire différentes émotions de plaisir, el surtout de peur et de dégoût. Les auteurs ont pu étu- dier un sujet d'élite chez lequel la qualité méme de l'émotion s'exprime dans la forme du pouls. Unautre travailde psychologie physiologique qui se rat- tache au précédent est celui de MM. Binet et Vaschide sur la pression du sang. C’est un problème toujours d’actua- lité. Les auteurs sont arrivés à des conclusions fermes, en étudiant douze sujels ; voici {rois propositions qui résument une partie de leur travail : 1° quand il s'agit de phénomènes aussi délicats que ceux de la pression du sang, il faut bannir toute appréciation subjective et ne se servir que de tracés. Aussi les auteurs n’ont-ils employé ni le sphygmomètre de Bloch, ni celui de Basch, mais l'appareil plus récent de Mosso; 2 il est impossible, jusqu'ici, de mesurer la pression d'une manière absolue, mais on peut mesurer exactement les changements et les variations de la pression; 3 le travail intellectuel, les émotions, le travail physique (sans suspension de la respiration) produisent, au mo- mentmême où ilsse manifestent, une hausse de pression. Les autres mémoires originaux ont trait à des ques- lions de psychologie expérimentale. Signalons des études de M. V. Henri sur Les premier; souvenirs de l'enfance, et sur l'Expérience d'Aristote, des études de M. Binet sur le Paradoxe de Diderot, et sur la Description d'un objet, une élude de M. Vaschide sur La loculisation des souvenirs, et enfin une revue générale de M. Henri sur le Travail psychique et physique. La deuxième partie contient 500 pages consacrées à l'analyse des travaux de l'année, parus en France et à l'étranger, sur la Psychologie. Les analyses ont été con- cues de manière à dispenser de recourir aux sources, et elles sontriches en tables, graphiques, figures. Quelques- unes n'ont pas moins de 20 pages de longueur. Enfin, uve table bibliographique de 2.234 numéros complète cette importante publication. N. VASCHIDE. 4 Sciences médicales Dumas (G.). — Les états intellectuels dans la mé- lancolie. — 1 vol. in-8° de 142 pages. (Prix : 2 fr. 50). FE. Alcan, éditeur. Paris, M. Dumas s'est tout d'abord proposé dans ce court mémoire, qui lui a servi de thèse inaugurale, de déter- miner les relations qui existent chez les mélancoliques entre l’état émotionnel et les représentations, et en particulier les idées délirantes'. Laissant de côté la mélancolie avec stupeur et la mélancolie apxieuse, il s’est exclusivement attaché à l'étude des deux autres variétés, généralement admises, de cette affection : la mélancolie avec conscience et la dépression mélanco- lique. Dans la majorité des cas, les idées pénibles et les conceptions délirantes ont leur origine, à ses yeux, dans l’état affectif; il est la cause et non le résultat des pensées douloureuses qui envahissent l'esprit du ma- 1 M. Dumas a étudié, avec de plus amples développe- ments et par des méthodes expérimentales précises, les relations qui unissent les états organiques et en particulier les variations circulatoires et respiratoires aux émotions agréables ou pénibles, dans trois articles qui ont paru dans la Revue philosophique en juin, juillet et août 1896, sous le titre de : Recherches expérimentales sur La joie el la Lris- Lesse ; il a tenté d'analyser, dans ce même travail, le méca- nisme par lequel la présence dans la conscience de telle ou telle représentation détermine telle ou telle variation cireu- latoire ; ses recherches ont porté sur quelques sujets nor- maux et surtout sur des aliénés : paralytiques généraux, a LE maniaques, délirants chroniques, dégéné- rés, etc, lade et c'est dans un état organique de dénutrition, d'anémie ou d'intoxicalion qu'il trouve lui-même son explication. Les motifs que le mélancolique assigne à sa tristesse lui sont suggérés par sa tristesse même el lui servent à se la justitier, Mais il est d’autres cas où c'est bien une obsession douloureuse, une idée déli- rante de caractère pénible, parfois même un événement réel qui crée dans un esprit, d’ailleurs prédisposé, cet état de dépression et de tristesse. Il convient d'ajouter d'ailleurs que dès que la tristesse et la dépression se sont emparées d'un esprit, le même mécanisme joue que précédemment et l'état émotionnel engendre à son tour des représentations qui servent à le moliver et à le justifier plus pleinement. Il faut aussi remarquer que l'idée délirante se développe d'autant plus aisément, que l'événement douloureux produit un choc émotion- nel d'autant plus violent que la santé générale du ma- lade est plus altérée, que ses centres cérébraux ont été amenés par la fatigue, le surmenage ou l'intoxication à un état de moindre résistance. Dans les deux cas, qu'il s'agisse d’un état affectif inexpliqué ou d’une idée délirante obsédante et douloureuse, nous trouvons en action la même loi synthétique, qui contraint le moi à mettre l'unité et l'harmonie entre les divers états qui le constiluent. En même temps que par la tristesse, la mélancolie se caraclérise souvent par une sorte d’alonie de la volonté, d'incapacité du malade à exécuter ce qu'il s’est déterminé à accomplir. Le mélancolique a très fréquemment le sentiment de ne pas pouvoir pren- dre une décision ou d’être impuissant à vouloir jus- qu'au bout, à traduire par des actes la décision prise. L'aboulie est primitive chez ces malades, elle n’est poiat causée par leurs idées délirantes; elle résulte comme leur état affectif de leur état organique, des troubles que la dénulrition de leur cerveau détermine dans les processus d'association; mais, obéissant à la loi de synthèse qui les conduit à se créer des motifs qui justifient leur tristesse, leur impuissance à agir suscite dans leur conscience des idées qui leur apparaissent comme de bonnes raisons de ne point agir, et comme les actes « automatiques » ont persisté rapides et éner- giques à côté du ralentissement et de l'inhibition par- üielle de l'activité volontaire, ils ont tendance à se dédoubler et à attribuer ces actes qui se produisent en eux sans qu'ils les aient, à proprement parler, consen- lis, à l'intervention d’un autre être qui les leur impose du dehors. C'est ce mème ralentissement, ce même appauyrissement de l'activité psychique qui explique l’envahissement rapide du moi tout entier par des émotions douloureuses et des idées pénibles avec les- quelles des conceptions d’un autre caractère et d'une autre couleur ne viennent pas en conflit. L'idée pré- dominante s'installe aisément parce que nulle pensée venue du dehors ne peut en cette lenteur et cette paresse de l'esprit faire contrepoids aux représenta- tions qui ont leur origine daos l’état organique. M. Dumas s'est donné pour tâche de fournir, en un exemple particulier, une vérification de Ja loi de Lange-James sur la relation qui unit aux phénomènes physiologiques qui les accompagnent, les états émo- lionnels et de mettre, du même coup, en lumière le rôle, dans la vie psychique des aliénés, de ces processus de synthèse et d'assimilation dontM. F. Paulhan et Pierre Janet, en première ligne, se sont efforcés d'établir la primordiale imporlauce. Si la solution qu'il présente de ce double problème n’est point à coup sûr définitive ni complète, du moins la question a-t-elle été posée par lui plus nettement, el sur deux points l'origine organique de la dépression mélancolique et le caractère « secondaire » dans bon nombre de cas des idées déli- rantes, doit-on lui donner cause gagnée. Il n'est que juste d'ajouter d'ailleurs que lopinion soutenue par M. Dumas élait depuis longtemps celle de Ja majorité des aliénistes, encore qu'ils ne l'aient pas (oujours ex- posée avec une suflisante clarté, L. MARILLIER, Agrégé de l'Université, 560 ACADEMIES ET SOCIETÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 31 Mui 1897. M. Bouquet de la Grye annonce le décès de M. Léo- pold Manen, Correspondant pour la Section de Géo- graphie et de Navigation. 49 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — MM. Lœwy et Puiseux essaient de retracer l’histoire du sol lunaire, d’après l'étude des dernières photographies qu'ils ont faites. Ils concluent de nouveau à l'absence d'eau ou de glace à la surface de notre satellite. [Is montrent que l’état plus ou moins parfait de conservation des cirques, de même que l'étude des traits linéaires offrent deux bases so- lides pour l'établissement d’une chronologie lunaire. — M. O. Callandreau à éludié le rôle du Soleil et de Jupiter dans la désagrégation des comètles à courte période. Il conclut : 4° que la forme elliptique de l'or- bite facilite la désagrégation ; 2° la distance du noyau au Soleil restant la même, l'étendue de la sphère de stabilité augmente avec la vitesse du noyau; 3° il suffit que la comète rase la sphère d'attraction de Jupiter pour que l'influence combinée du Soleil et de Jupiter pour désagréger la comète, près de l’aphélie, dépasse notablement celle du Soleil près du périhélhe. — M. J. Boussinesq donne les équations de l'écoulement des liquides dans les lits à grande section; il étudie, en particulier, le régime graduellement varié qui règne entre la première seclion amont où les filets fluides sont presque parallèles, mais (trop rapides près de la paroi et trop lents au centre pour se conserver tels, et la section très distante où le filet central a pris toute sa vitesse, après s'être accéléré à mesure que le fluide extérieur se ralentissait. — M. G. Perry adresse une note relative à une équation générale des fluides. — M. E. von Weber étudie les équations aux dérivées par- üelles du second ordre, dont les deux systèmes de caractéristiques sont confondus ; il se propose de cher- cher toutes les caractéristiques du troisième ordre pas- sant par une caractéristique donnée du second ordre. — M. E. Cartan communique quelques théorèmes sur les systèmes de nombres complexes. Tous les systèmes simples rentrent dans un même (ype; ils sont d'ordre p°, p élant un entier quelconque. Tout système qui n'est ni simple, ni demi-simple, est formé d’un sous- système invariant pseudo-nul et d'un sous-système sim- ple ou demi-simple.— M. E.-M. Lémeray communique quelques considérations sur la convergence des substi- tutions uniformes. — M. P. Painlevé éludie les petits mouvements périodiques des systèmes et montre que, dans le voisinage d'une position d'équilibre stable, il existe, en général, une infinilé de mouvements pério- diques réels. — Dans le calcul du rendement des engre- nages, on néglige généralement le frottement des tou- rillons; M. L. Lecornu montre que, pour en tenir compte, il suffit, dans la formule usuelle, d'ajouter à la longueur p le rayon / des tourillons. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. Violle présente un rap- port sur les précautions à prendre dans Pinstallation des conducteurs électriques au voisinage des magasins à poudre : N'admettre dans le voisinage des magasins à poudre que des lignes en parfait état d'installation. Rejeter toute ligne élrangère à 20 mètres au moins si elle est aérienne, 10 mètres si elle est souterraine. hnposer la mème limite aux conduites métalliques sou- terraines (eau, gaz, etc.) — M. Ponsot montre que l'étude de l'influence de la sarfusion sur l'abaissement du point de congélation par une méthode cryoscopique donnée permet de se rendre compte des erreurs systé- imaliques de cette méthode. — MM. H. Moissan ef J. Dewar ont liquélié le fluor (préparé par électrolyse du fluorure de potassium) à — 185°, en le plaçant dans de l'oxygène liquide bouillant sous pression réduite. A basse température, le fluor n'attaque plus le verre, ni la plupart des métalloides. — M. R. Colson adresse un mémoire ayant pour titre : « Action du zinc sur la pla- que photographique. » — MM. Wyrouboff et Verneuil indiquent un nouveau procédé pour obtenir du cérium absolument pur. Par les procédés de Mosander et de Debray, on obtient généralement un oxyde intermé- diaire CetO7 = Ce*0f, 3 Ce0; si on le dissout à chaud dans l'acide nitrique, puisqu'on ajoute du nitrate d'ammoniaque, Ce‘O* se précipite, tandis que Ce0 reste en solution avec tout le lanthane et le didyme. L’oxyde précipité ne renferme plus qu'un peu de thorium et de fer, qu'on peul séparer ultérieurement.—M.H.Moissan a obtenu du cérium parfaitement pur en dissolvant du carbure de cérium dans l'acide nitrique par trois atta- ques successives; la solution obtenue dans la deuxième attaque donne du cérium pur, la premième solution renfermant le {horium et la dernière le fer, — M. F. Osmond à poursuivi l'étude des alliages du groupe argent-cuivre; il montre que les constituants jaune et blanc des alliages, visibles au microscope, ne sont res- pectivement ni du cuivre ni de l’argent pur, mais bien des dissolutions solides des deux métaux. En effet, si l'on examine au microscope un alliage contenant 0,5 °/o d'argent, on n'apercoit pas d'argent libre; de même pour le cuivre; il y à donc solubilité mutuelle. — M. José Rodriguez Mourelo montre qu'un principe d'oxydation et une structure particulière sont néces- saires pour que le sulfure de strontium soit susceptible de phosphorescence. — M. L. Prunier donne une nou- velle théorie de la formation des éthers-oxydes. Au lieu de prendre comme base la régénération continuelle de l'acide sulfurique à l'état libre, il paraît préférable d'admettre que l’action de l’alcool, ajouté peu à peu, porte principalement sur les deux éthers sulfuriques, et surtout sur les deux produits de décomposition, les dérivés sulfonés, qui constituent en grande partie les résidus. — MM. J. Ville et J. Moitessier ont constaté que la phénylhydrazine donne, avec les chlorures mé- talliques, des combinaisons analogues à celles que four- nissent l'ammoniaque et les bases organiques (aniline, toluidines, etc.}.— M. A. Gautier pense que les maliè- res humiques ne fertilisent pas le sol parce qu'elles sont absorbées par les plantes, mais surtout parce qu'elles aident au développement des algues et des microbes fixateurs d'azote. — M. Léo Vignon donne la description dun nouvel appareil pratique servant à l'analyse industrielle des gaz. — M. E. Chuard à cons- laté, dans les produits de décomposition de l'acétylène par l'eau, la présence d'hydrogène phosphoré, insecli- cide puissant. Le carbure de calcium semble devoir ètre employé avec succès dans la lulte contre le phyl- loxéra. 3° SCIENCES NATURELLES. — MM.S. Arloing el Edouard Chantre ont étudié le muscle sphincter ant. Il est relié à la moelle par deux branches nerveuses paires, com- prenant chacune des neurones centrifuges et des neurones centripèles. Ces derniers puisent dans le muscle en contraelion une excilation ordinairement capable de mettre en jeu le centre moteur réflexe de l'organe. — M. G. Weiss donne la description d’une balance enregistrante, permettant de tracer la courbe de variation de poids d’un corps; on peul se servir d'une balance quelconque, qu'on relie électriquement à l’enregistreur. L'auteur à appliqué son appareil à l'étude des produits de la respiration. — M. Bouchard annonce quil à entrepris les mêmes études avec un appareil analogue. — M. Mathias Duval à éludié le développement de la vésicule ombilicale du Murin ; il a constaté que le placenta est bien allantoïdien et non - ombilical; en outre, l’endothélium primitivement plat de la vésicule se trans'orme en un épithélium cylin- drique. — M. Bonnafy communique la statistique mé- dicale du corps d'occupation de la Cochinchine de 1861 à 1888; la mortalité est tombée de 115 °/ au début à 16,9 °/ aujourd'hui. L'auteur conclut en demandant la fixation à 22 ans de l’âge minimum pour le service dans les Colonies et l’hospilalisation des militaires dans les établissements civils. — MM. Paul Richer el Albert Londe décrivent, sous le nom d’érythème ra- diographique des mains, une affection cutanée spéciale, due à l'action longtemps prolongée des rayons X, et qu'il leur a été donné d'observer récemment chez deux sujets. — M. Marécaux adresse la description d'un procédé pour la destruction des criquets. — M. Claude Gaillard décrit un nouveau genre d'Insectivore trouvé - dans le Miocène moyen de la Grive-Saint-Alban (Isère); c'est Le Plesiodimylus, de la famille des Dimylidés. 1 s | Séance du 8 Juin 1897. —._ 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. H. Poincaré appli- - que la théorie des intégrales doubles à l'étude du déve- « loppement de la fonction perturbatrice. — M. Lœwy | communique Jes mesures micrométriques d’éloiles « doubles faites à Saint-Pétersbourg et à Domkino par M. S. de Glasenapp. — M. J. Boussinesq donne les - formules de première approximation dans la théorie - générale des régimes graduellement variés dans lécou- - lement tourbillonnant des liquides. Il montre, en parti- | eulier, qu'à égalité de vitesse moyenne, la vitesse au fond croît quand le mouvement s'accélère soit d’amont en aval, soit sur place. — M. A. Pellet communique quelques théorèmes sur les surfaces ayant même re- présentation sphérique. — M. E. Goursat montre que - les équations aux dérivées partielles du second ordre dont les systèmes de caractéristiques sont confondus, signalées récemment par M. E. von Weber, sont iden- tiques à des équations qu'il a étudiées dans ses Lecons. — M. E. Cartan communique de nouveaux théorèmes sur les systèmes réels de nombres complexes dont chaque nombre est l'ensemble de x nombres essentielle- "R ” ment réels. — M. J. Andrade adresse une note sur l'impossibilité mécanique de la Géométrie de Lobat- chewsky. 29 ScIENCES PHYSIQUES. — M. H. Deslandres a continué l'étude des rayons cathodiques simples, c'est-à-dire inégalement déviés par le passage au bord d’un corps conducteur. Ces rayons forment un véritable spectre, et ils correspondent à des oscillations électriques simples. — M. Lecoq de Boisbaudran compare les résultats qu'il a obtenus dans l'étude de différents spectres métalliques avec les résultats de MM. Eder et Valenta. — MM. A. Gautier et H. Hélier ont étudié l'action de la lumière sur les mélanges de chlore et d'hydrogène. La lumière blanche provoque la combi- naison du mélange; la réaction n'est pas limitée par l'acide chlorhydrique qui se forme; la combinaison se rapproche lentement de la combinaison totale et finit par être complète ; la formation de l'acide chlorhy- drique diminue simplement la vitesse de Ja réaction. La présence d’un excès de chlore ou d'hydrogène ou d'un . peu d'humidité active singulièrenent la réaction. — M. M. Berthelot montre que, dans l'étude de la com- binaison des gaz renfermés dans un récipient, il faut tenir compte de l'influence exercée par la paroi du vase; celle-ci est, en effet, capable d'agir soit sur les composants, soit sur le composé formé, et c'est de ces réactions que dépend souvent la limitation du phéno- mène. Ces réserves s'appliquent surtout à la combinai- son de l'hydrogène et de l'oxygène gazeux. —M.A.Gau- tier à bien reconnu l'influence des parois, maisil pense qu'elle intervient, dans le cas précité, non pour limiter, ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 561 mais pour régler la chaleur et la vitesse de combinai- son. — M. M. Berthelot présente son ouvrage sur la « Thermochimie ». L'auteur a dressé un vaste recueil des mesures thermochimiques effectuées depuis dix- huit ans: il a rectifié la plupart des mesures et des cal- culs qui lui paraissaient entachés d'erreurs. Puis il à mis en évidence les lois et relations numériques qui ressortent de l’ensemble des résultats acquis.— MM.W7y- rouboff et A. Verneuil ont délerminé le poids ato- mique du cérium très pur qu'ils ont obtenu par des méthodes déjà décrites. Ils ont pesé l'eau de cristallisa- tion du sulfate, puis pesé l'oxyde Ce*0!* résultant de la calcination du sulfate. Les deux méthodes ont donné, comme poids atomique, le chiffre 92,7, qui doit être considéré comme très approximatif, — MM, W. Lou- guinine et Iv. Kablukov ont délerminé la chaleur dégagée par l'addition du brôme à quelques substances non saturées. Les chaleurs d'addition du brôme à l'al- cool allylique et à ses dérivés sont très voisines entre elles ; la substitution dans l'alcool allylique de l'hydro- gène par le phényle diminue notablement la chaleur d'addition ; il en est de même pour les groupes acéto- nique et aldéhydique. — M. J. Moitessier décrit les combinaisons de la phénylhydrazine avec les bromures métalliques. — MM. Ph. Barbier el G. Leser ont obtenu, par l'action de l'acide sulfurique dilué sur le citronellal, un menthoglycol, ainsi que de l'isopulégol et un autre produit non déterminé. Cette réaction les conduit à donner au citronellal la formule : CH = C — CH? — CH° — CH? — CH — CH* — CHO lus Que M. Balland indique une méthode pratique pour déceler les impuretés de l'aluminium soit à 99 °/,, soit allié à 2 ou 3 °/, de cuivre. — MM. A. Hébert et G. Truffaut ont étudié les causes de l'affaiblissement des Orchidées et particulièrement des Cattleya labiatu autumnalis, qui dépérissent après avoir fleuri six ou sept ans. La dégé- nérescence de ces végétaux doit être attribuée à la pro- duction des fleurs qui enlèvent chaque année à la plante une partie de ses éléments minéraux. On peut y remédier par l'emploi d’un engrais renfermant de l'azote, de la potasse, de l'acide phosphorique, de la chaux et de la magnésie. 30 SctENCES NATURELLES. — M. Ad. Chatin donne la description d'un nouveau Terfàs récolté à Morphon, dans l'ile de Chypre. Il constitue une espèce nouvelle, que l’auteur propose d'appeler Terfezia Aphroditis, — M. B. Renault à constaté que les Algues houillifiées qui constituent les Bogheads renferment de grandes quantités de Microcoques, souvent difficiles à distinguer ; ils sont tantôt dispersés sans ordre dans les thalles écrasés ou désorganisés, tantôt, au contraire, organisés suivant la direction des membranes moyennes. L’es- pèce la plus importaute est le Micrococeus ypetrolei, mesurant 0,4 à 0,5 a. — M, J.-J. Andeer poursuit ses recherches sur les ostioles ; à l’état normal, ces corps sécrètent le liquide nécessaire pour humecter les sur- faces des organes de la cavité péritonéale, L'ostiole peut aussi servir de porte d'entrée aux ennemis de l'organisme, particulièrement aux bactéries. La plèvre possède, comme le péritoine, un appareil ostiolique. — M. Gustave Nepveu à étudié les lésions infectieuses de la peste; elles sont à la fois leucogéniques, dia- pédéliques, pyogéniques, dégénératives, congesuves, hémorragiques, œdémateuses et coagulantes. — M. H. Grasset adresse un mémoire iutitulé : Etude théo- rique et pratique sur le poumon, ses fonclions et ses maladies. La tuberculose et sa guérison clinique. Louis BRUNET. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 1° Juin 1897. MM. Pinard el Varnier présentent un monsire sÿmé+ lien, ayantsuccombé peu d'instants après la naissance ; les membres inférieurs sont soudés el se terminent par deux avant-pieds libres. — M. Laboulbène fait remar- quer que le Gordius, parasite signalé récemment par M. R. Blanchard, doit être rapporté au genre Filaria tricuspidata L. Dufour. — M. Hervieux présente un rapport sur les instituteurs ayant contribué le plus ac- tivement à la propagation de la vaccine. — M. A. Robin analyse les travaux des stagiaires aux eaux minérales en 1896. — M. Porak présente le rapport du concours pour le Prix Portal. — M. P. Budin communique une note du D' F. Berlioz (de Grenoble) montrant les grands services rendus par l'emploi du lait stérilisé dans l'ali- mentation des enfants en bas âge, et la diminution considérable de mortalité infantile qui en est résulté. — M. le D' Andeer lit une note sur un nouvel appareil anatomique observé dans Je péritoine. — M. le D' Hou- zel donne lecture d’un mémoire sur un cas d’exosplé- nopexie pour une énorme hypertrophie de la rate prise pour une tumeur solide de l'ovaire. — M. le D‘ A. Combe lit un travail sur une nouvelle application de la radiographie aux os de la face. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séanre du 21 Mai 1897. Dans une lettre, dont la réception avait été annoncée au commencement de la séance précédente, M. Blondel disait que la condition d’apériodicité critique qu'il a indiquée, devait nécessairement être appliquée à l'oseil- lographe de M. Abraham, faute de quoi les termes ex- ponentiels produisent un déplacement du zéro. Ce déplacement ne semble pas pouvoir être évité. M. Abra- ham répond que les clichés obtenus par son oscillo- graphe (ou rhéographe) prouvent expérimentalement que l'instrument donne de bonnes indications, même quand on enregistre une décharge isolée, el qu'il revient immédiatement et bien exactement au zéro dès que le courant est interrompu. Il n’est pas nécessaire de réa- liser l’apériodicité erilique, la période d'oscillation du galvanomètre est assez longue pour que la durée de la décharge à étudier soit négl'geable. Enfin, si les équa- tions qui donnent la déviation 0 en fonction du courant galvanoméirique, et le courant galvanométrique en fonction du courant principal I sont toutes deux à coef- ficients exactement constants, la solution 0 — ml sera la solution rigoureuse, sans qu'il s’introduise aucun terme exponentiel. — M. René Benoit expose quelques applications récentes des phénomènes d'interférence à des déterminations métrologiques. La réalisation d'étalons exacts du centimètre el du millimètre présente une grande importance pour le métrologiste; ces étalons fournissent, en effet, le ton des micromètres, et par suite l'unité de toutes les mesures. L'ancienne méthode consistait à comparer successivement les divisions d’un mètre en décimètres, puis celle d’un décimètre étalon en centimètres, et enfin celles d'un centimètre en mil- limètres. Ces opéralions duraient plusieurs mois, et il n’y avait guère d'autre moyen de se rendre compte de la précision obtenue que de recommencer sur une autre division et de comparer les résultats. Cette étude avait donné la valeur absolue de la distance entre deux traits successifs déterminés d'une règle de bronze avec bande d'argent incrusté et d’une règle de platine iridié. On en avait conclu la grandeur du « millimètre normal » et construit des étalons dérivés qui sont des centimètres divisés en millimètres sur nickel poli. Cer- taines expériences ont semblé montrer une différence entre le millimètre normal et les étalons dérivés; M. Benoît a refait l’étalonnage en utilisant la valeur du mètre en longueur d'onde qu'il a obtenue avec M. Michelson; la méthode ne diffère pas de celle qui a été suivie dans ce remarquable travail et a exposé ici même en délail (voir la Revue, t. IV, pp. 300 et 369). Le résultat est que la différence de 0, 1 & observée entre les étalons est due à une légère altération de Ja divi- sion de la règle argentée, laquelle a été soumise aux traitements les plus variés et a dû subir un nettoyage. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES | è e:. Une usure inégale des bords de l'un des traits qui encadrent le millimètre type suffit pour rendre compte de celte variation. — M. Ginsberg, ingénieur de Ja maison Krauss et Cie, expose quelques perfeclionnements dans les lunettes terrestres. Discutant les qualités rela- tives de la lunette de Galilée et de la lunette astrono-M mique de Képler, munie de l’oculaire terrestre, il montre que la première ne semble pas susceptible de perfec- tüionnements réels. Quant à la seconde, on peut, en remplacant l’oculaire par des appareils catoptriques, arriver à des résultats satisfaisants. L'appareil employé est le double prisme à réflexion totale de Porro; les | deux prismes ontleurs faces hypothénuses parallèles et leurs arêtes perpendiculaires; la vision est directe, les réfractions se font sous une incidence presque nulle et les réflexions au voisinage de l’angle limite; l’image est redressée. En plaçant ces prismes à une distance convenable on peut augmenter la perception de pro- fondeur; cette combinaison est réalisée dans la stéréo- jumelle et la stéréo-longue-vue Zeiss-Krauss. — M. Fo- veau de Courmelles à observé la production simultanée de rayons X et de lumière stralifiée dans un nouvel appareil cathodique. Pour obtenir deux centres d'émission simul- tanés de rayons X, l’auteur a fait construire par M. Seguy une double ampoule dont les deux parties, portant chacune une anode et une cathode, sont reliées directement à un même réservoir gazeux. Quand on fait passer le courant en tension dans les deux am- poules, on constate que l’une d'elles seule, celle qui est reliée au pôle de la bobine, donne des rayons X, l’autre présente seulement de belles stralifications. Si l’on augmente le degré de vide, on peut obtenir des rayons X des deux côtés, mais ou en à toujours beau- coup plus à la première ampoule. On obtient des résul- lats parfaitement symétriques quand on utilise deux bobines ‘de même puissance. Enfin, en montant les deux ampoules en quantité, on obtient dans l’une des rayons X d'une facon continue, dans l’autre de rares éclairs. Ces expériences s'expliquent en admettant que le passage du courant a pour résullat de chasser la matière gazeuse d’une ampoule à l’autre, de façon à créer entre les deux une inégalité de pression. M. Vil- lard fait observer qu'il est impossible de conclure du seul aspect de la décharge à la valeur de la pression dans un tube; cette pression ne définit pas, à elle seule, la nature du phénomène; tel tube peut donner des rayons X ou les apparences de Geissler suivant le sens du courant. De l'explication proposée, il résulterait que, dans la dernière expérience décrite, il devrait y avoir passage alternatif de matière d'une ampoule à l'autre, sous l’action de la décharge qui rendrait suc- cessivement chacune d'elles moins résistante. Il est plus probable que le défaut d'identité des deux parties de l'appareil est Ja cause des différences observées. La production des rayons X dans une seule ampoule semble être la conséquence de la chute très rapide de potentiel qui se produit au voisinage de la cathode seule, et qu'on peut mettre en évidence en collant sur le verre deux bandes d’étain, l'une au niveau de la cathode, l’autre à quelques millimètres de distance; un flux continu d'étincelles jaillit entre ces deux arma- ltures; rien de pareil ne se produit au voisinage de l'anode. Pour démontrer l'existence d’une différence de pression entre les deux ampoules, il faudrait les séparer pendant le fonctionnement de la bobine. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES : John VW. Pickering : Réactions chimiques et physiologiques de certaines substances synthé- tiques de nature protéique. — On sait que les pro- téides sont des substances colloïdes azotées qui se dédoublent, par les agents d'hydratation, en acides amidés, acide carbonique et ammoniaque. M. Grimaux, l'un des premiers, pensa que la molécule protéide était formée de ces trois constituants condensés avec perte d'eau, et tenta d'en faire la synthèse en se basant sur ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 563 cette hypothèse. Il obtint des corps (colloide amido- benzoïque A el B, colloide aspartique) qui présentaient des réactions chimiques et physiologiques tout à fait analogues à celles des protéides naturels. M. Pickering a repris les expériences de M. Grimaux et a obtenu les résultats suivants : CoLLoinE «. — Ge corps s'obtient en chauffant, en tube scellé, à 1259 C, pendant six heures, des poids égaux d'acide méta-amidobenzoïque et de biuret, mélangés à trois fois leur poids d'anbydride phosphorique. Le produit de la réaction est une poudre friable gris-rosée, inso- luble dans l’eau froide et presque insoluble dans l’eau bouillante; elle ne donne pas la réaction de Millon, ni les réactions des protéides avec les sels métalliques, mais elle donne la réaction de Frühde et la réaction xantho-protéique. Cette poudre se dissout dans l’am- moniaque, et la solution, évaporée dans le vide à la température ordinaire, laisse déposer des feuillets jau- nâtres, insipides et inodores. Ces feuillets sont peu solubles dans l’eau froide, mais presque complètement solubles dans l’eau chaude, La solution ne coagule pas par la chaleur, mais seulement quand on l'additionne d'une trace d'un sel minéral. Elle donne la plupart des réactions des subslauces protéiques. La solution est neutre et lévogyre (— 52°). La solution précipite par lacétate de plomb; le précipité se redissout par le passage d'un courant de HS; au point de vue chimique la substance dissoute paraît être restée identique, mais son action physiologique s'est profondément modifiée, Si la solution originale est saturée par du sulfate de magnésium ou d’ammonium ou du chlorure de sodium, tout le colloïde monte à la surface et peut être séparé. Il se redissout dans l’eau distillée, formant une solu- tion jaune pâle opalescente, présentant tous les carac- tères de la solution originale. Voici les résultats de l'injection intra-veineuse de la substance chez des chiens, des lapins et des chats; ces animaux étaient préalablement anesthésiés par un mélange de chloro- forme et d'éther. Expérience [. — Fox-terrier, L'injection de 25 ce. c. d’une solution à 0,75 °/, produit la mort, après dilata- tion prononcée des pupilles et tremblement typique, gros caillots dans la veine jugulaire, la veine cave infé- rieure, la veine porte et petit caillot dans le ventri- cule gauche et l'artère pulmonaire. Expérience II. — Chat noir ; 40 c. c. de la mème solu- tion amenèrent la mort avec des symptômes similaires. Expérience IT, — Lapin noir; 38 c. c. produisirent le mème effet. Expérience IV. — Lapin albinos; 42 c. c. produisirent la mort avec les mêmes symptômes. Après la mort, le sang des vaisseaux était fluide, mais coagulait rapide- ment à sa sortie du corps. La coagulation du sang re- tiré de la veine jugulaire à différents moments durant le cours de l'injection du colloïde se fait d'autant plus vite qu'il y a plus de colloïde injecté. Les résultats obtenus par l'injection du colloïde « sont absolument semblables à ceux que donne l'injection d’un nucléo- protéide. L'effet produit par l'injection lente de petites quantités du colloïde sur la coagulation du sang est l'inverse de celui produit par les injections massives, comme le montre l'expérience V. Expérience V.— Gros chien croisé noir. Ether et mor- phine ; 1 c.c. d’une solution à 0,025 °/, est injectée len- tement en une demi-heure; après cela, ie retard à la coagulation du sang tiré de la carotide est de 8/30"; une deuxième injection de 1 €. c. ne produit plus qu'un retard de 2"; une troisième injection commence, au contraire, à l’accélérer, et l'accélération continue our les injections suivantes jusqu'à la mort par coagu- ation intra-veineuse. ï Le colloïde précipité par l'addition de sels minéraux, recueilli, puis redissous dans l'eau distillée, produit la coagulation iutravasculaire, mais si l'on répète la préci- pitation et la dissolution, l’activité physiologique est détruite. Le colloïde précipité par l’acétate de plomb et redissous par un courant de H'S ne produit plus la coagulation -intraveineuse, bien qu'il semble être resté identique au point de vue chimique. Ceci nous prouve que les réactions chimiques employées Jusqu'à ce jour pour reconnaitre les protéides ne sont pas assez déli- cates pour indiquer les modifications chimiques qui correspondent aux modifications de réaction physiolo- gique. _ Expérience VI — Lapin noir; 120 c. c. de solution redissoute provoquent la dyspnée et la dilatation des pupilles ; 40 c.e. de plus amènent la mort.1l n'y a aucun caillot dans les vaisseaux de l'animal. Expérience VII. — L'injection lente de pelites quan- tités de colloïde n'amène aucun retard de coagulation. Cozzoine $. — Cette substance se produit en chauf- fant, pendant six heures, à 125-1309, en tubes scellés, des poids égaux de tyrosine et de biuret avec deux fois leur poids de pentachlorure de phosphore. Le pro- duit de la réaction est une poudre grise, friable, inso- luble dans l'eau froide, très peu soluble dans l’eau chaude. Cette substance donne la réaction de Frühde et la réaction xantho-protéique, mais ne donne pas de précipités colorés avec les autres réactifs des protéides, Bien lavée, puis séchée à 30° dans le vide, elle se dis- sout dans l’ammoniaque concentrée en donnant une solution opalescente et lévogyre (— 48°). Cette solution donne des précipités colorés avec les sulfates mélal- liques, le réactif de Millon, l'acide molybdique, etc. La solution est précipitée par les sels neutres; le pré- cipité se redissout dans l’eau distillée, en donnant une solution opalescente, non coagulable par la chaleur seule. Expérience VIII. — Injecté en petite quantité à un chien croisé brun, le colloïde $ produit un retard dans la coagulation du sang, retard qui augmente, passe par un maximum, et diminue jusqu'à devenir nul; de nou- velles injections accélèrent la coagulation, jusqu’à ce que la mort s'ensuive. L’autopsie a montré la présence de petits caillots dans la veine cave inférieure et dans la veine jugulaire, et de gros caillots dans la veine porte et le ventricule droit. CozLornde y. — Il se forme lorsqu'on chauffe ensemble pendant trois heures, en tubes scellés, à 130°, des poids égaux d’alloxane et d'acide métamidobenzoïque avec deux fois leur poids d’anhydride phosphorique. Le pro- duit de la réaction est une poudre blanche, (très peu soluble dans l’eau froide, peu soluble dans l’eau chaude. Lavée à l’eau glacée et dissoute dans l’'ammo- niaque concentrée, elle donne une solution opales- cente laquelle, évaporée dans le vide à la température ordinaire, donne des feuillets jaunâtres, translucides. Ils sont solubles dans l’eau chaude; la solution est lévogyre (an — — #1°) et donne les réactions de Millon, de Frühde et des colorations avec sulfates métalliques. Les sels neutres précipitent le colloïde qui surnage, et peut être redissous dans l’eau distillée. Le colloïde pré- cipité par l’acétate de plomb se redissout lorqu'on fait passer un courant d'hydrogène sulfuré. Il se coagule par la chaleur en présence d’une trace de sel neutre. L'injection, chez le lapin, du colloïde y, même en grande quantité, ne produit pas la coagulation intravasculaire, mais précipite légèrement la coagulation du sang; chez le chien, il n’y a plus même de retard de coagulation. CozLoine à. — Il se forme en chauffant à 125°, dans des tubes scellés, pendant trois heures, des poids égaux de pentachlorure de phosphore et d'acide paramido- benzoïque. Le produit est une poudre grise, friable, insoluble dans l’eau froide, soluble dans l'ammoniaque concentrée. La solution, évaporée dans le vide, donne des feuillets jaunes translucides. Ils sont solubles dans l'eau chaude, en donnant une solution opalescente, lévogyre (an —— #29). Cette solution donne les réactions xanthoprotéique et de Frühde, mais ne donne pas les colorations avec les sulfates métalliques, ni les réac- tions de Millon, Adamkieviez et Lichbermann. Le col- loïde est précipité par les sels neutres ; il est coagulable par la chaleur en présence d'une trace de sel. Injecté aux lapins, il ne produit ni coagulation intravasculaire, 56% ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ni retard, ni précipitation dans la coagulation du sang tiré de la carotide. Coczorws <. — On le prépare en chauffant des poids égaux de tyrosine et de xanthine avec deux fois leur poids d'anhydride phosphorique, à 1259, pendant trois heures. Le produit est une poudre jaunâtre, peu so- luble dans l’eau chaude, soluble dans l'ammoniaque concentrée ; la solution, après évaporation dans le vide, laisse déposer des feuillets jaunâtres, lesquels sont solubles dans l’eau chaude, en donnant une liqueur opalescente, lévogyre (an = —38°).La solution donne une coloralion rouge avec le réactif de Millon, et un préci- pité avec l'acide salicylsulfonique, mais ne présente aucune des autres réactions typiques des protéides. Elle précipite par les sels neutres. Injectée au chien et au lapin, elle ne produit ni coagulation intravasculaire, ni retard de coagulation. Corzoine £. — Il est préparé d’une façon analogue au colloïde e, mais on remplace la xanthine par l'hypo- xanthine. Il est semblable au colloïde e, est lévogyre En=— 420) ne donne que la réaction de Millon, est précipité par les sels neutres. Chez le chien et le lapin, il ne produit pas la coagulation intravasculaire; il ne produit pas non plus la coagulalion du plasma addi- tionné de 1 */, de carbonate de soude. CouLoine n. — Il se forme en chauffant de la tyrosine et de l'anhydride phosphorique pendant trois heures, à 4309, en tubes scellés. Le produit de la réaction est une poudre gris-rosée, soluble dans l'eau bouillante. Elle ne donne pas la réaction de Millon. Gette poudre, lavée à l'eau froide, se dissout dans l’'ammoniaque concentrée en donnant une solution opalescente; évaporée dans le vide, elle donne des feuillets solubles dans l’eau chaude. La solution est précipitée par l'acide salieylsulfonique ; elle est précipitée par les sels neutres. Elle ne donne pas les réactions colorées des protéides et ne produit pas la coagulation intravasculaire. COAGULATION FRACTIONNÉE DES COLLOIDES DE SYNTHÈSE. — Cette méthode est due à Halliburton. L'auteur se sert d'un bain d'huile. 11 prend, d'une part, une solution à 2 °/, du colloïde, d'autre part, une solution à 0,75 °/, de chlorure de sodium: 40 c.c. de la solution du colloïde étaient placés dans un tube d'essai, conte- nant un thermomètre, puis dilués avec la solution de chlorure de sodium et chauffés. Le colloïde A (colloïde amidobenzoïque de Grimaux) coagule entre 70 et 71° C: Le colloïde B (préparé comme le colloïde À, mais à une température plus élevée) présente quelques flocons à 56-580 C., et un coagulum plus prononcé à 70-72? C. Le colloïde C (colloïde aspartique de Grimaux) présente des coagulations distinctes à 589, 67°, 730,1 à 760,4 C. Le colloïde & (s'il a été préparé à 125°) montre une seule coagulation à 700,6; mais, si la température s’est élevée pendant sa préparation, il y à quelquefois une coagulation à 42. Le colloïde $ (préparé à 130°) ren- ferme trois constituants coagulant à 47%, 569 et 74° C. Le colloïde 7 a un seul coagulum à 7°. Le colloïde à coagule à 76°. Le colloïde e coagule à #7. Le colloïde € coagule à 48° et 59°, Le colloïde n coagule à 52°. Si l'on admet, avec Halliburton, que les précipités obtenus par la coagulation fractionnée d’une substance protéide correspondent à des constituants différents de la substance, les précipités obtenus avec les colloïdes de synthèse correspondent également à leurs divers constituants. Ainsi le colloïde B se compose de deux substances B, et B,, le colloïde 6 de trois substances b,, On Bone Ed le colloide à, de deux substances à, et be L'auteur a déterminé pour ces corps à quel constituant était due l'action physiologique, en injectant d'abord la substance originale, puis la substance qui restait après la coagulation du premier constituant, puis après la coagulation du deuxième constituant. Il à trouvé ainsi que B° et f, et $, étaient les constituants aclifs des colloïdes B et 6. ConcLusions — En résumé, les substances colloïdes obtenues, quoique différant les unes des autres par cer- tains caractères, présentent toutes les propriétés sui- vantes : 4° Elles sont solubles dans l’eau chaude, en formant des solutions opalescentes lévogyres ; 29 cess solutions montrent les principales réactions colorées des protéides; 3° elles ne coagulent pas par la chaleur en l'absence de sels, mais en présence d’une trace de sel neutre, elles coagulent comme les solutions des pro= téides: 4° la coagulation fractionnée montre que ces solutions sont un mélange de différentes substances; 50 ces différentes substances ont des actions physiolo= giques différentes ; 6° introduites dans le sang des ani- maux, certaines de ces substances produisent la coagu- lation intra-vasculaire comme les nucléoprotéides. Elles accélèrent la coagulation du sang retiré de la carotide,; injeetées en petites quantités, elles retardent au con- traire la coagulation, c’est-à-dire produisent une phase négative; T° ces substances colloides sont, au point de vue de leurs propriétés physiques et chimiques et de leur action physiologique, les corps synthétiques quise. rapprochent aujourd'hui le plus des protéides. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 29 Avril 1897. # MM. H.-B. Dixon, F. R. S., et E.-J. Russel ont étu- dié la décomposition de l’oxyde de carbone au moyen de l'oxygène naissant. Pour produire £e dernier ils font détoner du peroxyde de chlore. Leurs expériences prouvent que l'oxygène naissant ne décompose pas complètement l'oxyde de carbone et que son action sur ce gaz n'est pas plus rapide que celle de l’oxygène ordinaire. — M. N.-A. Caldecott : Sur la décomposi- tion des pyrites de fer. — M. H.-C. Myers : Etude de l'acidé monochlordiparaconique et de quelques-uns de ses produits de condensation. — MM. James J. Dobbié et Fred Marsden, en faisant réagir l'acide azotique très dilué sur la corydaline, ont obtenu un nitrate difficile- ment soluble. Chauffé quelque temps, ce corps se Irans= forme en nitrate de déhydrocorydaline différent de la corydaline par quatre atomes d'hydrogène. Si l'on con- tinue à concentrer l'acide azotique et prolonge son action, on obtient un acide, appelé par les auteurs acide corydique, soluble dans l'eau chaude et l'alcool, insoluble dans l’éther. Bouilli avec une solution de KMn0O* cet acide se décompose et fournit un mélange de quatre acides différents. Séance du 6 Mai 1897. M. A.-E. Mumby utilise pour le chauffage le gaz acé- tylène. Ilse sert d'un brûleur analogue au bec Bunsen. D'après ses essais le pouvoir calorifique de ce gazserait deux fois celui du gaz de la houille. — MM. H.-C. Jenkins et E.-A. Smith : Action du plomb sur les composés oxygénés du soufre. — MM. C.-T. Heycock et F.-H. Neville ont appliqué les rayons X à l'étude cristalline de différents alliages solides. Leursrecherches ont surtout porté sur des alliages de sodium et d'or, la différence de transparence de ces métaux étant très grande. Le sodium pur ne laisse voir aucune structure cristalline: mais un alliage contenant 3 °/, d’or montre une masse transparente de cristaux de sodium avec des espaces obscurs dans lesquels l'or s’est concentré pen- dant le phénomène de la solidification. Dans un alliage à 100/, d'or, les cristaux de sodium sont plus resserrés et les espaces obscurs plus grands. Une solution de sodium saturée d'or à une température beaucoup plus élevée que le point de fusion de ce dernier corps apparaît nettement noire et l'on peut voir quelques aiguilles opaques qui, sans aucun doute, sont des cris- taux d’or qui se sont séparés et occupent toute la gran- deur du liquide refroidi. Les auteurs continuent leurs travaux sur les alliages d'aluminium. Le Directeur-Gérañt : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARRTHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. — 8° ANNÉE " ; N° 44 : 30 JUILLET 1897 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR LOUIS OLIVIER KE N SN het ma rot d disons. à + uit dd Défis + / LES VOYAGES D'ÉTUDE DE LA REVUE AU PAYS DES CROISÉS : SYRIE ET PALESTINE Ur Rv L e Crête Fig. 1. — Ilinéraire du Voyage d'élude de lu Revue au pays des Croisés. En même temps que le voyage dans la Baltique‘, la Revue générale des Sciences a entrepris d'organiser pour les grandes vacances un autre voyage dans une des régions de l'Orient les plus fertiles en grands souvenirs, et où se trouvent actuellement engagés d'importants intérêts francais : elle a résolu de conduire en Syrie et en Palestine ceux de ses lecteurs qui désireront étudier le pays, tant au point de vue de son Histoire, de son ‘ Nous rappelons que la date de départ de ce voyage est fixée au 14 août à 9 h. 1/2 du soir, Nous croyons devoir ajouter aux détails que nous avons déjà donnés (voyez la REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897, Revue des 30 juin et {5 juillet) une bibliographie des ouvrages à lire; on la trouvera dans la Chronique de la présente livraison. 14 Archéologie et de son Ethnographie, que sous le rap- port de ses ressources et de son état social actuel. La Compagnie des Messageries Maritimes ayant bien voulu nous donner son concours, nous sommes dès maintenant en mesure d'indiquer avec quelque détail l'itinéraire de la croisière projetée. Le départ a été fixé au 13 septembre au soir de Mar- seille, d’où le paquebot fera route directement vers la Crète. Il fera sa première escale à La Canée, où il arri- vera le 47, de très grand matin. Sa situation, les vestiges subsistants de l’ancienne domination vénitienne qui y a laissé sa forte marque, rendent ce port digne d’une visite, sans qu'il soit besoin de rappeler quels récents événements ont attiré sur lui l'attention de l'Europe. Le lendemain, les touristes visiteront Rhodes, la forte- resse encore debout où les chevaliers de Saint-Jean ont tenu bon pendant plus de deux siècles contre les atta- ques réitérées des Ottomans. Ils avaient transporté là, avec leurs habitudes, les arts et les procédés d’archi- tecture de leurs pays d'Occident, et aujourd'hui encore leurs « prieurés » presque intacts offrent l'illusion et le contraste inaccoutumé d'un coin de cité de notre Moyen Age transporté en Orient. Mais, que de change- ments depuis ces jours lointains! Ouverte à la civilisa- tion moderne, l'île présente actuellement l’intéressant spectacle d'une terre scientifiquement mise en valeur. Sa constitution orogénique et géologique, ses richesses minérales, ses belles cultures de vignes, d’orangers, de citronniers et d’oliviers, comme aussi sa population et les métiers qu'elle exerce, solliciteront à juste titre la curiosité de nos voyageurs. Le 49 septembre le paquebot s'arrêtera sur la côte d'Asie-Mineure, à Adalia. A cette ville grecque, élevée par Attale Philadelphe, se rattache un souvenir fran- çais : en 4148, Louis VII se rendant à la croisade, y toucha avec sa flotte, avant de faire voile vers la Syrie. : : ; A Famagouste, où aura lieu l’escale suivante, c'est le souvenir de Guy de Lusignan que l’on retrouve. C'est là qu'il recut la couronne de Chypre et de Jérusalem. Plus tard les Vénitiens en firent une place forte de premier ordre qui ne tomba aux mains des Tures, en 4571, qu'après un siège mémorable; les vainqueurs n'ont pas compris les avantages de ce port et ils ont laissé s’en aller lentement en ruines, sans y toucher, les édifices, les belles églises gothiques qu'y avaient élevés les Croisés et les Vénitiens leurs successeurs. Le 21 septembre au matin, le bateau jettera l'ancre devant Beyrouth, l «échelle » de Damas. Un chemin de fer conduit maintenant à l'oasis célèbre où s'élève l'antique résidence des Califes Ommiades, si souvent el en vain attaquée par les Croisés, avant d'être dévastée par les Mongols, par les Tartares et par Tamerlan. L'escale de Beyrouth prolongée pendant quatre Jours permettra un séjour à Damas suflisant pour visiter la ville et ses bazars, pour jouir sans hâte des scènes si ittoresques de la vie orientale. Toute cette région du Liban mérite au plus haut degré l'attention du savant et de l’économiste, Elle est d'une admirable fertilité et présente pour les industries de la soie un intérêt de premier ordre. Il importe que nos compatriotes connaissent bien ce pays d'avenir, aujourd'hui placé sous la dépendance de la Porte, mais qui — grâce à un régime spécial, sorte de compromis entre la civilisation turque et la civilisation du reste de l'Europe — offre des garanties à la population chré- tienne et aux puissances d'Occident. Variées sont d'ail- leurs les races qui l’habitent : à l'intérieur, dominent les Druses, musulmans schismatiques et d’un fanatisme utré; sur les côtes, les Maronites, au milieu desquels ent actuellement diverses colonies européennes : des Russes, des Anglais et surtout des Français. Cette populalion littorale a su tirer du sol des richesses qui seront une révélation pour nos voyageurs : abandon- nant aux Druses la culture du blé, elle s'est adonnée à LES VOYAGES D'ÉTUDE DE LA ‘“ REVUE ” | la culture de la vigne, à la culture maraïichère et frui- tière, qu'elle a su rendre très rémunératrice, et surtout à la culture du mürier; cet arbre fait aujourd'hui l'ornement de toutes les collines; en y poussant, il a développé sur le littoral la sériciculture et le travail de la soie. Grâce à ces productions, la Syrie entretient aujour- d'hui avec le bassin méditerranéen, en particulier avec la France, un commerce fort actif. Des caravanes venues de l'Arabie et de quelques autres régions de l'Asie, débouchent dans ces étonnantes cités du Liban oriental qu'on pourrait appeler ses « ports de terre »; elles y apportent de l’encens, des parfums et des étoffes, qui sont ensuite dirigés vers le littoral, puis exportés, avec des fruits et légumes de la côte, à desti- nation de la Turquie. La Syrie reçoit, en retour, de ce pays et aussi de Marseille une grande quantité de graines de vers à soie. L'élevage des vers et l'achat des cocons attirent chaque année au Liban des repré- sentants de beaucoup de fabricants francais de soie- ries. Et même, des manufacturiers de Lyon et de la vallée du Rhône ont édifié, aux environs de Bey- rout, des magnaneries et des filatures. Des fabriques diverses, l'usine à glace et l'usine à gaz de Beyrout ont été fondées et sont encore administrées par des Français; les grands travaux publics, le port de Bey- rout, les chemins de fer de Beyrout à Damas, de Beyrout à Tripoli, ele., etc., ont été exécutés par des ingénieurs, anciens élèves de l'Ecole Centrale ou de l'Ecole Polytechnique. Enfin, une grande Ecole fran- caise de Médecine, spécialement consacrée à l'étude des maladies des pays chauds, contribue puissamment à maintenir dans tout le Liban le bon renom de la science française. Du 25 au 27, les touristes, débarqués à Jaffa, visi- teront Jérusalem. Ce n'est point ici le lieu de rap- peler quels souvenirs, quels monuments d’un passé si lointain et toujours si vivant peuvent attirer vers l’an- tique Sion. Ce sera le terme et comme la conclusion naturelle de ce voyage au pays des Croisés. Cependant, au retour, pour rompre la monotonie d'une traversée directe de Jaffa à Marseille, le bateau s'arrè- tera un jour à Messine. C'était une escale qui s'indi- quait d'elle-même, puisque Philippe-Auguste et Richard Cœur de Lion y prirent leurs quartiers d'hiver en se rendant à la troisième croisade. Taormine estsi proche qu'il serait à déplorer de ne pas aller visiter son théâtre ancien, si heureusement conservé et d’où se découvre, sur la Sicile et la mer, avec l'Etna tout voisin, une des vues les plus merveilleuses de la pittoresque Sicile. Le retour aura lieu à Marseille le 3 octobre. Un professeur de l'Université de Nancy, M. Ch. Diebhl, ancien membre des Ecoles francaises de Rome et d'Athènes, s'est chargé de la direction scientifique de ce voyage. Par ses études toutes spéciales d'histoire et d'archéologie, par ses talents de conférencier, il était tout désigné pour celte mission. Il nous reste à le re- mercier d'avoir bien voulu l’accepter. La Direction. N. B. — Ce sera, comme nous l'avons dit, un paque- bot des Messageries Maritimes qui fera ce voyage. Il n'y à à bord qu'une classe unique : la table et les salons des premières sont communs à tous les passagers. Ba seule distinction provient de la situation des cabines et du nombre des couchettes qu'elles contiennent. Prix des places : 650 fr. la place de cabine A, 575 fr. celle de cabine B, 500 fr. de cabine C, 450 fr, de cabine D. Nous informons nos lecteurs que par les soins de M. Amphoux, l'administrateur des Voyages de la Revue, el pour une somme prévue d'environ 200 francs, les débarque- ments, embarquements, excursions à Damas et Jéru- salem (chemin de fer et hôtels) sont organisés d'avance, de facon à éviter aux voyageurs toute difficulté et perte de temps. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 567 | CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Physique La transmission des signaux à travers l'espace par les radiations électriques. — On se sert depuis longtemps des radiations lumineuses pour transmettre les signaux à travers l’espace. Dès que les travaux de Hertz eurent montré que les ondes électriques et lumineuses ne sont que deux manifesta- tions, différentes par leur modalité, d'une même pro- priété de l’éther, cette idée devait jaillir d'elle-même, de se servir des noufelles radiations dans le même but. Des expériences furent d'abord tentées en petit dans les laboratoires, puis continuées sur une plus vaste échelle. C’est ainsi qu'en 1892, des messages furent transmis à ë = Transmetteur. : | RÉ ET | 5 2? s = IS - Al} RS SAT 5 a è < = Ç 2 2 9 € 2 ( Vire En è = | HN fe | _/ ! | Fig. 1. — Transmission des signaux à travers l'espace par les radiations électriques. — A, B, grosses sphères du transmetteur; 4, b, petites sphères; des étincelles écla- tent entre & et À, bet B et donoent naissance aux ondu- lations électriques: C, bobine d'induction: E, batterie ; K, commutateur de Morse: 4, récepteur recevant les oscil- lations par l'intermédiaire des ailes W, W,, et les com- muniquant à l'appareil enregistreur; n, marteau. travers une partie du détroit de Bristol en utilisant les ondulations électromagnétiques. En 1895, le câble télé- graphique qui relie Oban à l’île de Mull s'étant rompu et n'ayant pu être réparé immédiatement, des commu- nications provisoires furent établies par be mème moyen entre l'ile et le continent. Les appareils employés à cet effet furent d'abord plus ou moins rudimentaires ; peu à peu, à mesure que l'étude des oscillations hertziennes avançait, on les per- fectionna; aujourd hui, l'appareil qui utilise le mieux les dernières indications de la science nous semble être celui que M. Marconi a fait connaitre récemment et que nous allons décrire. Il se compose d'un transmetteur produisant les radiations et d'un récepteur qui les recoit et communique l'impression reçue à un appareil enregistreur (fig. 1). Transmetteur. — C'est un radiateur de Hertz sous une forme modifiée par le professeur Righi, Deux sphères pleines de cuivre jaune A et B (de 4 pouces de dia- mètre) sont fixées dans un boîte isolée à moitié pleine d'huile, de telle facon qu'un des hémisphères de cha- cune est immergé dans l'huile, l’autre étant libre. L'huile donne aux ondulations produites par les sphères une forme toujours constante, et elle tend à diminuer leur longueur d'onde. Deux petites sphères, à et b, sont placées près des grosses sphères et sont reliées chacune à une extrémité du circuit secondaire d’une bobine d’induction C, dont le circuit primaire est excité par une batterie E, mise en circuit ou séparée par le commutateur de Morse K. Quand on fait mouvoir le commutateur, des étincelles éclatent entre les boules, et des oscillations, se succédant avec une grande rapi- dité, se propagent dans la direction du récepteur; la fréquence de ces dernières est environ de 250 millions par seconde. La distance à laquelle elles se transmet- tent dépend de l'énergie de la décharge. Une bobine donnant des étincelles de 6 pouces transmettra ses oscillations jusqu'à trois où quatre milles. Récepteur. — Le récepteur de M. Marconi est formé d'un petit tube de verre d de # centimètres de longueur, renfermant deux pôles d'argent, séparés par un espace d'un demi-millimètre, dans lequel on a placé un mélange de limaille de nickel et d'argent avec une trace de mer- cure. Le tube est vidé jusqu'à une pression de 4 milli- mètres, et scellé. Il fait partie d'un cireuit renfermant une pile et un relai télégraphique très sensible. À l’état normal, les particules de limaille sont pêle-méle et forment un isolant; mais, dès qu'une onde électroma- gnétique les traverse, elles sont polarisées, deviennent conductrices et un courant passe. Pour remettre la limaille dans son état de désordre primitif, on fait acir le courant sur un petit marteau n qui frappe le tube: le même courant inscrit le signal recu sur un papier qui se déroule, De chaque côté de l'appareil deux ailes WW, qui aident à recevoir les ondes. Des signaux ont été parfaitement procédé entre les deux rives distance de neuf milles. La transmission des signaux n'est pas influencée par la présence de collines d’une faible hauteur entre les deux postes; il est probable que les ondulations, réfrac- iées inégalement par les différentes couches d'air, passent au-dessus des collines pour redescendre de l'autre côté, Les deux ailes placées aux côtés de l'appareil peuvent être déplacées et mises l'une en terre, l'autre en haut d’un mät ou sur un cerf-volant, On peut transmettre en même temps plusieurs mes- sages dans la même direction. Il faut seulement que les récepteurs et les transmetteurs soient accordés pour la même fréquence. Le système a encore besoin de quelques perfection nements avant d'entrer en grand dans la pratique, mais, dès maintenant, il peut rendre de grands ser vices dans la communicalion avec les navires en mer, les îles et les phares. sont transmis par ce du golfe de Bristol à une Un nouveau voltmètre d'étalonnage. Dans sa livraison du 15 juin dernier page 446) la Revue a indiqué le priñeipe d'un nouveau voltmètre d'étalon- uage dù à M. Pérot. Dans la construction de cet appa- reil, M. Pérot à eu pour collaborateur M. Fabry. Les deux auteurs ont également présenté à la Société fran- caise de Physique un électromètre absolu basé sur un principe analogue. Nos lecteurs trouveront de plus amples renseignements aux comptes rendus des séances de la Société, dans la présente livraison (page 606). 568 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 2. — Chimie L’Enseignement pratique de la Chimie appliquée de la Faculté des Sciences de l'Université de Paris. — Depuis un an fonctionnent à la Sorbonne (annexe de la rue Michelet) des Labora- toires de Chimie, dans lesquels on donne un enseigne- ment pratique complet de Chimie appliquée. Cette fondation ne fait pas double emploi avec les Labo- ratoires de la Faculté des Sciences, où se préparent les épreuves des grades universitaires et dans lesquels se poursuivent les recherches scientifiques, qui sont faites surtout en vue du doctorat ès sciences. Elle est destinée aux jeunes gens qui veulent obtenir rapide- ment des connaissances pratiques approfondies dans les diverses branches de la Chimie, soit qu'ils se vouent à l'industrie, soit qu'ils aient l'intention de se spécialiser de bonne heure dans des recherches pure- ment scientifiques. Cette création d'un Enseignement pratique est due à l'initiative de M. le Professeur Kriedel, membre de l'Institut ; elle a été énergiquement défendue au Parle- ment par MM. Scheurer-Kestner ét Poirrier, sénateurs, et par M. Denys Cochin, député, et elle a reçu un accueil favorable de la part de MM. Dupuy, Bourgeois, Poincaré et Combes. Il ne pouvait en être autrement, car cette fondation vient prendre, dans l'Enseignement supérieur, la place de l’ancien Laboratoire de Frémy, et l'on est en droit d'attendre d'elles des services d'autant plus grands qu'elle comprend un personnel plus nombreux, des locaux plus vastes et un pro- sramme plus complet. L'Enseignement pratique de Chimie appliquée com- prend trois années d'études expérimentales, qui se poursuivent dans des Laboraloires spéciaux sous la di- rection générale de M. le Professeur Friedel, et avec le concours de chefs de travaux et de préparateurs. La première année comprend : l'Analyse minérale qualitative, les Eléments de l'Analyse quantitalive et la Préparation des composés de la Chimie minérale. La deuxième année est consacrée à l'étude de l'Ana- lyse minérale quantitative et de l'Analyse organique et aux Préparations de Chimie organique. La troisième année, enfin, comprend : l'Analyse qua- lilative et quantitative de la Chimie industrielle, la Re- cherche des falsifications des produits alimentaires, les Essais des métaux et la Préparation des produits chimiques employés dans les grandes industries. En plus de l'Enseignement pratique qui est donné dans les Laboratoires, les élèves sont autorisés à suivre des cours de MM. les Professeurs de la Faculté. Les conférences faites par les chefs des travaux ont lieu dans l'amphithéäâtre situé dans le bâtiment même où se trouvent les Laboratoires. Elles portent plus spécialement sur le champ des travaux pratiques de l’année. A la fin de chaque année d'étude, les élèves qui ont suivi avec assiduité les travaux du Laboratoire recoivent un certificat, qui constate leur compétence dans les matières qui leur ont été enseignées. Sur ce certiticat est inscrite une mention, qui résulte des notes hebdo- madaires obtenues par l'élève pour ses analyses et ses manipulations, et qui dépend aussi des notes qu'il à méritées aux examens oraux auxquels il est soumis à la fin de chaque trimestre. Au bout de la troisième année, les élèves qui pos- sèdent les certificats des deux premières années recoivent un Diplôme de Chimiste, établissant qu'ils ont suivi l’enseignement pratique d’une manière complète et satisfaisante. Enfin, chaque année, il est établi un concours entre les élèves les plus distingués. Le plus fort en prépara- tion recoit une médaille d'argent; le second recoit une médaille de bronze. Les deux premiers en analyse obtiennent les mêmes récompenses. Cette organisation a pour but d’exciter une émula- tion entre les jeunes chimistes et de leur donner, par les notes marquées sur les certificats, une preuve offi- cielle de leur mérite. Le nombre des élèves admis dans le Laboratoire de première ‘année est de cinquante au plus. On n'exige aucun grade, etil n'y a pas non plus d'examen d'entrée; mais les candidats, francais ou étrangers, doivent justi- fier d’une instruction secondaire suffisante; à défaut de cette garantie, ils ne sont admis que provisoire- ment, afin qu'il soit possible de juger si leurs con- naissances générales leur permettent de suivre avec fruit l’enseignement qui leur est donné. Ils doivent avoir dix-huit ans révolus à la date de leur inscription. On aurait pu craindre qu'un pareil mode de recrute- ment pût donner transitoirement quelques mauvais résultats. Il n'en a cependant rien été. Grâce aux ren- seignements recueillis sur les candidats, on a pu dresser une liste d'admission qui ne comprenait, à quelques exceptions près, que des jeunes gens stu- dieux et suffisamment préparés pour suivre avec profit et avec goût l'Enseignement qui leur à été donné. Plus de quatre-vingls candidats s'étaient fait inscrire dès la première année au Laboratoire de Chimie appli- quée ; il a donc été facile de faire un triage, puisque le nombre des places disponibles ne dépassait pas cin- quante. Il est à prévoir que le nombre des demandes sera encore plus considérable pour l’année qui va commencer. La provenance des étudiants qui se destinent au nouvel Enseignement est très variée, quoique le recru- tement ait une tendance marquée à se faire parmi les fils d'industriels ou des directeurs de fabrication des Etablissements d'industries chimiques. Dans la première promotion, on compte, en effet, une dizaine des pre- miers et quatre ou cinq des seconds. Les autres élèves sont des fils de fonctionnaires ou de commerçants qui n'exercent pas de profession se ratfachant à la Chimie. Il résulte de ce mode de recrutement qu'un certain nombre de jeunes gens trouveront immédiatement, en quittant le Laboratoire de Chimie appliquée, à se placer dans les Industries chimiques ou dans les usines diri- sées ou exploitées par leurs parents. Quant aux autres, ils ne seront pas abandonnés non plus, grâce au Comité de Patronage qui s’est fondé et qui ne se bornera pas d’ailleurs à placer les élèves, mais qui servira aussi à conseiller les chefs de service dans le choix de leurs lecons. Ce Comité est composé de : MM. Darboux, doyen de la Faculté; Scheurer-Kestner et Poirrier, sénateurs et industriels; Denys-Cochin, député; Lauth, ancien directeur de la Manufacture de Sèvres ; Lequin, direc- teur de Saint-Gobain; Adrian et Suilliot, anciens prési- dents de la Chambre syndicale des produits chimiques. Ce Comité de Patronage s’efforcera, dans les limites du possible, de donner aux élèves de l'Enseignement pratique le moyen d'utiliser avec profit l'outil qu'on leur aura mis en main bien affilé et bien trempé par les trois années qu'ils auront passées à la rue Michelet. Ce n’est pas au bout d'une année qu'on peut porter un jugement définitif sur une nouvelle organisation de cette importance. Et cependant, l'impression que laisse une visite au Laboratôire de Chimie appliquée est si bonne que l’on est forcé d'avoir confiance dans l'avenir de cette nouvelle création. Grâce aux efforts continus et à la présence constante du‘Chef des travaux, qui est bien secondé en cela par ses préparateurs, grâce sur- tout à la paternelle sollicitude de celui qui les à créés, les Laboratoires possèdent les qualités essen- lielles d'ordre et d'activité sans lesquelles les éta- blissements de cette sorte sont fatalement condamnés à l'impuissance. Les élèves apprennent avant tout à « respecter » les notions de rendement et de pureté des corps, on pourrait mème dire de beauté, car la Collection des produits préparés par ces jeunes chi- mistes serait digne de figurer dans un Musée minéra- logique à côté des plus beaux échantillons naturels. Et dans ce soin donné à la forme extérieure et à l'éclat, on trouve quelque chose de plus important encore que des résultats tangibles : on y trouve l’enseignement CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE constant que la conscience dans le travail est la base nécessaire de toute carrière, qu'elle soit industrielle ou purement scientifique. P. Freundler. Docteur ès sciences: $S 3. — Physiologie Le minimum perceptible de Faudition. — En y regardant de près, on trouve, dans les belles expé- riences de lord Rayleigh sur la propagation des ondes sonores !, un désaccord encore plus grand que celui auquel conduit la théorie élémentaire. Il ne faut pas oublier, en effet, que la loi de la décroissance de l’in- tensité sonore suivant le carré des distances n'est applicable qu'à un milieu indéfini. Or l'atmosphère terrestre qui remplit cette condition tant qu'il s’agit de distances de quelques kilomètres, devient, au contraire, pour la propagation à de très grandes distances, une lame mince dans laquelle les ondes doivent être consi- dérées comme sensiblement cylindriques el la décrois- sance n'est plus alors proportionnelle qu'à la distance. On a pu observer, à plus d’une reprise, des perturba- tions atmosphériques diminuant moins rapidement que ne l’eùt indiqué la loi du carré des distances. Telle est, par exemple, une onde produite le 23 avril 1891 par l’ex- plosion,survenue à Rome, d’une poudrière contenant près de 300 tonnes de poudre. On enregistra, dans ce dernier cas, une perturbation aérienne à plus de 250 kilomètres de la source, alors que l'onde terrestre, intense au départ, s'éteignit suivant une loi plus rapidement dé- croissante. Les causes du désaccord entre le calcul élémentaire et l'observation sont multiples. Les courants, les ré- fractions, les réflexions sur des couches d'air de tem- pératures différentes expliquent une bonne partie de cette dégradation. Les belles expériences de M. Violle et Vautier ont montré aussi que l'énergie peut se con- server dans une perturbation sans qu'elle reste percep- tible à l'oreille. Ainsi, un coup de pistolet tiré à l'entrée d'une conduite pouvait être perçu, après un parcours d'une cinquantaine de kilomètres, par une membrane ou par la joue de l'observateur, alors que l'oreille ne donnait pas le moindre signal. Les sons musicaux aussi se décomposent et, après un certain parcours, se trans- forment en bruits qui disparaissent à leur tour. Il ne semble pas d’ailleurs que pour être perceptible à l'oreille, une perturbation aérienne doive nécessaire- ment, comme on l'avait cru, être vibratoire, c’est-à-dire qu'elle doive se composer de plusieurs périodes com- plètes de même durée. Si l’on admet, en effet, l'expli- cation donnée par M. Mach du claquement produit par le passage des projectiles à grande vitesse, claquement observé: pour la première fois par MM. les capitaines {aujourd'hui commandants) Journée, de Labouret, et Souchiez, on sera conduit à admettre que le passage d'une onde isolée peut provoquer une sensation audi- tive à la condition qu'elle soit très mince. En se repor- tant aux figures accompagnant le magistral article de M.C.-V, Boys sur Les projectiles pris au vol?, on verra qu’en effet, le passage d’un projectile à grande vitesse produit une ‘onde dont l'épaisseur n'excède pas uu millimètre et dont l'action sur le tympan ne dure, vraisemblable- ment, qu'une fraction de de seconde. 1 100,000 Ch.-Éd. Guillaume, $ 4. — Géographie et Colonisation Voyage en Russie et aux capitales de la Baltique. — Les Livres à lire. — Nous avions promis à nos lecteurs de leur indiquer, pour chacun des voyages organisés par la Revue, les principaux ouvrages à consulter, ceux qu'il est bon de lire avant le départ, pour se préparer à visiter avec plus de fruit oir la Revue du 15 juin 1897, p. 445 P. 1V : 2 Voir la Revue du 15 octobre 1892, p. 6 a 1 à 670. 569 les pays que l’on va parcourir, et qui, au retour, ravi- veront nos souvenirs et compléteront nos connais- sances. Voici cette bibliographie sommaire pour le voyage en Russie et dans la Baltique. Nous remercions M. Lé- ger, Professeur au Collège de France, d’avoir bien voulu nous donner à ce sujet, avec sa compétence toute spé- ciale, des indications précieuses. Euisée RecLus : Nouvelle Géographie Universelle, t. WI, l'Europe Centrale (Allemagne); t. V, L'Europe Scandinave et Russe. Paris, Hachette, 1878-1880. A. RawBauD : Histoire de Russie. Paris, Hachette, 1878. A. Leroy-BeauLieu : L'Empire des Tsars et les Russes. Paris, Hachette, 1881-1889, 3 vol. WaziszEwski : Pierre le Grand. Paris, Plon, 1897. — Le Roman d'une Impératrice (Catherine IH). Paris, Plon, 1893. E.-M. de Vocüé : Le Roman Russe. Paris, Plon, 1886. L. Lécer : La Littérature Russe. Paris, Colin, 1892. — Etudes Slaves. Paris, Leroux, 1880-1886, 3 vol. — Russes et Slaves. Paris, Hachette, 1890, 2 vol. — Chronique Russe, dite de Nestor. Paris, Leroux, 1884 (Texte important pour l'histoire des origines.) Bagnecker : Guide de Russie (Editions francaise et alle- mande), Murray : Guide de Russie (En anglais). Reire : Petit Manuel de la Langue Russe. Paris, Maison- neuve, 1881. — Le Russe tel qu'on le parle. Paris, librairie Truchy. GEFFROY : Histoire des Etats Scandinaves. Paris, Ha- chette, 1851. ALLEN : Histoire du Danemark, traduite par E. Beau- vois. Copenhague, Host et fils, 1879, 4 vol. Paus Ginisty : De Paris au Cap Nord. Paris, Rouam, 1892. J.-M. CrawrorD : The Industries of Russia. Vol. I et IT : Manufactures and Trade. Vol. IT: Agriculture and Forestry. Vol. IV : Mining and Metallurgy. Vol. V : Siberia and the great Siberian Railway. Saint-Pétersbourg, 1893, K. Bacneker : Norway, Sweden and Denmark. Leipzig, 1892. E. Cours : Atlas üfver Sverige, Stockholm, Nordin et Josephson, A.-Tu. PaBan : Grammaire suédoise. Stockholm, Huldberg. -M. VERSTRAETE : La Russie industrielle. Paris, Hachette, 1897. $S 5. — Congrès Congrès international de Géologie, — Le septième Congrès géologique international aura lieu cette année à Saint-Pétersbourg, du 28 août au 4 sep- tembre, dans les salles de l'Académie impériale des Sciences. Il sera présidé par le Professeur Harpinsky. Il y aura chaque jour deux séances: la première sera consacrée à la discussion des questions proposées par le Comité d'organisation; la seconde sera réservée aux communications des membres. Le Comité d'organisa- tion à l'intention de remettre à l’étude le sujet de l’uni- fication de la nomenclature géologique et pétrographi- que, dans l'espoir d'arriver à une réduction des termes actuellement employés et à empêcher l'introduction inutile de termes nouveaux. A l’occasion du Congrès, de nombreuses excursions sont organisées: les unes auront lieu avant, les autres après. L'une aura pour but l'Oural, et durera du 28 juil- let au 27 août. Une autre permettra de visiter l'Esthonie et l'île de Dago, et aura lieu du 13 au 27 août, Enfin M. W Ramsay dirigera un voyage à travers la Finlande du 21 au 27 août. La grande excursion générale aura lieu après le Congrès et se dirigera vers le Caucase à travers la Russie centrale et méridionale. On visitera Wla- dikawkaz, Tiflis, Bakou, Batoum, Kertch et Sébastopol. 570 J. ROUCHÉ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA PARFUMERIE EN FRANCE L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA PARFUMERIE EN FRANCE PREMIÈRE PARTIE TJ. — HISTORIQUE. Le parfum existe de tout temps. Sans vouloir retracer son histoire, — ce qui ne serait ni dans le cadre, ni dans l'esprit de la #evue, — nous rappel- lerons seulement, pour expliquer l’origine de l'in- dustrie de la Parfumerie en France, que les odeurs, importées d'Espagne et d'Ilalie, pénétrèrent dans notre pays sous forme de peaux odoriférantes des- tinées à faire des bourses, des pourpoints, des ceintures et principalement des gants. C'est ainsi que le trafic des parfums se trouve à l'origine appartenir aux maîtres-gantiers, et non — comme on serait tenté de le croire, en voyant ce qui se passe de nos jours — aux barbiers-perru- quiers où barbiers-barbants. Les maitres-gantiers furent reconnus comme corps d'état par Philippe-Auguste, qui donna des statuts à leur corporation en l’année 41190 *, Louis XIV, le roy le plus doux fleurant, suivant l'expression de Barbe, auteur du Parfumeur fran- cas, autorisa l'enregistrement de leurs patentes, mais loujours « avec défense de débiter aucuns autres parfums que ceux qu'ils ont faits, de les vendre en dehors de leur échoppe, de les col- porter ». Dans ces conditions, il ne pouvait exister ni industrie, ni commerce important : à peine un simple négoce. Ces entraves étaient motivées pare l'existence de colporteurs peu recommandables, presque toujours charlatans, quelquefois- même disciples de René le Florentin, qui parcouraient Paris et les provinces, débitant force opiats, élixirs, orviélans, et particulièrement une eau pour le teint, résultat de la distillation dans l'huile de myrthe d'un corbeau pris au nid et nourri d'œufs durs pen- dant quarante jours. Les parfumeurs en boutique, de mœurs plus honnèêtes, se piquaient de science, se vantaient de traditions. Ils excellaient dans l'art d'ocaigner, c'est-à-dire de préparer les peaux pour les parfu- mer. Leur mélier consistait, en outre, à fabri- * Is achetaient leur métier 39 deniers, nous rapporte Estienne Boileau. D'après un usage ancien, il était admis, que chaque maistre laissät sa boutique ouverte un dimanche sur six, chacun à tour de rôle; quatre maistres avaient ainsi le droit de vendre chaque dimanche (ce qui fait sup- poser qu'ils étaient 24 maistres). Ils ne pouvaient rien col- porter. La vente ne devait se faire que chez eux et à leurs étaux des halles, : EXTRACTION DES PRODUITS NATURELS quer, suivant receltes venues de l'Orient, des mé- langes de muse, d'ambre, de civette, d'aromates, pour garnir les barillets et les pomandres. Ils ven- daient encore des eaux de senteur, des cosmétiques pour la barbe et le visage. À vrai dire, si quelques- unes de leurs préparations étaient puériles, d’autres ne manquaient pas de mérite. En 1689, ils obtinrent le monopole de la poudre; en 1713 ils commencèrent, avec Bailly, à eonfec- lionner des savonneltes moulées, à limitation de celles de Bologne, parfumées au néroli de Rome, à l'odeur de Naples; leurs produits se dévelop- pèrent et se perfectionnèrent. Mais, quelle que fût leur habileté, les manipulations auxquelles ils se livraient ne constituaient qu'une fabrication res- treinte et de détail. Aussi demeurèrent-ils cons- lamment réunis aux gañtiers, qui furent eux-mêmes incorporés avec les boursiers et ceinturiers, lors de la réorganisation des communautés en 1776. A celle époque on compta 250 maistres. Le commerce des parfums ne devait prendre son essor qu'après la Révolution. Une première trans- formation se manifeste, lorsque le siècle a une vingtaine d'années. Les facteurs en sont : d'une part, de nouvelles conditions économiques, qui permettent l'entrée en France de matières pre- mières accaparées jusque-là par l'Angleterre, où la parfumerie florissait; d'autre part, les travaux scientifiques de Leblanc, de Chevreul sur la soude et la saponification ; les progrès apportés aux appa- reils à distiller et aux méthodes d’enfleurage. Alors on commence à fabriquer de l'Eau de Cologne française ; D'Arcet fonde sa grande savon- nerie (1807), Roelant produit à Paris des savons de toiletle en pains et en poudre, faits avec la pâte dite de Windsor (1809). Decroix recoit du Gouver- nement un brevet d'importation pour la fabrication d'un savon « qui se faisait à Londres et multiplie les espèces dont on Îne connaissait en Angleterre que trois sortes » (août 1821). La Parfumerie appa- rail dans les expositions. M. Roelant a une médaille d'argent (1819). C'est une industrie dont Chaptal évaluait le chiffre d'affaires à treize millions déjà en 1812. La grande transformation a lieu de 1830 à 1850, produite, on le devine aisément, par l'introduction des machines à vapeur. Puis, de cette date à nos jours, l'outillage ne cesse de s’accroitre, de s'améliorer : nous voyons J. ROUCHÉ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA PARFUMERIE EN FRANCE apparaitre les mélangeurs à pommade, les agita- teurs à extraits, les broyeuses, les déchiqueteuses, les boudineuses à savon, les peloteuses (1855), le séchoir automatique Alphonse Piver (1864). Robi- quet (1835) pose le problème de l'extraction du parfum des fleurs par les dissolvants. On perfec- tionne enfin les méthodes d’enfleurage, les mani- pulations du laboratoire. L'outil s'introduit dans toutes les opérations. Le prix élevé des produits, leur volatilité excitent, on le comprend du reste, l'esprit ingénieux des inventeurs. La fabrication devient entièrement mécanique, continue et auto- | | | | 571 détail : ils deviennent réellement fabricants de parfumeries ; ils exportent. Tandis que, dans les premières années du siècle, on comptait difficilement à Paris, Grasse, Mont- pellier et Marseille, une vingtaine de fabricants, l'enquête de 1848, seulement à Paris, en révèle 110, employant 721 ouvriers, et faisant un chiffre d'affaires de 9.741.853 francs. L'enquête de 4860 donne : 204 patrons, 1.483 ouvriers; importance des affaires : 22.543.800 À Grasse, à la même époque, les parfumeurs comptaient 4.248 ou- vriers et produisaient pour 5.429.100 francs d'’es- francs. Fig. 4. — Cueilletle des [leurs de rose, aux environs de Grasse, dans les champs de M. Bruno-Court. (Photographie de M. Budin.) matique. La chimie étudie les essences, décrit leurs propriétés, enseigne leurs caractères de pureté ; elle rend utilisable pour la Parfumerie certains corps chimiques odorants (salicylate de méthyle, benzoate d'éthyle, aldéhyde anisique, nitroben- zine) ; elle fait les belles synthèses de la couma- rine (1867), de la vanilline (1874) et donne nais- sance à toute une industrie nouvelle. Le marché français des matières premières prend une grande extension. Certains produits, comme le muse, qui n'y arri- vaient que par l'Angleterre, sont importés directe- ment; des essences jusque-là inconnues, le ylang, le linaloe y parviennent. Le commerce grandit, les parfumeurs cessent d'être des artisans travaillant uniquement suivant les besoins de leur vente de sences ou de corps enfleurés. L’exportation, qui naissait en 1815, passait de 7 millions en 1848, à 14 en 1860. De nos jours, on évalue le nombre des fabricants à plus de 300 ; on estime qu'ils emploient plus de 6.000 ouvriers, qu'ils atteignent un chiffre d’affaires d'environ 75 millions. Voici donc la Parfumerie grande industrie. Elle l'est, en effet, et par son outillage perfectionné, et par son personnel nombreux, et par les connais- sances scientifiques qu'elle utilise, et par l'impor- de et sur les marchés étrangers, enfin par sa qualité, partieu- lièrement intéressante, et rare aujourd'hui, d'être tance ses transactions en France essentiellement française et de jouir d’une supério- rité incontestée dans les cinq parties du monde. ©t 1 19 J. ROUCHE — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA PARFUMERIE EN FRANCE L'industrie de la Parfumerie renferme deux fabri- cations bien distinctes : L'industrie des matières premières naturelles comprend le négoce des substances aromatiques, l'extraction du parfum des fleurs et des plantes et sa translalion dans des véhicules appropriés; en un mot, la création de corps parfumés simples, concentrés, revêlant une forme ‘utilisable pour le parfumeur et par lui seul. A celte branche est venue s'ajouter récemment individuellement, seraient peu importants, justi- fient pleinement cette division. Nous nous y con- formerons dans l'exposé qui va suivre; en consé- quence, nous traiterons d'abord de l'extraction des produits naturels. IT. — LIEUX D'ORIGINE. Nous ne nous altarderons pas à tracer la carte géographique des odeurs; il nous suffira de rappe- Fig.2. — Cueillette des fleurs de lubéreuse, aux environs de Grasse, Bruno-Court. dans les champs de M. Photographie de M. Budin.) la préparation synthétique de produits chimiques aromatiques, dits parfums artificiels. La Parfumerie proprement dite, diluant, dissol- vant les matières premières d’extraclion ou de syn- thèse, les marie et les transforme en produits telle est la fabrication des extraits, savons, teintures, pou agréables et livrables au consommateur ; dres, etc., en un mot, de toute la Cosmétique. maisons de Parfumerie elles-mêmes les fleurs de Pro- et à distiller quelques bois ou plantes, ces en fait, entièrement séparées. La rép ion des substances Bien que les principales nnent à traiter dustries sont, aromatiques dans le mond er, la difficulté d’avoir des agents spé- Claux sur tous les marchés pour des achats qui, ler que chacune des matières premières vient d’un pays spécial et ne vient généralementque de celui-là. Les Mate produisent la plupart des fleurs usuelles : la violette, la rose, la fleur d’oran- ger, la cassie, le jasmin, la jonquille, la tubéreuse. Grasse est un centre unique dans le monde entier et qui rend les autres pays tribulaires de la France pour une grosse partie des matières premières. Depuis plusieurs siècles, celte ville, favorisée par son climat exceptionnel, a le privilège des pro- Elle abrite une industrie agricole très intéressante, très pittoresque el très impor- tante par le nombre d'ouvriers qu'elle emploie lors des floraisons, pour la cueillette et le triage des leurs (fig. 1, 2,3 el 4). L’iris se trouve à Florence, duits enfleurés. J. ROUCHÉ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA PARFUMERIE EN FRANCE 573 la rose en Bulgarie, le muse en Chine, la vanille | pose, desséchée, échaudée ou blanchie, — l'ache- au Mexique, la bergamotte, le citron dans le sud | teur la transforme alors lui-même:en essence ou de l'Italie. Chacune de ces substances a son marché | leinture, — ou bien, si, plus délicate, elle ne peut local : Florence, Kezanlik, Hanoï, Messine. Puis, | supporter un transport trop difficile, sous forme Fig. 3. — Cueillelte des fleurs de violette, aux environs de Grasse, dans les champs de M. Bruno-Court, (Photographie de M. Budin.) 2 après être passée par l'intermédiaire de négociants | d'essence, résultat d'une manipulation indigène. ou courtiers indigènes, elle arrive sur les deux L'art d'extraire les parfums est chose la plus grands marchés : Paris et Londres. Elle y arrive, | complexe qu'il soit. ou bien sous la forme que la nature lui a donnée, Pour les plantes, l'odeur est tantôt dans la racine, après les modifications que sa conservation im- | tantôt dans la tige, souvent dans les fleurs ou dans D74 J. ROUCHÉ —— L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA PARFUMERIE EN FRANCE les feuilles, quelquefois un peu partout, et, suivant la partie qu'on traite, suivant le mode opératoire qu'on emploie, non seulement la forme du parfum obtenu change,maisle parfum lui-même estdifférent, Pour les fleurs, dont l'huile essentielle se trouve généralement localisée dans les cellules épider- miques de la face supérieure des pétales ou des sépales, le problème est encore plus délicat. La récolte demande des soins tout spéciaux. Il faut | III. — PULVÉRISATION, INFUSION ET EXPRESSION. Avant toute opération, il importe que les sub- stances aromatiques soient dans un état extrême de division, et, par conséquent, concassées, pilées, déchiquetées, écrasées ou pulvérisées. On emploie pour cela des instruments spéciaux, parmi lesquels nous citerons: le concasseur, la pile- rie à deux trépans accouplés, le déchiqueteur, les Fig. 4. — Triage des fleurs avant lu distillation à l'usine de M. Bruno-Court. (Photographie de M. Budin.) choisir une heure de la journée appropriée, un cer- | meules, les varlopeuses, les coupe-racines, etc., ma- tain degré d'épanouissement, tenir compte de l'hu- midité de l'atmosphère, de son ensoleillement. La fleur cueillie danslesconditions favorables, apprises par l’expérience, la tâche est encore ardue : il suf- fit, pour le comprendre, de songer à la délicatesse du parfum, à sa fragilité, à la quantité de fleurs qu'il faut traiter, et à la rapidité de la floraison. Avant de discuter les divers résultats obtenus, et Xaminer où en est le problème de l'extraction des parfums, nous allons montrer les différentes néthodes en usage ou tout au moins, renvoyant pour les détails aux manuels du parfumeur, en indiquer l'origine, l'esprit et le perfectionnement. chines classiques connues, et plus particulièrement, pour réduire en poudre impalpable, le pulvérisateur avec détendeur (fig. 5). Le premier procédé d'extraction consiste à faire des teintures. Dans des infusoirs, hermétiquement clos et ter- minés, à leur partie inférieure, par un filtre, on laisse macérer avec de l'alcool les corps odorants, tels que l'iris, le muse, la civette, le benjoin, les graines d'ambrette, les fèves Tonka, etc. On peut | diminuer la durée de ces opérations en infusant sous pression. Un autre mode opératoire, encore très simple, J. ROUCHÉ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA PARFUMERIE EN FRANCE 5 © mais d'un emploi restreint, puisqu'il ne s'applique guère qu'aux essences contenues dans le zeste de l'orange, du citron et de la bergamotte, est l'expression. IL suffit, en effet, de presser entre les doigts l'écorce d'un de ces fruits, pour en voir sortir des gouttes d'huile essentielle. Si l'essence est très abon- ‘ dante, on use du procédé dit à l'éponge. ainsi nommé parce qu'on recueille l'huile essen- lielle sur une éponge, tandis qu'on exerce sur le fruit une simple pression de la main (fig. 6). Dans le cas contraire, on a recours au procédé dit à l'écuelle. L'écuelle est un vase plat, en fer-blanc, sur le fond duquel émergent un certain nombre de pointes de laiton rangées sur des lignes con- centriques. L'’ouvrier râpe le zeste du fruit sur ces pointes; quelquefois, le vase, plus pro- fond, est armé, à l’intérieur, YF Y Fig. 5. — Pulvérisateur avec détendeur de MM. Beyer frères. — Un croisillon 4 tournant à grande vitesse projette la matière introduite par la trémie a, contre la paroi du cytindre garnie d'un anneau cannelé en acier. Les pro- duits pulvérisés, entrainés avec l'air dans un tube ascensionnel B, arrivent dans le déten- deur garni d'une toile très fine; l'impalpable passe d'un côté, le résidu de l’autre. de côtes aiguës ; on y place les fruits et on ferme par un couvercle armé également d'arêtes, auquel on imprime un mouvement giratoire. L'é- corce des fruits est déchirée. On se sert, enfin, soit pour retirer les dernières traces d'essence d’écorces déjà trai- tées à l’écuelle, soit pour des matières neuves, de presses à vis, voire même de presses hydrauliques. Les substances parfumées sont mises dans des sacs de chanvre ou de crin; ceux-ci sont pris entre deux plaques ou placés dans des seaux perforés. IV. ——. DiSTILLATION. La distillation s'applique aux matières susceptibles de fournir une essence qu'une température élevée et la pré- sence de la vapeur d’eau ne détériorent pas. On traite ainsi des bois odorants Fig. 6. — Fabmicalion de l'essence de bergamotte, en Calabre, à l'usine de M. Genoese Laboccelta (F.). (Photographie de M. F, Sergi.) — Les deux appareils latéraux sont des presses à bras qui déchirent les écorces. Au premier plan, vers Ja gauche, deux ouvriers appliquent le procédé à l'éponge. Au milieu, des ouvriers pressent à la main des sacs contenant les zestes déjà soumis à une première pression. #16 J. ROUCHÉ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA PARFUMERIE EN FRANCE cèdre et santal: des feuil- les et des plantes : pal- chouli, lavande, thym, romarin, ete.; et quel- ques fleurs : rose, oran- ger, ylang. En théorie, le procédé consiste à placer la sub- stance aromatique dans un alambic avec de l'eau et à soumettre ce mé- lange à une distillation ménagée. En pratique, il existe pour chaque plante une série de tours de main quel'expérience seule apprend. Certaines essences (amandes amères, lau- riers) ont besoin, pour se former, de la présence Fig S Les Îleurs de l'eau. D'autres corps craignent ce contact et demandent à subir l’action seule de la vapeur. Il en est encore qui, dénaturées par l’eau,exigent un autre véhicule. Ce sont là détails qui nous entrai- neraient trop loin. Il y aurait également banalité à Fig. 1. — Appareil chinois pour la distillation des essences. — Dans un fourneau en brique, on maconne une bassine en fer À, sur laquelle repose un cylindre eu bois garni de fer- blanc D; sur le bord supérieur de A est adapté un grand couvercle B jouant le rûle de chapiteau : le couvercle est muni à son bord inférieur d'une rigole extérieure, qui recoit l'eau de réfrigération. E à K, tuyaux, et G, H, I, E récipients recevant l'essence. M, cheminée. serpentin placé dans une cuve de bois remplie d'eau, rappeler que, si les matières odorantes sont chauffées trop rapidement, le parfum prend une odeur d'alambic; que, si elles sont en contact avec les parois chaudes, elles brülent, subissent une distilla- tion sèche et perdent leur aro- me, etc. D'une façon générale, on peut dire qu'il est nécessaire de distiller à la température la plus basse possible, de com- mencer la distillation très doucement, de la pousser seulement à la fin, d'évacuer rapide- lillalion de la lavande dans les Alpes sur les lieux mêmes de production. (Photographie de M. Budin.) — sont placées avec de l'eau dans de grands récipients chauffés sur un feu de bois. essence sort par un J. ROUCHÉ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA PARFUMERIE EN FRANCE 57 ment les vapeurs de la cucurbite et de les con- denser le plus rapidement possible à l'aide d'une réfrigération énergique. Les appareils à distiller pour la parfumerie revê- tent les formes les plus variées. Ils sont des plus primitifs, dans certains pays, comme en Bulgarie pour la rose, en Chine pour la badiane et la cannelle (fig. 7), au Japon pour la menthe. Très primitif aussi, surtout par Sa forme, l'a- lambie dont on se sert encore en France dans les sieurs inventeurs. Il en est résulté pour Les alam- bics une série de modèles. Nous ne pouvons les reproduire tous, nous montrerons seulement les perfectionnements qui leur sont communs, après avoir indiqué à quels défauts ils apportent un remède, Les problèmes à résoudre étaient les suivants : 1° Zviler les coups de feu le contact des substances avec les parois, el avec l'eau de la cucurbite dans certains cas, Pour cela, l'appareil est muni d'un bain-marie, Fig. 9. — Salle de distillation de l'essence de rose à l'usine de MM. Schimmel et Cie, à Milluz. pays de montagne, où l’on distille, sur les lieux mêmes de production, le thym, l’aspic, la lavande et le romarin (fig. 8). Dans les distilleries de village, l’alambie est élé- méntaire, à feu nu,etrecoitles plantes par le tympan de chargement ; celles-ci s'amassent sur une grille qui les sépare du fond; les vapeurs”s’élèvent de la cucurbite par le col de cygne et vont se condenser dans un serpentin ordinaire. Les appareils employés dans les grandes usines de parfumerie sont, au contraire, très perfection- nés (fig. 9 et 11). Les problèmes délicats que sou- lève la fabrication des essences en général, et les difficultés spéciales à chaque cas particulier ont été l'objet d’études approfondies de la part de plu- On‘emploie de préférence un bain-marie dont la partie inférieure est percée de trous. Il ne plonge pas dans l'eau; les matières qu'il contient sont soumises seulement à l'action de la vapeur émise par l’eau en ébullition *. Le vase extractif, imaginé par M. Egrot, est placé au-dessous de la colonne pour recueillir et expulser les matières visqueuses des fleurs, qui cucurbite, retomberaient dans la enltrainées par les petites eaux. ‘ Dans ce même esprit on ajoute quelquefois à l’alambic le système Soubeyran, ou bien l'on place sur la cucurbite la colonne à fleurs, cylindre fermé par un diaphragme percé de trous, et renfermant plusieurs autres diaphragmes mo biles superposés pour supporter les fleurs au-dessus des vapeurs qui s'élèvent. 518 2 Empêcher l'agglomé- ration des matières traitées ; prévenir l'obstruction. Les plantes sont renfer- mées dans un panier mé- tallique M, sur une série de plaques perforées (fig. 10). Un couvercle également perforé empêche, pendant la distiilation, les substan- ces d’être projetées dans le chapiteau par la violence de l'ébullition, et permet, à la fin de l'opération, de séparer facilement les par- ties solides des parties li- quides. 3° Pouvoir faire retour- ner automatiquement les pe- tiles eaux dans l'alambie. Il suffit d'élever le réfri- cérant suffisamment pour que le relour puisse se réaliser par un siphon L (fig. 10). % Rendre la de l'appareil très simple, MAN ŒUDTE ES WE F| | n | LH = Va | tE7m | | | =—=—=# LT Ho) UE [ | E X HD || E Q LE É AE ani} Ù É Ê on i E] … Ë = SS Fig. 10, — Alambic à essences à bascule avec panier (système Egrot). — ACB, alambic: M, panier; H, commande de renversement du panier: F, tube réunissant l’alambic au serpentin; R, réfrigérant; U, récipient de l'essence; L, siphon de retour des petites eaux. J. ROUCHÉ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA PARFUMERIE EN FRANCE le fonctionnement très sur. Pour faciliter la vidange, la chaudière se renverse en avant par un système de bascule. Cette bascule est remplacée dans les groupes d’'alambics à grand travail par le basculeurautomatique (fig. 12). Il importe d’avoir des joints commodes, rapides, faciles à nettoyer et très étanches. M. Egrot a fait breveler un joint à verrous très pratique, dont le ser- rage s'effectue en un quart de tour. La réunion du col de cygne à la chaudière se fait au moyen d'un point spé- ! Un certain nombre de ces verroux sont disposés sur l'un des cercles à réunir, l’autre cer- cle portant un ergot en acier en face de chaque verrou. Lors- qu'on fait tourner le verrou au- tour de son axe, l'ergot, fixé sur l’autre cercle, s'engage dans d'une des salles de distillation à l'usine de MM. Schimmel el Cie, à Lerpziy. J. ROUCHÉ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA PARFUMERIE EN FRANCE 019 cial, composé de deux parties, qu'il suffit de poser l'une dans l’autre pour obtenir instantanément une fermeture hermétique. Nous signalerons encore un {ampon perfectionné pour remplacer le trou d'homme et la boîte à vis, adaptée à la cucurbite, qui forme soupape de sûreté. 5° Distiller à la vapeur. La distillation à la vapeur est plus rapide. Les vapeurs d'essence restent moins longtemps en 6° Distiller dans le vide. On en voit de suite les avantages : suppression de l’action oxydante de l'air, abaissement du point d'ébullition ; avantages précieux que la Parfumerie n'a pas encore suffisamment utilisés. Par la distil- lation dans le vide, on recueille des essences plus fines et on peut obtenir certains parfums que la dis- tillation ordinaire était impuissante à conquérir. L’alambic ne différera des autres que par l’ad- jonction d’une pompe à air, et la nécessité defermer Fig. 12. — Groupe d'alambics à grand travail avec basculeur aulomalique, à l'usine L.-T. Piver. — À droite et à gauche, on voit les deux alambies avec leur chapiteau et leur col. Un ouvrier est en train de faire basculer l’alambic de droite pour le vider. Au milieu se trouve le réfrigérant: l'essence est recueillie successivement dans les vases placés devant. Le basculeur aulomalique se compose d’un cylindre moteur contenant un piston, sur les faces duquel agit l'eau amenée par un fuyau; suivant le sens de la clé, l’eau agit en dessus ou en dessous du piston, l'alambie se penche ou se relève. contact avec les vapeurs d’eau : plus fins. les parfums sont Les alambics ne diffèrent des alambics à feu nu que par les dispositions adoptées en vue du chauf- fage. La vapeur peut être injectée dans une enve- loppe entourant la cueurbite ou bien sous le fond perforé qui supporte les plantes !. une rainure excentrée que porte intérieurement le verrou et se trouve entrainé graduellement par le mouvement de rotation du verrou jusqu’au serrage complet du caoutchouc placé entre les deux cercles. ‘ Pour certaines plantes, le barboteur est formé d'une hermétiquement. Dans l'appareil de M. Brehier, on utilise la forme surbaissée de la coupole pour condenser immédiatement les vapeurs. La distilla- tion peut s'effectuer alors à une température plus basse que dans les appareils où l'on est obligé de chauffer pour lutter contre le refroidissement produit par Flair ambiant sur la surface du chapi- teau (fig. 13). couronne portant une série de branchements verticaux. La vapeur se trouve ainsi distribuée uniformément dans toute la masse et provoque une agitation qui empêche les plantes de s'agglomérer. 580 MM. Egrot et Grangé viennent de construire un appareil très éludié, par lequel on peut ré- duire à quelques degrés la diffé- rence de température entre Ja paroi chauffée et la matière trai- iée. Un régulateur automatique de température maintient fixe, sans aucune surveillance, la tem- pérature du double fond. 1° Pouvoir faire des distillations méthodiques, et séparer les diflé- rents produits de la distillation. Ce fractionne- ment est indis- pensable pour certaines essen- ces, comme le ylang, qui diffè- rent de qualité suivant qu'elles proviennent du commencement ou de la fin de la distillation. L'appareil de la figure 15 permet de les séparer et de les recueillir J. ROUCHÉ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA PARFUMERIE EN FRANCE 9° Recueillir l'essence rapide- ment et en totalité. Le principe des récipients de distiilation est le vase florentin. Un alambic imporlant demande une série de ces vases, où un appareil spécial qui les réunit. L'essencier d’'Alphonse Piver (1871) est divisé, dans sa hauteur, en huit compartiments. (fig. 17), que l’eau parcourt en sortant du réfrigérent À, tandis que l'huile essentielle re- monie à la sur- face et s'écoule par un trop-plein en E. Il agit donc comme huit va- ses florentins . Malgré les qua- lités de ces ap- pareils, on n’a pu, à Grasse, traiter d’une fa- | il | (Il ÉBREHIE A con utile, comme fleurs, que la rose et la fleur d'oranger. Les autres M fleurs telles que lans des esse Fig. 13. — Appareil à distiller dans le vide (système E. Bréhier et Cie). — ; 6 : dans des essen- A, chaudière à eau, formant bain-marie et chauffant par serpentin de cir- Violette, jasmin, différents. 8° Trouver un ciers réfrigérant qui ne Ss'obstrue pas el qui puisse se nettoyer aisément. Il importe, en effet, comme il doit servir pour des essences différentes, qu'il ne conserve aucun souvenir des distillations passées. Divers systèmes démontables sont en usage : a. Des tubes coniques en hélice reliant deux lentilles: b. Des lentilles superposées (fig. 14) démontables séparément. (Cet appa- reil a l'avantage, par sa forme et la combinaison de ses diverses parties, de pouvoir être moulé en toute espèce de matière : porcelaine, verre, grès, lonte émaillée) ; c. Deux feuilles de cuivre élamées parées l’une de l’autre de 20 milli- melres où juxtaposées, et simulant par un renflement le serpentin ordi- naire (fig. 16). culation de vapeur; B, chaudière contenant le produit à distiller; G, conden- seur intérieur recueillant les vapeurs formées; D, dôme de l'appareil avec circulation d'eau froide pour la condensation; H, refrigérant contenant le récipient des vapeurs condensées ; I, récipient refroidisseur des vapeurs con- densées ; à, raccord du tuyau d'aspiration de la pompe. (Tone TT Fig. 14, — Condensaleur à cascade, à lentilles super- posées démontables (Sys- tème Bréhier). cassie, tubéreu- se, elc., ne sup- portent pas la distillation. Pour obtenir leur parfum, on a recours à la propriété que possèdent les corps gras d'absorber les odeurs par simple contact avec les produits odorants. Quand on opère à chaud, ce procédé prend le nom de macération; quand on traite les fleurs à froid, ce qu'on est obligé de faire pour les plus déli- cates, le jasmin et la tubéreuse, il s'appelle enfleurage. V. — MACÉRATION. Les corps gras les plus employés sont la graisse et l'huile. La graisse exige une préparation afin de lui enlever son odeur et de prévenir sa rancidité, préparation très 1 Les essenciers Bréhier et Egrot ont pour base un principe analogue, avec une dispo- sition autre. J. ROUCHÉ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA PARFUMERIE EN FRANCE 381 importante el recomman- dée de tout temps aux parfumeurs. Dioscoride lui-même en fait mention. On mélange des rognôns de bœuf et de la graisse de pore en proportion difré- rente, suivant la saison, suivant le pays où la pom- made doit aller. On les broie entre des cylindres en fonte hérissés de fortes dents, tournant à vitesse différentielle. Le suif dé- chiqueté tombe dans une cuve. Il est lavé et fondu. Pour prévenir la ranci- dité, on ajoute une petite dores pour remplacer le ben- join. Pour l'huile d'olives, elle n'a pas besoin de préparation spéciale. Il suffit qu'elle soit bonne, très raffinée et ne rap- pelle pas l'odeur de l'olive. Depuis peu, on tend à lui sub- stituer l'huile neutraline, ab- solument inodore et qui ne rancit pas. On a recommandé aussi successivement la glycérine, la paraffine, la vaseline: ce dernier corps parait être celui qui a le plus d’avenir. On fait digérer les fleurs dans des bassines étamées T | TS (ll — == (ET ou I fine CD NN TT re Li] Li DT Fig. 15. — Apparei ist 1 1 d A den MER gionnée des Re — Il se compose de trois vases A1, A2, A3, disposés autour X relrigérants posés, qui correspondent aux deux quaiités d'’es :e. Che ra$e porte le laquelle viennent débouce I au) x quaïités d'essence. Chaque vase porte une grille so ‘ éboucher deux barboteurs, l'un ame ë né 4 sd Et x barbo s, oant la vapeur du générateur, l’autre les ve 's , PAR Len vases At A? étant € QE € L E L eérateur, l'autre les vapeurs du vase prece- it. L ses At, épuisés de leur première qualité et le vase A* i frai ; levier P, on ouvre {a v ES Ir pre { é et le vase A° rempli de fleurs fraiches, au moyen d'un vier P, apeur vive sur A*, L'essence de première qualité = ipier temps, on ouvre la va Se tes PE ue premiére qualité de A* se rend dans le récipient R. Pendant ce nps apeur vive sur À! qui va se dépouiller de sa second lité. C s uis A, etser PRE ] sa seconde qualité. Cette essence traverse le vase A1, [ , €E se rend dans le réfrigérent R!. Des ch ingements de marche se font par le levier P, sans complication ,de robinet, uantité de rési rénér: DE se il de résine ou de baume, généralement du | au milieu de ces corps gras, chauffées au bain- benjoin. ie, à ‘ marie, à une température aussi basse qu’ ut x ASE M LP \ un 1pérature aussi basse qu’on peut, nent, on à proposé des antiseptiques ino- | en général inférieure à 65°. Quand les fleurs ont REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897. AN LL 582 J. ROUCHÉ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA PARFUMERIE EN FRANCE cédé leur parfum: on les retire et on en met de nouvelles jusqu'à ce que les corps gras aient la (1 ll 1) J ))) À) Fig. 16.— Serpentin démontable (sys- lème Egrot). — a, cylindre lisse; b, cylindre à gorge hélicoïdale; A, À, À, circulation des vapeurs à condenser. force odorante cherchée. Cette opération est exécutée par des femmes (fig. 18); chacune à son bugadier, dont elle agite les fleurs. Un buga- dier peul conte- nir de 100 à 150 kilos de graisse. On renouvelle les fleurs jusqu à vingt-cinq fois, chaque infusion varie ainsi de douze à quaran- te-huit heures. Alphonse Pi- ver a proposé un procédé plusper- fectionné et de grande indus- trie; il a nommé son dispositif saluraleur rationnel (fig. 19). Il à | ll UN Fig. 17. — Coupe et élévation de l'essencier Alphonse Piver. =_ L'eau chargée d'essence du réfrigérant arrive en À et ressort en $ privée d'huile essentielle après avoir tra- versé les huit compartiments ; cette dernière s'écoule en E. La coupe montre la marche suivie par l'eau dans l'appareil. lie. 18. — Macérulion des fleurs à chaud dans de grands récipients, appelés bugadiers, renfermant de la graisse fondue. maintiennent les fleurs immergées dans le corps grûs. J. ROUCHE — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA PARFUMERIE EN FRANCE 583 ainsi rendu l'opération mécanique, continue (évitant de faire refroidir la graisse à chaque rechargement de fleurs), et moins longue, toute infusion pou- vant être terminée en une journée". Cet appareil permet de parfumer en un seul jour, 800 kilos de graisse. Après la macéralion, on exprime les fleurs épui- sées dans des presses hydrauliques (fig. 20), afin de récupérer les corps gras. Quant aux graisses parfumées, onles laisse dépo- A l’origine, on enfleurait dans des plats doubles, appelés liames, et dans lesquels on coulait 12 onces de graisse. C’est un parfumeur de Grasse, Z’héas, qui remplaca ces ustensiles primitifs et de trop petite production par des châssis. Ces châssis, ayant 8 centimètres de profondeur, 60 de large, sur 1 mè- tre de long, sont fermés dans le bas par une glace. A l’aide d’une spatule, on étend la graisse sur cette glace, et par-dessus on pose les fleurs, en contact direct. Elles y restent douze heures; quand elles Grasse nodore 7 Grasse saturee Echelle de 010 ee ER Fig. 19. — Saturaleur ralionnel Alphonse Piver. — 1,2, 3, 4,5, 6 et 7, compartiments renfermant la graisse fondue ef communiquant ensemble par des trop-pleins AB; 1/, 2', 3!, 4, 5!, 6, 1, compartiments à fond percé renfermant les fleurs et qu'on trempe successivement dans la graisse fondue. Les fleurs fraiches sont mises dans le 7! et passent du 5 au 5, etc. — La graisse qui suit l'ordre inverse, arrivant en 1, s'empare «les dernières traces de parfum contenu dans les fleurs prèsque épuisées, taudis que la graisse du T déjà saturée dissout le parfum en excès des fleurs fraiches. ser; on les passe à l’étamine et on les coule dans des boites de fer-blanc : ce sont des pommades. VI. — ENFLEURAGE. L'enfleurage est le procédé à froid. Les corps gras employés sont les mêmes. Déjà en 1874, et même en 1872, il avait lenté des essais dans cette voie en installant un plateau tournant à l'inté- rieur duquel se trouvait une série de bugadiers, communi- quant entre eux par un tuyau qui conduisait la graisse du bas de l’un dans le haut de l’autre, d'une facon méthodique et rationnelle. La graisse tombait d'un bac élevé ; les fleurs contenues dans un panier étaient descendues par une grue circulaire. ‘sont épuisées, on les remplace. L'enfleurage total, nécessairement long, varie entre douze et soixante- douze heures. Si l’on emploie l'huile, on en imbibe des mor- ceaux de toile de coton, qu'on étend sur des cadres garnis de fil de fer : les fleurs reposent directe- ment sur les loiles. L'opération terminée, on sou- met les toiles à une forte pression pour en retirer l'huile. On obtient ainsi soit par la macération, soit par l'enfleurage, des pommades et des huiles parfu- mées. Pour en faire des extraits alcooliques, on les met en contact avec de l'alcool, et l’on agite le d84 J. ROUCHÉ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA PARFUMERIE EN FRANCE mélange jusqu’à ce que ce dernier ait enlevé tout | le parfum. | Pour les pommades, on se sert de vases en cui- | vre, où elles sont brassées énergiquement (fig. 21) par des palettes animées d’un double mouvement d'ascension et de rotation. | Les huiles sont mises dans des bouteilles en | verre de 45 litres hermétiquement fermées et pla- cées sur un plateau à mouvements vio- lents et alternés (fig.22): On laisse reposer, on sépare par dé- cantalion. Pour en- lever les dernières parcelles de graisse, on glace les extraits, soit en entourant la bassine d’un mé- lange réfrigérant, soit au moyen d’ap- pareils spéciaux, comme celui M. Douane, qui per- de met l'introduction gl dans l'extrait d’un À récipient frigorifère À Hi à } ra ae à : K à chlorure de mé 1 thyle. Une distilla- lion ménagée permet de récupérer les races d'alcool qui restent dans le corps gras. Tels sont les pro- cédés (enfleurage ou macération) mis en usage et depuis très longtemps par tous les parfumeurs pour le traitement fleurs. On vite les inconvénients : épuisement long (pour oblenir des pommades enfleurées au jasmin, très | concentrées, il faut quelquefois quatre-vingt-dix jours, c’est-à-dire toute la durée de la récolte); matériel important de cadres, châssis, dont l’en- tretien est coûteux (une grande usine est obligée des en voit d'avoir trois mille cadres); qualités médiocres du produit, dont nous reparlerons plus loin; colo- tion ; odeur de graisse ou d'olives, résultant dela juxtaposition du corps gras et des fleurs. De là un | autre procédé d’enfleurage, appelé méthode pneu- matique. On voit par quelles séries d'essais l'in- dustrie doit passer avant d'atteindre à la perfection. Fig. 20. — Expression des fleurs dans la presse hydraulique. VII. — PROCÉDÉ PNEUMATIQUE. Le principe consiste à éviter le contact du corps gras et de la matière odoriférante et à transporter le parfum de la fleur sur la graisse par un courant d'air ou de gaz. En 1874, Alphonse Piver a fait breveter un pro cédé dont il avait eu la première idée en 1856. Son appareil (fig. 23) se compose d'un coffre à deux cavités com- muniquant entre elles. Des claies en toile métallique sup- portent les fleurs; entre chaque claie, une lame de verre, fixée d’un seul côté, mais libre sur les trois autres bords, reçoit le corps gras, non pas comme sur le châssis élalé ho- rizontalement, mais exprimé en pelits cylindres. Un outil spécial force la graisse à passer au travers d'une plaque criblée de petits trous, d’où elle sort, en quelque sorte, sous forme de ver- micelle. Deux souf- flets établissent un courant permanent qui passe et repasse de haut en bas et de bas en haut de chaque côté du dia- phragme qui partage le coffre et oblige ainsi l'air continu et non renouvelé à saturer les graisses. Cette agitation de l'air avait tendance à faire rancir la graisse. En 1884, M. Lucien Piver a repris ses expériences d’abord avec de l'azote; puis, pour éviter cette complication, avee de l'air, mais substi- tuant à la graisse de l'huile neutraline. De plus, il a perfectionné cet appareil par des disposilions aussi pratiques qu'ingénieuses (fig. 24). Les huiles parfumées ainsi obtenues gardaient le parfum ex- quis de la fleur ; mais malheureusement d'une facon un peu fugitive. Elles avaient, en outre, l’avan- tage de donner des extraits blancs. C'est donc un progrès important qu'on doit à l'éminent inventeur. J. ROUCHÉ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA PARFUMERIE EN FRANCE 585 | Fig. 21. — Mélangeur à extraits, avec palettes animées d'un double mouvement d'ascension et de rotation {système Egrot et Grangé). VIII. DIssOLUTION. Le principe de la dissolulion consiste à séparer le parfum en le dissolvant dans un liquide suffisamment volatil pour pouvoir ètre ensuite facilement expulsé. L'idée pre- mière en revient à Ro- biquet '. Voici com- ment il l'expose dans son mémoire Sur l'arome de la Jonquille (juillet 1835) : « Puisque la distilla- tion ne pouvait me me- ner à aucun résultat, j'ai dû avoir recours à d’au- tres moyens et notam- ment à l'emploi de diver- menstrues. L'éther ma paru celui de tous qui offrait le plus d'avan- tages. J'ai rempli, sans ses abouchée, de corolles mondées de jonquilles, puis j'ai versé de l’éther; le liquide a passé goutte à goutte, «J'ai trouvé dans la carafe deux couches; l'une, supé- rieure, formée par l’éther, était d’un beau jaune citron ; % NN Q NS > Fig. 22. — Agilaleur à erlraits (système Beyer frères). — L'arbre horizontal actionne, au moyen du plateau à mani- velle placé à son extrémité, la bille avec têtes à rotules dont le mouvement en avant fait décrire à la table une portion de cercle. Son retour en arrière ramène vivement la table dans sa position première. l’autre, due à l’eau de végétation, était plus foncée. La teinture éthérée fut distillée. Il resta dans la cornue un dépôt de petits mamelons jaunes diversement groupés sur ses parois et encore au fond un peu de liquide éthéré. Le dépôt concret répandait une odeur très prononcée de jonquille, mais un peu mélangée de ce qu’on nomme odeur de vert. Le liquide éthéré évaporé dans une petite capsule donna un résidu d'une odeur bien plus franche de jonquille. Ce résidu ne séchant point à l'air, je m'apercus bien- tôt que le liquide qui baignait les petits ma- melons était de l'huile et non pas de l’eau. L'arome de la jonquille résidait donc dans le produit hui- leux entraîné par la tein- ture éthérée. Le produit concret, par lavages à l'éther età l'alcool, devint incolore : c'était de la cire. » En 1856, Milon a fait sur l'arome des fleurs une étude semblable et l’a poussée plus loin. Ayant trouvé ces mé- mes cires odorantes, I -_ il établit et caractérisa trop fouler, une allonge 7 TR Dre eZ s Voir, comme curiosité, SD W 30 20 MP O0 10 2 304 le procédé du citoyen Dema- Echelle de 0100 leurs principales pro- priétés : SJ 60 70 #0 sù chy (1797), dans le Journal SE = PUIS Alphonse Hiver, PRE à TRE « La définilion de ces de la Faculté des Pharma- L LG PR AqUErE MESA DEUTS QU AN GTA Se TT les substances, dit- ciens de Paris. Le dissol- vant employé était un sirop de sucre blanc. sont situées sur des plateaux différeuts; un courant d'air, lancé par deux soufflets, porte le parfum sur la graisse, — A, claie pour les fleurs; B, lame de verre recouverte de corps gras en vermicelle; C, D, plan et coupe du vermicelier. il, serait donc : « Le parfum des fleurs est un principe fixe ou ra- 586 J. ROUCHÉ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA PARFUMERIE EN FRANCE rement volatil, inaltérable ou peu altérable à l’air et dont la fleur ne renferme que des traces impondérables. « Il est décomposable par la chaleur, soluble dans Fig.2%4. — Appareil de M. Lucien Piver pour l'extraction des essences par le procédé pneumatique. — Les fleurs et le corps gras sont placés dans un même cylindre; les fleurs reposent sur des plateaux demi-circulaires, en deux panties, i, j, assemblés à charnières, et qui permettent de les retirer facilement pour les recharger après l'opération; l'huile coule en couche très mince et très lentement (elle par- court l'appareil en 12 heures) dans une sorte de rigole b, disposée en spirale le long des parois du cylindre. Elle sort de o, et retombe en £. Un tube x relie ces deux vases et permet le passage dans le vase supérieur de l'air con- tenu dans l’autre, sans que le parfum soit altéré par l'air exté- rieur. Au-dessus de chaque plateau, les palettes K fixées sur un arbre traversant le cylindre, et tournant à 425 tours par minute, déplacent violemment la masse gazeuze ambiante, et projettent le parfum des fleurs sur l'huile répandue dans les rigoles. l'alcool, l’éther, les corps gras; il est presque indéfini- ment diffusible dans l'air, c'est-à-dire qu'il s'y répand et y dénote sa présence par une odeur suave, sans que son poids en soit affecté d’une manière sensible à nos méthodes actuelles d'appréciation. Dans mon opinion ce caractère général de fixité ou plutôt de résistance aux agents atmosphériques distinguera les parfums pro- prement dits; les huiles essentielles qui exsudent des végétaux ou que la distillation en dégage sont des pro- duits d’une nature différente. » Ce procédé permettait donc, non seulement de traiter les fleurs sans altérer la délicatesse de leur arome, mais encore donnait une nouvelle forme de produit, appelé par Milon parfum, plus connu aujourd'hui sous le nom d'essence concrète. Mais l'éther était un dissolvant trop coù- teux. Il fallut avoir recours au sulfure de carbone : des difficultés d'épuration se présentèrent. Le point délicat du problème sera toujours, en effet, de sé- Fig. 25. — Appareil de M. Laurent Naudin pour la dissolu- tion du parfum des fleurs. — Les fleurs introduites dans un digesteur A, on fait le vide. Par l'effet seul du vide monte du récepteur R le dissolvant. Parfumé après quel- ques instants de contact, il passe dans un vase décan- teur B, où on a fait préalablement le vide, et cela par un simple robinet. L'eau contenue dans les fleurs et entrainée se dépose à la partie inférieure du décanteur B, on l'ex- pulse. On établit la communication entre le décanteur et l'évaporateur C; on fait le vide. Le dissolvant parfumé distille alors ; une pompe P active la distillation et refoule les v peurs qui se liquéfient dans un réfrigérant tubu- laire F, fortement refroidi. On maintient la température de l’évaporateur C égale à celle de l'atmosphère ambiante, en restituant par un courant d'eau dans la double enve- loppe la chaleur latente empruntée au dissolvant volatil pour sa transformation en vapeur. parer les dernières traces du dissolvant et d’éli- miner les matières étrangères dissoutes. Alphonse Piver, qui avait secondé dans ses recherches Milon, — celui-ci se plait à le reconnaitre dans son mémoire, — non seulement en mettant à sa dis- posilion son laboraloire, mais en l’aidant de ses connaissances techniques, rendit cette méthode industrielle par des perfectionnements de. détail (rectification à l'alcool, lavages à l’eau alcalini- sée), et un certain nombre de tours de mains qu'il serait trop long de rappeler. Il l'appliqua au ré- séda, à l’héliotrope et surtout aux rhizomes d'iris. J. ROUCHÉ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA PARFUMERIE EN FRANCE 587 Depuis, cette étude a été reprise avec d'autres dissolvants. M. Hirzel (1863) a essayé l’éther de pétrole. MM. Ville, Hureaux, Naudin et Camille Vincent (1879), Massignon (1890), ont utilisé le chlo- roforme, le chlorure de méthyle. Le dissolvant de l'avenir paraît être l'éther de pétrole. La So- ciété des Parfums de Cannes, qui exploite le brevet Massignon et l’a perfectionné, emploie un pétrole léger, bouillant vers 80°. IL y a quelques semaines, M. Jacques Passy s'est TABLEAU DE MANŒUVRE Fig. 26. — Appareil de la Sociélé des Parfums de Cannes pour l'extraction des essences par les dissolvants. — Le dissolvant parfumé étant enlevé des extracteurs, on chasse par un fort courant de vapeur d’eau, les parties retencves dans les fleurs. (Il est à remarquer que les extracteurs communiquent avec la vapeur d'eau par le haut et avec le dissolvant par le bas). Les extracteurs E,, E, sont réunis par une conduite qui porte une série de soupapes S,, S, s'ouvrant dans le même sens. De plus, ils sont conjugués deux par deux, de sorte que, quand le dissolvant est poussé hors des appareils impairs par l'air comprimé, il rentre dans les appareils pairs dont l'eau s'échappe au gazomètre. Cette manœuvre se fait auto- maliquement au moyen d'un fableau de manœuvre, com- posé d’une série de robinets distributeurs à deux directions en nombre égal à celui des extracteurs. Chacun de ces robinets R,, R, fait communiquer la conduite, soit avec le tuyau d'amenée du gaz comprimé, soit avec la conduite d'évacuation : les leviers de manœuvre- de ces robinets sont enclanchés sur une tringle T qui les met tous en mouvement d'un seul coup. Des obfurateurs interrompent automatiquement la communication entre un extracteur et son conjugué dès que le dissolvant contenu d'abord dans le premier est passé dans le deuxième. L'évaporateur concentre la solution du dissolvant parfumé, l'évapore à l'aide de la chaleur et du vide. servi, comme dissolvant, d’eau pure, — milieu inoffensif pour la fleur, — et a repris ensuite par l'éther le parfum de cette eau enfleurée. M. Laurent Naudin a imaginé un appareil ingé- nieux (fig. 25), où les opérations ont lieu en vase clos, dans le vide, à très basse température, par conséquent avec moins de danger et moins de perte. Le liquide dissolvant se meut par simple diffé- rence de pression. La Société des Parfums de Cannes à fait breveter en 1890 une installation très étudiée, dont plu- sieurs détails méritent l'attention (fig. 26 et 27). Les extracteurs sont disposés en série continue, comme une batterie de diffusion en sucrerie. Les fleurs y sont placées dans un panier ouvert par le haut et muni par en bas d’un fond percé de trous pour laisser pénétrer le dissolvant. Celui-ci passe succes- sivement dans les extrac- teurs, faisant une dissolu- tion méthodique, comme %;. dans le salurateur ration- nel, se rend dans l’évapo- rateur, où on le sépare du parfum par distilla- tion. 3 L'épurateur chasse du &£ e s] parfum les dernières tra- D ces du dissolvant en le soumettant à l'état de division extrème à l’ac- tion simultanée de la va- peur d'eau et du vide. [ Depuis, on a substitué la vapeur d'alcool à la Chsudrere | 4. vapeur d’eau.Pourlépu- Fig. 21. — Évaporateur el épuraleur de la Société ration définitive des par- fums, on emploie une série de manipulations dont le détail reste le secret de la Société. M. Chiris a apporté de des Parfums de Cannes.— L'évaporateur concentre la solution du dissolvant parfumé, l'évapore à l'aide de la chaleur et du vide. a, arrivée du dissolvant parfumé ; b, sortie du dis- solvant; ce, sortie du par- fum qui tombe à l'éta- nouveaux perfectionne- ments, dont le principal serait l’ozonisatlion des produits. ï Tout dernièrement MM. Egrot et Grangé ont construit un nouvel ap- pareil qui réalise l’ex- traclion continue des lières travaillées. liquide dans l'épurateur. L'épuraleur se compose de plateaux en toile 4 de forme conique superpo- sés et alternés en sens et grandeur, placés dans une colonne D, reposant sur une chaudière. Sur ces plateaux le parfum s'étale en nappes minces et des- cend en cascades sue- cessives. essences par les dissolvants, l'épuisement complet et le séchage par une agitation constante des ma- En lraitant les fleurs par les dissolvants, on obtient des essences concrètes, jouissant de toutes les propriétés décrites par Milon sous la forme d’une cire naturelle, et, chose remarquable, sem- | blable à la cire d'abeilles. 588 [IX. — CRITIQUE DES PROCÉDÉS D'EXTRACTION. Après avoir passé en revue les divers procédés de fabricalion des corps parfumés, nous pouvons comparer les résultats qu’ils fournissent et exami- ner où en est le problème si délicat de l'extraction des Parfums. À vrai dire, malgré les nombreuses recherches, méthodes primitives anciennes, procé- dés scientifiques modernes, la question est loin d’avoir reçu une solution complète. Quelle que soit sa forme, le parfum doit avoir les deux qualités suivantes : 1° Rappeler l'odeur véritable de la substance dont il est extrait ; 2° Présenter, exposé à l'air, une inaltérabilité complète et une persistance suffisante. — Plus brièvement, il doit être exact et durable. C'est l'ensemble de ces deux qualités qu'il est dif- ficile d'obtenir. L'infusion donne un parfum à peu près vérilable, mais fugace. Pour les fleurs, il est sans résultat. La distillation fournit un parfum dura- ble, mais sans suavité, altéré par la vapeur d’eau, rappelant toujours l’alambic. La macération, ou l'enfleurage, produit un parfum durable, mais gé- néralement pas exact el coloré, un arrière-goût de graisse, d'huile, quelquefois rance, une impression de fleurs fanées, bouillies. Le procédé pneumatique, un parfum sincère, exquis, mais très fugace. La dissolution, un parfum réel, stable, mais peu abon- dant et gâté souvent par l'odeur du dissolvant. — On le voit donc : ou le parfum est durable, mais altéré, ou il est exact, mais fugace. Par les méthodes connues on ne l’obtient stable que si la fleur a été en contact direct avec le véhi- cule, et alors il rappelle l'odeur de ce véhicule. De là, comme le procédé usuel est l'enfleurage, cette proposition partout énoncée : Pour obtenir un parfum permanent, il faut passer par l’intermé- diaire d’un corps gras. Ainsi exprimée, cette idée ne pourrait-elle ame- ner des confusions”? Ne laisserait-elle supposer que la graisse, dans son union avec les fleurs, apporte d'elle-même un principe de fixité, alors qu’elle agit simplement comme dissolvant susceptible d'ex- traire, au contraire, de la fleur ce principe de fixité ? Pourquoi les essences concrètes produites, par exemple, avec l’éther, sont-elles moins altérables ? Parce que l’éther dissout de la fleur une matière cireuse, qui fixe le parfum, et non parce qu'il ÿ a contact du solvant. Pourquoi les huiles enfleurées par la méthode pneumatique n'ont-elles qu'une odeur fugace? Parce que le dissolvant, l'air, ne prend des fleurs pour les porter dans l'huile, que l'arome sans autre véhicule, et non parce que’les fleurs ne‘touchent pas l'huile. L'iris est un exemple intéressant. Les longues recherches faites sur son J. ROUCHÉ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA PARFUMERIE EN FRANCE parfum, voisin de la violette, l'ont fait traiter par un grand nombre de dissolvants, l'alcool, le sulfure de carbone, l’éther, l'acétone, la ligroïne, ete. On à obtenu ainsi autant de produits différents, comme corps, comme parfum et comme stabilité : car cha- cun de ces dissolvants enlevait en même temps qu'une quanlilé plus ou moins grande de principe odorant, soit l’amidon, soit la glucose, soit l’'iri- dine, ete., ou laissait intacte toute partie résineuse. La question de stabilité tient donc, non dans le contact, mais dans les propriétés du dissolvant qui lui feront entrainer avec le parfum plus ou moins de matières fixantes. La question de pureté dépendra aussi des pro- priélés du dissolvant, suivant qu'il sera suscep- lible d'agir ou de ne pas agir sur les liquides aqueux imprégnant les tissus de la fleur, tissus dont la déchirure amène des impuretés. Nous voyons, par conséquent, que la solution du problème se trouve dans le choix de ce dissolvant, qu'il devra être inodore, inaltérable, peu coûteux et d'une manipulation facile ; qu'il pourra varier avec chaque substance, el résultera même de la compo- sition de cette substance. gira-t-il en quelques instants comme l'éther, ou en quelques heures comme la graisse? Sera-t-il instantané ou lent ? S'il est instantané, observe-t-on, il ne prend qu'une petile partie du principe odorant, car il {ue la fleur et ne lui laisse pas le temps d’exhaler la totalité de son parfum. Lent, au contraire, il per- met à la fleur de vivre longtemps, de livrer loute sa capacilé aromalique, de s’abandonner même, comme cela arrive pour le jasmin, pendant l’en- fleurage, à une auto-distillation. En résumé, le parfum se trouve-t-il condensé dans les pétales à l’état latent, ou se forme-t-il au fur et à mesure de sa production ? Cela varie pro- bablement suivant les fleurs!. Nous voici done ramenés pour l’art du parfumeur, à remonter à la nature, comme pour tous les arts, à découvrir le développement naturel du parfum dans la substance étudiée; à trouver par l'analyse les composants de cette substance même, puis à déduire de ces observations le choix d'un dissol- vant approprié, susceptible de distraire le principe odorant en même temps qu'un élément de fixité, sans entrainer de matières étrangères; enfin, de réaliser la dissolution dans des conditions voisines des conditions atmosphériques, sans doute, mais en tout cas, telles que la puissance aromatique puisse se livrer normalement et en totalité. J. Rouché, Ingénieur-Chimiste à l'Usine L. Piver. Voir les travaux de M. Mesnard et de M. Jacques Passy. A. LABBÉ — L'HÉTÉROMORPHOSE EN ZOOLOGIE 59 L'HÉTÉROMORPHOSE EN ZOOLOGIE On sait qu'un organe perdu, — où une partie du | chez des Vers inférieurs la régénération des gan- corps enlevée, — se régénère, du moins chez beau- coup d'Invertébrés et quelques Vertébrés; le plus ! souvent, la partie régénérée est semblable à la partie disparue. Mais il n'en est pas toujours ainsi : il peut se faire que l'or- gane régénéré diffère de l'organe enlevé par l'origine, la position, la structure et le rôle physiolo- gique. Lesrégénérations de cette sorte sont désignées par Lœæb sous le nom d'Aétéromorphoses. Une distinction s'impose. Dans une première classe, sous le nom d'hétéromorphoses d'origine, nous pouvons grouper les cas dans lesquels l'organe régénéré est semblable à l'organe disparu, mais se trouve formé par un ma- tériel embryonnaire différent. Par exemple, chez les Lumbriculus, von Wagner | obtient la régénération du stomodæum et du proc- | todæum par différencia- tion de l'in- testin endo- dermique,tan- dis, que chez l'embryon, ces parties sont ectoder- miques. Le même auteur a constaté que chez les Wi- crostomaetles Planaria, le pharynx,eclo- dermique chez l'embryon, se régénère aux dépens du pa- reuchyme mé- sodermique. WolfetErik Müller, après avoir extirpé le cristallin de l'œil du Triton, constatèrent la régé- néralion de cet organe aux dépens de l’épithélium de la partie supérieure de l'iris. Kennel a observé se. NU Fig. 1. — Héléromorphisme de l’As- TROÏDFS CALYCULARIS (polypier). — L'organisme,coupé transversalement, donne un individu A, dont la base, implantée dans la muraille cal- caire e, régénère une bouche b, ce qui est normal, tandis que l'autre troucon forme un individu B à deux têtes ayant chacune une bouche bo. glions cérébroïdes (ectodermiques) par le paren- chyme mésodermique. Je me borne à ces exem- ples. De nombreux faits de ce genre sont actuellement connus : nous les classerons sous le nom d'hétéromorphoses d'origine, par opposition aux hétéromorphoses de résultat, que nous nous pro- posons surtout de considérer. I. — DESCRIPTION DES FAITS. Dans l'hétéromorphose de ré- sultat, l'organe régénéré se pré- sente absolument différent de l'organe disparu. Examinons quel- ques faits : Voici un polypier d’Astroides calycularis (fig. 1). Si on le coupe transversalement, la partie basale (A, fig. 1),implantée dans la mu- raille calcaire c, régénère une bouche, un disque buccal, une couronne de tentacules (b) : c'est là un fait normal de régénération. Mais l'autre fragment (B, fie 104) qui possède déjà la tête del’As- troidés, refor- me également une tête (bo), à l’autre ex- trémité avec une nouvelle couronne de tentacules, une nouvelle bouche et un Fig. 2.— Héléromorphose des TupuLarrA. — À,individu normal, avec une tête b et une extrémité radicale c. B, troncon médiant du précédent ayant formé deux têtes, l'une en b', l'autre en 0" (d'après Læb); CG, D, début de la régénération; les ten- tacules commencent à apparaitre; E, exemplaire bicéphale dans lequel les deux têtes sont accolées (d'après Bickford); F, G, début de la régénératiou avec orien- tation préliminaire du pigment; les tentacules apparaissent comme des suillies longitudinales (d’après Driesch); H, hétéromorphose avec bourgeon latéral; 1, hèté- romorphose où l'hydraire se trouve encore entouré du périthèque (d'après Bickford). nouvel œso- phage. Ce polypier setrouve done I avoir un seul tronc et deux tètes (bo, bo) à chaque ex- trémité. Cetle expérience est due à Cerfontaine! et 1 P, CenronraIne. Sur l'organisation et le développement 590 A. LABBÉ — L'HÉTÉROMORPHOSE EN ZOOLOGIE est antérieure aux nombreuses expériences de Lœb ! sur ce même sujet. Lœb a pris comme objet d'étude Îles Hydraires, chez lesquels la régénération est rapide et facile. Il coupe un fragment de Z'ubularia mesembryanthe- mum (À, fig. 2), c'est-à-dire un fragment d’Aydro- caule, entre la tête (hydranthe) et extrémité radicale ç (hydrorhize), et obtient la régénération (B, fig. 2) d'une têle (b°,b"") à chaque extrémité. Le processus de cette hétéromorphose a été bien étudié par E. Bickford *. Aussitôt après la section, la tête se régénère rapidement au pôle oral; au pôle aboral, la régénération est un peu plus lente : là se montre une forte pigmentation rouge, les tenta- cules apparaissent comme des lignes saillantes, et les deux hydranthes se montrent bientôt formés dans le périsarque, aux deux extrémités du frag- ment d'hydrocante. Cette régénération peut se faire sur de très pelits fragments, et se fait aux dépens non des cellules intermédiaires de l'hydranthe, mais aux dépens de toutes les cellules basilaires, ce qui exclut l'idée d’un bourgeonnement. D'autre part, si l’on plante dans du sable un fragment d'hydrocanthe, l'extrémité radicale en haut, il ne se forme qu'une tête et seulement à l’ex- trémité libre. Voilà donc des expériences dans lesquelles l’or- gane régénéré est absolument différent de l'organe disparu. Lœb à continué ses observations sur de nom- breux Hydraires. Chez l'Aglaophenia pluma, si l'on coupe transversalement le stolon, et qu'on le tienne suspendu dans un aquarium, ilse forme une extré- mité radicale et des hydrorhizes à l'extrémité inférieure, que celle extrémité soit l'extrémité apicale ou l'extrémité basale ; à l’autre extrémité il se forme soit des « racines », soit une « tête », sui- vant que l'extrémité apicale se trouve en haut ou en bas. Læb obtient de là même facon des stolons bibasaux ou biapicaux avec le Plumularia pinnata, les (racemosum?), les Sertularia (polyzonias ?), le Gonothyrea Læveni, ete. Les Acliniaires donnent des résultats un peu dif- férents. Si l’on pratique une coupe orale, celle-ci se cicatrise, mais il ne se forme pas de nouvelle tèle ; mais si l’on fait une incision latérale dans les parois de l’Actinie, il se produit une nouvelle têle ou un nouveau pied. Chez le Cerianthus mem- Eudendrium branacrus, si l'on fait une incision transversale dans la paroi, il se forme, après quelques jours, des différentes formes d’authozoaires, Bull. Acad. Belg. x. 22, p. 141, 1890. ! LOE8 : Untersuchungen zur physiologischen Morpholo- gie der Thiere. Würzburg, 1891-92. : ckrorb : Notes on Regeneration and Heteromor- phosis of Tubularian Hydroids. Journ. of Morphology, v. 9, P. AA7-430, 1594. 2 E au pôle aboral, une nouvelle tête avec tentacules buccaux et marginaux, mais pas de bouche; la néoformation est d'autant plus rapide et pius complète que la section a eu lieu plus près de l'ancienne tête. Chez l'Aclinia equina, il ne se forme jamais de nouveau pied, mais seulement une ouverture buccale qui peut absorber la nour- riture. — Bergh! cite un cas du même genre, qu'il aurait rencontré à la grève chez la Lucernaria octoradiata. Læb a fait une expérience, qu'on peut aussi consi- dérer comme un cas d'hétéromorphose, chezle Ciona intestinalis. Si l'on coupe (A, fig. 3) le siphon oral Fig. 3. — Hétéromorphose chez le CIONA INTESTINALIS. — En A et B, formation de nouveaux ocelles sur une section du siphon oral. — En C, formation de siphons supplémen- taires (d'aprés Loeb). de cette Ascidie, il se reforme, sur les deux bords, des ocelles ; et, si l’on fait des incisions dans la tunique, au voisinage du siphon oral (B, fig. 3), 4l se forme de nouveaux siphons, portant aussi des ocelles. Cette expérience montre que les fails d'hétéromorphose ne se produisent pas seulement chez les êtres très inférieurs, comme les Hydraires. Très récemment, Van Duyne a obtenu, chez le Planaria torva, les régénérations d'une têle à l'ex- trémité postérieure du corps, c'est-à-dire une hété- romorphôse complèle de cette parlie postérieure. C'est aussi à l'hétéromorphose qu'il faut rappor- ter la transformation accidentelle du pédoncule oculaire des Crustacés Podophthalmes en une an- tenne. 1R. S. Bencu. Uber den Begrilf der Roux's Arch., 3° vol., p. 660-661, 1895. Heteromorphose tn ont dé A. LABBÉ — L'HÉTÉROMORPHOSE EN ZOOLOGIE 591 H. Milne Edwards! avait autrefois signalé une Langouste dont le pédoncule oculaire gauche s'était transformé en un appendice antenniforme. Hofer? a décrit un exemplaire d'Ecrevisse qui possédait, à la place de l'œil droit, un organe formé d'un pro- toporite biartieulé et de deux prolongements fla- gelliformes. Enfin, récemment, Herbst * a pu repro- duire expérimentalement celte hétéromorphose sur des Palémons de 5 à 8 centimètres (fig. #). Après l'opération qui est faite, soit sur les deux yeux, soit sur un seul, beaucoup de ces animaux meurent, mais d'autres survivent, el, après plu- sieurs mois, régénèrent un organe antenniforme (B, fig. 4); cet organe de néoformalion, qui se produit après résection complète du pédoncule oculaire, se montre en général formé d'une parlie basilaire plus ou moins différenciée et d’un long flagelle. pluriartieulé, couvert de poils sensilifs et rappelant l'antenne antérieure. Tous ces faits sont des hétéromorphoses de résultat et ne peu- vent être envisagés comme des régéné- rations simples, puis- qu'ils aboutissent à un résultat très difré- rent. Cependant, il ne faudrait pas croire que la régénéralion pure et simple soit séparée parunabime Fig . 4. — Héléromorphose expérimentale du pédoncule oculaire chez pourraient encore être cilés, qui ne sont pas des faits de régénération pure et simple, et forment une série dont l'hétéromorphose constitue le terme le plus éloigné. IT. — CAUSES DE L'HÉTÉROMORPHOSE. s Revenons à notre frament d'Hydraire (fig. 1), qui a la possibilité de régénérer une tête à chacune de ses extrémités; la régénération d’une têle à la partie orale est explicable ; mais comment expliquer la formation d’une autre tête au pôle aboral ? Cerfontaine!, Trautzch?, Nussbaum* pensent qu'il n'y a pas régé- û néralion, mais bour- geonnement d'un nou- Hp veau polype. Nous , avons déjà montré que celte interpréta- tion n’est pas exacte, puisque toutes les cellules basales pren- nent part à la néofor- mation. Cependant, certainesexpériences de Lœæb, sur les Hy- draires coloniaux, sont probablement à interpréter comme ES des faits de bour- geonnement. Mais les : à le Palémon. — Du côté gauche, œil normal A. A droite, s'est è : infranchissable de formé un organe antenniforme B. — C, ganglions cérébroïdes ; sections faites dans l'hétéromorphose de n, n', nerfs optiques (d'après Herbst). un individu d'As- résullat. Il se trouve des cas intermédiaires, et ceux-là sont extré- mement nombreux. Il y a les cas dans lesquels l'organe régénéré est seulement plus grand que l'organe enlevé : par exemple, la première patte didactyle des Salicoques et des Caridines (F. Mül- ler), les siphons de Ciona intestinalis (Mingazzini). Il y a les cas de duplicité de l'organe régénéré : tels la polydactylie ou l’hyperdactylie des Tritons et des Axolotls (Vulpian, Barfurth, Giard, Tor- nier, etc.); les Planaires bicéphales (Barfurth, etc). Il y a les cas dans lesquels l'organe semble retour- ner à une forme embryonnaire ou alavique, par exemple, la queue des Lézards qi, régénérée, n'est plus qu’un simple cylindre carlilagineux non segmenté. — Bien d'autres cas de régénération 4 Munxe-Evwanps : Sur un cas de transformation du pédon- cule oculaire en une antenne. C. R. v. 59, 1864, p. 710. ? Horer : Ein Krebs mit einer Extremiltät statt eines Stie- lauges. Verhandl. der deutschen z00ol. Gesellsch., 189%. # C. Hengsr : Uber die Regeneration von Antenne ähnli- chen Organen an Stelle von Augen. Arch. de Rour. 2° vol. 1891, p. 544-558, S 31. troïdes ou de Tubu- laire entrainent bien des régénérations ou des heté romorphoses, et non des bourgeonnements.Ilnous faut donc examiner quelles sont les conditions bio- logiques qui peuvent déterminer l'hétéromorphose. Ishikawa et Nussbaum, en étudiant les régéné- rations chez l'Hydre d'eau douce, ont déjà montré qu'il était au moins nécessaire, pour la régénéra- tion : 1° d’une cellule ectodermique; 2° d’une cellule endodermique; et 3° d'une cellule de la couche intermédiaire. Bickford a également établi que, dans l'hétéromorphose des Tubulaires, ce sont toutes les cellules de la partie basilaire de l'hydraire qui donnent naissance à la nouvelie tête. D'autre part, chez les Tubulaires, comme l'ont 1 CERFONTAINE. Loc. cil. 2 Traurzcu : Anmerkungen zu den Versuchen des Herrn Dr Læb über Heteromorphose. Biol. Centralb. v. 1, p. 200- 219, 1891. 3% Nusspaux : Die mit der Entwicklung fortschreitende Differenz der Zellen. Verh. Nat. Ver. Bonn, p. 81-94, 1895. A. LABBÉ — L'HÉTÉROMORPHOSE EN ZOOLOGIE fait voir les recherches d’Allmann, Jickeli, Ciami- cian, Hamann, etc., les cellules endodermiques de la partie orale, plus longues, différent des cellules cubiques de la partie médiane, qui seule peut être considérée comme stomacale et digestive. Lorsqu'on isole un fragment d’hydrocaule, pour qu'une tête se forme au pôle aboral, il est donc nécessaire qu'il y ait des modifications histolo- giques dans les cellules basilaires. Quelles sont les conditions topiques qui peu- vent favoriser ces modifications ? Læb les à déter- minées soigneusement. L'héliotropisme, c’est-à-dire la sensibilité à la lumière, est un agent dont il faut tenir compte. Une lumière, faible donne un hydranthe petit; une lumière, forte, un hydranthe plus grand. D'autre part, les hydranthes sont, d'ordinaire, positivement héliotropiques ; les hydrorhizes le sont négative- ment. La composition du milieu a une grande impor- tance, en particulier la teneur de l'eau de mer en potasse et en magnésie. Mais 0,33 °/, de potasse dans l’eau de mer empêchent la croissance; 0,6 °/, empêchent la régénération. La teneur de l’eau de meren KI et NaCl est très imporlante, soit pour la régénération, soit pour l'accroissement. Dans une eau chargée de 5,1 °/, de NaCl, l’ac- croissement est nul, et la régénération de la tête reste stationnaire; à 5,4 */,, la régénéralion est nulle. Le maximum de salure pour l'accroissement est de 2,5 °/,. L'influence de la turgidité de l'organe aurait, d’après Lœb, une cerlaine influence. Chez le Cérianthe, pour êlre végétatives, les cellules ten- taculaires doivent être turgides. Mais il est d’autres agents d'irritabilité qui exercent une influence considérable sur l'orienta- tion de l'organe. La régénération de la tête est faci- litée par le rôle nutritif, excréteur, absorbant des cellules endodermiques. Si l’on empêche la forma- lion de la tête au pôle oral, elle se forme au pôle aboral. Il y a une réaction très forte des cellules endodermiques à l'absorption nutritive. Du reste, les têtes néoformées des Cérianthes, bien que pri- vées de bouche, réagissent à la nourriture comme la tête normale. J'ai pu observer le même fait chez le Myriothela phrygia et les Clava, après section de l'hydranthe. La régénération de l’hydrorhize est facilitée par l'irritabilité de contact et l'excitation durable de l’'ectoderme. L'influence du substratum est consi- lérable. Dalyell avait déjà observé que si des Hy- (Sertularia, Plumularia, Aglaophenia , yrea) s'attachent à des corps étrangers, la croissance en longueur est plus considérable que quand ces Hydraires sont suspendus dans l’eau. draires onot J'ai constaté le même fait chez les Myriothela et les Clava. T1 y a donc une influence directe du substra- Lum sur Fexcilation vitale, partant sur l'orientation de l'organe. Ajoutons que le géotropisme des Hydraires et des Actinies est hors de doute. Un Cérianthe, placé la tête en bas dans une éprouvette, se retourne rapidement. Beaucoup d'hydranthes sont négativement géotropiques, les hydrorhizes élant positivement géotropiques et stéréotropiques (Antennulaires, Plumulaire). Pour qu'une faut done que les influences stéréotropiques el géotropiques soient annulées, c'est-à-dire que l'hy- drocanthe soit suspendu horizontalement dans l’eau, ce que j'ai pu vérifier expérimentalement. Pour expliquer l'hétéromorphose, Lœb met en avant la théorie de la polarilé d'Allmann et les théories des substances spécifiques de Sachs, À une certaine différence de structure interne, corres- pond une certaine polarité; cette polarité est annulée dans les cas d’hétéromorphoses. La forme de l'organe est déterminée par des substances spécifiques organogéniques; ces sub- stances ne sont pas encore orientées chez l’em- bryon, ce qui explique la facilité de la régénération chez les jeunes animaux. Quand il se produit une hétéromorphose, c'est que les substances spécifiques de l’animal consi- déré manquent à la place ordinaire, et se trouvent remplacées par les substances spécifiques de for- mation d'un autre organe. — Que faut-il admettre de ces spéculations? Il ne nous semble pas qu'il soit nécessaire d'introduire dans la question des éléments spécifiques d’un caractère presque méla- physique. Les cellules de la région moyenne de l'Hydraire, par le seul fait qu'elles sont séparées traumatique- ment des cellules voisines, se trouvent dans le cas de reproduire normalement une tête au pôle oral, un hydrorhize au pôle aboral. Mais leur état de différenciation n'est pas tel qu'il ne puisse être modifié sous les influences biomécaniques am- biantes. Se trouvant brusquement mises en contact avec les agents extérieurs, ces cellules retournent à un certain élat instable d'indifférence, qui leur permet, si cerlains facteurs biomécaniques vien- nent à prévaloir, de régénérer un hydrorhize ou un hydranthe. Les influences stéréotropiques ou géotropiques agissent sur les cellules ectodermiques, et il existe, avec elles, un complexus d'actions digestives ou d'absorption qui influent sur les cellules endoder- miques ; si les influences géotropiques dominent, c'est-à-dire si le fragment oral est enfoncé dans le sable, il se produira une hydrorhize au pôle oral; si les seconds agents l’emportent, c'est-à-dire tête se forme au pôle aboral, il dm amsn hate A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE 593 si l'extrémité aborale est soustraite au stéréotro- pisme et au géotropisme, il se produira un hydranthe au pôle aboral. Des explications semblables seraient à invoquer pour la formation des siphons des Ciona ou de l'or- gane antenniforme des Crustacés. L'héliotropisme se produirait dans le premier cas ; l'héliotropisme, et peut-être la teneur en acide carbonique de l’eau des aquariums (Herbst), exerceraient leur action | dans le second. | En résumé, lorsqu'un organe a été enlevé, les cellules de la section se trouvent, dans le cas nor- mal, déjà différenciées de facon à régénérer le même organe ; mais, dans d’autres cas, ces cellules se trouvent dans des conditions d’indifférence his- tologique telles que, suivant les causes bioméca- niques agissantes, il puisse régénérer tel organe ou tel autre. L'hétéromorphose ne semble donc pas être une régénération pure et simple, mais une néoformation, une différenciation complexe dont les influences biomécaniques sont les déter- minants, ainsi que l'excitation fonctionnelle. A. Labbé, Docteur ès sciences. REVUE ANNUELLE I. — CnIMIE GÉNÉRALE. Quand il y à de grands événements chimiques au cours de l’année, la Æevue les publie aussitôt. C'est ainsi qu'elle à faitrécemment pour la liqué- faction du fluor par MM. Moissan el Dewar. Des autres travaux moins importants, il semble qu'il ne reste rien qu'un peu plus de confusion dans notre esprit, par suite de la continuité monotone d’une production scientifique d’inégale valeur. C'est le propre de la continuité de ne pas paraitre tou- cher aux choses. Du jour au lendemain l'homme ne paraît pas plus vieux, mais de dix en dix ans, il n'est plus le même. Il en va ainsi de la Chimie. Rien dans le travail courant de cette année n'a changé, mais la Chimie de 1897 est bien loin de celle de 1887. Sans doute, les anciens faits sont immuables, mais ils sont écrits sur un papier jauni et dans un style un peu vieilli. C'est que les sa- vants se renouvellent et, comme tous les hommes, s'adaptent aux circonstances. Malheureusement la Chimie exige, en outre, la rénovation de son maté- riel, et c'est là ce qu'elle ne fait pas. Nous avons des laboratoires construits pour les besoins du siècle dernier ; d’autres, fort nombreux, construits selon les idées de 1860 à 1880, sont irréprochables, et cependant on voit venir d’autres besoins et de nouvelles méthodes de travail pour lesquelles ils ne sont pas faits. Le laboratoire n'a été conçu jusqu'à présent que comme un monument architectural capable de durer des siècles. La Science, qui change et pro- gresse, se trouve tôt ou tard emprisonnée dans des murailles solides et invariables. Il est souhaitable que les laboratoires futurs ne soient que des ate- liers destinés à mettre en pratique les idées de chaque époque et susceptibles d’être remaniés, quand à d'autres hommes apparaissent d'autres besoins. Dans les laboratoires destinés à tout faire, DE CHIMIE PURE on ne peut réaliser ‘que médiocrement chaque chose. La Chimie, assez restreinte en 1850 pour être au large dans une seule pièce, s’est agrandie et spé- cialisée. Il convient aujourd'hui d’avoirunlabora- toire de métallurgie, d'électrolyse, de froid, tel que celui de Dewar, de chimie biologique, de couleurs, de parfums, etc., et ce sont là des installations qui, pour rendre service, ne peuvent être improvi- sées dans une salle encombrée d’autres appareils. Il faut accumuler dans de tels laboratoires un ou- tillage important, très spécial, que l'expérience acquise modifie chaque jour, afin d'en faire des centres de produelion scientifique et de décou- vertes pratiques recherchés. Dumas, Deville, Würtz et Pasteur, qui ont successivement approprié des laboratoires spéciaux comme des annexes passa- gères de leur pensée, ont fait passer l'Europe sa- vante par Paris, car ils avaient des modèles à montrer. On ne saurait trop se préoccuper aujourd'hui en France de cette tendance qu'ont plusieurs Instituts de l'Etranger de créer, à côté des laboratoires géné- aux, des sortes d'usines très spécialisées où le chi- miste puisse ailer demander ce qu'il ne saurait trou- ver, au même degré de puissance ou de perfeclion, dans son laboratoire : pression, froid, courant élec- trique, ete., etc. C'est la Chimie générale qui, jusqu'à présent du moins, semble la plus intéressée aux créations de cette sorte. Cette science rain ; elle s'enrichit principalement en détermina- lions de volumes, en mesure de constantes et en travaux minutieux, s’efforçcant de savoir si ce que nous avons depuis longtemps admis est bien vrai, chose qui n’arrive pas toujours. Ce que l’on fait là est la Chimie du doute, une Chimie sceptique, un mouvement de réaction contre quelques tendances de la Chimie organique à formules ; celle-ci semble, en effet, avoir quelquefois accueilli comme lois, gagne tous les ans du ter- 594 A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PUP après simple stage en son domaine, des vues fort aventurées. Mais tout en reste là, les découvertes propulsives sont rares et bien des idées brillantes semblent rétrograder: telle est, si je ne me trompe, la séduisante théorie des ions dont les hommes qui manient l'Électrochimie semblent bien peu se soucier. L'excitation intéressée de l'expérience in- dustrielle produit un si grand nombre de faits que bien peu de doctrines sont assez fortement consli- tuées pour les encadrer sans exception. De l'usine qui peut expérimenter en grand et sur beaucoup de ehoses sortiront, cela n’est pas douteux, les documents que la science exige pour aller plus avant. D'autres idées viendront sans doute mettre en meilleur accord les choses très complexes qui se passent dans le bain électro- lytique où se trouvent en présence, à la fois, les solutions, l’osmose et l'équilibre des forces physiques et chimiques représentées surtout par l'Électricité et la Chaleur. Encore dans le domaine de la Chimie générale, la question, si controversée, de la nomenclature, continue de préoccuper de bons esprits. La nomen- clature chimique du Congrès de Genève conserve ses amis de la première heure, mais n'a pas con- quis le monde chimique. Les variations d'une langue sont incessantes, mais ne se décrètent pas, elles vont plus ou moins vite dans le sens du moindre effort. La réforme du parler électrique par les unités CGS a vite réussi parce qu'elle clas- sail en valeurs numériques les phénomènes connus en n'usant que d’un nombre minime de néolo- gismes. En Chimie il s'agirait de créer toute une phonétique, une multitude de mots neufs. Pour les choses anciennes et celles à découvrir, M. M. Richter! consacre plus de vingt pages à un perfectionnement de la nomenclature de Genève avec de nouveaux signes et conventions. Il parait certain que le langage, en se perfectionnant, de- viendra aussi difficile, sinon plus, que l'écriture pure et simple de la formule développée. Il y aura double emploi. Même pour les répertoires, Îles formules bien classées sont encore préférables. Tous les chimistes comprennent la formule simple C6 H5— CH? — CH? CI. Dans la classification pro- posée cela deviendrait : (6) hexène — éthyl — 1 — chlor — 1? Quel avantage y a-t-il? — Ces images sans faits font beaucoup écrire pendant quelque temps, elles it comme les formes littéraires, Il est juste de croire que, parmi le grand nombre de mols qui seront forgés par les partisans de la 1 Berichtle, 1896, €. 2 notation de Genève, quelques-uns, se trouvant être courts ou pratiques, s'infiltreront peu à peu dans la langue, laquelle vit en évoluant. J'ai entendu soutenir qu'il était fâcheux d'employer les noms variés de tartrique, malique, fumarique, succinique pour des acides de même parenté et tous en G*. Cela est bien vrai; aussi la classification par for- mules telles qu’elles sont y répond, et quelques mots de simplification dans des cas semblables seront les bien venus. Et sur ce sujet des acides, je me demande en quoi la terminaison oïque est spé- cialement commode etpréférable à ide. Nous avons «acide acétique », on propose « acide éthanoïque ». Il semble, mais cela est peu important, que les mots éthanide, tartride, succinide, benzoïde au- raient plus de chances d'entrer dans les coutumes pour exprimer brièvement les acides. Selon l’idée de M. Richter, un petit cercle comparable à un accent compterait les cycles. Il ne saurait entrer dans la place de ce chapitre de relever même succinctement toutes les obser- vations récentes dont a pu s'enrichir la Chimie générale. Le Zeitschrift für physikalische Chemie contient un nombre considérable de faits minu- lieusement éludiés et mis en tableaux ou en équa- tions qui ne sauraient trouver leur place ici. Les idées nouvelles, justes ou fausses, qui mettent le monde en mouvement sont absentes. Espérons meilleur sort pour l’année prochaine. IT. — Cnimie MINÉRALE. Après un temps assez long pendant lequel lopi- nion tendait à créer un idéal de science abstraite et pure jusqu'à l'inutilité, les savants reviennent aux traditions plus fécondes de Gay-Lussac et de Berthollet, et s'essaient à tirer des grandes idées ce qu'elles contiennent d'utile pour l'humanité. Il est vrai que, dans le domaine des sciences susceptibles d'une transformation matérielle, comme la Chimie, l'application a souvent été faite. En ces derniers temps, Lord Rayleigh! s'est proposé de rendre pratique l'oxydation directe de l'azote de l'air par les moyens électriques dont on dispose aujour- d'hui : il a voulu transporter du laboratoire dans l'usine l'expérience célèbre de Davy qui faisait agir l'étincelle électrique sur l'air. L'éminent phy- sicien et chimiste s’est servi d'un transformateur donnant environ 6.000 volts et il a démontré que l'absorption d'air dans un ballon de 7 litres arrfosé par ün jet de potasse atteignait 6880 c.c. par heure de travail de l'arc. La pression n’améliore päs notablement le rendement, qui cependant ! Chem. Soc., 1897, p. 181. A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE n'est pas négligeable. Il ne faut pas désespérer de produire un jour le nitre par ce procédé élémen- taire, car il faut songer aux moyens dont pourra disposer notre civilisation pour se continuer quand elle aura épuisé les réserves accumulées par la na- ture avant la venue de l'homme. Après les succès, et les déboires des mines d'or, on s'est ingénié de tous côtés à rechercher de l'or : ce métal est beaucoup plus répandu qu'on ne pensait. Avec une faible partie des capitaux qui s'exportent au Joif, et quelque initiative mi- nière, la France aurait peut-être une place dans la production aurifère. Les temps changent (on ne se le dit jamais assez), et l'or de l'Ariège ou des Alpes, simplement légendaire, deviendra peut-être une réalité. L'eau de mer a toujours passé pour métallisée. M. Liversidge ! a essayé divers produits d'origine maritime tels que le sel gemme, la carnallite, le nitrate de soude, les fucus, etc. Un kilo de la ma- tière au moins est dissoute, mais non filtrée; on y ajoute un peu de sulfate ferreux, qu'on oxyde par un courant d'air: il se fait alors un précipité de sel de fer basique qui encolle la masse et entraine l'or; le précipité est recueilli, passé en fusion plombeuse, avec des matériaux essayés, puis coupellé. Le sel de Stassfurth contient 0 gr. 130 d'or à la tonne, la carnallite et le nitre du Chili des quantités de même ordre. Ge n'est que 100 fois moins que les minerais couramment exploités pour or. L'or apparait fréquent, mais les autres corps sim- ples réputés plus rares encore sont excessivement disséminés?. M. Hartley à chauffé au chalumeau oxhydrique une grande quantité de minéraux vul- gaires, renouvelant ainsi lestravaux de Cossapourla diffusion du bore et du cérium.,etil estarrivé à retrou- ver, au moyen du spectroscope, un nombre consi- dérable de raretés. Sans parler de Na, qui semble imprégner la croûte terrestre entière, les éléments Ga, Pb, K, Mn, Ni, Cu, Rb, Sr, In, Bi, Ag, Cs, Ba, Tlet Co, qui passent pour assez localisés, sont, les uns ou les autres, présents dans les minerais d'usine tels que ceux de fer, de plomb, de zinc, les argiles. Sur 92 minerais de fer de toute provenance et de toute nalure on a trouvé très fréquemment de l'argent, du rubidium, du cuivre, du gallium, de l'indium, du thallium. Cette complexité ne procède pas par vastes régions : parfois une localité diffère des autres très voisines. L'hématite d'Onaburg (Alle- magne) est riche en gallium et surtout en thallium ; tous les manganèses sont argentifères, souvent avec Ga, Rb, TI, In. Les blendes sont toutes plus ou ! Chem. Soc., 1897, p. 298. * Hartley : Chem. Soc., 1897, p. 533. moins fortement gallo-argentifères. M. Hartley à constaté de remarquables associations métallifères : toutes les alumines et les kaolins sont gallo-chro- miques. En Chimie on poursuit toujours l'influence des petites traces d'éléments sur les combinaisons. W. Schenstone ! a examiné avec soin la combinai- son sur ce qu'il appelle des gaz hautement purifiés et constate que les halogènes C1, Br et I se com- binent au mercure dans l'état de parfaite siceité. Par contre, l'ozone ne le fait qu'en présence d'un peu d’eau, car à latension extrême de 0.000.000.001, que l'auteur donne pour la vapeur d'eau, l’ozonisa- tion est sensiblement nulle. En fait, l'ozone est exceplionnellement instable en l'absence de traces d'eau. Il n’est pas de matière plus connue que le classi- que iodure d'azote et cependant on n'est même pas assuré de sa formule. M. F.-D. Chataway* s’est efforcé de faire un choix parmi les formules admises AzH?I, AzHP, Azl°, simplement pour cause de vraisemblance théorique. A cet effet, une série d'analysestrèsrigoureuses ont été faites, non sur de l'iodure d’azote sec, trop explosible pour être manié, mais sur des quantités précises d'iode et d'ammo- niaque; on dose l’ammoniaque restant, puis l'iode engagé est mesuré par l'hyposulfite de soude. Ces travaux ont conduit à la formule AzH°P® comme la plus probable; certainement le rapport Az : Fa été établi. Un fait remarquable s'observe d’ailleurs : l'iodure d'azote lavé longtemps se décompose en iode pur et ammoniaque, qui disparait dans les eaux. Cela explique qu'on ait eu bien rarement occasion d'examiner des produits de composition constante et que les opinions aient varié sur cette curieuse substance. III. — CHIMIE ORGANIQUE. La Chimie organique qu'on pourrait appeler classique, celle de l'analyse et de la synthèse de molécules organiques compliquées, possède au- jourd'hui un outillage de transformation très satisfaisant. On dévisse une molécule inconnue el on la reconstruit selon certaines règles. Le temps passé à ce travail peut être long etexige des ouvriers habiles, des horlogers en molécules. Pour les corps très stables de la série aromatique, par exemple, les pièces se remettent assez bien en place. Pour les substances qui jouent un rôle plus intime dans les actions de vie organique, ilest difficile derecons- 1 Chem. Soc., 1591. 2 Chem. Soc., Déc. 1896. 596 A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE truire ce qu'on a su démolir : tout l'édifice estébranlé dès qu'on le touche. Là sont les grandes difficultés. Mais pour les corps stables, les questions sont vite épuisées. On ne peut plus parler avec intérêt des nombreuses formes cycliques, même hétérogènes, où des éléments variés remplacent le carbone dans l'anneau organique. En principe (outes peuvent se faire. Il n’est plus possible non plus de parler des «condensations », à moins qu'on ne trouve, de temps à autre, un agent nouveau de condensation ; et tou- jours cette méthode conduit à des produits secon- daires très abondants, qui ne sont pas en rapport avec ce que les équations prévoient. Il n'y à pas bien longtemps, les « passages » de la série grasse à la série aromatique semblaient des faits excep- tionnels reliant deux Chimies distinctes, séparées par un fossé profond. Comme il reste peu de l’inté- rêt de ces «passages » ! La Chimie nous parait main- tenant continue et tout passe d’une série à l’autre sans nous causer de surprise. Au premier abord cela semble plus banal, mais ce sont heureusement nos vues qui s'élargissent et notre pouvoir de transformation qui augmente. À cet égard, sans données encore précises, il existe, je crois, un pas à faire et qui consiste à voir la plupart des formules organiques ternaires mode- lées de mille façons avec une même argile : le glu- cose. On prend nettement celte impression en regardant les formules de constitution des matières colorantes des bois, des écorces et des fleurs, éta- blies par M. Perkin et dont il a déjà été parlé. Ces cycles assemblés avec un grand nombre de fonc- tions CO OH et des lacunes, ne sont-ils pas des séries de molécules linéaires de glucoses qui perdent de l’eau el que nous enroulons en hexa- gones ? C'est encore une œuvre faite que cette dissection, qui fut si intéressante, des colorants ternaires aro- matiques des végétaux. L’attention se porte plus maintenant sur la chimie fort mobile des terpènes. Lorsque les premières couleurs d’aniline furent trouvées, un peu par des procédés empiriques, toute l'attention des chimistes se porta sur la série de la benzine qui, grâce à cet effort, est aujour- d'hui connue au point de nous laisser peu de curio- sités de premier ordre. Le même mouvement se produit en ce moment. La constitution de quelques parfums à élé récemment trouvée et les chimistes s'occupent avec une ardeur nouvelle de la série des terpènes. Déjà ces travaux nous ont donné des vues moins confuses sur ces corps; elles sont classifiées dans un petit volume de F. Hensler! qui la forme si commode d’une monographie de la question. N'ayant pas à exposer ici le délail des revel ‘ Die Terpene, Braunschweig, 1896. travaux, il est nécessaire de présenter les terpènes surtout par des séries de formules de constitution équivalant à des plans moléculaires tels qu'on les conçoit en ce moment. Il paraît acquis pour longlemps que l'isopro- pyle des terpènes est lié par deux points dans la formule et constitue une pièce moléculaire pouvant au besoin s'abaisser comme un pont-levis; ainsi le térébenthène et le camphène, selon les nouvelles formules de Bredt, sont représentés par : CH CAS Qui te Ne PRRMEAE RU. cms 6 CH° | CH — C— CH* | OR L CH CH° Qu CH Térébenthène (Pinène). Camphène, Du camphène on passe aisément au camphre et à l'acide camphorique : CH° CHS CH? FRERE CIF CH? — pe CoOH ce 0-0 cmd one QE ——— bn Co Ces bn —— COOH Camphre. Acide camphorique. Toutefois, ces images ne sont pas incontestables et, quand on a lules plus récents travaux de Baeyer!, on incline d'une facon marquée vers ses formules. Elles sont plus compliquées; mais aussi leur mis- sion est de représenter des constitutions plus mo- biles et plus complexes que de coutume. Wallach a découvert que l'essence de térébenthine (pinène) formait directement un tétrabromure cristallisé. Je dirai incidemment que j'ai répété cette expérience. Selon Baeyer, le pinène vulgaire est CHS | HO =——©C-— CH ie CH°— C— CH° HEC CH CHE Pinène (1). Son télrabromure et un nouveau carbure qui en dérive, le Lerpinolène, fort difficile à préparer, ont respectivement les formules : cH° CH | BrH — C— CBr —— CHBr RC ——— CG —— CH | RÉ CHE RICHE OT =—— Î CH — C— CH® Terpinolène (3). | CH° — CBr — CH* Tétrabromure de pinène (2). Le terpinolène augmente d’une unité le nombre des terpènes bien définis; il est une individualité chimique intéressante et peut se dériver du terpi- ‘ Berichte, t. XXVI et XXVII (Ortbestimmgen in Terpen- reihe). | A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE 597 néol solide par déshydratation. Mais comment le pinène donne-t-il d'emblée du bromure de ter- pinolène ? CH® HEC CBr—— CHBr HEC CBr CH? CH° — CBr— CII Tétrabromure de terpinolène (4). oucommentlebromuren°2, logiquement écrit à par- tir du pinène, devient-il le bromure n°4? 11 n’est pas possible de le dire clairement pour l'instant. Il y à dans ces schémas un germe de progrès dans les notations chimiques. Ce fragment moléculaire à rabattement, en pont-levis, implique l’idée de mou- vement. C'est sans doute la première ébauche dans nos formules d'une idée féconde de mécanique en opposition avec cette géométrie immobile qui sert aux représentations actuelles, de conserve avec la tautomérie, dont nous avons autrefois parlé. C'est une prévision de mobilité dans les for- mules organiques. Ces représentations, selon Bredt ou Tiemann ou Baeyer, malgré leur intérêt, ne sont pas d'accord; elles ont des partisans et des adversaires. C'est qu'en effet on néglige trop d'en- trer dans la voie principale de ces questions : celle de la quantité d'énergie qui existe sous le décor des formules. M. Berthelot a déjà montré, dans le cas des propylènes et des terpènes, qu'en dehors des possibilités de combinaison que montrent la disposilion et la symétrie des for- mules, il existe des réserves d'énergie moléculaire appréciables au calorimètre et qu'un graphique ne laisse pas prévoir. Quand on sera arrivé à se mettre d'accord pour assez longtemps sur les sché- mas des terpènes, il faudra encore connaitre la puissance dont chacun d’eux dispose et essayer de savoir, par des recherches, dans quelles réactions imprévues on peut l'engager. Une connaissance sérieuse des terpènes n'est pas l'œuvre de peu d'années; cependant, ce qu'on en sait suffit déjà pour aborder bien des essais pratiques dans l’industrie naissante des parfums artificiels. Le terpinéol se produit aujourd'hui en très grandes quantités, soit par l'action directe de l'acide sulfurique sur le térébenthène, soit en trai- tant la terpine par ce même acide. Le terpinéol, qui sent le muguet, peut être mélangé à divers parfums de fleurs: il sert de substratum; il peut être « habillé » avec de petites quantités de corps étrangers et donner alors des produits de parfumerie recevant divers noms. C'est là une matière très usitée, dont la formule se trouve rattachée à celle du terpinolène, dont il est un alcool tertiaire : REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1891. CHS CH | CC ——— CH CC ——— CH HeC - CCE: HEC ———— CH —— CH: | CH — C(OH)— CH: Terpinéol fusible à 35, [ CHE — C — CH* Terpinolène. Un autre lerpinéol se conçoit et existe. C'est un solide fondant à 70°, dont la formule est : CHS HEC - Lou > CIF né bee À ds CR b = CII La série des lerpènes est la série parfumée. Outre le terpinéol, alcool tertiaire, le menthol et le bornéol sont les alcools secondaires de terpènes ; la menthone, la pulégone sont des acétones de ces terpènes. Une étude des plus intéressantes et d’une étendue qui ne saurait prendre place ici, a été faite par M. Haller sur cette question des parfums *. De temps à autre, reparaissent des travaux sur la série si complexe des dérivés succiniques; un volume serait nécessaire pour décrire les con- densations maloniques et succiniques qui ont été faites. Au seul point de vue de la Chimie générale, bornons-nous à signaler la complexité de l'éther dibenzoylsuccinique. C'était déjà un grand progrès de pouvoir dire qu'une substance CH°°0° à pour structure intime : CSHS — CO — CH — COOC*H* CSH5 — CO — La — COOC*H, Mais cette forme, dite tautomérique, et désignée par y, est une acétone à point de fusion inférieur. On la connait encore sous deux états : l’un f, acétonique, à point de liquéfaction élevé avec alternance des groupes, l’autre « est un alcool : OH | CSH5 — CO — CH — COOC?2H° CSH5 — C = C — COOC?HS | | C°H5 — COOCH — CO — C'H* CSH5 — C— C — COOC*HS (8) OH (7) M. L. Knorr ?, autour de ces données aujourd'hui acquises, à édifié un certain nombre de substitués isomères dérivés de ces types. Une Chimie assez simple nous donne déjà ces complications. Si de telles règles et d’autres encore inconnues s'ap- pliquent aux réactions naturelles, quand pourrons- nous nous flatter de connaitre quelque chose de profond dans la vie des organismes? Ces formules se transforment sous de faibles influences ; ce sont 1 Bullelin de la Sociélé d'Encouragement (mars 1897} ? Annalen, 1896 (293), p. 70. 598 A. ÉTARD -— REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE là les débuts d’une Chimie en mouvement, comme celle de la vie. Le Gouvernement britannique fait systématique- ment étudier par son ordre, dans un laboratoire scientifique affecté aux questions économiques de ses colonies, les matières susceptibles d'application qu'elles renferment. N'est-ce pas là une situation digne d'être mentionnée? Quelle dépense coloniale peut être plus utilement faite? Dans ces conditions se poursuit, entre autres choses, une étude très complète des alcaloïdes, si mal connus, des Renon- culacées, notamment des Aconiltum nappellus et heterophyllum de l'Inde. De l'Aconitum heterophyllum dérive l'atisine; de l'Aconitum ferox du Népaul, la pseudoaconitine. La racine de l’Aconilum ferox est épuisée par un mélange de 5 parties d'alcool méthylique et 4 partie d'alcool amylique: on distille l'alcool méthylique, et de l'alcool amylique restant on tire par l'acide chlorhydrique aqueux à 1 °/, l’alcaloïde qu'on purifie. La pseudoaconitine est fort abon- bondante dans l'A. ferox; elle cristallise en prismes orthorhombiques. Les extraits de racine d’aconit, si employés en médecine et si puissamment dange- reux, sont variables dans leurs propriétés selon les temps, les lieux de récolte et les variétés. Les aco- nitines que l’on possède sous diverses marques ne sont pas semblables et il serait bien souhaitable de voir faire rapidement des travaux de physiologie sur l’alisine et la pseudoaconitine, qui parait être le plus toxique des poisons de l'aconil. Cette base parfaitement définie est fort complexe ; sa formule C'°H#AZO!? ne laisse aucun doute. Dès qu'on chauffe la base cristallisée, une curieuse réaction se produit : de l’acide acétique pur distille et on a de la pyropseudoaconitine C**H'°AzO!!, La solu- tion aqueuse du sulfate en vase clos à 130° donne lieu à un dédoublement quantitif avec le concours de l’eau : C#H#AZO!? + [20 — C'H#AZON — C?H5— CO De _ er -S Pseudo- Vératrylpseu- Acide aconitine. doaconitine. acétique. Par la soude alcoolique, la vératrylpseudoaconi- tine se dédouble à son tour en acide vératrique et pseudaconine : C''HMAZO! + H°0 CSH$ (OCH)®CO®H + C?H*AzO* D. TT, — Acide vératrique. Pseudaconine. Les auteurs de cel intéressant travail ! n'admet- tent pas, d'après ces faits nouveaux, les formules de Freund*°, et, pour le présent, les expressions ci-dessus, appuyées sur des dédoublements, sont désignées pour servir de base de discussion. De plus en plus on s'apercoit que la Nature, qui ne peut faire sa chimie organique à haule tempé- rature, amorce ses actions incessantes par des Lraces de corps étrangers qui sont ce que le fulminate est à la poudre. Du côté biologique, M. Bertrand a montré récemment * que le manganèse favorise les oxydations des matières en vie. Une matière intéressante dans le groupe pro- bablement en nombre indéfini des albumines, est décrite par A. Michelt. Le sang de cheval paraîl être assez peu riche en globulines. On traite le sérum de ce sang par un égal volume de solution saturée de sulfate d’ammonium; après repos, la globuline se dépose; l'eau-mère est alors addilionnée de sulfale d’ammoniüm jusqu'à com- mencement de trouble, et peu à peu on voit se déposer des cristaux faciles à purifier par dissolu- tion dans l'eau et reprécipitation. Le sérum-albu- mine du cheval est en lames hexagonales biréfrin- gentes, ayant la curieuse propriété de se coaguler à 51° sans alléralion de forme, mais en perdant leur solubilité et leur action optique. Selon A. Grüber, parmi les autres sangs qu'il a examinés, le sang de lapin présente seul celte même propriété. Comme on peut avec le cheval obtenir de grandes quan- tilés de cette matière bien définie, on aura là sans doute une base sérieuse pour commencer l'étude des dédoublements délicats des albumines dont déjà les pièces fonda- mentales par les belles recherches du regretté P. Schützenberger. Assurément la Chimie organique entre dans une ère nouvelle, elle sort du cadre des combinaisons de laboratoire, mosaïques faites à plaisir et qui depuis longtemps ne nous ont pas révélé de lois nouvelles. Il se fait en ce moment une Chimie du A. Etard, Docteur ès sciences, Répétiteur de Chimie à l'Ecole Polytechnique. nous connaissons plein air. 1 W.-R. Dunstan et F.-H. Care : Chem. Soc., 1897. 2? Berichle, 29, p. 852. % Comptes Rendus; 1891. 4 Chem. Centralhl., 1896, p. 10e BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 599 BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques Baillaud(B.),Doyen honoraire de la Faculté des Sciences de Toulouse, Directeur de l'Observatoire de Toulouse. — Cours d’Astronomie, 4 l'usage des étudiants des Facultés des Sciences. 2 Partie : ASTRONOMIE SPHÉRIQUE. MOUVEMENTS DANS LE SYSTÈME SOLAIRE. ÉLÉMENTS GÉOGRA- PHIQUES. ÉCLIPSES. ASTRONOMIE MODERNE. — 1 vol. in 8° de 520 pages avec 72 fig. (Priæ : 15 fr.) Gauthier-Villars el fils, édilenrs. Paris, 1897. C'est en exprimant le désir de voir s'augmenter la somme des connaissances demandées à la licence, en matière d'Astronomie, que M. Baïllaud commence le second volume de son Cours d'Astronomie à l'usage des étudiants des Facultés des Sciences. Par leur élasticité, les nouvelles dispositions adoptées pour conférer la licence mathématique répondent à ce souhait, laissant aux candidats la hberté de faire entrer la Mécanique céleste dans la composition de leur programme. Ce livre nouveau, écrit en vue de faire pénétrer dans l'en- seignement les portions les plus importantes de l'Astro- nomie mathémalique, arrive done au moment propice. Par sa clarté, son extrème richesse, il est appelé à recevoir un accueil favorable du publie spécial auquel il est destiné, aussi bien que des personnes portées par goût où par profession à s'occuper des phénomènes célestes. Un des buts principaux de l'Astronomie est de déter- miner à tout instant la direction dans laquelle un astre donné est vu d’un point de la surface de la Terre.-Les planètes et la Lune étant mises à part, cette direction varie à chaque instant d'après une loi, en apparence très simple, que l'observation à Fœil nu à fait connaître de tout temps et à laquelle on a donné le nom de loi du mouvement diurne. Il a fallu de longues suites d'obser- vations et des instruments précis pour reconnaitre que le mouvement de rotation de la sphère céleste autour de l'axe du monde, n'est pas seul à entraîner les étoiles. La position de ces astres est à chaque instant modifiée par d’autres causes dont l'influence reste très petite pendant fort longtemps. La situation d'une étoile dans le ciel, rapportée à des points de repère pris sur la sur- face de la Terre, peut ainsi être regardée comme une fonction de plusieurs variables dans laquelle les faibles perturbations connues et inconnues du mouvement diurne constituent des accroissements. Le premier terme du développement de cette fonction par la formule de Taylor représente l'effet du mouvement de rotation uniforme de la sphère céleste autour de l'axe du monde supposé fixe. Le second contient la somme des petits écarts perturbaleurs pris isolément. Le troisième terme et les suivants dépendent des puissances supérieures à l'unité et des produits des per- lurbations; ils sont inaccessibles aux observations les plus précises pendant des siècles entiers et n'ont pas à entrer en ligne de compte dans les recherches astro- nomiques. Les phénomènes qui influent sur la direction des éloiles peuvent donc être étudiés séparément et leurs effets ajoutés algébriquement à celui du mouvement diurne. Le cas des astres mobiles est plus complexe parce qu'il faut, au préalable, tenir compte de leur dépla- cement considérable à travers les constellations. C'est par l'étude de ces perturbations du mouvement diurne que M. Baillaud entame son sujet, après avoir décrit les différents systèmes de coordonnées auxquels les astronomes rapportent les astres. Il consacre tout d'abord un chapitre à la réfraction astronomique. L'in- ET INDEX iluence de la position de l'observateur à la surface de la Terre sur la direction dans laquelle on voit un astre rapproché est ensuile étudiée dans le chapitre mr réservé aux parallaxes. Le suivant fait connaître les effets de l’'aberration des fixes et d’une autre aberration particulière aux astres mobiles, due à la non-instanta- néité de la propagation de la lumière. Admettant les résultats fournis par la théorie du mouvement de la Terre autour de son centre de gravité, l'auteur donne les formules qui permettent de com- parer les observations d'un même astre faites à des époques différentes en s'affranchissant des effets de la précession, de la mutation, du déplacement séculaire de l’écliptique et du mouvement propre. Avec le chapitre vi, réservé au mouvement du Soleil, à l'équation de Képler, à la définition du temps moyen, au calendrier, on pénètre dans l'Astronomie planétaire à laquelle la plus grande partie de l'ouvrage est consa- crée. L'explication du mouvement apparent des pla- nètes et la déterminalion de leur position d'après les lois de Képler, occupent quelques pages. Le pro- blème de la détermination des éléments de l'orbite d'un astre mobile se pose alors de lui-même. M. Baillaud entre dans des détails très étendus sur ce sujet, qu'il lraite avec la plus grande clarté. Il expose les méthodes de Gauss et d'Oppolzer pour la détermination des élé- ments des orbites elliptiques, connaissant trois obser- vations complètes. La méthode d'Olbers, spécialement destinée à fournir les éléments des orbites paraboliques, est également développée avec toute l'étendue qu’elle comporte. Incidemment M. Baillaud parle de la forma- lion des queues de comètes et des relations, aujour- d'hui bien démontrées, qui existent entre certaines co- mèles périodiques et quelques essaims d'étoiles filantes. La méthode de Laplace, concue en vue de la déter- mination des éléments d'une orbite quelconque, d’une exposition d'ailleurs très simple, est peu appréciée des calculateurs, malgré les perfectionnements qu'y à introduits Villarceau. En réalité, cette méthode ne donne pas les résultats que lon pourrait en attendre, et ce fait constitue un exemple frappant d'une théorie admirable qui ne répond qu'imparfailement aux besoins des applica- tions. M. Baillaud n'a pas cru devoir en faire mention dans son ouvrage. Les questions de Mécanique céleste étudiées dans le volume se rapportent à la détermination des perturba- tions planétaires par la méthode de Lagrange, dite de la variation des constantes arbitraires, qui à servi à Le Verrier pour édifier toute la théorie du système solaire. L'auteur entre ensuite dans des détails étendus concernant le calcul numérique des perturbations pla- nétaires par quadratures mécaniques. Cette partie de l'ouvrage se termine par une théorie abrégée des prin- cipales inégalités de la Lune et des satellites de Jupiter. Elle est suivie de la description de la figure de la Terre d'après les travaux modernes. M. Baillaud expose les méthodes géodésiques et les moyens employés pour déterminer la différence de longitude de deux stations et les variations de la latitude en un point de la surface du globe. 11 donne les résultats actuels du nivellement géodésique de l'Europe, avant de passer au problème des cartes géographiques. La dernière partie du livre est consacrée à l’Astro- nomie physique: phases, éclipses, mouvements de rota- lion, photographie, photomètre, spectroscopie, M. Bail- laud à rassemblé à dessein toutes ces questions à la fin de son ouvrage, afin de faire profiter le lecteur des derniers progrès accomplis. 600 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX Cette courte analyse montre suffisamment que toutes les questions astronomiques de quelque importance ont trouvé place dans ce livre, malgré son cadre nécessaire- ment linité. M. Baillaud s'était proposé d'écrire un traité condensé à la portée des étudiants; il à réussi dans son entreprise, grâce à son érudition et à ses qualités de professeur éminent. Son ouvrage est destiné à prendre rang parmi les meilleures publications didac- tiques parues dans ces dernières années. Maurice Hay, Astronome à l'Observatoire de Paris. 2° Sciences physiques Annales de l'Observatoire météorologique du Mont- Blanc, publiées sous la direction de M. J. Vallot, Fondateur et Directeur de l'Observatoire. — Tome II, 4 vol. in-8° de 258 pages avec 7 planches et 119 figures. G. Steinheil, éditeur. Paris, 1897. Le nouveau volume des Annales de l'Observatoire du Mont-Blanc que M. Vallot vient de faire paraître, trois ans après le premier, ne contient pas moins de douze mémoires ou notes; nous ne signalerons donc que Îles plus importants. Un quart du volume environ est consacré à la publi- cation intégrale, heure par heure, des observations barométriques faites simultanément à Chamonix (1.088 mètres), aux Grands-Mulets (3.021 mètres), et à la station des Bosses (4.359 mètres), pendant la saison d'été des trois années 1890, 1891 et 1892. M. Vallot promet de donner, dans un très prochain volume, les observations analogues faites sur la température et l'humidité. C'est alors seulement qu'il sera possible d'étudier l'ensemble de ces observalions ; mais on peut ètre assuré que les résultats de ces études seront des plus intéressants ; c'est la première fois, en effet, que l'on recueille en Europe, à cette allitude, des observa- tions aussi longues et aussi complètes. Il paraîtra seule- ment regrettable que l'on n'ait pas ajouté au détail des observations, les valeurs moyennes pour les prin- cipales périodes, ce qui aurait grandement facilité la discussion. Une autre partie très importante de l'ouvrage est consacrée à l'exposition et à la discussion des observa- tions actinométriques faites simultanément à Chamonix et au Mont-Blanc, par M. J. Vallot et Mme Gabrielle Vallot. M. Vallot croit pouvoir conclure, de l’ensemble de ces observations, que la constante solaire est voisine de 1,7, nombre beaucoup plus petit que les valeurs obtenues dans ces dernières années par d'autres ob- servateurs. Cette conclusion à soulevé une discussion dans l'examen de laquelle il n'y a pas lieu d'entrer ici; il me semble, du reste, que le sommet du Mont-Blanc n'offre peut-être pas, pour les mesures actinométriques, des conditions aussi favorables qu'on le suppose géné- ralement. Les neiges perpétuelles qui le recouvrent déterminent, en ce point, des conditions de tempéra- ture et d'humidité sûrement très différentes de celles qu'on observerait au même niveau dans l'air libre ou sur un sommet privé de neige; et il n'est nullement impossible que ces conditions toutes spéciales n'aient, dans beaucoup de cas, une grande influence, Au cours de leurs expériences, M. et Mn® Vallot ont eu l'occasion de faire une série très complète de me- sures actinométriques pendant l'éclipse de Soleil du 17 juin 1890. La quantité de chaleur reçue par l’actino- mètre, qui était de 4,15 environ avant et après l’éclipse, est tombée à 0,62 au moment de la phase maximum de l’éclipse, soit une diminution de près de moitié, tandis que la diminulion prévue, en raison de la pro- portion éclipsée de la surface solaire, n'aurait dù être que d'un cinquième. Cette différence est attribuable à des nuages qui ont voilé momentanément le ciel vers le milieu de l'éclipse; il serait très intéressant de recommencer des observations analogues, pour décider si cette apparition de nuages légers pendant l’éclipse est un phènomène général, comme le suppose M. Vallot. Nous indiquerons encore parmi les travaux scienti- fiques contenus dans ce volume, une note sur la consti- tution pétrographique du massif du Mont-Blanc, par MM. L. Duparc et J. Vallot, et enfin les mémoires de MM. H. et J. Vallot sur les déterminations topogra- phiques qu'ils poursuivent depuis plusieurs années et qui doivent les conduire à publier une carte au 20.000 de tout le massif. On lira, notamment, avec un grand intérêt, la description de l'appareil photographique qui a été imaginé spécialement par les auteurs pour exé- cuter la topographie de détail et remplacer le levé à la planchette qui présentail, dans cette région, des diffi- cultés à peu près insurmontables. La variété et l'intérêt des questions traitées dans ce volume font vivement désirer la publication du suivant. Il est bon d'ajouter que les dépenses considérables occa- sionnées par ces (ravaux sont toutes supportées par M. Vallot; il a consacré ainsi à l'étude du Mont-Blanc sa fortune et son temps, risquant à chaque instant sa sauté et même davantage, car ces ascensions répétées en montagnes ne sont pas toujours exemptes des plus graves dangers. A. ANGOT, Chef de service au Bureau Central Météorologique. De Perrodil (C.), Ingénieur des Arts et Manufactures. — Le Carbure de Calcium et l’Acétylène. Les fours électriques. (Avec une Préface de M. H. Morssan, de l'Institut.) — 1 vol. in-18 de 320 pages avec TT fig. (Prix : 7 fr.) P. Vicg-Dunod et Ci, éditeurs. Paris, 1897. Dans la préface de louvrage, M. H. Moissan nous signale l'importance croissante prise dans ces dernières années par ce qu'on appelle la « Chimie des hautes tem- pératures »; il nous montre surtout comment les expé- riences réalisées en petit par quelques savants sont entrées bien vite dans la pratique industrielle : le four électrique à passé du laboratoire à l'usine et il permet aujourd'hui la production en grand de plusieurs com- posés importants parmi lesquels le carbure de calcium occupe le premier rang à cause de son emploi dans la fabrication de l’acétylène. L'ouvrage de M. de Perrodil commence par un histo- rique de la question, puis les modes de préparation de l’acétylène en dehors du carbure de calcium sont briè- vement mentionnés. Un chapitre important est alors consacré aux propriétés physiques et chimiques de l'acétylène; la liquéfaction, lexplosivité, la toxicité sont spécialement étudiées. Passant à la préparation du carbure, l'auteur indique les différents types de fours électriques, depuis celui de Siemens jusqu'à celui de M. Moissan, les matières premières employées, la marche et les résultats de la réaction, et les prix de revient. Quelques usines impor- tantes (Spray, Froges, Niagara) sont l’objet d'une men- tion spéciale, La description des appareils générateurs d’acétylène à partir du carbure et les conditions particulières de l'éclairage au moyen du nouveau gaz terminent le vo- lume. PNB: Marqfoy (Gustave), Auteur de la République. — Loi des équivalents et théorie nouvelle de la Chimie. — 4 vol. in-8° de 500 pages. (Prix : 7 fr. 50.) G. Masson, éditeur. Paris, 1897. La Revue est bien incompétente pour apprécier ce savant ouvrage qui lui est adressé par l'auteur, car c'est surtout une doctrine métaphysique et non une œuvre expérimentale qui y est exposée. Aussi se borne- t-elle à en signaler l'intérêt. Le Chatelier (H.), Ingénieur en Chef des Mines, Pro- fesseur à l'Ecole supérieure des Mines. — Recherches sur la Dissolution. — 1 brochure in-8° de 92 pages (Extrait des Annales des Mines, février 1897). P. Vicq- Dunod et Ci, éditeurs, Paris, 1897. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 601 3° Sciences naturelles Hamy (D' E.-T.), Membre de l'Insutut, Professeur au Muséum d'Histoire naturelle. — Etudes historiques et géographiques. — Un vol. in-8° de 480 pages conte- nant 10 cartes hors leæle et 21 figures. — Leroux, édi- teur. Puris, 1897. Dans ce volume, M. Hamy à réuni, en les retouchant, vingt études relatives à l'histoire de la Géographie, qu'il avait primilivement publiées dans divers recueils scien- tifiques. Elles se rapportent à des époques très diffe- rentes. Au début de la première, les Origines de la Car- tographie de L Europe s plentrionule, l'auteur expose l’état des connaissances géographiques des Italiens sur les pays baignés par l'Atlantique et la Manche au xure siè- cle. La dernière est une notice sur Nicolas Marlin Petit, et les dessins qu'il rapporta de Tasmanie et d'Australie peudant Ja campagne cle la corvelle « Le Géographe », de 1801 à 1804. 11 y a ainsi une grande variété dans la nature des su- jets traités. Une étude, par exemple, est consäcrée à l'Histoire des marques commerciales au xiv° siécle, une autre aux expéditions des Francais au Spitzherg au xvu® siècle, une troisième à la célèbre polémique qui s’éleva entre le capitaine Cook et l'hydrographe anglais Dalzymple, relativement à l'existence du continent aus- tral et qu'ici même nous avons naguère brièvement exposée ‘. Mais c'est aux découvertes des Porlugais et des Cas- tillans, ainsi qu'aux travaux de leurs cartographes, que revient le plus volontiers M. Hamy. Il expose, par exemple, comment les Portugais, partis de Malacea, dé- couvrirentles Moluques, comment les Espagnols décou- vrirent les Carolines, etcommentils étaient pleinement dans leur bon droit pour réclamer la possession de cet archipel qu'en 1885 les Allemands prétendaient leur disputer. Il nous raconte encore les aventures du « Descobridor Godinho de Eredia », dont la vie s'écoula dans les Indes Orientales, au moment capital dans l'histoire de l'expansion européenne en Extrème Orient, où les Hollandais supplantaient les Portugais dans la possession des îles de la Sonde. D’autres articles sont consacrés à des commentaires d'anciennes cartes espa- gnoles. _ Cet ouvrage témoigne de l'étendue vraiment extraor- dinaire des connaissances de l’auteur. Dans ce temps où la science se divise à l’extrème, où il se crée des spécialités dans les spécialités, où des existences labo- rieuses s'usent dans l'exploration d’une région très limitée de l’Inconnu, M. Hamy apparaît avec une ori- ginalité : c'est un esprit encyclopédique. Bien loin de rester l'œil toujours fixé sur le même endroit de l'horizon, sa vue se pose successivement sur des points fort distants les uns des autres. La profondeur de l’érudition de M. Hamy est bien connue de lous ceux à qui il à été donné d'user de son oblixeance et de le consulter dans leurs recherches. Elle se manifeste publiquement par la réunion des études variées qui composent cet ouvrage. M. Hamy est doué aussi d’une sorte de sens divina- toire, qui le guide dans ses explorations des dépôts d'archives. Il possède naturellement le don d'y faire des trouvailles et d'y découvrir des pièces que per- sonne ne s'élait avisé de mettre au jour avant lui, Aussi n'y a-t-il guère d'étude dans cet daivrage, dont les conclusions ne soient appuyées sur quelque pièce iné- dite. 11 sera lu avec profit par tous ceux qui s'intéressent à l’histoire de la découverte du globe, par tous ceux qui aiment à suivre les efforts persévérants qu'ont accom- plis les hommes pour reconnaitre la configuration de la Terre, depuis les voyageurs des temps anciens jus- qu'aux explorateurs, nos contemporains, qui nous hvrent les derniers secrets de l'Afrique équatoriale el des régions arctiques. Hexrt DEHÉRAIN. ! Revue gén. des Sciences, 1895, p. 627. Sappin-Trouffy (M.), Préparateur à la Faculté des Sciences de Poiliers. — Recherches histologiques sur la Famille des Urédinées. (Thèse de Doctorat de la Faculté des Sciences de Paris.) — 1 vol. in-8° de 190 pages, avec T0 fig. Oudin et Ci°, 4, rue de l'Epe- ron. Poiliers, 1897. Depuis les beaux mémoires de Tulasne et de de Bary, les Urédinées ont attiré l'attention de nombreux bolanistes qui se sont proposé soit de rechercher de nouvelles espèces pour arriver à mieux établir les afti- nilés de celles déjà connues, soit de déterminer les migrations si curieuses de ces parasites d’un hôte sur un autre. La nature de l'organe hibernant, la téleu- lospore, est diversement appréciée par les auteurs; c'est une baside enkystée, une probaside pour M. van Tieghem, une vraie spore pour M. Vuillemin. Cependant, Schinilz à découvert la présence de plusieurs noyaux dans les cellules du thalle des Urédinées, M. Rosen retrouve deux noyaux dans les écidiospores, urédos- pores et téleutospores, et MM. Dangeard et Sappin- Trouffy ont vu dans la téleutospore les deux noyaux voisins se fusionner en un seul, et ils en ont conclu l'existence d'une pseudo-fécondation. Mais, MM. Poi- raull et Raciborski interprètent ce phénomène d'une manière toute différente et fort originale : les deux noyaux qui se fusionnent dans la téleultospore ne sont pas des noyaux frères; ils appartiennent à deux lignées différentes, sont deux « noyaux conjugués », dont la division est synchronique, et leur fusion finale dans la téleutospore est simplement lanaphase finale de ka- ryokinèses successives et incomplètes. Les Urédinées étant considérées jusqu'à présent comme des champignons asexués, on voit tout l'intérêt de la question. M. Sappin-Trouffy s'est proposé, dans sa thèse, de montrer que la fusion des noyaux dans la té- leutospore est une véritable fécondation. Son livre comprend deux parties : dans la première, il étudie successivement, au point de vue spécial du noyau, le mycélium et les différentes sortes de spores chez dix genres et chez plusieurs espèces de chaque genre; on y trouve en outre des dessins semi-schématiques de coupes à travers les sores, et d'intéressants renseigne- ments sur les suçoirs qui sont bien développés. La deuxième partie est le résumé et l'interprétation des faits acquis dans la première. Chez les espèces qui possèdent quatre sortes d'appa- reils reproducteurs, on constate que le mycélium, pro- duit par la germination de la sporidie (qui provient de la téleutospore), est formé de cellules à un seul noyau jusqu'à la formation des écidies. À partir de ce moment il y à, dans chaque cellule ou article, deux noyaux en- tiers, chacun à deux chromosomes, qui plus tard se diviseront simultanément de manière à constituer deux lignées parallèles. Par suite, les spermaties ou éeidio- lispores ont un seul noyau, et les écidiospores en ont deux. Les cellules du filament produit par la germina- tion d’une écidiospore, les urédospores et les cellules du fi'ament qui proviennent de leur germination, la cellule ou les cellules qui constituent une téleutospore renferment chacune deux noyaux, continuation des deux lignées précédentes. Puis, les deux noyaux de la téleutospore se fusionnent en un seul. Chaque téleu- tospore, ou chaque cellule de la téleutospore, si celle-ci est composée, est donc un œuf dont le noyau à quatre chromosomes. L'œuf germe en un promycélium qui produit les sporidies, et la première figure karyokiné- tique n'a plus que deux chromosomes deux fois plus grands que dans les noyaux végétatifs, puis, la deuxième division se produisant sans période de repos, les noyaux de la seconde génération ont moitié moins de sub- stance chromatique que les précédents: Il y à donc une réduction de la substance chromatique, mais celle- ci, au lieu de se faire avant la fécondation, comme dans les exemples classiques, se fait après. Les résultats obtenus par M. Sappin-Trouffy dans 1 cette difficile étude semblent donc hien concluants. Si 602 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX cependant on arrivait à les interpréter dans un sens différent, la thèse de l'auteur n'en resterait pas moins un travail de mérite, et qui fait honneur à la Faculté des Sciences de Poitiers. GC. SAUVAGEAU, Maitre de Conférences à la Faculté des Sciences de Lyon. Desmoulins (A.), Chimiste-préparateur ax Laboratoire agronomique de Blois. — Procédés de conservation des denrées et produits agricoles. — 1 vol. in-18° de 170 pages de l'Encyclopédie scientifique des Aide- Mémoire, publiée sous lu direction de M. H. Léauté. (Prix: broché, 2 fr. 50 ; cartonné, 3 fr.) G. Masson et Gauthier- Villars, éditeurs. Paris, 4897. L'ouvrage de M. Desmoulins est le développement d'une étude qui a été présentée au Concours national de Lyon organisé par le Comité de vulgarisation indus- trielle et agricole de cette ville, et qui à remporté le premier prix. L'auteur à été conduit à réunir les documents que l’on trouve dans ce volume, par les difficultés qu'on éprouve à faire des recherches dans les divers traités. M. Desmoulins à certainement fait œuvre utile en nous évitant ces recherches. Son livre comprend d'abord l'exposé des principes et de la pratique de la conservation des grains, des tubereules et des racines, des légumes et des fruits; passant aux boissons, il étudie les précautions à pren- dre pour conserver le vin, le cidre, le vinaigre, le lait; enfin la conservation des fourrages et la fabrication des conserves alimentaires susceplibles d'être prépa- rées à la ferme font l’objet des derniers chapitres. Tous ces divers exposés sont présentés d'une façon très olaire ; la théorie précède toujours l'application et vient expliquer les divers modes de conservation employés ou recommandés; de plus, le livre de M. Desmoulins est conçu dans un sens essentiellement pratique qui en facilitera la lecture et qui aidera puissamment à le répandre dans le milieu rural intelligent auquel il est destiné. A. HÉBERT. 4 Sciences médicales Legrain(D' M.) —Des anomalies del’instinet sexuel et en particulier de l’inversion du sens génital. — 1 vol. in-S° de 64 pages. G. Carré et C. Naud, édi- teurs. Paris, 1897. On connaît la classification donnée par Magnan des anomaux sexuels qu'il divise en spinaux, spinaux céré- braux postérieurs, spinaux cérébraux antérieurs el cérébraux antérieurs. M. Legrain s'est attaché à faire la critique de cette classification; il s'est efforcé de montrer qu'il était rare qu'un même malade n’appar- tint pas, simultanément ou à des phases diverses de l'affection dont il étaitatteint, à plusieurs de ces groupes, qui, d'après lui, correspondent plutôt, si l'on met à part les spinaux, à des ensembles cohérents de syndromes pathologiques, manifestation d'un même état fonda- mental, qu'à des entités morbides distinctes. Les multiples perversions d'anomalies génitales se peuvent toutes ramener en réalité à des déviations pathologiques de l'instinet de reproduction. Le méca- nisme cérébral tout entier semble toujours intéressé dans ces désordres de la fonction génitale et ce que l’on peut seulement dire, c'est que dans telle ou telle forme elinique, c'est Lel ou tel rouage qui est plus complètement faussé. M. Legrain publie l'observation très détaillée et très complète d'un inverti sexuel, por- teur de troubles multiples, à l'appui de la thèse qu'il soutient et il analyse à la fois cliniquement et psycho- logiquement ces diverses syndromes par lesquels se sont manifestées chez lui les perversions de l'instinct génital. 11 le considère « comme un véritable herma- phrodite chez lequel les caractères féminins l'emportent sur les autres ». Tel est au resle l'aspect sous lequel tous les invertis apparaissent à M. Legrain, qui regarde les types divers d'inversion comme des variétés diverses d'hermaphrodisme. Cette anomalie, tantôt psychique seulement, tantôt psychique et physique à la fois, en- traine avec elle et au degré où elle existe elle-même la neutralité et l’anorexie sexuelles. La reproduction n'est plus la fin inconsciente où tendent les actes de l'inverti; l'instinct sexuel est profondément dévié et c'est seulement à se procurer des jouissances, des sen- sations d'un ordre particulier qu'il s'efforce; l'appé- tence génitale à remplacé l'appétence sexuelle. L'intéressant mémoire de M. Legrain est venu heu- reusement compléter et rectilier sur certains points les nombreux travaux relatifs à la pathologie sexuelle, mais il laisse intacte l'analyse clinique de Magnan qui n'avait voulu donner de ces phénomènes mor- bides, complexes et embrouillés, qu'une sorte de clas- sification schématique. L. MARILLIER, Acrégé de l'Université. 5° Sciences diverses Merz (John, Théodore).— A History of the European Thoug'ht in the nineteenth century. 1°" vol. — 1 wol, in-8° de 458 pages. William Blackwood and Sons, édi- teurs. Edinburgh and London, 1897. Ce livre — le premier d’une série à paraître — mérite tout particulièrement d’être signalé aux lecteurs fran- cais. Par son objet et sa méthode il se distingue de la facon la plus marquée de tous les ouvrages de philoso- phie ou d'histoire qui nous tombent couramment sous les yeux. L'auteur a en vue l’histoire de la pensée euro- péenne au xx° siècle; et il ne craint pas de compren- dre sous ce mot, — à côté de la pensée philosophique et de la pensée esthétique, qui s'exprime par l’art, la poé- sie, la littérature, — la pensée scientifique. C'est celle-ci qui fait l’objet du volume paru. Qu'on ne croie pas d’ailleurs qu'il soit ici question de présenter une sorte d’encyclopédie des connaissances humaines acquises durant ce siècle. L'esprit philoso- phique de l’auteur ne s'en contenterait pas. Ce qui l'attire principalement, c'est l'étude des idées fécondes, des grands courants, qui, sous des formes variées, ont abouti à la formation de la Science contemporaine. — Trois chapitres, du plus haut intérêt, font admirable- ment sentir les tendances spéciales distinctes qui ont caractérisé, surtout dans la première moitié de ce siè- cle, l'esprit scientifique en France, en Allemagne, en Angleterre. L'auteur insiste sur le rôle qu'a joué la France dans le développement et la propagation des Sciences exactes, — rôle favorisé par la création de ses Académies el de ses grandes Ecoles. Il s'attache, dans quelques pages très curieuses, à démèler tout ce qu'il y a de complexe et de riche dans la notion germanique de la Wissenschaft, et fait ressortir ce que la Science alle- mande doit à ses Universités. Enfin, il caractérise, en quelques traits précis, la Science anglaise par son indi- vidualisme et sa tendance pratique. Une fois marquées ces tendances spéciales qui vont concourir à former la Science contemporaine, l’auteur aborde celle-ci, en distinguant la conception astrono- mique et la conception atomique de la nature, et pré- sentant une étude historique approfondie, d'une part de toutes les théories qui se rattachent à la loi de New- ton, d'autre part, de toutes les connaissances qu peuvent se grouper autour de la conception atomique. Dans ce livre, si profondément original, où les titres mêmes et sous-titres des chapitres sont étonnam- ment sugsestifs, une qualité domine, à laquelle nous sommes particulièrement heureux de rendre hommage : c'est un très grand effort de sincérité et d'impartialité. Aussi nous sentirons-nous à l'aise pour demander à l'auteur s'il n'a pas quelque peu exagéré l'influence de Bacon sur la marche de la Science moderne, et s'il a vraiment donné la place qu'ils méritent, dans un livre comme celui-ci, aux noms de Galilée et de Descartes, pour le xvir° siècle, et à celui de Claude Bernard, dans le nôtre. G. MiznAun, Chargé de Gours à la Fac. des Lettres de Montpellier. ACADÉMIES ET SOCIÈTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 14 Juin 1897. La Section de Géographie et Navigation présente la liste suivante de candidats à la place déclarée vacante par le décès de M, d’Abbadie : en première ligne, M. Hatt; en seconde ligne, MM. de Bernardières, Bertin et Caspari ; en troisième ligne, MM. Angot et Lallemand. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. Boussinesq donne un exemple de vérification expérimentale de la théorie de l'écoulement graduellement varié dans les canaux découverts. — M. A. Pellet éludie les surfaces dont les lignes de courbure forment un système isomé- trique. — M. Paul Painlevé démontre que, si la fonc- tion de forces U (æ,....…... , 4) est nulle et maxima pour in 0} et si son développement commence par des termes de degré supérieur au second, il existe, dans le voisinage de la position d'équilibre, une infinité de petits mouvements périodiques, réels et distincts; mais la période de ces mouvements tend vers l'infini quand leur amplitude tend vers zéro. — M. J. Andrade adresse deux notes ayant pour titres : « La Géométrie de Lobatchewsky et la Statique » et « Applications de la méthode de Poinsot à la Statique non euclidienne », — M. P.-E. Touche adresse un mémoire : Sur le cal- cul de la résistance de l'air à un disque pour une vitesse de 20 mètres par seconde, 20 ScreNcEs PHYSIQUES. — M. Michel Vénukoff donne les résultats d'observations météorologiques faites en Mandchourie et dans les pays voisins. Ils montrent l'in- fluence prépondérante de la mer du Japon dans la dis- - tribution de l'humidité. — M. J. Jaubert a étudié la variation de la température à la surface de sols de différentes natures : sol dénudé, sol bitumé, sol payé en bois, sol pavé en grès et sol gazonné. — MM. E. Du- cretet et L. Lejeune décrivent un nouvel interrupteur à mercure pour les fortes bobines de Ruhmkorff: il est susceptible d'une grande vitesse, variable dans des limites très étendues. — M. Michel Petrovitch envi- sage une réaction chimique se passant entre m» liquides et donnant naissance à n produits. Il indique une loi approchée de variation de la température du mélange avec les quantités dépensées des corps actifs et calcule le temps nécessaire pour que le mélange acquière une température donnée. — M. A. Besson à obtenu le triio- dure de phosphore pur en faisant réagir HI sec sur PCI“ soit seul, soit en dissolution dans CCI£. Il à éga- lement constaté que la transformation du phosphore blanc en phosphore rouge par action de présence de l'iode est due à la formation d'une combinaison instable P*I* qui se détruit ensuite. — M. A. Villiers a trouvé que, lorsqu'un corps oxydable se trouve dans un milieu susceptible de fournir de l'oxygène, mais dans des conditions telles que l'oxydation ne commence pas encore ou se produise très lentement, Faddition d'une trace d’un sel de manganèse détermine ou accélère la réaction. Avec des corps de la série aromatique et en présence d’acide chlorhydrique, il se forme générale- ment des dérivés chlorés. — M. A. Etard, poursuivant ses études sur les chlorophylles, est arrivé à de nou- velles conclusions : Le nombre des bandes chlorophyl- liennes et la longueur d'onde de leur axe moyen peu- vent, par la méthode des dilutions limites, être comptées exactement et servir à caractériser l'espèce chimique. La diversité des chlorophylles se démontre par la lon- gueur d'onde des axes de leurs bandes préexistantes ou provoquées par l’action des réactifs. La bande fonda- mentale des chlorophylles n’est pas toujours uniformé- ment obscure, elle peut être double ou triple, — M. G- Bertrand à constaté que, sous l'influence des sels de manganèse, un grand nombre de corps organiques s’oxydent aux dépens de l'oxygène de Pair; il attribue ce phénomène à l'hydrolyse du sel manganeux. Il se forme du protoxyde de manganèse, qui attire un atome d'oxygène pour se transformer en bioxyde, tandis que l'autre atome d' oxygène de la même molécule se porte sur le corps organique. — MM. Paul Sabatier et J.-B. Senderens ont constaté que lorsqu'on fait passer de l’éthylène sur du nickel récemment réduit et chauffé au-dessus de 3009, il se forme un mélange d'éthane, de formène et d° hydrogène, ainsi que du carbone. Lors- qu'on fait passer sur le nickel des mélanges égaux d'éthylène et d'hydrogène, on obtient de l’éthane sensi- blement pur. — M. G. Blanc, ayant chauffé l'acide isolauronolique avec l'acide sulfurique concentré, a obtenu de l'acide sulfocamphorique. Il a préparé éga- lement le cyanure d'isolauronolyle et le nitrile isolau- ronolique. — M. R. Chevastelon a éludié l’action de l'acétylène sur l'azotate d'argent en solution aqueuse. Une molécule d'ac étylène réagit sur trois molécules d'azotate d'argent, en décompose deux et fixe la troi- sième; il se forme de l'acide azotique et le composé C?Ag*AzOSAg. — M. A. Aignan donne un procédé de détermination de l'huile de résine se trouvant en petite quantité dans l'essence de térébenthine. On distille l'essence, qui passe presque pure au commencement; l'huile de résine s'accumule dans le résidu ep, comme elle est dextrogyre, elle modifie considérablement le pouvoir rotatoire de l'essence (lévogyre) qui reste. — Mie J, Chauliaguet, MM. A. Hébert et À. Heïm ont isolé les principes actifs de quelques Aroïdées. Ils ont trouvé une saponine, dont l'injection détermine des effets analogues à ceux produits par les sapotoxines, et une base volatile, qui n'est autre qu'un alcaloïde ayant les plus grandes analogies avec la conicine de ciguë. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. J.-P. Morat étudie le grand sympathique et ses centres trophiques et montre qu'il. a là même constitution fondamentale que les autres ensembles nerveux. — M. B. Danilewsky est parvenu à produire l'excitation des nerfs par des radia- tions électriques d'une fréquence et d’une force suffi- santes. — M. G. Bardet à constaté que les rayons X produisent toujours une action lumineuse sur la rétine quand l'observateur est placé dans une obscurité complète. — M. d’Arsonval ajoute que des sensations lumineuses peuvent être provoquées par un électro-aimant, placé près de l'œil et animé par un courant alternatif. — M. E. Fiquet a constaté que la toxicité attribuée aux peptones et albumoses injectées dans la circulation est due à la présence d'albumo- toxines et de ptomaines qui se trouvent dans ces corps quand ils sont insuffisamment purifiés. —- M. L. de Launay montre que certains gisements de plomb car- bonalé proviennent de la transformation de gisements de plomb sulfuré soumis à, l'action d'eaux souter- raines chargées de calcaire. — M. C.-Eug. Bertrand décrit les principaux caractères du charbon humique de Broxburn. C’est une accumulation de la gelée brune fondamentale qui forme la trame ordinaire des schistes organiques; cette gelée renferme des corps bactéri- formes. — M. E.-A. Martel donne la description de la Cusva del Drach (Grotte du Dragon) située dans l’ile Majorque. Cette grotte est une des plus grandes con- nues et renferme un lac, le lac Miramar, également remarquable par ses dimensions. — M. Grand'Eury a pu restaurer entièrement, des racines aux feuilles, un 604 fossile caractéristique du terrain houiller : le Calamites Suchkowii; cette étude lui a permis, en outre, de mon- trer l'identité spécifique des Cal. Suckowii Br., Cistii Br., Schatzlorensis St., foliosus Gr., Calamocladus paralleli- nervis Gr. et Calamostachys vulgaris Gr. — M. E. Haug montre que les Goniatites peuvent être groupées en plusieurs phyllums indépendants, caractérisés chacun par un mode d’enroulement particulier et dans chacun desquels l’évolution de la cloison suit une marche pro- gressive. — MM. V. Paquier el F. Roman indiquent la détermination et la répartition des Dicéralinés du Tithonique coralligène des Cévennes et du Dauphiné. — M. G. Apostoli signale un cas {rès grave de derma- tite conséculive à deux applicalions de rayons X. Tous les moyens thérapeutiques ordinaires ont échoué ; seul, le traitement électrique à amené une amélioralion no- table. — M. Oudin à éludié l'action thérapeutique locale des courants à haute fréquence; ils agissent par la pluie d’étincelles qui crible la partie malade à proxi- mité de l’électrode. Les effets sont analogues à ceux de la franklinisation, mais plus actifs et plus rapides. — MM. Bataillon et Terre ont découvert chez les Carpes un bacille ayant toutes les réactions du bacille de Koch et qui n'est autre qu'une forme saprophytique de la tuberculose humaine ou de la tuberculose aviaire iujec- tée à ces animaux. — M. Ed. Spalikowsky est parvenu à calmer les crises gastralgiques terribles qui se pro- duisent dans le tabes dorsal au moyen de la suggestion et du sommeil hypnotique, Séance du 21 Juin 1897. M. Hatt est élu membre dans la section de Géogra- phie et de Navigation. — La Section de Minéralogie présente la liste suivante de candidats pour remplir la place laissée vacante par le décès de M. Des Cloizeaux: en première ligne, M. de Lapparent ; en seconde ligne, M. Barrois; en troisième ligne, MM. Douvillé, Lacroix et Munier-Chalmas. 1° SCIENGES MATHÉMATIQUES. — M. Loewy présente le tome VII des Annales de l'Observatoire de Bordeaux ; il signale spécialement le mémoire de M. Picart sur la rotation d'un corps variable el celui de M. Féraud sur le développement de Ja fonction perturbatrice. M. Simonin explique les différences entre les valeurs observées et théoriques des longitudes des périhélies de Mereure et Mars et des nœuds de Vénus en supposant que le centre.de gravité du Soleil diffère de son centre de figure. — M. H. Poincaré donne une nouvelle démonstration du théorème : Toute fonction uniforme de p variables, 2 p fois périodiques, est le quotient de deux fonctions 0, et démontre pour la première fois le théorème: Entre p—1 fonctions uniformes de p va- riables, 2 p fois périodiques, sans point singulier essen- tiel à distance finie, il y a toujours une relation algé- brique. — M. Boussinesq donne l'expression des petites composantes transversales de la vitesse dans les écou- lements graduellement variés des liquides. — M. Eug. Cosserat montre que, parmi les surfaces qui peuvent, dans plusieurs mouvements différents, engendrer une famille de Lamé, il faut comprendre les cyclides de Dupin. — M. Darboux ajoute que les eyclides de Dupin peuvent être envisagées de deux manières différentes comme des surfaces de Joachimstahl, ce qui conduit immédiatement au théorème de M. Cosserat. — M. H. Bourget étudie une certaine classe de fonctions hyper- abéliennes. — M. C. Bourlet nomme équation opéra- tive celle qui contient comme variables les puissances symboliques d'une transformation additive donnée; il montre que la théorie de ces équations peut pré- senter des analogies avec celle des équations différen- tielles ordinaires. — M. Appell fait remarquer que les propriétés des transmutations additives ont déjà été étudiées par M. Pincherle, avec lequel M. Bourlet s’est rencontré sur plusieurs points. — M. Levi-Civita indique une nouvelle classe de forces vives, dont les géodésiques possèdent une intégrale quadratique, et qui n'est pas réductible, par un choix convenable des ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES variables, aux formes de M. Staeckel ou de M. Painlevé. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. le P. M. Dechevrens fait remarquer que le mouvement oscillatoire diurne de l'atmosphère, constaté par M. Angot au sommet de la tour Eilfel, s'observe parfaitement à des hauteurs beau- coup moindres et est général pour toute l’année, En Chine, la variation de la composante diurne est l'inverse de ce qu'elle est dans nos contrées. — M. J. Jaubert donne quelques renseignements sur la trombe qui a passé le 18 juin à Asnières ; sa (rajectoire (ouest-est) s’est développée sur plusieurs kilomètres de longueur, mais seulement sur quelques centaines de mètres de largeur. La dépression barométrique à été de 9nm,5, — M. L. Teisserenc de Bort donne des renseignements sur les dégâts commis par la trombe ; un grand nombre de vitres ont été perforées de petits trous circulaires. — MM. Auguste et Louis Lumière décrivent un nou- veau procédé de mesure des indices de réfraction ; il est basé sur le phénomène de production des halos sur les couches sensibles photographiques par réflexion totale, sur la dos de la plaque, de la lumière émise par le point éclairé. — M, Ader décrit un nouvel appareil enregistreur pour cäbles sous-marins. Il est fondé sur le principe de l’action d'un champ magnétique sur un élément de courant; les déplacements de ce dernier sont enregistrés sur une pellicule photographique. Le nouvel appareil permet d'augmenter considérablement le nombre des signaux transmis par minute. — M. Ch. Pollak a obteuu uu condensateur électrolytique de grande capacité et un redresseur électrolytique de cou- rants en ulilisant la couche d'oxyde qui se forme sur une lame d'aluminium servant d'électrode dans une dissolution alcaline. — M. Lecoq de Boisbaudran montre que,contrairementaux affirmations de MM. Eder et Valenta, la raie 433,8 se voit toujours avec l’étincelle non condensée et une solution très concentrée de AuCl; elle doit donc être attribuée au spectre de l'or. — M. Zeemann montre que, sous l'influence d'un champ magnétique extérieur, les lignes simples du spectre peuvent être divisées en lignes doubles ou triples suivant l'énergie du champ. — M. Pouget a obtenu, par union directe des constiluants pris en pro- portions calculées, Je sulfoantimonite de potassium SbS®K* et le métasulfoantimonite SbS?K. — M. Jules Garnier a conslalé que le nickel fondu à très haute température est extrèmement fluide ; ce fait peul expliquer l'augmentation de résistance qu'il donne aux fers en remplissant tous les vides intermoléculaires. — M. R. Metzner à préparé l'iodhydrate d'iodure tellu- rique en dissolvant l'acide tellureux dans l'acide iodhydrique et en faisant passer un courant d'acide iodhydrique gazeux ; il a également obtenu le bromhy- drate de bromure tellurique en arrosant de l'acide tel- lureux avec de l'acide bromhydrique en excès. — M. A. Hollard indique une méthode pratique permettant le dosage rigoureux et facile du cuivre, de l’étain, du zinc et des impuretés entrant dans la composition des bronzes et des laitons. — M. Delépine a étudié l’action de la potasse sur l’aldéhyde formique; elle lui à permis d'établir que les solutions d'aldéhyde dont la teneur varie entre 1,5 et 30 °/, possèdent une chaleur de for- mation très voisine. — M. A. Villiers signale un pro- cédé commode pour la destruction des matières orga- niques en Toxicologie. Il consiste à faire digérer les matières avec de l'acide chlorbydrique et un peu d'acide azotique en présence d'un sel de manganèse qui détermine l'oxydation. — MM. P. Cazeneuve et Haddon ont reconnu que l'acide cafétannique n’est pas, comme on le croit,une combinaison d'acide caféique et de manitane avec perte d'eau, mais une combinaison | de cet acide avec un sucre encore inconnu dont ils poursuivent l'étude. —M.A.-C.-B. Griffiths a retiré des élytres de quelques coléoptères un pigment rouge, de formule C'H°Az0*, auquel il a donné le nom de coléop- térine. — M. H. Lagatu propose une nouvelle explica- | tion de la casse des vins: Un vin cassable contient un | excès de fer ferreux qui, à l'air, se transforme en fer in. ! … ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ferrique avec ou sans le secours d’une diastase oxy- dante ; sous la modification ferrique, le métal est pré- cipité par les tannins qui comprennent la matière colorante. Cette explication a été vérifiée expérimenta- lement. 39 SCIENCES NATURELLES. — M. E. Huot à étudié le développement et la structure des capsules surrénales, des reins et du tissu lymphoïde des Poissons lopho- branches. — M. Emile Brumpt décrit un Copépode nouveau, le Saccopsis Alleni, qui vit en parasite sur le Polycirrus aurantiacus Grube. — M. Ch. Dassonville à étudié l’action des sels minéraux sur le développe- ment et la structure de quelques Graminées. Il a cons- taté que les Graminées présentent, lorsqu'elles sont cultivées dans l’eau pure, un plus faible développement de tous les tissus, mais par contre une lignification beaucoup plus grande, — M. E. Roze étudie la propa- gation du Pseudocommis vitis Debray; il pense que, tant que son plasmode est vivant dans les cellules qu'il a envahies, il a la faculté d'en sortir, lorsqu'il se trouve placé dans des conditions favorables, pour aller conta- - miner d’autres végétaux. — M. Pomel communique la monographie des Porcins fossiles quaternaires d'Algé- rie. Il a trouvé le Sus algericus, le Sus barbarus, le Sus iberus et le Phacocherus barbarus. — M. Ch. Déperet donne quelques indications sur de nouveaux gisements de Mammifères fossiles découverts dans l’île de Corse et renfermant des restes de Lagomys corsicanus Cuv., Cervus, Chiroptères, etc. Ces découvertes ont un grand intérêt en ce qu'elles nous renseignent sur les périodes de rattachement ou de séparation de la Corse avec les continents voisins. — MM. A. Antheaume et A. Mou- neyrat ont fait l’autopsie d'un morphinomane et ont “découvert la présence de la morphine ou d'un de ses dérivés dans les organes suivants : foie, cerveau et reins. — M. B. Danilewsky signale de nouvelles expé- riences sur l’'irritation des nerfs par des rayons élec- triques, saps le concours de conducteurs intermédiaires. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 8 Juin 1897. M. R. Blanchard présente un rapport sur un mé- moire de M. P.-S. de Magalhaes intitulé : Contribu- tion à l'étude des kystes séreux des petites lèvres, L’au- teur montre que ces tumeurs se forment aux dépens du canal de Gaertner. — M. Ch. Monod présente un rapport sur trois mémoires de MM. Calot, A. Chipault et J. Ménard sur le traitement de la gibbosité du mal de Pott. L'auteur pense, avec MM. Calot et Chipault, que le redressement brusque des gibbosités du mal de Pott est souvent possible et sans danger, si l’on s'at- taque aux déviations dès leur début; mais, avec M. Mé- nard, il met en garde contre de (rop grandes audaces; la bosse confirmée, déjà vieille et accentuée, est redres- sable peut-être, mais fatalement vouée à la récidive. — M. Péan a obtenu de bons résultats avec la méthode du D' Calot, en faisant porter ensuite aux opérés l'ap- pareil de Mathieu en cuir bouilli et fenêtré. — M. Péan analyse un travail de M. le D' M. Bloch sur la Tarsop- tose et la Tarsalgie. L'auteur décrit un appareil qui permet de corriger ces déformations du pied. — M. le Dr Doyen litune note sur les calculs de l’uretère enle- vés par la voie vaginale et la néphrotomie. — M. le Dr Tuffier donne lecture d'une observation de grossesse extra-utérine abdominale, avec kyste fœtal sous-hépa- tique. La laparatomie amena l'extraction d’un fœtus de cinq mois; elle fut suivie de la guérison. — M. le D' Bazy lit un mémoire sur le traitement des prostatiques, par la sonde à demeure avec déambulation, et l’atrophie consécutive de la prostate. — M. le D' H. Grasset donne lecture d'une étude sur le poumon. Séance du 15 Juin 1897. MM. H. Rendu et A. Pissavy communiquent l'ob- servation suivante : Un garcon d'amphithéâtre se piqua légèrement en aidant à l'autopsie d'un individu mort 605 de la rage; par précaution, il se soumit au traitement antirabique, mais au bout de treize jours il fut atteint d'une paraplégie complète. Les piqüres furent conti- nuées; néanmoins le malade guérit. Les auteurs attri- buent la paralysie à la toxine renfermée dans la moelle antirabique. — M. Roux fait remarquer que le traite- ment antirabique ne doit pas être incriminé puisque le malade a guéri alors même que les injections ontété continuées. — M. Brouardel pense qu'au moment de la blessure originelle, il y a eu une inoculation non seulement de la rage, mais d'une autre infection qui a causé la paralysie. — M. Paul Reclus indique le résultat de l’emploi des appareils de marche dans le traitement des fractures de jambe. Ces appareils con- sistent en un levier rigide, fixé au-dessus du foyer de la fracture et (transmettant au sol le poids du corps; il permet la marche quelques jours après la fracture. — M. le D' Burot envoie un mémoire sur les navires- hôpitaux dans les expéditions coloniales. Séance du 22 Juin 1897. M. Déchery présente un aphyso-cautère très pratique, construit sur ses indications par M. Mathieu. — M. Chauvel fait un rapport sur un mémoire de M. Va- cher (d'Orléans) relatif à l'extraction du cristallin transparent comme moyen prophylactique et traite- ment de la myopie très forte progressive. Pour la sup- pression du cristallin, l’auteur préfère l'extraction à la discision; aucun des opérés n’a présenté de complica- tions. —M. A. Pinard analyse deux observations de gros- sesse extra-utérine communiquées par M. N. Routier et M. Tuffier. Dans la première, l’auteur tenta d’enle- ver le kyste entier; il réussit, et la malade guérit, mais l'auteur recommande de se borner, en général, à extraire le fœtus. Dans la seconde, la grossesse ecto- pique coïncidait avec une grossesse utérine qui évolua normalement. — MM. Duclaux, Laveran et Fernet présentent le rapport sur le concours pour le Prix de l’Académie en 1897. — M. Brouardel reprend l'examen du cas signalé dans la dernière séance par M. Rendu. IL pense qu'il n’y a eu ni infection par la toxine rabique, ni paralysie rabique, mais simplement myélile ascen- dante toxique, provenant de l'injection par la blessure primitive d'une toxine bactérienne quelconque. — M. Paul Reeclus a procédé à la résection bilatérale du grand sympathique cervical dans un cas de goitre exophtalmique; le goitre a beaucoup diminué et l’état général du malade s'est grandement amélioré, mais l'opération est trop récente pour qu'on puisse en tirer des conclusions fermes. — MM. Lancereaux et Pau- lesco ont traité un anévrisme de l'aorte par des injec- tions sous-cutanées d’une solution gélatineuse; un caillot se forma peu à peu et la cavité de l’anévrisme disparut. Cette méthode peut être recommandée pour les anévrismes internes et profonds qui échappent aux procédés chirurgicaux. Séance du 29 Juin 1897. M. le Président annonce le décès de M. Schützen- berger, membre de l’Académie. — M. C. Gros (d'Alger) signale des accidents médullaires à forme de myélite aiguë survenus au cours d'un traitement antirabique chez un homme qui avait été mordu par un chien. — MM. V. Cornil et Carnot ont constaté que la fibrine introduite dans le péritoine se transforme rapidement en tissu conjonctif vascularisé; elle peut ainsi servir à réparer les pertes de substance du foie après des opé- rations. — M. Gérard-Marchant donne lecture d'un mémoire sur la résection bilatérale du grand sympa- thique cervical dans le goitre exophtalmique. — M. le Dr Clozier envoie une note sur une pompe intestinale, SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 22 Mai 1897. M. Abelous envoie une note sur l'action fermenti- tielle des oxydases résultant de la macération des 606 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES organes oxydants. — M. Domelli a étudié les altéra- lions du système nerveux qui se présentent après la néphrectomie expérimentale. — M. Fournier a essayé d'obtenir par la radiographie des indications sur la structure des calculs bihaires. Séance du 29 Mai 1897. M. Netter a inoculé dans le périloine de jeunes cobayes des poussières recueillies sur les murs d’une salle d'hôpital et en suspension dans de l’eau stérilisée ; il a obtenu deux fois une péritonile à pneumocoques. Cela prouve que les crachats pneumoniques desséchés conservent leur virulence. — M. C. Phisalix a cons- faté qu'on peut immuniser la grenouille contre le curare au moyen du sérum de sang de salamandre. — M. Arloing à reconnu que la courbe de la Loxi- cité des sueurs suivait celle de la toxicité urinaire, et qu'elle s'élevait après le travail et la fatigue. — M. P. Langlois montre que l'extrait de capsules surrénales possède une action vaso-constrictive ; mais celle-ci est passagère el ne dure que trois à quatre minutes. Cette action est augmentée si l’on refroidit l'animal, c’est-à-dire si l'on ralentit ses oxydations. L'extrait est donc détruit dans l'organisme par oxyda- tion. — M. Féré a étudié l’action de l’atropine sur les Oiseaux et a reconnu qu'elle était extrêmement variable. — M. Kochs à constaté que les cultures de bacille de Læffler pouvaient subir des retards, qui em- pêchaient leur développement complet en dix-huit ou vingt heures. — M. Courmont envoie une note sur le sérodiagnostic dans 2#4 cas de lièvre typhoide. — MM. Nicolas et Courmont communiquent un mémoire sur la leucocylose dans lintoxicalion diphtérique expé- rimentale. Séance du 5 Juin 1897. MM. Charrin et Mangin ont cultivé certains para- sites (aspergillus, penicillum, muguet, etc.), dans des bouillons de culture de divers bacilles et ils ont cons- taté un développement remarquable de ces végétaux, à l'inverse de ce qui se passe pour les bactéries. Ce fait peut expliquer la facilité avec laquelle certains parasites se développent après des infections micro- biennes. — MM. Gilbert et Garnier communiquent l'observation d’une hémiplégique atteinte de syringo- myélie avec main succulente. — M. Vaquez a examiné le sang d'une malade splénectomisée pour kyste de la rate. Le nombre des globules rouges s'est relevé, mais le taux de lhémoglobine a diminué.— MM. F, Bezançon et Griffon ont étudié la réaction agglutinante du sérum du sang des pneumoniques ; ils ont {trouvé une variété particulière du pneumocoque de Friedlænder. — M. Léger envoie une note sur la régénération des nageoires chez les Protoptères. 4 Séance du 12 Juin 1897. M. Maragliano (de Gênes) à expérimenté avec la nouvelle tuberculine de Koch et trouve que le nouveau produit ne diffère guère de l’ancien. En outre, il ren- ferme des bactéries et des levures. — M. Bouchard pense qu'aucune recherche ne doit être faite avec un produit impur.— M. G. Lemoine a employé le bleu de méthylène contre les douleurs des membres et les dou- leurs en ceinture chez les ataxiques ; dans sept cas sur neuf, il a obtenu de bons résultats. — MM. G. Lemoine et Gallois ont constaté que l'éther est un moyen de soulagement et même de guérison des accidents dysp- néiques de l’urémie, lorsque le rein n'est pas com- plètement désorganisé ; on fait prendre l’éther dans de l’eau sucrée; on peut aussi l’administrer en injections sous-cutanées.—MM.J. Roux el Balthazard ont étudié, au moyen des rayons X, les contractions de l'estomac chez la grenouille, après avoir rendu cet organe opaque par l'ingestion de diverses substances. — M. Langlois montre que la substance vaso-constrictive qui se trouve dans l'extrait de capsules surrénales est oxydée dans tout l'organisme, mais spécialement par le foie. — M. Dejerine a observé la main succulente dans troiss cas de polyomyélite; il l’attribue à des troubles de” compression et ne croit pas que ce soit un signe de syringomyélie. — MM. Langlois et Athanasiu ont dé= terminé les courbes de pression du sang après injection d'extrait de capsules surrénales ; lorsque le foie es normal, la pression diminue rapidement; lorsqu'on supprime l’activité fonctionnelle du foie, en liant Ja veine porte à la veine cave, la pression se maintient pendant longtemps au - dessus de la normale, M M. H. Claude à injecté à un chien des toxines télani- ques qui produisirent la paralysie des membres. A l'autopsie, on trouva dans la moelle un grand nombre de petits foyers de myélite disséminés. SOCIÉTÉ FRANCAISE DE PHYSIQUE Séance du 4 Juin 1897. M. Pérot présente l'électromètre absolu interférentiel pour petits potentiels qu'il a construit en collaboration avec M. Fabry. Cet appareil est un électromètre idio- statique ; l'une des surfaces électrisées est une couche mince d'argent, déposée sur la base d'un cylindre de verre, travaillé par M. Jobin, dont la forme est très exactement circulaire. L'autre surface est une seconde couche d'argent, déposée sur une lame de verre portée par trois ressorts el maintenue à une distance de la première qui est d'environ 0,09, L'attraction qui s'exerce entre les deux parties de l'appareil quand on les relie aux pôles d'une pile est rendue égale au poids d’une surcharge que l'on dépose très doucement sur la lame de verre par un mécanisme mû au moyen d'une poire de caoutchouc. Le rayon du cylindre (7 cen- tinètres environ) élant {rès grand par rapport à la dis- lance des armatures, il est inutile d'employer un anneau de garde; on peut admettre sans erreur sen- sible que la distribution des lignes de force est la même dans chaque section méridienne que si le cylindre était remplacé par son plan tangent et faire la correction correspondante par la formule de M. Po- tier. Les mesures de distance se font à l'aide des franges d'inlterférence. Une lame argentée, c'est-à-dire une lame d'air limitée par deux couches d'argent assez minces pour laisser passer la lumière, laisse voir des franges localisées qui, par suite des conditions particu- lières de la réflexion sur l'argent qui contribue à leur production, se présentent sous la forme de lignes très fines à bords nets au lieu d'être des bandes estompées comme les anneaux ordinaires. En éclairant simultané- ment une lame par plusieurs lumières de iongueur d'onde connue, on obtient divers systèmes de franges qui se superposent en certaines régions el s'opposent en d’autres; l'observalion des coïncidences permet de déterminer le rang absolu de la frange et l'épaisseur de la lame. Une première lame étant étalonnée, on peut en avoir une seconde en produisant l'interférence des rayons qui ont traversé l’une d’elles directement et ont subi deux réflexions dans l’autre ; la frange centrale de ce système indiquera les points d'égale épaisseur des deux lames; les franges étant localisées sur les lames, on supprimera (oute différence de marche para- site en mettant, au moyen d'une lentille, lune des deux lames au point sur l'autre. C'est à l'aide d’une série de lames élalons ainsi graduées qu'on à pu déterminer la valeur absolue de la distance des deux surfaces d'ar- gent de l’électromètre, en un point. L'observation des anneaux de Newton entre ces deux surfaces permet de déterminer la forme de la couche d'air et l'épaisseur moyenne qui figure dans la formule. On à pris soin, à chaque mesure, de déposer la surcharge en un point de la lame tel que la couche d'air conservât sensible- ment la même forme que pendant la mesure électrique. L'appareil permet de mesurer à 0,001 volt la force élec- tromotrice d'un Latimer-Clark; en admettant la valeur donnée par M. Limb en unités électromagnétiques, soit 1,4535 volt, on trouve pour le rapport du volt à l'unité électrostatique 300,03 à + 0,014 près. Des expériences faites sur des accumulateurs Fulmen ont montré que la déperdition spontanée atteint, en une heure, du voltage. — M. Villard présente | 100,000 es tubes de Crookes pour radiographies. Ces tubes pré- sentent trois perfectionnements : 4° l'iridium est sub- stitué au platine dans l’anticathode. Le platine, sous une épaisseur de Ow%,3, sans être porté au delà du rouge cerise sombre, s'emboutit et se perce en dix mi- nutes sous l'action du flux cathodique convergent. Le fer ou le nickel résisteraient aussi longtemps; l'iridium a une durée beaucoup plus longue, il ne noircit pas les tubes; le verre prend seulement une teinte violette dans sa masse; 2° les lubes portent une électrode auxi- liaire, dite compensateur de vide. Quand la décharge refuse de passer par la cathode ordinaire, on peut, en lui substituant cette électrode, qui est de magnésium, obtenir de nouveau un courant qui dégage des gaz el “régénère le tube; l'expérience est réalisée sous les yeux de la Société; 3 enfin on peut faire varier à volonté la résistance du tube en employant simultané- ment deux cathodes; la première est reliée directement au pôle négalif de la bobine; on appuie sur elle une “tige de métal qu'on approche de l'autre cathode de facon à obtenir une étincelle; la résistance du tube “diminue (on n'observerait rien de pareil avec deux “anodes) et varie avec la distance explosive. M. Chabaud à construit des tubes dans lesquels les deux foyers coïncident rigoureusement sur l’anticathode. M. Villard réalise les expériences décrites sur des lubes à antica- thode d'iridium et de nickel. C. RAvEAU. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance du 1% Mai 1897. M. G. Bertrand, en comparant divers échantillons de laccase, a reconnu que l'activité oxydante de ce ferment est en raison directe de sa teneur en manganèse. Le manganèse est le co-ferment de la laccase, comme le “calcium est celui de la pectase. La laccase privée du manganèse perd toute activité. Celle-ci réapparait par une addition d'un sel de manganèse aux échantillons essayés. Ces faits et l'étude du pouvoir oxydant des sels manganeux vis-à-vis de l'hydroquinone ont conduit M. Bertrand à considérer la laccase comme une com- binaison de manganèse et d'une substance protéique jouant le rôle d'acide faible. — M. Hanriot à continué ses recherches sur la lipase. — MM. Wyroubof el A. Verneuil exposent les résultats que leur à fournis l'étude du cérium. Ils donnent leur procédé de puriti- calion qui leur à permis d'obtenir un produit à poids atomique sensiblement constant. —M. H. Le Chatelier a étudié le borate de lithine et reconnu que, dans ce sel, le lithium se rapproche surtout des métaux alca- lins. — M. Ponsot répond à une nole critique de M. Raoult relative à ses délerminalions eryoscopiques. — M. Jay à comparé les différentes méthodes de dosage de la crème de tartre. De cette étude, il conclut que le procédé de MM. Berthelot et de Kleurieu est préférable aux méthodes par évaporation et cristallisation. Séance du 28 Mai 1897. M. Schützenberger maintient les conclusions de ses recherches antérieures sur le cérium. — M. Freundler a obtenu, en décomposant les pyromucales alcalins par la méthode de M. Limpricht, un mélange de furfurane, d'un carbure de formule C*H* et d'oxyde de carbone. Les rendements en furfurane sont très mauvais; on obtient, au contraire, le rendement théorique en décomposant par la chaleur l'acide pyromucique en tubes scellés. En deux heures, à 260°-2759, la décompo- sition est complèle. — M. Tardy a extrail de l'essence de fenouil amer francais : du térébenthène dextrogyre, du cymène, un terpilène qui est très probablement du phellandrène, de la fenone ou camphre anisique, de l'estragol, de l'anéthol, de l'aldéhyde, de lPacétone et ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 607 de l'acide anisique et enfin un produit cristallisé de formule CI#H#40*, — M. Ponsot indique un moyen de reconnaitre si une méthode eryoscopique est appliquée avec régularité ou si elle présente des erreurs systéma- tiques. Il critique à ce point de vue les expériences de M. Raoult et conclut que la meilleure méthode qui puisse être employée dans ces recherches est la mé- thode avec gaine de glace avec équilibre sans rayonne- ment, Le même auteur présente à la Société un vase de Pfeffer en préparation. Il forme la paroi semi-perméable sous pression. 11 à pu ainsi obtenir une paroi suppor- tant 45 atmosphères. — MM. Wyrouboff el Verneuil font remarquer que leur communication antérieure ne comportait aucune critique des recherches de M. Schüt- zenberger. Ils se sont bornés à conclure que le cérium, débarrassé des terres qui l’accompagnent dans ses minerais, est toujours identique à lui-même et à pour poids atoznique 92,7 en considérant Ce comme bivalent. E. CHARON, SECTION DE NANCY Séance du 26 Mai 1897. (Suite.) M. Klobb ayant eu l'occasion de préparer de l'acide benzoylpropionique d’après le procédé de Bürcker! : CSHS + C#H4O$ — CSI — CO — CH — CH? — COOH a remarqué que l'opération était facilitée par emploi d'un benzène pur, exempt de thiophène. On évite la formation de produits bruns et le rendement est aug- menté d'autant. Le benzène a été purifié d’après les indications de MM. Haller et Michel?. On fait bouillir au réfrigérant ascendant un mélange de 10 grammes d'anhydride succinique, 15 grammes de chlorure d'alu- minium et 120 grammes de benzine pure; au bout d'une heure et demie environ, le dégagement d'HCI est ter- miné. On reprend par l’eau, ce qui dégage assez de chaleur pour volatiliser une partie de la benzine et il se forme deux couches à peine colorées. La couche supérieure benzénique est décantée, distillée, et le résidu repris par l'eau bouillante. Par refroidissement il se dépose des paillettes peu colorées d'acide benzoyl- propionique (environ 8 grammes). On achève la puriti- cation du produit en précipitant par la ligroïne sa solution dans l'éther. D'après M. Bürcker, l'acide benzoylpropionique retient 4 molécule d’eau de cristal- lisation. M. Klobb n'a jamais obtenu que des cristaux anhydres fondant à 1169, quel que soit le dissolvant employé, eau, alcool ou éther. L'acide préparé au moyen de l'acide phénacyleyanacétique d’après la réaction : C9HE — CO — CH? — CH (CAz) — COOCHS +3 KOH + H20 — CSH5— CO — CH? — CH? — COOK + CO'K?2 + AZH* + C2110 ne relient pas non plus d'eau de cristallisation. — M. Férée obtient, par électrolyse d'une solution con- centrée de chlorure de calcium, avec une densité de courant de 2,5 ampère par centimètre carré d'électrode mercurielle, et par l'emploi d'un diaphragme, un amal- game liquide qui, passé à travers la peau de chamois, laisse un résidu qui s'oxyde immédiatement. 1.000 gram- mes de cet amalgame, distillés sous une pression de 12 millimètres, donnent 12 grammes d’un amalgame riche contenant 13 °/, de métal. Ce dernier amalgame est d'un gris blanchätre; calciné dans un courant d'azote, il donne, comme M. Maquenne l’a montré, un azoture de calcium sur la composition duquel M. Férée se propose de revenir. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 28 Mai 1897. M. Albert A. Gray : Perception de lu différence de phase par les deux oreilles. L'auteur rappelle quelques expériences d’acoustique de M. S.-P. Thompson : Si deux tons de phases opposées sont envoyés chacun sépa- 4 Ann. de Phys. el de Chimie, 5° série, t. XXVI, p. 435. 2 Bulletin de la Sociélé Chimique, 3 série, L XV, p. 1065, 608 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES rément à une oreille, la sensation de son est localisée à l'arrière de la tête; si les deux sons sont arrangés de facon à produire des battements, ceux-ci sont percep- tibles: mais ils ne le sont pas dans l’ouie avec les deux oreilles. L'auteur explique ce résultat de la façon sui- vante : Les tympans sont naturellement entrainés à se tendre ou à se relâcher ensemble ; ils ne peuvent donc reconnaître si les phases diffèrent. Les stimuli reçus parles deux oreilles peuvent se rencontrer dans lun des centres nerveux inférieurs et s'annuler avant qu'au- cune sensation ait été reçue par le cerveau. Mais plu- plusieurs fibres nerveuses nont pas communication nucléaire à la base du cerveau; aussi les stimuli ayant passé par ces fibres ne peuvent-ils interférer. Cela expli- que le phénomène des battements. — M. J. Rose- Innes, se basant sur les expériences de MM. Ramsay et Young sur les propriétés thermiques de l'isopentane, a recherché une formule qui relie la pression à la tem- pérature, pour des changements considérables de vo- lume. La température + à laquelle, pour chaque volume, une substance devient un gaz parfait, est pres- que constante pour des volumes variant de 8 à 350. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 20 Mai 1897. M. Holland Crompton : Note sur la théorie de la pression osmotique et l'hypothèse de la dissociation électrique, — Dans une deuxième communication, le même auteur étudie et critique la rotation moléculaire des sels doués d'activité optique. — L’exposilion de quelques recherches sur les chaleurs de neutralisation des acides et des bases en solution aqueuse diluée fait l'objet d'une troisième note du même auteur. — M.A.-E. Tutton donne les résultats de ses travaux cristallogra- phiques comparatifs sur les sélénates de potassium, rubidium et calcium. — M. John Spiller : Sur les alliages d'argent et de platine; leur solubilité dans l'acide azotique. — M. Meyer-Wilderman : Remarques sur la loi de Dalton. Dépression moléculaire des mélanges de corps non électrolytiques. — MM. G.-G.. Henderson et M.-A. Parker ont fait réagir le brom- diphénylméthane sur l’éthylacétoacétate de sodium et ont obtenu l’éther monosubstitué : a-acétyl-6-diphé- nylpropionate d'éthyle: CHPh*.CHAc.COEL. Séance du 3 Juin 1897. MM. Horace T. Brown F. R. S. et Spencer Picke- ring F. R.S. publient le résultat de leurs travaux sur les phénomènes thermiques relatifs au changement du pouvoir rotatoire de solutions fraîchement préparées de certains carbohydrates, puis quelques remarques sur la cause de la multirotation, que les auteurs attri- buent non à des causes physiques, mais à des causes chimiques. Ils croient possible l'hypothèse de Fischer, qui pense que la dextrose en passant d'une modification optique instable à une forme optique stable en solution, se transforme d'aldéhyde C*H#05 en alcool heptahydri- que C‘H'‘07. Toutefois ils admettent comme plus plau- sible l'idée suivante : au contact de l’eau, l'aldéhyde acé- tique deviendrait un glycol éthylidénique dans lequel le groupe CHO se change en CH(OH}.— Dans une deuxième note les mêmes auteurs étudient, au point de vue thermo- chimique, l'hydrolyse du sucre au moyen de la diastase animale et de la diastase végétale; puis ils font une communication sur l’hydrolyse du sucre de canne par interversion. — MM. Frederick Stanley Kipping el William J. Pope : Voici la conclusion des travaux des auteurs sur l'inversion optique du camphre : chacun des sroupes carboxyles de l'acide camphorique est lié à un atome de carbone asymétrique. — Les mêmes auteurs passent ensuite à l'étude des propriétés et préparations des dérivés inactifs de l'acide camphorique. Ils décrivent spécialement les acides 7 chloro et 7 bromocampho- rique inaclifs; les acides trans et cis x camphaniques inactifs; les acide et anhydride transcamphotricur- boxyliques. — Une discussion sur le racémisme et le pseudoracémisme fait l'objet d’une troisième note. — M. H.-A.-D. Jowett : Sur quelques nouveaux sels d’or. — MM. J.-E. Marsh et J.-A. Gardner ont réussi à pré- parer le camphénol en faisant réagir l'acide sulfurique concentré sur le dichlorure de camphène, produit im- médiat de l’action du pentachlorure de phosphore sur le camphre.— MM. J.-A. Gardner et G.-B.Cockburn : Note préliminaire sur l'oxydation du fenchène au moyen de l'acide azotique dilué. — M. A.-G. Perkin étudie les principaux dérivés méthylés et éthylés de l’apiine et apigénine afin de fixer la constitution de ces corps: —°MM. A.-G. Perkin et H.-W. Martin : Méthylation de la rhamnazine. — M. Meyer Wilderman a confirmé expérimentalement la constante de Van t'Hoff pour des solutions très diluées, Les quelques erreurs observées sont d'origine expérimentale et ne changent pas les résultats précédemment établis, — M. Thomas Gray : Note sur les dibrométhylènes isomères. ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE Séance du 20 Mai 1897. 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. F. Mertens envoie deux notes : « Sur une expression asymptotique » et « Sur un théorème d'Algèbre. » — M. K. Zindler : « Sur la différentiation des intégrales multiples d’après un paramètre dont les limites des intégrales dépen- dent. » 20 SCiENGES PHYSIQUES. — M. O. Tumlirz : « La cha- leur spécifique de la vapeur d'eau à pression constante ». _ MM. Max Bamberger et Fritz Bôck éludient les produits de nitration de l’anthragallol. L'action de l'a- cide nitrique fumant donne un produit rouge, le pseu- donitroanthragallol, qui, par l’action de l'eau bouillante, se transforme en un corps : C‘H‘{CO)C‘(0H)*AzO*. Ge corps, réduit par le sulfure d'ammonium, donne l'ami- doanthragallol. Une oxydation plus complète donne de l'acide phtalique. 30 SCIENCES NATURELLES. — M. F. Steindachner à déterminé les poissons et les reptiles trouvés par le Dr Escherich aux environs d’Angora. Une partie ont déjà été rencontrés en Europe, dans le sud de la Rus- sie, mais d'autres sont spéciaux au continent asiatique. — MM. Arpad von Degen et Ignaz Dôrfler ont exa- miné les espèces botaniques recueillies par ce dernier en Albanie et en Macédoine. La flore macédonienne forme la transition entre la flore serbe et bulgare et celle des hautes montagnes de la Grèce. — MM.F. Muller, H. Albrecht, A. Ghon et R. Pôck, envoyés par l'Académie pour étudier la peste à Bombay, pré- sentent leurs observations. La peste est une maladie infectieuse: elle se présente le plus souvent sous la forme septicémique-hémorragique, caractérisée par la présence de bubons douloureux au cou et aux aisselles, par des hémorragies nombreuses surtout au voisinage des bubons, par une tumeur de la rate et par des alté- rations des organes lymphatiques; elle peut aussi revêtir les formes septicopyémiques et pneumonique. La porte d'entrée de l'agent de la maladie est en premier lieu la peau, ensuite la langue; jamais on n'a pu cons- tater d'infection par le tube digestif. La maladie com- mence par une fièvre subite et de fortes douleurs de tête, puis le cœur faiblit, la dyspnée se produit et la mort survient au bout de douze à vingt-quatre heures. L'agent de la maladie est le microbe décrit par Yersin et Kitasato ; il est facilement reconnaissable dans tous les cas: il est souvent associé à d’autres espèces bacté- riennes. Séance du 3 Juin 1897. SCIENCES NATURELLES. — M. L. Réthi détermine expé- rimentalement, au moyen d’un appareil particulier, la tension des cordes vocales lorsqu'on excite un ou plu- sieurs muscles du larynx. —nnnnDDDDDDDDDODODppppEEE—————_—_—__——_—.—. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARETREUX, imprimeur, 1, rue Cassette. 8° ANNÉE N°45 15 AOÛT 1897 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Génie maritime Le récent Congrès international des « Na- val Architeets and Marine Engineers » — L'institution des Naval Architectsanglais, qui tient chaque année deux sessions générales, l'une à Londres, l'autre dans un des ports de la Grande-Bretagne, avait résolu de donner cet été à sa session de Londres, le caractère d’un Congrès international. Celui-ci a eu lieu du 7 au 15 juillet dernier et a réuni un grand nombre d'ingé- nieurs de la marine, anglais et étrangers. Il a présenté du début à la fin, un intérêt considérable, tant en rai- son des mémoires qui y ont été lus, que des visites faites, après session, aux grands ports et aux grands chantiers maritimes de l'Angleterre. Le Conzrès était présidé par le Prince de Galles, qui a lu le discours d'inauguration ; les débats ont été en- suile dirigés par le premier Lord de l'Amirauté et par Lord Hopetoun, président de l’Institution des Naval Ar- chitecls. M. E. Berlin, directeur de l'Ecole d'Application du Génie maritime à Paris, a présenté un rapport, — qui est l'exacte mise au point de la question, — sur la cé- mentation des plaques de cuirasse et les progrès de la construction des projectiles brisants, qui en ont été la conséquence. Dans la discussion qui.a suivi, le har- veyaze de l'acier a surtout fait l’obet des remarques des assistants. M: C. Ellis a ensuite décrit un nouveau procédé de fabrication des bois incombustibles. Le bois, placé d'abord dans le vide, est soumis à l'action de la vapeur d'eau, puis à celle de solutions de sels minéraux qui limprègnent complètement et lui communiquent la proprité de devenir incombustible. Les avantages de l'emploi de ces bois dans la construction des navires ne se discutent plus, Apres la lecture d'un remarquable mémoire de Sir Ediwrd Ret sur la théorie mathématique du. navire, M. le capitaine Turen, che du Département de la Con- struction de la Marine Danoise, a entretenu l'auditoire des ferrs-boats, bateaux transportant des trains entiers, et fort ulilsés pour les communications entre lès nôm- breuses iles du Danemark, où ils sont arrivés à un haut degré de perfection. HEVUE GÉNÉRALE DES SCIE..CES, 1897, M. G.-W. Manuel à lu un mémoire sur les arbres de machines et a donné d'intéressants diagrammes sur la manière dontils se brisent, généralement par la fatigue. L'auteur a montré une certaine inclinalion pour les arbres creux, mais ses raisons n'ont pas rallié la majo- rité des assistants. M. Sydney S. Barnaby à proposé une explication très ralionnelle de la cavitation dans les propulseurs à hé- lices, nouvel inconvénient qui est le résultat des grandes vilesses modernes et vers lequel commence à se por- ter l'attention des ingénieurs. M. Hele Shaw a com- muniqué ses expériences sur la nature de la résistance superlicielle dans les tubes et conduites. M. Sigauly a indiqué la dimension à donner aux tubes des chau- dières dans les steamers à grande vitesse. Enfin, dans un mémoire très documenté Sir John Durston et M.-I.-T. Milton ont montré l'influence tou- jours croissante qu'a exercée l'Institution des Naval Ar- chitects sur le développement du Génie maritime en Anvleterre; ces auteurs ont fait voir comment les nom- breux progrès réalisés soit par la marine de guerre, soit par la marine marchande du Royaume-Uni, sont en grande partie dus à l'Institution. C'est ici le Leu de rappeler que les Etats-Unis pos- sèdent, eux aussi, une Institution de Naval Architecls qui rend de signalés services àleur marine, et de regrette: qu'une institution anälogue ne puisse voir le jour en France. Qu'il nous soit permis de reproduire, à ce sujet, quelques-unes des lignes que M. Vivet écrivait ici même au sujet du Congrès des Naral Archilects an- glais, qui eut lieu à Paris, en juin 1895*, « En Angleterre, les ingénieurs de la Marine de l'Etat jouissent d'une latitude inconnue aux nôtres pour publier leurs travaux. Il en résuile un contraste frappant entre les mémoires si richement documentés qui sont lus dans les Sociétés maritimes anglaises, el ces n'es, d'ailleurs rares, où les ingénieurs francais hasardent timidement sur un théorème de géométrie des réflexions soigneusement contrôlées par l'autorité supérieure. De mème pour la discussion : d'un côté, incertaine et stérile ; de l'autre, aisée el fructueuse. 1 Revue générale des Scienc.s du 15 septembre 4595. 15 610 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE À « C’est qu'en effet une longue pratique de la liberté de la parole à appris aux Anglais à ne pas redouter la divulgation de tels détails techniques auxquels on attache en France une si grande importance. On peut croire cependant, d’après leur exemple, que la propa- gation des idées nouvelles, en matière de construction navale comme en beaucoup d'autres choses, n'offre pas ce péril dont nous sommes hantés, et qu'elle présente, au contraire, certains avantages, dont nous ne savons pas profiter. à « Tandis qu'ici règne cet esprit de méfiance qui fait voir la patrie en danger dans la moindre bagatelle livrée à la publicité, là-bas circule un large souffle de liberté qui dissémine partout la semence du progrès. « Rien de plus topique à cet égard que la série des mémoires où, depuis 1889, Sir William White, direc- teur des Constructions Navales, a Soumis à l’apprécia- tion des Naval Architects les idées généralés du pro- sramme des nouveaux cuirassés, leurs plans dans les grandes lignes, les résultats obtenus, les défauts cons- tatés, les remèdes proposés. Il ne semble point que la défense nationale en ait été compromise. Quel ensei- nement pour nous! » $ 2. — Électricité industrielle Nouvel appareil enregistreur pour câbles sous-marins, — M. H. Léauté à tout récemment présenté à l’Académie des Sciences une invention de M. Ader, sur laquelle, en raison de son importance, nous voudrions appeler tout spécialement l'attention. Cette invention est relative au rendement télégraphique des cäbles sous-marins. Pour en bien faire saisir la portée, il semble utile de rappeler en quelques mots le principe même de ce genre de correspondance. On sait que les courants émis à travers les câbles sous-marins sont des courants de pile de très courte durée. Lorsqu'ils circulent dans un certain sens, on est conveou d'admettre que le signal transmis représente un point de l'alphabet Morse; il figurent, au contraire, un trait de ce même alphabet s'ils circulent en sens inverse. Les appareils récepteurs sont de deux genres : Je miroir ou le syphon-recorder. Dans le récepteur à miroir, le courant da càble tra- verse une bobine analogue à celle des galvanomètres à réflexion. Dans le champ de cette bobine se déplace une aiguille aimantée collée au dos d’un miroir el suspen- due à un fil de cocon. L'équipage mobile oscille de droite à gauche ou de gauche à droite, suivant le sens du courant qui traverse la bobine, selon que le signal transmis est un point ou un trait. Il suffit de faire Lomber un rayon lumineux sur le miroir solidaire de l'aiguille, pour observer ses déplacements et lire ainsi la dépèche. Dans le recorder, le champ est créé par un aimant permanent très puissant. Entre les pôles de cet aimant est suspéndue une bobine très légère que parcourt le courant du càble. Cette bobine, selon le sens du cou- raut qui la traverse, tend à s'orienter dans le champ vers la droite ou vers la gauche; ses mouvements sont transmis, à l’aide d’un système de leviers spéciaux, à un tube-siphon dont la petite branche plonge dans un réservoir d'encre et dont la grande, en se déplaçant, laisse sur une feuille de papier une trace sinueuse, que traduisent les télégraphistes. Qu'on ait adopté l'un ou l’autre de ces deux genres d'appareils de réception, les imperfections restent nombreuses, et ce pour plusieurs raisons. Le rendement commercial d’un câble étant fonction de la vitesse de transmission, on à remarqué que celle vitesse est, toutes choses égales d’ailleurs, proportionnelle au poids de cuivre du câble. Il semblerait donc que l'on n'ait qu'à augmenter l’âme du càble pour se placer dans des conditions d'exploitation plus rémunératrices. Mais ce raisonnement est en défaut dès que l’on dépasse pour le poids de cuivre et, par suite, pour le poids de gutta isolante employée, une certaine limite, car le coût du cäble lui-même devient alors trop élevé. D'autre part, pour un càble déterminé, on ne saurait obtenir la rapidité de message dont il est théoriquement sus- ceptible, les signaux ne pouvant être précis et nette- ment perceptibles que s'ils sont donnés avec une certaine lenteur. L'observateur qui lit d'après les oscilla- tions du miroir se fatigue et ne peut guère suivre une vitesse dépassant 600 signaux par minute. Enfin, les amplitudes des oscillations sont réduites par l'inertie des masses des parties mobiles dans l'appareil, par la capa- cité du cäble lui-même, quelque soin que l’on prenne à le décharger le plus complètement possible. Pour ces mêmes raisons, les signaux télégraphiques obtenus avec le syphon-recorder sont difficilement lisibles. L'appareil de M. Ader remédie à ces inconvénients; en outre, il est à la fois très sensible et très simple. Il se compose essentiellement d’un fil métallique très ténu, parcouru par le courant du càble et tendu verti- calement entre les pôles d’un puissant aimant perma- nent, qui est disposé dans le sens horizontal. Cet aimant se compose d’une série de barres d'acier magnétique juxtaposées après aimantation à refus et dont les pièces polaires sont amovibles et forment autour du fil métallique une gaine longue et étroite, un champ ma- gnétique presque fermé. Sous l’influence du courant, le fil tend à se déplacer parallèlement à lui-même. En l'espèce, comme il est fixé à ses extrémités, il oscille vers la droite ou vers la gauche, suivant le sens du courant lancé dans le câble. On enregistre les oscilla- tions du fil à l’aide d'un procédé photographique. A {travers une ouverture praliquée daus l’une des pièces polaires, on fait tomber sur le fil un faisceau lumineux fourni par une petite lampe ordinaire, qui porte ombre sur la paroi opaque appliquée contre l'autre pièce polaire. Dans celte paroi est ménagée une fente longue el étroite, perpendiculaire à la direction du fil, derrière laquelle se déroule une bande de papier sensible au gélatino-bromure. L'ombre du fil, se projetant à travers la fente sur le papier, détermine une tache qui oscille avec le fil et laisse sur la bande une courbe sinueuse semblable à celle que donne le recorder. En réalité, afin d'obtenir une ombre plus large, moins ténue, on entoure le fil, dans la partie éclairée, d’une gaine en moelle de plume, qui augmente considérablement le volume sans élever sensiblement la masse du système. La bande, après avoir été impressionnée, passe dans une série de tubes dans lesquels s'effectuent automa- tiquement le développement et la fixation. Les organes photographiques sont contenus dans une boîte placée sur le côté de l'appareil et formant chambre obscure. Les dimensions des diverses parties du récepteur ont été calculées en vue d'obtenir une très grande sensibi- lité, Le fil employé n'a que deux centièmes de milli- mètre de diamètre et pèse environ { milligramme. L'entre-fer ne dépasse pas en largeur 1/2 millimètre; l'aimant peut porter 400 kilos environ. L'inscription des signaux est directe et le procédé supprime l'inter- médiaire des leviers, siphons encreurs, moulinets ou vibrateurs, etc. L'inertie de l'équipage mobile est réduite par cela même au minimum. L'appareil Ader obéira donc à des courants très faibles, incapables d'actionner un syphon-recorder. Pour cette même rai- son, on pourrait aussi éteindre les courants très rapi- dement; d'où, gain de vitesse important: il suffit d'avoir des courants convenables à la transmission. L'inven- teur à indiqué dans ce but l'emploi d'un transmetteur Wheatstone combiné avec des relais doubles. On envoie ainsi des courants dédoublés, c'est-à-dire pour lesquels chaque onde électrique est nécessairement suivie d'une onde de signe contraire, qui est employée à décharger le câble. s A la partie supérieure, le fil est tendu par un minus- cule dynamomètre réglable à volonté. La tension effec- tive varie de 2 grammes à 20 centigrammes. La sensi- bilité du récepteur est telle qu'avec un élément Callaud, à travers une résistance de 3 mégohms, on obtient des signaux très nets et très lisibles, CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 611 L'appareil à été essayé en septembre 1896 sur le càble transatlantique Brest-Saint-Pierre, qui appartient à la Compagnie française des Cübles Télégraphiques; il à fourni 600 signaux par minule très facilement, alors que le recorder n’en donne guère que 400. F Plus récemment, de nouveaux essais ont 6Lé faits sur le cäble Marseille-Algér appartenant à l'Etat. Au lieu de 600 signaux par minute, qui est la vitesse habi- tuelle, on lisait aisément les signaux transmis à raison de 1.600 par minute. La mise en duplex est d’ailleurs aussi facile qu'avec tout autre système. Il y a donc progrès important et incontestable sur les appareils actuellement existants. Le rendement d'un câble trans- atlantique est, par là même, au moins doublé. Je ne crois pas que, depuis l'invention du recorder, on ait rien fait en télégraphie sous-marine, qui pütl être aussi fécond en résultats. Gabriel Courtois, Ingénieur des Arts et Manufactures. S 3. — Chimie physique : La constitution des corps phosphoreseents. — Au sujet du récent article de M. Guillaume sur « La Dissociation et les Rayons X ! », M. Lecoq de Boisbau- dran nous à fait l'honneur de nous adresser la lettre suivante : Cases M cents : Guillaume dit, au sujet des corps fluores- « Les recherches déjà anciennes d'Edmond Becquerel, celles plus récentes de M. E. Wiedemann et de sesélèves, ont conduit à admettre que les corps phosphorescents sont cons- titués par un wélange d'un certain composé chimique et d'une impureté qui s'y trouve à l’élat très divisé, le tout formant, suivant l'expression fort juste de M. van t'Hoff, une solution solide. » « Il me parait y avoir peut-être là, quelques petites inexactitudes historiques. « Pai toujours cru avoir été le premier à soutenir que les fluorescences sont dues à des matières actives {corps absorbants} contenues ? dans des masses inertes {corps transparents). J'ai étudié en particulier les effets des matières actives Cr; Bi; Mn; Zz; Z8; Sin. « L'illustre physicien Ed. Becquerel, qui à enrichi la science de tant de belles recherches sur les fluores- cences el dont personne plus que moi n'admire les (ravaux, n'avait pas d'abord partagé mes vues sur la cause de la fluorescence : il ne S'y est rattaché qu'a- près la discussion que j'eus le grand honneur d'avoir avec lui devant l'Académie des Sciences, à propos de la fluorescence rouge de Faluminium *. «Quant à la notion des solutions solides je l'ai propo- sée il y à bien longtemps à l'occasion des corps iso- imorphes (1866) et je Far également employée lors de mes études sur la fluorescence #, « BOISBAUDRAN. » Nous nous faisons un plaisir, en publiant ces décla- rations de Pillustré chimiste, de faire remarquer que c'est, en effet, à lui que sont dues les premières obser- vations relatives à ce que l'on peut appeler aujourd'hui solution solide. Si les vues profondes qu'il a émises à ce sujet ont pu, dans un récent historique de la question, échapper à Fun des plus érudits parmi les physiciens, cest qu'elles étaient tellement en avance sur les doc- trices régnantes qu'aujourd'hui seulement en appa- raissent pour tous le sens précis et la vraie portée. L. O. S 4. — Agronomie La valeur agricole du « Tout-àa-lEgout ». — On sait que, parmi les procédés proposés pour puri- lier les eaux d’égout, — procédés physiques, méca- 1 Revue Générale des Sciences du 15 juillet 1897. ? Généralement eu petite quantité. 3 Comples rendus de l’Acad. des Sc., 1S87. # Comptes rendus, 1887. niques, chimiques, — c'est là filtration au travers de sols meubles et perméables qui à, jusqu'à présent, pré- valu en France. Les essais dans ce sens, entrepris dès 1869 par Durand-Claye, puis continués avec succès par divers ingénieurs, ayant établi, d'une part l'efficacité de ce mode d'épuration et, d'autre part, lavantage qu'il peut offrir comme apport d'engrais, on s'est em- pressé d'envoyer à l'égout à la fois les-déjections, les eaux vannes, les eaux résiduaires, diverses eaux plus ou moins polluées, sans se préoccuper de la teneur ini- tale de ces divers liquides en impuretés el matières organiques. Ce qu'un tel procédé à de trop simpliste devait forcément échapper aux feuilles quotidiennes qui, chez nous, font l'opinion, el c'est aujourd'hui prin- cipe admis que l'épandage, tout en satisfaisant à Phy- giène, assure la fertilité du terrain où on le pratique. Au moment où Paris prépare, pour un avenir pro- chain, Pépuralion terrienne de tous ses résidus aqueux, il ne semble pas inutile de considérer, indépendan - ment du côté hygiénique, le côté économique de la question. C'est ce que nous permet de faire examen des dosages auxquels M. Vincey, professeur départe- mental d'Agriculture, vient de se livrer sur les eaux avant el après épandage à Gennevilliers. On sail que la quantité d'eau à faire absorber annuel- lement au sol cultivé à été fixée en moyenne, dans le cas de Gennevilliers, à 40.000 mètres cubes. Les eaux reçues sont riches en azote ammoniacal et en matières organiques diverses ; l'oxydation chimique directe, les actions microbiennes au contact de l'air et à la lumière transforment en nitrate l'ammoniaque des eaux épan- dues et brüle leurs matières organiques. Aussi, à la sortie des drains, les eaux sont-elles très lipides: elles ne contiennent plus alors qu'une faible proportion de bactéries et de matières organiques; on n'y trouve plus d'atmmoniaque ; mais elles ne sont pas potables, à cause de la trop grande quantité de sels minéraux qui y sont -dissous ; on les laisse donc s'écouler dans la Seine. Aussi était-il intéressant délablir le bilan de Fapport des égouts en substances fertihsantes et des quantités absorbées par les végétaux. C'est cette espèce de comp- tabilité que M. Vincey vient de dresser, Elle montre clairement que, si le problème d'hygiène est résolu, la question économique est incomplèlement satisfaite. Constatons d'abord que le chiffre officiel de 40,000 mè- tres cubes d’eau à. épandre chaque année sur un hec- tare est un maximum en pratique, malgré la cherté des terrains. Mais ce qu'il importe surtout d'indiquer, et ce que les dosages de M. Vincey mettent en pleine lumière, c'est Putilisation presque infime des matières fertili- santes : dans un champ de 766 hectares, M. Vincey a constaté que, sur 3.433 kilos d'azote annuellement apportés. par l'épandage à chaque hectare, 175 seule- ment se retrouvent dans les récoltes: la perte d'azote est done de 93 °/,. La perte d'acide phosphorique est de 90 °/,; celle de la potasse représente 83 6. G'est seulement un diième de l’eau épandue, dont le contenu dissous est utilisé. D'où cetle prévision : Lorsque Paris déversera ses 200 millions de mètres cubes d'eaux-vannes sur 5.000 hectares, les engrais répandus correspondront à une valeur de seize mil- lions de francs. Les récoltes ne représentant que 1.300.000 francs, on perdra au minimum 95 /, de la valeur de lengrais apporté. Pour utiliser la totalité de cel engrais, il faudrait, on le voit, augmenter dans une proporlion considérable les surfaces destinées à le recevoir. Là seulement serait la solution économique du problème. Marcel Molinieé. S 5. — Médecine Création d'un Laboratoire de Médecine expérimentale au Collège de France, — Nos lecteurs apprendront avec plaisir qu'un Laboratoire de Médecine expérimentale va être institué au Collège de France et que la direction en sera confiée à notre érai- 612 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE nent collaborateur M. A. Charrin. Une telle création s'imposait dans cette grande Ecole de philosophie scientifique où Médecine et Physiologie ont été ensei- gnées par Magendie, Claude Bernard et Brown-Séquard, et où place devait être faite, de notre temps, aux grandes doctrines pastoriennes. Nous nous réjouissons de voir l'introduction officielle de ces doctrines au Col- lège de France confiée à l'un des savants qui repré- sentent avec le plus d'éclat et d'autorité les tendances nouvelles de la Microbie. $ 6. — Géographie et Colonisation Le Voyage d'étude de la « Revue » au pays des Croisés : Syrie et Palestine. — Livres à lire. — Dans le numéro précédent de la Revue, nous avons donué en détail lilinéraire du voyage au pays des Croisés; nous n'avons pas à y revenir. Rappelons seulement que le départ est fixé au 13 septembre, à Marseille, et que le paquebot de la Compagnie des Mes- sageries Maritimes, le Sénégal, louchera successivement à Rhodes, Adalia, Famagouste, Beyrout (Excursion à Damas), Jaffa (Excursion à Jérusalem), La Cance et Messine (Excursion à Taormine). Ge que nous voulons aujourd'hui, c'est indiquer à ceux de nos lecteurs qui prennent part à cette croisière, les principaux ouvrages à lire; cette bibliographie a été établie d'après les conseils de M. Charles Diehl, pro- fesseur à l'Université de Nancy, qui a bien voulu, comme nous l'avons annoncé, accepter la direction de ce voyage. Voici certe liste où l'on à suivi l'ordre même des escales de notre ilinéraire : Rhodes. V. iN : L'ile de Rhodes. Paris, 14881. Buuorr et Corrner : L'ile de Rhodes. Paris, 1881. OC. Tonr : Rhodes in modern times. Cambridge, 1887. G. Burowski : Die geologische Aufnahme der Insel Rhodus. — Grundzüge des geologischen Baues der Insel Rho- dus, dans les comptes rendus de l'Académie des Sciences de Vienne, 1887 el 1889, Adalia. Lanckorouskt : Les Villes de la Pamphylie et de la Pisidie. T. I. Paris, 4890. Chypre. G. Perror : L'ile de Chypre, dans la Revue des Deux Mondes, décembre 1878, février 1879, og Mas-Larme : L'ile de Chypre, sa Situalion présente et ses souventr's du Moyen Age. Paris, 1879. — Histoire de l'ile de Chypre sous les princes de la maison de Lusignan. Paris, 1852-1861. {L. Descnaups : Quinze jours dans l'ile de Chypre. (Tour du Monde, 1897, n° 41%, 45 et 16). Syrie et Palestine. d. Histoire et Monuments. 1. Perrot : Histoire de l'Art dans l'Antiquité, L. HT, Phé- nicie, Chypre; Lt. IV, Judée. Paris 1885-1887. Dr G. Lenon : La civilisation des Arabes. Paris, 188%. Le coure Meccuior pe Vocüé : Les églises de la Terre Sainte et la Syrie Centrale. Paris, 1860, — Le Temn- ple de Jérusalem. Paris, 186%. The Recovery of Jerusalem, édited by W, Londres, 1871, Hors : The survey of Western Palestine : Jérusalem. Lon- dres, 1886, ÆERMONT- (GANNEAU : Morrison, La Palestine inconnue. Paris, 1876. Ruv : Architecture militaire des Croisés. Paris, 4874. Les colonies franques de Syrie. Paris, 1883. Dopu : Histoire des institutions du Royaume de Jérusalem. Paris, 489%, Paurz : Kulturgeschischte der Kreuzziige. Berlin, 4883. 2, — Commerce el Colonisalion. W. Heyo: Histoire du Commerce du Levant au Moyen Age, traduction française de Furcy Raynaud, Leipzig, 1885. L. pe Baunicour : La France au Liban, Paris, 1879, 3. — Géographie et Géologie. Viraz Cuir : La Turquie d'Asie (Rhodes et Crète, t. I, fase. 2; — Adalia, t. I, fasc. 3). Paris, 1894, E. Reczus : Géographie Universelle, IX, l'Asie anté- rieure, Paris, 188%. M. BLANKENHORN : Beilräge zur Geologie Syriens. Cassel, 1890, — Grundzüge der Geologie und physikalischen Geographie von Nordsyrien. Berlin, 1871, Crète. G. Pernor : L'ile de Crète. Paris, 1867. D' FR. Le Monnier : Article dans la Deutsche Rundschau für Geographie und Slatistik, 1897. B. Haussouzur : La Grèce continentale et ses iles (Guide Joanne). Paris, 1896. Murray : Greece (The islands of the OEgæan Sea). Messine et Taormine. GAsToN VuizLier : La Sicile. Paris, 1895, VOYAGES ET GUIDES, GABRIEL CuaRMEs : Voyage en Pualesline. Paris, 1884. — Voyage en Syrie. Paris, 1891. Pikrre Lort : Jérusalem. Paris, 1895. — La Galilée. Paris, 1896. Lonrer : La Syrie d'aujourd'hui. Paris, 188%. V. Guérin : La Terre Sainte. Paris, 1880. Vicoure E.-M. px Vocüé : Syrie, Palestine, Mont-Athos. Paris, 1887. : Baœpecrer : Palestine et Syrie. Leipzig, 1893. — Syrien und Pulestina, 4° édit, allemande. Leipzig, 1897, Murray : Asia Minor, edited by mmajor-general sir Charles Wilson. Londres, 1895. — Holy land, Syria and Palestine, Jerusalem, Damascus, ete., by the Rev. Haskett Smith. Bœpeeker : L'Ilulie Méridionale, Leipzig, 1895. Ces indications bibliographiques n'ont, bien en- lendu, aucunement la prétention d'être complètes, Nous n'avons voulu signaler ici que les ouvrages dont la lecture peut être utile à la préparation du voyage, et le rendre ainsi plus profitable. A ces renseignements d'ordre scienlilique on nous permellra d'en joindre un d'ordre pratique : En tous les pays de domination ottomane, le passe- port est absolument nécessaire, Quand nos pères voya- seaient, ils n'ometlaient jamais de se munir de celte pièce d'identité, mais aujourd'hui ce n’est plus guère dans nos habitudes; aussi beaucoup de personnes nous ont-elles déjà demandé à qui l'on deviut s'adres- ser pour se la procurer. Il faut se faire délivrer par le commissaire de police un certificat qui permet d’éta- blir à la Préfecture le passeport lui-même, On indi- quera nalurellement le pays où l'on se propose de voyager, Ensuite le passeport sera envoyé, par la poste si l'on veut, à la Chancellerie da Ministère des Affaires Etrangères, qui le timbre gratuitement. Enfin, il doit recevoir le visa (droit à acquitter), soit de l'Ambassade de Turquie à Paris, soit du Consulat Otloman dans les villes de province où il en existe un. Ces formalités demandent quelques jours, et il sera bon de ne point se laisser allarder. On nous pardonnera ces délails un peu adminis- lratifs. Is nous ont paru nécessaires et nous nous sommes dit que non seulement dans les sciences, nrais encore en toutes choses, on ne saurait apporter trop de précision, R. DE FORCRAND — LES INSTITUTS SCIENTIFIQUES ET LES NOUVELLES UNIVERSITÉS 613 LES INSTITUTS ET LES Tous les chimistes qui lisent la Æevue générale des Sciences ont certainement remarqué le brillant article publié récemment par mon éminent col- lègue M, A. Haller !. Tous se sont, sans aucun doute, associés au cri d'alarme du savant directeur de l'Institut de Naney au sujet de l'infériorilé ma- nifeste où se trouvent nos établissements d’ensei- gnement chimique, comparés à ceux des autres grandes nations, surtout de l'Allemagne et des Etats-Unis. Les causes de cette infériorité sont malheureusement profondes, et tiennent de trop près à notre régime général, politique et budgé- taire, pour que l'on puisse espérer des remèdes efficaces el rapidement applicables. Quoi qu'il en soil,nous devons une grande recon- naissance à M. Haller d'avoir signalé si nettement et si énergiquement le mal, et de lutter, comme il le fait, contre ce mal. La Æevue, qui à vulgarisé sa pensée, à droit aussi à une bonne part de celte reconnaissance. Mais, à côté de ces fails, au sujet desquels tout le monde est d'accord, il en est d'autres, que M. Haller ne signale que tout à fait incidemment, el qui me paraissent, au point où nous en sommes, devoir ètre examinés avec soin, Je veux parler du groupement, sous le nom d'Institut, — aujourd'hui fort à la mode, — des enseignements des sciences expérimentales dans nos Universilés renaissantes, et plus particulière- ment des Instituts de Chimie. Il existait autrefois, dans chaque centre univer- silaire, une série de (rois, qualre ou cinq facultés, On a souvent dit qu'elles vivaient trop séparées les unes des autres, isolées et sans vie commune. Chacune d'elles élail subdivisée en un nombre variable de chaires occupées par des professeurs qui (nous parlons surtout des sciences expérimen- tales) avaient, à côté de leur enseignement, la charge de diriger, sous l'autorité de leur doyen, leur service spécial (personnel et matériel). Aujourd'hui bien des choses ont changé. D'abord, on a donné le nom d’Université à la-réunion de ces Facultés dans une même ville, espérant créer par là des rapports plus fréquents et plus intimes entre les différents mailres et les différents étu- diants, Puis, on à imaginé de grouper dans des Instituts les chaires et enseignements du même genre, soil de la même Facullé, soit de plusieurs 1 Livraison du 31 mars 1897, SCIENTIFIQUES NOUVELLES UNIVERSITÉS Facultés, pour qu'il en résulle une certaine péné- tralion el une sorte de vie commune qui semble, en effet, devoir être profitable à l'enseignement et à la science. De sorte que, tandis qu'il n'existait jadis que deux rouages, — Faculté et Chaire, — l'une dépendant de l’autre, ce qui constiluait un méca- nisme simple, — aujourd'hui nous avons quatre unilés distinctes : Université, Faculté, Pnstitut, Chaire, EL ajoutons qu'à chaque chaire se trouvent maintenant attachés, non seulement un professeur el ses assistants naturels {chefs des travaux et pré- parateurs), mais un et souvent plusieurs de ces maitres à délégation provisoire, à silualion incer- laine, qui participent à l’enseignement dans des conditions mal définies el fausses, et que, pour augmenter sans doute la confusion, on à désignés par des noms différents (agrégés, maîtres de con- férences, chargés de cours complémentaires, ete.), bien que leurs fonctions soient pour lous sensi- blement les mêmes. Si bien que tout cela forme un ensemble fort compliqué de rouages manifeste- ment créés el adaptés les uns sur les autres sans idée directrice générale. On y trouve des inven- tions nouvelles superposées à des choses anciennes qu'il aurait fallu supprimer où au moins modifier profondément. Et il en résulle que nos Universités ne produisent pas tous les résultats qu'on devrait altendre d'une aceumulalion aussi considérable d'énergies, de travail et de bonnes volontés. Que ce soit un bien de donner à des groupes de Facullés Je nom d'Université, et de les engager à se connaître davantage, nul ne le conteste. Nous regrettons seulement que nos quinze Universités ne soient pas toutes viables, et je crois bien qu'on peut dire que lout le monde le regrette, même ceux que ont volé la loi nouvelle, Mais je me suis souvent demandé si les trois autres unités existantes — facullés, Instituts el Chaires — ne constituent pas des rouages trop nombreux, et comment il faudrait organiser la nouvelle unité /nstilut pour en obtenir tous les ré- sullats qu'on est en droit d’en attendre. C'est sur ce dernier point que je voudrais insister. M. Haller, directeur de l’/nstitut Chimique de Nancy, dans les quelques lignes qu'il consacre aux Instituts, parait approuver sans réserve leur créa- 61" R. DE FORCRAND — LES INSTITUTS SCIENTIFIQUES ET LES NOUVELLES UNIVERSITÉS lion. Directeur d'un autre /nstitut Chimique, J'au- ‘ais beaucoup de mal à en dire. Et cependant j'ai de très bonnes raisons de croire que nous avons l'un et l’autre la même opinion. Ce dissentiment apparent lient surtout, à mon sens, à ce que ce mot d'/nstilut est mal choisi. Il n'est pas dans notre langue française d'expression plus fâächeuse, parce qu'il n’en est pas qui possède autant de sens différents et désigne un aussi grand nombre de choses qui n'ont aucun rapport entre elles. Même dans nos Universités, les Instituts scientifiques ont été créés suivant deux plans tout à fait différents. À Montpellier, leur histoire date du mois de janvier 1889 et leur fonctionnement a commencé quelques mois après. Comme dans beaucoup d'autres villes universi- taires, les Facultés de Montpellier étaient, avant cette époque, munies d'une installation très rudi- mentaire, Là comme ailleurs, les projets relatifs à la réorganisation des Universités avaient fait naître des espérances et révélé des dangers. Là plus qu'ailleurs, devons-nous dire, parce que l’ins- lallation des Facultés y élait peut-être plus défec- tueuse que le voisinage de deux autres grandes villes (Marseille et Toulouse) semblait menaçant, el qu'enfin il se préparait chez nous, pour l'année suivante, des fèles dont le but avoué était sans doute la commémoration de six siècles d'une exis- tence universitaire brillante, mais dont le but réel élait surtout de déterminer les pouvoirs publics à choisir Montpellier comme siège d’une Université régionale. Déjà les projets d'installation de presque tous les services de la Faculté des Sciences dans un même bâtiment étaient approuvés, lorsque M. le Direc- teur de l'Enseignement supérieur vint nous pro- poser un mode de groupement très différent : Au lieu de les laisser réunis par Faculté, il s'a- gissait de placer ensemble des services de même nalure de trois Facultés (Médecine, Sciences el Pharmacie). Chaque groupe de ces enseignements similaires prendrait le nom d'/astitut (de Physi- que, de Chimie, etc.), et les ressources dans cha- que Institut seraient mises en commun en prévi- sion d’une vie commune à élablir entre professeurs de la même spécialité. Telle est l’origine et telle devait être la nature des Instituts scientifiques de Montpellier‘. En réalité l’idée nouvelle, qui pourrait être très féconde, avait des avantages et des inconvénients. * Chose remarquable, un projet de même nature, quoique moius géntral, avait été formulé par l'illustre chimiste Gerbardt dès 1855. Gerhardt avait proposé de réunir à Strasbourg les [rois enseignements chimiques de la Faculté de Médecine, de la Faculté des Sciences et de l'Ecole supé- rieurc de Pharmacie. Mais ce projet n'avait jamais été exé- eulc, Nous étions habitués à vivre côte à côte dans la même Faculté, entre physiciens el chimistes, par exemple, à nous prêter nos ressources, à faire vivre nos étudiants communs d'une vie commune. Il s'a- gissait de nous séparer les uns des autres pour nous réunir à des collègues peu connus jusque-là et qui donnaient à d’autres étudiants un enseignement analogue. Les avantages sautaient aux yeux. Il est certain qu'il n'y a pas deux ou trois Chimies, deux ou trois Physiques. Les physiciens, par exemple, qui enseignaient la même chose à trois catégories différentes d'étudiants (futurs médecins, profes: seurs où pharmaciens) n'ont pas besoin de trois cabinets de Physique distincts, et il est de toute évidence qu'en se réunissant pour n'en former qu'un seul, ils pourront, avec la même dépense, faire beaucoup plus. Et puis, ces trois physiciens trouveront profit à ce mode de groupement au point de vue de leurs travaux personnels. Et les mêmes raisons peuvent être données pour chaque spécialité. — Mais, d'autre part, il est certain d'a- bord qu'il existe aussi de grandes affinités entre physiciens et chimistes, par exemple, et cette branche nouvelle de la science, née d'hier, et connue sous le nom de Chimie physique! en est la preuve. Sans doute, avec le nouveau groupement, les trois physiciens n'auraient qu'un seul cabinet de Physique, mais il leur faudrait, à côté, un labo- raloire de Chimie. De même, les chimistes n'au- raient qu'une seule collection, mais se verraient dans l'obligation d'acquérir pour leur Institut un cerlain nombre d'appareils de Physique dont ils pouvaient se passer antérieurement. C'est là un fait que l’on oublie peut-être un peu trop. Enfin, que de difficultés possibles dans celte sorte d'association nouvelle entre des professeurs d’origine, de familles différentes, entre des chaires possédant des richesses et des besoins fort inégaux, entre des étudiants de nature différente appelés à puiser les uns comme les autres dans les ressour- ces communes el à travailler dans les mêmes labo- ratoires ! Cette dernière considéralion, la plus grave peul-être, ne nous échappa pas: mais nous pensions que l'adoption de ce nouveau mode de groupement, qui pourrait être une des plus grosses réformes faites dans ce siècle dans l’organisation de nos enseignements scientifiques, serait sans doute immédiatement suivie d'une réglementation de nature à en assurer le bon fonctionnement. On voit donc que cette modification devait se traduire par un gain et par une perte. À lort ou à raison, nous pensämes que le gain serait supérieur à la perte et nous aeceptâmes. Il fut seulement ! Science presque nouvelle, sur l'importance de laquelle M. Haller insiste avec tant d'autorité, et que le régime des Instiluts (modèle de Montpellier) est loin de favoriser. R. DE FORCRAND — LES INSTITUTS SCIENTIFIQUES ET LES NOUVELLES UNIVERSITÉS 615 convenu que les chaires de Physique et de Chimie de la Faculté de Médecine resteraient en dehors des nouveaux Instituts. La réforme projetée, et dès ce moment certaine, du certificat P. G. N., devait, en effet, enlever à ces chaires leur ancien caractère etleur donner celui d'un enseignement biologique: dès lors, il était indiqué de les réunir à la chaire de Biologie de la même Faculté de Médecine. L'Institut de Chimie (du corps des Facultés, et aujourd'hui de l'Université de Montpellier) com- prenait donc les deux chaires de Chimie de la Faculté des Sciences et de l'École supérieure de Pharmacie !. IT Une fois ces bases acceptées, les locaux furent rapidement aménagés pour les divers Instituts. Le 2% mai 1890, ils étaient solennellement inaugurés par M. le Président Carnot, entouré d'une partie de son Conseil des ministres, pendant que les dra- peaux se déployaient et que M. le Ministre Bour- geois annonçait, en un discours officiel, le dépôt de son projet de loi sur les Universités régionales. Et depuis sept ans beaucoup de personnes pensent que ce nouveau rouage des Instituts marche el fonctionne à la satisfaction de tous. J'ignore absolument ce que peuvent contenir les rapports officiels, mais j'imagine qu'ils doivent donner de nos Instituts une idée favorable. L'/ns- titut de Chimie notamment, formé par la réunion de deux chaires de Chimie de la Faculté des Scien- ces et de l'École supérieure de Pharmacie, occupe une surface bâtie de plus de 1.300 mètres carrés, sur deux ou trois étages. Il comprend deux vastes salles de travaux pratiques, deux salles de cours, des laboratoires de recherches, des inslallations particulières pour les professeurs, des magasins, des salles de collections, le tout aménagé pour répondre à tous les besoins. Son personnel est formé de deux professeurs litulaires, dont l'un est directeur de l'Institut, de deux professeurs auxi- liaires (agrégé et chargé d'un cours complémen- taire), de deux chefs des travaux, et de trois prépa- rateurs. Les étudiants sont au nombre de 250, dont 120 pour le certificat P. C. N., 100 pour la Pharmacie, 30 pour les certificats de licence, l’a- grégalion ou le doctorat ès sciences. Il est certain qu'il y a là les éléments d'une prospérité relative, et que ces quelques détails donnent l'impression de quelque chose de bien vivant. En réalilé, la situalion est beaucoup moins sé- duisante. A l'origine, les deux chaires devaient se pénétrer, se fondre, mettre en commun leurs res- : L'École supérieure de Pharmacie possède, en outre, une chaire d'Analyse chimique qui n'a jamais été réunie à l'Ins- tiltut de Chimie. Il est difficile de savoir pourquoi. sources et leurs efforts pour le plus grand bien des éludes, de l'enseignement et des travaux scientifi- ques. — En fait tout est resté séparé, rien n’a été réuni. Chacune des deux chaires est bien installée, mais elles vivent côte à côte, sans pénétration au- cune, sans vie commune, comme des étrangères. L'/nstiltut n'existe que de nom. Nous ayons done perdu les avantages de l'état de choses ancien, et nous n'avons rien gagné. Et, lorsqu'on y réfléchit (depuis sept ans j'y ai beaucoup réfléchi), on voit qu'il doit nécessaire: ment en être ainsi tant qu'on ne fera rien pour donner la vie au nouveau rouage qu'on à voulu créer. Cela ne tient nullement aux personnes, mais à la nature des choses, el au véritable antagonisme qui existe actuellement entre nos Facultés et les nouveaux Instituts. L'organisation générale de nos élablissements d'enseignement supérieur est ainsi faile que deux chaires de même nom appartenant à deux Facultés différentes sont aussi étrangères que possible l'une à l’autre. Ces Facultés sont pro- priélaires de leurs biens et de leurs collections ; elles ont des besoins et des ressources qui ne sont pas les mêmes: elles donnent un enseignement à des étudiants qui ne se ressemblent pas du tout, en vue de carrières différentes; leurs professeurs n'ont pas la même origine et il en est de même de tout le personnel auxiliaire ; la situalion même de ce personnel est différente ; le régime des cours et des examens n'arien d'analogue. Il est impossible de faire une même famille avec des éléments aussi disparates. Surtout, il ne suffit pas de dire à un des deux professeurs : « Vous êles directeur de l'Anstitut », pour que cet Institut fonctionne. Aussi n'avons-nous rien de commun. Une des salles du cours, il est vrai, appartient à tous, mais de cette manière que les uns l’occupent pendant trois jours el les autres pendant les trois autres jours de chaque semaine. Les salles de collections aussi sont communes, mais en ce sens que les col- lections des deux chaires s'y trouvent dans des armoires distinctes, et si nous voulions mettre nos ressources en commun pour créer une collection d'/nstilut, nous en arriverions à avoir une /roisième collection dans les mêmes salles. Quant aux maga- sins, ils ont bien vite été séparés. Cette réunion, d'ailleurs, qui avait qualité pour la faire? Le directeur, qui n’a même pas autorité sur le garçon de salle, ne peut en avoir aucune sur des collègues et tout un personnel dépendant d'une autre Faculté. Et si cette réunion existait, qui serait responsable? Qui surveillerait et réglemen- terait l'emploi et l'entrelien des collections? Aussi je suis, je l'avoue, très effrayé d'apprendre que l'Université de Lyon se propose de dépenser 1.300.000 francs pour réunir sous le nom d’/nstitult 616 R. DE FORCRAND — LES INSTITUTS SCIENTIFIQUES ET LES NOUVELLES UNIVERSITÉS de Chimie ses quatre chaires de Chimie de la Faculté des Sciences et de ia Faculté mixte de Médecine et de Pharmacie. J'ai l'intime convielion que, si l'essai fait à Montpellier n'a rien produit, il ne produira pas davantage sous une autre latitude, — à moins cependant que le mot d’/nslilut de Chimie de l'Université de Lyon ne soit qu'une éli- quette, et qu'en réalilé on installe dans le bâtiment projeté deux Instituts de Chimie, un pour chaque Faculté. Mais alors il n’y aurait pas grand change- ment, sauf une installation malérielle meilleure. Cependant, me dira-t-on, l’/nstitut Chimique de Nancy fonclionne admirablement., Sans doute, mais ne soyons pas dupes d’une identité de mots. C'est là précisément le point délicat. Si l'Institut de Nancy fonctionne à la satisfaction de tous et fait bonne figure à la frontière en face des gigantesques élablissements allemands, c'est qu'il est d'une toul autre nature. C’est un Institut Chimique de la l'aculté des Sciences de Nancy, et non pas un Insti- tut chimique de l'Université de Nancy. J'entends par là que tous les services, tout le personnel, toutes les collections de cet Institut dépendent de la seule Facullé des Sciences de Nancy. On n'y trouve aucun élément apporté par la Faculté de Médecine ou l'Ecole Supérieure de Pharmacie de la même ville. Son directeur est simplement le délégué du Doyen de la Faculté des Sciences ; il tient de lui son autorité sur des services qui sont tous de la méme Faculté; par suite, il peut avoir responsabilité et direction effective. C'est encore suivant le même principe qu'ont élé organisés les Instituts scientifiques de Lille dont M. H. Moissan et M. Matignon ont donné une description détaillée dans celte Æevue!, el qui sont encore des Instituts de la faculté des Scivnces de Lille, et point du tout des Instituts de l'Université de Lille. EL je disais plus haut que c’est encore cette forme que devrail prendre, au moyen d'un dédou- blement complet et facile, l’Institut de Chimie pro- jeté de Lyon, si l’on veut qu'il réussisse. Je remarquerai seulement que, si c’est à cela que se réduit l’idée des Znstituls, il n’était guère néces- saire de recourir à un mol spécial pour désigner une chose aussi simple el si voisine de ce qui existe partout. En réalité, sauf la siluation person- nelle de certains d'entre eux, les collègues de M. Haller me paraissent avoir un rôle tout à fait analogue à celui de nos maitres de conférences ou chargés de cours complémentaires. Ils dépendent lu directeur de l'Institut autant que ceux-ci du pro- sseur Ülulaire dans nos chaires ordinaires. L’Ins- ut de Nancy est, en somme, une chaire de Chi- unique comprenant comme personnel un € { LE Î l il nl 4 Voyez la Revue du 15 juin 1895. professeur et un certain nombre d'auxiliaires. Ainsi, on a créé jusqu'ici deux sortes d'Insti-. tuts : 1° Znslitut de Faculté (Nancy, Lille), — tous les services dépendant de la même Faculté; 2% Institut d'Université (Montpellier), — les ser- vices appartenant et restant attachés à des Facul- tés différentes. ‘ Je dis qu'avec l'organisation générale actuelle de notre enseignement supérieur, seuls les Instituts de Faculté sont viables. Si done on veut donner réellement l'existence aux rouages nouveaux créés à Montpellier il y a sept ans, il faudra que, lôt ou tard, on se décide à raltacher à la même Facullé tous les services qui font partie d’un même Institut. C'est à cette condi- tion seule que l’idée de M. le Directeur de l'Ensei- gnement supérieur, — qui pourrait être si féconde si l'on en rendait l'application praticable, — pour- rait produire tous ses résultats. III En dehors de ces deux types, profondément dis- tincts, d’Instituts, il y en aurait un autre dont le fonctionnement serait également possible, mais qui n'a pas été jusqu'ici appliqué aux Instituts scienli- fiques. Lorsque, il y à quinze ans, on voulut organiser, dans chaque centre académique, une bibliothèque universilaire, on se trouva aussi en présence d’une situation ancienne, chaque Faculté possédant une bibliothèque séparée : de là des doubles emplois, absolument comine avec notre ancien système des chaires de même nom dans chaque Faculté. Cepen- dant on ne prit pas le parti de rattacher toutes ces richesses à une Faculté unique; on songea encore moins à les réunir en un seul établissement tout en les laissant dépendre de leurs Facultés d’ori- gine; on déposséda simplement les Facultés de leurs biens et on créa un service distinet, tout à fait indépendant de toutes les Facultés : c'est la Bibliothèque universitaire actuelle. Là encore le fonctionnement est possible parce qu'il ést normal et naturel. Le bibliothécaire est un véritable direc- teur d'Institut; il ne dépend d'aucun doyen, mais seulement de l’Université. Aussi, malgré certains inconvénients de délail qu'il serait bien facile de faire disparaitre, on peut dire que ces Instituts de Livres fonctionnent parfaitement. Peut-être ce type d'Institut, tout à fait différent des précédents, serait-il le meilleur. Pourquoi, par exemple, tous les chimistes ne seraient-ils pas réunis dans un même Institut qui ne conserverait plus aucune attache avec leurs Facultés d’origine et qui ne dépendrait plus que de l'Université ? Te R. DE FORCRAND — LES INSTITUTS SCIENTIFIQUES ET LES NOUVELLES UNIVERSITÉS 617 Je n’ignore pas la grosse objection que l'on ferait à cette idée : ce serait, en somme, créer, sous le nom d'Instilut, un assez grand nombre de petites Facullés nouvelles. Mais je crois que la valeur de cette objection tient surtout à ce que nous avons de la peine à nous débarrasser de nos préjugés et de nos anciennes habitudes. Il faut avoir la force de le voir et le courage de le dire : la loi sur les Uni- versilés nouvelles, quelque timide qu'elle ait été, est une réforme extrêmement sérieuse. Ces Uni- versités nouvelles ne doivent pas être ce qu'étaient les Universités anciennes: elles ne doivent pas être non plus un mot nouveau qui couvrirait simple- ment l’état de choses que nous avons connu. Et, si je ne me trompe, l’idée Université doit peu à peu faire disparaitre l'idée Faculté, laquelle n’a plus rien de. moderne et de scientifique. Je sais bien qu'autrefois les Universilés comprenaient des Facultés différentes; mais c'est que nos écoles avaient alors un caractère professionnel, dont nous tendons de plus en plus à nous affranchir. Aujour- d'hui, semble-t-il, c’est la science générale, univer- selle, que nos Universilés doivent enseigner par leurs organes multiples, etces organes sont non pas les Facullés distinctes par leurs costumes et leurs usages, mais les maitres de l’Université, et tous ces maitres, aussi bien les uns que les autres, aux- quels il serait temps d'accorder sans distinction le titre uniforme de professeur d'Université, que le publie et le bon sers leur donnent depuis long- temps’. C'est la science vue de haut, sans se préoc- cuper outre mesure de l'utilité des diplômes en vue de telle ou telle carrière déterminée. Les anciennes Universités faisaient des théologiens, des juristes, des médecins, des pharmaciens, et l'Université impériale avait respecté ces divisions ; nos Univer- sités nouvelles feront des hommes instruits, ce qui est mieux. Et je crois que nos arrière-neveux, qui vivront sans doute de cette pleine vie universitaire, seront surpris d'apprendre que pendant si longtemps des barrières ont élé élevées entre des enseignements qui, en réalité, doivent se toucher et se pénétrer à tout instant, par exemple entre les cours de Chi- mie préparant à la licence et ceux qui conduisent ! Faisant ainsi disparaître ces situalions fausses faites à tous uos auxiliaires (agrégés, maîtres de cenférences, elc.) et aussi cette diversité de titres au milieu desquels on se perd. au grade de pharmacien de 1" classe ou supérieur, entre les lecons d'histoire romaine données à nos l'acultés de Droit et celles de nos Facultés des Lettres. Et le jour où ces distinctions subtiles auron! dis- paru, il n’y aura plus que des professeurs d’Uni- versité ; les Facultés et aussi les chaires (dans le sens qu'on donne encore à ce mot) auront disparu. C'est alors que l'idée des /nstituts apparaîtra dans foute sa simplicité comme dans toute sa force. Toutes les fois que deux, ou un plus grand nom- bre d'enseignements présenteront assez d'affinités pour qu'il y ait avantage à les réunir dans un même local, à les faire profiter des mêmes ressour- ces, on en fera un /nslilut sur le type des Ziblio- thèques universitaires, véritable Institut d'Univer- sité, pourra-t-on dire alors, dépendant seulement du chef et du Conseil de l’Université, sous la direction d’un des professeurs qui sera chargé de veiller à l'entretien et au développement des res- sources communes. Nous sommes évidemment bien oin d'une sem - blable organisation, et, si je l'indique, c'est parce que je crois que c’est un élat vers lequel nous ten- dons falalement par suite de l’évolution lente dés idées, qui se dessine déjà. Pour me résumer, je vois deux de d'Instiluts possibles : 1° Les véritables Znstituts d'Universilé, concus sur le type des Bibliothèques universitaires actuelles, c'est-à-dire comprenant des services n'ayant plus aucune attache avec leurs Facultés d’origine. C’est certainement l'idée la meilleure, mais elle ne pa- rait réalisable que lorsque, peu à peu, lentement, la notion de Faculté aura disparu. 2° Les Znstituts de Faculté, comme ceux de N ou de Lille, formés par des services et des ensei- gnements qui appartiennent tous, pour chaque Ins- lilut, à la même Faculté. Ce type pourrait être réalisé partout dès maintenant, à la condition d'ap- porter un peu d'énergie dans les réformes. La seule chose qu'il ne faut pas faire, c'est ce qu'on a tenté à Montpellier et ce qu'on parait vou- loir essayer de nouveau à Lyon : dire à deux, trois ou quatre professeurs de Facultés différentes « Réunissez-vous ». Ils ne se réuniront pas. R. de Forcrand, Directeur de l'Institut de Chimie dé l'Université de Montpellier. Nancy 618 ALBERT LARBALÉTRIER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'ÉLEVAGE DU PORC EN FRANCE L'ÉTAT ACTUEL DE L'ÉLEVAGE DU PORC EN FRANCE Il s’est produit en France, vers le mois de no- vembre dernier, une véritable «cerise du porc » causée par l’avilissement des cours, qui a vivement émotionné le monde agricole. Un peu partout, dans le Nord, l'Artois, en Bre- tagne, dans le Jura, à Lyon, à Dijon, ete., les Sociétés d'Agriculture et les Syndicats ont discuté la situation et cherché à y porter remède, en appe- lant sur cet état de choses l'attention des pouvoirs publics et, le 8 décembre dernier, la question a été discutée au Parlement. M. l'abbé Lemire, insistant sur le bas prix auquel était arrivé le porc, préten- dait que cet état facheux était dû à l'importation considérable des animaux étrangers en France. À quoi, M. Méline, Président du Conseil et ministre de l'Agriculture, a répondu que la mévente des pores français tenait à d'autres causes, notamment à une augmentation considérable de production résultant du bas prix des pommes de terre, qui, comme on le sait, constituent dans nos campagnes la base de l'alimentation du pore. M. Méline avait raison, et M. Lemire n'avait pas tout à fait tort. Tout récemment M. Jonnart, dé- puté du Pas-de-Calais, pour porter remède à cel état de choses, a déposé un projet de loi tendant au relèvement des droits de douane sur les porcs, les produits de la charcuterie et les saindoux. En attendant que ce projet de loi vienne en dis- cussion, on à cherché à atténuer le mal en mainte- nant au budget les chiffres des commandes de la Guerre et de la Marine qui devaient être diminués. Mais, conime le fait observer M. E. Delval, ce n’est là qu'un palliatif. Qu'est-ce, en effet, que quinze mille quintaux d'assurés, quand on compare celte quantité à la masse totale des produits qui aug- mente chaque année et à l'envahissement progressif de l'industrie étrangère ? Au demeurant, cette ques- tion porcine, très spéciale en apparence, n’en a pas moins une importance considérable au point de vue agricole et économique. Elle intéresse directement l'élevage et la chareulerie, qui, l'un et l’autre, mettent en œuvre de nombreux capitaux. Comme telle, elle mérite d'être examinée tout au moins sommairement. I. — CONSIDÉRATIONS ÉCONOMIQUES. On compte en France, à l'heure actuelle, environ 6.510.000 individus de Ja race porcine, appartenant, on seulement aux agriculleurs, mais encore aux pets cullivateurs et mélayers, qui, jusque dans ces derniers temps, avaient retiré de l'élevage de cal animal un bénéfice considérable. Or. tandis qu'il y a deux ans encore les porcelets de un mois ou six Semaines se vendaient couramment 20 à 30 francs pièce et le porc gras de 1 fr. 15 à 1 fr. 30 le kilo, ces cours, dans ces derniers temps, sont tombés respectivement à 3 francs et 2 fr. 50 pour les porcelets, et à 1 franc et 0 fr. 80 pour le gras. Comme on le voit, c’est un véritable désastre. Au marché de la Villette, les cours se sont main- tenus un peu plus élevés, mais ils n’en ont pas moins subi une baisse sensible sur les années précédentes, comme le montre le tableau I. Tableau I. — Prix moyen à la Villette du kilo de porc (des trois qualités). PRIX MOYEN du kilo ANNÉES a ———————— 1892, 0, 0 EE TOME RER A fr. 26 1893 r. 42 A STAR NRE eRRer SEESE : is RD BE MEME PR AT EEU SUR 1 fr. 31 1896, SNS RENTE ENTER 1 fr. OL Ce qu'il y a de curieux, c’est que la charcuterie, tout au moins dans les grandes villes, a maintenu ses cours. Ainsi, depuis la crise, la viande de pore n'a pas coûté moins de 1 fr. 50 à 2 francs le kilo. Circonstance d'autant plus fâcheuse que le con- sommateur ne profite guère de la décadence du marché; seul, l'intermédiaire y trouve son bénéfice. Il est hors de doute aussi, on aurait tort de ne pas le reconnaître, qu'en 1893 et 1894, les culliva- teurs ont vu l’âge d’or de l'élevage du porc; par cela même cet élevage a pris une extension consi- dérable, ce qui a amené une surproduction qu’on ne peut nier. Mais, d'autre part, il y a eu aussi, quoique la chose semble anormale en apparence, un accrois- sement considérable des importalions étrangères depuis le commencement de l'année 1896. C'est ainsi que, d’après les documents publiés par l’ad- ministralion des douanes, dans les cinq premiers mois de 1896, il est entré en France, ex plus que pendant la période correspondante de 1895 : 41.443 pores gras, 1.488 cochons de lait, 913.300 kilos de viande fraiche, 1.626.700 — de viande salée et jambons, 268.107 — de charcuterie diverse, 1.227.000 — de saindoux'. { Il a été importé en France, en 1893, 2.399.000 kilos de viandes salées; en 1894, 4.728.000 kilos ; en 1895, 6.774.000 kil. Il est entré encore, en 1892, 427.000 kilos de charcuterie | ALBERT LARBALÉTRIER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'ÉLEVAGE DU PORC EN FRANCE 619 Dans ces derniers temps, les importations sont surtout venues de Hollande, et ce fait s’est produil assez brusquement, car, tandis qu'avant 1895 nous ne recevions pas de pores de ce pays, l’année 1895 compte 7.232 porcs hollandais, sur une importation lotale de 87.996 porcs. En 1896, les pores hollan- dais figurent dans le total pour plus de 58.000 têtes. Or, comme l'a fait observer M. Jonnart, député et Président de la Fédération des Sociétés agricoles du Pas-de-Calais, « ces pores élaient (en grande partie) des pores belges, qui, ne pouvant entrer directement chez nous, notre frontière leur étant fermée, étaient allés faire une promenade sur le territoire néerlandais, et avaient ensuite gagné le nôtre avec des certificats attestant qu'ils étaient de Hollande ». A ces pores hollandais, il faut ajouter ceux ve- nant de l'Allemagne et de l'Italie et surtout de l'Ouest américain où l'abatage n’a jamais élé aussi formidable, puisqu'il a dépassé 17 millions de têles. Mais cet accroissement dans les importations à eu une autre conséquence, autrement grave pour l'élevage francais; c'est que l'état sanitaire des pores introduits était souvent sujet à caution; il y a eu notamment une recrudescence marquée de rougel, qui est venue s'ajouter à l’acuité de la crise !, IT. — PRODUCTION PORCINE EN FRANCE ET A L'ÉTRANGER. Nous avons vu qu'à l'heure actuelle, la France compte une population porcine évaluée à six mil- lions 310.000 têtes (adultes et jeunes); il est à re- marquer que cette population est en progression : très sensible, comme le montrent les chiffres qui : suivent, que nous empruntons aux documents offi- fabriquée: en 1893, 504000 kilos; en 1894, 697.000 kilos; en 1895, 877.000 kilos. Il faut ajouter à ces chiffres les saindoux étrangers: en 1893, 7.504.000 kilos; en 1894, 16.487.000 kilos et en 1895, 17.000.000 kilos. ! Peut-être de ce côté y a<-il eu quelque néglixence de la part de l'Administration! Quoi qu'il en soit, M. Jonnart, dans l'intéressant rapport qu'il a présenté à ce sujet, ter- mine par un apoel aux cultivateurs, que nous croyons utile de reproduire : « Qu'ils s'informent de la provenance des animaux exposés dans nos marchés, des conditions dans lesquelles se fait l'importation du bétail étranger et qu'ils n'hésitent pas à nous transmettre leurs renseignements et leurs réflexions, afin que nous puissions, le cas échéant, réclamer upe répression sévère des fraudes ou des négli- gences qui se commettent à la frontière et qui coûteut si cher à nos éleveurs. » Il convient de remarquer qu'en dé- cembre dernier, le Gouvernement, ému des doléances des cultivateurs, a promulgué un décret fermant nos frontières à l'entrée du bétail hollandais. Outre l'effet moral produit par cette mesure, on a constaté un certain relèvement des cours, tout au moins dans la région du Nord. ciels, principalement au Bulletin du Ministère de l'Agriculture et au Bulletin de Statistique : En 1789, nous comptions. 4.000.000 porcs. 1812 — OCT 4.655.700 1829 — DÉC TEGtt ee 1840 — OR CRM URSS 1852 — strié De ED AUS 1866 — 5.889.62# — 1872 — C0 00-01-09 LU — 1883 —— AE er Le 5.800.000 1893 — 5.860.592 nn — 1894 = PAPY 6.038.372 — 1895 — Sn Fee 6.306.019 — Le département qui élève le plus de pores es celui de Saône-et-Loire, qui comptait, en 1895, 268.654 têtes: en seconde ligne, vient celui de la Dordogne !. Indépendamment du département de Sù 1 N.4 STE =) S NN ® NN 12 Le] 5 A © a D Es Ë = 2 1 = © KK S 12200000 NN = 209 RQ T E o F] 10800000 N ! E a E À RQ = NS IR al 2, 2800000 NS. © NS KK En = 6300000 NS C: NS « Espagne | Danemark Italie À Roumanie &. 1. — Populalion porcine des principaux États. la Seine qui, par sa faible étendue, ne peut entrer en ligne de compte (2.611 pores), celui qui en élève le moins est celui des Alpes-Maritimes, avec 8.450 têtes. La carte ci-jointe (fig. 2) donne, d'ail- leurs, la répartilion de la populalion porcine sur tout le territoire francais. Sous le rapport de la population porcine, la France est, du reste, loin d'être en retard sur les aulres Puissances. En Europe, il n'y a que l’Alle- magne et la Russie dont l'effectif soit plus con- Sidérable. C'est ce qué montre en représentation graphique la figure {. Par contre, les Elats-Unis d'Amérique se livrent à la production du porc sur une échelle inconnue chez nous. En effet, la 1 C'est également dans ces deux départements qu'on con- sacre la plus grande étendue à la culture de Ja pomme de terre : 54.321 hectares en Saône-et-Loire, et 50,000 hectares dans la Dordogne. 620 ALBERT LARBALÉTRIER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'ÉLEVAGE DU PORC EN FRANCE en pleine prospérité. « La production de la viande . statistique de 1895 indique pour ce pays une po- de porc aux Etats-Unis, dit M. G. Morrow, est en - pulation porcine de 43.000.000 de têtes, soit à N ———— k a ù 44 Vue LR SE | Er or À LE / { jan DD. = = EE —} DIAPASON DES TEINTES Répartition de la population porcine en France, par département. 5 FRERE ME EN ES Enr ree ll | KE Il moins de 20000 de 50000 de 100000 plus a a e de à 20000tètes 50000 100000 150000 150000 À À IEL OT Fig. 2. — Répartition de la race porcine en France. peu près autant que de bêtes bovines. C’est princi- | raison directe de la production abondante et peu coûteuse du maïs. Ainsi, les sept grands Etats à palement dans la zone centrale, où la culture du maïs ont, d'après les estimations, 20 millions de mais à pris lant d'extension, que cet élevage est ALBERT LARBALÉTRIER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'ÉLEVAGE DU PORC EN FRANCE 621 cochons, c’est-à-dire presque la moitié du nombre total, et une moyenne de près de 3 millions pour chaque Etat. » C'est l'Iowa, l'Illinois, le Missouri et le Kansas qui tiennent la tête; la raison en est, sans doute, dans l'abondance extraordinaire du maïs, et aussi, comme le fait observer M. Marcel Blanchard, dans le grand développement qu'y acquiert aussi la laiterie, les résidus de celte industrie étant, aux Etats-Unis, comme chez nous, un des facteurs les plus puissants d’un bon élevage du porc. C'est l'industrie du porc salé qui domine aux États-Unis. IL y a quelques années, le centre de ce commerce élait la ville de Cincinnati, mais aujour- d'hui Chicago a pris le dessus. C’est ainsi que la seule maison Armour et C'° tue et expédie environ 1 million 800,000 porcs par an. En Allemagne, c'est dans le duché d'Oldenbourg que l'élevage du porc a le plus d'importance. Dans ce pays, la stalistique fait ressortir un contingent de 60 bêles porcines par 100 habitants, tandis que dans les autres parties de l'Allemagne, la propor- lion ne s'élève pas au-dessus de 24,4 °/,. III, — RACES PORCINES. Les races porcines élevées en France sont très nombreuses, et, en raison des nombreux croise- ments avec les races étrangères dont elles ont été l’objet, il règne une assez grande confusion dans leur synonymie. Cependant, M. À. Sanson, profes- seur de Zootechnie à l'Ecole de Grignon et à l'Insti- tut Agronomique, les ramène à trois types nelte- ment caractérisés : asialique, celtique et ibérique. Indépendamment de ces types, que M. Sanson considère comme spécifiques, il existe de nom- breux croisements. Les porcs anglais, dont le principal mérite est la précocité, résullent de croisements effectués entre les pores ibériques el asiatiques. Les cochons de Yorkshire, de Leicester, d'Essex, de Berkshire, de Hampshire, etc., n'ont pas d'autre origine. « En Angleterre, comme le fait remarquer M. Sanson, on a fini par renoncer à loute idée de catégorie et à ne juger que la valeur individuelle des pores d’après leur pedigree. C'est là qu’on en est maintenant. Les Anglais se sont convaincus qu'ils n'avaient réussi à créer aucune race de porcs ‘. Ils s'en tiennent à la prétention d'avoir réalisé des machines extrèmement puissantes pour la transformalion rapide des aliments en chair et graisse, surtout en graisse ». ‘ Cetle manière de voir n'est pas admise par tous les zootechniciens et les zoologistes, car tous ne définissent pas la race de la même manitre, Certes, celte prétention est fondée, et la répula- tion de ces machines est telle qu'elles se sont répandues partout, en France, en Hollande, en Belgique, en Allemagne, en Amérique et en Italie, pour améliorer l'aptitude des bêtes porcines de ces divers pays. IV. — ELEVAGE ET ENGRAISSEMENT. En France, l'élevage du pore se fait de deux manières bien distinctes. D'une part, chez les petits cultivateurs ou ménagers, on n'entretient qu'un pelit nombre de ces animaux, quelquefois même, et le plus souvent, un seul. En général, les soins, dans ce cas, laissent quelque peu à désirer; on nourrit ordinairement au maximum pour rentrer plus vite dans les déboursés. D'autre part, dans bon nombre de grandes exploitations, on peut voir des porcheries modèles, bien aménagées, où les animaux sont soignés avec discernement el nourris selon les principes de l’alimentation .ration- nelle. C’est surtout dans les régions où l’on pra- tique en grand la culture de la pomme de terre ou les transformations du lait, qu'on rencontre ces porcheries modèles. Cependant, même dans ces grandes fermes, la propreté et surtout l'espace nécessaire aux porcs ne sont pas toujours bien compris, ce qui n'est pas sans inconvénients, non seulement en ce qui con- cerne l'accroissement rapidé des sujets, mais encore au point de vue des maladies qu'ils peuvent contracter. Les dimensions, largeur et longueur nécessaires, aération, etc., pour que le porc puisse être à l'aise dans sa loge, dépendent évidemment de la race et de l’âge, ce qui explique pourquoi les auteurs et même les praticiens, sont loin d'être d'accord à ce sujet. Cette question étant fort controversée et d'une grande imporlance pratique, nous croyons utile de donner ici sous forme de tableau, les dimensions des loges de porcs, selon les divers auteurs {ta bleau Il, page 622). Comme on peut avoir des pores d'engrais de 4®,20 de longueur et de 0",60 de largeur, il faut que, pour ce cas, la loge ait au moins cette lon- gueur (1",20) et une largeur telle que ce porc puisse s'y coucher; or, nous croyons que 0",85 suffisent, mais que ce chiffre n’a rien d'exagéré, el que ces deux dimensions sont précisément celles qui correspondent à la surface de 1*,012 indiquée par M. Méchi pour ses grands porcs d'engrais. Dans les porcheries, il faut renoncer aux auges en bois. Celles en pierre dure ou en tôle de fonte, fixées dans les murs, de façon que l’on puisse dis- tribuer la nourriture du dehors, sont les meilleures ; 622 ALBERT LARBALÉTRIER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'ÉLEVAGE DU PORC EN FRANCE il va sans dire qu'il faut toujours les tenir très propres. Pendant l'engraissement,— qui, suivant les races, dure de deux mois et demi à trois mois, et qu'on ne doit commencer chez les sujets précoces qu'à l'âge de cinq ou six mois, — les pores sont tenus au repos complet et enfermés dans un lieu obscur. des animaux dans les derniers lemps dé l’engrais- sement. Ajoutons que Ja digestibilité de ces ali- | ments est accrue par la cuisson. Il importe, dans la dernière période de l’engraissement, de bien choisir son aliment concentré en vue de la qualité du lard, et M. Sanson conseille pour cela de faire usage du maïs ! ». Tableau II. —- Dimensions des loges à pores. AUTEURS ESPÈCES Grand porc. . Truie AC Porc d'engrais. DH CARMEN AE Verrine Cochonneau . ee Grand porc d'engrais Petit porc d'engrais Porc d'élevage . = Porc d'engraissement. Viborg. . De Perthuis De Gasparin . Méchi . Ferme de Grignon . SURFACE DE LA LOGE DIMENSIONS DE LA LOGE an TT MÈTRES CARRÉS LONGUEUR LARGEUR TT | te minimum | maximum| minimum | maximum| minimum [maximum 5,0% 95 2,50 3,02 2,0% 2,09 3,10 » 2233 » 1,05 » » DL) » DES » 4° °» » » 3,20 3,50 2240 2,10 1,60 1,68 RES) 3 » 1,08 DD 1,01 1,50 1,03 1,05 1,41 1,50 1,90 40% 0,83 1,01 1 » 1,20 0,83 0,84 0,55 0,7% 0,88 0,92 0,62 0,80 3,06 4 » 1,90 2 » 1.85 AR D 3 » 3,60 1,90 24 1,60 1,80 Suivant les circonstances, leur nourriture con- siste alors en herbes trèfle, luzerne, vesce, fèves, elc.; racines: carottes, pommes de terre, elc.; fruits : faines, glands; résidus de distilleries, hui- leries, etc.; grains : orge, sarrasin, mais, elc.; | Voici, tableau III, quelques types de rations mo- dèles empruntés à MM. Ayraud, Boussingault et | Sanson. On a considéré, à tort, la viande produite par la nourriture animale, comme mauvaise: elle n'est Tableau III. — Rations alimentaires. VERRATS DAIES : en à (poids moy. £ ALIMENTS E gestation de 100 kilos) ou nourrices (100 kilos) kilos gr. kilos gr. Eat de beurre ML IARRE On) 6 » | Lait écrémé ou caillé. .:. . » ip » » MEN PTASSe EN ANNEES BONE) DER lPommes deterre |: Lo y & » | Légumes divers . 7. . . . . 5 » ET PAARS SONde TOMENTENEM IE NU 1,500 Harine dore MEME » » DIRED Farine de seigle . . . . . . » » » Mais#concassé LL nn » ) EU) Vide CU EME ee SERA » » substances animales : viande, eaux grasses, lait écrémé, pelil-lait, ete. « Le petit-lait qui, pendant le jeune âge, comme le fait remarquer M. le D° G. Pennetier, peut être suffisant, n’est pas un aliment complet d'engrais- sement. Son mélange avec les pommes de terre seules serait également insuffisant; mais, associé à des pommes de terre et à des grains, ou à des pommes de terre ou des châtaignes, des pois, du maïs où de l'orge, il augmente rapidement le poids JEUNES TRUIES TRUIES TRUIES TRUIES PORCS en nourrices nourrices nourrices nourrices croissance kilos gr, (30 kilos) kilos gr. kilos gr. kilos gr. kilos gr. » » 2 » » » » » 3 » 6 » » » » » » » » » ) » 6 » 6 » 6 » » » 6 » 4 » 4 » » » l » » » » » » 7 » \ 6 à ) » [| » » » » » 0 à 250 » » » » 2 » » » » » 1,295 SR » » DU 29 de 119 ) » D » » » 1 » » » » » 0,500 » » » » » » pas, il est vrai, de première qualité, mais elle est salubre et aussi bonne, même meilleure que celle des porcs nourris avec des résidus de fabrique exclusivement. D'ailleurs, pour une même alimen- tation, la qualité de la viande varie beaucoup avec ! On reconnait le degré d'engraissement en maniant le dos et les côtes, ou mieux encore la pointe du sternum entre les deux jambes de devant. La présence, en ce dernier endroit, d'un bourrelet de graisse, indique sûrement que | l'animal est gras. ALBERT LARBALÉTRIER — L'ÉTAT ‘ACTUEL DE L'ÉLEVAGE DU PORC EN FRANCE 6923 les différentes races, comme l’a montré Baude- ment. Les rendements en viande sont très variables, ce qui se conçoit facilement, puisque les pores les plus gros et les plus gras sont ceux qui fournis- sent le plus de viande. Les os, suivant la précocité, représentent 5 à 7 °/, du poids vif. Un porc four- nit, en général, de 500 à 800 grammes de soies; les onglons à peu près autant. La graisse ou sain- doux n'excède que rarement 6 °/, du poids vif. Le sang, qui est très recherché, varie entre 3 et8 kilos. A ce propos, il convient de remarquer que les races anglaises en fournissent moins que les fran- caises. — D'une manière très générale, la charcu- terie parisienne estime à 79 ou 80 °/, du poids brut le rendement moyen. Le tableau IV indique les rendements comparés de diverses races : Tableau IV. V. — COMMERCE DES PORCS. Tandis que les importalions vont en augmen- tant, par contre nos exportations baissent. Ainsi, landis qu'en 1893 nous avons exporté 187.422 pores vivants, représentant une valeur de 21.553.530 fr., en 1895, ce chiffre s’est trouvé réduit à 16.545 têtes, soil 2.068.125 francs. La viande fraiche et salée a suivi une marche semblable; seule la charcuterie fabriquée augmente : nos exportalions qui repré- sentaient 517.355 francs en 1893 ont atteint 850.600 francs en 1895. À Paris, la consommation de la viande de porc et la charcuterie vont en augmentant depuis quel- ques années; tandis qu'en 1886 le Lotal général s'élevait à 24.150.251 kilos, il était de 27.623.693 kilos en 1893 et 26.677.053 kilos en 1895. Il est arrivé en 1895 au marché de La Villette, — Rendements selon les races. 00 2 NORMANDE FLAMANDE ——— kilos gr. kilos gr. 339 285 21 284 210 10 Poids vif. . . Viande nette (pieds compris). IST ESS . Ratis et crépines . RENE 9 ‘ 7 CSST AE RENOM 5 5 6 SERC 2 SR PRE FE Ter 8 9,5 1 Intestins . . . 4 7 6 Excréments, râclures, ‘ete. 18 8 PÉRI- GOURDIN kilos gr. à DE DE LEICESTER- ESSEX - D ESSEX HAMPSHIRE MIDDLESEX CRAONNAIS BERKSHIRE kilos gr. kilos gr. 286 kilos gr. kilos gr. kilos gr. 22% » 254 » 180 » | 237 205,050 11,050 45 13,050 Ga Ur 3,25 7,050 CET 3,2 RGES 4,0 0 5,050 5 J.: 1) » 14,900 14,800 Rapport du poids nel au poids brut, . 19,390 80,120 85,100 80,360 0,730 Le porc, étant très rustique, est sujet à peu de maladies. Celles qui l’atteignent le plus souvent reconnaissent pour cause une mauvaise hygiène, cas fréquent dans la petite culture. Les plus com- munes, en dehors des épizooties, sont cerlaine- ment la dysenterie et la constipation. La première atteint surtout les jeunes; on la combat en écrasant de la craie dans les aliments et en donnant de l’eau de riz. La constipation dispa- rait rapidement en donnant du sulfate de soude, 20 grammes pour les petits etde 100 à pour les adulles. Si nous insistons sur ce point, c'est que ces deux maladies contrarient et retardent souvent l'en- graissement. 150 grammes Nous avons vu, en commençant, que les donnaient lieu à un grand commerce. En effet, nous exportons et importons, non seu- lement des cochons sur pied, mais encore de la viande fraiche, salée et de la charcuterie. porcs de la viande 400.582 pores, dont 2.352 de provenance étrangère ; le reste a surtout été fourni par le Poitou (18.5 °/,) et la Bretagne (19.8 °/;) Comme on le voit par tout ce qui précède, l’éle- vage du porc en France a une grande importance. Il convient, d’ailleurs, de remarquer, suivant la juste observation de M. G. Heuzé, que le nombre de porcs existant dans les départements est en rapport avec le morcellement du sol et lPaisance des classes rurales. On remarque, en outre, — quoique ce fait puisse sembler anormal au premier abord, —que le nombre de pores abattus annuellement est proportionnel à la quantité de viande consommée chaque année par habitant. Enfin, la stalistique montre que le prix de la viande de porc est d'autant moins élevé qu'on multiplie davantage, dans les départements, l’es- pèce bovine. Albert Larbalétrier, Professeur à l'École d'Agriculture du Pas-de-Calais, 62% J. ROUCHÉ = L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA PARFUMERIE EN FRANCE L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA PARFUMERIE EN FRANCE DEUXIÈME PARTIE : FABRICATION DES ESSENCES ARTIFICIELLES Aux produits naturels est venue se joindre, depuis quelques années, une série de produits chimiques odorants, qui commencent à occuper une place importante. Cette nouvelle branche de l'industrie chimique est de daté récente, bien que depuis longtemps certains produits chimiques soient ulilisés en par- fumerie, par exemple, les éthers de la série grasse (essences de fruits), le salicylate de méthyle de Cahours (Wintergreen), la nitrobenzine (Mirbane), les benzoates d’éthyle et de méthyle (essence de Niobé), l'essence d'amandes amères de Lauth et Grimaux. On peut dire qu’elle a pris son dévelop- pement avec les synthèses de la vanilline, de l'hé- liotropine et du muse artificiel. On peut distinguer deux sortes de produits chi- miques odoriférants : 1° Ceux qui sont tirés d'une essence ; 20 Ceux qui sont produits synthétiquement, ou plus généralement, ceux qui n'ont pas pour origine d'extraction directe une substance déjà usitée en parfumerie. Les premiers, comme le géraniol, le citral, l'eu- génol, le linalol, qui proviennent respectivement des essences de géranium, citron, girofle, linaloé, présentent pour le parfumeur un intérêt secon- daire. D'un prix plus élevé que l'essence même, ils n’offrent ni la suavité, ni la fixité, ni les princi- pales qualités de l'huile essentielle. Ils paraissent plutôt devoir être d'excellentes matières premières pour les synthèses (comme celles de la vanilline, des acétates de géranyle ou de linalyle), et pour la découverte de corps nouveaux. Les procédés d’ex- traction, assez délicats en pratique, sont théorique- ment fort simples. Pour les éthers, on saponifie ; on éthérifie de nouveau l'alcool obtenu, avec l'acide qui se trouvait combiné dans l'essence, Pour les phénols, on traite par la potasse et on décompose la combinaison par un acide. Pour les cétones el les aldéhydes, on les combine avec des bisulfites et on les extrait par un alcali ou un acide. Enfin pour les alcools, on emploie la méthode de M. Hal- ler par l’anhydride succinique. Les corps de synthèse sont beaucoup plus inté- ‘essants : les uns, comme le muse Baur, parce { Voyez la première partie de cet article dans la Revue du 30 juillet 1597, qu'ils donnent une odeur qui ne se trouve pas dans les produits aromatiques naturels; les autres commé l'héliotropine, l’ionone, parce qu'ils pro- curent un parfum rappelant celui d’une fleur connue, mais dont l'obtention est difficile et oné- reuse. La préparation en est assez difficile. Chose curieuse, celle fabrication, industrielle par son importance, reste, en quelque sorte, une fabrica- tion de laboratoire par les soins, les précaulions, les connaissances scientifiques qu'elle exige. À priori, l'obtention d’un tel parfum, à composition définie, parait aisée. Il faut au contraire bien des tàätonnements pour arriver à une production con- stanle d’odeur identique et de même puissance odorante. Souvent deux opérations, d'apparence semblable, donnent deux produits tous deux d'une purelé satisfaisante, mais sensiblement différents au point de vue seul de l’arome. Certains corps semblent tenir leur parfum d’'impuretés, qui s'y trouvent en quantité inappréciable et qu'il est par conséquent difficile d'obtenir toujours égales, Quel- quefois même, comme l'héliotropine, l’aubépine, ils peuvent devenir inodores à force de purifica- lion. Geci paraitrait indiquer qu’on prend pour le parfum même un simple véhicule et que l'odeur se cache dans ces traces impures, encore inconnues. Les parfums artificiels appartiennent à toules les séries, à toutes les fonctions. : Les connaissances actuelles ne permettent ni de déterminer les lois générales de la chimie des odeurs, ni de rattacher cès divers produits par des liens; de découvrir en quelque sorte des /onc- tions odorantes. S'il existe des règles, elles doivent dériver des positions relatives des. groupements fonctionnels de la molécule. On n’a encore à ce sujet que quel- ques observalions l'oxyméthoxybenzaldéhyde (vanilline) ne possède l'odeur de la vanilliné que dans Ja forme (4,3, 1); l’aldéhyde oxybenzoïque, celle de reine des prés, que dans là combinaison ortho ; l'éther méthylique de para-anol (anéthol), que dans la forme para. Il faut attendre la décou- verle et l'étude molécuiaire d'un grand nombre de corps nouveaux pour pouvoir en déduire des lois générales. Nommer tous les corps chimiques odorants, se- rait faire un dictionnaire de chimie. Nous nous contenterons de signaler, non pas lous cèux qui J. ROUCHÉ —:L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA peuvent être employés en parfumerie, cela nous mènerait déjà trop loin, mais seulement ceux dont l'usage est universel et la fabrication importante. Ils sont déjà nombreux et leurs procédés de prépa- ralion multiples; cela se comprend du reste: les mêmes réaclions ne se reproduisent-elles pas avec les termes d’une série homologue et les isomères d’une même série? Bien que certains d'entre eux puissent posséder à la fois plusieurs fonctions, comme la vanilline, l'héliotropine, qui sont en même temps aldéhydes, phénols et éthers phénoliques, nous les diviserons en cinq groupes : 4° Dérivés nitrés; % Alcools; 5° Éthers. 2 Aldéhydes; 3° Célones; I. — DÉRIVÉS NITRÉS. LT — Muses artificiels. En 1888, à la suite d'une série de recherches sur les deux butyl-toluènes existant dans l'essence de résine, M. Baur constata la remarquable odeur musquée du dérivé trinitré du métaisobutyltoluène : 1. (AzO®} CH + C‘H° { cr Il en détermina les conditions de préparation et fit breveter ce produit, vendu depuis dans le com- mérce sous le nom de muse artificiel ou musc Baur, en dilution dans de l’acélanilide. Le procédé consiste à chauffer dans un appareil . à reflux, avec du chlorure d'aluminium anhydre, un mélange à molécules égales de toluène et de chlorure d’isobutyle. On distille dans un courant de vapeur d'eau, on recueille la partie qui passe entre 170 et 200°, et on la traite par un mélange d'acide nitrique monohydraté et d'acide sulfurique fumant de Nordhausen. On verse le mélange dans l’eau : il se dépose des cristaux qu'on purifie. Une étude plus approfondie démontre que cette odeur de muse se retrouve dans presque tous les corps trinitrés, et particulièrement dans les déri- vés trinitrés des carbures renfermant à la fois un noyau benzénique el un radical alcoolique élevé. De là, une mulliplicité de muses artificiels qui s'expli- que d'elle-même. On peut prendre non seulement tous les butyl-toluènes, mais les amyl-toluènes, les hexyl-toluènes, etc; le point de départ peut être le xylène (MM. Schnaufer et Aupfeld), le cymène, les éthers de phénols, etc., etc. Depuis, de nouvelles recherches ont été faites et on a trouvé des muscs très odorants, seulement dinitrés. ; Actuellement, les muscs brevetés, pouvant don- ner un rendement intéressant, sont au nombre de neuf : REVUE GÉNÉRALE LES SCIENCES, 1897, PAREUMERIE EN FRANCE 625 Muscs trinilrés. CH ce CI ai, à a “14 NAz0* 1192/4209 /C'H° CH°\ k I à li C0 A20? X20° X20: Isobutyltoluène. Isobutylxylène. Méthylerésol. CH* C'H° Az02/ de CNE GHK Ce ©k /ctH° 1 ca 2€ Xz02 à Chloroisobutyltoluène. Butylhydrindène. (CI peut être remplacé par Br ou I.) Muses dinitrés. CH° CH" A20% 77 AZHE A20%/ NCA cd : Lun C'H\ /CH° AzO? AzO® Aminoisobutyltoluène. (On peut remplacer AzH? par un halogène.) Cyanisobutyltoluène. CHE CHE 47027 \COCH* AzO? no CHA ons CHX CI Az0® 02 Méthylisobutylbenzophénone. Méthylisobutylbenzaldéhyde. Les plus répandus sont le butylxylène et le muse aldéhydique. $ 2. — Mononitrobenzine. La mononitrobenzine (essence de Mirbane) est très employée en savonnerie. II. — ALDÉNYDES. $ 1. — Vanilline. L'aldéhyde le plus répandu est l'aldéhyde métyl- protocatéchique, la valinille : oxyméthoxybenzal- déhyde (4, 3,1). OH (4) CSH° — OCHE (3) NCOH (1) Le premier brevet pour la fabrication de la vanil- line fut pris, en 1874, par le D' Haarmann : il reposait sur l'oxydation de la coniférine. Ce corps, trouvé en 1861 par Hartig dans le cam- bium du Larix europea, puis dans le pin, et ren- contré par Kubel dans toutes les Conifères, jouit de la propriété de donner de la vanilline par oxy- dation. MM.Tiemann et Haarmann découvrirent la vanille artificielle en oxydant ce glucoside par le mélange chromique. Le givre de vanille fut distingué de l'acide ben- zoïque, par Gobley, puis par Carles, qui établit sa formule et ses propriétés; enfin par Tiemann et 15° 620 J. ROUCHÉ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA PARFUMERIE EN FRANCE Haarmann, qui réussirent à le transformer en acitle prolocatéchique par fusion avec la potasse el à le décomposer en aldéhyde protocatéchique et chlorure de méthyle, par l’action de l'acide chlo- rhydrique sous pression à 200°. IS montrèrent, en outre, qu'il entrait pour : 1,86 °/, dans la vanille du Mexique, 2,90 °/, dans la vanille de Bourbon. La structure de la vanilline connue, des procédés plus avantageux de synthèse furent trouvés. Ces procédés sont tellement nombreux que nous nous contenterons de les énumérer en essayant de les ranger par groupes !. On peut préparer la vanil- line : 1° En oxydant un certain nombre de produits naturels ; 2° En réalisant sa synthèse à l'aide des dérivés de la benzine. PREMIER GROUPE. — Oxydation de la coniférine par le bichromate de potasse et l'acide sulfurique (Haarmann, 2 février 1874). Oxydation de l’avénéine (principe de l’avoine) (Sérullas, 1879), de l’olivide, principe de la résine d'olivier (D. Schneïdel, 1885) ; de l’acide férulique, principe de l’'Assa fœltida; du benjoin de Siam, de l'opium, des lessives provenant de la fabrication du papier de bois, etc. Ces méthodes ne sont que des curiosités, est-il utile de le dire ? Oxydation du dérivé acétylé de l'eugénol tiré de l'essence de girofle (De Laire) 1876). On chauffe, au réfrigérant à reflux, molécules égales d’eugé- nol et d’anhydrique acélique ; on oxyde par le per- manganate de potassium, on fillre, sature par la soude, on acidilie et on extrait par l'éther. Mais ce procédé donnant de Lrès faibles rendements, on l’a remplacé par le suivant : Oxydation de l’isoeugénol acétylé (Haarmann el Reimer, De Laire, 1890). On chauffe l’eugénol : ON (ou — CH CH—ICH? OCH* avec une solution saturée de potasse dans l'alcool amylique bouillant au-dessus de 95° et pendant 2% heures on chasse l'alcool par la vapeur d'eau : on précipite le tout par l'acide sulfurique, on lave à l’eau el on distille; on obtient un isomère l'isoeugénol : on DCHS N OH CHIC © Voir, pour plus de détails, la remarquable étude de M. Georges Darzens, Ce corps donne de la vanilline ON aus ie Col lorsqu'on loxyde par le bichromate de potasse et l'acide sulfurique après l'avoir acétylé. Ce procédé offre une importance industrielle considérable, à cause du bas prix de l'essence de girofles et de l'excellent rendement qu'on obtient. Aussi, l'imagination des chimistes s'est-elle donné carrière pour arriver au même résultal par un chemin détourné. On a cherché pour cela : 1° À employer un aulre radical que le groupe acétylé pour bloquer la fonction phénolique, pré- caution sans laquelle, l'oxydation devenant trop active, l’on n'obliendrait que des traces de vanil- line. On à brevelé successivement : L'oxydalion du benzylisoeugénol (Boechringer), 1891); Des dérivés nitrés et sulfonés du phénylisoeu- génol (Lucius et Bruning, 1892 Du méthylène isoeugénol (Périgné, Lesoult et C°, 1893) ; Des éthers phosphoriques et sulfuriques de l'iso- eugénol. Des éthers glycoliques, phénylglycoliques, para- toluiques de l’isoeugénol (Majert, 1894, ete.), etc. 2° On à cherché aussi à modifier le procédé d'oxydation en employant : les bioxydes, tels que le bioxyde de sodium (De Laire), le chlorure de chromyle (Lumière, 1895); l'électrolyse (Kolbe, Otto et Verley, 1895); l'ozone (Otto et Verlev, 1895), etc. . D'après ce dernier procédé, l'eugénol donnerait la vanilline sans qu'il soit utile de bloquer la fonction phénolique. Les corps qui contiennent uni à un noyau benzenique le groupement C'H° sous la forme allylique ou propénylique seraient transformés en aldéhyde par un courant d'air 0z0- nisé. DEUXIÈME GROUPE. — Les différents procédés synthétiques n'ont qu'un intérêt scientifique; ils ne paraissent pas pouvoir lutter indastriellement avec les procédés partant de l’isoeugénol. Deux moyens se présentent : 1° Prendre les corps qui renferment le groupe aldéhydique de la vaailline et introduire dans la molécule les groupes qui y manquent, à condi- tion de les placer dans la position voulue (4,37). On peut choisir entre . L'’aldéhyde benzoïque ; L'aldéhyde para ou méla oxybenzoïque ; L'aldéhyde pyrocatéchique, ete. J. ROUCHÉ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA PARFUMERIE EN FRANCE 627 2 Prendre les corps qui ne renferment pas le groupe aldéhydique et réaliser la synthèse du groupe COU soit par l’action du chloroforme en | présence de la soude, soit par l'acide formique en présence d'un déshydratant, soit enfin à l’aide de chlorure d’éthyloxalyle. Les corps choisis sont alors le gaiacol, l'acide vanillique, la pyrocathéchine, elc., ete. $ 2. — Aldéhyde pipéronylique. Héliotropine : PUR CH24 CH — COH No Ce corps, découvert en 1869 par MM. Fittig et Mielck et J. Remsen, resta dans les laboratoires pendant quelques années. En 1876, MM. Tiemann et Haarmann remarquèrent l’analogie de ce par- fum avec celui de l'héliotrope, et purent extraire de ces fleurs du pipéronal et de la vanilline. On lança alors l'héliotropine dans le commerce. La matière première fut d’abord le pipérin, prin- cipe contenu dans le poivre noir (de 7 à 9°/). On transforme le pipérin en acide pipérique, qu'on oxyde par le permanganate de potasse. Mais le prix élevé du poivre et les droits qu'il supporte ont fait chercher une autre origine. Aujourd'hui on l’obtient par l'oxydation du safrol ou plutôt de l'isosafrol, produit par l'action de la potasse sur le safrol. O— CH° O —— CH* O —— CH? /No/ ANT @) 074 4 (ee Lil A Ne CH — CH = CH* CH = CH —CH* Safrol. Isosafrol. Ne ÜOH Héliotropine. Le safrol existe dans l'essence de sassafras (Gri- maux et Ruotte) et en plus grande quantité dans l'huile de camphre. | $ 3. — Aldéhyde anisique. Aubépine : COH / NX cH| | NS OCH* Il est préparé par l'oxydation de l'anéthol, prin- cipe des essences d’anis, fenouil, estragon. On l'oxyde : soit par l'acide azotique très affaibli (Ca- hours); soit par un mélange de bi-chromate de potasse et d'acide sulfurique (Stadler); soit en chauffant un mélange d'aldéhyde paraoxybenzoi- que, d'iodure de métyle et de potasse dissoute dans l'alcool méthylique (Tiemann etHeyfeld). Cet aldéhyde paraoxybenzoique est un produit secon- daire de la fabrication de l’aldéhyde salicylique, lequel se produit en quantité par la synthèse de la coumarine. Il se trouve dans le commerce sous deux formes : liquide, c'est alors l'aldéhyde anisique lui-même ; solide, c’est la combinaison bisulfitique. $ 4. — Coumarine. (e) C‘H* Co C°H°/ Anhydride du dérivé acétylé de l’anhydride sali- cylique. Découverte dans les fèves Tonka par Bou- tron et Boullay, en 1825 ; rencontrée dans un très grand nombre de végétaux, faham, mélilot, aspé- rules, légumineuses, fruits, racines, etc. En 1867, Perkin en fitla synthèse, en faisantréagir l'anhydride acétique sur l'aldéhyde salicylique sodé et dédoublant l’aldéhyde acétosalicylique, en acide acétique et coumarine. Elle fut perfectionnée par Tiemann et Herzfeld. Cette production synthétique a été détrônée par l'extraction de la coumarine des produits naturels, notamment d’une Synanthérée abondante dans le Sud des États-Unis d'Amérique : la Liatris odoratis- sima; les feuilles sont aussi riches que la fève Tonka en coumarine et ne contiennent que peu de matières grasses, ce qui rend la purification très facile. $ 5. — Aldéhydes divers. Parmi les aldéhydes il convient de citer encore : L'aldéhyde cinnamique, essence de cannelle ; L'aldéhyde phényl-acélique, parfum de jacinthe ; L'aldédyde salicylique, Reine des Prés ; L'aldéhyde benzoique, essence d'amandes amères:; Le citral, obtenu par le traitement de l'essence de citronnelle pour la fabrication du géraniol et produit de l'oxydation des alcools terpéniques. II]. — CÉTONES. Tonone, Irone : C'*H?°0. — La découverte de ces cétones date de 1894. MM. Tiemann et Kruger, s'appuyant sur l'odeur de violette que donnent les rhizomes d'iris, après de longues études, réussirent à en extraire le parfum. En prenant un extrait éthéré de ces racines, le débarrassant des éthers, des acides libres, des aldéhydes, puis traitant par la phénylhydrazine, ils trouvèrent l'irone; ils en firent la synthèse. Par la condensation du citral avec l’acétone or- dinaire, en présence des alcalis, ils obtinrent la pseudoionone qui, soumise à l'action des acides dilués, se convertit en ionone ayant l'odeur exacte de la violette, surtout à l'état de dilution. 628 J. ROUCHÉ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA PARFUMERIE EN FRANCE Ces travaux remarquables sont trop récents pour | tielle, d'abord saponifiée, puis étendue de benzine, que nous jugions utile de les exposer avec détail. | par lanhydride succinique. Comme pour les muses artificiels, on a breveté des cétones depuis les produits homologues obte- | Alcool cinnamylique. — Odeur de jacinthe. nus en remplaçant l’acétone par les homologues | de l’acétone, méthyléthylacétone, ete., et les ho- e mologues du citral : citronnellal, etc. Nous citerons : Comme autres célones, nous ne signalerons que Les éthers de la série grasse qui donnent des la méthyl-phényl-cétone (hyÿpnal) qui à une odeur | essences de fruits : de fleurs d'oranger, mais qui est peu employée. :. L'acélate de linaloo!, qui forme la plus grande partie des essences de lavande, bergamotte ; Le cinnamale de méthyle et d'éthyle, à odeur de IV°"ArCOOLS: fraise écrasée ; l'erpinéol (lilas) : CNHO. — Bien qu'il existe | Les salicylates de méthyle, d'éthyle, essence de dans plusieurs essences naturelles, notamment le | Wintergreen artilicielle ; cajeput, le terpinéol du commerce est toujours | Le naphtolate de méthyle, où néroline, d'éthyle ou Yara Yara; Les benzoates d'éthyle el de méthyle, essence de Niobé très employés pour la « peau d'Espagne », etc. produit synthétiquement. On l’obtient par la déshydratation de la terpine ou l’hydratation de l'essence de térébenthine. Il a un emploi très important en parfumerie, no- tamment en savonnerie, à cause de sa stabilité en Tels sont les corps chimiques odorants employés présence des alcalis et de sa grande solubilité. | en parfumerie, et dont l'usage est constant. Nous ne parlerons ni de ceux dont l'emploi est insigni- Alcools terpéniques. — Ces alcools de la formule | fiant, ni des mélanges que le commerce livre, CH !#0 ou C!H?°0 ont été isolés des huiles essén- | décorés de noms pompeux. tielles dont ils forment la grande partie. Ils tirent | Tous ces parfums artificiels sont d’une violence leurs noms des essences mêmes : : extrème, d'une grande stabilité, mais généralement Le linalool, du linaloé ; : très durs et sans suavité. Ils gardent l'odeur du Le coriandrol, du coriandre ; |! laboraloire comme les essences celle de l'alambic. L’eucalyptol, de l’eucalyptus, etc. | Si parfois ils reproduisent le parfum exact de la Les huiles de Pelargonium et l'essence des roses | fleur (surtout dans des conditions spéciales d'oxy- ont donné deux alcools : l’un le géraniol CHŸO | dalion), ils sontloin d’alteindrele fleuri des produits el l’autre C°H°0, appelé rhodinol par MM. Barbier | naturels; ils ne peuvent être utilisés que dans les et Bouvault, réuniol par MM. Hesse et Maschold, | mélanges. Nous verrons dans un prochain article et citronnellol par MM. Tiemann et Schmidt. | l'emploi qu'en sait faire l'art du parfumeur. M. Haller a donné un procédé général de prépa- ration très remarquable. On traite l'huile essen- 3. Roughé. BIBLIOGRAPHIE -- ANALYSES 629 ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques Grassmann (Hermann). —Gesammelte mathema- tische und physikalische Werke, herausgegeben von Friedrich Engel, 1°" volume, 2° parlie: Die Ausdehnungslehre von 1862, in Gemeinschaft mit Hermann Grassmann dem Jüngeren. — 1 wol. in-8° de 510 pages. (Prix : 15 fr.) B. G. Teubner, édi- teur. Leipzig, 1897: En rendant compte de la première partie du tome I des OEuvres de Grassmann, nous avons indiqué à grands traits (Revue, 1895, p. 699) la nature des tra- vaux du savant philosophe allemand. La deuxième partie est consacrée à l'Ausdehnungslehre de 1861. Dans cet ouvrage, Grassmann expose sa théorie sur une base nouvelle et sous une forme moins abstraite. Son exposé est suivi de notes complémentaires (100 pages) dans lesquelles MM. Fr. Engel et Herm. Grassmann le jeune éclaircissent certains passages difficiles el quelques points signalés comme obscurs. On y trouve notamment quelques développements des applications géométriques de la science extensive. A remarquer, en outre, une note de M. Engel dans laquelle ce der- nier traduit en langage ordiuaire de l'analyse les re- cherches de Grassmann sur le problème de Pfaff, Grâce à cet appendice, les travaux du savant profes- seur de Stetlin sont aujourd'hui d’une lecture facile et donneront certainement lieu à un grand nombre de recherches dans les domaines les plus divers. E. Feur, Privat-docent à l'Université de Genève. Kænigs (G.), Professeur à la Faculté des Sciences de Paris. — Leçons de Cinématique, professées à la Sorbonne, avec des notes par MM. G. Darsoux et E. et F. CosseraT; Cinématique théorique. — 1 vo/. gr. in-8°, 499 pages. A. Hermann, éditeur. Paris, 1897. S'il est vrai de dire que, pour bien parler d’un sujet, il faut avoir pour ce sujet une prédilection spéciale, nul n'était mieux en situation que M. Kænigs pour nous donner un livre, et un excellent livre, sur la Cinéma- tique, Bieu qu'il ait marqué sa place comme mathéma- ticien dans d’autres branches de la Science, on s'aperçoit qu'il a toujours été attiré plus particulièrement par l'étude de la Cinématique; en outre, depuis quelques années, il a professé un cours sur cette matière soit à l'Ecole Normale, soit à la Faculté des Sciences de Paris, et c’est ce cours, comme il nous l’apprend, que repré- sente aujourd'hui son livre, dans lequel il à introduit, en outre, un certain nombre de développements. Le danger, si c'en est un, auquel soit exposé un auteur ayant une connaissance aussi vaste et aussi pro- fonde de la science qu'il traite, c’est de se laisser aller à donner à son œuvre, par une pente toute naturelle, une étendue dépassant les limites qu'il s'était primiti- vement assignées. À ce péril, ainsi qu'il le confesee dans sa Préface, M. Kœnigs n’a pas complètement échappé; résolu tout d'abord à réunir dans un seul volume la Cinématique théorique et la Cinématique appliquée, il s’est vu dans l'obligation de renvoyer à un second volume cette dernière partie, Les lecteurs désireux de connaitre un exposé complet et magistral de la Cinématique ne s’en plaindront pas, puisque c’est simplement un appel provisoire fait à leur patience. Quant aux étrdiants, ils trouveront sans doute dans le volume actuel plus qu'il ne leur est nécessaire; mais, encore une fois, c'est un excès de richesse, et il ne faut pas le déplorer. Dans celte magistrale étude de la Science du mouve- ment indépendamment des causes qui le produisent, l’auteur, s'inspirant de principes qui devraient être ceux de tous les savants, n’a employé ni la Géométrie, ni l'Analyse d'une facon systématique et exclusive. Suivant la nature des questions, et la clarté que peut jeter sur le sujet la nature des moyens employés, il se sert tantôt des méthodes analytiques, lantôt des mé- thodes géométriques, tantôt d'une heureuse association des unes et des autres. Son ouvrage débute par une théorie préliminaire des segments, qui est d'autant plus précieuse qu'on en trouvera l'application constante dans toute la suite. Puis viennent, dans une série de chapitres, les matières ordinaires, classiques, de la Cinématique, traitées avec un soin remarquable : mouvement d'un point, vitesses, accélérations, mouvements relatifs: l'étude du mouve- ment d'un corps solide en général est accompagnée.de considérations sur les complexes linéaires, qui jettent sur ce sujet une lumière toute nouvelle; le mouvement d'une figure plane dans son plan, celui d'un solide autour d’un point fixe, et le mouvement continu le plus général d'un solide, complètent ce que nous pour- rions appeler la partie élémentaire (bien que fort élevée comme idée et comme exposilion) des Leçons de M. Kœnigs. Mais c'est surtout dans les derniers chapitres qu'il à apporté des éléments nouveaux, où se révèle la marque d'un esprit original et puissant. Dans son étude sur les degrés de liberté d'un système mobile, et sur les mouvements à plusieurs paramètres, il rattache la question aux remarquables travaux géométriques de MM. Mannheim, Schômmann el de Ribaucour, montre quel rôle y joue la théorie des congruences linéaires, se sert habilement de l'Analyse, et complète cet exposé par un examen rapide des mou- vements à trois paramètres. Un chapitre est ensuite consacré aux systèmes arti- culés, dont M. Kænigs fait ressortir le véritable carac- tère, en disant que leur mérite consiste moins à tracer telles ou telles lignes qu'à réaliser des transformations de figures. On trouverait difficilement ailleurs une monographie mieux présentée et plus complète d’une question à laquelle l’auteur a, du reste, apporté une contribution importante, soil par la réalisation d'appa- reils nouveaux, soit par d'importantes considérations théoriques, parmi lesquelles nous ne voulons retenir ici que ces deux remarquables théorèmes : « Toute surface algébrique (ou toute courbe algébrique) peut être décrite par le moyen d'un système articulé. » Enfin, le dernier chapitre, le déplacement comme cas particulier d'homographie, constituerait à lui seul, s'il était isolé, un très intéressant mémoire de Géo- métrie. De nombreuses notes de M. Kænigs (il y en a 11) complètent l'ouvrage si intéressant dont nous avons essayé de donner une idée générale; on y trouve des indications sur les coordonnées tétraédrales, les com- plexes linéaires, le travail virtuel, les volumes engendrés par un contour, les centres de courbure, les accélé- rations, la théorie de la vis, le cylindroïde, les repré- seutations graphiques. Mais c’est surtout à deux de ces notes que nous voudrions nous arrèler un instant. L'une est relative à la théorie de Grassmann sur l'étendue fiqurée. Nous n’y pouvons reprendre qu'une excessive brièveté, car M. Kœnigs a si bien et complètement saisi la portée de cette remarquable méthode, qu'il nous donne des regrets en ne nous en parlant pas d’une facon un peu plus complète. Ces regrets sont d'autant plus justifiés que nulle part en France on ne pourrait trouver un 630 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX exposé un peu complet d’une doctrine aussi intéres- sante par sa portée philosophique que par les appli- cations auxquelles elle se prête d’une façon si heureuse. L'autre note a pour titre « Sur la composition des rota- tions et les quaternions ». J'y vois, ce que je savais d’ailleurs, que M. Kænigs n'est pas de ceux qui pros- crivent à l'avance les théories, parce qu’elles ne semblent pas à la mode; je lui en sais d'autant plus de gré qu'ayan( travaillé très modestement moi-même à essayer de faire connaître en France la méthode des quater- nions, c’est une véritable satisfaction personnelle de voir au bout d'un certain nombre d'années mes efforts dans ce sens recevoir une sorte de sanction. L'exposé très judicieux et très intéressant de M. Kœnigs, ratta- chant les quaternions à la composition des rotations, montrera à la fois la nature de cette théorie, la portée des applications possibles, et contribuera à la faire sortir d'un délaissement immérité. Le volume des Leçons de Cinématique est illustré d'une note de M. F. Cosserat, et de quelques autres de M. Darboux, dont l’une, sur les mouvements algébriques, est un véritable mémoire sur la question, comprenant une quarantaine de pages, et que tous les mathéma- ticiens liront avec un grand intérêt. Il ne nous reste plus à exprimer qu'un désir : c'est que le nouveau volume de M. Kænigs, la Cinématique appliquée ne se fasse pas trop longtemps attendre. A en juger par tous les éléments nouveaux que contient le volume dont nous venons de rendre compte, nous serions étonné si tant de vues originales ne devaient pas donner d’utiles et brillants résultats, même au point de vue purement pratique, en ce qui concerne PArt de l'Iugénieur, quand on viendra les transporter dans le domaine des applications. C. A. LAISANT, Docteur ès sciences. 2° Sciences physiques AWitz (Aimé), Docteur ès sciences, Ingénieur des Arts et Manufactures, Professeur aux Facultés catholiques de Lille. — Cours supérieur de manipulations de Physique (2° édition). — 1 volume in-8° de 472 pages avec 138 fig. (Priæ : 10 fr.). Gauthier- Villars et fils, éditeurs. Paris, 1897. Le Cours de Manipulations publié en 1883 par M. Witz (en un volume), a été revu par l'auteur et considérable- ment augmenté; il forme aujourd'hui deux volumes. Le premier, qui contient l'ensemble des questions pouvant être traitées d’une facon relativement élémentaire est destiné aux élèves des cours préparatoires aux grandes écoles et aux candidats au certificat du P. C. N. Le se- cond, intitulé Cours supérieur, s'adresse aux élèves des Facultés et aux candidats à la licence. Le premier volume a paru l’année dernière, j'en ai donné ici même une analyse. On y retrouve la méthode, la lucidité et la précision qui avaient fait le succès de la première édition. Les mêmes qualités se retrouvent encore dans le Cours supérieur, on sent à la lecture que tout ce qui y est décrit a été enseigné et exécuté, el qu'on peut suivre avec confiance foules les indications du manuel opératoire. Pour le choix des calculs numériques d'expériences, l'auteur à puisé directement dans les mémoires origi- naux, il à pensé avec raison qu'au lieu d'emprunter arbitrairement ces exemples à des carnets de labora- toire, il est préférable de mettre les élèves en contact direct avec les créateurs des méthodes, et de leur four- nir les données mêmes qui sont pour ainsi dire les bases de la science. Un coup d'œil jeté sur la table des matières justifie ce ue l’auteur dit dans sa préface: « Un traité de Phy- sique doit faire connaître tous les procédés pour les discuter; un cours de manipulations peut, au contraire, se contenter de n’en appliquer qu'un seul, celui qui parait le meilleur: c'est la règle que nous nous sommes imposée. » Cette règle est d'autant plus sage que, même en limitant ainsi le programme du cours élémentaire et du cours supérieur, M. Wilz arrive à un {otal de cent onze exercices; comme il serait difficile de trouver pendant la durée des études le temps nécessaire à un plus grand nombre de manipulations, il paraît, en effet, inutile de ‘développer davantage l'importance du cours pratique de Physique. Les manipulations relatives à la chaleur sont au nombre de trente dans le cours supérieur (indépendam- ment de celles qui font partie du cours élémentaire) ; nous y retrouvons les grandes déterminations de Regnault qui sont comme la base de l'étude des phéno- mènes calorifiques, celles de Laprovostaye et Desains relatives au rayonnement, les opérations calorimé- triques d'après les meilleurs maïtres. M. Wifz y a ajouté des exercices relatifs à l’état critique et une excellente mesure de l'équivalent mécanique de Puluj. Les exercices relatifs à l'Electricité sont nombreux et variés, c'est la partie la plus neuve de cette réédition. Aux exercices sur les cinq grandeurs considérées en électricité qu'on effectue couramment dans tous les laboratoires, M. Witz a ajouté la détermination de lé- quivalent électrolytique de MM. Potier et Pellat, la mesure des capacités de polarisation de M. Blondlot, la mesure de la self-inducetion et de la mutuelle-inductiop, la détermination du V de Maxwell, l’inscription des courants alternatifs, l'étude d'un alternateur et d’une dynamo, etc. Ce chapitre présente un grand intérêt pour les électriciens, tant pour ceux qui s'occupent de théo- rie que pour les praticiens. L'Optique physique fait l'objet de dix-huit manipula- tions embrassant l’ensemble de la théorie des ondes; quelques-unes sont consacrées aux propriétés optiques biréfringentes des cristaux. L'Acoustique, quoique moins développée, contient cependant les exercices essentiels : on y trouvera la mesure de la vitesse du son d'après Kundt, celles des longueurs d'ondes d’après Kænig. En résumé, l’ensemble des Cours de Manipulations de M. Witz ne sera pas seulement utile aux candidats aux- quels il est surtout destiné, il sera consulté avec fruit par toutes les personnes qui s'occupent sérieusement de Physique. Ainsi que je l’ai déjà dit en analysant le premier volume, c'est Tœuvre d’un habile professeur et d'un physicien rompu aux difficultés de l'expérimenta- tion ; le succès qui lui est réservé est, du reste, garanti d'avance par celui de la première édition. Il serait superflu de parler de l'exécution typogra- phique de l'ouvrage : il suffit de rappeler qu'il est édité par M. Gauthier-Villars. E.-H. AmaGar, Correspondant de l'Institut, Examinateur d'admission à l'Ecole Polytechnique. Truchot (P.), Ingénieur Chiniste. — L’Ammoniaque, ses nouveaux procédés de fabrication et ses appli- cations. — Un vol. in-16 de 368 puges avec 32 fig. (Prix : 6 fr.) Bibliothèque des Actualités industrielles. Bernard Tignol, éditeur. Paris, 1897. L'auteur, après avoir donné les propriétés physiques et chimiques de l'ammoniaque el des principaux sels ammoniacaux, passe en revue les différents procédés de fabrication de l’ammoniaque: au moyen de la houille (dans l'industrie du gaz d'éclairage, dans la préparation du coke, el dans les gaz des hauts four- néaux et gazogènes), au moyen des eaux vannes el des autres matières organiques azotces. Il indique les méthodes proposées pour obtenir l'ammoniaque comme sous-produit dans la fabrication du sucre de belte= raves, et pendant la carbonisation de la tourbe, ainsi que les nombreuses tentatives faites pour lobtention de ce corps à l’aide de l'azote atmosphérique, du nitrate de soude et des cyanures. Déux chapitres sont consacrés au travail des eaux ammoniacales, à la description des différents appa- reils de distillation employés dans cette industrie, ainsi qu'à la fabrication de lammoniaque liquide et des sels ammoniacaux. Dans le chapitre suivant, l'au- BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX G31 leur traite de Fanalyse de lammoniaque, puis du dosage de l'azote dans les houilles et les engrais. Enfin le volume se lermine par une descriplion des applications industrielles de lammoniaque et des sels ammoniacaux. Suivent la liste des principaux brevets concernant l'ammoniaque et ses sels depuis 1878 et les références bibliographiques se rapportant aux mêmes produits. Ce livre, comme le dit l'auteur, s'adresse plus par- ticulièrement aux directeurs d'usines à gaz el aux personnes s'oceupant d'industries utilisant lammo- niaque et ses dérivés. E. U. 3° Sciences naturelles Brenosa (Rafael), Ingénieur en chef des Mines du royaume d'Espayne: — Introducciôn al estudio de la cristalografia ôptica.— 1 vol. in-4° de xvi-326 pages. E. Teodoro, éditeur. Madrid, 1897. Très bon exposé didactique, bien au courant des progrès de la science, des propriétés optiques générales des cristaux ; ce livre comprend trois chapitres : notions préliminaires d'optique, étude des plaques cristallines en lumière polarisée, parallèle et convergente, cou- leurs des substances cristallisées, avec un appendice comprennant notamment l'étude analytique complète de la double réfraction. Quoiqu'il soit écrit en langue agnole, il pourra rendre des services aux candidats à la licence et au doctorat ès sciences physiques. Léon BourGEo!s, Répétiteur à l'École Polytechnique. Fockeu (H.), Chef des Travaux pratiques à la Facullé de Médecine de Paris. — Recherches anatomiques sur les Galles. — Etude de quelques Diptérocécidies et Acarocécidies. (fhèse pour le Doctorat de la Facuité des Sciences de Lille.) — 1 brochure de 162 pages avec 12 planches. Imprimerie Le Bigot. Lille, 1897. Nous avons analysé, il y a quelques mois, un travail de M. Molliard sur les Cécidies florales. M. Fockeu poursuit, de son côté, les recherches qu'il a entre- prises, il y a dix ans, sur les associations symbiatiques entre les végétaux et les insectes. Le travail qu'il vient de publier est consacré à l'examen approfondi des Cécidies produites par quelques Diptères et Acariens sur les feuilles du Hêtre, de l'Aulne, des Saules et des Erables. Dans tous les cas examinés, la galle est déterminée par une réaction des tissus de la feuille contre l'action des insectes. La feuille se défend contre l'insecte en produisant un tissu hypertrophié qui tend à l’englo- ber, mais l'insecte y trouve un abri. Le développement de la galle et celui de l'insecte sont corrélatifs. La pre- mière ne se développe pas, s'il s’agit d'un Diptère, avant l'éclosion de la larve, et la Cécidie grandit avec elle. Tout arrêt de développement chez l'un des asso- ciés entraine aussitôt une perturbation dans l'évolution de l'autre. S'il s'agit d'Acariens, la possibilité qu'ils con- servent de se déplacer entraine des phénomènes de réaction en différents points de la feuille. La forme de la Cécidie est variable dans ce cas; mais les premiers phénomènes de réaction sont loujours en rapport avec la position de l'animal à la surface de la feuille. L'action de l'animal se manifeste invariablement, au début, par la décoloration locale de la feuille et l'aug- mentation de la réserve amylacée ; puis des transfor- mations histologiques se produisent, d'abord dans les tissus en contact immédiat avec l'insecte, puis, gra- duellement, dans les tissus plus éloignés. Les tissus de la galle proviennent soit de l'augmentation individuelle des tissus foliaires, soit du cloisonnement d'une zone génératrice de nouvelle formation. Dans le premier cas seulement, on y retrouve plus ou moins modifiés les tissus normaux de la feuille: tous les tissus, sans en excepter les faisceaux libéro-ligneux, subissent des modifications. Les faisceaux conservent leur orienta- tion normale dans la galle, alors même qu'ils sont for- més aux dépens de la zone génératrice nouvelle, Le mémoire de M. Fockeu est accompagné d'excel- lentes figures qui en facilitent la lecture. C'est encore une étude de détail, mais particulièrement documen- tée et attentive ; nous espérons qu'elle annonce pour l'avenir un travail d'ensemble de l'auteur sur ce sujel. Cu. FLAHAULT, Professeur de Botanique à l'Université de Montpellier. Loisel (D Gustave), Préparateur à la Facullé «des Sciences de Paris. — Formation et évolution des éléments du Tissu élastique. (Thèse de Doctorat de la Faculté des Sciences de Paris.) — 1 brochure in-S° de 72 pages avec 3 planches. F. Alcan, éditeur, 108, bou- levard Saint-Germain. Paris, 1897. Quoique de bonne source, le travail que M. Loisel à présenté comme thèse de doctorat ès sciences, nous semble passible de graves critiques. On y retrouve bien certaines qualités, très appréciables, du labora- toire où il a été accompli : l'obligation que lon s'y impose d'examiner un matériel d'étude abondant, de passer en revue des séries suivies d'embryons de divers âges ; l'esprit de critique qui y règne; linter- prétation judicieuse née de la comparaison des aspects obtenus par les auteurs et la dissection méthodique de leurs théories; la connaissance très complète de la bibliographie étrangère afférente à la question. Ces qualités, plutôt d'emprunt que personnelles, semble-t-il, ne sauraient empêcher le critique de rele- ver dans le mémoire de M. Loisel les imperfections que nous devons signaler. C'est d'abord une technique sans doute défectueuse, à en juger par les figures, dont aucune ne précise nettement le point à établir, et qui presque toutes sont susceptibles d'une interprétation multiple. Quant à cette technique, on donne d'ailleurs des assertions étranges, comme celle-ci : le montage au baume du Canada rataline les cellules malgré les meilleurs fixatifs, et fait disparaître en partie la struc- ture du protoplasma, — assertion qui n'est explicable que si l'auteur méconnait les admirables résultats obtenus au sujet de la structure intime du protoplasma sur des cellules incluses dans le baume, ou que si les « meilleurs fixatifs » employés par lui ne valaient cependant encore rien. Il est singulier de voir (p. # l'auteur faire fi de «toutes ces données de la Chimie moderne », dont il aurait dù au contraire tirer profil ; nous croyons, en effet, qu'ici plus que partout ailleurs, l'histochimie est nécessaire pour l'appréciation de la qualité des substances intercellulaires, qui diffèrent chimiquement beaucoup et dont les dissemblances chimiques nous montrent, ampliliées et précisées, les différences insaisissables qui séparent les cellules for- matives mêmes. Dans la description des faits, c'est, malgré une division nette en stades successifs, la con- fusion et jusqu'à l'obscurité à l’intérieur de ces divers stades, comme si tous les aspects jetés pêle-mêle avaient ensuite été tirés au hasard et utilisés d’une facon quelconque pour la description (par exemple p. 2#). Les contradictions, quand elles portent surtout sur le point capital d'un travail, sont encore un défaut plus sérieux, comme par exemple cette conclusion (p. 61): « IL est probable que le moindre apport d'oxygène es un des facteurs qui amènent une (transformation cor- plète de certaines cellules en substance élastique, comme cela a lieu pour les élastoblastes », et celte déclaration à propos des mêmes élastoblastes (p. 26) : « Nous pensons que ce sont là des cellules qui se changent en fibres élastiques par une transformation directe de leur substance... mais nous ne pouvons l'affivmer, car nous n'avons jamais pu trouver les stades intermédiaires entre ces derniers aspects el les fibres élastiques complètement formées. » Pour ne pas multiplier les critiques, voici les prin- cipales conclusions de ce travail: 1° Les ligaments élastiques sont primitivement for- 632 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX més de cellules nues accolées les unes aux autres, formant ainsi des masses plasmodiales coutinues, sans territoire cellulaire distinet ; 20 Des élaborations particulières se produisent de place en place, transforment ces masses plasmodiales en cellules étoilées à longs prolongements anasto- mosés, que nous nommerons élaslogènes, el en cellules fusiformes à prolongements indivis, que nous nomme- rons élastoblastes ; 3° Les cellules élastogènes forment des fibrilles aux dépens de leurs prolongements et de leur périphérie, puis elles s'isolent sous forme d'un fuseau protoplas- mique contenu dans un manchon fibrillaire réliculé, A cet état, elles ont une grande ressemblance avec les élastoblastes ; 4° La plupart de ces fibrilles, une fois isolées des cellules qui leur ont donné naissance, deviennent gra- nuleuses et acquièrent peu à peu les caractères des fibrilles et des grains élastiques. Un certain nombre de fibrilles restent à l’état d'éléments conjonctifs [éléments conjonctifs ?] ; 5° D’autres grains élastiques proviennent de portions de protoplasma détachées ; 6° L'atrophie progressive des vaisseaux dans les orga- nes élastiques est corrélative de la production d'élastine; T La production de l’élastine est donc due à des phénomènes de dégénérescence sur la nature chimique desquels nous n'avons pas de données [?| mais dont les conditions physiques sont les suivantes: a) Isolement du corps cellulaire au milieu d'un manchon fibrillaire d'origine protoplasmique ; b) Effritement de prolonge- ments cellulaires; c) Asphyxie progressive des organes élastiques ; 8° L'accroissement des fibres élastiques se fait d’abord par les grains, puis par la transformation en substance élastique des éléments conjonctifs qui persistent jus- qu'à l’état adulte entre les fibres élastiques ; 9° Le développement des éléments élastiques, dans les cartilages véticulés, se fait de Ja même facon que dans les ligaments. Ce qui caractérise surtout le déve- loppement des cartilages réticulés, c’est la très grande production de grains d’élastine qui concourent directe- ment, ici, à la formation des fibres élastiques. Ces grains se forment sur le trajet des prolongements cellu- laires et se trouvent plongés ainsi dans la substance cartilagineuse ou bien ils envahissent entièrement cer- taines cellules (les Faserkugeln de Gerlach), qui sont comparables aux élastoblastes des ligaments élastiques ; 10° Les substances dites fondamentales ont leur ori- gine dans des élaborations qui se font, dès le début de l’âge embryonnaire, au sein de masses plasmodiales. Elles s’accroissent ensuite aux dépens de portions de protoplasma détachées du corps cellulaire ; 11° Dans certains cas, les phénomènes d’effritement cellulaire (clasmatose de Ranvier) sont des phénomènes de sécrétion servant à former ou à accroître les substan- ces dites fondamentales. Ces conclusions se présentent bien et forment un ensemble imposant et un faisceau compact de faits: couronnement obligé d'un travail qui devait avoir l'im- portance d'une thèse de doctorat ès sciences. Les yeux fermés sur la description des faits, qui n’est pas pro- porlionnée à l'importance des con:lusions auxquelles elle sert de base, nous souscrivons volontiers à ces conclusions; nous acceptons notamment la principale d'entre elles, disposé à considérer avec l’auteur les substances intercelluleires et particulièrement élasti- ques commedes différenciations directes du protoplasma cellulaire. Mais cette notion générale, que déjà aupa- ravant nous avions empruntée à Max Schultze, à Schwalbe et à bien d’autres, n'était pour nous, qui n'avons jamais étudié spécialement cette question, qu'une affaire de sentiment, et demeurera telle après lecture du travail de M. Loisel; car sa description n'est pas de nature à transformer ce sentiment en une con- viction scientifique. A. PRENANT, Professeur d'Histologie à l'Université de Nancy. 4 Sciences médicales Galtier-Boissière (D'). — L'Enseignement de l’Anti-alcoolisme. Hygiène. Législation française et étrangère. — 1 wol. in-12 de 168 pages avec 44 figures. Armand Colin, éditeur, 5, rue de Mézières. Paris, 1897. Voici un petit livre bien intéressant. On y retrouve le sens pédagogique dont l’auteur à déjà fait preuve dans ses Notions élémentaires d'Hygiène pratique analysées ici même, L'ouvrage est écrit pour les écoles, surtout les petites écoles, et, — puisse-t-il l'atteindre!— le popu- laire. Si les ouvriers francais, qu'hypnotisentle journal et le roman-feuilleton, lisaient de vrais livres, celui-là leur rendrait un éminent service. Il est écrit et illustré pour leur plaire, parlant aux yeux en même temps qu'à l'esprit. À ce point de vue, l'œuvre semble très réussie et mérite d'autant plus l'éloge qu'elle instruira aussi quantité de Francais, pourtant cultivés, mais qui n'ont sur l'alcool et l'alcoolisme que des notions bien vagues et souvent erronées. La question de l'alcool, qui préoccupe tant de gens en France, est assurément l’une de celles que le public francais, disons même le monde médical et le Parle- ment francais connaissent le moins, et tel de nos représentants qui la discute à la Chambre ferait sage- ment d'apprendre auparavant l'ABC de la Chimie. N'entend-on pas, tous les jours, des orateurs en alcool exprimer naivement cet article de foi que l'alcool de vin est spécial au vin, et reprocher à l'alcool éthylique, extrait de la fermentation des grains, de différer de l'alcool de vin! Ouvrez les feuilles quotidiennes, lisez les discussions à la Chambre, et en substance yous y trouverez ceci : 1e L'alcool (éthylique) extrait du vin est un honnète alcool, un nectar bienfaisant; 2 L'alcool (éthylique) extrait de la fermentation des grains et purifié est un alcool malhonnèête, une sorte d'imitation, un effronté qui, sous le masque apparent de l'alcool, cache, en réalité, un poison terrible. Quand, récemment, M. Riche a essayé — pourtant dans un milieu scientifique — de mettre un peu d'ordre et de clarté dans ce dévergondage, il a, malgré sa haute autorité, à peu près prêché dans le désert. Je regrette de ne point trouver l'exposé de sa péné- trante critique dans le livre de M. Galtier-Boissière, et d'apercevoir dans ce petit ouvrage, pourtant si soigneu- sement écrit, la trace des préjugés courants relatifs au degré de pureté des alcools d'industrie vendus pour la consommation sous forme et sous nom d’eaux-de-vie. Mais ce que je voudrais signaler dans ce petit traité, c’est moins le détail, considéré du point de vue scien- tifique, que la forme adoptée pour enseigner à un lec- teur de culture moyenne (disons tout le grand publie) ce qu'est le fléau de l'alcoolisme, d'où il vient et comment on peut le combattre. Louis OLIVIER. 5° Sciences diverses La Grande Encyclopédie, Inventaire raisonné des Sciences, des Lettres et des Arts, paraissant par livrai- sons de 48 pages grand in-8° colombier, avec nom breuses figures intercalées dans le texte et plunches en couleurs. 564° et 565° livraisons. (Prix de chaque livrai- son, 1 fr.) À. Lamirault et Ci, 61, rue de Rennes, Paris. Dans les 564 et 565 livraisons, on lira avec intérêt les articles sur la Mer, rédigés pour la partie géogra- phique par M. L. Marchand, au point de vue du droit intérnational par M. Lebr, pour la flore par le D' Hahn, et pour la faune par le D' Trouessart; sur Mercure, rédigés par M. Hild pour la mythologie, M. Barré pour l'astronomie, M. Matignon pour la Chimie, et le D' Lan- slois pour la thérapeutique et la toxicologie; sur la Mémoire par M. R. Bérthelot; sur les Méningites par le Dr Potel. On y trouvera aussi la biographie de Menélick par M M. Maindron; une élude de la Mendicilé par M. Paulian. i ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 633 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L’ ACADÉMIE DES SCIENCES DE Séance du 28 Juin 1897. M. le Président annonce le décès de M.P. berger, membre dans la Section de Chimie, M. A. de Lapparent est élu membre dans la Section de Minéralogie. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. Guillaume com- unique ses observations du Soleil faites à l'Observa- toire de Lyon pendant le premier trimestre de 1897. Les groupes de taches ont diminué en nombre, mais plus que doublé en surface. — M. Emile Picard étudie les conditions d'intégration de l'équation Au—F (+, y, u); il montre qu'il n'y à qu'une seule intégrale de l'équa- lion, même dans le cas où F s’annule. — M. Emile Picard établit le {héorème fondamental sur les fonc- lions uniformes quadruplement périodiques de deux variables par la considération des intégrales multiples. — M. J. Boussinesq donne l'expression des parties tournantes des composantes transversales de la vitesse dans un écoulement permanent graduellement varié, — M. J. Hadamard fait la discussion complète des lignes uéodésiques des surfaces à courbures opposées, et montre que les résultats dépendent essentiellement du nombre des nappes infinies ou, plus exactement, de l'ordre de connexion de la surface. — M. J.-A. Miller donne l’énuméralion des groupes primitifs dont le degré est inférieur à 17. — M. E. Le Roy indique un moyen de déterminer les intégrales de certaines équa- tious aux dérivées partielles non linéaires par leurs valeurs sur une surface fermée. — M. Lheureux adresse une note relative au mouvement d'une circonférence qui roule sur un plan. — M. G.-A. Faurie montre que les formules faisant connaître à chaque instant l'écrouis- ‘sage et la charge des métaux soumis à des déforma- tions, et qu'il à antérieurement établies expérimentale- ment, peuvent être démontrées par des considérations a priori. 20 SGlENCES PHYSIQUES. — M. André Broca étudie l'influence de l'intensité sur la hauteur du son ; il montre que, quand l'intensité du son décroit, le son monte, quoique la période vibratoire reste la même, —M.Ch.- Ed. Guillaume étudie, par la méthode d'arrachement, la susceptibilité magnétique des aciers au nickel. Ceux-ci se divisent en deux classes, les uns irréversibles (alliages contenant de 0 à 25 °/, de nickel), les autres réver- sibles {alliages à teneur plus élevée), L'auteur indique les lois des changements permanents que subissent ces alliages. — M. A. Forel donne quelques renseignements sur une grêle tombée à Morges le 2 juin. Les grélons élaient partie ulièrement gros et produisaient dans les vitres épaisses des trous à bords mousses. Pendant la tombée de la grêle, les éclairs se succédaient sans interruption, mais sans éclats de tonnerre. — M. Pou- get à éludié l'action de l'azotate d'argent sur le sulfo- antimonite de potassium; il se produit soit le corps SbS'Ag”, soit le corps SbS'AgK (ce dernier en présence d'un excès de sulfoantimonite). — M. A; Livache rap- pelle qu'il a déjà indiqué le rôle que jouent les sels de manganèse dans l'oxydation de certains corps, en parti- culier des huiles siccatives. — M. José Rodriguez Mou- relo à constaté que le sulfure de strontium présente toujours une phosphorescence vert-bleu quel que soit le procédé de préparation ; la température n'a aucune influence sur la couleur de cette phosphorescence. — M. Pionchon à déterminé les volumes moléculaires à 00 de divers hydrates de carbone crislallisés et à constaté que ces volumes étaient presque égaux au volume PARIS Schützen- ETRANGER qu'oceuperait, à l'état de glace, l’eau qui entre dans leur composition; ainsi se vérilie la remarque déjà faite par Joule el Playfair pour le saccharose. — M. Delépine à étudié au point de vue thermochimique les dissolu- tions d'aldéhyde formique : 4° l'union du gaz avec l'eau n'est pas une simple dissolution, ilse forme des hydrates; 20 la chaleur ne chasse pas le gaz de la dissolution en raison de sa grande chaleur de dissolution; 30 la distil- lation de la solution donne un mélange d’eau et d'al- déhyde, mais celui-ci se concentre dans le récipient sans distiller, en raison de la formation de paraldéhyde, terme le plus aie — M. J. Moitessier décrit les combinaisons que forme la phénylhydrazine avec des iodures métalliques. — M. D. Roue décrit les com- HALAISORS formées par la toluidine, la xylidine, la pico- line, la lutidine et la collidine avec les chlorures, bro- mures et iodures de zinc et de cadmium.— M. G. Arth étudie les composés formés par l’action de l'acétylène sur l’azotate d'argent, Ces composés sont blanes lors- qu'ils sont purs; ils sont décomposés par l'eau en. excès, On peut y doser facilement Fargent par électro- lyse. 3° SCIENCES NATURELLES, — M. Ed. Bordage à cons- taté que le tarse des Phasmides, après avoir subi l'amputation par autotomie, se régénère toujours, mais avec quatre articles seulement, — M. Henri Jumelle à examiné une liane à caoutchouc venant du Fernan-Vaz el appelée N'djembo; elle donne un caoutchouc de qua- lité supérieure, très élastique et très peu résineux, Au point de vue botanique, c'est une espèce nouvelle; l'au- teur la nomme Landolphia Foreti. — M. Gaston La- vergne propose, contre le mildiou et le black-rot, l'emploi d'une nouvelle bouillie qui lui a déjà donné des résultats excellents. Elle se compose de 500 grammes de sulfate de cuivre, 1.000 grammes de savon vert ou noir eb 100 litres d'eau, — M. J.-J. Andeer à pour- suivi la recherche des ostioles dans l'organisme et à constaté qu'elles se trouvaient sur toutes les muqueuses, soit sensorielles, soit digestives, soit respiratoires, soit génito-urinaires, — M. E. de Cyon à constaté que la racine du nerf dépresseur du cœur qui provient du nerf laryngé supérieur sert à mettre en communication directe le cœur avec la glande thyroïde; cette influence réciproque des deux organes permet d'expliquer les principaux symptômes de la maladie de Basedow, — M. Stanislas Meunier à examiné une méléorite dont la chute, survenue à Clohars en 1822, élail restée ina- percue; elle appartient au type, très rare, de la par- nallite, — M. F. Bouffé a constaté que le psoriasis et la syphilis peuvent coexister chez le même individu, mais le psoriasis masque généralement la syphilis. Le pso- riasis doit être traité le premier et il est toujours gué- rissable par des injections d'orchitine., Les injections intra-musculaires de sels mercuriques, puis ladminis- ration d'iodure de potassium, donnent ensuite les meilleurs résultats, 5 Juillet 1897. Associé étranger Séance du M. Virchow est élu ment de M. Tchebichef, 1° SCIENCES MATHÉMATIQU en remplace- — M.J. Boussinesq donne la distribution des vitesses à travers les grandes sec- tions dans les écoulements graduellement variés el l'équation du mouvement aux degrés d'approximation supérieurs. — M. Dupont adresse une note relative à l'établissement d'une formule générale d'interpolation pour les fonctions d’un nombre quelconque de varia- bles. — M. Ch. Bioche étudie les surfaces algébriques d'ordre quelconque qui admettent comme ligne asymp- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES totique une cubique gauche, — MM. V. Tatin el Ch. Richet décrivent les expériences qu'ils ont faites avec un aéroplane mû par la vapeur; ils sont arrivés au résultat suivant: une machine de 33 kilos aban- donnée à l'air libre à fait 140 mètres en ligne droite, par sa force motrice propre, avec 18 mètres de vitesse. — M. Barthe de Sandfort signale des perturbations dans le niveau de la mer qui se produisent depuis quelque temps dans la baie du Bruse. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. de Lacaze-Duthiers signale l'explosion du manomètre d'un appareil à pro- jection survenue à son cours à la Sorbonne, et ayant causé plusieurs accidents. Il demande la formation d’une Commission pour létude de la question. — MM. N. Egoroff ei N. Georgiewsky éludient la pola- risation partielle des radiations lumineuses sous lin- fluence du champ magnétique et l'influence de la tem- pérature de la flamme. — M. G. de Metz montre que les photographies qu'il a obtenues antérieurement sont bien dues aux rayons cathodiques el non aux rayons X. IL :signale aussi de nouvelles expériences qui sémblent indiquer que les rayons X sont déviables par Paimant. — M. S. Guggenheimer à conslalé que, si l'on plonge deux électrodes identiques dans un liquide et si Fon expose ensuite lune aux rayons X, il y à naissance dun courant qui va ordinairement de la plaque expo- sée à l’autre par le circuit extérieur. — M. Ch. Cami- chel décrit un ampère-mètre thermique à mercure ; c'est un (thermomètre qui est chauffé par la chaleur dégagée par le passage du courant à mesurer; de lélé- valion de température on déduit l'intensité cherchée. — M. H. Henriet présente une nouvelle pompe à mer- cure, sans robinets ni joints mobiles; ces derniers sont remplacés par des colonnes mercurie Iles. —M. R. Metz- ner à oblenu un chlorhydrate de chlorure tellurique TeCLHCI, 5H°0; des oxyfluorures telluriques 2TeEl, 3Te0?,6H°0 et TeFl,TeO®, 2H20; il n'a pu obtenir le Muorhydrate de fluorure. — M. M. Guichard à étudié la réduction de l'anhydride molybdique Mo0$ par l'hy- drogène ; au-dessous de 4702 elle est continue el con- duit directement à l'oxyde Mo0®, sans s'arrêter à des oxydes intermédiaires. — M. E. Péchard à obtenu des imanganimolybhdates d'ammonium, de polassium et de sodium par l'action des molybdates acides sur des sels imanganeux en présence d’un permanganale ou d'acide manganique, Ces corps ont la formule générale 3K°0, MnO?, 12M00*,»7H°0. M. Ch. Moureu, en nitrant le vératrol à Co au moyen de l'acide nitrique fumant, à obtenu un dérivé ortho-dinitré; celui-ci, réduit par lélain et l'acide chlorydrique, donne la vératrylène- diamine. — M. Guerbet à obtenu l'amide paraxylyla- cétique en faisant réagir en tubes scellés le sulfhydrate d'ammoniaque sur la méthylparaxylylacétone ; cette amide, traitée par la potasse alcoolique, donne Pacide paraxylylacé tique : (CH*)?CHSCH2CO®H. — M. Œchsner de Coninck à éludié l'action du tannin et de l'acide gullique sur les bases quinoléiques et a constaté que ces dernières se comportaient, non seulement comme les bases pyridiques, mais comme les hydrures pyri- qques et un grand nombre d'alcaloides volatils. —- . Jean Effront à découvert dans les graines du Cer«- 7. siliquu, un nouvel hydrate de carbone, la caroubine, de formule CHO5. Il forme une gelée avec l'eau, se dissout dans HCI froid en donnant un liquide optique- ment inactif et ne réduisant pas la liqueur de Fehling. À chaud, les acides le transforment en une substance lermentescible dextrogyre et fortement réductrice. — M. Th. Schloesinge fils étudie les fermentations en milieux composés de particules solides, Celles-ci crois- sent d'abord, puis s'éteignent quand le milieu est encore loin d'être épuisé. Mais si on brasse énergique- ment, la fermentation reprend aussitôt. L'auteur à constaté que le brassage agit par lui-même et non pas par lPaération profonde qu'il donne au milieu. — MM. H. Coudon et L. Bussard ont fait l'étude dela pomme de {erre alimentaire. Le tubercule y est com- posé de trois couches : une externe, riche en matières sèches et en fécule, une centrale, aqueuse et riche en matières azotées, eLune intermédiaire. Les auteurs mon- rent également que les tubercules les plus résistants à la cuisson sont ceux qui contiennent le plus de matiè- res albuminoïdes. 39 SCIENCES NATURELLES. que la clavicule des Sauriens n'a pas d’homologue chez les Batraciens; en réalité, la pièce ainsi désignée est l'homologue du procoracoïde, qui s'est individua- lisé. — M. Félix Bernard éludie la signification mor- phologique des dents et de la charnière chez les Lamellibranches. Il montre que les dents étaient pri- imilivement formées de côtes internes, alternant avec les véritables côtes le long du bord cardinal. — M. F. Le Dantec à constaté que, dans certains cas, le micronucléus se régénère de loutes pièces dans un mé- rozoile ne contenant pas trace de l’ancien. — M. L. Cué- not à éludié l’évolution des Grégarines coelomiques du Grillon domestique; sur un même grillon, on peut {trouver tous les stades; les grillons s’infestenten man- geant d'autres grillons renfermant des spores mures. — M. Maurice Caullery a étudié, à l’éclosion, la larve composée d'une Synascidie : le Diplosomoïtes Lacazii Giard; il a FES : 40 un oozoïde Lype dont la par- lie terminale du tube digestif était atrophiée; 29 un bourgeon abdominal typique; 3° deux demi-bourgeons thoraciques supplémentaires. — M. Joannes Chatin montre, par de nouveaux faits, que l'épiderme ou hy- poderme des Anguillulides est originellement cellulaire ; ais, peu à peu, les limites des cellules s'effacent et les noyaux demeurent comme leurs derniers témoins. — M. E, Roze à reconnu que la maladie de la pomme de terre appelée la frisolée n'est qu'une des formes de la maladie de la brunissure et qu'elle est due au Pseu- docommis. — M. W. Kilian a trouvé dans le massif du Mont-Genèvre un gisement de syénile à albite, puis d’autres gisements de roches vertes (gabbros, ophites, variolites), qu'il considère comme postérieures aux calcaires phylliteux du Trias. — M. Michel-Lévy donne la description pétrographique des roches recueillies par M. kKilian. M. A. Perrin montre Séance du 12 Juillet 1897. M. le Secrétaire perpétuel annonce la mort de M. Steenstrup, Correspondant de la Section d'Anato- mie el de Zoologie, décédé à Copenhague le 20 juin. — M. Gayon est élu Correspondant pour la Section d'Eco- nomie rurale en remplacement de M. Hellriegel. 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. F. Rossard commu- nique ses observations de la comète périodique de d’Arrest faites à FOservatoire de Toulouse.— MM. Ram- baud el Sy communiquent leurs observations de la même comète faites à l'Observatoire d'Alger. M. Venukoff indique l'élat actuel des travaux géodési- ques dans le Turkeslan russe; la position géographique de 421 points est maintenant solidement établie. M. J. Boussinesq donne la théorie approché e du pas- sage du régime graduellement varié à un régime rapide- ment varié ou vice-versa. — M.F. Marotte montre qu on peut, par un nombre fini d'opérations, reconnaître Si deux équations différentielles linéaires données quel= conques appartiennent à la même classe de Riemäann. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Wilde présente un ma- qnetarium destiné à reproduire les phénomènes du magnétisme terrestre el les changements séculaires des composantes horizontales et verticales. —M.V. Aga- fonoff poursuit ses études sur l’absorplion de la lumière par les cristaux. Le spectre transmis dépend principa- lement de la molécule chimique et est limité du côté du violet à des rayons d'autant moins réfrangibles que la molécule chimique est plus complexe. Le polychroiïsme n'existe que pour quelques minéraux colorés. — M.Ch. Camichel présente un vollmètre thermique à mercure, dans lequel la quantité de chaleur dégagée par le pas- sage du courant permet de calculer là différence de potentiel à mesurer. La méthode calorimétrique peut aussi servir à la mesure de l'hystérésis. — MM. H. ACADEMIES ET SOCIETES SAVANTES 635 Abraham et H. Buisson indiquent une nouvelle mé- thode optique d'étude des courants alternatifs. On compense la rotation du plan de polarisation d'un rayon lumineux produite par le courant alternatif au moyen de la rotation produite par un courant continu direetement mesurable, et cela à un moment donné, toujours le même, de la période, en faisant passer un faisceau lumineux à ce moment seulement. — M. Du- bois a étudié l’action physiologique du courant galva- nique dans sa période d'état variable de fermeture. Il montre : 4° que l'effet physiologique dépend plus du vol- tage que de l'intensité; 2° que la résistance propre du corps n'a presque pas d'influence sur l’action physiolo- gique d’une fermeture de courant; 3° que les résis- tances rhéostaliques, intercalées dans le circuit prin- cipal, abolissent l'effet physiologique d’une fermeture de courant. — M. Foveau de Courmelles à constaté que des tubes de Crookes neutres peuvent être élec- trisés à distance par d’autres tubes en aclivité et s'illu- miner d’une lumière blanche stratifiée, — MM. A. Im- bert et H. Bertin-Sans ont trouvé que, lorsqu'un tube de Crookes, après un certain temps de fonctionnement, commence à devenir résistant, il émet de nouveaux rayons qui traversent l'aluminium presque sans êlre absorbés. — M. Chabaud déclare que le modèle de pompe à mereure sans robinets présenté récemment par M. Henriet n'est pas nouveau et qu'il a déjà été construit par sa maison. — MM. Ad. Carnot et Goutal indiquent une nouvelle méthode d'analyse des fontes et aciers, basée sur le traitement dufsmétal par le chlo- rure double de cuivre et de potassium à chaud dans un courant d'acide carbovique. On peut facilement doser le carbone, le soufre, le phosphore, le chrome, le tungstène, le litane ; les diverses opérations ne deman- dent pas plus de deux à trois heures. — M. Paul Sa- batier étudie les sels basiques de cuivre qui s'obtien- nent à partir des oxydes anhydres ou hydratés mis au contact d'une solution de sels neutres correspondants. L'hydrate cuivrique brun Cu (OH 3 CuO ou Cu‘0* (OH se prête tout spécialement à la formation directe de ces sels basiques cristallisés. — M. M. Guichard a étudié la réduction de l’anhydride molybdique par l'hydrogène au-dessus de 500°. On obtient le métal en passant par l'oxyde Mo0®. — M. Fernand Muttelet a étudié l’action du chlorure de benzoyle sur les orthodiamines monosubstituées; à froid, il se forme uu dérivé benzoylé ; à haute température et en présence d'un excès de chlorure de benzoyle, il se forme un anhydride interne. — MM. de Forcrand et Sully Tho- mas ont fait passer de l’acétylène pur et refroidi, saturé de vapeurs de CCI‘, dans un flacon maintenu à 0° et contenant de la glace. Si la pression est un peu supérieure à une atmosphère, on obtient des croûtes blanches cristallines qui sont un hydrale mixte d'acétylène et de tétrachlorure de carbone. On peut ainsi former beaucoup d'hydrates analogues. — MM. G. Bouchardat et J. Lafont ont fait réagir l'acide sulfu- rique sur le térébenthène gauche, puis chauffé le pro- duit de la réaction avec de la potasse. Ils ont obtenu, à côté d'autres corps, deux térébenthénosulfates de potassium de même formule C*#H'$KHO%, dont l'un est lévogyre, l’autre dextrogyre. — M. Georges Jac- quemin à fait fermenter une levure en présence de feuilles de pommier ou de poirier et a remarqué qu'il se dégageait une odeur de pommes ou de poires et que le liquide fermenté avait un goût analogue très pro- noncé. Il pense que les feuilles gardent en réserve certains principes immédiats qui, au moment de la maturation, se rendent dans le fruit et là, après décom- position par une diastase, donnent d'un côté du sucre, de lautre côté le principe aromatique du fruit. — M. J. Effront a découvert une nouvelle diastase, la caroubinase, qui se forme pendant la germination des graines de caroubier; elle à la propriété de liquéfier et de saccharifier la caroubine.— M. F. Landolph indique une méthode d'analyse optique des urines permettant de reconnaître le sucre thermo-optique négatif ou sucre diabétique et Je sucre thermo-oplique positif. — M. Balland communique ses recherches sur la compo- silion chimique des haricots, des lentilles et des pois. SCIENCES NATURELLES. — M. C. Phisalix à étudié le venin de la salamandre du Japon. 11 est détruit par oxydation à Pair, par précipitation alcoolique et par ébullition; chauffé vers 600, il ‘s'atténue et acquiert la propriété de vacciner la grenouille contre le venin normal. — MM. J.-P. Morat et M. Doyon étudient les troubles trophiques consécutifs à la section du sympa- thique cervical et montrent qu'ils ne sont pas dus à l'interruption ou à la paralysie des fibres sentitives, mais à des éléments centrifuges qui sont mélangés avec celles-ci. — MM. J.-P. Morat et C. Bonne indi- quent de quelles façons on peut démontrer la présence d'éléments nerveux centrifuges dans les racines posté- rieures médullaires. — M. A. Perrin pense que la dis- position primitive présentée par le muscle perforé chez certains Sauriens, au membre antérieur seulement, tend à démontrer que le membre antérieur à une struc- ture plus primitive que le membre postérieur. — M. Adrien Dollfus décrit deux types nouveaux de Crustacés isopodes appartenant à la faune souterraine des Cévennes : le Sphoeromites Raymondi et le Stena- sellus Virei. — M. Armand Viré ajoute quelques re- marques sur le développement particulier des organes des sens de ces deux Crustäcés. — M. P. Cazeneuve préconise, pour la défense des vignes contre la Cochylis, l'injection sur la grappe d’un mélange de 10 parties de naphtaline pour 90 parties de soufre. —M. E. Blan- chard rappelle qu'il a autrefois proposé, dans le même but, un traitement aux cendres de bois mélangées de soufre sublimé. — M. Leclerc du Sablon a étudié l'évo- lution des tubercules des Orchidées. Il a distingué trois périodes : une période de vie active (de décembre à mai); c’est la période de formation; une période de vie ralentie (de mai à septembre); une nouvelle période de vie active (de septembre à mai), dans laquelle le tuber- cule se détruit pour donner naissance à une tige, des feuilles et des fleurs. — M. Boirivant à constaté que, lorsque l'extrémité d'une racine pivotante est détruite, l'existence d'une radicelle de remplacement est assez fréquente chez les Dicotylédones. Cette radicelle régé- nère dans une certaine mesure le système pivotant détruit; par sa structure, elle se rapproche intimement dé la racine mère. Louis BRUNET. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 6 Juillet 1897. M. A. Pinard analyse trois cas d'opération césa- rienne pratiquée l'une par le Dr Lecerf (de Valenciennes), la seconde par le Dr Poncet (de Cluny), la dernière par le D: Mouchet (de Sens). Il recommande le procédé de Doyen, mais en ayant soin de s'assurer d'une hémo- stase parfaite. — M. Lannelongue confirme les résultats heureux qu'il a obtenus dans le traitement de la hernie inguinale par la méthode selérogène. Il indique la technique définitive des injections de chlorure de zinc, et inontre quel est le mécanisme de la guérison. — M. Abadie lit un mémoire sur la nature et le lraite- ment du goitre exophtalmique. Séance du 13 Juillet 1897, M. le Président annonce le décès de M. Debrou, Cor- respondant national. — M. Péan à praliqué, dans un cas de cancer de l'estomac, la gastrectomie avec abou- chement de l'estomac au duodénum au moyen d'un bouton de Murphy. La guérison a été complète. — M. Paul Berger signale un cas d'abcès du foie déve- loppé, sous l'influence d'une grippe, Six ans après une poussée légère d'hépatite survenue au cours d'une dy- senterie des pays chauds. Le foyer s'ouvrit dans les bronches et le malade expectora une grande partie du pus, mais il né fut guéri qu'après incision transdia- phragmatique de labeès. — M. Rendu signale un cas analogue dans lequel il s'est écoulé neuf ans entre 636 l'hépatite dysentérique et le développement de l'abcès. — MM. Bergonié et Ch. Mong'our ont étudié l'influence des rayons de Rüntgen sur la tuberculose humaine. Dans lrois cas, il n’v a eu aucun résultat; dans deux cas, il y a eu amélioration de l'état général. Les auteurs con- cluent à la continuation de ces expériences. —- M. E. Roux communique les recherches de MM. Wys- sokowitz el Zabolotny sur la peste bubonique à Bombay. La maladie s'observe sous les deux formes : peste à bubons et peste pneumonique. L'agent de la maladie entre surtout par la peau ou la muqueuse buc- cale et pharyngée, mais sans laisser de traces, comme on la démontré expérimentalement sur les singes. Le sérum de Yersin et celui de Haffkine ont donné des résultats certains. — M. le D' Blitz (de Londres) lit un mémoire sur la fermentation vitale. — M. le D' Wehlin donne lecture d'un travail sur un cas de tétanos guéri par les injections de sérum antitétanique sans ablation du membre blessé. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 19 Juin 1897. M. A. Riche a constaté qu'à l'état normal l'urine des nourrissons est moins toxique que celle de l'adulte. — M. E. Berger à pratiqué l’anesthésie oculaire avec l'holocaïne et à obtenuwide bons résultats; l’action anesthésiante est plus durable qu'avec la cocaïne et l'irritation de l'épithélinm cornéen est moindre. — M. Metchnikoff a constaté la production d’antitoxines chez les Oiseaux et les animaux à sang froid. MM. Metchnikoff el Surion étudient la forme flaxellée de l’hématozoaire de Laveran et montrent que les divers stades de ce parasite sont analogues à ceux des Cocci- dies; cet hématozoaire ne serait done qu'une coccidie, — MM. Langlois et Athanasiu ont pratiqué des injec- tions d'eau chaude dans la veine jugulaire du chien; la température du cœur peut s'élever jusqu'à 55° sans que la mort s'ensuive, — M. Dejerine à étudié le trajet des fibres de la corne d’Ammon sur le cerveau d’un sujet présentant une lésion corticale de la corne. — M. La- pieque constate que le fer s'élimine en très petite quantité par la muqueuse intestinale. — M, Babinski a guéri une malade atteinte de télanos par l'injection de fortes doses de chlorhydrate de morphine, Chez des cobayes intoxiqués expérimentalement, les ‘injections de morphine retardent lPapparition du tétanos. — M. A. Giard présente une note sur deux cochenilles du caféier. M. Marchal est élu membre de la Société, Stance du 26 Juin 1897, M. H. Claude montre l'influence de l'intoxicalion générale daus la production de l'infection biliaire., — M. Campos à constalé que le nerf lacrymal contient des fibres sécréloires, au moins très nombreuses, indé- pendantes du nerf facial, — M. Barbier à reconnu que la bile amène un ralentissement du rythme cardiaque ; celle action doit être attribuée au pigment. — M. Rem- linger à obtenu l'atténualion de la virulence du bacille d'Eberth en soumettant les tubes de culture à une balnéation continue. — MM. Toulouse et Vaschide ont étudié une mélancolique circulaire, qui présentait allter- nativement des périodes d'excitation el de dépression. — M. Raïllet à reconnu la présence, chez les Bovidés de Cochinchine, de parasites du genre Amphiostome, localisés dans le foie. — M. Mirallié a observé la main succu ente dans un cas de myopathie progressive. — MM. Sabrazès el Rullières ont éludié le pouvoir ag- glutinant du sérum du sang dans les infeelions par le vibrion septique, le bacille du charbon et celui du téta- M. F, Lejars signale un cas de gangrène consé- culive à la ruplure sous-cutanée d’une artére. 105 Séance du 3 Juillet 1897. MM. Albarran et Bernard ont observé, sur une. vessie provenant d'Esypte, des tumeurs papilluires simulant ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES un cancer et dues à la présence d'un parasite, la Bilharzia hæmatobir. — M. Ch. Richet a pu injecter des quantités considérables d'eau stérilisée salée à 50-559 dans le périloine sans obtenir autre chose qu'une légère augmentation de température. — MM. Gilbert et Gar- nier décrivent un nouveau type histologique de cir- rhose alcoolique hypertrophique. — M. Capitan et Mie Pokrychkine ont éludié les changements de forme, de volume et de position du cœur chez les sujets ner- veux; ils se sont servis pour cela de la phonendoscopie, pratiquée à l'aide du stéthoscope de Boudet. — MM. Au- ché et Chavannaz ont injecté dans le péritoine du lapin le contenu des kystes de l'ovaire; la toxicité da liquide des kystes est variable. Ils produisent toujours une déchéance de l'organisme et une diminulion de poids. — MM. Pérachaud et Mirallié ont éludié l'état des réflexes tendineux dans le rhumatisme chronique. — M. F. Ostwalt communique deux observations d'al- buminurie cyclique et en déduit une nouvelle patho- génie de la maladie de Pavy. — MM. Gilbert et Yvon ont préparé un nouveau corps, l'anilipyrine, dont ils donnent les propriétés antipyrétiques et analgésiques. — M. Roger a constaté que la limite d’immunisation de la vaccine contre la variole n'est pas toujours de huit ans; elle peut être beaucoup moindre. — M. Godin envoie une note sur la transmission héréditaire de deux fistules cutanées congénilales. M. Boulart est élu membre de la Société. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 1° SCIENCES PHYSIQUES James Dewar, F.R.S.,et.J.-A.Fleming, FRS: Sur la résistance électrique du bismuth électro- lytique placé dans un champ magnétique à basse lempérature. — Les auteurs avaient déjà signalé anté- rieurement les remarquables propriétés électriques du bismuth préparé électrolytiquement. Les présentes recherches ont eu pour but de mesurer la résistance électrique d’un fil de bismulh pur, placé transversale- ty w © 000000 + D Ÿ È $ [a Li G #00q000 -— | LS È = $ s | Ÿd 3004000 | — v S à o Se Ÿ 200q000— =] vd © 1ù & ss SRE | .® 004000 —=— è & eC à acoset LERRE: , 19° 20 3000 14000 75000 20000 forcedu champ magnétique transverse enunites CGS é: Fig. 1. — Variation de la résistance du bivmuth à des lem: péralures constantes en fonction du champ mugnélique. ment dans un champ électromagnétique et soumis à de très basses températures. Les pôles de l'électro-aimant avaient la forme d'un tronc de cône; on pouvait facilement modifier la dis- tance interpolaire. L'aimant était excilé par un courant constant; la force du champ interpolaire avait été déterminée une fois pour toutes; on la mesurait en relirant soudainement du champ une petite bobine 4 F exploratrice d'aire connue, laquelle était reliée à un galvanomèlre balistique étalonné. On construisait ainsi une courbe qui donnait le champ axial interpo- laire au centre en fonction des distances interpolaires, le courant magnétisant étant constant; cette courbe était à peu près une hyperbole rectangulaire. Cela fait, 700,000 EH Resistance electrique en volume en unités C G.S. ol ui | 1 Z o 2000 4000. Go00. 3000. Force du champ magnétique transverse en uniles CGS. Kig. 2. — Portion de la fiqure précédente représentée à , lus grande échelle. — Pour un champ magnétique nul, 1 résistance est d'autant plus faible que la température est plus basse. A mesure que le champ croit, la résistance croit, mais d'autant plus que la température est plus asse. 0 le fil de bismuth à examiner était disposé en forme de boucle étroite dont les extrémités étaient soudées à des fils de cuivre, pour éviter des complications {hermo- volume ‘en unites CGS. DS Resistance en ‘o -— 200° — 150" 100" +50: - 0° +20° Temperature en degres centigmades Fig. 3. — Variation de la résistance électrique du bismuth Ci q en fonclion de la lemprralure pour des champs magné- tiques constants. — Aux basses températures, la résistance est d'autant ‘plus forte que le champ magnétique est plus fort. électriques. Cette boucle était placée dans un tube de verre à vide, le plan de la boucle étant perpendiculaire à la direction du champ magnétique. Le tube à vide était alors rempli soit d'air liquide (bouillant à— 203 C.), soit de coton imbibé d'air liquide (bouillant à —185°C.), ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 637 soit d'acide carbonique solide dissous dans l'éther (bouillant à —79° G.); soit simplement d'huile de paral- line (à la température de +19 C.). Le bismuth employé élait du bismuth électrolytique, dont la pureté était confirmée par l'examen spectroscopique. Les observa- tions consistaient à mesurer la résistance électrique du bismuth à chaque température, le champ magnétique transverse variant de 0 à 22.000 unités C.G.S. Toutes les observations ont été réduites de façon à douner la résis- tance en volume. Ces observations ont élé résumées graphiquement dans les figures 1, 2 et 3. Si le champ transverse est nul, l'abaissement de température dimi- nue toujours la résistance, Si le bismuth est magnétisé transversalement, la résistance s'accroit, et pour chaque température il y à une valeur déterminée du champ qui annule exactement l'effet du reiroidissement. Les courbes 4 et 2 montrent la variation de résistance du bismuth à une température constante en fonction du champ magnétique transverse ; la courbe 3 montre la variation de résislance pour des champs constants en fonction de la température. On voit que le bismuth pur n'est pas une exception à la loi généralement observée que les métaux purs perdent leur résistance éléctrique à mesure qu'ils approchent du zéro absolu de température. Par contre, le bismuth occupe une position exceptionnelle parmi les autres métaux par le degré auquel sa résistance est affectée par la magnétisation transverse. De très pelites quantités d'impuretés dans le métal réduisent considérablement ces remarquables qualités. 2° SCIENCES NATURELLES Vaughan Harley, Professeur de Chimie pathologi- que à ** Universily College” (Londres) : Sur l’émulsion des graisses dans le tube digestif à l’état normal et après l’ablation du pancréas. — M. Vaughan Harley présente dans ce mémoire le résultat de ses recherches : 1° sur l'émulsion normale des graisses dans les diverses parties du tube digestif, et 2° sur l’action de l’ablation du pancréas sur cette émulsion des graisses. Les expé- riences ont porté sur des chiens nourris exclusivement de lait. Il avait montré. antérieurement que chez un chien intact, de 21 à 46 /, de la graisse totale du lait étaient absorbés dans les sept heures qui suivaient l'in- gestion du liquide, tandis qu'après ablalion du pancréas, on ne pouvait pas constater dans le même temps l'ab- sorption de quantités appréciables de graisse. Ce fait semblait confirmer l'opinion que la sécrétion pancréa- tique jouait un rôle indispensable dans l'absorption des graisses ef on attribuait ce rôle à la présence dans cette sécrétion : 1° d’un ferment qui décompose une partie des graisses neutres en acides gras et slycérine:; 2° d'un carbonate de soude alcalin qui forme un savon avec quelques-uns des acides gras mis en liberté. M. Harley s’est attaché à rechercher, dans le présent mémoire, si cette extrême diminution de Pab-orption des graisses, après l'ablation du pancréas, est bien due à l'absence du ferment dissolvaut des graisses ou du carbonate de soude alcalin, contenus daus le suc pan- créatique, et il est arrivé à la conclusion, que quelle que puisse être la cause qu'il faille attribuer à cette décroissance des quantités de graisse ab-orbées, on ne saurait l'assigner à l'absence de cé sel, ni de ce ferment, puisque, après qu'on a extirpé le pancréas, la graisse se décompose néanmoins dans l'intestin en acides gras et glycérine et qu'il continue même à se former des savons. Voici quelle a été la méthode employée. Après avoir fait jeûner un chien quatre jours, on lui donnait pour laver le rectum un abondant lavement d'eau chaude, puis un lavement de glycérine pour aider à l'expulsion de l'eau. Une quantité mesurée de lait lui était alors donnée; sept heures après, on.le tuait au moyen du chloroforme ; l'abdomen élait ouvert aussitôt, on posait des ligatures à l'’æsophage, au pylore, juste au-dessus du cæcum et aussi bas que possible sur le rectum. Le contenu de chacune des parties! du tube digestif était recueilli séparément, et: analysé séparé- 638 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ment. On rapprochait les résultats de ces analyses diverses de celui qu'avait fourni l'analyse d'un échan- tillon du lait donné au chien. Les matières recueillies dans chacune des parties du tube digestif étaient desséchées à 909 C., placées dans un appareil de Soxhlet et épuisées avec de l’éther. L'extrait obtenu était séché, puis redissous dans l’éther absolu ; le liquide était filtré à travers un filtre de pa- pier exempt de graisse, dans un vase laré, évaporé el séché, et l'extrait sec était pesé avec le vase. On le trai- lait alors par une solution aqueuse de carbonate de soude qui convertissait les acides gras libres en savon : et après une nouvelle dessiccation, on reprenait par l'éther la graisse neutre, la cholestérine et on pesait ce nouvel extrait. La différence de poids permettait de déterminer la quantité d'acides gras mis en liberté. En certains cas, on à dosé la cholestérine en saponi- fiant la graisse neutre par la potasse à l’alcool, on éva- porait à siccité et on réprenait par l’éther, jusqu'à ce que le résidu ne contint plus que de la cholestérine. Le contenu intestinal épuisé par l’éther, était traité alors par l'acide chlorhydrique dilué, de façon à mettre en liberté les acides gras qui pouvaient y être renfermés sous forme de savons. On desséchait alors à 90° C., et on épuisait par l’éther. La quantité de graisse contenue daus l'extrait éthéré représentait les acides gras pré- sents dans la masse intestinale sous la forme de savons. La « graisse totale » peut être alors calculée en addi- tionnant la quantité d'acides gras ainsi extraite des sa- vons à celles que fournissent les autres extraits éthérés. La quautité de cholestérine est assez faible pour qu'on la puisse sans inconvénient négliger. Lorsqu'on à voulu déterminer l'action exercée par l’ablation du pancréas, on à soumis les chiens ainsi opérés à un jeûne de deux jours à l'issue duquel on à procédé à un lavage intes- lina!. Le contenu-du tube digestif a élé, après sacrifice de l'animal, analysé par la même méthode que celle appliquée à l'analyse du lait renfermé dans Pintestin des chiens intacts. La comparaison de ces deux séries d'analyses montre que la différence entre les quantités de matières gras- ses décomposées et saponifiées retrouvées chez le chien normal et le chien « dépancréatisé » est beaucoup moins grande que l’ancienne théorie n'eût permis de le prévoir. Le tableau I permet de s'en faire une idée précise. Il montre que dans l'estomac, il y à chez Tableau I. — Influence de l’ablation du pancréas ble. Dans l'intestin grèle, au contraire, la majeure par- tie de la graisse est décomposée en glycérine et acides gras, et le tableau ci-dessus montre que la présence du« suc pancréalique n'accroit que dans une faible mesure la quantité des acides gras mis en liberté. La quantité des acides gras saponifiés est accrue chez le chien dépancréatisé, ce qui implique une suractivité de la sécrétion de malières alcalines par les intestins. Dans le gros intestin, l'effet de l'absence du suc pancréatique sur la mise en liberté des acides gras se fait à peine sentir et la quantité des acides gras saponifiés demeure supérieure chez le chien dépancréatisé à ce qu'elle est chez le chien normal. H. Marshall Ward, EF. R. S.: Rapport sur la flore bactérienne de la Tamise. — Ce rapport est un résumé des principales recherches accomplies depuis | trois ans sur les bactéries de l’eau de la Tamise. Voici les principales conclusions auxquelles l'auteur est ar- rivé : 4° un grand nombre de formes ont élé reconnues dans la Tamise, dont plusieurs sont pathogènes sous certaines conditions; 2° les espèces décrites dans les traités didactiques ne sont généralement pas des espè- ces au point de vue botanique, mais simplement des variétés, des formes de croissance, dont les caractères distinctifs ne sont pas constants. Ces soi-disant espèces auraient besoin d'être revisées et groupées autour de types qui constitueraient les vérilables espèces; 3° les caractères dérivés de la conformation des colo- nies ne sont pas suffisants pour la détermination des espèces; et la mesure dans laquelle ils pourront être | employés avec d'autres sera seulement élucidée quand nous connaîtrons mieux comment les colonies se for- ment par la multiplication des bactéries ; 4° les effets de changements déterminés dans le milieu environnant ont uue grande importance; des colonies plates sur gélatine se développent différemment suivant la nature de cette dernière ; 5° l'eau de la rivière est un milieu nutrilif pauvre et l'organisme bactérien y est exposé à de grands changements de température, de lumière, de mouvement, etc., pendant son séjour. La durée de ce séjour peut affecter différemment les bactéries; ainsi, deux colonies dues à la même espèce, peuvent différer beaucoup si l'une provient du développement d'une cellule ayant séjourné plusieurs jours ou semaines dans l'eau, et l'autre d'une cellule qui n'y est restée que sur l’émulsion des graisses dans le tube digestif. GRAISSE NEUTRE 5 Chien Chien normal Estomac . Intestin grêle Gros intestin. 77,54 22,67 34,17 TER NENENE dépancréatisé ACIDES GRAS LIBRES ACIDES GRAS SAPONIFIÉS CR Chien dépancréatisé CR Chien Chien normal Chien normal dépancréatisé 0,55 5219 13,41 31,29 61,62 53,32 le chien dépancréatisé un accroissement de la quantité d'acides gras libres. Il ne semble pas que cet accroisse- ment, soit dû à un surcroit d'activité de l'estomac, el il parait plus vraisemblable d'admettre qu'il tient à un plus long séjour des graisses dans cette partie du tube digestif; le passage des matières grasses dans lintestin est en effet considérablement retardé lorsque le pan- créas a été enlevé. La proportion d'acides gras saponifiés est pratique- ment égale. L'estomac a donc le pouvoir, non seulement de dé- composer les graisses en glycérine et en acides gras, mais encore de saponifier ces acides et cela chez les chiens dépancréatisés comme les chiéns intacts. Le pouvoir saponifiant de l'estomac est cependant très fai- quelques heures. II faut alors des semaines et des mois de culture dans les mêmes conditions pour rétablir l'identité des deux colonies. : Karl Pearson, F. R. S. : Contributions mathé- matiques à la Théorie de l'Evolution. Sur une forme de corrélation illégitime qui peut résulter de l’em- ploi d’ « indices » dans la mesure des organes. — Lorsque l’on détermine la relation proportionnelle qui existe entre deux mensurations absolues du même organe ou d'organes différents, il convient de donner à celte relation le nom d' « indice ». Soientu— f, (x, y\etvu—= f, (z, y) deux fonctions dès trois variables æ, y, 2: si ces variables ont été choisies au hasard de telle sorte qu'il n'existe aucune corréla- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES tion entre æ, y, y, 3 où z, æ, il existera néanmoins tou- jours une corrélation entre w et v. Il y à donc un réel danger d'erreur à attribuer dans une statistique bio- logique la corrélation qui existe entre deux fonc- tions, telles que uw et »v, à une corrélation orqa- nique. Cette erreur a chance surtout d'être commise lorsque vw etu ont le même dénominateur, car la corré- lation des « indices » semble à première vue, dans ce cas, une très acceplable mesure de. la corrélation orga- nique. Les difficultés et les dangers qui naissent de l'usage des «indices » ont alliré l'attention” de M. K. Pearson au cours de recherches faites récemment sur les données fournies par un grand nombre d'équations personnelles Il convint en ce cas de séparer en groupes distincts les erreurs faites par trois observateurs en évaluant une quantité variable à sa valeur réelle. Le résultat fut qu'une cotrélation (rès complète se mani- fesla entre ces trois séries de jugements absolument indépendants. M. Pearson fut assez longtemps à s'aper- cevoir que cette corrélation n'avait rien à faire avec la manière de juger, mais qu'elle était leffet de l'emploi des « indices ». L'application de cette idée à la biologie semble avoir une importance considérable. Supposons par exemple qu'on prenne dans un ossuaire une certaine quantité d'os et qu'on les dispose en groupes, que l'on affirme correspondre chacun à un squelelte particulier. Pour s'assurer qu'il en est bien ainsi, un biologiste s'attachera à rechercher dans: le sroupe ternaire : fémur, tibia, humérus, si une corréla- tion relie les « indices » fémur/humérus et tibia/humé- vus. Il pourrail raisonnablement conclure, semble-t-il, de cette corrélation, s'ilen constate l'existence, qu'il existe un rapport organique entre ces os et en inférer qu'ils appartenaient bien à un même individu. En fait, puisque les coefficients de variation pour le fémur, le tibia et l'humérus sont approximativement égaux, il y aurait une corrélation d'environ 0,# à 0,5 entre ces « indices », si les os avaient été groupés absolument au hasard. C'est ce que M. Pearson appelle corrélation illégitime ou bâtarde (spurious correlation) ; il faut entendre par là le degré de corrélation qui existerail entre des « indices », si les longueurs absolues dont ils dépendent étaient distribuées au hasard. On à eu jusqu'ici coutume de mesurer la corrélation organique des organes des crabes, des crevettes, ete., par la corrélation d’ «indices» où le dénominateur représente la longueur totale du corps ou de la cara- pace. Supposons une fable formée avec les longueurs absolues et les « indices » de quelques milliers d'indi- vidus. Si l’on redistribue les « indices » au hasard. ils ne présenteront aucune corrélation; et si les longueurs absolues sont redistribuées de la même manière, elles pe présenteront non plus aucune corrélation. Mais si les indices n'ont pas été calculés et que l’on redis- tribue ces grandeurs absolues au hasard, elles ne pré- senteront à coup sûr aucune corrélalion organique, mais les indices qu'on en dérivera aurontune corrélation égale ou supérieure à celle que l’on rencontre dans le cas précédent. Lorsqu'un biologiste ramène les diverses parties d'un animal à des fractions d’une longueur mesurée sur lui, une portion de la corrélation décou- verte entre les organes est sans aucun doute organique, inais une autre portion de cette corrélation doit ètre rapportée à la nature même de ses calculs. Supposons maintenant qu'avec des os pris au hasard, ces indices fémur/humérus et tibia/humérus aient une corrélation de 0,45. Si nous faisons l'hypothèse que successivement 1, 2, 3, #°/,, etc., des os sont placés dans les groupes aux- quels ils appartiennent réellement, c'est seulement alors que commence à apparaître la corrélation vraiment organique de ces os. Elle part de 0,45 et elle se modi- liera graduellement jusqu'à ce que 100 2}, des os soient rangés à leur vraie place. Sa valeur finale pourra être supérieure ou inférieure à 0,45, mais il aura mieux valu partir de 0,45 que de 0 pour la mesurer. Il semble certain que lorsqu'un biologiste aura reconnu que des 639 os pris au hasard fournissent des données qui per- mettent d'établir une corrélation entre les indices des organes, il sera peu porté à faire de la corrélation des indices une mesure légitime de l'intensité de la corré- lation entre les organes. Lorsqu'on estime par la men- suralion habituelle des indices la corrélation relative, il semble qu'il faille toujours calculer tout d'abord le degré de corrélation illégitime qui se présente dans un cas donné. M. Pearson établit alors les formules qui permettent de trouver : 1° la moyenne d'un indice en fonction des moyennes des coeflicients de variation et des coeffi- cients de corrélation des deux mesures absolues ; 20 la déviation normale (standard déviation) d'un indice en fonction des coefficients de variation et du coefficient de corrélation des deux mesures absolues; 3° le coeffi- cient de corrélation de deux indices en fonction des coefficients de corrélalion des quatre mesures absolues et de leurs coeficients de variation. Il donne ensuite de nombreux exemples. M. Francis Galton, F. R. $S., à ajouté au mé- moire de M. K. Pearson une longue note, où il s'ef- force de rendre plus aisée, au moyen de diagrammes et de tables, l'intelligence des lois dont le jeu explique la genèse de la corrélation illégitime (spurious currela- tion). SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 11 Juin 1897. M. C.-S. Whitehead étudie l'effet de l'eau de mer sur l'induction dans les câbles télégraphiques parcourus par un courant alternatif. Si v, est la valeur maximum de l'iuduction magnétique normale en un point, et w, la valéur maximum de l'induction magnétique normale lorsque l’eau de mer ne sert pas comme diélectrique, on à, pour une profondeur de 2.000 n. : c'es-à-dire une perte de 79 0/4. — M. T.-H. Blakesley donne une nouvelle définition de la longueur focale. Soit un système de lentilles à deux foyers conjugués; soit 22 le facteur de grossissement, c’est-à-dire le rap- port linéaire de l'image à l’objet; soit v la distance d'un x : re Se, do des foyers à un point fixé sur l'axe, Le rapport am St È m constant et égal à la longueur focale f. D'autre part si v, est la valeur de v pour m—0, et u, la valeur de u pour m—+,0n à: UE=UU0 ne. U — Uo Cette dernière expression, m°, peut être appelée le grossissement en surface, el à une grande importance en photographie. L'auteur décrit un banc d'optique qui permet la détermination du rapport _ — M. J.-A. (t2/ Fleming décrit une méthode de mesure de la perte masnétique par hystérèse dans les bandes de fer draites. L'auteur se sert d’un wattmètre bifilaire à réflexion: le morceau de fer est placé dans un long solénoïde lra- versé par un courant alternatif. Une petite bobine de fil fin est glissée le long du morceau de fer et on me- sure les racines carrées des carrés moyens de la force électro-moirice dans cette bobine. De ces mesures et des dimensions du solénoïde et de la bobine, on déduit la densité de l'induction B pour chaque point de la longueur du fer, et on trace une courbe des valeurs obtenues. Si l’on admet que la perte par hystérèse varie comme la puissance 14,6 de la densité d'induction maximum, on peut construire une nouvelle courbe re- présentant la perte par hystérèse. On aura alors sur le barreau un point où la densité d'induction B, sera telle que la moyenne de la perte pour le barreau tout entier 610 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES sera proportionnelle à B,:5, Ce point est appelé point effectif et pour chaque barreau il est situé aux 22 cen- tièmes de la lougueur. Séance du 25 Juin 1897. M. Kuenen à entrepris de nouvelles expériences sur les phénomènes criliques avec des mélanges d’éthane et d'acétylène et d'éthane et d'acide carbonique. La préparation de l’éthane offre quelques difficultés; à partir de l'iodure d’éthyle, on obtient un produit impur, probablement mélangé de butane; seule, l'électrolyse de l’acélate de soude donne un produit presque pur. L'auteur indique alors les constantes critiques des divers mélanges et indique spécialement les mélanges ayant une température critique inférieure à celle de leurs composants : ce sont généralement ceux dont la tension de vapeur est maximum. Ceux dont la tension de vapeur esl minimum aux basses températures doi- vent présenter une température critique supérieure à celle de leurs composants, mais ce phénomène n'a pas été observé, contrairement à ce que M. Dewar avait trouvé. — M. G.-F.-C. Searle étudie le mouvement régulier d'un ellipsoide électrisé. Quand un système de charges électriques se meut dans l’éther d’une vi- tesse uniforme, le champ électromagnétique, rapporté aux axes du mouvement des charges, peut être complè- tement défini au moyen d'une quantité dont la force électrique et la force magnétique sont de simples fonc- üons. Un autre vecteur du problème est la force méca- nique exercée par l’unité de charge se monvant avec le reste du système. L'auteur montre alors que la distri- bution de l'électricité sur un ellipsoïde est la même, qu'il soit en mouvement ou en repos. Une sphère char- gée en repos produit le même effet qu'une charge ponc- tuelle placée en son centre. Si la sphère est en mouve- ment, elle produit l'effet d'une ligne uniformément chargée dont la longueur est au diamètre de la sphère ce qu'est la vitesse de la sphère à la vitesse de la lu- mière. Si la sphère se meut avec la vitesse de la lumière, cette ligne devient le diamètre de Ja sphère et la charge est en équilibre quelle que soit la distribution. Il en est de même pour un ellipsoide. — M. Perry montre que les résultats obtenus par l'auteur aideront à résoudre plusieurs problèmes tel que celui de l'effet de la rota- tion de la terre sur les changements électriques à sa surface. ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE Séance du 18 Juin 1897. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. ©. Stolz : Sur deux valeurs limites dont l'intégrale supérieure est un cas particulier. — M. G. Kohn envoie deux notes : « Sur les polygones de l'espace de Poncelet » et « Remarques sur les correspondances symétriques de degré impair ». 29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. I. Schütz envoie une nole sur les relations entre les forces et les ondes élec- triques. — M. J. Tuma présente un instrument destiné à mesurer les phases des courants alternatifs. Il est construit de telle facon que la relation qui relie la dif- férence de phase + à l'angle Ÿ de l’aiguille aimantée avec l'axe magnétique d'un des pôles est de la forme : tang 24 = cos +. MM. R. Pribram et C. Glücksmann étudient les rela- tions entre le changement de volume et le pouvoir ro- tatoire spécifique des solutions actives. Ils ont expéri- menté avec des solutions aqueuses de nicotine de différentes concentrations ; la courbe du phénomène se compose de (trois parties avec deux points anguleux qui coincident avec le maximum de contraction de la solution et un changement dans le poids moléculaire de la nicotine. — M. R. Wegscheider éludie les condi- tions dans lesquelles le brome peut remplacer le chlore (et inversement) dans les combinaisons de la série aro- matique. — MM. H. Weidel et J. Pollak, en faisaut agir l'acide nitreux sur l'éther diéthylique de la phlo- roglucine, ont obtenu deux dérivés nitrosés isomères « et 6. Le premier est la 3.5-diéthoxyorthoquinone-2- monoxime, qui, par réduction, donne le 3.5-diéthoxy- 2-amidophénol. Le second est la 3.5-diéthoxyparaqui- none-#-monoxime, qui, par réduction, donne le 3.5-diéthoxy-4-amidophénol. Séance du 1° Juillet 1897. 1° SCIENCES PHYSIQUES. — M. G. Jaumann à produit des rayons cathodiques au moyen de deux cathodes parallèles reliées’ à la même machine électrique et a conslalé que ces rayons interféraient. D'autre part, l'auteur montre que la déviation des rayons catho- diques par un champ électrostalique pouvait être prévue par sa théorie. — M. J. Tuma décrit une nouvelle pompe pneumatique à mercure. La pression de l'air pousse le mercure d'un réservoir inférieur à un réser- voir supérieur vide d'air; quand celui-ci est presque plein, l’air y rentre à son tour et pousse le mercure dans un troisième réservoir vide d'air et silué encore plus haut. De cette facon, on peut faire monter le mercure d'uue hauteur plus grande que la hauteur barométrique ordinaire. — MM. Max Bamberger et Anton Landsiedl montrent que le pinorésinol, extrait de la résine du pin, possède la formule C!H#0: (0H (OCH*)*. La résine du pin est formée de deux parties : l’une, soluble dans l’éther, est un mélange des éthers du pinorésinol avec les acides abiétique et paracuma- rique; l’autre, insoluble dans l’éther, est un dérivé du pinorésinotannol C*’H?0*(0CH*)*(0H)°. De la résine du mélèze on retire le laricirésinol C'*H'°(0CHS)*(0H)5. — M. Hans Meyer présente un travail sur la cantharidine et montre que ce corps n'a pas la formule d’un anhy- dride a-kéto-dicarbonique mais celle d'un acide 8-lacto- carbonique.—MM.J.Herzig el H. Meyer ontutilisé leur méthode de détermination de l'azote lié à des radicaux alcooliques pour étudier la constitution de certains corps. —— M. A. Pfob, en traitant le gaïacol par l'acide nitreux, a obtenu la 2-méthoxy-p-chinone-#-monoxime; ce corps est identique avec la p-nitrosométhyl-o-anisidine. Par réduction, il donne le 2-méthoxy-4-amidophénol. 29 SCIENCES NATURELLES. — M. F. Siebenrock a étudié le développement du squelette de la tête chez les Tor- tues. Le Directeur-Gérant : Louis OLivier. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. 8° ANNÉE N° 16 30 AOÛT 1897 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $S 1. — Météorologie Origine, variations et perturbations de l'Electricité atmosphérique. — L'origine de l'électricité atmosphérique reste encore bien mysté- rieuse ; les tentatives de théorie font toutes appel à des propriétés hypothétiques, ou même en contradiction avec l'expérience. L'action des radiations ultra-violettes sur les corps électrisés m'avait paru, depuis longtemps, capable de fournir une explication tout à fait satisfai- sante, en supposant que la glace se comporte comme les métaux ; c’est ce que j'ai pu faire contrôler cet hiver. Voici donc un exposé succinct de cette théorie phy- sique des phénomènes électriques de l'atmosphère. 1. — Herz a découvert, en 1887, que l’étincelle élec- tique éclate plus facilement sous l’action de la lumière ultraviolette que dans l'obscurité. En 1888, Wiedemann el Ebert ont montré que cette action s'exerce à la ca- thode (électrode négative), qu'elle a un maximum dans l'air vers la pression de 300 millimètres de mercure ; d’après Arrhénius, ce maximum aurait lieu versé mil- limètres, et d’après Stoletow à une pression variable avec l'intensité du champ électrique, à peu près pro- portionnellement. L'étude attentive de cette action a montré que toute surface métallique chargée d'électricité négative perd cette électricité, lorsqu'elle est exposée aux radiations ultra- violeltes, quelque faible que soit la charge négative. L'actiou sur l'électricité positive est nulle. M. Righi, M. Sitoletow ont même pu se servir de cette action pour mesurer les différences de potentiel au contact. 2. — M. Buisson, qui a vérifié cette délicatesse d'action de la lumière ultraviolette, a exécuté à ma demande une série d'expériences sur la glace, com- parée au zinc. Un faisceau de lumière ultraviolette (are électrique, aluminium) traverse une plaque de laiton perforée, portée à un potentiel positif, et tombe sur un bloc de glace qui forme l’armature négative du condensateur. Ce bloc repose sur un disque métallique, à pied isolant, en communication avec un électromètre, REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897, Avant l'éclairement, le bloc de glace etl'électromètre sont mis en communication avec le sol, puis cette communication est supprimée. Dès qu'on éclaire, Pai- guille de l’électromètre se déplace, et indique que le bloc de glace perd son électricité négative, jusqu'à égalisation du potentiel de la glace et de la lame de laiton. L'action sur le bloc de glace sec au sortir d'un mé- lange réfrigérant est très intense (de l'ordre du dixième au vingtième de celle du zinc). — Dès que la surface du bloc commence à fondre, l’action de la lumière ultraviolette diminue beaucoup; enfin, lorsque l’eau de fusion couvre toute la surface éclairée du bloc, la perte d'électricité négative devient négligeable. Tels sont les résultats obtenus cet hiver au Labora- toire de Physique de l'Ecole normale par M. Buisson. La gluce est très sensible aux radiations ultraviolettes ; l'eau y est insensible. 3. — Rapprochés de l'influence non douteuse de l’abaissement de pression sur cette action, et de l’ab- sorption de la lumière ultraviolette du Soleil par l'at- mosphère, ces résultats transforment mon hypothèse sur l'origine de l'électricité atmosphérique en une théorie expérimentale digne d’être publiée. S'il existe à un moment quelconque dans l’atmos- phère un champ électrique, les aiguilles de glace des cirrus s’électrisent par influence, positivement à un bout, négativement à l'autre. S'il arrive que l'extrémité négative des aiguilles de glace recoive des radiations solaires ultraviolettes, les aiguilles de glace ainsi éclai- rées perdront toute leur charge négative et resteront électrisées positivement. L'état neutre ou négatif des cirrus est instable; tout cirrus éclairé par le Soleil devient positif. 4. — L'expérience a d'ailleurs montré que l'air ainsi éclairé reste isolant (contrairement à ce qui arrive pour les rayons de Rüntgen). Dans les expériences de labo- ratoire, où le conducteur positif est peu distant du conducteur négatif, le transport de l'électricité par mouvement de l'air est rapide. Dans l'atmosphère il en sera autrement. L'électricilé négative perdue par les aiguilles de glace est déposée dans l'air envüronnant (hypothèse). L'ensemble 16 642 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE du nuage apparaît comme positif, lorsque les aiguilles se séparent de l'air environnant. L'état neutre de l'air est instable, L'air qui traverse une région où se forment des cirrus éclairés est néga- tif. L'air neutre dans lequel s’est évaporé un cirrus positif est devenu positif. Dans la formation des cirrus par mélange’, les mou- vements indépendants de masses d'air voisines, les unes nuageuses, les autres limpides, sont fréquents. — L'air négatif se séparera alors du cirrus positif. Si la masse d'air négative descend, et si, toujours négative (car l'électricité ne peut disparaitre), elle atteint le sol cultivé, les innombrables pointes d'herbes ou de feuilles rendront facile l'échange d'électricité entre le sol et l’air. Le sol continental est chargé néga- tivement par échange avec l'air. A la surface des mers, rien de semblable ne se pro- duit ; l'air reste négatif; il se sature de vapeur; mais, quand par détente, cette vapeur se condense en fines gouttelettes, celles-ci, comme des pointes fines, emprun- tent à l'air sa charge. Les cumulus de détente des régions océaniques sont négatifs. Au niveau du sol aucune action directe des radiations ultraviolettes ne se fait sentir, parce que ces radiations n'y parviennent presque pas, parce que l’eau n'y est pas sensible el parce que la pression de l'air est élevée. 5. — Il paraît inutile d'insister sur les caractères de la variation diurne, et sur la complication que le trans- port de l'air électrisé peut lui donner. — L'influence sur les orages est évidente; le même coup de vent donne de la pluie et des averses la nuit; des orages à la fin da jour, lorsque l'action solaire a électrisé les cirrus et que la convection a éloigné l'air négatif. La lenteur de cette convection explique également les deux ou trois journées de temps à apparence orageuse, qui précèdent ordinairement le véritable orage dans nos climats. Dans les régions, ou les saisons, où Fair est à peu près calme, comme à la limite du cône d'ombre cir- cumpolaire de saison froide, le cirrus électrisé posili- vement dans loute la masse pendant le jour, reste environné de l'air néogatif. Dès la nuit venue l'état stable change; entre l'air négatif et les aiguilles de glace positives, des effluves s'étendent dans toute l'épaisseur du nuage. Cette explication cadre parfaite- ment avec toutes les particularités des aurores polaires ; elle convient aussi pour les nuages lumineux observés quelquefois dans nos régions et pour les lueurs diffuses des soirs d'été, dits éclairs de chaleur. 6. — Enfin, le mécanisme de l'action des troubles solaires devient très simple. Toute variation d'éclat ultraviolet du Soleil a une action immédiate sur les aurores polaires et l'électricité atmosphérique, là où existent des cirrus; sur les orages, celte action peut étre retardée de quelques jours, là où les cumulus sous-jacents aux cirrus élaient neutres ou à peu près. La nécessité des cirrus préexistants ou en formation el des cumulus localise cette action d’une manière variable avec l’ensemble des circonstances météorologiques. L'importance des troubles provoqués est sans rela- lion avec l'importance visuelle des facules, mais dé- pend exclusivement de l'intensité de la radiation ultra- violette transmissible à travers l'atmosphère. A ce titre les facules et surtout les taches observées à l'œil nu ne sont que des indices défectueux et il est grandement à désirer que les observations de M. Deslandres soient régulièrement organisées et publiées. “ D'autres actions, telles que la pulvérisation des souttelettes d'eau tombant sur un obstacle, ont été indiquées, depuis quelques années, comme jouant un rôle dans Ja production de l'électricité atmosphérique. Je crois qu'elles ne jouent qu'un rôle secondaire et per- tu rbateur, et que le rôle fondamental est celui que J invoque. ln 1 Vents et Bur. centr. nuages, par M. Brillouin (sous presse). Ann. du mét., 1898. | | L'électricité almosphérique est entretenue par l'action des radiations solaires ultraviolettes sur les «iguilles de glace des cirrus ; Elle est due à la même cause, le champ électrique initial nécessaire s'étant produit inévitablement dons les dépla- cements relatifs des hautes régions atmosphériques par rapport au globe terrestre aimanté. Marcel Brillouin, Maitre de Conférences à l'Ecole Normale Supérieure. $ 2. — Physique Nouveau procédé de détermination de la densité des corps pulvérulents (méthode du flacon). Toutes les méthodes proposées jus- qu'à ce jour pour la détermination de la densité des corps en poudre ne permettent pas de résoudre ce problème d'une manière satisfaisante. La plus parfaite, qui est certainement celle du voluménomètre, laisse encore beaucoup à désirer. Dans son Traité de Manipu- lations de Physique, M. Witz! indique les principales causes d'erreur de cette méthode; elles sont dues: 19 à l'énergie variable avec laquelle les poudres absor- bent et retiennent l'air atmosphérique ; 2 à la difficulté qu'on éprouve à maintenir constante la température pendant foute la durée de l'expérience. Une différence de 1° centigrade entraîne une erreur de 2 centimètres cubes sur la détermination du volume, Jajouterai, comme autre difficulté, l'évaluation exacte de la poussée de l'air sur la poudre, lors de la détermination du poids du corps; uñe partie de Pair emprisonné entre les particules de la substance peut peser sur le plateau de la balance ou lout au moins modifier le volume exact de la poudre. La méthode que je propose permet, en évitant ces principales causes d'erreur, d'obtenir d'excellents ré- sultats. Il faut se procurer, outre une balance sensible, un flacon à densité semblable à ceux qui servent pour les liquides volatils; le tube portant le trait de repère est done muni d'un bouchon rodé à l'émeri permettant l'obturalion complète de l'appareil. Sur l’un des plateaux de la balance, on place une fare convenable (comprenant, aulant que possible, un flacon à densité semblable à celui qui sert pour lopé- ration) et on lui fait équilibre successivement, dans l'autre plateau, avec : 1° Le flacon bouché (rempli d'air) et des poids mar- qués p,; 20 Le flacon à moitié rempli de la poudre dont on veut déterminer la densité {contenant en outre de Pair) et des poids marqués p, ; 30 Le flacon bouché, contenant la substance, de l’eau distiliée jusqu'au trait de repère et des poids marquésp,; 4° Le flacon bouché plein d'eau distillée et des poids Dar ques p ,. Chaque fois, il faut avoir soin de mettre le flacon en communication avec un appareil à faire le vide jusqu'à expulsion complète de l'air atmosphérique et de ne laisser rentrer ensuite que de l'air sec. L’agitation du flacon, ou de petites secousses données avec précaution, favorisent beaucoup le départ de lair. Ensuite, le flacon est placé pendant une vingtaine de minutes dans un milieu à température constante, afin que toutes les déterminations soient effectuées à la même température. L'équilibre étant obtenu, on enlève le liquide jus- qu'au trait de repère, on bouche le flacon, on le place pendant quelques instants dans la cage de la balance, puis on procède à la pesée. Les opérations précédemment décrites permettent d'établir un certain nombre d'équations, desquelles on tire, peur valeur de la densité du corps pulvérulent : ! Cours élémentaire de Manipulations de Physique, par A. Witz, 20 édition, 1895, p.18; Gauthier-Villars et fils, édit. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE — _ Ô (Pa — Ps) — 4 (Pa — Pa) (Pi — Ps) — Pa — Pa) où à est la densité de l'eau dans les conditions de l’ex- périence, 4 le poids de { centimètre cube d'air dans les mêmes conditions, et p,, p,, p,, p, la valeur des poids marqués qu'on à successivement ajoutés dans les quatre opérations précédentes pour obtenir l'équilibre. Si l’on pose : D D, — Ps Pipe =\)2; Pa — Ps on à : = 0M— 0 Cm a Mu m—A m—1 D se compose donc de deux termes, l’un principal, l’autre secondaire et correctif. La valeur de ce dernier terme, pour une densité voisine de 6, est d'environ une unité du rang des centièmes. Il est donc important d'en tenir comple ; dans les déterminations précises surtout, ou ne saurait sans inexactitude le supprimer. Quand la poudre est soluble dans l’eau, même par- tiellemeut, il faut choisir un autre liquide tel que l’al- cool, le chloroforme, l'éther, la benzine, etc... Si la deasité du liquide, dans les conditions de l'expérience, est connue, la formule précédente s'applique intégrale- ment; à est alors la densité du liquide qui remplace l’eau distillée. Si cette densité est inconnue, on la dé- termine en tarant le flacon rempli d’eau distillée. E. Lenoble, Professeur à la Faculté libre des Sciences de Lille. S 3. — Chimie physique La notion de « solution solide ». — La lettre de M. Lecoq de Boisbaudran, publiée dans le dernier numéro de la Revue ‘, nous a valu dé M. Ch.-Ed. Guil- laume la réponse suivante, que nous nous faisons un plaisir d'insérer : « C'est par un simple oubli, un lapsus, dirai-je, que le nom de M. Lecoq de Boisbaudran à été omis dans mon récent article; j'ai mentionné ses belles recherches dans mon ouvrage Les Radialions nouvelles ; mais j’avoue- rai à ma honte que je ne me rendais pas un compte exact de la part prépondérante prise par l’illustre chi- miste dans la création de cette idée de la solution solide, un peu négligée pendant des années, et dont on commence seulement à comprendre la grande impor- tance. « Les travaux de M. Walthère Spring et de M. Roberts- Austen sur la diffusion des solides ont montré dans quelle mesure la notion de solution est compatible avec l’état solide ; et de nombreuses recherches récentes ont conduit à reconnaitre le rôle important qu'une très petite impureté joue souvent dans un gros phénomène. «Mon excuse, en ce qui concerne la notion de la solu- tion solide, sera la suivante : il en a été peu question dans les travaux français, et tous les mémoires étran- gers que jai consultés en attribuent la création à M. van & Hoff: mon oubli aura eu du moins l'avantage d'attirer l'attention sur une injustice qu'il était temps de réparer. «M. Lecoq de Boisbaudran partage en ce moment le sort auquel peu de précurseurs ont échappé. Une idée nouvelle et d'une grande fécondité ne devient popu- laire qu'accompagnée d’un nombreux cortège de véri- fications expérimentales; mais c'est le propre d'un esprit créateur de la deviner avant qu'elle s'impose par la masse même des faits qu'elle réunit en un faisceau ; l’auteur de la découverte n'y perd rien; venant tardi- vement, l'hommage qui lui est dù s’augmente des intérêts. » Ch.-Ed. Guillaume, Physicien au Bureau international des Poids et Mesures. ! Voir l’article de M. Ch.-Ed. Guillaume sur les « Rayons X et la Dissociation », dans la Revue du 15 juillet et Ja lettre 643 $ 4. — Géographie et Colonisation Le Bulletin du Comité de Madagasear. — Le Comité de Madagascar se propose de contribuer à la colonisation, à la mise en valeur et à l'extension de la connaissance de la grande possession que la France a récemment acquise dans l'Océan Indien. Il se compose de savants, de commercants et d’in- dustriels. Le bureau de son conseil est ainsi composé : Président d'honneur : M. Grandidier, de l'Institut; Pré- sident : M. J. Charles-Roux, député; Vice-Présidents : MM. d'Estournelles, député, J. Chailley-Bert, secrétaire général de l'Union coloniale, Delhorbe, chargé de missions à Madagascar; Secrélaire : M. le vicomte Armand. Son existence date de trois ans. Il publia, pendant l’année 1895 et une partie de 1896, un Bulletin qui fut lu avec intérêL. Cette publication fut interrompue pendant les derniers mois de l’année 1896, en raison des événements dont Madagascar était alors le théâtre, de l'insécurité qui y régnait et de la suspension forcée de l'œuvre de colo- nisation. Désormais le Bulletin du Comité de Madagascar repa- raît régulièrement. Sous l’action énergique du général Gallieni, l'île se pacifie de jour en jour davantage. De proche en proche le favahalisme s'éteint. Il est permis de penser de nouveau à l'exploitation agricole et industrielle de notre nouvelle colonie. Le Bulletin contribue à répandre la connaissance de Madagascar, car, si le monde malgache a déjà provoqué beaucoup de travaux, d'ici longtemps, la matière ne sera pas épuisée. Il expose tous les faits dont Mada- gascar est le théâtre. Il porte particulièrement son attention sur les actes de nos compatriotes, qu'ils soient investis d’une fonction publique, ou qu'ils agis- sent comme simples particuliers. Mais le Bulletin n’est pas seulement un recueil exact de l'histoire contemporaine de Madagascar. Le Comité a l'ambition de conseiller l'opinion publique. Aussi, à mesure qu'elles se présentent, les questions relatives à Madagascar sont-elles exposées et discutées dans le Bulletin, par les hommes qui sont le plus qua- litiés pour le faire par leurs voyages et par leurs études". Henri Dehérain. Les voyages d’études de la « Revue ». — Aux eapitales de la Baltique et en HRussie. — Le premier voyage organisé par les soins de la Revue générale des Sciences, avec l'assistance de son Comité de patronage, est en heureuse voie. Le sa- medi 14 août, les nombreuses personnes inscrites pour y prendre part se sont embarquées au Havre sur le grand paquebot de la Compagnie générale Transatlan- tique, le Versailles. Ses cabines spacieuses, son vaste salon, son pont-promenade et sa dunette en font pour les passagers la plus confortable demeure pour cette croisière en Baltique. Sur l'avant, et d'un accès très aisé, est aménagée une cabine photographique où, par un raffinement d'attention, un réservoir d'eau et des éviers pour le lavage des clichés ont été installés. Il est donc possible, si quelque passager désire s'assurer de ce que lui donne son appareil, de développer commo- dément quelques plaques. M. Leger, professeur au Collège de France, M. L. Oli- vier, directeur de cette Revue, et M. Gandolphe, profes- seur à l'Université suédoise de Güteborg, ont pris place à bord pour diriger le voyage. Le soir, par uu clair de lune à peine voilé par mo- ments de quelques nuages et par temps calme, le Ve- suilles a quitté le Havre, se dirigeant vers la mer du que M. de Boisbaudran nous adressait au sujet de eet ar- ticle dans la Revue du 15 août (page 611). * Le Bulletin du Comité de Madagascar paraît tous les mois au siège du Comité, 44, Chaussée- d'Antin. Abonnem ent 12 francs par an. 64% CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE Nord. Celle-ci lui a été clémente et c'est après une bonne traversée qu'il est arrivé à Copenhague. D'avance, nous savions que l'hospitalité danoise se- rait particulièrement bienveillante à nos compatriotes. Voici que l'on nous apprend que de grandes fètes orga- nisées en leur honneur les attendaient à Copenhague et les y ont retenus dans la nuit du 18 au 19. Dans la journée, les officiers russes de l'Etoile Polaire se sont présentés à bord du Versailles, et, s'empressant de répondre à cette démarche de haute courtoisie, les direc- teurs de la croisière leur ont rendu visite à bord du yacht impérial. Le Comité de patronage ne saurait ètre qu'extrème- ment sensible à ces marques si précieuses de sympathie de la part des savants danois et des officiers de la Ma- rine russe, et c'est inaugurer sous les plus heureux auspices la série des voyages d'études de la Revue que de trouver à la première escale un- accueil d'une si parfaite bonne grâce *. H.-L. Léonardon, Secrétaire du Comité de Patronage et d'Etudes. Les voyages d'études de la « Revue ». — Au pays des Croisés. — À quelque quatre-vingts kilomètres au nord de Damas, au petit village d’Aïn Berdaï, on aperçoit, se profilant sur le ciel clair, six crandes colonnes, d'une chaude teinte dorée au soleil couchant, dominant de leur taille gigantesque les mo- numents de l'acropole de Baalbeck, ces « ruines souve- raines » décrites avec un charme si pénétrant par l'au- teur de la Galilée. Ni les Arabes, qui se sont construit là une forteresse, ni les chrétiens du temps de Théodose, qui avaient fait une église d'un des sanctuaires paiens, ni les tremble- ments de terre, plus forts que les hommes, n'ont pu avoir complètement raison des édifices superbes dont Antonin le Pieux et Septime Sévère dotèrent l'antique Colonia Julia Felix Heliopolitana, la Cité du Soleil. Le coût des Romains pour le grandiose s'est donné là libre carrière. C'est par une cour rectangulaire de 135 sur 420 mètres qu'on à accès au grand temple. C'est à lui qu'appartiennent les six colonnes corinthiennes, de 21 mètres de haut, apercues de loin par le voyageur, et à juger d'après elles des proportions du monument, celui-ci, avec son soubassement, devait s'élever à 37 mètres environ au-dessus du sol. Le temple consacré au Soleil, et qu'on appelle sou- vent le petit temple, par comparaison avec l’autre, car il a plus de 68 mètres de longueur, est mieux CONSELVÉ. Seize colonnes de son péristyle subsistent, ainsi que les murs de la cella et un admirable portail corinthien. Ce qui surprend le plus dans ces ruines lnmenses, c'est la dimension des matériaux mis en œuvre, el il y a là pour l'ingénieur aussi bien que pour l’archéologue un véritable problème. Un des murs de l'acropole, de 60 mètres de long, est constitué uniquement par six pierres énormes, bout à bout, et dans le mur de l'ouest, qui a recu le nom de trilithen, trois pierres de 19,09, de 184,80 et de 492,31 de longueur, sur # et 5 mètres de hauteur et d'épaisseur, forment la tête de la plate- forme sur laquelle se dresse le grand temple. On se demande comment on a pu amener et mettre en place ces blocs, « les plus gros, je crois, écrivait Renan, que la force de l’homme ait remués sur aucun point du globe ». L'accès de. Baalbeck a été singulièrement facilité par la construction du chemin de fer de Beyrouth à Damas. En quittant cette voie à la station de Mallakah, trois où ‘ Au moment de mettre sous presse, nous recevons de Saint-Pétersbourg plusieurs dépèches nous apprenant l'arri- vée du Versailles en cette ville après une bonne traversée de la Baltique. Là encore, les voyageurs ont été l’objet d'une réception enthousiaste par la population. qualre heures de voiture suffisent maintenant pour atteindre les ruines d'Héliopolis. Aussi avons-nous pensé que quelques-uns des touristes qui prendront part à l'excursion de Damas, au retour se rendraient volontiers à Baalbeck, et nous nous préoccupons dès maintenant de leur en procurer les moyens. D'autre part, pour ne pas les forcer à écourter le séjour à Damas, nous avons décidé de prolonger d'un jour l'es- cale de Beyrouth, et grâce à une meilleure utilisation du temps dans notre itinéraire, nous ayons pu y réus- sir sans changer les dates du départ et du retour: L'heure du départ seule sera avancée et fixée à une heure de l'après-midi, le 43 septembre. Le bateau se rendra directement à Rhodes et l’escale de La Canée se placera, en revenant, entre Jaffa et Messine. Nous Sommes heureux d'avoir pu permettre de la sorte la visite d'une des cités les plus intéressantes de la Syrie antique. La Direction. $ 5. — Congrès et Concours Congrès pour lPétude de la Tuberculose. — Le quatrième Congrès pour l'étude de la Tuberculose aura lieu à Paris, dans ladernière semaine de juillet1898, sous la présidence de M. Je Professeur Nocard, d’AI- fort. Les quatre questions suivantes seront mises en dis- cussion : jo Des Sanatoria comme moyens de prophylaxie et de traitement de la Tuberculose. (Rapporteurs : MM. Le Gendre, Netter et Thoinot). 20 Des Sérums et des toxines dans le traitement de la tuberculose. (Rapporteurs : MM. Landouzy et Mara- gliano). 30 Des Rayons X dans le diagnostic de la tubercu- lose. (Rapporteur : MM. Bouchard, Claude et Teissier.) 3bis Des Rayons X dans le traitement de la tubercu- lose. (Rapporteurs : MM. les Professeurs Lortet, de Lyon, et Bergonié, de Bordeaux). %0 La lutte contre la Tuberculose animale par la prophylaxie. (Rapporteurs : MM. Nocard et Banc). Les adhésions peuvent être envoyées dès maintenant à M. Masson, 420, boulevard Saint-Germain, à Paris. Concours ouvert par la Société indus- trielle de Mulhouse. — La Sociélé industrielle de Mulhouse vient de faire connaître le programme des questions qu'elle met au concours pour l’année 1898. Voici les plus importantes Arts chimiques. — Synthèse de la cochenille. Tein- ture où mordancage par les sels métalliques. Fabrica- tion de couleurs solides nouvelles. Fixation des cou- leurs d'aniline. Encre indélébile pour tissus. Blanchi- ment à l’eau oxygénée. Nouvelle machine à imprimer au rouleau. Application de l'électricité à l'impression. Arts mécaniques. — Moteurs à gaz de grande puis- sance. Métier continu à filer pour trame. Nouvelle machine à sécher. Installation de moteurs électriques. Etude comparative de l'éclairage d’une ville ou d'une usine. Agriculture. —- Propagation des méthodes de culture intensive. Etude sur les ennemis des cultures. Statistique et Géographie. — Stalistique de la popu- lation ouvrière. Variation du prix de la main-d'œuvre depuis un siècle. Cartes en relief. Utilité publique. — Améliorations dans le domaine de l'utilité publique. Participation aux bénélices. Beaux-Arts. — Genre d'impression. Agrandissement des dessins. Les mémoires, dessins et pièces justificatives doivent être marqués d'une devise et adressés, avant le 15 fé- vrier 4898, au président de la Société industrielle de Mulhouse. De M.-C. LECHALAS — LA NAVIGATION DE LA GARONNE ET DU RHONE LA NAVIGATION DE LA GARONNE ET DU RHONE COMPARAISON DE CES FLEUVES AVEC LA LOIRE! I.— La GARONNE. IL y à cinquante-cinq ans, on travaillait avec ardeur, simultanément, à la correction de la Ga- ronne entre Agen et Bordeaux et à la construction du canal latéral (Toulouse à Castels). Ce canal, avec celui du Midi, établit une communication entre les deux mers. Quelques années plus tard, on sollici- lait des travaux d'un autre ordre : on ne rêvait plus que chemins de fer, et les représentants des populations allaient jusqu'à dire qu'au besoin, il fallait poser des rails sur la cuvette asséchée du canal latéral. Aujourd'hui enfin, la roue a tourné el l’on déclare que ce canal est nécessaire à la pros- périté publique et qu'il faut l’affranchir de la Com- pagnie du Midi, qui en est locataire et y percoit des péages élevés. Longée par le chemin de fer et par le canal laté- ral, la Garonne fluviale ne sert guère à la naviga- tion. Mais les travaux faits ont été fort utiles aux propriétaires riverains, et l'on peut tirer plus d'un enseignement des résultats qu'ils ont donnés. — Nous nous occuperons successivement des graviers, des sables et des vases, du tracé des rives, du profil en long. $ 1. — Les graviers, les sables et les vases de la Garonne. La Garonne, à l'état de nature, déplace inces- samment ses rives en les corrodant ; des graviers blancs émergent de son lit et quelques végéta- tions spontanées s'y développent; mais nolre fleuve du Sud-Ouest a maintenant des riverains civilisés, qui font des plantations sur ces graviers et voilà de nouvelles iles à marquer surles cartes. « Certaines corrosions, dit Baumgarten ?, n'ont lieu que pen- dant les moyennes et basses eaux... Le plus grand nombre n'a lieu que par l’affaissement et le glisse- ment des berges, qui s’opèrent seulement deux ou trois jours après que les eaux sont rentrées dans leur lit, à la suite d’un grand débordement; dans ces circonstances, les lerres fortement im- bibées sont poussées en dehors par les eaux qui, après avoir pénétré le sol de la plaine, refluent souterrainement vers la rivière, et, n'étant plus soutenues par les eaux du courant, finissent par s'affaisser. ‘ Cet article fait suite au fravail de M. Lechalas publié dans la Revue générale des Sciences du 15 septembre 1896. ? Annales des Ponts et Chaussées de 1848. | « Pendant les crues, les bancs de graviers immer- gés se mettent parfois en mouvement; mais les graviers de la surface roulent seuls sur le plan doucement relevé de la grève, et ils tombent sur un lalus raide après avoir franchi l’arête de celle- ci. D'autres les recouvrent et ils ne se remettent en marche que longtemps après. — L'arète marche de 20 mètres, de 30 mètres dans une année; à un moment donné, des sables se déposent en aval et le talus n’est plus visible. Les graviers, de la gros- seur d'une forte noix, se mettent en mouvement par des vitesses de 2 mètres à 2",50, Lorsque les eaux sont très hautes, les arêles des grèves peu- vent s’exhausser, mais des passes se creusent au travers avant le retour de l'étiage. Toutefois, les grèves ne sont pas toujours en marche; les arêtes ne descendent qu'en cas de modification notable dans le lit, soit par la corrosion des berges, soil par des travaux. » En somme, les graviers proprement dits mar- chent très peu. « Leurs déplacements sont tout à fait locaux » (Baumgarten). Ils proviennent, en général, des bancs contemporains d’un cataclysme antérieur aux temps actuels, bancs qu'on trouve à une grande hauteur au-dessus des crues. D'après l’auteur cité, «il n'en descend guère ou pas du tout des montagnes actuelles ». Le sable ne forme qu'exceptionnellement des bancs isolés, mais il est mêlé au gravier dans la proportion de 20 à 40 °/,. Les courants l’entrainent jusqu'au bas de la Garonne et dans la Gironde. Les vases coulent avec l’eau jusqu'à la mer. Des dépôts, plus ou moins mêlés de sables, se forment en route, dans les parties où la vitesse est insen- sible; ils ont été énormes dans les cases latérales aux rives nouvelles de la Garonne, sur les points où il a fallu réduire sérieusement la largeur. Le lit de la Garonne est parfois de tuf. Au cours des travaux exécutés par Baumgarten, entre l'embouchure du Lot et la limite du Lot-et-Ga- ronne, ce tuf parait avoir été affouillé sur 1 mètre d'épaisseur dans une étendue de 300 mètres. Ce fait doit donner à penser que de grands mouve- ments du lit se sont manifestés pendant les tra- vaux de régularisation; on en cile, en effet, de bien remarquables, notamment des affouillements de 5 mètres, quine se sont arrêlés qu'au tuf. Parfois des roches inaffouillables ont été rencon- trées (à Reculay), et il a fallu creuser une passe artificielle en les extirpant. 646 M.-C. LECHALAS — LA NAVIGATION DE LA GARONNE ET DU RHONE 2, — Le tracé des rives. ne Dans les travaux exécutés vers 1840 et années suivantes, on s'est borné à régulariser la rivière, en lui donnant une largeur sensiblement cons- tante. On n'avait aucune idée de l'importance de la variation graduelle des courbures et de celle des largeurs (minima aux points d'inflexion), non plus que de la nécessité d'adopter une cer- taine longueur pour toutes les courbes, tant qu'on reste dans la même seclion, c'est-à-dire entre deux affluents. Il en résulte que, parfois, les grandes profondeurs se rencontrent le long de la rive convexe (au coude si prononcé de Judix, par exemple). On a donc substitué au désordre ancien un désordre atténué par la fixité des rives, point essentiel, il est vrai, qui a sauvé les riverains des destruclions périodiques de leurs propriétés el amélioré le régime général en tarissant la princi- pale source des malières en mouvement, du moins la fraction provenant de la partie maintenant endiguée. Les rives nouvelles sont formées de lignes de pieux clayonnés, défendues par des enro- chements ; ces lignes sont rattachées aux rives anciennes, de manière à former une série de cases en dehors du lit; ces cases s'’envasent et s’ensablent rapidement, d'où résulle une diminu- tion de la seclion offerte aux crues, à hauteurs égales de celles-ci. Mais l'effet utile de la régula- risation des courants compense cette diminution, et les crues ne s'élèvent pas plus haut qu'autre- fois. — Dans une longueur limitée, M. Fargue a appliqué des idées nouvelles au tracé des rives, et les résultats ont été excellents; la diminution de la pente longitudinale des eaux obligerait, si l'on avait étendu ce système à une grande longueur, à employer des moyens spéciaux pour annuler peu à peu la diminution de la pente kilométrique ou pour maintenir de distance en distance le niveau ancien du lit. Cette diminu- tion de pente est en elle-même une excellente chose, puisque la profondeur augmente en raison de la marche inverse de ce facteur de l'écoule- ment, tandis que la vitesse diminue; nous reviendrons sur ce sujet. Nous donnons ici (fig. 4) l'indication du type adopté pour les ouvrages de régu- larisation du lit (lignes de pieux clayonnés, défendues par des enrochements). Le système est économique et l'entretien n'est pas coûteux : la végétation se développe, les cases s’at- terrissent el se couvrent de saules, etc. ; l'ensemble EU Ligne de pieux clayonnés, dé- fendue par des enro- chements, pour la ré- gularisalion du lit des rivières. se maintient, bien qu'en quelques endroits il y ait eu détérioration des nouvelles rives. $ 3. — Le profil en long dela Garonne. Les déclivités moyennes de la Garonne sont, en basses eaux, par kilomètre : De la source de la Garonne au Pont-du-Roi. 2700 Du Pont-du-Roi au confluent du Salat, ori- gine de la navigation. . . . . . . 3,42 DeMAraRTOTIOUS EEE TE 415965 De Toulouse au confluent du Tarn. 0,61 DAME Où see 1 0, 60 DutlotalCastets Eure 0,31 De Castets à Langoiran . 0,17 De Langoiran à Bordeaux . 0,05 À Bordeaux, la basse mer de vive-eau dépasse le niveau de la basse mer à Cordouan ; mais en morte- eau le contraire a lieu. Le profil en long est moins tourmenté depuis les travaux qu'il ne l'était autrefois, mais les profon- deurs sont faibles sur les sommets du thalweg; il paraîtrait qu'on a en général 1",10 lorsque les eaux marquent 0%,50 à l'échelle de Marmande. Cest bien maigre comparativement aux profondeurs de 2 à 3 mètres au-dessous de l'étiage, oblenues par M. Fargue dans la petite longueur où il à tracé les rives dans le département de la Gironde. Nous manquons des éléments nécessaires pour dire ce que donnerait la partie traitée par M. Baumgarten si l’on ajoulait à l'endiguement le système des épis plongeants adopté sur le Rhône, après déblaie- ment des fonds inaffouillables qu'on rencontre sur quelques points. En parlant d'un mauvais pas- sage, M. Baumgarten dit ! : « Si ce résultat (47,10 de profondeur minima pour 0,50 à l'échelle de Marmande) ne se manifestail pas bientôt, on le provoquerait par des épis en glacis d'étiage, que M. de Baudre à appliqués avec tant de succès aux travaux de la Gironde, en aval de l'embou- chure du canal latéral, où il fallait obtenir un tirant d'eau de 2 mètres. » Ces travaux consistent en « quelques lignes de rattachement en saillie sur les lignes de rive, formées uniquement par de gros saucissons qui s'élèvent à 1 mètre ou 0,80 au- dessus de l’étiage contre les lignes de rive, et vont en s’abaissant vers le large ». Ce n'est donc pas seulement à l'étranger, comme on l'a dit, quon aurait pu aller chercher des exemples d'un sys- ‘ème que M. l'ingénieur Jacquet à appliqué sur une si grande échelle dans les travaux du Rhône. Il est vrai que l'essai de M. de Baudre est devenu inutile depuis qu'on à fait des endiguements plus parfaits dans la Basse-Garonne, et que ses saucis- sons ont sans doute disparu depuis longtemps. En se reportant au tableau qui précède, on voit 1 Annales des Ponts et Chaussées de 1848. M.-C. LECHALAS — LA NAVIGATION DE LA GARONNE ET DU RHONE 6 _ que les épis de M. de Baudre ont été construits sur une partie de rivière beaucoup moins déclive que le Rhône. Cela peut donner à penser, soit dit en passant, que le même système réussirait sur la Loire, en l'appliquant, comme le projelait M. Baumgarten, à litre de complément de la régularisation de la rivière. Entre Agen et le département de la Gironde, sur une longueur de 88 kilomètres, la pente totale des eaux était de 28",38 en 1854 et de 282,21 en 1861; on n'a pas constaté de change- ment depuis cette dernière époque. Mais cette pente moyenne de 0,32 par kilomètre se répartit très inégalement : aux roches de Reculay, il y à 1%,20 de pente sur 500 mètres de longueur, soit la caractéristique énorme de 2%,40 par kilomètre. Voici le tableau des autres rapides dépassant G",80 par kilomètre : 1 rapide de 0,85 de pente kilométrique sur 500m 2 de 0,90 à { mètre — 1.000 2 de 1m,00 à 1,10 — 1.500 2 de 4m,10 à 4,20 . 1.500 3 de 1m,20 à 1m,30 — 1.500 1 de 1,65 — 500 Peu de temps après l'exécution des travaux, en 1854, on a constaté les abaissements d'étiage suivants : à Agen, 0",20; à Nicole, 0,66; à Mar- mande, 0,52: les zéros des échelles ont été abais- sés de ces quantités, mais à plusieurs reprises le fleuve est descendu au-dessous des zéros nou- veaux. C'est surtout dans le département de la Gironde, entre le Lot-et-Garonne et Castets, que l’abaisse- ment de l’éliage à été sensible ; à Caudrot, il à été de 42,64. La marée qui, en 1843, ne se faisait pas sentir à Castets, se manifeste maintenant beau- coup plus haut. En somme, les travaux de régularisation n’ont pas produit de résultats bien importants dans le dépar- tement de Lot-et-Garonne, parce que les tracés n'ont pas été faits suivant les règles posées par M. Fargue, celui-ci n'ayant publié son premier mémoire qu'en 1868. Les modifications qui se sont produites dans les pentes superficielles n'ont pas élé, en général, très considérables, parce que les tracés ont élé très défectueux; d'ailleurs la pré- sence de fonds inaffouillables, sur un certain nombre de points, ne permetlait pas aux abaisse- ments résultant de la diminution des pentes de se cumuler sur de grandes distances. La sécurilé des riverains, dont les limites de propriélé sont désor- mais bien fixées, voilà, comme nous l'avons déjà dit, le plus clair profit des travaux. — Le trafic fluvial est à peu près nul sur la Garonne en amont de Castets, embouchure du canal latéral. II. — Li Ruone. $ 1. — Les graviers, les sables et les limons. Il n'y a pas, dans le Rhône français, d'apports des montagnes voisines des sources du fleuve, puisque le lac de Genève les intercepte au passage. Mais certains affluents, l'Ardèche notamment, lui apportent des matériaux arrachés aux terrains accidentés de leurs bassins pendant les grands orages. Cependant, on trouve l'origine des apports solides surtout dans les rives du fleuve : ces rives s'élèvent à 1 mètre au moins au-dessus des eaux moyennes; elles sont formées de sable, de limon, de graviers mal agglutinés qui s'accumulent au pied des talus à la suite des éboulements et du départ de la terre et du sable. Quand les eaux montent davantage, il y a des changements dans la direction des courants, et des pans de terrain peu- vent être séparés du continent. Entre Pont-Saint- Esprit et Arles, un grand nombre d'iles ont cette origine !, Ces phénomènes ne peuvent plus se produire aujourd'hui avec la même intensité qu'autrefois, par suite des travaux dont nous parlerons plus loin. Les limons ne proviennent pas seulement des rives éboulées; par exemple, l'Arly, l’Are, la Romanche et le Drac entrainent dans l'Isère, et celle-ci dans le Rhône, des masses considérables de matières terreuses et calcaires; la même chose à lieu dans le bassin de la Durance, où tous les cours d’eau sont torrentiels. — Les vases sont entrainées par le Rhône jusqu'à la mer, où elles allongent le delta. Comme on le verra plus loin, les pentes du Rhône sont fortes, et l'on devait s'y attendre par suite de la nature de ses alluvions, où les graviers jouent un grand rôle jusqu'à la Durance et un peu au-dessous. Mais il n’a pas élé fait pour notre grand bassin méridional d’études aussi complètes que pour la Loire, où M. Comoy est arrivé à chiffrer le volume de sable qui passe, année moyenne, sous les ponts de Nantes (400.000 mètres cubes). $ 2. — Le tracé des rives du Rhône. Vers 1860, un programme général pour l'amélio- ration du Rhône navigable a été présenté. Il s'a- gissait de continuer le système des digues longitu- dinales, déjà employé, et, en ce qui concerne Ja partie s'étendant de Lyon à Arles, d'obtenir un mouillage de 4%, 50. La correction des mauvais passages devait coûter 16 millions: les défenses de rives, pour éviter de nouvelles perturbations, 21.300.000 francs. Total 37 à 38 millions. De 1860 à 1865 on n’a employé que 800.000 francs par an; en 1865, nouveau programme sur la base d’un mouil- 4 Voir Bouvier et Surell, Mémoire de 1843. 648 M.-C. LECHALAS — LA NAVIGATION DE LA GARONNE ET DU RHONE lage de 4 *, 60 en amont d'Arles et de 2 mètres d'Arles à la mer : évaluation de 27 millions pour ce qui concerne Lyon à Arles, sur lesquels on à dépensé 13 millions de 1865 à 1878. A celle dernière date est intervenue la loi du 13 mai 1878, affectant 45 millions à l'amélioration du fleuve entre Lyon etla mer au moyen de digues longitudinales, de défenses de rives et de dragages. Le programme était toujours d'obtenir 1",60 entre Lyon et Arles, mais il n'était pas question des vitesses; on admettait implicitement que la cor- rection des rapides procurerait une diminution suffisante de ces vitesses, dans les parties où, con- curremment avec le manque de profondeur, elles s'opposaient au développement du trafic. Le projel comportait l'exécution de digues discontinues le long du lit, ayant pour but de guider le courant de chaque concavité à la suivante, située le long de l’autre rive, et le barrage des bras parasites. On s'en tenait aux idées ré- gnantes, malgré les beaux mémoires et les admirables tra- vaux de M. Fargue, et ces idées ne per- mettaient pas d’en- trer dans la phase d'exécution avec la précision que vues de cet ingé- nieur permettent de donner aux opérations. Aujourd'hui, en Hollande, on se base loujours sur la méthode de M. Fargue dans les projets de travaux en rivière ; il en sera les Fig. 2. bientôt de même en France, et les riverains de la Loire y auront contribué en demandant qu'on placät les travaux de leur fleuve sous sa haute direction, conformément au conseil que nous nous sommes permis de leur donner. En 1880, il y eut, parmi les ingénieurs du Rhône, un revirement dans les idées, et M. Jacquet proposa l'emploi des épis noyés ou épis plongeants.Noici(fig.2 le plan d’une petite partie du Rhône où ces épis sontindiqués en pointillé; les rives ne sont régulari- sées qu'incomplètement, mais les épis permettent de perfectionner les conditions de l'écoulement; ils offrent un moyen de correction des mauvais tracés. Mais il y à autre chose : les travaux d’endigue- ment amènent la diminution de la pente superfi- cielle sur les maigres améliorés et les effets de ce genre se cumulent, à mesure que des maigres suc- cessifs sont attaqués. Ne voulant pas diviser le fleuve en biefs, par l'emploi de barrages de soutène- it, qui auraient, de distance en distance, racheté les abaissements de ce lit et de la surface liquide, on à pris le parti d'établir des séries es ment du — Plan d'une partie du Rhône où l'on a utilisé, pour la réqu- larisalion. les épis plongeants ou épis noyés. — Les épis sont indi- qués en pointillé. La régularisation est incomplète. d'épis noyés dans les mouilles afin d’y accroître la pente et de compenser par là les diminutions pro- duites sur les maigres des traverses (ou des points d’inflexion du tracé). On peut dire que les épis plongeants sont la monnaie des barrages de soutè- nement du lit, dont on ne veut pas afin d'éviter la construction d’écluses en rivière ou dans des déri- vations. On prend son parti des grandes vitesses pour n'avoir pas à imposer à la navigation la gêne des éclusages. Par malheur, les bateaux ont à mon- ter le plan incliné, très raide, de la surface des eaux du Rhône: ils sont victimes d’un excès de sol- licitude...Mieux vaudrait être moins protégés; mais l'esprit des hommes est le plus souvent simpliste, parce qu'il est toujours difficile de penser à plu- sieurs choses à la fois. La mode est, à cette heure, aux épis noyés. Pour éviter qu'on n’ajourne indéfiniment les travaux de la Loire, nous comprenons qu'il faut sacrifier quelque chose à l'unité dans la cam- pagne entreprise; c'est pourquoi nous nous rallions aux épis noyés en ce qui concerne la partie basse du fleuve ; mais il faut songer aussi à l'honneur des principes, et nous faisons remar- quer une fois de plus que les barrages de sou- tènement du lit (figure 3, page 650) offrent un excellent moyen de profiter de l'immense avan- lage de la diminution des pentes que procurent les tracés Fargue. Ce qui doit dominer dans les études sur les rivières à fond mobile, c’est la comparaison, dans chaque section considérée, des arrivages et des départs des matières solides en mouvement !; si l’on améliore les conditions d'écoulement des eaux, les débits de sable augmen- terontet, par suite, il y aura diminution de la pente du lit jusqu'au rétablissement de l’équilibre, cette diminution étant contraire au facile écoulement solide?. Pour que l’encaissement dans le sol de la plaine ne dépasse pas toute borne, il faut que la pente totale ancienne soit rétablie. On peut le faire peu à peu avec les épis noyés ou par forles par- ties avec nos barrages de soutènement du lit; ceux-ci, n'étant pas en saillie sur les niveaux 1 Voir ce que nous disons des débits de sable dans notre brochure sur Nantes el la Loire (mars 1870), et dans notre mémoire de 4871 (Annales des Ponts et Chaussées). >? Le nouvel équilibre des entrées et des sorties de sable dans la section résultera de ce que le bon tracé des rives, en amenant la diminution de la pente du lit, créera une cause agissant dans un sens contraire à sa propre action, » | | | | | | M.-C. LECHALAS — LA NAVIGATION DE LA GARONNE ET DU RHONE 649 actuels du lit, ne présentent aucun des inconvé- nients qu'on pourrait redouter de barrages sail- lants dans une rivière à grands transports solides. La petite gène du passage à des écluses peu nom- breuses (au moins dans la partie basse de la Loire), serait insignifiante comparalivement à l'avantage de la diminution des vitesses. Mais les ingénieurs, sauf M. Flamant, et, je crois, son suc- cesseur à l'Ecole des Ponts et Chaussées, ne se ral- lient pas nettement à nos idées; c'est peut-être parce qu'ils ne sont pas assez théoriciens, et l’on trouve pourtant qu'ils le sont trop. Si l’on va chercher des modèles dans le Rhône, que du moins on ne se figure pas trouver là une solution complète; les épis noyés, à eux seuls, ne peuvent résoudre toutes les difficultés ; ils n'ont pas donné au Rhône la grande navigation sur laquelle on comptait. Comme l’auteur de cet article avait eu l’occasion de signaler les illusions des promo- teuys de ces épis, en montrant que les vitesses seraient encore trop fortes après les travaux pour que la navigalion devint assez économique sur le Rhône, feu M. Jaquet, promoteur du système, lui disait : « Si l’on ne trouve pas à faire du touage _ économique entre Lyon et Arles, vous aurez eu raison, mais on trouvera ! » Je ne sache pas qu'on ait encore trouvé; il est bien difficile que le touage ne soit pas onéreux quand les plans inclinés à franchir sont aussi raides ; aussi les progrès de la navigation ne sont-ils pas en rapport avec les dépenses faites. — Mais dans une rivière plus tran- quille que le Rhône (la Loire, par exemple) le sys- tème des épis, sans être le meilleur, peut rendre des services, à la condition de le combiner avec l’endi- guement Fargue, de procéder d'aval en amont et de s'arrêler au point où les vitesses ne permettraient plus une navigation économique. Force sera alors d'employer les barrages de soutènement du lit, ac- compagnés de courtes dérivations éclusées, jusqu'au point où eux-mêmes devraient être trop rapprochés. $ 3. — Le profil en long du Rhône. Le profil en long du Rhône accuse maintenant les mêmes pentes moyennes qu'autrefois, lorsqu'on mesure ces pentes sur d'assez grandes longueurs, puisqu'on refrène au moyen des épis la tendance du fleuve à s'horizontaliser dans une certaine mesure. On peut donc admettre les chiffres suivants comme étant encore exacts, en temps d’éliage, bien qu'ils aient été relevés avant 1878 : Pente moyenne, par kilomètre, de l'embou- chure de la Saône à Saint-Vallier . Om475 De Saint-Vallier à l'Isère. . NE 0, 560 DETRISÉLEMAIDATAECHER Re TE PE EN 0188 De l'Ardèche à Soujeau, limite des gra- À (5) SE pat SP Foie MOMENT Ne ."0m,507à "0,25 De Soujean à Arles . . . . 0, 06 On rencontre souvent dans le Rhône des vitesses de 1,50 à 2",50 par seconde. Il faut une très forte crue dans la Loire pour qu'on y observe, dans la partie inférieure de la vallée (au-dessous de la Vienne), des vitesses de 1",50, et nous ne pen- sons pas qu'on en trouve nulle part de 2",50 si ce n'est aux calaractes de quelques ponts trop étroits et dans le haut de la partie nominalement navi- gable. Si l’on rapproche les chiffres du tableau qui pré- cède des pentes kilométriques de la Garonne et de la Loire, on voit que, de l'Isère à l'Ardèche, ils dépassent considérablement ceux que nous avons donnés pour la partie comprise entre l’'embou- chure du Lot et Castets, d’une part, entre Orléans et Nantes d'autre part!, pour ce qui regarde la Loire. Il n’y avait done possibilité d'obtenir une bonne navigation sur le Rhône qu'en établissant un programme basé sur l’endiguement rationnel (Fargue) et sur les barrages de soutènement du lit?. Grandes profondeurs et petites vitesses, telles auraient été les conséquences de ce sysième; il aurait fallu, par contre, accepter l'inconvénient des dérivations éclusées. Mettant en balance les dépenses à faire et les avantages probables, on aurait élé en mesure de se prononcer en connais- sance de cause. III. — COMPARAISON DE LA GARONNE ET DU RHÔNE AVEC LA LOIRE. On a déjà fait des rapprochements entre la Loire et le Rhône, en traitant de ce dernier fleuve. Il nous reste cependant quelques observations à présenter, au risque de nous répéter parfois. Les pentes et les vitesses dans les rivières à fond mobile, quand elles ne sont pas obstruées de dis- tance en distance par des fonds inaffouillables, ne dépendent que des facteurs suivants : La densité des matières solides à évacuer, leurs volumes individuels et le débit annuel solide néces- saire pour le maintien d'un équilibre périodique ; Le total du débit liquide annuel et sa distribution dans le cours de chaque année ; La hauteur et le tracé des rives, la distribution des courbures et la longueur des courbes. On comprend que, toutes choses égales d’ailleurs, des graviers ne peuvent être évacués sans une grande augmentation des pentes qui suffisent pour des sables. Si, par la pensée, l’on substitue des graviers aux sables de la Loire, on voit de suile les conséquences : accroissement énorme des lar- 1 Revue générale des Sciences du 15 septembre 1896. 2 Voir LecuaLas : Hydraulique fluviale, et FLAMaANT : Avant- propos de son Cours d'Hydraulique.|\Baudry et Ci, Paris. 650 M.-C. LECHALAS — LA NAVIGATION DE LA GARONNE ET DU RHONE geurs du lit, exhaussement considérable vers l’amont et, par suile, remblaiement du sol arable de la vallée. Dans un autre ordre d'idées, si l'on suppose qu'un autre facteur, le tracé des rives, soit modifié de manière à favoriser le débit des sables (régula- risation ralionnelle de M. Fargue), la pente longi- ludinale sera modifiée dans le sens inverse de ce qui vient d’être dit ; le fleuve s'encaissera jusqu'à faire ébouler les rives si l’on n’avise pas à préve- nir la cumulation des abaissements du lit. Quels moyens employer pour cela? Tel est le problème qui reste à résoudre par l’expérience pour com- plèter les découvertes de M. Fargue. Il ne faut pas se laisser hypnotiser par la pers- pective des barrages de soutènement du lit, car les épis noyés sont néfastes (Rhône) lorsqu'ils ont pour effet de maintenir de trop fortes pentes; il faut regarder en face la question de la division en biefs, évaluer la dépense et prévoir ce que pro- duira ce système pour la navigation, au lieu de trancher tout d'abord la question, sans songer qu'un parti pris contre les barrages est bien sin- gulier dans un pays qui possède l'admirable Seine canalisée. Les barrages de soutènement du lit dif- fèrent d’ailleurs essentiellement des anciens bar- rages de rivière, qui étaient en saillie sur le lit ancien !. Analysons d’abord avec précision le phénomène de d'une rivière à fond mobile, quand on a réussi à en tracer parfaitement les rives. On sait ce qu'on a oblenu sur une petite partie de la Garonne (2 à 3 mètres de profon- deur, au lieu de 0%,70, mais avec diminution de la l'amélioration pente superficielle des eaux et de la ligne passant par les sommets du lit dans le thalweg); si l'on avait opéré de même sur une grande longueur, les abaissements de l’étiage auraient été limités vers lamont, parce qu'il y a en divers endroits des points où le rocher est à nu. Les banes inaffouilla- bles constituent, pour ainsi dire, des barrages naturels, qui auraient empêché l’abaissement du lit de se cumuler indéfiniment; par suite l’effon- drement des rives ne se serait pas produit. Mais si rien n'entravait la marche des choses, le sys- tème amèênerait avec le temps, vers le haut la rivière, un abaissement d'éliage énorme, d’où de la mise en l’air des rives; cela obligerait à aviser bien avant la fin de l’évolution. Pour obtenir une amélioration radicale, il faudrait élablir ,de dis- lance en distance des barrages de soulènement du hit : ABCD de la figure 3 représente la pente er La Seine transporte moins de sables que la Loire, mais la navigation y trouve une profondeur de 3",20, à laquelle la Loire ne prétend pas. ancienne du fond mobile’; AE, BF, CG, DH, sont. les barrages de soutènement qui maintiennent en A, B, CG; D le niveau ancien du lit; dans le cas où ces barrages ne seraient pas exécutés et où n’exis- teraient pas de parties inaffouillables, le fond nouveau se réglerait suivant une pente amoindrie, de H en un point situé verticalement au-dessous de À, et le volume de l’affouillement serait colos- sal; en effet, la pente de EB, FC... est celle qui correspond au bon règlement des rives et le pro- longement du lit du bief d'aval vers l'amont don- Fig. 3.— Emploi des barrages de soulènement pour la réqu- larisation du lit d'une rivière. — AE. BF, CG, DH, bar- rages de souténement du lit. nerait le fond nouveau, ou du moins les ur: passant par les sommets du thalweg transformé. Dans une rivière à pente modérée, comme la Loire entre la Maine et Nantes, il n’y aurait pas à craindre qu'un grand nombre de barrages (et par suite, de dérivations éclusées) devint nécessaire ; 1 La figure 3 définit par la ligne droite ABCD la pente du lit d'une rivière ; mais en réalité ABCD ne peut être que la ligne passant par les sommets du thalweg ; on sait que celui-ci présente des hauts et des bas, se succédant irrégulièrement dans une rivière à fond mobile à l'état natu- rel, et régulièrement au contraire dans une rivière à rives bien tracées. Dans ce dernier cas, les grandes profondeurs du thalweg se trouvent le long des rives concaves et les petites au milieu du lit, dans les endroits où le courant passe d'une rive à l'autre, — mais sans que ces dernières descendent à de très petites valeurs. — Pour montrer quel est le désordre sur le parcours des bateaux quand la rivière est abandonnée à elle-même, ou eucombrée d'ouvrages arbitrairement lracés, nous allons donner quelques indica- lions sur les profondeurs maxima et minima au-dessous des étiages locaux que rencontrent les bateaux dans quel- ques parties de la Loire, de l'embouchure de la Maine à Nautes : entre les bornes kilométriques 63 et 64 de Maine- el-Loire, 3u,80 et 0,60; entre 69 et 70, 3u,85 et Om,75: entre 86 et 87, 4,75 et 1m,20; entre les bornes 4 et 5 de Ja Loire- Iuférieure, 42,50 et 0m,75; entre 16 et 17, 4,20 et 0m,50; eutre 20 et 21, 3,65 et 0m,30; entre 30 et 32, 4m,75 et 0m,40; entre 39 et 40, 6m,70 et 1®,20; entre 48 et 49, 3m,30 et 1n,50; entre 53 et 54, 1m,25 et Om,45. On remarquera le minimum de 0%,30; mais il est vrai qu'il est compté, comme toutes les autres profondeurs, au-dessous du plus bas étiage et qu'ou arrive facilement à 0,50 avec quelques chevalages peu coûteux, — La moyenne de toutes les profondeurs maxima kilométriques, de la Maine à Nantes, est de 2,65, la moyenne des minima est de 0,70, et la moyenne générale des unes et des autres de 1,67. On peut juger d'après cela de la valeur des affirmations relatives au prétendu contraste existant sous ce rapport entre la Loire et les autres grands fleuves. On a dit que le lit de celle-là ne présentait que de faibles ondulations, nou comparables à celles du Rhône et de la Garonne, d'où l’on a conclu quil n'y avait pas à compter sur la réforme d’une rivière dont il faudrait abais- ser le lit entier pour arriver à un résultat sérieux... Nous n'insistons pas. : ë f ‘ t M.-C. LECHALAS — LA NAVIGATION DE LA GARONNE ET DU RHONE mais dans le Rhône, il en eût été autrement. Aussi cette solution aurait-elle été imparfaite, bien que supérieure à celle qu'on à adoptée; cela permet de dire qu'entre Lyon et Arles une navi- galion intensive ne pouvait guère èlre assurée - que par un Canal, solution adoptée avec raison pour la haute Loire. La même chose pourrait devenir nécessaire sur une certaine longueur de ce dernier fleuve, auprès d'Orléans, si, après avoir renoncé, à partir de la Vienne, je suppose, aux épis noyés, et exécuté des barrages de soutène- ment du lit, on reconnaissait que le nombre de ceux-ci, et par conséquent des écluses, devrait être trop grand au-dessus d'un certain point (Blois, par exemple). Il faut remarquer que, de Briare à . Orléans, la pente kilométrique est comparable à celle du Rhône, près de Lyon; ce que nous xenons de dire ne doit donc pas surprendre. Mais comme on procédera à partir de l'aval, rien ne sera laissé au hasard. En effet, après avoir re- monté de Nantes à Ancenis par le lit de la Loire endigué et garni d'épis noyés, on verra ce que deviendront les vitesses; si elles ne sont pas de nature à s'opposer à un grand développement de la navigation, on poursuivra jusqu'à la Maine et les mêmes observalions seront faites sur les vitesses dans la nouvelle partie régularisée. Quant aux pentes kilométriques, il n’y a pas à en parler, puisque les épis noyés seront distribués de manière à les maintenir. La régularisation (procédé Fargue), diminuant les pertes de force vive par le frotte- ment de l’eau sur elle-même et sur le lit, il y a plus de puissance disponible, et la faculté d’en- trainement du sable est augmentée, d’où résulte- rait une réduction de la pente si, après la régula- risation du profil longitudinal obtenu dans chaque courbe, on n'ajoutait pas les épis; ceux-ci auront pour effet de consommer de la force vive, d'où conservation des déclivités kilométriques, et faculté d'entrainement ramenée à sa valeur actuelle. — Les travaux ne seraient au-dessus de la Maine, dans le même système, que si les vitesses restaient acceptables. Bien avertis par ce qui s'est passé dans le Rhône, on ne s'en- têéterait pas à poursuivre une expérience qui, admissible dans le bas, cesserait d'être raison- nuble en remontant, c'est-à-dire dans une partie plus déclive et à vitesses plus grandes {ces deux circonstances sont expliquées par le plus grand débit de sable)! continués 4 D'après M. Comoy, la différence des débits solides entre l'embouchure de l'Allier et Nantes provient des enlèvements de sable par les riverains (600.000 m. c.). Il faut tenir compte aussi de l'usure en route, par les frottements du sable sur lui-même, etc. Les sables très ténus se mêlent à l'argile diluée et entrent en suspension. Les cases latérales et les C’est l'expérience qui prononcera sur la question du point où les épis noyés devront céder le pas aux barrages de soutènement du lit. C'est l'expé- rience aussi, si elle conduit en un certain point à Lrop rapprocher les barrages, qui imposera de recourir à un canal. On voit que le plan de cam- pagne est simple et rationnel, et il est cerlain, dès maintenant, que le canal ne jouera qu'un rôle très secondaire dans les travaux de la partie de la Loire dont on s'occupe actuellement, si même il y intervient. Les remarquables travaux de M. de Mas sur le matériel de la batellerie, la recherche des formes admissibles à la fois pour les canaux et pour les rivières à pentes modérées permettent de con- cevoir les plus belles espérances. Il ne faut pas croire qu'une grande profondeur soit l'élément le plus essentiel pour la navigation ; ce que celle-ci demande avant tout, c'est la modé- ralion des vitesses; sauf l'inconvénient d’avoir be- soin d'un matériel spécial (inconvénient possible, mais non certain), on peut dire qu'il serait très suffisant d'avoir 1 mètre de profondeur en Loire, avec des vitesses faibles, puisqu'il serait facile d'obtenir de forts tonnages en ayant des baleaux de grandes dimensions. D'ailleurs 1 mètre à l'éliage correspondrait à 1",80 pendant la plus grande par- tie de l’année !. Poursuivant la comparaison entre la Loire et les deux autres fleuves, nous aurions à nous occuper du raccordement avec la partie maritime. Quant au Rhône, rien à dire, puisqu'il se jette dans une mer sans marée el est par conséquent condamné au delta final. En ce qui concerne la Garonne, on sait que les besoins du commerce ont conduit à établir à Bordeaux un bassin à flot: il était pourtant moins nécessaire qu à Nantes, parce que l’évolution de la marée se poursuit au loin vers l’amont, ce qui a pour conséquence directe une bonne profondeur il se trouve, par suite , que le meilleur dans le port. Pour Nantes, de la disposition des lieux (fig. 4) emplacement du bassin à flot seraille port actuel lui-même (comme cela a été trouvé à Bristol); il y aurait donc à ouvrir un nouveau bras, remplacant, pour l'écoulement des crues, les bras qu'on englo- berait dans le bassin à flot. Le nouveau bras serait tracé de manière à favoriser l’évolution de la marée vers le haut de la rivière, où s’'emmagasinerait un grand volume d'eau moment du flot au entre après l'endiguement Fargue, absorberont une masse énorme de sables et de vases. 1 Le débit minimum est de 100 mètres cubes en aval de la Maine ; ledébit ordinaire est au moius de 200 mètres cubes. Or, celui-ci correspond à un relèvement de 02,50 à 0m,60 de la surface liquide, qui sera porté à Om,S0 par le règlement des rives (comportant une forte réduction de la largeur moyenne). 652 M.-C. LECHALAS — LA NAVIGATION DE LA GARONNE ET DU RHONE Nantes et Mauves, parlie de rivière où l'on ferait de volumineux dragages. Pour ne pas *SOJUDN D 24107 D] 2p UoyDutso/suvy ap jaloux — ‘% ‘SU ceux-ci indéfiniment, on arrêterait la partie mari- time du fleuve à Mauves, limite actuelle des fortes vives eaux, au moyen d'un barrage éclusé. Cette SERRES Ent RON ENT BARRE SRE ÉBREMTE À Da e à PARA alé n.8 À RER R- à SFR à SU à RÉ RRRRREREES EX: ee ei ÊEÈRS FFSA E La) FASIRSS Ste &- NN EEE ci ARTS RE) à LR ÉSRe PE Lo 9 ele DE FRS ARE à y À Rà À Re ER A0 8 R ne di IS à > NEr DÉS Sp nt iee de 8 ÿ à- SR FES de FR Nha PART ST RÉ RS Ÿ &i HW 5) 2 7102 © DL 244 ST 20/3 LP UP RD nee A At24p md pq F. rune 22129 2Jp97pAL 03 1)0S D} > va au d ul 2} 225 007 D SUIg HOANL 27 21212200) r6 D ——— 2) 29u? 29 Lo) > jap p 12] -2202 2200 D} 2 UD D re piges away ue ; Te PTS: DA), de Le FD AUDIT in M.-C. Lechalas, Inspecteur général des Ports et Chaussées en retraite. = (a 1] (oy7=] [1e] 9 DEID 2e 1 Le maire de Rive-de-Gier, dans un discours aux membres de l'Association francaise pour l'Avancement des Sciences, disait, il y a quelques jours : « L’essor de Rive-de-Gier, comme celui des autres villes de l'agglomération industrielle qui reyoune autour de Saint-Etienne, est enrayé, non par les difficultés, mais par les prix des transports. Il n'est plus possible, pour notre région, de lutter avantageusement avec les centres industriels desservis à bon marché par des ca- naux. L'idée primitive de réunir la Loire au Rhône par un canal, dont la section de Givors à Rive-de-Gier est l'amorce, a été reprise. Elle sera, nous l'espérons, poursuivie et menée à bien. » — On sait que les ennemis de la navi- gation répondent qu'il serait moins cher. d’ac- corder quelques abaissements de tarifs sur les chemins de fer; mais les réclamations des con- currents surgiraient et l’on ne sait où l’on irait. En tous cas, on voit que les travaux de la Loire seraient bien loin de ne représenter qu'un intérêt local. Il est heureux pour l'Allemagne, dont on connait l'énorme développement de la navigation fluviale, qu'on ne se soit pas arrèté, dans ce pays, à des objections semblables à celles qui se produisent chez nous. — Quant aux dé- penses à prévoir, on ne tardera pas à reconnaitre qu'elles n'ont aucun rapport avec les chifires de fantaisie qui ont été mis en avant, dans des milieux officiels et autres. M.-C. L. | limitation serait analogue à celle qui existe dans la 4 - ’ J. ROUCHÉ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA PARFUMERIE EN FRANCE 653 L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA PARFUMERIE EN FRANCE TROISIÈME PARTIE : PRÉPARATION ET ÉCOULEMENT DES PRODUITS DE CONSOMMATION I. — MISE EN ŒUVRE DES PRODUITS D EXTRACTION ET DES PRODUITS ARTIFICIELS. L'industrie de la parfumerie proprement dite à pour objet de dissoudre ou d'incorporer les parfums dans les différents produits de la Cosmétique : extraits, eaux de toilette, savons, pommades, huiles, poudre de riz, etc. Les matières premières, nous l’avons vu, revè- tent, à cause même de leur concentration, une forme dure, désagréable. Si rectifiées qu'elles soient, elles présentent avec le corps qui leur a donné naissance une différence, toujours sensible, de fleuri, de charme. En rendre l'emploi possible et agréable, leur donner de la suavité, en les diluant et les mariant, tel est l’art du Parfumeur. Comparaison rebaltue, mais trop vraie pour ne pas être rappelée : le parfumeur compose un bou- quet comme le peintre cherche un lon sur sa palette. De même que celui-ci réalise la coloration verte qu'il rêve, non pas avec une couleur verte toute faite, mais avec des mélanges de bleu et de jaune, de même celui-là corrige, renforce sa violelte avec d'autres senteurs : rose, Cassie, iris. Seulement, les lois des odeurs qui s'exaltent ou se détruisent ne sont pas connues : c'est affaire d'expérience, d'habi- lelé. S'il veut reproduire la rose, le parfumeur trouve à sa disposition des extraits alcooliques d'enfleurage, de l'essence de distillation, de l’es- sence concrète de dissolution, enfin des produits artificiels : géraniol, rhodinol, etc. Par un mélange savant de ces produits, mélange qui les corrigera les uns les autres, il reproduira l'odeur à peu près exacte de la rose. En outre, il pourra donner à son parfum de la fixité en y ajoutant du muse ou des baumes, de la fraicheur avec des essences d'Au- riantacées. Le point délicat sera le dosage : là encore il opère par tätonnement comme l'artiste modifie graduellement sa copie jusqu'à ce qu'elle ressemble au modèle. Sa formule trouvée, les matières premières trans- formées suivant les besoins, — dissoutes en tein- tures pour les extraits ou les lotions, incorporées dans la graisse pour les pommades, dans l’amidon pour les poudres, — il n'aura plus qu'à faire des mélanges, laisser vieillir ses compositions et les encadrer d'une confection élégante. | | Nous ne pouvons indiquer les recettes de tous les produits de Parfumerie. Nous signalerons ceux dont la fabrication présente un intérêt scientilique ou mécanique. À ce point de vue, en première ligne viennent les savons de loilette. $ 1. — Savons de toilette. Les savons de toilette doivent être fabriqués à chaud, avec des matières grasses de premier choix, et ne contenir aucun alcali en liberté. Nous ne parlerons ni de la saponification, ni des différentes compositions de pâte, mais seulement de la transformalion du savon brut en pains par- fumés, transformation qui exige de longues mani- pulations et de nombreuses machines. Avant de montrer la série de perfectionnements apportés à cette fabrication, il convient d'exposer ce qu'elle était il y a quelque quatre-vingts ans. Voici, d'après Decroos!, comment on procédait : « Le savon, ayant élé parfumé dans la mise, on le subdivise en petites briques. Ces briques varient suivant la forme qu'on veut leur donner. Pour les faire sécher (elles contiennent, afin d'être malléables, 30 °/, d’eau), on les dépose sur des élagères dans un magasin conve- nablement installé, pendant hrois mois. « Durant ce laps de temps, on les visite, on les retourne de bas en haut, on les redresse, on les reforme doucement sur un petit bloc par le moyen d’un maillet en bois. Lorsqu'elles sont sèches, on les met dans l'ins- trument (fig. 1) qui les égalise sur leur longueur et leurs Fig. 1. Fig: 2. Fig. 1 et 2.— Blocs primilifs en bois pour égaliser el frapper les savons. côtés, puis dans la forme (fig. 2) qui est de l'épaisseur que l’on veut leur donner. On coupe l'excédent du savon qui dépasse les deux cotés de la forme; ensuite on fait une moulure à l’entour de la petite brique, des deux côtés de son encadrement; on retire le savon, on le polit avec la main en l'humectant d'un peu de salive (sic) ou eau, que l’on a dans un verre. » Ces manipulalions, un peu primitives, longues de trois mois, donnaient au parfum tout le loisir de s'évaporer. Aujourd'hui une fabrication entière- ment mécanique et continue exécute tout le tra- vail en quelques heures. On apprécie le progrès. ! Trailé sur les savons solides, août 1821. w 654 J. ROUCHÉ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA PARFUMERIE EN FRANCE Pour l’atteindre, les recherches ont été de deux sortes : 1° Trouver des machines pour toutes les opéra- tions : broyage, parfumage, pelotage, frappe, marque, etc.; 20 Sécher le savon avant de commencer à le malaxer, ne le parfumer qu'à l'état sec et au moment de le transformer en pains. Le premier, en 1855, M. Lesage exposa des ma- chines à malaxer et à mouler le savon. Il pré- sentait : 1° Un rabot rotatif, pour diviser les barres en copeaux ; Fig. 3. diamètre, dans l’évasement d'une trémie qui four- nissait le savon en copeaux, et à leur partie conique dans l'intérieur d’une boîte alésée en cône sem- blable; cette dernière était munie à son extrémité d'une filière débitant le savon en un boudin sans fin, bien lisse à sa surface. Vers 1860, M. Brunot, son successeur, perfec- tionna cette machine. [l remplaca le disque rotatif à hélice par une simple spirale cylindrique ou conique, tournant avec précision à l'intérieur d’un cylindre alésé en métal et munie des accessoires mentionnés plus haut et d’une grille placée dans l'embouchure entre la vis d'Archimède et la filière. — Solidificalion el séchage aulomatiques du savon de loilette (système Beyer frères). — A, arrivée du savon; B, trémie de distribution; C, ruban métallique; D, tambour refroidisseur à circulation d'eau froide; E, broyeuse; F, G, rouleaux et toiles de séchage ; I, calorifères. 2% Une peloteuse boudineuse. La pâte du savon, encore molle, placée dans un cylindre en métal, était poussée au dehors par un piston à travers une ouverture de forme déterminée. Le prisme de savon ainsi produit élait coupé en tronçons par le mouve- ment même de la machine; 3° Un mouton pour la frappe. C'était une trans- formation des presses à estampiller. Les pelotes de savon faites à la main étaient frappées à l’aide d'un petit mouton, dans un moule en bronze qui eur donnait la forme et leur imprimait la marque chaque fabricant. L'année suivante, il inventa une autre peloteuse. L'o principal de celte machine se composait d'un disque à mouvement rotatif, armé d'ailes héli- coïdales de forme conique tournant à leur grand Mais on ne traitail que des päles de savon conte- nant encore 30 °/, d’eau et qu'il fallait sécher en pelotes; on ne supprimerail rien des lenteurs et des incertitudes que présentait cette fabrication. Alphonse Piver opéra celte grande transformation en parfumant le savon à l’état sec (et non liquide dans la mise), en faisant sécher auparavant les copeaux dans une étuve, enfin en ajoutant à la peloteuse des filières perfeclionnées. Dès 1862, il disposait les copeaux de savon sur des chàssis de toiles métalliques dans une étuve à courant d'air chaud; quand le savon avait perdu son humidité, il le colorait, le parfumait, le broyait el le passait à la modeleuse. Un nouveau système de filières (plus tard chauffées) permettait d'étirer le savon par bandes minces et partielles, qui se “ ex ë J. ROUCHÉ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA PARFUMERIE EN FRANCE 655 réunissaient par couches régulières avant leur sortie de la modeleuse pour se former en un seul - boudin, facilement divisible en longueurs vou- lues. En 1864, il fil breveter le séchoir automatique continu, qui avait l'avantage de faire circuler les copeaux très divisés dans un courant d'air sec el chaud. Le savon, laminé à travers une broyeuse sur- montant le séchoir, tombait en feuilles minces sur une série de toiles sans fin; de l’air sec chauffé à 802 était atliré et extrait par un ventilateur. Le matériel complet, permettant la fabrication instantanée, matériel perfectionné depuis, nolam- ment par MM. Beyer, était créé. J Une lacune De: = existait : faire _W= LE == précéder le sé- ——— chage d'une ï = _— solidification pou tn | également au- B EME il tomatique et continue de la pète au sortir de la chaudiè- re, en suppri- mant le lage en mises. MM. Petit frè- res, en 18179, ont proposé cou- De son côlé, la peloteuse avait été l'objet de nom- breuses recherches. On avait essayé la presse hydraulique ! opérant de bas en haut, reliée à un cylindre dans lequel se mouvait un piston. Ce cylindre offrait la particularité d'êlre fermé par un couvercle fileté, calqué sur l'oblurateur de la culasse du canon Frébault. On avait tenté plusieurs dispo- silions à piston horizontal ?. Enfin on était revenu à la boudineuse Brunot, à laquelle MM. Beyer ont assuré dès 1875 un fonctionnement parfait. La broyeuse n'a pas subi grande transformation, sauf la disposition ingénieuse que lui ont donnée MM. Lucien Piver et Beyer, en 1869, pour lui per- meltre de recharger auto- matiquement. Par se consé- = 2 Æ 2. quent, depuis _ | la chaudière jusqu'à la sor- C tie du séchoir, la fabrication Mn Ah est automati- que : on voit qu'il suffit, pour qu'elle continue de l'être jusqu’au bout, de faire passer succes- sivement les copeaux dans (NI TE CL TT NEA ETS LT pour la savon- une broyeuse, nerie le procé- un hachoir où dé qu'ils appli- se trouve le quaient aux acides gras em- ployés pour la fabrication des bougies. Le sa- von, encore li- quide, tombe sur la couronne d’un tambour circu- laire, évidé au centre, tournant sur son axe, el traversé par une circulation continue d’eau froide. La couronne forme partie refroidissante, le liquide se fige; un petit racloir le fail descendre sous forme de copeaux. Cetle idée a été reprise en 1890 par MM. Decres- sonnières : le mélange homogène de la chaudière se déverse dans un laminoir composé d’une série de cylindres creux et ouverts aux deux extrémités entre lesquels le savon se durcit progressivement sous forme de feuille mince exposée à une ventila- tion tantôt froide, tantôt chaude. MM. Beyer,en 1893, ont trouvé une nouvelle disposition (fig. 3) dont nous parlerons plus loin. Fig. 4. — Découpoir à fils mulliples, de MM. Beyer frères. — La table de savon à couper, posée sur la plate-forme de la machine, reste en place, tandis que le cadre portant les fils est mis en marche par l'intervention d'un levier d'em- brayage. Le bloc est tranché en briques par les fils, qui, arrivés à leur fin de course, s'arrêtent, grâce à un mécanisme spécial. Le mouvement de retour des fils est ulilisé pour la coupe comme le mouvemeut d'aller. Il suffit de ren- verser, au moyen du levier à contrepoids, l'inclisaison du cadre. { parfum, une peloteuse - pe - seuse, une ma- chine à frap- per qui lui donnela forme. Voici rapidement les différentes opérations que subit le savon, avec l'indication des outils les plus modernes. Le savon, sortant de la chaudière, est amené (en À, fig. 3) liquide dans une trémie B qui le ré- partit sur un ruban métallique sans fin C; le ruban se déroule, comme une courroie, sur deux poulies, la première D, de grande dimension, continuelle- ment refroidie par un courant d'eau; la seconde placée en haut du séchoir. Par l'effet du tambour refroidisseur, la nappe savonneuse se solidifie ; elle est remontée par le ruban métallique, en est * Alphonse Piver, 1869. ? Beyer, 1865-1873. 6356 J. ROUCHÉ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA PARFUMERIE EN FRANCE — Echelle de 0100 Fig. 5. — Hachoir tournant. — Les copeaux de savon sont placés dans une Fig. 7. — Découpoir à pédale. bassine tournant horizontalement: ïls sont réduits en grumeaux par le — Une guillotine, en s'abais- hachoir, animé d'un mouvement de rotation vertical. sant, coupe le morceau de savon. ik on LE use el boudineuse combinées (système Beyer frères). — La pâte de savon est étirée entre les quatre es, et amenée par eux de bas en haut jusque dans la partie supérieure de la trémie: puis, lorsqu'elle est suffisamment broyée, elle tombe dans la boudineuse et en sort en boudin. dr + J. ROUCHÉ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA PARFUMERIE EN FRANCE 65 —_ ) délachée par une raclelte, tombe dans la broyeuseE, de là dans le séchoir à toiles FG. Dans les usines où le transport de la chaudière dans le séchoir n'est pas automatique, les tables de savon sont découpées en briques cubiques de 4 à 5 cenlimèlres d'épaisseur par une découpeuse mécanique (fig. 4). Les briques sont transformées par le rabot rotatif en copeaux très minces, qu'on fait circuler dans le séchoir. Les copeaux étant secs, on les fait passer dans un hachoir lour- nant (Gg.5) qui -# lesréduitengru- ! meaux. On verse alors le parfum très lentement, et on ajoute la couleur, s'il en est besoin. Au bout de quelques instants, couleur et parfum sont réparlis unifor- mément dans la masse ; on porte le tout dans la trémie à double comparliment de la broyeuse (fig. 6). La pâte de sa- yon est étirée entre quatre cy- —lindres de dia- mèlre progres- sif; elle estame- née de bas en haut par leur mouvement de rotation à vites- se différentielle etrejetée du qua- trième cylindre par une raclette dans la partie su- périeure de Ja trémie. Elle reprend ainsi le chemin parcouru jus- qu à broyage complet. Alors, on suspend l’action de celte raclette, on fait agir la raclette placée du côté opposé ; la pàle tombe dans la peloteuse-boudineuse. Celte machine à pour fonction d'amalgamer de nouveau le savon et de le transformer en boudin compact, poli et homogène. L'organe principal est une vis d'Archimède, à pas progressif, exactement ajustée dans une. enveloppe qui affecte la forme d'un paraboloïde de révolution. Les filets sont REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897. Fig. 8. — Peloteuse-peseuse universelle de MM. Beyer frères. — Cet appareil moule et divise suivant la longueur donnée les boudins de savon sortant de la boudineuse. Il se compose d'un disque, animé d'un mouvement rotatif intermittent et percé d'un trou dans lequel se meut librement un piston, dont la course est limitée par une broche fixe. Le savon, sortant de la bou- dineuse, arrive derrière le piston, le pousse, se-comprime, prend la forme de la cavité dans laquelle il est introduit. Le disque opère une demi-rota- tiou. Le boudin est tranché. Il est expulsé par le piston que pousse la matière savonneuse fournissant le second pain. inclinés de telle facon que leur génératrice tombe normalement sur le point de la surface qui leur correspond sur le paraboloïde. La compression est opérée entre les filets de cette vis, qui présentent des sections progressivement réduites vers l’em- bouchure. Une circulation d'eau froide empêche les parois du cylindre de chambre annulaire à s'échauffer par la compression; l'extrémité, au contraire, est chauffée à l'eau tiède pour lustrer le savon. La filière de sortie varie de forme et de dimension sui- vant la forme et le poids que doit avoir le pain. Le boudin est divisé au moyen du découpoir à 1)ou dans la peloteu- se-peseuse pédale (fig. fig. 8). Le bondon est relevé automati- quement, il ne reste plus qu'à le frapper et l’es- tamper dans un moule au moyen d’une (Gg. 9). Le moule con- deux coquilles : l’une presse siste en fixée aux toiles, l’autre au levier de la presse (fig. 10). $ 2. — Produits divers. Lesautlres pro- duits exigent des outils beaucoup moins iMpor- lants : Les poudres sont d'abord mé- langées, puis tamisées très finement au moyen d'une tamiseuse mécanique. Les tamis sont soumis à des secousses saccadées de va-et-vient et à une rotation dans leurs tambours placés obliquement, — double mouvement, qui imite le tamisage à la main. Le résultat est ob- lenu à l’aide de bielles commandées par l'arbre à manivelle. Les poudres sont ensachées mécanique- ment (fig. 14). Les pommades sont fondues dans des bassines 16" 658 chauffées à la vapeur, puis coulées dans les pots, sur les tables maintenues à une douce température. Les pâtes sont saturées dans des mélangeurs- malaxeurs. \ BEVER rs PARIS | Fig. 9. — Presse à vapeur. — La presse, mue par la va- peur, se compose d'une vis verticale, surmontée d'un volant qui est mis en rotation alternativement par deux plateaux à friction pour opérer la montée et la descente. Une pédale amène le contact du plateau qui détermine le coup de presse; un débrayage automatique fait remonter la vis et chasse du moule le pain frappé. Les cosmétiques sont coulés dans des moules Fig. 10. — Moule à frapper le savon. spéciaux au milieu d'un laboratoire refroidi arlifi- ciellement pendant les grandes chaleurs. Les crèmes sont émulsionnées dans une baralte. Quant aux liquides alcooliques (extrails, eaux de J. ROUCHÉ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA PARFUMERIE EN FRANCE ; toilette, eaux de Cologne, lotions, etc.), ils macè- rent dans des fontaines où ils sont fréquemment agités (fig. 12). Les opérations qu'ils subissent, et c'est là le | seul côté intéressant, se font, pour éviter toute éva- poration, mécaniquement. Une tuyauterie qui, on le M comprend, devient considérable dans une grande usine, les amène, chassés par une pompe à air, dans le filtre, pour les conduire ensuite dans le récipient, où ils attendent d'être mis en bouteille. De cette fontaine jusque dans le flacon même, le transvasement s'opère à l'abri de l’air par conduites fermées. Fig 41. — Machine à ensacher les poudres (système Beyer frères). — Une vis d'Archimède, située au fond de la tré- mie, entraîne la poudre dans un conduit, se terminaut en dehors du bâti par une embouchure carrée. Celle-ci recoit le sac à remplir recouvert d'un étui de bois. Au-dessous roule un chariot qui les supporte. La compression est produite par un couvercle à charniére, qui est appuyé contre le fond de l’étui par la résistance d'un contrepoids suspendu sous la table. Cette compression fait avancer le sac jusqu'à ce qu'il contienne la charge voulue. Une butée au chariot fait alors fonctionner un déclic automa- tique qui immobilise la vis chargeur. Nous signalerons enfin toute une série de petits outils, appareils à filtrer, décanter, à jauger auto- matiquement ; machines à nettoyer, remplir, bou- cher, capsuler, envelopper les flacons, ete., qui viennent encore grossir le nombre et l'importance de l'outillage d’une usine de parfumerie. IL. — STATISTIQUE DE L'INDUSTRIE DES PARFUMS. La production de la parfumerie française peut être évaluée entre 70 et 75 millions, dont près des deux tiers est exportée ‘. 2 2) EUR RER PR EPAE RER CE OO ES 1 Si l'on évalue le kilo au prix donné parles tableaux des douanes (moyenne 4 fr. 50), l'on obtient une somme infé- J. ROUCHÉ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA PARFUMERIE EN FRANCE 659 Le nombre des fabricants dépasse 300. Dans ce chiffre nous ne comprenons ni les artisans qui fa- briquent er chambre une spécialité unique, ni les revendeurs au détail, qui offrent, avec une éliquelte portant leur nom, des produits manipulés par eux- mêmes dans leur sous-sol, ou faits par une grande usine à leur intention. Rien qu’à Paris, ces minus- cules industriels se comptent par 2.000. La Parfumerie occupe plus de 6.000 ouvriers; de plus, par les industries auxquelles elle demande et la distillation des essences indigènes, et aussi sur l'importation des essences exotiques. 1° Commerce des essences indigènes. — Pour la première, Grasse, Cannes, Nice, par leur climat, leur culture de fleurs, forment un centre de pro- duction unique dans le monde, et qui a donné jus- qu'ici à la Parfumerie française la suprématie. Dans le département des Alpes-Maritimes, on compte environ 40 fabricants, faisant un chiffre dHe'& De Fig. 12. — Vue d'un groupe de fontaines à macéralion pour les liquides alcooliques. — La complication de tuyauterie est due à la nécessité de faire toutes les opérations de trausvasement en conduits fermés. Une pompe à air chasse les liquides de la fontaine dans le filtre, les ramène dans une fontaine voisine, et de là dans l'atelier de remplissage. un concours important (verrerie, impression, car- tonnage, alcool, amidon, tale, corps gras, etc.), elle assure l'existence de plus de 20.000 personnes. S 1. — Commerce des matières premières naturelles. Le commerce des malières premières porte sur la fabrication de corps parfumés à l’aide de fleurs, rieure au chiffre que nous énoncons ici d'après les déclara- tions faites, à plusieurs reprises, par la Chambre syndicale. Cela tient à ce que : 1° Les statistiques des douanes sont incomplètes. Peau- coup de produits de parfumerie sortent de France sous d'autres noms : articles de Paris, etc. ; d'affaires de 12 millions, dont 7 à 8 d'exportation. On y occupe 400 ouvriers, 4.000 ouvrières; il n'y a pas de chômage à proprement parler; mais, du 15 avril au 31 mai, au moment du grand travail, on prend en supplément un certain nombre d'aides, qui viennent en partie de l'Italie, et qu'on peul 0 / estimer à 30 °/,. Les salaires moyens sont, pour les hommes, ne de 2 fr. 50, pour les femmes, de 1 fr. 25. 20 Le taux est trop faible. Depuis plusieurs années, comme on le verra plus loin, les articles de prix moyenne peuvent plus être exportés: seuls les objets de haut prix passent la frontière. Le taux doit être doublé, voire même triplé. É J. ROUCHÉ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA PARFUMERIE EN FRANCE À ”. 660 1 de fleurs (Tableau I). Tableau I. — Fleurs traitées dans les Alpes-Maritimes. PRIX MOYEN FLEURS QUANTITÉS du kilo kilos 2.000.000 2.500.000 Roses 24 Fleurs d'oranger . Jasmins . Violettes. Tubéreuses. Cassies. Avec ces fleurs on produit : par l’enfleurage, 400.000 kilos de pommades parfumées ; 100.000 ki- los d'huiles parfumées ; par la distillation, d'une part des eaux aromatiques (environ 4 millions de litres d'eau de rose et de fleurs d'oranger) et des essences, 2.000 kilos de néroly, 50 kilos d'essence de rose. 1.000 kilos de fleurs d'oranger donnent 4 kilo de néroly ; 10.000 kilos de roses fournissent 4 kilo d'essence. La menthe est aussi cultivée dans ces régions et donne environ 4.000 kilos d'essence. Il se fait dans le département un grand com- merce d'essences de Labiées : Lavande. 100.000 kilos Thym . . 40.000 — Romarin . 25.000. — ASpic -: 25.000 — Mais ces huiles essentielles sont produites en petite partie à Grasse (seulement 5.000 kilos de lavande, 3.000 de thym). Elles sont distillées dans l'Hérault, ie Gard, le Var, la Drôme et les Basses- Alpes. Sur les lieux mêmes de production, les plantes sont traitées soit dans des alambics de campagne qui, pendant les deux mois de saison, se déplacent à travers les villages et les montagnes (certains industriels en ont jusqu'à 30 en fonction- nement), soit dans des alambics énormes suscepli- bles d'épuiser chacun 2.900 kilos de lavande en 24 heures et établis dans des usines fixes. 550 kilos de fleurs donnent 1 kil. 500 d'essence. 2° Commerce des essences exoliques. — Le nom- bre des importateurs qui se livrent au négoce des malières aromatiques exoliques, est beaucoup plus restreint; leur commerce n'en est pas moins fig. 13). Le chiffre des essences importées en France tableau I[,et graphique de la figure 13) est de 1% millions, sans y comprendre les mâtières pre- mières communes à la Parfumerie et à d'autres important muscades, bois odorants, produits chimiques etc. !. On peut dire que, sauf quelques exceplions, | chaque produit vient d'un pays spécial où le climat Tableau II. — Importation des essences exotiques en 1895. On y traite annuellement pour plus de5 millions , industries, Lels que baumes, vanilles, girofles, ; | ESSENCES PAYS DE PROVENANCE POIDS NET | kilos Roses . Turquie . . 4.024 Guyane francaise. . 287 Autres pays . Bois de rose. 294 8.45% 134 1.356 29.375 25.225 8.870 49.446 13.619 5.185 31.04% 41.620 354.887 291 134 6# Réunion . : Autres pays . Russie. ë Angleterre . Allemagne . | Autriche . . | || Toutes autres . Italie. . | ) Chine | Japon . | Algérie." .- Autres pays . Italie. . Angleterre . Chine . c Autres pays . Géranium rosat Racines d'iris. . Muse. . et la culture lui donnent des qualités particulières. Entre les rares essences qui, portant le même nom, 170 T [ 180 | | 160 | = 180 150 120 | | | h MR | | 100 | | 30 | | 20 | | | 10 Les L I o 2 o o La eo La x «7 à S S o ao | ll Al ' i 1 , | n 5 ty n 5 5 mn | a] a # W w ts A Le] > œ@ e Lai LI e 2 = 2 = 3 = 2 Fig. 13. — Imporlalion des essences exoliques en France. — (Une division en hauteur représente 1.000 kilos d'essences). peuvent venir de pays divers, il existe pour l’ache- teur exercé des nuances sensibles de parfum. Les 1 On ne peut indiquer aussi, pour les mèmes raisons, dans le chiffre d'importation pour la Parfumerie, les corps gras, saindoux, huiles de coco, huiles de palme, ete. L J. ROUCHÉ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA PARFUMERIE EN FRANCE 661 menthes du Japon, d'Amérique, d'Angleterre, les géraniums des Indes, de la Réunion se distinguent nettement et snt des emplois différents. $ 2. — Production des divers pays. Depuis quelques années la culture des plantes aromatiques, particulièrement le géranium, à pris en Algérie une grande extension, aux environs d'Alger, à Staouéli, dans la vallée de Mitidja. A Boufarik, on compte plus de 500 hectares de géra- nium, 470 de cassie:; on ne néglige ni la violette, ni l'oranger. La production d'essence de géranium dépasse 6.000 kilos. L'Italie nous envoie les rhizomes d'iris et les essences de bergamote, de citron, de portugal. Les iris sont cultivés dans les environs de Florence et à Vérone. La France en consomme annuellement près de 350.000 kilos. _ Les essences d'Auriantacées se distillent en Ca- labre, en Sicile; s'exportent (Tableau III) par Mes- Tableau III. — Exportation italienne des essences d’Auriantacées en 1895. I 4 | PAYS QUANTITÉS | kilos PSE RSR EE 49.446 1 NE CON PERRET 22.674 CREER STONE EE 16.214 LL EERENRE 1 É EO E AC E 188.530 Amérique CUBN OT CE EN OT EE 177.106 LR METRE TR RE RE RTE 39.621 54.194 leur valeur dé- sine, Reggio, Catane et Palerme: passe 8 millions de francs. Pour produire 1 kilo d'essence, il faut environ . 200 kilos d'écorces, soit 2.000 fruits. Un ouvrier habile écorche 4 son salaire est de 2 fr. 65. La rose vient de Bulgarie ; elle estcultivée à Kezan- ik et dans toute la vallée de la Tourdja. Les grands négociants possèdent d'importantes distilleries, qui peuvent contenir jusqu'à 125 alambics. Ils com- plètent leur provision en achetant dans chaque village la petile quantité que les propriélaires des champs de roses ne peuvent distiller eux-mêmes. Des contrats les lient avec ceux-ci. Chaque.paysan à son compte ouvert chez son acheteur habituel, qui lui fait des avances aux laux de 12 à 24 °/,. Il en résulte pour le négociant des opérations de banque qui deviennent une source importante de bénéfices, et jouent un rôle dans le prix de l'essence revendue, La production en essence est d'environ 2.500 kilos. Un hectare peut fournir 3 millions de fleurs (soit environ 3.000 kilos), qui donnent à la distillation .000 citrons par jour : 1 kilo d'essence. Le kilo de fleurs {1.000 roses envi- ron) se paie sur place de 0 fr. 45 à O fr. 18; la cueillette des fleurs 0 fr. 02 le kilo. L'essence est achetée au paysan suivant le degré de congélation (14, 45, 46° Réaumur) et à raison de 50 à 60 francs le degré par kilo. La menthe et la lavande sont spécialement cul- tivées en Angleterre, dans le canton de Surrey, depuis de nombreuses années (1568). On trouve à Mitcham près de 350 hectares de menthe. Durant la saison, des séries d’alambics dislillent 15.000 ki- los de plantes par jour. On juge de l'importance de ces appareils distillatoires par leurs serpentins, qui ont 35 mèlres de longueur et pèsent chacun KILOS I î| | 15001! | + — LE ne 1500)! il I 1300 1] 1200 + jen 1100! | EN En 8 À 1008 ——| Lee Fig. 14. — Importation du muse sur le marché de Paris. | 1.200 kilos. Ils plongent dans d'immenses cuves contenant 20.000 litres d’eau. La lavande et la menthe ont une grande talion de finesse. Le centre de la production des parfums en Alle- magne est Leipzig. On essaie d’acclimater la rose : on en produit déjà 265.000 kilos. En Thuringe, les régions de l'Erzgebirge se livrent à la culture de la menthe. En Russie, à Krasnoyé, on traite 60.000 quintaux de semences d’anis. 100 kilos produisent de 2 à 3 kilos d'essence. | L'Amérique fournit 200.000 kilos d'essence de menthe poivrée. On cultive la plante dans les États de Michigan, d'Indiana, de New-York, sur une éten- due de 3.000 hectares. On trouve dans ces champs des sillons qui ont 1.600 mètres de long. À Lyons | seul, on produit 100.000 livres d'essence de menthe. répu- 662 J. ROUCHÉ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA PARFUMERIE EN FRANCE La Chine envoie la badiane, la cannelle et le muse. En 1895, Shangaï a expédié directement en France 734 kilos de muse, soit environ 30.000 poches; et comme l'exportation de Chine se répartit ainsi : 31 0/0 18 0/5 France, Angleterre] 25 0/5 Amérique, 10 o/, Allemagne, 10 °/, autres pays, cela suppose une chasse annuelle de 75.000 bêtes. Autrefois le gros marché du muse se tenait à Londres : les importateurs français ont réussi à le transporter à Paris (fig. 14, page 661). Les Indes nous envoient la citronnelle (environ 400.000 kilos), Manille, l'essence de ylang (1.500 ki- los), Cayenne, l'essence de bois de rose, etc., etc. L'exportation française des essences s'élève à plus de 14 millions (Tableau IV et figure 15). S 3. — Importance des produits artificiels. De création récente, l'industrie des produits arli- ficiels est très limilée. Pendant longtemps elle est reslée le privilège d'une seule maison en France, tropine à 3.790 francs, l’ionone à 12.000 franes, le muse à 25.000 francs. Ce n’est que peu à peu, par le jeu de la concurrence, par la découverte de nou- velles préparations, qu'ils arrivent à décroitre de valeur. La vanilline et l'héliotropine fournissent des. Tableau IV. — Exportation française en 1895. ESSENCES DE ROSES ESSENCE E GE AUTRES de t DE GÉRANIUM E ESSENCES DESTINATION BOIS DE ROSE ROSAT kilos 312 199 1.107 989 » 3.332 2.141 kilos 155.416 33.526 7.290 40.762 53.387 40.398 18.387 Angleterre: Allemagne... Belgique. . Suisse. Italie Etats-Unis. .: . . Autres pays. . . exemples frappants de ce phénomène (Tableau V). Depuis trois ou quatre ans, un mouvement inté- ressant se manifeste; plusieurs grandes usines ont été créées. Les études scientifiques sur les par- Rien: jm EC HR 0) 3 [I mi 25 + LT el CT EU 20! | A I [=] HER À à 2A\ 5 AE SRRDE = Ê ; LE u Bet ii ol 1 [ ri - M [1 ATE 2 a = = à 3 8 8 £ 8 5 8 E SHARE £ = = e à & F5 à = 2 = = l'ig. 15. — Lxporlalion française des essences de 1827 à 1895. — (Une division en hauteur représente 40.000 kilos d’essences. de deux ou trois en Allemagne; encore exislait-il — el existe-t-il toujours — entre ces usines un syndicat international. Dans ces conditions, la statistique parait difficile, indiserète. La vanilline, l'héliotropine, la couma- | rine, l’ionone, le muse, le terpinéol, donnent lieu | à une production importante; les autres parfums : aubépine, yara-yara, iso-eugénol, géraniol, à une vente beaucoup plus restreinte. Tous ces produits débutent sur le marché à des prix extraordinaire- | ment élevés : la vanilline à 8.756 francs, l'hélio- fums, qui avaient presque exclusivement pour ber- ceau l'Allemagne, ont enfin éveillé l'attention des chimistes français. Pourquoi ce mouvement ne s'est-il pas produit plus tôt? Les causes en sont mulliples : D'abord la plupart des parfums synthétiques, sauf quelques-uns qui viennent de lomber depuis dans le domaine public, sont brevetés et savam- ment brevetés. Ces travaux exigent des connais- sances {très élevées; ils sont longs, difficiles, incer- lains, onéreux. Puis, toute une série de molifs qu'on | J. ROUCHÉ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA PARFUMERIE EN FRANCE 663 _ connaît : l'organisation du travail chimique en _ France; le petit nombre de laboratoires, leur mé- diocre installation; la centralisation des savants; leur rétribulion par l'État, et non comme en Alle- magne, par la Ville, qui attire des habitants en créant des centres d'étude; la législation des bre- vels, qui garantit le produit, alors qu'ailleurs elle | reconnue. La finesse, la perfection de ses produits, le goût avec lequel elle les présente, lui ont valu à toute époque des succès universels. On peut dire que l'art si délicat du parfumeur a été de tout temps un art éminemment français. Si dans cerlains pays la parfumerie a depuis quelques années beaucoup progressé, si d’im- Tableau V. — Variation du prix (en francs) du kilo de vanilline et d’héliotropine. 1879 1881 Vanilline . . . 2.600! 2.000! 2.000 Héliotropine. . » 3.190 ne protège que le procédé; enfin une quasi-répu- gnance des maitres de la science à s'occuper de “questions commerciales. Il faut s'attendre, dans un délai très court, à voir - apparaitre toute une série de substances nouvelles et probablement aussi à voir les corps déjà connus . subir, par la concurrence, une baisse de prix consi- 4.425 2.500| 1.750! 1.250 750 1885 1886 1888 1.125] 875 562 875 450 875 375 875 250 875 700 135 150 15 45 portantes usines se sont créées, les articles fabri- qués sont, en général, des articles ordinaires, et s'adressent à une consommation indigène. À peine pourrait-on citer en Angleterre, en Belgique, aux États-Unis, quelques maisons dont les articles franchissent la frontière. Les marques françaises sont, au contraire, connues dans le monde entier. RÉ DE TT Î Ï Î T — Ï Fi n TT _— —+- TT t [ Î : mel [I Ï L El jo [ T Er EDE ff y HE RÉEL EE a ii | ÉCOA | | | [1 LT = 2 1 [1 [| ne [1 | CL RRBRRRRRE EEE D 1 en Li - [1 [1 [ ses anE) T LE [A [ | LS ESS Sn EE DER Ti Î LE ÉÉCERÉEEEEEER LE HE ÉREBRALER =] 2 L Ï 1 e ASE [1] 1 + + it . ci: -} [ 4 ei ] Bi ISO SRE BE 5 LT ss : I] 1 PE ne EE di: Jon . BE O ÉRSRSSS FE DEEE EPA ERP PRE 5367 2584R8E) j l Ref Cape Gi Î VAR LE Er Tri nn cr er ne TT RER ma ul + [TT + = BEI ae TT # es! ol ITT ALICE ECRIRE lets) Bis DCRELE: L ES Fig. Te Exportalion française de la Parfumerie de 1827 à 1895. — (Une division en hauteur représente 100.000 kilos de parfumerie.) dérable. La vanilline est tombée brusquement de 100 à 136 francs; pareil sort semble réservé aux produits analogues. Il en résultera une transfor- mation complète de cette industrie, qui, au lieu de rester un pelit commerce à grands bénéfices, de- viendra un grand commerce à petits bénéfices. $ 4. — Commerce de la Parfumerie confectionnée. L'industrie de la parfumerie proprement dite jouit en France d'une supériorité universellement Le produit supérieur, qui prévaut sur le marché, vient toujours de France. S'il était besoin d’une démonstration de cette primauté, il suffirait de rappeler que l'importation en France est à peu près vingt-deux fois moins forte que l'exportation (fig. 16 et tableaux VI et VIT, page 664). Le tableau VIII (page 665) donne l’ex- portation de quelques pays étrangers. L'enquête de 1848 révélait 26 fabricants faisant chacun plus de 100.000 francs d’affaires. 66% J. ROUCHÉ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA PARFUMERIE EN FRANCE De nos jours, on en comple au moins 30 dont le chiffre dépasse 500.000 francs. On sait avec quelle recherche les produits de Tableau VI. — Importation des parfums en France en 1895 PARFUMERIES PAYS PARFUMERIES SAYOXS non de provenance alcooliques alcooliques | kilos 3.451 12-4105 3.693 1.382 Belgique . 692 » Suisse à EM ON de ADE 1.987 .369 Etats-Unis eau E Ne .06 » | Autres pays. 1.855 1.155 litres Angleterre . Allemagne . Totaux. .664 10.978 parfumerie sont présentés au public. Ces acces- soires jouent un grand rôle ; entrent, en moyenne, pour 40 °/, dans le prix des articles: ils Faïence et porcelaine. ae RD OO) S Papier, impressions, cartonnage, boites de DOS MEME Tone ll Faveurs, soies, cires, | peaux, “parchemins, baudruches, cotons, fils, ficelles, etc. . 30 NORMES 70 ed à. d'onde) on AN et) La consommalion d'alcool doit dépasser 25.000 hectolilres d'alcool pur:les droits versés à la Régie s'élèvent à 2 millions. Le personnel employé dans les usines se com- pose en grande partie de femmes. Les hommes sont payés à la journée. Salaire moyen 4 fr. 50. Les femmes travaillent soit à la journée, le salaire est alors de 2 fr. la confec- ion d’une douzaine de flacons (c'est-à-dire lavage de la bouteille, emplissage, coiffure, collage des éliqueltes, emballage complet) se paie environ 50 centimes ; la confection d’une douzaine savons 18 centimes. Une ouvrière habile, en tra- vaillant 10 15, soit aux pièces; de heures, arrive facilement à gagner 4 francs. III. — CoNDITIONS ÉCONOMIQUES DE L'INDUSTRIE DES PARFUMS. Malgré sa supériorité, et peut-être même à cause de cette supériorité, la Parfumerie francaise subit, depuis deux ou trois ans, une crise qui Lend à deve- nir très aiguë. Elle est frappée, à l'entrée de tous les pays, de droits de douane considérables, que vient augmenter encore le change, surtout dans l’'Amé- rique du Sud. Par suite, la vente tend non seule- ment à se restreindre, mais à se transformer d'une 17). par la taxe certains produits subissent une façon préjudiciable aux intérêts francais (fig. Le tableau IX (page 666) montre que, seule de, douane, Tableau VII. — Exportation française en 1895.. 1_ PAYS de destination Angleterre Allemagne Belgique . | Suisse À | Portugal . Espagne Turquie. . . Russie (Mer Baltique). Russie (Mer Noire). Suède. . RD Norvèce Danemark Pays-Bas . Autriche . Italie . Grèce. Roumanie. . | Algérie. =. Tunisie . Ha ed Possessions anglaises dans la Méditerranée Egypte . Tripoli . Maroc . . Côle occid. d' Alrique. | Possessions anglaises d'Afrique Orient Sénégal. . Etab. fr ancais de a e ôte occidentale d' lue Nossi-Bé . 3 s Madagascar. | Réunion Autres pays d' “Afrique. CURE = ; Japon. | Indes franc aises. |Indo-Chine . Indes anglaises . - Indes hollandaises. . Philippines Mac Autres pays d' Asie . MÉUUERANE 7 Guatemala : . : Vénézuela. . Uruguay . Pérou. Possessions d'Amérique..." Possessions es pagnoles d'Amérique . Saint-Thomas. : Possessions hollandai- ses d'Amérique . | Haïti . : Guyane franc aise. Martinique . Guadeloupe. Etats-Unis. . Canada . Colombie . Brésil. . République Argentine. | Equateur . | Chili . | Australie . - | Nouvelle-Calédonie . | Elats francais en Océa- Ib e 2 Zone franche 3 Ë ta & Provenances de bord. navires français. : Provenances de bord. | navires élrangers . | anglaises Totaux. SAVONS = PARFUMERIES non alcooliques {|} PARFUMERIES alcooliques litres 41 19 1.855 4.121 1.468 18.909 295 13.904 728 1.320 143 3.96: 38.538 126,690 » 363 34.87 30.370 42.810 1u1.83 22,414 6S.838 A » 2 13.418 4.761 1.241 232 69 214 S58 380 2.676 » 236 159.698 990.110 J. ROUCHÉ om qui va jusqu'à 200 °/ de leur valeur. — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA PARFUMERIE EN FRANCE Au Brésil . Au Mexique Japon. Russie. paierait : | Au Brésil. République Argentine : Mexique. . Japon . Russie. Fig. 17. — Influence du change sur . parfumerie francaise au Argenline. l'exportation En tenant compte du change, une douzaine d’ex- traits, vendue 24 francs à Paris, coûte à l'acheteur ! Brésil et dans la République de la | Paierait : Au Brésil . Mexique : Republique Argentine : Japon Russie. . République Argentine , C Une douzaine de lotions, 665 à 108 fr :., 708 110 46 58 Une douzaine de savons, vendue 15 francs, se 93, fr. 69 50 29 28 vendue 18 francs, se Tableau VIII. — Exportation faite par les autres pays (1893). Savons en tableltes. Ë : Graisses et huiles ar omalisées . Eaux aromatisées non alcoolisées. autres . tiques, papier parfumé, etc. Totaux. . Parfumerie en général . Savous. . SIT Totaux. . Eaux aromatiques . Savons. Parfuws de toutes sortes. Totaux. . Vinaigres, graisses, huiles parfumés Essences aromatiques alcoolisées . : Fards, cosmétiques, articles de parfumerie c Savons communs . NC) RENDUE fins de toilette: Totaux. ÉTATS-UNIS Parfumerie de toute sorte et cosmétiques . Savons de toilette . DOME 2 Totaux. ANGLETERRE Parfumerie de toute sorte Savons de toutes sortes . Totaux. . ALLEMAGNE Brillantine, cold-cream, essences pour les chev eux, pastilles à aroma- Savon et parfumerie non spécialement ‘dénommés . HOLLANDE AUTRICHE Eaux de lavande, de rose et autres eaux odorantes . 1.612.300 kilos 11.900 25.700 1.125.600 288.400 S00 ce 064.700 BELGIQUE 122.206 kilos 122.206 31.113 75.051 2.445 litres kilos 115.199 420 310 5.800 59.700 426.200 501.400 kilos 989.890 2.118.000 marks 131.000 26.000 5.628.000 1.154.000 10.000 9.367.000 francs florins S florins » 345.041 dollars | » 103.649 415.690 N 87.816 liv. st » 644.259 » 132.105 un nombre de milréis, piastres ou roubles, qui, au cours du pair, correspondrail : ! Le cours du change est -pris au 12 février 1897. On s'est placé dans les condilions normales les plus strictes; | admettre les moyens ingénieux de tourner sans les droits (en 666 J. ROUCHÉ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA PARFUMERIE EN FRANCE Par conséquent, l'exportation des articles de luxe se trouve restreinte, celle de la parfumerie courante est arrêtée (fig. 17). Pour alimenter cette consommation courante indigène, il s'est créé dans chaque pays des usines de parfumerie et surtout des savonneries. Ce sont, pour la plupart, maisons récentes, fon- dées en concurrence des fabricants français et qui se développent avec grande facilité, non seulement parce qu'elles sont sous l'égide de droits protec- teurs, mais encore parce qu'elles se trouvent à peu Comment, en dehors de la qualité de leurs par- fums et de la célébrité qui les accompagne, nos parfumeurs pourront-ils soutenir la concurrence? Une transformation de la vente parait probable: 1° Les produits de marque et de prix élevé seront envoyés de France cachetés, seront vendus, munis. de toutes les garanties possibles (timbre d'origine, plomb de la douane, ete.). Ils atteindront un prix de vente très haut, la consommation en sera donc restreinte, comme l’est toute consommation de luxe; 2 Pour les autres articles, où il faut rechercher près dans la même situation qu'une parfumerie | un gros débit, on renoncera à les estampiller d'un Tableau IX. — Effet des droits de douane (Pourcentage ad valorem). PRIX MOYEN de la douzaine PRODUITS AUTRICHE ESPAGNE Savons 54 30 °/o 3305 — di D 45 50 EXÉTAITS EN 0e 0e 5 5 27 — UN 00 36 1 1% Eaux de Cologne. 2 il 67 Eaux de toilette . 5 55 58 Poudres de riz. 33 = 12 50 87 50 19 ©: 9 = Huiles . . Eaux dentifrices . Pommades et cos- métiques. . = [DE] 31 = 12 33 0/0 50 SUÈDE ROUMANIE et NORVÈGE ITALIE PORTUGAL BELGIQUE 30 0/0 49 13 7 33 30 15 32 95 40 25 20 RUSSIE ALLEMAGNE ——— Savons its 30 0/9 — a ora. dto ) 50 Extraits . 5 Eaux de Cologne. Eaux de toilette . Poudres de riz. . Huiles . Eaux dentifrices . Pommades et cos- métiques. . ÉTATS-UNIS PÉROU ÉQUATEUR COLOMBIE BRÉSIL MEXIQUE 90 9/0 66 0}, 30 115 francaise, au point de vue des essences, des princi- pales matières premières, des accessoires ordi- naires de confection et de l'alcool !. Elles sont tributaires de la France pour les pro- duits enfleurés dès Alpes-Maritimes. Seulement il leur est loisible d'acheter à Grasse des parfums concrets, avec lesquels elles auront des réductions sensibles de transport et de douane; 2 kilos de parfum fournissent 100 litres d’un extrait très concentré. expédiant par exemple le liquide en estagnon, d'un côté, la verrerie et les accessoires de l’autre, on vise deux taxes dont la somme est inférieure à la taxe de parfumerie). On a supposé le produit partant de Paris tel qu'il est présenté à l'acheteur, traversant les douanes complet et sincère. 1 Pour l'alcool, il y a dans chaque pays des droits de nom, on expédiera le produit brut sous la forme la plus réduite possible; le parfumeur étranger le diluera, le confeclionnera. Une sorte de commerce de demi-gros franco-étranger se créera. régie : mais ils sont compensés par les droits de douane frappant les produits alcooliques importés. Droits de régie par hectolitre d'alcool pur. fre: France . 156,25 Allemagne. . 80,00 Anolelerre EEE Cu Le MODES AUTRICHE APR CRC 0 MM ET Belsique eee : 130,00 Italie SE 180,00 Russie. . 325,20 SIUÉÉEN ES a 143,80 Etats-Unis. 245,36 DÉS A NT NT AMP CR SNA | EN Ses à J. ROUCHÉ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA PARFUMERIE EN FRANCE 667 Sinon, il faudra fonder dans chaque pays un dé- pôt ou une usine. Pour une usine, les frais d'installation sont con- sidérables. Et puis une difficulté spéciale se pré- sente. Toute maison importante de parfumerie possède un nombre considérable d'articles (plus de 500) de vente usuelle; ils sont de compositions différentes, contenus dans des récipients divers, revètus d'étiquettes variées. Cette confection, ainsi étendue, serait trop onéreuse. On serait forcé de se borner à un petit nombre de produits. La fabri- cation n'aurait plus le charme, l'élégance, la variété qui font son succès. Un dépôt sera un simple atelier de confection où parviendront par des envois différents les flacons en caisses, les liquides en estagnons, etc. Encore ne sera-t-il possible que si la somme des droits de douane payés par chacun de ces éléments est inférieure à la taxe qui frappe l'ensemble, et si celte différence est sensible. Pour les matières premières, les huiles et pom- mades sont d'une expédition difficile, et nécessi- tent une manipulation pour être transformés en alcoolats; elles paraissent devoir être remplacées par les essences concrètes. Ainsi done, l'avenir (nous serions tenté d'écrire le salut) de la Parfumerie repose sur deux choses : Pour le fabricant d'articles confectionnés, sur son habilelé, sur sa réputation. Jusqu'à quand la question de goût l'emportera-t-elle sur la question d'argent? Le philosophe seul peut le dire. Pour îe fabricant de produits enfleurés, sur la. situation privilégiée de Grasse, el sur ses fleurs. Que durera cette suprématie ? c’est à la Chimie de parler. Par là, s'élève en effet, pour l'avenir, un nuage bien noir, et il est pénible de constater qu'il nous vient de la science. IV. — RÔLE DE LA SCIENCE DANS L'INDUSTRIE DES PARFUMS. Avant de montrer comment la science pourra amoindrir l'industrie française de la Parfumerie, il serait injuste de ne pas mentionner les services qu'elle lui a rendus. On se rappelle quelle perfection elle a apportée à l'outillage; quels moyens ingénieux elle a accu- mulés pour l'extraction des parfums; quelle pro- duction régulière elle a permise par l'étude des corps gras, des savons, la suppression des subs- tances nocives (sels de plomb, d'argent, d'arse- nic), l'utilisation de malières nouvelles (paraffine, vaseline, cérésine, couleurs d’aniline). Elle a donné des nolions exactes sur les matières premières dont l'origine était restée pendant longtemps assez peu précise; on considérait encore au xvin‘ siècle le muse comme le sang coagulé de l'animal qui porte ce nom. Enfin, elle a étudié certains caractères des essences usuelles, densité, solubilité, indices de réfraction, et établi quelques moyens faciles de distinguer les fraudes qu'elles subissent par les huiles grasses, l'alcool, le chlo- roforme, ele. Il faut reconnaitre que les fabricants ont sollicité ces études scientifiques, les ont sui- vies attentivement et qu'ils ont profité des résultats avec une ardeur docile. Depuis, la Chimie les a quelque peu déroutés en entreprenant une série de travaux, dont les uns leur apparaissaient d'une utilité secondaire, les autres, fort intéressants, mais très dangereux. Dans un but scientifique et avec l’arrière-pensée de les reproduire par synthèse, les chimistes ont analysé un cerlain nombre d’essences, ou plutôt, comme une essence est un mélange complexe et non un composé défini unique, ils ont simplement déterminé à quel principe chimique l'essence paraissait devoir son odeur. Ils ont cru pouvoir par exemple établir que, plus la bergamotte est müre, plus son essence contient d’acétate de linalyle: que l'essence par expression en renferme 40 °/,, alors que l'essence par distil- lation n’en contient que 5 °/, (la vapeur d'eau ame- nant une saponificalion). — Dans la lavande, on trouve de 30 à 40 °/, de ce même éther. De ces observations, qui pouvaient plutôt four- nir une lecon pour la fabrication, ils en ont déduit une base de transaction commerciale. Une bergamotte, une lavande, n’était un produit sincère et marchand que si elle contenait de 35 °/, à 40 °/, d'acétate de linalyle. Cependant, la lavande anglaise, qui à une réputation inconteslée de sua- vité, n’en révèle à l'analyse que 5 °/.. — Est-elle de composition chimique différente? Get écart tientl à la manière de distiller, à la plante, au climat? Voyant que leur conclusion les avait menés trop loin, ils ne proposent maintenant ce critérium que comme preuve secondaire corroborant l'essai olfactif. Il y a là un principe faux et dangereux. La qualité du parfum repose uniquement sur la finesse et la force de l'odeur qu'il dégage, sur l'impression qu'il produit. Celle-ci est du domaine des sciences physiques. La composition chimique varie avec le climat, l'année, les intempéries de la saison, l'âge de la plante, sa culture, et les opéra- tions auxquelles on l'a soumise. De plus, les qua- lités odorantes d’une substance ne sont pas tou- jours, comme les chimistes seraient tentés de le croire, fonction de sa pureté. On peut produire un parfum artificiel chimiquement pur et qui n'ait 668 J. ROUCHÉ — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE LA PARFUMERIE EN FRANCE aucun pouvoir odorant, ou qui conserve, des réac- tions dont il est né, une odeur connexe insuppor- table. L'analyse chimique ne montrera ni la suavité de l'essence, ni sa force; peut-être pourrait-elle donner quelques indications de fraude dans cer- tains cas, comme celui de l'extraction du menthol de l'essence de menthe. Ces défauts se manifes- teront, d’ailleurs, d'eux-mêmes bien facilement. Pareillement, les conditions de densité, d'indice de réfraction, de pouvoir rotaloire, de température de cristallisation, prises avec trop de rigueur, ris- queront de conduire sur une fausse roule. À Kézanlick, on achète l'essence de rose suivant le degré de congélation. Ce critérium qui, selon cerlains négociants du pays, serait le résultat d'observations très sérieuses, paraît des plus dis- culables. La température de congélation varie sui- vant la saison, suivant les villages et surtout suivant le mode de distillation. Le procédé bulgare consiste à négliger la production d’eau de roses et à cohober jusqu'à ce qu'on ait reliré de l'eau toute l'huile essentielle. Cette huile ainsi obtenue cristallise aux environs de 15° Réaumur. Mais si, comme en France, l'essence était recueillie dans un vase flo- renlin, après une seule distillation, son point de congélalion serait beaucoup plus élevé. En Bulga- rie, l'essence est plus liquide parce qu'elle est complète ; le parfum dissous dans l'eau de distilla- tion a élé repris. Tous ces caractères scientifiques, de valeur rela- live, offriraient un véritable danger s'ils étaient pris à la lettre. Le commerce ne fournirait plus que des produits de composition chimique constante : ilen résulterait une fraude pour ainsi dire {héorique. On ajouterait de l’acétate de linalyle ou du suceinate la bergamotte jusqu'à ce qu’elle renferme 40 °/, d’éther ; du géranium, du blanc de baleine à la rose pour none sa cristallisation à 15°, ete. Les pro- duits purs seraient corrigés. Dans cet état de choses, en voudra-t-on au par- fumeur d'avoir conservé pour ses expertises son procédé primitif — mais {rès ingénieux — qui con- d'éthyle à siste à tremper un bout de papier dans l'essence, à en éludier l’évaporation ? La distillation fractionnée qui se produit dévoile rapidement les qualités de finesse, de fixilé et de pureté. Lui en voudra-t-on d'avoir considéré le superflu ? chimiste comme un aide Les analyses ont produit comme résultats les Synthèses remarquables que l'on connait. Le par- fumeur à eu à sa disposition un cerlain nombre de produits nouveaux. Les uns, en remplissant une lacune, lui ont rendu de sig gnalés services. L'ionone, par exemple, a permis de composer un parfum de violette donnant l'impression réelle de cette fleur. Les autres, comme le muse, ont, par leur présence, maintenu à un cours raisonnable les substances semblables naturelles. De tous, le fabricant en a. tiré parti, et cela, malgré la crainte légitime qu'ils lui inspiraient. N'avaient-ils pas l'air, en effet, de supprimer les connaissances du métier ? Pour employer le muse naturel, il faut le faire venir de Chine par grande quantité, l'acheter en connaisseur, car aucune malière n'est plus frelatée, lui faire subir plusieurs manipulations, le mettre en infusion, garder la teinture pendant plusieurs mois avant de l’employer. Le muse artificiel peut se vendre par gramme, s'expédier par la poste contre remboursement; dissous dans l'alcool, il est - prèt à servir instantanément. On se rappelle toutes les manipulations nécessaires pour obtenir un alcoolat parfumé avec des fleurs d'hélivtrope, de violette; quelques grammes d'héliotropine, d'io- none produiraient-ils subitement le même résultat? Un tel événement placait la fabrication dans le domaine public, amenait la ruine d'une grande industrie agricole, d'un important commerce d'exportation. On comprend le peu d’empresse- ment du parfumeur à accueillir les chimistes ! Heureusement, les produits synthétiques oble- nus jusqu'à ce jour n'ont pu remplacer directe- ment les produils naturels. Pour devenir suaves, ils ont besoin d’un cortège de produits enfleurés, d’essences et de teintures, ils ne peuvent être que de nouveaux auxiliaires pour le manipulateur. La Chimie appelle la correction de la Nature. Fabri- quer un parfum délicat avec une simple dissolution de produit synthétique est encore aujourd'hui un rêve. Seulement, une ombre obscurcit toujours le tableau. Que réserve l'avenir ? À force de recher- ches, de trouvailles, nos savants obliendront-ils la reproduction purement synthétique du parfum des fleurs ? Cela parait douteux. Cel arome, mélange si complexe, pourra échapper à une entière invesli- galion par le nombre, la quantité infinitésimale des éléments qui le composent. Mais arrivera-t-on par des mélanges, à des à peu près suffisants ? En un mot, pourra-t-on se passer de la fleur? Anxieuse, l'industrie de la Parfumerie attend la réponse. On comprend pourquoi. Toute sa force, nous avons essayé de le montrer, réside dans son habileté professionnelle et dans la possession des fleurs. Le jour où la Chimie rendra celle-ci et par conséquent celle-là inutiles, comme il est probable que les découvertes ne jailliront pas toutes en France, mais d'aucunes en Allemagne, d’autres en Suisse, leur exploitation en sera internationale ; l'industrie de la Parfumerie ne sera plus française. Jacques Rouché. . LOUIS OLIVIER — REMARQUES SUR LE ROLE DE Les craintes que M. J. Rouché conçoil au sujetde l'introduction de la Chimie dans l’industrie de la Parfumerie me suggèrent une remarque qu'il ne m'en voudra certainement pas d'exprimer ici. Il est bien naturel que la Parfumerie française, - dotée par la Nature d’une sorte de monopole, l craigne de s'en voir dépouiller du fait même des progrès de la Chimie. Mais celte évolution est, si je ne me trompe, une loi de l'humanité. À mesure qu'elle pénètre dans la société, la Science, chose | internationale, tend à détruire, au profit de la mul- litude, les privilèges de quelques-uns : c'est à la foule des consommateurs que s'étendent ses bien- - faits; grâce à elle, un plus grand nombre d'êtres humains sont admis à la jouissance : elle abaisse de plus en plus les prix de vente. Qu'on s’en réjouisse où qu'on s’en afflige, c'est là la loi. Dès lors, faut-il, en vue de relarder la fin d'un privilège, tourner le dos à cette Science en qui nos concurrents étrangers voient leur salut et LA CHIMIE EN PARFUMERIE 669 REMARQUES SUR LE ROLE DE LA CHIMIE EN PARFUMERIE qui leur permettra de se passer de nos produits? Pour ne pas suivre une évolution inéluctable, la Parfumerie française irait au-devant d'une révolu- tion qui lui serait fatale. Au lieu de laisser Alle- mands, Anglais, Américains, artificiels, de médiocre valeur peut-être, mais de grand débit, el prendre ainsi, au détriment de la France, possession du marché international, ne vaut-il pas mieux se mettre à la tête du progrès, le diriger et s'assurer, indépendamment des débou- chés actuels, l'acquisition de débouchés nouveaux ? Un laboratoire de Chimie et de bons chimistes représentent, sans conteste, une sérieuse dépense, d'autant plus lourde à supporter que la recherche scientifique risque toujours de n'être pas‘immédia- tement féconde. Mais, en industrie, il y a des sacri- fices nécessaires : il fautsavoir préparer l'avenir. Si la Parfumerie francaise veut avoir la vie trop bonne, elle s'exposera presque sûrement à l'avoir courte. Louis Olivier. créer des produits REVUE ANNUELLE D’ANATOMIE I. — SQUELETIE. Il est cerlain que les études tératologiques sont fort intéressantes à plus d'un titre et qu'elles peuvent, en particulier, apporter d'importants do- cuments propres à hàler la solution de difficiles problèmes anatomiques. Mais nous pensons qu'il faut être très circonspect quand il s’agit de déter- miner la valeur réelle de ces documents et de les invoquer en faveur d'une opinion détermi- née. Nous aurons, au cours de cette revue, à in- sister à plusieurs reprises sur ce point el, si nous agitons la question dès maintenant, c'est que, dès le début de notre exposé, nous avons à dire quel- ques mols d'une observation tératologique très digne d’attention, mais dont les auteurs nous pa- raissent avoir liré des conclusions que nous ne saurions signaler sans réserves. Une pièce lérato- logique est une pièce analomique faussée, si je puis dire, non seulement, et c’est là le point essentiel, dans sa forme extérieure, mais encore et surtout dans l’arrangement et la nature intime de ses élé- ments composants. Si, en effet, il y a altération extérieure, par défaut ou par excès, par déplace- ment, soudure, division, ete., c'est qu'une force intime est intervenue, j'entends une manière d’être différente de la manière naturelle qui affecte les éléments dans quelqu'un de leurs caractères essen- Uels; sans cela, il n’y aurait pas d’anomalie. Or, on parait trop souvent ne pas tenir compte de cette alléralion des éléments. L'observateur les considère comme s'ils élaient dans leur état nor- mal et, s'inspirant de la facon dont il les voit se comporter soit dans leur multiplication, soit dans leurs rapports avec les éléments voisins, il en tire des conclusions qu'il applique à ces mêmes élé- ments normaux, envisagés chez des individus sains, mais dont certaines manifeslalions biologiques sont encore l'objet d'interprélations diverses. En voici un exemple : MM. A. Broca et O. Lenoir! ont eu l'occasion d'étudier un cas de persistance du carlilage de Meckel chez un enfant de lrois mois. Je laisse à 1 A. Broca et O. Lexoir : Note sur un cas de persistance du cartilage de Meckel, avec absence de l'oreille du même côté. Considérations sur le développement du maxillaire inférieur et des osselets de l’ouie, in Journ. de l'Anal. et de la Physiol., 1896, t. XXXI, n° 5, p. 559. 670 H. BEAUREGARD — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE E dessein de côté les considérations qu'ils ont fait réaliser à propos du développement des osselets de l'ouïe, et j'arrive à la conclusion qu'ils formulent sur le développement du maxillaire inférieur dans ses rapports avec le cartilage de Meckel. On sait que, d'après l'opinion classique, le carti- lage de Meckel ne prend aucune part au développe- ment de la mâchoire inférieure. Il précède celle-ci, il est remplacé par elle, mais le développement de la mâchoire inférieure est indépendant du carli- lage: elle se développe par ossification directe, et non par ossification enchondrale. Or, de ce que, du côté anormal de leur sujet, la màchoire inférieure présenlait dans sa partie postérieure une pièce répondant à l’apophyse articulaire et au bord pos- rieur du maxillaire, qui adhérait fortement au car- tilage el qui était rattachée au reste dela màchoire, d'une facon mobile, par deux trousseaux fibreux, les auteurs concluent que « le cartilage de Meckel intervient directement dans l’ossification du con- dyle et du bord postérieur de la branche montante du maxillaire inférieur ». Les auteurs citent, à l'appui de cette manière de voir, une phrase de Gegenbaur ! d'après laquelle « l’apophyse articu- laire ainsi que l'angle de la mâchoire se forment aux dépens d'un tissu cartilagineux (cartilage de Meckel) ». C'est là, en effet, une opinion, et elle n’est pas acceplée par tout le monde; mais nous ne voyons par comment un contact assez étroit entre une partie de la màchoire et le cartilage de Meckel, persistant anormalement, peut ètre invoqué comme une preuve à l’appui de cetle opinion. Pour démontrer qu'un os se développe aux dépens d’un carlilage, il faut praliquer des coupes capa- bles de montrer le phénomène dé l’ossification aux dépens du cartilage; mais la soudure d’un os à un carlilage qui semble avoir oublié de disparaitre, ne laisse nullement présumer que le premier dérive du second et l'affirmation des auteurs nous parait, dès lors, très hasardée. Le fait sur lequel ils s'appuient ne leur permet pas, en tout cas, de dire : « Nos classiques français ont peut-être trop de tendances à considérer le cartilage de Meckel comme un simple support, une charpente pour le maxillaire inférieur. » La vérité est qu'un carti- lage de Meckel persistant au delà des limites de temps ordinaires, n’est plus un cartilage de Meckel, dans le vrai sens du mot. Pourquoi, en effet, per- siste-t-il? Quelles sont les altérations dans sa nutrilion où dans celle des tissus voisins, qui lui permettent cette persistance, alors qu’il devrait disparaitre, résorbé par le milieu ambiant? Nous ne savons évidemment que répondre à ces ques- lions; c'est pourquoi nous devons être très sobres ! Anatomie humaine, traduction Julin, p. 250. de conelusions absolues pour tout ce qui concerne. un organe ainsi modifié et alléré et ne pas conclure de ce qu'il devient dans ces conditions à ce qu'il devient dans des conditions normales. Pour ce qui a trait aux rapports du cartilage de Meckel avec les osselets de l’ouïe, les auteurs concluent de même autrement que les classiques, mais j'avoue qu'après avoir lu leur mémoire je reste avec les classiques. Suivant les classiques, le marteau et l’'enclume seraient formés par l’extré= mité postérieure du premier arc branchial (are man- dibulaire); d’après MM. Broca et Lenoir, « il est probable que les deux premiers arcs branchiaux (are mandibulaire et are hyoïdien) entrent dans la constitution du marteau et de l’enclume, l'apo- physe de Raw et le manche du marteau représen- tant respectivement les prolongements postérieurs de ces arcs ». La descriplion des auteurs ne nous parait pas suflire à légilimer cette conclusion. Parmi les mémoires relatifs au squelette, nous cilerons le travail de F. Guitel! sur le développe- ment des nageoires paires du Cyclopterus lumpus. Ces recherches, conduites avec un soin irès con- sciencieux, mènent à des résultats trop spéciaux pour que nous puissions faire ici davantage que les signaler. Voici encore les classiques pris à partie; mais il semble cette fois qu'ils étaient bien dans leur tort. Marshall et Hurst(Practical Zoology), de même que Parker et Bettany (Worphology of the Skull), ne mentionnent pas chez les Rousseltes (Seyllium) l'existence de cartilages extra-branchiaux supé- rieurs; bien plus, Bettany et Parker avancent que le point principal par lequel le crâne de la raie diffère de celui des Roussettes est précisément l'absence de cartilages extra-branchiaux. Philip J. White? s'élève contre ces erreurs et démontre que, chez Scyllium canicula, il existe quatre earti- lages extra-branchiaux supérieurs de chaque côté. Ethelwyn Foote*, d'autre part, étudie la question chez les Elasmobranches en général; il a fait des dissections sur /aja erinacea, R. radiala, Torpedo ocellala, Trygon pastinaca, divers Scyllium, et il arrive à cette conclusion que, chez tous les Elasmo- branches il existe des cartilages extra-branchiaux. Ceux-ci sont au nombre de à dorsaux et de 5 ventraux en rapport avec l'hyoïde et les 4 pre- miers arcs branchiaux. Seul, Scyllium fait excep- 4 F. Gurre : Arch. de Zool. expérim., 1896, t. IV, n°5 2 et 3. 2 Pause J. Ware : Note on the extra-branchial cartilages of Scyllium canicula, in Anat. Anseig., Bd. XII, n°6, 1896, p. 158. ; # EruezwyN Foor : The extra-branchial cartilages of Elasmobranches, in Anal. Anzeig., Bd. XIII, nos 10 et 41, 1897, p. 305. mé dir mis di H. BEAUREGARD — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE . tion, n'ayant que 3 cartilages ventraux et 4 dor- - saux. Ces cartilages commencent à la jonction des hypo et céralo-branchiaux; ils s'unissent avec 1 ceux-ci par un tissu membraneux puis s'incurvent | en haut et au-dessus de chaque lame branchiale:; - ils serviraient à la protection des branchies sous- . jacentes. Parmi les mémoires qui ont trait au squelette des Invertébrés, nous mentionnerons celui de - A. Bather! sur l'emploi du terme « Syzygie » dans la description des Crinoïdes. L'auteur, en compa- rant les articulations des ossicules des bras des Crinoïdes éteints et des Crinoïdes récents, a ren- » contré de sérieuses difficultés en raison des confu- - sions qui se sont établies au sujet du terme - « Syzygie ». Ce terme, vaguement euphonique, fut - créé par Johannes Müller, qui lui donnait le sens de jonction immobile de deux articles. « Unter Syzygie verstehe ich die unbewegliche Nahtver- bindung zweier Glieder? ». « Syzygie » est donc une articulation ou union suturale. Or, dans le même mémoire, J. Müller écrit : « Bei Pentacrinus caput medusæ bilden nur das erste und zweite Glied über jedem Axillare ein Syzygium. » Ici le mot Syzygium se rapporte aux deux articles unis. Or la question est précisément de savoir si le terme « Syzygie » doit signifier la paire d’ossicules ou la suture qui existe entre eux. Comme le fait remarquer Bather, le même mot ne peut exprimer les deux choses, pas plus qu'un même vocable ne pourrait signifier une brique à un moment et du mortier à un autre. Or, la confusion née de la sorte dès la création même du terme s'est continuée; on la retrouve en particulier dans les descriptions de P.-H. Carpenter parues dans les Comptes rendus de l'expédition du Challenger. Tantôt le terme « Syzygie » y figure pour dési-" gner l'union suturale immobile entre deux ossi- cules, tantôt il est employé pour signifier une paire d'ossicules unis de manière immobile. Or, que l’on prenne l'une ou l’autre de ces inter- prélations dans le compte des ossicules et on arrive à des résullats tout à fait différents. C'est pour n'avoir pas évité celte confusion que les auteurs ne s'entendent pas dans leurs descriplions ef lorsque (page 80 of Challenger Report on the Coma- tulæ) « Carpenter hurls scorn and sarcasm at pro- fessor Perrier », c'est simplement parce qu'ils n'ont pas interprété chacun de la même façon le lerme « Syzygie ». A. Baruer : The term « Syzygy » in the description of Crinoïds ; in Zool. Anzeiger, Bd. XIX, 1896, p. 57. ? Ueber den Bau des Pentacrinus. Phys. Abh, Akad, d. Wiss. Berlin, 1841, p. 215. 671 Finalement l’auteur propose, pour obvier à ces confusions, d'employer invariablement le terme « Syzygie » en se reportant à sa définition pre- mière, c'est-à-dire pour désigner une union sutu- rale immobile. Par la même occasion il propose de s'entendre également sur la vraie valeur du terme « joint » qui doit être compris comme une articu- lation, où « Gelenk » au sens allemand, et non comme un arlicle dans le sens allemand de « Glied ». Nous n'insistons pas sur les autres proposilions qui découlent de celles-ci et qui consistent à éta- blir comment doit se faire le compte des ossicules dans les bras des Crinoïdes, Nous avons voulu seu- lement attirer l'attention sur ce point de nomen- clature, car il est d’un intérêt général que les termes scientifiques aient leur sens absolu faute de quoi ils perdent toute espèce de valeur. II. — SYSTÈME NERVEUX. — ORGANES DES SENS. La méthode de Golgi et celle d'Ebrlich plus ou moins modifiée continuent à porter leurs fruils et de nombreux mémoires sont consacrés à l'étude des éléments nerveux au moyen de ces procédés de technique si précieux. Nous signalerons seulement, dans cet ordre d'idées, un mémoire de Sauerbeck sur la structure histologique de l’encéphale des Sélaciens! qui confirme l'état embryonnaire persistant de cet organe chez ces Poissons. La forme des cellules ganglionnaires et des cellules de soutien, particu- lièrement dans le cerveau antérieur, aussi bien que la différenciation très peu marquée du cerveau moyen, viennent plaider en favear de l'état d’infé- riorité du cerveau des Sélaciens. L'auteur base ses conclusions sur l'examen his- tologique qu'il a fait successivement du cerveau antérieur, du cerveau moyen, du cervelet et de l'arrière-cerveau (moelle allongée) chez /aja, Try- gon, Scyllium et Mustelus. Von Fr. Kopsch?, appliquant également la mé- thode de Golgi, s'est proposé de comparer le gan- glion du nerf optique et la rétine des Céphalopodes à la rétine des Vertébrés. La question est de savoir si la rétine des Céphalopodes répond à celle des Vertébrés ou si elle n’en représente qu'une partie. C'est cette dernière opinion que soutient l’auteur en l'appuyant de ses observations. La rétine des Céphalopodes ne comprend que des bätonnets et 4 Erxsr SAUERBECK : Beiträge zur Kenntniss vom feineren Bau des Selachierhirns, in Anal, Anseiger, Bd. XII, n° ?, 1896, p. 41. 2 Vox Fr. Korscx : Das Augenganglion der Cephalopoden, in Anat. Anzeiger, Bd. XI, n° 12, p. 361, 1895, 672 H. BEAUREGARD — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE des cônes : c’est ainsi qu'il désigne les prolonge- ments des cellules visuelles suivant (comme cela à lieu chez les Vertébrés) qu'ils communiquent avec les cellules ganglionnaires par l'intermédiaire des cellules bipolaires ou directement. On ne saurait done voir dans la rétine des Céphalopodes une ré- tine de Vertébré plus ou moins réduite; ce qui est vrai, c'est qu'elle ne représente qu'une partie de cette dernière. La méthode de Golgi ne semble pas donner d'aussi bons résultats dans l'étude du système nerveux des Cestodes. C'est du moins ce qu'affirme L. Tower! qui, après avoir essayé de cette méthode et de celle d'Ehrlich, a dù chercher autre chose et s’est trouvé bien de l'emploi du liquide de Rath (acide picrique, chlorure de platine, acide osmique et acide acétique). Grèce à cette technique, qui dis- tingue les nerfs en leur donnant une teinte d'un gris bleuâtre, il a pu reconnaître chez Moniezia ex- pansa et M. planissima l'existence de commissures longitudinales parallèles aux grands troncs nerveux latéraux et unissant, d’un scolex à l’autre, les gan- glions dorsaux et ventraux à droite et à gauche. Ces commissures seraient les équivalentes des nerfs dorsaux et ventraux décrits par Niemec en 1885 chez Z'œnia cœnurus et 7. serrala. III. — SYSTÈME VASCULAIRE. Il n’est guère de question plus controversée que celle de l’origine des vaisseaux et du sang: on s'accorde assez généralement à admettre que leur première apparition se fait à la périphérie du blas- toderme, mais à partir de là les opinions les plus divergentes sont soutenues par les observateurs qui, successivement, s'altachent à élucider ce pro- blème. Actuellement, encore il y a trois théories qui comptent des défenseurs également autorisés : 1° pour les uns, les vaisseaux et le sang ont une origine mésodermique; 2 pour les autres, c'est l'endoderme qui est le point de départ de leur développement, et cette manière de voir a été sou- tenue par Hoffmann, par Swaen et, en France, par MM. Duval et Vialleton; 3° enfin d’autres embryo- logistes assignent aux vaisseaux, pour origine, le parablaste, dans la région du bourrelet germinalif, c'est-à-dire au pourtour du disque germinatif. Le principe de cette théorie fut posé par His, et d'amendements en amendements (Ruckert, Hert- wig, elc.), on en est venu à admettre que le para- blaste avec ses mérocytes (on sait que Ruckert a désigné sous ce nom les éléments parablastiques ! L. Tower : On the nervous system of Cestodes, in Zoo!. Anzeiger, Bd. XIX; 1896, p.323. 3 ou noyaux vitellins des Sélaciens) fournit l'ébauche des vaisseaux et du tissu conjonctif. Nous avons à relever, au cours de cette année, un cerlain nombre de mémoires qui concluent en faveur de l’une ou l’autre de ces théories. 1° Les vaisseaux et le sang sont d'origine mésoder- mique. — L'an dernier, nous signalions, dans notre revue d'Anatomie!, un travail de van der Stricht, sur les premières phases du développement du sang et des capillaires sanguins dans l'aire vaseu= laire du lapin, qui conduisait l'auteur à défendre l'origine mésoblastique des premiers capillaires eb du sang. . Ainsi se trouvait confirmée l'opinion soutenue par Remack, Kôülliker, Balfour, etc. Un nouveau mémoire de van der Stricht?, exposant ses recher- ches sur les embryons de divers Sélaciens (Zor- pedo, Scyllium, Pristiurus), conelut encore à l’ori- gine mésodermique des globules sanguins. Chez ces embryons, l’auteur reconnait parfaite- ment l'existence des mérocytes (noyaux vitellins), plongés dans le vitelius au voisinage de Phypo- blaste, mais il n’a jamais vu ce qu'ont décrit Swaen et Rückert, c'est-à-dire les mérocytes pénétrant à l'intérieur du feuillet moyen et participant à la formation des vaisseaux, constituant, en un mot, ce qu'on a appelé le mésenchyme. L'origine méso- dermique, absolument indépendante de l'hypo- blaste et du parablaste, parait indiscutable à l'au- teur, qui insiste sur la technique qu'il est nécessaire de suivre pour arriver à se faire une opinion exacle. C'est seulement au moyen de préparations bien fixées par les liqueurs osmiques, qu'il est possible de se faire une conviction. On reconnait alors faci- lement les cellules mésoblastiques à ce qu'elles sont plus compactes, plus foncées et d’un aspect tout différent de celui qui caractérise les éléments “hypoblastiques sous-jacents. En outre, la limite de séparation entre les deux feuillets est loujours très nelte dans ces conditions. Quant à l'aorle, elle apparait sous forme de bourgeons cellulaires segmentaires, se détachant au niveau de la partie interne et inférieure des pro- tovertèbres. Ces bourgeons délachés sont d’abord isolés; ils se fusionnent ensuite par leurs extré- milés; mais, ce qui distingue l'aorte des capillaires sanguins de l'aire vasculaire, c'est que, chez ces derniers, les globules sanguins prennent naissance en même temps que la paroi endothéliale, tandis que les aortes primitives se forment sans engen- drer de cellules sanguines. 1 Revue générale des Sciences, 1896, n° 16,-p. 721. 2 Van pen Srnicur : Origine des globules sanguins, de l'aorte et de l'endocarde chez les embryons des Sélaciens. C. R. hebd. de la Soc. de Biologie, 1896, p. 287. H. BEAUREGARD — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE 673 Ce point mis à part, il résulte de ce travail que les capillaires aussi bien que l'aorte sont d’origine . mésodermique. Mais, qui n'entend qu'une cloche n'entend qu'un son; écoutons done une autre cloche. 2 Les vaisseaux sanguins sont d'origine endoder- mique. — Nous avons nommé plus haut les défen- seurs principaux de cette manière de voir. Nous trouvons une courte note de M. Ét. Rabaud!, qui rapporte une observation tératologique lui parais- sant plaider en faveur de l’origine endodermique des vaisseaux sanguins. En faisant des coupes sur un poulet monstrueux omphalocéphale à extré- mité antérieure très atrophiée, l’auteur a constaté, dans les porlions de l'embryon dépourvues de splanchnopleure que de nombreux vaisseaux exis- taient à la face interne de l’endoderme, où ils élaient réduits à leur endothélium. Parmi ces vais- seaux, les uns semblent indépendants du feuillet interne et n'être qu'accolés à ce feuillet; les autres apparaissent comme étant un simple dédouble- ment de cet endoderme. Les résultats fournis par cette observation sont- ils bien probants? ont-ils, comme le pense l'auteur, la valeur d’un fait expérimental? Nous en doulons; nous avons déjà dit toute la défiance que nous inspi- rent les conclusions tirées de faits tératologiques. Cette défiance est plus grande encore lorsqu'il s'agit de déterminer les relations génétiques qui peuvent exister entre un élément ou un organe et un feuillet blastodermique. On sait, en effet, qu'à l’état normal, comme Chun*, Heymons *, elc., le font remarquer, « chez les animaux, des organes de même nature peuvent naître de couches cellulaires embryonnaires dilfé- rentes ». Ainsi, Hjort a montré que, dans les bour- geons de certaines Ascidies (Botryllus), l'intestin, le sac péribranchial, elc., sont produits par l’ecto- derme de l'animal mère, tandis que les mêmes organes, chez d'autres Ascidies (Polyclinum), sont produits par les cellules endodermiques. En réalité, dit Chun, les feuillels germinatifs ne possèdent ni prédispositions histologiques, ni prédisposilions organogénéliques; l'origine des systèmes organiques est en relalion avec les rapports de position des feuillets germinatifs avec le monde extérieur, bien qu'on ne puisse pas loujours saisir ces rapports. Que faut-il penser, dès lors, de ces mêmes feuillets con- sidérés chez des individus monstrueux, alors que leurs rapports avec le monde extérieur sont plus ou moins complètement bouleversés? Nous le répé- tons, la tératologie, sauf exceptions, est d’un bien faible secours dans la solution de problèmes aussi délicats. Mais, ce n'est pas lout, il existe encore une troisième opinion sur le mode de genèse du sang et des vaisseaux. 3° Le sang et les vaisseaux ont une origine para- blastique. — Nous avons dit plus haut le rôle que font jouer, dans ce cas, les auteurs au parablaste (noyaux vitellins, mérocytes), qui deviendra l'ébauche du sang et même du tissu conjonctif. Hoffmann, Kowalevski, Ziegler, etc., ont prétendu que le parablaste n’entrait pas directement dans la constitution des tissus de l'embryon, mais qu'il représentait seulement une sorte d’aliment provi- soire de l'embryon, un intermédiaire entre ce der- nier el le vitellus, servant à la résorption des matériaux viteilins. C’est à celle manière de voir que s'est rangé Henneguy, sauf qu’il admet:qu'a- vant de devenir organe de nutrition, le parablaste a pu fournir des éléments cellulaires au germe. Un récent mémoire de Beard! vient confirmer celte interprétation. L'auteur à étudié le vitellus el les mérocytes chez Seyllium el Lepidosteus. Il ne s'explique pas sur les fonctions des mérocytes aux premiers stades; ces fonctions, dit-il, « are rather matter of surmise than of direct observa- tion ». Mais aux stades suivants, le rôle des méro- cytes est inconteslablement de préparer le jaune pour l'embryon; ils sont donc bien les intermé- diaires nourriciers dont nous parlions plus haut. Chez Lepidosteus en particulier, le sort des méro- cytes est facile à établir ; ils se gorgent de jaune, puis ils se déchirent et servent d’aliment à l’em- bryon; leur nature est donc absolument transi- toire. Dans un autre ordre d'idées, nous avons à signaler un mémoire de M. V. Cornil*, non plus sur l’origine des premiers capillaires, mais sur la genèse des capillaires, chez l’adulle, au cours de certaines inflammations. Dans de précédentes recherches sur le rôle des cellules endothéliales des membranes séreuses dans les inflammations fibrineuses *, l’auteur avail ‘Er. Rasau» : Sur l'origine endodermique des vaisseaux sanguins, in C. R. hebd. de la Soc. de Biologie, 28 novembre 4896, p. 995. ? Cuux : Atlantis-Biologische Studien Organismen. Bibl. Zool., Heft XIX, p. 1-76. * Hevuoxs : Ueber Chuu’s Abhandlung « Das Knospungs- geselz der proliferenden Medusen ». Silzungberichle Ges. Nal., Berlin, 1896. über pelagische REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897. lium and Lepidosteus, in Anaf. Anzeiger, Bd. n° 14, p. 334, ? V. CorxiL : Sur l’organisation des caillots intra-vascu- laires et cardiaques dans l’inflammation des vaisseaux et de l'endocarde, in Journ. de l'Anat. et de la Physiol., t. XXXIH, 1897, n° 3, p. 201. 3 Conxiz et Capur : Sur la réunion séro-séreuse des anses intestinales. Bull. Acad. de Médecine du # août 1596. 16°* 674 constaté la rapide organisation de ces cellules en tissu conjonctif vasculaire. Il se proposa alors d'examiner si des phénomènes de même ordre ne se produisent pas dans les vaisseaux aux dépens de leur endothélium. C'est la partie expé- rimentale du travail de Cornil qui nous intéresse ici. L'auteur à déterminé l'inflammation des parois de l'artère et de la veine crurale chez le chien, et la coagulalion consécutive du sang dans ces vais- seaux, soit au moyen de ligalures, soit au moyen de cautérisations. Par les deux procédés, on ob- tient dans les vaisseaux la formation d'un caillol obstruant complètement leur lumière, en même temps que des phénomènes d'inflammation de la paroi. Si l’on considère une veine, par exemple, ainsi mise en expérimentation, on constate, dès le pre- mier jour de l'opération, une remarquable multi- plication des cellules de l’endothélium de la paroi interne ; ces cellules, en même temps, se gonflent, se soulèvent et font saillie du côté de la lumière du vaisseau, mais en reslant en rapport avec la paroi par un ou plusieurs prolongements. Ces cellules endothéliales pénétrant ainsi le caillot san- guin vont devenir les agents de l’organisation du aillot, et de la réparation cicatricielle de la veine. Si on suit leur marche à travers le caillot on voit, à mesure que l'on s'éloigne du moment de l’opéra- lion, que ces cellules, après être entrées dans le caillot « s’accolent aux grumeaux et fibrilles de fibrine, forment là ur tissu de cellules anastomo- sées, des vaisseaux capillaires anastomosés en ré- seau et des fibrilles de tissu conjonctif de nouvelle formalion, en même temps qu'elles unissent ce caillot organisé à la paroi de la veine... L'organi- sation eu tissu conjonctif vasculaire se complète dans la partie liée de la veine et à son voisinage, au-dessus et au-dessous, pendant les jours sui- vants, de Lelle sorte que la transformation du caillot avec disparilion de la fibrine est complète dix jours après la ligature. L'oblitération de la veine, la cicatrice, sont absolument définitives à ce niveau En même lemps, des phénomènes d'inflamma- tion et de néoformation analogues se produisent dans les différentes membranes de la paroi vei- neuse; les cellules de tissu conjonctif proliférent: on voit apparaître des cellules migratrices et bien- (ôt des néo-capillaires en rapport avec les vaso- vasorum traversent loule l'épaisseur de la paroi el vont s'aboucher aux nouveaux capillaires du caillot organisé. Alors s'établit la circulation dans ces capillaires. Les phénomènes observés dans les veines s'ob- servent aussi dans les artères, mais avec un relard de cinq à six jours, que l’auteur explique par la H. BEAUREGARD — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE résistance plus grande qu’opposent les lames élasti- ques de leurs parois à la pénétation des vaisseaux venant de la tunique externe. Pour en finir avec l'appareil circulatoire, men- lionnons un mémoire de Erm. Giglio-Tos‘!, sur la structure et l'évolution des hématies chez les Ver- tébrés. Il y est démontré que les corpuscules des Vertébrés ne diffèrent pas seulement par leur forme mais encore par leur structure; que les corpuseules embryonnaires n'ont rien de commun avec ceux de l'adulte, et qu'enfin ceux-ci renferment une substance que l’auteur appelle hémoglobigène, qui provient du noyau et qui produit lhémoglobine. Relativement aux Articulés, nous trouvons un travail de Dubosq ?, qui a étudié le système cireu- laloire de la scolopendre au moyen d'injections faites à l'encre de Chine. L'auteur décrit « un vaisseau dorsal qui irrigue tout ce qui est innervé par le cerveau et le sym- pathique, et un vaisseau ventral qui irrigue tout ce qui est innervé par la chaine sous-inteslinale ». Sous le nom de corpuscules de Kowalevsky, il faut entendre des corpuscules découverts par cet ana- tomisle dans le tissu adipeux de la salamandre et considérés par lui com.ne des glandes lymphati- ques. Après avoir étudié le mode de terminaison des vaisseaux dans les Lissus, Dubosq couclut que les corpuscules de Kowalevsky ne soni qu'un cas particulier de la terminaison des vaisseaux. Ces. corpuscules sont de véritables ganglions lympha- tiques différant toutefois des ganglions lymphati- ques des Vertébrés par l'absence de capsule. IV. — ORGANES GLANDULAIRES. Nous croyons devoir ouvrir un chapitre sous le titre général « d’Organes glandulaires », en raison des nombreuses recherches anatomiques qu'ont suscilées les idées des physiologisles sur la nature et le fonctionnement de cerlains organes restés longtemps problématiques et qu'on désigne com- munément sous le nom de glandes closes. On sait le rôleimportant qu'on s'accorde actuellement à reconnailre au {hymus, à la glande thyroïde, aux capsules surrénales, ete. De là un nombre relative- ment grand de mémoires sur ces diverses glandes ; nous les signalerons brièvement et nous y join- drons quelques indications sur des travaux ayant 1 De Enmaxxo GiGio-Tos : La strutlura e l’evoluzione dei eorpuseuli rossi del sangue nei Vertebrali, in Anal. Anz., Bd. XIII, nos 4 et 5, p. 97 et 109. ? O0, Duroso : La terminaison des vaisseaux et les corpus- cules de Kowalevsky chez les Scolopendrides, in Zoo! Anzeiger, Bd. XIX, 1896, p. 391. DEN RE DRE PR D « H. BEAUREGARD — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE 675 trait à diverses autres glandes, soit chez les Verté- brés, soit chez les Invertébrés. Thymus et glande thyroïde. — Jacoby ! a étudié le développement de ces glandes chez le chat. On sait que la glande thyroïde est accompagnée de glandes accessoires dont les physiologistes (Gley et autres) nous ont montré l'importance fonctionnelle. Les recherches de l’auteur tendent à prouver que la glande thyroïdienne externe (corps épithé- lial externe de Kohn) dérive du thymus, dont elle se sépare sous forme d’un corpuscule devenant ultérieurement indépendant. Le corps épithélial interne n’a pas été observé dès son origine, mais Jacoby l'a trouvé au milieu du lobe latéral de la thyroïde chez un embryon de 25 millimètres. Enfin, des mêmes recherches, il résullerait que la glande carotidienne est indépendante du thymus et qu'elle dérive d’une ébauche spéciale se formant dans l'adventice de la carotide primitive. Prenant ?, qui s'était déjà occupé en 1894 de ces questions de développement des glandes closes de la région antérieure du corps, n'était pas arrivé aux mêmes résullats. En étudiant des embryons de mouton il avait élabli tout d’abord, ce qui n’est pas contesté, que de chacune des deux poches branchiales (3° et 4°) qui produisent l’une le (hy- mus, l'autre l'ébauche latérale de la thyroïde, naissent, par épaississement de leur paroi, deux nodules épitéliaux, deux glandules. En raison de leur origine il a nommé la première glandule thy- mique, et la seconde, glandule thyroïdienne. Il a montré que celle dernière devient la glandule thy- roïdienne ou corps épithélial interne des auteurs; ce fait reste acquis. Jacoby, d’ailleurs, n’a pas as- sisté au développement de ce corps qu'il a trouvé tout formé chez un embryon de 25 millimètres. Au sujet de la glandule thymique, Prenant avait pensé pouvoir en faire l'ébauche de la glande caroti- dienne. Dans une note* que nous résumons ici, il re- connait qu'il n'était pas pas pleinement autorisé à conciure ainsi et il se range à l'opinion de Jacoby qui'a vu la glandule thymique devenant la glande thyroïdienne externe. C'est d’ailleurs le résultat auquel est également arrivé Ch. Simon‘ chez les Rongeurs el chez le chat. Il devient donc constant 1 Jacogy : Ueber die Entwicklung des Nebendrüse und des Carotidendrüse, in Anaf. Anzseiger, Bd. 12, n° 6, 1896. ? Prexaxt : Contribution à l'étude du développement or- ganique et histologique du thymus et de la glande thyroïde, in La Cellule, t. X, fasc. I, 1894. 3 Prexanr : Sur le développement des glandes accessoires de la glande thyroïde et celui de la glande thyroïdienne, in Anat. Anzeiger, Bd. XII, nos 9 et 10, p. 242. # Cu. Simon : Thyroïde latérale et glande thyroïdicnne chez les Mammifères. Thèse de Nancy, 1896. que la glande thyroïdienne externe (corps épithé- lial externe) tire son origine du thymus. Capsules surrénales. — Une importante contri- bution à l'étude des capsules surrénales est due à M. Peltit!. L'auteur passe en revue les diverses classes des Vertébrés. Chez les Mammifères, les capsules sur- rénales, bien développées, jouissent d’une innerva- tion et d'une vascularisation très riches. Bien que d'un poids relativement minime elles ont leurs vaisseaux propres, alors, comme le fait remarquer l’auteur, que d'autres organes plus volumineux em- pruntent le sang à des troncs artériels destinés en même temps à d'autres appareils anatomiques. Fait remarquable, la capsule surrénale droite offre dans toute la classe une grande fixité de rapports: elle est en contact avec la veine cave, qu'elle suit dans ses déplacements; ses connexions avec les reins, par contre, peuvent faire défaut,ce qui mon- tre, ainsi que les animaux plus inférieurs le prou- vent pleinement, que les connexions primordiales et fondamentales des glandes surrénales sont avec la veine cave. Chez les Oiseaux, les connexions des capsules surrénales avec les vaisseaux de l'abdomen s'ac- cenltuent encore; en outre, et surtout à gauche, ces organes conservent des rapports avec les glandes génitales, « dispositions fondamentales qu'on doit considérer comme les derniers vestiges de l’origine embryologique de ces organes ». Enfin les capsules surrénales possèdent chez les Ciseaux une cireulation porte et, par là, les Oiseaux se rattachent étroitement aux Reptiles, chez les- quels le système porte surrénal est complètement développé. Chez les Batraciens, les capsules « sont remar- quables par leur dissémination à la surface des veines rénales efférentes: néanmoins par leurs rapports avec les vaisseaux et les organes géni- taux, elles rappellent les disposilions qu'on cons- tate chez les Reptiles », particulièrement chez les Chéloniens. Pettit donne, pour la première fois, la descrip- tion des glandes surrénales chez les Dipnoïques; morphologiquement et topographiquement, elles rappellent les mêmes organes des Téléostéens, mais, histologiquement, ce sont plutôt des capsules de Batraciens. D'excellents documents sont fournis par le mémoire que nous analysons sur les cap- sules surrénales souvent mal connues des poissons Téléostéens. Ici les rapporis de ces organes avec les glandes génitales disparaissent, mais Ceux 1 À. Pgrrrr : Recherches sur les Capsules surrénales, in Journ. de l'Anat. et de la Physiol., 1896, n° 3, p. 301,et n° 4, p- 369, 4 pl. 676 H. BEAUREGARD — REVUE ANNUELLE D’'ANATOMIE qu'ils ont avec les reins s'accentuent et, d'une facon à peu près générale, on les voit placés à la face dorsale des reins, loujours au voisinage des gros troncs vasculaires de l'abdomen, en particulier de la veine cardinale. Les recherches histologiques de Pettit lui permettent d’ailleurs d'affirmer qu'il s'agit bien de glandes, et qu’elles sont comparables aux capsules surrénales des animaux supérieurs. L'auteur a également étudié les Elasmobranches et il leur reconnait deux séries d'organes « 1° une série de corps suprarénaux (une vingtaine environ chez les Squalides) disposés segmenlaire- ment sur le trajet des arlères, et 2° un corps inter- rénal, coloré en jaune, situé sur la ligne médiane, au contact de l’arlère aorte. » Tous ces organes, par suite même de leurs rapports avec les vais- seaux de l'abdomen, semblent bien devoir être rapprochés des capsules surrénales des animaux plus élevés en organisation. Enfin, chez les Cyclostomes (Pelrommyzon mari- nus) on constate, comme J. Müller l'avait fait pour la Myxine, en arrière des branchies, de part et d'autre du cœur, des glandes en rapport intime avec l'aorte et la veine cave, « mais on ne peut décider s'il s’agil là d'organes assimilables aux capsules surrénales des Mammifères ». Un mémoire de W.-E. Collinge', postérieur à celui de Pettit, aborde précisément cette question. Les corps décrits chez la Myxine par J. Müller avaient été ultérieurement considérés par ce même auteur comme un thymus, tandis que Slannius et Leydig en firent des corps surrénaux et que plus récemment Weldon les considéra comme consti- tués par le pronéphros. Collinge, après ses recherches sur Wyrine glu- linosa, Pelromyzon marinus, P. Planeri et Am- moceles, conclut qu'il n’est pas évident qu'il y ait des corps surrénaux chez les Cyclostomes, ce qui concorde bien avec les réserves exprimées par Peltit. Mais Collinge considère comme simplement formés de tissu conjonclif des corps décrits par Ecker et que Pettit croit représenter au contraire les glandes décrites par J. Müller. Il y a donc là un point obseur et qui reste d'au- tant plus problématique que Collinge croit pouvoir considérer comme pronéphres le corps décrit par J. Müller, d'abord comme glande surrénale, puis comme thymus. Ce pronéphros existerail chez Myaine et chez Bdellostoma, mais manquerait chez Pelronyzon. L'auteur anglais pense d’ailleurs qu'il n'y à pas de preuve qu'il y ait une relalion quelconque, en dehors des relalions de position, entre les capsules surrénales des Vertébrés et les ® Waurer E. CoLunNGes : On the so-called suprarenal Bodies in Cyclostoma, in Anat. Anzeig., Bd. XII, n° 9 et 40, p. 232. organes rénaux; c'est aussi l'opinion de Petit, qui déclare que « les rapports qu'elles contractent avec l’'appareil.urinaire n’ont que peu d'importance ! au point de vue morphologique; le fait que, dans la série des Vertébrés, ces connexions existent à la fois avec le mésonéphros ou avec le métanéphros en est une preuve convaincante ». Suivant Collinge, le pronéphros des Cyclostomes ne représenterait pas nécessairement les capsules surrénales des autres Vertébrés. Comme conclusion générale, Collinge pense que l’on doit considérer les capsules surrénales comme des crganes qui apparaissent tout d'abord chez les Poissons et qui vont ensuile prenant plus d’im- portance à mesure qu'oa s'élève dans l'échelle des Verlébrés. Glandes des Invertébrés. — Un mémoire de May- nard M. Metcalf® donne d'intéressants renseigne- ments sur certaines glandes problématiques que l’on rencontre chez les Tuniciers et qu'ilnous paraît bon de signaler ici en raison des rapports de ce groupe avec les Vertébrés. Chez les Ascidies, ilexiste une glande subneurale que l’on décrit ordinairement comme siégeant à la face ventrale du ganglion, dont elle est séparée par le conduit de la glande qui s'ouvre en avant dans le pharynx par un entonnoir cilié. La structure et le volume de cette glande offrent des variations spécifiques qui ont élé signalées; l’auteur l'a étu- diée chez Clavelina, Perophora viridis, Amaræcium stellatum, Botryllus Gould, Molqula, Cynthia par- tita et Boltenia Bolteni. Il a trouvé des différences considérables, mais en particulier chez Molqula, Botryllus, Cynthia et Bollenia, il a observé que la glande est dorsale par rapport au ganglion. Chez Botryllus, en outre, il y a fusion de son extrémité postérieure avec l'extrémité postérieure du gan- glion. Metcalf a en outre observé, chez Cynthia, d'autres glandes qui s'ouvrent à la surface du pharynx et du cloaque par de pelits pores. Ces glandes sont siluées entre l'épithélium et le manteau très épais à ce niveau. Les glandes du pharynx ne diffèrent en rien de celles du cloaque; ce fait, joint à ce qu'on ne les trouve pas chez les autres Ascidies, semble démontrer qu'elles ne jouent pas un rôle dans la digestion; faut-il !es regarder comme des organes excréteurs? L'auleur ne se refuserait pas à leur assigner le mème rôle qu'aux glandes neu- rales ; en tous cas, il lui parait que, comme ces der- 4 On sait qu'elles dérivent de l'épithélium germioal du cœlome, c'est-à-dire qu'elles ont même origine que les slandes génitales. ? Mayxann M. Mercae : Notes on Tunicate Morphology, in Aua!. Anzrig., Bu. XI) Lo 9,p. 217; et-u0 14; p.329: _. Hé ÉTÉ LS tee de dm oi 5 cs bé 2 à nds: H. BEAUREGARD — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE 677 nières, elles doivent rentrer dans la calégorie des organes à fonction inconnue. Rapprochons de ce travail des recherches de Winiwarter! sur la glande annexe du tube digestif 5 des Ascidies simples. Il existe, dit l’auteur, chez tous les Urochordés, à l'exception des Appendiculaires, une glande digestive étalée sur une partie de l'intestin. Elle possède un canal excréleur unique et son orifice se trouve soit dans l'intestin, soit dans l'estomac au voisinage du pylore. Mais il existe chez d’autres Tuniciers une glande, d’un carac- tère différent, qui affecte Ja forme d'un réseau el débouche dans l'estomac par plusieurs canaux excréteurs différents. Quelle est la fonction de ces organes? Elle est problématique. Elle rentre donc dans l’ordre de celles qui ont été signalées plus haut. lieins et glandes génitales. — Dans notre revue d'Anatomie, l’an dernier, nous analysions un mé- moire de Goodrich sur le cœlome, les conduits génitaux et les néphridies, d'où il ressorlait que les néphridies, que l’on a souvent confondues avec les conduits génilaux, peuvent toujours en être distinguées et que le cœlome (cavité unique ou mulliple où se développent les cellules sexuelles et qui s'accroit graduellement jusqu'à devenir la cavité du corps dans laquelle siègent les viscères) peut acquérir secondairement une fonction rénale, les entonnoirs périlonéaux 1emplaçant les néphri- dies propres comme conduits excréteurs. Bergh? a criliqué ces conclusions. Goodrich revient dans une nouvelle note* sur la question; il maintient ses 4 Haxs vox Wixiwarrer : Note sur la glande annexe du tube digestif des Ascidies simples, in Arch. de Biologie. 1895, L-/XIV, f. 2, p. 261. ? BerGu : Zool. Centralbl., vol. IT, n° 22. * Ebwix Goopricu : Nephridia and genital Ducts, in Zoo!. Anseiger., Bd. XIX, 1895. p. 494. premières déductions êt conclut que, chez tous les cœlomates, on trouve des follicules ou sacs dans lesquels se forment les cellules génitales qui sont conduites au dehors par les entonnoirs périto- néaux. Un mémoire de Pelseneer! sur le même sujet, mais considéré chez les Mollusques, apporte d’in- téressants documents sur la disposition de ces organes dans ce groupe d'Invertébrés qui ne sem- blent pas lous venir à l'appui des déductions de Goodrich, si la comparaison est possible entre les Mollusques et les Annélides dont ce dernier s'est occupé. Ainsi chez les Amphineures (Chiton) la glande génitale s’ouvrirait au dehors par deux conduils propres, mais ces deux conduits génitaux ne seraient pas homologues à ceux des Gastéro- podes et des Lamellibranches pourvus d'orifices génitaux extérieurs. Leurs rapports avec la cavité génitale et leur conformation montrent en effet qu'ils constituent une paire distincte de néphridies et qu'ils sont par suite identiques à ceux des Cép'a- lopodes. Chez les Gastéropodes Rhipidoglosses, il y a deux reins distincts dont le droit est seul'excré- teur. La glande génitale n'a pas d’orifice extérieur propre; elle s'ouvre dans le conduit réno-péricar- dique droit ou dans le rein droit. De la lecture de ces divers mémoires il résulte qu'il existe encore beaucoup d'obscurilé au sujet des néphridies el de leurs rapports avec les glandes génitales, obscurité qui relève des modificalions très nombreuses qu’on observe dans les différents groupes étudiés. H. Beauregard, Assistant au Muséum. ! PeLsenEER : Les reins, les glandes génitales et leurs con- duits dans les Mollusques, in Zool. Anzeiger., Bd. XIX, 1896, p. 140. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques Sturm (D' Rudolf), Professeur à l'Université de Bresla. — Die Gebilde ersten und zweiten Grades in der Liniengeometrie in synthetischer Behandlung. 111 Theil : Die Strahlencomplexe zweiten Grades. (Traité synthétique des figures du premier et du seconü degré dans la géométrie linéaire. IIIe Partie : Les com- plexes du second degré.) — 1 vol. in-8° de xxiv-518 pages. (Prix : 22 fr. 50.) Teubner, éditeur. Leipzig, 1897. On trouvera dans la Revue (année 1895, page 37) le compte rendu des deux premières parties de lim- posant ouvrage que M. Sturm consacre à la géomé- trie linéaire. Cela permettra d'être assez bref sur cette troisième partie, qui fait corps avec les précédentes. C'est toujours la même richesse de développements, de propositions, de renseignements bibliographiques, avec les mêmes soins pour mettre de l'ordre et de la clarté dans une matière touffue (table détaillée ; dic- tionvaire…). Est particulièrement intéressante la théorie du complexe harmonique (complexe de Battaglini). C’est le lieu d’une droite telle que (énoncé double par dualité) les quatre points d’inter- | section avec deux quadri- ques | forment un rapport harmonique. Un cas particulier est constitué par le complexe de Painvin (lieu des arêtes des dièdres rectangles circons- crits à uue quadrique), auquel se rattache la surface de l'onde de Fresnel. Signalons aussi les procédés pour représenter le complexe du second degré dans un espace ponctuel ordinaire. LÉON AUTONNE, Maître de Conférences à la Faculté des Sciences de Lyon. les quatre plants tangents menés à deux quadriques Guédon (Pierre), Chef de Dépôt de la Traction méca- nique à la Compagnie générale des Omnibus de Paris et Guédon (Yves), Ingénieur civil. —Manuel pratique du Conducteur d'automobiles. — 1 wol. in-18 de 316 pages avec 152 fig. (Prix: 6 fr.) J. Fritsch, éditeur, 30, rue du Dragon. Paris, 1897. L'ouvrage ne traite que des automobiles sur route ; cependant il dit quelques mots des tramways à gaz. Dans la première partie, sont étudiés les tracteurs de Dion et Bouton, les voitures Serpollet, chauffées au coke ou au pétrole lampant (il est dit quelques mots des voitures de ce dernier système encore en construc- tion), les tracteurs Le Blant, lomnibus à vapeur Weid- knecht, le train Scotte. Elle se termine par d'intéres- santes considéralions sur les avantages de la détente variable combinée avec l'emploi du système compound pour les moteurs des automobiles, el par le calcul de la puissance à donner à une machine pour qu'elle actionne, dans des conditions de vitesse et de profil données, une voilure d'un certain type. La seconde partie est consacrée à l'étude des auto- mobiles et tramways à gaz. Elle décrit la voiture de la Gaz Traction C° (qui exploite les brevets de l'ingénieur allemand Lübhrig), essayée par la Compagnie générale des Omnibus à Paris. MM. P. et Y. Guédon trouvent au moteur à gaz, sur les moteurs à vapeur, à air com- primé où à accumulateurs, une certaine supériorité provenant de ce que tout le travail s’y fait dans le cylindre, au lieu de se partager entre divers organes (chaudières, moteurs à vapeur, compresseurs, dynamos). Ils croient celle supériorité capable d'assurer aux tram- Ways à gaz quelque avenir, pour les lignes de faible parcours, élablies isolément dans les localités déjà pourvues d’une usine à gaz; pour de grands réseaux compacts, pouvant être desservis par uue seule usine centrale, l'air comprimé et l'électricité seraient certai- nement plus économiques. Ils émettent une opinion, à notre avis beaucoup plus contestable, quand ils croient à la possibilité des fiacres à gaz ; nous ne pouvons oublier qu'un kilogramme d'air, logé dans un récipient capable de résister à la pression de #5 kilogrammes par cm°, n'emmagasine que 1.597 kilogrammetres, alors qu'un kilogramme de pétrole permet de disposer pratique- ment de 750.000 kilogrammètres. Nous croyons donc, avec M. Marcel Deprez, à l'inadmissibilité de l'air com- primé pour les automobiles; et nous ne croyons pas davantage à celle du gaz d'éclairage que, du reste, la compression altère fort vite. La troisième partie, réservée aux automobiles à essence de pétrole, débute par une description partielle du moteur Phénix, de MM. Panhard et Levassor, et étudie ensuite la voiturette Bollée, le tricycle de Dion- Bouton, les voitures Daniel Augé, Landry et Beyroux, Peugeot, Gauthier-Webrlé, Léo, Mors, Benz (de la Mai- son Parisienne), l'avant-train moteur Prétot. Dans la quatrième, nous trouvons les voitures élec- triques Darracq et Kriéger ; enfin, dans la cinquième, les accessoires : graisseurs, bandages, essieux, ressorts, freins.…, et la reproduction des Conseils aux voiluristes, tels que les a formulés M. Pierron, dans l'Annuaire du Touring-Club de France. Enfin, la partie réservée aux notes et additions donne une notice sur la prise des brevets en France et à l'Etranger, le tableau com- plet des essais de trunways automobiles tentés à Paris depuis 1840, et l'ordonnance du 1% août 1893 sur la circulation des automobiles dans Paris. On voit que, sous son titre modeste de Manuel pratique, cet ouvrage ne reste pas étranger aux considérations théoriques intéressant l’automobilisme; mais où il revêt un caractère hautement pratique,c'est dans les instruc- tions dont il fait suivre les descriptions de la plupart des voilures, et dans lesquelles il étudie les conditions de bonne marche de leurs divers organes, les princi- pales causes de non-fonctionnement et le moyen d'y remédier. A ce seul titre, son usage serait tout indiqué pour les chauffeurs. GÉRARD LAVERGNE, Ingénieur civil des Mines. 2° Sciences physiques Minet (Ad.), Ingénieur-chimiste. — Electrométallur- gie. Voie humide et voie sèche. Phénomènes élec- trothermiques. — 1 vol. in-1S de 196 yages avec 27 figures de l'Encyclopédie scientifique des Aide-Mémoire, publiée sous la direction de M. H. Léauté. (Prix : broché, 2 fr. 50; cartonné, 3 fr.) Gauthier-Villars et G. Masson, éditeurs. Paris, 1897. Ce volume est le premier d'une série qui promet d'être fort intéressante dans ses quatre parties : 1° Théo- rie de l'Electrolyse; 2° Electrochimie; 3° Electrométal- lurgie ; 4° Fours électriques et leurs applications. En raison de l'importance des questions qui se rattachent actuellement à l’électrométallurgie et aux fours élec- triques, il était naturel que la troisième et la quatrième partie fussent publiées les premières. . Le fait que la troisième partie, consacrée à l'Electro- métallurgie, ait paru avant les autres, obliseait l’auteur à rappeler d'abord les lois de l’électrolyse; il l’a fait dans un résumé qui permet de lire ce volume indépen- damment des autres. La première partie est consacrée à l'électromélallurgie ét te der ae. md: de - BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 679 par voie humide; elle comprend troischapitres, dans cha- cun desquels les métaux sont réunis suivantles groupes adoptésen Chimie analytique. Dans la deuxième partie, M. Minet examine l'électrolyse par voie ignée, sur la- quelle il a fait lui-même des travaux bien connus: il décrit la préparation de l'aluminium, du magnésium, des métaux alcalins et alcalino-terreux. Le dernier cha- pitre est relatif aux phénomènes électro-thermiques; c'est un rapide aperçu de ces phénomènes et de leurs applications; l'étude détaillée en sera faite dans le pro- chain volume consacré aux fours électriques. P. JANNETTAZ, Répétiteur à l'Ecole Centrale. Boutroux (L.)\, Professeur de Chimie à la Faculté des Sciences de Besancon. — Le Pain et la Panification. — 1 vol. in-16 de 358 pages avec 57 figures, de l'Ency- elopédie de Chimie industrielle. (Prix, relié : 5 francs.) J.-B. Baillière et fils, éditeurs. Paris, 1897. Le volume de M. Boutroux n'est pas seulement un résumé très clair des données pratiques et scientifiques concernant le pain et sa fabrication, c'est aussi, dans beaucoup de ses parties, une œuvre originale, riche en recherches personnelles sur différentes questions obs- cures ou controversées. La fabrication du pain repose essentiellement sur la fermentation de la pâte. Or, les idées qui régnaient dans ces dernières années au sujet de ce phénomène étaient fort confuses. Après avoir tout d’abord admis comme évident que la fermentation panaire était l'œuvre d'une levure alcoolique, on n'avait pas réussi à démontrer le fait d'une manière positive, et plusieurs savants, notamment en Allemagne, en étaient venus à refuser à la levure le rôle principal pour l'attribuer à certaines bactéries. M. Boutroux, s'appuyant sur une série d'expériences concluantes, remet les choses en place. Il montre d'abord que la levure est toujours pré- sente en abondance dans la pâte en fermentation : si l’on à pu soutenir le contraire, c'est parce que l’on s’en est rapporté seulement à l'examen microscopique et que cet examen, même avec l’aide des colorations, ne permet pas de retrouver facilement les globules de levure parmi les grains d’amidon bien plus nombreux. M. Boutroux plouge la pointe d’une aiguille stérilisée dans la pâte en fermentation et ensemence un moùt avec cette aiguille : constamment le moût entre en fer- mentation. Il y a donc de la levure répandue dans toute la masse de la pâte. L'expérience serait plus probante encore si l'auteur avait eu recours à la méthode des cultures sur plaques qui lui eût permis, du même coup, de dénombrerles cellules de levure et d'en déterminer l'espèce. Mais, pour que l'on puisse affirmer que la levure est bien l'agent de la fermentation panaire, il ne suffit pas qu'elle existe dans la pâte, il faut encore qu'elle s'y multiplie; or, l'on a préfendu que la levure apportée par le levain ne peut pas végéter dans les pâtons, parce que la proportion d'eau y est trop faible, qu'elle y meurt promplement et qu'en fait son rôle se borne à servir d’aliment azoté aux bactéries, qui seraient les véritables agents de la fermentation panaire. M. Bou- troux fait justice de celte assertion. Avec de la farine stérilisée par la chaleur sèche et en s'entourant de toutes les précautions voulues, il prépare un päton ensemencé avec une trace de levure seulement : ce päton lève; on en prélève une parcelle-pour ensemen- cer un autre pälon qui lève également et ainsi de suite indéliniment. La levure se multiplie donc dans la pâte sans rien perdre de son activité. Examinant, au con- traire, après les avoir isolées, les cinq ou six espèces de microbes qui dominent dans la farine et dans la pâte, M. Boutroux montre qu'aucune de ces espèces ne se comporte comme un véritable levain. Il yen a bien, dans le nombre, une ou deux, commele B. levans de Wolfin, qui boursouflent la pâte par suite d’un dégagement gazeux, mais le résultat final diffère sensi- blement de celui qui est obtenu avec la levure, et les gaz renferment de l'hydrogène, ce qui n'a jamais lieu dans la pratique industrielle, Au surplus, ces microbes ne peuvent ni se cultiver de pâte en pâte, ni rester longtemps actifs dans le même levain, parce que la pète en fermentation acquiert promptement un degré d'acidité parfaitement supportable pour la levure mais non pour les bactéries qui exigent, comme on sait, un milieu neutre ou alcalin. Il faut donc en revenir aux vieilles idées et admettre, d'accord avec tous les bou- langers, auxquels toute autre hypothèse paraitrait au moins bizarre, que c’est bien la levure qui fait fermen- ter la pâte. Pour ceux qui douteraient encore, M. Bou- troux complète sa démonstration par l'étude des résul- tats chimiques de la fermentation panaire. Il montre que l'élément azoté de la farine, le gluten, est à peine touché pendant celte fermentation, que l’amidon non plus n’est pas sensiblement attaqué et que c'est la par- tie soluble de la farine — sucre, albumine et sels — qui fait tous les frais de la nutrition de la levure. Comme produits, on trouve un peu de peptone provenant du gluten, de l'acide carbonique et de l'alcool. Si la pré- sence de l'alcool a été controversée, c’est parce qu'il est exposé à disparaître sous l’action des microbes qui possèdent la propriété de l'acétifier ou même de le brà- ler complètement au fur et à mesure de sa formation. En résumé « la fermentation panaire consiste essentielle- ment en une fermentation alcoolique, par levure, du sucre préexistant dans la farine ». Quant aux bactéries, non seulement elles ne font pas lever le pain, mais elles nuisent parfois à sa qualité en dissolvant le gluten, ce qui a pour résultat de rendre le pain plus compact. Il se pourrait toutefois que, dans certains cas, un com- mencement de digestion du gluten par les bactéries, maintenu dans des limites convenables, donnàt au pain une saveur recherchée par le consommateur. Un autre problème très important et très délicat est celui de la coloration du pain bis. Mège-Mouriès avait déjà étudié celte question dans des travaux qui eurent un grand retentissement il y à une quarantaine d’an- nées. IL était arrivé à cette conclusion, remarquable pour l’époque, que la coloration du pain bis élait due à l’action d'une substance soluble contenue dans l’en- veloppe du grain, la céréaline, et que cette action ne pouvait s'exercer qu'en présence de l'air; il avait pro- posé deux procédés de panification basés, l’un sur l’ex- clusion de l’air pendant le pétrissage, l’autre sur la coa- gulation préalable de la céréaline par l’eau salée, qui permettaient effectivement de faire du pain blanc avec de la farine de gruan et même avec de la farine de seigle et qui, cependant, n’ont pas passé dans la pra- tique. M. Boutroux confirme les résultats obtenus par Mège-Mouriès et montre que les caractères physiques du pain bis sont dus, en réalité, à l’action combinée de deux diastases distinctes, l’amylase et une diastase oxydante, de la classe des oxydases découvertes par M. Bertrand. C'est cette dernière qui produit la colora- tion brune du pain en oxydant cerlaines matières solubles du son pendant le pétrissage et le levage ; tandis que l’amylase, en liquéliant partiellement l'ami- don, communique au pain bis sa consistance un peu colloïde. Examinant ensuite les divers procédés de panification, M. Boutroux met en parallèle le pétrissage sur levure et le pétrissage sur levain. Chacune de ces deux mé- thodes a ses avantages et ses indications particulières; cependant la première, plus simple et plus économique, semble appelée à prendre une extension de plus en plus grande lorsque les boulangers, même dans les localités les plus reculées, pourront facilement se pro- curer une levure bien active. L'industrie s'efforce de satisfaire ce desideratum en préparant des levures sèches capables d’une longue conservation, et je signa- lerai à ce propos une innovation intéressante que M. Boutroux n'a pu mentionner, car elle est de date toute récente. Sur les indications du D° Calmette, directeur de l'Institut Pasteur de Lille, la maison Col- lette a tenté de substituer à la levure une moisissure 680 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX - douée d’un puissant pouvoir fermentescible, l'Amy- lomyces Rouxii, originaire de l’Indo-Chine, où elle est utilisée pour la fermentation alcoolique du riz. Le mycé- lium de cette moisissure, soumise à la culture en grand, est desséché et pulvérisé; sous cette forme, il conserve longtemps sa vitalité et, lorsqu'on l'introduit dans la pâte humide, il la fait lever comme le ferait la meil- leure levure. Une autre solution, préconisée par M. Bou- roux et surtout pratique pour les boulangeries i impor- lantes, serait que le boulanger fabriquàt “lui-même sa levure en la cultivant, dans un moût incolore, à l’aide d'un appareil très simple dont on peut aisément imagi- ner la disposition. Il faut citer encore le chapitre relatif à la valeur nutritive du pain. Des expériences et des discus- sions assez confuses auxquelles le pain complet a servi de thème, on peut retenir ceci : le pain de farine entière est inférieur au pain blanc en ce que, jusqu'à présent, il n'a jamais été obtenu aussi léger et partant anssi facilement digestible que ce dernier, Mais si l’on admet dans “ farine une pelite proportion de substance empruntée à l'enveloppe, finement broyée, ainsi que cela peut s’obtenir particulièrement dans la mouture par meules, il est possible, par une panification bien conduite au point de vue de la légèreté, d'obtenir un pain réunissant en somme des qualités nutritives supé- rieures à celles du pain plus blanc que donne la farine parfaitement exempte de débris d'enveloppe. L'excellent ouvrage de M. Boutroux est complété par quelques chapitres où se trouvent condensés une foule de renseignements pratiques sur la composilion chi- nique des céréales, la mouture, le pétrissage méca- nique, la cuisson du pain, les diverses variétés de pain étrangères, parmi lesquelles il en est deux : le pain de germes et l’aerated bread, que nous pourrions peut- être emprunter aux Anglais avec avantage et, enfin, les altérations spontanées et les s sophistic _ du pain. . RÉPIN, Attaché : Han Pasteur. 3° Sciences naturelles Baldwin (James-Mark), Professeur de Psychologie à l'Université de Princeton (Etats-Unis). — Mental De- veloppement in the Child and the Race. Methods and Processes. 1 vol. in-8° de 496 pages avec 17 figures. MM. Macmillan et Cie, éditeurs, 29 Bedford Street. Londres, 1897. Pour M. Baldwin les divers processus de l'évolution psychique ne sont que des formes différenciées d’un méme processus fondamental, de type circulaire, con- sistlant en une série de réactions sensori-motrices, telles que le mouvement provoqué par l’action de lexcitant sur l'organisme ait pour résultat de déter- miner une excitation nouvelle, analogue à la première, excilation qui engendrera à son tour un mouvement pareil à celui que la première excilation à causé. Comme, dans le domaine psychologique, le type le plus net de ces réactions est offert par les réactions imi- latives, M. Baldwin donne au processus fondamental le nom de processus d'imitation. C'est à cette conception qu'il a recours, d'une part, pour édilier une théorie nouvelle du développement biologique et, d'autre part, pour expliquer la formation graduelle des diverses fonctions mentales. On peut considérer lévolution mentale de l'enfance comme-une « récapitulation » de l’évolution mentale de la race; ilne faut pas se figurer, cependant, que lontogénie reproduise fidèlement la phylogénie Jusque dans ses détails; l'action constante les lois de l'habitude et de accommodation organique el la fixation des résultats obtenus, soit par la sélection naturelle seule, soit par la transmission héréditaire des caractères acquis, ont fait que certains stades manque nt dans le développement de lindividu par où ses ancêtres ont dù nécessairement passer au cours de leur évolution. M, Baldwin à eu recours, pour étudier l'état des diverses fonctions intellectuelles et motrices de l'enfant, à un procédé nouveau, qui consiste à éva- luer les variations des sensations au moyen des réac- tions motrices qu'elles déterminent immédiatement el par voie réflexe. Les réactions choisies ont été des étudié par cette méthode le sens des couleurs et cher- ché à déterminer l'origine de l'usage prédominant de la main droite qui résulte, d’après lui, de tendances congénitales et non d° habitudes ac quises. Il à fait éga- lement, sur le développement du contrôle volontaire sur les mouvements de la main et du bras, une série de recherches expérimentales. M. Baldwin consacre tout un long chapitre à l'étude de la suggestion. Il appelle ainsi tout élat de conscience qui, amené dans l'esprit du dehors et non par les processus normaux d'associa= tion, détermine ou tend à délerminer par sa seule pré- sence une réaction motrice. Alors que la conscience de l'enfant ne contient pas encore d'images, il y a place déjà en elle pour des suggestions, c’est-à-dire, pour des excitations sensilives qui déterminent invariablement certaines réactions motrices acquises, accompagnées déjà d'un certain degré de conscience. Apparaissent en- suite les suggestions sensori-motrices proprement dites, où des sensations comprises, et non pas seulement con- fusément senties, constituent les incitations au mouve- ment. Viennent alors les suggestions de personnalité, c'est-à-dire les impressions qui amènent lenfant à réagir d’une manière différente aux personnes el aux choses et les suggestions délibéralives, première ébauche des volitions. L'enfant arrive ainsi jusqu’à la suggestion idéo-motrice vraie, où le mouvement est déterminé par une représentalion clairement cons- ciente; la suggestion imitative en est le meilleur type: Il faut remarquer que, parallèlement à cette série de sugges{ions dynamogéniques, il se constitue une série de suggestions inhibitrices dont la forme la plus nette est la sensation douloureuse. Les excilations sensilives ou imaginalives aboutissent d'ordinaire à des mouvements qui, dans une expé- rience antérieure, ont été plus où moins étroitement liés aux sensations provoquées par un stimulus iden- tique, mais elles engendrent aussi des mouvements nouveaux; c’est à en expliquer la possibilité qu'est destinée la théorie du développement élaborée par M. Baldwin. On peut concevoir que certains organismes naissent aptes à des réactions du type circulaire ou | imitalif. Cela sera avantageux S'ils réagissent le plus | aisément à des stimuli dont laction leur est avanta- | geuse, el ceux-là seuls survivront qui pourront se maintenir en contact intime el continu avec des exei- tations utiles au maintien et à l'accroissement de la vie. Mais, si ce mécanisme était le seul qui fonctionnât, toul changement notable d'un milieu devrait amener la destruction de tous les êtres vivants, à l'exception de ceux que des variations accidentelles auraient adaptés par avance aux conditions nouvelles. Cela nous conduit à affirmer l'existence d’un processus biolo- gique corrélatif de la conscience hédonique. Seules les réactions agréables seront maintenues, les réactions douloureuses étant graduellement inhibées. Parmi les organismes, ceux-là seuls ont survécu qui répondent par des mouvements expansifs à laction de certains stimuli, tels que les aliments, l'oxygène, etc. Ces mou- vements expansifs qui mettent lorganisme en plus direct contact avec le stimulus, déterminent cette exei- tation plus intense des centres, base organique de la conscience hédonique, et qui provoque à son tour des mouvements abondants et variés, parmi lesquels les mouvements d° adaption ontogénique de l'organisme | individuel sont séligés. C'est ainsi que se produit l'ac- commodation et que graduellement elle se transforme | en habitude. M. Baldwin établit une distinction formelle entre les émotions instinctives et celles qu'il appelle « idéales ». Pour les premières, il accepte la théorie qu'en donnent Lange, James et Sergi; pour les secondes, l'idée pour ! lui est, par elle-même, une cause d'émotion en raison mouvemehts de préhension de la main. M. Baldwin a de l'action inhibitrice ou dynamogénique qu'elle exerce. Mais la plupart des états émotionnels sont complexes, el, dans ce cas, la qualité de lémotion résulte de la conscience des sensations provoquées par des adaptations motrices immédiates ou instinetives, el sa valeur hédonique, d'un accroissement où d'une diminution de vitalité qui se traduit au dehors par des mouvements d'expansion ou des mouvements inverses. Eu raison des lois de l'habitude, les décharges motrices tendent à se faire par les voies par lesquelles elles se font le plus souvent, et cela a pour résultat, que les excilations nouvelles s'assimilent aux excilations an- -ciennes el arrivent, bien qu'élant en elles-mêmes difé- rentes, à être senties comme analogues parce qu'elles causent les effets moteurs semblables. On à encore ici, dans les réactions qui s'exercent entre les émotions el leurs mouvements d'expression, un exemple de taclion circulaire ou imitalive. M. Baldwin, après äwoir rapidement étudié la réaction imitative ou cir- eulaire dshs ses formes inférieures et à demi cons- cientes, examine le rôle joué par limitation consciente dans le développement de la vie mentale : lassimi- lation, la reconnaissance, l'association des idées, résul- tent pour lui d'adaptations motrices analogues à celles “ont nous avons indiqué le rôle dans lexpress'on des émolions. C'est par ce même processus duni- “ lication des décharges et des ajustements moteurs, que M. Baldwin rend compte de la formation des concepts généraux el des principes logiques. La volonté, d'après M. Baldwin, se manifeste tout d'abord chez l'enfant par ses efforts persistants pour imiler soit un modèle extérieur soit un modèle inféreur, une image. Les trois éléments essentiels de tout processus volitionnel, le désir, la délibération et l'effort, se retrouvent dans Pimitalion persistante, et c'est par cette imilation que nous faisons l'apprentissage de la volonté, ce qui n’est point autre chose, en réalité, que l'apprentissage de l'attention. Cette fonction correspond à la coordination habituelle des processus intensifiés de décharges mo- lrices. Le livre de M. Baldwin est la plus importante contri- bution à la psychologie génétique, depuis les grands ouvrages d'Herbert Spencer et de Romanes. Mais 1] faut reconnaitre que sa théorie du développement n'est pas la légitime généralisation des lois partielles que lui ont permis de formuler ses observations sur lévolution mentale de l'enfant. Elles reposent tout entières sur l'hypothèse d'une conscience hédonique élémentaire, antérieure à la conscience sensitive, et c'est une hypo- thèse qui ne semble pas correspondre à une réalité psychologique. Il y a, dans la théorie motrice de l'assi- milation et de la formation des concepts généraux, une large part de vérité, mais, là encore, l'esprit de Système lient trop de place. M. Baldwin à fait faire à la théorie de l'attention un réel progrès, en mettant en lumière plus elairement que personne l'interdépen- dance, dans son établissement, des excilalions sensi- üves el des adaptations motrices ; mais il lui a assigné une fonction sélective qui ne lui appartient pas et il à élabli entre elle et l'émotion d'inacceptables confu- sions, L. MaARILLIER, Agrégé de l'Université. 4° Sciences médicales Gauchas (D').— Deux ans de fonctionnement d’une crèche. Etude d'Hygiène infantile — 4 vol. in-8v de 58 pages, avec 8 diagrammes. Masson et Cie, édi- teurs. Paris, 1897. De toutes les questions d'Hygiène, il n'en est guère de plus attendrissantes que celles qui ont l'enfance, la petite enfance pour objet. Elles intéressent tout le monde ; etlesmédecins, en s’en préoccupant, exhaussent leur rôle social. Une crèche, ce doit être idéalement un lieu où le pauvre, pendant qu'il travaille pour vivre, puisse mettre son enfant à l'abri, soumis à un régime alimentaire BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX ü81 surveillé et à des soins méticuleux, el où le riche puise l'instruction suffisante pour élever convenablement le sien. Dans l'intérêt de Lous, les travaux médicaux sur les crèches demandent à être conduits avec le plus grand soin. Or, nous avons aujourd'hui la bonne for- tune de trouver un travail de haute conscience dans l'étude d'hygiène infantile publiée par le Dr Gauchas sous le titre : « Deux ans de fonctionnement d'une crèche. » On sait le souci qu'on prend actuellement de l'ali- mentalion du premier âge. Tout récemment encore, nos lecteurs ont trouvé ici même un travail de M. H. de Rothschild sur les laits maternisés, où des points im- portants de cette question étaient exposés. L'étude de M. Gauchas nous enseigne sa manière de procéder à la crèche dont il à la lirection et ses préférences. Il em- ploie le lait stérilisé immédintement après son arrivée à la crèche. Il rejette et à juste raison le lait stérilisé con- servé. Cette méthode permet d'utiliser du lait provenant d'une traite récente el de ne préparer précisément que la quantité de lait nécessaire à un repas. Les appareils Soxhlet, Gentile ou analogues, préconisés par MM. Bu- din el Chavanne, sont ceux qui conviennent le mieux. Le lait des nourrissons doit-il être coupé ou utilisé pur ? Sans entrer dans le détail de cette discussion, où les avis sont partagés, M. Gauchas, évitant d'ailleurs d'adopter une règle trop absolue, conseille le coupage du lait pour les enfants des crèches jusqu'au sixième mois. Suivant sa pratique, les trois premiers mois, le lait est coupé au 1/3; les trois mois suivants au 1/4; le sixième mois il est donné pur. Il faut tenir grand compte de là capacité digestive individuelle de chaque nourrisson. Pour éviter les fautes alimentaires, où tombent si facilement les familles quand l'enfant n'est plus surveillé, la crèche distribue aux mères, quand elles viennent le soir reprendre leurs enfants, deux ou (rois flacons de lait stérilisé. Cette méthode est excellente, et le léger surcroît de dépenses que celte distribulion de lait nécessite est largement compensé par la diminution des troubles intestinaux chez les enfants. Les soins donnés aux nourrissons, les détails de leur foilet'e, de leur habillement, le ménage intérieur de la crèche ont été l'objet d’une surveillance rigou- reuse de la part du Dr Gauchas. Non content de soigner les enfants durant leur séjour à la crèche, il s'attache à démontrer aux mères l'utilité de ces soins, leur carac- tère indispensable de minulie. Aussi, dans toute l’éten- due de son (ravail, revient-il à chaque instant, avec une insistance toute particulière, sur le rôle éducateur des mères. Il montre que, sans leur concours, il n’y à rien à espérer, aucun résultat à obtenir, que tous les efforts faits pendant le jour à la crèche sont rendus vains si les mêmes soins n’entourent pas le nourrisson sous le toit maternel. C'est là d'ailleurs le défaut capital des crèches. Il importerait de pouvoir reproduire littéralement les conseils de M Gauchas. Dans la question de l'élevage des nourrissons le moindre fait a une importance con- sidérable ; l'oubli d'une des précautions employées risque de compromettre lasanté de l'enfant. À la crèche surtout, il faut compter avec l’état antérieur du petit, avec ses antécédents héréditaires souvent chargés de tuberculose ou d'alcoolisme, quelquefois des deux à la fois, Des tableaux statistiques, des graphiques sont joints à ce travail. Ils affirment la fréquence des troubles digestifs dus aux fautes de régime. Il y à une dispro- portion énorme entre ceux-ci et toutes les autres mala- dies qui assaillent l'enfant. Quand, par la stricte obser- valion d'une règle, — toute simple, et qui est affaire d'habitude, — on peut faire baisser la mortalité infantile de 15 0}, à 5 °/,, c'est la peine d'exercer toute sa patience à la faire comprendre aux intéressés. Nous devons féliciter M. Gauchas de persévérer dans cette voie, et le remercier d’avoir fait œuvre de suprème utilité. D' A. LÉTIENNE. 682 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 19 Juillet 1897. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. Leveau commu- nique de nouvelles éphémérides de la comèle pério- dique de d'Arrest. — M. Loewy présente un mémoire de M. D. Eginitis sur le climat d'Athènes; l'auteur a constaté et expliqué une double oscillation dans l'hu- midité de Pair. — M. Folie adresse un mémoire inti- tulé : Théorie élémentaire du mouvement de rotation de l'écorce terrestre. — M. Hadamard présente une note sur les lignes géodésiques des surfaces à courbures opposées. — M. P. Painlevé indique que les intégrales quadraliques, signalées dans une récente note de M. Staeckel, figuraient dans son mémoire (encore iné- dit) couronné par l'Académie en 1894 — M. Jules Beudon étend la méthode de Cauchy à lintégralion des systèmes d'équation aux dérivées partielles du premier ordre à plusieurs fonctions inconnues. — M. Eug. Cosserat s'est proposé de déterminer les for- mules les plus générales qui représentent une surface rapportée à ses lignes de longueur nulle. — M.J. Bous- sinesq étudie les conditions de l'établissement du ré- uime uniforme dans un tuyau à section rectangulaire large. — M. L. Lecornu indique une nouvelle méthode simple et pratique pour la détermination du tracé des engrenages. 29 SCIENGES PHYSIQUES. — M. A. Blondel considère comme délinilivement établi, par ses dernières me- sures, que l'arc électrique, considéré à un régime donné de courant et de vollage, se comporte sensible- ient comme une résistance et ne présente pas de force contre-électromotrice comparable à la différence de potentiel observée ; il n'est done pas dû à un phéno- mène d'électrolyse. — M. E. Villari à constaté que l'air traversé par les rayons X et insufflé contre Fextré- inité d'un fil électrisé perd complètement la propriété de décharger ensuite un électroscope ayant une charge de même signe que celle du fil; il conserve, au con- traire, l'aptitude à décharger un électroscope ayant une charge de signe contraire à celle du fil. — M. G. Sagnac croit que les gaz traversés par les rayons X acquièrent un état de luminesrence particulier auquel on doit rattacher la conductibilité électrique spéciale qu'ils présentent. — M. Radiguet à soumis à la radio- graphie un certain nombre d'objets en métal et a oblenu le dessin des organes internes : le pène d'une serrure, les rouages d'une montre. — M. A. de Gra- mont à observé le spectre du carbone de deux facons : {° en soumettant les carbonates fondus à l'action de l'étincelle très condensée soit dans l'air, soit dans un courant d'hydrogène; 2° en soumettant le graphite à la méme élincelle. Dans le premier cas, on obtient un spectre de lignes; dans le second, un spectre de lignes et de bandes entremèlées. — MM. Ad. Car- not el Goutal ont cherché à déterminer, par l'ana- lyse chimique, l’état dans lequel se trouvent les élé- ments autres que le carbone dans les fontes et aciers. Le silicium est généralement à l’état de composé FesSi; le soufre à l’état de MnS et quelquefois d'un peu de Fes; le phosphore à l'élat de composé Fe*Ph ; l'arsenie parait simplement dissous. — M. Paul Sabatier, en faisant réagir une molécule d'oxyde d'argent sur une imolécule de nitrate de cuivre, a obtenu un nitrate basique mixte de cuivre et d'argent : 3Cu0, 2Ag4z0, 340. Avec un excès de nitrate de cuivre, on obtient le composé 3Cu (0H)*?, Cu (Az0*)?, — M. Marcel Delépine a étudié au point de vue thermochimique la transfor- mation de l'hydrobenzamide en amarine (ou triphényl= glyoxalidine) et de cette dernière en lophine (ou tri= phénylslyoxaline;. — M. L. Barthe, en faisant réagi l'éther cyanosuccinique sur le bromure de triméthylène; a obtenu le corps : C.Az C.Az | C'HP.CO?— C — CI — CIE — CHE — C — COCHS | CH.CO C1 due. coscenrs M. J. Moitessier décril les combinaisons cristallisées qu'il à obtenues en faisant réagir la phénylhydrazine sur les azolates métalliques. — M. E. Léger à étudié l’aloïne retirée de l’aloès des Barbades ou barbaloïne. Elle possède la formule C'H‘O7 et cristallise avec une. ou {rois molécules d'eau; elle fournit des dérivés acé- tylés. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. D. Gourfein a conslalé M qu'on peut extraire, des organes, des tissus et du sang M des animaux décapsulés, une substance toxique soluble M dans l'alcool et résistant à la chaleur; injectée à des « animaux sains, cette substance provoque des symp- « tômes constants, rappelant ceux qu'on observe chez les animaux décapsulés. Elle amène Ja mort dans un délai « très bref, en agissant probablement sur le système nerveux central. — M. L. Cuénot pense que l'épuration nucléaire, chez les Grégarines, peut s'expliquer ainsi : Le macronucléus ayant présidé à l'énorme accroisse- ment de la Grégarine, sa participation au travail eylo- plastique l'a modifié et usé; au contraire, le micro- nucléus est resté un plasma germinatif vierge ef non altéré, et il peut se diviser pour donner naissance à de nouveaux noyaux. — M. Julien Ray éludie les varia- tions des Champignons inférieurs sous l'influence du milieu. Aprés avoir produit un certain nombre de formes de (ransition, les individus finissent par s'adap- ter au milieu et prennent une forme stable. — M. Ed- mond Gain à constaté que les graines de Légumineuses envahies par les Bruches subissent, par le fait de ce parasitisme, une grande dépréciation due aux causes suivantes : 1° destruction d'une partie des réserves; 2 mulilalions très considérables; 3° exosmose très importante de produits nutritifs solubles; 4° action biologique el mécanique du parasite. Séance du 26 Juillet 1897. 4° SCIENGES MATHÉMATIQUES. — M. C. Wolff est par- venu à retrouver la longueur oubliée de la toise de Picard, d'après la hauteur du gnomon de l'Observatoire mesurée simultanémentavec une loise de Picard et une oise de Cassini. Il montre que : une toise de Picard — une toise de Cassini (1 — 0,0011362). La longueur du pendule de Picard était de 0M,9927, — M. Emile Picard présente le tome I d’un ouvrage sur la Théorie des fonctions algébriques de deux variables indépendantes, rédigé en collaboration avec M. Simart. — M. Em. Cotton donne la solution du problème sui- vant : Reconnaître s'il est possible d'effectuer une re- présentation conforme d’une variété à trois dimensions sur une autre, dans le cas où l’une des variétés est l'es- pace euclidien ordinaire. — M. J. Boussinesq étudie l'établissement du régime uniforme dans un tuyau à section cireulaire, Il montre qu'un parcours d'environ 30 diamètres, après l'épanouissement des filets fluides consécutif à la contraction de l'entrée, suffira pour éla- blir ce régime. ACADÉÈMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ET … Do SCIENCES PHYSIQUES. — Sir G.-G. Stokes propose ne autre explication d'un résultat expérimental attri- bué par M. de Metz à une déviation magnétique des Dur X. Il y a eu induction du premier tube sur le contenu du second tube et production dans ce dernier non de rayons X, mais d'une nouvelle décharge catho- “dique. — M. R. Dongier à mesuré la dispersion rola- “boire naturelle du quartz dans l'infra-rouge par un ouveau procédé. Les deux images séparées provenant î dédoublement opéré par un analyseur sont recues ar les deux moiliés de la pile thermo-électrique; la iférence galvanométrique est proportionnelle à la dif- érence des iulensités d'une même radiation dans les deux spectres. — M. G. Sagnac montre que les diffé- ents métaux exercent sur les rayons X une absorption lective; en même temps, la couche superticielle du métal émet de nouveaux rayons bien plus difficilement “transmis que les rayons X; cette luminescence des étaux fournira toute une série nouvelle de radialions. — M. P. Villard conclut que le voile photographique qui se présente sur beaucoup de radiographies n'est as dû à des rayons ayant traversé tous les obstacles, “inais à une sorte de fluorescence de l'air ambiant ou “de l'eau. — M. Ch.-Ed. Guillaume a mesuré la dilata- ion des aciers au nickel réversibles; la dilatation, ré- “gulière jusqu'à une température comprise dans la région de transformation magnétique, augmente ensuite rapidement jusqu'à une deuxième température au- dessus de laquelle elle redevient à peu près constante. La résistance varie régulièrement avec la température même pendant la transformation magnétique. — M. A. -de Gramont communique les longueurs d'onde des raies formant le spectre de lignes du carbone, tel qu'on le reconnait dans les carbonates fondus. — MM. Ad. Carnot et Goutal ont conslalé que le manganèse, le cuivre, le nickel et le litane paraissent se trouver sim- -plement dissous dans les aciers; le manganèse peut, d'ailleurs, être en partie à l'état de sulfure ou de sili- ciure dans les fontes. Le chrôme forme des composés complexes avec le fer et le carbone; le tungstène et le molybdène forment des composés définis Fe°Tu et Fe*Mo*, —MM. A. Haller el A. Guyot ont obtenu le vert phtalique en faisant réagir du tétrachlorure de phtalyle, dissous dans du sulfure de carbone, sur une solution de dimé- thylaniline et de chlorure d'aluminium dans ce mème sulfure. Les auteurs ont préparé ensuite les sels et la leucobase du vert phtalique. — M. Paul Dutoit et M: E. Aston montrent, par de nombreuses expériences, qu'il yaune relation entre la polymérisation du dissolvant et la dissociation électrolytique, de telle sorte que cette dernière ne peut se produire que lorsqu'on emploie des dissolvants polymérisés. — M. Fernand Muttelet à préparé une nouvelle classe d'amidines de formule générale : R AK ve = G.C'H. H24z/ NN M. Chavastelon applique la réaction quantitative CHE + 3 AzOAg — C?Ag.AzO%Ag + 2 AzOI au dosage de l'acétylène. II se sert de leudiomètre à absorption de M. Raoult et dose l'acide nitrique à la fin de l'opération. Le procédé est applicable-aux carbures de la forme R—C=C--H. — M. L. Lindet montre que, dans l'analyse des phosphates minéraux, après précipitation de l'acide phosphorique en présence d'a- cide citrique, on peut facilement détruire l'acide citrique par oxydation par l'acide nitrique en présence d’un sel de manganèse ou de vanadium ; on dose ensuite facilement le fer, l'aluminine et la chaux. — M. P.-P. Dehéraïin à analysé les eaux de drainage des cases de végétalion de Grignon et conclut : Dans les terres en Jachères, privées d'engrais, les quantités d'azote nitrifié s'élèvent, pendant les années humides, à 200 kilos par ' 683 hectare. Les terres emblavées n’élaborent qu'une quan- tilé de nitrates beaucoup moindre, car l'évaporation formidable des plantes herbacées dessèche le sol trop complètement pour que l'humidité restante suflise à l'entretien d'une nitrilication énergique. I faut donc ivriguer abondamment le sol pour provoquer une forte production de nitrates. — M. J. Laborde a fait barbo- ter de l'air dans des vins cassables et à constalé une absorption d'oxygène et un dégagement d’acide carho- nique. Lorsque les vins sont traités par l'acide sulfu- reux, la matière colorante ne se précipite plus, mais l'absorption d'oxygène et la production d'acide carbo- nique sont aussi considérables que précédemment. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. $. Arloing démontre que la sueur de lhomime sain est toxique; injectée dans le sang, elle entraine la mort du chien et du lapin dans un délai de vingt-quatre à soixante-douze heures. Après l'injection, la pression artérielle s'élève légèrement, puis s'abaisse considérablement; le pouls augmente de fréquence. — M. Berthelot rappelle un texte ancien qui indique que la sueur du cheval peul servir à empoisonner les flèches. — M. L. Lecercle montre que, chez les animaux exposés aux rayons X, la température cutanée, de même que la température rectale, s'abaisse d'abord pour se relever ensuite au delà de la normale. — M. G. Apostoli a constalé que le courant ondulatoire peut rendre des services en (héra- peutique gynécologique ; c’est, par excellence, le mé- dicament de la douleur. — M. A. Charrin à observé un certain nombre d'enfants issus de mères atteintes, pendant la grossesse, de différentes infections. L'héré- dité directe est rare (la syphilis mise à part). Mais ces rejetons présentent toujours un poids moindre que les enfants issus de mères saines; ils sont plus souvent difformes ; la toxicité de leurs urines est plus grande. — M. H. Beauregard à trouvé dans l'ambre gris (qui n'est autre chose qu'un calcul rectal du Cachalot) un mnicrobe, très semblable au bacille du choléra asiatique, et qu'il nomme Spirillum recti Physeteris. Ce microbe peut vivre dans lambre pendant plusieurs années; c'est probablement lui qui détruit les matières sterco- rales qui se trouvent primitivement dans le calcul et permet ainsi à l’ambre de manifester le parfum parti- culier qui le caractérise. — MM. L. Camus et E. Gley ont constaté que la présure peut encore coaguler le lait à 0° si l’on ajoute 3 à # gouttes d'une solution faible d'un acide. D'autre part, la présure, si elle a été préalablement desséchée, peut être portée impunément à 100 sans perdre son activité. — M. J. Pérez décrit uue nouvelle forme de l'appareil buccal chez les Hymé- noptères; la languette est très courte; les palpes labiaux, extrêmement développés, jouent le principal rôle dans l'absorption. -- M. Louis Léger à découvert, dans les larves des Simulies, une nouvelle myxosporidie qu'il appelle Glugea varians. Elle habite exclusivement dans la cavité générale etse présente tantôt sous forme de kystes avec un nombre indéterminé de macrospores, tantôt sous l'état de kystes renfermant seulement huit microspores. — M. A. Vaffier a étudié le terrain car- bonifère des environs de Màcon ; il renferme une flore riche en empreintes bien conservées. — M. A. Lacroix à étudié la marcasite de la mine de Pontpéan et a observé des groupements réguliers de marcasite, de pyrile et de galène constituant des pseudomorphoses de pyrrho- tine. Séance du 2 Aoûl 1897. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Ch. André transmet les observations de l’occultalion du groupe des Pléiades par la Lune, faites à l'Observatoire de Lyon le 23 juil- let 1897. — M. A. Pellet communique ses recherches sur les surfaces isothermiques. 20 SCIENCES PHYSIQUES. —M. Marcel Brillouin décrit un appareil léger pour la déterminalion rapide de l'inten- sité de la pesanteur. Il se compose d’un pendule inva- riable battant le quart de seconde et d’un chronomètre à éclairs. = M. L, Marchis éludie les déformations 084 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES permanentes du verre et t donne les lois du déplacement du zéro des thermomètres qui en résultent. — MM. A. Leduc et P. Sacerdote ont déterminé la compressibi- lité des gaz au voisinage de la pression atmosphérique, Les résultats obtenus les ont conduits, par l'emploi d'une formule précédemment indiquée, à donner aux pressions criliques de cerlains corps des valeurs un peu différentes de celles qu'on leur attribue générale- ment. — M. Berthelot étudie les conditions de la com- binaison de l'hydrogène et de l'oxygène sous l'influence de causes perturbatrices, capables d'amorcer la com- binaison. En présence de baryte anhydre, la combinai- son commence à s'effectuer à 250°; il se forme de l'eau, mais une partie de l’oxygène donne du bioxyde de baryum ; vers 280°, l'hydrogène restant réagit sur le bioxyde pour donnér de l'eau et il reste de l'oxyde simple. Sn présence de potasse, il y à également for- malion d'eau, puis de peroxydes alcalins et t de manga- nate alcalin (aux dépens du manganèse du verre) : puis, à une température plus haute, l'hydrogène réduit les peroxydes et le manganate pour former de l’eau. — M. H. Moissan à essayé la méthode indiquée par M. Balland pour le dosage rapide des impuretés de l'aluminium. Il l'a trouvée très imparfaite et pense qu'il vaut mieux recourir à une méthode plus longue et plus compliquée pour obtenir des résultals exacts. — M. A. Leduc à déterminé à nouveau les poids alo- niques de l’azole, du chlore et de l'argent. En prenant comme base 0 —16, il a obtenu: Az—14,005 ; H—1,0076; Cl= 35,470; Au — 107,946. — M. Paul Sabatier a effectué un grand nombre de déterminations thermo- chimiques relatives aux composés cuivriques; la for- mation des sels basiques à partir des sels cristallisés et de l’oxyde solide donne lieu à des dégagements de cha- leur fort importants. — M. A. Collet à préparé de nou- velles cétones bromées par l'applicalion aux chlorures d'acides bromés de la méthode de synthèse au chlo- rure d'aluminium de MM. Friedel et Crafts. — MM. A. Haller et A. Guyot ont préparé le tétraméthyldiami- dodiphényldianthranoltétraméthylédiamidé symétrique par condensation de l'acide tétraméthyldiamidodiphé- nylméthane-ortho-carbonique au sein de la diméthyl- aniline en présence d'oxychlorure de phosphore. MM. Ch. Gassmann el Henri George ont constaté que tous les phénaols et naphtols qui, par copulation avec les diazos, fournissent des orthooxyazoïques, copulent en solulion neutre el acide aussi bien qu'à l’état de sels alcalins. Dans l'industrie, on pourra donc avantageuse- ment remplacer le sel R par une solution de $B-naphtol dans l’acéline comme réactif des diazoïques. — M.Jean Effront à obtenu, par l'action des acides sur la carou- bine, un nouveau sucre, la caroubinose, de formule CSH®056, Son pouvoir rolaloire, le point de fusion et la forme cristalline de ses combinaisons avec la phényl- hydrazine le caractérisent parfaitement. — M. G.. Gué- rin, ayant fail macérer de la sciure de bois dans de l’eau contenant 4 °/, de KOH, a retiré un produit co- loré en brun et reufermant une notable proportion de manganèse, de phosphore et de soufre. — M. E. Gley a recherché si l'iode se trouve dans les glandules para- thyroïdes et à conslalé, d'après la méthode de Bau- mann, qu'il s'y rencontre en plus forte proportion que dans la glande. — M. P.-P. Dehéraïin a observé des terres placées dans des cases et remuées et arrosées souvent; les progrès de la nitrification y ont élé ra- pides, mais la quantité d'azote organique à beaucoup moins duninué que ne s'est accru l'azote des nitrates, de telle sorte que l'azote lolal a augmenté dans de fortes proportions. Cette augmentation est due à la fixation directe de l'azote de l'air par les microbes. — M. L. Davy à lrouvé dans la Loire-Inférieure les restes d’une exploitation de minerais d’étain, entreprise par les Gaulois et abandonnée lors de la conqué te romaine ; on voit encore le minerai en place dans une carrière. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. S. Arloing décrit les modilications que provoque l'intoxicalion par la sueur de l'homime sain dans la respiration, la tempéralure du nels Fire d origine es ‘a at “re shock) ne ont observés pendant l'éviscération d'animaux profon dément anesthésiés. Ils concluent que, chez les indivi | il dus dont le péritoine n'est pas enflammé et dontMie cœur est sain, l'éviscération peut être exécutée sans danger; dans les cas contraires, elle est dangereust par T'acuité des réflexes qu'elle provoque. —M. A. Mou- tier, en augmentant la tension des courants de haute fréquence à l'aide d'un résonateur, à observé une élé vation rapide el considérable de la tension artériell chez l'homme. — M. J. Bergonié a amélioré le tie dou loureux de la face par l'emploi percutané du courani continu avec de très hautes intensités e£ une longue durée, — M. D.-A. d'Hardivillier établit que les pou mons des Mammifères sont originellement symétriques. et possèdent une épartérielle de chaque côté. Les les premiers stades du développement des Pedipalpes chez trois espèces de Phrynes : Tarantula palnatæ Phrynus medius et Phrynisrus bacillifer. — M. L. Bordas décrit le système nerveux sympathique des Orthoptères ses observalions ont porté sur vingt-cinq espèces, ap parteuant aux familles des Phasmidæ, Blitiidæ, Mantidæ, Acridiidæ, Lorustidæ et Gryllidæ. — MM. F. Mesnil e Em. Marchoux ont découvert, dans la cavilé du corps d'un Crustacé chadocère, un Sporozoaire nouveau : le Cœlosporidium chydoricola, qui se rattache aux Sarco= sporidies et présente également des affinités avec Amoebitium. M. J. Cantacuzène à observé, quelques Annélides marines, des organes phagocytaires qui sont : les amæbocytes, les cellules endothéliales du cœlome et les cellules néphridiales. — M. Louis Léger à fait absorber à de jeunes scolopendres des “kystes mûres d'Adelea ; ceux-ci ont d’abord donné naissance à des sporozoïles eimériens, puis à de jeunes individus d'Adelea; ces expériences montrent l'unité spécifique des Eimeria et des Adelea. — M. Paul Grélot montre que, par suite de la forme spéciale des carpelles et dex l'élargissement considérable du réceptacle, certains faisceaux du gynécée, dans la fleur, n’ont plus aucune relation soit entre eux, soit avec des cycles inférieurs. — M. L. de Launay à constaté que les roches diaman- tifères du Cap font toutes partie d'un même groupe pétrographique ; elles constituent les venues successives d'un même magma fluide interne dont elles représen- tent des termes de basicité croissante avec le temps. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 20 Juillet 1897, M. Bertrand signale quelques cas d’abeès du foie dont l’origine primitive à été une fièvre typhoïde sur- venue plusieurs années auparavant. — M.G.-M. Debove décrit une maladie particulière, lostéoporose progres- sive, dans laquelle les os, quoique très déformés, ne sont pas ramollis ; les déformations intéressent surtout le thorax et la colonne vertébrale ; elles s'accompagnent de douleurs vives. — M. KE. Nocard à fait de nom- breuses expériences sur le traitement du lélanos chez le cheval. Il injeclail d'abord aux chevaux la toxine télé inique, puis le sérum antitélanique ; lorsque l'injee- tion du sérum a été faite après l'apparition des symp- tômes du télanos où même vingt -quatre heures avant cette apparition, le sérum n'a aucun effet et l'animal meurt. L'animal ne se guérit que si l'injection de sérum a élé faite au moins quarante-huit heures avant l'appa- rition des symptômes. — M. X. Delore montre que les thromboses placentaires sous-choriales jouent un rôle de préservation fœtale contre les microbes qui se trou- vent constamment dans le placenta. — MM. L. Monfet et Carron de la Carrière présentent un travail intitulé : « Etude sur l'urine normale de l'enfant. » 4 ACADÉÈMIES ET SOCIÈTÉS SAVANTES 685 # Séance du 27 Juillet 1897. Séance du 17 Juillet 1897. L'Académie procède à l'élection de deux correspon- anis étrangers dans la division de Médecine. M. Bene- dikt (de Vienne) et M. J. de Mierzejwsky (de Saint- -_Pétersbourg) sont élus. … M. François-Franck présente le rapport sur le con- tours du prix Pourat. — M. François-Franck analyse un travail du D' Carrière relatif à la pithogénie de la “mort par le froid; l'auteur pense qu'il se produit une “véritable auto-intoxicalion par suite de l'accumulation “des produits toxiques non éliminés. — M. E. Nocard “donne les résultats de l'administration préventive de “sérum antilétanique à 2.727 animaux (chevaux, ânes, “mulets, taureaux, béliers, agneaux, porcs) ayant subi “les opéralions diverses (castration principalement). Se de ces animaux n'a pris le télanos. — M. A. Poncet si:nale de nouveaux cas de goitre exophtalmi- “que traités par la section ou la résection du sympa- “ihique cervical; il y a eu de véritables guérisons là où la “ihyroïdectomie où l'exothyropexie n'avaientrien dnné. EE M. le D' Delagenière lit un mémoire sur un cas de “sastroplastie sans ouverture de l'estomac. ; Séance du 3 Août 1897. - M.le Président annonce le décès de M. Gros, cor- respondant national. — M. Péan pense que l’exothyro- pexie, ainsi que la section du sympathique cervical, n'ont pas encore donné un assez grand nombre de gué- -risons dans le traitement du goitre exophtalmique, pour qu'elles puissent êlre opposées avantazeusement à la thyroïdectomie. — M. Le Roy de Méricourt fait un rapport sur un mémoire du D' F. Burot, relalif aux navires-hôpitaux dans les expéditions coloniales. L'au- teur s'est surtout étendu sur les services rendus par le Shamrok pendant l'expédition de Madagascar. — M. J. -Lucas-Championnière indique les conditions de soli- dilé des résultats de l'opération de la cure radicale de la hernie ; 11 donne la technique du procédé qu'il a em- ployé depuis vingt ans sur 655 malades et qui lui a pro- curé les meilleurs résultats. Il pense que la méthode de M. Lanuelongue est sans valeur parce qu'elle n’in- téresse que les parties superficielles et qu'en outre elle n'est pas exempte de dangers. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 10 Juillet 1897. MM. Charrin et Desgrez ont constaté que les ani- maux vaccinés contre le bacille pyocyanique éliminent moins d’urée que des animaux témoins. L'immuni- sation produit donc un ralentissement des oxydations de l'organisme. — MM. de Nittis et Charrin ont rendu expérimentalement pathogène, par passage à travers différents organismes animaux, le Bacillus subtilis; ils sont même parvenus à vacciner contre ce microbe. — MM. E. Rabaud et J. de Nittis ont constaté la dégéné- rescence vitreuse du cœur chez deux lapins ayant recu iles injections de Proteus vulyaris. — MM. Jean Roux el Balthazard ont rendu l'estomac d’un chien opaque aux rayons X par l'addition d’un sel de bismuth aux aliments. Ils ont constaté que l'estomac se divise en deux poches, l'une où s'accumulent les aliments, l'autre où les contractions péristalliques sont très intenses. — M. Dejerine signale un cas de syringomyélie dans la- quelle toute la substance grise, sauf une petite portion, était détruite; le malade cependant ne présentait aucun trouble dla sensibilité. — M. Roger à injecté de l’eau à 0° dans les veines et le péritoine du lapin; il se produit simplement une hypothermie passagère. L'in- Jection dans les artères, au contraire, amène la mort par hémorragie cérébrale. — MM. Gilbert el Fournier ont observé une cirrhose biliaire hypertrophique sur- venue à la suite d'une angiocholite due au colibacille. La maladie de Hanot doit avoir une même origine, — M. Féré sisnale un cas curieux d'infanticide chez une poule. — M. Blaise (d'Alger) montre que les rayons X n'ont pas d'action sur la bactéridie charbonneuse. M. G. Marinesco présente plusieurs malades atteints de main succulente syringomyélique et différencie ce type des élats plus ou moins analogues décrits par plusieurs auteurs et avec lesquels on à voulu le confon- dre. — MM. Roger et Josué ont constaté que la maladie charbonneuse provoque, comme les infections sta- phylococcique etdiphtérique, une abondante proliféra- tion des cellules de la moelle des os; mais, en outre, on remarque une dégénérescence rapide d’un grand nombre d'éléments et des modifications des cellules graisseuses. — M. Chantemesse à pu reproduire expé- rimentalementles formes de la fièvre typhoïde humaine chez le singe et le lapin par ingestion de cultures de bacille d’'Eberth; on favorise l'infection par l'injection, sous la peau du lapin, de sérum humain où d’uriné humaine. — M. Balthazard à éludié l’érythème radio- graphique, et pense que les accidents attribués aux rayons X sont dus en réalité aux eftluves électriques ; on les évitera en plaçant lampoule assez loin du sujet ou en interposaut une mince feuille d'aluminium, —- MM. J. Mollard et C1. Regaud étudient l'histogenèse des seléroses du myocarde produites par lintoxication pyocyanique ou diphtérique expérimentale. Ils admet- tent que cette sclérose est de nature cicatricielle. — MM. J. Mollard et C1. Regaud ont trouvé un athérome de l'aorte chez un lapin et un cobaye soumis à l'intoxi- cation diphtérique. — M. C. Phisalix a observé l’action du venin de la grande salamandre du Japoa;il s'atténue par la chaleur et acquiert des propriélés vaccinantes énergiques. — M. Laveran à trouvé une myxosporidie nouvelle dans le rein de la tortue. —— M. Dejerine à observé une pneumonie à très haute température avec lésions manifestes des réseaux chromatiques des cellu- les nerveuses. — MM. Gley et Camus ont constaté que le ferment lab, préalablement desséché, peut être porté à d'assez hautes températures sans être altéré. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance du 11 Juin 1897. MM. A. Gautier et H. Hélier ont étudié la combi- naison du chlore et de l'hydrogène sous l'influence de la chaleur et de la lumière. — M. Villiers donne un pro- cédé d'oxydation pour les composés minéraux etles com- posés organiques gras fondé sur la propriété des sels de manganèse, de développer celte réaction lorsqu'ils sont introduits dans un milieu oxydant. Dans la série aro- matique, surtout en présence de dérivés halogénés, on obtient des réactions de substitution très remarquables. Les réactions d'oxydation observées dans certains cas ont même lieu par absorption de Poxygène de Pair. On peut rapprocher ces faits de ceux qu'a signalés M. G. Bertrand pour la laccase. — M. Hanriot el M. Rey- naud, en traitant la bromométhylisoxazolone par les alcalins, ont remplacé le brome par un oxhydrile. On obtient ainsi un sel très stable de formule : CON JE CH®— CBr 0 | CHE — C—— Az L'acide libre se dédouble immédiatement avec déga- gement d'acide carbonique en donnant loxime du méthyléthylcétol. Les acides concentrés dédoublent ce corps en hydroxylamine etméthyléthylcétol, ce dernier s'oxyde immédiatement en donnant la méthyléthyldi- cétone. — M. H. Le Chatelier à trouvé, parmi les rési- dus de l'atlaque du carbure de calcium par l’eau, des siliciures de fer et de calcium et du carbure de sili- cium. — M. Béhal communique, au nom de M. Prud’- homme, l'étude de l'action d'un mélange de soude et d'alcool étendus sur le paranitrodiamidotriphénylhné- thane. Un des oxygènes du groupe nitro vient se fixer | sur le carbone méthauique; il se forme une fonction 686 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES carbinol el le composé formé ne renferme plus qu'un groupe hilroso en para dans le noyau non aminé. Avec le paranitrodiämidotétraméthyltriphénylméthane, l'au- teur a préparé deux isomères, un rouge el un Jaune. Ces deux corps réduits soit en solution acide, soit en solution alcaline, donnent la même fuchsine. Séance du 25 Juin 1897. M. A. Ponsot croit qu'il n’est pas prouvé que les dé- terminations cryoscopiques suflisent pour déterminer le mouillage du lait. Tout en reconnaissant un grand intérêt au point de vue physiologique aux expériences de M. Winter, il critique ses conclusions. — M. Bé- champ fait remarquer que les liquides organiques ne sont jamais de mème composition et homogènes à la fois, de telle sorte que la cryoscopie ne peut permettre d'affirmer la constance de composition du lait, — M. M. Delépine expose les résultats que lui a fournis l'étude thermochimique de laldéhyde formique. 1] à opéré en faisant agir la potasse sur des solutions con- centrées ou diluées. — M, H. Causse, en chauffant à 1109 un mélange d'aldéhyde salicylique et d'urée, à obtenu élimination d'eau la salicyltriurée : /MAz — CO — AZI? Core © NITAz — GO — Az° NCIHOI — Az — CO — AzI2 CI A 120-1250 ce corps donne de l'ammoniaque, de l'a- cide cyahurique el probablement l'imine de l'aldéhyde B B Fig. 1. Fig. 2. Fig. 3. Fig. 4. Fig. 1, 2,3, 4 — Variabiliié de la tache lumineuse avec le degré de vide. — C, cathode: B, anode en coupe et en plan. — Dans la figure 1,où le vide est ordinaire, le cône divergent de rayons cathodiques produit un grand an- neau lumineux. Dans la figure 4, où le vide est poussé à l'extrème, le cône de rayons est réduit à un filet et la tache à un point. salicylique. — M. Rabaut a constaté que les nitriles | par la base du cône devient uniformément lumineuse : se combinent facile- mais si l'on prend ment avec le chlo- == une plaque de char- Iure cuiyreux. Une B C bon, il se forme seu- molécule de chlorure lement un anneau lu- se combine à 1, 2 ou mineux avec un inté- 4 molécules de nitrile rieur sombre et pres- d'après les composés Ta : j que froid (fig. 1). Si étudiés. Cette réac- Fig. 5. — Tube spécial pour l'examen du cône convergent des rayons Yon augmente pro- tion marche bienavec cathodiques. l'acélonitrile, le ben- zonilrile, le cyanure de benzyle, les nitriles des ortho et paratoluidines, de la xylidine, des naphlylamines. Les corps obtenus sont cristallisés, insolubles dans l'alcool et dans l'eau. A l'ébullition, cette dernière régénère les nitriles primi- üfs. celte réaction conduira peut-être à un procédé de purification de ces corps. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES A.-A.-C. Swinton : Expériences sur les rayons cathodiques. — L'auteur produit les rayons catho- diques au moyen d'un tube focus de Crookes et se sert, pour les étudier, de la propriété qu'ils ont de rendre incandescents certains corps sur lesquels on les fait tomber. 1. — Si un faisceau de rayons cathodiques puissants est envoyé sur une surface de carbone (charbon de cornue), une tache très brillante et très définie appa- rait au point de rencontre des rayons, tandis que le reste de la surface reste noir. Si le faisceau cathodique est dévié par un aimant, la tache lumineuse se déplace avec le faisceau sans retard perceptible. Le carbone, comme le verre, se fatigue au bout d'un certain temps, et la fluorescence diminue; mais, après un repos, il recouvre presque entièrement ses propriétés pre- mières. 2. — Dans un tube ordinaire, les rayons partant de la cathode concave convergent en forme de cône vers un foyer, d'où ils divergent ensuite en un autre cône. Mais plus on augmente le vide, plus le cône divergent devient aigu, il finit même par se réduire à un simple filet. Le foyer est toujours plus loin de la eathode que le centre de courbure de cette dernière, mais cette distance diminue quand le vide augmente, 3. — Lorsqu'on fait {tomber le cône de rayons diver- C, cathode: D. anode;: B, anticathode, portée sur une triugle et mobile à l'intérieur du tube. gressivement le vide el qu'on diminue ain- si le cône de rayons divergents, l'anneau lumineux diminue (fig. 2); puis (e) +=] | el ta CM B' P’ Fig. 6. Fig. 7. Fig. 8. Fig. 6, T et 8. — Aspect des taches lumineuses oblenues lorsque l'anticathode se h'ouve dans le cône convergent de rayons cathodiques. — Dans la figure 6, l'anticathode est placée loin de la cathode; dans la figure 8, elle en est très rapprochée. Les aspects B ont été obtenus avec un vide plus élevé que les aspects B'. apparait un point lumineux central (fig. 3), qui finit par rester seul (fig. 4) lorsque le faisceau cathodique est devenu linéaire. On peut obtenir les mèmes effets, ————" "—— ——— Ce B de la tache lu- 4 | Fig. 9. — Aspect | mineuse qui se forme quand on ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 687 sans faire varier le vide, en approchant plus où moins l'anticathode B de la cathode C sans dépasser le foyer, Ces expériences nous montrent que le cône divergent des rayons cathodiques est ereux, c'est-à-dire ne renferme pas de rayons à l'intérieur. x — L'examen du cône convergent de rayons catho- diques à été fait au moyen d'un tube spécial (fig. 5) dans lequel l'anticathode B peut être facilement rappro- chée de Ja cathode C. Les figures 6,7 et 8 montrent les taches lumineuses que lon obtient lorsque lanticathode est placée dans le cône con- vergent, plus ou moins près de la cathode C. Les figures B ont été observées avec un vide plus élevé que les figu- res B'. On voitque, dans un cas, le cône convergent agit comme s'il était com- plètement creux; dans les autres cas, malgré une faible luminéscence in- terne et une tache centrale, le cône montre une grande tendance à ne former qu'un anneau circulaire. Ces coupe une por- | * lion de la ca- thode C. — La … partie de l'an- _ neau quise for- me corresponil justement au effets s'observent facilement lors- seeleur enlevé. qu'on a soin de ne pas fatiguer le B a élé observé avec le vide le plus grand. disque de charbon et de prendre des cathodes dont le diamètre soit plus grand que le rayon de cour- bure. 5, — Y à-lil croisement ou simplement divergence Fis, 11 B Fig. 12. B Fig. 13. B Fig. 41, 12 et 13. — Taches oblenues lorsqu'on inlerceple une parlie du faisceau divergent. — C, cathode; B, antica- thode: A, pièce mobile placée, dans la figure 11, à l'ori- gine du faisceau divergent, dans la figure 13, très près de l’anticathode, des rayons cathodiques au foyer? Pour élucider cette question, l'auteur prend une cathode ordinaire et en coupe un secteur, dont la surface est égale au huitième de l'aire totale (fig. 9). Si l'on se place dans les condi- lions indiquées précédemment pour obtenir un anneau lumineux bien défini, on observe les aspecls représen- tés sur la figure 9 (B étant obtenu avec le plus grand degré de vide, B" avec le vide le plus faible). On voit que la portion de l'anneau lumineux qui se forme ne correspond pas du tout à la partie de la cathode qui reste, mais exactement à la partie enlevée. On doit en conclure que les rayons cathodiques se croisent au foyer et qu'il existe une action inexpliquée (sorte de tension superficielle circulaire) quiforce la partie restante de l'anneau à se contracter. — Prenons un tube (fig. 10) renfermant une pièce A, mobile entre B et C el inter- ceplant à peu près le quart de la section transversale du tube. Si la pièce À est placée au foyer, l'anneau Tumi- neux se forme normalement (fig. 11); si elle est placée à un endroit quelconque dans le cône divergent (ig, 42 Fig. 10. — Tube pour l'élude des rayons calhodiques. — C, cathode: B, anticathode: A, pièce mobile iuterceptant une partie du fais- ceau cathodique. el 43), l'anneau lumineux est incomplet; mais Ja partie manquante correspond exactement à la pièce A. In y a donc pas de rotation des rayons dans le cône diver- \ \ ï Lu ë B = A $ | .—_!" ; B br f - A Fig. 14, 15 et 16. — Taches lumineuses observées loïsqu'on untrree, te une partie du faisceau convergent. — Dans la figure 14, la pièce A est placée près du foyer des rayons; dans la figure 16, prés de la cathode. gent, Au contraire si la pièce À est placée à différents endroits dans le cône convergent, l'anneau lumineux B Fig. 17. B” Fig. 18. Kig. 17 et 18. — Influence du degré de vide sur la forme des Laches lumineuses lorsqu'on interceple une partie du faisceau divergent ou convergent. — B indique le vide le plus élevé, B' le plus faible. est plus ou moins incomplet, mais c’est la partie res- tante qui correspond à la pièce A (fig. 14, 15 et 16). Les figures 17 et 18 montrent l'influence des divers degrés 685 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES de vide sur ces mêmes phénomènes, B étant le vide le plus fort et B' lé plus faible. 6. — Les mêmes expé- G riences ont élé répétées avec un tube à cathode plane, dans lequel on faisait conver- ser, puis diverger les rayons cathodiques au moyen dun fort électro-aimant. On à ob- servé, en outre, les faits sui- vants : Lorsqu'on fait subi- tement tourner l’aimant, on voit apparaître deux anneaux concentriques; ils sont pro- bablement surcessifs, et non simultanés, mais lœæilne peul s'en rendre compte. Dautre part, lorsque lanti-ca- thode se trouve au foyer des rayons, la tache lu- mineuse peut devenir creuse si lPon fait va- rier le vide. 7. — On sait qu'à un degré de vide très élevé, le cône divergent disparait et le cône convergent devient lui-mème peu visible; Pauteur à eu lidée de l’étudier en se servant de cathode concave de charbon (fig. 19). Dans ce cas, le cône convergent se contracte à la base, et, pour le vide extrême (fig. 20), le flux cathodique semble partir entiè- rement dune tache centrale bril- lante, le reste de la surface étant inactif; on observe, en outre, des élincelles très brillantes jaillissant par instants de la cathode. Pour mieux étudier ce phénomène, on se sert d'un tube à deux cathodes opposées CC (fig. 21); le vide étant très élevé, on remarque, lorsqu'on fait passer le courant, un faisceau É | de particules incandescentes allant d’une cathode à l'autre (fig. — serre) ]— C C 22 Fig. 20. Fig. 19 et 20. — Aspect du cône convergent et de la calhode pour un vide as- sez élevé (fig. 19) et pour un vide lrès élevé (fig. 20). Fig. 22); puis, le vi- de diminuant, l'aspect chan- ge et devient eclui de la fi- Fje. 22. à Fi gure 23. Si lon refait le vide, les mé- mes phéno- — = + mènes se re- G = produisent, C is mais le tube Fig. 23. de verre noir- Fig. 22 et 23. — Aspect de la décharge qui Cil- à passe entre les deux cathodes de La S.— Un tube fiqure 21. — Dans la figure 22, le vide semblable à est très élevé; dans la figure 23, il a un SRB celui de la fi- peu diminué. gure 21, mais avec des élec- trodes en aluminium, fut construit pour voir si des rayons X se produisent au point de rencontre des deux faisceaux cathodiques; mais tel n'a pas été le cas. Il faut que les rayons tombent sur une substance solide pour produire des rayons X. ACADÉMIE DES SCIENCES DE NIENNE Séance du 8 Juillet 1897. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. L. Pfaundler : Sur un appareil enregistreur des tremblements de terre avec Indication électrophotographique du moment de la secousse. — M. Th. Scheimpflug communique un travail sur la reconstruction photogrammétrique des cartes et plans au moyen d’un procédé optique. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — MM. Gust. Jager et St. 21. — Tube à deux cathodes oppo- sées CC. l Meyer ont déterminé les coefficients de magnétisation de divers liquides et leur relation avec la température. La méthode consistait à mesurer l'ascension du liquide dans un tube capillaire placé dans un fort champ ma- gnélique- — M. Th. Wulfa fait l'étude des éléments de Clark fermés. La résistance intérieure des éléments employés variait de 40 à 80 Q suivant la grosseur et l'éloignement des électrodes; elle triplait pour un abais- sement de température de 30 à 5°. Avec des couranis de 0,005 ampère, la polarisation se produit déjà au bout de 0,01 seconde; elle augmente peu pendant les dix premières minutes, puis plus rapidement après. — M. E. von Schwindler étudie la rotation d’une sphère mauvaise conductrice placée dans un champ électrique homogène. — M. J. Tuma donne le principe d’un indi- cateur de phases pour courants alterualils. — M. H. Mache a déterminé la chaleur spécilique de quelques mélaux peu fusibles, qu'il à pu obtenir fondus au four électrique. Il à trouvé : Pd—0,0549; Cr. — 0,1208 ; V—0,1153; Wo(Tu)—0,0336.— 5 M. E. Haschek communique le spectre d'étin- celles ultra-violet des éléments suivants : K, Na, Ba, Fe. Il arrive à celte conclusion que, si le spectre du Soleil est généralement identifié avec le spectre d'arc, il présente néanmoins, pour certains élé- ments, plus d'analogie avec le spectre d’élincelles. — M. E. Haschek a constaté que, comme les solu- tions aqueuses, les solutions alcooliques de cer- lains sels présentent la polarisation galvanique. Celle-ci diminue quand la concentration augmente, el aussi avec l’élévalion de tempé- rature . MM. R Pribram et C. Glucksman ont étudié le rap- port qui existe entre le changement de volume et le pouvoir rotatoire spécifique des solutions actives: ils ont opéré sur des solutions de tar- trate de rubidium.— M. L. Haber : Contribution à l'étude de quelques terres rares. —M.R. Wegscheider confirme la loi d'après laquelle l’action des anhydrides- acides sur les alcools donne lieu à la formation d'acides- élhers &; si on ajoute à l'alcool un aicoolate, on obtient. alors une certaine proportion d'acide-éther 8. — M. S. Frankel : Sur les produits de décomposition de lalbu- mine dans la digestion; nouvelle méthode de prépara- tion de la deutéroalbumose. — M. Z.-H. Skraup étudie la transformation de la cinchonine et montre que, dans les conditions où elle se (transforme, la cinchotine reste inaltérée. — MM. G. Goldschmiedt et G. Knopfer élu- dient les produits de condensation de la phénylacétone avec la benzalléhyde sous l'influence des alealis ou des acides. — M. K. Brunner montre que le procédé qui lui a servi à préparer l'indolinone peut servir aussi à la préparation de l'oxindol (pr 2-indolinone), de laltro- x'ndol (pr-3-méthyl-2-indolinone), de la pr-3-éthyl-2- indolinone et de la pr-3-phényl-2-indolinone. —M. Moriz Freund à condensé l'anhydride de l'acide cinchoméro- nique avec le benzol et, par distillation de l'acide célonique formé avec de la chaux, il a obtenu la B-phé- nyl-pyridylcétone. — M. A. Just à obtenu, par con- densation de lanhydride chinolique avec le toluol, l'acide $-p-toluylpicolique, lequel, après séparation de CO? par la chaux, donne la fp-tolylpyridyleétone. — M. Alf. Kirpal a mesuré la conductibilité de l'acide hémipique et de l'acide métahémipique et celle des éthers isomères de l'acide papavérique. — M. C. Pome- ranz : Etude de la pinacoline. — M. R. Burian à extrait des matières grasses contenues dans les germes des graines de froment et de seigle un cotps, analogue à la cholestérine, et qu'il nomme sitostérine. Il possède la formule C7H#0Æ H£0, fond à 1375, el a un pouvoir rota- loire de — 26°,71. On à préparé les dérivés principaux. Le Directeur-Gérant : Louis Orivier. Paris, — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. PORT F 8° ANNÉE Noa > SEPTEMBRE 1897 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS" OLIVIER CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. James Joseph Sylvester. — L'Angleterre à perdu, le 16 mars dernier, un des mathématiciens qui l'ont le plus honorée dans ce siècle. James- -Joseph Sylvester était né à Londres en 1814. Sa carrière a été assez mouvementée; il fut d’abord professeur à l'Uni- versity College de Londres, puis aux Etats-Unis, à l'Un versité de Vi irginie. Revenu en Europe en 1849, il devint actuaire dans une Compagnie d'assurances jus- qu'en 1855, où il obtint une chaire à l'Académie royale militaire de Woolwich, position qu’il garde jusqu'en 1870. Puis, après être resté cinq ans sans position ofli- cielle, il part en 1875 pour Baltimore, pour occuper une chaire à l'Université de John Hopkin. Il rentre enfin dans son pays en 1883, ayant été nommé profes- seur savilien à l'Université d'Oxford. Au milieu de ces pérégrinations, on ne peut s'empêcher d'évoquer en mème temps le souvenir de la carrière singulière de Cayley, le grand contemporain anglais de Sylvester, qui entra tardivement dans l'enseignement, après avoir eu de grands succès comme avocat “consultant. Nous ne trouvons pas là l'uniformité presque monotone de nos carrières françaises, où tout est si bien réglé. Sans demander que les mathématiciens francais com- mencent par le barreau, ou peut souhaiter que quelques- uus des plus distingués d’entre eux ne craignent pas, au début de leur carrière, de s’en aller à l'Etranger, imilant en cela l'exemple si fréquemment donné par les géomètres allemands. Le nom de Sylvester restera particulièrement célèbre pour ses travaux relalils aux invariants. On sait que cetle Lhéorie à trouvé son origine dans un mémoire de Boole, sur quelques cas particuliers d’invariance. Cayley commenca ensuite des recherches générales sur ce sujet, où il fut bientôt suivi par SE ret par M.Her- mite. Ce fut la période héroïque de la théorie des inva- riants que celle de la première église invariantive, comme disait Sylvester, période où Cayley, Sylvester et Hermite enrichissaient chaque jour de leurs décou- vertes cette nouvelle province de l'algèbre. La nomen- clature de la théorie est à peu près “due entièrement à Sylvester, qui avait beaucoup de goût pour la forma- 1897. — Nécrologie REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, tion de mots nouveaux; c’est à lui qu'on doit les mots d'invariant, de covariant, de discriminant, et de bien d'autres encore, qui ont été adoptés par tous les algé- bristes. Avant de s'occuper de la théorie des invariants, Syl- vester avait écrit de remarquables mémoires sur diffé- rents sujets d'IAgèbre, particulièrement sur les fonc- tions de Sturm et sur l'élimination. On sait combien le célèbre théorème de Sturm est devenu rapidement classique. Il n'avait été, depuis sa découverte, l’objet d'aucun travail et rien n'y avait été ajouté, quand Sylvester fit connaître sans démonstra- tion l'énoncé d'un résultat bien digne d'appeler l’atten- tion. L'éminent géomètre donnait une expression enliè- rement explicite des polynomes, qu'on désigne sous le nom de fonctions de Sturm, au moyen des racines de l'équation proposée. Sturm exprima tous ses regrets d'avoir laissé échapper cette découverte et s'en consola un peu en donnant dans le Journal de Liouville une démonstration de la proposition du mathématicien anglais. L'activité de Sylvester se porta à diverses reprises sur la Théorie des nombres. La résolution de certaines équations cubiques en nombres entiers à été un des premiers problèmes qui l'ont occupé. Il est revenu s uvent aussi sur la recherche du nombre des nombres premiers compris entre deux limites données, et il fut assez heureux pour resserrer les limites trouvées à ce sujet par Tchebicheff dans un mémoire célèbre. De tous ses travaux, celui auquel Sylvester attachait peut être le plus d'importance est la démonstration d'une règle énoncée sans autre indicalion par Newton sur uue limite inférieure du nombre des racines imagi- naires d’une équation algébrique. Les plus illustres géomètres avaient essayé saus succès d'établir ce thévreme; Sylvester y parvint en 1865, après des efforts consilérables, et ce fut là, comme il le dit lui- même, une des plus grandes joies de sa vie. Sans vouloir être complet, cilons encore un travail sur la résiduation dans les cubiques, qui a élé l'origine de recherches impor- lantes, et un beau théorème sur le mouvement d'un corps solide ayant un point fixe. Pendant son séjour à Baltimore, Sylvester rendit un 17 690 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE ———— — — — — —"—]—]—]—""—]—]—]—]—]—]—"— —]——"——"—"— — ——— "—— ————— grand service aux Sciences mathématiques, en fondant l'American Journal of Mathematics, qui est devenu, entre les mains des géomètres américains, un des plus im- portants organes mathématiques de notre temps. À cette époque de sa vie, Sylvester revint sur la théorie des matrices, dont il s'était jadis occupé après Cayley. Dans cet Algèbre universel, les opérations sur les quan- tités symboliques peuvent être regardées comme des opérations sur les substitutions linéaires et les vues émises à ce sujet par Sylvester ont été beaucoup éten- dues depuis; c'est ainsi que tous les calculs symbo- liques, les quaternions par exemple, se ramènent à des questions très simples sur la théorie des groupes continus de substitutions linéaires, et tout mystère dis- paraît. Les travaux de Sylvester témoignent au plus haut degré d’un esprit original et inventif; ils ont parti- culièrement porté, comme on vient de le voir, sur l’AI- gèbre et la Théorie des nombres. L'illustre mathéma- ficien était peu au courant des travaux modernes sur l'Analyse et la Théorie des fonctions, et il n'eut jamais de goût pour l’érudition. Son imagination, extraordinai- rement puissante, était toujours en travail, et il lui était bien difficile de lire un ouvrage de mathématiques dans le seul but de savoir ce qu'il contenait. La bonne volonté ne lui manquait pas, cependant; je me rappelle que, dans un de ses voyages à Paris, il y a environ dix ans, il vint me demander si, en six semaines, il pourrait apprendre la Théorie des fonctions elliptiques. Sur ma réponse affirmative, il me pria de lui désigner un jeune céomètre qui voulût bien, plusieurs fois par semaine, lui donner des lecons. Celles-ci commencèrent, mais, dès la seconde, Îles réciproquants et les matrices vinrent faire concurrence aux fonclions elliptiques; quelques lecons continuèrent, où le jeune professeur fut initié aux dernières recherches de Sylvester, et on en resta là. Sylvester était un artiste et un enthousiaste. Quand il avait été frappé par la beauté d’une question, il en poursuivait sans relâche la solution, risquant quelque- fois de perdre ainsi beaucoup de temps. Îl manquait de cette sérénité dans le choix des sujets, qui em- pêche souvent les efforts prématurés et stériles. Quel contraste entre le génie si pondéré et si sage de Cayley et l'imagination créatrice toujours inquiète de Sylvester ! Sylvester ne fut pas seulement un poète en mathé- matiques. Il tournait fort agréablement le vers en anglais comme en latin; il fit d'excellentes traductions d'Horace et de quelques poètes allemands, et on lui doit un petit livre sur les lois de la versification. C'est dans le sonnet qu'il aimait surtout à déployer son talent poétique. Dans son dernier voyage à Paris, à l'automne de 1895, il était particulièrement préoccupé de ses ré- centes poésies. Je me souviens d’un déjeuner chez un de nos confrères, où il récita une élégie en vers latins, qu'il venait de composer. Un d’entre nous ayant fait remarquer qu'on croyait entendre du Tibulle, Sylvester en fut ému jusqu'aux larmes. Les dernières années de Sylvester furent attristées par la maladie, et, en 1896, son état inspira de sé- rieuses inquiétudes à ses amis. Vers le mois d'août cependant, il retrouva loute son activité, et reprit quelques recherches arithmétiques. Nous savons par M. Mac-Mahon qu'il se préoccupait de nouveau de la distribution des nombres premiers, et espérait pouvoir démontrer le théorème énoncé problématiquement par Euler, d'après lequel tout nombre pair est la somme de deux nombres premiers. Le 26 février der- nier, comme il était au travail, il fut subitement frappé de paralysie, et mourut quelques jours après, sans avoir retrouvé la parole. Le souvenir du géomètre illustre, de l’homme aimable et bon, au cœur chaud et enthousiaste, restera toujours cher à ceux qui ont eu l'honneur de l'approcher. Emile Picard, de l'Académ'e des Sciences. $ 2. — Électricité 7 Les fiacres électriques à Londres. — Il y à quelques semaines, la London Electrical Cab Company à mis en circulation, à Londres, un certain nombre de fiacres électriques, qui fonctionnent depuis lors à l’en= tière salisfaction du public. Voici quelques renseigne ments sur cette intéressante innovation. Les fiacres ont la forme extérieure des voitures ordis paires. Ils sont mus au moyen d'accumulateurs. Il peut. sembler au premier abord que l'emploi des accumula= teurs, qui n'ont pas eu beaucoup de succès dans la propulsion des tramways, était peu justifié pour les voitures. Il n'en est rien. Dans les tramways à aceu= mulateurs, ces derniers occupent un espace relative= ment petit; le travail de traction étant considérable, ils se déchargent très rapidement et doivent donc être rechargés souvent; par ce fait ils se détériorent vite: Dans les voitures, au contraire, les accumulateurs occupent un espace proportionnellement plus grand; ils se déchargent normalement, l'effort de traction n'étant pas considérable; le véhicule peut done circuler assez longtemps sans revenir à la station de dépôt. Les batteries employées consistent en une série de 0 éléments, ayant une capacité de 170 ampères= heures lorsqu'ils se déchargent à 30 ampères. Ces éléments sont montés sur un plateau qui est suspendu sous le fond de la voiture au moyen de quatre chaines supportées par des ressorts qui amortissent les secousses | transmises par le véhicule. Les accumulateurs vides sont retirés, et les accumulateurs chargés sont placés dans les voitures par un système très ingénieux et Irès rapide. Cinq minutes suffisent pour l'enlèvement et la remise des batteries dans les coffres des voitures. Le courant des accumulateurs arrive dans un moteur M Johnson-Lumdel de trois chevaux, placé à l'arrière du coffre. L'arbre de ce dernier engrène avec un arbre qui fait mouvoir les deux roues postérieures de la voi= ture, garnies d’un bandage en caoutchouc. La partie la plus importante du mécanisme est le commutateur de marche. Placé sur le premier cran, il sert à mettre le moteur en mouvement. Au second cran, la vitesse s'accroît et le véhicule marche à la vitesse de 3 milles à l'heure. Au troisième cran, la vitesse est de 7 milles, au quatrième de 9 milles (à peu près 15 kilomètres). A ces trois vitesses différents, toute l'énergie du courant est utilisée; il n'y a aucune absorption par des résistances, ce qui constitue un grand avantage pour le moteur. Le commutateur, mû dans le sens inverse, produit l'arrêt ou la marche en arrière. La voiture est munie d’un frein ordinaire et d'un frein électrique; en fonctionnant, ils empêchent le courant de continuer à passer dans le moteur. Une batterie d'accumulaleurs peut faire marcher la voiture pendant 50 milles; il suffit donc de la recharger une seule fois par jour. La station de charge recoit un courant à 2.400 volts avec une période de 86 par se- conde, qu'elle transforme en courant continu à basse tension propre à la charge des accumulateurs. Le prix de revient est de 15 centimes par unité de courant. La ville de New-York voit aussi circuler depuis long- temps des voitures marchant par l'électricité. Espérons que Paris sera bientôt doté de véhicules analogues, qui présentent à plusieurs points de vue de grands avantages sur les autres modes de locomotion. ré attoniie $ 3. — Chimie Une nouvelle elasse de substances OxY- dantes : les perearbonates. — Dans un des derniers numéros de la Zeitschrift für Electrochimie, MM. E.-J. Constam et A. von Haussen ont fait connaitre une nouvelle série de composés, qui présentent un grand intérêt. On sait que, lorsqu'on électrolyse des carbonates alca- lins M?CO*, on obtient à la cathode de l'hydrogène et lhydrate de la base constituante et à l’anode de l’oxy- gène et de l'acide carbonique, qui se recombine avec une partie de la base à l'état de bicarbonate. Les auteurs ont observé que si l'on électrolyse une solution saturée de carbonate de potasse et qu'on abaisse progressive- ment la température, le dégagement d'oxygène diminue à l’anode, et finit même par cesser complètement vers — 10, En outre, au lieu de bicarbonate cristallin, il s'est formé une poudre amorphe bleuâtre, à laquelle l'analyse assigne la formule K?G?0°; c'est du percarbo- nate de potasse. On peut en expliquer ainsi la forma- tion : le carbonate de notasse en solution saturée se dissocie d'abord en ions K et KCO*; si l'électrolyse in- tervient, deux ions KCO* s'unissent, pour former le corps K°C°0°, En solution étendue, le phénomène ne se produit pas, car le carbonate de potasse se dissocie en ions K° et CO*. Le percarbonate obtenu doit être rapidement jeté sur un filtre, at desséché sur l'acide phosphorique anhydre. Il est très hygrométrique, et décompose l’eau à la tem- pérature ordinaire : K°C?205 H°0 = 2KHCO* + O0. Chauffé légèrement, il se décompose suivant l’équa- tion : K?C?05 — K?CO* + CO? + 0. En présence de matières oxydables, il agit comme oxydant. Mais il peut aussi agir comme réducteur : Mn0O* + K*C*05 — MnCO* + K*°CO$ + O®, De ces réactions, les auteurs déduisent que le nou- veau corps est en réalité le carbonate neutre d’un oxyde supérieur, le peroxyde de potassium. Il produit, d'ailleurs, comme les oxydes supérieurs alcalins et alcalino-terreux, de l’eau oxygénée en présence des acides. $S 4. — Géographie et Colonisation Expéditions au Pôle Sud. — Les régions antarctiques, depuis longlemps délaissées par les explorateurs, viennent de nouveau d'attirer leur atten- tion. Le 16 août dernier, une expédition belge, dirigée par M. de Gerlache, est partie d'Anvers sur le steamer Belgica, se dirigeant vers le Pôle Sud. Le navire à élé aménagé, d'après les conseils de Nansen, sur le modèle du Fram. L'équipage se compose de vingt-deux hommes commandés par deux lieute- nants. Un géologue el un naturaliste accompagnent en outre l'expédition. | Le navire se dirige vers le Brésil, puis sur les iles Falkland ou le détroit de Magellan où il renouvellera sa provision de combustible. Il fera route ensuite vers les terres découvertes par le Jason, à l’est de la Terre de Graham, et pénétrera dans la Mer de Georges IV, le plus loin possible vers le Sud. Vers la fin de l'été austral (mai 1898), le navire remontera vers le Nord et ira relàcher à Melbourne: il consacrera l'hiver à une croisière dans le Pacifique, puis, après une nouvelle relâche à Melbourne, il se dirigera vers la terre de Victoria et s'efforcera d'atteindre le pôle magnétique austral, que l'on déter- minera à nouveau. L'expédition pense être de retour en Europe en avril ou mai 1899. On annonce, d'autre part, qu'une expédition alle- mande s'organise dans le même bat, sous la direction du Professeur Neumayer. Elle se composera de deux navires qui exploreront l'Océan Antarctique au sud de l'ile Kerguélen. Dès qu'on aura rencontré la terre, on élablira une station où des savants séjourneront pen- dant deux hivers. Un des navires servira à maintenir les communications avec le monde extérieur; l'autre fera des explorations géographiques. Enfin, l'Angleterre songe aussi à envoyer une expé- CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE dition vers les terres australes qui, suivant l'expression de lord Lothian, seraient l’hinterland de ses possessions de l’Afrique méridionale et de l'Australie, Une grande conférence a eu lieu à ce sujet à Londres dans les salles de la Royal Geographical Society. Les premiers ministres de l’Australasie, venus en Angleterre pour les fêtes du Jubilé, y assistaient et ont assuré les organi- sateurs de l'intérêt et de l'appui des colonies austra- liennes. La Société Royale de Géographie est prête à voter un fonds de 125.000 francs pour l'expédition. S 5. — Congrès Le récent Congrès de l'Association fran- çaise pour lAvancement des Sciences. — L'Associalion francaise pour l'Avancement des Sciences tenait, cette année, à Saint-Etienne, sa 26° session. Le choix de cette ville avait été déterminé tant par l'impor- tance numérique de sa population, — Saint-Etieune est à ce point de vue la septième ville de France, —que par l'intérêt qui s’atlache aux industries diverses et nom- breuses dont elle est le siège. Disons tout de suite que le Congrès a brillamment réussi à tous égards. On pouvait craindre quelque peu cependant qu'il n’en fût pas ainsi, étant donnés les Congrès variés qui avaient lieu à la même époque c'est ainsi que les médecins se réunissaient à Moscou que les médecins aliénistes el neurologistes tenaient une session à Toulouse, que les Sociétés de Géographie avaient leur Congrès à Saint-Nazaire, que le premier Congrès international des Mathématiciens avait lieu à Zurich, que la Ligue de l'Enseignement tenait à Reims ses assises annuelles, sans parler des Congrès divers groupés à Bruxellesautour del’Exposition internationale. On peut se demander si cette multiplicité des Congrès est avantageuse; pour nous, nous n'en sommes pas persuadé, surtout lorsqu'il s’agit de Congrès se rap- portant à une partie trop limitée de la science, et sur- tout alors si les sessions sont annuelles : il est inutile de développer cette manière de voir, qui s'explique aisément. Nous croyons que, à l’occasion d’une Expo- sition universelle et internationale, il peut être avanta- geux de tenir des Congrès spéciaux; mais, en dehors de cette circonstance, 1l nous semble qu'il serait pré- férable qu'il n’y eût annuellement qu'un nombre très limité de Congrès, se rapportant à des parties assez étendues de la science. Sans vouloir dire que les com- munications faites dans les Congrès soient sans impor- tance, nous croyons que le plus grand intérêt de ces réunions consiste dans le rapprochement d'hommes qui se connaissaient peu ou point, et entre lesquels s'éla- blissent des relations prolitables à tous. Nous pensons que l’utilité de ce rapprochement est d'autant plus réelle et plus grande que les congressistes s'occupent ordinai- rement de branches différentes de la Science. A cet égard, par exemple, les Congrès d'Hygiène ont rendu de véritables services, en mettant en contact les médecins avec les architectes et les ingénieurs: c'est pourquoi nous pensons que les sessions de l'Association française sont véritablement utiles, parce qu'elles réu- nissent des hommes s'occupant de toutes les branches de la Science. Quoi qu'il en soit, d’ailleurs, de cette manière de voir nous devons constater, comme nous l'avons déjà ne que le Congrès de Saint-Etienne a réussi. Non seule- ment les membres étrangers à la région y sont venus aussi nombreux que dans les sessions précédentes, mais les habitants de la ville et du département sv sont fait inscrire en grand nombre, ce qui a été un heureux contraste avec telle ville, siège de Facultés, où il y a peu d'années, le Congrès avait passé presque inaperçu des habitants. É Nous ne pouvons avoir la pensée de donner, non pas le résumé, mais même les litres des travaux présentés dans les 18 sections : la place et le temps nous feraient défaut. Nous chercherons plutôt à donner l'impression générale de Ja session. ñ 692 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE Depuis quinze ans environ, les villes qui recoivent l'AFAS (c’est le symbole abrégé par lequel on désigne couramment maintenant l'Association francaise pour l'Avancement des Sciences) ont pris l'habitude d'éditer, à l'occasion du Congrès, pour l’offrir aux Congressistes, un ouvrage plus où moins étendu, dans lequel sont donnés, par les personnes les plus compétentes, des renseignements complets sur la ville et la région : topo- graphie, géologie, flore, faune, — enseignement à tous ses degrés, assistance, hygiène, statistique, — agricul- ture, industrie, commerce, archéologie, etc. La ville de Saint-Elienne a largement suivi l’exemple donné par les villes qui l'avaient précédée, et a remis à chaque congressiste un ouvrage en (rois beaux volumes, artis- tement édité, ouvrage intéressant à lire, — on a pu en juger seulement depuis la clôture de la session, car le temps avait manqué auparavant, — ouvrage qui restera précieux à consulter, toutes les fois qu'il s'agira d'ob- tenir un renseignement concernant cette intéressante région : c'est un magnifique souvenir et un brillant témoignage de l'hospitalité qui a été offerte à l’Associa- lion par la ville de Saint-Etienne. Les séances générales ont été au nombre de deux seulement : à la séance d'inauguration, après des paroles de bienvenue prononcées par M. le Maire et M. le Préfet, M. le professeur Marey, président de l'As- sociation, a traité, avec le charme et la clarté dont il est coutumier, la question de la méthode graphique et de ses applications si variées. La seconde séance générale cousistait en une confé- rence faite par M. le professeur Gariel sur les rayons Rôntgen et leurs applications; quoique la question ne füt pas absolument nouvelle, elle est si intéressante que le conférencier a recu le meilleur accueil de ses auditeurs. Il n'était pas douteux que le plus grand intérêt de la session devait consister dans l'étude des industries de la région. Aussi, les visites scientifiques et industrielles furent-elles très suivies. Nous citerons d'abord la visite de l'Ecole des Mines, dont la réputalion est universelle; puis, celle de l'Ecole professionnelle (plus exactement Ecole pratique d'Art et d'Industrie), qui prépare des élèves recherchés. A l'occasion du Congrès, cette Ecole avait organisé une petite exposition de dessins, de peintures décoratives, de gravure, exécutés par ses élèves, qui a été très srandement appréciée. On y avait joint une collection d'œuvres de graveurs stéphanoiïis qui à vivement attiré l'attention des visiteurs. La visite des mines élail une grande attraction; les congressistes ont pu descendre dans des puits et cir- culer dans des galeries souterraines à Saint-Etienne même, à Montrambert, à Roche-la-Molière : ils ont pu se rendre compte du mode d'extraction de la houille ; ils ont assisté à la fabrication des briquettes. D'autre part, et dans un ordre d'idées tout différent, on à visité des fabriques de velours, de passementerie, de rubans, de lacets ou, pour mieux dire, on a vu des métiers chez l'ouvrier, car, on le sait, une des caracté- ristiques de cette industrie dans la région, c'est que, en général, il n’y à pas de grandes fabriques, mais que l’'ouvrier travaille chez lui, avec sa famille, sur un ou deux métiers : il y a là une forme industrielle intéres- sante à tous égards, au point de vue social surtout; aussi l'on comprend l'intérêt que présente la question, éludiée actuellement d’une manière toute spéciale à Saint-Etienne, de la distribution de l'énergie à domi- cile. Les Ateliers de Construction mécanique de Biétrix, la Manulacture française d'armes de Saint-Etienne ont très vivement intéressé, à des titres divers, les visiteurs qui les ont parcourus, trop rapidement à leur gré, car il eût fallu pouvoir s'arrêter sur de nombreux appareils que l’on n’a pu voir qu'en passant. Si, du côté de la Ricamarie et jusqu'à Firminy, la ville parait se continuer presque sans interruption par des exploitations minières, du côté de Saint-Chamond, Rive-de-Gier, Izieux, il en est de même par des établis- sements industriels. Diverses excursions ont conduit de ce côté où l’on a visité avec un intérêt considérable la teinturerie de M. Gillet, la verrerie Richarme, les établissements métallurgiques de M. Arbel, ceux de MM. Marrel, et les Aciéries de la Marine de Saint-Cha- mond. 11 faudrait un volume pour raconter et expli= quer tout ce qui a été vu dans ces visites; car, grâce aux soins des propriétaires et directeurs de ces éta= blissements, tout avait été préparé de manière à faire assister les congressistes aux opérations les plus inté- ressantes et les plus importantes. Pour ne parler que des opérations métallurgiques, nous signalerons des coulées de 20 tonnes, de 40 tonnes, des laminages de plaques de blindage de 35 centimètres d'épaisseur, la trempe d'énormes pièces en acier, Comme un Canon, elc. Un visiteur, de passage dans ces usines, se füt consi- déré avec raison comme très favorisé d'assister à une de ces splendides opérations : les congressistes ont pu les voir toutes. Quand on songe aux diflicullés qui ont dû être surmontées pour que ces opérations se produi- sissent à l'instant précis où les congressistes se pré- sentaient, on ne saurait adresser de trop vifs remer- ciements aux personnes qui avaient préparé et qui ont organisé le programme de ces visites. On comprend aisément que ces villes industrielles fassent une grande consommation d’eau, non seule- ment parce qu'elles ont une populalion nombreuse, mais aussi parce que, pour cerlaines industries, comme la teinturerie par exemple, ce liquide est un asent de première nécessité; pour être assuré de ne pas en manquer pendant la saison sèche, il faut ne pas compter seulement sur les sources et les cours d’eau. Aussi a-t-on été conduit à établir de vastes réservoirs obtenus en fermant d'étroites vallées par des barrages établissant ainsi une retenue d’eau : il en existe plu- sieurs aux euvirons de Saint-Etienne, tant pour cette ville que pour les villes voisines; on en inaugurait un quelques jours après la clôture du Congrès et, dans une excursion, nous avons pu voir la place où l’on en doit construire un autre, d'après un vaste projet qui est à l'étude et que, dans l'intérêt de Saint-Etienne, il faut espérer voir aboutir promptemenut. Parmi ces barrages, le plus voisin de Saint-Etienne est classique : c'est celui de Roche-Taillée, qui retient les eaux du Furens. Nous n'insisterons pas sur la descriplion technique de cet ouvrage qui a été construit par M. de Montgolfier, alors ingénieur des Ponts et Chaussées, actuellement directeur des Aciéries de la Marine, et président du Comité local qui, à Saint- Etienne, avait préparé le Congrès. ; Si nous signalons ce barrage avec quelque insistance, c'est qu'il est établi dans des gorges très pittoresques qui méritent d'être visitées pour elles-mêmes. Ceci nous amène d'ailleurs à une remarque qui ne nous parait pas sans intérêt. En venant à Saint-Etienne, tous les congressisties savaient qu'ils rencontreraient une région industrielle d’une grande importance; on savait mème, en général, que la ville de Saint-Etienne ne présente rien de bien intéressant au point de vue archéologique ou artis- tique ;mais bien peu se doutaient des aspects variés el pittoresques que présenteut les environs. Aussi la sur- prise a-t-elle été grande en parcourant cette région qui, au point de vue pittoresque, mérite d'être visilée à légal de beaucoup d'autres dont la réputation est grande. L L'excursion qui conduisait les congressistes au mont Pilat doit être signalée à ce point de vue : la route part en s'élevant et dominant le Val d'Enfer, où se trouve le barrage dont nous parlions précédemment, passe au village de Roche-Taillée pour arriver au Bessat, puis à la Croix de Chambouret, d'où on a vue sur les Alpes : la route, carrossable, continue jusqu à une faible distance des sommets du Pilat : le Grèt de la DR PP Perdrix, le Crèt de l'OEillon; sur un troisième sommet, un peu moins élevé, où l’on construit un hôtel, on pro- jette d'établir un observatoire mété orologique dont plusieurs congressistes sont allés discuter, sur les lieux mêmes, le meilleur SepARe ; de tous ces sommets, on à de très belles vues sur l'Ardèche, sur la vallée du Rhône, sur celle de la Loire. En descendant, on suit successivement la vallée du Farra, puis celles du Gier, qui sont l'une et l'autre fort belles et qui rappellent l'aspect de paysages alpestres ou pIRÉRAENSS on passe sur le barrage du Valla, dont la retenue sert à alimenter Saint-Chamond, et l'on arrive dans celte ville par le faubourg d'Izieux. C'est là une très belle promenade, très facile et qui mérite que les touristes s'arrêtent à Saint-Etienne pour la faire. La même remarque s'applique aux pays traversés par les congressistes qui ont pris part à l'excursion finale; nous nous bornerons à signaler celle-ci en quelques mots. La voie ferrée, après avoir traversé Firminy, pénètre dans un tunnel aboutissant au Pertuiset, dans la vallée de la Loire que l'on remonte presque jusqu'au Puy; cette vallée, le plus souvent rétrécie et sauvage, est * d’un aspect remarquable. La ville du Puyest intéressante par sa situation géné- rale, par sa cathédrale, par la chapelle Saint-Michel], bâtie sur un pic conique, entièrement isolée, par le rocher Corneille, plus élevé et également isolé, sur- monté d’une statue colossale de la Vierge. Les environs permettent des promenades intéres- santes : nous signalerons celle qui conduit aux Orgues d'Espaly, roc hes basaltiques curieuses, passe devant le château de Polignac et aboutit au château de laRoche- Lambert. La seconde journée de l’excursion conduisait au mont Mézenc; la route, qui est carrossable, passe au Monas- tier, village d’un aspect tout à fait alpestre, et aboutit au village ‘des Estables, à une altitude de 1.350 mètres d'où, par des sentiers faciles, on arrive au sommet du Mézenc à 1.730 mètres. De ce point, lorsque le temps est clair, on a une vue magnifique dans toutes Îles directions. Le retour, des Estables au Puy, se fit par Laussonne et Lantriac, par un chemin également pit- toresque. Enfin, le retour du Puy à Saint-Etienne s’est effectué le troisième jour par Yssingeaux. À signaler particuliè- rement le trajet d'Yssingeaux à Monistrol, par le pont de l'Enceinte, qui descend dans de belles gorges. Nous avons insisté un peu sur le côté pittoresque de ces excursions, parce que, comme nous l'avons dit, ces régions ne sont pas connues autant qu'elles mérite- raient de l'être : nous allons souvent chercher hors de notre pays des sites moins intéressants que ceux qui sont ainsi facilement à notre portée. Mais il ne faudrait pas croire que toute la session s’est passée en visites ou en excursions : on a fravaillé dans les sections eton a bien travaillé dans plusieurs d’entre elles. Mais comme nous l'avons dit, il est impossible de chercher à résumer les travaux présentés, d'autant que la plu- part sont très spéciaux et exigeraient d'assez longs développements pour être exposés, même sommaire- ment. Aussi nous nous bornerons à signaler ceux qui nous paraissent avoir attiré le plus l attention générale ou qui ont donné lieu à des discussions importantes. Le major général de Wendrich, délégué du Ministre des Voies de communication de Russie, a donné une idée du réseau des chemins de fer en Russie, et a exposé, notamment, le projet du chemin de fer trans- sibérien; il à indiqué les moyens d'exécution et fait connaître l’état d'avancement des travaux. Une importante discussion s’est élevée dans la Section du Génie civil sur les conditions de réalisation du pro- CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 693 jet qui consiste à doter la ville de Saint-Etienne d'une voie de communication navigable, qui lui fait absolu- ment défaut et qui permettrait d'abaisser notablement les prix de transport. Les avantages sont certains ; la question est de savoir si la dépense nécessaire à l'exé- cution du projet n'est pas hors de proportion avec la valeur de ces avantages. Signalons encore, dans la même Section, une autre discussion sur la construction des barrages, question qui, comme nous l'avons déjà dit, est capitale pour la région. En Chimie, une discussion préliminaire s'est élevée à l’occasion d’un rapport publié par l'Association en vue d'arriver à une régularisation et une uniformisation de la nomenclature chimique pour les composés orga- niques, ou, du moins, pour certaines classes de ces composés. Les conclusions devront être soumises ulté- rieurement à un congrès international qui, seul, a qua- lité pour décider d’une manière définitive Dans les Sciences médicales, un rapport avail élé Ééga- lement distribué sur l’actinomycose : il a donné lieu à une importante discussion à laquelle ont pris part, no- tamment, un certain nombre de médecins lyonnais; on sait que la question de cette affection parasitaire a été étudiée spécialement à Lyon. D'intéressants renseignements ont été fournis à la Section de Géographie sur la vie et les travaux de l’ex- plorateur Francis Garnier qui est né à Saint-Elienne. Quelques graves questions ont été soulevées à la Section d'Economie politique et ont donné lieu à des débats remarquables qui ont, à juste titre, appelé l’at- tention. Nous signalerons par exemple la question de l'intervention de l'Etat dans les grèves, celle de l’assu- rance obligatoire pour les ouvriers, celle encore de l'accroissement du fonctionnarisme et du danger qu'il crée au point de vue budgétaire par l'augmentation continue de la somme nécessaire aux pensions de re- traite. Nous avons choisi, à dessein, parmi les nombreuses questions figurant au programme, celles qui ne pré- sentent pas un caractère trop spécial et qui étaient susceptibles d'attirer l'attention de tous les congres- sistes, à quelque section d’ailleurs qu'ils appar tinssent ; mais il va sans dire que ces indications sommaires ne donnent pas une idée complète du travail effectué, tra- vail scientifique et intellectuel. On aura une idée de la grandeur de ce travail par le fait que le nombre des communications présentées a dépassé 300. L'Association française avait recu de la ville de Bou- logne-sur-Mer une invitation pour l’année 1899 : cette invitation a été accueillie avec empressement, car elle donne satisfaction à un désir souvent exprimé et est la conséquence d'une entente dont les premières bases ont été établies il y a longtemps déjà. La session de la British Association se tiendra à Douvres cette même année : il est déjà entendu que les congrès auront lieu à la même époque, au commencement de septembre probablement, car c’est la date ordinaire des congrès de l'Association britannique, et il est naturel que l’As- sociation française se conforme aux habitudes de sa sœur ainée ; il est également entendu en principe que les deux Associations se réuniront une fois au moins, sinon deux. Il nous paraît inutile d'insister sur l'intérêt que présentera la réunion de ces deux grandes socié- tés; aussi nous espérons que, prévenus à l'avance, les savants français prendront leurs mesures pour venir assister en grand nombre au Congrès de Boulogne-sur- Mer, en 1899. Le vice- président actuel de l'Association francaise, qui sera président pour celte session de 1899, est M. le professeur Brouardel, membre de l’Institut et de l'Aca- démie de Médecine, doyen de la Faculté de Médecine de Paris : on ne pouvait faire un meilleur choix. 697 F. DOMMER — LA FABRICATION DU BIOXYDE DE BARYUM LE RAFFINAGE EN SUCRERIE ET LA FABRICATION DU BIOXYDE DE BARYUM Un mouvement des plus intéressants se dessine dans la sucrerie francaise : le problème, depuis si longtemps cherché, d'opérer le raffinage dans l'usine même qui produit le sucre, commence à re- cevoir une solution économique, et le fabricant de sucre entrevoit ainsi la possibilité de se soustraire à la tyrannie financière du raffineur. Les procédés, dont on entrevoit l'emploi el que l'on applique déjà, d’ailleurs, pour raffiner en su- crerie,— procédés Ranson,—-diffèrent notablement de ceux que le raffineur met en œuvre. Ils on surtout pour base l'emploi de l’eau oxygénée ; de sorte que ce liquide, longtemps peu utilisé dans les arts, semble devoir y obtenir prochainement un important débouché. Depuis quelques années d'ailleurs, quelques industries le consomment en quantités croissantes et déjà considérables : il intervient aujourd'hui dans le blanchiment de la laine, de la soie, des farines, des plumes, de l’ivoire, des os, el de la paille destinée à la chapellerie. Toutprochainement, le blanchiment exigera annuellement 10 millions de kilogrammes d'eau oxygénée. Il est difficile de prévoir le supplément que le raffinage en sucrerie va réclamer. Mais il est bien évident qu'il s'agira, en ce cas, d’une quantité énorme de liquide. Une conséquence toute forcée de cette consom- mation va être la grande extension d’une fabrica- tion demeurée jusqu'ici très restreinte : celle du bioxyde de baryum, employé à produire l'eau oxygénée. Rien que pour obtenir les 10 millions de kilos de cette eau affectés au blanchiment, deux millions de kilos de bioxyde de baryum sont né- cessaires. Aussi se fondent, en ce moment, sur le sol fran- cais, des usines destinées à fabriquer cet oxyde. En raison du développement qui attend cetteindustrie, il nous à paru utile d'en indiquer ici les conditions scientifiques et techniques. Mais avant de les expo- ser, nous devons indiquer brièvement le principe des procédés qui, introduisant une véritable révo- lution dans l’industrie du sucre, vont déterminer un énorme surcroit de production du bioxyde de baryum. [. — LE RAFFINAGE EN FABRIQUE PAR L'EAU OXYGÉNÉE. M. Ranson, l'inventeur de la méthode que di- verses sucreries enlreprennent actuellement de mettre en œuvre, a eu l'idée de remplacer le noir animal des raffineurs par l'eau oxygénée el l'acide hydrosulfureux, ce qui rend le raffinage possible pour les productions, relativement faibles, d'une seule fabrique de sucre. Par ses disposilifs mécaniques spéciaux très simples, M. Ranson fabrique du raffiné en pla- quettes sans l'emploi de la turbine; il évite done une dépense considérable, et obtient un rendement plus élevé en sucre régulier rangé. Le prix du raf- finage est beaucoup plus bas que celui des raffine- ries actuelles, non compris la perte vérilable en sucre dans le noir, malgré les lavages très soignés. En outre, le fabricant-raffineur n’a plus pour ses sucres bruts de transport, de courtage, d'embal- lage; il évite aussi la réfraction sur ses sucres roux, et conserve sa mélasse:; il a donc sur son concurrent le raffineur une avance très appréciable (variant de 3 à 4 francs pour 100 kilos), non com- pris, bien entendu, l'avantage qu'il a d'utiliser une partie de son personnel et de son matériel de fabrication. Pratiquement, on décolore et on épure les sirops de raffinerie par l’eau oxygénée, puis on enlève l'excès de ce corps, ét on complète son action par l'acide hydrosulfureux; finalement, on transforme les sulfites en sulfates correspondants par une addition rigoureuse d'eau oxygénée. Le sucre obtenu, bien blanc, a très bon goût, et se conserve parfaitement en magasin. Dans le procédé appliqué à la fabrication du sucre, l'inventeur se propose l'obtention facile de sucre blanc extra, susceptible d’être vendu directe- ment à la consommation, et de bénéficier des avan- tages donnés par la loi sucrière récemment votée. Pratiquement, les sirops sortant du triple effet, sont sulfilés à neutralité et filtrés, puis on trans- forme les sulfites en sulfates par une addition dé- terminée d'eau oxygénée, et on produit ensuite de l'acide hydrosulfureux à l’état naissant, au sein même du sirop. On obtient finalement des sirops très décolorés, épurés, et dont la majeure partie de la viscosité est enlevée, ce qui facilite singulière- ment la filtration, la cuite et la cristallisation. Les égouts sont alealinisés avant d'être cuits au filet. Ce procédé arrive incontestablement à son heure, étant donné l'emploi de la cristallisation en mouvement qui se généralise de plus en plus, quoique donnant des sucres de nuances et de qua- lités inférieures. En combinant ce travail avec les NT A Li EE F. DOMMER — LA FABRICATION DU BIOXYDE DE BARYUM 695 . cristallisoirs, on arrivera certainement à obtenir la totalité ou la presque totalité du sucre extractible en un seul jet. Ce procédé, tant en raffinerie qu'en sucrerie, ne produit pas de glucose ni autre transformation du sucre ; les expériences industrielles et de labora- loire de MM. Vivien, Beaudet, Cavroy, Mittelmann et Gouthière, sont très concluantes à ce sujet. Actuellement, les procédés Ranson fonctionnent ‘ou vont fonctionner dans les sucreries et raffine- ries de Beaumont (Pas-de-Calais), de Brienon (Yonne), de Crépy-en-Laonnois (Aisne), de la Chasse-Royale, près Mons (Belgique), de Pont-à- Vendin (Pas-de-Calais), en Allemagne, etc. La sucrerie-raffinerie Cavroy, à Beaumont (Pas- de-Calais), berceau du procédé, fabrique du sucre raffiné sans interruption depuis le mois de dé- cembre dernier, et le livre à la consommation au fur et à mesure de sa production. Pour satisfaire au supplément de production . d'eau oxygénée que le raffinage « en fabrique » va nécessiter, il va falloir accroitre l'outillage indus- triel destiné à produire l'oxyde de baryum. On demeure surpris de constater que la France est jusqu'à présent restée tributaire de la fabrica- lion étrangère pour se procurer la plus grande partie des produits barytiques. Les neuf dixièmes du bioxyde de baryum employé pour l’eau oxygé- née sont importés d'Angleterre et d'Allemagne. Nous ne connaissons que quelques usines en France oulillées pour la fabrication du bioxyde de baryum par le traitement de la whitérite importée d'An- gleterre, ou des chlorures de baryum importés d'Allemagne, et l'usine de Jussy (Aisne) où l'on fabrique le bioxyde en fraitant le sulfale de baryle venant de Belgique. En se mettant en me- sure de répondre aux besoins actuels, une usine de produits barytiques trouverait en France des dé- bouchés assurés et considérables. Les matières premières qui peuvent être em- ployées dans la fabrication des produits barytiques en France sont : le sulfate de baryte, le chlorure de calcium, le nitrate de soude. IT. — FABRICATION DU BIOXYDE DE BARYUM. Nous diviserons la fabrication du bioxyde de baryum en trois phases : . 1° Fabrication du nitrate de baryum à partir des malières premières; 2° Fabrication de la baryte à partir du nitrate; 3° Peroxydation de la baryte. $S 1. — Fabrication du nitrate de baryum. 1° Procédé : Traitement de la whitérite par l'acile azolique. — On transforme la whitérite (carbonate de baryte naturel) en nitrate, en la dis- solvant dans l'acide azolique. On traite à chaud la whilérite pulvérisée, de manière à obtenir une dissolution marquant 21 à 22° B; on décante le liquide clair, on le fait cristalliser, et on obtient de beaux cristaux blancs de nitrate. Quand on traite le carbonate résiduaire prove- nant des sucreries, il est bon de le calciner avant de le dissoudre dans l'acide. Le procédé est coûteux, les deux produits em- ployés étant d’un prix assez élevé. 2° Procédé : Traitement du sulfure de baryum par l'acide nilrique. — L'emploi du sulfate de baryle est beaucoup plus avantageux, car il est très ré- pandu dans le midi de la France, et aussi et sur- tout, en Belgique. Il revient à moins de 20 francs la tonne à l'usine. On le transforme en sulfure en chauffant un mélange calculé de sulfate de baryte et de charbon, que l’on agglomère avec de la résine, du goudron, de l'huile ou de la colle de farine; celte opération s'effectue dans un four à réverbère de 4 mètres de longueur, 2 mètres de largeur, el de 0%,35 de hauteur à la clef de voûte ; on ringarde souvent pendant l'opération qui dure deux heures, chargement et déchargement compris, et qui est représentée par l'équation suivante : BaSO + 4C — BaS + 4 CO. On traite ensuite la matière calcinée par l’eau, dans une cuve herméliquement close, et munie | d'un agitateur; on fait arriver lentement un cou- rant d'acide chlorhydrique. Ce dernier est préfé- rable à l'acide azotique, qui donnerait naissance par oxydalion à des sulfates, mais qui, d'autre part, à l'avantage de transformer directement le sulfure de baryum en azotate et en H?S, qui se dé- gage. La dissolulion évaporée laisse alors déposer, par le refroidissement, des cristaux de nitrate de baryte, qui, après calcination, donnent la baryte caustique. On peut se débarrasser de H?S en le faisant brûler dans le foyer du four servant à la fabrication du sulfure. Par le traitement à l'acide chlorhydrique, on obtient BaCË®, que l’on doit transformer en nitrate par un procédé indiqué plus loin. 3° Procédé : Traitement du sulfure de baryum par l'azotate de soude. — On à proposé de remplacer l'acide nitrique par l’azotate de soude; en faisant bouillir le sulfure de baryum avec de l'azotate de soude, on obliendrait des crislaux d'azotate de baryte, et le sulfure de sodium resterait en disso- lution. BaS + 2 AzZO®Na — Ba (AzO*)° + NaëS. Nous donnons ce troisième procédé sous toutes réserves. 696 F. DOMMER — LA FABRICATION DU BIOXYDE DE BARYUM 4 Procédé : Traitement du chlorure de baryum par le nitrate de soude. — Ce chlorure de baryum provient d'Allemagne. La réaction est la suivante : BaCI® + 2(NaAzO®) — Ba (AzO®}? + 2 Na. 5° Procédé : Traitement du sulfate de baryte par le charbon et le chlorure de calcium. — Ce procédé consiste à faire agir le chlorure de calcium pro- venant des usines Solvay, et coûtant 60 francs la tonne, avec teneur de 75°/,, sur un mélange de sulfate de baryte et de charbon : CaCEË + BaSO* + 4C = 4 CO + BaCË + Cas. On broie de la grosseur d’une noisette le chlo- rure de calcium fondu, puis on le mélange au sul- fate et au charbon finement pulvérisés. L'opéra- Ayant obtenu la solution de BaCE, on y ajoute par petites portions du nitrate de soude en quantilé calculées, en agitant fortement. Le nitrate de soude naturel, dont le marché est à Dunkerque, revient à 200 francs la tonne; une tonne de bioxyde exig 1.544 kilos de nitrate de soude. On opère sur 2.000 litres environ de BaCE à 35° B. On maintient à l'ébullition avec un barboteur de vapeur: le nitrate de baryte étant peu soluble, commence à se précipiter; quand tout le nitrate a été ajouté, on ouvre une bonde de décharge : le nitrate et le liquide sont amenés dans des bacs plats ; on relève le sel, on l’essore et l’on clairce. Ce sel contient encore, interposée, une solution de NaCl; on le redissout dans des eaux mères provenant de cris- tallisations précédentes; on concentre de 21 à 22°B,. tion se fait dans un four à réverbère à deux soles ; | on filtre, puis on écoule dans des crislallisoirs; le à I ' : V : 4 | - ù (ee Dar) ; LA A 0 lue ME ë: | > TUITITR ) £ LES e > Z LE or 3 PÉANITT. TTL. PO 1 S Ë ë Sn É 8 SU EL RE à B 5 B DE aIQ ro Rent Fr # B GIE É NL c . È | OOÙ EU OZ L = : / , 7 à EN EEE ES RES; 4 F ë USE 27 ER Fig. 1. — Fours à récupération pour la lransformalion du nilrale en oxyde de buryum. — À, moufles; B, récupérateurs; C, portes de chargement des gazogènes. on fait la charge sur la sole la plus éloignée du foyer, où le mélange se prend en masse par la fu- sion du chlorure de calcium; au bout d’une heure, on pousse le mélange sur la première sole, où s'effectue la réaclion. Au bout de deux heures environ, on relire une masse noirâtre, d'apparence fondue et poreuse, d’un gris clair à l'intérieur. On a essayé des fours à trois soles superposées, donnant de bons résultats. On arrive à obtenir 68 °/, de BaC}°. Après le défournement, la matière pâteuse se solidifie dans les wagonnels, et donne une masse que l'on concasse, el que l’on place dans des bacs munis d’un double fond en tôle perforée, et chauffés à la vapeur. On fait arriver de l’eau, que l’on porte à l’ébullition, on fait écouler le liquide, qui doit marquer 32° B, et qui contient CaS, Bas et des sulf- hydrates; on y fait passer un courant de CO? ; le liquide s'éclaircit, et il se précipite CO*Ba et CO*Ca; on le fait couler dans des chaudières, où l'on con- centre à 35° B. sel blanc est retiré, lavé, essoré et séché. Il est indispensable de se débarrasser du chlorure de sodium : 0,1 °/, à 0,5 °/, gène considérablement la cuisson du nitrate. $S 2. — Préparation de la baryte. Le nitrate de baryte blanc et sec est chargé, sor- tant de l’éluve, dans des boites réfractaires de dimensions variables : soit de forme carrée de 0",40 de côté et de 0,12 de hauteur, soit de forme rectangulaire. Ces boîtes doivent être elles-mêmes bien sèches et dépourvues de tout défaut, pour éviter les cas- sures et les perles qui en résulteraient pendant la fusion. Chaque boite contient environ de 45 à 50 kilos de nitrate. On emploie, dans certaines usines, des boites plus petites, contenant 18 kilos; on a essayé des boîtes en fonte, lutées intérieurement avec un ciment réfractaire, mais il fallait opérer la cuisson du nitrate à basse Lempérature, ce qui donnait une PAPER F. DOMMER — LA FABRICATION DU BIOXYDE DE BARYUM 697 . baryte compacte, difficile à peroxyder. Chaque boite . ne peut servir qu'une fois,et coûte environ 0 fr. 80. Il faut avoir des boîtes peu siliceuses, car les si- . licates el alu- _ minates de . baryte sont très fusibles. La fusion _ s'opère dans o des fours spé- Rs € réfractaires absorbent de 500 à 800 grammes de baryte. L'opération terminée, on retire rapidement les boites, on les casse, et on introduit la baryle dans des étouffoirs en tôle galvanisée; une foisles pains réfroidis, on les casse en morceaux de la grosseur d'une noix. On peut faire par four, trois opéra- N _ ciaux à récu- _ pération (fig. _ 4). Les boites tions et demie en vingl-qua- tre heures. - sont enfour- Latransfor- “ nées côte à À malion du ni- - côte dans un | trale s'opère moufle,chauf- NT 1 à d'après la ré- ic par les | Dee ACTONASUIE _ flammes d’un | vante : ‘gazogène, à | | Ba(Az03} une tempéra- | Eu L = Fa + A0! ture de 1.100 © à 1.200°. Cha- que moufle peut contenir six de ces boi- tes, ce qui représente environ 280 à 300 kilos de nitrate. Sur la porte du four est un regard, qui permet de suivre les phases de l'opération. Le nitratecommence Fig. 2. + à fondre. Cette fusion D — dure trois heures. La = = = masse entière devient complètement liquide, K < après avoir abandon- nésesproduitsnitreux. Elle commence alors à se figer, et devient de -plus en plus compacte ; après trois autres heures de cuisson, la masse, complètement prise,estdevenue spon- N B Y A 4 -gieus ri 4 gieuse et grisaire SRRRRARRRRES KKK elle est transformée en > F baryte. see Le dégagement de produits nilreux, qui a lieu pendant la fusion, s'opère par une Ouver- ture placée à la partie supérieure du fond du moufle, communiquant avec un caniveau. Ces pro- duits vont se condenser dans une série de bon- bonnes, et se rendent dans une colonne de récupé- ration, puis dans une cheminée d'appel. Les boites — Fours à tubes pour la peroxydalion de la baryte. — À, arrivée d'air; B, portes de chargement; C, C, foyers; D, conduit communiquant à la che- | Fig: 3. — Plan du four à tubes pour la peroxydation. — A, conduit d'arrivée d'air; B, tubes en fonte; D, sortie d'air. 261 kilos de nitrate don- nent : 153 ki- los de baryte; |: 92 kilos de produits nitreux ; 16 kilos d'oxygène. minée d'appel. 3. — Peroxydation de la baryte. | S | Boussingault à démontré que la baryte portée à la température du rouge sombre, environ 500°, absorbe l'oxy- gène de l'air pour se transformer en bi-. oxyde. 1. — Peroxydation dans les fours à tubes. La peroxydation peut se faire dans un four à peroxyder. Ce four (fig. 2 et 3) est traversé par une série de tubes en fonte B, ayant environ 2 mètres de longueur, et 0,26 de diamètre intérieur, formant chacun un vo- lume utilisable de 100 décimètres cubes, el pouvant contenir chacun 200 kilos de baryte. Ce four contient 7 tubes. Chaque four peut donc £on- tenir 1.400 kilos de baryte. La baryte, cassée en morceaux, est placée dans des chemises cylindriques en Lôle mince (cartouches), 698 qui s’emboitent avec facilité dans les tubes en fonte du four. On ferme hermétiquement les extrémités de ces tubes, qui communiquent entre eux par un sys- tème de tuyaux, permettant de faire passer un cou- rant d'air débarrassé de son humidité et de son acide carbonique. Pour transformer 153 kilos de BaO en BaO?, il faut 16 kilos d'oxygène. 1 mètre cube d'oxygène pèse 1 kil. 429; done 16 kilos d'oxygène représentent 11 mètres cubes, ou 32 mètres cubes d'air. Il faut donc 32 mètres cubes d'air pour produire 169 kilos de BaO?; comme le four peut traiter, par chaque opération, 1.400 kilos de baryte, il faudra 475 mètres cubes d'air. Avec une simple cheminée d'appel, l'opération dure quatre heures; avec une pompe à compres- sion d'air, on réduit le temps de l'opération des deux tiers. Quand la peroxydation est terminée, on retire les cartouches; on les vide dans des tonneaux en fer, que l’on ferme pendant le refroidissement, lequel doit s'opérer à l'abri de l'air. 2. — Peroxydation dans les moufles. — La per- oxydation dans les tubes présente des difficultés pour le chargement. Le four avec tubes peut être remplacé par un moufle en fonte de 0",60 de hau- teur, renfermant cinq plaques superposées, d'une longueur de 3 mètres environ et disposées sur un wagonnet. On charge la baryte, sur une épaisseur de 5 à 6 centimètres, sur chaque plaque; le fond du moufle est percé d'ouvertures correspondant aux plaques; la porte du four est à doubles parois, à l'intérieur desquelles pénètre l'air, qui vient dé- boucher dans le moufle par cinq rangées d'ouver- tures; au niveau de chaque plaque, cet air est préalablement chauffé dans des tubes qui circulent dans les flammes du foyer. Pour le débarrasser de l’eau et de l'acide carbonique, on le fait passer sur les résidus de baryte des fours de cuisson. L'opération dure dix heures. On conduit le four de manière à obtenir la tem- pérature du rouge sombre : quand l'opération est bien conduite, les morceaux de bioxyde sont jaune d'or, et de consistance molle; le ringard peut s'y enfoncer sans apparence de coulage. Enfin, on peut réaliser une économie de com- bustible en chauffant le four à bioxyder avec les flammes perdues du four à baryte, lorsque ce der- nier n'est pas à récupération. Après refroidissement à l'abri de l'air, le bioxyde est concassé une première fois, bluté et pulvérisé : il faut obtenir la plus grande finesse possible : pour cela, on emploie un broyeur à boulets. Du F. DOMMER — LA FABRICATION DU BIOXYDE DE BARYUM bioxyde titrant 92 à 95 °/,, donne, après broyage, 90 à 92 °/,; il doit être bien tassé, pour l'embal- lage, dans des tonneaux bien secs, et représenter une densité de 3 à 3,5. Il est ensuite livré à la consommation. III. — FABRICATION INDUSTRIELLE DE L'EAU OXYGÉNÉE. On prépare l'eau oxygénée en dissolvant, dans un acide étendu, le bioxyde de baryum pulvérisé; cette préparation demande à être conduite lente- ment et bien régulièrement. Le matériel se com- pose d'une série de cuves de 2.000 à 2.500 litres chacune. Au-dessus, sont de petites cuves munies d'agitateurs, dans lesquelles on délaie le bioxyde avec de l’eau froide. Le liquide obtenu coule direc- tement dans les cuves, en mince filet, d’une facon continue. Pour la mise en train d'une cuve, on introduit une certaine quantité d'eau provenant de lavages du sulfate de baryte, quelques litres d'acide chlor- hydrique avec un peu d'acide phosphorique, eb l'on fait arriver un courant continu d'acide sulfu- rique dilué; on règle les deux écoulements de ma- nière à ce que le liquide reste acide. La cuve doit rester froide. On relève de temps en temps le titre au pérmanganate. Une euve de 2.000 litres doit gagner 2 volumes d'oxygène par jour. Quand la cuve titre environ 10 volumes, on arrête l’écoule- ment d'acide et de Ba0?, on ajoute de pelites por- tions de lait de BaO?, jusqu'à ce que le papier devienne violet; on passe les résidus aux filtres- presses et on obtient le blanc fixe employé en papeterie. L'eau oxygénée claire est traitée par un sulfale, pour éliminer le chlorure de baryum, et on y ajoute un peu d'acide phosphorique pour la stabilité. Elle est mise en touries et expédiée. On peut employer différents acides, même l'acide carbonique; on obtient de l’eau oxygénée très pure, mais il faut employer un bioxyde très pur, exempt de silice et de fer; il faut opérer sous pres- sion. 200 grammes de bioxyde donnent un peu plus d’un litre d’eau oxygénée, à 40 volumes. Tels sont les principes généraux de la fabrica- tion du bioxyde de baryum et de l’eau oxygénée. Comme nous l’avons vu, ces deux industries sont appelées à prendre un essor considérable par l'in- troduction du raffinage en fabrique, et, à cette occasion, il nous à paru utile de les signaler aux lecteurs de la Revue. ni F. Dommer, Protesseur à l'Ecole de Physique et de Chimie de la Ville de Paris et à l'Ecole des Hautes-Etudes commerciales. PR NT RS 2, PT SU LE PROBLÈME Le voyageur qui, de Lausanne ou de Vevey, admire le merveilleux panorama du fond du lac de Genève, est loin de se douter que les montagnes qui Se dressent au premier plan sur les deux rives du lac et qui masquent de leur crêtes dentelées le sou- bassement de la Dent de Morcles et de la Dent du Midi sont aujourd'hui considérées par toute une école de géologues comme n'étant plus en place, comme faisant partie d'un grand imnassif, situé autrefois dans les Alpes centrales, et qui serait venu, après s'être délaché de son emplacement pri- mitif, occuper sa position actuelle en passant par- dessus les massifs cristallins du Finsteraarhorn, du Mont-Blanc et des Aiguilles-Rouges. Gràce à un immense charriage horizontal, toute une zone de terrains secondaires plissés, appartenant aux Alpes occidentales et s'étendant sur une longueur de 110 kilomètres et sur une largeur de 15 à 20 kilo- mètres, occupant donc une surface de plus de 2.000 kilomètres carrés, serait venue reposer sur un fond de terrains plus récents, sur le Flysch. La zone, qui formerait ainsi une masse énorme en recouvrement ‘, est connue sous le nom de zone des Préalpes ou de zone du Chablais (fig. 1); elle consti- tue une large bande des chaines extérieures, com- prise entre la vallée de l'Arve et le lac de Thoune; elle est divisée par un resserrement, correspondant à la vallée du Rhône, du Bouveret à Bex, en deux segments inégaux, les Préalpes du Chablais, sur la rive gauche, et les Préalpes Vaudoises, Fribour- geoises et Bernoises ou Préalpes Romandes, sur la rive droite. Sur le bord extérieur de chacun de ces segments, les chaïnons et les plis sont disposés en ares de cercle à concavité tournée vers l'extérieur des Alpes, qui viennent se raccorder le long d’une ligne de rebroussement correspondant précisément à la vallée du Rhône. il L'hypothèse du recouvrement de l’ensemble des Préalpes fut proposée dès 1884 par M. Marcel Ber- trand, mais elle fut bientôt abandonnée par son au- teur lui-même. En 1893, M. Hans Schardt arriva de son côté à une interprétation lout à fait analogue, en se basant toutefois sur des faits d’un ordre dif- férent. Mais le problème de l’origine des Préalpes est entré dans une phase nouvelle depuis la publi- cation par M. Lugeon d'un très remarquable et Voir, pour le rôle des phénomènes de recouvrement, l’article de M. Marcel Bertrand : Les récents progrès de nos Connaissances orogeniques, Revue générale des Sciences, 15 janvier 1892. ÉMILE HAUG — LE PROBLÈME DES PRÉALPES 699 DES PRÉALPES très important ouvrage intitulé : La région de la Brèche du Chablais ‘. L'auteur, un jeune géologue suisse, collaborateur au Service de la Carte géolo- gique de France, après avoir adopté suecessive- ment deux hypothèses différentes sur la tecto- nique du Chablais, se range maintenant à celle de M. Schardt; il en discute longuement le pour et le contre et présente de nombreux faits nou- veaux qu'il considère comme arguments décisifs en faveur de la théorie du recouvrement général des Préalpes. Quelque invraisemblable qu'elle puisse paraitre au premier abord, cette théorie mérite une discus- sion approfondie ; cependant on verra dans la suite quels sont les arguments qui nous empêchent pro- visoirement de l’adopter. Les faits sur lesquels on a basé l'hypothèse du recouvrement sont à la fois d'ordre straligraphique el d'ordre tectonique. Nous énumérerons d'abord les premiers. Depuis longtemps plusieurs auteurs avaient élé frappés des profondes différences de faciès que présentent les lerrains secondaires dans les chai- nes extérieures sur la rive droite de l’Arve, entre Bonneville et Cluse, et sur la rive gauche; le même contraste à également été constaté entre les deux rives du lac de Thoune; enfin, il existe les plus profondes différences entre les terrains situés au nord-ouest d'une ligne passant par Samoëns, Bex, Gsteig, Fruligen et qui forme la limite entre les Préalpes et les Hautes-Chaïnes calcaires eteeux qui sont situés au sud-est de cette ligne. Le changement de faciès entre les terrains des Préalpes et ceux des Hautes-Chaïînes est extrême- ment brusque, et il n'y a qu’un pelit nombre de points où l’on puisse constater, pour l’un ou l’autre terrain, des passages entre les deux types. La dif- férence est surtout frappante pour les terrains cré- tacés : Néocomien à Céphalopodes dansles Préalpes, calcaires à Spatangues et calcaires urgoniens à Rudistes dans les Hautes-Chaînes; couches rouges sénoniennes dans les Préalpes, Sénonien blanc dans les Hautes-Chaînes. Le Gault, si bien déve- loppé dans ces dernières, fait entièrement défaut dans les Préalpes et il en est de même des calcaires à Nummulites de l'Eocène supérieur. M. Schardt a conclu de ces faits que les Préalpes forment comme une masse étrangère sur la bordure nord- ouest des Alpes. Le principal fait d'ordre tectonique sur lequel ‘ Bull. Serv. Carte géol., t. VIT, n° 49, 310 p., 8 pl. 700 ÉMILE HAUG — LE PROBLÈME DES PRÉALPES on à basé l'hypothèse du recouvrement est le sui- vant : partout où, dans les Préalpes, on trouve le substratum du Trias, du Permien ou du Carboni- fère, il est formé par un terrain plus récent, le plus souvent par du Tertiaire. C'est ce que M. Schardt a appelé la loi des Préalpes. Ainsi, pour ne citer que quelques exemples, le Trias du massif de Tré- veneusaz (fig. 1, Tr.) repose sur la Mollasse rouge du val d’Illiez; celui du soubassement du massif des Hautforts repose au sud-est sur le Flysch; la bordure triasique du Chablais présente le Flysch comme substratum, partout où ce substratum est visible. M. Schardt et M. Lugeon croient pouvoir affir- mer que les Préalpes sont en repos anormal sur Un FEES si) nt Et nn nt de là Brèche du Chablais qui fail plus particulière ment l’objet du mémoire de M. Lugeon; il possède la forme d'une immense vasque elliptique, de plu de 30 kilomètres de grand axe, et se trouve consti tué par les Brèches jurassiques surmontant un s0 bassement de Trias et supportant un manteau d Flysch, dans lequel se trouvent inclus des point ments de roches cristallines. Les auteurs de l'hypothèse du recouvrement d toute la zone des Préalpes admettent que les nappes en recouvrement ont subi, postérieuremen au charriage, des compressions latérales qui y ont déterminé des plissements comme dans un en- semble de couches en superposition normale. Dans ce dernier plissement la Brèche se serait comportée Plateau sursse Que LS Se ur LE À 232 Ps anticlnazx. Or. Orckez E Michiels del Terravrs crestallers. D LA À Fréalpes medianes —— Lignes de contact anormal Tr. Zrevereasaz. SKK Zezgpes exterenres. —> Sens À déversement des pls Ch CAarossare. Fig. 1. — Carte schématique de la région des Préalpes, d'après M. Lugeon (avec quelques modifications). tout leur pourtour, mais ils n’envisagent pas loule la masse des Préalpes comme un immense lambeau de recouvrement unique. L'étude des dislocations et la répartition des faciès ont conduit les deux séologues suisses à considérer la zone du Chablais comme formée de plusieurs nappes superposées. La chaine la plus extérieure, celle des Voirons et des Pléiades, constituerait, avec la lame de Néoco- mien à Céphalopodes qui borde au nord-ouest les Hautes-Chaines calcaires vaudoises, une nappe in- férieure; puis viendrait une deuxième nappe, qui correspondrait à la masse principale el qui suppor- terait la troisième nappe, caractérisée par la pré- sence de grandes épaisseurs de brèches calcaires d'âge jurassique. Celte nappe supérieure serait ré- duite par l'érosion en plusieurs lambeaux détendue inégale, dont les plus petits sont situés sur la rive droite du Rhône, dans les massifs du Simmenthal et de la Gummfluh, tandis que le plus important est situé sur la rive gauche, dans le Chablais, dont il occupe toute la partie centrale. C'est ce massif comme une masse passive, pesant de son poids énorme sur son substratum, de manière à déter- miner la direclion et le sens du déversement des plis. L'hypothèse du charriage lointain a été appli- quée par ses auteurs non seulement aux Préalpes, mais encore aux « Klippes », c'est-à-dire à des masses exoliques situées au milieu des Hautes- Chaines calcaires de Suisse et de Savoie, qui ont de tout temps constitué de vérilables énigmes. Les lerrains de ces « Klippes » présentent en général les mêmes faciès que dans les Préalpes et contras- tent de la manière ja plus frappante avec ceux des chaines environnantes. La tectonique des « Klip- pes » rappelle également celle des Préalpes; sou- vent le Trias y repose en superposition anormale sur le Flysch. MM. Schardt et Lugeon envisagent donc les « Klippes » comme des fragments d’une grande nappe de recouvrement, la même que la nappe principale des Préalpes, nappe qui, au sud de l’Arve et au nord-est du lac de Thoune, aurait été ÉMILE HAUG — LE PROBLÈME DES PRÉALPES 701 | 4 —— — k réduite par les agents atmosphériques en lambeaux olés. Dans celle hypothèse, le grand pli couché, dont les « Klippes » seraient des lambeaux de re- uvrement, aurait done sa racine bien au sud et l'est de l'emplacement actuel des « Klippes »; £ M. Steinmann, Quereau et Schmidt cherchent -au contraire l'origine des « Klippes » suisses dans “un pli situé au nord des Alpes et déversé vers le sud sur la bordure actuelle". , ÿ Il L'hypothèse de MM. Schardt et Lugeon à le grand “avantage d'expliquer à la fois les particularités stratigraphiques et tectoniques des Préalpes et “celles des « Klippes »; elle est d’une grandiose sim- plicité el certainement elle s'imposerait à l'esprit -de tous les lecteurs du beau livre dans lequel M. Lugeon s’en est fait le défenseur si, d'une part, elle ne se heurtait à de très sérieuses difficultés -et si, d'autre part, une autre hypothèse, qui nous parait beaucoup plus naturelle, ne rendait tout aussi bien compte de la structure des Préalpes. Cette hypothèse la voici : On a remarqué depuis longtemps que, dans les Préalpes, les faciès des terrains secondaires res- laient sensiblement les mêmes quand on les sui- vait dans un même chainon parallèlement au bord des Alpes, mais qu’ils changeaient très rapidement lorsqu'on les suivait dans une direction perpendi- culaire à celle des chainons. On peut établir ainsi une série de bandes ou de zones longitudinales, caractérisée chacune, pour un élage donné, par un faciès spécial. Si l’on suppose que les Préalpes ont subi simplement une compression latérale, que l'ensemble de la région est en place et que les dif- férents chainons occupent leur position relative primitive, on peut admettre que ces zones corres- pondent à des bandes plus ou moins parallèles, dans chacune desquelles les conditions de sédimen- tation étaient différentes; mais on s'aperçoit bien vite que ces conditions sont restées à peu près les mêmes pendant loute la durée de la période juras- sique; que, par exemple, telle bande, litlorale au Lias inférieur, sera également littorale au Batho- nien; que telle bande, vaseuse au Bajocien, le sera aussi au Jurassique supérieur. On peut d’ailleurs faire cetle constatation dans presque toute l'étendue des Alpes occidentales, mais dans les Préalpes la persistance des caractères de sédimentation d'un élage à l’autre est parliculièrement manifeste. On retrouve sur l'emplacement des Préalpes le grand géosynclinal alpin que l'on suit tout le long de la 1 Cette dernière hypothèse nous parait confirmée aussi bien par les faciès des terrains constituant les « Klippes » que par les allures des plissements que l'on y observe. chaine depuis les Basses-Alpes jusque dans la Suisse orientale pendant loute la durée des temps secondaires, el sa présence se traduit par une large bande de dépôls vaseux, limitée de part et d'autre par une bande de dépôls à caractères plus ou moins littoraux; mais dans les Préalpes ce géosyn- clinal était accidenté par un géanticlinal médian, correspondant à une bande dans laquelle les étages du Jurassique affectent des caractères littoraux, certains d’entre eux faisant même entièrement défaut, ce qui indique une émersion temporaire du géanticlinal. Si l'on coupe transversalement les Préalpes Romandes, on traverse en effet successive- ment les zones de sédimentation suivantes : 1° une zone extérieure à faciès vaseux!, qui fait suite au sud-est à la zone jurassienne à faciès de mer peu profonde; 2° une zone littorale externe (calcaires à entroques liasiques, couches à Mytilus batho- niennes); 3° une zone axiale dépourvue de Lias et de Dogger et dans laquelle un Jurassique supé- rieur coralligène repose immédiatement sur le Trias; # une zone liltorale interne (calcaires à Gryphées, calcaires à entroques) ; 5° une zone inlé- rieure à faciès vaseux, à laquelle fait suite, dans les parties avoisinantes des Hautes-Chaines cai- caires, une nouvelle zone à caractères littoraux. Le géanticlinal qui correspond à la zone 3 a continué à jouer le rôle de zone axiale de ja région pendant les phases orogéniques qui ontsuivi l’époque juras- sique ; lors des plissements anlésénoniens, un anti- clinal s'est formé sur son emplacement, de telle sorte que les couches sénoniennes viennent à repo- ser immédiatement sur le Jurassique supérieur, tandis que, dans les zones latérales, le Néocomien s'intercale entre les deux formations; lors des plis- sements anténummulitiques, c’est encore dans le voisinage de la même zone que le Flysch est en contact immédiat avec les couches les plus an- ciennes (Lias, Trias, et même roches crislallines), tandis que, de part et d’aulre, il repose sur des couches plus récentes (Grélacé). Mais il y à plus, cette zone axiale de sédimentation correspond aussi, en général, à l'axe des derniers plissements qui ont donné à la région sa structure actuelle. L'étude des plissements de la région des Préalpes Vaudoises montre qu'une ligne passant à peu près par les Fenils et les Mosses peut être envisagée comme l'axe de symétrie de ces plissements : au nord-ouest de cette ligne les plis sont déversés vers le nord-ouest, c'est-à-dire vers la plaine; au sud-est de cette ligne ils le sont vers le sud-est, 1 Dans les environs de Bex cette zone à faciès vaseux fait défaut à l'époque du Lias, et les calcaires à gryphées de la zone littorale interne sont en contact immédiat avec ceux du massif de la Dent de Morcles. Ce fait constitue un argu- ment puissant contre la théorie du charriage lointain. 7102 ÉMILE HAUG — LE PROBLÈME DES PRÉALPES vers l'intérieur des Alpes; en même temps, les plans de chevauchement qui accompagnent ces plis plongent de part et d'autre vers cette ligne axiale; les Préalpes Vaudoises présentent donc une struc- ture en éventail composé imbriqué. La même dispo- sition se retrouve sur la rive gauche du Rhône, dans le Chablais : le déversement des chaines exté- rieures vers la plaine est connu depuis longtemps, mais les précieuses observations de M. Lugeon dans le val d'Illiez ont montré qu'ici le déversement se produisait en sens inverse, vers l'intérieur de la chaine; c'est le massif de Tréveneusaz (fig. 1, Tr.) qui joue le rôle d’axe de l'éventail composé. Cepen- dant l'éventail du Chablais n'est pas la continua- tion directe de celui des Préalpes Vaudoises et Fri- bourgeoises. La carte géologique de M. Renevier el une coupe de M. Schardt montrent avec évidence que les plis des environs de Bex ne traversent pas le Rhône, mais que les plus intérieurs des plis appartenant au flanc nord-ouest de l'éventail viennent se rac- corder avec ceux du flanc sud-est, de sorte que les plis formant le raccord sont déversés vers le sud- ouest, vers la vallée du Rhône; l'éventail de la rive droite est donc en partie fermé et présente sur trois côtés un déversement périphérique. Plus près du centre de cet accident elliptique, on rencontre la «lame » du Chamossaire (fig. 1, Ch.) qui est égale- ment refoulée vers le sud-ouest, ainsi qu'il résulte des observations de M. Schardt. Sur la rive gauche du Rhône, M. Lugeon a signalé dans le massif de Tréveneusaz des plis déversés vers l’est, par consé- quent vers la vallée du Rhône, en sens inverse des plis de la rive droite. La vallée du Rhône corres- pond par conséquent, entre Aigle et Bex, à un syn- clinal transversal vers lequel sont déversés les plis des deux rives'. M. Lugeon à démontré que, en aval d’Aigle, la vallée du Rhône correspondait éga- lement à un accident transversal, mais cet accident n'est plus de même nature : les plis extérieurs des Préalpes se raccordent très bien d’une rive à l’autre. mais en traversant la vallée leurs axes subissent un abaissement qui a sans doute déterminé l'emplace- ment de la vallée et qui se traduit par le rebrous- sement de la direction des chainons mentionné plus haut. Quelle que soit l'hypothèse à laquelle on s'arrête pour expliquer les particularités teetoniques et stra- tigraphiques des Préalpes, la disposition de cette 5 Ù P région en éventail composé imbriqué ne saurait M. Lugeon attribue le plissement, transversal aux Alpes, du massif de Tréveneusaz à la nappe de recouvrement de la Brèche, dont le poids énorme aurait empêché les plis des Préalpes de se développer normalement; ce serait aussi la ième cause qui aurait déterminé le déversement des plis du val d'Illiez vers l'intérieur des Alpes. : être contestée; M. Lugeon n'est pas en droit de considérer comme apparente, car, même si les Préalpes étaient réellementune masse en recouvre= ment plissée ultérieurement, l'éventail serait secon® daire, mais il n’en existerait pas moins réellement La constatation de la disposilion en éventail imbri qué suffit à elle seule pour enlever toute valeur aux arguments que l’on fait valoir en faveur de la théo= rie du recouvrement et qui sont tirés du chevau= chement des terrains les plus anciens sur les pl récents et des terrains du bord des Préalpes sur les plis des Hautes-Alpes. La « loi des Préalpes » perd tout caractère démonstratif; elle exprime simple ment une constatation que l’on peut faire avec I même netteté dans la Haute-Provence occidentale et méridionale, où il ne peut être question de charriages lointains : les plis-failles et par suite les chevauchements se produisent le plus souvent aun niveau du Trias, que ses caractères lithologiques (présence de gypses, de cargneules, d’argilolithes) prédestinent à ce rôle. III Nous pouvons maintenant passer en revue les arguments principaux que M. Lugeon invoque en faveur de la théorie du recouvrement; ils sont em- pruntés à des faits observés d’une part dans le val d'Illiez, d'autre part sur la rive droite de l’Arve. Un argument important est tiré de la présence de la Mollasse rouge aquitanienne dans le val d'Il- liez, c'est-à-dire en arrière de la zone que M. Lugeon appelle les Préalpes médianes. À part un léger mélamorphisme, cette Mollasse est identique à celle que l’on rencontre sur le bord externe des Préalpes, au Bouveret et à Vevey; elle fait partie de la série des terrains des Hautes-Chaïnes, dont elle épouse les plis. Plusieurs hypothèses peuvent être invo- quées pour expliquer sa présence en arrière des Préalpes : 1° elle se serait déposée dans un lac séparé des autres affleurements ; 2° elle auraitrecou- vert primitivement toutes les Préalpes et ce serait par suite de la dénudation de l’espace intermé- diaire que les lambeaux du val d’Illiez et du Bouve- ret sont actuellement séparés; 3° un fjord aquita- nien aurait existé sur l'emplacement de la vallée du Rhône et aurait pénétré jusqu'au val d'Illiez. M. Lu- geon rejelte ces lrois hypothèses, la première avec raison, la troisième probablement à tort, pour en adopter une quatrième qui suppose la Mollasse rouge du Bouveret et celle du val d'Illiez en conti- nuité souterraine sous les Préalpes, et considère les Préalpes comme reposant en recouvrement sur la Mollasse. Dans cette hypothèse, le charriage horizontal de l'ensemble des Préalpes aurait eu lieu postérieurement au dépôt de l'Aquilanien; or ÉMILE HAUG — LE PROBLÈME DES PRÉALPES À les poudingues de Lavaux, qui, à Vevey, font suite … immédiatement à la Mollasse rouge, renferment - des galets de Lias, de Dogger, de Néocomien, - de couches rouges sénoniennes, empruntés aux Préalpes qui occupaient donc à l'époque aquita- - nienne leur position actuelle. M. Douxami à fait - remarquer avec beaucoup d’à-propos qu'il y avait là une objection très sérieuse à l'hypothèse suivant | laquelle la Mollasse rouge se continuerait sous les Préalpes. Cette hypothèse est d’ailleurs en contra- - diclion absolue avec l'idée que M. Schardt et M. Lu- geon ont émise au sujet de l’âge du charriage hori- zontal des Préalpes; d'après ces auteurs le vaste pli couché auquel serait dû le recouvrement date- rait de l'époque du Flysch, c'est-à-dire d’une époque antérieure à l'Aquitanien; il se serait formé au fond de la mer dans laquelle ce Flysch se déposait, che- minant vers le nord pendant que le Flysch conti- nuait à se déposer'. Sile pli couché date du Flysch, c'est-à-dire de l'Oligocène inférieur, c'est qu'il ne peut évidemment pas reposer en recouvrement sur la Mollasse rouge, c'est-à-dire sur de l'Oligocène supérieur ; ainsi tombe l'argument tiré de la pré- sence de la Mollasse rouge dans le val d'Illiez. Que cette Mollasse ait recouvert primilivement loutes les Préalpes ou qu'elle se soit déposée dans un fjord, — ce qui est plus vraisemblable, étant donné que la vallée du Rhône entre le Bouveret et Marti- gny correspond à un accident transversal, — la pro- ximité de la Mollasse rouge du val d'Illiez et de celle du Bouveret s'explique fort bien dans la Lhéo- rie de l'éventail composé; elle montre que si les Préalpes ont actuellement une largeur maximum de 40 kilomètres, correspondant à une largeur pri- mitive d'au moins 90 kilomètres, en profondeur cetle largeur est réduile à 12 kilomètres dans la vallée du Rhône, tant par suite du rebroussement qu'y subissent les plis extérieurs des Préalpes que par suite de l’étranglement en profondeur de la base de l'éventail. Un tel étranglement n'a rien d'insolite et se retrouve dans d’autres régions. Une deuxième série d'arguments invoqués par M. Lugeon en faveur de l'hypothèse du recouvre- ment est empruntée à l’élude du bord méridional des Préalpes, sur la rive droite de l’Arve. Les plis des Préalpes viennent se grouper vers le sud en deux faisceaux, le plus occidental constituant les collines du Faucigny et le Môle, près Bonneville, le plus oriental formant la Pointe d'Orchez. Les collines du Faucigny représentent la terminaison méridionale des plis extérieurs des Préalpes; ces plis, isoclinaux et déversés vers l’ouest, sont diri- * Dans sa marche sous-marine le pli couché aurait entraîné des fragments de roches éruptives qu'il rencontrait sur son chemin et qui se trouvent maintenant englobées dans le llysch. 703 gés à peu près nord-sud; ils s'arrêtent brusque- ment, en alleignant la vallée de l'Arve, au-dessus d'un soubassement de Mollasse et ne se continuent pas vers le sud. D'après M. Marcel Bertrand, ils plongeraient sous la Mollasse, qui les recouvrirait en discordance ; d’après M. Lugeon, par contre, ils reposeraient sur la Mollasse et en seraient séparés par un plan de chevauchement que l'on retrouve- rail également dans le soubassement du Môle et qui couperait obliquement par leur base tous ces plis extérieurs des Préalpes. En admettant que ce plan de chevauchement existe réellement, on pour- rait admeltre qu'il n’a qu'une importance locale et qu'il ne s'étend pas en profondeur vers le nord; il serait dû à une poussée nord-sud déterminée par la résistance que les plis des Préalpes auraient opposée au refoulement des Hautes-Chaines cal- caires de la rive gauche de l'Arve‘ vers le nord. Les coupes du massif de la Pointe d'Orchez (Big. 1, Or.) publiées par M. Lugeon, dans les- quelles on voit le Flysch des Hautes-Chaïnes cal- caires de Savoie s'adosser au plus oriental des plis du massif, ne parlent pas précisément en fa- veur d’un chevauchement de ce massif sur les plis des Hautes-Chaïnes calcaires. Quant aux lambeaux de recouvrement qui reposent sur le Flysch à l’est de la Pointe d'Orchez, s'ils font partie des Pré- alpes, ils peuvent tout au plus fournir l'indice d'une poussée du massif d'Orchez vers l’est, anté- rieure aux derniers plissements, mais leur exis- tence ne saurait constituer un argument péremp- toire en faveur de l'hypothèse du charriage et de l'origine lointaine des Préalpes. IE\ Si, dans la discussion précédente, nous avons entièrement laissé de côté le massif de la Brèche du Chablais, qui, dans l'hypothèse de M. Lugeon, formerait une nappe de recouvrement superposée à celle des Préalpes, c’est que la question de l'ori- gine de la Brèche peut être séparée de celle de l'origine des Préalpes; on peut parfaitement conce- voir que ces dernières soient en place et que la 4 Dans tous les cas, il est difficile, voire même impos- sible, d'envisager le pli des Voirons et des Pléiades, le plus extérieur des plis des Préalpes, comme étant entièrement privé de racine; toutes les coupes publiées, ainsi que les contours de la carte géologique détaillée, montrent que les Voirons ne sont autre chose qu'un anticlinal très régulier, simple ou double, faisant affleurer le Jurassique supérieur et le Néocomien au milieu d'une bande de Flysch; aussi M. Schardt séparait-il primitivement les Voirons et les Pléiades de la nappe charriée des Préalpes et considérait-il ce pli extérieur comme en place. Mais M. Kilian a fait remarquer avec raison que si les Voirons sont en place, les plis plus intérieurs des Préalpes le sont également, car les faciès du Néocomien et du Juras- sique y sont les mêmes, 70% ÉMILE HAUG — LE PROBLÈME DES PRÉALPES Brèche soit charriée, et c'est là l'hypothèse à la- quelle se sont arrêtés M. Marcel Bertrand et M. Kilian en 4893. Voyons si les observations de M. Lugeon autorisent cetle manière de voir. Le massif de la Brèche chevauche sur les régions avoisinantes sur tout son pourtour, ceci ne saurait faire aucun doute, mais il ne résulte pas encore de cette constatation que le massif soit sans racine; une grande partie des coupes données par M. Lu- geon semble indiquer au contraire que la ligne de contact anormal séparant la Brèche de son sou- bassement est un simple pli-faille, et que le massif, en apparence exotique, fait corps avec le reste des Préalpes. Cependant les vallées qui ont entamé le massif à une profondeur suffisante permettent d'établir que, au moins jusqu'à une certaine dis- lance du bord, les plis des Préalpes passent sous la Brèche, et il n’est plus permis de douter que toute l'extrémité nord-est du massif de la Brèche repose réellement sur le massif de Tréveneusaz. On peut se demander si, malgré cela, la Brèche n’a pas racine en profondeur au moins dans sa partie centrale; si elle n’affecte pas une disposition en champignon, comme M. Lugeon l'avait cru autre- fois. Dans ce cas, le massif devrait être limité sur tout son pourtour par un pli périphérique fermé ; or il existe bien un pli frontal sur le bord nord- ouest et l'on peut envisager le renversement que l’on observe près de la Chaux, au sommet dit « Sur la Pointe », dans le val d’Illiez, comme l'indice d’un pli du bord opposé, déversé en sens contraire ; mais il n'existe aucune trace de plis marginaux déversés vers le nord-est et vers le sud-est, bien que les plis des Préalpes proprement dites parais- sent bien affecter une disposition concentrique par rapport au bord du massif de la Brèche. L'hypo- thèse du champignon, si elle n’est pas entièrement inadmissible, est donc au moins très invraisem- blable et l'on peut admettre, avec M. Lugeon, que le massif de la Brèche est actuellement sans ra- cines. Quant à l’origine du pli couché qui aurait douné naissance à cet énorme lambeau de recou- vrement et dont le pli frontal constituerait la char- nière anticlinale, on est loin de pouvoir l'indiquer avec certitude. Plusieurs auteurs ont émis l'opinion que la racine du pli devait se trouver dans la zone du Briançon- nais!, c'est-à-dire en arrière du Mont-Blane; ils ont été frappés de la grande analogie qui existe entre les brèches liasiques du Chablais et la brèche dite du Télégraphe, que l’on suit maintenant depuis la Haute-Ubaye jusqu'à Courmayeur. Si cette hypo- thèse est admissible pour expliquer la provenance du massif de la Brèche du Chablais, elle ne l'est plus lorsqu'il s’agit de l'appliquer aux brèches de la Hornfluh, sur la rive droite du Rhône. Ici il ne peut plus être question de chercher la racine du pli dans la zone du Briançonnais, puisque ce sont les Hautes-Chaînes calcaires suisses qui constituent le prolongement de cette zone au nord du Rhône, et que dans ces chaînes on n'a jamais trouvé de brè- ches comparables à celles du Chablais et de la Hornfluh. Mais l'étude même des caractères stra- tigraphiques de la Brèche à laquelle est consacré. un chapitre fort intéressant du livre de M. Lugeon, montre qu'il est inutile de chercher pour la racine une origine aussi lointaine du pli couché. La grande masse en recouvrement de la Brèche du Chablais est constituée parles terrains suivants : à la base, si l’on fait abstraction de quelques petits lambeaux de Permien et de Houiller, le Trias, dont la présence est lrès constante ; le Rhétien et le Lias inférieur (localement); une puissante masse de schistes inférieurs avec bancs de brèches intercalés (Lias supérieur et Dogger), qui dominent souvent à la parlie supérieure; la série très constante des schistes ardoisiers (Oxfordiens); une brèche supé- rieure (Jurassique supérieur), qui supporte le Flysch. M. Lugeon pense avec raison que le Flysch, avec les couches rouges sénoniennes et les blocs immenses de roches éruptives anciennes qu'il en- globe, ne fait pas partie du pli couché, mais que lors du plissement il a été poussé en masse sur le flanc normal du pli en entrainant ces roches exo- tiques. Les schistes inférieurs, par leur puissance énorme et par leurs caractères lithologiques, rap- pellent tout à fait le Lias schisteux à faciès dau- phinois ; comme lui, ils se sont déposés dans un géosynelinal en voie d’approfondissement; les bancs de Brèche qu'ils renferment ne peuvent s'expliquer que par des coulées sous-marines dé- tritiques, descendant, sous la simple action de la pesanteur, du rivage vers les plus grandes profon- deurs !. Les éléments anguleux de grandeur varia- ble sont constitués par du Trias et par du Lias; ils augmentent de grosseur et d'abondance lorsque l’on se dirige vers le nord-ouest; de plus, sur le bord nord-ouest du massif, les schistes et la brèche inférieurs font défaut et les schistes ardoisiers moyens reposent directement sur le Trias. On doit induire de ces faits, avec M. Lugeon, que la côte qui alimentait la Brèche inférieure se trouvait au nord-ouest du massif; or ce n’est que dans la zone axiale des Préalpes que l'absence complète du Lias et le caractère bréchoïde du Dogger à Mytilus permettent de conclure à l'existence d’une terre ‘ On désigne d'ordinaire sous le nom de « zone du Brian- connais » un faisceau de plis alpins qui passe en arrière de la zone du Mont-Blanc. 1 La théorie émise par M. Virgilio pour les cong'omérats de la colline de Turin s'applique très bien à la Brèche du Chablais. Voir notre Revue annuelle de Géologie, 1895. Lure mx 2 anti à . D' CH. RÉPIN — LA CULTURE DU CHAMPIGNON DE COUCHE 105 émergée, qui, pendant les périodes jurassiques in- . férieure et moyenne, a pu servir de rivage à une mer située plus àu sud-est, dans laquelle se serait dépo- sée la Brèche. Les mêmes conditions se retrouvent sur la rive droite du Rhône, et peuvent expliquer l'origine de la Brèche de la Hornfluh. Ni cette der- nière, ni celle du Chablais ne seraient donc de pro- venance lointaine. L'hypothèse qui les fait venir de la zone du Brianconnais doit, en particulier, être écarlée, car aux impossibilités tectoniques men- tionnées plus haut, vient encore se joindre une difficulté stratigraphique : les brèches de la zone du Briançonnais sont liasiques et nummulitiques ; on n'y connait pas de brèches du Jurassique moyen et du Jurassique supérieur, et l’on n'y connait non plus de schistes comparables aux schistes ardoi- siers de la région de la Brèche du Chablais. Ce sont des objeclions de même ordre que l’on “peut opposer à une hypothèse qui ferait venir de la zone du Briançonnais, par un grand charriage, l'ensemble de la zone des Préalpes.Il est vrai que le Carbonifère, le Trias (calcaire à Gyroporelles), le Jurassique supérieur, les brèches nummulitiques des deux régions présentent de grandes analogies, mais il existe d'autre part, dans les Préalpes, toute une série de terrains que l’on n’a jamais trouvés en faciès semblables dans là zone du Briançonnais : le Lias, le Dogger à Cancellophycus, les couches à Mytilus, le Néocomien à Céphalopodes, les couches rouges sénoniennes. On ne peut encore moins songer à faire venir, avec M. Lugeon, la nappe charriée des Préalpes de ré- gions plus intérieures encore des Alpes occidenta- les, car en arrrière de la zone stratigraphique du Brianconnais, où le Lias a des caractères plus ou moins littoraux, on rencontre celle des Schistes lustrés, dans laquelle le Lias présente un faciès vaseux analogue au faciès dauphinois, mais qui ne rapelle en rien le faciès chablaisien. Après avoir montré l'insuffisance des preuves que l’on a fait valoir en faveur de la théorie du charriage des Préalpes, nous conclurons que cette théorie se heurte à des impossibilités stratigraphi- ques, tandis que celle du géanticlinal préalpin et de l'éventail composé imbriqué peut, au contraire, parfaitement rendre compte aussi bien des parti- cularités stratigraphiques que des particularités teetoniques de la zone du Chablais. Émile Haug, Maître de conférences de Géologie à la Faculté des Sciences de l'Université de Paris. LA CULTURE DU CHAMPIGNON DE COUCHE Quand on parcourt la banlieue de Paris, parti- culièrement les plaines qui s'étendent au sud et à l'ouest de la Capitale, le regard est à chaque instant attiré par des constructions en bois d'aspect assez bizarre, sortes de tours carrées qui surgissent du sol dans les emplacements les plus imprévus, au milieu des terrains vagues, des champs cultivés, des jardins et jusque sur les glacis des fortifica- tions. Parfois, un nuage de fumée s'échappe de leur sommet, excitant encore la curiosité du pas- sant, qui se demande d'où peut provenir cette fumée. En réalité, ces mystérieux appareils ne sont autre chose que des cheminées d'appel destinées à faciliter la ventilation des immenses carrières sou- terraines consacrées à la culture du Champignon de couche, une industrie peu connue, mais qui mérite de l'être, tant à cause de sa réelle impor- tance économique — la valeur de ses produits, pour la seule banlieue de Paris, se chiffre par plu- sieurs millions annuellement — qu'en raison de l'intérêt qu'elle présente pour le biologiste, C'est, en effet, à l'heure actuelle, une des grosses lacunes de la Biologie végétale, que l'ignorance REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897. totale où nous sommes des moyens de nutrition des Champignons supérieurs, notammment de l’ordre enlier des Basidiomycètes et de celui des Disco- mycètes. I] est bien elair que ces végétaux sans chloro- phylle doivent, lorsqu'ils ne mènent pas une exis- lence parasitaire ou symbiolique, trouver l'éner- gie nécessaire à l'édification de leurs tissus dans la. destruction de certaines combinaisons organiques. Mais c’est ici précisément que commence l’obseu- rité. Pas une des matières, hydrocarbônées ou azotées qui servent à la nutrition des Mucédinées et des autres Champignons inférieurs, n’est assi- milable pour les espèces dont nous parlons. Nous ne savons, par conséquent, culliver, au sens scien- tifique du mot, aucun Champignon supérieur. Brefeld, il est vrai, à obtenu le développement ÿn vilro de Coprinus stercorarius sur du crottin, el Hartig celui d'Agaricus melleus sur des racines de prunier. Mais ces savants, en réalité, n'ont guère fait autre chose que de transporter dans le labo- ratoire les pratiques empiriques par lesquelles on provoque en Italie la pousse de l'Agaricüs caudi- cinus sur les rameaux morts du peuplier noir, ou 1e 706 D' CH. RÉPIN — LA CULTURE DU CHAMPIGNON DE COUCHE celle du Polyporus avellanus sur les branches de noiselier flambées au feu. Ce qui serait particuliè- rement intéressant, ce serait de savoir pourquoi ces habitats spéciaux conviennent aux Chambpi- gnons que nous venons de nommer et de repro- duire, dans un milieu purement artificiel, les condilions chimiques de leur développement normal. C'est le but que je vise depuis plusieurs années, dans une série de recherches expérimentales qui dE ne crie PR S'ures rl EST DA 7: ES Cl lanart 2 © » # L > Porter siGue Z &Llsswr a * Aunays | i x, o *aerersg { Champignonnierss LI | Echelle en Kilometres ee —— —_——— o 1 : 3 * $ L Zz 4 » I. — PROCÉDÉS DE CULTURE EN USAGE. L'Agaric champêtre est, avec les Coprins, le plus éclectique de tous les Champignons supérieurs quant au choix de son habitat. Il manifeste tou- tefois une prédilection marquée pour le fumier à demi décomposé et rencontre par conséquent fré- quemment, dans les jardins, un milieu à sa conve- nance. Là est évidemment l’origine de la culture dont nous nous occupons. Une couche à melons 14 Vincennes 20m “ wnÿ Fig. 1. — Carle des environs de Paris, montrant l'emplacement des champignonnières. ont principalement porté sur le Champignon de couche. L'Agaricus, où plutôt, selon la nomencla- Lure moderne, le Psalliota campestris, se prête, en effet, particulièrement bien à un travail de ce genre à cause de la facilité avec laquelle il proli- fère sur le fumier et de la rapidité relative de son évolulion. Les résultats que j'ai obtenus jusqu'ici, bien qu'incomplets, sont cependant de nature à éclairer el à améliorer sur plusieurs points la pratique des champignonnistes, et c’est ce qui m'engage à les faire connaître dès maintenant. Mais d'abord exposons rapidement la technique de cette culture, fut son berceau. Quel jardinier de génie — le mot n'est peut-être pas trop fort — eut l’idée de prélever du blanc dans l’une de ces couches, où les cham- pignons avaient apparu spontanément, pour l’en- fouir dans une couche neuve avec l'espoir d'y faire, grâce à celle semence d’un genre particulier, une nouvelle récolte ? Le nom de cet initiateur nenous a pas été transmis, mais, ce qu'il y a de certain, c’est que la culture du Champignon de couche a pris naissance en France dans la seconde moitié du siècle dernier. Ce ne fut d’abord qu'une branche très accessoire de la culture maraïchère, pratiquée seulement au printemps et à l'automne. Au com- mencement de ce siècle, un horticulteur, du nom D' CH. RÉPIN — LA CULTURE DU CHAMPIGNON DE COUCHE de Chambry, imagina de cultiver des Champignons dans les carrières souterraines, où se rencontrent les conditions constantes de température et d'hu- midilé que recherchent toutes les Cryptogames. Ayant réussi à créer ainsi une exploitation fort luerative, il trouva de nombreux imilateurs, qui eurent vile fait d'occuper tous les vides laissés dis- ponibles par l'extraction de la pierre. Aujourd'hui encore, l'industrie du Champignon de couche, bien que fort répandue en France et à l'Etranger, a son centre principal dans nos carrières suburbaines. 707 le-Sec et Villetaneuse (fig. 1). Enfin, à mesure que les moyens de transport devenaient plus puissants, l'exploitation des carrières s'éloignail davantage de Paris pour se localiser dans la vallée de l'Oise, près de Méru et aux environs de Creil. Les carrières sont creusées dans le calcaire gros- sier, quelques-unes dans la craie blanche comme à Meudon, ou dans le gypse comme à Argenteuil. Les plus anciennes ne sont guère qu'un dédale de galeries étroites et homme a souvent peine à circuler debout; mais les basses dans lesquelles un 12 Fig. 2. — Cueillette des Champignons Ces carrières étaient autrefois réparties presque exclusivement sur la rive gauche de la Seine, dans le seeleur qui s'étend de Meudon à Ivry-sur-Seine, comprenant le territoire des communes de Vanves, Clamart, Châtillon, Montrouge, Bagneux, Arcueil et Gentilly. De là elles étendaient leurs ramifica- lions sous Paris même, jusqu’au quartier du Val- de-Grâce, où les Parisiens les connaissent bien sous le nom de Calacombes. À une époque plus récente, on creusa d'autres excavations non moins vasles sous la plaine qui s'étend du Mont-Valérien à Saint-Germain-en-Laye el Argenteuil, autour de Nanterre, Houilles, Carrières-Saint-Denis et Mon- tesson. On: peut encore ciler les groupes moins imporlauts de Maisons-Alfort, Romainville, Noisy- vue prise dans une carrière à Monlesson). modernes prennent les proportions de hautes et spacieuses nefs, étayées sur de puissants piliers taillés à même le banc calcaire, et dont l'aspect ne manque ni de piltoresque, ni même de gran- deur (fig. 2). L'approprialion d'une carrière en vue de la cul- ture du Champignon est fort simple. Le champi- gnonnisle assure l'aération, si les carriers ne l'ont déjà fait, en perçant en bonne place quelques cheminées d'appel; il creuse un puits, afin de trouver sur place l'eau que son exploitalion exige en abondance : puis, si la carrière est trop sèche,. il recouvre le sol d’une couche de sable caleaire. mouillée et battue, destinée à servir de réservoir, d'humidité. 108 D' CH. RÉPIN — LA CULTURE DU CHAMPIGNON DE COUCHE Remontons maintenant à l'air libre pour suivre la manipulation du fumier qui fournira le milieu de culture. Le plus près possible de la bouche de sa carrière, le champignonniste établit une aire modérément inclinée, afin de permettre l’écoule- ment des eaux. Cet emplacement est destiné à rece- voir le fumier, que le champignonniste doit pouvoir se procurer par grandes quantités à la fois, ce qui explique pourquoi l'exploitation industrielle du Champignon de couche ne peut guère être entre- prise qu'à proximité des villes. La qualité du fumier est d’une importance capitale. Le seul qui convienne est le fumier de cheval, et encore existe-t-il des différences considérables entre les fumiers de diverses provenances. Plus le fumier est riche en crotlin et en urine, meilleur il est. Le fumier des écuries de luxe ne vaut rien, parce qu'il ne reste pas assez longtemps sous les chevaux. Le plus recherché de tous est le fumier des chevaux de trait, fournissant une grande somme de travail musculaire et recevant une ali- mentation très azotée; l'urine de ces chevaux est, en effet, plus chargée d'urée et d'acide hippurique. Certains changements dans la ration des animaux se traduisent tout aussitôt par des modifications dans la qualité du fumier, qui sont parfois désas- treuses pour le champignonniste : tel est le cas des chevaux qui sont nourris avec des carottes, de ceux qui sont soumis à des purgations répétées, etc. Je donne tous ces détails parce que nous en aurons plus loin l’explication. Le fumier rassemblé, on le délite à la fourche, pour bien mélanger le erottin, la paille sèche et la paille imprégnée d'urine; on l’arrose, puis on l'en- tasse méthodiquement, de manière à constituer de grandes formes qui portent le nom de planchers. Les dimensions que l’on donne aux planchers sont très variables. Il y en a qui renferment jusqu'à 500 et 4.000 mètres cubes de fumier. Pour oblenir de bons résultats, il est nécessaire d'opérer au moins sur une vinglaine de mètres cubes, et même les champignonnistes ne font guère de planchers de moins d’une centaine de mètres. Seule la hau- teur -dér ces’ planchers est uniforme; elle est de 1",20 environ: Seus une plus faible épaisseur, le fumier ne s'échawfferait pas assez; sous une plus grande, les parties centrales de la masse s’échauf- feraient au contraire trop rapidement, se dessé- cheraient et la fermentation s'arrêterait. Aussitôt entassé et foulé, le famier entre en fer- mentation. La température, au centre du plancher, s'élève en peu de jours jusqu’à 80 et 90° centigrades. Au bout de huit jours, on retourne le plancher, en ayant soin de lui restituer l’eau qu'il a perdue par évaporalion et de rentrer en dedans les parties qui se trouvaient en dehors, afin qu'elles fermentent à leur tour. Il faut trois semaines et trois retour- nages successifs pour que le fumier soit à point. IL présente alors un aspect caractéristique. La paille, nullement noircie comme celle des fumiers de ferme, a pris une teinte d’un brun fauve uniforme; chaque tige se retrouve distincte et intacte, à part la trituration mécanique qu'elle a subie; cependant, si on l'examine de plus près, on constate qu’elle a complètement perdu sa raideur ainsi que sa résis- tance à la traction, et, si on la roule un instant entre les doigts, elle se résout en un faisceau de filasse, absolument comme le chanvre ou le lin au sortir du rouissoir. L'odeur de ce fumier est éga- lement toute spéciale, rappelant un peu celle du Champignon de couche lui-même. À ce moment, il ne représente pas beaucoup plus de la moitié de son volume primitif et il doit renfermer juste assez d'eau pour que, pressé vigoureusement dans la main, il la mouille sans en laisser couler une goutte. On le descend dans la carrière, où les ouvriers monteurs le reçoivent et le mettent en meules. Ces meules sont des cordons prismatiques, aussi régu- liers que possible, fortement tassés et soigneuse- ment peignés, qui courent sans interruption le long des galeries, ou bien, lorsque l’espace le per- met, s’alignent côte à côte comme les sillons d'un champ. L'expérience a enseigné que ces meules doivent avoir 40 centimètres de largeur à la baseet autant de hauteur. Ces dimensions permettent au fumier de s'échauffer de nouveau légèrement et d'atteindre une température de 15 à 20° sans la dépasser. Le moment est alors venu de larder, c'est-à-dire d'insérer dans les meules les parcelles de fumier chargées de mycélium, ou mises, qui font l'office de boutures. Les mises sont disposées en quinconce, sur chaque versant de la meule, complétement engagées dans le fumier, que l’on foule légèrement par dessus pour rendre le contact plus intime. Pourvu que le lardage ait été fait en temps oppor- tun, c'est-à-dire au moment où le fumier est encore tiède et moite, le mycélium, dont la vie semblait suspendue, ne tarde pas à entrer de nouveau en activité. IL émet des filaments qui s'irradient dans toutes les directions et envahissent finalement la totalilé dela meule, dans un laps de temps variable suivant les conditions de caloricilé et d'hygrométri- cité, qui font à chaque carrière comme un climal particulier. La régulation de ces conditions, bien que facilitée par la profondeur des carrières, qui les préserve des variations brusques de la tempéralure extérieure, constitue la partie la plus délicate de l’art du champignonniste. La difficulté vient surtout de: l'énorme quantité d'oxygène qu'absorbe la respi-. D' CH. RÉPIN — LA CULTURE DU CHAMPIGNON DE COUCHE 709 Le ation des Champignons. Sous ce rapport, ces lantes ne peuvent êlre comparées qu'aux ani- maux; Wilson a constaté, par exemple, qu'un chapeau frais de ZLactarius piperatus exhale, en une heure et demie, 59 milligrammes d'acide carbonique. Lorsque l'air n’est pas suffisamment renouvelé, les Champignons sont arrêtés net dès le début de leur croissance; ils boudent, disent les champignonnistes. D'où la nécessité d'établir dans les carrières une ventilation énergique. D'un autre côté, il n’est pas moins indispensable à la prospérité des cultures de maintenir l'état hygro- - métrique de l'air aussi voisin que possible du point mène signifie que le mycélium, arrivant dans un milieu qui n'est plus nutritif pour lui, se prépare à fructifier, suivant une loi très générale en biologie cryptogamique, et que, suivant une autre règle non moins constante, le protoplasme primilivement réparti dans tout l'appareil végélalif émigre et s’accumule dans les points où vont se former les carpophores. C'est, en effet, ainsi que les choses se passent sur les meules. Dès que les filaments mycéliens ont pénétré dans la terre à gopter, ils s'agrégent en cordons, et ceux-ci, en arrivant à l'air, s'épanouissent en un bouquet de petits tuber- cules dont chacun représente l’ébauche d'un Cham- de saturation et d'éviter les écarts de température. | pignon (fig. 3). Le rôle de la terre à gopter est pure- Pour concilier ces exigences opposées, le champi- gnonniste n'a guère d'autre moyen d'action que le tirage des cheminées d'appel dont nous avons parlé: {antôt il active ce tirage en allumant du feu à la base des cheminées, tantôt il le modère par le jeu des portes et des cloisons disposées de place en place dans les galeries. La routine ne suffit pas pour faire un champignonniste habile: il faut encore des qualités nali- ves, de l’es- prit d'obser- vation, du ju- gement, de l’ingéniosité. Le mycé- lium, aban- donné à lui- même dans la meule, ne fructifierait que pauvrement. mation de Champignons, il est indispensable de recouvrir la surface de la meule d’une couche de terre calcaire ou de sable. Cette opération s'appelle le goptage. La nécessité du goptage résulte d’une propriété physiologique du mycélium, qui est bien mise en évidence par l'expérience suivante : Dans un grand bocal, on entasse successivement des lits de fumier et de lerre à gopter, puis on place une mise dans la der- nière couche de fumier. Le mycélium se dirige verticalement vers le fond du bocal, et on constate vant qu'il traverse le fumier ou la terre à gopter. Dans le fumier, il affecte l'aspect d'un feutrage dont les filaments très ténus forment une gaine plus dense autour de chaque brin de paille. Dans la terre, au contraire, il se ramasse en gros cor- dons cylindriques à peine ramifiés, et ceux-ci sem- blent pomper toute la sève des filaments, qui ne tardent pas à se flétrir et à se résorber; ce phéno- Fig. 3. — Coupe longitudinale d'un champignon de couche aux différentes phases de son développement. — 1. Le mycélium donne naissance à de petits corps globuleux; 2, deux taches opposées indiquent les futurs feuillets; 3, les feuillets acquièrent un plus grand développement: 4, le champignon est arrivé à son état définitif. Pour obtenir une abondante for- | ment physi- que et il est illusoire d'y ajouter, ainsi qu'on l'a sou- vent conseil- lé, du nitrate de potasse ou n'importe quel autre en- grais minéral, dont le Cham- pignon, je m'en Suis as- suré, ne peut tirer aucun parti. La pousse des Champi- gnons se pro- longe, sur la même meule, pendant deux à trois mois en moyenne. Elle ne se fait pas d'une façon continue, mais procède par volées, séparées par des inter- valles de non-production, pendant lesquels, sans doute, le mycélium puise dans le fumier de nou- veaux éléments nutritifs. On distingue dans le Champignon cullivé un assez grand nombre de variétés, qui peuvent se ramener à deux principales, l’une blanche et l’autre blonde, ainsi dénommées d’après la coloration du chapeau. Les Champignons d’un blanc pur obliennent tou- | jours sur les marchés des prix un peu plus élevés. alors qu'il change complètement de caractère sui- | Mais la classification la plus importante, au point de vue commercial, est celle que l’on pourrait baser sur les différences de poids ou, pour mieux dire, de densité des Champignons. Certaines variétés ont un pédicule mince, fistuleux, des Lissus spongieux, tandis que d'autres ont un pédicule volumineux et plein, une chair compacte. Il est clair que ces der- niers pèseront, à nombre et à volume égal, sen- siblement plus que les premiers. Or, comme les 710 D' CH, RÉPIN — LA CULTURE DU CHAMPIGNON DE COUCHE Champignons se vendent au poids, on voit que le bénéfice du champignonniste dépend, pour une assez large part, du mérite de la variété cultivée. Malheureusement, le bénéfice dépend aussi de plusieurs autres circonstances, qui font que la ré- colte est toujours incertaine et que la culture du Champignon de couche est l'une des plus aléatoires que l’on connaisse. Laissant de côté les difficultés d'ordre physique que le champignonniste, comme je l’ai déjà dit, doit surmonter presque chaque jour pour maintenir l'atmosphère de sa carrière propice au Champignon, je ne parlerai ici que des causes d’insuccès tenant à la mauvaise qualité du fumier, à la physiologie particulière du mycélium etenfin aux maladies, dont le Champignon n’est pas plus exempt qu'aucune autre plante cultivée. II. — ETUDE DE LA PRÉPARATION DU FUMIER. Deux points dominent loute la question : 4° le fumier n'acquiert ses propriétés nutritives pour l’Agaric que par la fermentation; 2 cette fermen- lation est différente de la fermentation banale du fumier de ferme; elle est spécifique. La fermentation est nécessaire, car si l’on prend du fumier frais, qu'on le stérilise et qu’on l'ense- mence avec des spores d'Agaric en voie de germi- nation, la plante n'accomplit jamais sur ce milieu son évolution complète : elle germe, elle émet des filaments mycéliens qui peuvent acquérir un nota- ble développement, mais elle ne fructifie pas. En un mot, elle se comporte comme les plantules qui vivent des réserves contenues dans la graine sans assimiler aucun aliment nouveau. Tous les Cham- pignons supérieurs dont j'ai pu faire germer les spores possèdent un semblable mycélium stérile qui, à la seule condition de trouver un substratum humide, peut vivre indéfiniment et se propager à de grandes distances de son point de départ, les parties les plus anciennes se résorbant à mesure que la tête avance; plusieurs Ascomycètes mêmes, parmi lesquels la Morille, peuvent donner dans ces conditions des formes conidiennes (Botrylis) qui se reproduisent ensuite sur les milieux sucrés et semblent définitivement fixées. Ces mycéliums ne doivent être considérés que comme une forme pro- visoire de la plante, lui permettant d'aller à la recherche du milieu spécial nécessaire à sa nutri- lion normale; les conclusions que l’on pourrait tirer de leur étude ne sont en aucun cas applicables aux formes fructifères correspondantes. Si le fumier frais et stérilisé n'offre pas à l'Aga- ric les conditions de sa vie normale, à. plus forte raison en est-il de même pour les milieux que l’on pourrait composer avec quelques-unes des parlies constituantes du fumier. Je passe donc sous silence les expériences dans lesquelles j'ai mis en œuvre isolément chacun des éléments multiples existant dans le fumier, même en quantité minime, comme les matières extrac tives de la paille et les composés organiques de l'urine des herbivores. Je ne rappellerai pas non plus les innombrables essais, effectués antérieure ment par d'autres expérimentateurs ou par moi- mème,en vue de composer des milieux à l’aide des sels minéraux ou des substances organiques que l'on sait assimilables pour les Champignons infé- rieurs etles microbes. Les résultats ontété cons- tamment négatifs. C'est seulement, je le répète, dans le fumier complet et fermenté que l’'Agaric trouve un terrain favorable. En fermentant, le fumier se peuple de microbes; il devient, suivant l'expression que l’on a appliquée au sol, un milieu vivant. Dès lors, une question préalable se pose : la présence de ces myriades de microbes ne serait-elle pas précisément la condition. essentielle du développement normal de l'Agarie? Entre l’une ou l'autre de ces espèces microbiennes, qui mobilisent, par la combuslion des matières hydrocarbonées de la paille, une si grande somme d'énergie, n'y aurait-il pas une association, une symbiose, comme il en existe entre beaucoup d'au- tres Champignons supérieurs et des végélaux à chlorophylle de tout ordre, arbres, plantes herba- cées, algues, etc.? Rien de plus simple que de juger cette hypo- thèse. Dans de grands bocaux fermés avec une feuille d’élain, nous foulons du fumier fait, jusqu'à ce qu'il remplisse les deux liers inférieurs du bocal, nous recouvrons la surface d’une couche de terre et nous stérilisons le tout, puis nous l’ensemencons à la partie inférieure avec des spores d’Agaric en germination, en prenant toutes les précautions voulues pour que la culture reste pure jusqu'au bout. Nous constatons ainsi que le mycélium, en l'absence de tout microbe vivant, se développe aussi bien que sur les meules des champignon- nistes, qu'il s'accroit manifestement en substance el qu'il fructifie au bout de quelques mois de végétation. L'hypothèse d'une symbiose proprement dite est donc écartée: si les microbes sont utiles à l'Agaric, ils ne le sont que par les produits éla- borés qu'ils mettent à sa disposilion. Nous sommes ainsi ramenés dans le domaine de la Chimie. On sait, depuis les travaux de MM. Dehérain, Gayon, Schlæsing et autres, que les transforma- tions qui se produisent dans les fumiers sont de deux ordres : les unes sont dues à des fermenta- tions microbiennes, les autres à la combustion chimique, qui ne manque jamais de se déclarer mis it nat nn ns y ds ns. se, Le" D' CH. RÉPIN — LA CULTURE DU CHAMPIGNON DE COUCHE 711 toutes les fois que des matières cellulosiques, dans un état suffisant de division et d'humidité (foin, tabac, elc.), sont accumulées sous un grand vo- lume. M. Schlæsing, en opérant parallèlement sur des lots de fumier stériles et non stériles, a déter- miné la part qui revient à ces deux ordres de phénomènes dans les conditions ordinaires de la fabrication du fumier. Il a montré que les fermen- tations microbiennes, les fermentations acides des matières solubles d'abord, la fermentation forménique de la cellulose ensuite, dominent à partir du troisième jour et aussi longtemps que la température n’atleint pas le voisinage de 80°. À 80°, les unes et les autres cessent complète- ment, laissant le champ libre à la combustion chi- mique, dont l'intensité croit, au contraire, avec | l'élévation de la température. Ces données nous permettent déjà de soupcon- ner que les microbes ne jouent pas le principal rôle dans la fabrication du fumier des champi- gnonnistes. En effet, c'est exclusivement dans l’in- térieur des planchers que se produit la transfor- malion spécifique de la paille; or, dans ces régions, la température se maintient entre 80° et {0° et les produits gazeux que j'y ai puisés n'ont jamais renfermé de gaz combustibles. Afin de pousser plus loin la démonstration, j'ai institué diverses séries d'expériences dans les- quelles j'ai fait agir la combustion chimique seule. Pour cela, j'enfermais, dans des sacs ou dans de grands bocaux, de la paille finement broyée à la meule et humectée, et j'enfouissais le tout au centre d'un « plancher » en pleine fermentation dont la température n'était pas inférieure à 85°. Au bout de vingt jours, les lots de paille qui n'avaient pas été aérés pendant cette période n'offraient pas de modification sensible; au con- traire, ceux que j'avais eu soin d’aérer à plusieurs reprises avaient perdu 25 à 30 °/, de leur poids, ils avaient pris une couleur brune et présentaient presque tous les caractères du meilleur fumier à Champignons. Ils n’en différaient que sur un point: les fragments de paille n'étaient pas désagrégés, ils avaient conservé leur cohésion et leur rigidité; il était évident que celte paille avait subi, au moins superficiellement, l'oxydalion chimique, mais que, la haute température à laquelle elle avait été continuellement exposée n'ayant pas per- mis aux ferments de la cellulose d'accomplir leur œuvre de destruction des matières pectiques, qui servent de ciment iniercellulaire, les effets de rouissage signalés plus haut n'avaient pu se pro- duire. Sur la paille ainsi préparée, je transplantai quelques flacons de mycélium d’Agaric; il y pros- péra parfaitement et fructifia comme sur le fumier ordinaire des champigronnistes, quoique moins abondamment, ce qui se comprend sans peine, puisque la transformalion de la paille avait été moins profonde. Afin de me rapprocher davantage des conditions de la pratique, j'additionnai quelques-uns de ces lots de paille d'une forte proportion d'ammoniaque ou de carbonate d'ammoniaque (5 à 10 ?°/,). Les résultats furent plus décisifs encore. La combus- tion fut plus rapide et plus profonde et la paille ainsi traitée se montra bien supérieure comme milieu nutritif pour l'Agaric. Je ne sais comment expliquer cette action favorisante de l'’ammoniaque sur l’oxydation de la paille, mais elle est extrème- ment marquée et suffit à elle seule à rendre compte de l’échauffement des planchers, sans qu'il soit nécessaire d'invoquer l'intervention des mi- crobes, même pour la mise en train du phénomène. Ainsi, j'ai constaté qu'un sac de paille broyée, humectée d'une solution ammoniacale et tassée fortement, s’échauffe, en 24 heures, de 30° à 40°. Avec des masses un peu plus considérables, on arrive très facilement à porter la température à 80°. IL est à noter que cette propriété n'appar- tient qu'à l'ammoniaque et au carbonate d’ammo- niaque : les sels neutres d’ammoniaque ne la pos- sèdent pas, non plus que les nitrates, ce qui exclut l'hypothèse que cette ammoniaque agirait en favo- risant la nutrition des microbes. Donc, en résumé, pour faire de la paille un mi- heu propre à la culture de l’Agarie champêtre, il suffit de lui faire subir un certain degré d’oxyda- tion chimique, résultat qui peut parfaitement être obtenu sans l'intervention des microbes, surtout si l’on prend soin, comme je l'ai fait dans mes expériences, de pulvériser la paille. Ceci nous donne la clé des pratiques suivies par les champignonnistes. La paille, brisée sous les pieds des chevaux, imbibée d'urine, en pleine fermenta- tion ammoniacale, maintenue par les arrosages à un degré constant d'humidité, entassée en masse compacte, aérée à nouveau, chaque fois que cela devient nécessaire, par le moyen des retournages, se présente dans les conditions les plus favorables qu'on puisse imaginer pour fournir un facile ali- ment à la combustion chimique et la porter rapi- dement à son maximum d'intensité. En fait, celle-ci s'empare des planchers presque aussitôt qu'ils sont construits, et, si l’échauffement ne va généra- lement pas au delà de 90°, c’est parce qu'à cetle température le phénomène se trouve enrayé par l'évaporalion rapide de l’eau et la dessiccation de la paille. Quand aux microbes, leur rôle se borne à favo- riser la combustion chimique, en élevant la tem- pérature dès les premières heures qui suivent - 742 l'établissement des planchers, mais surtout, et ceci s'applique principalement au ferment forménique, en disséquant la paille et en mettant à nu chacune des fibres qui composent le chaume. Le fumier, après la fermentation comme avant, reste, au point de vue chimique, un mélange d'une infinie complexité, dont l'analyse immédiate complète ne serait même pas possible dans l’état actuel de la science. Nous devrions donc provisoi- rement renoncer à en savoir davantage sur la nutrition du Champignon de couche, sans la cir- constance que voici. Si l’on prend du fumier à Champignons, que l’on en fasse un extrait aqueux à chaud ou à froid, ou mieux que l'on recueille le purin qui s'en écoule par expression, on constate que ces liquides ne possèdent aucune propriété nutritive pour le Champignon, même si on les incorpore à un substratum de consislance poreuse comme celle du fumier. D'un autre côté, le fumier, épuisé par l’eau, débarrassé de tous les produits solubles dont il était imprégné, n’a rien perdu de sa valeur nutritive : le Champignon y végète et fructifie normalement. Cetle expérience nous ap- prend que c’esl une substance insoluble dans l'eau qui est ulilisée par l'Agarice, et, dès lors, il est cer- tain que c'est parmi les matières cellulosiques que cette substance doit être cherchée. Cette nolion d’un aliment insoluble dans l’eau, sous sa forme primitive, n’est d’ailleurs pas chose nouvelle en Biologie végétale el spécialement en Biologie cryptogamique : il nous suffira de citer l'amidon, si voisin des celluloses par son origine et par ses propriétés. En ce qui concerne les celluloses elles-mêmes, nous possédons de nombreux faits qui prouvent que ces composés sont assimilables, non seule- ment pour les animaux herbivores, mais encore pour nombre de Cryptogames. Nous ignorons, il est vrai, quelles sont les conditions de cette assimi- labilité, si la cellulose a besoin d’être hydrolysée par une action indépendante du Champignon, s'il est nécessaire qu'elle soit transformée par oxyda- lion en oxycellulose, ou bien encore scindée en plusieurs fragments, parmi lesquels des sucres tels que les pentoses. Nous ne saurions done préciser le mécanisme par lequel le fumier frais devient du fumier à Champignons. La destruction de toutes les matières organiques solubles, qui disparaissent consommées par les bactéries, ou brüûlées par | l'oxydation, est certainement un facteur impor- tant, parce qu'elle écarte la concurrence des mi- crobes et des moisissures et stérilise le terrain au profit du seul Agaric. Mais il est aussi permis de croire que l'oxydation de la cellulose de la paille a pour résultat direct de la rendre beaucoup plus - assimilable pour l'Agaric. Je rappellerai, à ce D' CH. RÉPIN — LA CULTURE DU CHAMPIGNON DE COUCHE sujet, les travaux de MM. Cross, Bevan et Smith!, qui ont montré que les oxycelluloses, c’est-à-dire les celluloses ayant déjà subi un commencement d'oxydation, continuent à s'oxyder sous les in- fluences les plus légères, telles que le chauffage à 100°. Or, la grande consommation d'oxygène que fait l'Agaric, ainsi que le dégagement de chaleur, avec formation d'eau et d'acide carbonique, qui accompagnent sa végétation, témoignent suffisam- ment que la nutrition de cette Cryptogame repose avant tout sur un phénomène d’oxydalion. Ce qui est cerlain, en lout cas, c’est que, si l’on prépare un lot de paille pulvérisée, qu'on l’épuise complè- tement de toutes ses matières extractives par l’eau chaude et l’eau froide, l'alcool et l’éther, qu'on le slérilise, l'Agaric n'y fructifie pas, tandis quil prolifère abondamment sur la même paille après qu'elle a subi l'oxydation chimique. L'observation des faits naturels parle dans le même sens, car, s'il n’est pas rare de rencontrer le Psalliota cam- pestris sur des racines, des feuilles, de la sciure de bois à demi décomposées, et même sur de la pâte à papier longtemps abandonnée à l'humidité, en revanche on ne le trouve jamais sur du bois neuf. Il n'est pas téméraire de supposer que la majo- rité des Champignons supérieurs saprophytes vi- vent, comme l'Agaric, aux dépens de la cellulose. S'il en est réellement ainsi, on comprend pourquoi toutes les tentatives de culture de ces organismes ont échoué jusqu'à présent : c'est parce que l'on a constamment cherché à composer pour eux des milieux nutritifs avec les produits solubles extraits de leur substratum naturel, tandis que c’est à la partie insoluble de ce substratum qu'il eût fallu s'adresser. Je me hâte d'ajouter que, pour cultiver un Cham- pignon supérieur, il ne suffit pas de lui donner la cellulose qu'il préfère. IL faut encore, et c'est là que git la difficulté, la lui présenter sous une forme assimilable pour lui. S'il y a lieu de croire que, pour le Champignon de couche, une simple oxyda- tion suffit à modifier la cellulose dans le sens voulu, je possède, d'un autre côté, des faits qui donnent à penser que, pour d’autres Champignons supérieurs , transformations préparatoires qu’elle doit subir sont plus complexes et probable- ment réalisées par l'intervention des microbes. En tous cas, la complexité de la molécule de cel- lulose et le nombre infini des différentes celluloses existant dans lemonde végétal nous permet de com- prendre la spécialisation étroite qu'affectent beau- coup de Champignons supérieurs sous le rapport les 1 Les travaux visés sont exposés dans de très nombreuses communications à la Société chimique de Londres, à celle de Berlin, etc. M. L. Olivier en a rendu compte dans la Revue du 15 juillet 1895, p. 601, £. 4 D' CH. RÉPIN — LA CULTURE DU CHAMPIGNON DE COUCHE 713 de leur habitat et les affinités que l'on remarque entre certains de ces Champignons et telles espèces de Phanérogames dont les organes, morts ou vivants, semblent avoir le privilège de leur donner l'hospitalité. Dans cet ordre d'idées, on peut dire que les progrès de la biologie des Champignons supérieurs sont intimement liés à ceux dela chimie “des matières cellulosiques. … Jene voudrais pas m'attarder ici à des considé- -rations théoriques, mais je ne puis cependant -m'empêcher d'établir un rapprochement entre la nutrition ainsi comprise des Champignons supé- “rieurs saprophytes et celle des espèces du même groupe qui vivent en symbiose avec des plantes vertes. Cette symbiose, on le sait, a déjà été démon- trée dans un grand nombre de cas, et il est permis de supposer que presque tous les Basidiomycèles qui affectionnent le voisinage de certains arbres ont leur mycélium associé aux radicelles de ces arbres sous forme de mycorhyzes ‘. L'assimilation du carbone est donc réalisée, par les Champignons supérieurs, suivant deux procédés distincts : les uns s'associent avec des plantes vertes et partici- pent, en quelque sorte, au bénéfice de la fonction chlorophyllienne, les autres choisissent pour ali- ment certains composés hydrocarbonés, dont la combustion leur procure à la fois le carbone et l'énergie nécessaire pour fixer ce carbone. Or, c'est un fait curieux et bien propre à montrer la relation qui relie ces deux modes d'existence en apparence si divergents, le saprophytisme et le symbiotisme, que, dans certains cas, ils sont inter- changeables. La chose est du moins certaine pour le Psalliata campestris. J'ai constaté, en effet, que, dans les pâtures où ce Champignon se récolte en abondance, son mycélium est constamment asso- cié aux radicelles des Graminées, avec lesquelles il forme des mycorhyzes analogues à celles des Cupulifères. Ce mycélium, au lieu de prendre le développement que nous lui connaissons lorsqu'il végèle sur le fumier, est alors réduit à quelques filaments à peine perceptibles, qui tiennent la place des poils radiculaires, et l'on ne peut le reconnaitre que par son odeur caractéristique et par l'apparition, à l'automne, des carpophores, dont les dimensions paraissent hors de toute proportion avec celles de l'appareil végétatif. La preuve qu'il s'agit bien d'une symbiose, c'est que les touffes de Graminées qui portent ces my- corhyzes se distinguent entre toutes par la gran- deur et la teinte vert sombre de leurs feuilles : on les aperçoit de loin dans les prairies, où elles for- ment des cercles qui vont en s’élargissant chaque 1 Sur les Mycorhyzes, voyez le remarquable article de M. Vuillemin dans la Revue du 15 juin 1890, année, comme ceux du Marasmius oreades, une autre Agaricinée commensale des Graminées; la plante verte se ressent donc, à son tour, de son associalion avec le Champignon, et elle profite des aliments azotés élaborés par ce dernier, probable- ment par fixation de l'azote atmosphérique. En transportant avec précaution sur du fumier ces mycorhyzes d'Agaric champêtre, ou mieux en met- tant le fumier en contact prolongé avec les racines laissées en place, on obtient facilement l'acclima- tation du mycelium sur ce nouveau milieu. Voilà donc un Champignon qui supplée à l'absence de la fonction chlorophyllienne tantôt par le symbio- tisme et tantôt par le saprophytisme, et qui passe de l’ua à l’autre sans autre modification apparente que de développer beaucoup son appareil végétatif dans le second cas. Mais revenons au fumier des champignonnistes. De l’étude que nous venons de faire, il résulte que la caractéristique du bon fumier à champignons, c'est d'être le produit de l'oxydation chimique de la paille et non celui de la fermentation bacté- rienne. En effet, non seulement l’action des bacté- ries n’a pas pour résultal de rendre la cellulose qu'elles attaquent assimilable pour l’Agaric, mais encore leur présence en trop grande proportion est nuisible à cause des produits de putréfaction qu'elles fabriquent et qui sont éminemment toxi- ques pour l'Agaric. Les causes qui tendent à enrayer la combustion et à favoriser l'invasion des bactéries, ou, en d'autres termes, la pourriture des fumiers, sont au nombre de trois principales : l'excès d'humi- dité des fumiers, leur trop faible teneur en ammo- niaque, la présence de matières organiques putrescibles. L'eau, contenue à l’état libre dans les fumiers, dissout les matières extractives de la paille et se transforme en un véritable bouillon de culture, dans lequel pullulent bientôt les bactéries ; de plus, elle agit physiquement pour empêcher la mise en train de la combustion chimique, car, si l’on essaie de répéter avec de la paille, non plus simplement humectée, mais détrempée, les expériences d'échauf- fement spontané que j'ai relatées plus haut, ces expériences échouent constamment; c'est sans doute parce qu'elle obstrue les pores de la paille et la rend imperméable à l'air, que l'eau en excès entrave l’oxydalion. Il est done nécessaire de doser soigneusement l’eau que l’on répand sur les fu- miers; ce serait une erreur complète de croire que l’on obliendra le même résultat en les inondant à intervalles éloignés qu'en les arrosant fréquem- ment modéralion. Des accidents, malheu- reusement trop fréquents, sont d’ailleurs là pour prouver l'influence désastreuse d'un excès d’eau : avec D' CH. RÉPIN — LA CULTURE DU CHAMPIGNON DE COUCHE il est arrivé plusieurs fois, pendant certaines sai- sons très pluvieuses, que la totalité des planchers en cours de fabrication ont été perdus. L'ammoniaque, nous l'avons vu, est un puissant facteur de l’échauffement spontané des fumiers ; de plus sa présence, en forte proportion, favorise le ferment forménique au détriment des bactéries de la putréfaction, parce que ce ferment peut sup- porter un degré d’alcalinilé beaucoup plus élevé que la plupart des microbes. Pour celte double raison, les fumiers naturellement peu chargés d'urine et ceux qui ont été délavés par la pluie, s'échauffent difficilement el sont loujours plus ou moins sujets à pourrir. Un moyen assez pralique de remédier à la pauvreté des fumiers serait de les additionner de véritable guano du Pérou, riche en acide urique. Mais, depuis plusieurs années déjà, ce guano ne se trouve plus dans le commerce. D'un autre côté, l'emploi de l'ammoniaque en nature serait beaucoup trop onéreux pour que l'on puisse y songer. Je me suis donc demandé s'il ne serait pas possible d'y suppléer, dans une certaine me- sure,au moyen du carbonate de soude, qui n’a pas, il est vrai, comme l'ammoniaque, d'influence di- recte sur l'intensilé de la combustion chimique, mais peut, néanmoins, produire un effet ulile en amenant le fumier à un degré d’alcalinité suffisant pour gêner les bactéries de la putréfaction, et per- mettre au ferment forménique de prendre le des- sus. Ce traitement — que je n'ai eu jusqu'ici qu'une seule fois l’occasion d'essayer, — m'a donné des résultats si encourageants que je crois pou- voir le recommander aux champignonnistes, le cas échéant. Il est essentiel que le sel soit ajouté au moment même de la confection du plancher; plus tard, les bactéries auraient déjà accompli leur œuvre. [me resterait maintenant à parler des altérations secondaires qui peuvent survenir dans le fumier des meules, pendant la période de propagation du mycélium. Nous trouverions là l'explication de bien des échecs restés mystérieux pour les plus experts champignonnistes. Mais le sujet demande de nouvelles études, et il nous entraînerait d'ail- leurs au delà des limites de cel article. III. — ETUDE DE LA PHYSIOLOGIE DU « BLANC ». Le mycélium est l'appareil végétatif de la plante, dont le Champignon proprement dit représente le fruit. Ce mycélium ne se compose d'abord que de filaments simples, anastomosés sans ordre les uns avec les autres : c'est le blanc mousseux des cham- pignonnistes que nous pourrions appeler mycélium amorphe. Mais nous avons vu qu'au moment où la plante se prépare à la reproduction, les filaments mycéliens se réunissent pour former des cordon à cylindriques relativement volumineux. C'est là un premier acheminement vers une organisation plu élevée, plus compliquée, qui, par l'intermédiaire de rhizomorphes munis d'une couche corticale, qu l’on rencontre chez quelques autres Agaricinées conduit directement aux liges et aux racines de Cryptogames vasculaires et des Phanérogames. Le cellules entrant dans la constitution de ces cordons mycéliens sont donc des cellules qui ont déj atteint un certain degré de différenciation. Or, l'a sait qu'à mesure qu'une cellule végétale se diffé rencie davantage, elle devient moins apte à repro duire une nouvelle plante lorsqu'elle est détachée de l'individu dont elle faisait partie. Tandis qu le blanc amorphe pourrait propager indéfinimen l'Agaric sans que la race perdit rien de sa vigueur; le blanc en cordons, transplanté, ne donne, à chaque génération nouvelle, qu'une végélation plus maigre et une fructification plus pauvre. Dans la culture en caves, la différenciation du mycéliums marche très vite; il ne reste amorphe que dans ses parties les plus jeunes, c’est-à-dire dans une zone périphérique de quelques centimètres de largeur. C'est donc presque exclusivement avec du blanc déjà différencié en cordons que les chami= pignonnistes lardent leurs meules, d'autant mieux i que, pour pouvoir juger du mérite de la variété, 11SM ont l'habitude d'attendre, avant de lever le blane, l'apparition des premiers Champignons. | A cette première cause d’épuisement de la race s'en ajoute une autre. Dans les meules, le mycélium rencontre une température beaucoup plus élevée que celle du sol, son habitat naturel. Il s'y trouve même exposé à des coups de feu, c'est-à-dire à des élévations soudaines de température atteignant 30 à 35°. Or, les expériences que j'ai faites à ce sujet m'ont démontré qu'à partir de 30° le mycélium souffre et que, si cette température se prolonge pendant quelques jours, il sort de là définitivement M diminué dans sa vitalité, atténué, absolument comme les microbes pathogènes sont atlénuës par le chauffage. Les champignonnistes se rendent bien compte de cette influence pernicieuse de la chaleur, car ils ont pour principe de placer au dehors. en plein air, les meules consacrées à la production du blanc, ou tout au moins de ne lever du blanc que dans les caves les plus froides. Malgré ces précautions, l’Agaric cullivé accuse pe toujours une dégénérescence progressive, qui conduit à l’abaissement du taux des récoltes d'abord, puis à l'extinction des cultures. Lorsqu'il s’agit d'une plante à fleurs, épuisée par une série de bouturages successifs, l'horliculleur a la res- source du semis. Le champignonniste, lui, ne peut pas recourir à cette méthode radicale, parce qu'il L # D' CH. RÉPIN — LA CULTURE DU CHAMPIGNON DE COUCHE - ne possède pus le moyen d'obtenir la reproduction du Champignon en parlant de la spore. Force lui -est de se contenter de solutions bâtardes : il s’ef- - force de rajeunir son blanc par des cultures à basse températuré ; il l'échange avec celui de ses con- - frères, dans l'espoir que le changement de milieu - exercera une influence favorable ; surtout il tâche à de se procurer du blanc vierge, c’est-à-dire du blane poussé spontanément, d’une spore apportée là par hasard, dans les fumiers de ferme depuis long- temps en‘place:! s La recherche du blanc vierge est devenue une sorte d'industrie pour un certain nombre de pro- . fessionnels qui battent la campagne jusqu’à quinze ou vingtlieues’à'la ronde, retournant les fumiers, les vieilles couches à melons, etc., dans le but d'y découvrir quelque gisement. Ce blanc est cédé aux champignonnisles à un prix assez élevé, mais son plus grand défaut n’est pas de coûter cher, c'est de se montrer d'une efficacité fort variable. Il faut, en effet, compter non seulement avec la fraude, — très courante, — qui consiste à donner comme vierge du blanc usé, mais aussi avec la diversité des variétés et leur inégale valeur culturale, ce qui oblige le champignonniste à essayer parfois du blanc de huit ou dix provenances différentes avant d'en trouver un qui donne des résultats salisfai- sants. Tel qu'il est, le blanc vierge est resté jus- qu'ici l'unique source à laquelle le champignon- niste puisse s'adresser pour entretenir ses cullures, et l’on comprend, d'après ce qui précède, que la question du blanc constitue en quelque sorte le nœud vital de son industrie. L'idée d'obtenir du blane vierge par la germina- tion des spores devait se présenter à beaucoup d’esprits et, en effet, elle a été souvent émise, tant par des hommes du mélier que par des botanistes. Rien n’est plus facile que de se procurer les spores de l'Agaric. Il suffit de placer un Champignon à maturité au-dessus d'une feuille de papier pour recueillir, au bout de quelques jours, les spores tombées de l’hyménium, sous forme d'une pous- sière brune impalpable. La difficulté est de faire germer ces spores. Chevreul, parait-il, y était arrivé; du moins, le procédé qu'on lui a attribué est cerlainement susceptible de donner de bons résultats. Toutefois, il ne semble pas que ce pro- cédé ait été l’objet d'une application suivie. Ce n'est que tout récemment que l'étude de cette question a élé reprise, indépendamment et simul- tanément, par MM. Costantin et Matruchot, d'une part, et par l'auteur de cet article d’autre part. Il n’y a aucun mystère dans la germination des spores de l’Agaric. On peut l'obtenir sur n'importe lequel des milieux nutritifs usités en bactériologie, sur du sable mouillé, ou simplement dans l'air humide, aussi bien que-Sur du fumier. Sans doute, cette germination ne se produit pas avec la même spontanéilé el la même rapidité que celle des spores des Champignons inférieurs; il faut la solli- citer par quelques artifices, mais ce ne sont que des tours de main, variables suivant les opéra- teurs et qui s'acquièrent après quelques essais in- fructueux. Les spores qui doivent germer (et elles sont tou- jours en minorité) commencent par se gonfler et par prendre une coloration plus claire; puis elles émettent, par un de leurs pôles, un tube germina- tif très fin, mais qui s’élargit immédialement et se ramifie dans tous les sens par voie de bourgeonne- ment. Ainsi se trouve constituée une petite touffe mycélienne (fig. 4) qui ne demande pour s’éten- dre indéfiniment qu'un milieu favo- rable, tel que le fumier. Cette méthode très simple per- met d'obtenir du blanc vierge à vo- lonté. Elle est ap- pliquée industriel- lement, dans la fabrique de blanc de Champignon de semis que j'ai créée, comme sanclion de mes recherches, concurremment avec quelques autres perfectionnements qui ont lrans- formé la physionomie et la qualité du produit. A la pratique des meules, qui ne donne qu'un blanc peu homogène, expose aux coups de feu et favorise la formation des cordons, dont nous connaissons la signification fàcheuse au point de vue de la vitalité du blanc, j'ai substitué le procédé suivant. Le fumier est distribué en couches d’égale épaisseur, entre des tôles d'acier superposées et le tout est soumis, sous une forte presse, à une pression de 50 kilos par centimètre carré. En sortant de là, le fumier se trouve aggloméré en plaques de 1 centi- mètre d'épaisseur environ, presque aussi dures que le bois et par conséquent très maniables. Ces plaques sont ensemencées, puis placées dans les conditions les plus propices au développement du mycélium, en prenant surtout soin d'éviter toute élévation de température. La végétation du blanc est ainsi ralentie, mais sa vigueur et son activité, lorsqu'on le transporte dans la tiède atmosphère des carrières, s’en trouvent singulièrement accrues. - Lorsque les plaques de fumier sont totalement envahies par le mycélium, on les débite en pla- quettes de 8 centimètres de côté, dont chacune Fig. 4. — (Grerminalion des spores du Psalliota Campestris. (Grossiss - ment : 500 diam.). 716 D' CH. RÉPIN — LA CULTURE DU CHAMPIGNON DE COUCHE s représente une mise (fig. 5). Cette opération se fait très rapidement au moyen d'une machine à tran- cher spéciale. On regagne ainsi le surcroît de main- d'œuvre exigé par la confection des plaques et l’on obtient finalement un produit aussi économique et plus commode à l’usage que le blanc de meule des champignonnistes. Il est superflu de faire ressortir l'heureuse in- fluence que cette innovalion ne peutmanquer d’exer- cer sur l’industrie du Champignon de couche. Non seulement le problème du ravitaillement en blanc vierge, ce problème sans cesse renaissant, se trouve résolu une fois pour toutes, mais encore le champignonniste a désormais la faculté de choisir la variété qui réussit le mieux dans sa car- Fig. 5. — Plaquettes de blanc de champignon de semis. rière, tout en étant avantageuse comme rende- ment, car le blanc de semis conserve fidèlement les moindres particularités morphologiques et physiologiques de la race originelle. Enfin, ce blane est exempt de maladies, considération qui, comme nous allons le voir, a bien aussi son intérêt. IV. — MALADIES. Les champignonnières sont fréquemment rava- gées par des maladies dont les agents sont des Cryptogames inférieures. Il faut distinguer, parmi ces Cryptogames, les parasites vrais, qui vivent dans les tissus mêmes du Champignon, et les sapro- phyles qui se contentent d'entrer en concurrence vilale avec lui et de l’évincer plus ou moins complè- tement du terrain qui lui était destiné. Le représentant le plus redoutable de la pre- mière classe est le Mycogone rosea (Magnus, Pril- lieux). La maladie qu'il occasionne s'appelle la molle. Les Champignons attaqués de molle sont déjà anormaux avant d'avoir achevé leur crois- sance ; le chapeau est déformé et atrophié, le pédi-" cule est globuleux; à mesure qu'il grossit, le. Champignon se recouvre d’un duvet rosé, constitué. par les filaments conidifères du parasite; enfin, à l’époque qui devrait être celle de sa maturité, il se ramollit et tombe en déliquescence en exhalant une odeur infecte. Les dommages causés par la molles sont considérables. On peut les estimer à un mils lion par an pour les champignonnières parisiennes. Parmi les ennemis saprophytiques de l'Agarie se rangent : le vert-de-gris, causé par le Mycelio- phtora lutea (Costantin);le plâtre, dont les placards d'un blanc crème, étalés à la surface des meules, sont autant de colonies d’une sorte d'Oïdium, le Monilia fimicola ; et enfin le chanri, dont les fila- ments ténus entremélés en réseau, apparliennent, suivant M.Costantin, à deux espèces d’Agaricinées: Clitocybe candicans et Pleurotus rutilus. f La lutte contre ces maladies n’a suscité jusqu'ici que peu de recherches. M. Costantin pense qu'elles se perpétuent dans les cultures par le moyen des spores, et il conseille de désinfecter les carrières par des aspersions avec une solution de lysol. Je crois qu'il y a lieu, sous ce rapport, de faire une distinction entre les saprophytes et le Mycogone. La désinfeelion des carrières ne rendrait, à mon avis, aucun service contre le vert-de-gris, le plâtre et le chanci, car ces maladies ne sont, le plus sou- vent, que la conséquence de la mauvaise prépara- tion du fumier. Quelquefois cependant, le fumier est de bonne qualité : c’est alors le blanc, pro- venant d'une meule attaquée, qui est l’agent de la contamination. En dehors de ces deux circons- lances, le mycélium de l’Agaric prend toujours une avance suffisante pour disputer victorieusement le terrain aux saprophytes dont nous parlons. Le rôle des spores de ces Cryptogames qui peuvent être répandues dans les carrières n’est donc pas bien apparent, surtout si l'on songe que le fumier en apporte toujours avec lui un assortiment complet. Il en est certainement autrement en ce qui con- cerne le Wycogone, parasite vrai dont la propa- galion est indépendante de la qualité du fumier. Ici, deux cas bien distincts doivent être considé- rés : 1° le blanc qui a été employé pour le lardage élait déjà infecté par le Mycogone, et alors la molle se montre dès la première volée : c'est une récolte totalement perdue; 2° le blanc était indemne, mais la cave était infectée de spores provenant des cul- tures antérieures : dans ce cas le Champignon, ayant une avance sur son ennemi, pourra généra- lement, surtout en hiver, donner une ou deux vo- lées avant que la molle n'ait pris une grande exten- sion ; le dommage est moindre. Les deux cas s'observent dans la pratique. J'ai vu, notamment, ' D' CH. RÉPIN — LA CULTURE DU CHAMPIGNON DE COUCHE 717 des exemples frappants de maladie apportée par Je blanc: des meules ravagées d'emblée par la molle tout à côté d’autres meules faites avec le -même fumier et couvertes d'une belle récolte. La raison de ce contraste, c’est que les unes avaient été lardées avec du blanc vierge et les autres avec du blanc provenant de caves où sévissait la mala- die. Le champignonniste est donc assuré de combat- “tre la molle avec succès s'il veut seulement pren- dre deux précautions : 1° n’employer que du blane sûrement exempt de maladie et, à cet égard, le blane de semis offre une garantie qui ne se trouve pas ailleurs; 2° assainir ses caves, après chaque culture, en enlevant aussitôt le fumier usé et les dégoplures, c'est-à-dire les terres ayant servi au goptage et en procédant à une désinfection géné- rale comme l’a conseillé M. Costantin. Seulement, je ne crois pas que les aspersions de lysol préconi- sées par cel auteur soient un procédé très pratique. Quiconque sait quelles difficultés présente la désin- fection effective des locaux n'admettra guère la possibilité de désinfecter par des aspersions un souterrain de plusieurs milliers de mètres de su- perficie avec les anfractuosités et les fissures dont les parois sont criblées. Je crois qu'il serail préfé- rable de recourir à l'acide suifureux. En brûlant du soufre dans la carrière, après avoir obluré toutes les issues, on ne détruirait certainement pas tous les germes de la maladie, mais du moins on retarderait et on limiterait son invasion. V. — STATISTIQUE. Il y a, dans le département de la Seine, 250 cham- pignonnières. On comptait jadis un nombre presque égal d'exploitations distinctes; mais, par suite de la tendance à la centralisalion, leur nombre se trouve aujourd'hui réduit à 70 ou 80, auxquelles il convient d'en ajouter une vingtaine, réparties dans les dé- partements limitrophes. En revanche, ces exploi- talions sont généralement plus importantes qu'au- trefois. Telle d’entre elles occupe jusqu'à cent ouvriers, plusieurs autres en emploient quarante à cinquante. Le nombre total des travailleurs doit dépasser un millier, et la valeur globale des pro- duils est évaluée à 6 ou 7 millions. La culture du Champignon de couche n'est done nullement en décadence ; elle s'étend au contraire chaque jour, autant que l'agrandissement des carrières le lui permet. Bien plus, en maint endroit, elle est deve- nue l'industrie principale ; le propriétaire extrait | de la pierre qu'il livre au prix coûtant, unique- ment afin de pouvoir développer ses cultures. Le prix d'achat du fumier constitue la grosse dépense du champignonniste. Les temps sont bien changés, depuis l’époque où le fumier des écuries de Paris était donné grabis à qui voulait l'enlever. Aujourd'hui, il est acheté à l’année par des adjudi- cataires qui le revendent aux champignonnistes au prix de 7 à 10 francs les 1.000 kilos. La moitlé du fumier produit à Paris passe par les champignon- nières et en ressort sous forme de terreau que les cultivateurs des environs emploient avec grand suc- cès comme engrais pour les plantes fourragères. Tous frais compris, le mètre courant de meules représente un déboursé de 2 fr. 50 à 3 francs. Pour couvrir ces frais et laisser un bénéfice au champi- gnonniste, il faut que la récolte atteigne 3 à 4 kilos par mètre et que le prix du kilo ne descende pas aux Halles au-dessous de 1 franc. Malheureusement il est arrivé plusieurs fois, dans ces dernières années, que ce minimum n'était pas atteint pen- dant une grande partie de l’élé. Cela tient sans doute à ce que la consommation des champignons se ressent indirectement de l'abondance des légumes en cette saison, mais aussi el surtout à ce que les fabriques de conserves, qui en absorbent en temps ordinaire de grandes quantités, sus- pendent alors leurs achats afin de se consacrer exclusivement à la préparation des légumes verts. Pour conjurer celte crise qui se renouvelait pério- diquement et qui menaçait de porter un coup fatal à leur industrie, les champignonnistes, donnant ainsi l'exemple d'une iniliative fort intéressante, ont fondé une sorte de société coopérative de producteurs et construit, à frais communs, une usine à conserves dans laquelle ils traitent eux- mêmes une partie de leurs récoltes toutes les fois que le cours du champignon, sur le carreau des Halles, descend au-dessous d'une certaine limite. Malgré tout, il n’est pas probable que l’on revoie jamais en France les prix de 2 francs et 2 fr. 50 le kilo, qui sont encore en vigueur dans les pays où la culture en carrières est peu développée, en Angleterre et aux Etats-Unis, par exemple. Mais, siles champignonnistes français sont moins favo- risés que leurs confrères étrangers pour la vente sur place, ils ont la ressource d’exporter des con- serves à un prix qui, tout en étant équivalent pour eux à celui qu'ils retireraient des Champignons frais, défie toute concurrence sur les marchés de l'étranger. Aussi cette exportation, déjà importante, est-elle encore en voie d'accroissement continu. Il est donc à espérer que la culture du Champi- gnon de couche restera une industrie prospère, sur- tout si les champignonnistes, en lui imprimant une direclion plus scientifique, parviennent à en éli- miner les aléas et à régulariser les rendements, si capricieux aujourd'hui, Nous serons heureux si les recherches qui viennent d'être exposées peuvent contribuer à ce résultat. D’ Ch. Répin, Attaché à l'Institut Pasteur 713 sk BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques Suchar (P.-J.). — Sur le problème général de l'in- version et sur une classe de fonctions qui se ramènent à des fonctions à multiplicateurs. (Thèse pour le Doctorat de la Faculté des Sciences de Paris.) — 1 brochure in-4° de 50 pages. Ch. Hérissey, imprimeur. Evreux, 1897. Cet intéressant travail est principalement consacré au problème de l’inversion des intégrales abéliennes attachées à une courbe algébrique, tel qu'il a été géné- ralisé par Clebsch et Gordan. Il est diflicile de donner une idée de ce problème par des considérations élé- mentaires; on en trouvera l'énoncé précis dans le traité classique de MM. Appell et Goursat : Des Fonctions algc- briques et de leurs intégrales (chapitre x). Le mémoire de M. Suchar est divisé en trois parties. La première partie fait connaître quelques propriétés nouvelles des intégrales abéliennes, résultant de théo- rèmes dus à M. Elliot (Annales de l'Ecole normale, t. XI) et démontrés ici par une méthode différente. Ces pro- priétés conduisent, en étendant une méthode déjà employée par Clebsch et Gordan dans un cas particu- lier, à une première solution du problème de l’inversion sous la forme obtenue par M. Elliot. * Dans la seconde partie, l’auteur considère le pro- blème du point de vue où s'est placé M. Appell qui, par l'introduction d’une courbe algébrique coupant la courbe donnée en des points connus et en d'autres points variables, ramène la question à la délermina- lion de ces derniers en fonction des données. Les ré- sullals de la première partie permettent d'obtenir, à ce point de vue, une seconde solution du problème. Enfin la troisième partie est consacrée à l'étude des fonctions qui sont racines d’une fonction rationnelle de deux variables; l’auteur montre qu’elles se ramènent à des fonctions à multiplicateurs uniformes sur une certaine surface, qu'il détermine ainsi que les multi- plicateurs. Le mémoire se termine par l'extension de ces considérations à cerlaines fonctions étudiées par M. Lacour. (Thèse de 1895.) M. LELIEUVRE, Professeur au Lycée, Chargé de Conférences à la Faculté des Sciences de Caen. Bianchi (Luigi). — Vorlesungen über Differential- geometrie. (Deutsche Uebersetzung von Max Luxar.) 1re partie. — 1 vol. in-8° de 336 pages avec figures. (Priæ: 45 francs.) B.-G. Teubner, éditeur. Leipzig, 1897. Cet ouvrage contient, sous une forme concise, un exposé élémentaire de la Géométrie infinitésimale telle qu'elle résulte des travaux fondamentaux de Monge, Gauss et Dupin, avec les développements qu'elle doit à Beltrami, 0. Bonnet, Darboux, Weingarten, Bianchi et d'autres. Destinées surtout aux débutants, les Lezioni di Geometria differenziale ont obtenu en Italie un succès bien mérité; elles peuvent servir d'introduction à une étude complète de la Théorie des surfaces, telle qu'elle se trouve exposée dans l’œuvre magistrale de M. Darboux. Le premier fascicule de l'édition allemande renferme douze chapitres. Après avoir consacré un chapitre aux propriétés des courbes gauches, l’auteur étudie les for- mes différentielles quadratiques. Leur relation avec la théorie des surfaces est si étroite, et, dans le problème de la déformation, l'emploi des paramètres différentiels Joue un rôle si important, qu'il est bon de présenter ces nolions dès les débuts. F RC Dans les chapitres suivants (III à VII) se trouvent expo- ET INDEX sées les propriétés générales des surfaces : coordonnées curvilignes ; équations fondamentales ; courbure d’une surface ; représentation sphérique d'après Gauss: cour= bure géodésique ; surfaces applicables l’une à l'autre. Viennent ensuite les applications aux surfaces réglées (chap. VIIL), puis l'étude du théorème de Weingarten et des surfaces. W. Les trois derniers chapitres sont con= sacrés aux congruences et aux problèmes de la défor- mation infiniment petite des surfaces. H. Fer, Privat-doeent à l'Université de Genève Tainturier (C.), Ingénieur des Arts et Manufactures, allaché à la Compagnie des tramways électriques de Paris à Romainville. — La Traction électrique. — 1 vol. in-8° de 259 pages avec 103 figures dans le texte. (Bibliothèque Electrotechnique.) (Prix : 7 fr.) J. Feüsch, éditeur. Paris, 1897. L'auteur s'est attaché à donner sur la matière, em dehors de toute théorie, des renseignements aussi pra- tiques que possible. 11 ne s'occupe guère que des tram ways, presque seuls jusqu'ici à utiliser la traction élec= trique; et même, il n'étudie que les lignes françaises ou voisines de la France, s’abstenant ainsi de décrire les lignes étrangères, surtout les lignes américaines, sur lesquelles, dit-il, on a donné des renseignements très nombreux, mais encore plus difficiles à contrôler. Cependant, il dit quelques mots des chemins de fer électriques, des automobiles à accumulateurs, du toueur de Bovet et de l'essai de touage électrique du canal de Bourgogne. La première partie est consacrée à l'étude de la ligne, des voitures et de leurs accessoires, des moteurs, de l'usine génératrice. L'établissement de ces diverses parties de toute exploitation électrique y est parfaite- ment décrit dans tous ses détails. Dans la deuxième sont étudiés les différents systèmes de traction proprement dite : à canalisation aérienne, souterraine où au niveau du sol, et à accumulateurs. La première catégorie y est représentée par les tram- ways de la Compagnie l'Industrie électrique de Genève; du système Thomson-Houston, le plus répandu tant en France qu'à l'étranger; des ateliers OErlikon ; de la Com- pagnie de Fives-Lille, la première Société française qui ait constitué un matériel complet de traction éléctrique, dont le premier essai en grand vient d'être réalisé à Angers. En fait de tramways à canalisation souterraine, l'auteur éludie ceux des systèmes Holroyd-Smith, qu'on parle d'employer pour relier la place Cadet à Mont- martre, Siemens et Halske, Hœrde, Thomson-Houston et Love. Comme tramways à canalisation au niveau du sol, sont décrits les systèmes Claret-Vuilleumier, qui des- sert la ligne de Paris à Romainville, Westinghouse et Diatto. Enfin les voitures à accumulateurs, les seules dont les Parisiens aient pu jusqu'ici apprécier le confort, sont étudiées dans les applications qu'en: a faites la Société des Tramways de Paris et de la Seine. Il est même dit un mot de celles qui vieunent d'être inaugu- rées entre la Madeleine et Courbevoie ou Levallois, avec les accumulateurs Tudor, qui ont le grand avantage de pouvoir être rechargés après chaque voyage d'aller et retour à leur station terminus, en quinze miuutes, Sans avoir à rentrer au dépôt. LUN La ligne de Lugano (Suisse), la première qui ait uti- lisé les courants alternatifs (elle les emploie triphasés), est brièvement mentionnée; elle date de 1895 et fonc- tonne bien. } e D A PES RE ET BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 719 Dans la troisième partie, l'ouvrage traite du prix de vient : il se chiffre ordinairement par voiture-kilo- mètre, c'est-à-dire par la dépense nécessaire pour faire parcourir à une voilure une distance d’un kilomètre. M. Tainturier remarque très justement que si cette base d'évaluation est assez exacte pour une ligne déter- minée, elle cesse de l'être pour la comparaison de unes différentes comportant des voitures de poids di- fers, ne marchant pas aux mêmes vitesses, sur des bies ne présentant pas les mêmes rampes. 1l propose de ramener le prix de traction à la tonne de voyageurs Ou de marchandises transportée sur 1 kilomètre de oie-type, et il donne le moyen de calculer cette unité. - IL évalue les frais de traction proprement dite de la voiture- kilomètre, à O fr. 18 ou 0 fr. 24 (0 fr, 47 pour Jes tramways à accumulateurs), soit à la moitié de ce qu'ils “emblent ètre pour les tramways à vapeur, à eau haude ou à g La ue partie est la reproduction des lois et “décrets réglementant l'installation et l'exploitation des lramways. Ce livre, très clairement écrit, sera utilement con- sulté par les ingénieurs qui auront à établir une ligne électrique, et sera très instructif pour tous ceux qui voudront se familiariser avec la question. j GÉRARD LAVERGNE, Ingénieur civil des Mines. 2° Sciences physiques -Sentis (H.), Professeur au Lycée de Grenoble. — Ten- _ sion superficielle de l’eau et des solutions salines. —…._ (Thèse pour le Doctorat de la Faculté des Sciences de …. Paris.) — 1 brochure in-8° de 82 pages avec figures. FE. Allier père et fils, imprimeurs, 26, Cours Saint-André. Grenoble, 1897. …. La tension superficielle d’un liquide est une cons- “hante importante ; les diverses théories sur la constitu- tion des liquides en font intervenir la valeur, et, quoique très nombreuses déjà, les déterminations expé- -rimentales ont besoin d'être complétées, car les résul- tats obtenus ne sauraient être encore considérés comme aussi précis qu'il serait désirable par les applications. . M. Sentis a entrepris une longue série de recherches patientes et soignées sur la Lension superficielle de l'eau et des solutions salines. Il commence dans son mémoire par passer en revue les divers procédés de - mesure employés jusqu'à ce jour ; cette partie de son travail n'est pas une simple biographie analytique mais une critique sûre, rédigée avec une précision et une clarté remarquables; il décrit ensuite la méthode qu'il a lui-même employée et à laquelle il donne le nom de . méthode des tubes capillaires virtuels; cette méthode très simple, décrite et employée par l’auteur dès 1885, est une modification avantageuse de la méthode ordi- naire des Lubes capillaires. M. Sentis a d'abord déterminé avec beaucoup de pré- cision la tension superficielle de l’eau pure et les varia- tions de celte tension avec la température; il aborde ensuite la détermination de la tension des dissolutions salines. Cette tension varie pour un même sel avec la concentration; sur ce sujet, l’auteur arrive à un résultat qui diffère un peu de celui qui a été donné par M. Volkmann et M. Rother, il peut s'énoncer ainsi : la substitution de x molécules de sel à » molécules d'eau produit une augmentation de tension superficielle qui est sensiblement proportionnelle à n. Le mémoire se termine par l'exposé de nombreuses déterminations, effectuées en vue de rechercher l'influence de la na- ture du sel. On connait la belle loi découverte par Raoult sur l'abaissement du point de congélation, du à la présence d'une substance fixe dans un liquide volatil; on pour- rait espérer trouver une loi analogue pour les variations de la tension superficielle, mais on sait que celle loi ne s'applique En qu'aux dissolvants autres que l'eau; mais M. Sentis a pensé qu'il était convenable de 7 s'adresser d’abord aux dissolutions aqueuses moins altérables à l'air, et pour lesquelles les résultats d'autres expérimentateurs fouinissaient un contrôle. On peut espérer que l'auteur continuera ses re- cherches en étudiant d'autres liquides ; il aura rendu ainsi un vérilable service à la science : car, dans des mesures de ce genre, il y a un grand intérèt à posséder un ensemble de déterminations faites dans des condi- tions identiques par un même auteur; le soin et la conscience apportés par M. Senlis à ses expériences donnent une valeur toute particulière aux résultats qu'il a obtenus. LUGIEN Poincaré, Chargé de Cours à la Faculté des Sciences de l'Université de Paris. Œchsner de Coninek, Professeur à la Faculté des Sciences de Montpellier. — Cours de Chimie orga- nique. Supplément. 1°’ Fascicule, — 1 vol. in-8° de 130 pages. Masson et Cie, éditeurs. Paris, 1897. Ce supplément est rédigé dans le même esprit que la partie principale du Cours : peu de développements, pas de digressions, mais des indications, complètes et précises quoique succinctes, sur l'état actuel de la science. L'auteur, en traitant du glycocolle et de sa série, de l'acide cyanacélique, des matières albumi- noides et des fermentations, s’est proposé un but qu'il a parfaitement rempli : montrer comment la Chimie organique, par un enchaînement logique et conlinu, se relie à la Chimie biologique et celle-ci à la Pathologie. Les recherches personnelles de M. OEchsner ont, “au reste, largement contribué à éclairer plus d'une ques- tion traitée dans le présent opuscule, et il lui faut savoir gré d'avoir mis en évidence l'importance des anciens travaux de Cagnard-Latour qui ont frayé la voie aux découvertes modernes et notamment à celles de l'il- lustre Pasteur. ANTOINE DE SAPORTA, Pellissier (G.). — L'Éclairage à l'Acétylène. — 1 vol. in-8° de 238 pages avec 102 figures. (Priæ : 5 fr.) Bibliothèque de la Revue Générale des Sciences. G. Carré et C. Naud, éditeurs. Paris, 1897. Voici, enfin, un livre complet sur l’acétylène. Après l'historique rapide des découvertes principales qui se rapportent à ce gaz, l’auteur insiste sur la façon de le préparer au moyen du carbure de calcium. Il décrit les différents fours électriques proposés pour fabriquer le carbure de calcium. L'examen de ces fours le conduit à cette conclusion prévue qu'aucun d'eux n'est satisfai- sant au point de vue économique. Viennent ensuite, avec détails, la fabrication du car- bure de calcium, c'est-à-dire la manutention des matières premières, la conduite des fours, le calcul de l'énergie électrique que requiert l'opération, l'examen des prix de revient et aussi des propriétés du carbure de calcium. Quant à la préparation de l'acétylène, M. Pellissier insiste sur les difficultés que l’on rencontre pour obte- nir une attaque régulière du carbure, et, par suite, un dégagement du gaz susceptible d'être réglé à volonté ; il imdique les moyens préconisés pour remédier à ce grave inconvénient. Puis il fait connaître les différents gazogènes imaginés pour préparer et conserver l'acéty- lène gazeux : appareils destinés à alimenter un certain nombre de becs, ou lampes portatives. Il range ces appareils en trois classes : 4'* clusse, gazogènes dans lesquels l’eau etle carbure sont contenus dans des vases séparés et où l’eau tombe sur le carbure en quan- tité déterminée; 2° classe, gazogènes dans lesquels l'eau et le carbure sont réunis dans le même vase et où le contact des deux corps se fait par dénivellation du liquide ou mouvement du seau à carbure ; 3° classe, gazogènes dans lesquels l'eau et le carbure sont dans des vases séparés et où le carbure lombe dans l’eau en quantité déterminée. M. Pélissier passe en revue les conditions à réaliser pour préparer l'acétylène liquéfié ou comprimé. Etant donnés les dangers que présente l'acétylène liquide, il 120 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX préconise avec raison l’acétylène comprimé, qui a déjà recu des applications importantes pour l'éclairage des wagons de chemin de fer, et surtout l'acétylène dissous dans l’acétone, liquide qui, comme l'ont découvert MM. Claude et Hess, offre la propriété d’absorber 31 fois environ son volume d'acétylène. On ne saurait attirer avec trop d'insistance l'attention des industriels et du public sur cette forme toute nouvelle de l'emploi de l’acétylène. Cet hydrocarbure obtenu, quelles sont les meilleures conditions pour le brûler en vue de l'éclairage, et notamment quels sont les meilleurs brûleurs à adopter ? M. Pélissier se pose celte question et permet de la résoudre en chaque cas particulier, donnant la descrip- lion de chaque système avec l'indication des avan- tages et inconvénients qui lui sout propres. Il examine ensuite le prix de revient de l'éclairage à l'acétylène et le compare au prix des autres systèmes d'éclairage ; il y passe en revue les applications qui en ont été faites. Il a réuni en un dernier chapitre les détails pratiques relatifs à la conduite des gazogènes et, en outre, les règlements administratifs se rapportant à l'installation des appareils. Comme on le voit, la question de l'éclairage à l'acé- tylène est traitée dans ce livre d’une manière très com- plète. Ce qui le caractérise en quelque sorte, c’est le soin qu'a pris l’auteur de mettre en lumière les diffieul- tés qu'a rencontrées l'application industrielle de ce nouveau mode d'éclairage, les dangers qu'il peut pré- senter, le peu de régularité du gaz dans les appareils, la mauvaise combustion fournie par la plupart des becs. Ce sont précisément ces difficultés qui expliquent comment l'éclairage à l’acétylène, appelé déjà il y a deux ans F « éclairage de demain », est encore aujour- d'hui dans la période des essais et des tâtonnements, d'où l’on pressent pourtant qu'il commence à se déga- ger. E. URBAIN, Ingénieur-chimiste. 3° Sciences naturelles Koehler (R.), Professeur de Zoologie à la Fuculté des Sciences de Lyon. — Les résultats scientifiques de la campagne du ‘“ Caudan ” dans le golfe de Gas- cogne. — 1 vol. in-8° de T40 pages avec 40 planches (Prix : 20 fr.) (Extrait des Annales de l'Université de Lyon.) Masson et Cie, éditeurs. Paris, 1897. M. Koehler à eu l’idée hardie d'entreprendre, avec les seules ressources de l'initiative privée, une campagne de dragages profonds dans le golfe de Gascogne, et il a réussi à mener son projet à bonne fin, grâce à son activité, au bienveillant concours de M. Liard, Directeur de l'Enseignement supérieur, et de M. le commandant Guyou, el aux dons et subventions recueillis en pro- vince. 11 à pu entreprendre ainsi à bord de l’aviso- remorqueur le Caudan, un voyage de deux semaines pendant lequel une {rentaine de stations ont été explo- rées. L'étude des collections rapportées a été confiée à un certain nombre de spécialistes, etce sont leurs résul- tats qui sont publiés aujourd'hui, un peu plus d'un an après l'expédition, grâce à l’activité des collaborateurs : les mémoires forment trois fascicules des Annales de l'Université de Lyon, accompagnés de quarante planches. Les Protozoaires seuls n'ont pas été traités, mais ils feront plus tard l'objet d'un mémoire spécial; les résultats d’océanographie ont été publiés cette année même par M. Thoulet dans les Annales de Géographie. Le but principal de M. Koehler était de réunir des types d'animaux des grandes profondeurs, dont on ne trouve des collections qu'au Muséum de Paris ; désor- mais, à Lyon et dans divers musées de province, pro- lesseurs el éludiants pourront voir des Elasipodes, des Echinothurides, des Cnidaires de grands fonds, ail- leurs que dans les planches du Chal'enger, ce qui ne laisse pas que d’être un résultat appréciable. Au point de vue purement scientifique, la campagne du Caudan a faif connaître environ cent espèces nouvelles, el a fourni des matériaux utiles pour fixer l'extension géographique des animaux de mer profonde, montrant une fois de plus l’uniformité de la faune abyssale sous toutes les latitudes; dans ce golfe de Gascogne sont rassemblés des êtres signalés dans des localités fort éloignées : mer du Nord, Méditerranée, côtes d'Amé- rique et d'Afrique, mer des Indes, mer de Chine, Nou- velle-Zélande, etc. Le premier fascicule renferme les Echinodermes, traités par M. Koehler; les Mollusques testacés et les Brachiopodes, par M. Locard; les Mollusques nus, par M. Vayssière; les Céphalopodes, par M. Joubin, et les Bryozoaires, par M. Calvet. Parmi les Echinodermes, M. Koehler à trouvé une vingtaine d'espèces nouvelles, notamment des Ophiures, un Antedon, un Elasipode de genre nouveau (Benthogone rosea), un Myxaster, dont on ne connaissait Jusqu'ici qu'une espèce. À signaler la capture d’un magnifique Oursin, l'Echinus Alerandri, dont un exemplaire unique avait été recueilli autrefois par l'expédition norwégienne au Pôle Nord. Bien que M. Koebler ait cherché à retrouver les prairies de Pen- tacrines signalées par le Talisman, aucun dragage n’en a ramené, ce qui fait penser que ces animaux se trouvent parqués dans des localités relativement peu étendues et ne tapissent pas, comme on l'avait pensé, de grandes étendues sous-marines. Le deuxième fascicule renferme les Eponges, par M. Topsent; les Cnidaires et les Ascidies simples, par M. Roule; les Halacariens, par M. Trouessart; les Asci- dies composées, les Pycnogonides, les Crustacés Déca- podes et Schizopodes, par M. Caullery; les Copépodes, par M. Canu. — Les Halacariens, recueillis entre 480 et 1.410 mètres, sont les premiers que l’on connaisse des grandes profondeurs; dans ces niveaux, ces animaux essentiellement grimpeurs se tiennent accrochés aux tiges ramifiées des Bryozoaires et des Coralliaires: il n y à naturellement pas de types phytophages, puisque les Algues font défaut, et il est probable que ces Aca- riens se nourrissent de débris animaux; par rapport aux types liltoraux, ces formes profondes ont un tégu- ment chitineux plus mince, moins sculpté, et ils sont plus ou moins complètement aveugles. Sur les neuf espèces recueillies par le Caudan, cinq sont nouvelles. Parmi les Crustacés Décapodes, une nouvelle espèce de Spongicolu à été trouvée ; elle diffère légèrement de l'unique espèce connue (Pacifique) qui habite à l'inté- rieur d'Eponges; l'examen des œufs à permis de recon- naïtre que le développement ne comporte pas de phases larvaires libres ; le jeune éclôt presque identique à l'adulte. - Le troisième fascicule renferme les Annélides et les Sipunculiens, par M. Roule ; les Crustacés Edriophtalmes, par M. J. Bonnier; les Poissons, par M. Koehler; les Diatomées, par M. Roesch, les débris végétaux et les roches, par M. Bleicher, et la liste récapitulative des animaux recueillis dans les différentes stations, par M. Koehler. — Le Caudan à retrouvé l'Eunice amphi- heliæ signalée par le Travaillewr dans le golfe de Gas- cogne; celte espèce commensale habite des galeries creusées dans des polypiers vivants d'Amphihelia et de Lophohelia. Les Edriophtalmes ont fourni à M. Bonnier un grand nombre d'espèces nouvelles (46) de Cumacés, d’Isopodes et d'Amphipodes ; la majeure partie de ces formes abyssales sont lotalement aveugles; le quart seulement des espèces ont des yeux plus ou moins rudi- mentaires; dans la cavité branchiale d'un Cumacé, M. Bonnier à trouvé un curieux Copépode parasite, qu'il range provisoirement dans le genre Spheronella dont les {rois espèces connues sont parasites des Am- phipodes. À propos des Poissons, M. Koehler s’est bien trouvé de les faire passer dans l'alcool après quelques jours de séjour dans l'aldéhyde formique qui dureit très : bien, mais détruit les pigments foncés des Poissons abyssaux.— A 950 mètres de fond, la drague à ramené deux fragments végétaux immergés dans la vase, lun de tige de Monocotylédone (probablement Typha),! BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 7 , l'autre de branche d'Alnws; il est probable que ces tiges, d'abord flottantes, ont été précipitées au fond par la surcharge d’animäux microscopiques et de pous: sières logés à leur intérieur; les dragages ont ramené aussi de nombreuses-roches, roulées ou non, dont le transport dans le golfe ne peut guère être attribué qu'aux glaces flottantes de la période glaciaire, déta- chées de la côte cantabrique. M. Koehler termine le compte rendu de la campagne ar une sorte de résumé des résullals zoologiques, en indiquant, pour chacune. des stations, la liste des ani- maux recueillis, la nature du fond, etc. ; à plusieurs reprises, le chalut a passé sur de véritables forêts de Coraux (Solenosmilia, Amphihelia, Lophohelia prohifera); cette dernière espèce, caractéristique des profondeurs moyennes (400-500 urètres), forme des touffes épaisses et volumineuses qui doivent constituer de véritables récifs abyssaux.Sur des branches de Lophohelia, M. Koeh- ler signale de nombreuses colonies du rare Ptéro- branche Rhabdopleura Normani, connu auparavant sur les eôtes de Norwège et aux Shetland. Ces listes mon- rent combien la faune varie à des distances peu consi- dérables, surtout pour les Eponges, les Echinodermes et les Mollusques, alors même que la profondeur et la nature du fond ne semblent pas être très différentes. On voit que la campagne de M. Koehler, malgré la rapidité du voyage et la perte regrettable du câble après le seizième coup de chalut, a donné de très intéressants résultats ; elle a montré, en tous cas, qu'il était pos- sible d'explorer les grands fonds avec des ressources relativement modestes. Je souhaite qu'il trouve des imilateurs ; le temps des grandes et coûteuses expédi- lions, qui écrémaient d'énormes surfaces, est passé, mais celui des petites peut venir; il serait utile main- tenant d'explorer méthodiquement et à fond les coins mal connus de nos mers d'Europe, comme le fait Agassiz depuis plusieurs années sur les côtes d'Amérique ; les résultats ne seraient certainement pas en disproportion avec les dépenses. L. CuÉNor, Chargé du Cours de Zoologie à la Faculté des Sciences de Nancy. 4 Sciences médicales Proust (A.), Professeur à la Faculté de Médecine de Paris, médecin de l'Hôtel-Dieu, et Mathieu (A.), Médecin des Hôpitaux de Puris. — L'Hygiène de l'Obèse. — 1 vol. in-16 de xxiv-34% pages de la Bibliothèque d'Hy- giène thérapeutique. (Prix, cartonné : 4 fr.) Masson et Cie, éditeurs. Paris, 1897. L'obésité est le développement exagéré du tissu graisseux dans l'organisme. Les Jimites de l'obésité ne sont pas précises. [n’est guère possible de les préciser. Le poids de l'individu sert à l'évaluer grossièrement; encore faut-il corriger cette évaluation arbitraire en considérant le poids par rapport à la taille du sujet. Les auteurs font la description clinique de l'obèse. Ils citent des observations anomales qui montrent que l'exagération de cet état peut aboutir à la monstruosité. Ils indiquent rapidement les inconvénients apportés au fonctionnement des organes par l'accumulation de la graisse et les accidents qui en résultent. Ils font une classification — trop sommaire peut-être — des obèses. Les causes de l'obésité sont encore obscures. Elle débute à tout âge. Elle peut être congénitale, suivre une maladie infectieuse. Elle est favorisée cnez la femme par les grossesses successives et l'allaitement. Elle est la conséquence de la sédentarité de certaines carrières. Plus tard, elle apparaît à l'âge mûr, après la méno- pause. Elle est environ deux fois plus fréquente chez la femme que chez l'homme. La race, les mœurs ont aussi une influence manifeste sur le développement de l'obésité. Ne devient pas obèse qui veut. Il faut-offrir une pré- disposition particulière et réaliser des conditions dé- terminées. L’obésité se perpétue héréditairement dans certaines familles. Elle est favorisée par un régime REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897. 12 alimentaire excessif, riche en hydrates de carbone et par l'absence d'exercice musculaire. Dans l’engraisse- ment artificiel des animaux, les éleveurs n’emploient pas d'autres procédés. L'obésité dépend évidemment d'une déviation de la nutrition. Or, pour connaître ce trouble, il faut savoir ce qu'est la nutrition normale. C'est là une étude très obscure, d'extrème difficulté. Cependant on commence à posséder sur cetie question cerlaines données. L'ali- mentation est destinée à entretenir la vie. Les subs- lances nécessaires à l'alimentation de l'homme sont de trois catégories : les matières albuminoïdes, les graisses, les hydrates de carbone. Il faut y ajouter l'eau et les substances salines minérales. Une de ces catégories ne peut à elle seule convenir à l'alimentation. La plus indispensable de toutes est la substance albuminoïde. Elle représente l'apport azoté sans lequel le proto- plasma cellulaire ne peut vivre. L'alimentation non seulement entretient la vie de nos cellules, mais per- met leur activité fonctionnelle, Cependant l'organisme ne dépense pas toujours la totalité de ses aliments. Ceux-ci, transformés, sont alors emmagasinés pour servir de réserves dans le cas de défaut d’aliment ou d’excès d'activité fonctionnelle. Une grande partie de ces réserves est représentée par la graisse accumulée dans le tissu adipeux. Or cette graisse peut être pro- duite, soit par les substances grasses mêmes, suscep- tibles d’être assimilées directement sans grande transformation chimique préalable, soit par les trans- formations subies par les substances azotées ou hydro- carbonées. L'abus des farineux et des féculents amène l'engraissement tout comme l'excès des aliments gras. Chez l'individu normal, on peut donc en augmentant l'alimentation et en diminuant l'activité, l'exercice, réaliser expérimentalement l'engraissement. Cela est vrai théoriquement et pratiquement; mais on ne peut appliquer le même raisonnement à l'obésité. Obésité est un terme de morbidité. L'obèse est un malade qui n'obéit plus exactement aux lois physiologiques nor- males. Quelle est donc la cause de l'obésité? Elle n’est pro- bablement pas unique. Aussi les théories qui prétendent l'expliquer sont-elles en faute sur bien des points. Gelle du ralentissement de la nutrition illustrée par le profes- seur Bouchard est la plus répandue. Un défaut d’oxy- dation empêcherait la graisse d'être détruite en quantité suffisante. Ailleurs l'influence névropathique sur l’adi- pose se manifeste avec une certaine évidence. M. Mathieu expose les principaux régimes conseillés dans la cure de l'obésité : régimes d’Harvey-Banting, d'Ebstein, d'OErtel, etc., qui perdent tout intérêt à être résumés dans une analyse. Des tableaux sur la valeur comparative des divers aliments, sur leur teneur en azote, en graisse, sur leur équivalence en calories for- ment des documents importants. Le système préconisé par M. Mathieu pour combattre l'obésité n’est pas exclusif. Il rejette les méthodes in- tensives, adopte de préférence les méthodes lentes, progressives, insiste sur la surveillance des forces, de l'état des urines, de la circulation pendant le traitement. Il consacre à chacune des variétés d'obèses un chapitre spécial, car tel traitement bon pour un obèse vigoureux ne peut être appliqué à un obèse diabétique ou cardia- que. Dans les dernières pages sont rapportés les divers traitements médicamenteux jusqu'ici employés : les médications alcaline, purgative, iodurée et surtout le traitement thyroïdien; enfin les cures thermales de l'obésité. Le livre de MM. Proust et Mathieu est très clair. Il se lit avec une grande facilité et un intérêt soutenu. Les auteurs l’ont dépouillé de tout détail embarrassant. C’est à la fois une œuvre de médecine et de vulgarisa- tion aussi bonne à consulter pour les malades que pour les médecins. C'est là d’ailleurs la caractéristique de cette bibliothèque d'hygiène; et elle remplit le but qu’elle s'est proposé. n D' A. LÉTIENNE. 1 os ACADÉÈMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 9 Août 1897. M. le Secrétaire perpétuel annonce le décès de M. le D' Tholozan, Correspondant de la Section de Médecine et de Chirurgie. 1° SciENCES PHYSIQUES. — M. J.-A. Le Bel étudie la forme cristalline des chloroplatinates de diamine Pt CIS 2 (AZHRR!). On obtient une grande variété de cristaux différents en faisant varier les radicaux R et R', mais on peut les rattacher à quatre types théoriques.— M. A. Collet, en chauffant les cétones chlorées ou bro- mées avec les sels alcalins d'acides gras ou aromaliques, a obtenu les éthers des alcools cétoniques correspon- dants. Il à ainsi préparé les éthers acétiques du méthyl- benzoylcarbinol, de l'éthylbenzoylcarbinol et du dimé- thylbenzoyle arbinol. — M. P. Petit, en saccharitiant l’amidon par la diastase, a obtenu d° abord un corps de formule probable (C*H#0%}%. Celui-ci, soumis de nou- veau à l'action de la diastase, se dédouble en deux corps: lun, insoluble dans l'alcool, de formule probable (CH!°05)t; l’autre, soluble dans l'alcool, de formule probable C2H#0%, — M. Léo Vignon à étudié le mé- canisme de la fixation des couleurs substantives, c'est-à- dire qui ont la propriété de se fixer directeme nt sur le coton. Il montre que l'absorption de ces couleurs paraît due à l'action du groupement AZ R : ou Az Az — Az ces azotes devenant pentaalomiques en s'unissant à la molécule cellulosique. — MM. Battandier et Th. Ma- losse ont retiré des rameaux et de l'écorce du Retama sphærocarpa, par les procédés ordinaires, un alcaloïde défini, la rétamine, de formule probable C'*H°5Az?0, ce qui en ferait une oxyspartéine. 20 SCIENCES NATURELLES. — M. Ad. Chatin à déterminé le nombre et la symétrie des faisceaux libéro-ligneux des feuilles dans les grandes familles végétales. Les Corolliflores ne présentent généralement qu'un seul faisceau, et, à ce litre, tiennent la tête de la série végé- tale. — M. Georges Fron montre que la racine très jeune des Suæda et des Salsola présente une asymétrie de structure. Celte asymétrie se manifeste dès les for- malions primaires, se développe dans les formations secondaires normales et s'exagère dans les formations secondaires anormales. L'ensemble produit alors, sur une coupe transversale, l'apparence d'une double spi- rale de tissus libéro-ligneux. — M. Auguste Boirivant a constaté que la suppression du limbe ou des feuilles provoque, chez la plupart des plantes : 1° une colora- lion verte plus foncée des tiges ou pélioles, due à la formation plus abondante de SHOTOURYRE dans leur tissu assimilateur ; 2° une modification de la forme des cellules de ce tissu et une augmentation du nombre des assises cellulaires contenant de la chlorophylle. — M. E. Roze a constaté que le Pseudocommis vitis Debray envahit aussi les plantes submergées; il l'a remarqué dans la tige et les feuilles de l’Elodea canadensis. — M. E.-H. Trouessart à constalé la présence d'un Aca- rien, le Carpoglyphus passularum Robin, dans le vin de Grenache. Cet Acarien vit ordinairement sur les raisins secs; il passe facilement dans le vin de raisins secs et finit par infester les tonneaux et le matériel de vinii- cation, Séance du 16 Août 1897. 41° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. F. Rossard adresse ses observations de la comète périodique de d’Arrest, faites à l'Observatoire de Toulouse (grand télescope Gautier et équatorial Brunner de 0,25). — M. D. Ger- mozzi communique un mémoire relatif à la queue des comètes. 20 Sciences PHYSIQUES. — M. H. Deslandres montre que le spectre des rayons cathodiques peut être réduit à une raie simple unique lorsqu'on illumine le tube avec un appareil Tesla-d’Arsonval, ou avec une bobine ordinaire complétée par un condensateur. Dans les deux cas, il y a alors résonance entre le tube à vide qui possède une période d'oscillation propre) et le reste du système. — M. Abel Buguet communique un certain nombre de clichés, impressionnés quoique pla- cés derrière un écran opaque aux rayons X. Le fait doit être attribué à une diffusion des rayons X dans l'air ou d'autres milieux. — M. A. Gaïllard adresse un mémoire sur un système de relai électro-magnétique propre à la transmission des signaux par les ondes électro-magnétiques de faible fréquence. —M. V. Ducla adresse une note relalive au rapport numérique de la chaleur totale de vaporisation à la chaleur de fusion. 30 SCIENCES NATURELLES. — Mie Sophie Pereyas- lawzewa à étudié les derniers stades du développe- ment des Pédipalpes. — M. A. Bigot a observé la terrasse littorale qui se présente sur les côtes de la Basse-Normandie. Elle s’est formée à l’époque pléisto- cène, au moment où le littoral de la Manche s'est sur- élevé. Aujourd'hui, la mer tend à reprendre son niveau et enlève petit à petit cette terrasse. — M. E. Ferrière propose d'ajouter de la mélasse à la bouillie cuivrique dans le traitement du black-rot. Séance du 23 Août 1897. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. P. Tacchini adresse le résumé des observations solaires faites à l'Observa- toire royal du Collège romain pendant le premier semestre de 4897. On a observé, à la fois, une diminu- tion des taches solaires, des facules et des protubé- rances. — M. L. Cruls communique l'observation de l'éclipse de Soleil du 29 juillet faite à l'Observatoire de Rio-de-Janeiro. — M. Ch.-V. Zenger expose sa théorie électro-dynamique du système du monde qui explique le parallélisme des perturbations atmosphériques, élec- triques, magnétiques, sismiques, leur relation avec la période solaire et leur retour périodique tous les 10,6 ans. La photographie journalière du Soleil permet de prédire à coup sûr le temps local. — M. J. Andrade montre comment la réduction de vecteurs non concou- rants peut conduire aux trois géométries de Lobat- chefsky, d'Euclide et de Riemann. 29 SCIENCES PHYSIQUES MM. A. Leduc el P. Sa- cerdote ont déterminé les constantes critiques de l'hydrogene phosphoré (520,8 et 64 atm.), de l'acide chlorhydrique (52° et83 atm.) et de l'acide sulfhy drique (1000 et 90 atm.). — M. Abel Buguet à mesuré, par une méthode RRGiS pique, l'absorption des rayons X par des couches métalliques d'épaisseur croissante. 30 SCIENCES NATURELLES. — M. Chatin a recu du D' Tho- lozan, de Téhéran, des truffes appartenant au genre Terfezia Hanotauxii. M. Tholozan signale aussi l’exis- tence de truffes noires qui pourraient bien être le Ter- fezia Aphroditis. — M. L. Mathieu à trouvé dans des vins authentiques, ne provenant pas de raisins secs, diverses espèces d'Acariens, en particulier le Glypha- qus cursor et le Taoglyphus farinæ. — M. J. Bernes ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAY # NTES 728 ropose, pour la destruction du black-rot, l'emploi d'un ait de chaux cuprique. Séance du 30 Août 1897. 4 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Paul Serret étudie les propriétés de l'hypocycloïde de Steiner par la mé- thode de Pascal. 20 Sciences PHysiQues. — M. Ch. Porcher à photo- graphié l'image qui se produit sur l'écran fluoroscopi- que, en prenant des précautions spéciales pour éviter l’aclion des rayons X qui traversent l'écran. Les épreu- yes, même après une longue pose, sont très pâles. 30 SctENcEs NATURELLES. — M. Mouton a étudié la plasmolyse sur les Amibes enkystés. Il à constaté que des solutions salines isotoniques (c'est-à-dire produisant la même contraction du protoplasma) ont même tem- érature de congélation. — M. T. Roze à constaté que e Pseudo-commis vitis Debray se développe aussi sur les plantes marines, en particulier sur les Fucus serratus et vesiculosus. Louis BRUNET. ACADÉMIE DE:MÉDECINE 4 Séance du 10 Août 1897. M. le Président annonce le décès de M. Tholozan, associé national. — M. Javal analyse un travail de MM. Druault et Tscherning sur les verres de lunettes à la baryte. Ces verres n'offrent aucun avantage sur les verres ordinaires; ils leur sont plutôt inférieurs, — M. Chauvel présente le rapport sur le concours du prix Meynot. — MM. Reynier et Glover lisent un mémoire relatif à des recherches anatomiques sur la topographie cranio-encéphalique, sur la topographie des cavités os- seuses du crâne et de la face et sur celles des sinus veineux de la dure-mère, recherches faites au moyen de la radio-photographie. — M. Valude à observé une gomme tuberculeuse de la conjonctivite et de la selé- rotique, qu'il a guérie par ablation. — M. Chipault montre la nécessité de la fixation apophysaire directe pour la guérison durable des déviations vertébrales réduites. Séance du 17 Août 1897. M. A. Robin présente le rapport sur les demandes en autorisation pour des sources d'eaux minérales. — M. A. Robin indique les caractères chimiques auxquels on reconnait l'albuminurie dyspeptique et le traitement à suivre au cours de cette affection. — M. Dubousquet lit un travail sur l'immunité de certaines familles de Saint-Ouen pour la tuberculose. — M. Trouessart étudie l'Acarien des vins sucrés du Midi.—M. Monnier a décelé par la radiographie une pièce de monnaie ar- rêtée dans l'æœsophage. d'un enfant de cinq ans; il la extraite par œsophagotomie externe. Séance du 2% Août 1897. M. le Président annonce le décès de M. Luys, mem- bre de l'Académie. — M. P. Mégnin décril un Acarien dangereux des iles de la mer des Indes : l'Holothyrus coccirella Gervais. Ces insectes produisent une sensation de brülure irritante sur la peau, et, lorsqu'ils sont avalés par des animaux, ils produisent une inflammation des muqueuses qui va jusqu'à l’empoisonnement. — M. Weber confirme les conclusions énoncées récem- ment par M. Nocard. Le sérum antitélanique n'a pas d'effet curatif, mais un effet préventif. — M. Guépin lit un travail sur la compression digitale de la prostate. Séance du 31 Août 1897. M. le Président annonce le décès de M. Surmay, cor- respondant national. — M. Cadet de Gassicourt donne lecture du discours qu'il a prononcé aux obsèques du D' Luys, PRE SOCIETE DE BIOLOGIE Séance du 24 Juillet 1897. M. A. Charrin à mesuré le rayonnement d'une série d'enfants depuis la naissance; les nouveau-nés atteints d'ictère ont un rayonnement moindre que les enfants pormaux. Les principes biliaires semblent donc dimi- nuer la thermogenèse. — MM. D. Courtade et J.-F. Guyon montrent que le ganglion mésentérique infé- rieur est un centre réflexe pour le mouvement des libres circulaires du rectum. — M. G. Marinesco a exa- miné les lésions de la moelle épinière et du cerveau chez des individus ayant succombé à des maladies infectieuses. — M. Valenza a étudié les prolongements protoplasmiques et cylindraxiles des cellules de la corne postérieure de la moelle. — M. Charrin a ob- servé chez quatre chiens l'apparition de taches pig- mentaires brunes à la suite de l'injection d'extrait aqueux ou glycériné de capsules surrénales. — M. Char- rin présente un monstre formé de deux cobayes avec une seule tête ; les parents avaient reçu des injections de toxines. — MM. Genouville et Pasteau pensent qu'il existe, chez les prostaliques, un rapport constant entre l’état de la tension artérielle et la contractilité vésicale. — MM. Chassevant et Charrin ont traité sans succès deux malades atteints d'anémie par l'in- gestion d'extrait de moelle osseuse. — M.F. Regnault a étudié le mal de Pott au point de vue anatomo-patho- logique. Ses conclusions sont peu favorables au redres- sement brusque dans le cas de gibbosité ancienne. — MM. Gley et Camus ont étudié le rôle des glandes des vésicules séminales chez le cobaye mâle. — M. E. Mau- rel a constalé, dans la leucocythémie splénique, que les globules blancs sont plus gros qu'à l’état normal, mais sont moins actifs et résistent moins aux tempéra- tures extrêmes. Séance du 31 Juillet 1897. M. M. Letulle a étudié l'appendicite au point de vue anatomo-pathologique. L'infection se porte sur les folli- cules clos, qui se nécrosent, puis, par l'intermédiaire du réseau lymphatique très développé de l’appendice, elle se propage partout et jusque dans le péritoine. — M. Laveran pense que les lésions d’appendicite sont des lésions d’entérite, analogues à celles qu'on observe dans la dysenterie. — M. Pilliet fait remarquer que, dans l'appendicite, les glandes ne sont pas attaquées comme dans l’entérite; c'est la folliculite qui domine. — M. E. Gley a constaté chez le lapin que les glandu- les parathyroïdes contiennent vingt-cinq fois plus d'io- dothyrine que Ja glande principale. — MM. Widal et Nobécourt ont immunisé un certain nombre de souris contre le bacille d'Eberth par l'injection préventive d'urine de typhiques. Le sérum de ces souris ne pré- sentait pas la réaction agglutinante. L'immunition et la propriété agglutinante sont donc deux phénomènes dis- tincts. — M. Rénon à conservé deux ballons d'urine stérilisée depuis 1893; la toxicité à augmenté par le vieillissement. — MM. Capitan et Croisier signalent un cas d'inversion totale des viscères qu'ils ont constaté sur le vivant au moyen de la phonendoscopie. — MM. Dastre et Floresco ont étudié l’action générale des ferments solubles injectés dans les veines : 1° ils accé- lèrent ou retardent la coagulation; 2° ils abaissent la tension sanguine; 3° ils passent dans l'urine et diverses sécrétions. — M. Phisalix a constaté que le venin de la grande salamandre du Japon immunise le cobaye con- tre le venin de vipère. — MM. Lefèvre et Charrin ont observé que le suc gastrique détruisait plus ou moins les toxines. — M. Guinard adresse une note sur les effets cardio-musculaires de la malléine. La Société entre en vacances jusqu'en octobre. SOCIÉTÉ FRANCGAISE DE PHYSIQUE Séance du 18 Juin 1897. M. À. Guébhard adresse une lettre relative au mou- tonnement et à la zébrure des clichés, accompagnée d'une série d'épreuves montrant les effets obtenus par l'appo- sition, sur une plaque sensible maintenue au repos pendant quinze ou vingt minutes dans le bain révéla- teur, d'objets très divers, doigts de la main, doigts de 124 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES gants bourrés de grenaille, morceaux de bougie, etc. Les apparences que présentent ces épreuves sont iden- tiques à celles que M. le docteur Luys à cru pouvoir interpréter par un « enregistrement scientifique d'ef- fluves humains ou de fluide odique ». Ces auréoles ou lignes de flux qui entourent les corps ou en émanent auraient leur origine dans un groupement moléculaire iuterne qui se montre dans tous les liquides troubles abandonnés au repos sous une faible épaisseur. — M. Marage a éludié les cornels acoustiques par la photo- graphie des flammes de Kænig. Des flammes d’acétylène ont pu être photographiées à l’aide de l'appareil de M. Marey; l'étude de ces photographies a mis d’abord en évidence un défaut de la méthode d'observation directe, qui tient aux déformations que le miroir en mouvement imprime à la flamme. Elle à permis en- suite de constater que le tube influe, par sa longueur et son diamètre, sur l'aspect de la flamme et surtout que l'embouchure peut modifier énormément les appa- rences observées, au point de fournir des résultats entièrement différents d’une forme à l’autre. Ces faits permettent de comprendre la divergence des conclu sions énoncées par divers expérimentateurs et de dé- terminer expérimentalement la forme d’embouchure qui modifie le moins la nature des voyeiles trans- mises. M. Marage est ainsi arrivé à construire un cornet acoustique qui conserve le timbre des sons et qui, en même temps, au point de vue thérapeutique, sert à masser le tympan et la chaine des osselets. — M. G. Weiss signale un travail de M. Ludimar Hermann : Sur le timbre des voyelles. Les mouvements d’une mem- brane de phonographe sont inscrits photographique- ment au moyen d'un rayon lumineux réfléchi par un petit miroir. Pour les étudier, M. Hermann à construit un analyseur harmonique qui consiste en une série de dix-huit papiers fenêtrés qu’on applique successivement sur un tableau de chiffres construit en inscrivant, sur une série de lignes superposées, les valeurs des ordon- nées de quarante points de la courbe multipliées res- peclivement par cos 0°, cos 9, cos 18°... cos 81°. On obtient les coefficients de la série de Fourier qui repré- sente le mouvement périodique en faisant la somme algébrique des termes qui apparaissent aux fenêtres pratiquées dans chaque papier. L'expérience a montré que, conformément aux idées de Helmholtz, une voyelle est caractérisée par une série de sons fixes superposés au son fondamental et non par une suite d'harmoniques de rang déterminé. — M. G. Charpy projette des photographies microscopiques montrant la texture hétérogène des alliages métalliques. On constate en particulier que les alliages à point de fusion mini- mum, dits eutectiques, sont formés par la juxtaposition des deux métaux en lamelles très fines, présentant ainsi une constitution analogue à celle que M. Ponsot a reconnue dans les cryosels, au lieu d’être, comme on l'a cru, des composés définis. De tels composés, de formules SbSn, SbCu*, SnCu*, apparaissent dans cer- tains cas, au milieu de la masse en cristaux parfaite- ment nets. Enfin la méthode d'observation microsco- pique montre que la texture d’un alliage varie beaucoup avec le travail qu'il a subi ou le recuit auquel il a été soumis. — M. Gariel présente, au nom de M. $. Ledue, des radingruphies obtenues avec une machine stalique. Les étincelles éclatant entre les armatures internes des condensateurs, on intercale le tube entre les armatures externes, à chacune desquelles est fixée une chaîne dont l'extrémité traîne sur le sol. Avec ce dispositif, les décharges ne traversent le tube que dans un sens. Séance du 2 Juillet 1897. = M. Foveau de Courmelles annonce par lettre que ses expériences confirment les résullats obtenus par M. S. Leduc, dans l'application des machines statiques à la production des radiographies. — M. Décombe a fait des expériences sur la résonance multiple. MM. Sa- rasin et de La Rive ont découvert qu'un excilateur de Hertz peut mettre en activilé un résonateur de dimen- sions quelconques; MM. Poincaré et Bjerknes on expliqué le phénomène en remarquant que, dans ces expériences, l’excitateur dont le coefficient d’amortis= sement est très grand, émet quelques vibrations d’am= plitude très rapidement décroissante, qui n’ont d'autre effet que de donner naissance à un mouvemeut élec= trique dans le résonateur ; celui-ci ayant un amortisse=, ment très faible, continue à vibrer très longtemps après. le passage de l'onde avec sa période propre. On obtien- dra au contraire des résultats indépendants du réso=" nateur en donnant à celui-ci un amortissement consi- dérable et en réduisant celui de l’excitateur. On a constitué ce dernier appareil d’une tige de laiton de 7 millimètres de diamètre; les oscillations y prennent naissance par induction et l’étincelle, qui présente toujours une résistance notable, est supprimée. Les. résonateurs étaient des cadres de fil de fer de 0,1 mm. de diamètre; la capacité était la même pour tous, mais les dimensions du circuit extérieur variaient de lun à l'autre. Voici les longueurs d’onde, telles qu'on les à déterminées par la méthode du pont : DIMENSIONS DU RÉSONATEUR À 60 centimètres sur 46. . 15,44 50 = 38.9. AN E OSE 40 = 30,7. Le MENT 30 = 93. RL La valeur de À est, conformément à la théorie, à peu près indépendante de la self-induction du résonateur.— M. Ch.-Ed. Guillaume à étudié les aciers-nichels. Le point de départ de ces recherches à été la constatation de deux anomalies de dilatation de ces aciers. Un alliage à 22 0/4, faiblement chromé, qu'étudiait M. Benoit, s’est montré aussi dilatable que les laitons; M. Guil- laume à découvert plus tard un acier très peu dila= table. Une étude d'ensemble a montré que, jusqu'à une proportion de 20 °/, de nickel environ, la dilata- tion reste normale ; elle augmente ensuite rapidement, atteint un maximum et redescend, au point de devenir, vers une teneur de 36 °/, de nickel, dix fois plus petite qué pour le platine ; elle tend ensuite vers les valeurs normales. Des expériences de flexion, faites sur des tiges supportées à leurs extrémités et chargées au mi- lieu, ont montré que le coefficient d'élasticité suit une loi de variation très voisine de celle de la dilatation. M. Hopkinson a signalé des propriétés magnétiques curieuses des aciers-nickels ; M. Guillaume a constaté que, jusqu'à des teneurs de 25 °/, l'aimaulalion des alliages est fonction irréversible de la température ; entre le rouge sombre et le rouge cerise, tous ces aciers perdent leur magnétisme et ne le retrouvent qu'après avoir passé par une température d'autant plus basse qu'ils contiennent plus de nickel. Pour des teneurs plus élevées, les propriétés des alliages sont réversibles; l'élévation de la température fait perdre graduellement le magnétisme, en même temps que le coefficient de dilatation subit une variation considé- rable. La résistivité des alliages n'est pas affectée par ces transformations. M. Guillaume met en évidence les propriétés qu'il vient d'annoncer par quelques expé- riences de cours très élégantes. La dilatation des tiges est rendue visible en fixant l’une de leurs extrémités taudis que l’autre, qui porte une surface plane striée, parallèle à l'axe de la tige, fait rouler une aiguille mu- nie d'un index. Un appareil d'arrachement, comportant une petite cuve qui s'adapte sur les extrémités du bar- reau d'un électro-aimant en fer à cheval, permet de montrer la disparition du magnétisme au-dessous de 100°. Un coupe-cireuit automatique, dans lequel une tige, maintenue par un aimant et sollicitée par un res- sort antagoniste, se déplace quand le courant atteint une intensité déterminée, est basé sur le même prin- cipe. M. Guillaume indique l'application des propriétés de ces alliages à la compensation dans les appareils de précision; la variation simultanée des deux premiers coefficients de la formule de dilatation présente le grand NT ACADEMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ävantage de rendre possible la compensalion rigou- reuse. Il faut d'ailleurs tenir compte, dans la prépara- lion des pièces, des variations permanentes des alliages, dont les lois sont analogues à celles du dépla- temeut du zéro des thermomètres. — M. van Aubel adresse un travail relatif à la résistance du Réostène, acier au nickel fabriqué par M. Glover, de Salford, La densité de cet alliage est 7,8991 ; sa résistivité à 0°,44 ëst 77,07 microhms centimètres. Le coeflicient de va- ration de la résistance avec la température est 0,00419 entre 00,44 et 149,47 et 0,0011#, de 57° à 74,1. En re- venant à 0°, on retrouve exactement la valeur primi- tive de la résistivité. Celle constance de variation, qui e se relrouve chez aucun alliage, permettra d'utiliser e réostène à la mesure des températures. — M. Ca- michel décrit un ampèremètre thermique à mercure. Le éservoir d'un thermomètre occupe presque totalement Ja section d'une des branches d’un tube en U rempli le mercure. Le courant, en traversant l’espace annu- laire, y dégage une quantité de chaleur variable avec on intensité; on lit l'élévation de température du thermomètre et on gradue l'appareil par comparaison. Une variation de 15° dans la température extérieure ne modifie pas les indications de l'appareil. La self- induction étant négligeable, cet ampèremètre se prête à la mesure des courants alternatifs. La résistance, pour la mesure de courants inférieurs à 20 ampères, ; doit être de 0,005 ohms environ. L'approximation des u Î Û 1 : : E 5 . mesures atteint 500 Il est nécessaire de fixer parfaite- ment le thermomètre, les indications de l'instrument dépendant essentiellement de la situation relative du réservoir et des parois du tube en U. Séance du 16 Juillet 1897. M. Guébhard complète la communication adressée dans, une des précédentes séances sur le tachetage acci- dentel des clichés photographiques abandonnés dans un bain développateur de faible épaisseur. Il a constaté que - le phénomène peut être reproduit avec des liquides fil- “trés et que les lignes directrices du tachetage sont identiques aux lignes de flux. Quant aux causes qui - produisent les auréoles observées autour des empreintes des objets déposés par la plaque, elles sont multiples ; on peut distinguer : la phosphorescence et la chaleur - rayonnée, suriout dans le cas des doigts humains; la concentration de rayons, même rouges, contre lesquels on ne s'est pas protégé; les mouvements du liquide; les actions chimiques ou de tension superficielle dues à un nettoyage incomplet de la plaque ; les actions osmo- tiques exercées sur une surface immergée perméable au liquide ; enfin, dans tous les espaces étroits compris entre la plaque et une surface qui lui présente sa convexité, il se produit des auréoles d'origine capillaire. — M. Ponsot rend comple de ses recherches sur la mesure directe de la pression osmotique des solutions étendues de sucre de canne. Il à pu préparer plusieurs vases à paroi semi-perméable de ferrocyanure de cuivre etil indique comment il a pu réussir cette préparation. La solution sucrée dont il veut connaitre la pression osmotique est placée dans un vase à paroi semi-per- méab'e, plongé dans l'eau pure; le bouchon fermant ce vase est traversé par un tube disposé verticalement et contenant de la solution jusqu'à une certaine hau- teur. Le tout est placé dans un lieu à température à peu près invariable (au fond d'un puits de 18 mètres au Laboratoire de Recherches physiques de la Sorboune, 119,8). La vitesse de déplacement du sommet de la co- lonne liquide dans le tube, ou vitesse osmotique, est mesurée à différentes hauteurs. On déduit de ces mesu- res la position de vitesse nulle ou d'équilibre osmoti- que. La hauteur osmotique, corrigée, multipliée par la densité, donne la pression osmotique. M. Ponsot a fait uue détermination à la température de 0°,8 dans une gla- cière de la brasserie de MM. Dumesnil, à Paris. Résul- tats : la pression osmotique mesurée diffère de la pression théorique de quantités inférieures aux varia- OT NS PTS ; As : : 1 lions expérimentales, toujours plus petites que 0° Le coeflicient de la relation de van € Hoff est égal à 4 ou très voisin de 4 : d’où confirmation des résultats de M. Ponsot sur la cryoscopie des solutions de sucre. L'hy- pothèse de la dissociation du sucre dans ses solutions étendues n’est donc pas appuyée par les résultats cryos- copiques el osmotiques. M. Ponsot se propose d'étendre ses recherches à d’autres solutions. Il indique quelques résultats de son étude théorique de l'équilibre osmo- tique ; il regrette que les documents fassent défaut pour l'application des relations qu'il a trouvées. M. Ponsot pense que les mesures de la pression osmotique seront uliles pour servir de base à l'étude théorique des phé- nomènes de la dissolution; les mesures cryoscopiques et de tensions de vapeur sont. insuffisantes pour cela, notamment à cause de leur précision limitée. D'ailleurs les résultats cryoscopiques sont très variables suivant les auteurs, de telle sorte qu'une hypothèse, celle d’Arrhénius par exemple, trouve des résultats qui l’ap- puient, tandis que d’autres lui sont absolument oppo- sés. — M. Raveau expose les nouvelles observations sur les propriétés des rayons X que M. Rüntgen vient de publier. L'air exposé aux rayons X émet lui-même des rayons X; un écran au plalinocyanure de baryum, protégé contre le rayonnement direct d'un tube, s'illumine quand des rayons X traversent l'air dont il n'est séparé par aucune lame métallique épaisse. Il reste à décider si les rayons qui émanent de l'air sont ou non de même nature que ceux qu'il. a recus. En dehors de ce fait nouveau, le mémoire contient surtout la confirmation d'expériences déjà faites et le développemeut de vues particulières à l’auteur : 4° l'émission des rayons X par l’anode est un phénomène analogue à la fluorescence ; 2° la nature des rayons émis par un tube dépend essen- tiellement de la forme de la décharge, lesautres circons- tances n'intervenant que pour déterminer cette forme; 3° les rayons X nediffèrent pasessentiellement desrayons cathodiques; les écarts entre les valeurs de la transpa- rence des divers métaux aux deux espèces de rayons diminuent à mesure qu'on opère avec des rayons X de moindre pouvoir pénétrant etsur des lames plus minces. M. Korda cite quelques expériences confirmant des résultats obtenus par M. Rüntgen. M. Sagnac rap- pelle que les clichés radiographiques obtenus avec une pose très longue présentent, sur toute leur étendue, un voile qu'il est naturel d'attribuer à l'effet découvert par M. Rôntgen. — M. Jobin présente un polariseur en spalh de faible épaisseur, qu'il a construit sur les indi- calions de M. Joubin. On taille une face perpendicu- laire à la section principale, dans l'angle aigu de cette section et à 38°,25' de la face d'incidence; le rayon or- dinaire correspondant à un rayon normal à la face naturelle est seul réfléchi totalement et on dispose d'un champ polarisé à 4°,5! environ, symétrique autour de la normale. Quand on à abattu les angles aigus pour des plans perpendiculaires aux faces d'entrée et de 1 PERLE : 8 sortie, l'épaisseur n'est plus que les T0 de la largeur de ces faces; le champ est parfaitement suffisant pour la plupart des lunettes des polarimètres et saccharimètres. — M. Beaulard a adressé au mois de mars des observa- Lions sur les rayons catholiques dont il est donné lecture. Ea prenant à la main le tube qui sert à montrer la pré- tendue répulsion des rayons cathodiques, on constate une déviation des rayons; il n'y a pas d'effet si une seule des cathodes fonctionne. Avec un fil conducteur traversé par un courant, on met facilement en évidence les actions électrodynamiques qui s’exercent entre le courant et le rayon cathodique. C. RAveEau. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance du 9 Juillet 1897. Au début de la séance, M. Tanret, en annonçant la mort de M. Schützenberger, passe rapidement son ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES œuvre en revue. Les lecteurs de la Rerue ont déjà lu, à ce sujet, la belle notice de M. Etard.— M.J.Winter répond aux critiques de M. Ponsot. Avant de discuter sur le point de congélation des liquides organiques, il établit une distinction entre la partie technique de ses recherches et l'application qu'il a faite de la cryoscopie. Il croit cette application fort juste. — M. Béchamp dis- cute une note de M. Buchner sur la fermentation alcoo- lique de la levure sans sucre. — M. Mouneyrat, en traitant le chloral par le chlore en présence du chlorure d'aluminium, a obtenu l’éthane perchloré avee d’excel- lents rendements. — L'action de l'acétylacétonate de sodium sur le chlorodinitrobenzène a donné à M. Mut- telet le composé : (CHE — CO) CH — CH (702) avec formation de chloroforme. — M. Guichard a constaté, en réduisant l'anhydride molybdique Mo0*, que l’on n'obtient pas les oxydes Mo*05, Mo“0®, Mo*°0*. Il se forme seulement le bioxyde Mo0®, puis le métal. La réduction peut être totale au-dessous de 600°. — M. Delépine à constaté que l'oxygène à froid soit seul, soit en présence de potasse, n'agit pas sur les solutions d’aldéhyde formique. A 4009 l’action de l'oxygène seule est également nulle; il faut la présence du noir de pla- tine pour provoquer l'oxydation d’après : CH20 + 02 — C0: + H°0. M. Lasne, en dosant l'acide phosphorique à l’état de pyrophosphate, a vérifié l'exactitude de cette méthode. Il a reconnu, par contre, qu'en présence d'un excès d'acide phosphorique le dosage de la magnésie est en- taché d'erreurs. — M. M. Nicloux dose de petites quantités d'alcool méthylique, d'aldéhyde et d'acide formiques par le bichromate et l'acide sulfurique en appliquant le procédé qu'il a déjà donné pour l'alcool. — M. Tanret à préparé le $ chlorhydrale de glucosa- mine à pouvoir rolatoire stable en solution. L'auteur donne pour ce corps 4 —æ+- 722,50. La concentration ou une addition d'alcool ne modifie pas sensiblement le pouvoir rotatoire. — M. Tanret présente une note de M. Sabatier : Sur l'acide nitrodisulfonique bleu et sur quelques-uns de ses sels. E. CHARoN. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. G.-T. Walker : Sur les boomerangs. — Le boo- merang est un instrument {très curieux dont les indi- gènes australiens se servent comme d'une arme. Un boomerang type ressemble en général à un arc d'hy- perbole symétrique, mesurant 80 centimètres de lon- gueur. Au centre, la largeur est d'environ 7 centi- mètres et l'épaisseur d’un centimètre. Les deux bras sont tordus d'environ 4°, Cet instrument, jeté de facon que son plan soit vertical, décrit un trajet circulaire de 40 à 50 mètres de diamètre, atteint une hauteur de 7 à 12 mètres, et vient retomber sur le sol très près de son point de départ, le plan de rotation étant horizon- tal. Le vol peut être regardé comme un cas de mouve- ment régulier dont les conditions varient graduelle- ment. La trajectoire dépend des changements de direction et d'inclinaison du plan du boomerang. On peut d’ailleurs l'expliquer (théoriquement. Si l’on con- sidère le boomerang comme une lame mince et tordue légèrement et qu'on lui applique les forces indiquées par M. Langley dans ses «Expériences d'Aéronautique », on obtient les équations du mouvement, d'où l'on déduit la vitesse angulaire de l'instrument. On peut prévoir plusieurs cas et plusieurs sortes de trajectoires, qui concordent avec les faits observés expérimentale- ment, 2° SCIENCES PHYSIQUES. H. Wilde : Sur la limite de magnétisation du fer. — De petits anneaux de fil de fer à section circu- laire, de 0,57 pouce de diamètre, étaient suspendus au pôle d'un électro-aimant traversé par un courant de 40 ampères; l'auteur appelle limite de magnétisation le poids nécessaire pour détacher les fils de fer de l'aimant. Voici le résultat de ses expériences : FORCE DE TRACTION pour un courant de 40 ampères FORCE DE TRACTION par pouce carré LONGUEUR DU FIL DE FER 385 livres. 397 414 420 422 422 0,2 pouce. 0,4 0,6 0,8 1,0 1,2 On voit que la force de traction augmente avec la longueur du fil jusqu'à 1,0 pouce; pour cette longueur, la limite de magnétisation est de 422 livres par pouce carré ou 29,67 kilos par centimètre carré. Elle ne dépend pas du courant, car elle reste constante lors= qu'on fait varier l'intensité du courant de 40 à 26 ampères. L'auteur montre ensuite qu'on n'obtient pas de meilleurs résultats en opérant avec les deux pôles d’un électro-aimant qu'avec un seul. E.-B.-H. Wade : Nouvelle méthode pour déter- miner la tension de vapeur des solutions. — L'auteur s'est servi d’un appareil analogue en principe à celui de Sakurai, mais en différant par les points suivants : On prend deux tubes en U placés parallèlement dans deux enveloppes recevant le même courant de vapeur. La pression sur les contenus des deux tubes est la même et peut être portée à une valeur quelconque. On mesure simplement au moyen d’un thermomètre différentiel la différence des points d'ébullition de l’eau pure et de la solution placées dans leurs tubes respec- tifs. L'auteur à fait deux séries d'expériences à la pres- sion de 760 millimètres : l'une dans laquelle un petit afflux de chaleur extérieure venait compenser la conden- sation dans les tubes en U, l’autre où la quantité de li- quide mis en expérience élaitmaintenue constante par un arlifice automatique. Les substances examinées ont été les chlorures et bromures de potassium et de sodium et les chlorures de lithium, de calcium et de strontium. L'auteur a calculé le rapport de l'élévation du point d'ébullition à la concentration en grammes-molécules par litre de solution. Les chiffres obtenus varient de 0,90 à 1,06 pour les chlorures des métaux monovalents et de 1,31 à 1,66 pour les chlorures des métaux biva- lents. Or, la théorie d'Arrhénius montre que ce rapport doit être de 1,04 pour les électrolytes du type R'CI quand ils sont complètement dissociés, et de 1,56 pour les électrolytes du type R'CF. Pour certains sels, l'expérience confirme done la théorie; pour d'autres, la divergence dépasse l'ordre des erreurs expérimen- tales. 3° SCIENCES NATURELLES. C.-S. Sherrington, FE. R.S. : Nouvelle note sur les nerfs sensitifs des muscles. -— Dans une précé- dente communication, M. Sherrington avait attiré l'at- tention sur les réactions réflexes que détermine l'exci- tation mécanique ou électrique de chacun des museles de l'œil ou des troncs nerveux qui les innervent. Il éprouva quelque surprise, lorsqu'eut été établie la nature sensitive de ces organes appelés originairement fuseaux musculaires (Kühne), de ne pouvoir en cons- tater la présence dans aucun des muscles oculaires ; il s'attendait tout au contraire précisément à trouver dans ces muscles, en raisou de la coordination de leurs mou- vements et de l'empire qu'exerce sur eux la volonté, en raison aussi de la richesse bien connue de leur innervation, un terrain spécialement favorable pour l'étude des « fuseaux » (spindles). ‘e & Elert Il lui sembla cependant possible que, si dans ces museles les « fuseaux » appartenaient à un type très simple, si par exemple ils ne contenaient qu'une seule fibre musculaire non entourée d'une capsule distincte, mais revètue simplement d'une gaine périmysiale sim- ple, sans aucun espace lymphalique qui l'entoure, s'ils ient réduits à un type beaucoup plus simple qu'au- cun de ceux dont on a constaté l'existence, ils aient échappé à ses observations. Pour déterminer ce qu'il en était en réalité, M. Sherrington a eu recours à la méthode des dégénérescences. Il avait remarqué que les fibres des fuseaux dans les muscles rouges subissent, après section du tronc ner- veux qui innerve le muscle, une altération beaucoup plus lente que les fibres extérieures aux fuseaux; il Sélait écoulé parfois deux ans sans qu'il ait pu observer aucune dégénérescence bien caractérisée. M. Sher- “nington sectionna donc le nerf oculo-moteur à son ori- zine et examina les dégénérescences consécutives dans Jes muscles oculaires et leurs troncs nerveux particu- Cette méthode ne lui permit pas d'arriver aux résul- tats précis qu'il avait espérés : 1° parce que les fibres des muscles oculaires renferment normalement chez e singe une quantité variable de granulations grais- “seuses, qui ont l'apparence d'une altération dégénéra- “irice; 2° parce que les altérations consécutives à la -section, bien que les granulations graisseuses eussent “\isiblement augmenté, n’apparaissaient pas au bout de soixante jours avec les caractères bien nets qu'on au- “rait pu attendre. Mais, d'autre part, dans les troncs ner- Res extra-musculaires et intra-musculaires, ces dégé- nérescences wallériennes ont mis en lumière des faits “importants. A l'exception de quelques fibres très petites, si nombre variable, provenant peut-être du ganglion ciliaire, toules les fibres à myéline contenues dans ces muscles avaient dégénéré. Ces muscles sont donc “innervés pour la plus grande part et de beaucoup par | les fibres de l'oculo-moteur commun. Leur innervation “sensitive ne dépend donc pas des nerfs de la V® paire. “11 faut d'ailleurs observer : 1° que la section des deux “trijumeaux ne trouble pas les mouvements des globes oculaires ; 2° que la section des trijumeaux et des nerfs optiques, même après la section du bulbe, n’altère pas - sensiblement le tonus des muscles oculaires. Et cepen- dant la section des racines sensitives des nerfs qui innervent un muscle abaisse considérablement son _ Lonus. . M. Sherrington a été d'autre part frappé du long tra- jet fait dans ces muscles par un grand nombre de fibres nerveuses qui se prolongent jusqu'à leurs teudons ocu- laires. C'est un fait très frappant, lorsqu'on songe que «les plaques motrices sont presque toutes concentrées à la partie moyenne de la portion charnue de ces mus- cles. Des recherches plus approfondies ont montré que, chez le singe et le chat, ces fibres présentent des subdi- visions terminales qui, en de nombreux cas, pénètrent dans ces faisceaux tendineux. Beaucoup d’entre elles ont leurs Lerminaisons dans le tendon même; d'autres se recourbent en anses et se terminent à la jonction des fibres musculaires avec les faisceaux tendineux. Les fibres nerveuses qui se terminent ainsi s’épaissis- . sent et leurs segments se raccourcissent, L'arborisation terminale de ces fibres est petite en comparaison de celles des fuseaux de Kühne-Raffini, ou de celles des organes tendineux de Golgi, mais par sa forme elle res- semble en des cas nombreux de très près à celles-ci. Le nerf oculo-moteur commun est donc peut-être non pas un nerf purement moteur, mais, bien qu'entière- ment « musculaire », un nerf sensori-moteur, M. Sher- rington a fait porter aussi ses recherches sur les nerfs de [a IVe paire et elles ont abouti à des résultats ana- logues. Il à entrepris également l'étude des nerfs de la VI paire, : Il résulle de ces faits que l'absence dans un muscle de fuseaux de Kühne-Ruffini distincts ne prouve pas qu'il ne contieune pas d'organes terminaux sensifs ni de ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 7127 a fibres afférentes. C'est là un point qui n'est pas sans importance, étant donné que ces recherches de M. Sher- rington lui ont prouvé que les « fuseaux » faisaient défaut dans tous ces muscles oculaires de l'orbite, dans les muscles intrinsèques du larnyx, où l’on trouve ce- pendant des corpuscules de Pacini, dans les muscles in- trinsèques de la langue et dans le diaphragme. Tous ces muscles appartiennent au groupe de ceux qui sont innervés par des fibres de plus petit calibre (Gaskell) que celles qui innervent la plus grande partie des mus- cles qui s'insèrent sur le squelette, c'est-à-dire par les fibres des nerfs afférents splanchniques non ganglion- naires de Gaskell. ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM Communications récentes. 1° Sciences PaysiQues. — M. J.-D. van der Waals : Sur l'équilibre d'un corps solide composé en présence de guz et de liquide. Si l'on échauffe un corps solide simple se trouvant dans un espace vide jusqu'à la température de fusion, on trouve, à une même température et à une mème pression, les trois états du corps réunis. En chaut- fant encore, l'état solide disparaît; en refroidissant, l'état gazeux fait défaut. Cette température unique de réunion des trois états s'appelle le point triple. Un corps simple n’admet qu'un seul point triple. En ad- meltant dans l’espace un gaz neutre, la température d'équilibre varie et devient la température de fusion sous une plus haute pression, mais alors il n'y à plus égalité de pression. Le solide et le liquide se Irouvent sous une pression qui surpasse celle exercée par le gaz. Donc le point triple suppose que l'espace ne contient que le corps simple. Dans cette communication-ci l'au- (eur s'occupe de savoir si un corps COMposé admet aussi un point triple, c'est-à-dire s'il y à une tempéra- ture où la constitution du sorps solide, du liquide et du gaz estla mème. Il faut exclure d'abord les matières qui, comme les hydrates de sels, ne se vaporisent pas entièrement. Dans le cas de ces matières, l’eau seule- ment se vaporise et la molécule de sel ne se trouve pas dans la vapeur; donc elles n'ont pas de point triple. Mais d’autres matières, dont les deux composantes se re- trouvent dans la vapeur, n'admettent également pas de point triple proprement dit. Pour le démontrer el pour déduire des propriétés analogues l’auteur se sert des propriétés géométriques de la surface d. (Arch. Néerl., t. XXIV, etc.) — M. H. Haga présente une com- munication de P.-G. Tiddens : Une méthode d'évalua- tion de la longueur d'onde des rayons X. Si les rayons X sont des mouvements ondulaloires, il doit être possible de produire par leur moyen les phénomènes de diffrac- tion, semblables à ceux de la lumière, la longueur d'onde étant seulement différente. Supposons qu'on ait obtenu une certaine figure de diffraction de lu- mière d’une longueur d'onde connue à, à l’aide de deux fentes parallèles dont la première sert de source de lumière et la seconde de fente de diffraction. Comment faut-il varier les circonstances de l'expérience pour une longueur d'onde » fois plus petite, afin que le résultat soit le même? Si r représente la distance des deux fentes, d la distance de la seconde fente à l'écran où se forme la figure de diffraction, 2a la largeur de la se- conde fente, la méthode de Cornu (Jow:n. de Phys., 1874) apprend qu'on obtiendra, dans les deux cas, les mêmes figures si l’on a : r r! d+r)a®y® _ (d'+7r!) ar (r+E d)adn\ (r'+d')d'\? ro! Fa nn! les lettres accentuées se rapportant au second cas ef y indiquant le rétrécissement de la seconde fente, de : a 2 Re manière qu'on à a'—-. Dans ces deux équations les y ; | inconnus sont 1’, d', y. Cependant pour éviter l'influence de la largeur de la première fente, le rapport de r' à d' doit être égal à celui de » à d. On peut donc poser »=nr, d'=nd, y—1. Ces suppositions forment en effet la base des expériences. D'abord l’auteur a photo- graphié la figure de diffraction de la lumière blanche en prenant 24 — 0,42, y — d— 100", tandis que la première fente mesurait 0,14", Puis, éclairant par des rayons X,ila pris successivement n — 1, 4, 15. L'ana- logie des figures manquant tout à fait, la longueur d'onde des rayons X est certainement plus de 15 fois plus petite que celle des rayons qui agissent sur la plaque photographique. Les expériences se continuent pour n— 21,81. — M. Haga présente encore une note au nom de M. C.-H. Wind : Influence exercée par les dimensions de la source sur les phénomènes de diffruction de Fresnel et la diffraction des rayons X (première com- munication). M. Tiddens, en répétant les expériences de M. Fomm, a trouvé que les phénomènes observés n'obéissent pas aux lois des phénomènes ordinaires de diffraction. Quelle en est alors la vraie nature? L'au- teur, en se demandant quelle moditicalion les phéno- mènes de diffraction de Fresnel doivent subir si l’on se sert d’une fente d'une certaine largeur, a trouvé par la théorie ondulatoire qu'en ce cas les phénomènes doi- vent prendre tout à fait le caractère des phénomènes obtenus par M. Fomm en étudiant les rayons X. En effet, si la fente diffringente est assez large, il se pré- sente dans la partie éclairée de l'écran deux maxima, chacun d'eux se trouvant à une distance déterminée de l’un des bords de la partie éclairée. Si la largeur de la fente diminue, la distance indiquée reste d'abord absolument la même; elle reste encore sensiblement la même quand la fente est devenue tellement étroite que les deux maxima se touchent ou se croisent même. Cette distance est déterminée principalement par la largeur de la fente éclairante ; elle est du même ordre de grandeur que celle-ci. Toutefois elle n’est pas tota- lement indépendante de la longueur d'onde; il sera mème possible d'évaluer cette longueur, si l'on à me- suré exactement la distance en question. M. Wind a trouvé que les expériences, faites avec la lumière ordi- naire, confirment parfaitement ces considérations théo- riques. Quant à ces phénomènes que l’auteur appelle des phénomènes sesondaires de diffraction et qui trou- vent une explication très plausible dans la théorie ondulatoire, les rayons X semblent se comporter préci- sément comme les rayons de lumière, à part quelques écarts provenant probablement de la différence de longueur d'onde. Voilà une preuve presque concluante que les rayons X doivent être rangés dans la même classe de rayonnements que la lumière, — M. H. Ka- merligh Onnes présente deux communications de M. E. van Everdingen : 1° Rapport entre la varialion magnétique de la résistance du bismuth et la dissymétrie du phénomène de Hall. Une épreuve préliminaire à d’abord démontré que des résistances égales en dehors du champ magnétique pouvaient devenir différentes sous l'effet de l’aimantation. Ensuite une épreuve faite à l’aide de deux petites tiges de bismuth, taillées dans un même fragment homogène de bismuth cristallisé et dans des directions perpendiculaires entre elles, à mis hors de doute que la dissymétrie est due à l'inégalité de l'accroissement de résistance dans les deux direc- tions. 2° Relation entre l’élat de cristallisation et les phé- nomènes électro-magnétiques dans le bismuth. Pour trouver cette relation, l’auteur à fait des expériences avec des plaques taillées dans un gros bloc de fonte de bismuth. Des recherches systématiques ont fait voir que les grandes différences que l’on observe dans laccroisse ment de résistance, hennent à la disposition des cris- taux dans la plaque. Des lois, établies pour l’explica- tion du phénomène, ont été vérifiées à l’aide de plaques taillées dans de gros fragments de bismuth cristallisé et homogène. Le coefficient de Hall aussi bien que l'accroissement de résistance dans un champ magné- tique dépendent, pour le bismuth cristallisé, de la direction de la coupe. On a observé des valeurs, variant de 4 à 7 pour le coefficient de Hall et de 1 à 2 pour la résistance. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 29 ScIENCES NATURELLES. — M. C.-A.-J.-A. Oudemans“ 4 Une ma'adie du Perce-neige (Galanthus nivalis). L'auteur parvient aux conclusions suivantes : 1° La maladie provoquée par Botrytis galanthina Sacc (Syll. IV, 43 vivant en parasite avec ses hyphes mycéliennes à lint rieur des lissus, découvert en 1873 par MM. Berkele et Broome, décrit sous ie nom de Polyactis galanthinæ 20 Le Botrytis galanthina persiste au moyen d’une géné ration dormante, connue sous le nom de Sclerotium 3° On n'a pas encore réussi à multiplier le Botrytis gaulanthina par la dissémination des sclérotes. Cepen dant il est des cas où une autre Mucédinée, trouvé par l'auteur, qui a recu le nom de Monospora Galant mais qui ne semble avoir aucune relation généalogique avec le sclérote, et dont les dimensions sont beaucoup moindres que celles de Botrytis galanthina, s'étend à la surface de ces corps noirâtres, et y fait mürir ses coni dies qui se distinguent par une couleur foncée et une grandeur plus prononcée que celle du Botrytis. 4° La question de savoir si un autre champignon inférieur habitant le tissu intérieur des écailles des bulbes nommé Fusoma Galanthi est pour quelque chose dans la pourriture des bulbes, reste indécise. 5° Il est à dési rer que les cultivateurs s'efforcent d'établir si des con dilions météorologiques (couche de neige épaisse, dégel précipité, etc.) influent sur la maladie. — M. Oude mans s'occupe encore d’une maladie des Pivoines (Pæo= nia). Le Botrytis des pivoines, appartenant au sous-genre Phymatotrichum, ne se trouvant nulle part décrit, l'aus teur en donne la diagnose en le désignant sous le nom de Botrytis pæoniæ; les sclérotes n'en ont pas été dé couverts jusqu'ici. — M. H.-J. Hamburger : Sur une méthode quantitative pour l'évaluation de l'influence bacté- ricide du liquide sanguin et tissulaire. La méthode qu'on applique généralement pour comparer la puissance bactéricide de deux liquides, consiste à compter less germes qui, après un temps déterminé, ont survécu. Dans ce but on mélange des quantités égales de géla= line ou d'agar-agar liquéfiés avec des quantités égales mais petites d'une culture de microbes en bouillon; on en fait des plaques et après que les germes se sont développés on les compte. L'auteur critique cette méthode et la déclare impropre à des évaluations com- paratives, qui ne sauraient permettre des fautes de 401 à 50 °/,. Il propose une nouvelle méthode, laquelle se base sur l'évaluation, non pas du nombre, mais du volume des microbes au moyen d'une centrifuge. Cette méthode ne donne des fautes maximales que de 6 2/6. — Ensuite M. Hamburger s'occupe de l'effet salubre de la pression veineuse et de l'inflammution dans la lutte du corps contre les bactéries. L'auteur démontre expérimen- talement que les deux propriétés de l'acide carbonique d'extraire des alcalis diffusibles aux albuminates et de faire gonfler les corpuscules rouges et blancs du sang augmentent considérablement la résistance aux mi- crobes. P.-H. ScHouTE. ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE Séance du 1°" Juillet 1897. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. A. Nestler a constaté que la production d'eau liquide sur les feuilles est un phénomène général chez la plupart des Malvacées. — M. J. Lorenz von Liburnau : Sur les algues du Flysch. — M. Ad. Stener décrit la faune pélagique recueillie pendant une expédition dans la Mer Rouge; le plank- ton est plus abondant sur la côte ouest que sur la côte est. — M. Fr. Schenk étudie le développement de la mâchoire inférieure chez les Oiseaux. Elle est compo- sée, chez l'embryon, de neuf petits os séparés qui se soudent dans le cours de la croissance. — MM. H-J. Czinner et V. Hammerschlag décrivent le développe- ment de la membrane de Corti chez les Verlébrés. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. is. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, ru: Cassette. 8° ANNÉE DIRECTEUR : N° 18 30 SEPTEMBRE 1897 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES LOUIS" OLIVIER CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Électricité industrielle Le chemin de fer électrique de la Jung- frau. — Les travaux de la ligne électrique de la Jungfrau se poursuivent avec une rare activité. En plusieurs points, la voie est presque complètement ter- minée et les stations s'éditient au sein de la montagne. On sait que ce nouveau chemin de fer à crémaillère est à traction électrique. Seule l'électricité, produite hy- drauliquement, pouvait donner une solution pratique du problème. À la Jungfrau, cependant, on est exposé à rencontrer de très grandes difficultés. Les obstacles sont dus, non pas au système de production et de transmission de l'énergie, mais à la nature du sol sur lequel doit reposer la voie. La déclivité extrème du terrain, la présence des glaciers, la raréfaction de l'air, le froid, sont autant de facteurs qui ne laissent pas que d'embarrasser sérieusement les ingénieurs. Le pro- blème d'hydraulique électrique, au contraire, demeure d'une très grande simplicité. Il présentait plusieurs solutions. Celle que l’on a adoptée ne semble pas être l’une des plus mauvaises. On sait que les deux vallées de Lauterbrunnen et de Grindelwald sont parcourues par deux rivières, la Lut- schine blanche et la Lutschine noire, qui se réunissent pour se jeter dans le lac de Brienz, non loin d'Inter- laken. Ce sont ces deux rivières qui seront utilisées pour produire la force nécessaire. Deux usines — l’une près de Lauterbrunnen, sur la Lutschine blanche, don- nant environ 1.500 chevaux, l’autre près de Burglau- enen, sur la Lutschine noire, donnant 4.800 chevaux, — sont actuellement en construction; leur puissance totale sera de 6.300 chevaux environ. L'installation de Lauterbrunnen doit être terminée en septembre 1897. D’après les mesures effectuées en juin 1896, le débit des rivières est de 17 mètres cubes à Burglauenen et de 15 seulement à Lauterbrunnen. On pourrait donc obtenir, en tenant compte de la hauteur de chute dis- ponible, environ 2.130 chevaux dans le premier cas et 9.000 dans le second, la Lutschine noire donnant une chute trois fois plus haute que celle de la Lutschine blanche. Les variations du débit des deux rivières coïncident REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897. heureusement avec celles de l'exploitation. Pendant les sécheresses de l'été, les Lutschines, grossies par la fonte des g'aciers sous l'influence de la chaleur solaire, don- nent leur débit maximum. En automne etau printemps, périodes pendant lesquelles le nombre des touristes est restreint, la quantité d’eau est moyenne. Enfin, en hiver, elle est minima et ne dépasse guère pendant les grands froids, 1,7 m.c. pour chacune des deux ri- vières. La force motrice dont on disposera sera donc en quelque sorte proportionnelle aux nécessités du mo- ment. L'unité adoptée pour les machines est de 500 che- vaux. Elle est largement suffisante pour permettre de remorquer, avec une vitesse de 8,5 kilomètres à l'heure, un train de quatre-vingts personnes sur une rampe de 25 °/,, sans préjudice du chauffage et de l'éclairage. Pour un wagon automobile, la consommation de force calculée d’après l'effort à exercer sur la crémaillère est de 211 chevaux pour un poids total de 26 tonnes. Le rendement est le suivant : Moteur et (transmissions, 0,70; conducteur secondaire et transformateur, 0,84; conducteur principal, 0,92; dynamo, 0,93; produit total, 0,50. Le travail à l'arbre des turbines est de 424 chevaux. L'éclairage sera obtenu par l'intermédiaire des accu- mulateurs. Quant au chauffage, il exigerait une batterie beaucoup trop puissante, aussi a-t-on renoncé à cette solution. Le courant servant à ce service est donc em- prunté à la canalisation générale. L'électricité servira également et sert actuellement à diverses autres besognes. C’est elle qui actionne les perforatrices et chauffe les marmites des cuisines où se préparent les aliments des travailleurs employés à la construction de la voie. L'usine hydraulique de Lauterbrunnen, qui utilise comme onu l’a dit l’eau de la Lutschine blanche, est si- tuée sur celte rivière, immédiatement au-dessus du pont de la ligne de la Wengernalp. Une canalisation de 690 mètres de longueur, avec 3 °/ de pente, est placée sur la rive gauche de la Lutschine. Elle se compose de tubes de fer de 6 mètres de longueur et 5 millimètres d'épaisseur (parois). Cette canalisation amène les eaux dans la conduite principale qui mesure 1.625 mètres de longueur. Cette conduite aboutit à son extrémité la s1 730 plus basse dans la chambre des turbines, chaque rami- fication étant munie d'une vanne. Deux turbines seulement, de 500 chevaux, sont mon- tées pour le moment et deux turbines de 25 chevaux pour l'excitation. Les grandes turbines sont du système Girard; leur axe est horizontal. Elles sont munies d’un régulateur très sensible. Les petites turbines sont éga- lement pourvues d’un régulateur automatique. ; Le coût d'établissement de l’usine de Lauterbrannen monte à 548.000 francs. En admettant que la force pro- duite soit de 2.130 chevaux, on constate que le prix du cheval à l'axe des turbines n’est que de 260 francs. Dans la partie électrique de l'entreprise, on a dù - innover en plus d'un point. Les techniciens qui ont élaboré le projet ont été una- nimes à donner la préférence aux courants polyphasés. Les quatre turbines actionnent donc quatre générateurs à courant triphasé. La tension est de 7.000 volts, le Hi Hi NN ÈS : f Cheron de fer de la Jungfrau a : (ture) +++ ++ Ch defer en exploitation (Lauterbrumen. Schaëegg.Grndelvraé ; Sacs Conducteurs venant des stations jeneratrices Fig. L. — Carte du massif de la Jungfrau et du chemin de fer projeté. nombre de tours de 380 à la minute et le nombre de périodes de 38. Les dynamos sont accouplées directement aux tur- bines. Elles sont excitées par deux dynamos à courant continu. Ces dernières sont mues par les petites tur- bines de 25 chevaux dont il a été question. Une seule dynamo suffit pour exciter les quatre génératrices. Du bâtiment des turbines le câble principal va diree- tement à la station Scheidegg (fig. 1), où la tension est abaissée de 7.000 volts à 500, à l'aide de transformateurs. La canalisation est à l’air libre jusqu'à l'entrée du tunnel. Sa longueur est de S kilom. 5. Le diamètre des conduc- teurs est de 7,5 et la perte d'énergie de 8 °/, seule- ment. Les trois càbles sont solidement soutenus. Le courant est distribué dans le parcours Scheidegg- Tunnel à l’aide de deux câbles aériens de 9 millimètres et de deux trolleys. Les câbles sont soutenus par des poteaux de bois placés des deux côtés de la voie, comme cela se pratique pour les tramways. Leur hau- teur au-dessus des rails est de 4 mètres exactement. Tous les 18 à 25 mètres, des câbles transversaux les supportent à l’aide d'isolateurs. Les poteaux, auxquels sont fixés ces câbles transversaux, servent à une se- CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE conde canalisation : celle du téléphone d'un côté de I voie, celle des appareils de mesure de Îa tension de l’autre côté. ‘# On a pris toutes les précautions nécessaires po assurer un isolement aussi parfait que possible à Ja canalisation principale. Le Département des Chemins de fer suisses s’étan opposé à l'emploi de courants de 7.000 volts, on à dù employer des transformateurs pour l'abaisser à 500 volts: Les transformateurs, au nombre de 12, sont placés. dans 11 stations siluées aux abords de la voie. Dans les: rampes de 25 0/,, il y a un transformateur par kilo= mètre; dans celles de 10 à 15 °/,, une station de trans- formateur pour { kilom. 3/4 à 2 kilomètres. Le douzième transformateur sera destiné à fournir les courants alimentant les dynamos de l'ascenseur du sommet. On a préféré la combinaison reposant sur l'emploi d'un grand nombre de transformat-urs, à celle qui n'en exige qu'un petit nombre. On obtient ainsi une plus grande sécurité, les stations: voisines pouvant. fournir le courant en cas d'accident. Les stations transformatrices livreront le courant à la voie. En tenant compte du rendement total de l’ins- tallation, on admet que, pour les débuts, la station. génératrice de courants triphasés devra fournir environ 1.400 chevaux. Cette force sera suffisante pour assurer le service de trois trains montants et trois trains des- cendants, tous remplis de voyageurs. Ce chiffre com- prend : ErachontdieS can RER 667 Eclairage des trains et des tunnels . . . . . . 58 Eclairage des stations et ascenseur au sommet. 200 Chauffage: : eu LS ARR 120 Total CRE Ue Indiquons encore, pendant que nous sommes dans les chiffres, ceux qui ont été établis par M. Guyer- Zeller, le promoteur de l’entreprise, pour le coût de l’entreprise, les frais d'entretien et de fonctionnement, et les recettes prévues. D'une part, en réservant une large part pour l'imprévu, on estime le coût total de la ligne à 10.000.000 francs. Cette somme se décompose en : Frais d'administration (concession, études). 200.000 Souscription des capitaux . 300.000 Expropriation . APE AIS 60.000 HreneaVoie terre IPF RCE 6.129.000 Stations et constructions diverses. . 180.000 Usines génératrices de Lauterbrunnen et Burglauenen . ATEN 800.000 Observatoire. 100.000 Matériel roulant . 821.000 Mobilier et personnel . 210.000 Total. 8.800.000 IMPTÉVU RE EN EES 1.200.000 Capital d'établissement. 10.000.000 En partant de ce chiffre de 10.000.000 franes, on voit que la recette totale ne devra pas être inférieure à 5 ou 600.000 francs. D'après la concession, le prix du billet aller et retour de la Scheidegg au sommet de la Jungfrau ne peut être supérieur à 45 francs. Il sera probablement de 40 franes, soiten moyenne de 35 francs, en tenant compte des voyages à prix réduits. M. Guyer- Zeller prévoit 10.000 voyageurs pour le sommet et 30.000 pour les stalions intermédiaires de la ligne, ce qui, avec les marchandises et la location de force mo- lrice, assurerait une recette d'environ 722.000 franes. Les actionnaires toucheraient donc du 6, S°/, environ, ce qui semble réellement un peu merveilleux. L'avenir dira ce qu'il faut penser de ces prévisions optimistes. Il est d'ailleurs fort possible que la réussite soit com- plète et que les trois courses quotidiennes ne suffisent pas au trafic. Chaque train, il est vrai, se composera de deux wagons et de la locomotive électrique placée à CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 131 à parlie inférieure. Le convoi complet comprendra lonc 70 à 80 personnes assises. | locomotive électrique repose sur deux essieux lintermédiaire de deux ressorts en spirale dont le est limité à 40 millimètres dans les deux sens par S arrêts. Le cadre ou châssis est analogue à celui des émotives ordinaires. Deux électromoteurs de 125 che- aux (800 tours à la minute) agissent sur les axes mo- eurs par l'intermédiaire d'engrenages placés symétri- juement par rapport aux dynamos. La puissance maxima 300 chevaux correspond à une consommation de 85 kilowatts, soit environ 235 ampères par phase du ourant de ligne à 500 volts. Pour les roues de grand liämètre, on à employé l'acier fondu et l'acier forgé pour les roues dentées de la crémaillère. La locomotive électrique possède trois sortes de feins : 4° un frein électrique, agissant sur l'axe de la amo et entrant en fonction dès que le moteur che. Il est disposé de telle manière que si le moteur ent à s'emballer ou du moins à prendre une vitesse fuun régulateur électrique permet de déterminer davance, le courant est interrompu et le frein fonc- ET] * _ ES = i = ! £ He ÿ j Ÿ “< = s S S En $ Ep. 2 > S = È È 5 5 = # È 3 è = Sa > ë BE y È 8 D © S à 2 3 ë / : Ë DL’ D © > z à = si = L 2 ë È £ SE S S Æ-200 —— La —— e o î o 1 2 3 z 5 6 Zz 4 # 10 u É 1 :100000 pour les lenqu £ HERRîE {; 20000 cour les haute p Fig. 2. — Profil du chemin de fer de la Jungfrau. dionne. On peut d'ailleurs obtenir ce résultat depuis la plate-forme antérieure en manœuvrant un interrupteur; 29 un frein à main, agissant par l'intermédiaire d’un levier sur deux sabots en bronze enserrant la roue den- “iée motrice; 30 un frein à levier, saisissant les rails à l'aide de tenailles spéciales. Ce frein, très puissant, ne “emploie qu'en cas de nécessité. Il peut étre manœuvré “par les deux conducteurs du train. Les sabots de ce frein sont en bronze. En cas d'interruption du courant, le frein à tenailles peut servir de régulateur et permettre d'achever la descente jusqu'au bas de la ligne, On ne risque done pas de rester en détresse et l'on peut tou- “jours au moins rebrousser chemin. - Les wagons de marchandises sont du poids de 2.600 kilos. La charge qu'ils peuvent prendre est de 5.000 kilos et la surface utilisable mesure 4 mètres “sur 2. Chaque wagon est pourvu d'un solide frein à lenailles se manœuvrant à la main. La partie hydraulique de l'entreprise est exécutée “par Rieter et Cie et Escher Wyss et Ci°; la partie élec- “hique par les usines d'OErlikon et par la maison Brown, “Boveri et Cie. Les locomotives sont construites par la “Schweizerische Lokomolivfabrick et les wagons de marchandises par la Fonderie (Giesserei) de Berne. Il n'a pas encore été question de la voie, ni de son lacé, ni de sa disposition; et cependant cette partie du problème n'est pas la moins intéressante, On s'est arrêté aux plans de M. Guyer Zeller (fig. 4 et 2). 1h Le tracé en cours d'exécution part de la Petite Schei- degg, station de la ligne de la Wengernalp (qui va de Grindelwald à Lauterbrunnen). Pendant les premiers kilomètres, déjà terminés actuellement, la ligne est à ciel ouvert. Elle s'engage bientôt dans la montagne (Eiger) par une pente de 25 9/, pour sortir à 3.000 mètres environ, après avoir évilé le sommet de l'Eiger, afin de demeurer sous le glacier. De là, la ligne franchit l'arète qui relie l'Eiger au Mæœnch et passe sous cette dernière cime pour repa- raitre à l'air libre, vers 3.600 mètres (station Mænch). Le col de la Jungfrau (Jungfraujoch) n'étant qu'à 3.470 mètres, le tracé prévoit une descente par une pente de 22 /,. A la cote de 3.393 mètres, la ligne, toujours en tunnel, remontera vers la Jungfrau, cette fois, après une courte apparition à ciel ouvert (station Jungfraujoch). La dernière étape comprend une pente de 25 °/,, aboutissant sous le sommet de la Jungfrau, à 4.100 mètres. Un puits vertical, dans lequel seront établis des ascenseurs électriques, prendra les voya- geurs pour les déposer au point culminant du parcours, à 4.166 mètres. Tel est le tracé adopté dans ses lignes essentielles ; la disposition de la voie a dù se ressentir de la har- diesse de ce tracé. Les rails latéraux sont en acier fondu, reposant sur des traverses de même métal. Ils mesurent 10%,5 de longueur; leur hauteur est de 100 millimètres, la lar- seur de tête, 90 millimètres, de base, 90 millimètres, et ils pèsent 20,6 kilos par mètre courant. Les extrémités des rails sont coupées sous un angle de 45°. On obtient ainsi un roulement plus doux. Les rails sont reliés entre eux, au point de vue électrique, à l’aide de connexions du système de la Chicago Railroad. Les traverses, de forme prismatique, ont 1*,80 de long et sont fermées à leurs extrémités. Leur poids est de 37 kilos, soit 20,3 kilos le mètre courant. Leur dis- tance est de 50 centimètres en certains endroits, mais elle varie. Les rails sont fixés aux traverses à l’aide de plaques et de boulons d'un modèle spécial. Pour la crémaillère, on s'est adressé au nouveau dispositif de M. Strub. Il diffère du système Abt en ce que les dents sont de forme conique. Cette modification importante a pour effet de permettre l'emploi de pinces ou tenailles saisissant la crémaillère, de manière à immobiliser le convoi en cas d'accident, ou à ralentir sa marche. On obtient ainsi un frein d'une grande puissance et d’un fonctionnement très sûr. La crémaillère Strub est formée de barres de 32,50; elle pèse 34 kilos seulement le mètre courant. L'emploi des pinces de sûreté qui entourent la cré- maillère, présente de nombreux avantages au point de vue de la sécurité. Agissant latéralement et d'une manière égale dans les deux sens, ces tenailles, qui sont manœuvrées à laide d’un simple levier, per- mettent d'aborder les pentes supérieures à 25 °/,. La voie complète, rails, traverses, crémaillère, ne pèse que 125 kilos par mètre. La crémaillère, laminée par le Bochumer Verein, est faconnée dans les usines L. de Roll, de Gerlafingen (les seules usines suisses possédant des hauts fourneaux). Les diverses opérations s'effectuent à froid, A. Berthier. — Géographie et Colonisation & 2. Les voyages d'étude de la « Revue ». — Au pays des Croisés. — La croisière en Méditerranée orientale, organisée par les soins de la Revue générale des Sciences et de son Comité de Patronage, à eu le même succès que le voyage en Baltique. Le départ, avancé de quelques heures pour permettre une excur- sion à Baalbeck, a eu lieu le lundi 13 septembre à une ‘ La plupart des renseisnements qui précèdent sont em- pruntés aux notes parues dans l1 Revue polytechnique suisse (Schuweizerische Bauzeilung). 132 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE heure, de Marseille. Les premières nouvelles recues nous annoncent que le Sénégal, le paquebot affecté par la Compagnie des Messageries Maritimes à cette croi- sière, a accompli sans incident sa longue traversée de Marseille à Rhodes. Avec une précision qui fait honneur à son excellent commandant, il est arrivé exactement à l'heure prévue aux escales de Rhodes, Adalia, Fama- gouste et Beyrouth. Tout nous fait espérer que la suile du voyage s'effectuera dans les mêmes conditions et que le programme arrêté sera suivi de point en point. La culture du giroflier dans les colonies françaises. — La Revue des Cultures coloniales vient de publier, sur la culture du giroflier dans les colonies françaises et au Congo en particulier, d'intéressants renseignements dont nous extrayons les suivants : Depuis quelques années, ce sont surtout le caféier et le cacaoyer que l'on cultive sur de grandes surfaces aux colonies. Mais il est peu prudent de s’en tenir à une seule culture, comme on le fait généralement, et toutes les fois que les circonstances seront favorables, il sera bon d'adjoindre aux grandes cultures celle de plantes acces- soires, telles que la vanille, le poivrier, le giroflier. Le giroflier a été introduit au xvin® siècle à la Réu- nion, à Madagascar, aux Antilles et à la Guyane. Son introduetion au Congo ne date que de 1889, où elle fut faite par les soins de M. Maxime Cornu. Dans cette dernière colonie, la culture de la plante au Jardin d'Essai de Libreville a donné des résultats encoura- geants; il est à souhaiter qu'eile se répande sur une srande échelle ; elle contribuera ainsi à augmenter les ressources de la colonie. Le giroflier est une Myrtacée d'une dizaine de mètres de hauteur; il commence à fleurir vers la sixième an- née. [l se couvre de boutons, ayant la forme d’un clou (d'où leur nom), qu'on cueille dès qu'ils prennent une teinte rosée. On les fait sécher au soleil et on les met en sacs ou en barils. Un giroflier adulte peut fournir de 1 à 2 kilos de produit; le prix varie de 95 à 400 fr. les 100 kilos. Le droit d'entrée en France est de 104 fr. les 100 kilos pour les produits des colonies françaises et de 208 fr. pour les produits étrangers. L'Europe consomme annuellement pour 2 millions de girofle, provenant en partie de la Réunion, de Ma- dagascar, et de la Guyane, dont les produits sont supé- rieurs. On sait que le girofle est surtout employé dans l'art culinaire ; l'essence de girofle, mélangée à d'autres, sert de parfum. $S 3. — Congrès Le Congrès médical de Moseou. — Le Con- grès de Moscou, le douzième des grands Congrès de Médecine qui out lieu tous les trois ans, s’est ouvert dans cette ville le jeudi 19 août, sous la présidence d'honneur du grand-duc Serge, gouverneur de la cité. Dans cette première séance, après les souhaits de bienvenue, les délégués des pays étrangers ont lu leurs adresses; puis, comme si on craignait de perdre du temps, en face du nombre considérable des communi- cations annoncées, de suite on a entendu les discours des professeurs Virchow sur la médecine considérée comme science biologique; Lannelongue, sur le traite- ment des tuberculoses locales par le chlorure de zinc; Lauder-Brunton,surles rapports des différentes branches des sciences médicales. La soirée de ce premier jour a été consacrée à par- faire l’organisation du Congrès. Dans un immense bàti- ment, le Manège, on a installé une série de Comités : Comités nationaux, Comités de logements, de rensei- gnements divers, bureau de poste, salle de presse, buffet, etc. Les membres de cette réunion, suivant leurs aptitudes, se sont répartis entre les diverses sections; à chaque section avait été attribué un local spécial : par- tout on paraît avoir travaillé activement. On peut discuter assurément sur l'utilité de pareils Congrès, sur leur trop grande fréquence, sur le nombre des langues à employer, etc.; on est en droit de demander si on ne gagnerait pas à restreindre \ foule des membres, à rechercher la qualité plut que la quantité, à n’admettre que de vrais travaille et non des personnes profitant des faveurs des chemins de fer pour réaliser un voyage de plaisir, etc. Telles qu'elles sont, ces réunions ont des avantages — On se rencontre, on se connaît; on s'adresse d questions complémentaires sur tel sujet traité par confrère que l'on voit; plus tard, du jugement por sur la personne, on déduit plus sainement la valeur dl l'œuvre, etc. Si de ces Assemblées ne sortent pas souvent di grandes découvertes, c'est que, d'abord, ces découverte sont rares; c'est, qu'en second lieu, on n’atlend pa toujours pour les faire la veille de ces Congrès. Une des caractéristiques de ces groupements, c'es de pousser plus loin l'étude des questions à l’ordre du jour, chacun apportant ses documents. C'est ce quim eu lieu à Budapest pour le sérum de Behring; c'est qui s'est passé à Moscou pour divers problèmes. j Dans les Sections de Physiologie, de Chimie biolo gique, on s'est préoccupé de la question de jour.e jour plus importante des glandes internes, c’'est-à-d des glandes dont les produits, pour une part au moins au leu de s'écouler par un canal, soit directementa l'extérieur, soit dans un point communiquant avec Pair ambiant, sont emportés par la circulation. ! - Ewald et Gley ont écrit d'intéressants rapports sur le corps thyroïde, qui, avec les capsules surrénales, fixe l'attention de tant de chercheurs, et vient d’être l’objet de la part de Moussu, d’une thèse magistrale; ce corp thyroïde a-t-il, dans les glandules voisines, des organes de suppléance pure et simple, comme on le croyait, © bien ces glandules ont-elles des propriétés distinctes? Et adhue sub judice lis est. — Toutefois, il semble quë l’ablation de ces glandules provoque des accidents plus rapidement graves que la suppression de la grossè glande, suppression suivie d’hébétude, d'infiltration œdémateuse des téguments, de myxædème, etc. La question des ferments est une des plus passion nantes de l'heure présente : qui ne connaît, à cet égard, les beaux travaux de Bertrand? — Les cellules ne réa lisent pas constamment d'une facon immédiate une série de phénomènes d'oxydation, de réduction, de métamorphoses du sucre, des albumines, des graisses si, en tout cas, elles interviennent sans intermédiaires elles agissent aussi grâce à des ferments. Le pro'esseum Bouchard, dans ses lecons inédites sur la nutrition, & nettement mis en lumière ces mécanismes intimes: relatifs aux échanges. Que la lipase d'Hanriot manque de qualité ou de quantité, l'obésité pourra être la cons séquence de ce défaut de transformation des corp gras; de même, si la diastase qui conduit le sucre à l'état graisseux est en défaut. Ce sont là des notions remarquablement exposées par Le Gendre dans som rapport sur l'obésité, rapport que j'ai lu en son nom à la cinquième section du Congrès de Moscou. — Abelouss et Biarnès ont étudié avec soin les ferments oxydants qui peuvent exister dans les tissus, rappelant la laccase ; ce type si curieux correspondant à une sorte de sel dont l'élément basique serait du manganèse, dont l'élément acide serait la partie albuminoïde secondaire au point de vue de l’activité, puisque la fixation d'oxy gène est proportionnelle au manganèse. Dans la Section de Pathologie générale, on à vu se faire jour avec une force nouvelle le besoin de savoir comment l'économie résiste aux germes. — Au début de la Bactériologie, toute maladie, pensait-on, avait son microbe; la pénétration de ce microbe délerminait l'éclosion du mal. — On sait aujourd'hui que, si on place à part les bactéries spécifiques, celles de la morve, du charbon, bactéries génératrices d'un pro- cessus parfaitement déterminé, constamment semblable à lui-même, on voit que les troubles morbides habi- tuels, angines, entérites, pleurésies, laryngites, bron- chites, synovites, elc., sont causés par des agents aus CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 733 nombre de quatre ou cinq, du moins en lant qu'es- Pèces, car il existe des variétés. La diversité de ces nfections tient sans doute à la nature du parasite, à son degré d'activité, à son mode de pénétration; elle lépend aussi du terrain : dès lors, l'étude des modifi- alions de ce terrain acquiert une importance considé- fable. — D'autre part, ces germes vulgaires sont sans esse placés à notre portée; ils sont en général réduits impuissance par la résistance des tissus : par suite, f connaissance des procédés de défense se pose comme un problème capital. A la Section de Pathologie générale, Charrin a montré que les poisons d’origine microbienne placés dans Pintestin sont absorbés lentement, atténués par les es digestifs, modifiés par les ferments figurés; en utre, dans la muqueuse existe un principe qui permet | l'organisme de lutter plus énergiquement. Ces données, établies avec le concours de Lefèvre, Mangin, Cassin, s'appliquent à tout instant. Chacun Sait, en effet, que pour faciliter la pullulation des bactéries, il est peu de moyens plus efficaces que lin- troduction d’une faible dose de toxines; il est donc urgent d'annuler celles qui se produisent sans relâche “dans le tube digestif tout aussi bien que celles qui dérivent de l'extérieur. De plus, c’est par cette voie que pénètrent la plupart des agents morbides. A côté des défenses nalurelles, prennent place les “protections artificielles : parmi elles, l'immunité ac- quise. Cette immunité apparait de plus en plus comme “une propriété cellulaire jusque-là inconnue, suivant la formule du professeur Bouchard. Ce ne sont point les “ioxines vaccinantes introduites qui rendent l'orga- “nisme résistant; ce sont les modifications qui font suite “à leur entrée. Au contact de ces principes d'origine “microbienne, les tissus acquièrent une vie nouvelle, “font apparaître des éléments bactéricides ou anti- toxiques ; certains phagocyles manifestent une activité plus grande. Mème au point de vue des échanges usuels, la nutrition se révèle autre qu'auparavant; l'urée en particulier, ainsi que je l'ai vu avec Desgrez, est fré- -quemment diminuée. C'est également à cette Section que Petrucei, Hille- “mand, ont développé leurs théories relatives à l'héré- dité, à l'état réfractaire, théories reposant sur la suprématie du système nerveux. Phisalix, de son côté, a fait connaître la suite de ses “belles recherches qui le conduisent à dissocier, dans les venins, des substances multiples, les unes nuisibles, les “autres utiles à l'animal. Il y a, dans ces données, un “rapprochement de plus à établir entre ces venins et les produits bacillaires proprement dits. On sait, du reste, que l'école de Bouchard a, la première, soutenu cette “notion de la multiplicité des sécrétions d'un germe d'infection, notion que bien des auteurs sont à la veille de découvrir. ; Dans la Section de Médecine, les rapports de Chauf- fard, de Gilbert, de Brault, etc., ont reflété la préoccu- pation de l'heure présente, à savoir le souci du méca- nisme‘de la lésion. — Savoir comment est cette lésion ne suffit plus! On s'efforce de rechercher les chemins parcourus par la cellule dans ses étapes morbides; on suit cette cellule dans ces élapes; en somme, pour - caractériser une cirrhose, une néphrite, etc., on s'ap- puie sur la donnée étiologique, d'une .part, sur la marche, la durée, l’évolution, d'autre part. Le rôle des Coccidies, des Sporozoaires, d'une série de parasites plus élevés que les bactéries n'a pas été négligé : Bosc a étudié avec soin ces agents dans les diverses phases des néoplasmes. ï L'avènement de la Bactériologie a paru reléguer au second plan les travaux concernant les diathèses; au- jourd'hui, la nécessité de connaître le terrain, d’ana- lyser les modalités chimiques ou physiques, statiques ou dynamiques de l'économie, ramène à ces travaux. — Le rapport de Le Gendre sur l'obésité place en vedette la part des ferments; avec leur abondance, leurs qualités, leur activité, varient les métamorphoses imposées à la matière. — La part qui revient au système nerveux, aux capillaires, à l'appareil vaso-moteur, dans l'histoire de l’inflammation, à fourni matière aux dis- cours de Virchow, de Chiari, de Perdick, etc. La sérothérapie a naturellement suscité une série de discussions. — Seul le sérum de Behring, en dépit des exagéralions du début, semble mériter confiance; le sérum anli-streptococcique, tout au moins pour le moment, est inefficace; celui du tétanos est purement préventif. — 11 convient de signaler, à ce sujet, les acci- dents attribués à l'abus de ces liquides, qui contien- nent des albumines assurément innocentes d'une façon immédiate, mais dont on ne peut toujours prévoir les effets à longue échéance. La Section d'Hygiène, à côté de celle de Thérapeu- tique, à discuté, surtout sous l'influence de Nocard, l'usage de la tuberculine de Koch, de la malléine, dé- couverte par Helman, à titre de procédés permettant un diagnostic précoce; celte question du diagnostic a, d'ailleurs, à cause du séro-diagnostic de Widal, réalisé de réels progrès. — Il y a là des intérêts économiques en jeu considérables; or, remarquons qu'on obtient des tuberculines aptes à provoquer la réaction chez des animaux sains, que, d'un autre côté, celte réaction est parfois accentuée lorsqu'il s’agit d'un processus diffé- rent de celui de la bacillose, que des produits solubles multiples sont générateurs de phénomènes réaction- nels, etc. Dans les Sections spéciales, l'activité a été grande. — En Neuro-pathologie, avec Marinesco, Pitres, Ballet, Grasset, elc., on à précisé les divers traitements du tabes, les différentes lésions cellulaires dans les affec- tions des centres, la part à réserver dans leur genèse aux substances bactériennes; les récents progrès ac- complis en Histologie par Ramon y Cajal, van Gehuch- ten, etc., ont permis ces recherches. L'influence de l'hérédité de l'infection, ele., a tenu une large place dans les discussions relatives à la pédiatrie. — Les maladies du larynx, de la bouche, des dents, des oreilles, du nez, ete., ont été l'objet d'inté- ressants rapports; notons au passage un mémoire de Gaète sur l'absorption au niveau des amygdales, porte d'entrée importante pour les virus. Dans la genèse des dermatoses, Hallopeau à exposé l'intervention des toxines; on a surtout traité de la pelade, l'opinion de Sabouraud n'ayant pas rallié tous les suffrages. — Jullien a décrit avec soin les ulcéra- tions dues à la blennorrhagie. En Obstétrique, le mécanisme de l'accouchement, les modifications naturelles ou acquises, voulues, du bassin ont été à l’ordre du jour, en particulier la symphyséo- tomie. La Chirurgie a décidément conquis la thérapeutique des viscères jadis entre les mains des médecins : à ceux qui en douteraient, je signale les communications de Tuffier, d'Albarran, de Doyen, sur la chirurgie du poumon, du rein, de l'estomac, etc., sur les résections parfois considérables permises en raison du grand prin- cipe du luxe, de la surabondance du tissu des organes. Je ue puis, on le comprend, non certes tout passer en revue, mais simplement tout indiquer. — J'ai fait, dans ce court aperçu, une large part aux travaux français: il ne faudrait pas s'imaginer que les étrangers sont demeurés inactifs : pour le prouver, il suftit de men- tionner les dissertations de Virchow sur l'inflammation, de Chiari sur les localisations anormales du virus dothié- nentérique, de Lauder-Brunton sur la pharmacologie, de Metchnikoff sur la peste, de Wyssokowicz, de Zabo- lotny, sur cette même infection, d'Ughetti sur la fièvre, de Hlava sur les lésions du pancréas, sur les hémor- rhagies dues au suc gastrique, etc., etc. Souhaitons une semblable activité à l'heure du pro- chain Congrès de Paris, en 1900! A. Charrin, D recteur du Laboratoire de Médecine expérimentale du Collège de France. H. POINCARÉ — LES IDÉES DE HERTZ SUR LA MÉCANIQUE LES IDÉES DE HERTZ SUR LA MÉCANIQUE En 1890, le grand électricien Hertz était arrivé à l'apogée de sa gloire; toutes les Académies d'Europe lui avaient prodigué les récompenses dont elles disposaient. Tout le monde espérait que de longues années lui étaient encore réservées et qu'elles seraient aussi brillantes que l'avaient été celles de ses débuts. Mulheureusement, la maladie qui devait l'empor- ler si prématurément l'avait déjà atteint et bientôt ralenlissait et arrêtait presque complètement son aclivité expérimentale. Il eut à peine le lemps d'installer son nouveau laboratoire de Bonn; des maux divers le privèrent et nous privèrent des découvertes qu'il se promettait d'y faire. Il servait encore les sciences physiques par l'influence énorme qu’il exerçait, par les conseils qu'il donnait à ses élèves; mais cette période n'est marquée que par une seule découverte personnelle, d'une importance capitale, il est vrai, celle de la transparence de l'aluminium pour les rayons cathodiques. Mais s'il était ainsi cruellement délourné des études qui lui avaient été si chères, il ne demeu- rait pas inactif: si ses sens le lrahissaient, son intelligence lui reslait, el il l'employait à de pro- fondes réflexions sur la philosophie de la Méca- nique. Les résultats de ces réflexions ont été publiés dans un ouvrage posthume et je voudrais les résumer et les discuter ici brièvement. Hertz critique d'abord les deux principaux sys- tèmes proposés jusqu'ici et que j'appellerai le sys- tème classique et le système énergétique, et il en propose un troisième que j'appellerai le système hertzien. [. — SYSIÈME CLASSIQUE. $ {. — Définition de la force. La première tentative de coordination des faits mécaniques est celle que nous appellerons le sys- tème classique; c'est, dit Hertz, « la grande route royale dont les principales stations portent les noms d'Archimède, Galilée, Newton et Lagrange. « Les nolions fondamentales que l’on trouve au point de départ sont celles de l’espace, du temps, de la force et de la masse. La force, dans ce svs- tème, est regardée comme la cause du mouvement ; elle préexiste au mouvement et est indépendante de lui. » Je vais chercher à expliquer pour quelles rai- Sons Hertz n’a pas été satisfait de celte manière de considérer les choses, Nous avons d'abord les difficultés que l’on ren- contre quand on veut définir les notions fonda- mentales. Qu'est-ce que la masse? C'est, répond Newton, le produit du volume par la densité. — I vaudrait mieux dire, répondent Thomson et Tait, que la densité est le quotient de la masse par le volume. — Qu'est-ce que la force? C'est, répond Lagrange, une cause qui produit le mouvement d'un corps ou qui tend à le produire. — C'est, dira Kirchhoff, le produit de la masse par l'accélération. Mais alors, pourquoi ne pas dire que la masse est le quotient de la force par l'accélération ? Ces difficultés sont inextricables. Quand on dit que la force est la cause d'un mouvement, on fait de la métaphysique, et celte définilion, si on devait s’en contenter, serail abso- lument stérile. Pour qu'une définition puisse servir à quelque chose, il faut qu'elle nous apprenne à mesurer la force; cela suffit d'ailleurs, il n'est nulle- ment nécessaire qu'elle nous apprenne ce que c’est que la force en soi, ni si elle est la cause ou l'effet du mouvement. Il faut donc définir d'abord l'égalité de deux forces. Quand dira-t-on que deux forces sont égales? C'est, répondra-t-on, quand, appliquées à une même masse, elles lui impriment une même accélération, ou quand, opposées directement l’une à l’autre, elles se font équilibre. Cette définition n'est qu'un trompe-l'œil. On ne peut pas décrocher ure force appliquée à un corps pour l’accrocher à un autre corps, comme on décroche une locomo- live pour l'atteler à un autre train. Il est donc impossible de savoir quelle accélération telle force, appliquée à tel corps, imprimerait à tel autre corps, s? elle lui était appliquée. Il est impos- sible de savoir comment se comporleraient deux forces qui ne sont pas directement opposées, si elles élaient directement opposées. C'est cette définition que l’on cherche à maté- rialiser, pour ainsi dire, quand on mesure une force avec un dynamomèlre, ou en l’équilibrant . par un poids. Deux furces FE et F’, que je supposerai verlicales et dirigées de bas en haut pour simpli- fier, sont respectivement appliquées à deux corps C et C'; je suspends un même corps pesant P d'abord au corps C, puis au corps C'; si l'équilibre a lieu dans les deux cas, je conclurai que les deux forces F et F° sont égales entre elles, puisqu'elles sont égales toutes deux au poids du corps P. Mais suis-je sûr que le corps P a conservé le même poids quand je l'ai transporté du premier corps au second? Loin de là, je suis sûr du contraire ; je sais que l'intensité de la pesanteur varie d’un ’ PRE ER PO PO CN 7 CR CRT 7 H. POINCARÉ — LES IDÉES DE HERTZ SUR LA MÉCANIQUE 735 point à un autre, el qu'elle est plus forte, par exemple, au pôle qu'à l'équateur. Sans doute la différence est très faible et, dans la pratique, je n'en tiendrai pas comple; mais une définition bien faile devrait avoir une rigueur mathématique : celle rigueur n'existe pas. Ce que je dis du poids s'appliquerait évidemment à la force du ressort d'un dynamomètre, que la lempérature et une foule de circonstances peuvent faire varier. Ce n'est pas tout; on ne peut pas dire que le poids du corps P soit appliqué au corps C et équi- libre directement la force F. Ce qui est appliqué au - corps G, c'est l’action A du corps P sur le corps C: le corps P est soumis de son côté, d'une part à son poids, d'autre part à la réaction R du corps Csur P. En définitive, la force F est égale à la force A, parce qu'elle lui fait équilibre ; la force À est égale à R, en vertu du principe de l'égalité de l'action el de la réaction; enfin, la force R esl égale au poids de P, parce qu'elle lui fait équilibre. C'est de ces trois égalités que nous déduisons comme consé- quence l'égalité de F et du poids de P. Nous sommes donc obligés de faire intervenir dans la définition de l'égalité de deux forces, le principe même de l'égalité de l'action et de la réac- tion; à ce compte, ce principe ne devrait plus être regardé comme une loi expérimentale, mais comme une définition. Nous voici donc, pour reconnaître l'égalité de deux forces, en possession de deux règles : égalité de deux forces qui se font équilibre; égalité de l'action et de la réaction. Mais, nous l'avons vu plus haut, ces deux règles sont insuffisantes : nous sommes obligés de recourir à une troisième règle et d'admettre que certaines forces comme, par exemple, le poids d’un corps, sont constantes en grandeur et en direction. Mais cette troisième règle, je l'ai dit, est une loi expérimentale; elle n'est qu'approximativement vraie: elle est une mauvaise définition. Nous sommes done ramenés à la définition de Kirchhoff : a force est égale à la masse multipliée par l'accélération. Celte « loi de Newton » cesse à son tour d'être regardée comme une loi expérimentale, elle n'est plus qu'une définilion. Mais cette défini- ion est encore insuffisante, puisque nous ne savons pas ce que c'est que la masse. Elle nous permet sans doute de calculer le rapport de deux forces appliquées à un même corps à des instants différents ; elle ne nous apprend rien sur le rapport de deux forces appliquées à deux corps différents. Pour la compléter, il faut de nouveau recourir à la troisième loi de Newton (égalité de l'action et de la réaction), regardée encore, non comme une loi expérimentale, mais comme une définition. Deux corps À et B agissent l'un sur l’autre; l'accéléralion a ES de À mullipliée par la masse de A est égale à l’ac- tion de B sur A; de même, le produit de l'accélé- ration de B par sa masse est égal à la réaction de À sur B. Comme, par définition, l'action est égale à la réaction, les masses de À et de B sont en rai- son inverse des accéléralions de ces deux corps. Voilà le rapport de ces deux masses défini et c'est à l'expérience à vérifier que ce rapport est constant. Cela serait très bien si les deux corps A et B élaient seuls en présence et soustraits à l'action du reste du monde. Il n’en est rien; l'accélération de A n'est pas due seulement à l’action de B, mais à celle d'une foule d'autres corps C, D... Pour appli- quer la règle précédente, il faut donc décomposer l'accélération de À en plusieurs composantes, et discerner quelle est celle de ces composantes qui est due à l’action de B. Celte décomposition serait encore possible, si nous admeltions que l’action de C sur A s'ajoute simplement à celle de B sur À, sans que la pré- sence du corps C modifie l'action de B sur A, ou que la présence de B modifie l’action de C sur A; si nous admettions, par conséquent, que deux corps quelconques s’attirent, que leur action mu- tuelle est dirigée suivant la droite qui les joint et ne dépend que de leur distance; si nous admet- tions, en un mot, l'hypothèse des forces centrales. On sait que, pour déterminer les masses des corps célestes, on se sert d'un principe tout diffé- rent. La loi de la gravitation nous apprend que l’at- traction de deux corps est proportionnelle à leurs masses; si 7 est leur distance, m etm'leurs masses, k une constante, leur attraction sera k mm 7= Ce qu'on mesure alors, ce n'est pas la masse, rap- port de la force à l'accéléralion, c'est la masse atti- rante; ce n'est pas l'inertie du corps,c'est son pou- voir attirant. C'est là un procédé indirect, dont l'emploi n'est pas théoriquement indispensable. Il aurait très bien pu se faire que l'attraction fût inversement proportionnelle au carré de la distance, sans être proportionnelle au produit des masses, qu'elle fût égale à : . 72? mais sans que l'on eût: f=hkm m'. S'il en était ainsi, on pourrait néanmoins, par l'observation des mouvements relahfs des corps célestes, mesurer les masses de ces corps. Mais avons-nous le droit d'admettre l'hypothèse des forces centrales? Cette hypothèse est-elle rigou- 736 H. POINCARÉ — LES IDÉES DE HERTZ SUR LA MÉCANIQUE reusement exacte? Est-il certain qu'elle ne sera jamais contredile par l'expérience? Qui oserait l'af- firmer? Et si nous devons abandonner cette hy- pothèse, tout l'édifice si laborieusement élevé s’écroulera. Nous n'avons plus le droit de parler de la com- posante de l'accélération de À qui est due à l'action de B. Nous n'avons aucun moyen de la discerner de celle qui est due à l’action de C ou d’un autre corps. La règle pour la mesure des masses devient inapplicable. Que reste-t-il alors du principe de l'égalité de l'action et de la réaction ? Si l'hypothèse des forces centrales est rejetée, ce principe doit évidemment s’énoncer ainsi : la résultante géométrique de toutes les forces appliquées aux divers corps d'un système soustrait à toute action extérieure, sera nulle. Ou, en d'autres termes, le mouvement du centre de gravité de ce système sera rectiligne et uni- forme. Voilà, semble-t-il, un moyen de définir la masse; la position du centre de gravité dépend évidem- ment des valeurs attribuées aux masses: il faudra disposer de ces valeurs de façon que le mouvement de ce centre de gravité soit rectiligne et uniforme ; cela sera toujours possible si la troisième loi de Newton est vraie, et cela ne sera possible en géné- ral que d’une seule manière. Mais il n'existe pas de système soustrait à toute action extérieure; toutes les parties de l'Univers subissent plus ou moins fortement l'action de toutes les autres parties. La loi du mouvement du centre de gravilé n'est rigoureusement vraie que si on l'applique à l'Univers tout entier. Mais alors il faudrait, pour en tirer les valeurs des masses, observer le mouvement du centre de gravité de l'Univers. L'’absurdité de cette consé- quence est manifeste; nous ne connaissons que des mouvements relatifs; le mouvement du centre de gravité de l'Univers restera pour nous une éter- nelle inconnue. Il ne reste donc rien et nos efforts ont été infruc- tueux; nous sommes acculés à la définition sui- vante, qui n’est qu'un aveu d'impuissance : les masses sont des coefficients qu'il est commode d'intro- duire dans les calculs. Nous pourrions refaire toute la Mécanique en attribuant à toutes les masses des valeurs diffé- rentes. Cette Mécanique nouvelle ne serait en con- tradiction ni avec l'expérience, ni avec les principes généraux de la Dynamique (principe de l'iner- lie, proportionnalité des forces aux masses el aux accélérations, égalité de l’action et de la réaction, mouvement rectiligne et uniforme du centre de gravilé, principe des aires). Seulement les équations de cette Mécanique nou- velle seraient moins simples. Entendons-nous bien : ce seraient seulement les premiers termes qui seraient moins simples, c’est-à-dire ceux que l’ex- périence nous a déjà fait connaître ; peut-être pour- rait-on allérer les masses de petites quantités sans que les équalions complètes gagnent ou perdent en simplicité. J'ai insisté plus longuement que Hertz lui-même sur cette discussion; mais je tenais à bien montrer que Hertz n’a pas cherché à Galilée et à Newton une simple querelle d’Allemand; nous devons con- clure, qu'avec le système classique, il est impossible de donner de la force et de la masse une idée salisfai- sante. $ 2. — Objections diverses. Hertz se demande ensuite si les principes de la Mécanique sont rigoureusement vrais. « Dans l’opi- nion de beaucoup de physiciens, dit-il, il apparaï- tra comme inconcevable que l'expérience la plus éloignée puisse jamais changer quelque chose aux inébranlables principes de la Mécanique ; et cepen- dant ce qui sort de l'expérience peut toujours être rectifié par l'expérience. » Après ce que nous venons de dire, ces craintes paraïîtront superflues. Les principes de la Dyna- miquenous apparaissaient d'abord comme des véri- tés expérimentales ; mais nous avons été obligés de nous en servir comme de définitions. C'est par dé/i- nilion que la force est égale au produit de la masse par l'accélération; voilà un principe qui est désor- mais placé hors de l'atteinte d'aucune expérience ultérieure. C’est de même par définition que l’ac- tion est égale à la réaction. Mais alors, dira-l-on, ces principes invérifiables sont absolument vides de toute signification; l'ex= périence ne peut les contredire ; mais ils ne peuvent rien nous apprendre d'utile ; à quoi bon alors étu- dier la Dynamique? Cette condamnation trop rapide serait injuste. IL n'y à pas, dans la Nature, de système parfaitement isolé, parfaitement soustrait à toute action exté- rieure; mais il y a des systèmes à peu près isolés. Si l'on observe un pareil système, on peut étudier non seulement le mouvement relatif de ses diverses parties l'une par rapport à l’autre, mais le mou- vement de son centre de gravité par rapport aux autres parlies de l'Univers. On constale alors que le mouvement de ce centre de gravité est à peu près rectiligne et uniforme, conformément à la troisième loi de Newton. C'est là une vérité expérimentale, mais elle ne pourra être infirmée par l'expérience; que nous apprendrait en effet une expérience plus précise? Elle nous apprendrait que la loi n’était qu'à peu près vraie; mais, cela, nous le savions déjà. On s'explique maintenant comment l'expérience a H. POINCARÉ — LES IDÉES DE HERTZ SUR LA MÉCANIQUE 737 pu servir de base aux principes de la Mécanique et _ cependant ne pourra jamais les contredire. Mais revenons à l'argumentation de Hertz. Le système classique est incomplet, car tous les mou- vements qui sont compatibles avec les principes de la Dynamique ne sont pas réalisés dans la Nature, ni même réalisables. En effet, il est évi- dent que les principes des aires et du mouvement du centre de gravilé ne sont pas les seules lois qui régissent les phénomènes nalurels? Sans doute, il serait déraisonnable d'exiger de la Dynamique qu'elle embrassät dans une même formule toutes les lois que la Physique a découvertes ou pourra découvrir. Mais il n’en est pas moins vrai qu'on doit-regarder comme incomplet et insuffisant un _ système de Mécanique où le principe de la conser- valion de l'énergie est passé sous silence. « Notre système, conclut Hertz, embrasse, il est vrai, {ous les mouvements naturels, mais il en embrasse en même temps beaucoup d'autres qui ne sont pas naturels. Un système qui exclura une partie de ces mouvements, sera plus conforme à la nature des choses et constituera par conséquent un progrès. » Tel sera, par exemple, le système énergétique dont nous parlerons plus loin et dans lequel le principe fondamental de la conservation de l'énergie s'introduit tout naturellement. Peut-être ne comprendra-l-on pas très bien ce qui empêche d'annexer tout simplement ce principe fondamental aux autres principes du système classique. - Mais Hertz se pose encore une autre question : Le système classique nous donne une image du monde extérieur. Cette image est-elle simple ? y a- t-on épargné les traits parasites, introduits arbi- trairement à côté des traits essentiels? Les forces que nous sommes conduits à introduire ne sont- elles pas de véritables rouages inutiles, tournant à vide ? Sur cetle table repose un morceau de fer; un observateur non prévenu croira que, puisqu'il n'y a pas de mouvement, il n'y a pas de force. Combien il se tromperait! La Physique nous enseigne que chaque atome du fer est alliré par tous les autres atomes de l'Univers. De plus, chaque atome du fer est magnélique et par conséquent soumis à l’action de tous les aimants de l'Univers. Tous les courants électriques du monde agissent aussi sur cet atome. J'allais oublier les forces électroslatiques, les forces moléculaires, etc. Si quelques-unes de ces forces agissaient seules, leur action serail énorme ; le morceau de fer vole- rait en éclals. Heureusement elles agissent toutes et elles se contrebalancent, de sorte qu'il ne se passe rien du tout. Votre observateur non prévenu, qui ne voit qu'une chose, un morceau de fer en repos, conclura évidemment que toutes ces forces n'existent que dans votre imagination. Sans doute, toules ces supposilions n'ont rien d'absurde, mais un système qui nous en débarras- serait serait, par cela seul, meilleur que le nôtre. Il est impossible de n'être pas frappé de la por- tée de celle objection. Pour montrer, d'ailleurs, qu'elle n’est pas purement artificielle, il me suffira de rappeler le souvenir d'une polémique qui a eu lieu, il y à quelques années, entre deux savants tout à fait éminents, von Helmholtz et M, Bertrand, à propos des actions mutuelles des courants. M. Bertrand, cherchant à traduire dans le langage classique la théorie de von Helmholtz, se heurtait à des contradictions insolubles. Chaque élément du courant devait être soumis à un couple; mais un couple se compose de deux forces parallèles, égales et de sens contraire. M. Bertrand calculait que chacune de ces deux composantes devait être con- sidérable, assez grande pour amener la destruction du fil, et il concluait au rejet de la théorie. Au con- traire, von Helmhollz, partisan du système énergé- tique, ne voyait là aucune difficulté. Ainsi, d'après Hertz, le système classique doit ètre abandonné : 1° parce qu'une bonne défini- tion de la force est impossible ; 2° parce qu'il est incomplet; 3° parce qu'il introduit des hypothèses parasites et que ces hypothèses peuvent engendrer souvent des difficultés purement artificielles et assez grandes cependant pour arrêter les meil- leurs esprits. II. — SYSTÈME ÉNERGÉTIQUE. $ 4. — Objections diverses. Le système énergétique a pris naissance à Ja suite de la découverte du principe de la conserva- tion de l'énergie. C'est von Helmholtz qui lui a donné sa forme définitive. On commence par définir deux quantités qui jouent le rôle fontamental dans cette théorie. Ces deux quantités sont : d’une part, l'énergie cinélique ou force vive; d'autre part, l'énergie potentielle. Tous les changements que peuvent subir les corps de la nature sont régis par deux lois expéri- mentales. 4° La somme de l'énergie cinétique et de l’éner- gie polenlielle est une constante. C'est le principe de la conservalion de l'énergie. 20 Si un système de corps est dans la situation A à l'époque t, et dans la situation B à l’époque t,, il va toujours de la première situation à la seconde par un chemin tel que la valeur moyenne de la dif- férence entre les deux sortes d'énergie, dans l'in- tervalle de temps qui sépare les deux époques 4, et {,, soil aussi petite que possible. 138 H. POINCARÉ — LES IDÉES DE HERTZ SUR LA MÉCANIQUE C’est là le principe de Hamilton, qui est une des formes du principe de moindre action. La théorie énergétique présente sur la théorie classique les avantages suivants : 1° Elle est moins incomplète; c'est-à-dire que les principes de la conservation de l'énergie et de Hamillon nous apprennent plus que les principes fondamentaux de la théorie classique et excluent certains mouvements que la Nature ne réalise pas et qui seraient compatibles avec la théorie clas- sique ; 2° Elle nous dispense de l'hypothèse des atomes, qu'il était presque impossible d'éviter avec la théo- rie classique. Mais elle soulève à son tour de nouvelles diffi- cultés ; avant de parler des objections de Hertz, j'en signale deux qui me viennent à l'esprit: Les définitions des deux sortes d'énergie sou- lèveraient des difficultés presque aussi grandes que celles de la force et de la masse dans le premier système. Cependant on s'en tirerait plus facilement, au moins dans les cas les plus simples. Supposons un système isolé formé d'un certain nombre de points malériels; supposons que ces points soient soumis à des forces ne dépendant que de leur position relative et de leurs distances mutelles et indépendantes de leurs vitesses. En vertu du principe de la conservation de l'énergie, il devra y avoir une fonction des forces. Dans ce cas simple, l'énoncé du principe de la conservalion de l'énergie est d'une extrème sim- plicité. Une certaine quantité, accessible à l’expé- rience, doit demeurer constante. Cette quantité est la somme de deux termes ; le premier dépend seu- lement de la position des points matériels et est indépendant de leurs vitesses; le second est pro- portionnel au carré de ces vitesses. Celte décom- position ne peut se faire que d’une seule manière. Le premier de ces termes, que j'appellerai U, sera l'énergie potentielle ; le second, que j'appellerai T, sera l'énergie cinétique. Il est vrai que si T + U est une constante, il en est de même d'une fonction quelconque de T + U, q (T + U). Mais cette fonction y (T + U) ne sera pas la somme de deux Lermes l’un indépendantdes vitesses, l'autre proportionnel au carré de ces vitesses. Parmi les fonctions qui demeurent constantes, il n'y en a qu'une qui jouisse de celte propriété, c'est T + U ou une fonction linéaire de T + U, ce qui ne fait rien, puisque cette fonction linéaire peut toujours ètre ramenée à T Æ U par un changement d'unité et d'origine). C'estalors ce que nous appellerons l'éner- gie; c'est le premier Llerme que nous appellerons l'énergie potentielle et le second qui sera l'énergie cinétique. La définition des deux sortes d'énergie peut donc êlre poussée jusqu'au bout sans aucune ambiguïté. Il en est de même de la définition des masses. L'énergie cinélique ou force vive s'exprime très sim- plement à l’aide des masses et des vitesses relali- ves de tous les points matériels, par rapport à l’un d’entre eux. Ces vitesses relatives sont accessibles à l'observation, et, quand nous aurons l'expression de l'énergie cinétique en fonction de ces vitesses relatives, les coefficients de cette expression nous donneront les masses. Ainsi, dans ce cas simple, on peut définir les notions fondamentales sans difficulté. Mais les dif- ficultés reparaissent dans les cas plus compliqués et, par exemple, si les forces, au lieu de dépendre seu- lementdes distances, dépendent aussi des vitesses. Par exemple, Weber suppose que l’action mu- tuelle de deux molécules électriques dépend non seulement de leur distance, mais de leur vitesse et de leur accélération. Si les points matériels s’attiraient d’après une loi analogue, U dépendrait de la vitesse, et il pourrait contenir un terme proportionnel au carré de la vitesse. Parmi les termes proportionnels aux carrés des vilesses, comment discerner ceux qui proviennent de T ou de U? Comment, par conséquent, distin- guer les deux parties de l'énergie? Mais il y a plus, comment définir l'énergie elle- même ? Nous n'avons plus aucune raison de prendre comme définilion T + U plutôt que toute autre fonction de T + U, quand a disparu la propriété qui caractérisait T + U, celle d’être la somme de deux termes d'une forme particulière. Mais ce n'est pas tout, il faut tenir compte, non seulement de l'énergie mécanique proprement dite, mais des autres formes de l'énergie, chaleur, éner- gie chimique, énergie électrique, ete. Le principe de la conservation de l’énergie doit s'écrire : T + U + Q = const. où T représenterait l'énergie cinétique sensible, U l'énergie potentielle de posilion, dépendant seu- lement de la position des corps, Q l'énergie interne moléculaire, sous la forme thermique, chimique ou électrique. Tout irait bien si ces trois termes étaient abso- lument distincts, si T était proportionnel au carré des vitesses, U indépendant de ces vitesses et de l’état des corps, Q indépendant des vitesses et des positions des corps et dépendant seulement de leur état interne. L'expression de l'énergie ne pourrait se décom- poser que d'une seule manière en trois termes de cette forme. Mais il n’en est pas ainsi; considérons des corps _ H. POINCARÉ — LES IDÉES DE HERTZ SUR LA MÉCANIQUE 139 électrisés : l'énergieélectrostatique due à leur action mutuelle dépendra évidemment de leur charge, c'est-à-dire de leur état; mais elle dépendra éga- lement de leur position. Si ces corps sont en mou- vement, ils agiront l’un sur l'autre électrodynami- quement et l'énergie électrodynamique dépendra non seulement de leur état et de leur position, mais de leurs vitesses. Nous n'avons donc plus aucun moyen de faire le triage des termes qui doivent faire partie de T, de U et de Q et de séparer les trois parties de l'énergie. Si (THU+Q) est constant, il en est de même d'une fonction quelconque e(T EU Q) SiT+U+Q était de la forme particulière que ji envisagée plus haut, il n'en résulterait pas d’ambiguité; parmi les fonclions © (TÆ U + Q) qui demeurent conslantes, il n'y en aurait qu'une qui serait de cette forme particulière, et ce serait celle- là que je conviendrais d'appeler énergie. Mais je l'ai dit, il n'en est pas rigoureusement ainsi; parmi les fonctions qui demeurent cons- tantes, il n'y en a pas qui puissent rigoureusement se mettre sous celte forme particulière ; dès lors, comment choisir parmi elles celle qui doit s'appe- ler l'énergie? Nous n'avons plus rien qui puisse nous guider dans notre choix. Il ne nous reste plus qu'un énoncé pour le prin- cipe de la conservation de l'énergie ; 1! y a quelque chose qui demeure constant. Sous cette forme, il se trouve à son tour hors des alteintes de l'expérience et se réduit à une sorte de tautologie. Il est clair que si le monde est gouverné par des lois, il y aura des quantités qui demeureront conslantes Comme les principes de Newton, et pour une raison analogue, le principe de la conservation de l'énergie, fondé sur l'expérience, ne pourrait plus élre infirmé par elle. Celle discussion montre qu'en passant du sys- tème classique au système énergétique, on à réalisé un progrès; mais elle montre, en même temps, que ce progrès est insuffisant. Une autre objection me semble encore plus grave: le principe de moindre action est applicable aux phénomènes réversibles; mais il.n’est nullement satisfaisant en ce qui concerne les phénomènes irréversibles ; la tentalive de von Helmholtz pour l'élendre à ce genre de phénomènes n'a pas réussi et ne pouvait réussir; sous ce rapport tout reste à faire. Ce sont d'autres objections, d'ordre presque mélaphysique, que Hertz développe le plus lon- guement, Si l'énergie est pour ainsi dire malérialisée, elle devra être toujours positive. Or, il y à des cas où il est difficile d'éviter la considération de l'énergie négalive. Considérons, par exemple, Jupiter tour- nant autour du Soleil; l'énergie totale a pour expression : e b av —-+e = où «, b,c sonttrois constantes posilives, v la vitesse de Jupiter ; » sa distance au Soleil. Comme nous disposons de la constante ce, nous pouvons la supposer assez grande pour que l'éner- gie soit positive ; il y a déjà là quelque chose d’ar- bitraire qui choque l'esprit. Mais, il y a plus. Imaginons, maintenant, qu'un corps céleste d'une masse énorme et d'une vitesse énorme vienne à traverser le système solaire ; quand il aura passé et qu'il se sera éloigné de nouveau à d'immenses distances, les orbites des planètes au- ront subi des perturbations considérables. Nous pouvons imaginer, par exemple, que le grand axe de l'orbite de Jupiter soit devenu beaucoup plus petit, mais que cette orbile soit restée sen- siblement circulaire. Quelque grande que soit la constante c, si le nouveau grand axe est très petit, l'expression : 10 AVE EC r sera devenue négalive, et on verra reparailre la difficulté que nous avions cru éviter en donnant à c une grande valeur. En résumé, nous ne pouvons pas assurer que l'énergie demeurera toujours positive. D'autre part, pour matérialiser l'énergie, il faul la localiser ; pour l'énergie cinétique, cela est facile, mais il n’en est pas de mème pour l'énergie poten- tielle. Où localiser l'énergie potentielle due à l'at- traction de deux astres? Est-ce dans l'un des deux astres ? Est-ce dans les deux ? Est-ce dans le milieu intermédiaire ? L'énoncé même du principe de moindre aclion a quelque chose de choquant pour l'esprit. Pour se rendre d’un point à un autre, une molécule matérielle, soustraite à l’action de toute force, mais assujettie à se mouvoir sur une surface, pren- dra la ligne géodésique, c'est-à-dire le chemin le plus court. Cette molécule semble connaitre le point où on veul la mener, prévoir le temps qu'elle met- tra à l’alteindre en suivant tel et tel chemin, et choisir ensuite le chemin le plus convenable. L'énoncé nous la présente pour ainsi dire comme un être animé et libre. Il est clair qu'il vaudrait mieux le remplacer par un énoncé moins choquant, et où, comme diraient les philosophes, ies causes finales ne sembleraient pas se substituer aux causes efficientes. 140 H, POINCARÉ — LES IDÉES DE HERTZ SUR LA MÉCANIQUE 8 2. — Objection de la Boule. La dernière objection, qui parait être celle qui a le plus frappé Hertz, est d'une nature un peu dif- férente. On sait ce qu'on appelle un système à liaisons: imaginons d’abord deux points réunis par une tringle rigide de facon que leur distance soit main- tenue invariable ; ou, plus généralement, supposons qu'un mécanisme quelconque maintienne une rela- tion entre les coordonnées de deux ou plusieurs points du système. C'est là une première sorte de liaison qu'on appelle « liaison solide ». Supposons maintenant qu'une sphère soit assu- jetlie à rouler sur un plan. La vitesse du point de contact doit être nulle; nous avons done une seconde sorte de liaison qui s'exprime par une relation non plus seulement entre les coordonnées des divers points du système, mais entre leurs coordonnées et leurs vitesses. Les systèmes où 1l y a des liaisons de lu seconde sorle jouissent d'une propriété curieuse que je vais chercher à expliquer sur l'exemple simple que je viens de citer, celui d'une boule roulant sur un plan horizontal. Soit O un point du plan horizontal et C le centre de la sphère. Pour bien définir la situation de la sphère mo- bile, je prendrai trois axes de coordonnées fixes Ox, Oy et Oz, les deux premiers situés dans le plan horizontal sur lequel roule la sphère ; et trois axes de coordonnées invariablement liées à la sphère CË, Cnet C. La situation de la sphère sera entièrement définie quand on se donnera les deux coordonnées du point de contact et les neuf cosinus directeurs des axes mobiles par rapport aux axes fixes. Soit À une position de la sphère où le point de contact est en O à l'origine et où les axes mobiles sont parallèles aux axes fixes. Les coordonnées du point de contact sont : UE = et les neuf cosinus directeurs : 1 (l 0 û il 0 0 û 1 Donnons à la sphère une rotation infiniment petite e autour de l’axe C; elle viendra dans une position B où les coordonnées du point de contact deviennent : BR} Y— 0 et les neuf cosinus : 1 0 0 (l COSE Sin Ee UÜ — sine cose Mais celle rotation est impossible puisqu'elle ferait glisser et non rouler la sphère sur le plan. Il est donc impossible de passer de la position À à la position infiniment voisine B directement, c'est-à- dire par un mouvement infiniment petit. Mais nous allons voir que ce passage peut se faire indirectement, c'est-à-dire par un mouvement fini. Partons de la position À. Faisons rouler la sphère sur le plan de telle facon que l'axe instantané de rotation soit situé dans le plan horizontal et à chaque instant parallèle à l'axe Oy, et arrètons- nous quand l'axe C£ sera devenu vertical et paral- lèle à Oz. Nous serons arrivés dans une position D où les coordonnées du point de contact seront de- venues : R étant le rayon de la sphère et les neuf cosinus : 0 Du i 0 1 0 LA 0 0 Dans la position D le point de contact est à l'extrémité de l'axe C£ qui est vertical. Imprimons à la sphère une rotation e autour de l'axe C£; cette rotation est un pivolement autour de l'axe vertical passant par le point de contact, elle ne comporte aucun glissement, elle est donc com- patible avec les liaisons. La sphère est venue alors dans une position E où les coordonnées de contact sont : et les cosinus : 0 Ù — ! sin € COS € Û COSe —sine (l Faisons maintenant rouler la sphère de façon que l'axe instantané de rotation reste constamment parallèle à O1 et, par conséquent, que le contact ail tout le temps lieu sur l'axe Ox. Arrêtons-nous quand le point de confact sera revenu à l’origine O. Il est aisé de voir que nous sommes arrivés à la posi- tion B. ! On peut done aller de la position A à la position Ben passant par l'intermédiaire des positions D et E. Hertz appelle kolonomes les systèmes tels que, si les liaisons ne permettent pas de passer directe- ment d'une certaine position à une autre infiniment voisine, elles ne permettent pas non plus de passer de l’une à l’autre indirectement. Ce sont les sys- tèmes où il n’y a que des liaisons solides. On voit que notre sphère n’est pas un système holonome. Or, il arrive ceci que le principe de moindre ac- H. POINCARÉ — LES IDÉES DE HERTZ SUR LA MÉCANIQUE 741 tion n’est pas applicable aux systèmes non holo- nomes. En effet, on peut passer de la position A à la po- sition B par le chemin que je viens de dire, et sans doute par beaucoup d’autres chemins; parmi tous ces chemins il y en a évidemment un qui corres- pond à une action plus petile que tous les autres; la sphère devrait done pouvoir le suivre pour aller de À en B; il n’en est rien; quelles que soient les conditions initiales du mouvement, la sphère n'ira jamais de À en B. Il y a plus, si la sphère va effeclivement de la : position À à une autre position A’, elle ne prendra pas toujours le chemin qui correspond à l’action minimum. Le principe de moindre action n’est plus vrai. « Dans ce cas, dit Herlz, une sphère qui obéirait à, ce principe, semblerait un être vivant qui pour- | suivrait consciemment un but déterminé, tandis qu'une sphère, qui suivrait la loi de la Nature, offrirait l'aspect d’une masse inanimée roulant uni- formément....…. Mais, dira-t-on, de semblables liai- sons n'existent pas dans la Nature ; ce prétendu rou- lement sans glissement n’est qu'un roulement avec un petit glissement. Ce phénomène rentre dans les phénomènes irréversibles tels que le frottement, encore mal connus et auxquels nous ne savons pas encore appliquer les vrais principes de la Méca- nique. « Un roulement sans glissement, répondrons- nous, n'est contraire ni au principe de l'énergie ni à aucune des lois connues de la Physique; ce phé- nomène peut être réalisé dans le monde visible avec une telle approximation qu'or a pu s’en servir pour construire les machines d'intégration les plus déli- cates (planimètres, analyseurs harmoniques, ete.). Nous n'avons aucun droit de l'exclure comme impossible; mais le serait-il et ne pourrait-il se réaliser qu'approximativement que les difficultés ne disparaitraient pas. Pour adopter un principe, nous devons exiger qu'appliqué à un problème dont les données sont approximalivementc exactes, il donne aussi des résultats approximativement exacts. Et d’ailleurs Les autres liaisons, les liaisons solides ne sont aussi qu'approximativement réali- sées dans la Nature ; on ne les exclut pas cepen- dant... » III. — SYSTÈME HERTZIEN. Voici maintenant quel est le système que Hertz propose de substituer aux deux théories qu'il eri- tique. Ce système repose sur les hypothèses sui- vantes : 1° I n’y aurait dans la Nature que des systèmes à liaisons, mais soustraits à l'action de toute force extérieure ; \ 2° Si certains corps nous paraissent obéir à des forces, c'est qu'ils sont liés à d’autres corps qui, pour nous, sont invisibles. Un point matériel qui nous semble libre ne dé- crit pas cependant une trajecloire rectiligne; les anciens mécaniciens disaient qu'il s'en écarte parce qu'il est soumis à une force; Hertz dit qu'il s'en écarte parce qu'il n'est pas libre, mais lié à d'autres points invisibles. Cette hypothèse semble étrange au premier abord : pourquoi en dehors des corps visibles introduire des corps invisibles hypothétiques ? Mais, répond Hertz, les deux anciennes théories sont obligées également de supposer en dehors des corps visibles, je ne sais quels êtres invisibles ; la théorie classique introduit les forces ; la théorie énergétique introduit l'énergie; mais ces êtres invi- sibles, force et énergie, sont d'une nature inconnue et myslérieuse; les êtres hypothéliques que j'ima- gine sont, au contraire, Lout à fait de même nature que les corps visibles. N'est-ce pas plus simple et plus naturel? On pourrait discuter sur ce point et soutenir que les entités des anciennes théories doivent être rete- nues précisément à cause de leur nature mysté- rieuse. Respecter ce mystère, c'est un aveu d'igno- rance; et puisque notre ignorance est certaine, ne vaut-il pas mieux l'avouer que la dissimuler ? Mais passons, et voyons quel parti tire Hertz de ses hypothèses. Les mouvements des systèmes à liaisons, sans force extérieure, sont régis par une loi unique. Parmi les mouvements compatibles avec les liai- sons, celui qui se réalisera sera celui qui sera tel que la somme des masses multipliées par le carré des accélérations soit minimum. Ce principe équivaut à celui de la moindre action si le système est holonome, mais il est plus géné- ral, car il s'applique aussi aux systèmes non holo- nomes. Pour bien nous rendre complede la portée de ce principe, prenons un exemple simple : celui d'un pointassujetti àse mouvoir sur une surface. [ei nous n'avons qu'un seul point matériel; l'accélération doit donc être minimum; pour cela, il faut que l'accélé- ration tangentielle soit nulle; or, celte accélération dv t . est égale à re v élant la vitesse et { le temps; donc v est une constante, et le mouvement du point est uniforme; il faut, de plus, que l'accéléra- 9 DE tion normale soit minimum; or elle est égale à —» 6 étant le rayon de courbure de la trajecloire, ou à v? R cos normale à la surface, et 9, l'angle du plan oseula- » R étant le rayon de courbure de la seclion 742 H. POINCARÉ — LES IDÉES DE HERTZ SUR LA MÉCANIQUE teur à la trajectoire avec la normale à la surface. Or la vitesse est supposée connue en grandeur et en direction. Donc v et R sont connus. Il faut donc que cos + — 1, c’est-à-dire que le plan osculaleur soit normal à la surface; c'est-à-dire que le point mobile décrive une ligne géodésique. Pour faire comprendre maintenant comment peut s'expliquer le mouvement des systèmes qui nous paraissent soumis à des forces, je prendrai encore un exemple simple, celui du régulateur à boules. Cet appareil bien connu se compose d’un parallélo- gramme articulé ABCD: les angles opposés B et D de ce parallélogramme portent des boules dont la masse est notable; l'angle supérieur A est fixe; l'angle inférieur CG porte un anneau qui peut glis- ser le long d’une tige verticale fixe AX ; tout l'ap- pareil est animé d'un mouvement de rotalion rapide autour de la tige AX. A l'anneau C est sus- pendue une tringle T. La force centrifuge tend à écarter les boules et par conséquent à soulever l'anneau C et la tringle T. Cette tringle T est donc soumise à une traction qui est d'autant plus forte que la rotation est plus rapide. Supposons maintenant un observaleur qui voie seulement cette !ringle et imaginons que les boules, la tige AX, le parallélogramme, soient fails d'une matière invisible pour lui, Cet observateur consta- tera la traction exercée sur la tringle T; mais comme il ne verra pasles organes qui la produisent, il l'attribuera à une cause mystérieuse, à une « force », à une attraction exercée par le point A sur la tringle. Eh bien, d'après Hertz, toutes les fois que nous imaginons une force, nous sommes dupes d'une illusion analogue. Une question se pose alors : peut-on imaginer un système articulé qui imite un système de forces, défini par une loi quelconque ou en awprochant autant qu'on voudra ? La réponse doit être affirma- tive ; je me contenterai de rappeler un théorème de M. Kœænigs qui pourrait servir de base à une démon- stration. Voici ce théorème : On peut loujours imaginer un système articulé, tel qu'un point de ce système décrive une courbe ou une surface algé- brique quelconque; ou, plus généralement, on peut imaginer un système articulé tel qu'en vertu de ses liaisons, les coordonnées des divers points du système soient assujetlies à des relalions algé- briques données quelconques. Seulement, les hypothèses auxquelles on serait conduil pourraient être très compliquées. Ce n'est pas d’ailleurs la première lenlalive que l'on faisail dans ce sens. Il est impossible de ne pas rapprocher les hypothèses de Hertz de la théorie de lord Kelvin sur l'élasticité gyrostatique. Lord Kelvin, on le sait, a cherché à expliquer les propriétés de l’éther sans faire intervenir aucune force. Il amême donné une forme définitive à son hypothèse et représente l’éther par un de ces modèles mécaniques comme les aimentles Anglais. Les savants anglais, satisfaits d'avoir donné un corps à leurs idées, de les avoir rendues tangibles, ne sont pas effrayés par la complication de ces modèles où lon a multiplié les tringles, les bielles, les coulisses, comme dans un atelier de mécanicien. Décrivons, pour en donner une idée, le modèle qui représente Féther gyrostatique. L'éther serait formé d’une sorte de réseau. Chaque maille de ce réseau est un tétraèdre. Chacune des arêtes de ce tétraèdre est formée de deux tiges, l’une pleine et l’autre creuse, coulissant l’une dans l'autre; cette arêle est donc extensible, mais non flexible. Dans chaque maille se trouve un appareil formé de trois liges invariablement fixées l’une à l’autre et formant un trièdre trirectangle. Chacune de ces trois tiges s'appuie sur deux des arêtes opposées du tétraèdre; enfin, chacune d'elles porte quatre gyros- copes. Dans le système que je viens de décrire, il n'y a pas d'énergie potentielle ; mais seulement de l'éner- gie cinétique, celle des tétraèdres, et celle des gyroscopes. Cependant, un milieu ainsi constitué se comporlerait comme un milieu élastique; il transmetlrait des ondulations transversales abso- lument comme l'éther. J'ajouterai une chose encore : avec des systèmes articulés de ce genre, contenant des gyroscopes, on peut non seulement imiter toutes les forces que nous trouvons dans la Nature, mais encore en imi- ter d'autres que la Nalure ne saurait réaliser; c’est précisément là le but que lord Kelvin se proposait; il voulait expliquer certaines propriélés de l'éther dont les hypothèses ordinaires lui paraissaient incapables de rendre compte. On sait que l'axe du gyroscope tend à conserver une direction fixe dans l’espace; quand il en est écarté, il tend à y revenir comme s'il était sollicité par une force dirigeante. Getle force apparente qui tend à maintenir la direction du gyroscope, n'est pas, comme les forces réelles, contrebalancée par une réaction égale et contraire. Elle est donc affran- chie de la loi de l’action et de la réaction, et de ses conséquences telles que la loi des aires, auxquelles sont soumises les forces naturelles. On conçoit done que l'hypothèse gyroslalique, où l’on est affranchi de cette règle restrictive, ait rendu compte de faits que ne pouvaient expliquer les hypothèses ordinaires qui y restent assujetlies. Que doit-on penser, en définitive, de la théorie de Hertz? Intéressante à coup sûr, elle ne me satisfait OPEN P. TRUCHOT — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE L'AMMONIAQUE CAUSTIQUE grande à l'hypothèse. Hertz s’est mis à l'abri de quelques-unes des objections qui l'avaient tourmenté; il ne parait pas les avoir écartées loules. Les difficultés que nous avons longuement diseu- lées au début de cet article pourraient se résumer ainsi : On a exposé les principes de la Dynamique de bien des manières: mais jamais on n'a suffisam- ment distingué ce qui est définition, ce qui est vérilé expérimentale, ce qui est théorème mathé- matique. Dans le système hertzien, la distinction Ë entièrement parce qu'elle fait la part trop n'est pas encore parfaitement nette, et, de plus, un quatrième élément est introduit : l'hypothèse. Néanmoins, par cela seul qu'il est nouveau, ce mode d'exposition est utile : il nous force à réflé- chir, à nous de vieilles associations d'idées. Nous ne pouvons pas encore voir le monu- ment tout entier; c'est quelque chose d'en avoir une perspective nouvelle, prise d'un point de vue nouveau. affranchir H. Poincaré, de l'Académie des Sciences, Professeur de Mécanique céleste à la Sorbonne. ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE L'AMMONIAQUE CAUSTIQUE Nous avons étudié, dans un précédent article !, l’état de la production et de la récupération de l’ammoniaque, dans les diverses industries qui sont la source de cette base. Après avoir passé en revue les divers modes d'obtention de l'ammo- niaque, il nous parait intéressant de compléter celle étude par la description des procédés actuels de préparation de l’'ammoniaque caustique à divers degrés et des sels ammoniacaux. Comme nous l'avons vu, les deux produits ob- tenus directement soit dans les usines à gaz, soil des fours à coke, elc., sont l'ammoniaque caus- tique et le sulfate d'ammoniaque, ce dernier ser- vant presque toujours de malière première pour l'obtention des autres sels ammoniacaux. Nous allons donc décrire d'abord, avec quelques détails, les divers perfectionnements apportés à la fabrication de ces deux corps, puis nous passerons à l’élude des autres sels ammoniacaux. [. — AMMONIAQUE CAUSTIQUE. Nous comprendrons sous le nom d’ammoniaque caustique : 1° Les eaux concentrées, quoique-celles-ci soient composées non seulement d'ammoniaque libre, mais de carbonate, sulfure et aulres sels d'am- monium ; 2° L'alcali volatil à ses divers degrés commer- ciaux 22° B., 24° B. ei 29° B. ; 3° L'ammoniaque pure, liquéfiée et anhydre. ! Voyez la Revue générale des Sciences du 28 février 1897. $ 1. — Eaux concentrées. Les eaux ammoniacales, telles qu'elles sont obte- nues dans la fabrication du gaz, ont un tilre de 3° B. à 10° B., suivant les points où les eaux sont prélevées. Leur concentration dépend entièrement des laveurs et des scrubbers employés à la conden- sation, ainsi que de la conduite de ces appareils. Le fabricant devra donc loujours chercher à obtenir, après le dernier scrubber, les eaux les plus riches possible, de façon à diminuer dans la plus grande proportion les frais de concentralion. Dans le lavage réside presque toute la question des bons rendements en ammoniaque. Il est facile, en Angleterre, de contrôler les divers rendements de chacune des usines, grâce à une publication anglaise ayantpour titre Gas Works Statistics, qui reproduit tous ces renseignements. Nous n'avons malheureusement en France aucune publication de ce genre qui puisse nous fournir de semblables données. Les petiles usines, en général, ne transforment pas leur ammoniaque en sels ammoniacaux, ce qui serait, parfois cependant, plus rémunérateur, sur- tout pour la fabrication des sels purs; elles ne font que concentrer leurs eaux en les amenant de 3° B. à 17°-19° B. La concentralion de ces eaux se fait dans les appareils Solvay, Chevalet, Elwert, elc., à l'aide de serpentins ou de faisceaux lubulaires, refroidis par un courant d'eau froide. 1l est difficile, à cause du carbonate d'ammoniaque, qui occasionne facile- ment des obstructions, de dépasser un titre de 15 °/,. On obtient ainsi des eaux de couleur jaunâtre, ( P. TRUCHOT — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE L'AMMONIAQUE CAUSTIQUE contenant du carbonate d'ammonium, des sulfures, sulfhydrates d'ammonium, ete. Le transport de ces eaux se fait ordinairement à l'aide de wagons-citernes en fer, qui ont l’inconvé- nient d'être attaqués par les sulfures et les sulfo- cyanures d'ammonium, pour donner du ferrocya- nure d'ammonium et du sulfure de fer. On a tenté, pour ce motif, de les remplacer par des récipients en ciment, système Monnier, dont l’ossature est for- mée d'un treillis de fil de fer, recouvert intérieure- ment et extérieurement d’une couche de ciment. Lorsque les eaux ammoniacales doivent être con- servées un certain temps, des quantités impor- tantes d'ammoniaque peuvent se perdre par évapo- ration. Dans ce cas, il faut donc employer des récipients fermés. Les wagons-citernes, employés pour le transport des eaux concentrées, contiennent ordinairement 10 tonnes. Les eaux concentrées sont consommées presque exclusivement par la fabrication de la soude à l’ammoniaque. La réaction fondamentale sur la- quelle repose ce procédé est, comme on sait, la double décomposition entre le bicarbonate d'am- moniaque et.le sel marin : il se forme du bicar- bonate de soude peu soluble et du chlorhydrate d'ammoniaque. AzH'HCO* + NaCI = NaHCO* + AzH*.CI. L'application de ce procédé a été résolue et pra- liquée avec succès au moyen des appareils de MM. Schlæsing et Rolland, Boulouvard, Solvay. Dans ce procédé la production d'une tonne de carbonate de soude réclame l'emploi d'une quan- tité d’ammoniaque représentant environ 450 kilos d'ammoniaque. Le prix élevé de l’ammoniaque oblige le fabri- cant à écarter, autant que possible, toutes les chances de perte. L’ammoniaque du chlorhydrate est donc régénérée dans des colonnes semblables à celles dont nous avons parlé dans un précédent article. La régénération de l’'ammoniaque contenue dans les eaux mères du bicarbonate de soude est une opération très importante. Les liquides à trai- ter renferment environ 71 kilos d'ammoniaque (AzH®) par mètre cube, dont environ 23 kilos à l'état de sesquicarbonate. Il s’agit d’expulser la totalité de l’ammoniaque par ébullition des eaux mères sans pour cela obtenir un liquide trop dilué. L'eau ammoniacale riche dégage avec facilité, sous l'action de la chaleur, la plus grande partie de son ammoniaque ; mais, lorsqu'elle arrive à une teneur de 1 à 2°/,, les dernières traces sont très difficiles à chasser et la quantité de combustible à consom- mer croil en raison inverse de la teneur en ammo- niaque, comme, en général, dans toutes les distil- lations de liquides ammoniacaux. La conduite de l'appareil est semblable à celle de ceux décrits pré- cédemment : le lait de chaux est introduit dans la partie de la colonne où le liquide arrive dépouillé de tous ses produits ammoniacaux volatils. Dans les usines Solvay, c'est l'appareil de ce nom qui est employé; à l'usine de Sorgues, M. Boulouvard emploie la colonne Mallet légèrement modifiée: Grâce à cette récupération presque totale, cette industrie n’est pas un consommateur de premier ordre. En 1891, d'après les stalistiques officielles, 196.583 tonnes de carbonate de soude ont été fabri- quées, dont 116.323 par le procédé à l’'ammoniaque. D'après M. Lunge, il se perdrait annuellement dans cette fabrication une quantité correspondant à 10.000 tonnes de sulfate d’ammoniaque. $ 2, — Dissolution d’ammoniaque ou alcali volatil. Les différentes sortes d’ammoniaques commer- ciales sont obtenues, comme on sait, par dissolu- tion du gaz ammoniac dans de l’eau refroidie. Ces dissolutions sont plus ou moins pures. Quelques perfectionnements ont été apportés à la fabrication de l’alcali. L'alcali volatil peut se fabriquer directement avec les eaux ammoniacales à l’aide des appareils suivants : Elwert et Muller-Kar, Weill-Gœtz, Lair, Grüneberg, Feldmann, etc. Dans chacune de ces colonnes, l'appareil de satu- ration contenant de l’acide sulfurique est remplacé par un serpentin ou un faisceau tubulaire refroidi. Les vapeuxs ammoniacales s’échappant de la co- lonne traversent, dans le cas de l'appareil Elwert et Muller, quatre épurateurs, communiquant entre eux et contenant de la braise qui absorbe prinei- palement les hydrocarbures souillant le gaz ammo- niac. Dans l'appareil Weill-Gætz,le gaz traversé des épurateurs à charbon et à soude caustique, puis se rend aux saturateurs contenant de l’eau distillée. La Compagnie parisienne du Gaz emploie, pour la fabrication de l'aleali blanc, l'appareil Mallet. Dans le procédé Grüneberg-Blum, on traite, avant la distillation, les eaux ammoniacales par la chaux, afin d'expulser complètement l'acide ear- bonique contenu. On ajoute environ 6 °/, de chaux en pâte et on laisse reposer dix à quinze minutes. L'eau clarifiée s'écoule dans une cuve et la pâte calcaire, délayée, est introduite dans un bouilleur placé sous cette cuve, chauffé par un serpentin de vapeur libre; l'eau ammoniacale est refoulée par cette vapeur et par l'air comprimé dans un réser- voir, en charge sur une colonne Grüneberg ordi- naire, la caisse à chaux étant supprimée. Le fonc- tionnement est absolument le même. Les vapeurs ammoniacales produites sont séchées. P. TRUCHOT — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE L'AMMONIAQUE CAUSTIQUE 745 dans le condenseur, se rendent avec les eaux de condensation dans un pelit récipient où l’eau con- densée est reprise et revient au bouilleur. Les vapeurs ammoniacales se rendent ensuite dans quatre cylindres contenant, les deux premiers du lait de chaux, le troisième de l'huile de paraffine, et le quatrième une dissolution de carbonate de soude. Le gaz ainmoniac, à la sortie de ces épurateurs, est privé d'hydrogène sulfuré et de goudron; il traverse alors six filtres à charbon de bois et enfin est amené dans des cylindres d'absorption, à moi- lié remplis d’eau distillée et fonelionnant allerna- tivement. Le gaz y esi condensé par un refroidis- sement énergique. Quelques essais de purification ont élé tentés à l’aide du chlorure de manganèse qui décompose- rait le sulfhydrate et le carbonate d'anmoniaque. M. Villon proposait, pour obtenir un gaz entière- ment pur, de le laver dans un lait d'oxyde de plomb et de chaux éteinte, autrement dit, de plombite de chaux, puis de le faire passer dans une colonne à “hydrocarbures lourds. L'hydrogène sulfuré, l'acide carbonique, les produits goudronneux et empyreu- matiques étaient ainsi éliminés. — Nous ne con- naissons pas les résultats obtenus dans ces diverses tentatives. ! $ 3. — Ammoniaque liquéfiée, anhydre. L'ammoniaque liquéfiée, qui n'était autrefois qu'un produil de laboratoire, a pris depuis quelques années une place extrèmement importante parmi les produits ammoniacaux industriels, grâce à son emploi dans les diverses industries utilisant son pouvoir réfrigérant (fabricalion de la glace en blocs de toutes dimensions, refroidissement des caves de fermentation, conservation des viandes, poissons elautres produits alimentaires, démoulage du chocolat, foncage des puits (système Pætsch), brasseries, malteries, fromageries, etc.). L'ammoniaque liquéfiée se produit actuellement très facilement par la distillation d'une dissolution ammoniacale suffisamment concentrée, ordinaire- ment à 29° B. — L'activité frigorifique de ce corps est très considérable et le désigne tout particuliè- rement comme agent producteur de froid, bien que ses tensions de vapeur soient relativement élevées pour des températures oscillant entre 25° et 30° C. Les avantages de ce gaz l'ont amené à être de beau- coup le plus employé pour la production artificielle du froid. L'ammoniaque anhydre peut s’obtenir en décom- posant le sulfate par la chaux. Le gaz est ensuite purifié par passage à travers des colonnes de charbon de bois fraichement calciné et des caisses remplies de chaux vive. Ainsi parfaitement dessé- REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897. ché, il se rend alors dans un gazomèlre à huile minérale, puis une pompe de compression d'un système quelconque, Fixary, Linde, Lavergne, etc., le comprime, à la pression de 30 atmosphères, dans un serpentin en fer forgé entouré d’eau froide constamment renouvelée. M. Hans von Strombeck fait passer le gaz am- moniac, desséché et dégoudronné, dans un réci- pient contenant du sodium métallique fondu. Comme, pendant celte opération, il se dégage de l'hydrogène, il fait passer le gaz sur du noir de palladium. Ce dernier est revivifié de temps en temps par le passage d’un courant d'air, L'ammo- niaque ainsi obtenue ne renferme, d’après l'auteur, que 0,005 °/, d'impuretés. Les compresseurs em- ployés dans cette fabrication sont tantôt horizon- taux et à double effet, et tantôt verlicaux : dans ce cas, ils sont le plus souvent à simple effet. La distribution se fait à l’aide de soupapes auto- matiques en fer ou en acier, auxquelles on donne la plus grande section possible, avec la plus faible levée compatible avec la vitesse du piston. Les chocs de ces soupapes sont rendus moins brus- ques, à l’aide d’un amortisseur gazeux nommé dash-pot. Les principaux types de machines à ammoniaque sont les machines Fixary, Linde, Lavergne, etc. Dans la machine Linde, le piston épouse exacte- ment la forme du fond du cylindre, de façon à rendre l’espace nuisible le plus pelit possible. Les condenseurs sont formés de serpentins en fer ou en acier forgé, d'une seule pièce, soudés à recou- vrement. Les machines Linde sont surtout répandues en Allemagne, les machines Fixary en France et les machines Lavergne, quoique de date récente, son£ très employées aux Etats-Unis el en Angleterre. M. G. Wren, de New-York, a essayé de produire, par simple distillation, de l'ammoniaque anhydre pure, sans employer de pompes de compression ou autres appareils semblables. L'eau ammoniacale est chauffée dans une chau- dière en tôle forte et capable de soutenir une haute pression. Les gaz dégagés, entraînés par un tuyau vertical d'environ 40 pieds, se rendent dans un serpentin placé dans une bâche. Un courant d’eau froide refroidit le tout la vapeur entrainée; le gaz ammoniac, ainsi refroidi, est et condense liquéfié par la pression même de,la vapeur. L'ammoniaque à été aussi utilisée pour le fon- çage des puits, et comme fluide moteur dans cer- taines machines. Quelques expériences ont été faites dans ce but, par MM. Tellier, Mac-Mahon, qui tenta à Chicago la traction mécanique des tramways, à l’aide d’une locomotive à ammo- niaque. M. T.-W. Morgan-Draper vient encore 18° 746 P. TRUCHOT — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE L'AMMONIAQUE CAUSTIQUE récemment d'inventer un nouveau moteur à ammo- niaque anhydre. La consommation des machines à ammoniaque est si faible qu'elles ne constitueront jamais un débouché extrêmement important. Les usines qui fabriquent ce produit sont actuel- lement très nombreuses en Belgique, en Angle- terre, en Allemagne et aux Elats-Unis. La France est, à ce point de vue, très en retard, et nous sommes, pour la consommation de l'ammoniaque anhydre, presque entièrement tributaires de l'étranger. II. — SELS AMMONIACAUX. — Sulfate â’ammoniaque. SE Le sulfale d'ammoniaque qui, il y a trente-cinq ans à péine, n'avait pas d'autre usage industriel que celui de la fabrication de l’alun ammoniaeal, était à peine employé comme engrais en France, tandis que l’agriculture anglaise commençait à l'utiliser. Dès que la culture reconnut ses avan- lages, ce produit fut recherché avec avidité et il se trouve être maintenant le plus important de tous les produits ammoniacaux. On le fabrique, comme nous l'avons vu !, par la distillation soit des eaux-vannes, soit des eaux ammoniacales du gaz ou des autres industries, les guz produits étant recueillis dans l'acide sulfurique. L'acide employé est ordinairement l'acide sulfu- rique à 60° B., plus rarement l'acide à 66°. Jusque dans ces dernières années, on croyail qu'il était nécessaire d’évaporer pour obtenir un sel blanc, ou tout au d'un beau gris; l'ammoniaque était d'abord mise en contact avec de l'acide étendu d’eau, et la solution neutre ainsi produite était évaporée ensuite Jusqu'au point de cristallisation. Ce procédé coûteux fut remplacé par l'emploi d'une caisse ouverte de saturalion, dans laquelle la séparation du sel s'effectue lorsque lacide est près d’être saturé, moment où l'on ajoute une nou- velle quantilé d'acide sulfurique. Les appareils de saturation sont la plupart du temps en bois, doublés d'une feuille de plomb, quelquefois en granit, les joints étant faits avec du soufre et du verre pilé. La quantité d'acide à introduire est déterminée toujours par la teneur des eaux en ammoniaque. Si l’on distille des eaux à 3° B, il faut environ 80 kilos d'acide à 60° B. par mètre cube. Le sulfate produit est pêché au moyen de cuillers à longs manches. Cette opération est assez pénible, surtout dans les grandes usines, ce qui a donné moins 1iVoyez la Revue du ,28 février 1897.: l'idée de chercher un moyen mécanique quelconque pour transporter le sel à l'égouttoir. M. Wilson, à l'usine à-gaz de Beckton, transporte le sel formé dans l'égouttloir au moyen d'un monte-charge à va- peuret le liquide qui s'échappe retourne à la caisse de saturation. M. Stafford Ellery est arrivé au but en construisant une caisse de saluralion dans la- quelle le sel, au fur et à mesure qu'il se dépose, descend par son propre poids, soit dans un pelit véhicule, soit dans un égouttoir. Le saturateur est formé d'une caisse en bois, doublée de plomb, de forme rectangulaire ayant 1 mètre de côté et 02,90 de profondeur; la partie supérieure est fermée aux lrois quarts par un couvercle. Le fond du satu- rateur est entièrement occupé par une espèce d'en- tonnoir, en forme de tronc de pyramide renversée. L'angle d'inclinaison de la pyramide est de 45° La partie inférieure de l’entonnoir est fermée par une valve qui joue un grand rôle dans les résul- lats obtenus avec ce système. La valve Ellery est en fer forgé. Malgré l'attaque par l'acide sulfurique, cette valve peut servir pendant des mois, n'ayant : os De ; , besoin que d'être graissée et rodée de temps en temps. La valve se meut de haul en bas à l’aide d'une longue tige à poignée, permettant à un ouvrier de la manœuvrer en restant debout. Ce dernier arrive, au bout de très peu de temps, à ne laisser échapper qu'une quantité très faible d’eau mère avec le sulfate eristallisé. Le saturateur est porlé par quatre piliers en bois ayant une hauteur telle (1",50 ordinairement) qu'un wagonnet puisse être glissé sous la valve. Avec un saturateur de pareilles dimensions, on peut produire au moins quatre tonnes de sulfate d’ammoniaque par jour. Les quantités d'acide et d'eaux mères affluant dans le saturateur, sont réglées d’après les quan- tités d'eaux ammoniacales qui passent dans les colonnes de distillation. L’ammoniaque arrive dans l'acide par un tube de 0,15, percé de trous sous un angle tel que les vapeurs injectées chas- sent le sel nouvellement formé dans la direction de l’entonnoir et de la valve. Dans cet appareil, l'inventeur emploie de l'acide à 39° B., litre qui nous semble beaucoup trop faible : il vaut mieux employer de l’acideà53° B. ou 60° B., concentrations avec lesquelles il est beaucoup plus facile d'obtenir de beaux cristaux. Un des avantages du dispositif Ellery est d’obte- nir du sulfate ne contenant aucune des impuretés qui flottent à la surface du liquide acide du satu- rateur, la vidange du sel se faisant par le fond. Le sulfate d'ammoniaque, comme on le voit, est le sel ammoniacal le plus important, dont l'appli- cation comme matière fertilisante forme le prinei- pal débouché de l'ammoniaque. C'est le produit le mnt name niet P. TRUCHOT — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE L'AMMONIAQUE CAUSTIQUE plus riche en azote utilisé par l’agriculture (21 °/,). La production, en 1896, dans le monde entier, peut êlre approximativement évaluée ainsi : Augleterre. 190.000 tonnes. France. 45.000 — Belgique et Pay s-Bas 35.060 — Allemagne, Autriche, Pologne. 15.000 — Autres pays. 20.000 — Production totale 365.000 tonnes. Ces 365.000 tonnes de sulfate d’ammoniaque, au titre minimum de 20 °/, d'azole, représentent 13.000 lonnes d'azote ammoniacal. L'Angleterre actuellement produit plus de sulfate d'ammoniaque que tous les autres pays du monde réunis. En 1895, sur une production de 179.000 lonnes, elle n’en a consommé que 39.000 tonnes, Henporent done environ 140,000 tonnes, tant en Europe qu’en produits chimiques dans le but d'oblenir des engrais, l'ammoniaque qu'elles contiennent n'est pas comptée dans la production de ce pays. Contrairement à l'Angleterre, la France n’est pas bien placée pour exporter; notre exportation cor- respond à des besoins réguliers vers la Suisse, l'Italie et l'Espagne. Il est à remarquer que, depuis 1891, l’accroisse- ment de la production est relativement moins con- sidérable pour les usines à gaz que pour les autres industries. Partout ce même fait se représente, en France, en Belgique, en Allemagne surtout, où les houillères du bassin de la Saar et du bassin de la Rühr produisent dans leurs batteries de fours à coke une quantité croissante de sulfate d’ammo- niaque. La France, à ce point de vue particulier, se laisse devancer par l'Allemagne, quoique actuelle- ment la plupart des houillères du Pas-de-Calais Tableau I. — Production du sulfate d’ammoniaque en Angleterre. 1896 1895 189% 1893 1892 1891 tonnes tonnes tonnes tonnes tonnes tonnes Usines à gaz . . . 124.000 119.600 113.500 112.000 110.750 107.950 Hauts fourneaux à 18.000 14.600 10.000 8.800 11.000 6.300 Raffineries d'huiles de schiste. 39.000 38.300 33.000 28.500 23.100 26,600 Coke et usiues de carbonisation. . 8.000 1.000 3.500 3.200 5.000 2.800 Produclion totale. . 189.000 179.500 160.000 152.500 149,850 143.650 ER Amérique et dans les colonies. Cette exportalion est facililée par la position de ce pays et par la richesse de ce produit — le fret de Londres à New- York étant moins élevé que le transport par chemin de fer de Marseille à Paris. L'Angleterre, qui reste donc le vrai marché du sulfale d'ammoniaque, a vu sa production augmen- ter rapidement. D'après MM. Bradbury et Hirsch, voici (Tableau |) quelle en a été la progression dans les diverses industries productrices d'ammoniaque. La production francaise, au contraire, est relati- vement restreinte et, en 1895, a fourni les chiffres suivants : ‘Usines à gaz . Vidanges . Production de la province LE 13.000 tonnes. 9.000 23.000 Production totale 45.000 tonnes. On voit par ces chiffres que nous sommes bien au-dessous de la production anglaise, dont les cours ont une influence prépondérante sur le prix de vente du sulfate d'’ammoniaque dans tous les pays agricoles. En Angleterre, le fout à l'égout étant pratiqué dans toutes les villes, l'ammoniaque contenue dans les vidanges est complètement perdue. En Alle- magne, les vidanges étant trailées par certains soient munies de fours à récupération. Nous croyons que la Compagnie d’Anzin est actuellement décidée à monter des installations semblables. Les variations des cours du sulfate d’ammonia- que depuis une vingtaine d'années ont été énormes Tableau II.— Cours moyens et production anglaise du sulfate d’'ammoniaque de 1883 à 1895 inclus. PRODUCTION ANNÉES COURS MOYEN en tonnes 1883 . 1884 . 1885 . 1886 . 1887 . 1888 . 1889 . 1890 . 1891 . 1892 . 1893 . 1894 . 1895 . 5.000 .U00 97.000 >. 000 3.000 2.000 3.000 34.000 3.6! 0 et n'ont pas suivi, à beauc , les variations de sa production. Si nous prenons comme type la progression de la production anglaise, qui peut représenter lal- oup près 748 P. TRUCHOT — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE L'AMMONIAQUE CAUSTIQUE lure probable des augmentations annuelles de la fabrication des divers autres pays, nous voyons, d'après MM. Bradbury el Hirsch, que les cours ont été ceux du tableau II (page 747). En 1895, l'Angleterre a donc fourni à elle seule 179.500 tonnes, dont 119.000 tonnes provenant des usines à gaz. En ce qui concerne le cours du sulfate d’ammo- niaque, en ajoutant 10 francs par lonne aux prix énumérés ci-dessus, on a sensiblement les cours des ports français du Nord et des ports belges. En 1881 et 1882 le sulfate d'ammoniaque à valu 50 et 51 francs les 100 kilos; son prix maximum, 53 francs, fut atteint en mars 1882. L'année dernière, au contraire, il a été coté à des prix extraordinairement bas, et actuellement, en Angleterre, on peut acheter du sulfate d’ammo- uiaque à 19 fr. 50 les 100 kilos. Celte baisse énorme n'est pas due, comme on pourrait le croire, à une surproduelion, mais bien à la con- currence exercée par toutes les aulres malières fertilisantes et en particulier par un rival acharné, le nitrate de soude. En 1891, comme nous l’avons vu, on à produi dans le monde entier 365.000 tonnes de sulfate, représentant 73.000 tonnes d'azote ammoniacal. Dans cette même année, l'importalion du nitrate de soude a été de 1.200.000 tonnes qui, à une teneur de 15 °/, d'azote, nous donne pour ce pro- duit 180.009 tonnes d’azote utilisable. Done la pro- duction totale du sulfate d'’ammoniaque représente un peu plus du tiers de la quanlilé d'azote impor- tée par le nitrate de soude. Cette quantité est presque enlièrement fournie par l'industrie du gaz; or, comme nous l'avons dit, si la récupé- ration était adoptée dans les diverses industries du coke, des hauts fourneaux, des industries em- ployant des gazogènes, etc., la quantité de sulfate d'ammoniaque produite annuellement dépasserait 5.000.000 de tonnes. Elle pourrait done mettre annuellement à la disposition de l’agriculture une quantité d'azote considérablement supérieure à celle fournie par le nitrate de soude. Dans toutes les grandes industries du gaz, du coke, etc., l'ammoniaque, et par suite le sulfate d'ammoniaque, ne sont pas un produit de fabrica- lion directe, mais un sous-produit découlant tan- tôt forcément (fabricalion du gaz), tantôt accessoi- rement (fabrication du coke) de l'obtention du produit principal. Cette fabrication estassez rémunératrice, etmème aux prix de vente extrêmement bas de 20 et 22 francs les 100 kilos de sulfate d'ammoniaque, les eaux ammoniacales peuvent être distillées et transfor- * Voyez la Revue du 28 février 1897, page 148. mées avantageusement. Il fautcompter en moyenne, pratiquement, une dépense de 110 kilos d'acide sulfurique à 53° B. par 100 kilos de sulfate d’ammo niaque produit. Voici les frais calculés pour une petite usine à. gaz ayant produit 58.000 kilos de sulfate d'ammo- niaque en une année. La dépense nécessitée pour l'élablissement d'un appareil distillatoire, avec « bacs et caisses, s’est élevée à 10.000 francs. Les comptes de fabricalion d'une campagne sont les suivants : Intérêts sur 10.000 francs . 500 » Amortissement en 10 ans. 1.000 » Chaux : 11.000 kilos 440 » Combustible ; St OTEIRS 267 50 Main-d'œuvre, salaires, emballage. . 2.466 65 Usure, entretien. . Ris 5 LAS ESNENNRE 200 » Acide sulfurique à 530 B. : 63.800 kilos à ; 5 francs Les 100 kilos . SEE 3.190 » Total LM en Cette dépense totale met le sulfate d'ammoniaque produit à 13 fr. 90 les 100 kilos. La vente des 58.000 kilos à 20 francs les 100 kilos, cours extrême, donnerait encore un revenu brut de 11.600 francs, laissant un bénéfice de 3.535 fr. 85 centimes. En considérant les chiffres des frais de production comme trop faibles, l'écart entre le prix de vente et le prix de revient sera toujours assez grand pour y trouver une source de bénéfices. Même actuelle- ment, où les cours sont les plus bas, les usines productrices trouvent une large compersalion des bas prix de vente du sulfate dans la baisse surve- nue sur les charbons depuis quelques années. $ 2. — Chlorhydrate d'ammoniaque. La fabricalion du chlorhydrate d'ammoniaque n'a subi que peu de perfectionnements. Ce sel est obtenu, en général, par mélange de dissolutions ammoniacales impures contenant une grande quantité de carbonate d’ammoniaque ou, comme en Angleterre, par simple mélange des eaux ammoniacales, avec de l'acide chlorhydrique com- mercial à 18°-20° B. Dans le premier procédé on dispose une série de touries ou de bacs fermés, contenant la dissolution ammoniacale et l'acide chlorhydrique, et, en contre- bas, un grand bac rectangulaire, doublé de plomb, et muni d'un couvercle et d’un tuyau d'échappe- ment, se rendant à la cheminée. A l’aide de siphons en plomb ou en verre, on fait écouler simultané- ment les deux liquides, qui se neutralisent au fur el à mesure de leur arrivée. On remue ensuite fortement, on arrête les siphons et on évapore le liquide légèrement acide, à l’aide d'un serpentin de plomb. La concentration termi- née, on transvase dans des cristallisoirs doublés de plomb. Les cristaux sont pèchés avec des pelles en | | P. TRUCHOT — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE L'AMMONIAQUE CAUSTIQUE 749 bois, on les égoutte et on les fait sécher. M. Kuentz avait proposé de les fabriquer directement avec les eaux ammoniacales el le perchlorure de fer impur, obtenu en traitant les schistes pyriteux par le sel marin. MM. Dubosc et Heuzey ont basé récemment une méthode sur l'insolubilité des sulfures et des carbonales métalliques en présence du chlorhy- drale d’ammoniaque. On produit une double dé- composition entre le sulfhydrate et le carbonate d'ammoniaque, par le perchlorure de fer et le chlorure de calcium, mélangés en proportions convenables. Ce procédé a élé essayé à Rouen, à la Compagnie Européenne du gaz. Peu de modifications ont été apportées à la fabricalion du chlorhydrate d'’ammoniaque su- blimé. En Angleterre, la sublimation se fait dans de grandes chaudières en fonte, hémisphériques, garnies intérieurement de briques réfractaires. Ces chaudières contiennent de 1.000 à 9.000 kilos cha- cune. La durée d’une opération est d’une semaine environ. En France, la sublimation se fait encore dans de petits pots en grès, disposés dans un carneau, en deux rangées parallèles. Ces pols sont engagés, à la partie supérieure, dans une plaque en fonte et le tout est recouvert de sable. Certaines industries, telles que celle du fer galva- nisé, préfèrent le sel ammoniac gris, obtenu en introduisant dans les appareils de sublimation une petite quantité de matière grasse, qui donne des produits noirs pyrogénés qui se mélangent au chlorhydrate pendant sa sublimation. sé dns 0 $ 3. — Carbonate d'ammoniaque. Le carbonate d'ammoniaque est obtenu par dé- composition du chlorhydrate d'ammoniaque par la craie en poudre. En Angleterre, le sel ammoniac est séché et dis- lillé avec le double de son poids de craie, dans des cornues horizontales en fonte, de 2 mètres de lon- gueur et 0",50 de largeur el disposées par balte- ries de 3 ou 5. Elles sont en relation avec deux petites chambres de plomb où se fait la condensa- tion. Chacune de ces chambres a une paroi mobile, permettant d'enlever le carbonate d’ammoniaque déposé. La sublimation a lieu vers 50°. Le produit obtenu est sublimé une seconde fois dans des marmites en fonte. $ 4, — Azotate d'ammoniaque. L'azotate d'ammoniaque s'obtient toujours par double décomposition, à l’aide du sulfate d’ammo- niaque. L'azotate d’ammoniaque pur est obtenu par recristallisations successives. Dans le procédé Cary, on l'obtient à l’aide de l’azolate de baryum et du sulfate d'ammoniaque. On transforme ia barytine ou spath pesant en sulfure de baryum, en la calcinant à l'abri de l'air avec du charbon et de l'huile de résine. On fail bouillir le sulfure de baryum obtenu avec du soufre en poudre, et le polysulfure obtenu est traité par une solution de nitrate de soude, qui transforme le sulfure de baryum en nitrate de baryum, que l’on sépare par cristallisation. On fait ensuite réagir le nitrate de baryum sur une solution de sulfate d'ammoniaque pur; on oblient ainsi du nitrate d'ammoniaque et du sulfate de baryum régénéré. Le procédé Rotts consiste à obtenir le nitrate d'ammoniaque par double décomposition entre le nitrate de soude et le sulfale d'ammoniaque, sous pression réduite. La dessiccation du produit est ainsi accélérée, sans perte de nitrate décomposé par la chaleur. MM. Grandhall et J. Landin ont cherché à obte- nir du nitrate d’'ammoniaque exempt de produits sulfurés. Pour cela, ils extraient par l'alcool un mélange intime de nitrate de soude et de sulfate d’ammoniaque. On a ainsi une solution alcoolique de nitrate d'ammoniaque, qu'on débarrasse de nitrate de soude par filtration à travers une couche de sulfate d'ammoniaque ou de chlorhydrate d’am- moniaque granulé. Le procédé Habay-Chevallot et Maire a certains points de contact avec le procédé Cary. Comme dans ce dernier, on obtient le nitrate d’ammo- niaque par double décomposition entre le nitrate de baryum et le sulfate d’ammoniaque. Le nitrate de baryum est obtenu par double décomposition entre une solution de chlorure de baryum dans deux fois son poids d’eau bouillante et une dissolution de nitrate de soude. Le nitrate de baryum se précipite à froid et est séparé par turbinage. Le principal débouché du nitrate d'ammoniaque se trouve dans la fabrication des explosifs, où il constitue actuellement un des corps les plus em- ployés. Mélangé la chloronitrobenzine, il constitue la roburite; avec la nitronaphtaline, l'ammonite; avec la nitroglycérine, l'ammoniak krut et la nitrolite, ete. avec $ 5. — Sulfocyanure d’ammonium. Le sulfocyanure d’ammonium est actuellement très employé dans la fabricalion des mordants d’alumine. On traite le sulfocyanure d’ammonium par l'hydrate d'alumine récemment précipité, et on obtient ainsi deux sulfocyanures d'aluminium, soit Al (CAzS) (OH); soit AI (GAzS)'(OH)"°. Le sulfocyanure d'ammonium est vendu, pour cet usage, en dissolution marquant de 18 à 20° B. Ce sel remplace avantageusement l’acélate d’alu- mine, surtout pour les rouges de Rouen. 750 P. TRUCHOT — ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DE L'AMMONIAQUE CAUSTIQUE De grands perfeclionnements ont été apportés à sa fabrication. Jusqu'en ces dernières années, seuls les procédés de Liebig, Millon et Gélis avaient été suivis. La plupart sont basés sur l’action du sulfure de carbone sur l’ammoniaque, soit en pré- sence d'alcool (Millon), soit avec 2 à 3 ‘/, d'une huile grasse destinée à produire, avec l’ammo- niaque, une émulsion facilitant le mélange intime du sulfure de carbone avec les solulions aqueuses (Gélis). MM. Günzburg et Teherniac, en 1879 et 1880, ont apporté à cette dernière méthode d'importants perfectionnements, qui ont transformé complète- ment l'industrie des sulfocyanures. Les appareils employés dans cette fabrication consistent : 1° En une pompe aspirante et foulante en fer; 20 Une série d'autoclaves en fer forgé, à haute pression, munis d’un agilateur à palette, de mano- raètres, thermomètres, ete. Ils sont entourés d’une enveloppe de vapeur, et communiquent chacun, par uu système de tuyaux, avec la pompe alimen- taire et l'alambic ; 3 Un alambic chauffé par un serpentin. Cet alambic est surmonté d’une capacité cylindrique destinée à opérer une séparation complète entre la vapeur venant de l’alambie et la solution entrai- née à l’état vésiculaire ; % Un échangeur à surface, surmonté d’une co- lonne à coke, et établi au-dessus d’un récipient, destiné à recueillir les liquides condensés, qui sont repris et déversés en pluie conlinue par une petite pompe aspirante et foulante sur le coke. On assure ainsi une condensation parfaite de l’ammoniaque, Lout en empêchant les obstructions dues au sulfure d'ammonium. Le fonctionnement de ces appareils est le sui- vant : La pompe alimente les autoclaves avec un mé- lange de sulfure de carbone, d'ammoniaque liquide à 20 °/, et d'une certaine quantité de liquides am- moniacaux, provenant de la condensation des eaux de distillalion de l'alambic. Aussitôt qu'un alambic est chargé, le robinet d'entrée est fermé el l’agita- teur est mis en mouvement. On chauffe jusqu à 100° C.. puis on ferme l’arrivée de vapeur et on continue l'agitation jusqu'au moment où le mano- mètre marque 45 almosphères. On cesse d'agiter et le liquide expulsé violemment par la pression se rend à l’alambic. Ce liquide, qui est constitué par une solution ammoniacale de sulfocarbonate d'am- moniaque, est chauffé à 105-1102. Pendant la distillation il se décompose en sulfo- cyanure d'ammonium et en hydrogène sulfuré. [reste donc, dans l’alambic, une solution aqueuse de sulfocyanure d'ammonium. Les produits distil- lés, composés de vapeurs d'eau, de sulfure d'ammo- nium, d'hydrogène sulfuré et de sulfure de carbone. se dirigent dans les récipients, à travers les échan- geurs. Afin de retenir le sulfure de carbone en- lrainé, on dirige le courant gazeux dans de l'huile … lourde de pétrole, qui laisse échapper l'hydrogène sulfuré presque pur. L'huile saturée n’a plus qu'à être distillée. Le » rendement de cet appareil est de 95 °/, du rende- ment théorique. L'appareil doit être entièrement en fer ou en fonte; seuls les serpentins sont en élain, car avec des serpentins en fer on a du sulfocyanure d'am- monium chargé de sulfocyanure ferreux qui, à l'air, donne une coloration rouge, en se transformant en sulfocyanure ferrique. Certains alambics, entièrement en aluminium, ont donné d'excellents résultats. Le sulfocyanure cristallisé est obtenu en évapo- rant la solution et abandonnant dans des cristalli- soirs en bois, étamés. $ 6. — Autres sels ammoniacaux. Les autres sels ammoniacaux ont relativement peu d'intérêt, leurs débouchés étant extrêmement restreint{s. M. Lagrange a tenté de fabriquer industrielle- ment du phosphate acide d'ammoniaque, dans le but de l'appliquer à l'épuration des jus sucrés. Il traitait le phosphate acide de chaux par une solution d'ammoniaque, jusqu'à neutralisation, faisait évaporer et crislalliser. On avait proposé, dernièrement, d'appliquer ce produit à la culture, comme engrais intensif, Le bichromate d'ammoniaque est appliqué comme rongeant dans l'industrie de la teinture. Il est obtenu par transformation du fer chromé en bi- chromale de soude et traitement de ce dernier, par un courant de gaz ammoniac, jusqu'à saturation. Le picrale d'ammoniaque et son dérivé supérieur, le picro-crésylate d'ammoniaque, sont très employés dans l’industrie des explosifs. Les poudres nom- mées Welterine sont constituées par un mélange de ce dernier sel avec, soit du nitrate de soude, soit du nitrate d’ammoniaque. III. — COMPARAISON DE LA FRANCE AVEC L'ÉTRANGER. Comme nous l'avons vu précédemment, la France, au point de vue de la produclion, n'occupe que le troisième rang, après l'Angleterre et l'Allemagne. La suprémalie de ces deux pays provient, à notre avis, de deux causes principales : 1° L'industrie de l'ammoniaque élant intimement liée aux grandes industries de la houille, dont elle dérive directement, on comprend parfaitement que sa production soit en raison directe de la D' H. HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE richesse houillère de chaque pays en particulier. En effet, si nous considérons la production du charbon en 1894, nous voyons que le Royaume-Uni a produit 188.277.000 tonnes de houille; l'Alle- magne, 76.741.000 Lonnes ; et la France, seulement 26.964.000 tonnes. Ces chiffres démontrent claire- ment que celte cause de l'infériorilé de la produc- tion française est due, en grande partie, à l'impor- tance moindre des gisements houillers de notre sol. 2° La seconde cause réside surtout dans la ten- dance, qu'ont certains de nos grands usiniers, à n'adopter certains perfectionnements, même fran- çais, que lorsque l'étranger les à consacrés pendant de longues années, et à méconnaitre souvent les bienfaits que leur apporterait un contrôle chimique bien organisé. Au contraire, en Angleterre et en Allemagne, toute usine, si pelite soit-elle, possède un labora- toire bien outillé et bien dirigé, permettant de sur- veiller journellement toutes les opérations de l'usine et de contrôler exactement la valeur de toute matière première et de tout produit fabriqué. Aussi n'est-il pas élonnant que nous observions, chez nos voisins d'Outre-Manche, des rendements de 12 et 13 kilos de sulfate d'ammoniaque par tonne, alors qu'en France, on s'estime très heu- reux d'obtenir 9 kilos à la tonne. P. Truchot, Ingénieur-chimiste. REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE I. — TÈTE ET RACHIS 1. Mévralgie faciale. — Les douleurs détermi- nées par certaines névralgies faciales et l’insuccès du traitement médical ont conduil à pratiquer dans certains cas des opérations pour remédier aux ac- cidents. On a eu recours à la névrectomie extra- cranienne des diverses branches du trijumeau et même à la résection inlra-cranienne du ganglion de Gasser. Dans un important mémoire, Louis Mac Lane Tiffany n’a pas réuni moins de 108 cas de résection intra-cranienne. L'histoire de ces faits nous montre que l'opération n'est pas innocente : 24 de ces 108 malades sont morts. En revanche, les récidives sont rares; mais, s'il n'y a pas eu sou- vent récidive, il y a eu, dans quelques cas, des lé- sions conséculives à l'opération, en particulier du côléde l'œil (ulcère de la cornée, conjonctivite, ete.). En somme, c'est une opération qu'il ne faut prati- quer que dans les cas de nécessité absolue. 2. Surdité chronique. — On sait combien est fré- quente la surdité chronique, due à la sclérose de la caisse, surdilé d'autant plus pénible qu'elle peut s'accompagner de bruits subjeclifs (bourdonne- ments, elc.). Aussi comprend-on qu'en présence de l’insuccès des thérapeutiques ordinaires on ait cherché si l'on ne pouvait oblenir mieux par un traitement chirurgical. Les uns ont pratiqué sim- plement la perforation artilicielle du tympan (Miot); d’autres ont sectionné des brides cica- tricielles, des Llendons rétractés ou même enlevé le tympan et les deux gros osselels (Mounier); d’autres ont fait plus encore et ont pratiqué un évidement pétro-mastoïdien (Malherbe). Evidant l’antre et ouvrant l’aditus de manière à avoir une large communication avec la caisse, on rompt avec de petits crochets les brides et les adhérences de la caisse, quand il en existe. On obtiendrait ainsi des amélioralions dans l'état des malades. 3. Mal de Pott. — Au cours de l’année qui vient de s'écouler, la question du traitement du mal de Pott, plus exactement du mal de Pott avec gibhosité, a fait beaucoup de bruit, tant dans la presse poli- tique que dans les Sociétés scientifiques. Les com- munications retentissantes de M. Calot à l'Académie de Médecine ont fait croire au grand publie qu'il n°; aurait plus de bossus. Les gibbosités pottiques pourraient être redressées sous le chloroforme, en un seul temps, en ayant, au besoin, recours, pour atteindre ce but, à la plus grande violence. Peu de temps après les communications de Calot, M. Chi- pault, en même temps qu'il prônait à nouveau le redressement forcé, revendiquail pour lui la prio- rité de la méthode. Les résullats immédiats, oble- nus par ces deux opérateurs, semblaient excellents; doit-il en être de même des résultats éloignés? Ce n’est pas l'opinion de M. Ménard qui, étudiant de son côté la question, considère les tentatives faites comme dangereuses et forcément inefficaces. Ses expériences, faites sur des cadavres de l'Hôpital de Berck, lui ont montré que ce redressement forcé pouvait amener la rupture de poches purulentes et qu'il produisait nécessairement l'écartement des deux segments de la colonne osseuse malade et la formation d'une vaste caverne antérieure; que, par suite, la gibbosité devait se reproduire dès que cesserait le soutien fourni par l'appareil plâtre contentif. Un fait semble toutefois dès aujourd'hui bien élabli:c'estque, malgré la dislocation de la colonne, D' H. HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE la moelle el les méninges restent intactes et que, sur le vivant, ces manœuvres ne délerminent au- une paralysie. Aussi MM. Brun et Broca, à Paris, F. Lange, en Allemagne, Ch. Willems et Lambotte, en Belgique, ont-ils fait de cesredressements forcés. Il est actuellement encore impossible de dire quels seront les résultats définitifs de ces inter- ventions el de préciser dans quelles limites il est permis de compter sur une correction durable de la gibbosité. Un fait est toutefois acquis : c'est que le redressement brusque des gibbosités du mal de Pott est souvent possible et possible sans danger. IT: — Cow. Goilre exophtalmique. — Si l'ablation des goitres avec exophtalmie, la tumeur comprimant le paquet vasculo-nerveux du cou, est aujourd'hui nettement indiquée, il n'en est pas de même de celle du corps thyroïde dans le goitre exophtal- mique proprement dit ou maladie de Basedow. Déjà, dans une revue antérieure !, nous avons eu l’occasion de parler des {tentatives opératoires sur le corps thyroïde ou ses vaisseaux. Les résultats de ces interventions n'ayant pas toujours été par- faits el quelques morts rapides étant survenues à leur suite (Lejars), on a cherché si l’on ne pourrait pas recourir à un autre mode d'intervention. On ne sait pas ce qu'est au juste la maladie de Base- dow; mais quel que soit son siège, dans les centres nerveux, dans la thyroïde ou dans le sympathique, elle emprunte la voie du sympathique cervical pour manifester ses effets au loin. De là est née l'idée de supprimer ce conducteur. C’est ce qu'ont fait Jaboulay et Poncet, à Lyon, Faure, Gérard- Marchant, Quénu à Paris, Jonnesco à Bucarest. L'opération n’a jamais eu de suites fâcheuses ; elle n'a produit aucun trouble trophique, aucune alté- ration d’organe, aucune modification de la vue ni de l’accommodation. Dans tous les cas, il y a eu, nous dit Poncet, diminution immédiate de l'exoph- talmie, du goitre et des palpitalions. Si, dans quel- ques cas, l’un de ces trois symptômes, ajoute-t-il, a eu de la tendance à revenir, on a observé, en revanche, de véritables guérisons. Les conclusions du chirurgien lyonnais sont peut-être quelque peu exagérées. Gérard-Marchant et Abadie ont vu chez leur opéré l’exophtalmie reparaitre; Quénu et Chauffard, malgré une résection des deux sympa- thiques cervicaux, n'ont pas noté la moindre amé- lioralion chez leur malade. Aussi quelques chirur- giens préfèrent-ils encore la thyroïdectomie comme plus sûre dans ses résultats (Doyen, Péan). 1 Voir, pour les tentatives opératoires antérieurement faites contre le goitre exophtalmique, la Revue générale des Sciences, 1895, p. 941. Peut-être serait-il plus sage, dans celte affection, de s’en tenir au traitement médical. Dans tous les cas, on ne devra recourir à une opération qu'après avoir méthodiquement soigné le malade. Au der- nier congrès des médecins allemands, Eulenbourg fit remarquer que l'intervention est souvent inu- tile. Pour lui, la meilleure méthode est celle qui favorise et régularise l'hématopoièse, la circula- tion et la nutrition. Tous les moyens qui peuvent. tonifier l'organisme en dehors des médicaments, les cures diététiques, l'hydrothérapie, le séjour prolongé dans un climat de haute altitude, même en hiver, tous ces moyens sont recommandables, Enfin, au dire d'Eulenbourg, l'électrothérapie et la psychothérapie peuvent servir d'adjuvants. III. — CHIRURGIE ABDOMINALE. 1. £'stomac. — Dès 1894, nous avons signalé dans cette Revue! les tentatives chirurgicales faites contre l'ulcère de l'estomac. De nombreux travaux, en par- ticulier à l'étranger, ont paru depuis cette époque, et, cette année même, la question a été mise à l'ordre du jour de la Société allemande de Chirurgie. Mikuliz, réunissant les statistiques des cliniques de Billroth et de Czerny à la sienne, fait remarquer que les résultats opératoires se sont considérable- ment améliorés dans ces dernières années. Avant 1891, la résection de l'estomac donnait 39,3 °/, de mortalité, la gastro-entérostomie 43,5 °, et la pyloroplastie 23,8 °/,. Depuis 1891 la pre- mière de ces opérations donne une mortalité de 27,8 °/,, la gastro-entérostomie de 16 °/, et la pyloroplastie de 13,2 °/,. 11 n'y a donc pas lieu de se montrer trop réservé, au point de vue de l'intervention opératoire, en face de certains cas rebelles à la médication interne, la morta- lité de l'uleère simple de l'estomac, traité médi- calement, variant suivant les statistiques entre 13 et 50 °/,. Des observations, assez nombreuses aujourd'hui, semblent prouver que les ulcères gas- triques peuvent être guéris par une gastro-enté- rostomie ou par le rétablissement de la perméabilité du pylore, que la sténose de cet orifice soit cica- tricielle ou qu'elle soit spasmodique. Il estévident, toutefois, qu'avant d'arriver à une opération on devra avoir suivi tout d'abord un traitement mé- dical rationnel. Les petites hémorragies souvent répélées, les crises douloureuses rebelles avee vomissements, la périgastrite, la perforation d'un ulcère cons- liluent autant d'indications à une intervention. Dans un cas très complexe d’ulcère de l'estomac, qui avait amené la perforation de l'organe et son 1 Revue gén. des Sciences, 1894, p. 942; voir aussi 1895, p.688. D' H. HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE 4 753 adhérence au diaphragme, Henry Delagénière dé- tacha avec l'organe accolé une portion du muscle adhérent au niveau de la perforation, refoula dans la cavité de l'estomac les parties détachées et ferma, par trois plans de suture, les bords de l'invagina- tion qui fut faite de facon à remédier à une malfor- mation de l'estomac affectant la forme d’un sablier. Les interventions contre le cancer de l'estomac se multiplient comme celles contre les uleères. Au dernier Congrès francais de Chirurgie, Kocher (de Berne) a présenté une série de pylorectomies établissant qu'on peut obtenir, sinon des cures définitives, tout au moins des guérisons durables ; deux de ses opérations datent déjà, l'une de neuf ans et demi, l’autre de huit ans et demi. Mais pour que l'intervention chirurgicale donne d'aussi bons résultats, il faut qu'elle soit précoce, que le diägnoslic soit fait de bonne heure et que l'opéra- tion soit immédiatement conseillée par le médecin. Cela commence à arriver en Allemagne et en Suisse; celte année, à la Société de Médecine interne de Berlin, Boas a insisté sur les signes qui permettent de faire un diagnoslic précoce, en l'absence de toute tumeur, et sur l'utilité qu'il y a, en pareil cas, à faire opérer immédiatement le malade. Nous sommes malheureusement loin d'atteindre en France un pareil résultat et si, pour notre part, nous avons pu faire, dans de bonnes conditions, une pylorectomie, c'est parce que la malade a refusé de suivre les conseils de son médecin, qui voulait l'envoyer aux eaux. On peut poser en règle presque absolue que le médecin parisien, peu au courant des traitements actuels, n'appelle le chi- rurgien qu'une fois salongue thérapeutique épuisée, lorsque le malade est devenu inguérissable et que la chirurgie ne peut agir qu'en recourant à une gastro-entérostomie palliative. La chirurgie s'est enfin attaquée à des dyspepsies graves que l’on a vues guérir à la suite de la gastro- entérostomie, ce que Doyen et Roux expliquent en admettant que le spasme pylorique est la cause des accidents. Au point de vue dela technique des opéralionssto- macales, nous devons mentionner un nouveau pro- cédé de gastrostomie que nous avons communiqué à la Société de Chirurgie, et plusieurs procédés de gastro-entérostomie. Parmi ces derniers nous signa- lerons celui de Souligoux et celui de Roux (de Lau- sanne). Celui de Souligoux, publié et présenté en France comme une méthode nouvelle qui évite l'ouverture primitive de l'estomac et de l'intestin, cause d'infection péritonéale, n’est, en somme, que la reproduction, dans ses grandes lignes etavec des variantes dans la technique, des procédés en deux temps de Kni, de Postnikow et de Bastianelli. C'est, à notre avis, un recul en arrière et un procédé bon tout au plus pour les chirurgiens qui ne peuvent se décider à apprendre à faire un surjet. Encore a-t-il l'inconvénient grave d'être quelque peu aveugle et, celle année même, on à pu voir présenter à la Société Anatomique des pièces établissant l'imper- feclion du procédé, même entre des mains exercées. Bien plus intéressant est le procédé de Roux. Frappé de ce fait que, dans certains cas, on avait observé un reflux de liquides bilieux dans l’esto- mac après la gastro-entérostomie, Roux a eu recours à un procédé qu'il décrit sous le nom de procédé en Y. Il consiste à sectionner l'intestin un peu au-dessous du duodénum, à fixer le bout infé- rieur à la face postérieure de l'estomac et à abou- cher latéralement dans ce bout inférieur le bout correspondant à la section juxta-duodénale. Tout reflux de matières dans l'estomac est ainsi rendu impossible, mais l'opération est un peu allongée. 2. Appendicile. — La question de l'appendicite, que l’on aurait pu croire épuisée après les travaux parus dans ces dernières années, a encore été l'objet de discussions importantes dans nos di- verses Sociétés savantes : à la Société de Chirurgie, à la Société médicale des Hôpitaux et à l'Académie de Médecine. Deux points ont été spécialement abordés : 4, la pathogénie; b, le traitement. a. Nous avons déjà, dans notre dernière revue !, exposé la théorie du vase clos, si brillamment dé- fendue par le Professeur Dieulafoy. Cette théorie a été vivement attaquée par la presque unanimité des membres de la Société de Chirurgie. M. Reclus a tenté de lui substituer la théorie de la stagnation. Les microbes pathogènes exalteraient leur viru- lence en stagnant dans l’appendice, diverticule ouvert dans un autre diverticule, le cæcum. A côté de ces appendicites de cause locale, qui représentent la majorité des cas, on admet généra- lement aujourd’hui des appendicites propagées et des appendicites de cause générale. Les appendi- cites propagées succèdent à une inflammation qui de l'intestin gagne l’appendice, s'y cantonne, et qui, par suite des conditions spéciales de l'organe, y détermine des accidents spéciaux. Ce sont, en un mot, des appendicites suiles d’entéro-colites, soit d’entéro-colites aiguës, soit d'entéro-colites chro- niques, pseudo-membraneuses. Bien que contestées par MM. Dieulafoy, Hutinel et Potain, ces appen- dicites propagées nous semblent indéniables et nous en avons, personnellement, observé plusieurs cas. Elles sont admises aujourd'hui par la plupart des auteurs qui ont écrit sur la question; on à même pu les reproduire expérimentalement en déterminant chez des lapins des entéro-colites par 1 Voir Revue gén. des Sciences, 1896, p. 876. To D' H. HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE le gavage avec des viandes putréfiées hachées (Beaussenat). Les appendicites de cause générale, signalées en particulier à la suite de la grippe par Goluboff, Merklen et d’autres, ne constituent pas une mala- die spéciale; la maladie générale n’agit probable- ment qu'en déterminant une exaltation de la viru- lence des microbes contenus dans l’appendice, fa- vorisant ainsi simplement le développement d'une appendicite que l'on pourrait déerire comme de cause locale. Ajoutons cependant que Josué a dé- terminé des lésions inflammatoires de l’appendice chez des lapins par l'inoculation intra-veineuse de cultures de strepto-bacilles. b. On aurait pu croire tranchée la question du traitement de l'appendicite; il n’en estrien et nous avons vu soutenir à l’Académie de Médecine que l'appendicile peut guérir, dans la proportion de 90 °/,, par le seul traitement médical. Que cer- tains malades guérissent ainsi, le fait est avéré: mais il est une cause d'erreur très fréquente qui vient réduire à néant les statistiques médicales. Un malade a successivement deux, trois crises bé- nignes d’appendicite qui toutes guérissent sponta- nément. Il se trouve porté comme cas de guérison dans trois statistiques médicales successives; fina- lement, il a une qualrième crise plus grave avec péritonite généralisée, on appelle un chirurgien qui l’opère et n'arrive le plus souvent pas à arrè- ter la péritonite, le malade meurt. Le médecin con- clut que l'opération donne un chiffre de morts considérable, alors que les résultats sont excel- lents par le traitement médical. En réalité on de- vrail conclure que si le malade avait été opéré dès sa première ou sa seconde crise, il aurait guéri, el que s’il est mort c’est parce qu'on s’est obsliné à le traiter médicalement et à ne recourir au bistouri qu'une fois la périlonite généralisée déclarée. Aussi le Professeur Dieulafoy conclut-il à l'appel immédiat d'un chirurgien dès que le diagnostic d’appendicite vraie est posé, se fondant sur ce qu’il est impossible, dans l'immense majorité des cas, de savoir à l'avance si elle sera bénigne ou grave, si elle aura une marche lente, aiguë ou suraiguë, si la péritonite sera diffuse ou localisée. C’est, en somme, la prudence qui commande d’avoir immé- diatement recours aux grands moyens. 3. Exclusion de l'intestin. — Dans certains cas de néoplasmes inopérables ou de lésions inflamma- toires chroniques, avec fistules siégeant sur le gros intestin, la thérapeutique est impuissante. L’en- téro-anastomose peut êlre commandée par l'exis- tence d'un rétrécissement, mais elle n'empêche pas la portion intestinale malade de continuer à être irrilée par le contact des matières qui cireulent dans l'intestin. Aussi, dès 1891, Salzer (d'Utrecht) a-t-il eu l'idée de séparer, sans l'enlever, la portion intestinale malade du bout central et du bout péri- phérique de l'intestin, réunissant ces deux bouls l'un à l’autre, etpratiquant ainsi l'exclusion du seg- ment malade. Celle-ci peut être faite sur une anse d'intestin fistuleuse ou sur une anse partout ferméc: Bien que des expériences sur le chien aient élabli que l’on pouvait pratiquer l'exclusion com- plète de l'anse exclue sans déterminer le moindre trouble dans la santé de l'animal, les chirurgiens ont, en général, redouté soit une intoxication par suite de la décomposition des matières intestinales emprisonnées dans l'anse exclue, soit une ulcéra- tion de l'intestin due à la stagnation des matières, soit simplement la transformalion de lanse en kyste. Aussi, en l'absence de large fistule préexis- tante, Hochenegg, Rudolf Frank, ont-ils fixé à la peau les deux bouts de l'anse exclue. C’est la pra- tique généralement adoptée. Et, tout récemment, Heydenreich, réunissant les diverses observations publiées, est arrivé à cette conclusion que l'exelu- sion de l'intestin ne doit être tentée qu'avec l'éta- blissement d'une fistule, qu'on peut fermer ulté- rieurement, si la sécrétion est minime, réalisant alors l'exclusion lotale en deux temps. 4. Rectum. — Dans ces dernières années, les ten- tatives opératoires, failes pour enlever les cancers du rectum, se sont multipliées. L'opération de Kraske, imaginée d'abord dans le but de conserver les fonctions du sphincter, n'est plus regardée au- jourd'hui que comme une voie d'accès. Elle con- vient aux cancers de la portion inlra-péritonéale du rectum. Pour les cancers situés plus haut, on à recours à des opéralions combinées, soit abdomi- no-sacrée, soit abdomino-périlonéale, terminant l’'opéralion par la suppression totale du bout infé- rieur et la formation d'un anus iliaque définitif quand, une bonne suture est impossible à établir. IV. — GYNÉCOLOGIE. 1. ÆHystérectomie abdominale totale. — Dans les revues annuelles que nous avons publiées, nous avons montré, se dessinant de plus en plus chaque année, l'évolution des chirurgiens vers la suppres- sion complète du pédicule après lhysléreetomie abdominale. Cette évolution, due principalement aux chirurgiens américains, est aujourd'hui un fait accompli. Suppression de tout moignon, ligature isolée des vaisseaux, sont deux points qui semblent acquis. On les retrouve dans tous les nouveaux procédés d’hystéreelomie, ceux Doyen, de Richelot, de Segond et le nôtre. Seul M. Routier préconise encore des ligatures en masse sur les de ligaments larges. D' H. HARTMANN — REVUE : 2. Traitement des annexiles. — Une communica- tion de M. Richelot à la Société de Chirurgie, sur l'hystérectomie abdominale lolale, comme complé- ment de l'ablation des annexes dans cerlains cas, a été le point de départ d'une longue discussion. À peu près seul, nous avons défendu celle opinion que, dans tous les cas où l’on est amené à enlever les annexes des deux côtés, il y à intérêt à enlever en même temps l'utérus. Celle pralique a été dé- fendüe par notre élève Audiau dans sa thèse. Elle vient d'être reprise.au Congrès de Moscou et défen- due éloquemment par un autre de nos anciens élèves, M. Jonnesco, professeur à Bucarest. Nous avons la conviction que la plupart des chirurgiens y viendront d'ici à quelques années. La seule in- dication de l'hystérectomie vaginale, en dehors des cas extrêmement rares, où l’on enlève l'utérus pour drainer plus facilement des collections suppurées multiples, indication qui ne se présente pas dans plus de 2 °/, des cas, est une indication d'ordre tout à fait spécial, et qui n'a rien à voir avec la science. Elle réside dans la nécessité pour cer- laine catégorie de femmes de conserver une paroi abdominale indemne de toute cicatrice. Les per- fectionnements considérables apportés dans ces dernières années à l’opéralion abdominale, lui assurent dès actuellement une supériorité mani- fesle toutes les fois que l’argument cosmétique n’est pas en jeu. 3. Opothérapie ovarienne. — Dans ces dernières années, les chirurgiens, notant les suites de leurs opérations, ont constaté que bien des femmes souffraient, après la castration bilatérale, troubles liés à la ménopause prématurée (vertiges, céphalée, sensalions brusques de chaud et de froid, sudations subites, palpitalions et autres accidents nerveux). Les publications de Brown- Séquard sur les effels de l’opothérapie testicu- laire conduisirent les gynécologues à expérimen- ter, dans ces cas, l’opothérapie ovarienne. Dès 1895, Chrobak, de Vienne, fit prendre de la substance ovarique à une malade qui, depuis une castration bilatérale faite plusieurs années auparavant, souf- frait d'accidents multiples liés à sa ménopause prémalurée. La malade prit du tissu d’ovaire de génisse, dégraissé, haché menu, à la dose de 1 gr. 5 à 2 grammes par jour. Le résullat ne fut pas concluant. Chrobak pensa que les résultats seraient peut-être plus nets si l’on administrait des ovaires de vache en pleine aclivité sexuelle ; les résultats furent bons. En France ces tentatives furent surtout poursuivies par Jayle ; les résultats auraient été bons. En tout cas, il y a là une médica- tion sans danger à tenter dans les cas de troubles nerveux conséculifs à la castration. de CHIRURGIE 155 NNUELLE DE V. — BRULURES. La question du trailement des brûlures nous semble devoir être abordée dans cette revue, un accident récent nous ayant montré que les pra- tiques antisepliques de notre époque élaient encore quelque peu délaissées par bon nombre de méde- cins et même de chirurgiens, lorsqu'ils se trou- vaient en présence de brûlés. Les applicalions de corps gras, de liniments, lels que le liniment oléo- calcaire, ont encore leurs adeptes. L'inflammation, les douleurs, les suppuralions abondantes semblent encore, pour quelques-uns, la conséquence nécessaire des brûlures, alors que tous ces accidents peuvent être parfaitement évités, si l'on veut bien considérer les brûlures comme toute autre lésion traumatique récente et les traiter comme une plaie fraiche. Dès 1889, nous appli- quions aux brûlures les méthodes antiseptiques et en observions les bons effets. Nos observations étaient restées inédites lorsque la question fut re- prise et bien étudiée dans une thèse très docu- mentée, celle de Wilbouschevitch. Cette année, la question vient d'être étudiée en Allemagne par Tschmarke, qui exposa la pratique de Sonnenburg. La pratique suivie par Wilbouschevitch, celle de Sonnenburg, la nôtre, bien que formulées isolé- ment et à l'insu chacun de celle des deux autres, sont identiques, à part quelques points de détail. Toutes trois reposent sur cetle nolion qu'une brû- lure doit être considérée comme une plaie fraiche, capable d'être conlaminée par les différentes es- pèces de microorganismes pyogènes. Le premier point est la désinfection de la plaie et des téguments voisins, soit avec de l’eau savon- neuse et de l'acide borique, soit avec une solution de sublimé, n’hésitant pas, dit Wilbouscheviteh, à donner du chloroforme dans le cas où ce nettoyage serail douloureux et devrait être pratiqué sur des surfaces étendues. On essuie alors la plaie avec de la gaze ou de l’ouate stérilisée, et l'on panse avec de la gaze iodoformée, qu'on recouvre d'un lissu absorbant (gaze, coton hydrophile, ete.). Lorsque les couches superficielles sont imbibées de sérosilé, on les remplace sans toucher à la gaze iodoformée, qui est au contact même de la brûlure. Ce traitement s'applique non seulement aux brû- lures des premier et deuxième degrés, mais à toutes les brûlures, quelle que soit leur profondeur. Lorsque les brûlures sont étendues, il est, croyons-nous, bon de soumettre les malades, pen- dant les premiers jours, au régime lacté, pour éviter les complications inteslinales ou rénales que l'on à si souvent observées. D' H. Hartmann, Professeur agrégé à la Faculté de Médecine, Chirurgien des Hôpitaux. 156 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques MarkofF (A. A.), Professeur à l'Université de Saint-Pé- tersbourg, Membre de l'Académie des Sciences de Saint- Pétersbouwrg. — Differenzenrechnung. (Deutsche Uber- setzung von T. FrieseNnorFr, und E. Prüum, mit einem Vorworte von R. MeumgEe.) -- 1 vol. in-8° de 194 pages avec fig. (Prix : 8 fr. 75.) B.-G. Teubner, éditeur. Leipzig, 1897. Il s'agit d’une f(raduction allemande, faite par MM. Friesendorff et Prümm, de l'ouvrage consacré par le mathématicien russe, M. Markoff, au caleul des difré- rences finies, Une préface a été ajoutée par M. Mehmke, professeur à l'Ecole technique supérieure de Stuttgart. Le calcul des différences finies est relativement né- gligé en France depuis l’époque déjà lointaine des Ampère, Cauchy, Prony, Lacroix. I ne faut pas s'exa- gérer l'importance et l'avenir de cette branche de la Science. On doit cependant reconnaitre qu’elle est extrèmement précieuse dans les calculs numériques (Astronomie, Physique) et tient de près à des parties très élevées et très ardues de l'Analyse. La sagacité des géomètres a bien de quoi s'y exercer. M. Markoff parle d’abord de l'interpolation (formules de Newton, Taylor, Lagrange); il explique, avec exem- ples à l'appui, l'usage des tables numériques: il s’en sert pour évaluer certaines intégrales définies (formules de Cotes, Simpson, Gauss), quelquefois au moyen des fractions continues (recherches récentes de Slieltjes). On aborde ensuite le calcul inverse des différences finies. Il est employé à l'évaluation de certaines sommes (formules d'Euler, Wallis, Sürling) simples ou doubles, ce qui permet souvent de transformer une série faible- ment convergente en une série rapidement conver- gente. Le tout est encore accompagné d'exemples numériques détaillés. É Ces très brèves indications suffiront pour faire appré- cier la richesse des matières traitées par le savant russe. LÉON AUTONNE, Maître de Conférences de Mathématiques à l'Université de Lyon. Petersen (Julius), Professeur à l'Université de Copen- hague, Membre de l'Académie royale des Sciences. — Théorie des Equations algébriques (Traduction de M.-H. LAURENT, Examinateur d'admission à l'Ecole Poly- technique). — 4 vol. in-8° de 350 pages. (Prix : 10 fr.) Gauthier- Villars et fils, éditeurs. Paris, 1897. M. Laurent à fait une œuvre utile en publiant l'édition française du traité d’'Algèbre de M. Petersen. Comme tous les travaux du savant professeur de Copenhague, cel ouvrage est tout à fait remarquable par la elarté de l'exposition et par les méthodes parfois si simples et si originales. La Théorie des équations algébriques comprend cinq parties : La première est consacrée aux équations en général ; elle renferme les chapitres suivants : proriétés généra- les des équations algébriques ; relations entre les coeffi- cient{s et les racines; sur l'élimination ; transformation ‘des équations. La deuxième partie traite de la solution algébrique des équations : équations du 3° et du 4° degré, équations binomes, équations abéliennes. L'équation du 5° degré lait l'objet d'un chapitre spécial dans lequel l’auteur démontre l'impossibilité de résoudre algébriquement celte équation en suivant la méthode de Galois, légère- ment modifiée, Cette partie contient, en outre, quelques développe- | ments sur une importante question que l’on ne rencon- tre guère dans les traités d’Algèbre. C’est la théorie des équations résolubles à l’aide de racines carrées, avec la condition nécessaire et suffisante pour qu'un pro- blème puisse être résolu au moyen de la règle et du compas. Ce chapitre à été rédigé d’après la thèse de doctorat soutenue par M. Petersen en 1871. Dans la troisième partie, consacrée à la résolution nu- mérique des équations, lauleur expose d’abord les prin- cipaux théorèmes relatifs à la séparation des racines, puis il donne les différentes méthodes pour le calcul des racines d'une équation numérique. La quatrième partie contient la fhéorie des substitu- tions de lettres et des équations algébriques d’après Abel et Galois. Enfin, dans la cinquième partie, on trouve un exposé entièrement nouveau de la théorie des formes binaires. Ce chapitre ne figurait pas dans l'édition originale. H. Feu, Privat-docent à l'Université de Genève. 2° Sciences physiques Houdaille (F.), Professeur à l'Ecole nationale d'Agri- culture de Montpellier. — Mesure du coefficient de diffusion de la vapeur d’eau dans l'atmosphère et du coefficient de frottement de la vapeur d’eau. (Thèse de la Fuculté des Sciences de Paris.) — 1 br. in-4° de 95 pages avec 3 planches. Imprimerie Ch. Boehm. Montpellier, 1897. La plupart des questions que l’ancienne Physique considérait comme résolues nous apparaissent aujour- d'hui complexes el difficiles; il y a un véritable intérêt à reprendre, dans un esprit moderne, l'étude des phéno- mènes sur lesquels les physiciens d'autrefois nous ont laissé des documents importants certes, mais non pas des résultats aussi définitifs qu'ils le supposaient. L'évaporation des liquides est précisément l’un de ces sujets qui ont été rajeunis par des travaux récents : Stephan, Winkelmann et d'autres ont montré quels liens intimes rattachent cette question aux idées actuelles sur la constitution des liquides et des gaz; outre leur imporlance pratique possible, des recher- ches expérimentales sur l’évaporalion peuvent con- duire à des conséquences théoriques intéressantes. M. Houdaille, dans sa thèse, n'a examiné qu'un point particulier mais bien défini; il mesure la constante de diffusion de la vapeur d’eau dans l'air atmosphérique ; cette constante est définie comme la masse de la vapeur qui, dans l'unité de temps, traverse l'unité de surface d’une tranche gazeuse quand la pression de la vapeur d'eau varie d’une unité par unité de longueur comptée dans le sens de la diffusion, le mélange d'air el de vapeur ayant partout la même pression. Un pro- cédé direct imaginé par l’auteur le conduit à une détermination précise. D'autre part, la théorie ciné- tique des gaz permet de calculer la même constante en fonction des coefficients de frottement de l'air et de la vapeur d'eau; M. Houdaille a effectué pareillement la mesure de ces coefficients, et la valeur ainsi calculée diffère peu de celle qui lui a été assignée par sa déter- mination directe. LuctEN PoINcaRÉ, 4 Chargé de Cours à la Faculté des Sciences de l'Université de Paris, Villavecchia (Vittorio). — Annali del Laboratoria chimico centrale delle Gabelle. (Vol. IL.) — 1 vol. in-8° de 240 pages avec figures. G. Bertero, éditeur. Rome, 1897. 4 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX | 737 Moissan (Henri), Membre de l'Académie des Sciences. — | Le Four électrique. — 1 vol. in-8° de 385 pages avec figures. (Prix : 15 fr.) G. Sleinheil, éditeur, 2, rue Casimir-Delavigne. Paris, 1897. M. Moissan à réuni, dans un livre ayant pour titre « le Four électrique », l'ensemble des beaux travaux |! qu'il a publiés depuis six ans sur cel appareil et ses applications. | L'ouvrage commence par la description des modèles de fours électriques qu'a inventés M. Moissan et qui ont pour caractères spéciaux : {° la matière n'y est pas en contact avec la vapeur de carbone ; ce sont des fours à réverbère; 2 l'action électrolytique du courant est nettement séparée de l’action thermique. Vient en- suite l'étude de la cristallisation des oxydes métalliques roduite « par simple élévation de température »…. Il … faut dire que la température peut atteindre 3.500°. Cela . explique qu'il ait été également possible de réaliser la . volatilisation des métalloïdes et des métaux regardés jusqu'alors comme réfractaires; ce sujet termine le pre- mier chapitre. Le chapitre suivant est relatif aux recherches sur les différentes variétés de carbone : carbone amorphe, à divers états de polymérisation, graphites naturels et ! arüficiels, graphite foisonnant, enfin diamant noir et diamant transparent sous les différents aspects où on le rencontre dans la nature. C'est dans ce chapitre que sont exposées toutes les expériences qui ont eu un si grand retentissement et d'où M. Moissan a conclu, entre autres faits, que le carbone peut être amené à l’état liquide sous l'action de très fortes pressions et que le carbone liquide devient transparent et se solidifie en cristallisant ou quelquefois en restant amorphe comme cerlains diamants à formes arrondies du Cap ou du Brésil. Le chapitre IIT traite de la préparation au four électrique d'un grand nombre de corps : chrome, manganèse, molybdène, tungstène, uranium, vanadiurmn, zwconium, lilane, silicium, aluminium; à propos du dernier métal sont examinées deux questions très im- portantes au point de vue industriel : impuretés de l'aluminium et nouvelles méthodes de préparation des alliages de ce corps. Dans le chapitre IV sont décrites de nouvelles séries de composés binaires : carbures, siliciures et borures; les carbures sont ceux de calcium, baryum, strontium, cerium, lanthane, yttrium, thorium, aluminium, man- ganèse, uranium. L'étude du carbure de calcium est particulièrement développée, et M. Moissan a reproduit aves détails les résultats de ses nouvelles recherches sur la fabrication de ce corps. La décomposition des car- bures par l'eau à amené l’auteur à une nouvelle théorie de la formation des pétroles; l'exposé de celle-ci est suivi de l'étude des siliciures de fer, de chrome et de carbone, puis de celle des borures de fer, de nickel, de cobalt et de carbone. Chaque question est suivie d’une conclusion qui per- met d'en bien saisir les points les plus importants. L'ouvrage se termine par une bibliographie des travaux de M. Moissan sur le four électrique : il n'y a pas moins de soixante notes publiées aux Comptes rendus des séances de l'Académie des Sciences et de dix-huit mé- moires publiés aux Annales de Chimie et de Physique. Ces chiffres montrent quel service Ja réunion en un seul volume de tous ces travaux est appelée à rendre à ceux qui marchent dans la voie, si importante pour la Science et l'Industrie, qu'a ouverte M. Moissan el qu'il a déjà marquée de tant de découvertes. P. JANNETTAZ, Répétiteur de l'École Centrale. FAR SE ee dé ét ne à n me à LA | Fabry (Charles), Waitre de Conférences à la Faculté des Sciences de Marseille. — Les Piles électriques. — 4 vol. in-16 de 170 pages de l'Encyclopédie scientifique des Aide-Mémoire. Gauthier-Villars et G. Masson, édi- teurs. Puris, 1897, à _ - —- É es Manceau (E.), Professeur au Collège d'Epernay. — Sur le tannin de la Galle d'Alep et de la Galle de Chine. (Thèse pour le Doctorat de la Faculté des Sciences de Paris.) — 1 vol. in-4° de 148 pages. Impr'i- merie du Courrier du Nord-Est. Epernay, 1897. Malgré les recherches fort nombreuses dont le tannin a été l’objet, — l'auteur en cite plus de 260 dans sa thèse, — on peut bien dire que cet important principe naturel est encore mal connu. Cela tient surtout à ce que, le lannin n’existant pas à l’état de liberté dans les noix de galle, on avait pris jusqu'ici pour du tannin pur ce qui n'était qu'une combinaison particulière de ce corps. Une fois ce point établi, M. Manceau a recherché une bonne méthode de préparation du tannin. Il y est arrivé par l'étude soigneuse des tannates métalliques. Il à reconnu que la richesse en tannin de loutes ces combinaisons varie suivant les circonstances dans les- quelles on les prépare, suivant la proportion des corps réagissants, la dilution, la température, la présence de cerlains corps étrangers et surtout des acides. Ces variations expliquent les résultats discordants publiés sur la composition des tannates, l'impossibilité, dans certaines méthodes de dosage, d'évaluer exactement le lannin, etc. Tous les tannates de M. Manceau appartiennent à deux types. Les uns, insolubles ou presque insolubles, sont obtenus en présence d’un grand excès de base et répondent à la formule générale : CH°O°M, 5 MO, Ils subissent une sorte de dissociation sous l'influence des dissolvants et sont ainsi ramenés vers le second type : C#H°O®Mn. Ces deux formules s'accordent avec celles du tannin, si l’on admet pour ce dernier corps la cons- titution suivante : CH2(OH)2 — COH — 0 — CO (OH) — CHE qui résulte des travaux de Schiff et de Trimble. C’est en s'appuyant sur les propriétés des lannates métalliques que M. Manceau prépare le tannin dans un état de pureté qui n'avait pas encore été atteint. Sa méthode est basée sur le principe suivant : quand on traite un taunale par un volume de liquide iusuftisant base 2: ———— dans la solulion est tannin toujours plus faible que dans le résidu. Il s'ensuit que, par des traitements successifs, on peut obtenir des produits de purelé croissante. Celui à 98-99 °, de fannin vrai est assez facile à atteindre; par de nouveaux traitements, on pourrait encore augmenter sa teneur. M. Manceau termine son étude par l'exposé d'un nouveau procédé de dosage, applicable aux solutions diluées (vins, etc.), et des recherches sur la combi- naison que donne le lannin avec la gélatine. Ces der- niers chapitres, très intéressants au point de vue du collage et de la manipulation des vins, seront surtout lus par les technologistes, mais, par son ensemble, Ja thèse de M. Manceau se recommande à tous ceux qui s'occupent de l'étude des principes naturels et de l'analy$se immédiate. GABRIEL BERTRAND, Préparateur de Chimie au Muséum. pour le dissoudre, le rapport 3° Sciences naturelles Perrier (Edmond), de l'Académie des Sciences, Profes- seur au Muséum d'Histoire naturelle. — Traité de Zoo- logie. Fascicule IV : Vers (suite). Mollusques. — 1 vol. in-8° de 800 pages avec 566 figures. (Prix : 16 fr.) Masson et Ci°, éditeurs. Paris, 1897. M. Edmond Perrier poursuit son travail véritablement gigantesque d’érudition et de patience où le lecteur francais trouve les données de la Zoologie moderne présentées avec ce relief spécial que leur donnent les idées personnelles de l’auteur. Le quatrième fascicule, très volumineux, pourrait paraître conçu sur un plan un peu différent des précédents, car les Vers (ce mot élant pris au sens large habituel), qui en occupent la ul © ca BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX plus grande partie, sont trailés classe par classe, et avec un grand luxe de détails. Cette méthode s'explique d'elle-même par la grande diversité des types compris sous cette dénomination de Vers. Nous pensons même que, dans un ouvrage didactique qui n’est pas formelle- ment un traité d'Anatomie comparée, elle offre des avantages sur celle qui consiste à envisager en bloc tout un embranchement, comme cela a élé fait pour les Mollusques. L'étudiant, qui a déjà à sa disposition des manuels d'Anatomie comparée, n'est pas hostile à un procédé d'exposition où la Taxonomie joue un rôle im- portant. Dans ce cas particulier, on jugera avec intérêt de l'aspect inattendu sous lequel des groupes réputés très homogènes, comme les Oligochètes ou les Hirudi- nées, se présentent au zoologiste qui n’a pas suivi les travaux publiés depuis les derniers traités classiques. Dans l'application que M. Perrier fait aux Vers anne- lés de sa théorie des colonies animales, il est impor- tant, pour ne pas être amené à des interprélations qui ne sont pas dans l'esprit de l’auteur, de ne pas perdre de vue que les dénominations fréquemment employées, telles que mérides, zoïdes et dèmes, représentent des élapes d’un processus d'évolution, et non pas des êtres rigoureusement homologues; ainsi une Annélide à l’état de zoïde peut passer brusquement à l’état de dème si elle est en voie de scissiparité ; d'autre part, si la Sangsue est un dème, comme M. Perrier l’expose actuellement, cela ne l'empêche pas d’être homologue à une Arénicole qui n'est qu'un zoide, et cependant n'en diffère guère. 1! faut se garder de voir dans l'application de ces termes toute la doctrine de M. Perrier: elle ne consfitue, à mon avis, qu'un procédé abrévialif d'exposition. La méthode elle-même ressort principalement des chapitres où esl traitée l’'embryogénie de chaque groupe : c'est là que l’on saisit, en général, les raisons qui ont déterminé, aux yeux de l’auteur, les affinités des classes entre elles etle sens de l’évolution dans l'intérieur des classes. Citons, comme particulièrement importants et sugges- lifs, les chapitres relatifs au développement des Anné- lides et à celui des Trématodes. La classification adoptée, dans son ensemble, est plus classique que révolutionnaire. Elle ne peut guère élon- ner quiconque n’est pas attaché sans retour aux anciens systèmes, que par un petit nombre de dénominations; par exemple le mot Verest pris dans un sens restreint, qui exclut non seulement les Némathelminthes, mais aussi les Rotifères, Bryozoaires et Brachiopodes, qui forment ensemble un nouvel embranchement, celui des Lophostomés. Certains zoologistes peuvent être étonnés par la série des Chitinophores, ou choqués par le rap- prochement, pourtant bien lâche, des Némathelminthes avec les Arthropodes; mais aucun ne se résoudrait cer- tainement, pour ressusciter le groupe des Vers, à rap procher les Némathelminthes des Vers annelés et à démanteler cette magnifique série des Néphridiés qui commence aux Rolilères et finit aux Vertébrés. Puisqu'il reste encore un important fascicule, dont nous souhaitons l'apparition prochaine, notre excellent maîlre nous permettra bien d'émettre le vœu que, dans son œuvre magistrale, une part un peu plus large soit faite à l'exposé de ses idées personnelles sur l’enchai- neméht des formes à l’intérieur des grands groupes. Ces développements seraient cerlaiuement des mieux accueillis par bien des zoologistes, très attachés aux doctrines transformistes, mais qui, pour des raisons variées, conçoivent autrement certaines affinités et n’ont pas conbaissance des explications que donne dans son enseignement oral le savant professeur du Muséum. F. BERNARD, Assistant au Muséum. Hivth (Georges). Les Localisations cérébrales en Psychologie. (Tra luit de l'allemand par Lucrexw Ar- RÉAT.) — 1 vol. in-l8 de 133 piges. (Prix : 2 francs.) Alcan, éditeur. Paris, 1897. . Le mémoire de M. Hirth comprend deux parties dis- tinctes : dans la première, il s'attache à déterminer les modifications que doit entrainer dans notre conception des fonctions mentales l'idée de la spécialisation et de l'indépendance relative des divers centres cérébraux ; dans la seconde, il applique à un cas particulier, la théorie de l'attention, les lois à la fois psychologiques et physiologiques, auxquelles permet d'aboutir l'étude des localisations cérébrales et des relations d'interdé- pendance, qui unissent entre eux les divers « systèmes d'application », c'est-à-dire les divers groupes d'idées, unies étroitement l'une à l'autre, qui s'excitent ou s'inhibent réciproquement, Pour M. Hirtb, le fait qui domine toute la Psychologie moderne, c’est cette indé- pendance relative des aires fonctionnelles cérébrales que les travaux des physiologistes e£ des médecins ont mise en lumière. D'une part, chaque système sensoriel est en quelque mesure isolé du reste de l'érganisme ner- veux et vit de sa vie propre, de telle sorte qu'à vrai dire nous ayons une âme visuelle, une âme tactile, une âme auditive, qui existent chacune pour elle-même et par elle-même et se suffisent presque chacune à soi seule ; d'autre part, dans un même s les organes centraux et les organes périphériques, qui fonctionnent d'ordinaire harmoniquement, une certaine inégalité parfois de développementetainsiune sorte d'in- dépendance. Le développement mental ne se fait donc pas en série linéaire, mais simullanément en un grand nombre de séries parallèles. Chacun de ces « organes complexes », en lesquels le système nerveux se peut diviser, a, chez un individu donné, son tempérament propre, sa facon à lui de réagir sous l'influence des excilations qui lui viennent, soit des appareils senso- riels, soit des appareils de la vie végétative, et le tem= pérament de l'individu résulte de l'équilibre qui s'éta- blit, par un jeu d'actions et de réactions, entre ces divers tempéraments, etla liaison plus ou moins étroite ou la disconnexion plus où moins grande qui existe entre tels et tels centres déterminés permet de se rendre compte des particularités des divers caractères -— ou tout au moins de certains d'entre eux. Il se fait, au reste, entre les différents territoires nerveux et les différentes mémoires dont ils sont le siège, des associa- tions fonctionnelles qui varient d'un homme à l’autre el réagissent à leur tour les unes sur les autres. Lors- qu'elles deviennent tout à fait stables, l'automatisme se substitue à la volonté qui ne demeure pleinement con- sciente que lorsque l'engrènement est encore imparfait entre deux systèmes ou les parties composantes d'un même système. On voit que la conscience n'est pas nécessaire à l'accomplissement des actes même les plus compliqués. Il y a, dans les centres perceptifs ou moteurs, une sorte d'attention ou plutôt de « tension » continue, et c'est grâce à l'activité coordonnée, encore que non percue, de nos systèmes d'application que se font en nous lentement nos pensées qui ne nous appa- raissent que toutes formées et déjà adultes. Dès que les connexions, d'autre part, se rompent trop complètement entre les divers centres ou bien entre les organes cen- traux et les organes périphériques, la conscience est abolie ou, du moins, la claire conscience, la maîtrise de la pensée. Le moi ne peut subsister que par l'apport incessant des sensations du dehors et par l'apparition sentie de ces états de conscience périphériques aux souvenirs. Mais si ces deux séries d'états de conscience se dissocient à tel point qu'elles ne s'opposent plus, il se fait dans le moi une sorte de division et nous sommes distraits. À vrai dire, nous le sommes toujours en quelque mesure. Quelques-uns de nos états de con- science restent toujours sans se relier aux autres, nous ne saurions à la fois être sans cesse présents partout ni attentifs à toutes choses au même degré et, d'autre part, l'activité d'une région cérébrale inhibe celle des autres régions et ne permet plus aux représentations qui y ont leur siège d'atteindre une intensité suffisante pour qu'elles soient nettement perçues. Mais on peut entendre aussi par distraction un phénomène inverse de celui-là : l'immixtion, dans un courant de pensées, d'idées étrangères qui nous entrainent loin du but où tème sensoriel, il ya entre BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 759 nous voulions aller et, lorsque cela se produit, la cause en est à l'affaiblissement des associations qui unissent les représentations de la première série, et cet affai- blissement peut résulter de la fatigue ou être d'origine pathologique. Souvent la distraction est un repos elle permet à l'esprit de se détendre et de se refaire, d'opérer dans la sub-cunscience le travail qu'il ne pou- vait plus accomplir consciemment. Mais elle peut résul- ter aussi du besoin qu'éprouvent d'entrer en activité des centres trop longtemps inhibés par le fonctionne- ment énergique et contenu du «système d'application » où se résume un moi à un instant donné; de là ce paradoxe que l'attention est plus aisée, mais aussi les _ distractions plus fréquentes chez un homme dont le cerveau actif et bien nourri à une surabondance de vitalité, Quant aux fôrmes de distraction persistante et systématique, qui révèlent un caractère pathologique et apparaissent principalement dans l'hystérie, M. Hirth ne pense pas qu'il les faille expliquer par un « rétré- cissement du champ de la conscience », mais par la rupture d'une chaine d'associations, la chute d'un anneau; une lacune véritable se produit dans notre vie mentale, il n'importe pas que nous en ayons ou non con#cience. Nous avons essayé de rendre fidèlement la pensée de l’auteur, nous n'osons nous flatter d'y avoir toujours réussi; elle est flottante et confuse parfois, nous y avons introduit peut-être une précision arbitraire el nous avons distingué avec plus de netteté qu'il ne le fait les divers types de distraction. Mais si ce mémoire prête aux mêmes objeclions que les autres travaux de M. Hirtb, si la composition en est lâche et la langue souvent obscure, si des idées connues s'y revètent quel- quefois, grâce à une terminologie spéciale, d'une illusoire apparence de nouveauté, il convient de signaler l'in- géniosité et la justesse de la plupart des vues qui y sont émises et la fine sûreté de quelques analyses. Ce sont, au reste, plutôt des « notes de Psychologie » qu'un tra- vail achevé. L. MaARILLIER, ‘ Agrégé de l'Université. 4 Sciences médicales Fuchs (E.), Professeur ordinaire d'Ophtalmologie à l'Université de Vienne. — Manuel d'Ophtalmologie. 2 édition française, traduite par MM. C. LacompTE et L. LepLar. — 1 vol. gr. in-8° de 860 pages avec 221 fi- qures. (Prix : 25 fr.) G. Carré et C. Naud, éditeurs. Paris, 1897. Lorsque nous avons présenté aux lecteurs de la Revue la première édition francaise, aujourd'hui épui- sée, de l'ouvrage de M. Fuchs, nous avions fait prévoir le succès de ce livre qui reflétait l'enseignement pra- tique de l'éminent professeur de Vienne. Cette seconde édition francaise, traduite sur la cin- quième édition allemande, — la première date seule- ment de 1890, — est présentée avec beaucoup de soins par les traducteurs, MM. Leplat et Lacompte, et par les éditeurs Carré et Naud. Elle est donc appelée à avoir autant de succès que la première. D'importantes modifications ont été apportées à diffé- rents chapitres de la pathologie oculaire, modifications qui étaient imposées par les progrès incessants de la science ophtaimologique. L'auteur a cependant main- tenu la division en grand et petit texte qu'il avait dé- fendue avec chaleur dans la préface de la première édition. Les principes fondamentaux de l'Ophtalmologie, que doivent connaître tous les étudiants, sont en grands caractères. Le petit texte est réservé à l'explication ap- profondie des différents chapitres, aux discussions théo- riques d'un intérêt général et à des conseils utiles au praticien, Cette division, qui parait très ingénieuse au premier abord, nous a semblé présenter quelques inconvénients qui apparaissent lorsqu'on relit souvent le livre de M. Fuchs, comme nous l'avons fait. Je ne parle pas du travail considérable que cette division a dû demander à l'auteur, ni des redites qu'elle entraine forcément. Mais il nous semble que certains chapitres en grand texte seraient insuffisants, même pour des étudiants com- mençants, s'ils n'étaient pas tout de suite complétés par le petit texte. Pour ne citer qu'un exemple, l'étude étiologique de la conjonetivite catarrhale ne serait pas entièrement exacte, si un commentaire en petit texte ne venait pas immédiatement expliquer les propositions contenues dans le grand texte. Aussi nous donnons le conseil à tous les lecteurs de lire avec soin l’une et l’autre partie de ce livre si instructif. Parmi les chapitres nouveaux, il faut citer une des- cription très claire de la kératoscopie de Cuignet. Cette méthode d'examen objectif de la réfraction, si pratique et que tous les médecins devraient connaître et appli- quer, n'a pas été immédiatement acceptée en Allema- gne; mais aujourd'hui elle est devenue classique et, à ce litre, elle devait figurer dans le livre de M. Fuchs. Toutes les nouvelles conquêtes de la Bactériologie, particulièrement dans le chapitre des con,onctivites, ont élé consignées avec soin. D'une facon générale d'ailleurs, une importance très grande est accordée dans ce livre aux affectious du segment antérieur de l'œil, que fous les médecins peuvent diagnostiquer et qu'ils devraient savoir traiter. Les maladies du fond de l'œil ne sont pas sacrifiées el, dans la dernière édition le chapitre qui leur est consacré a été beaucoup aug- menté. En terminant, qu'on nous permette de signaler le chapitre des troubles de la motilité, d’ailleurs peu modi- fié, et qui est un modèle de clarté. On sait combien il est difficile de comprendre la position des images diplo- piques dans les diverses paralysies oculaires; lingé- nieuse méthode de Fuchs fait comprendre rapidement et permet de retenir facilement la position de ces DORERES D' DE LAPERSONNE, Doyen de la Faculté de Médecine de Lille. Duplay (Simon), Professeur de Clinique chirurgicale à la Faculté de Médecine de Paris, Membre de l'Académie de Médecine. — Cliniques chirurgicales de l'Hôtel- Dieu, recueillies et publiées par MM. M. Cazin et S. CLano. — 1 vol. in-8° de 400 pages avec figures. (Prix : 7 fr.) Masson et Ci, éditeurs. Paris, 1897. Les lecons cliniques de M. le professeur Duplay se distinguent des publications similaires, en ce qu'elles ne sont pas seulement œuvre d'érudition, mais sur- tout œuvre d'observation. Le malade y est éludié avec scrupule; son cas est examiné avec une méthode rigou- reuse; le problème du diagnostic est posé avec clarté et résolu avec précision; les indications thérapeutiques sont discutées avec impartialité. C'est en somme, en- treprise par M. Duplay, la restauration de la méthode des anciens cliniciens, ses prédécesseurs dans celte chaire de l'Hôtel-Dieu, avec, en plus, toutes les ressources de l'investigation moderne, dont il n’est utilisé que ce “qui intéresse directement le malade en examen. Aussi ne rencontre-t-on pas, dans ce livre, les digressions bril- lantes, les bibliographies touffues : et c'est tout bénélice pour l'élève qui retient et assimile plus aisément la sub- stance de lecons où sont rassemblées, à propos de chaque cas, les notions essentielles à connaitre. à Citons parmi les cliniques les plus importantes publiées dans ce volume qui résume l’enseignement de l’année 1896 : Diaynostie et traitement des kystes bran- chiauz ; De la cure radicale des hernies ; Hydronéphrose intermittente infectée; Traitement palliatif des cancers inopérables de l'utérus; De la périarthrite scapulo-humé- rule ; Tuberculose rélro-culeanéenne ; Doigt à ressort, etc. Il y a là toute une série de questions à l'ordre du jour, abordées avec une originalité de vues et de procédés qui en rend la lecture parliculièrement attachante. D' GaBuiEz MAURANGE. 7ü0 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 6 Seplembre 1897. 1° SGIENGES MATHÉMATIQUES. — M. L. Celier étudie les fonctions besséliennes O*(x) et S"(æ) et en donne le développement par sommations. — M. Paul Serret montre que la courbe de Steiner est une hypocycloide à trois rebroussements et que les foyers de trois quel- conques des paraboles inscrites aux quadrilatères, dé- terminés par cinq tangentes de la courbe, sont trois points en ligne droite. ee 20 Sciences PHYSIQUES. — M. G. de Metz à vérifié, par de nouvelles expériences, la déviation magnétique des rayons cathodiques et des rayons X. — M. A. de Hemp- tinne a constalé qu'un gaz sous une faible pression de- vient lumineux sous l’action des vibrations électriques ; il le devient également sous l’action des rayons X mais à une pression plus élevée. — M. E. Derlon décrit l'apparition d'un bolide à Fontenoy (Aisne), le 28 août, vers huit heures du soir. — M. Casamian adresse une note sur l'emploi de la solution d'iode dans l'iodure de potassium pour distinguer les cyanures des autres geures de sels. — M. Balland a analysé un grand nom- bre de variétés de pommes de terre; voici la proportion des différents constituants : eau, 66,10 à 80,60 °/,; ma- tières azotées, 1,43 à 2,81 4; matières grasses, 0,04 à 0,14°/,; matières sucrées el amylacées, 15,58 à 29,89 0/0; cellulose, 0,37 à 0,68 °/,; cendres, 0,44 à 41,18 0/0. — M. A. Levat adresse une note sur l’action coagulante du suc d'artichaut sur le lait. 30 SciENGES NATURELLES. — M. Ad. Chatin étudie le nombre et la symétrie des faisceaux fibroyasculaires chez les Dicotylédones gamopétales périgynes. Celles-ci se divisent en deux groupes : l’un, représenté par les Rubiacées et les Caprifoliacées, n’a qu'un faisceau pé- tiolaire, tandis que l’autre groupe, composé des Synan- thérées et familles voisines, a toujours des faisceaux multiples. Séance du 13 Septembre 1897. 1° ScreNcEs PHYSIQUES. — M. d'André adresse la des- cription d'un coup de foudre qui a détruit le château d'Aubussargues (Gard) dans la nuit du 14 au 15 août. — M. Tarry envoie une note sur les tables météoro- logiques et leurs applications aux diagrammes des ins- truments enregistreurs. — M. L. Marchis poursuit ses études sur les déformations permanentes du verre et le déplacement du zéro des thermomètres. Il montre que l'état d'un thermomètre dépend non seulement des deux variables déjà connues, mais encore d'une troi- sième variable qui n'est pas susceptible de variations séculaires. — M. O. Ducru décrit une nouvelle mé- thode de séparation du nickel et du cobalt d'avec le fer; les mélaux, en solution sulfurique additionnée de sulfate d'ammoniaque, sont précipités par l'ammoniaque en excès; si on soumet la liqueur tenant en suspension le précipité à l'électrolyse, tout le nickel ou le cobalt se dépose avec une petite quantité de fer ne dépa-sant jamais 4 à 2 milligrammes et dont on tient compte en- suite dans les calculs. 20 ScIENCES NATURELLES. — M. E. de Cyon a obtenu des résultats importants dans l'étude de la glande thyroïde. La fonction de la glande thyroïde consiste à transformer les sels de l’iode, parvenus dans le sang et nuisibles aux centres nerveux, en une combinaison organique, l’iodothyrine, indispensable au fonctionne- ment normal du cœur. Par l'intermédiaire des filets nerveux quil envoie aux deux laryogiens, le cœur dirige lui-même la production de l'iodothyrine. Les | | | I | | | | | corps thyroïdes constituent des appareils destinés à protéger le cerveau contre les dangers des subits afflux de sang. — M. Georges Bohn a constaté que le Carci- nus Mœænas possède la faculté de renverser pendant un temps plus ou moins long le sens de la circulation de l'eau dans la chambre branchiale, et cela par une mo- dification des mouvements du scaphognathite de Ja mächoire. Louis BRUNET, ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 7 Septembre 1897. M. E. Lancereaux montre que la cirrhose des buveurs est due, non à l’abus des spiritueux, mais aux exeès de vin et spécialement de vins plâtrés. Il conseille de diminuer ou même de prohiber le plâtrage ou le sulfa- tage des vins. — M. le D' Clozier lit un travail surle lavage de l'intestin par la voie rectale, en particulier dans les intoxications d'origine gastro-entérique. Séance du 14 Septembre 1897. M. Le Roy de Méricourt présente une canule ree- tale construite par M. Dumetz. — M. Ferrand étudie les localisations cérébrales; il conclut que les centres corticaux du cerveau sont le siège de représentations ou d'images sensibles, les centres dits moteurs étant considérés comme le lieu des images motrices et les centres sensitifs comme le lieu des images de la sensa- tion. — M. A. Poncet montre les dangers de la thyroï- dectomie partielle dans le goitre exophtalmique; il peut se produire des cas de mort presque subite pro- venant : 4° d’une intoxication aiguë par les produits de la glande altérée lancés brusquement à dose mas- sive dans le torrent circulatoire; 2° de perturbations sraves dans l'innervation cardiaque. Avant d'opérer, il y a donc lieu de discuter le genre d'intervention. — M. Le Roy des Barres lit un travail intitulé : Contri- bution à l'étude du charbon d'origine industrielle. — M. Lapeyrère communique une note sur la stérilisa- tion et la purification de l’eau de boisson par le per- mangarate alumino-calcaire. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 1° SCIENCES PHYSIQUES A.-C.-C. Swinton : La production de rayons X de pénétrations différentes. — L'auteur décrit un certain nombre d'expériences qui l’ont amené aux con- clusions suivantes : 1° La force de pénétration des rayons X augmente avec le degré de vide du tube pro- ducteur; 2° elle augmente aussi, pour un même degré de vide, avec la force électrique appliquée au tube; 3° elle est plus forte lorsque la résistance du tube est grande que lorsque cette résistance est diminuée par un champ magnétique; # elle est d'autant plus forte que la distance de la eathode à l'anti-cathode est plus petite; 5° elle est plus forte lorsque la cathode est pe- tite que lorsque la cathode est grande; 6° elle est plus forte lorsque, par la réunion de plusieurs des condi- tions déjà signalées, la différence de potentiel entre la cathode et la portion anodique du tube est grande. Si l’on admet que les rayons cathodiques consistent en molécules chargées négativement et repoussées par la cathode avec une vitesse initiale qui dépend du degré d'excitation électrique de la cathode, on voit que les conditions ci-dessus sont précisément celles qui pro- duisent une grande vitesse moyenne des molécules et, en même temps, une grande différence de potentiel s ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES entre ces molécules et l'anti-cathode au moment du choc. En effet, pour un vide élevé, non seulement l'excita- tion électrique est plus forte et la vitesse initiale par conséquent plus grande, mais, vu le petit nombre de collisions avec les molécules du gaz résiduel, la vitesse moyenne et la charge des molécules est moins diminuée que dans le cas d’un vide ordinaire. Dé même, quand la force électrique employée est plus grande, la vitesse initiale est plus forte, tandis que l'em- ploi d'un champ magnétique réduit l'excitation et par conséquent la vitesse et la charge des molécules. Quand l’anti-cathode est près de la cathode, les molé- cules chargées ont une distance plus petite à parcourir et perdent moins de léur vitesse et de leur charge ini- tiales par les collisions que si l'anti-cathode était loin de la cathode. Enfin, non seulement une petite cathode doit êlre chargée à un plus haut potentiel qu'une grande, et par conséquent donner une vitesse et une charge initiales plus grandes aux molécules, mais encore, avec une pe: tite cathode, le faisceau de molécules est plus compact ; il fait moins de collisions et il perd moins de sa charge el-de sa vitesse. Or, on remarque que la force de pénétration des rayons X est d'autant plus grande que la vitesse moyenne des molécules partant de la cathode est plus grande el que leur différence de potentiel avec l’anti-cathode est plus forte. En outre, comme l'excilation de la cathode n’est pas uniforme, comme certaines molécules font en route plus de collisions que les autres, les molécules arrivent à l’anti-cathode avec des vitesses et des charges légè- rement différentes, et ce fait explique très bien l'hété- rogénéilé ordinaire des rayons X. Enfin, l'auteur montre que la force de pénétration des rayons X est indépendante du métal constituant l'anti- cathode ; la quantité de rayons, au contraire, est d'autant plus grande que le métal à un poids atomique plus élevé. 29 SCIENCES NATURELLES A. Willey, D. S. : L'’œuf du Nautilus macrom- phalus. — Le Nautilus macromphalus est l'espèce de Nautile caractéristique de l'archipel Néo-Calédonien. M. Willey a pêché sur les côtes de l'ile de Difu, en 1896, un certain nombre de ces mollusques et les a conservés en captivité dans une grande nasse de fabrication indigène, où il les nourrissait de poissons, de crabes de terre, de Palinarus et de Scyllarus. À partir du 5 décembre, il a commencé à obtenir des œufs fécon- dés. Ces œufs sont pondus la nuit et déposés un par un dans des recoins bien cachés; au moyen d'une aire réticulée de fixation, de structure semblable à celle d'une éponge et placée vers leur extrémité postérieure qui est renflée, ils sont solidement attachés, soit d’'ordi- naire par l'une des faces de la capsule qui les renferme, soit quelquefois par leur extrémité postérieure même, à quelque surface appropriée. M. Willey fournissait aux Nautiles ces surfaces de fixation en attachant aux parois de la nasse des morceaux de toile à sac qui flottaient dans l'intérieur, et dont les plis constituaient à ces animaux un abri commode pour y cacher leurs œufs. L'œuf est enfermé dans une double enveloppe, une cap- sule interne close et une capsule externe qui s'ouvre plus ou moins librement à sa partie antérieure. Ces capsules sont d'une blancheur de lait et ont la consis- tance d’un cartilage résistant. Elles ne s'affaissent pas, mais conservent leur forme en se desséchant. Pour la commodité de la description, on peut donner le nom de face dorsale ou supérieure à la surface libre de l'œuf, et celui de face inférieure ou ventrale à la sur- face fixée. La capsule interne est séparée de la capsule externe à la face ventrale et, dans les deux tiers anté- rieurs de la face dorsale, elles se fusionnent à la région postéro-dorsale en s'épaississant considérablement. L'œuf, dans ses deux capsules, présente une longueur de 45 millimètres, une largeur de 16 mm., et une hau- REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897. teur maximum de 16 à 25 mm. Des trois dimensions, c'est la seule qui varie notablement, L'extrémité déprimée ou antérieure de l'œuf est, en règle générale, dirigée ver- ticalement vers le haut. La capsule externe se continue antérieurement par deux prolongements terminaux minces et translucides. Sur la moilié environ de la lon- gueur de la face dorsale, ces deux moitiés de la capsule dorsale sont séparées par une fente étroite. On peut apercevoir à travers cette fente la suture dorsale de la capsule interne. À la face ventrale, les deux moitiés de la capsule externe sont unies dans toute la longueur de l'œuf, excepté à l'extrémité antérieure. La surface de l’œuf à son extrémité postérieure est lisse, à l'excep- tion de quelques légers replis pareils à ceux d'une draperie, qui lui donnent une gracieuse apparence. La région antérieure déprimée est caractérisée par la pré- sence d'un certain nombre d’'arêtes pectinées et d'ou- vertures fenêtrées que présente la paroi de la capsule externe. Mais il arrive que les ouvertures manquent et que la disposition pectinée ne soit pas nette. C'est à peine s'il y a deux œufs qui présentent une apparence exactement semblable. Il en est qui pré- sentent à la surface de la capsule externe des prolon- gements en forme de lambeaux, qui donnent à l'œuf un aspect plus ou moins haillonneux. La capsule interne a uue forme ovale régulière; son extrémité antérieure est apoiutie et sa surface généralement unie. Elle présente une structure finement striée, les stries ont l'air d'être mouillées. Il y a dans sa paroi trois sutures qui représentent des lignes de moindre résistance, une suture médiane à la face dorsale et deux sutures latérales à la face ven- trale, La suture dorsale est marquée par une arêle proé- minente qui se prolonge au delà de l'extrémité anté- rieure de la capsule par un mince appendice terminal. Les sutures latérales sont marquées par des arêtes moins proéminentes et s'unissent antérieurement, im- médiatement en arrière de l’extrémité antérieure de la capsule interne. En raison de celte contiguité des su- tures latérales, la face inférieure de la capsule peut s'enlever comme une sorte d'opercule. Sur la ligne médiane de la face inférieure, il ÿ a une légère dépres- sion longitudinale. A l'endroit où s'unissent les deux capsules, la paroi de la capsule interne subit une sorte d’aplatissement. Le vitellus ne remplit pas entièrement la cavité de la capsule interne, il est recouvert par une couche d'un albumen incolore et visqueux, qui s’'amasse aux deux extrémités de l'œuf. Le jaune est d'une riche couleur brune, très fluide et à demi translucide. La surface du vitellus est lisse; la longueur de la capsule interne est d'environ 26 millimètres et celle du vitellus de 17. M. Willey ne peut encore donner de renseigne- ments préeis sur l'aire embryonnaire; il a pu cependant observer une aire pellucide au milieu environ de la sur- face vevtrale du vitellus d'un œuf qu'on avait laissée se développer vingt-quatre heures après le moment où on l'avait aperçue pour la première fois. La grande quantité de jaune indique une assez longue durée d’ « incu- balion ». Du fait que M. Willey avait pu pêcher pendant toute l'année en Nouvelle-Bretagne des mâles de N. pompilius qui avaient un spermatophore dans la région céphalique, il en avait conclu que le N. pompilius se reproduisait toute l’année; il eroit maintenant probable que la re- production des Nautiles est soumise à une loi de pério- dicité. Enfin M. Willey indique que le seul caractère essentiel qui sépare l'un de l’autre le N. macromphalus etle N. pompilius, c'est la différence de forme que pré- sentent leurs coquilles dans la région ombilicale. A. Lockbhart Gillespie : Sur la chimie du con- tenu de l'appareil digestif et l'influence des bacté- ries qui s’y trouvent. — Les expériences de l’auteur ont porté sur des chiens et sur des veaux encore à la mamelle. Les chiens étaient soumis pendant quelques jours à un des régimes suivants : 1° soupe, lait et un 18°° “ # ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES peu de viande; 2° soupe et lait; 3° bœuf bouilli; 49 lait stérilisé. Les veaux ne recevaient que du lait de vache. En outre, on faisait absorber aux animaux en expé- rience une certaine quantité des corps suivants, dont on voulait étudier l'effet : acide chlorhydrique, carbo- nate de soude, salol, calomel, créosote, benzosol, car- bonate de gaïacol, chlorhydrate d'ammoniaque. Trois heures après le dernier repas, les animaux étaient tués. On retirait alors le contenu entier du tube digestif et on le divisait en six parties correspondant à l'estomac, au duodénum, au jéjunum, à l'iléon supérieur, à l'iléon inférieur et au gros intestin. Chaque portion était ana lysée séparément. Voici les conclusions générales que l'auteur a tirées de ses expériences : 4° Le contenu du canal intestinal, chez le chien et le veau, et probablement chez l'homme, est acide d’un bout à l'autre; l'acidité provient des acides organiques formés par les micro-organismes, de l'acide chlorhy- drique combiné aux protéides ou à leurs dérivés et des sels acides. 20 Lorsque les aliments passent de l’estomac dans le duodénum, ils se concentrent rapidement par suile de l'absorption de l'eau et deviennent donc plus acides; ils contiennent toujours une grande proportion d'acide chlorhydrique combiné aux substances protéiques, mais la proportion croissante de chlorures imorganiques montre que cet acide agit bientôt sur la soude de la sécrétion pancréatique. 30 Les organismes présents dans l'intestin sont divi- sibles en deux grands groupes : ceux qui donnent au milieu dans lequel ils vivent une réaction acide, el ceux qui le rendent alcalin ou neutre. Les premiers ne liqué- fient pas la gélatine; les seconds le font : ce sont les agents de la putréfaction. Les deux groupes sont anta- gonistes. Si les organismes à formation acide sont en majorité, les autres se développent peu et le contenu intestinal ne peut se putréfier. Le contraire se présente lorsque les organismes à fonction alcaline et liquéfiante dominent. Mais, comme la diminution d'acidilé, qui est la conséquence du développement des organismes du second groupe, est favorable à la multiplication des individus du premier groupe, ceux-ci forment généra- lement assez d'acide pour neutraliser lalcali et pour maintenir la réaction du milieu acide. L'ammoniaque, formée par le second groupe, se combine généralement à l'acide lactique produit par le premier groupe pour donner un sel qui est également favorable au dévelop- pement des deux groupes. 4° Une acidité normale du contenu stomacal et la présence d'acide chlorhydrique libre (ou un accroisse- ment de ces deux facteurs) causent une plus grande destruction des bactéries de la putréfaction que des bactéries à formation acide, et par conséquent une di- minution de la décomposition dans l'intestin. La dimi- nution de l'acidité gastrique ou l'ingestion de mets renfermant beaucoup de substances protéides favorisent, au contraire, le développement du second groupe de bactéries et peuvent produire la décomposition intesti- nale et l'indigestion. Ces résultats ne sont pas invaria- bles, car la diminution d'acidité des parties supérieures du canal cause, à l’état de santé du moins, une nouvelle activité des bactéries acides, et l'acide formé peut, à son tour, arrêter la décomposition dans les parties inférieures du canal. 50 Quelques substances antiseptiques agissent plus fortement sur la première classe de bactéries que sur la seconde; c'est ce qui a lieu pour le salol; le calomel a un effet contraire. On remarque d’ailleurs que le salol agit surtout sur la partie inférieure du tube digestif, le calomel sur la partie supérieure. 6° La trypsine possède une aclion protéolytique énergique en présence des acides organiques, mais, comme elle est détruite lentement par ces acides, elle doit être renouvelée constamment. T° Les graphiques des quantités de substances solides trouvées dans chaque section montrent que l’absorp- tion des liquides est maximum dans le duodénum et l'iléum inférieur. L'absorption du gros intestin ne peut pas être comparée avec celle des autres sections étant donnée la: quantité de substance qu'il contient. Alexander Eddington : Sur la nature de la contagion de la peste bovine. — Les expériences qui suivent ont été faites dans le Sud de l'Afrique en 1896, avant l'arrivée du Dr R. Koch. 1° Le sang d’un animal malade de la peste bovine, pris pendant la période fébrile ou avant la mort, et injecté sous la peau ou dans les veines d'un animal sain, reproduit la maladie typique pourvu qu'il ait été préservé de la coagulation. 2 La coagulation partielle ou totale du sang infecté exerce une influence destruclive marquée sur sa viru= lence. 3° Pour obtenir du sang bien virulent, il faut le retirer aseptiquement de la veine jugulaire d’un animal malade et le mélanger immédiatement à une solution stérilisée à 1 2% de citrate de potasse, dans la propor- tion de 2 ou 3 parties de sang pour une partie de solution. On évite ainsi la coagulation. 4 Le mélange ainsi obtenu reste actif pendant six jours environ; puis la virulence diminue et, au bout de neuf jours, le liquide est généralement devenu inerte. 5° L'addition de glycérine au sang mélangé de citrate n'a aucun effet sur la virulence. Au contraire, la glycérine agit sur le sang frais en provoquant la coagulation. 6° Le mucus nasal d’un animal malade introduit à l’état frais dans les nasaux d’un animal sain à toujours reproduit Ja maladie. Le mucus conservé, même pendant quelques heures seulement, perd beaucoup de sa virulence. 7 Le gonflement des glandes lymphatiques est le sigue le plus caractéristique de la maladie. Celle-ci existe, à l'état d'infection primaire, dans ces glandes. 8 Une attaque bénigne de peste bovine, comme celle produite par l'injection de sang très peu virulent, ne confère pas Pimmunité absolue, celle-ci étant proportionnelle à la gravité de la maladie. Un animal ainsi traité peut avoir une rechute qui peut avoir une issue fatale ou se terminer par la guérison. Dans ce dernier cas, l'animal a acquis un haut degré d’immunitlé. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Récentes communications. M. J. Norman Collie, F.R.S. : Nouvelle formule du benzène dans l’espace. — M. George Young à obtenu la diacétanilide en faisant bouillir la monoacétanilide avec deux à trois fois son poids d’anhydride acétique. Le rendement est d'environ 75 °/o. — MM. M.-J.-T. Hewitt, T.-S. Moore el A.-E. Pitt décrivent une série de dérivés du phénétol et azophénol tels que l'ortho- phénétol-azophénol, l'orthophénétol-azophénylbenzène sulfonique, etc. —MM. W.-S. Gilles el F.-F. RenwiCk : Note sur les acides à kétopinique et camphoïque. — M. T.-M. Lowry à étudié les didérivés du camphre et du nitrocamphre au point de vue stéréochimique ; en chlorant directement le bromocamphre, il a obtenu un mélange de deux corps isomorphes qui doit être un mélange de deux ax chloro-bromocamphres stéréoiso- mères répondant aux formules : /Cl à Br G / NV ATEN et : AATÈN CSH!#: | Br CSH!4 | CI Nco N Go L'auteur croit pouvoir affirmer que les deux éléments halogènes sont liés au même carbone. — MM. Bevan Lean et Fred.-H. Lees, en faisant réagir le dichlorure d'éthylène sur l’éthylmalonate de sodium, ont obtenu de petites quantités de butanetricarboxylate d'éthyle : COO(Et)}CH.CH°.CH2.CH2.COOE et d'adipate d'éthyle. — ! M. Emily-C. Fortly : Note préliminaire sur l'hexa= nophiine etses dérivés. — MM. J.-H. Gladstone, l.R.S. et W, Hibbert contiauent la publication de leurs tra- vaux sur la réfraction moléculaire des sels dissous dans les acides. — MM. Lapworth et J. Norman Collie, ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES Ü 0 763 F.R. S., ont réussi à préparer les nitro et amido-0xy- picolines dont nous donnons ci-dessous la formule : Az AZ Az cc /Ncon CHC//NCcoH CH°C//\COH CH lcaz0s CH Jcaare uk CoH CON COH uoH Nitrocomposé. Amidocomposé. Trioxypicoline. Ces corps donnent par oxydation d'intéressantes ma- tières colorantes. — M. H. Wilson Hake : Expériences sur l'absorption de l’eau par les substances déliques- centes. — M. R.-J. Friswell : Nouvelle détermination du point de fusion, du point d'ébullition et du poids spécifique du nitrobenzène, — Le mème auteur publie une deuxième note relative à l'action de la lumière sur une solution de nitrobenzène dans l'acide sulfu- rique concentré. — MM. Chattaway ct H.-P. Stevens ont réduit l'acide perthiocyanique au moyen du zinc et et de l'acide chlorhydrique; les produits de réduction sont seulement du sulfure de carbone et de la thiourée qui se produisent en quantité théorique suivant l'équa- lion : H?AZ2C?S* + 2H — CS (AzH?)° + CS*; les petites quantités d'hydrogène sulfuré et d'acide carbonique trouvées en plus sont {très probablement formées par l'hydrolyse d'une petite portion d'acide perthiocyanique sous l'influence de l'acide chlorhy- drique. — M. T.-E. Thorpe, F. R. S., expose ses doutes sur l'existence des corps dénommés hydrates d'alcool isopropylique. — M. E.-J. Bevan el Claude Smith : Sur les hydrocarbures et les corps constituant la paille des céréales. — MM. Henry-E. Armstrong el W.-P. Wynne : Etude de la constitution des dérivés trisubsti- tués du naphtalène; transformation des acides chloro- naphtalène disulfoniques en acides dichloronaphtalène sulfoniques. — Dans une deuxième note, les mêmes au- teurs exposent la transformation du 1 : {'dichloro- naphtalène en dérivé 1 : 4; puis ils étudient les dérivés de l'liydrolyse de l'acide 1 : {'dichloronaphtalène-3-sul- fonique. ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM Communications récentes. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. D.-J. Korteweg pré- sente un mémoire sur la théorie de certaines oscilla- tions d'ordre supérieur et d'intensité anormale qui peuvent se produire dans le mouvement, autour d'une position d'équilibre, d'un mécanisme à plusieurs degrés de liberté. Les oscillations d'un tel mécanisme, dont æ, y, 3... sont les coordonnées principales, n:, ny, 2, les nombres d'oscillations correspondants, peuvent s'exprimer par les séries : peut devenir égale à celle des oscillations principales Si 8, —={p,] +{gl +{r,]+...<4. C'est la théorie de ces oscillations d'ordre supérieur remarquables que l'auteur à développée dans le mémoire présenté. Il y montre l'influence qu'elles peuvent exercer sur le mou- vement des mécanismes, sur le son qu'ils produisent et aussi sur les spectres des gaz dans le cas où l’on accepte les vues de M. V.-A. Julius, d'après lesquelles les lignes spectrales indiquent des oscillations d’amplitudes modérées autour d’une position d'équilibre. Il s'occupe plus particulièrement du cas 9 — 0 et il fait voir pour- quoi certains mécanismes, comme le pendule cosmique (Nx — ny —0), se comportent autrement que la théorie générale ne le ferait supposer. — M. J.-C. Kapteyn s'occupe de la distribution des vitesses cosmiques (com- plément à la communication du 5 mai 1895, voir Revue générale des Sciences, {. VI, p. 648). Dans la communi- cation précédente, l’auteur avait fait voir comment la loi de la distribution des vitesses cosmiques peut être déduite de la manière sous laquelle les angles p (entre les mouvements propres totaux et le mouvement pure- ment parallactique) sont distribués sur les 480. ei, il démontre que, de même, le montant du mouvement propre peut mener. au même but et qu'ainsi l’exacti- tude des résultats est augmentée considérablement. A l'aide d'une certaine courbe plane f (9, #)— 0, dont les rayons vecteurs 2 représentent les mouvements propres moyens qui correspondent aux valeurs # de 6, il trouve que la distribution des angles & sur les 180 et, de même, celle des valeurs moyennes y du mouvement propre correspondant aux valeurs différentes de p, est indépendante des distances et ne dépend donc que de la loi des vitesses. Ainsi, en acceptant l'hypothèse b) de la communication précédente, il faut qu'on puisse trouver cette loi des vitesses. A l’aide des observations de Bradley sur 2.355 étoiles divisées en 17 groupes, l'auteur calcule l'asymétrie : 04 90 — 180 — 90 0 — log (n, RE ÔE jf ) — log (n, + 6) dans la distribution des p, où n indique le nombre des étoiles pour lesquelles p est compris entre à et b. Il trouve que 0 varie d’une manière très sensible avec la position. Cetle variation est sensiblement proportion- nelle à sin ; ou plutôt à sin y cos à, où ; représente l'angle entre les grands cercles qui joignent le centre de chacune des 17 régions au pôle et à l’antiapex, tan- dis que à indique la déclinaison. Donc, l’auteur eroit devoir accepter une cause générale de cette variation. Ces causes peuvent être : 4° un mouvement systéma- tique dans la direction du pôle austral de toutes les étoiles à mouvement propre considérable; 2° une correction négative de la déclinaison de l’apex ; 3° une correction négative de tous les mouvements propres en déclinaison et bien une correction constante $ ou une æ— a®) + Ahcosp + «a cosd + al) cosx + . Y a@) cos (po + qu + 74 + ..….), 000..0 010..0 001.0 par. ; y—= $® + B cos» + BAcosh + GB cosy + . 5 E® cos (po + qu + ry + .….), 000. .0 100. .0 001.0 e par. j 5 —= y) + y cos + y® cost + Chcosyx + . S y® cos (po + qÜ + ry + ...), 000.0 100. .0 010.0 ë "5 où l'on a : s—={[p] +(g ++ .., DIT... par.- pqr.… Généralement, ces séries sont rapidement conver- geutes pour de petites valeurs de h; mais, dans le cas où il existe une relation linéaire p,n; + q,ny +... —p dans laquelle p,, 4, sont des nombres entiers et p est relativement petit par rapport aux n,, n,,…. certains termes de ces séries obtiennent des valeurs anormale- ment grandes et les oscillations d'ordre supérieur cor- respondantes sont d'une intensité anormale qui même aQ) — an jan — a+ 1) Jin+1 + Pape pr »« = (nx + 6) É+37, V=i(n, +r®) (+, etc. correction & cos à proportionnelle à cos à, à mesure qu'on pose la variation proportionnelle à sin y ou à sin y cos à. De ces trois causes, l’auteur élimine la pre- mière el la seconde, tandis qu'il croit la troisième très plausible. 29 SCIENCES PHYSIQUES. — H.-A. Lorentz : Sur la résis- lance qu'éprouve un courant de liquide dans un tuyau cylindrique. Aussi longtemps que la vitesse moyenne ACADÉMIES ET SOCIÈTES SAVANTES d'un courant stationnaire de liquide ne surpasse pas une limite dépendant du diamètre du tuyau et du caractère du liquide, les particularités du mouvement se déduisent des équalions de mouvement connues. Les particules se meuvent dans la direction de l'axe et la différence de pression entre deux sections, le glisse- ment le loug de la paroi étant impossible, est propor- tionnelle au coefficient de frottement intérieur et à la première puissance de la vitesse moyenne; de plus, dans le cas de tuyaux circulaires, elle se détermine d'après la loi de Poiseuille. Au contraire, si la vitesse woyenne surpasse cette limite (vitesse critique de M. Osborne Reynolds), les phénomènes sont bien diffé- rents. La différence de pression, nécessaire pour la continuation du courant, et donc en même temps la résistance exercée par le tuyau, devient proportion- nelle àune puissance plusélevée de la vitesse moyenne U, d'après plusieurs observalions, proportionnelle à U*, d'après Reynolds à Ul7. Que la résistance puisse être proportionnelle à une puissance de la vitesse moyenne parait encore un peu singulier, quoique les belles épreuves de Reynolds aient révélé le vrai caractère de ce mouvement à grande vitesse. Ce mouvement se décompose en un mouvement dans la direction de l'axe (mouvement principal) et des tourbillons. L'auteur, après avoir critiqué et complété les travaux de Rey- nolds et de Boussinesq sur le mouvement principal, étudie les tourbillons accessoires. Ses résultats impor- tants démontrent que l'accroissement de la résistance des mouvements à grande vilesse est en rapport intime avec l'observation bien connue qu'en procédant de l'axe vers la paroi la vitesse diminue d’apord insensi- blement et ensuite de plus en plus considérablement, que le travail partiel nécessaire à surmonter le frotte- ment du mouvement principal — abstraction faite du travail exigé à convaincre le frottement des tourbil- lons — est plus grand que dans le cas où ces tourbil- lons ne se présentent pas. — M. J.-D. van der Waals décrit une expérience de M. P. Zeeman relative à la propagation anormale des ondes (Gouy, Ann. de Chim. et de Phys., série 6, t. XXIV, p. 145). L'expérience est l'analogue pour la lumière transmise de celle de M. Joubin pour la lumière réfléchie. Une lentille con- vexe de spath parallèle à l’axe a deux foyers. Le centre du système d'anneaux concentriques change du noir au blanc ou du blanc au noir en passant par un des foyers. Une lame auxiliaire permet de donner au centre une différence de marche arbitraire entre les deux systèmes de rayons qui s'interfèrent. — Ensuite M. van der Waals communique encore une étude de M. Zeeman intitulée : Lignes doubles et triples dans le spectre, pro- duites sous l'influence d'un champ magnélique extérieur. L'application de la théorie de Lorentz aux expériences sur l'influence du magnétisme sur la lumière émise par une substance (Rev. gén. des Se.,t. VIII, p. 298) fait pré- voir l'existence de lignes doubles et triples polarisées d'une manière particulière. L'expérience confirme pour le cadmium ces considérations pour des champs magnétiques d'une intensité modérée. — M. H. Kamer- lingh Onnes présente au nom de M. A. van Eldik une communication sur la hauteur d'ascension capillaire de la phase fluide d'un mélange de deux matières en équilibre avec la phase gazeuse. Les théories de la capillarité et des mélanges données par M. van der Waals ont fait désirer une étude expérimentale de l'énergie superli- cielle des mélanges. L'observation de hauteurs d’ascen- sion capillaire de mélanges, en suivant une ligne bino- dale jusqu'au point de plissement, n’est toutefois pas sans difficultés. On doit surtout veiller à l'homogéntité des deux phases coexistantes, ce que l'auteur à réalisé en amenant les deux substances à se mélanger dans un réservoir spécial, où le mélange est rendu plus intime à l’aide de l’agitateur électromagnétique de M. Kuenen. Puis le mélange ainsi obtenu est refoulé dans le tube d'expérimentation. Ce transport s'effectue au moyen d’une pompe spéciale qui laisse aux deux phases les volumes qu'elles occupaient quand l'équilibre était établi. — Ensuite M. Onnes présente encore une com- munication de M. L.-N. Siertsema sur : L'influence de la pression sur la polarisation rotatoire de solutions de sucre de cunne (suite, voir Revue générale des Sciences, t. VIII, p. 124). Les mesures sont poursuivies avec une concentration de 27 gr. 84 dans 100 c.c. et ont donné une varialion de 0,270 °/, à 100 atmosphères. Les va- riations du pouvoir rotaloire spécifique pourraient être déduites de ces résultats, si les coefficients de com- pressibilité des solutions étaient connus. Eusuite en acceptant l'hypothèse de Tammann sur l’équivalence des pressions extérieures el intérieures, on pourrait comparer ces dernières variations à celles causées par: 1° une variation de la concentration; 2° la présence d'un sel inactif. Cependant les coeflicients de compres- sibilité des solutions ne sont pas connus; donc l’auteur a dû les déduire de ceux trouvés par M. Amagat pour de l’eau sous différentes pressions au moyen de l'hypo- thèse citée de Tammann. Le résultat de la comparaison en question n'est pas toujours admissible. Donc pro- bablement le phénomène est plus complexe que le suppose l'hypothèse de Tammann. — M. H.-W. Bakhuis Roozebonn fait une communication au nom de M. E. Cohen intitulée : Essai d'explication des déviations de la conduite ordinaire de réactions chimiques en solutions. A l’aide de considérations cinétiques, on déduit que le nombre des molécules d'une matière, décomposé sous des circonstances égales, est proportionnel à la quan- üté. Par là on peut définir la vitesse d’une réaction au moyen d'un coefficient de vilesse Æ qui devrait être indépendant de la concentration de la solution. Cepen- dant M. Ostwald trouva pour des solutions de sucre de canne de 40, 20, 19, #4 °/, les valeurs 2916—, 22/87 —, 2063—, 1945— de 4. L'auteur cherche à expliquer cette déviation de la théorie d'une manière analogue à celle dont s'est servi M. van der Waals pour la loi de Bayle, en tenant compte du volume des molécules de sucre en solution. Il trouve la relation MARGE Le = 00 =»? où €, indique la concentralion de volume de l'acide en réaction, b, le volume des quantités dissoutes, p le pourcentage de sucre en solution et f une constante. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. C. Eykman s'occupe de /a lutte contre le beri-beri à l’occasion des recherches faites par lui et par M. A.-G. Vorderman (Batavia). Il y a quelques années, l’auteur a étudié une maladie des poules à plusieurs points de vue analogue au beri-beri (dégénération des nerfs périphériques). Il réussit à dé- montrer que cette maladie est causée par l'alimentation avec de l'orge mondé, tandis que l'orge non mondé ou mi-mondé n'est pas nuisible du tout. Done il croyait que la membrane très mince qui enveloppe le grain neutralise l'effet nuisible de l’amylum. L'auteur à fait des recherches analogues pour le beri-beri même, le riz mi-mondé formant la nourriture principale en plusieurs régions de l’île de Java, surtout cette espèce qu'on appelle riz rouge à cause de la couleur de la membrane mince. Donc on à introduit la nutrition avec du riz mi-mondé dans les institutions gouverne- mentales pour que la mortalité y diminue. Ces expé- riences faites depuis un an, sont encore de trop courte durée pour avoir une grande valeur. En attendant, M. Vorderman, inspecteur du Service civil de Méde- cine, par les données statistiques sur la mortalité dans les Aifférentes prisons, à constaté que des vingt- sept prisons où la nutrition avec du riz rouge est en vigueur, une seulement contient des victimes du beri- beri, tandis que le beri-beri se présente en trente-six ou presque la moitié des prisons où la nourriture con- siste principalement en riz mondé. P.-H. Scaoure. Le Directeur-Gérant : Louis OLivier. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. TT 8° ANNÉE N° 19 :15 OCTOBRE 1897 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $S 1. — Génie civil La fabrication des galets en papier. — On sait que les galets sont de petites roues destinées à transformer en glissement le mouvement de roulement. Depuis longtemps déjà, on a utilisé le papier comprimé pour les fabriquer. Dans un des derniers numéros de l'American Machinist, M. W. Danielson critique les divers procédés usités Jusqu'à aujourd'hui et indique une Le x J = p Ho É Net 22 é Fig. 1 à 7. — Procédés divers de fabrication des galets en papier usilés jusqu'à aujourd'hui. nouvelle méthode de préparation qui lui à donné des résultats plus avantageux. Les procédés actuels de fabrication des galets en pa- pier sont nombreux. L'un d'eux consiste à couler la pâte de bois dans un moule en fonte, formé de deux moitiés semblables à celle de la figure 1, tournées sur un moyeu en fonte calé sur un arbre. Le défaut du procédé est de donner un galet spongieux, la pâte de bois ne pouvant être complètement débarrassée de bulles d'air. Un second procédé consiste à couper des disques ou des demi-disques de carton-paille, qu'on fixe REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897. ensuite les uns contre les autres (fig. 2); mais la ma- chine à essayer les galets arrache les bords des disques qui dépassent, et produit des cannelures qui rendent le galet inutilisable. Dans un troisième procédé, la pulpe est faconnée à la main autour d'un mandrin, puis on donne la forme définitive au moyen d'un moule (fig. 3) et on sèche. Cette sorte de galet est sujette à se craque- ler à l'air. Un autre procédé consiste à enrouler une bande de papier manille (fig. 4) en la collant; le galet obtenu est un des meilleurs; le seul inconvénient qui puisse se présenter est le glissement du papier sur lui- même lorsqu'il n'a pas été bien tendu et bien collé, Un procédé presque analogue consiste à enrouler une bande de papier étroite (fig. 5,; mais le galet obtenu s’use très inégalement ef se creuse en certains endroits. Un sixième procédé consiste à assembler six blocs en pulpe de bois moulée de manière à leur donner une forme cylindrique (fig. 6). On supposait que la pression de friction tendrait à serrer les pièces les unes contre les autres et à augmenter la stabilité; mais l'appareil d'essai développe des pressions contraires et les galets se disloquent après un court service. Enfin, dans un dernier procédé, on enroule une corde en papier sur une bobine (fig.7 ; le galet obtenu ne ru vaut rien. LE A tous ces pro- = cédés, M. Daniel 3 <1 | Re son oppose le sui- ie = LA vant : il se sert Sn LE d’un moule en mé- æ ; 2) tal formé de deux moitiés (fig. 8); au lieu d'y compri- mer la pulpe, il l'y fait entrer en créant un vide. B est relié à une machine pneuma- tique et la pulpe entre en À ; quand le moule est plein, on ferme la sou- pape Cet on continue à faire le vide afin de purger la pulpe de toutes les bulles d'air qu'elle contient. On Fig. 8. — Procédé de M. Danielson pour la fabricalion des galets en papier. 19 766 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE ferme ensuite les soupapes D et D'et on fait entrer encore un peu de pulpe en A. On laisse reposer une nuit, on relire le galet, on le presse entre des rouleaux d'acier; on le fait sécher et on le termine, On fabrique deux sortés de galets, les uns avec de la pulpe de bois blanc, les autres avec de vieux livres et de vieux chif- ffons. Les galets Danielson sont ceux qui ont donné les meilleurs résullats aux essais. $ 2. — Chimie industrielle Sur les procédés de raffinage et d’épura- tion des jus sucrés. — A l’occasion de l'important article que M. F. Dommer à récemment publié ici mème sur «le Raftinage en Sucrerie et la fabrication du bioxyde de baryum! », M. E. Urbain, chimiste des Etablissements Linard, nous adresse l’intéressante com- munication suivante : « J'ai, en même temps que M. Ranson, — là même semaine et, sans avoir eu connaissance de sa méthode, — fait hreveter un procédé de raflinage basé sur l'em- ploi de l'acide hydrosulfureux ; mais, au lieu d'employer le mode de préparation de cet acide signalé par Schut- zenberger, J'éléctrolyse la solution préalablement sul- filée; dans ces conditions, il se forme, à la cathode, de l'hydrogène naissant, qui produit de l'acide hydrosul- fureux; grâce à l'emploi d’une anode soluble, l'oxyde mis en liberté se combine aux acides du soufre. Il y à évidemment là un tour de main et des conditions phy- siques spéciales à observer. En se servant, par exemple, de plomb comme anode soluble, on oblient une solu- tion absolument décolorée etne contenant, après filtra- tion, aucune trace des réactifs employés. Enlin, je me suis réservé l'emploi du bioxyde de baryum pour oxyder et éliminer les dernières traces des acides du soufre, « En somme, mon procédé est caractérisé par l’élec- trolyse d'une solution sucrée et sulfitée et par l'emploi, comme anode, d'un mélal convenant particulièrement à l'opération, : L'utilisation de Faluminium.— M. A.-E. Hunt, président de la Pittsburg Reduction Company, vient de lire, devant le Frunklin Institute, un long et intéressant mémoire sur l'utilisation de l'aluminium. Il constate que l'aluminium à pris et prend tous les jours une importance plus considérable comme con- ducteur d'électricité. Il est pratiquement non magné- tique et peut être employé dans tous les cas où un méial magnétique ne conviendrait pas. D'autre part, sa conductibihté est excellente. Dans l'échelle de Roberts-Austen, il occupe la cinquième place avec la valeur de 63 à 64, le cuivre étant représenté par le chiffre 97,5. Possédant uné si bonne conductibilité, l'aluminium peut être employé à l’enroulement des aimants dans les dynamos où l’on recherche avant {out un faible poids, et, en général, pour les commutateurs, les balais, les porte-balais, et autres appareils où ses propriétés de ne pas se ternir el de ne pas se corroder lui assurent une supériorité. La conducübilité de l'aluminium décroit fortement lorsqu'il est allié à d’autres métaux même en pelite quantité; c'est l'ignorance de ce fait qui a longtemps laissé attribuer à l'aluminium une très faible conducti- bilité, les mesures ayant été prises avec un métal impur. La Pitisbury Reduction Company a fourni jusqu'à pré- sent plusieurs centaines de milles de fil d'aluminium pour le téléphone et le télégraphe. Le fait que le poids du cuivre est 3,3 fois plus grand que celui de l’alumi- nium et que le coefficient de rupture des deux métaux n'est pas très différent, a rendu spécialement avanta- “eux l'emploi du fil d'aluminium pour le téléphone et le télégraphe militaires en campagne. Enlin, Paluminium, allié à 5 o/, de cuivre pour le Revue générale des Sciences du 15 septembre 1897. rendre plus dur, peut remplacer le laiton dans les ap- pareils électriques ; il se laïsse également bien faconner et passer à la filière. $ 3. — Hygiène publique La cuisson des viandes. — La cuisson parfaite des viandes à une importance sur laquelle on ne sau- rait trop insister. Les animaux qui alimentent nos boucheries peuvent êlre atteints de maladies infec- tieuses très diverses, dont les germes se retrouvent dans Ja viande et se transmettent souvent à l'homme lorsqu'une cuisson insuffisante ne les a pas détruits. Aussi, la durée et la température de la cuisson et Jeur influence sur Ja destruction des germes morbides ont- elles suscité un certain nombre de travaux. L'un d'eux, dù à M. le D' G. Fiore ‘, et basé sur une série d’expé- riences très originales faites à l'Institut d'Hygiène de Palerme, a donné des résultats fort intéressants. M. Fiore mesurait d'abord la température centrale de morceaux de viande, soumis à différents genres de cuisson, en lardant littéralement la pièce à examiner de petites flèches de métal fusible, dont on connaissait le point de fusion. Dans d’autres cas, M. Fiore injectait à la surface ou au centre du morceau de viande des cultures riches en spores de bacilles charbonneux, et, après cuisson, injectait le suc de la viande à des co= bayes. De ces diverses expériences, M. Fiore tire les conclusions suivantes : 1° L'ébullition prolongée de la viande est le mode de cuisson le plus favorable pour la destruction complète des germes pathologiques contenus dans cette viande, qu'il s'agisse de spores ou simplement de bacilles; 20 Dans les tranches minces grillées à feu nu comme dans les grosses pièces rôties au four, la chaleur n'est pas suffisante pour détruire les spores ; toutefois, quand la cuisson est portée au degré le plus élevé, elle peut suffire pour détruire complètement les formes bacil- laires ; 3° La méthode de cuisson à l’étuvée (viande braisée) n'exerce aucune influence ni sur les spores, ni sur les bacilles. M. le Dr E. Vallin, qui s'était autrefois occupé de la queslion de la cuisson des viandes, à entrepris, à la suite de la publication du mémoire de M. Fiore, une nouvelle série d'expériences ?. Il mesure la tempéra- ture des différentes parties de la viande en y introdui- sant un certain nombre de petits tubes de verre effilés el capillaires, renfermant chacun un composé orga- nique crislallisé, dont le point de fusion est connu. Ses expériences l'amènent à se rallier presque com- plètement aux conclusions de M. Fiore ; il ne fait que quelques réserves sur la troisième. En terminant, M. Vallin proteste contre le préjugé, très répandu dans le publie en France depuis une trentaine d'aunées, à savoir que les viandes sont d'autant plus nourrissantes et faciles à digérer qu'elles sont plus saignantes. Diverses causes ont contribué à propager celte erreur. Espérons que les recherches de MM. Fiore et Vallin la feront bientôt disparaitre. $ 4. — Géographie et Colonisation Le retour du « Sénégal » ramenant le Voyage d'étude de la « Revue » du « Pays des Croisés ». — Le dimanche 3 octobre est rentré à Marseille le navire le Sénégal, ramenant de Syrie el de Palestine les touristes du deuxième voyage d'étude de la Revue. Malgré les chaleurs subies en cours de route, tous les passagers sont revenus en France bien portants. Le voyage s’est effectué, du départ au retour, avec la plus extrême précision. Le navire est arrivé à chaque 1 Dr G. Fiore : Influenza delle cottura sulle carni infetli. (Annali d'Igiene sperimentale, 1897, fase. 1, p. 21.) 2 Revue d'Hygiène et de Police sanitaire, n° 9, 1897. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 1 (er) 1 escale et en est parti exactement à l'heure prévue. Cette parfaite exactitude du paquebot a assuré, du même coup, celle des excursions à terre, et tout le programme du voyage à pu être réalisé conformément à nos prévisions. Fidèle àses traditions, la Compagnie des Messageries ma- rilimes avait pris les dispositions requises pour assurer à bord tout le confort désirable et rendre le plus agréable possible aux passagers le trajet de mer. Grâce à la cons- tante vigilance et à l'extrême amabilité du Comman- dant Rebufat, tout a été, soit dans les salons, soit sur le pont, habilement transformé en temps opportun en vue des conférences de M. Diehl et de M. Larroumet, des projections faites le soir à la lumière électrique, et des services religieux célébrés à bord. La veille du retour à Marseille, les passagers, sortaut de la salle à manger, ont eu la surprise de trouver, sur le pont illuminé à giorno, un véritable théâtre, avec scène et décors, dressé sur l'initiative du Commandant, el à l’ornementalion duquel avaient habilement collaboré M. le sous-commis- saire Dumont et tout le personnel du bord. Quand le rideau s'est levé, une table à tapis vert est apparue... comme à l'Odéon, et M. G. Larroumnet est venu, aux ap- plaudissements de l'auditoire, faire une charmante con- férence sur les deux pièces jouées quelques instants après : le Baïser de De Banville et l'Autographe de Meil- hac. Ces deux comédies ont eu pour interprètes des artistes émérites, bien qu'improvisés, que la Revue tient tout particulièrement à remercier de leur très aimable et précieux concours. Cette représentation, faite au profit de la Caisse de secours des familles des malelots naufra- yés, a produit une recette de plus de cinq cents francs. Cette fête a terminé de la facon la plus heureuse un voyage où au plaisir s'élait uni le travail. C’est toute une étude des pays visités que les passagers ont faite sous la direction de M. Ch. Dieh]l, qui, avec une inépuisable bienveillance, n’a cessé, en cours de route, de mettre sa science et son talent au service de tous les touristes. La Revue se propose de publier dans le courant de l'hiver les résultats de ce voyage. Les Cultures coloniales à Ja Réunion. — La Quinzaine Coloniale commente très justement un important article que le Times vient de consacrer aux cultures de la Réunion. Il nous paraît intéressant de publier ici la traduction de la partie principale de cet important document : « Il est intéressant, dit le Times, de comparer la situation de l’industrie sucrière à la Réunion avec celle de cette même industrie dans les colonies anglaises des Aulilles. Il y a un peu plus de trente ans, la plantation de la canne à sucre fit fureur à la Réunion et cet en- gouement modifia profondément la condition économi- que de l’île. Elle entraina la destruction des plantations de café et de girofle existantes ainsi que des forèts en- tières d’essences précieuses. Si le gouvernement n'avait pas arrèté celte dévastation par une législation sévère en matière forestière et libéralement reboisé l'ile, la Réunion serait bientôt devenue aussi dénudée qu'Aden. «La baisse du sucre et la concurrence de la betterave ont été ressenties à la Réunion presque aussi cruel- lement que dans les Antilles anglaises; toutefois, les raffineurs ont plus souffert de la crise que les planteurs. Quoi qu'il en soit, la Réunion serait dans une situation infiniment plus fâcheuse qu'elle n'est en réalité si elle n'avait eu à dépendre que de ses plantations de canne. Heureusement, plusieurs de ses planteurs ont été sau- vés de la ruive en s’'adonnant à la culture d’autres produits, non pas à la place, mais accessoirement à celle de la canne à sucre, et bien des déficits sur la canne ont été comblés et au delà par les beaux prolits réalisés sur la vanille et appuyés par des ventes de manioc, de café, de tabac, de parfums, de girofles et de produits maraichers. La principale de ces cultures est la vanille, qui figure à l'heure actuelle à côté de toutes les planta- tions de canne, en plus ou moins grandes quantités, suivant la nature et la situation de la propriété. « Dans certains districts, la culture de la vanille constitue mème la principale ressource des habitants; les courettes, les jardins, les petits lopins de terre qui entourent les habitations, sont couverts de plants de vanille dont les produits sont absorbés par les négo- ciants du voisinage. « La culture du café forme ensuite le principal ap- point des plauteurs de canne; cependant, quoiqu'elle réussisse bien dans certaines régions de l'île, les plan- teurs hésitent à lui donner un développement plus con- sidérable à cause de la longue période d'attente qui précède celle du rendement et aussi par crainte de la maladie. Quoi qu'il en soit, il y a progrès constant dans celte culture et on peut prévoir qu'avec le temps sa production égalera celle des beaux jours d'il y à soixante-dix ans. « Le tabac est très cultivé en petites quantités par les classes pauvres, mais les grands planteurs le délais- sent presque complètement. C'est une culture qui fait bien ses frais, le tabac de la Réunion étant très apprécié par les créoles de l'ile et de Madagascar et aussi dans une certaine mesure par ceux de Maurice. — On cultive ésalement dans l'ile des essences de bonne qualité, le géranium, le patchouli, le ylang-ylang, etc.; toutefois on éprouve des difficultés à les faire entrer en concur- rence sur les marchés d'Europe avec des essences plus connues. Le tapioca est également un produit d'expor- tation dont la culture a pris une extension importante. Aussi, quoique la culture de la canne à sucre reste Ja base des productions de l'ile, on voit, par le rapport de notre consul, que les cultures secondaires jouent un rôle important pour contre-balancer la baisse du sucre etles pertes éprouvées sur ce point. « A côté de ces produits d'exportation, les propriétai- res de la Réunion font des récoltes importantes de maïs, de haricots, de pois et de produits maraïchers et frui- tiers destinés à leur propre consommation et à celle de l’île. Il se fait également des exportations impor- tantes de ces produits à l'ile Maurice et à Madagascar. « Ainsi, à l'exception de la farine, de la betterave et du riz, qui viennent en totalité du dehors, on voit qu'une propriété à la Réunion qui est bien gérée peut complè- tement subvenir à tous les besoins de son exploitation, non seulement en ce qui concerne l'alimentation des hommes et des animaux, mais même à l'égard de celle des usines, car on ne se sert pas de charbon pour ac- tionner les moteurs. En outre, si la propriété se trouve dans le voisinage d’une ville ou du chemin de fer, elle peut encore réaliser de beaux bénéfices rien que par l'écoulement de ses produits maraichers. « On pourrait faire beaucoup plus encore, notam- ment en ce qui concerne la culture du blé, l'élevage du bétail et du mouton; quoi qu'il en soit, » conclut l'auteur de l’article, en citant textuellement le rapport du con- sul anglais, « ce qui a été fait est entièrement à l'hon- neur de la Réunion et ses efforts mérilent bien d’être signalés à l'attention des colonies tropicales anglaises comme un exemple à suivre, » L'Exposition internationale des Pêches à Bergen en 1898. — Une Exposition internationale des pêches, placée sous le patronage de S. M. Oscar I, roi de Suède et de Norvège, s'ouvrira à Bergen le 416 mai prochain et se lerminera le 30 septembre. L'uti- lité d'instituer une section francaise à cette Exposition ressort principalement de ce fait, que la France pour- rait importer à Bergen des produits que la Norvège a jusqu'à présent recus en quantité prépondérante de l'Angleterre, de l'Allemagne et de l'Italie. Ces trois nations fournissent ensemble plus de la moitié des huiles d'olive consommées en Norvège. La participation de nos fabricants de Provence et de Tunisie à l'Exposi- tion de Bergen pourrait changer considérablement cet état de choses. Il en serait de même de l'importation du sel, pour laquelle la France n'arrive qu'au seplième rang après l'Italie, l'Espagne, l'Angleterre, l'Allemasne, le Portugal et la Suède. Notre pays ne fournit, en effet, 768 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE que 2°/% des 1.240.000 kilos de sel annuellement importés en Norvège. La presque totalité de ce produit, 60 °/,, est fournie par l'Italie. Nos salines du Midi et de l'Est trouveraient d'autant plus facilement un débouché à Bergen, que la quantité de sel qui y est consommée ne cesse de croître, et, selon toute vraisemblance, augmen- tera beaucoup d'ici à quelques années, en raison du grand développement que les Norvégiens s'appliquent à donner à leur industrie des conserves de poisson. Cette industrie réclame non seulement de l'huile et du sel, mais aussi du liège; or, la participation fran- caise dans l'importation de ce produit naturel n’est que de 6°/, pour le liège brut et de 7 °/, pour le liège ouvré. Espérons que les exploitants de nos grandes forèts de Kroumyrie comprendront tout l'intérêt qu'il y a pour eux à êlre représentés à Bergen. Enfin, la France n'introduit en Norvège ni poisson salé ou séché, ni poisson mariné autre que la sardine, ni filets, ni hamecons, ni toiles à voiles, alors que le chiffre total de ces importations, en provenance d’autres pays européens, à été, en 1895, de 7 millions de kilos de marchandises. Somme toute, le chiffre des importations en Nor- vège s'élevant à 300 millions de francs, la France n'y contribue que pour 6 millions, soit environ 2 °/. C'est en vue de remédier à cette fächeuse situation que la Société « L'Enseignement professionnel et tech- nique des Pêches maritimes » a pris l'heureuse initia- tive de créer une section francaise à l'Exposition de Bergen. Elle a obtenu, à cet effet, de précieux concours. M. Grève, vice-consul de France à Bergen, et M. Pérard, ingénieur des Arts et Manufactures à Paris, ont bien voulu accepter les fonctions de commissaires généraux de la Section. En outre, un Comité d'organisation s'occupe dès à présent de recueillir des adhésions de participation à l'Exposition. Ce Comité, qui aura aussi mission d'examiner les produits à admettre, est com- posé comme suit : COMITÉ D'ORGANISATION. — Président : M. Emile Cacheux, ingénieur, membre du Conseil supérieur de la Marine marchande. Commissaires généraux : MM. Grève, vice- consul de France à Bergen; Pérard, ingénieur des Arts et Manufactures à Paris. Comité I : Sciences. — Technique des pêches. Instru- ments de recherches et d'études. Livres. Cartes. Ensei- gnement. Pisciculture. Président : M. le baron J. de Guerne, secrétaire général de la Société d’Acclimatation. Membres : MM. Raphaël Blanchard, professeur à la Fa- culté de Médecine ; Emile Belloc, vice-président de la Société centrale d'Agriculture et de Pêche; J. Thoulet, professeur à la Faculté des Sciences de Nancy; Raveret- Watel, vice-président de la Société nationale d’Accli- matalion; Edouard Blanc, explorateur; René de Cuers, secrétaire du Syndicat de la Presse coloniale ; Louis Olivier, directeur de la Revue générale des Sciences. Comité IL : INpusTRIE. — Produits de pêche. Matériel de pêche. Engins de pêche (liège). Bateaux de pêche. £quipement. Préparation et conservation du poisson (sel, huile). Produits manufacturés dérivés de l’indus- trie des pêches. Président : M. Piaud, ingénieur en chef du bureau Veritas. Vice-président : M. E. Canu, direc- teur de la Station aquicole de Boulogne-sur-Mer. Secré- taire : M. P. Dubar, directeur de la succursale des Etablissements Cail, à Saint-Denis. Membres : MM. Bou- gault, Duchesne, Courtois, Forest, Boucley, Nortier, Pierre Lemy, Gournay-Hédouin, Douane, Calvet. ComiTé LI : OsrréicuzrurE. — Huitres. Moules. Co- quillages. Plans d'établissements ostréicoles. Président : M. Potlier, commissaire de la marine, à Arcachon. Membres : MM. Delamarre-Deboutteville, Seppé, Laroque, Jardin, Godefroy. ComirÉé IV : ECONOMIE SOCIALE ET STATISTIQUE. — Prési- dent : M. G. Hamon, professeur à l'Institut commercial. Secrélaire : M. Deléarde. Membres : MM. Berthoule, d'Orbigny, Moutier, Léon Marie, Dibos, de Bethencourt, Chamberet, Turquan. Comité V : PÈCHE CONSIDÉRÉE COMME UN SPORT. — Prési- dent : M. de Montgomery, membre de l’Union des Yachts. Secrétaire : M. le D' Aumont. Membres : MM. Tel- lier, G. Paillard, Renault. Nous prions ceux de nos lecteurs francais qui dési- reraient prendre part à l'Exposition, de nous en aviser le plus tôt possible et de nous adresser des notices sur leurs produits. Projet de câble pour l'Islande, — Le Parle- ment Islandais a récemment accepté l'offre, faite par la Great Northern Telegraph Company, de poser, entre l'Islande et le Nord de l'Ecosse, un cäble sous-marin passant par les îles Ferüe, moyennant une subvention de 35.000 couronnes pendant vingt ans. La pose du cà- ble aura lieu l'été prochain et ne durera probablement pas plus de six semaines. La distance entre le nord de l'Ecosse et Thorshavn, dans les Ferde, est d'environ 400 kilomètres, la profondeur maximum de 254 brasses ; le fond est composé de débris de coquilles et de vase. Des iles Ferde à l'Islande, la distance varie de 380 à 560 kilomètres suivant le point d'atterrissage ; la profondeur moyenne est de 300 brasses; à un seul point elle est de 680 brasses. Le fond est composé de sable, de débris de coquilles et de vase; en deux endroits seulement, on à trouvé de la pierre ponce. Le câble se continuera en- suite par terre jusqu'à Reykjavik. Ce projet est fort approuvé en Angleterre où on le considère comme l’amorce d'un nouveau càble qui irait en Amérique par le Groenland et Pile d'Hamilton dans le Labrador. En 1860, des éludes avaient déjà élé faites en ce sens par le capitaine (aujourd'hui amiral) Mac Clintok sur le navire Bulldog, et par M. Croskey sur le steamer Fox; les rapports de ces deux explorateurs ser- viront en partie pour la pose du câble vers l'Islande. $S 5. — Universités La question des étudiants étrangers à la Faculté de Médecine de Paris. — On sait que la Faculté de Médecine de Paris ne délivre plus aux étudiants de nationalité étrangère de diplôme leur per- mettant d'exercer la médecine en France. Ceux-ci ne peuvent emporter de notre grande Ecole qu'un simple titre, celui de Docteur de l'Université de Paris. Gette mesure anti-libérale a été prise en vue de protéger contre la concurrence d'étrangers les praticiens fran- cais. En l’adoptant, on avait espéré aussi qu'elle ferait refluer vers nos écoles de province les étrangers dési- reux de faire leurs études médicales en France. Il était cependant à prévoir que ceux-ci seraient beaucoup moins attirés par les centres provinciaux que par la Capitale. Or, tel vient d'être le résullat du nouveau régime. II a eu pour effet immédiat de faire tomber en un an de 1.046 à 657 le nombre des élèves étrangers étudiant à la Faculté de Médecine de Paris; et, d'autre part, les écoles de médecine de province n’ont reçu de ce fait aucun appoint supplémentaire. Nous croyons savoir qu'il est question d'aggraver celte fâächeuse situation, et que la Faculté de Paris est actuellement saisie d’un règlement visant à interdire absolument aux étrangers l'accès de l'Ecole. On ne saurait trop vivement protester contre de telles tendances. Le bien de notre pays exigerait, au contraire, que la Faculté de Médecine de Paris fit d'im- portants sacrifices pour attirer à elle les étrangers. Si elle leur ferme ses portes, ceux-ci iront non en pro- vince, mais sûrement en Allemagne. Revenus dans leur patrie, ils resteront en relation avec les médecins alle- mands, les libraires allemands, les fabricants allemands d'appareils chirurgicaux, ete., ete.; bref, contribueront à développer chez eux, au détriment de la France, lin- fluence intellectuelle et matérielle de l'Allemagne. AO! J. DUGAST — LES PHOSPHATES D'ALGÉRIE 769 LES PHOSPHATES D’ALGÉRIE 1. — DIVERSITÉ D'ORIGINE ET DE NATURE DES GISEMENTS DE PHOSPHATES EN ALGÉRIE. Depuis longtemps on connait et on exploite des dépôts de matières phosphaltées dans différentes régions de l'Algérie. Sur certains points du littoral et dans la partie montagneuse du Tell, on trouve des grottes de for- mation calcaire renfermant des dépôts de guanos produits par les déjections des chauves-souris et les cadavres de ces animaux. Ces £uanos sont généralement pulvérulents et renferment une forte proportion de matières Ler- reuses. D'autres fois ils se présentent sous forme de dépôts légers, plus ou moins secs et odorants. Enfin, on trouve, là où les gisements sont en con- tact avec la roche calcaire, des masses de couleur brun clair, tendres et traversées de veinules blan- ches formées le plus souvent par un mélange riche en phosphate de chaux. La composition de ces guanos varie avec l'état plus ou moins avancé des déjections, avec les ma- tières terreuses qui y sont mélangées et suivant qu'ils ont plus ou moins subi l’action des eaux. Tous les intermédiaires existent entre les produits riches en azote et pauvres en phosphate et ceux où le phosphate domine et d'où l'azote est en grande partie éliminé. Ces produits renferment le plus sou- vent une certaine proportion d'azote nitrique et une parlie de leur acide phosphorique est soluble dans le citrate d’ammoniaque. Sur d'autres points on trouve des phosphates qui paraissent dériver des guanos. Les phosphates solu- bles se sont infiltrés dans la roche calcaire sous- jacente des grottes et l'acide phosphorique s'est combiné à la chaux pour former du phosphale de chaux. Dans d’autres cas, le phosphate de chaux, resté comme résidu principal, après dissolution du carbonate de chaux, s'est aggloméré en roche sous l'influence d'un ciment calcaire, ferrugineux ou organique. Il est alors constitué par des masses de couleur ocreuse plus ou moins tendres. Ces accumulations de guanos et de phosphates, disséminées dans un grand nombre-le régions, sont souvent peu importantes et quelquefois d’un accès difficile. D'autre part leur richesse est aussi sou- vent assez faible, ce qui oblige à les utiliser dans un rayon peu éloigné des gisements. Néanmoins, ces produits consliluent d'excellents engrais et représentent, pour l’agriculture locale, une source de matières fertilisantes non négligea- bles. Quantaux phosphates minéraux proprement dits, les premiers gisements connus en Algérie furent ceux situés dans le Wiocène moyen {Helvétien), con- stilué par ce que les géologues appellent le calcaire à Mélobésies. Les dépôts de phosphates de l'Helvé- lien se trouvent dans un grand nombre de localités des départements d'Oran et d'Alger (à Inkermann, au Koua, à Rio Salado, etc.), dans les fentes du calcaire ou dans des poches reliées entre elles par des veines ou filons. A la base des poches se trouve du phosphate de chaux concrélionné blanc ou jaune clair, très riche (de 30 à 40 °/, d'acide phos- phorique). Au-dessus viennent des terres phospha- tées mélangées de sable, d'argile et d'oxyde de fer, et dont la teneur est inférieure à 20 °/, d'acide phosphorique. L'exploitalion de ces gites de phos- phates concrélionnés n'est pas loujours économi- que pour l'exportation et une grande partie est utilisée dans le pays même. La question en était là et la Colonie ne semblait pas très favorisée au point de vue des phosphates quand, il y a quelques années, en 1885, M. Thomas découvrit les phosphates dans un autre étage géo- logique. On reconnut bientôt que cette nouvelle zone à phosphates, située à la base de l'Eocène inférieur, dans le Suessonien, présentait une im- portance considérable. Ces phosphates d’origine sédimentaire se trou- vent dans la région des plateaux. Cette formation phosphatée se présente avec des alternances de marnes avec nodules et de calcaire phosphaté. Les phosphates marneux sont constitués par des nodules de formes et de dimensions variables, les petits nodules étant en général beaucoup plus riches que les gros. Les phosphates de la marne, moins riches que ceux du calcaire, ne sont pas encore exploités. Le phosphate du calcaire se présente avec des facies différents suivant les régions. À Tébessa, où il se trouve dans des conditions exceptionnelles de richesse et de facilité d’exploilation, il est sous forme d'une roche plus ou moins friable, grenue, dont la couleur varie du gris jaunâtre clair au brun verdâtre, et constitué par l'agglomération, dans un ciment calcaire, d'une multitude de grains fins de forme variée. La plupart de ces grains sont formés de phosphate de chaux, recouverts d'une mince pellicule de phosphate de chaux pur déposée par les eaux. On y rencontre aussi des dents et os de poissons ou de sauriens et une notable quantité de silice. Sans nous appesantir sur le mécanisme qui 170 J. DUGAST — LES PHOSPHATES D'ALGÉRIE a donné naissance à ces phosphates, nous rappel- lerons les deux hypothèses qui ont été proposées pour en expliquer la formation. Les calcaires ou marnes sédimentaires qui contiennent du phosphate de chaux plus ou moins disséminé dans la masse sont attaqués par l'eau chargée d’acide carbonique, d'autant plus rapidement, touteschoses égales d’ail- leurs, qu'ils sont plus perméables et plus poreux. Si les eaux dissolvantes sont abondantes, elles finissent par enlever la presque totalité du carbo- nate de chaux en laissant le phosphate sous forme de fragments plus ou moins volumineux. Ces dépôts sont ensuite remaniés par les eaux et amenés dans les restes fossiles de Poissons et de Reptiles, roulés par les eaux et réduits en fragments ténus et arron- dis jusqu’à la dimension de grains de sable. L'ori- gine remonterait à la fermentation bactérienne des débris d'animaux et végétaux déposés autrefois dans les estuaires. Le Djebel-Dyr est un immense plateau rectan- gulaire de 45 à 50 kilomètres de tour. Il est cons- litué par une immense table de calcaire nummuli- tique, dominant de 7 à 800 mètres la plaine qui s'élend à l’ouest, et reposant sur un soubassement de couches phosphatées. La puissance de ces couches phosphatées est _ Ne PRÉ ZE hergur shrez Char De va ne / fa Tf < 1f \ Ée Æ a Tera © Crsercerets actrellernert ert. explottctions e Grserwn£ nor-exploites. + Lurates — Chererres de fer _.- Cable telegraphigue --- Ligne de navigation Echelle ET] ET] deu D] E Michiels del Fig. 1. — Carle des gisements de phosphates de l'Algérie. les vallées, d’où les mouvements de l'écorce ter- restre les ont fait sortir. À la surface de ces mor- ceaux de phosphales est venue se déposer une couche phosphaiée concrétionnée, provenant de la dissolution. On constate, en outre, que les no- dules ont souvent une surface lisse, provenant des frottements mutuels auquels ils ont été soumis par les grandes masses d'eaux qui les ont lavés. L'ac- tion des eaux de la mer dans ces phénomènes est indiquée, comme.nous l'avons vu, par la présence fréquente de dents de squales et autres restes d'a- nimaux marins, dont quelques-uns ont élé déposés après que les nodules roulés ont eu pris leur forme actuelle. D'après M. Ficheur, professeur à l'Ecole des Sciences d'Alger, qui a soigneusement étudié ces dépôts, cette formation serait surtout constituée par d'environ 12 à 15 mètres. une épaisseur de 3 mètres. C’est la seule exploitée. La partie supérieure de cetle couche (environ 0% 70) est moins riche, dure, renferme de la silice et sert de toit à l'exploitation. Il y aurait là des centaines de millions de tonnes de phosphate. Dans la région de Sétif et de Bordj-bou-Arérid}, au Djebel-M'zeita, près Bordj-R'dir, on trouve le phosphate sous forme de roche compacte, noï- râtre, dure, piquetée de blanc et de gris. Cette roche, plus ou moins siliceuse ou calcaire, renferme aussi, mélangées aux nodules, des dents de squales. Dans la région de Boghari, on trouve des sables et des marnes phosphatés dont les échantillons recueillis jusqu'à présent n’ont donné que des teneurs inférieures à 40 °/, de phosphate triba- sique de chaux. La première couche a sd it mt Dati J. DUGAST — LES PHOSPHATES D'ALGÉRIE 171 Des giles nouveaux ont élé signalés en beau- coup d’autres points, et il ne peut manquer de s'en trouver dans le nombre quelques-uns qui seront susceptibles d'exploitation industrielle plus ou moins développée. Il parait résulter, en effet, des recherches les plus récentes, que cette formation phosphatée s'étendrait, presque sans interruption, depuis Souk-Ahras jusqu'à Boghari et au delà, dans la direction de Tlemcen et constituerait une des plus riches mines de phosphate actuellement con- nues. Ces affleurements phosphalés reparaissent dans le centre de la Tunisie. On trouve, plus au sud, une seconde bande phosphatée dans le massif de l'Aurès. Celle seconde zone se relie aux importants gisements de Gafsa, en Tunisie. Rappelons enfin que, bien avant la découverte des gisements de la Tunisie et de Tébessa, Tissot, remarquant la relation constante qui existait, dans la province de Constantine, entre l'Eocène inférieur et les régions à céréales, en avait conclu que le phosphate de chaux devait exister dans le Suessonien. C'est, en effet, là où la couche phos- phatée vient à affleurer ou sur les alluvions pro- venant du démantèlement de ces couches qu'on voit les cultures de céréales se succéder presque sans interruption depuis de longues années. II. — IMPORTANCE DES PHOSPHATES POUR L'AGRICULTURE ALGÉRIENNE. Les phosphates d'Algérie peuvent devenir une source de richesse pour la Colonie si on sait les utiliser. Le sol de notre pays a surtout besoin, comme engrais, de phosphate: bien rares sont, en effet, les sols suffisamment pourvus d'acide phos- phorique. La potasse est, au contraire, presque partout abondante. La plus grande partie des terres présente une richesse moyenne en azote. Le tableau [, tiré de notre registre de laboratoire et résumant 261 analyses de terre d'Algérie, fournit à ce sujet des indications intéressantes à consulter. Pour que l'emploi des phosphates se généralise et devienne avantageux pour la Colonie, il faut savoir s'il convient de les employer tels quels ou s'il est préférable de les transformer en super- phosphates. L'expérience a depuis longtemps montré qu'il n'était pas indifférent de fournir au sol l'acide phosphorique qui lui est nécessaire sous l’une quelconque de ses formes : phosphates naturels, phosphates superphosphales, phosphates précipités et scories de déphosphoraltion. Le dosage brutal de lacide phosphorique ne nous renseigne qu'imparfaitement sur la valeur agricole des divers phosphates et les opinions sont d'os, très partagées sur la valeur des moyens chimiques proposés pour mesurer l’assimilabililté par les plantes de l'acide phosphorique qu'ils renferment. Jusqu'à ces dernières années, on avait adopté le citrate d'ammoniaque alealin pour mesurer l'assi- milabililté des phosphates, mais des savants émi- nents (Stultzer, Grandeau) se sont inscrits contre celte pratique. D'après B. Dyer, une solution d'acide citrique à 1°/,, comparable par son aci- dité au suc des racines des plantes, donnerait des résultats beaucoup plus certains pour estimer la valeur fertilisante des phosphates minéraux. En Tableau I. — Analyse de terres d'Algérie!,. | 19 AZOTE. | | | Terres contenant moins de 045 0/,, d'azote. 95 | L — = de 0,5 à 1,0 RE LES) rl | — — de 1:0"à 195 Fig. 1. — Adduction des eaux du Loing el du Lunain à Paris. minulieuses. Dans un liquide, contenant en suspension des spores de bactéridie charbonneuse ou de Staphylo- 1 Zeitschrift für Hygiene und Infectionskrankheilen, 1897, t. XXV, page 112. forme de spores. D'autre part, on prépare des solutions des corps à expérimenter contenant, à la même tem- pérature et à la même pression, le même nombre de molécules. Les cristaux recouverts de germes sont trempés dans ces solutions et on compte le nombre de 808 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE colonies persistant plus ou moins longtemps après l’ac- tion des désinfectants. Voici les conclusions de ce mémoire, telles que les rapporte la Revue d'Hygiène : Ê 1. Pour comparer le pouvoir toxique de substances diverses, il faut opérer avec des quantités renfermant le même nombre de molécules. 2, Le pouvoir désinfectant des solutions de sels métalliques ne dépend pas seulement du degré de con- centration du métal en solution, mais aussi des pro- priétés spécifiques des sels et du milieu dans lequel ils sont dissous. 3. Les solutions de sels métalliques ont un pouvoir désinfectant extrêmement faible si le métal fait par- tie d'un ion très complexe et si, en conséquence, l'ion métal est à un degré très faible de concentration. 4. L'action d'un sel métallique ne dépend pas seule- ment du pouvoir spécifique de l'ion métal, mais aussi de celui de l'ion négatif de la partie non dissociée. 5. Les combinaisons halogènes du mercure, y com- pris les cyanures et sulfocyanures, agissent en raison de leur degré de dissocialion. 6. Le pouvoir désinfectant de solutions aqueuses de bichlorure de mercure diminue à la suite de l'addition de combinaisons halogènes de métaux et de sels miné- aux. Il est vraisemblable que cette diminution tient à un affaiblissement de la dissociation électrolytique. 7. Le pouvoir désinfectant de solutions aqueuses de nitrate, sulfate et acétate mercuriques augmente sensi- blement par l'addition modérée de chlorure de sodium. 8. Les acides désinfectent en général en raison de leur degré de dissociation électrolytique, c'est-à-dire de la concentration de l'ion hydrogène contenu dans la solution. Les ions négalifs, ainsi que les molécules non disso- ciées des acides fluorhydrique, nitrique et trichloracé- tique ont une action toxique spécifique. Cette action spécifique, à mesure que la dilution augmente, devient plus faible par rapport à celle de l'ion hydrogène. 9. Les bases potasse, soude, lithine, ammoniaque désinfectent en raison de leur degré de dissociation, c’est-à-dire en proportion de la concentration des ions oxydriles contenus dans la solution. Les ions hydrogènes ont à égale concentration une action plus grande vis-à-vis des spores charbonneuses et surtout du Staphylococcus pyogenes aureus que les ions oxydriles. 10. Le pouvoir désinfectant des métalloïdes halo- sènes, chlore, brome, iode est d'autant plus faible que leur poids atomique est plus fort. 11. Les agents d’oxydation, acides nitrique, bichro- mique, chloratique, sulfurique et hypermanganique sont d'autant plus actifs qu'ils sont plus élevés au point de vue de leur dissociation électrolytique. Le chlore a une action spécifique très forte. 12. Le pouvoir désinfectant de divers agents oxy- dants est augmenté d’une facon notable par l'addition des acides dus à la combinaison de l'hydrogène avec un corps halogène (exemple : addition d'acide chlorhy- drique avec le permanganate de potasse). 13. Les auteurs confirment l'observation de Scheuer- len, d'après laquelle les solutions phéniquées désin- fectent mieux quand on y ajoute des sels. Leurs recherches ne permettent pas de fournir de ce fait une explication satisfaisante. Qu 1%. Ils ont pu confirmer le fait connu de l'activité désinfectante à peu près nulle des agents mis en disso- lution dans l'alcool éthylique, l'alcool méthylique et l'éther éthylique absolus. 15. L'action désinfectante de solutions aqueuses de nitrate d'argent et de bichlorure de mercure est sensi- blement augmentée par l'addition de certaines propor- tions d'alcool éthylique, méthylique et d’acétone. 16, Le pouvoir désinfeclant de solutions aqueuses du phénol et d'aldéhyde formique diminue avec l'addition d'alcool éthylique ou méthylique, en quelque propor- lion que ce soil. 17. Le pouvoir désinfectant des sels métalliques est moins fort dans le bouillon, la gélatine, les humeurs organiques pures ou diluées dans l’eau que dans l'eau pure. Cette diminution tient vraisemblablement à une diminution de la concentration de l'ion métal dans la solution. 18. On ne peut tirer du pouvoir bactéricide d’une sub- stance une conclusion au sujet de son action stérili- sante vis-à-vis des microbes. 19. Il est vraisemblable que dans cette dernière la dissociation électrolytique des sels métalliques joue un rôle peu important et que tout se réduit à la concen- ration du métal dans le milieu nutritif. 20. 11 existe des relations générales obéissant à des lois déterminées entre la concentration et la toxicité des solutions de bichlorure. Il est probable que des rela- tions analogues s’observent dans les solutions d’autres corps. 21. L'action toxique des sels métalliques sur les cel- lules végétales vivantes est en relation avec le degré de dissociation électrolytique. $ 5. — Enseignement Cours du Muséum d'Histoire naturelle. — Les cours du Muséum auront lieu comme suit pendant l’année classique 1897-98. Cours de Botanique (Organographie et Physiologie végé- tales). — Professeur : M. Pu. Van Tiecnew. Mardis, jeu- dis et samedis, à 9 heures (semestre d'hiver). Cours d'Anatomie comparee. — Professeur : M. H. Fizxoz. Lundis, mercredis et vendredis, à 2 heures (semestre d'hiver). Cours de Zoologie (Reptiles, Batraciens et Puissons). — Professeur : M. L. Vaizzanr. Mardis, jeudis et samedis, à 10 heures (semestre d'hiver). Cours de Zoologie (Animaux articulés). — Professeur : M. E.-L. Bouvier. Lundis, mercredis et vendredis, à 10 heures (semestre d'hiver). Cours de Physiologie générale. — Professeur : M. N. GréHanT. Lundis, mercredis et vendredis, à 40 h. 1/2 (semestre d'été). Cours de Pathologie comparée. — Professeur : M. CHau- veau. Mardis, jeudis et samedis, à 2 heures (semestre d'hiver). Cours d'Anthropologie. — Professeur : M. E.-T. Hay. Mardis, jeudis et samedis, à 3 heures (semestre d'été). Cours de Physique appliqué à l'Histoire naturelle. — Professeur : M. H. Becouerez. Lundis, mercredis et vendredis, à 4 heure (semestre d'hiver). Cours de Botanique (Classification et familles naturelles). — Professeur : M. E. Bureau. Lundis, mercredis et ven- dredis, à 1 heure (semestre d'été). Cours de Chimie appliquée aux corps organiques. — Professeur : M. Arxaup. Lundis, jeudis et samedis, à 4 h. 1/2 (semestre d'été). Cours de Géologie. — Professeur : M. St. MEUNIER. Mardis et samedis, à 5 heures (semestre d'été). Cours de Minéralogie. — Professeur : M. A. Lacrorx. Mercredis et vendredis, à 4 h. 3/4 (semestre d'été). Cowrs de Physiologie végétale appliquée à l'Agriculture. — Professeur : M. P.-P. DenÉRaIN. Mardis et samedis, à 2 heures (semestre d'été). Cours de Zoologie (Mammifères et Oiseaux). — Profes- seur : M. Mizve-Eowaros. Lundis, mercredis et vendre- dis, à 2 heures (semestre d'été). Cours de Zoologie (Annélides, Mollusques et Zoophytes). — Professeur : M. E. Perrier. Mardis, jeudis et same- dis, à 1 h. 1/2 (semestre d'été). Cours de Paléontologie. — Professeur : M. A. Gaupry. Mercredis et vendredis, à 3 h. 1/2 (semestre d'été). Cours de Culture. — Professeur : M. MaxiME Cornu. Lundis, mercredis et vendredis, à 9 heures (semestre d'hiver). _ vs | | | » E. CAUSTIER — L'ÉTAT ACTUEL DU TRAFIC ET DE L'INDUSTRIE DE L'IVOIRE 809 | L'ÉTAT ACTUEL DU TRAFIC ET DE L'INDUSTRIE DE L'IVOIRE L'étude de l'ivoire intéresse à la fois la Zoologie, le Commerce, les Arts industriels, on pourrait presque dire aussi les Sciences sociales. Le com- merçant qui importe ce produit, l'industriel qui l'utilise, ont besoin d'en connaitre les origines, l'abondance relative et les qualités, et donc de se renseigner sur la distribution géographique des animaux qui le fournissent. Ces animaux sont : l'Eléphant, le Mammouth, le Morse, l'Hippopotame, le Sanglier, le Cachalot, le Narval; mais le plus important est assurément l'Éléphant. La capture de ce pachyderme, le trafic de ses dents ont mar- qué les principaux épisodes de la pénétration euro- péenne en Afrique. Pendant longtemps, en effet, le nègre et l’ivoire furent les marchandises les plus importantes de cette partie du monde. Aujourd'hui encore, l'ivoire constitue un des principaux objets du commerce du Centre de l'Afrique. Sous un faible volume, il représente, pour les caravanes, un produit de grande valeur. Or, c'est là la condition de toute exploitation, dans une région où le trans- port ne peut s'effectuer qu'à dos d'hommes : au Congo, par exemple, les marchandises ont, pour venir de l'intérieur à la côte, à supporter un fret susceptible de s'élever jusqu'à 2.000 francs la tonne! De là surtout le prix si élevé de l’ivoire vendu en Europe et ce fait, très curieux, que, dans l'in- dustrie qui l'emploie, les frais de la main-d'œuvre, même arlistique, sont presque insignifiants en regard du capital engagé dans l'achat. L'ivoire, cependant, en raison de sa structure, si différente de celle de la plupart des matières ouvrables, exige des procédés de travail très particuliers, une grande habileté de main et un outillage mécanique tout spécial. Cette dernière circonstance explique, comme nous le verrons, l’évolution que l'industrie de l'ivoire a subie en France depuis trente ans sous la double influence des Écoles d'Art de Paris et du perfectionnement | des machines. Nous nous proposons surtout, dans les pages qui vont suivre, d'indiquer le rôle des éludes scientifiques dans la série des spéculations qui, depuis la chasse en pays sauvages jusqu'au der- nier polissage de la pièce œuvrée, aboutissent à la | production d'objets en ivoire. I. — IVOIRES DES ÉLÉPHANTS ACTUELS. Nous étudierons successivement la distribution grands pachydermes, les pays où s'accumule leur ivoire et enfin les caravanes el les marchés indi- gènes dans l'intérieur des terres et sur les côtes. S 1. — Distribution géographique de l'Éléphant. L'Éléphant d'Asie et l'Éléphant d'Afrique cons- tiluent deux espèces distinctes qui ont chacune sa réparlilion propre !. L'Éléphant d'Asie habite l'Inde, l'Indo-Chine, Ceylan; il y est domestiqué; on l’emploie aux tra- vaux agricoles et industriels, aux transports et à la chasse aux fauves. Au Siam et au Cambodge, l'Éléphant sauvage est chassé. L'Éléphant d'Afrique est sauvage. Son habitat se restreint chaque jour. On ne le trouve plus au- jourd'hui que dans l’espace compris entre l'Océan Atlantique et l'Océan Indien, du 15° degré de lati- tude Nord au 20° degré de latitude Sud?. Cette ré- gion comprend (fig. 3, page 814) : les sources du Niger, où l'Éléphant semble isolé, l'Abyssinie, le Haut-Nil (Nil blane, Nil bleu), toute la zone équa- toriale de l'Afrique, l’arrière-pays des possessions portugaises (Angola et Mozambique), le Zambèze, et vient se terminer en pointe dans l'Afrique du Sud. L'Éléphant est particulièrement abondant sous l'Équateur, dans le bassin de la Sangha, de l'Ou banghi, du Congo, du Haut-Zambèze et dans la ! L'Eléphant de Sumatra serait, d'après Temmink, une espèce particulière. ? I1 semble démontré (Armandi, Histoire mililaire des Eléphants, 1863) que l'Eléphant africain existait à l'état sauvage dans le nord de l'Afrique lors de l'occupation romaine ; mais, pendant les quatre premiers siècles de notre ère, les empereurs romains en firent une telle consomma- tion pour leurs jeux de cirque, qu'il disparut vite. A une époque un peu plus éloignée de nous, cet Eléphant vivait dans le Sud de l’Europe et dans les îles de la Méditerranée, surtout à Malte. M. le Professeur Gaudry, en effet, consi- dère l'Elephas merudionalis comme l'aucétre pliocène de l'E. africanus, et le type de transition serait fourni par l'E. atlanticus qui est quaternaire. 11 a également disparu de l'Afrique du Sud; il n'existe plus au Cap; dans le bassin du Zambèze, où il abondait du temps de Livingstone, il düuninue chaque jour. C'est ainsi que, sur le Chiré, il existe une grande plaine dite de l'Eléphant marsh,où Livingstone avait compté des troupeaux de 800 Eléphantset dans laquelle, dit M. Foa, aucun représentant de celte espèce n'a posé le pied depuis dix ans. Partout l'Eléphant recule devant la marche envahissante de l'homme : ce n'est pas l’indigène qu'il craint, c'est plu- tôt la race blanche avec ses chasses et ses guerres, son commerce et son industrie. Il en est de lui comme des autres grandes espèces africaines : les progrès de la colo- nisation moderne font diminuer progressivement l'aire de dispersion des grandes espèces animales qui peuplaient jadis les vastes solitudes de l'Afrique et des Amériques, et qui bientôt, si l'on n'y prend garde, n'existeront plus qu'à géographique des Éléphants, la chasse faite à ces | l'état de souvenir historique. F} 1. — Dépôt des défenses d'Eléprants après les grandes chasses (chez un lrafiquant anglais à Zanzibar 4 E. CAUSTIER — L'ÉTAT ACTUEL DU TRAFIC ET DE L'INDUSTRIE DE L'IVOIRE | région des Lacs (Albert Nyanza, Victoria Nyanza _et Tanganyika). D'après M. le D' Trouessart, l'espèce africaine et l'espèce asiatique évilent les régions trop humides, . car, malgré l'épaisseur de sa peau (environ 4 cen- . timètres), l'Eléphant craint les moustiques; s'il s'approche souvent des rivières et des lacs, c'est pour se baigner ou se doucher avec sa trompe. Il peut s'élever à une grande hauteur sur les mon- tagnes : dans l'Inde, on l’a observé jusqu'à plus de 4.000 mètres d'altitude ; en Afrique, Van der Decker en a vu des traces sur la neige à 3.300 mètres. $ 2. — Chasse à l'Éléphant. Avant que l'Eléphant fût chassé pour son ivoire, il était déjà recherché par les indigènes, tant pour sa hair abondante que pour sa graisse, fort appré- ciée comme friandise ou comme cosmétique. Jus- qu'à l'ouverture du commerce du Nil blanc par l'expédition de Méhémet-Ali, les défenses n'étaient considérées que comme des os ordinaires et n’a- vaient par conséquent aucune valeur. En général, dans le pays où le chasseur ne pé- nètre pas ou pénètre peu, l'Eléphant vit à de- meure; dans les pays parcourus par les chasseurs, il voyage, car partout il y a danger pour lui. Les animaux eu marche se disposent en file indienne, le chef de troupe en tête et la trompe levée; lors- qu'ils cherchent leur nourriture, ils s'avancent de front et décrivent des pistes parallèles. S'ils se sentent en danger, ils ne se couchent pas; même fatigués, ils restent debout, appuyés contre un arbre, les défenses reposant sur les branches. Doués d'un odorat merveilleux, ils peuvent sen- tir l'homme à de grandes distances; dès lors, ils s’enfuient. De toutes les chasses, celle à l’Eléphant semble la plus dangereuse. La masse puissante de cet animal lui permet de se mouvoir jen forèt comme en plaine; de sorte que, blessé, il charge le chas- seur avec une rapidilé incroyable, et devient aussi terrible qu'il était timide !. La vitesse ordinaire d’un troupeau d'Éléphants correspond au pas accéléré de l'homme; leur trot équivaut au galop du cheval; quant à la charge, c'est une locomotive lancée à loute vapeur. La chasse à ces animaux diffère suivant qu'elle est faite par les indigènes ou les Européens. 1 Les femelles surtout, qui sont souvent dépourvues de défenses, montrent une méchanceté proverbiale. « Chasseur, qui apercois dans un troupeau une ou plusieurs de ces femelles, prends garde à toi : là est le danger; si elles sont en nombre, éloigne-toi à la hâte, aussi vite que tu le peux. » Le son de la voix humaine suffit, parait-il, pour faire entrer ces femelles en fureur. 811 ss 19 Chasse par les indigènes. — Les indigènes chassent l'Éléphant avec des pièges ou avec des armes. Au Congo el dans toute l'Afrique orientale, les nègres le caplurent au piège; ils creusent, sur le chemin suivi par les animaux pour venir s'abreu- ver, des fosses en forme de tronc de cône renversé; ces fosses sont habilement dissimulées par des branches, herbes, feuilles mortes, de sorte qu'il faut l'œil exercé d’un indigène pour en reconnaitre la présence. Lorsque l'Éléphant tombe dans un tel piège, ses pieds réunis dans le fond de l’entonnoir le condamnent à l'immobilité et les indigènes viennent le tuer à coups de sagaie. Souvent la pa- nique se met dans le troupeau, et d’autres ani- maux tombent dans les pièges voisins. Aussi Îes vieux males ne s'avancent-ils vers les abreuvoirs qu'avec d'infinies précautions; les victimes de ces pièges sont surtout de jeunes étourdis trop pressés d'arriver. Au Congo, les Mabendija et ies Basokos ulilisent un piège spécial : ils choisissent deux arbres situés de chaque côté d'un sentier d'Éléphants, puis, à cinq mètres du sol, ils les réunissent par une pièce de bois transversale portant un épieu en fer acéré etechargé d’un poids considérable. Cet épieu, main- tenu en place par une sorte de celiquet, se délache et s'abat sur l'animal, lorsque celui-ci heurte du pied une liane préparée ad hoc sur sa route. Souvent aussi les indigènes se servent de l'arme blanche. Au Congo, dans les plaines de l'Uelle, ils cernent l'Éléphant et lui jettent des lances et des sagaies, jusqu'à ce qu'il succombe. Les Okoas et les Babengas, ces nains chasseurs dont parlent les explorateurs de l'Afrique équatoriale, sont des plus adroits : ils suivent à la piste l'animal, et tâchent de le surprendre endormi pour lui crever les yeux ou l'atteindre aux endroits vulnérables. Parfois les indigènes chassent à cheval; un chas- seur se laisse poursuivre par l'Éléphant, landis qu'un second poursuit l'animal; à un moment donné, ce dernier saute de sa monture et plonge une lance dans l'abdomen ou coupe le jarret. Les armes à feu sont aussi utilisées par les indi- gènes; mais ceux-ci, peu adroits, criblent souvent l'animal de balles de fer en des endroits peu dan- gereux. Il n'est pas rare de trouver un certain nombre de balles de fer sous la peau de la bète. M. Peseneski en a tué une sous la peau de laquelle il a trouvé 111 balles. Les usages veulent que, lorsqu'un chasseur noir tue un Éléphant, il donne au chef du territoire sur lequel l'animal a été tué, la défense qui touche à terre et une jambe. Aussi les indigènes, chef en tête, viennent toujours réclamer celte part de bu- tin : o dente da terra, comme disent les Portugais. 812 Dans l'Inde, les indigènes capturent souvent les Éléphants à l'aide de leurs frères domestiqués : c'est ainsi qu'une femelle privée, poussant le cri d'amour, peut altirer le mâle, qu’on capture en- suile. Avec la collaboration d'Éléphants domes- tiqués, on arrive à capturer des troupeaux entiers en les amenant habilement dans des enceintes bordées de pieux. 2° Chasse par les Européens. — L'Européen chasse au fusil. L'Éléphant d'Afrique a la tête construite de telle facon qu'il est presque impossible de tuer l'animal en le visant au front, car la balle passe au-dessus du cerveau quand elle ne se loge pas | dans les os el les cartilages où sont implantées les défenses. Aussi vise-t-on plutôt au cœur; l'ani- mal, ainsi frappé, meurt en quelques minutes. Dès que la détonation se produit, l'Éléphant charge sur la fumée; aussi le chasseur doit-il faire un bond de côté et sous le vent : une seconde de retard peut lui coûter la vie. L'animal tué, il faut enlever les défenses, opéra- lion assez délicate, car elle consiste à découper à la hache toute la parlie de la mâchoire qu'en- châsse la dent; puis, lorsque celle-ci est détachée, on enlève la partie osseuse qui y adhère en ayant soin de respecter l'ivoire. $ 3. — Protection de l’Éléphant. Nous verrons plus loin que l’on peut estimer à environ 800 tonnes la quantité d'ivoire qui arrive chaque année sur les marchés européens. Si l’on estime à 10 kilos le poids moyen d'une défense, ce chiffre représenterait 80.000 défenses, et par suite 40.000 Éléphants'. Ce serait donc à bref délai la disparition de cette espèce si l’on ne met un frem au massacre. Il y aurait pour cela trois moyens : la réglementation de la chasse, la réglementalion de la vente de l'ivoire, et surtout la domesticalion de l'Éléphant africain. 1° Réglementation de la chasse. — Le roi Léopold a voulu réglementer la chasse dans l'État indépen- dant du Congo, mais ses agents ont été les pre- miers à ne lenir aucun compte de cet arrêté. En réalité, le roi des Belges, devenu le plus grand Il est certain qu'un grand nombre de défenses pro- viennent de stocks africains représentant souvent plusieurs années de chasse : tel l'ivoire accumulé par Emin-Pacha dans le Haut-Nil. Mais il faut tenir compte, d'abord, de livoire qui arrive directement dans les ports européens et américains sans passer par les ventes aux enchères; ensuite, il ne faut pas oublier que le chasseur est souvent obligé, pour avoir les défenses d'un Eléphant adulte, de tuer les jeunes qui l'accompagnent et qui le chargeraient. De sorte que le chiffre de 40.000 Eléphants tués chaque année ne semble pas exagéré, E. CAUSTIER — L'ÉTAT ACTUEL DU TRAFIC ET DE L’INDUSTRIE DE L'IVOIRE marchand d'ivoire, hésite à priver l'État du Congo d’un de ses plus gros revenus. De même, les Anglais et les Allemands ont tenté d'établir, dans l'Afrique orientale, des zones de protection. Mais il parait bien difficile de sur- veiller ces réserves. 2° Réglementation de la vente de l’ivoire. — Un explorateur français, M. Lionel Dècle, a proposé, au Congrès de Géographie tenu à Londres en 1895, la conclusion d'une convention internationale d'après laquelle on n’admettrait sur les marchés européens que les défenses atteignant un certain poids. Ce vœu a été renouvelé par M. Bourdarie au Congrès colonial de Bruxelles en août 1897, De cetle facon les jeunes animaux échapperaient au massacre et auraient le temps de se reproduire. Mais ce remède, assurément supérieur au précé- dent, serait encore insuffisant. 3 Domestication de l'Éléphant africain. — La domestication de l'Éléphant africain nous semble donc être le moyen le plus efficace pour empêcher la disparition de cette espèce. C’est celte voie que suivent les Allemands au Cameroun; c’est celle que M. Bourdarie *? va suivre dans notre colonie du Congo. Sous les auspices de la Société d’'Acclimata- lion, M. Bourdarie a su grouper en un Comité de nombreuses personnalités scientifiques et coloniales entièrement dévouées à cette question ; et prochai- nement, ulilisant la mission que lui a confiée le Minislère des Colonies, il ira établir au Congo français une ferme d'essai, dont nous attendons de bons résultats. La domestication de l'Éléphant aurait un double avantage : elle conserverait cet animal et, par suite, l'ivoire, et, de plus, elle faciliterait la pénétration et l'exploitation du continent africain. La science et la colonisation y trouveraient chacune son compte. $ 4. — Pays d'origine de l’ivoire d'Éléphant, Caravanes et Marchés indigènes. Bombay exporte en Europe une quantité consi- dérable d'ivoire d'Éléphant, mais la plus grande partie de cet ivoire provient de l'Afrique Orientale, en particulier de Zanzibar. L'ivoire de Siam est très rare sur le marché européen; il est surtout recher- ché par les Chinois et les Japonais pour leurs sculptures. L'ivoire importé en Europe provient done pres- que entièrement d'Afrique. Le poids total fourni 4 BouRDARIE : La domestication de l'Eléphant d'Afrique, Bull. de la Soc. nat. d'Acclim., 1896 et 1897. 813 L'IVOIRE ET DE L'INDUSTRIE DE DU TRAFIC E. CAUSTIER — L'ÉTAT ACTUEL "ADQIEUDZ D A0, 9P AY2UPN — 4 814 E. CAUSTIER — L'ÉTAT ACTUEL DU TRAFIC ET DE L'INDUSTRIE DE L'IVOIRE par ce pays serait de 800,000 kilogrammes, se davantage dans le continent africain, de nouveaux répartissant de la façon suivante : ossuaires d'Éléphants. On peut grouper les pays Zanzibar 00 00 ne d'origine en trois calégories : 1° ceux de l'Est afri- Mozambique. … stone cain; 2 ceux de l'Ouest; 3 l'Egypte et le Sou- Gabon, Cameroun, Lagos . 715.000 — : Niber nn ONE ARIE 15.000 — dan Egyptien. > TIT Ê SZ BAHR ELGHAZAL LIN PET £tats rndeperdants à x France Zone d'influence franc® à l'Angleterre à L'Allemagne a l'Italre. au Fortugal a la Turquie. Lrrmites d'Etats Capitales Villes importantes Echelle : 56-600 000 Hiometres o 500 1000 EMichiels del Fig. 3. — Curte schémalique pour suivre la description des origines el du trafic de livoire en Afrique. Loanda, Benguela . . . . . posts kilos. | 1° Est africain. — La plus grande partie de LC Ro tonte ec HUIX — GO A0 CT : Ê FE SR Re TE NE. l'ivoire africain est exportée par Zanzibar et Mo- Côte,de la mer Rouge. . . 50.000 — sambique : celui de Zanzibar provient de la région des Grands Lacs, des possessions anglaises el alle- Les pays de production ne sont pas tous con- mandes, et de l'État indépendant du Congo; celui de nus, car on découvre chaque jour, en pénétrant | Mozambique vient du bassin du Zambèze (fig. 3). Totale tte 800.000 kilos. E. CAUSTIER — L'ÉTAT ACTUEL DU TRAFIC ET DE L'INDUSTRIE DE L'IVOIRE D'après M. G.-F. Scott Elliot !, les Éléphants abondent dans le Rouvenzori, dans l'Afrique orientale anglaise près du Congo belge; ce voya- geur à pu voir une fois rassemblés une centaine d'Éléphants ; plus souvent ces animaux marchent par peliles troupes de 3 à 7. Ils abondent aussi dans le pays de Wanyema et sur le bord des rivières se jetant dans le lac Albert, Aussi, dit M. Scotl, un service de bateaux sur le Victoria Nyanza permettrait de se procurer facilement l’ivoire de ces deux régions ?. Les défenses d'Éléphants abondent tellement dans le pays du Gnoro (Lac Albert), qu'elles y for- ment, d'après S.-W. Baker, de véritables mines : l'ivoire n’est pas emmagasiné, il y est enterré. Baker trouva un jour une quantité d'ivoire qui né- cessita 100 porteurs (environ 15.000 kilos). .Un peu plus vers l’est, l'Éléphant se rencontre moins. À l'est du lac Tanganyika, il n’en existe plus. M. Scott doute qu'il y en ait encore dans la zone d'influence allemande, sauf vers le Kilima-Ndjaro. En somme, ces régions écoulent surtout le stock d'ivoire qui y était accumulé. Les Arabes trafiquants d'ivoire ont établi leur centre d'opérations à Oudjiji, sur les bords du lac Tanganyika. De là, ces hommes à l'esprit commer- cial et aventureux rayonnent dans tout le centre de l'Afrique. Chaque Arabe est le chef d’une bande qui pille l'ivoire, qui s'empare des nègres pour les négocier plus loin. Toutes les caravanes venant du Centre africain aboutissent à Bagamoyo (fig. 3), sur la côte, pour passer ensuite à Zanzibar, où viennent s'entasser toutes les richesses en ivoire. Bagamoyo, placé depuis 1890 sous le protectorat allemand, pourrait voir bientôt son commerce se déplacer, car le Parlement anglais vient d'approuver un projet de voie ferrée de Monbaza au lac Victoria. A Zanzibar, le commerce est exercé par des Hindous, musulmans ou bouddhistes, placés sous le protectorat des Anglais. Ces marchands, dont cer- tains passent pour millionnaires, revendent très chér l'ivoire qu'ils achètent à bon comple aux Arabes ; ils avancent aux traitants arabes, moyen- nant de gros intérêts, les sommes nécessaires à leur trafic. Aussi, bien souvent, le trafiquant d'ivoire, en laissant accumuler à des taux usuraires 1 Proceed. Zool. Soc. London, 1895. ? C'est, du reste, dans ces parages qu'opérait, en ces der- nières années, le négociant anglais Stokes avec des cara- vanes considérables. Quelque temps après sa pendaison, une première caravane de porteurs avait regagné l'Afrique allemande, ramenant la « femme noire » de l'ex-mission- naire, avec un chargement d'ivoire d'un million de francs, appartenant à son ancien chef. Une seconde caravane, plus importante encore, a suivi de près. 815 les intérêts de ses emprunts, contracte des dettes qu'il lui est impossible d’acquitlter. Zanzibar est le marché le plus important de la côte orientale (fig. 1 el 2); et, comme on le rappe- lait dans celle Æevue !, les nègres expriment ce fait sous une forme pittoresque : « Quand on danse dans l'Afrique orientale, c’est qu'on joue de la flûte à Zanzibar. » Tout l’ivoire accumulé à Zanzibar est envoyé à Bombay, pour être expédié ensuite à Londres. S'il ne prend pas directement la roule de Londres, c'est que de nombreux bateaux relient Zanzibar à Bombay, alors qu'entre Zanzibar et Londres le service est moins aclif. Les Allemands ont aujour- d'hui des services réguliers et rapides entre Zan- zibar et Hambourg. Mozambique exporte une quantité d'ivoire assez considérable vers Lisbonne et Londres. Le Cap, qui fournissait environ 50 tonnes d'ivoire, il y a une quinzaine d'années, n’en exporte plus, depuis 1894, que 1.000 kilos à peine. En somme, le commerce de l'ivoire sur la côte orientale tend à péricliter. Nous allons voir que ce commerce subit un mouvement inverse sur la côte occidentale. 20 Quest africain. — Les principaux pays de pro- duction de l'Ouest africain sont : la Guinée, Sierra- Leone, Niger et Bénoué, Cameroun, Congo, An- gola (fig. 3). Bien que l'Éléphant ait disparu de la Guinée et de la Côte d'[voire, il arrive encore, dans ces ré- gions, un peu d'ivoire provenant du Soudan méri- dional et du Haut-Niger. C’est ainsi qu'à Aonakry arrivent denombreuses caravanes, venant du Fouta- Djalon et de la boucle du Niger; ces caravanes, chargées surtout de caoutchouc, d'or, d'ivoire et de gomme, préfèrent descendre à la côte. par un chemin commode et sûr, plutôt que de gagner le Sénégal ou la Côte d'Ivoire, à travers les peuplades belliqueuses du Soudan : d’où l'importance chaque jour plus grande de notre possession de Konakry. Sierra-Leone exporte aussi de l'ivoire; il y a quelques mois, un vapeur anglais embarquait, dit- on, 1.500 paires de défenses, provenant des États de Samory et ayant servi à payer des armes et des munitions. Les régions du Viger, de la Bénoué et du Came- roun (fig.3),exportent beaucoup d'ivoire par Lagos ; la plus grande partie vient de l'Adamaoua. Au Congo français, lÉléphant est encore abon- dant, surtout de Brazzaville à Liranga, à l’'embou- chure de l'Oubanghi; de même, de Liranga à. Bangui et dans le Haut-Oubanghi. Dernièrement 4 H. Denéran : Les Anglais à Zanzibar, Revue gén. des Sciences, 30 octobre 1596. 816 E. CAUSTIER — L'ÉTAT ACTUEL DU TRAFIC ET DE L’INDUSTRIE DE L'IVOIRE le Commissaire du Gouvernement francais disait que l'ivoire allait s'accumulant dans les districts de Rafaï et de Bangassou, à tel point que les indigènes se plaignaient de ne plus trouver d'acheteurs. Au nord du Congo français, dans la Haute-Sangha: la région de la Mambéré (fig. 3) fournit la kola et l’ivoire qui approvisionnent les marchés de N'Gaoundéré (Adamaoua) et d’Yola (sur la Bénoué), où la Æoyal Niger C° a des pontons. Il serait im- portant pour notre colonie du Congo de détourner ce commerce vers le sud et vers nos marchés de la | zibar. La plus grande partie est exportée pour Anvers, qui est devenu le plus grand marché d'ivoire européen. L'ivoire d'Angola est aussi très apprécié; il est exporté par les ports d'Ambriz et de Benguela. En résumé, les exportations de toute la côte occidentale d'Afrique ont été les suivantes, de 1890 à 1895 : ASE EE 293.000 kilos. SUR Éd van Dot 274.000 — ASP EE TE 321.000 — É ERhadane: S — Vendouf CBojadeor Q° a TRIPOL} Preetown-\ NI SERRE LÉONE NS X. NS NN Re R BORA ElFacher Kilometres NN RSR INK a 400 600 800 1000 E.Michiels. del Fig. 4. — Carle des caravanes trans-sahariennes qui font presque toutes le commerce de l'ivoire. côte congolaise.— Notre colonie du Congo à exporté en 1896, d’après le Journal officiel du Congo fran- cais, 9.161 francs d'ivoire pour la France el 85.897 francs pour l'Étranger; au total 95.058 fr. L'Etat indépendant du Congo fournit une quan- tité considérable d'ivoire. Voici les quantités ex- portées pendant les six dernières années : ROSE ES AE RE Ad 184.000 kilos. 1891 172.000 — LMD A nr ae CS ae 204.000 — 1893 311.000 — LBILACE EURE 232,000 — 1895: “M EN 340.000 — Une partie de cel ivoire est exportée par Zan- Î NB ARC END D RL 0 dE 330.000 kilos. OS LOST EMA EME 328.000 — RÉ PEEME BMENC. ET 435.000 — 3 Égypte et Soudan Egyptien. — Dans la partie du Soudan comprenant le Bornou et le Haoussa, l'Éléphant se fait rare; il est plus fréquent à l'est du Tchad. Les caravanes qui exploitent ces régions (fig. 4) partent de Kano et de Kouka, pour se diriger, à travers le désert, vers les salines de Bilma et Ghât et aboutir à Tripoli; d'autres caravanes, provenant de l'Ouadaï et du Baghirmi, prennent à peu près celte même route, arrivant à Tripoli par Mourzouk ; d'autres enfin, venant du Soudan oriental et en E. CAUSTIER — L'ÉTAT ACTUEL DU TRAFIC ET DE L'INDUSTRIE DE L'IVOIRE 817 _ particulier du Darfour, arrivent à Benghasi. Ces caravanes, qui exportent surtout de l'or, de l’ivoire et de la gomme, partent généralement à l'automne, et leur voyage peut durer plusieurs années. Les caravaniers, parfois associés avec les négociants tripolitains, ne sont, le plus souvent, que les man- dataires de ceux-ci, au bénéfice desquels ils hypo- thèquent leurs biens fonciers comme garantie. Tripoli et Benghasi exportent en moyenne par année 50 à 60.000 kilos d'ivoire. Les Anglais par la Bénoué et le Niger, les Allemands par le Cameroun, et les Français par la Sangha et le Logone (fig. 3), s'efforcent de détourner le trafic soudanais, mais ils ont à lutter contre l'influence arabe, qui est considérable. L'ivoire récolté au Soudan Égyptien et dans l'Afrique centrale (Niam-Niam et Dar-Ferlit) (fig. 3) est exporté par le Nil, débouché naturel de ces régions. Depuis 1884, le Soudan Égyptien a échappé à la domination égyptienne, et, livré au régime de l'arbitraire par le Khalife Adullah, suc- cesseur du Mahdi, il n’attire plus les négociants égyptiens; aussi les relations commerciales, si actives jadis entre l'Égypte et le Soudan oriental, par la vallée du Nil, sont presque nulles aujour- d'hui. L'exportation annuelle de l'ivoire s'est abaissée de 200.000 kilos à 40.000. Il est intéressant de suivre l’évolution du com- merce de l'ivoire dans ces régions : le commerce fut libre jusqu'en 1874, époque à laquelle le Gou- vernement Égyplien eut le monopole de l'ivoire: il le conserva jusqu'à la révolte des Mahdistes en 1883. D'après M. L. Vossion !, ancien consul de France à Khartoum, voici comment se pratiquait le com- merce libre de l'ivoire : À la saison des pluies (octobre), des compagnies se formaient pour la chasse aux Éléphants et l'achat des défenses aux nègres: elles emportaient des armes, des ballots de manufacture anglaise, des baguettes el anneaux de cuivre, de la verroterie de Venise, des alcools, etc. Malheureusement ces chasseurs d'Éléphants deve- naient presque toujours des chasseurs d'esclaves ; ils enlevaient de vive force les hommes et le bétail d'une tribu; puis ils revendaient ce bétail à une autre tribu contre de l'ivoire acquis ainsi à bon et il est certain que ce décret n'a pas élé étranger aux troubles financiers d’abord, politiques ensuite, qui ont ruiné ce pays. C’est ainsi qu'avant le décret, les quantités d'ivoire provenant chaque année des divers négociants établis sur le Nil blanc et le Bahr-el-Ghazal s’élevaient à environ 207.000 kilos, qui, au prix moyen de 20 francs le kilo, donnaient 4.140.000 francs. Et cet ivoire, fait important, était payé non pas en argent, mais entièrement en pro- duits manufacturés (colliers de perles, verroterie, quincaillerie, draps, elc.). Tandis qu'après le décret, le monopole de l'ivoire existant, la quantité d'ivoire exportée fut à peine de 50.000 kilos, c’est-à-dire le quart de ce qu'elle était auparavant. Pendant l'application de ce monopole, environ la moitié de l'ivoire élait reçue en paiement de l'impôt, et le reste était acheté directement par les chefs des troupes au service du Gouvernement, soit aux tribus nègres du Bahr-el-Ghazal, soit aux tribus établies dans la vallée du Nil jusqu'aux lacs Albert et Victoria Nyanza. Cet ivoire était centra- lisé à Lado-Gondokoro (fig. 3), localilé située sur le Haut-Nil et résidence de Gordon-Pacha, gouver- neur général des provinces équatoriales. compte (20 vaches pour une grosse défense), sans compter les esclaves, dont ils trafiquaient directe- ment. Pour supprimer ces abus, le 18 Mars 1874, Gor- don-Pacha décréta que le Gouvernement aurait le monopole de l'ivoire, que la navigation du Nil blanc et l'entrée dans les provinces équatoriales étaient défendues. Dès lors, le commerce périclita ; 4 L. Vossiox : Le Commerce de l'ivoire à Khartoum et au Soudan Egyplien, 1892. A l'époque des hautes eaux du Nil (août et sep- tembre), des vapeurs venaient charger l'ivoire à Gon- dokoro pour l'amener à Khartoum, qui est le marché général pour la vente et l'exportation. Là, l'ivoire élait classé (fig. 5) en deux catégories suivant sa provenance : l'un, plus tendre, venant de l'Equa- teur; l’autre, plus dur, venant du Bahr-el-Ghazal. En moyenne, il y avait un tiers du premier pour deux tiers du second. L'ivoire était ensuite déposé dans des chounas où magasins du Gouvernement; et là des experts subdivisaient les deux sortes d'ivoire en cinq classes suivant leurs qualités. Le tableau I (page 819) résume une vente d'ivoire faite à Khartoum en Mai 1881. Cette vente avait lieu aux enchères et par sou- missions cachetées. Le prix moyen était d'environ 20 francs le kilo’. Au moment de la révolte du Mahdi, l'ivoire amassé dans les provinces équatoriales par Lupton- Bey et surtout par Emin-Pacha, passa entre les mains des Mahdistes, pour être éparpillé ensuite. 1 L'ivoire était ensuite emballé dans des peaux de bœufs cou- sues solidement, et chaque colis, pesant environ 412 kil. 500, réprésentait la moitié de la charge d'un chameau. De Khar- toum à Berber, le transport se faisait sur le Nil, par des barques jaugeant de 35 à 40 tonnes et coûtait envion 4 francs à 4 fr. 75 les 100 kilos. De Berber à Souakim, il était porté à dos de chameau, et le transport coûtait de 12 à 46 fraucs les 100 kilos. Enfin, à Souakim, les marchandises étaient embarquées pour Londres sur les navires de la Brilish India Company. Une faible quantité d'ivoire était dirigée vers Le Caire par la voie suivante : de Berber à Abou-Hamed, d'Abou-Hamed à Korosko à travers le désert de Nubie, de Korosko à la première cataracte du Nil, et enfin d'Assouan au Caire par barque. CAUSTIER — L'ÉTAT ACTUEL DU TRAFIC ET DE L'INDUSTRIE DE L'IVOIRE E. 818 . — Triage des dé fenses d'Éléphant dans la région de Khartoum. E. CAUSTIER — L'ÉTAT ACTUEL DU TRAFIC ET DE L'INDUSTRIE DE L'IVOIRE 819 Il semble qu'une certaine quantité de cet ivoire a été drainée par le Congo belge, ce qui expliquerait les énormes arrivages de ces dernières années sur le marché d'Anvers. S'il est incontestable que le commerce de l'ivoire avait produit, dans le Soudan Egyptien, une recru- descence de la traite des noirs, il semble cependant qu'il serait possible, sans faire renaïtre ce regret- Tableau I. régions. Un chemin de fer va être construit entre Djibouti et Harrar. C'est en développant l'importance de Djibouti que nous pourrons lutter contre les Italiens, qui dérivent le commerce du Nord de l'Ethiopie vers Massaouah, et contre les Anglais qui ont Zeïla et surtout Berbera en face d'Aden, points où se traitent d'importantes affaires d'ivoire. — Vente d'Ivoire à Khartoum en 1881. PROVENANCES QUALITÉS Belles, blanches, sans défaut (35 à 200 rotolis). . à 35 rotolis) Dents plus petites (1 à 15 rotolis) Quelques défauts (15 Equateur , | 4. Dents encore plus petites (1 à 7 rotolis) . Dents altérées par le soleil et l'humidité. Belles, blanches, sans défaut (35 à 200 rotolis). . Quelques défauts (15 à 35 rotolis) Dents plus petites (7 à 15 rotolis). Dents encore plus petites (1 à 7 rotolis) È el et l'humidité . Bahr-el-Ghazal. . . Dents altérées par le Totaux. NOMBRE POIDS DE DÉFENSES | (100 rotolis — { cantar — 45 kilos) | cantars rotolis table trafic, d'ouvrir un débouché à l’activité de la population ; mais c’est là une question qui sortirait du cadre restreint de ce travail. Je voudrais cepen- dant indiquer qu'il serait fort important pour le commerce français de faire dériver les produits des provinces équatoriales et du Haut-Nil vers notre port de Djibouti (fig. 6). AMHA CA _2Gondar ébra Tabor TE REZ ABYSSINIE . GODJAM Ë = LE" GALLA à en - BE S _—. $ A Æodelphe E Michiels Fig. 6. — Carle montrant les relations de l'Ethiopie méri- dionale et du Protectorat français d’'Obok. — Le trafic de l'ivoire dans ces régions pourrait être facilement détourné vers Djibouti. Par sa situation, ce port est le débouché naturel de l'Ethiopie méridionale (Harrar, Choa) : déjà des caravanes partent quotidiennement de Djibouti pour le Harrar, qui est le point de transit de ces II. — IVOIRES DE DIVERSES ORIGINES. D'autres animaux que l'Eléphant produisent de l'ivoire : tels sont le Mammouth, le Morse, l’'Hippo- potame, le Sanglier, le Cachalot, le Narval. Enfin un Palmier fournit l’ivoire végétal, qui à une certaine importance commerciale, et l’industrie fabrique des ivoires artificiels (simili-ivoire, cel- luloïd, etc.). $ 1. — Ivoire de Mammouth. Le Mammouth (Zlephas primigenius) est un Elé- phant contemporain des premiers hommes et dont il a été découvert, en 1799, un cadavre parfaite- ment conservé dans le sol gelé de la Sibérie, à l'embouchure de la Léna. Depuis, de nombreux cadavres furent trouvés intacts, recouverts de leur cuir et de leur toison. fenses du Mammouth étaient plus longues et plus contournées que celles des Eléphants actuels. L'ivoire provenant de cet animal complètement disparu est connu sous le nom d'ivoir e fossile. Certaines îles de la région arctique, en particu- lier dans l'archipel de la Nouvelle Sibérie (fig. 7), sont de véritables ossuaires de Mammouths. Nor- denskiold a vu, dans ces îles, des bancs de sable remplis d'os et de défenses de Mammouths. Chaque année, au printemps, des chercheurs d'ivoire, venant de la Sibérie septentrionale, se rendent, sur des trai- neaux, dans ces îles du sud de l'archipel et revien- nent, en automne, toujours chargés d’une riche parfois même Les dé- 820 moisson; ils recueillent sur les bancs de sable cet ivoire, qui y est probablement rejeté par les tem- pêtes et les glaces flottantes d'automne. On trouve même, dans l'intérieur des iles, des collines entiè- rement couvertes de restes de Mammouths, de Rhinocéros, de Bisons, etc. À une exceplion près, Nordenskiüld n’a pas vu de traces de Mammouths sur la côte nord de la Sibérie. Cet ivoire fossile est très utilisé en Russie: on fabrique à Tobolsk des figurines et différents objets avec cette malière. À cause des grandes dimensions de la défense, cet ivoire est parfois recherché pour certaines œuvres arlistiques. À une époque assez re- culée, le Mammouth fournissait presque la moitié de l'ivoire des marchés. Sa consommation ne dépasse guère aujourd’hui les régions septentrionales. E. CAUSTIER — L'ÉTAT ACTUEL DU TRAFIC ET DE L'INDUSTRIE DE L'IVOIRE Spitzhberg septentrional et oriental. Quelques na- vires de Mezen (Russie) et de Vardü (Norvège) vont également à la chasse de cet animal. Enfin, sur la côte nord de Russie, de la mer Blanche à la Pet- chora, les indigènes en capturent au printemps lorsque la mer est encore couverte de glace. Dans ces régions, le Morse, autrefois très abon- dant, est en voie de disparition : il a été exterminé de la côte ouest du Spitzberg; on ne le trouve plus aujourd'hui que sur les côtes N.etE. au milieu des glaces. En Russie, le principal marché pour l’ivoire de Morse est Solombola, faubourg d'Arkangelsk (fig. 7). On y fabrique des jeux d'échecs et des figurines. Les produits de la chasse des Norvégiens sont, au contraire, exportés à Londres et à Hambourg. Il 80 É: KE TE François- Joseph A KROACN TV T. ONCE NleSiberie E Michiels Fig. 7. — Carle schémalique pour suivre la descriplion des gisements d'ivoire fossile et de la chasse au Morse dans les régions polaires. $ 2. — Ivoire de Morse. Le Morse est un Mammifère marin dont la mà- choire supérieure présente deux canines, qui peu- vent atteindre 60 à 80 centimètres de longueur. Ces défenses servent à l'animal pour se hisser sur les bancs de glace ou pour arracher du sable certains Mollusques dont il se nourrit; elles sont d'abord creuses, puis elles deviennent massives et peuvent peser 8 à 10 kilos. Les Morses, qui vivent par troupes nombreuses, sont chassés pour leur huile, leur peau et leur ivoire. À terre et sur la glace, l'animal a des mou- vements lents : aussi il est facile de le tuer à coups de lance ou au fusil; en mer, il est harponné à l’aide d'embarcations semblables à celles qui ser- vent à la pêche de la Baleine. Cette chasse est dan- gereuse, car le Morse blessé est secouru par ses compagnons qui se précipitent sur la barque et peuvent la faire chavirer. Les principaux centres de production de cetivoire sont Arkangelsk en Russie, Hammerfest et Tromsü en Norvège (fig. 7), San-Francisco en Amérique. Les Russes vont poursuivre le Morse sur la côte ouest de la Nouvelle-Zemble (fig. 7); les Norvé- giens vont autour de celte terre et dans les eaux du arrive chaque année, sur le marché de Londres, envi- ron 10.000 kilos de cet ivoire, qui est recherché pour la petite tabletterie et les manches de couteaux. Le prix de cet ivoire a augmenté dans les ports nor- végiens; à Hammerfest, M. Ch. Rabot ! a constaté que, de 1880 à 1890, le prix avait plus que doublé. En Amérique, les baleinières de Peterhead vont caplurer les Morses dans la mer de Baffin et le dé- troit de Davis; mais c'est surtout dans la mer de Behring et le Pacifique nord que vont opérer les Canadiens et les Américains. Le Morse qui vit au delà du détroit de Behring différerait de celui de l'Atlantique par ses défenses plus longues et plus minces, convergeant davantage l’une vers l’autre, et par son museau plus large et sa taille plus grande. Gerlains zoologistes en font même une espèce particulière. Voici quel est son habilat : vers l’ouest, la côte septentrionale de l'Asie jusqu'à l'embouchure de la Kolyma; sur la côte est quel- ques Morses s'égarent jusqu'au Kamschatka, mais c’est surtout aux iles Aléouliennes et en particulier à l'île Pribyloff qu'ils sont abondants. Les baleiniers 1 Je dois des remerciements à M. Ch. Rabot qui, avec sa compétence des choses arctiques, m'a fort obligeamment fourni ces renseignements. E. CAUSTIER — L'ÉTAT ACTUEL DU TRAFIC ET DE L'INDUSTRIE DE L'IVOIRE ne les chassèrent pas d'abord; mais, les Cétacés se faisant rares, les Morses ne furent plus dédaignés et furent détruits en quantité si énorme qu'on peut en craindre la disparition rapide. De 1873 à 1877, San Francisco a reçu environ 80.000 kilos d'ivoire. On estime qu'en 1879, 30.000 à 40.000 Morses ont été tués dans ces parages. Il est certain que, si des mesures préservaltrices ne sont pas prises, le Morse aura bientôt disparu du Pacifique. ne 3, — Ivoire d'Hippopotame L'Hippopotame a les incisives et les canines inférieures très développées; ces dernières peu- vent alleindre un mètre chez le mâle et peser 6 à 7 kilos. Son ivoire était recherché pour faire des dentiers à cause de sa blancheur et de sa dureté, mais, depuis la vulcanisalion du caoutchoue, il est complètement délaissé ; Landis qu'il valait jusqu'à 35 francs le kilo, il est vendu aujourd'hui 5 francs au maximum. $ 4. — Ivoires de Sanglier, Phacochère, Cachalot et Narval. Le Sanglier, et en particulier le Phacochère qui vit en Afrique, fournissent une faible quantité d'ivoire. Le Cachalot fournit une certaine quantité d'ivoire, utilisé pour la petite tablelterie et les manches de couteaux, mais surtout en Angleterre. Cet animal n'a de dents qu’à la màchoire inférieure, et celles- ci, qui sont assez développées, sont recues dans des fossettes gingivales de la mâchoire supérieure. Le Narval n'a qu'une défense, qui se rencontre du reste plus souvent dans les musées que dans l'industrie. Cette défense est une incisive de la mächoire supérieure. Chez l'embryon ! la mâchoire supérieure a quatre dents : les deux postérieures, qui sont rudimentaires, tombent bientôt, tandis que les deux autres se développent, surtout chez le mäle; c'est généralement l'incisive gauche qui s'accroit. Ce puissant développement a pour cause la persistance de la cavité pulpaire qui se continue jusqu'à l'extrémité de la défense, permettant ainsi l'arrivée des vaisseaux sanguins. $ 5. — Ivoire végétal. Souvent l'ivoire animal est remplacé dans le commerce par un ivoire d’origine végétale et qui est connu sous le nom de corozzo. C’est l'albumen de la graine d’un petit palmier de l'Amérique du Sud, le Phytetephas macrocarpa; les indigènes nomment souvent cette graine cabeza di negro (tête de nègre). Ces graines arrivent en quantité consi- dérable en Angleterre et en Belgique, où de nom- breuses usines les emploient, de même qu’en Alle- 1 E, L. Bouvier : Les Célacés souffleurs, 1889. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897. 821 magne et en France, pour la fabrication de: petits objets. Prise à Anvers, la centaine de graines coûte environ 4 francs, et par suile le kilo d'ivoire végé- tal revient à peine à 10 francs. Il n'est guère possible de distinguer l’ivoire vérilable de l'ivoire végétal, autrement que par un procédé chimique : l'acide sulfurique produit au contact de l'ivoire végétal, au bout de 10 à 15 mi- nutes, une coloration rose, qu'un lavage à l'eau fait disparaître ; tandis qu'il n’y a aucune colora- tion avec l’ivoire animal. $ 6. — Ivoires artificiels. L'ivoire naturel étant une matière rare et par conséquent chère, l'industrie a fabriqué des ivoires arliticiels. Parmi ceux-ci le plus répandu est le celluloïd. Un seul exemple fera comprendre l'im- portance de cette concurrence faite à l’ivoire ani- mal : un Christ, qui se vendra 200 francs s’il est en ivoire, ne vaudra plus que 10 francs s’il est en cel- luloïd. Pour tout ce qui est objet de luxe, le celluloïd est cependant peu apprécié, malgré son bon mar- ché, car il se déforme très rapidement. III. — TRAFIC DE L'IVOIRE EN EUROPE. LES PRINCIPAUX MARCHÉS. Les principaux marchés européens sont Londres, Liverpool et Anvers. D'importantes affaires d'ivoire se traitent à Hambourg, mais une grande partie a passé par le marché de Londres. Les mercuriales publiées par les maisons Lewis et Peat, Hale et Son, de Londres, H. et G. Willaert, d'Anvers, Meyer, de Hambourg, nous ont permis de dresser le tableau II où sont représentées en kilos les quantités d'ivoire importées sur marchés !. ces Tableau II. — Importations de l’Ivoire à Londres, Liverpool et Anvers. ANNÉES 1892 1893 1894 1895 | kilos kilos kilos kilos Londres . 35.000 | 348.000 | 345.000 | 316.000 | Liverpool 60.000 69.000 | 60.000 | 57.000 Anvers. . 119.000 | 224.000 | 264.500 | 362.000 Totaux . 614.000 | 641.000 | 667.500 | 735.000 | | Ce tableau II montre que, depuis 1895, le marché d'Anvers a dépassé celui de Londres; il est donc devenu le plus important du monde. 4 Si l'on tient compte des ivoires importés en Europe sans passer par ces marchés, soit par des maisons de commerce qui achètent directement, soit par des voyageurs rapportant ainsi de précieux souvenirs qui se retrouvent chez les marchands d'ivoire comme les livres avec dédicace d'auteur 20° 822 E. CAUSTIER — L'ÉTAT ACTUEL DU TRAFIC ET DE L'INDUSTRIE DE L’'IVOIRE Marché de Londres. — Le tableau [II indique | dur d'Egypte (fig. 9), de l’ouest africain (fig. 11), en kilos les importations d'ivoire faites à Londres | et pour les dents à billes de billard (fig. 12). Il est pendant les dix dernières années de 1887 à 1896, | intéressänt de noter que les variations de ces en même temps que les diverses provenances. courbes coïncident, souvent, avec un événement Tableau III. — Importations de l'ivoire à Londres. L : BOMBAY 3 OUEST ANNÉES ÉGYPTE caP LISBONNE DIVERS PAYS TOTAL ET ZANZIBAR AFRICAIN —— —— | —— | — ——————— kilos kilos kilos kilos kilos kilos kilos ETES MANS IC OR 138.000 42.000 8.000 9.000 101.000 19.000 317.000 AS RS EM RENREM EURE RE NET. Te 192.000 57.000 6.000 6.000 125.000 25.000 411.000 LS EE RE EE te ES 133.000 56.000 3.000 6.000 139.000 2%.000 361.000 LR DD PEN SRE TN MO ES Te 144.000 59 000 4.000 36.000 178.000 26.000 447.000 AROANT OR EALE DS Len 1e 147.000 58.000 3.000 9.000 192.000 31.000 446.000 ART DE RU Rte de LE TER 117.000 41.000 3.000 5.000 228.000 41.000 435.000 DISONS ee 97.000 47.000 2.000 10.000 164.000 28.000 348.000 ERP ETC Sos oo dE 44 127.000 18.000 1.000 3.000 106.000 28.000 343.000 MEME M LE Mn NUE 88.000 48.000 1.000 30.000 111.000 38.000 316.000 LSIGENA NRA NRRENERE Dr Ee 405.000 39.000 1.000 13.000 124.000 48.000 330.000 Moyenne des 10 dernières AN CS TT MEN EEE 132.000 52.000 4.000 11.000 146.000 30.000 316.000 Les courbes 8 à 42, établies d'après les mer- | colonial favorisant le trafic de l'ivoire dans cer- euriales de la maison Hale et Son, de Londres, | taines régions africaines, ou bien avec des modifi- ST TT TT TE EI CE DECO GO GOUTTE SOS ES E DECO | “ j ; 2 et | Lai ms Ein 1] B | B FE 60 HE : : JENELET ET mit | 58 m BE | Hi [1 56 l [1 \ = CEE Ê ini “En DEEE | JS THE "2 É A EEE CET ERER EEE mn | EI | nu Il ati eee sUnaE me 10 BORTATTUNTEE EE 1 E k 4 Al! e = “1 | E - . mn | EU EE Tor 36 s | LE [ Î ET EN) BELLE EEE è EURE fr Hi Nath Diagramme des prix de l’ivoire dur de l'Inde orien- 11 ETUI fale depuis 1810. (Les défenses ont pesé en moyenne de ntnte el C 50 à 710 livres anglaises.) — Les prix sont indiqués en JE livres sterling et se rapportent à un quiutal de défenses CÉRE CE < < Dan — (50 kil. 8). mjelul LEE TETE H [ri © ‘ : : panne FE pee sl fo Je sr sos ren ses Fig. 10. — Diagramme des prix de l'ivoire doux de l'Inde 50 InB orientale depuis 1810. (Les défenses ont pesé en moyenne $. : n il JO de 50 à 70 livres anglaises.) — Les prix sont indiqués en a ï Bateau AA livres sterling et se rapportent à un quintal de défenses. 42 + + ï “ Bl | | | [| cie ] sy L "on ü fi : ù Sa CO CU AC 0 Cu CC ODA TAC LIANT LEICNCA CAC ra | ci] Et il 68 BEBE TT ÜD I I | 66 - FH à CH | (‘HR nn Fan [y & 2 nn LEO HT 0 AR a LT HT BARRE DELTA LCTENQE LAUVÉ sa l E 1E Ï IT] se | J LE a Fig. 9. — Diagramme des prix de l'ivoire dur égyplien E HE depuis 1810. (Les défenses ont pesé en moyenne de 36 à “LE Ï ne 50 livres anglaises). — Les prix, portés en ordonnées, sont SEE) ! . RUE indiqués en livres sterling par quintal de 50 kil. 8. cé “ mu RER % Au montrent les variations de prix depuis 1870 pour les ivoires dur (fig. 8) et doux (fig. 10) de l'Inde, | Fig. 11. — Diagramme des prix de l'ivoire de bonne qualilé de la côte occidentale d'Afrique. (Les défenses ont pesé en moyenne de 50 à 70 livres anglaises.) — Le prix est indi- se trouvent sur les quais, il faut augmenter ce chiftre qué en livres sterlings et se rapporte à un quintal de de 50.000 kilos environ; ce qui donnerait, pour 1895, un défenses. total de 800 tonnes. D'après les mercuriales récentes, et aussi d'après des renseignements pris auprès de nombreux : eo : négociants en ivoire de divers centres, ce chiffre est plutôt DU de tarif douanier ouvrant de nouveaux inférieur à la réalité. débouchés au commerce. Voici, enfin, (tableau IV) des chiffres indiquant les importalions et les exportations d'ivoire avec les quantités en stocks des entrepôts de Londres, de DOI | PES fur Lier fiers een Piste liens Jraso fran Jissz É- Î J] TI I SJruse Jrest Jresaqres PT JussJissulisss T 1 1ese Te 7 | Ho ] = 1 TT PEL ETT PE Fig. 12. — Diagramme des prix des billes de billard depuis 1870. Les prix sont indiqués en livres sterling et se rap- portent à un quintal de billes (50 kil. 8). 1892 à 1896. On voit par ces chiffres que les stocks s'écoulent, mais fort lentement. La plupart des Tableau IV. — Mouvement de l’Ivoire au marché de Londres. ANNÉES IMPORTATIONS | EXTORTATIONS STOCKS kilos 131.000 122.000 110.000 14.000 129.000 kilos 445.009 348.000 343.000 316.000 330.000 356.400 351.600 1492 En moyenne. 200 exportations d'ivoire se font avec les Indes et les États-Unis. Mais c’est surtout aux Indes qu'est ré- expédiée une quantité considérable d'ivoire prove- nantdes dents à bangles (fig. 13). Ces dé- fenses sont parce que les creux servent aux [Indiens pour faire des bracelets (en anglais ban- gle) et autres ornements. Chaque défense est coupée en deux : la pointe est vendue aux industriels européens, et le creux est expédié aux Indes, brut ou demi-brut, c’est- Fig. 13. — Dent à bangle. — Le creux C, débité en morceaux cylindriques, sert à faire des bracelets pour les Indes: la partie pleine ABD est travaillée en Eu- rope. E. CAUSTIER — L'ÉTAT ACTUEL DU TRAFIC ET DE L'INDUSTRIE DE L'IVOIRE 823 à-dire parlagé en morceaux cylindriques par des sections transversales. Ces creux ne doivent pas dépasser une certaine dimension, qui est en rap- port avec les dimensions des anneaux et des brace- lets indigènes. Il est curieux de noter qu'une partie de cet ivoire d'Afrique, venu de Zanzibar à Londres en passant par Bombay, retourne ensuite aux Indes. Marché d'Anvers. — Le tableau V indique les importations et les ventes d'ivoire faites sur le marché d'Anvers de 1888 à 1896. De 1888 à 1894 la quantité vendue a été égale à la quantité importée; mais à partir de 1894 l'importation subit une forte hausse. Les quantités en stocks vont en augmen- tant, car les importateurs anversois ont soin, afin Tableau V. — L’Ivoire au marché d'Anvers. F TOTAL ANNÉES IMPORTATIONS STOCKS DES VENTES es | kilos kilos kilos 1888. 6.400 6.400 » 1889. 16.600 46.600 20.000 1890. 11.500 17.500 18.000 1891. 59.800 59.500 21.000 1892. 118.000 118.000 34.500 1893. 224,000 224.000 41.000 1894. 264.500 186.000 98.500 1895 362.000 274.500 166.000 1896 200.000 265.100 100.300 de régulariser le marché, de ne mettre en vente qu'une quantité d'ivoire ne dépassant pas 70.000 kilos pour chaque vente; c'est la quantité considérée comme suffisante pour la consomma- tion trimestrielle. Le tableau VI indique la moyenne des prix pen- dant la même période de 1888 à 1896 et aussi le Tableau VI. — Prix et poids moyens des défenses. ainsi appelées : PRIX POIDS , PRIX POIDS ANNÉES ANNÉES du kilo | moyen du kilo | moyen 1888. 9k400|| 1893. . . .| 16€ » | 8k800 | 1889. 12,500|| 189%. . 15,05 | 7,300 1890. 10,900 1895 16,40 8,800 1891. 9:200|1 "1896. 15,82 | 6,400 1892. 8,300 poids moyen des défenses. La moyenne des prix a baissé depuis 1888 en raison de l'augmentation de la production. En 1895, le détail des importations d'ivoire notées 4 Il est intéressant de rapprocher du mouvement ascen- sionnel du marché de l'ivoire à Anvers, celui du marché du caoutchouc provenant de l'exploitation du Congo belge : la quantité de caoutchouc est passée de 30.050 kilos en 1887, à 516.517 en 1895 et à 1.106.375 kilos en 1897; et ce mou- vement ne semble pas devoir s'arrêter. 82% E. CAUSTIER — L'ÉTAT ACTUEL DU TRAFIC ET DE L'INDUSTRIE DE L'IVOIRE à l’arrivée de chaque bateau à Anvers a élé le sui- | vant!: État indépendant du Congo . 206.846 kilos. Société du Haut-Congo 14.136 — Société anversoise du commerce du COCO NO CIRE Anglo-Belgian Rubber and Expl. C®. 3.663 — De Brown, de Liège . . TA 1.150 — L'industrie française de l'ivoire achète sur les marchés de Londres, Liverpool, Anvers et Ham- bourg, selon ses besoins. Pour ne citer qu'un exemple, l'industrie du peigne, qui à besoin de grosses défenses, trouvera plutôt celles-ei à Lon- dres et à Hambourg qu'à Anvers, où les petites défenses abondent. Quelques maisons francaises achèlent directe- ment au Gabon. D'autres achètent, dans nos ports du Havre, de Bordeaux et de Marseille, les ivoires qui y arrivent. C'est ainsi qu'il est arrivé, dans ces derniers temps, à Bordeaux, des ivoires, d'assez mauvaise qualité du reste, provenant du Sénégal. Mais il faut reconnailre que la plus grande partie de l’ivoire importée en France provient des ventes aux enchères du marché de Londres. IV. — INDUSTRIE DE L'IVOIRE. Il est nécessaire de considérer tout d'abord la structure del'ivoire, afin de bien comprendrela rai- son des procédés employés pour le transformer. Après en avoir dit quelques mots, nous étudiérons avec plus de détails l’industrie même qui utilise le produit naturel. $ {. — Structure de l'ivoire ; ses qualités indus- trielles ; ses défauts. 1. Structure de l'ivoire. — Chez les Mammifères, l'ivoire ou dentène forme presque en totalité la dent, dont la racine est recouverte de cément, et la couronne d'émail. Les défenses de l'Éléphant proviennent du déve- loppement considérable des incisives. À l'origine, ces défenses ont leur sommet recouvert d'émail ; mais celui-ci s'use vite, et la dent ne se compose plus que d'ivoire recouvert d'une mince couche de eément. Sur une coupe transversale de la dent, l'ivoire se reconnait aux lignes courbes croisées qui résultent des ondulations des canalicules (fig. 14 il est plus dur et d’un grain plus serré que l'os, el il est susceptible de recevoir un beau poli. Ces incisives sont à croissance continue, comme ‘ Cet ivoire vient en grande partie du Congo belge; 2,000 kilos seulement ont été importés des pays riverains du Niger. Il faut remarquer, cependant, que cette région est un pays de transit, vers lequel on a drainé beaucoup de l'ivoire accumulé par Emin-Pacha et éparpillé ensuite par les Mahdistes. chez les Rongeurs ; aussi, tandis que chez l'Élé- phant sauvage l'usure compense la croissance de ces dents, chez l'Éléphant domestiqué, les dents ne s'usent plus et atteignent une très grande longueur. Les défenses sont généralement courbées en dehors et en haut ; mais leur forme géné- rale est suffisamment varia- ble pour que les marchands d'ivoire puissent reconnaitre le lieu d'origine d'une dé- fense par sa forme, sa cour- bure et son /acies géné- raie” Certaines défenses peu- vent atteindre 2 mètres de longueur; leur poids est très variable, il peut aller de 5 kilos jusqu'à 50 et même 70 kilos. Les défenses d'un même animal sont rarement semblables : de même que l'homme, en effet, se sert de préférence de la main droite, l'Éléphant a sa défense favorite, que les trafiquants appellent le serviteur ; or, cette défense plus utilisée que l'autre pèse généralement moins. Dans son explo- ration du Haut-Nil, S.-W. Baker à fait un grand nombre de pesées et il a souvent trouvé 4 kil. 500 de moins pour celte défense. De même M. Foa, dans le bassin du Zambèze. Enfin cette défense est souvent fracturée, car l'animal s'en sert pour déra- ciner les arbustes dontilse nourrit. Les femelles ont les défenses beaucoup plus minces ; elles peuvent même en être dépourvues. D'après les nombreux chiffres relevés par S.-W. Baker sur le Haut-Nil, le poids moyen d'une défense est de 23 kilos pour le màle et 5 kilos pour la femelle. Voici quelques chiffres dus à M. Foa et qui con- cordent avec les précédents : Cément -- Fig. 14.— Section trans- versale d’une défense montrant lecroisement des lignes courbes de l'ivoire. 22k700 et 23K850. 6,700 et 6,850. Défenses du mäle. . de la femelle . Ces défenses sont enracinées dans l’alvéole à une profondeur d'au moins 60 centimètres; de plus, leur poids étant considérable, elles sont fixées soli- dement à l'aide de faisceaux du ligament alvéo- dentaire, qui pénètrent profondément dans le cément sous forme de fibres de Sharpey. Il est évident que, pour supporter un tel poids, un crâne énorme est nécessaire, surtout pour offrir un point de résistance solide, lorsque la défense fonctionne comme un levier pour déraciner les arbres. : On peut voir au Musée d'histoire naturelle de la ville de Paris, une défense dont la courbure est tellement accusée qu'elle pourrait ètre prise pour une incisive de Mammouth. E. CAUSTIER — L'ÉTAT ACTUEL DU TRAFIC ET DE L'INDUSTRIE DE L'IVOIRE 2. Qualités industrielles. — Sur une coupe longi- tudinale d'une défense (fig. 15), on distingue trois parties : 1°l’épiderme ou croûte, que le fabricant en- ; lève; 2° le cœur, qui peut causer une certaine perte à l’ache- teur lorsqu'il est trop développé; £ piderme la forme d’un en- tonnoir et qui di- minue évidem- ment la valeur de la défense. Les défenses les plus recherchées sont celles dites à bangles, qui sont rondes, saines et lisses, et dont les creux sont exportés aux Indes pour fabriquer les bracelets portés par les indi- gènes aux bras et aux chevilles. Les dents à billes sont aussi fort estimées ; leur diamètre se maintient sur la plus grande partie de la longueur, permettant ainsi de tourner une bille de billard presque avec l'extrémité. En général, plus le grain de l'ivoire est serré et fin, plus l’ivoire estapprécié. Cette qualité varie avec les régions : c'est ainsi que dans les parties basses des rivières le grain est toujours plus fin que dans les parties hautes ; ce qui nous explique pourquoi l'ivoire du Haut-Congo est peu recherché. Les différentes variétés d'ivoire connues dans le commerce sont l’ivoire blanc, vert, vert-blanc, doux et dur. L'ivoire blanc vient surtout de Bombay et de Zanzibar. L'ivoire blanc de Siam, devenu très rare sur le marché européen, est surtout utilisé par les Chinois et les Japonais pour leurs sculptures; il est, du reste, trop tendre pour être recherché par la plupart de nos industries. L'ivoire blanc de Zan- zibar est très apprécié par les industries du peigne et de la bille, car il joue peu, c’est-à-dire que les variations de température ont peu d'effet sur lui. Il est bon de noter que certains ivoires, venant de l'Afrique centrale et exportés par les Allemands, passent par Zanzibar pour en avoir la frappe, mais n'ont pas les mêmes qualités que ceux de l'Est africain. L'ivoire vert, ainsi nommé à cause et de sa trans- parence et de son reflet, vient de l'Ouest africain. Une variété, le vert-blanc, à une transparence un peu moindre. L'ivoire vert du Gabon est recherché par la plupart des industries, car il est environ de 30 °/, meilleur marché que l'ivoire de l'Inde et de l'Est africain. Les expressions d'ivoire doux et d'ivoire dur sont à peu près synonymes d'ivoire blanc etd'ivoire vert. La différence entre ces deux ivoires parait Fig, 15. — Section longiludinale d'une défense. 3° le creux, qui a | 825 tenir à l’âge de l'Eléphant : il est doux ou dur, sui- vant qu'il provient d'un animal âgé ou jeune. Quelques variétés d'ivoire, comme l'£gypte doux, sont assez recherchées, encore qu'elles soient cassantes. 3. Défauts de l'ivoire.— Les défenses présentent souvent des gercures et des fentes, graves défauts au point de vue commercial. Ces crevasses sont causées par le manque de soins des indigènes qui laissent les défenses exposées à des alternatives d'humidité et de fortes chaleurs. À la suite d’une anomalie de nutrition, certaines défenses peuvent subir un arrêt de développement Fig. 16. — Coupe de l'exlrémilé d'une défense montrant les lésions consécutives à un abcès de la cavité pulpaire. — A, cavité formant l'extrémité de la défense; B, colonnette formée par de la dentine secondaire dont quelques glomé- rules sont fixés sur la paroi même de la cavité pulpaire; CG, glomérules de dentine secondaire (vu/g0, fèves) dévelop- pées dans l’ivoire; D, dentine pathologique renfermant de nombreuses fèves de dentine secondaire et ayant isolé la cavité de l'abcès. qui les rend inutilisables pour l'industrie; elles sont alors de taille peu considérable, elles se terminent en massue et ont à leur surface des productions pathologiques plus ou moins sail- lantes. Enfin, il existe souvent, à l’intérieur des dé- fenses, des formations pathologiques qui sont la cause d'une dépréciation parfois absolue. Ces lésions, qui ont été bien étudiées par M. le D° V. Galippe ‘, se présentent sous forme de cavités ou de dentine secondaire (fig. 16). Sous l'influence d’une blessure, la pulpe peut subir une inflammation : il se forme alors des exostoses, comparées à des Stalactites et appelées chandelles par les débiteurs ! V. Gazrrre : Recherches d'anatomie normale et patho- logique sur l'appareil dentaire de l'Eléphant. Journ. de l'Anat. et de la Phys. norm. et pathol., 1891. 826 d'ivoire français (fig. 17). Les galeries d’Anatomie comparée du Muséum d'Histoire naturelle de Paris possèdent une belle collection de ces formations qui, d’après leur structure, peuvent être considé- rées comme des expansions du cément. On trouve aussi, au milieu de l'ivoire, des sortes de nodules formés de dentine secondaire et que les débiteurs connaissent sous le nom de /êves. Ces altérations sont probablement dues à une cause microbienne, mais c’est là une question qui ne pourra être élu- cidée que par l'étude des défenses malades et ré- cemment prises sur l’animal. Les projectiles peuvent causer des lésions qui varient suivant la nature du projectile et aussi sui- vant que la pulpe est atteinte ou non. En raison de la chasse active dirigée contre l'Eléphant, la va- riélé des projec- tiles est grande : à F3 \ E. CAUSTIER — L'ÉTAT ACTUEL DU TRAFIC ET DE L'INDUSTRIE DE L'IVOIRE dentinaire et contenant des fragments d'ivoire normal que la balle a fait éclater au pas- sage; la balle est aussi entourée d'un tissu cémento-dentinaire; dans le voisinage et plus bas, des fèvesse développentaltérant profondément l'ivoire (fig. 19); 2 L'oriliced’entréepeutrester béant et favoriser l'infection de la pulpe; la cavité pulpaire peut être alors complètement oblité- rée par les formations patholo- giques ; 3° La balle s'arrête dans la dentine et, extérieurement, son entrée n'est marquée que par une légère déformation qui peut échapper à l'observation (fig. 18); aussi il arrive que les débiteurs d'ivoire rencontrent sous Fig. 18. — Balle ar- rélée dans la den- line et n'ayant pas pénélré dans la ca- vilépulpaire.— Les lésions sont beau- coup moindres. Fig. 19.— Coupe d'une défense montrant les lésions causées par une balle. — À,balle entrée en D et s'étant logée dans la paroi opposée de la cavité Fig. 11. — Produclions pathologiques d'aspect slalactiforme qui se sont formées dans la chambre pulpaire à la suite d'une lésion. balles de plomb, d'acier, fers de lances, pointes de flèches, elc. Plusieurs cas peuvent se présenter : 1° Le projectile peut traverser l’ivoire, puis la ca- vité pulpaire, et venir se loger dans l'ivoire du côté opposé; il se forme alors, pour fermer la porte d'entrée, un lissu cicatriciel de nature cémento- pulpaire; b, b!, br, 0 tissu cicatriciel formé après le passage de la balle; B, B, sécrétions pathologiques tapissant la paroi de la cavité pulpaire; C, C, altérations fragments d'ivoire normal qui sont restés dans le ultérieures de l’ivoire normal. leur scie la balle, dont le trajet est marqué, sur une section, par une sorte de sillon laissé en arrière. Une balle, pénétrant à la base de la défense d'un jeune Eléphant, peut, étant donnée la croissance continue de la dent, être entraînée vers la pointe E. CAUSTIER — L'ÉTAT ACTUEL DU TRAFIC ET DE L’INDUSTRIE DE L'IVOIRE 827 et finalement être rejetée (fig. 20). Ges défenses sont rarement fracturées, car elles sont d’une force considérable ; on cite cependant le cas d'une femelle ayant cassé d’un coup de trompe la défense d'un autre animal! $ 2. — Historique du travail de l'ivoire. Dès la plus lointaine antiquité, les hommes ont ulilisé l'ivoire pour orner leurs maisons et leurs temples, ou pour sculpter les images de leurs dieux. Au dernier Congrès des Sociétés savantes, M. Piette présentait une statuette en ivoire trouvée au milieu des ossements de Mammouths et par conséquent d'origine préhistorique. Les Hébreux en décoraient leurs meubles et les murs de leurs palais; Salomon, avec de l'ivoire d'Afrique, se fit construire un trône incrusté d'or. On peut, du reste, voir, aux musées assyrien el égpytien du Louvre, de nombreux objets Alvéole . : Z en ivoire (manches Cante . Q /]_.pulpare de poignards, pei- gnes, etc.), nolam- ment des plaques sur lesquelles on écrivait. Les Grecs appri- rent des Phéniciens l’art de travailler l'ivoire. Dans leurs sculptures, ils réu- nissaient l'or et l'i- voire : celui-ci ser- vait à représenter les parlies nues du corps, et l'or était employé pour les vêtements. Les plus anciennes de ces statues d'ivoire furent celles des artistes crétois établis à Sicyone et faites pour les temples de Dioscures à Argos. Jusqu'à l’époque de Phidias, aucune sculpture ne dépassait la stature humaine, mais, sous l'influence de ce sculpteur, il se fit des œuvres colossales : lui-même exécula la Minerve du Par- thénon (12 mètres) et le Jupiter d'Olympie (19 mè- tres); sur l'épaisseur des semelles des bas-reliefs étaient sculptés. Les dimensions de ces statues indiquentuneabondanceextraordinaire de défenses d'Eléphants, provenant des relations avec les Perses et les Egyptiens. A Rome, l'ivoire fut aussi très utilisé; le com- merce de ce produit y fut même très important". L'art byzantin fit un emploi d'ivoire considérable. Fig. 20.— Schéma de la coupe lon- giludinale d'une défense mon- trant le trajel suivi par une balle au fur et à mesure de la crois- sance de la dent (d'après R. Ouen). Pour ne citer qu'un exemple, l'église Sainte-Sophie, à Constantinople, a 365 portes décorées de bas- reliefs en ivoire. En France, sous Charlemagne, on fit non seule- ment des bas-reliefs, mais des statuettes et des instruments du culte (calices, reliquaires, béni- tiers, etc.). Aux xr° et xrr° siècles, l'ivoire d'Eléphant devint rare et l’on utilisa les défenses de Morses ; aux x et x1v° siècles, les sculpteurs français et italiens exéculèrent de nombreuses figures en ronde bosse; au xv° siècle furent sculptés les grands relables en ivoire qu'on peut voir au Musée de Cluny. Après un temps d'arrêt, l'ivoirerie reprit, au xvi° siècle, son activité; certains crucifix en ivoire sont attribués à Michel-Ange, et d’autres sculptures, sur la même matière, passent pour être de Benvenuio Cellini; c’est du xvu° siècle que date le célèbre bas-relief de Saint Léon venant au-devant d'Atlila, tant admiré à Saint-Pierre de Rome. Mais c'est surtout en Flandre et en Allemagne que la sculpture sur ivoire se développa. $ 3. — Principales industries de l’ivoire et technique industrielle. La plupart des industriels qui utilisent l’ivoire font débiter les défenses par des ouvriers spécia- listes. L'industriel donne au débiteur d'ivoire des indications qui varient avec l'emploi auquel chaque défense est destinée. Ces débiteurs ne font que scier l’ivoire; ils sont assez nombreux à Paris et gagnent de 6 à 7 francs par jour. Le sciage de l’ivoire produit une poudre utilisée comme engrais dans les mêmes conditions que la poudre d'os, avec laquelle elle a, du reste, la plus grande analogie de composilion. En général, le travail de l’ivoire n'exige pas un matériel considérable comme volume, mais un matériel bien ajusté est nécessaire pour le débi- tage, qui doit se faire avec beaucoup de précision, étant donné le prix élevé de la matière première. Les principales industries utilisant l’ivoire fabri- quent la bille de billard, la touche de piano, le peigne, le manche de couteau, la brosserie, la tabletterie, le manche de parapluie, et enfin la sculpture, que nous classerons à part. 4. La bille de billard. — L'ivoire le plus apprécié pour cette fabrication est l'ivoire blanc, l'ivoire de l'Inde; il est, en effet, plus léger, plus élastique et sert surtout pour fabriquer les jeux dits de profes- seur. Cependant l'ivoire d'Afrique, quoique plus lourd et moins élastique, est plus utilisé parce qu'il est à meilleur marché (environ 30 °/). De 1 Pour l’employer, les Anciens l'amollissaient, mais on ne sait pas par quel procédé. La racine de mandragore passait pour avoir cette propriété de ramollir l'ivoire ; d'autre part, selon Plutarque, il suffisait, pour obtenir ce résultat, de placer l'ivoire dans de l'orge fermentée que l'on faisait bouillir. On ne sait rien de ces procédés aujourd'hui. 828 sorte qu'un bon jeu de billes ordinaire vaut environ 90 francs, alors qu'un jeu de professeur vaut environ 140 fr. L'ivoire de Siam est trop tendre pour la bille; pour employer le langage courant, il joue trop, c'est-à-dire qu'il est trop sensible aux variations de température. A la suite d’une élévation de tem- pérature, l'ivoire s’allonge dans le sens du cœur, lequel est considéré comme indiquant l'axe de la bille, de sorte que la bille sphérique devient ovoïde; par abaissement de température, au contraire, la bille s'aplatit. On comprend facilement l'impor- tance qu'attache à cette variation de forme l’ama- teur de billard qui tient à la précision et à la régu- larité de son jeu. Le matériel utilisé pour la fabrication de la bille est assez sommaire ; il comprend une scie à débiter les blocs d'ivoire dans la défense, et une machine à ébaucher, qui sert aussi à finir la bille. Le bloc d'ivoire est d'abord bien centré sur le tour, lequel est commandé par un moteur à vapeur; puis, au moyen d'un burin recourbé, habilement forgé par l’ouvrier, celui-ci fa- conne la bille. Un courant d’eau, amené par un tube, est dirigé sur la bille pour enlever les copeaux d'ivoire et empê- cher la matière de s’échauffer. La bille s’isole alors au milieu du bloc d'ivoire, dont les deux moitiés l'emboitent (fig. 21). La bille est ensuite finie, polie sur le tour avec du papier de verre d'abord, puis du blanc d'Espagne et de l’eau; on l'essuie ensuile avec des copeaux d'ivoire, puis le polissage est achevé avec du suif et un tampon d'étoffe. Cinq minutes suffisent pour transformer un morceau d'ivoire en une bille prête à être livrée au commerce. Un ouvrier habile peut ébaucher soixante blocs par jour et finir cent billes; il gagne de 7 à 10 francs par journée de dix heures. Chaque ouvrier fabrique ses propres outils, et la difficulté réside plus dans cette confection que dans le ma- niement de l’outil!. Il y a à peine vingt ans, tous les ouvriers en bille savaient ébaucher et finir à la main; aujourd'hui, il reste à peine quelques hommes sachant se passer de mécanique et dont l'habileté est utilisée pour remettre à neuf des billes usées, car la machine, dans ce cas, pourrait faire éclater l’ivoire. Les Cœur Bille Fig. 21, — Fabrication de la bille. billes qu'un long usage a rendues irréparables, sont | utilisées pour fabriquer de menus objets de tablet- # Nous devons, le Directeur de la Revue et moi, des remer- ciements à M. Barbier, fabricant, pour les renseignements qu'il nous a obligeamment donnés et pour nous avoir faci- lité l'accès de son atelier. E. CAUSTIER — L'ÉTAT ACTUEL DU TRAFIC ET DE L'INDUSTRIE DE L’IVOIRE | terie, tels que des ronds de serviette, des boîtes à poudre de riz, etc. L'introduction des machines à l'étranger a fait un tort considérable à l'industrie française en permet- tant aux étrangers de fabriquer, mal d'abord, puis aussi bien, les billes de billard, qu'ils avaient l'ha- bitude d'acheter en France et que l'Allemagne leur fournit aujourd'hui. On fabrique aussi des billes avec du bois ou du caoutchouc, ou quelque autre composition, qu'on recouvre de plusieurs couches de peinture simu- lant l'ivoire. L'industrie de la bille emploie environ 50 ou- vriers et son chiffre de production s'élève à environ 600.000 francs. 2. La touche de piano. — Cette industrie achète de préférence à Londres des dents et des creux d'ivoire doux et mat du Gabon, de Zanzibar et des Indes. Les touches sont débitées par des fraises avec roues diviseurs, actionnées par la vapeur et alimentées par l’eau pour faciliter le débit et empêcher l'ivoire de s'échauffer. Un ouvrier peut débiter environ 10 jeux de touches par jour. Cette industrie emploie environ 70 ou- vriers à Paris, 50 à Londres et 100 en Allemagne; elle produit, en France, 30.000 jeux par an, dont 40,000 pour l’exportalion; ce qui, à 24 francs le jeu en moyenne, représente un chiffre annuel de 120.000 francs. Fig. 22. — Com- paraison des formes données aux dents par les ancienspro- cédés de finis- sage à la main (A) et le nou- veau procédé de finissage à la mécanique (B). 3. Le peigne. — L'ivoire blanc est particulière- ment propice à la fabrication du peigne, mais son prix très élevé l’a fait presque abandonner. On ne trouverait plus guère qu’une maison française l'employant. C'est surtout l’ivoire de l'Ouest Afri- cain qui est utilisé; bien que plus sec, il se déjette davantage et rend la dent du peigne plus cas- sante. De nouveaux procédés mécaniques ont permis de mieux finir les dents et de leur donner une forme plus régulière et plus avantageuse (fig. 22). En France, cette industrie du peigne d'ivoire occupe environ 100 ouvriers et son chiffre de pro- duclion s'élève à environ 600.000 francs. | 4. Le manche de couteau. L'industrie du manche de couteau consomme une grande quan- tité d'ivoire. En France, cette industrie occupe te 100 ouvriers, et son produit est de | 500.000 francs. E. CAUSTIER — L'ÉTAT ACTUEL DU TRAFIC ET DE L'INDUSTRIE DE L'IVOIRE 529 5. La brosserie. — La fabrication des brosses en ivoire n’absorbe qu'une faible partie de l'ivoire importé en Europe. Ce sont les ivoires d’Angola et de Zanzibar qui sont recherchés par cette indus- trie. En France, 150 ouvriers sont employés par la brosserie en ivoire, dont le chiffre de production, qui a baissé sensiblement, n'est plus que de 300.000 franes. Il y a là, évidemment, une question de mode, car l’ivoire, à cause des grands arrivages provenant de l'exploitation du Congo, n’a jamais été à aussi bon marché. 6. La tabletterie. — L'ivoire le plus apprécié par la tabletterie est l'ivoire de l'Ouest-Africain. Les objets fabriqués par la tablelterie sont innom- brables; en voici quelques-uns : éventails, domi- nos, jetons, fiches, boutons, boîtes à poudre de riz,.ronds de serviette, gratte-dos, gratte-langue, autres objets de toilette, ete. Cette industrie, essentiellement parisienne, a élé déplacée depuis quelques années; elle est aujour- d'hui localisée à Méru-sur-Oise et dans quelques pays environnants. La main-d'œuvre, moins chère dans cette région qu'à Paris, a été la cause de ce déplacement. Environ 200 ouvriers sont occupés à cette industrie, et ce sont généralement des ou- vriers en chambre travaillant pour le compte de petits entrepreneurs. Le chiffre de la production s'élève à 500.000 francs. 1. Le manche de parapluie. — Cette industrie exige de ses ouvriers quelques aptitudes artis- tiques. Aussi, cet article est encore important au point de vue de l'exportation. Cependant, il n'oceupe guère que 60 ouvriers produisant annuellement 200.000 francs. 8. La sculpture. — Tous les visiteurs de l'Expo- sition de l'État indépendant du Congo établie cette année à Tervueren, près de Bruxelles, ont vu quel merveilleux parti la sculpture pouvait tirer de l’ivoire. Les nombreux artistes belges qui ont organisé ce Salon des ivoires ont essayé avec succès une rénovation de la sculpture chrysé- léphantine. Plus de quatre-vingts pièces d’ivoire dues aux meilleurs artistes de Belgique ont été rassemblées dans ce Salon, et quelques-unes sont de véritables chefs-d'œuvre de gràce et de finesse. Ces pièces supportées par d’élégants socles en bois rouge de la forêt du Mayombe comprennent des figurines, des bustes, des groupes, des vases, des éventails, des coffrets et même une pendule. Cette renaissance ornementale, sans atteindre l’art des Phidias, n’en atteste pas moins l'habileté des ivoiriers modernes. Aussi l'on comprend que le gouvernement belge ait voulu flatter ses artistes en inscrivant, en tête du catalogue de cette Expo- sition, cette épigraphe : « Le degré artistique d'un peuple est l'expression la plus élevée de sa perfectibilité et la protection des arts souligne la grandeur d'un gouvernement. » IL faut rappeler que déjà, en 1893, à l'occasion de l'Exposition d'Anvers, l'Etat du Congo distribua gracieusement aux meilleurs statuaires belges des défenses d’élé- phant d'une valeur considérable; et les envois de ces artistes firent pressentir l'importance de cette nouvelle école chryséléphantine. C'est surtout l’ivoire provenant du Gabon qui est utilisé par la sculpture. En dehors des œuvres d'art véritables, il y a dans le commerce un cer- tain nombre d'objets qui ont un réel cachet artis- tique; tels sont les éventails, les Christs, les Vierges, les têtes d'anges pour orner les berceaux, les statuettes de Jeanne d’Arc et autres person- nages historiques, etc.; tel aussile marteau d'ivoire, fort élégant, qui servit au Tsar pour sceller la pre- mière pierre du Pont Alexandre. L'industrie du Christ est particulièrement inté- ressante !. Le fabricant ou le maitre-ouvrier ébauche un morceau d'ivoire d'abord à la gouge, puis il dessine sur l'ivoire, au crayon, une esquisse qui va guider l'ouvrier; celui-ci sculpte alors au burin, et si, au début, un modèle lui est nécessaire, il arrive vite à faire le Christ de chic. L'ouvrier habile utilise la courbure de la défense pour faire incliner la tête du Ehrist à gauche ou à droite; de même, pour cacher le cœur de la défense qui n’est pas blane, l’ouvrier peut être obligé de faire un Christ à pieds croisés et non à pieds droits. Enlin, comme le veut la liturgie, le Christ doit avoir les bras largement étendus pour le baiser universel : un tel Christ fait d'une seule pièce exigerait un morceau d'ivoire de dimensions considérables, aussi les bras sont sculptés à part et rattachés en- suite au Corps. Ces ouvriers arrivent à exécuter des Christs tellement irréprochables que ceux-ci sont parfois utilisés pour fabriquer des moules dans lesquels sont coulés des Christs métalliques à bon marché. Ces ouvriers ont suivi les cours des Ecoles d'art de la Ville de Paris, etils y ont reçu une éducalion artistique qui leur permet, dès l’âge de quinze ou seize ans, de se montrer d'excellents ouvriers arri- vant à gagner, au bout de quelques années, de 110 à 125 francs par semaine. L'ivoire des sculptures peut être blanchi avec de l'eau oxygénée, ou par l'exposition au soleil sous une cloche de verre close. On peut obtenir des 1 Nous devons, le Directeur de la Revue et moi, des remer- ciements à M. Manceau, sculpteur sur ivoire, pour les ren- seignements qu'il nous à fournis sur l'industrie du Christ. 830 E. CAUSTIER — L'ÉTAT ACTUEL DU TRAFIC ET DE L'INDUSTRIE DE L'IVOIRE ivoires colorés en les plongeant dans des bains de safran, de vert-de-gris ou de campèche, selon la couleur qu'on veut obtenir. La qualité d'ivoire qui est naturellement jaunâtre est utilisée pour faire les vieux Christs. Il y a en France 50 ouvriers d'art sculptant l'ivoire, dont 15 savent faire le Christ. Ces ouvriers habitent presque tous Paris; on trouve cependant quelques ouvriers travaillant le Christ, à Dieppe et à Saumur. Le chiffre de production de la sculpture est bien difficile à fixer, comme pour toutes les œuvres d'art. On peut cependant l'estimer approximalive- ment à 200.000 francs. Il est fait à Paris environ pour 60.000 francs de Christs, dont un certain nombre sont exportés en Espagne; quelques Christs à bon marché sont aussi expédiés dans l'Amérique du Nord. S 4. — Principaux centres industriels. Les principaux centres du travail de l’ivoire sont : en France, Paris, où l’on trouve toutes les industries, surtout celles qui exigent des connais- sances artistiques et techniques spéciales ; ces in- dustries de l’ivoire sont presque toutes localisées dans le II1° arrondissement, qui est, à ce point de vue, un vérilable Conservatoire des Arts et Métiers parisiens. La tabletterie se fait surtout à Méru et dans quelques autres villages de l'Oise; quelques l'ivoirerie de Dieppe fut florissante jusqu'en 169,4, époque où celte ville fut bombardée parles Anglais; jusqu'en 1816, cette industrie fut à peu près per- due, puis elle reprit de l’activité pour s’éteindre ensuite de nos jours. Dieppe fabriquait non seule- ment beaucoup de sculpture, mais aussi tous les objels de petile tabletterie pour lesquels sont utili- sés les petils morceaux d'ivoire qu'on trouve plutôt aujourd’hui dans le voisinage des usines de Paris ou de l'Oise travaillant la bille, le peigne, la touche ou la brosserie. Et puis enfin de nombreux objets de fantaisie (broches, boucles, boites, etc.) qui se faisaient en ivoire, se fabriquent actuellement en métal. À ces causes de la disparition de cette indus- trie dieppoise, s'ajoute aussi le développement de l’enseignement du dessin à Paris, enseignement si utile à l’ouvrier en ivoire qu'il lui assure la supé- riorité sur ses rivaux qui en sont privés. En Allemagne, les principaux centres sont Æam- bourg, Francfort, Berlin et Cologne. En Angleterre, Londres et Sheffield. Enfin, on travaille un peu d'ivoire en Espagne, en Italie et dans l'Amérique du Nord. $ 5. — Chiffres de la production française ; comparaison avec l'étranger. La consommation moyenne de l'ivoire, de 1889 à 1893, a élé la suivante pour les différents pays (tableau VIT) : Tableau VII. — Consommation annuelle de l’ivoire dans le monde. MANCHES TOUCHES BILLES PAYS PEIGNES DIVERS TOTAL DE COUTEAUX DE PIANOS DE BILLARD kilos kilos kilos kilos kilos kilos Angleterre. . . 5 143.000 14.000 16.000 9.000 6.000 188.000 AMÉTIQUEN. ne ue 11.000 62.000 21.000 13.000 9.000 116.000 Allemagne . 13.000 51.000 23.000 12.000 8.000 113.000 France. sun 9.000 29.000 31.000 14.000 1.000 90.000 Autres pays . . . 1.000 » » 1.000 4.000 6.000 Inde » » » » 121.000 121.000 COMEREEEEE » » » » 13.000 13.000 Total 171.000 162.000 91.000 49.000 168.000 647.000 objets se font à Saint-Claude (Jura). La brosserie a son centre aussi dans l'Oise, à Beauvais et à Trie- Chäteau. Tvry-la-Bataille et quelques autres vil- lages de l'Eure fabriquent le peigne. Enfin, il faut mentionner spécialement Dieppe qui occupait, il y a une vingtaine d'années, 1.500 ouvriers en ivoire et qui n’en compte plus 15 au- Jourd’hui. L'importance de cette ville au point de vue de l'industrie de l'ivoire est ancienne : raconte qu'en 1364 les Dieppois rapportèrent de la côte d'Afrique une telle quantité d'ivoire, qu'il leur prit l’idée de mettre cette matière en œuvre ; on La production annuelle de peut être évaluée ainsi : l'industrie française Bille de billard 600.000 fr. Touche de piano . 720.000 » Pelgner er PE 600.000 » Manche de couteau . 500.000 » Brosserie . à 300.000 » Tabletterie 4: -".0." 500.000 » Manche de parapluie . 200.000 » Sculpture, : 200.000 » Motale ee 03 20 UUNENS Celte production à peu varié depuis une quin- zaine d'années pour la bille, la touche, le peigne, le A. FLAMANT — L'INSTITUT DE TECHNOLOGIE DE L'ÉTAT DE MASSACHUSETS . manche de couteau et la sculpture, bien qu'elle ait plutôt diminué; mais elle a baissé sensiblement dans la brosserie, la tablelterie et le manche de parapluie. La France, l'Angleterre, l'Allemagne et les États- Unis fabriquent les quatre principaux articles de l'ivoire : bille, touche de piano, peigne et manche de couteau; mais c'est en France que l'on fait surtout la brosserie, la labletterie, le manche de parapluie et la sculpture. L'Æspagne fabrique la bille en assez grande quantité; l'/talie et la Turquie, le peigne; l'Autri- che, la bille et la touche ; la Æollande, très peu de billes ; enfin la Zelgique, un peu de tabletterie et de sculpture. En somme, la concurrence étrangère existe peu. Chaque pays important produit à peu près pour ses besoins : par exemple, l'Angleterre produit de la brosserie pour sa consommalion et en expédie peu en France; de même, la France exporte peu de brosserie en ivoire. Du reste, par nos droits de douanes nous avons retenu dans les pays d’origine les produits étrangers manufacturés, mais on a usé et l’on use plus que jamais envers nous des mêmes procédés, de sorte que bientôt nous devrons nous contenter de nos marchés nationaux et coloniaux pour l'écoulement des produits de notre industrie. 831 Si l'on considère d'une part le nombre d'Élé- phants que l’on tue chaque année, et d'autre part la lenteur avec laquelle l'Éléphant se reproduit, — car le développement embryonnaire dure 18 mois el l'Éléphant n'est adulte que vers 15 ou 16 ans, — on est amené à conclure que le trafie de l'ivoire est menacé. Les statistiques publiées dans ce travail mon- trent suffisamment que l'ivoire n’est pas inépui- sable, pas plus, du reste, que les autres produits naturels. L'ivoire pourra disparaitre des marchés coloniaux, mais l'avenir des Colonies ne sera pas compromis pour cela, car il restera toujours la fécondité du sol. Aussi il faut prévoir dès mainte- nant la fin de l'exploitation des produits naturels de nos colonies, et le commencement de l’exploita- tion des produits cultivés. Comme on l'a dit fort justement, c'est, pour nos colonies, | « âge de l’agriculture » qui commence. C’est là une vérité que l’on ne saurait trop répandre près de tous ceux qui s'intéressent à l'avenir écono- mique de nos possessions d'outre-mer. E. Caustier, Agrégé de l'Université, Secrétaire de la Section scientifique du Comité de l'Eléphant. L'INSTITUT DE TECHNOLOGIE DE L'ÉTAT DE MASSACHUSETS, A BOSTON Pendant la première moilié de ce siècle, la France était à peu près le seul pays où l’on pouvait acquérir une instruction technique un peu élevée; aussi, on trouve des ingénieurs francais à l’origine de presque tous les grands travaux publics exé- cutés à cette époque dans les divers pays; les écoles francaises étaient fréquentées par des étrangers qui exportaient chez eux les traditions et la re- nommée de nos savants et de nos praticiens. Aujour- d'hui, il s’est élabli, dans beaucoup de pays, des écoles techniques formant des ingénieurs, qui se sont substitués peu à peu aux Francais, et qui viennent, même en France, se mettre en concur- rence avec ceux qui sortent de nos éceles. L'Amérique n'est pas restée en arrière de ce mouvement, et, parmi les établissements d'ensei- gnement technique qui ont été créés depuis quel- ques années, l’un des plus remarquables est certai- nement l’/nslilut de Technologie de l'État de Massachusets, à Boston. J'ai cru qu'il ne serait pas inutile d’en faire une description sommaire : la comparaison avec les élablissements similaires français, que ne manqueront pas de faire ceux qui s'intéressent à ces questions, montrera quels pro- grès nous avons à réaliser si nous voulons, non pas seulement conserver notre rang et notre ancienne réputation vis-à-vis des étrangers, mais même n'être pas bientôt dépassés et envahis par les petits- fils de ceux à qui nous avons donné autrefois les premiers éléments de l'instruction technique. Le moment est venu, à mon avis, où il est indispen- sable de nous perfectionner, de ne pas rester plus longtemps attachés à nos anciens errements, alors que tout le monde, autour de nous, marche en avant. En tardant trop, notre retard s'accentuerail tellement que nous serions peut-être impuissants à le regagner. I. — PROGRAMME DES ÉTUDES. La fondation de l'Institut de Technologie de Boston a été décidée par un acte législatif de l'État de Massachusets, en date du 10 avril 1861, rendu sur un rapport de William Barton Rogers, ancien 832 A. FLAMANT — L'INSTITUT DE TECHNOLOGIE DE L'ÉTAT DE MASSACHUSETS professeur à l'Université de Virginie, et qui devint le premier président du nouvel établissement dont il est le fondateur. L'Institut ouvrit ses portes en février 1865, et n'eut, à ses débuts, que vingt-sept élèves. Mais sa prospérité se développa rapidement. 11 est inutile d'en rappeler les diverses phases, il suffit de décrire l'élat actuel auquel cet établisse- ment est parvenu. En 1892-1893, le nombre des élèves était de 1060. La durée normale des études régulières est de qualre années, mais un certain nombre d'étudiants, pourvus d’un diplôme après leur quatrième année, font une ou deux années complémentaires, afin d'obtenir un second diplôme ou un grade supé- rieur. Les élèves de la dernière année scolaire élaient ainsi répartis : Btudiants(diplOMES RE ENCUE 48 Etudiants réguliers de 4° année. 138 — — de 3° année, 144 — — de 2° année. 175 — — de 1'eannée,. 314 Etudiants libres, ne 241 Total. 1,060 (Les étudiants libres sont ceux qui ne suivent qu'un certain nombre de cours, et qui ne peuvent concourir pour obtenir les diplômes.) Des examens d'admission ont lieu chaque année en juillet et en septembre; le programme com- prend : Arithmétique : fractions, système métrique, racine carrée; Algèbre : progressions, équations du 1% et du 2° de- gré, quantités imaginaires, puissances du binôme, per- mutations et combinaisons ; Géométrie plane et dans l'espace (non compris les po- lyèdres réguliers) : aires et volumes; Langue francaise : grammaire, verbes irréguliers, tra- duction d'anglais facile en français, traduction à pre- mière vue de prose française (la langue allemande peut être substituée au français); Langue angiaise : composition sur un sujet littéraire familier au candidat (on donne, chaque année, assez longtemps à l'avance, une liste des ouvrages littéraires que le candidat est supposé connaître); Histoire : histoire des Etats-Unis et histoire de l'An- sien monde jusqu'à la chute de l'empire romain d'Oc- cident. La connaissance du lalin n'est pas exigée, mais elle est fortement recommandée. Il est rappelé en général aux candidats que plus leurs connaissances sont étendues au moment de l'admission, plus ils pourront espérer de succès et d'avantages dans leur séjour à l'École. Les candidats doivent avoir dix-sept ans accom- plis au moment de l'admission : l’âge moyen d'en- trée est de dix-huit ans et demi environ. La rétri- bution scolaire est de 200 dollars (environ 1.000 fr.) par an; les élèves libres, qui ne suivent qu'un petit nombre de cours, peuvent obtenir une réduction de ce prix. Il y a un cerlain nombre de bourses gra- tuites fondées par l'État, par les municipalités, par des sociétés, ou par des particuliers. Elles ne sont attribuées, en général, qu'aux étudiants qui ont déjà passé une année à l'Institut. Il convient d'ajouter que l'Institut recoit des élèves des deux sexes : depuis 1873, trente femmes ont obtenu des diplômes, quelques-unes avec men- tion très honorable. C'est surtout dans les divisions de Chimie, de Physique, de Biologie et d'Architecture, que les étudiantes se sont fait inscrire. C’est un trait parliculier des mœurs américaines qu'il me paraît intéressant de signaler en passant. Les cours commencent, chaque année, le dernier lundi de septembre. L'année scolaire, déduction faite des jours de congé, comprend trente semaines de travail effectif; elle est divisée en deux périodes, ou semestres, de quinze semaines effectives cha- cune, dont la seconde commence le premier mardi qui suit le 28 janvier. Les examens de fin d'année, la collation des grades et diplômes ont lieu à la fin de mai ou au commencement de juin. La présence des élèves réguliers est obligatoire à l'Institut, tous les jours de 9 heures du matin à 1 heure, et de 2 h. 15 à 4h. 15, sauf le samedi, où les élèves peuvent quitter l'Institut à 4 heure. Les élèves libres n'assistent qu'aux cours et exercices pour lesquels ils sont inscrits. À la fin de chaque semestre ont lieu des examens généraux sur tous les sujets traités dans le semes- tre où dans l’année. L'examen final, après la qua- trième année, porte sur toutes les matières ensei- gnées dans les quatre années d’études. L'élève qui satisfait à toutes les épreuves recoit le diplôme de Bachelor of science, correspondant à la division dont il a suivi les cours. Il arrive fré- quemment qu'un étudiant, ayant ainsi satisfait aux examens d’une spécialité, consacre une cinquième année à une autre; il suit alors, dans cette cin- quième année, les cours de la quatrième année de sa nouvelle spécialité et il peut obtenir, de la sorte, un nouveau diplôme. Il accroit ainsi, dans une large mesure, son instruction professionnelle. En outre, des cours supérieurs peuvent conférer, aux étudiants qui les suivent avec succès, les di- plômes de Master of science et aussi de Doctor of science ou de Doctor of philosophy. Les élèves sont répartis en divisions, ou spécia- lités, qui ont recu et conservé des numéros d'ordre successifs, au fur et à mesure de leur création. Ces divisions sont aujourd’hui au nombre de treize, Savoir : I. — Art de l'ingénieur civil : routes, ponts, chemins de fer, travaux hydrauliques. Il. — Art de l'ingénieur mécanicien : machines à va- peur, locomolives et autres moteurs mécaniques. IT. — Mines et métallurgie. > Pr ARE A. FLAMANT — L'INSTITUT DE TECHNOLOGIE DE L'ÉTAT DE MASSACHUSETS 833 IV. — Architecture. V. — Chimie. VI. — Art de l'ingénieur électricien. VII. — Biologie. VIII. — Physique. IX. — Etudes générales. X. — Art de l'ingénieur chimiste. XI. — Art de l'ingénieur sanitaire. XII. — Géologie. XIII. — Constructions navales. Les divisions V, VIIT et IX sont destinées prin- cipalement aux jeunes gens qui désirent embrasser une carrière purement scientifique, soit pour exé- euter des recherches et des travaux personnels, soit pour exercer le professorat; elles servent de pré- paration aux études supérieures par lesquelles elles doivent être complétées; la division VII (Biologie) est une excellente préparation aux études médicales. La dernière division, XIIL, est de créalion toute récente; elle n'existait pas encore en 1892-93 à l'état de division principale, elle ne formait qu'une sous-division de la division II. Pendant le premier semestre de la première an- née, les élèves de toutes les divisions suivent les mêmes cours, la spécialisation commence à partir du second semestre et devient de plus en plus ac- centuée dans les années suivantes. Je ne puis transcrire ici les programmes détaillés des cours suivis par chacune des treize divisions, mais je crois pouvoir en donner une idée en repro- duisant celui du cours suivi par la division I (Art de l'ingénieur civil), ainsi que les exercices de laboratoire auxquels les élèves prennent part et le nombre d'heures consacrées à chacun de ces cours et exercices. ART DE L'INGÉNIEUR CIVIL. 1'e année. 1 semestre. (Les lecons de ce premier semestre sont communes aux treize divisions.) AUD OR nt EU. 50 CRBVhEUrRESs Géométrie . 32 — Chimie générale ‘et laboratoire. 105 — Hhélorique et composition anglaise. 30 — Francais (ou allemand). 45 — Dessin de machines. . 90 — Déssin à main levée . . 15 — 2e semestre. Trigonométrie plane el sphérique ; CE rithmes . . . . . 50 heures. Chimie générale et laboratoire. 90 — Histoire politique depuis 1815. 30 — Francais (ou allemand). 45 —— Dessin de machines et géométri ie descri ip- live . : TRE OC 90 — Dessin à main levée . 30 — 2° année. Calcul différentiel. . . 45 heures, Géométrie analytique . 45 Géométrie descriptive. T5 Eléments d'Astronomie. 15 — Physique. 90 heures, Mécanismes (pr incipes de cinématique) . 30 — Histoire de l'Amérique. 30 — Géographie physique. . . . A 43 Littérature anglaise . 45 — Français (ou allemand). 90, — Levé de plan : 175 — Dessin topographique L 30 — 3° année. Culcul intégral . heures, Statique générale LL hr QE aa ; LEE Théorie des constructions . : , 30 — Résistance des matériaux, cinématique et dynamique . 45 — Stéréstomie . 60 — Physique et laboratoire. : : 60 — Géologie générale et st» atigraphique . 75 — Routes et chemins de fer . 195 — Economie politique et histoire indus- ARE 5 LUONENE 30 — Lois commerciales . 30 — Levé de plan . 60 — Francais (ou allemand) . 90 — 4! année. La 4° année de lu division I est subdivisée en trois | sous-divisions qui suivent les cours suivants communs : Théorie des constructions. . . . .. 60 heures, Résistance des matériaux, théorie de l'Elasticité . 45 — Hydraulique . 45 — Eclairage électrique et machines dynumo- électriques . : 60 — Ponts et construlions analogues | 60 — Et, en outre, chaque sous-division suit les cours spé- ciaux suivants : ire sous-division. Art de l'ingénieur hydraulicien . 45 heures. Science sanilaire et hygiène publique. 15 — Art de l'ingénieur sanitaire. NE 45 — Métallurgie du fer. 45 — Eléments d'astronomie et de géodésie pratiques. D DS LATE Machines motrices et mécunismes 45 — Expériences hydrauliques. 30 — Projet de pont ; 180 — Projel d assainissement . 30 — Laboratoire de l’art de l ingénieur . 45 — 2° sous-division. Construction des chemins de fer. 150 heures Exploitation des chemins de fer 30 — Moteurs el mécanismes. M Ene PR Construction des édifices . . . . . . 15 — Métallurgie du fer. 145 — Projet de pont. 180 — Projet de chemin de fer 30 — Laboratoire de l'art de l ingénieur . #9 — 3° sous-division. Méthode des moindrescarrés, probabilités. 30 -- Equations différentielles . 45 — Géodésie el astronomie. 135 — Art de l'ingénieur hydraulicien . 45 — Laboratoire de physique . 30 — Laboratoire d'hydraulique . 30 — Laboratoire de l'art de l'ingénieur. . . SN — Chacune des trois sous-divisions comprend, en outre, une thèse ou projet de concours, et ilen est de même de la quatrième année de chacune de 83/4 A. FLAMANT — L'INSTITUT DE TECHNOLOGIE DE L’ÉTAT DE MASSACHUSETS toutes les autres divisions. Le sujet de cette thèse est laissé au choix de chaque étudiant; il doit ce- pendant être agréé par l'administration de l'Ecole. Le corps enseignant comprenail, en 1892-93, pour les douze divisions, 37 professeurs titulaires ou adjoints, et 75 répétiteurs ou maîtres. Beaucoup de cours sont, naturellement, communs à plusieurs divisions. Si l’on examine attentivement le programme des cours de la division I, qui vient d’être donné en détail, on sera certainement frappé de l'importance considérable qu'y conservent les sciences pures ou appliquées, les études générales et combieu peu il s'y rencontre de cours portant sur les détails des connaissances. C'est là, on peut le dire, avec l'ex- tension aussi grande que possible des travaux de laboratoire, la véritable caractéristique de l'Institut de Technologie de Boston. On y enseigne certaine- ment, d'une facon:très large, les applications des sciences aux arts usuels, mais les détails, les pro- cédés, les méthodes techniques sont constamment laissés au second plan et subordonnés à l’acquisi- tion des principes généraux. Et ces principes eux- mêmes sont moins enseignés en vue de leur application immédiate aux besoins de la pratique qu'en vue de développer l'esprit, d'éveiller la cu- riosité, d'exercer et de perfectionner les facultés des élèves. Ce que l'Institut s'efforce d'obtenir, c’est que les étudiants à qui il confère des diplômes soient, par-dessus tout, des hommes bien élevés, dans toutes les acceptions que comporte cette expression el c’est pourquoi l’on voit figurer, dans les programmes, des matières qui peuvent paraitre bien élrangères aux connaissances nécessaires à un ingénieur, mais qu'il n'est pas permis à un homme, ayant une certaine éducation, d'ignorer complètement. J'ajouterai que la réunion, dans un même éta- blissement, d'étudiants de spécialités diverses, a pour effet de donner à l’enseignement d’abord, et surtout à l'esprit des élèves, une ampleur et une généralité qui se développeraient à un degré moindre dans des établissements distincts. La Sec- tion de Biologie, par exemple, qui a pour objet de préparer aux études médicales, donne aux futurs étudiants en médecine, par leur contact fréquent avec les fulurs ingénieurs, une préparation, des idées et un esprit scientifique bien différents de ceux qu'ils auraient acquis dans une école entiè- rement spéciale. Il en est de même des autres : tous profitent de leur réunion et de leurs études en commun. II. — LABORATOIRES. On attache une grande importance à l'étude des mathématiques considérées surtout comme un | moyen de former l'esprit et le raisonnement, et aussi comme une base nécessaire à toutes les autres connaissances de l'ingénieur. On ne néglige pas les études littéraires et la langue anglaise; le français et l'allemand font partie obligatoire des programmes; l'espagnol et l'italien sont faculta- lifs. L'histoire politique moderne et du Moyen-Age des nations étrangères et l’histoire politique éco- nomique, commerciale el industrielle des États- Unis sont régulièrement enseignées. Les cours techniques proprement dils sont rela- livement peu nombreux; on considère qu'il importe surtout d'avoir une connaissance plus complète des principes, de posséder un plus grand nombre d'idées générales et qu'il suffit d’avoir étudié quelques-uns des problèmes que l’on rencontre dans la pratique, à la condition d’avoir acquis, en même temps, un certain degré de pralique par de nombreux exercices de laboratoire. C'est, en effet, surtout le nombre, l'étendue, l'agencement et l'organisation de ses laboratoires qui donnent à l’Instilut de Boston un caractère particulier et en font un établissement sans doute unique au monde. Il faudrait un volume tout entier pour donner le détail des richesses qui y sont accumulées el mises à la disposition des élèves; je ne puis que me bor- ner à en faire une description sommaire. À défaut de la nomenclature détaillée des appareils qui s'y trouvent, j'indiquerai la dimension approximative de quelques-unes des salles qui les composent, en disant ici, une fois pour toutes, que ces salles sont remplies, autant qu'elles peuvent l'être, de tous les appareils les plus modernes relatifs à chacune des branches à laquelle le laboratoire est plus particu- lièrement affecté. Ces laboratoires sont au nombre de huit, et cha- cun d'eux occupe un plus ou moins grand nombre de salles distinctes. $ 1. — Laboratoire de Physique. Ce laboratoire comprend les parties principales suivantes : 1° Laboratoire de Physique générale (33 mètres sur 9), avec une grande variété d'appareils pour les expériences el la mesure des constantes phy- siques relatives à la Chaleur, à l'Oplique, à l'Élec- tricilé, à la Pesanteur; s 2% Laboratoire d'Électricité (33 mètres sur 9), avec une collection complèle des appareils servant à mesurer les quantités électriques : résistance, capacité, force électromotrice, intensité, elc. Beau- coup de ces appareils sont de forme spéciale et nouvelle ; 3° Salle des dynamos (12 mètres sur 12), munie d'une machine Westinghouse de 75 chevaux ser- A. FLAMANT — L'INSTITUT DE TECHNOLOGIE DE L'ÉTAT DE MASSACIHUSETS 835 vant à mouvoir les dynamos. Les principales de ces machines sont : une dynamo Thomson-Houston à courant alternatif de 500 lampes, et une à courant continu de 200 lampes, une dynamo Edison de 150 lampes, une dynamo à faible voltage de 300 ampères pour électrolyse, el un grand nombre d'autres machines plus petites; 4° Laboratoire d'Électricité appliquée à l'Art de l'ingénieur; une première salle (26 mètres sur 9) renferme des appareils qui servent aux applica- tions de l'électricité : signaux de chemins de fer, machines électromotrices, ventilateurs, etc. Une autre salle (11 mètres sur 9), qui communique avec la salle des dynamos, sertaux expériences dynamo- métriques, calorimétriques, photomélriques, ele., et elle est pourvue des appareils nécessaires à ces expériences ; 5° Laboratoire de Photographie (19 mètres sur 9), qui sert aussi pour les expériences photomé- | triques ; 6° Laboratoire d’Acouslique (10 mètres sur 9), disposé pour les études acoustiques et télépho- niques; 1° Laboratoire d'Optique (9 mètres sur 9), large- ment éclairé à l'est et au sud et destiné aux recherches pour lesquelles on a besoin de la lu- mière solaire. Enfin, un certain nombre d'autres salles con- liennent des appareils et instruments divers. $ 2. — Laboratoire de Chimie. Ce laboratoire occupe 18 salles, dont voici les principales : 1° Laboratoire de Chimie générale (26 mèlres sur 12) avec 133 tables pouvant recevoir chacune un groupe de trois étudiants, pour les exercices de première année. 2° Laboraloire de Chimie analylique (26 mètres sur 12), avec 108 tables garnies de tiroirs et d’ar- moires où se trouvent une grande quantité d'appa- reils et de produits. Ce laboratoire est muni de tous les dispositifs les plus récents pour faciliter les travaux : chaque iable est pourvue de gaz, d’eau et de courants électriques. Les deux labora- loires sont énergiquement venlilés et très large- ment éclairés. 3° Laboratoire de Chimie organique (11 mètres sur 9), avec des annexes pour la manipulalion des matières dangereuses. 4 Salle des balances de précision (10 mètres sur 4), avec 22 de ces appareils. 5° Laboratoire de Chimie sanitaire, deux salles (12 mètres sur 12 et 11 mètres sur 9), muni de tous les appareils et produits nécessaires à l’ana- lyse des matières alimentaires : farine, beurre, lait, eau, etc., et à l'étude des questions d'Hygiène. Depuis 1887, il a été analysé, dans ce laboratoire, plus de 10.000 échantillons d'eau. 6° Laboraloire d'analyse des gaz (8 mètres sur 3) outillé surlout en vue de l'analyse des gaz prove- nant de la combustion. 1° Laboratoire de Chimie industrielle : une salle (18 m. sur 9) contient les principaux produits chi- miques usilés dans l'industrie, une autre (12 mètres sur 9), les matières colorantes employées dans l'industrie textile. $ 3. — Laboratoire des Mines et de la Métallurgie. Ce laboraloire comprend les installations sui- vantes : 1° Salle des chalumeaux (7 mètres sur 10), avec tables pour 24 éludiants, balances, réactifs, elc., pour les essais au chalumeau. 2 Salle des essais (8 mètres sur 11), avec dix fourneaux à creuset, sepl à moufle, et beaucoup d'accessoires. 3° Salle des balances (4 mètres sur 5). 4° Salle de Métallurgie (28 mètres sur 8), pour- vue de tous les appareils nécessaires à l'extraction de l'or, de l'argent, du cuivre, du plomb, du zine, par les divers procédés, y compris celui de l'affi- nage par l'électricité. 5° Salle de fonderie (16 mètres sur 41) : appareils pour griller et fondre les minerais et pour raffiner des quantités de métal variant de 200 à 3.000 kilos. Par leurs dimensions, ces appareils sont presque des engins industriels, plutôt que des instruments de laboratoire. $ 4. — Laboratoire de l'Art de l'ingénieur. 1° Laboratoire de la vapeur, contenant une ma- chine à vapeur à triple expansion, de 150 chevaux, disposée de manière que chacun de ses trois ey- lindres puisse être employé isolément ou en con- nexion avec les autres. D’autres machines plus petites, de divers systèmes, une grande variété de condenseurs, d'injecteurs, de pompes à vapeur, d'appareils divers, et d'instruments deslinés à me- surer le rendement et la force des machines com- plètent cet atelier. 2% Laboratoire de l’'Hydraulique, renfermant un réservoir fermé de forme cylindrique de 1,50 de diamètre et de 8 mètres de hauteur surmonté d’un Luyau de 0,25 de diamètre et de plus de 21 mètres de hauteur destiné à fournir de l'eau à la pression que l'on désire. Autour du réservoir sont des appareils destinés à mesurer l'écoulement de l’eau par réservoir, par orifices ou ajutages, tuyaux de diverses formes, et aussi à mesurer les pertes de charge dues aux diaphragmes, branchements, coudes, robinets, etc. On y trouve aussi un comp- teur Venturi, un compteur Worthington, un bélier 830 hydraulique et une variété considérable d’appa- reils divers pour la mesure des vitesses, de la pression et des débits. Ces deux laboratoires, de la vapeur et de l'hy- draulique, occupent ensemble deux salles de 15 mè- tres de largeur, ayant l’une 22 mètres, l’autre 30 mètres de longueur. 3° Laboratoire de résistance des matériaux. Deux salles, de chacune 15 mètres sur 15 mètres, contenant une machine d’essai de 150 tonnes, capable d'essayer à la compression une pièce de 5,50 et à la traction une pièce de 3,60 de lon- gueur, une autre machine de 25 tonnes et une grande variété de machines diverses pour essayer les fers, les fontes, les cordes, les fils, les mortiers et pour déterminer la résistance longitudinale, transversale, à la flexion ou à la torsion, des poutres de bois et de fer jusqu'à 7°,50 de longueur. %° Laboratoire d'industrie (15 mètres sur 9), avec des machines à travailler le coton : cordes, fileuses, banc à broches, etc. $ 5. — Laboratoire de Biologie. Ce laboratoire comprend surtout des micros- copes, à raison d'un de ces instruments par étu- diant. Il contient aussi des pièces anatomiques et des modèles de toute sorte soigneusement préparés pour l'étude de l'Anatomie comparée et de l'Em- bryologie. Enfin ce laboratoire renferme tout ce qui est nécessaire pour préparer les milieux de culture des bactéries, et les étudiants y sont exer- cés à cultiver, reconnaitre et classifier les diverses espèces de bactéries, à étudier l'effet des matières antisepliques, etc. $ 6. — Laboratoire d'Architecture. Ce laboratoire est disposé pour les expériences sur les chaux, ciments, mortiers. Il contient des appareils pour la fabrication des mortiers, des appareils de ventilation et de chauffage, etc. Les élèves y sont exercés au modelage. $ 7. — Laboratoire de Géologie. Ce laboratoire possède des microscopes, gonio- mètres de diverses espèces, clinimètres, balances spéciales, etc., un grand nombre de modèles de cristaux en verre ou en bois et une collection con- sidérable de minéraux préparés en vue de la litho- logie et de la reconnaissance des roches. Une salle spéciale est consacrée à l'étude des minéraux avec des installations de fourneaux, chalumeaux, etc., nécessaires. Une collection géologique et paléon- tologique est installée dans d’autres salles. ÿ 8. — Laboratoires d'application. Ces laboratoires d'application sont des ateliers où les étudiants sont exercés au travail manuel du A. FLAMANT — L'INSTITUT DE TECHNOLOGIE DE L'ÉTAT DE MASSACHUSETS bois et du fer, et qui sont abondamment pourvus de machines-outils de toute sorte : scies, machines à raboter, à percer, à mortaiser, à tourner, à alé- ser, etc. À chacun de ces laboratoires sont annexées des salles secondaires destinées à des opérations spé- ciales ou à des travaux personnels. Les étudiants sont exercés à se servir de tous les appareils et instruments qui se trouvent dans les laboratoires; aucun de ces instruments ne doit leur être étranger. Dans leur quatrième année ils doi- vent, dans le laboratoire affecté à leur spécialité, exécuter par eux-mêmes des recherches et des expériences sur un sujet de leur choix, leur per- mettant de produire un travail original. III. — BIBLIOTHÈQUES. Enfin, chaque laboratoire est heureusement com- plélé par une bibliothèque qui en fait, pour ainsi dire, partie intégrante, au même titre que les ins- truments. Au lieu que les livres se trouvent réunis, comme ils le sont souvent, dans une bibliothèque unique, nécessairement éloignée des endroits où travaillent d'ordinaire les élèves, l'étudiant de Boston peut, presque sans sortir du laboraloire, trouver à sa portée tous les ouvrages de quelque valeur publiés, sur la question qu'il étudie, en anglais, en français ou en allemand. Il y a ainsi onze bibliothèques distinctes, parce que quelques laboratoires en ont deux. La bibliothèque de l’art de l'ingénieur renferme plus de 4.000 volumes, celle de la Physique, plus de 3.500, celle de la Chimie, plus de 5.000 et ainsi des autres, non compris les innombrables brochures et les publications pério- diques, au nombre de près de 400, qui forment la collection de journaux et revues techniques et scientifiques sans doute la plus complète que l’on puisse trouver. Chacune de ces bibliothèques est disposée de manière que l'étudiant puisse consulter les ou- vrages le plus facilement possible et sans perte de temps. Les ouvrages y sont méthodiquement elas- sés sur les rayons, dans le même ordre que dans un catalogue par nature de sujets. Ainsi, par exemple, on trouvera, dans une même armoire, tous les livres et brochures concernant la construc- tion des ponts; dans une autre, tous les ouvrages concernant les chemins de fer, ete. A chaque biblio- thèque est annexée, bien entendu, une salle de lecture et de travail. IV. — FINANCES. Un pareil établissement n'a pu être créé, déve- loppé et entretenu sans des dépenses considérables. I! n’est pas installé dans un seul édifice, mais dans A. HÉBERT — LA CULTURE DU BANANIER ET LE COMMERCE DES BANANES 837 cinq bâtiments différents, qui ne sont même pas absolument contigus bien que silués dans le même quartier et à proximité les uns des autres et qui ont été érigés au fur et à mesure du développement et des besoins. Lessommes dépenséesjusqu'au31 décembre 1892, pour la fondation de l'Institut, y compris les insuffi- sances des recettes, qui ont grevé surtout les pre- mières années, dépassant un million et demi de dollars (plus de 7.500.000 francs). L'Etat de Massa- chusets a contribué pour 200.000 dollars (un million de francs environ); le reste a été fourni par des donateurs particuliers. Les bâtiments figurent, dans les comptes de premier établissement, pour 707.926 $. 85 (soit 3.716.000 francs), le terrain qu’ils occupent, pour 127.155 $. 69 (soit 676.000 francs); ce terrain a beaucoup augmenté de valeur depuis son acquisi- tion. Le quartier joù se trouve l'Institut est celui vers lequel la ville de Boston se développe et où s'élèvent chaque jour de nouvelles maisons et rési- dences de luxe.Indépendamment de ces immeubles, affectés directement aux besoins de l'enseigne- ment, l'Institut possède d’autres propriétés qui lui rapportent annuellement 25.000 dollars environ (soit 126.000 franes). Il reçoit, du gouvernement fédéral, une subvention annuelle d'environ 12.000 dollars (62.500 francs). Les rétributions scolaires versées par les étudiants se sont élevées en 1891-1892 au total de 185.873 $. 77 (soit environ 975.000 francs). Avec diverses autres recettes, le montant total des sommes encaissées a atteint, pendant cette année, le total de 264.285 $, 78 (soit environ 1.387.000 francs), et les dépenses ont été de 267.547 $, 90 (soit 1.405.000 francs), donnant ainsi une insuffisance d'environ 18.000 francs. Les salaires et traitements des professeurs et du personnel figurent dans les dépenses pour 180.667 $, 94 (soit environ 968.000 francs), somme très sensiblement égale au montant de la rétribu- tion scolaire. A Ce dont la description qui précède, purement matérielle, ne peut donner l'idée, c'est l'aspect intérieur de ce magnifique établissement d’instruc- tion, c’est l'impression de grandeur, d'ordre et de confortable que l'on éprouve en le visilant. Les jeunes gens qui le fréquentent ont certainement les défauts de leur âge, qui sont probablement les mêmes dans tous les pays; mais, est-ce l'influence de la race, d’habitudes prises dès l'enfance ou de la discipline particulière de l'Institut où les étu- diants sont, en toule circonstance, traités comme des hommes, à la raison desquels on ne cesse de faire appel, toujours est-il que la tenue est parfaite et que l’on ne voit aucune trace des enfantillages qui se remarquent trop souvent dans les écoles françaises. Sans aucun doute, les étudiants de l'Institut de Technologie de Boston sont sérieux et travaillent sérieusement. Les très nombreuses éli- minations faites à la fin de la première année sont peut-être pour beaucoup dans ce résultat. L’exa- men sommaire, que j'ai pu faire, de quelques pro- | jets de concours présentés en vue d'obtenir le | diplôme de la division I, m'a montré des études que ne désavoueraient pas des ingénieurs déjà expérimentés, et qui, en tout cas, sont largement | équivalentes à celles que produisent, dans les mêmes circonstances, les meilleurs élèves de nos écoles techniques. A. Flamant, Inspecteur général des Ponts et Chaussées. LA CULTURE DU BANANIER ET Peu de personnes en Europe se doutent de l'im- portance que prennent, dans certaines régions tropicales, la culture du bananier, et, aux États- Unis, le commerce des bananes. La présence de ces fruits sur nos tables, rendue possible depuis quel- ques années grâce à certains arlifices-qui permet- tent de leur faire subir presque impunément de longs transports, ne nous porte nullement à soup- conner la grandeur de la consommation qui en est faite dans les pays d’origine et dans toute l'Amé- | rique du Nord. Aux États-Unis, non seulement la | banane, mangée directement sous sa forme de fruit, intervient pour une part déjà très large et toujours croissante dans l'alimentation publique, REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897, LE COMMERCE DES BANANES mais, en outre, son contenu amylacé, extrait sous | forme pulvérulente, commence à remplacer la farine du froment et à faire au blé une concurrence qui se traduirait déjà par un abaissement du cours commercial de cette denrée. Pour ce motif, et en raison de cette circonstance que le bananier représente un élément considérable de richesse agricole en plusieurs de nos colonies, il | nous paraît utile d'exposer l'état actuel de la cul- ture de cette plante. Le développement dont cette | culture est susceptible dans nos possessions, et | l'importance du trafic auquel ses produits donnent lieu méritent toute attention. Sur ces sujets la | Revue a reçu de précieux Rapports dus à M. Milhe- 20** 838 Poutingon, directeur de Section à l'Union Coloniale Française, et à MM. les consuls de France en rési- dence à La Havane, Philadelphie, Boston, New- York et Chicago'. C'est à ces documents très détaillés que nous emprunterons la matière du présent article. J. — COMPOSITION ET VALEUR ALIMENTAIRE DE LA BANANE. Nous ne rappellerons pas ici les caractères bota- niques du bananier : tout le monde connaît cette belle musacée que son port élevé, ses feuilles gi- gantesques, — atteignant parfois trois mètres de longueur, — font rechercher dans beaucoup de jardins d'Europe. Elle est aujourd'hui très répan- due en France et y fructifie, mais c'est seulement dans les pays chauds que ses fruits abondent et ar- rivent à malurité. Ces grandes baies, de forme triangulaire et légèrement arquée, dont la longueur atteint de 8 à 16 centimètres sur 4,5 à 5,5 centimè- tres d'épaisseur, sont associées au nombre de 90 à 100 et parfois 200 dans chacun des régimes qu'elles constituent à la base des feuilles. Toutefois c'est sur la plante cultivée que la banane acquiert un tel développement : le fruit du pizang — on nomme ainsi l'espèce sauvage — demeure beau- coup plus petit et n’est pas comestible; mais il contient la graine destinée à le reproduire. Si cette graine, au lieu d’être semée par le vent, germe, par les soins de l’homme, dans une terre riche et convenablement appropriée, la plante qui en résulte donne des drageons au moyen desquels on peut la propager, et elle cesse bientôt de produire des grai- nes : ses fruits augmentent de volume, se chargent de matière amylacée et, totalement inféconds alors, deviennent comestibles. Inversement, le retour de la variété comestible à la variété sauvage peut avoir lieu, quand le bananier croît dans un sol pauvre et mal soigné. On voit par là combien im- portent les méthodes de culture : elles ont déjà produit plus de cent variétés parmi lesquelles les suivantes semblent les plus intéressantes sous le rapport alimentaire : 1 La Revue doit des remerciements tout particuliers à M. Milhe-Poutingon, qui a bien voulu colliger pour elle tonte une série d'études sur la banane parues dans le Bullelin de l'Union Coloniale française et dans divers journaux, soit pohtiques, soit techniques, de nos colonies. Elle tient aussi à rendre hommage au savoir et au zèle de nos consuls qui ont pris la peine &e répondre avec une parfaite précision à un questionnaire sur la culture du bananier et le commerce des bananes dans les régions où s’exercent leurs fonctions et celles où s'étendent leurs relations personnelles. Il ne nous est pas possible de publier ir extenso leurs notes et leurs statistiques. Mais nous pensons rendre service au lec- teur en résumant ici les indications qui se dégagent de l'étude attentive de ces documents. (NOTE DE LA DIRECTION.) A. HÉBERT — LA CULTURE DU BANANIER ET LE COMMERCE DES BANANES Musa ensete. paradisica où bananier du Paradis*. —. Sapientium — des Sages. — sinensis — de la Chine. — coccinea _ écarlate. — roseu — à spathes roses. — textilis — abaca. Boussingault, dans son grand voyage à travers l'Amérique du Sud, avait été frappé de l'abondance et de la richesse des cultures de cette plante. « La culture de la banane, dit-il?, est aussi impor- tante entre les tropiques, que celle des graminées et des tubercules farineux dans la zone tempérée. La faci- lité de cette culture, le peu d’étendue qu’elle occupe, la sécurité, l'abondance, la permanence des récoltes, la diversité d'aliments fournis par la banane suivant ses degrés de maturité font de cette plante un objet d’admi- ration pour le voyageur européen. Sous un climat où l’homme sent à peine le besoin de se vêtir et de s’abri- ter, on le voit recueillir, presque sans aucun travail, une nourriture aussi abondante qu'elle est saine et va- riée. C'est le bananier qui a permis ce proverbe si con- solant que l’on entend répéter sous la zone équatoriale : « Personne ne meurt de besoin en Amérique. » Dans la plus pauvre cabane, on accueille et l’on nourrit celui qui a faim ». Avant sa maturité, la banane contient une grande quantité d’amidon; quand elle mûrit, cette subs- tance se transforme très rapidement en sucre cristallisable et en telle abondance que, sous ce rapport, la banane le dispute à la canne et à la betterave. Voici d’ailleurs ia composition chimique des ba- nanes müres dépouillées de leur enveloppe, telle qu'elle à été établie par Corenwinder, il y a une vingtaine d’années?, Composilion de la banane du Brésil (fruit interne). Eau . . ENS MC pee 72,450 Sucre cristallisable. . . 15,900 Sucreinterverti (déviant à gauche). 5,900 Cellulose. . SE © 0,380 Substances azotées . 24937 PeCtINe NAN TEE re M RE OR 1,250 Matières grasses et colorantes, acide malique, ete . . . 0,958 Matières minérales . 1,025 100,000 D'autres analyses plus récentes, citées par M. Th. Reichert dans une étude sur le bananier*, assi- gnent à son fruit la composition ci-dessous : Eau. - Se VAI 73,90 Sucre de canne et glucose. . 19,66 Matières azotées. 4,82 | Cellulose . 0,20 Corps gras 0,63 Chaux. . . 0,79 100,00 * Ce nom provient de ce que les Chrétiens d'Orient voient dans cette variété l'arbre biblique « du Bien et du Mal ». BoussiNGauLr : Economie rurale, t. 1, p. 484. 3 Annales agronomiques, t. II, p. 429. 4 Rercnert : La banane, sa répartition, sa nature et son emploi, Landwirthsch. Versuchs-Stationen, t. XLII, 1-95. A. HÉBERT — LA CULTURE DU BANANIER ET LE COMMERCE DES BANANES 839 On voit, d'après cela, que la banane constitue un aliment très nourrissant. On remarquera la faible proportion de cellulose qui y est contenue et qui explique pourquoi la banane, aussitôt ingérée, fond, pour ainsi dire, dans la bouche. De là était venue la croyance que ce fruit renferme une grande quantité de malière grasse, croyance dont Bernardin de Saint-Pierre s’est fait l'écho dans ses Harmonies de la Nature‘. La banane demande à êlre cueillie un peu avant sa maturité, c'est-à-dire au moment où sa couleur, d'abord verte, commence à passer au jaune; la peau, un peu rude, recouvre une chair molle d’une saveur douce et agréable. Entiers, les fruits pèsent généralement près de 70 grammes, dont la pulpe constitue les deux tiers. Le plus communément, les bananes sont cuites au four ou sous la cendre; quelquefois, après les avoir pelées, on les coupe par tranches qu'on fait frire dans une pâte légère. La banane courte ou figue-banane, produite par le Musa Sapientium, se mange crue; sa chair est délicate, molle, fraiche et n'a besoin d'aucun assaisonnement. Ces fruits ont malheureusement le défaut de s'altérer rapidement et de ne pouvoir se conserver longtemps; aussi, pour les garder, a-t-on imaginé de les couper en tranches minces et de les faire sécher ; ou bien on les râäpe et on les presse, puis on les fait cuire dans une poële, à la facon du ma- nioc. On oblient ainsi une farine dont on peut faire une bouillie agréable et très nourrissante. Là, ne se bornent pas les bienfaits du bananier; Corenwirder a, en effet, constaté, dans ses recher- ches chimiques sur les produits des pays tropi- caux?, que l'enveloppe de la banane est très riche en potasse. L'analyse des cendres de ces enveloppes lui a donné les résultats suivants : Sulfate de potassium . . . . . "0 10;805 Chlorure de potassium . . 10,958 Phosphate de potassium . 10,561 Carbonate de potassium . . 18,400 Sesquioxyde de fer. . De 6,965 Chaux, manganèse, silice, acide PHESDROTIQUE EN EE 12,645 100,#2% Nos colons des régions tropicales ont donc inté- rêt à accroître l'importance de la culture du bana- nier; son fruit fournirait, outre l'aliment direct que tout le monde connait, de grandes proportions de sucre et d'alcool utilisables dans l'industrie; sa 4 « La banane, disait Bernardin de Saint-Pierre, est bien supérieure au rima ou fruit de l'arbre à pain; celui-ci, cuit au four, se change en mie et en croûte; le bananier donne sa pàte tout assaisonnée de beurre, de sucre et d'aromates. Le rima porte des petits pains, et le bananier de la pâtis- serie. » ? Annales agronomiques, loc. cit. pulpe est très nutritive; enfin, son enveloppe don= nerait par incinération un salin très riche en potasse!, IT. — RÉPARTITION DU BANANIER ‘A LA SURFACE DU GLOBE, ’ Le bananier peut croître sous toute la zone tor- ride de notre globe; il est répandu sur une large bande allant du 38° degré de latitude nord au 35° degré de latitude sud, et qui comprend tous les pays dans lesquels la température moyenne est de 2% à 27°. Transporté en dehors de ces climats, il végète, mais sans parvenir à la fructification, à moins d'être maintenu en serre et soigné tout spé- cialement. Son pays d'origine est l'Inde orientale, qui ne produit de bananes que pour sa consommation; au contraire, la Jamaïque et l’ile de Cuba possèdent d'immenses cultures de bananiers qui leur permet- tent d'exporter de grandes quantités de fruits en Europe, spécialement en Angleterre, et aux Etats- Unis. Parmi les autres lieux moins importants de production de la banane, nous citerons : le Congo, la Guinée française, la région de l'Amérique cen- trale (Costa-Rica, Nicaragua, Honduras, la Colom- bie, etc.), toutes les Petites-Antilles, notamment la Guadeloupe, enfin les îles de Java et des Philip- pines. Ces dernières cultivent particulièrement le Musa textilis qui sert à faire des cordages et des toiles grossières, mais dont les fruits ne sont pas comestibles. III. — CULTURE DU BANANIER. Dans la plupart de nos colonies et principalement aux Antilles, la culture du bananier se recommande par de nombreux avantages. En premier lieu, elle n’entraine que de minimes frais d'établissement. Les bananiers sont, en effet, utilisés dans les plan- tations de caféiers et de cacaoyers, qui prennent une extension croissante aux Antilles, pour abriter les jeunes plants pendant les premières années de leur croissance. Les frais de plantation des bana- niers se confondent par suite avec les frais de premier établissement de la plantation principale. Le bananier fructifie, d'autre part, dès la seconde année, tandis que le caféier ne produit qu'au bout de quatre ans, le cacaoyer à la cinquième année seu- lement. La vente des bananes vient donc, avant 1 Un emploi assez original du bananier est celui que font de sa sève les indigènes du Congo ; ces naturels s’en servent comme de liquide savonneux. Nous avons constaté, en effet, dans l'étude que nous avons effectuée de diverses sèves (Bull. Soc. Chim., 3° série, t. XIII, p. 927 et t. XVII, p- 88), que la sève du Musa paradisica du Congo renferme des oléates alcalins; la sève du M. ensete de nos pays ne nous à rien fourni de semblable. ASH 840 A. HÉBERT — LA CULTURE DU BANANIER ET LE COMMERCE DES BANANES même que la plantation n'entre en rapport, procu- rer à l'exploitant un bénéfice qui amortit, dans une certaine mesure, ses frais généraux. Enfin, le voisinage des Etats-Unis, où la con- sommation des bananes a pris depuis quelques années un développement considérable, assurerait aux producteurs de nos Antilles un débouché presque illimité pour l'exportation de leurs fruits. On cultive principalement deux espèces de bana- niers. L'une est dite Platano ; ses fruits sont con- sommés en quantités énormes comme nourriture, et les États-Unis en font une farine appelée bana- nine. L'autre espèce est dite figue banane; on en sa première récolte : une fois le régime coupé, le pied est abattu et les rejetons, parmi lesquels on ne garde que les plus vigoureux, produisent l’année suivante. Une « cavalerie »‘ peut contenir 7.000 bananiers: chaque pied ne produit qu’un régime qui comprend 100 fruits environ et pèse 50 à 60 kilos; on voit parfois des régimes de 300 bananes pesant 120 ki- los. Une bananerie bien entretenue peut durer vingl ans sans être replantée; la principale récolte se fait généralement du 1° avril au 30 juin et Les régimes recueillis hors de cette saison sont moins estimés. Les plus beaux régimes valent, au port hu LLS / F2 VLLZ + 11 Os“Ayres CZ 1me de culture du bananier NN Principaux lieux de production des bananes …… Principales lignes maritimes affectées au transport de ces fruits Fig, 1. — Carle pour suivre la description de la culture et du commerce des Bananes. emploie plusieurs variétés, parmi lesquelles la plus estimée est la « Johnson ». Le bananier croît, de préférence, dans un ter- rain abrité, les racines de cette plante étant tout à fait superficielles, ce qui l’expose à être facilement déracinée. Il convient également que le sol soit drainé, afin d'empêcher les eaux pluviales de séjourner dans le sous-sol. On plante par rejetons ou par tubereules, à la distance de 4 mètres l’un de l’autre, dans des trous de 0",30 de profondeur. On ne doit laisser pousser aucune autre herbe ou plante entre les rangs, si l'on fait une exploitation spéciale. On a calculé qu'un terrain produisant 100 kilos de blé donnerait 300 kilos de pommes de terre et 12.000 kilos de bananes. Le point important est d'assurer à date fixe la quantité de fruits néces- saires. Le bananier met environ seize mois à produire d'embarquement, 25 à 45 centavos, et les régimes inférieurs sont cotés 15 à 20 centavos. On peut, généralement, pour une cavalerie, compter sur un rendement moyen de 2.500 régimes de 1" qualité et 4.500 de 2° qualité. Sur ces données, on-peut établir le bilan suivant? pour une bananerie d'une surface de trois cavale- ries\: Dépenses de premier établissement. Achat de terrain à 300 pesetas la cavalerie; soit pour les trois cavaleries 900 pesetas. Défrichement des trois cavaleries . . . . . 1.050 — Creusage des trous, 100 pesetas la cavalerie. 300 — Plantation, 150 pesetas la cavalerie . . . . 450 — 12 sarclages à 10 pesetas la cavalerie 360 — Dotal re 3.060 pesetas. Comme on le voit, dès la seconde année, les frais ! La cavalerie, mesure agraire des Antilles, équivaut à 6 ou 7 hectares. 2 D'après la Revue Coloniale. RÉ SR à A. HÉBERT — LA CULTURE DU BANANIER ET LE COMMERCE DES BANANES 841 Er ——_——— d'acquisition du terrain et d'établissement de la plantation se trouvent complètement remboursés. Frais de récolte. En moyenne, 5 centavos par régime, soit pour D OUDR EEE EM TE ER ON Transport, en moyenne, 2 centavos par régime - MORT 1.050 pesetas. 420 4.530 pesetas. Recette. 1.500 régimes à 35 centavos en moyenne. . . . . . + 2.625 pesetas. 13.500 régimes à 17 centavos PRIMOYERNES 0 Ten :2.295 — DO he fe Ds 4.920 pesetas. Ce qui, pour la première récolte, laisse un HONOR NE An : 390 pesetas. Les années suivantes, les débours se rédui- sent : Aux frais de sarclage. . . 360 pesetas. Aux frais de récolte . . . 1.050 — Aux frais de transport . . 420 — HORS E NT Fe le re ae 1.830 pesetas. La recette étant la même. . . . . . . .. 4.920 — Le bénéfice net est de. . . 3.090 pesetas. IV. — CoMMERCE DES BANANES. $ 1. — Statistique. C'est principalement aux Etats-Unis que s’est développée la consommation des bananes: elle a été poussée à un tel point, chez la population amé- | ricaine, surtout dans la classe ouvrière, qu'un économiste a élé jusqu'à affirmer et, paraît-il, avec juste raison, qu'elle avait fait baisser le chiffre moyen de la consommation du blé par tête d’habi- tant. Le tableau suivant fait ressortir la progression de la valeur des bananes importées aux États-Unis de Cuba et des Antilles anglaises pendant les cinq années comprises entre 1889 et 1893. DES ANTILLES ANNÉES DE CUBA ANGLAISES TOTAL £e fr. fr. 1889. . . 5.300.000 6.800.000 12.100.000 499054: 6.350.000 9.350.000 15.100.000 AGP 5.560.000 11.980.000 17.540.000 1892... 8.000.000 6.900.000 14.900.000 : (EEE 8.500.000 9.500.000 18.000.000 Les principaux pays producteurs des bananes destinées à l'Amérique septentrionale sont la Jamaïque et Cuba. Il est intéressant de savoir dans quelle proportion les divers pays producteurs con- courent à cette importation. Le rapport officiel du gouvernement (The foreign Commerce and Naviga- tion of the United States for 1892-93) nous donne les chiffres suivants : DRAMATIQUE: - 2e, Arch. f. Physiologie, 1897, p. 133. 3 Voir la Revue, 1896, p. 102. * Arch. f. Physiologie, 1896, p. 302 et 428. LÉON FREDERICQ — REVUE pression inspiratoire), des mouvements péristal- tiques et du poids des intestins. Si l'on empêche ces facteurs d'agir sur l'intestin, en soutenant la paroi interne de ce dernier par une carcasse mé- tallique, on supprime presque complètement la résorplion. IL a réalisé èn vitro les conditions mécaniques de l'absorption en employant un tube à parois de géla- tine soutenues par une carcasse métallique. Le tube représentait un capillaire sanguin, il était tra- versé à son intérieur par un courant de liquide représentant le sang. Sa surface extérieure bai- gnait dans une solution saline dont on pouvait faire varier la pression, solution jouant le rôle de tiquide à absorber par le courant sanguin. Au moyen de ce schéma, on peut reproduire les principales particularités de l'absorption à la sur- face de la muqueuse intestinale et des séreuses. Les résultats des expériences, tant in vivo qu'in vitro, sont d'accord avec la théorie purement phy- sique de l'absorption, et rendent superflue l'hypo- thèse de l'intervention de forces vitales. Les travaux récents d'Orlow, d'Heidenhain, de Starling et Tubbey, et surtout d Hamburger, ont conduit à celle conclusion que les lymphatiques ne jouaient qu'un rôle tout à fait secondaire dans l’ab- sorption des liquides épanchés dans la cavité péri- tonéale. Ces liquides seraient surtout résorbés par les capillaires sanguins, et apparaïtraient dans le sang et dans l'urine bien avant que leur présence pût être décelée dans la lymphe du canal thora- cique. Adler et Meltzer ont montré récemment! que ces conclusions étaient trop absolues. Si l’on n'introduit que de petites quantités à la fois de liquide dans le péritoine, l'absorption est fortement ralentie chez le lapin lorsque les voies ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE 871 lymphatiques ont été au préalable liées (ligaturedes | deux veines anonymes pour arrêter la lymphe du canal thoracique, ligature des jugulaires externes sur les animaux servant de contrôle). Dans ces conditions, le ferro-cyanure de potassium, injecté dans le péritoine, apparait tardivement dans les urines. Pareillement, les symptômes de l'empoi- sonnement par la strychnine (après injection péri- tonéale de strychnine) sont retardés. Les lympha- tiques jouent donc ici le rôle prépondérant dans l'absorption. Lewin et Goldschmidt? ont constaté, comme leurs devanciers, que l'absorption est presque nulle à la surface de la vessie. La vessie peut recevoir des substances toxiques (strychnine, chlorhydrate d'hy- droxylamine) sans que les symptômes d'empoison- nement apparaissent. Mais, lorsque la vessie trouve 1 Centralbl. f. Physiologie, X, p. 219. 3 Arch. f. exp. Pathologie, XXXVII. un obstacle à se vider, le liquide qu'elle contient pénètre dans l'uretère el peut arriver jusqu'au bas- sinet. Alors l’absorption peut se faire et l'intoxica- tion survient. LIL. — CircuLATION. Cœur.—Les controverses sur la forme des tracés du choc du cœur et sur ceux de la pression intra- ventriculaire, qui battaient leur plein il y a un pelit nombre d'années, ont presque cessé complè- tement. On peut y voir le signe du triomphe défi- nitif de la doctrine cardiographique de Chauveau et Marey, et du découragement des derniers dissi- dents. Ce résultat a été sans aucun doute atteint grâce à la découverte par Chauveau du procédé d'enregistrement direct du mouvement des val- vules sigmoïdes, et à celle de l'enregistrement objectif des bruits du cœur, réalisée par Hürthle et Einthoven. J'ai décrit ces procédés dans une pré- cédente revue. On sait que le cœur de la grenouille, extrait du corps et déposé dans un verre de montre, continue à battre pendant des heures entières. On peut même prolonger la vie de cet organe isolé et entre- tenir ses pulsations, si l’on a soin de le nourrir, c'est-à-dire de faire circuler dans son intérieur, au moyen de tubes et de canules appropriées, un liquide nutritif suffisamment oxygéné, par exemple du sang dilué, ou une solution légèrement alcaline de sels et d’albumine. Cette méthode des circulations artificielles, pra- tiquée sur le cœur isolé de la grenouille, a permis d'étudier à l'aise une foule de questions intéres- santes : influence de la température, de la pression, de la composition du liquide nutritif, action des excitants électriques ou autres, etc., etc. Une bonne partie des notions que nous possédons sur la physiologie du muscle cardiaque et de ses nerfs ont été acquises en utilisant ce procédé expéri- mental. On pouvait lui faire l’objection que le cœur des Mammifères n’est pas nécessairement soumis aux mêmes lois que celui de la grenouille. Le même procédé a été récemment appliqué avec un plein succès au cœur des Mammifères par Langendorff. Cet habile expérimentateur com- mence par recueillir tout le sang de l'animal dont le cœur sera utilisé. Ce sang est défibriné et, au besoin, dilué avec un égal volume de sérum artifi- ciel, puis placé dans un réservoir chauffé, légère- ment surélevé et muni d’un tube d'écoulement terminé par une canule. On extrait le cœur et on le place dans un récipient spécial, puis la canule est reliée à l’un des vaisseaux qui naissent de la 1 Revue gén. des Sciences, 1894, p. 984. { +. 872 LÉON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE crosse de l'aorte. Cette crosse elle-même est liée, ainsi que toutesles autres branches qui en partent. On établit la circulation artificielle dans l'aorte, après avoir soigneusement chassé l'air qu'elle pou- vait contenir. La pression exercée à l'intérieur de l'aorte par l'injection a pour effet de fermer her- métiquement les valvules sigmoïdes, de sorte que le sang passe uniquement par les artères coro- naires et circule dans les parois du cœur sans pénétrer dans les cavités de l'organe. On peut de cette facon prolonger l'expérience pendant assez longtemps, tout en n’usant qu'une quantité minime de sang. Langendorff a repris par ce procédé les expé- riences de Newell Martin sur l'influence de la tem- pérature. Les limites extrêmes compatibles avec la survie sont, chez le chat, + 6° à 7, au bas de l'échelle, et + 459 à 46° dans le haut. La fréquence des pulsa- tions augmente avec la température : 6 pulsations par minute aux plus basses températures, jusqu'à 360 aux plus hautes. En ce qui concerne la force de la pulsation, il “existe un optimum de température assez variable mais toujours notablement moins élevé que la tem- pérature normale du corps”. Vaisseaux. — Un nombre énorme de travaux ont été publiés depuis la découverte de Claude Bernard sur les nerfs vaso-moteurs. Leur étude constitue, peut-on dire, dans le vaste domaine de la Physiolo- gie, un de ces champs de prédilection sur lequel les physiologistes font encore chaque année une ample moisson de faits intéressants. C’est ainsi que, depuis ma dernière revue, Tschirwinsky a étudié l'action du nerf dépresseur, v. Maximowitsch celle des vaso-constricteurs des membres inférieurs, Hallion et François-Franck celle des nerfs vaso- moteurs de l'intestin, du foie et du pancréas, François-Franck? celle des vaso-moteurs pulmo- naires, etc. Les vaso-constricteurs pulmonaires proviennent, d'après Francçois-Franck, de la moelle dorsale par l'intermédiaire du sympathique (du 4% au 6° nerf dorsal, surtout par les 2° et 3° rameaux communi- quants). Les centres vaso-moteurs pulmonaires se trouvent dans le bulbe rachidien. La vaso-constric- tion réflexe du poumon s’observe à la suite de l’ex- citation d'un grand nombre de départements sen- sitifs. Le spasme réflexe du poumon explique et légitime l'emploi des révulsifs thoraciques dans les affections congestives pleuro-pulmonaires; en effet la vaso-constriction pulmonaire réflexe est plus 1 Arch. f. d. ges. Physiologie, LXVNI, p. 355. ? Bull. Acad. méd., 11 février 1896. marquée à la suile de l'excitation des nerfs inter- costaux que sous l'influence de celle d’un nerf de sensibilité générale éloigné, tel que le sciatique. Mais, si les nerfs centrifuges des vaisseaux, tant constricteurs que dilatateurs, ne se lassent pas d’exciter l'ardeur des expérimentateurs, il n’en est pas de même des nerfs centripètes ou nerfs sen- sibles des vaisseaux, dont l'existence même parait problématique, et dont l'étude est entourée de grandes difficultés. Delezenne a réussi à mettre en lumière l'existence de ces nerfs vaso-sensibles, ré- gulateurs de la pression sanguine, grâce à un artifice expérimental fort ingénieux. Chez un chien A, on sectionne entièrement, à la base, une des pattes postérieures, en ne respectant que les nerfs (scia- tique et crural) qui constituent alors les seuls liens physiologiques entre la patte et l'organisme du chien A. Un second chien B est chargé de nourrir, au moyen de son sang, la patte isolée de A. A cet effet les bouts centraux des vaisseaux fémoraux du chien B sont abouchés avec les bouts périphériques de même nom du membre isolé de A. On excite alors un nerf sensible de B, le nerf médian par exemple, de manière à produire une augmentation de pression à la fois dans le système artériel de B, et dans la patte isolée de A. Or, cette augmentation de pression dans la patte isolée pro- voque par voie réflexe, par l'intermédiaire des nerfs sciatique et crural respectés, dans l’orga- nisme de À, également une augmentation de pres- sion artérielle. La paroi des vaisseaux est donc sensible aux variations de pression qui se dérou- lent à leur intérieur. Giltay a fait dans mon laboratoire une série d'expériences, d'où il résulte qu’une diminution de pression réalisée dans l'aire de distribution des artères nourricières de la tête (carotides et verté- brales) provoque (sans doute par voie réflexe) une dilatation des voies afférentes collatérales (petites artères émanées de la sous-clavière et fournissant également du sang au cou et à la tête). On sait, depuis Kusmaul et Tenner, que l'occlusion des artères nourricières de la tête, carotides et verté- brales, provoque chez le lapin une anémie céré- brale promptement mortelle. Giltay a constaté qu'une occlusion temporaire (durant quelques se- condes) des carotides (les vertébrales ayant été liées au préalable) provoque après désocclusion des carotides, au bout de deux à trois minutes, une dilatation des voies collatérales, suffisante pour nourrir les centres nerveux et leur permettre à présent de supporter l'occlusion définitive des carotides, opération qui, pratiquée d'emblée, aurait élé mortelle. Une occlusion temporaire procure done l'animal, en de certaines limites de temps, une immunité complète contre une occlu- à LÉON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE sion définitive, survenant (rois minutes plus tard. L'expérience de Kussmaul-Tenner n’est mortelle dans les conditions ordinaires que parce que la dilatation des voies collatérales se produit avec un retard trop grand pour que l'animal puisse encore être sauvé. IV. — DIGESTION. A diverses reprises, on a émis l’idée que les bac- téries de notre tube digestif jouaient un rôle indis- pensable, ou tout au moins très utile à la nutrition. Nuttal et Thierfelder ! ont soumis la question au contrôle de l'expérience. Ils décrivent les procédés ingénieux qui leur ont permis d'extraire asepti- quement de l'utérus maternel, par la section césa- rienne, un jeune cochon d'Inde à terme, de l'intro- duire dans une enceinte stérilisée, où il respire de l'air stérilisé, et de le nourrir au moyen de lait exempt de bactéries. Le jeune animal supporte parfaitement ce régime, démontrant ainsi que la vie extra-utérine est possible sans l'intervention de bactéries dans le tube digestif. An bout de quelques jours on interrompt l'expérience et on tue le sujet pour vérifier l'absence de bactéries dans le tube digestif. Dans une seconde série d'ex- périences, les jeunes cobayes furent alimentés au moyen d’une nourriture végétale aseptique, riche en amidon et pauvre en cellulose. Sur les cinq expériences entreprises, deux réussirent complè- tement, c'est-à-dire qu'on constata à l’autopsie l'absence de bactéries dans l'intestin. Les urines des animaux conlenaient des dérivés hydroxylés du benzol : ces substances peuvent donc se former dans l'organisme, en dehors de l'intervention de la putréfaction intestinale, comme l'avait d’ailleurs affirmé Baumann. L'exlirpation à peu près complète de l'estomac, avec suture directe cardio-pylorique, est parfaite- ment supportée par le chien, comme l'ont montré les recherches de Czerny, Kaiser, etc.; Pachon a répété l'expérience sur le chat, en réalisant pour la première fois l'extirpalion complète de l'estomac (vérifiée à l’autopsie). Il à constaté également que la digestion se faisait normalement. Oppel®? a fait remarquer que la dilatation sto- macale manque chez un grand nombre de Verté- brés. Oppel admet avec Moritz que l’on à exagéré le rôle de l'estomac dans la digestion des albumi- noïdes. Ge serait principalement un agent de pro- tection placé en avant de l'intestin et destiné à combattre les influences nuisibles de nalure méca- nique, chimique, thermique ou bactérienne. Les aliments seraient désinfectés dans l'estomac par le 873 suc gastrique acide. On peut d’ailleurs faire re- marquer qu'au point de vue de l’action digestive sur les aliments, le suc gastrique fait double em- ploi avec le suc pancréatique. Comment se fait-il que, sur le vivant, l'estomac, que l’on peut considérer comme un vase formé de substances albuminoïdes, ne soit pas digéré, dis- sous par le suc gastrique? On à donné à cette question une série de réponses aussi peu satisfai- santes les unes que les autres. Un assez grand nombre de physiologistes admettent encore au- jourd’hui l'explication de Pavy. Dans cette théorie, on explique la non-digestion de l'estomac par l'absence de l’un des facteurs du suc gastrique, l'acide chlorhydrique. Les pelites quantités d'acide qui pénètrent par diffusion dans les tissus sous- jacents à l'épithélium y seraient neutralisés au fur et à mesure par les liquides alcalins qu'elles ren- contrent. La surface stomacale présente en effet un réseau capillaire des plus riches, dans lequel circule une énorme quantité de sang (alcalin). Ceux qui ont accepté cette explication ont oublié que le même problème se pose pour l'intestin. Pourquoi la paroi de l'intestin vivant n'est-elle pas dissoute par le suc pancréatique à chaque diges- tion ? La raison dont on se contente pour l'estomac n'est pas applicable à l'intestin, puisque le suc pancréatique est alcalin lui-même, et qu'il ne peut êlre question ici de neutralisation d'acide. Les recherches récentes de Frenzel, de Fermi, de Paul Otte * ont montré que le protoplasme vivant n'était pas attaqué par les ferments digestifs : les animaux appartenant aux groupes zoologiques les plus divers, les plantes, peuvent continuer à vivre dans du suc pancréatique très actif, alors que des flocons de fibrine où des tissus morts y sont rapi- dement attaqués et dissous. Nous en revenons ainsi à l'ancienne explication de Hunter : les tissus vivants ne sont pas digérés parce qu'ils sont vivants. Pour Fermi, le protoplasme vivant constitue. une combinaison chimique insoluble dans les solutions de ferments. Le protoplasme résiste aux ferments protéolytiques, comme il résiste à l’eau, à la péné- tration par les sels, par les matières colorantes, etc. Un certain nombre d’albuminoïdes non vivants (mucine, élastine, ete.) résistent d’ailleurs égale- ment à l'action digestive. La mort du protoplasme correspond à un changement de constitution chi- mique qui le rend justiciable des attaques des fer- ments. Pour Frenzel, le protoplasme fabriquerait des substances spéciales, antiferments, qui le proté- geraient contre les sucs digestifs. Mais, si le protoplasme vivant résiste aux solu- 1 Arch. f. Physiologie, 1895, p. 559, et 1896, p. 363. 2 Biol. Centralbl., 1896, p. 406. 1 Arch. ilal. Biologie, XXIII, p. 433. ? Arch. Biologie, 1896, p. 635. 874 tions neutres de ferment, il est atlaquable par les solutions acides ou alcalines trop concentrées qui agissent comme caustiques. La plupart des tissus vivants ne peuvent résister à l’action du suc gas- trique acide, parce que leurs éléments sont tués par l'action caustique de l’acide chlorhydrique, ce qui permet ensuite à la pepsine de les dissoudre. Les cellules de la muqueuse gastrique sont des cellules spécialisées qui se sont adaptées à la pré- sence de l'acide chlorhydrique, comme les cellules des glandes à acide sulfurique de certains mol- lusques gastéropodes ou celles des végétaux acides (citrons). Biondi,en combinant l'auscullalion et la percus- sion, est arrivé à limiter très exactement sur le vivant, à travers la peau, la situation exacte et les limites des différents organes. Roux s'est servi de celte méthode, pour déterminer le moment où l'estomac se vide au cours d'une digestion. Il à constaté que l'évacuation du contenu de l'estomac ne commençait, chez l'homme sain, que trois heures et demie à quatre heures après le repas, et que cette évacuation se faisait complètement en quel- ques minutes. Il a découvert qu'il était possible de raccourcir beaucoup la durée du séjour des ali- ments dans l'estomac, et d’en provoquer l'évacua- lion à une période quelconque de la digestion, en faisant ingérer au sujet en expérience une certaine quantité de peptone (2 grammes de peptone sur 15 à 20 grammes d’eau). Le sujet doit incliner le corps vers la droite, de manière que la solution de peptone vienne en contact avec le pylore. Dans les conditions ordinaires de la digestion, c'est sans doute aussi l'accumulation de peptone dans l’esto- mac et son contact avec la muqueuse pylorique, qui est le point de départ du mouvement d'évacua- tion du contenu stomacal. Dastre a constaté que les ferments digestifs ne sont pas absolument insolubles dans l'alcool, comme on le croit généralement. La trypsine se dissout dans des liquides contenant de 10 à 40 °/, d'alcool et peut encore agir dans des milieux contenant 15 °/, (porc) ou 22 °/, (chien) d'alcool. La diastase pancréatique conserve son activité en présence de 20 °/, d'alcool, et est encore soluble dans l'alcool à 65 °/.. V. — SÉCRÉTION INTERNE. La notion de la sécrétion interne des glandes et des organes, si discutée au moment où Brown- Séquard la présentait au monde scientifique, est à présent universellement acceptée. Cette théorie a jeté un jour nouveau sur une série de faits qui jusqu'alors restaient sans lien. Elle nous explique par exemple l’allération de nutrition du système 1 Arch. de Physiologie, 1895, p. 120. LÉON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE nerveux (cacheæie slrumiprive) qui se montre après l’extirpation du corps thyroïde. Le corps thyroïde fabrique, par sécrétion interne, des produits qu'il verse dans le sang et qui sont indispensables à la nutrition des centres nerveux. Les accidents de la cachexie strumiprive proviennent de la suppression de cette sécrétion interne. On peut, en effet, atté- nuer ou prévenir ces accidents en faisant aux ani- maux opérés des injections intraveineuses de-sucs des glandes thyroïdes empruntées à des sujets. sains (Gley, Vassale, etc.). L'administration d’extraits thyroïdiens ou de. thyroïde en substance est entrée dans la pratique médicale courante et n’est plus limitée au traite- ment du goitre. On à constaté que l'ingestion de corps thyroïde exerçait une action profonde sur la nutrilion générale !. Les phénomènes de désassi- milation de la graisse et de l’albumine acquièrent sous l'influence de ce traitement une activité tout à fait exagérée. Ce serait un des moyens les plus efficaces de faire disparaitre la graisse chez les obèses. Malheureusement cette pratique ne serait pas sans danger. La question de la sécrétion interne du corps thyroïde, des capsules surrénales, etc., est entrée récemment dans une phase nouvelle par la décou- verte des substances auxquelles leur produit de sécrétion doit son activité. Baumann ?, en faisant digérer la glande thyroïde dans du suc gastrique, a obtenu un résidu brun, d'où il a extrait une substance phosphorée conte- nant 10 °/, d'iode, soluble dans l'alcool et les solu- tions aqueuses alcalines ou salines (0.75 NaCl), précipitable par les acides. La fhyroriodine de Bau- mann guérit les goitreux, comme le fait le suc de la glande. Fränkel a décrit dans les extraits thyroï- diens une seconde substance active, qu'il appelle thyréoantitoxine. Son absorption par le chien qui a subi l’ablation du corps thyroïde n'empècherait pas la mort de l'animal, mais supprimerait les con- vulsions. Drechsel à également trouvé, dans le suc thyroïdien, deux bases précipitables par lacide phosphomolybdique, donnant avec la baryle un composé cristallin. L'une d'elles est peut-être iden- tique à la thyréoantitoxine. S'il faut s'en rapporter aux expériences cliniques ou physiologiques faites avec ces différentes substances, il faudrait admettre dans le corps thyroïde plusieurs (au moins trois) substances actives. Fränkel * a réussi également à isoler du suc des 1 Macnus-Levy, Deutsche med. Wochens., XXII, p. 491: Scuônporer, Arch. f.d.ges. Physiol., LAIT, p. 423: Roos, Zeit. [. physiol. Chem., XXII, p. 18; GLuzinskr et LEMBERGER, Cen- bralbl. f. inn. Medic., XNIII, p. 90. ? Zeil, f. Physiol. Chem., 1895, 1896. 3 Wiener med. Bläller, 1896, n° 14. LÉON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE 875 capsulessurrénales une substance nouvelle,dontl'in- : jection intraveineuse produit une élévation consi- dérable de la pression sanguine. On sait que cette élévation constitue un des symplômes les plus caractéristiques qui se montrent après injection d'extrail de capsule surrénale !. De Cyon * a découvert des relations extrèmement intéressantes entre la glande thyroïde et le cœur. La fonction principale de la thyroïodine consiste- rail à exciter les appareils nerveux régulateurs du cœur. On peut exagérer celle action par l’adminis- ration de fhyroïodine. Après une injection de cette substance, l’excitalion du dépresseur pro- voque parfois une telle baisse de la pression san- guine que le cœur anémié cesse de battre. On sait que le nerf dépresseur est un nerf centripète pro- venant du cœur. D’après de Cyon, le cœur régle- rait lui-même, par l'intermédiaire de ses propres nerfs centripètes et des nerfs centrifuges du corps thyroïde, l’activité de la glande, c'est-à-dire la production de la thyroïodine qui est indispensable à son fonctionnement. E. Curatulo et L. Tarulli* et, plus récemment, Keiïffer, ont signalé des faits qui parlent en faveur d'une sécrétion interne des ovaires. Après ovario- tomie double, la quantité d'acide phosphorique éliminée par les urines chez la chienne diminue de moitié. On sait d’ailleurs que les ostéomalaciques guérissent par la castration. VI. — RESPIRATION. OxXYDATIONS. NUTRITION. Depuis les mémorables recherches de Jourdanet et de Paul Bert, les physiologistes sont d'accord pour admeltre la théorie qui explique le mal des montagnes par l'anoxyhémie, c'est-à-dire par la di- minution de l'oxygène du sang. Cette diminution elle-même provient de l'abaissement de la tension de l'oxygène de l'air des alvéoles pulmonaires. L'oxygène ne présente plus, entre l'air des alvéoles et le sang, une différence de tension suffisante pour qu'il pénètre en quantité voulue dans ce li- quide. On sait que l’homme et les Vertèbrés supérieurs | peuvent s'habituer assez rapidement à un climat de montagne et supporter alors sans inconvénient uue altitude de plus de 4.000 mètres, qui, primiti- vement, causait le mal des montagnes. Cet acclima- tement s'explique par une multiplication du nom- bre des globules rouges du sang et par une augmentation dans la quantité absolue d'hémoglo- bine. Il en résulte une facilité plus grande de 1 Breoz, Szymoxowicz, À. f. d. q. Physiol., LXIV: Gorrures, Arch. f. exp. Path., XXXVIII, p. 99. ? Centralbl. f. Physiol., XI, p. 219 et 357. * Arch. ilal. de Biologie, XXII, p. 368. l'absorption de l'oxygène, qui compense la dimi- nulion de tension que ce gaz présente dans l'air. Cette théorie donne donc une explication très satisfaisante de l’accoutumance à la diminulion de pression. Elle nous explique aussi l'apparition ou l'aggravation du mal des montagnes sous l’in- fluence de toutes les causes qui augmentent la consommation respiratoire de l'oxygène, et notam- ment de l'exercice musculaire. d Mosso! à repris la question. Il a passé tout un mois au sommet du Mont-Rose (4.560 mètres) avec un matériel expérimental complet, el une partie du personnel de son laboratoire. Il considère la théorie du déficit d'oxygène comme inexacte, et propose de lui substituer la théorie du défaut d'anhydride carbonique qu'il appelle acapnie (dxunvos, sans fumée). L'excitation normale des centres nerveux qui président aux mouvements de la respiration et de la circulation est constituée par l’anhydride carbonique du sang. Si l’exhala- tion de l'acide carbonique s'opère d'une facon exagérée à la surface pulmonaire, par suite de la diminution de la pression extérieure, comme c'est le cas dans les hautes régions de l'atmosphère, il ne reste plus assez d'acide carbonique dans le sang pour eniretenir l'activité des centres de la circula- tion et de la respiration. Les troubles du mal des montagnes proviendraient donc d'un déficit de CO?, dû à une élimination trop rapide au niveau des poumons. Il y a quelques années, Jacquet démontra que les oxydalions organiques, qui sont la source de l'énergie chez les êtres vivants, sont réalisées dans nos lissus par l'intermédiaire de ferments solubles ou enzymes. Depuis cette époque, on a signalé la présence de ferments oxydants dans un grand nom- bre de milieux organiques. J. Abelous et Biarnès * ont trouvé que ces ferments existent également dans le sang, ils ont constaté qu'ils sont répartis d'une facon irrégulière dans l'organisme et plus spécialement localisés dans certains organes : foie, poumon, rate. Les muscles en contiennent peu. Le pouvoir oxydant des organes était mesuré en déter- minant la quantité d'acide salicylique que peut former un”poids déterminé de ces organes mis en présence de l'aldéhyde salicylique. Dans une autre série de recherches, ils ont utilisé le bleuissement, au contact des organes, d’une solution alcaline de paraphénylène diamine (4-Naphtol). Bourquelot et Bertrand ont montré que le bleuis- sement et le noircissement des champignons à l’air sont également des phénomènes d'oxydation réa- lisés par des ferments oxydants ou laccases. 1 C.R. Soc. Biol., 1896. 2 Arch. de Physiologie, VII, p. 195 et 311, 876 Le Boletus cyanescens, espèce vénéneuse de bolet commune dans les bois, contient une substance incolore, soluble dans l'alcool, qui, sous l'influence d'un ferment oxydant, fournit un produit d'oxyda- tion bleu. Le Æussula nigricans noircit à l'air par un mécanisme analogue. La formation de la laque de Chine et du Japon se fait également par fermenta- tion et oxydation d’un suc de plante. Les travaux de l’école de Munich (Carl Voit et Pettenkofer) avaient établi ce principe, que, si l'on représente par 100 la quantité d’albumine qui se détruit chaque jour chez un sujet privé complète- ment d'aliments, et vivant par conséquent aux dé- pens de sa propre substance, la ration alimentaire suffisant à l'entretien du même sujet et le mainte- nant en équilibre d'azote, doit comprendre un mi- nimum d'albumine notablement supérieur à la valeur 100, qui représente cette destruction typique journalière d'albumine organique pendantle jeûne. Ce minimum d'albumine alimentaire dépasserait par exemple 150 à 200.J. Munk s'est le premier élevé contre cette doctrine. Rubner, Hirschfeld, Kumagawa, Klemperer, Breisacher et d’autres ont montré, après Munk, que l'homme, aussi bien que le chien, peut vivre avec une quantité d’albumine alimentaire inférieure à celle qui représente la des- truction d'albumine pendant la période d’absti- nence. Im. Munk a publié une nouvelle expérience fort concluante. Un chien, qui éliminait plus de 6 grammes d'azote par jour dans ses urines, pen- dant une période d’'abstinence de six jours, fut ensuite nourri avec très peu de viande(100 grammes) et beaucoup de fécule (200 grammes) et de graisse (75 grammes). L'éliminalion diurne d'azote descen- dit au-dessous de 6 grammes, puis de 5 grammes, ce qui n'empêcha pas l'animal d'augmenter de poids et de déposer de l’albumine dans ses tissus. Erwin Voit!, fils de Carl Voit, a repris la question dans le laboratoire de son père. Il trouve que, si l’on représente par 100 la quantité typique d’albu- mine détruite dans le corps du chien à jeun, on constate que le minimum d’albumine alimentaire suffisant pour conserver l'équilibre d'azote ‘du corps est représenté par 368 pour une alimentation exclusivement azotée (viande maigre). Pour une alimentation mixte, composée de graisse et d’albu- mine, il faut un minimum d’'albumine représenté par 157 à 193; si l’on nourrit l'animal de féculents et d’albumine, le minimum d’albumine alimentaire pourra descendre à 108 à 134. Pour que ce mini- mum d’albumine soit suffisant, il faut donner un | grand excès d'aliments non azotés, fournir, par 1 Zeils. f. Biologie, XXXII, p. 58 et XXXIII, p. 333, 1896. LÉON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE exemple,une quantité de graisse représentant 127°/, de l'énergie nécessaire à l'animal, ou une quantité de fécule représentant 155 °/, de cette même éner- gie. Adhuc sub judice lis est. Même divergence d'opinion quand il s’agit de déterminer le rôle joué par l’albumine dans l’orga- nisme. Tandis que Pflüger considère l’albumine comme le combustible par excellence des muscles, Chauveau, en France, Seegen, en Allemagne, n'ont cessé de défendre la thèse opposée, qui voit dans la glycose et dans les hydrocarbonés, en général, la source chimique unique de l'énergie développée par les muscles. I. Munk et Zuntz admettent que le musele brûle tout aussi bien la graisse ou l’al- bumine que le combustible hydrocarboné, quand ce dernier vient à faire défaut. La réserve de graisse des différents organes est elle consommée sur place, ou transportée par le sang dans les cellules actives ? La dernière alterna- tive paraît correspondre à la réalité, si l’on en juge par les expériences de E.-N. Schultz!. Il a trouvé le sang des animaux à jeun notablement plus riche en graisse (jusqu’à 100 °/, de plus) que celui des animaux nourris normalement. ï E.-N. Schultz, dans ses dosages de graisse, ne s’est pas contenté du traitement classique à l'éther bouillant, qui, d’après Pflüger et Argutinsky, est loin d'extraire complètement la graisse des organes desséchés. Comme l'avait fait Dormeyer*, il a fait précéder l'extraction par l'éther d'une digestion au moyen d'un suc gastrique très actif. Bogdanow * a d’ailleurs montré que les muscles offrent deux variétés de graisse, l’une d'extraction facile appar- tenant au tissu interstitiel, l’autre contenue à l’in- térieur même des fibres musculaires, riche en acides gras, et nécessilant des procédés spéciaux d'extraction. Haoriot * explique le mécanisme de la nutrition intime des tissus par les corps gras par l'inter- vention d'un ferment soluble, la lipase, contenu dans le plasma sanguin, et qui jouirait, comme le ferment saponifiant du suc pancréatique, de la propriété de dédoubler les graisses en glycé- rine et acides gras. Les acides gras se transforme- ‘ raient ensuite en acides de plus en plus simples, butyrates, acétates, et finalement carbonates, dont l'acide carboniques’exhaleraitau niveau du poumon. Cohnstein et Michaelis attribuent au sang une propriété lipolytique, c’est-à-dire de destruction de la graisse, fonction différente de celle qui cor- respond à la présence de la lipase. 1 Arch. f. d. ges. Physiol., LAN, p. 299. ? Arch. f. d. ges. Physiol., LXV, p. 90. 3 Arch. f. d. ges. Physiol., LXV, p. 81. + Bull. Acad. de Méd., 10 novembre 1896. LÉON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE 877 On sait que les peuples qui se nourrissent prin- | . cipalement de végétaux se montrent particulière- ment avides de chlorure de sodium. Bunge avait _ donné de ce fait une explication très plausible. Il admettait que les sels de potassium des aliments végétaux exercent sur nos tissus une action nui- sible, en en chassant les sels de sodium. Il en _résulterait un déficit de sodium, si la perte de sels sodiques n'était compensée par une ingeslion con- tinue de chlorure de sodium. Lapieque a cité des faits qui ne cadrent nulle- ment avec celte théorie. Certains peuples phyto- phages de l'Afrique centrale ajoutent à leurs ali- ments, non des sels de sodium, mais des sels obtenus par le lessivage des cendres de végétaux particulièrement riches en potassium. L'addition de sels de potassium ou de sodium sert probable- ment de condiment, c'est-à-dire relève la saveur peu développée des aliments végétaux ‘. VII. — SYSTÈME NERVEUX. Goltz et Ewald? ont réussi à conserver en vie plusieurs chiens, chez lesquels la moelle épinière avait été détruite sur toute la longueur des régions sacrée, lombaire et dorsale, et sur une partie de la région cervicale. Le système nerveux central n’était plus représenté chez ces animaux que par l'encé- phale et la partie supérieure de la moelle cervicale. La moelle épinière n'est donc nécessaire ni à la conservation de la vie, ni à la nutrition du tronc et des extrémités. Le tonus vasculaire et Ja faculté d'adapter les vaisseaux cutanés aux variations de la température extérieure se rétablissent un certain temps après l'opération. Il en est de même du fonc- tionnement des sphincters de l’anus et de la vessie. Les partisans de l'existence de nerfs trophiques spéciaux pourront difficilement concilier leur doc- trine avec les faits décrits par Goltz et Ewald. Depuis une vingtaine d'années, les physiologistes ont publié un grand nombre d'expériences ten- dant à faire du labyrinthe de l'oreille interne un organe du sens statique, du sens de l'équilibre, du sens -du mouvement d'accélération, du sens du mouvement de rotation, etc., etc. De Cyon vient de publier une critique expérimentale de ces expé- riences dans laquelle il entreprend une charge à fond contre la nouvelle tendance (critique des travaux de Mach, de Delage, de Goltz, d'Ewald et Breuer, de James et Kreidl, etc., etc., dont quel- ques-uns ont été analysés ici). D'après de Cyon, les trois canaux semi-circulaires servent uniquement à nous donner la notion des trois dimensions de l’espace. [1 CR. Soc. de Biol., 30 mai 1896, p. 532. 2 Arch. f. d. ges. Physiol., LXIII, p. 362. Il résulte des nombreuses expériences faites par A. Kreidl', sur des poissons rouges, que ces ani- maux sont absolument sourds. L'oreille des pois- sons ne leur sert pas à percevoir les sons. Kreiïdl a eu l’occasion d'observer un fait qui est souvent cité comme preuve des facultés audilives des poissons. Au couvent de Kremsmünster, on a l'habitude d'appeler les poissons de l'étang au son de la clo- che, pour leur distribuer leur nourriture. Kreidl a constalé que les sensations auditives n'étaient pour rien ici dans le rassemblement des poissons. C'est la vue de la personne qui apporte la nourriture, ainsi que la trépidation mécanique due à sa mar- che, qui sert d'avertissement aux poissons les plus rapprochés et qui les met en mouvement. Les au- tres suivent les premiers. La découverte des rayons X a été tout un événe- ment au point de vue chirurgical. Le diagnostic des fractures, des maladies osseuses et surtout la localisation des corps étrangers métalliques logés dans les lissus vivants, se fait, grâce aux rayons Rüntgen, avec une facilité et une précision dont on n'avait aucune idée auparavant. Ces rayons, ou les effluves électriques qui les accompagnent, parais- sent agir d’une façon défavorable sur la nutrition de la peau : de différents côtés on a signalé des éruptions cutanées plus ou moins douloureuses chez les personnes ayant été exposées pendant un certain temps à leur action. Ils ont jusqu'à présent été peu étudiés par les physiologistes. On sait qu'ils sont absolument invisibles pour notre œil, pre- priété qu'ils partagent avec les rayons de chaleur obseure et avec ceux du spectre ultra-violet. Leur invisibilité ne doit pas nous étonner, puisque notre œil n’est sensible qu'aux radiations de l'éther comprises entre le rouge et le violet du spectre solaire. Fuchs et Kreidl? ont d'ailleurs constaté sur la réline de la grenouille, que les rayons X n'ont pas d'action sur le pourpre visuel *. Si l'œil de l'homme est insensible aux rayons X, il n’en est pas nécessairement de même des orga- nes des sens d’autres animaux. Ne savons-nous pas depuis longtemps que certains insectes, les fourmis, par exemple, sont très sensibles aux rayons ultra-violets du spectre que nous ne voyons pas ? Axenfeld ? a pu constater que les rayons X agis- sent sur les yeux des insectes, et que cette action produit dans certains cas des effets analogues à ceux de la lumière ordinaire. Axenfeld place des mouches, ou d’autres insectes amis de la lumière, Arch. f. d. ges. Physiol., LXNI, p. 581. Centralbl. f. Physiol., X, p. 249. Centralbl. f. Physiol., X, p. 141. CRUE 878 LÉON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE dans deux boîtes en bois communiquant ensemble par une petite porte. Il soumet l'appareil à l'action des rayons X, en ayant soin d'entourer l'une des boîtes d'une enveloppe en plomb, formant écran imperméable aux rayons X. Dans ce cas, les mou- ches quittent ce compartiment et se rendent de préférence dans celui qui est exposé aux rayons X. Après extirpation des yeux, les insectes ne mon- trent plus de préférence pour le local où pénètrent les rayons X. VIII. — REPRODUCTION. RÉGÉNÉRATION. Loeb avait constaté une formation d'embryons doubles dans les œufs fécondés d'oursin quiavaient été traités par l'eau de mer diluée. En opérant de la même facon sur l’oursin livide, Rawitz ! trouve que l’eau de mer diluée peut provoquer la déchi- rure de la membrane de l'œuf, déchirure donnant issue à une partie du contenu de l'œuf. Malgré cette soustraction d’une partie de l'œuf, la segmentation se fait normalement et conduit à la formation d'une gastrula {ypique. Rawitz voit dans ce fait, ainsi que dans ceux signalés par Loeb, un argument pé- remploire contre la théorie de la détermination de Weissmann, en vertu de laquelle chaque partie de l'œuf est prédestinée à devenir une partie déter- minée de l'embryon futur. Les faits décrits par Herlitzka paraissent égale- ment en contradiction formelle avec la théorie de Weissmann. On sait que, dans le développement embryon- naire, la cellule-œuf se divise en deux cellules ou blastomères qui, elles-mêmes se divisent en deux, et ainsi de suite, de manière à constituer un amas cellulaire, puis un embryon. Amedeo Herlitzka? a réussi, sur l'œuf du Triton à crête, à séparer, au moyen d'un cheveu, les deux premiers blastomères. Chacune des cellules s'est divisée et subdivisée ultérieurement et a fini par constituer un embryon complet, ne se dislinguant que par une taille infé- rieure à la normale. Un seul œuf coupé en deux à donc fourni deux embryons complets. M. Edmond Bordage, directeur du Muséum d'His- toire naturelle de Saint-Denis (Réunion), a eu l'occa- sion d'observer l’autotomie chez plusieurs orthop- tères géants ainsi que sur leurs larves. Le Monandroptera inuncans, superbe phasmide Archi f. Physiol., 1896, p. 171. 2? Centralbl. f. Physiol., X, p. 113. atteignant deux décimètres de long, abandonne ses pattes lorsqu'elles sont mordues par les fourmis. La cassure se fait toujours au niveau d'un sillon préexistant, suivant la soudure du trochanter et du fémur, qui ne sont pas mobiles l’un sur l’autre comme chez les autres insectes. Cette soudure du trochanter et de la cuisse rappelle donc celle que l'on observe chez les crabes, entre le basipodile et l'ischiopodite. L'autotomie se fait encore plus faei- lement chez la larve de Wonandroptera et peut d’ailleurs être suivie de régénération. Mais, fail extrêmement curieux, le tarse de la patte régéné- rée est tétramère, ne comprend que quatre articles au lieu de cinq, qui constituent le chiffre normal des articles de Monandroptera. M. Bordage voit dans ce fait un curieux cas d'atavisme, de retour à une disposition ancestrale semblable à celle que l'on observe encore chez les Locustides !. Giard à proposé de donner le nom de régénéra- tion hypotypique aux faits de régénération qui ten- dent ainsi à faire apparaitre une disposition ancestrale, existant souvent encore chez des espèces voisines de celle qu'on étudie. Il cite un certain nombre de cas de régénération où le type morphologique du membre reproduit correspond, non pas à l’élat d'équilibre stable actuellement réalisé dans l'espèce considérée, mais à un élat d'équilibre précédent, soit que les réserves nutri- tives soient insuffisantes, soit plutôt qu'il y ait avantage pour l'individu mutilé à abréger le pro cessus de réintégration et à ne pas reparcourir entièrement tous les stades phylogéniques ances- (raux. Ainsi G. Boulenger avait montré que, chez certains lézards, la queue régénérée présente une écaillure différente de celle du groupe dont ils font partie, et rappelant une forme phylogénique anté- rieure. Depuis, on a publié de nombreux cas du même genre. F. Werner* vient de leur consacrer un travail détaillé accompagné de planches. Balbiani et Henneguy * trouvent que deux frag- ments de queue de tétard appliqués lun contre l'autre peuvent se souder l'un à l’autre par proli- féralion de cellules épithéliales (division cellulaire amitotique). Léon Fredericq, Professeur de Physiologie à l'Université de Liège. 1 C. R., 15 février, 25 janvier, 28 juin 1897. ? Wiener Silsungsber, CV, (1), p. 123. CR CXAUL p.269: ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES 879 ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES LES USINES D'ARTILLERIE AMÉRICAINES : BETHLEHEM, MIDVALE, ETC, Nous avons vu, dans des articles précédents !, les deux grandes usines Krupp et Armstrong, puissamment outillées et assurées en tout temps de commandes par leurs gouvernements respeclifs, s'efforcer, en outre, de Silisfaire à la clientèle d'autres Etats. Mais nous avons fait remarquer également la tendance bien nette des puissances européeñnes à ne s'approvisionner de matériel de guerre qu'à des établissements situés sur leur territoire, ce qui restreint les marchés ouverts à notre production industrielle en ce genre. Restent en- core dans les autres parties du monde certains Etats : en Asie, c'est uniquement le Japon, car le gouverne- ment chinois semble habitué à recourir aux deux gran- des maisons citées plus haut. Mais le Japon tend lui- mème à se rendre indépendant pour son armemeul commre pour sa flotte. Reste enfin l'Amérique. Mais nous allons voir que les Etats-Unis échappent également (et plus que jamais sous la présidence de Mac-Kinley) à la production européenne, sauf pour quelques arti- cles spéciaux, et les Elats de l'Amérique du Sud seront sans doute bientôt amenés à devenir fributaires des grandes usines des Etats-Unis, lorsque ces dernières | songeront à s'emparer de ce marché voisin. Qui sait même si ces maisons ne viendront pas jusqu'en Europe chercher un débouché à leurs produits. Quel est donc l'outillage industriel des Etats-Unis au point de vue spécial que nous traitons ici? Pour l'Etat, les conditions de fabrication peuvent se diviser en deux sections. La première est relative à la: fourniture des matières premières ébauchées, telles que tubes, fretles, etc. Ces matières sont toujours de- mandées à l’industrie privée (usines de Bethlehem, de Homestead, de Midvale, etc.) La deuxième section comporte l'usinage et l'assemblage des divers éléments. Ces opérations se font en principe dans les ateliers de l'Etat, à Watervliet pour la Guerre, à Washinglon pour la Marine. Cependant, il peut se faire que les établisse- ments industriels soient appelés à fournir les pièces terminées : c'est aussi naturellement ce qui se passe pour l'artillerie de modèles spéciaux, propriétés de leurs inventeurs. - Le régime des usines américaines présente donc de grandes analogies avec celui des maisons francaises du Creusot, de Saint-Chamond, etc., qui fournissent éga- leinent à l'Etat les matières premières et les éléments ébauchés, et exceptionnellement des objets terminés. Mais ce qui distingue notablement les usines américai- nes des nôtres, c'est d'abord leur grande facilité et rapidité de transformation. C’est le propre du caractère yankee de modifier sans hésitation la marche de ses travaux : une usine oulillée pour l'artillerie se trans- formera presque instantanément en usine de wagons ou de tels autres produits, si les commandes d'artillerie font défaut, pour reprendre non moins rapidement et sur un plus grand pied son ancien travail dès que l’oc- casion s'en présente, Joignons à cela la grande mobi- lité du personnel ouvrier, et surtout la grande ingénio- sité et la grande perfection des machines-outils. C'est là un élément fort important à considérer, car il permet précisément la mobilité du personnel. Lorsque l’on ne dispose que de machines relativement primitives, la nécessité s'impose d'avoir des ouvriers spéciaux, affectés de touttempsäun travail déterminé: lorsque ,au contraire, les outils deviennent de plus en plus ingénieux, leur conduite, pour délicate qu'elle se présente, ne nécessite 1 Rev. gén. des Sc. des 15 février et 15 mars 1897. pas cependant un ouvrier spécialisé. Un bon mécani- cien gouveérnera un jour une machine à double action servant à la fois à forer intérieurement et à tourner extérieurement un tube de bouche à feu, par exemple, et le lendemain une machine de tout autre genre pour fabriquer des organes de machine à vapeur. En un mot, la perfection de l'outillage permet la mobilité et l'interchangeabilité des bons ouvriers, en évitant leur spécialisation excessive. Telles sont les conditions générales du travail de l'artillerie aux Etats-Unis. Quels sont maintenant les principaux ateliers? Citons avant tout les célébres usines de Bethlehem. Bethlehem. — Fondés en 1857, les ateliers sont situés sur la rivière Lehigh, à 87 milles de New-York, reliés à ce port par le chemin de fer de la vallée du Lehigh et par le chemin de fer central de New-lersey, et à 55 milles de Philadelphie, par la branche Nord-Pensylvanie du chemin de fer de Philadelphie et Reading. Ils sont reliés à la région des mines d’anthracite par la vallée du Lehigh et d'autres voies ferrées. On voit que la situation est excellente tant pour l’arrivée des matières premières que pour l'expédiuon des produits de toute nature. La puissance de l'établissement est énorme. Sept hauts fourneaux, approvisionnés d’anthracite par la haute vallée du Lehigh, transforment d'excellents mine- rais d'hématite et de magnétite en fonte, qu'une voie ferrée conduit directement aux convertisseurs Besse- mer, pour une production annuelle de 160.000 francs. Deux fours Pernot et six fours Siemens, ces derniers chauffés au pétrole, donnent de leur côté, les aciers plus spéciaux, qui sont comprimés à l’état liquide, s'il y a lieu, par les procédés Whatworth. Pour le travail de ce métal, les usines disposent d’un pilon de 125 tonnes et d'une presse à forger de 14.000 tonnes. En ce qui concerne le pilon, le poids total de la chabotte est de 2.150 tonnes, le diamètre du cylindre de 12,930 avec une course de 5 mètres, et la pression de la vapeur d'environ 8 kilos. La tige du piston, en acter forgé, de 43 centimètres de diamètre, est creuse sur toute sa longueur, quiest de 12,200. La hauteur totale du pilon au-dessus du sol est de 27,430. Cet outil, qui fonctionne depuis 1891, sert au forgeage des blin- dages, des canons, des arbres coulés ou forgés sur mandrin. De Ê La presse de 14.000 tonnes, destinée spécialement à Ja fabrication des blindages, se compose de deux cylindres hydrauliques de 1",27 de diamètre indépen- dants l’un de l’autre, à rotules, de sorte que le forgeage conique peut se faire facilement sans l'emploi d'élampes spéciales. La pression de l’eau est de 500 kilos par cen- timètre carré : celle-ci est fournie par # pompes de 46.000 chevaux de puissance; les cylindres à vapeur des machines motrices ont 22,286 de diamètre; la course du piston est de 4 mètre et le nombre de tours de 80 par minule. À <. , Ces faits donnent une idée suffisante de la puissance de l'usine : on ne sera donc pas surpris des résultats qu'elle a pu présenter à Chicago en ce qui concerne le matériel d'artillerie. Citons, par exemple, un canon de 305 millimètres, d’une longueur de 11",20 et du poids de 46 tonnes, dont le tube et la jaquette sont en acier coulé comprimé à l'état liquide, forgés sur mäandrin, puis trempés et recuits. Citons encore une jaquette venue de forge avec frette de volée et ayant les dimen- sions brutes suivantes : diamètre extérieur, 1%,006; 880 diamètre intérieur, 676 millimètres; longueur totale, 72,70; poids brut, 23 t. 9. Enfin l'acier au nickel, d'une production courante à Bethlehem, donne couramment de 38 à 40 kilos comme limite d'élasticité, avec 62 à 68 kilos à la rup- ture et de 18 à 24°/, d'allongement. Dans ces conditions on ne s'étonnera pas que l'usine puisse livrer un canon de 12 tonnes (305 millimètres) dans un délai de seize mois, ou de douze mois en cas d'urgence; on ne s’étonnera pas non plus que sa pro- duction normale de matériel d'artillerie puisse être aisément agrandie dans des proportions considérables si les commandes se présentaient. Les affüts à éclipse, types Buffington-Crozier et autres, sont aussi l’un des principaux produits des ate- liers d'artillerie de Bethlehem. Un affüt Buffington- Crozier y demande environ six mois pour sa cons- truction, seulement en cas d'urgence. — En outre de ces affûts d’un type normal, l'usine étudie et fait bre- veter à chaque instant de nouveaux modèles d’affûts et de tourelles. Midvale. — À côté de l'usine de Bethlehem, il con- vient encore de signaler celle de Midvale à Philadel- phie, tant pour la production des obus de rupture, type Holtzer, que pour celle des obus dits semi-armor-pier- cing, production qui deviendrait aussi rapide qu'il serait nécessaire au bout des deux ou trois mois deman- dés pour le développement de l'outillage; l’usine est aussi parfaitement outillée pour la fabrication des ca- nons bruts ou des affüts ébauchés à livrer aux arsenaux. Ainsi un corps de canon de 12 p. (305 millimètres) serait livré au bout de 50 jours; puis les livraisons se succéderaient de mois en mois, et cela en régime normal de production. Nous sommes loin des lenteurs caractéristiques des usines françaises. Il convient encore, pour les projectiles, de citer Car- penter, Johnson, avec sa spécialité d'acier coulé vrai- ment remarquable, et enfin Wheeler Sterling, dont les obus de rupture passent aujourd'hui à l'étranger pour les premiers de tous. Cette dernière maison, associée main- tenant avec la maison Firth, de Sheffield, commence à s'imposer sur le marché européen. Enfin, dans un autre ordre d'études, nous signalerons les canons Brown à fils d'acier et grande puissance, les canons à tir rapide Driggs Schræder, et surtout les canons pneumatiques, pour la défense des côtes, avec les obus à charge formidable de gélatine que l'emploi de l'air comprimé leur permet d'envoyer. On ne sau- rait préjuger l'avenir réservé à cette invention : mais les constructeurs agiront sagement en ne perdant pas de vue la voie dans laquelle s'est ainsi engagé M. Za- linski, non plus que les fusées à circuit électrique et les projectiles à chambre explosive suspendue tels que les obus Justin pour la traversée des plaques de blindage. ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES On voit que l'initiative privée, en inventions comme en fabrication, montre en Amérique toute sa puissance, el comme capacité et comme vitesse de production. Peut-être le jour n'est-il pas éloigné où les nations eu- ropéennes, en quête d'une solution rapide pour la constitution de leur nouveau matériel, seront obligées de faire appel aux puissants établissements que nous venons de citer et qui sauront se transformer instan- tanément pour faire face à toutes les exigences de fabrication, comme de délai. Peut-être même, si la fabrication de l'artillerie continue à se développer, viendront-ils, même en dehors de cette éventualité, aborder le marché européen, comme le fait déjà Wheeler Sterling, car ce développement même entrai- nera des réductions dans leurs prix de revient et de livraison. Sans doute Krupp et Armstrong, avec leur outillage inteuse, avec leur clientèle d'Etat assurée, pourront accepter la lutte. Il ne saurait, croyons-nous, en être de même des usines françaises vivant au jour le jour de commandes péniblement obtenues et, malgré tout, peu rémunératrices, vu leur faible importance. Obli- gées de réclamer des prix très élevés, obligées d'im- poser des délais de paiement très rapprochés par suite de la faiblesse relative de leurs capitaux, nos usines, malgré la bonne qualité de leurs produits, n'attirent que difficilement et conservent encore moins aisément leur clientèle. Il y aurait cependant un intérêt vital et pour la prospérité de l'industrie et pour la sécurité nationale à ne pas laisser de tels établissements sombrer devant la concurrence européenne d'aujourd'hui et améri- caine de demain. La solution du problème est tout indiquée par la prospérité des établissements rivaux. Ce serait que l'Etat, au lieu de monopoliser l’usinage du matériel, associât davantage les industriels à ce tra- vail, que ses établissements ne fussent que des centres d'étude et des régulateurs de travail, au lieu de s’effor- cer de satisfaire à l'universalité des besoins. Ce serait une erreur de croire que la décentralisation de lusi- nage serait plus onéreuse pour le budget. Les usines officielles, par suite des lenteurs administratives et des formalités budgétaires, ont un outillage toujours arriéré. Les prix de revient y sont faussés, parce que l'on n'y voit pas figurer en compte la solde d'une partie du personnel. Que les arsenaux et ateliers de l'Etat reviennent donc à leur rôle naturel, qui est de conserver ke matériel, d'exécuter les modèles d'étude, et ne fabriquent du matériel neuf qu'à titre exceptionnel. Qu'ils laissent aux usines privées, sous leur contrôle, l'exécution de tous les types adoptés, tout en suivant ayec intérêt leurs recherches, en s'y associant au besoin. L'indus- trie s’en trouvera bien, le budget mieux encore, et la sécurité nationale bien davantage. CoLonEL X... j BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 881 BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques Thybaut (Alexandre), Professeur de Mathématiques au Lycée de Lille.— Sur la déformation du paraboloïde et sur quelques problèmes qui s’y rattachent. —- (Thèse de la Faculté des Sciences de Paris.) — 1 vol. in-4° de 60 pages. Gauthier-Villars, éditeurs. Paris, 1897. La construction de surfaces applicables sur une sur- face donnée S a beaucoup exercé la sagacité des géo- mètres (Bour, MM. Darboux, Weingarten, ..). Il faut étudier le ds? desS c'est-à-dire l'expression du carré de l'élément de longueur en fonction de deux paramètres et de leurs différentielles. M. Thybaut a eu l'idée de transposer le problème dans la géométrie linéaire (pour les explicalions générales sur cette géométrie, on pourra se reporter par exemple à mes notices antérieures dans la Revue : 1895, page 37, et 1897, page 678) : à chaque ds? on fait correspondre une certaine congruence de droites C. Le procédé fournit immédiatement une foule d'aperçus nouveaux que suggère la considération des développables ayant pour génératrices les droites de C, des points focaux sur chaque droite de C.... M. Thybaut retrouve le théorème de Weingarten (la construction des surfaces applicables sur une surface donnée se ramène à celle des surfaces dont les rayons de courbure en un point vérifient une relalion donnée) et applique sa méthode aux paraboloïdes qui sont ou de révolution ou à plan directeur isotrope. La thèse est très honorable pour son auteur; elle montre notamment combien est profitable aux jeunes éomètres la lecture des « Leçons sur la théorie des urfaces » de M. Darboux. LEON AUTONNE, Maître de Conférences à l'Université de Lyon. Schlesinger (L.), Privat-Docent à l'Université de Ber- lin. — Handbuch der Theorie der linearen Diffe- rentialgleichungen. 2° volume. 1° fascicule. — 1 vol. in-8° de 532 pages. (Prix : 22 fr. 50.) B.-G. Teubner, éditeur. Leipzig, 1897. Dans le tome VI de la Revue (année 1895, p. 599), nous avons donné un aperçu du plan général que s’est tracé M. Schlesinger pour son Traité de la théorie des équations différentielles linéaires. Nous pouvons donc nous borner à un compte rendu très bref. Les nombreux travaux publiés ces dernières années dans ce domaine obligent l’auteur à diviser le tome IL en deux parties. La première partie (532 p.), seule, vient de paraîlre. La malière qu'elle renferme peut être répartie en trois sections. La première est consa- crée à la théorie générale des groupes qui se rattachent aux équations différentielles linéaires. Vient ensuite l'étude du problème de l'inversion. Cette partie contient l'exposé d'un grand nombre de re- cherches, parmi lesquelles celles de MM. Fuchs, Poin- caré et Picard tiennent une place prépondérante. Dans la troisième section, après avoir donné une démonstration nouvelle de la transformatian de Laplace, l’auteur fait une étude approfondie de la transforma- tion d'Euler, qui offre une certaine analogie avec la première : la fonction e** qui caractérise la méthode de Laplace est remplacée par l'expression (zx), Parmi les applications de cette transformation à l'inté- gration des équations différentielles, nous signalons l'équation étudiée par MM. Tissot et Pochhammer; elle joue dans cette théorie un rôle analogue à celui qu’oc- cupe l'équation de Laplace dans la transformation de même nom, H. Fes, Privat-Docent à l'Université de Genève. 2° Sciences physiques Berthelot (M.), Sénateur, Secrétaire perpétuel de l'Aca- démie des Sciences, Professeur au Collège de France. — Thermochimie. Lois numériques et Données ex- périmentales. — 2 vol. in-8° de 738 et 880 pages. (Prig : 50 fr.) Gauthier- Villars et fils, éditeurs, 56, quai des Grands-Augustins. Paris, 1897. L'ouvrage que M. Berthelot vient de publier expose l'état actuel de la Thermochimie. Créée par Lavoisier, développée d'abord par Dulong, Hess, Favre et Silber- mann, cette science avait acquis alors un nombre encore assez limité de données fondamentales. Les tra- vaux de M. Thomsen depuis 1853, ceux de M. Berthelot depuis 1864, lui ont donné beaucoup d'extension. Le second principe de Thermochimie, posé nettement par ce dernier, permettait pour la première fois de calculer la chaleur produite, même pour des réactions de longue durée, même pour des réactions indirectes, même pour celles qui, pour des raisons pratiques, ne sont pas réalisables dans le calorimètre. Dès lors les déter- minations ne cessèrent de s’accumuler, et c'est aujour- d'hui par milliers qu'il faut compter les mesures effectuées. Cette abondance de résultats acquis pouvait devenir un embarras; il importait, en effet, de savoir si toutes ces mesures sont vraiment comparables entre elles. Les unes, directes, n'auront toute leur valeur que si elles sont faites par les méthodes les plus simples et les plus délicates. Pour celles, au contraire, qui dépendent de la considération d'un cycle, plusieurs données numé- riques doivent être combinées par addilion et soustrac- tion. Celles-ci, d'ordinaire, ont été établies antérieure- ment par d'autres auteurs, dans des conditions définies par eux, mais qu'il n’est pas possible d'avoir présentes à l'esprit toutes les fois qu’on en fait usage. Il fallait, avant d'inscrire ces nombres daus les tables à titre définitif, les soumettre à un rigoureux examen. C'est ce travail de critique et de revision que M. Berthelot a voulu faire par lui-même, pour mettre aux mains des chimistes un recueil de nombres aussi complet, aussi correct qu'il soit possible. Ayant relu les mémoires ori- ginaux, répété les calculs, les ayant rectifiés lorsqu'il était nécessaire, il nous donne aujourd'hui le résultat de ce long et utile travail. Cet ouvrage sera comme un dictionnaire raisonné, constamment consulté par ceux qui veulent étudier les problèmes de la Mécanique chi- mique. L'extrait suivant, que nous empruntons à la préface même du maître, fera comprendre, mieux que toute autre analyse, la haute portée philosophique et pra- tique de son œuvre : « L'ouvrage que j'ai l'honneur d'offrir aujourd'hui aux savants, écrit M. Berthelot, a pour objet l'exposition des lois numériques et données de la Thermochimie., Ces don- nées et ces lois jouent un rôle fondamental dans la Science pure, comme dans ses applications à la Physiologie, à Par utire aux Arts militaires, aux Industries électriques et métallurgiques : en effet, elles fournissent la mesure des travaux moléculaires accomplis pendant les transformations chimiques, travaux qui constituent l'une des bases indis- pensables de nos théories, et, je le répète, de leurs applica- tions. La connaissance de ces travaux est la substance même de la Mécanique chimique, indépendamment des conceptions atomiques ou algébriques, que l’on peut y faire intervenir ; c’est le fond nécessaire et le point de départ de l’interpréta- tion rationnelle de tous les phénomènes. « Voici la marche adoptée. L'ouvrage forme deux vo-" lumes; le premier embrasse l’exposé des Lois numériques, le second celui des Données expérimentales. 882 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX « Le tome I (Lois numériques) comprend deux parties : la première, relative à la Chimie générale; la seconde, à la Chimie organique. : « Dix chapitres sont consacrés à la Chimie générale. J'y compare d'abord les conséquences du principe du travail maximum avec celles de l'entropie: puis je présente les notions et les données fondamentales relatives aux chaleurs spécifiques des gaz, des éléments chimiques et de leurs com- posés gazeux où solides. Je montre comment la chaleur de combinaison, pour conduire à des lois régulières, doit être rapportée à un même état de tous les corps réagissants : gazeux, liquide, dissous ou solide. « Ici trouvent leur place les relations constatées entre la masse chimique des éléments et la chaleur dégagée dans leurs combinaisons, ainsi que les résultats relatifs à l'iso- mérie, aux substitutions, à la formation des sels, ete. « La seconde partie, relative à la Chimie des composés carbonés, envisage les relations thermiques générales qui ont été reconnues par l'étude des diverses fonctions : car- bures, alcools, aldéhydes, acides, corps azotés. Le tome [1 (Données expérimentales) est également formé de deux parties : Chimie minérale et Chimie organique. « La Chimie minérale comprend deux livres. Le premier, consacré aux métalloïdes, partagé en cinq divisions : com- posés hydrogénés, composés oxygénés, composés formés par les éléments halogènes, composés formés par le soufre et analogues, composés formés entre l'azote et le carbone. Chacune de ces divisions se décompose en chapitres corres- pondant aux éléments monovalents, bivalents; trivalents, quadrivalents. « Le livre II, sur les métaux, comporte douze divisions. « Suivent les tableaux relatifs aux composés métalliques, d'abord binaires : oxydes, chlorures, bromures, iodures et, par analogie: cyanures, sulfures, seléniures, tellurures, car- bures, amalgames et alliages; puis viennent les composés ternaires, c'est-à-dire les oxysels formés par les éléments. « La seconde partie du tome IT est formée par le livre IH, destiné à exposer les résultats relatifs à la Chimie orga- nique, sous cinq titres ou divisions, savoir : « 19 Carbures d'hydrogène, partagés en chapitres d’après le nombre d'atomes de carbone; « 20 Alcools, subdivisés en alcools proprement dits, selon le degré de leur atomicité; hydrates de carbone et phénols, ces divers corps étant distribués selon le nombre d’atomes de carbone: « 30 Aldéhydes, subdivisés en aldéhydes proprement dits, monoatomiques, polyatomiques et mixtes; acétones, cam- phres et quinones ; « 40 Acides, subdivisés en acides à fonction simple, monobasiques où polybasiques, et en acides à fonction mixte. Les sels et les éthers sont compris parmi les dérivés de l'acide correspondant; « 50 Enfin, composés azotés, amines, COMpOsÉs azoiques. « Je me suis attaché dans le présent ouvrage à mettre en évidence les lois et relations numériques qui ressortent de l'ensemble des résultats acquis. Dans la partie relative à la Chimie générale, on verra quel jour la Thermochimie jette sur la constitution des corps simples et des corps composés, ainsi que sur la caractéristique des fonctions et des réac- tions fondamentales. Elle manifeste ainsi l'extrême fécon- dilé de cette science dans les diverses études de la Chimie pure et appliquée. » subdivisés en amides, L'usage des méthodes thermochimiques a permis d'élu- dier de plus près beaucoup de questions importantes. La chaleur de combustion de la houille et des autres combustibles, qu'ils soient solides, liquides ou gazeux, est devenue pour l'industrie une donnée fondamentale, La combustion dans la bombe calorimétrique, au sein de l'oxygène comprimé, détermine cette chaleur de combustion d’une manière aussi rapide que simple et certaine. La connaissance de la chaleur dégagée lors de la détonation des explosifs, déterminée par les mêmes méthodes, à fait faire à la Pyrotechnie les progrès les plus importants. La Physiologie elle-même, en consul- tant ces données numériques, et notant exactement les matières absorbées ou éliminées par l'être vivant, est en mesure d’élablir dans ses grandes lignes, pour l'animal ou pour la plante, le compte des échanges vitaux en ce qui concerne la chaleur et le travail. La science vise plus haut encore : elle se propose d'établir les lois générales qui règlent les réactions ou les équilibres chimiques, Sur cette question difficile, des résultats importants sont dès maintenant établis. L'étude de la Mécanique chimiqne, soumise simulta- nément à l'effort des mathémaliciens et des chimistes, les conduit à Ja connaissance toujours plus précise des causes prochaines des transformations de la matière. Si importants que doivent être encore par la suite les développements que prendront ces doctrines, l'œuvre de M. Berthelot, en établissant des lois, et des faits avec lesquels la théorie doit rester en complet accord, aura contribué pour la plus large part à fonder les robustes assises sur lesquelles tout le reste s'élèvera. LÉON PIGEON, Professeur-adjoint à l'Université de Dijon. Etard (A.), Répéliteur à l'Ecole Polytechnique. — Les nouvelles Théories chimiques. — 2° édition. 1 vol. in-16 de 190 pages de l'Encyclopédie des Aide-Mémoire, publiée sous la direction de M. Léauté, Membre de l'Ins- titut. G. Masson et Ci, et Gauthier-Villars el fils, édi- teurs. Paris, 1897. E «Il n'est pas aisé de définir correctement la Chimie, dont le domaine mal limité se confond d'un côté avec la Physique et se perd de l’autre dans la Biologie. D'ail- leurs, toutes nos connaissances se tiennent, et les clas- silications par sciences séparées ont beaucoup perdu de leur valeur de convention.» Sans doute, et nous sommes d'accord avec l’auteur, il n’est plus possible de nos jours de limiter l'étude de la matière, dans ses métamorphoses multiples, sans tenir compte des mani- festations de l'énergie qui se produisent au cours de toutes les actions chimiques. Les questions de calorimétrie, de spectroscopie, de réfractométrie, de photochimie, de polarimétrie, d'élec- trolyse, au lieu d'être renvoyées à la Physique, qui les tient pour secondaires, doivent faire l’objet d’études spéciales de la part du chimiste, Familiarisé avec les notions de fonction, de constitution et de pureté de la matière, il est mieux en mesure que le physicien de poursuivre avec fruit ces études. D'ailleurs, toutes ces questions ont pris une telle importance dans ce dernier quart de siècle, qu'il devient de toute nécessité qu’elles fassent le sujet d'un enseignement spécial et d'ouvrages spéciaux. Ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer dans cette Revue mème, la Chimie physique, née en France et tou- jours cultivée en France, malgré les services qu'elle à rendus tant au point de vue spéculalif qu'au point de vue pratique, n'est pour ainsi dire pas encore repré- sentée dans notre enseignement. Il est vrai que, si elle n'a pas encore sa personnalité dans nos Universités, alors qu'elle possède déjà ses laboratoires ét ses Instituts spéciaux en Allemagne, elle à cependant ses traités où sont consignés les princi- pales méthodes qu'elle emploie et les résultats qu'elle a produits. Parmi ces traités, celui que nous préseutons au publie se distingue par sa clarté, sa concision et l’es- prit philosophique dans lequel il est conçu. L'auteur, par ses études et ses beaux travaux, possède précisé- ment cet ensemble de connaissances nécessaires qui permeltent d'appliquer d'une façon judicieuse les méthodes que nous empruntons à la Physique pour étudier la matière. L'ouvrage est divisé en deux parties : dans la pre- mière sont données, d’une facon sobre et rigoureuse, les définitions de la matière, de l'énergie, de la Chi- mie, ete.; un chapitre spécial est consacré aux atomes, aux molécules, à l'hypothèse cinétique, à la théorie des ions. Dans un autre chapitre on s'occupe des lois fon- damentales de la Chimie, de la notion d'alomicité, des diverses classifications de Chancourtois, de Mendeleef, des radicaux, des séries, ete. Le livre IT est consacré aux propriétés chimiques des molécules dépendant des états physiques. C'est dans ce livre que sont exposées l'hypothèse d'Avogadro, la notion de densité des gaz et ses applications, la théorie de van der Vaals, les lois de Raoult, etc. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX Dans la deuxième partie, l'auteur étudie les relations de la Mécanique avec la Chimie, la Thermochimie, les relations de la Chimie avec la Lumière, la Photochimie; et l'ouvrage se termine par quelques pages consacrées à l'Electrochimie. Comme on le voit, sous un volume relativement res- treint (190 pages), M. Etard à su grouper et exposer dans un style précis et altrayant, et dans un esprit élevé en même temps que dégagé de tout parti pris, les données fondamentales de la partie de la science que nous avons appelée Chimie physique. * Ce petit traité en est à sa seconde édition depuis trois ans; c’est assez dire la faveur dont il jouit tant auprès des spécialistes qu'auprès de tous ceux que la Chimie intéresse. A. HALLER, È Correspondant de l'Institut. 3° Sciences naturelles Rabot (Charles). — Les variations de longueur des Glaciers dans les régions arctiques et boréales. (4re partie). — 1 brochure in-8° de 88 pages. (Extrait des Archives des Sciences physiques et naturelles.) H. Georg, éditeur. Genève, 1897. Pour traiter cet important et vaste sujet, suffisam- ment expliqué par son titre, nul n'était plus autorisé que M. Charles Rabot; et la Commission internationale des glaciers à été fort bien inspirée d'en confier le soin à un aussi émérite alpiniste qui, visilant chaque été depuis près de vingt ans, les régions arctiques, à vu à jeu près tout ce dont il parle; — à un explorateur qui, tenant à recueillir des faits positifs et uliles à connaître, s'est toujours montré moins soucieux d'additionner les kilomètres d'itinéraires nouveaux que d’accumuler les observations sérieuses, conscieucieuses et vraiment scientifiques. Les précédentes et nombreuses publica- tions de M. Rabot étaient garantes de la grande valeur de celle qu'il nous apporte ici. Il rappelle d'abord que «c'est au professeur F.-A. Fo- rel, de Morges, qu'appartient l'honneur d'avoir le pre- mier compris la vérilable importance de cette manifes- tation de l'action glaciaire dans la physique du globe et d'avoir donné à son étude l'extension nécessaire à Ja solution de ce problème », en publiant régulièrement depuis l'année 1881 un « Rapport annuel sur les varia- tions périodiques des glaciers des Alpes ». Ses observalions, imilées en Autriche par MM. Richter et Seeland, en France par le prince Roland Bonaparte, «conduisirent à reconnaitre que les oscillations de lon- gueur des glaciers alpins étaient la conséquence de variations dans l'abondance des chutes de neige sur les hauts sommets. Il reste maintenant à étendre l'observa- tion à toules les régions de la Terre et à rechercher si ce phénomène se présente partout avec le mème carac- tère d'ampleur que dans les Alpes, et si le recul observé dans nos pays durant ces dernières années est un fait local ou général ». La région arctique boréale estla plus importante à étudier sous ce rapport à cause de l'éten- due de ses revêtements de glace. C'est aussi celle où les renseignements modernes et précis font naturelle ment le plus défaut. Sur le millier environ de glaciers du Groenland, quel- ques-uns à peine ont élé examinés et depuis 1850 seu- lement. M. de Geer, géologue suédois, n'a terminé qu'en 1896 le relevé au 20.000: de trois grands glaciers de l'Isfjord (Spitzberg), qu'il a pourvus de nombreux repères destinés à en faire surveiller la marche. Pour l'Islande et la Norvège, les documents sont plus nombreux, mais éparpillés dans d'innombrables recueils de langue scandinave que M. Rabot a dépouillés avec une patience de chartisle. 11 faut savoir d'abord que le glacier alpin, le courant de premier ordre de Heim, comme l’Aletsch ou le Gor- ner, est rare dans la zone arctique. «Le type spécial aux contrées du nord est la cara- pace glaciaire, l’inlandsis. Ce sont de vastes nappes cris- tallines, recouvrant dé hauts plateaux et dont le trop plein s'écoule vers les basses régions par de larges émissaires. Entre ces deux formes franches le passage est marqué par un genre mixte, le glacier alpin-norvé- gien, les plus caractérisés étant situés en Norvège. Le réservoir d'alimentation est uue haute plaine comme l'intandsis, mais plus accidentée. : « Dans les régions arctiques, le front dela plupart des glaciers est baigné par la mer, el de ce fait se trouve exposé à deux causes d'ablation qui n'existent pas dans nos régions : 1° à la fusion de la tranche de glace immergée au contact de l'eau de mer ; 2° à la rupture du front du glacier par des aclions mécaniques de diverses nalures, nommées velage. » L'ablation due à la fusion est considérable, régulière et ne peut interverlir le sens des oscillations de longueur des glaciers. Le velage, au contraire, est variable et peut four- nir des indications sur lerégime d'un glacier arctique. Après le développement de ces considéralions géné- rales, M. Rabot examine et discute tous les matériaux que son érudition a su recueillir : nous regreltons de ne pouvoir le suivre dans cet intéressant détail et de uous borner à mentionner ses conclusions. Dans l'archipel polaire américain, les mers de glace qui recouvrent la terre de Grinnel paraissent avoir atteint un état de maximum très peu de temps avant 1883. Le Groenland, le plus vaste glacier de l'hémisphère boréal, a été spécialement étudié dès 1848 jusqu'en 1851 par le Dr Rink. Ses observations et celles de ses illustres continuateurs Nordenskjüld, Nansen, elc., font dire à M. Rabot que «l’inlandsis du Groenland offre le spectacle unique d'un pays encore soumis à la période glaciaire telle qu’elle s'est manifestée dans le nord de l'Europe, et qu’en résumé l'inlandsis semble actuelle- ment en état de maximum stationnaire, nolamment dans le nord. Dans le sud, une légère décroissance se manifeste, mais peu accentuée. « En tous cas on ne constate, pendant le milieu de ce siècle, aucune phase de retrait, comparable en puis- sance et en durée à celle survenue dans les Alpes de 4850 à 1880.» Le cinquième de la surface de l'Ilande, d’après M. Thoroddsen, est recouvert de «laciers, appartenant presque tous au type inlandsis. Le Vatnajokull (8.500 kil. carrés) est le plus grand glacier de l'Europe. La justaposition des glaciers et des volcans actifs donne lieu en Islande au spécial et terrible phénomène des Jokulhlaupt, torrents de boue et de glace qni se produisent quand une éruplion détermine la fusion très rapide de la glace environnante. Les Jokulhlaupt ont pour effet de détruire le front des glaciers ou de les projeter en avant. Très souvent ils sont produits par la Simple rupture de barrages, retenant des poches d'eau dans l'intérieur des glaciers ou des lacs tempo- raires. La catastrophe de Saint-Gervais à été un pelit Jékulhlaupt. D'anciens documents établissent que les glaciers d'Islande ont considérablement augmenté depuis la colonisation de l’île par les Normands. A Ja fin du xvue siècle et au commencement du xvine siècle, les glaciers islandais sont moins étendus qu'aujourd'hui; vers celte époque débute une phase de crue, interrompue au milieu du xvru siècle par une période indécise de décroissance. Après cet arrêt, il se produit une véritable invasion des glaciers pendant la plus grande partie du xrx° siècle. ; : Après cette crue la plupart des glaciers sont ensuite entrés en décroissance, d'une amplitude plus faible que celle de la crue précédente. Cette relraile ne pré- sente ni l'importance, ni la généralité de la grande phase de décrue constatée de 1850 à 1880, dans les Alpes. C'est à l'ile de Jean Mayen, dont les neuf glaciers sem- blent avoir progressé depuis la fin du xvu® siècle, que M. Rabot arrête la première partie de son travail. La prompte continuation ne saurait en être qu'impatiem- ment attendue. E.-A. MARTEL. 884 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 4° Sciences médicales Meunier (D' Henri), Chef de Laboratoire à l'Hospice des Enfants Assistés.— Du rôle du Système nerveux dans l’Infection de l’appareil broncho-pulmonaire. — 1 vol. in-8° de 320 pages avec figures et 1 planche hors texte. Asselin et Houzeau, édileurs. Paris, 1897. Plus nos connaissances relatives au mode d'action des microbes se développent, plus l'importance du ter- rain apparait considérable, — Si l’on place à part les maladies nettement spécifiques, celles dont les germes venus du dehors engendrent des manifestations tou- jours identiques: la morve, le charbon, etc., on s'aper- coit que les affections qu’on rencontre en général dans une salle d'hôpital, les angines, les entérites, les inflammations des séreuses, des muqueuses, semblent relever de quatre ou cinq bactéries, capables de déter- miner les désordres les plus disparates : ce sont les streplocoques, le pneumocoque, le bacille du côlon, les staphylocoques. Assurément, le degré de virulence de ces infiniment petits exerce une action sur la nature des processus; c’est ainsi qu'en temps d'épidémie des passages succes- sifs par l'organisme exaltent cette virulence. Dès lors, la pénétration de ces agents doués d’une grande acti- vité pourra suflire à développer une infection constam- ment semblable à elle-même; toutefois, le fait est rare. On est donc conduit à étudier de plus en plus les variations de l'économie, qui font que, dans tel ou tel cas, tel parasite engendrera tel ou tel trouble morbide. — Ces études sont d'autant plus nécessaires que les microbes sont habituellement à notre portée, dans l'intestin, les bronches, sur la peau. ete.; ce qui fait défaut ce n’est pas la graine, ce sont les conditions de culture. Ces questions ont préoccupé à juste titre M. Meu- nier; mais se souvenant du proverbe, « qui trop embrasse, mal étreint », cet auteur a limité ses recherches à l’appareil broncho-pulmonaire, d’une part, au système nerveux d'autre part. — Encore est-il que, méme dans ces dimensions, le cadre demeure très étendu; les voies respiratoires reçoivent des bac- téries et par l'air et par le sang; ces bactéries font naître à ce niveau une série de lésions; d'un autre côté, l'action du névraxe s'exerce directement ou indirecte- ment par la circulation, par les sécrétions, etc. Les problèmes soulevés dans cet intéressant travail sont multiples; il ne saurait entrer dans notre inten- tion de les passer tous en revue; il en est, toutefois, qui méritent, entre tous, d'être signalés. L'homme vit au contact des germes; le plus souvent il résiste : il est donc armé, armé physiquement, chi- miquement, etc. — Quand on réfléchit, on découvre des moyens de défense là où tout d’abord on ne pen- sait pas en déceler. Considérons la toux, l’expectoration. — Grâce à ces deux actes, on rejette au dehors et des infiniment petits et des produits capables de favoriser leur évolution. L'enfant ne sait pas expectorer; le vieillard w'a plus la force suffisante. Or, aux deux extrémités de la vie, les bronchites sont singulièrement graves, dégénèrent fréquemment en inflammations lobulaires. Et pour- quoi? Parce que la police des canaux aériens ne se fait pas, parce que les agents infectieux, les sécrétions putrides s'accumulent dans ces canaux, pénètrent dans les alvéoles. Au contact de ces sécrétions, la virulence de ces agents s’aiguise; plus encore la résistance du terrain fléchit; nul n’ignore qu'un poison, surtout un poison d'origine microbienne, favorise au premier chef l'infection : de là, ces facilités extrêmes d’auto- inoculation dans les conduits respiratoires, si la mu- queuse résorbe. C'est encore le système nerveux qui tient sous sa dé- pendance, du moins pour une part, les sécrétions, celle du mucus germicide protecteur, mucus agissant encore à la façon d’un vernis, mécaniquement aussi bien que chimiquement; c'est ce système qui régit les mouve- | ments des cils vibratiles, les fermetures qui s'opèrent vers l’épiglotte; or, chacun sait la fréquence des bron- cho-pneumonies, lorsque des corps étrangers, spéciale- | ment dans le cas de paralysie, sont introduits dans la : trachée. Non seulement, ces corps étrangers peuvent apporter des bacilles, mais, en plus, ils fout tomber cet épithélium, dont l'expérience de Gamaléïa a si bien mis l'importance en lumière. N'est-ce pas encore le névraxe qui régit, par le vague ou le sympathique, la nappe sanguine, qui, partant, me- sure l'oxygène nuisible aux anaérobies, ou l'acide car- bonique qui atténue les aérobies? < En dilatant ou en resserrant les capillaires, ce même appareil actionne les sérosités bactéricides, les leuco- cytes phagocytaires. Il y a plus: le cerveau, la moelle, les nerfs, jouissent, on le sait, d’un véritable pouvoir trophique; ils régentent la nutrition intime des tissus; ils règlent en particulier le sucre détruit dans ces tissus : les expériences des pro- fesseurs Chauveau, Bouchard, le prouvent. Or, ajouter ou supprimer du glycose dans un milieu n'est pas chose indifférente en matière d'infection, soit que ce glycose active la pullulation bactérienne, soit qu'il débi- lite la vitalité des cellules organiques, qu'il restreigne la sensibilité réflexe, etc. La vitesse, les mouvements, la pression du courant sanguin, sout encore des condi- tions aptes à agir sur les infiniment petits; nul ne contestera la part du système cérébro-médullaire dans la genèse de ces phénomènes. « Toute erreur contient une part de vérité. » On a dit que la pneumonie dépendait d’une lésion du pneu- mogastrique; cette affirmation « paru totalement er- ronée, en présence de la découverte du pneumocoque. Et, cependant, les altérations de ce tronc nerveux faci- litent les processus pulmonaires : Charrin et Ruffer les premiers l'ont établi expérimentalement. La clinique, d’ailleurs, met en évidence ce rôle du névraxe, en montrant que les hémorragies, que les ramollissements d'un hémisphère ou d'un autre point des centres de la moelle, rendent plus aisées les évolu- tions bacillaires dans le poumon opposé, dans le gauche, si la lésion est dans le cerveau droit. Les névrites, les sections nerveuses, font apparaître des œdèmes, ædèmes des membres, ædèmes viscéraux, nulle part aussi considérables que dans la zone pulmo- naire. — Il suffit de rappeler la fréquence des érysi- pèles au niveau des jambes tuméfiées des cardiaques, pour säisir la portée de ces désordres. On pourrait également montrer le rôle des altéra- tions des troncs périphériques ou des centres dans l'apparition de la suppuration, des abcès, des phleg- mons, comme aussi de la gangrène, qui, précisément, est exceptionnelle dans les organes internes, en dehors du poumon. À cet égard, des questions se posent : pourquoi ici ce processus, qui, ailleurs, fait défaut? Le rôle du cœur, dont les mouvements dépendent partiellement des centres, mérite, de son côté, d'être envisagé, soit à propos des infections primitives, soit à propos des infections secondaires; la lenteur dans les capillaires rend la greffe plus aisée. Un autre point, parmi tant d’autres, doit, à son tour, fixer l'attention : c'est celui de la symétrie des lésions ou de son absence. Là encore on retrouve l’inter- vention des centres, comme on la décèle dans l'histoire des infarctus, des apoplexies, foyers d'infections. Les localisations de la bacillose répondent peut-être à une puissance trophique amoindrie en certaines zones, etc. A coup sûr, un travail aussi vaste comporte des desi- derata; néanmoins, tel qu'il est, il mérite tout éloge. — Si les thèses de doctorat en médecine ressemblaient toutes de près ou même de loin à celle de M. Meunier, la question du maintien ne serait pas en discussion. D' A. CHARRIN, Professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Paris. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 885 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 18 Octobre 1897. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Guichard appelle congruence parallèle à un réseau, celle dont la droite est normale au plan du réseau. Il montre qu'à toute propriété des réseaux-on peut faire correspondre une propriété des congruences, et inversement. — M. Max. Ringelmann a effectué des essais comparatifs sur des moteurs alimentés successivement avec de l'essence minérale et de l'alcool. Il a trouvé que l'alcool ne sera équivalent à l'essence au point de vue économique, que lorsqu'il pourra être vendu à raison de 17 fr. 70 l’hec- tolitre, ce qui n'est pas réalisable actuellement; l'al- cool présente, d'autre part, de plus grands dangers d'incendie. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. A. Cornu indique les dis- positifs opératoires qui conviennent le mieux pour l’ob- servalion des phénomènes découverts par P. Zeemann elrelatifs à l’action du champ magnétique sur les ra- diations émises par diverses sources lumineuses. Il montre ensuite que ces phénomènes peuvent s'accor- der ainsi avec les règles de Fresnel et d'Ampère, L'ac- tion du champ magnétique sur l'émission d’une radia- tion tend à décomposer les composantes rectiligmes vibratoires susceptibles de se propager par onde, sui- vant des vibrations circulaires parallèles aux courants du solénoïde. Les vibrations qui tournent dans le sens du courant du solénoïde sont accélérées, celles qui tournent en sens inverse sont retardées. — M. Gutton a étudié la forme des lignes de force électrique dans le voisinage d’un résonateur de Hertz, au moyen d’un ré- cepteur analogue à celui de M. J.-C. Bose. Loin du ré- sonateur, les lignes d'énergie sont parallèles aux fils de transmission. Au voisinage du résoualeur, des lignes d'énergie se recourbent de facon à converger vers la coupure. À l'intérieur du carré formé par le résona- teur, des lignes d'énergie divergent à partir de la cou- pure. — M. A. Leduc a déterminé, avec précision, les densités de quelques gaz faciles à liquéfier.Il a obtenu: acide carbonique, 1,5287; oxyde azoteux, 1,5301 ; acide chlorhydrique, 1,2692 ; acide sulfhydrique, 1,1895 ; chlore, 2,4M ; gaz ammoniac, 0,5971 ; anhydride sul- fureux, 2,2639. — M. Schlagdenhauffen a constaté la présence, dans les cuivres bruts du commerce, d'arse- nic et d'antimoine (surtout à l'état d'acide arsénieux et d'oxyde d’antimoine), de sélénium et de sulfure de plomb. — M. Paul Rivals a mesuré la conductibilité électrolytique de l'acide trichloracétique et sa chaleur de dissolution. Cette dernière varie proportionnelle- ment à la fraction d'acide dissocié. Si, au moyen des nombres trouvés, on calcule la chaleur de neutralisa- tion par la potasse, on voit que le résultat s'accorde avec l'expérience directe. — M, L. Maquenne a dé- terminé le poids moléculaire moyen de la matière solu- ble dans les graines en germination. Au commence- ment de la germination, ce poids est très élevé; ül s'abaisse progressivement jusqu'à l'épuisement des ré- serves. On voit ainsi que la transformation des réserves donne lieu d'abord à des composés complexes; les corps plus simples, comme le sucre et l’asparagine, ne sont que le terme ultime de cette transformation. — M. Balland communique ses recherches sur les avoi- nés. La proportion élevée des matières grasses, jointe aux éléments azotés et phosphatés qu'elles contiennent, en font un aliment plus complet pour l'homme et les animaux que le froment, l'orge ou le seigle. 3° SCIENCES NATURELLES. — MM. A. Dastre et N. Flo- REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897, resco ont trouvé dans la bile deux nouveaux ferments, dits ferments biliprasiniques. L'un, jaune, existe sur- tout dans la bile de veau; l’autre, vert, se trouve dans la bile fraîche du bœuf et du lapin. Le pigment jaune est le sel alcalin du pigment vert ; ces deux pigments sont déplacés par l'acide carbonique, tandis que la bi- lirubine et la biliverdine déplacent, au contraire, cet acide. — M. L. Lecercle a constaté que les rayons X produisent une augmentation de la chaleur rayonnée de la peau. — M. Albert Gaudry rend compte du Con- grès géologique international de Saint-Pétersbourg et des excursions qui l'ont suivi. — M. Archambault adresse un mémoire intitulé: De la relation entre les formes du littoral maritime et ie régime des courants océaniques. Séance du 26 Octobre 1897. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. H. Poincaré fait un rapport sur un mémoire de M. Hadamard relatif aux lignes géodésiques des surfaces à courbures oppo- sées. L'auteur montre que deux points d'une surface peuvent toujours être joints par une géodésique appar- tenant à un type donné et ne peuvent l'être que par une seule ; il étudie ensuite les propriétés des trois grandes catégories de géodésiques. — M. G. Bigourdan com- munique ses observations de la nouvelle comète Perrine (16 octobre 1897) faites à l'Observatoire de Paris; l'éclat général a paru à peu près invariable; la tête s’efface graduellement. — M. F. Rossard adresse ses observa- tions de la nouvelle comète Perrine, faites à l’'Observa- toire de Toulouse. — M. C. Guichard étudie la défor- mation des quadriques et démontre le théorème suivant: Si l'on déforme une quadrique en entraînant le plan tangent en un point, les lignes de courbure de la sur- face décrite par le point où une génératrice isotrope de la quadrique rencontre le plan tangent forment un réseau I. — M. Jules Drach étudie les systèmes com- plètement orthogonaux dans l’espace à n dimensions et la réduction des systèmes différentiels les plus géné- raux.— M. A. Pellet communique quelques résultats nouveaux sur les surfaces de Weingarten. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. L. Cailletet décrit un appareil qui permet de déterminer la relation entre la pression barométrique et la hauteur. Il se compose de deux appareils photographiques, attachés au-dessous d’un aérostat, et qui photographient, de deux en deux minutes, l’un le sol situé au-dessous de lui, l'autre les indications d'un baromètre anéroïde. De Ja photographie du sol, on déduit la hauteur du ballon. — M. Gaston Seguy décrit un nouveau procédé qui permet d'obtenir des photographies radioscopiques instantanées. — MM. Gaston Seguy et Emile Gundelag ont préparé une nouvelle ampoule à phosphorescence rouge en in- corporant à du verre ordinaire de l’alumine en poudre et du carbonate de chaux ou du chlorure de didyme. Ce verre émet deux fois plus de rayons X que les verres ordinaires. — M. Georges Lemoine a déterminé, pour des solutions de chlorure de lithium dans l’eau et dans l'alcool, la chaleur de dilution, la densité, la solubilité et la chaleur de dissolution. — M. Tassilly a préparé un oxybromure de magnésium en dissolvaut de la ma- gnésie dans une solution chaude de bromure de magné- sium et en faisant cristalliser dans des flacons bien fer- més.Ce corps répond à la formule Mg Br?.3 Mg 0.12 H°0. L'auteur n'a pas pu obtenir un oxyiodure. — MM.H. Bau- bigny et P. Rivals ont effectué des expériences com- paralives sur leur méthode de séparation du chlore et du brome contenus dans un mélange de sels alcalins (en présence de permanganate de potasse et de!sulfate 20** 886 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES de cuivre). Si la solution est assez concentrée, le brome seul est mis en liberté et peut être entraîné par l'air; le chlore reste en solution. — M. J. Moitessier a pré- paré les acétates phénylhydraziniques de zine, de cad- mium, de manganèse, de cobalt et de nickel, en chauf- fant au bain-marie un mélange de phénylhydrazine en solution alcoolique et d'acétate métallique pulvérisé. — M. Frédéric Landolph étudie les méthodes de dosage du sucre diabétique; le polaristrobomètre en indique seul la quantité réelle; le coefficient de réduction ou la fermentation indiquent des quantités trop fortes ou variables. — M.F. Landolph a extrait le suc de la chair des mouches qui, au Chili, se trouvent en quantité inombrable sur les détritus de tous genres. Il y a trouvé un principe actif, doué du pouvoir réducteur et du pou- voir optique. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. L. Lecerele a constaté que les rayons X produisent une inhibition, qui peut aller jusqu'à la suppression de l'évaporation cutanée chez le lapin. — M. Domingos Freire communique ses recherches sur le bacille de la fièvre jaune : le micro- coccus æanthogenicus. Les cultures atténuées reprodui- sent chez l’homme une forme bénigne de la fièvre jaune, capable de conférer l’immunité contre une attaque ultérieure de la maladie. Les inoculations pré- ventives ont été faites sur plus de 13.000 personnes. — M. Pierre Fauvel décrit ses recherches sur la cireula- tion chez les Amphicténiens (Annélides polychètes sédentaires). — M. L.-J. Léger étudie la différenciation et le développement des éléments libériens, en particu- lier la phase connue sous le nom de différenciation nacrée. — M. A. Gaïllard donne la descriplion de nou- veaux ossements d'une grande rareté trouvés dans les argiles tertiaires de La Grive-Saint-Alban (Isère). Il s’agit d’un humérus entier d’une chauve-souris frugi- yore, qui paraît se raltacher au genre Cynonycteris. — M. E.-A. Martel et A. Viré donnent la description de l'aven Armand, sur le causse Méjean (Lozère), qu'ils ont exploré en septembre dernier. Ils y ont trouvé une forêt d'environ 200 colonnes stalagmitiques, hautes de 3 à 30 mètres. Louis BruNer. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 19 Octobre 1897. M. Lucas-Championnière lit le rapport sur le con- cours pour le Prix Chevillon. — M. Albert Robin lit le rapport sur le concours pour le Prix Capuron. — M. Jules Beckel communique une observation de hernie du cæcum et de l’appendice avec gangrène; l'auteur procéda à la résection de l’appendice et pra- tiqua un anus cæcal. La guérison ayant été complète, trois semaines après on suturait l'anus artificiel. — M. J.-V. Laborde combat les précédentes conclusions de M. Lancereaux. Il cherche à montrer que le buveur exclusif de vin existe peu ou pas; le buveur exclusif d'alcool est plus facile à trouver, mais il n’est pas rare qu'il soit atteint de cirrhose. La cirrhose résulte donc de l’action de l'alcool. — M. Vallin dit que Huss, dans son ouvrage sur l'alcoolisme, signale la cirrhose chez les buveurs d’eau-de-vie.— M. Jonnesco lit un travail sur le traitement chirurgical du glaucome par la résec- tion du grand sympathique cervical, — M. Phocas donne lecture d'un mémoire sur la mobilisation méca- nique prolongée, comme méthode générale du traite- ment de certaines ankyloses. Séance du 26 Octobre A897. M. Dieulafoy lit le rapport sur le concours du Prix Marie Chevalier. — M, Vallin lit le rapport sur le con- cours du Prix Vernois. — M. Doumer (de Lille) com- munique Un travail sur le traitement de la fissure dou- loureuse de l'anus. — M. Cordes (de Genève) lit un travail sur l'application thérapeutique des basses tem- péralures. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 23 Octobre 1897. M. Roger, après avoir injecté dans les vaisseaux des cultures de streptocoque, à constaté que ce microbe était surtout arrêlé et détruit par le poumon; le bacille charbonneux, au contraire, est détruit par le foie. — M. Lemoine à observé quatre cas d'érisypèle chez l’homme, dans lesquels le streptocoque, injecté à des lapins immunisés avec le sérum de Marmorek, n'a pro- duit aucun accident, (andis que des lapins témoins prenaient l’érysipèle ou mouraient, — M. Remlinger à observé le syndrome de Landry chez un lapin inoculé avec le streptocoque; le microbe s’est retrouvé dans la moelle. C'est un nouvel argument en faveur de la na- ture infectieuse de la paralysie ascendante aiguë. — MM. Balzer et Griffon ont conslaté, dans un grand uombre de cas d’ectyma et d'impetigo, la présence du Streptocoque dans le pus des pustules non ouvertes. Cultivé et injecté au lapin, il produit des érysipèles de l'oreille et même des septicémies. — MM. Laubry et Féré établissent que, chez les épileptiques, le bleu de méthylène s'élimine par les urines plus abondamment pendant les crises. — M. Laborde a constaté, par la radioscopie, que le foie se déplace avec le diaphragme pendant la respiration. Il est nécessaire d’en tenir compte en clinique, dans la percussion. — M. Gellé sigoale les résultats heureux qu'il a obtenus avec le microphonographe Dussaud dans des cas de surdi- mutité chez l'enfant. — MM. Sabrazes et Cabannes ont étudié un cas d'hémoglobinurie paroxystique @ frigore; la perte en hémoglobine l'emporte considéra- blement sur la perte en globules; l'hémoglobine corres- pondant à lhématolyse est à l'hémoglobine échappée des globules dans le rapport de 4 à 4. Séance du 30 Octobre 1897. MM. Auché et Hobbs ont constaté que la tuberculose morte, injectée dans le péritoine des grenouilles, pro- duit jusqu'au trente-troisième jour, les mêmes lésions que la tuberculose vivante. Les bacilles conservent leurs caractères morphologiques et leurs réactions colorantes. — M. H. Barré pense que l'arrêt de la diurèse doit être attribué à une cause physiologique; le rein, irrité par les toxines du sang, modérerait ou supprimerait, par un spasme vasculaire local, l'arrivée du sang à fil- trer. L'enseignement qui en découle pour la thérapeu- tique, c'est la dilution des toxines aa moyen de la sai- gnée, compensée par une injection simultanée d’eau salée. — MM. A. Gilbert et L. Fournier ont observé le développement de calculs à la suite d'infections bi- liaires expérimentales chez divers animaux; c’est un argument de plus en faveur de l'origine microbienne de la lithiase biliaire. — M. Trouessart énumère les dégâts causés par les Acariens qui se trouvent dans les raisins secs, les farines et jusque dans le cirage. — M. Laveran a observé dans les intestins, le foie et la rate du goujon une nouvelle myxo-sporidie à l'état cnkysté. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 1° SCIENCES PHYSIQUES Oliver Lodge, F. R.S., et Benjamin Davies : Influence du champ magnétique sur les radiations lumineuses. — Les auteurs ont étudié le phénomène découvert par M. Zeemann avec un réseau de Rowland contenant 14.438 lignes au pouce. Au moyen de cel appareil et d’une magnétisation suffisante, ils ont pu non seulement doubler, mais tripler et quadrupler les lignes du sodium. Voici quelle est la succession des phénomènes : A basse température, la flamme du sodium montre deux raies définies et distinctes. Si l’on fait agir Je champ à l'arrière de la flamme, les raies s'élargissent, et, pour un champ suflisant, elles se doublent, un ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES espace noir se produisant en leur milieu. À une lem- pérature plus élevée, la flamme étant placée un peu en arrière du champ, et les lignes du sodium apparais- sant comme un doublet à contour brumeux, la magné- tisation élargit le double, puis le sépare complètement en deux parties. Si la force du champ augmente, une ligne apparaît au milieu de l'espace sombre élargi; on a ainsi un triplet. Enfin, pour une très forte magnéti- sation, la nouvelle ligne se dédouble encore, donnant ainsi une quadruple apparence. Dans chaque cas, un nicol, placé de facon à intercepter la lumière dont le plan de polarisalion contiendrait les lignes de force magnétique, neutralise complètement l'effet du champ masnétique, et rétablit la ligne ordinaire du sodium. Les mêmes effets s'observent avec les sels de lithium el de thallium, les lignes rouges se doublant plus dis- tinetement que les lignes vertes. La ligne rouge du cadmium se dédouble également sous l'influence du champ magnétique. J.-G. Leathem : Sur la théorie des phénomènes magnéto-optiques dans le fer, le nickel et le cobalt. — L'auteur établit les équations fondamentales des phénomènes magnéto-optiques en suivant les indica- tions données par M. Larmor dans un récent mémoire. Il compare ensuite ses résultats avec les valeurs expé- rimentales obtenues par MM. Sissingh et Zeemann pour la phase m et l'amplitude y de la composante magnéto- optique, avec des angles d'incidence variables : ANGLE VALEUR D'INCIDENCE E DE M CALCUL DE M 86000! 209026! Us 8: 204,22 œ 194,49 T 190.03 æ 181,49 z 5 179,00 œ 36,10 174,09 z Si l’on suppose que æ vaut environ 62, l'accord est remarquable entre la théorie et l'expérience. Si l’on suppose que C, (vitesse de la radiation) est donné par la formule : — Co — 7.283 X 10—1, les rapports entre les valeurs calculées et observées de # pour les angles d'incidence ci-dessus sont respective- ment 1,13, 0,96, 0,99, 0,97, 0,01, 1,03 et 0,97. L'accord est suffisant pour les amplitudes. Pour le nickel, l'accord est un peu moins bon, mais pour le cobalt, il est tout à fait satisfaisant, surtout pour les amplitudes, La théorie prévoit également le même résultat que celui trouvé par l'expérience pour la valeur de la com- posante de magnétisation perpendiculaire au plan d'in- cidence. William Huggins, F.R.S., et M°° Huggins : Recherches sur les lignes H et K du spectre du calcium. — Lorsqu'on examine le spectre de la chro- mosphère ou des protubérances solaires, ou encore celui de certaines étoiles, on apercoit un certain nombre de lignes appartenant à divers éléments. Mais il est rare que toutes les lignes d'un même élément, telles qu'on les observe dans les spectroscopes des laboratoires, soient représentées. Ainsi, on apercevra presque toujours, dans un spectre stellaire, les lignes H et K du calcium, mais la forte ligne bleue et les autres lignes secondaires de cet élément y feront le plus souvent défaut. C’est ainsi que Young, dans ses tables, donne à la ligne bleue la fréquence 3, tandis qu'il donne respectivement aux lines Hi et K les fré- quences 75 el 50. D'autre part, on sait depuis longtemps que, si l'on produit le Spectre d'étincelles du calcium avec une très petite quantité de sel calcique, les lignes H et X se montrent encore très fortes, alors que les autres 1ines 887 ont complètement disparu. Ce fait a conduit les auteurs à supposer que, dans les hautes régions de l'atmosphère solaire, où les lignes H et K apparaissent seules de toutes les lignes du calcium, cet élément se trouve en très petite quantité, c'est-à-dire possède une densité bien inférieure à celle qu'il a dans les régions plus basses. ; Les auteurs ont donc cherché à démontrer expéri- mentalement que les différents aspects du spectre du calcium proviennent simplement de la plus ou moins grande densité de la vapeur de ce corps. Voici la des- cription de leurs recherches : Les expériences ont élé faites avec une petite bobine de 6 pouces; on produisait la plus petite étincelle pos- sible, afin d'éviter une trap forte élévation de tempé- rature. Une série d'expériences a été faite avec des électrodes en calcium métallique, afin d'obtenir la den - sité de vapeur maximum. Les autres expériences ont été faites avec des électrodes de platine ou de fer; les extrémités des électrodes élaient d’abord mouillées avec une solution concentrée de chlorure de calcium; on les lavait ensuite légèrement avec de l'eau pure; on les lavait une seconde fois avec de l'eau pure; enfin, on employait aussi des électrodes mouillées très légè- rement avec une solution très diluée de chlorure de calcium. Les prévisions des auteurs se sont trouvées pleine- ment confirmées. Avec des électrodes de calcium métal- lique, la ligne bleue est aussi forte que les lignes H et K. Lorsque les électrodes sont mouillées avec des solu- tions, la ligne bleue et les autres lignes faiblissent plus rapidement que H et K, et elles disparaissent complè- tement lorsqu'on a lavé deux fois les électrodes avec de l’eau pure. Si l’on répète ces lavages de facon à enlever tout le sel de calcium, H et K persistent néan- moins, quoique très minces. Ces faits semblent donc expliquer complètement la facon dont se comportent les lignes du calcium dans le spectre de la chromosphère. Dans les régions infé- rieures, où la densité de la vapeur est forte, le spectre montre souvent la ligne bleue. Dans les régions supé- rieures, où le calcium, malgré sa densité, se trouve entrainé par les violents tourbillons qui s'ÿ produisent, il existe à l'état très ténu et il ne donne plus, dans le spectre, que les lignes H et K. Ce point bien établi, la présence des diverses lignes du calcium dans le spectre des étoiles est appelée à donner des indications sur la force de la gravité et le degré de condensation à la surface de ces étoiles. Mais de nouvelles études sur les lignes des autres éléments sont d'abord nécessaires. M. Liveineg, F. R.S., dans une lettre adressée aux auteurs du précédent mémoire, confirme leurs conclu- sions et explique ainsi la différence de fréquence entre H et K signalée par Young. On chauffe dans le chlore, pendant deux jours, deux électrodes de charbon, afin d'en éliminer en partie les métaux qui s’y trouvent. Si l'on fait jaillir l'arc entre les deux charbons, on n’ob- serve d’abord aucune ligne du calcium; puis la ligne H apparait faiblement, et, au bout d’un certain temps, la ligne K. Si l’on fait passer un courant d'hydrogène dans l’are, les deux lignes disparaissent; si l’on réduit le courant, H reparait la première et K ensuite. Si on dirige dans l'arc de la vapeur de lithium, H et K diminuent forte- ment. La disparition et la diminution de H et de K ne peuvent s'expliquer autrement que par la dilution de la vapeur de calcium par l'hydrogène ou par celle de lithium. 2° SCIENCES NATURELLES C. Sherrington, F. R. S., Professeur à University College : Les réflexes cataleptoïdes chez le singe. — Si l'on enlève soigneusement à un singe les hémi- sphères cérébraux, en évitant les hémorragies et la chute de la température, on peut, au bout de quelque temps et après que l'animal n'est plus en état de « choc », 838 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES provoquer chez lui des mouvement qui diffèrent abso- lument des réactions cérébrales ou médullaires ordi- naires et qui sont particulièrement remarquables par leur durée et l'absence qu'on y constate de tout carac- tère clinique et « alternant ». Lorsqu'on trempe le doigt d'un singe ainsi préparé dans une tasse d’eau chaude, une réaction réflexe intense se produit qui implique des mouvements de tout le membre supérieur. Le poignet est en extension, le coude fléchi, l'épaule se porte en avant ainsi que le bras qui, parfois, vient se placer en travers de la poitrine, Le mouvement se produit après une période variable et d'ordinaire assez longue d’excitation latente. Bien qu'il soit assez rapide, il donne l'impression délibérée et voulue, il frappe l'observateur par son aisance et sa sûreté. Parfois, il est très lent et il est alors moins étendu. Mais son ca- ractère le plus singulier, c’est qu'une fois qu'il est accompli, la contraction des muscles qui ont servi à l’'accomplir ne cesse pas et n’est pas neutralisée par l'entrée en jeu des muscles d’un autre groupe, mais que, tout au contraire, elle persiste pendant dix et même vingt minutes. Le membre demeure dans sa nouvelle attitude et sansune secousse clinique nimême un trem- blement. L'étendue des mouvements du membre dépend dans une large mesure de l'intensité et de la durée de l'excitation employée. Si la flexion, par exemple, est complète, le membre ne peut conserver, pendant tout le temps indiqué, l'attitude qu'il a prise; au bout d'une minute environ, le coude commence à revenir à une position moins éloignée de celle qu'il occupait d’abord. Cette extension partielle se produit souvent par «sauts », mais chacun des sauts est fort petit et se produit à des intervalles irréguliers, qui varient d’un quart de minute à une minute. Lorsque le coude en est arrivé à la demi- flexion, il peut demeurer dans cette position sans qu'elle subisse aucun changement pendant dix minutes ou davantage. La contraction des muscles est si égale qu'elle donne — ces extensions par étapes successives mises à part — une ligne uniforme au myographe. Une nouvelle excitation du doigt détermine une flexion nouvelle et semblable à la première. On peut, sans difficulté, étendre le membre fléchi, la résistance percue est très faible; la position de flexion n’est pas reprise par le membre, lorsqu'on l'abandoune à lui- même. On obtient des résultats analogues avec le membre postérieur. Si on excite un orteil avec de l’eau chaude, on obtient la flexion de la cheville et du genou, et d'ordinaire, aussi, de la hanche.Le mouvement a les apparences d’un mouvement intentionnel et le membre conserve l'attitude prise. Si l'on place en même temps dans l’eau chaude les doigts ou les orteils des membres gauche et droit, les mouvements qui se produisaient d’un seul côté par l'excitation d’un membre isolé se produisent symétriquement des deux côtés. Mais il n'en est pas de même lorsque les deux excitations, au lieu d'être simultanées, sont successives. Si, lorsque le bras droit a déjà pris l'attitude que détermine l’excita- tion de la main droite, on excite la main gauche, on détermine, pourvu que l’excilation ait quelque inten- sité, en même temps que la flexion du bras gauche, la complète résolution du bras droit; il pend flasque aux côtés du corps, tandis que le bras gauche, dressé en l'air, demeure fléchi sur lui-même et porté en avant. De même l'excitation du pied droit fait cesser la con- traction des muscles du bras droit, et plus aisément encore, l'excitation de la main droite abolit la contrac- ion des muscles de la jambe droite. De plus, en pin- cant l'oreille droite on fait abandonner au bras droit ou à la jambe droite la position qu'ils ont prise à la suile de Pexcitation initiale. Si on pince l'oreille droite, alors que les deux bras sont en situation cata- leptoiïde, on détermine aisément une inhibition com- plète des mouvements du bras droit, mais d'ordinaire, on ne détermine qu’un relâchement partiel des muscles du bras gauche. La contraction déterminée dans les muscles de l'un ou l’autre des membres postérieurs, par une excitation appropriée, peut être inhibée par l'excitation de l’une des deux oreilles ou de l’un des deux membres antérieurs, mais elle l’est plus complè- tement par l'excitation de l'oreille ou du membre anté- rieur situé du même côté. L'inhibition des mouvements excités dans un membre postérieur est beaucoup plus ai- sément obtenue par l'excitation du membre postérieur du côté opposé que par celle du membre antérieur ou de l'oreille de ce côté. M. Sherrington n’a pu déterminer l’in- hibition des contractions d’un membre antérieur par l'excitation du membre postérieur du côté opposé. La respiration de l'animal, au cours de ces expériences, n’a pas été affectée par les excilations qui suffisaient soit à produire des mouvements, soit à les inhiber : elle était tranquille, profonde, régulière et parfois plus fré- quente qu à l'état normal. Les réflexes rotuliens étaient normaux; le réflexe conjonctival subsistait, bien que l'animal fût aveugle; le pouls était plein, régulier et d'une fréquence normale. M. Sherrington n'a pas réussi jusqu'à présent à déterminer ces réflexes cataleptoides en plaçant simplement le membre dans la position qu'on veut lui voir prendre. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 29 Octobre 1897. M. Stroud décrit un appareil, construit en collabo- ralion avec M. Barr, et destiné à mesurer les distances. L'objet lointain doit être de préférence une ligne telle qu'un mât de pavillon. Deux images de cet objet sont recues respectivement sur deux miroirs, deux lentilles ou deux prismes, placés chacun à l’une des extrémités d'un support fixe. Les deux images sont ensuite diri- gées vers le milieu de l'instrument, où, après réflexion, elles sont vues par le même occulaire. On s'arrange de facon à ce que les deux images soient sur une même ligne droite et on oblient celte coïncidence en dépla- cant un petit prisme auxiliaire. La valeur de ce dépla- cement donne la distance cherchée. De nuit, l’objet éloigné est remplacé par un point lumineux, mais comme on ne peut faire aucune mesure avec des images ponctuelles, on transforme celles-ci en images linéaires au moyen de lentilles cylindriques. L'appareil a une forme tubulaire; sa longueur est d'environ 5 pieds; il est construit en cuivre. À 3.000 mètres, il permet de déterminer les distances avec une erreur maximum de 3 °/,; par un temps brumeux ou avec un but à contours peu nets, la précision est moindre: mais, dans des circonstances très favorables, on arrive à déterminer les longueurs à 1 °/, près. M. Barr ajoute quelques renseignements sur l'usage de l'instrument. Les mesures qu'il nécessite peuvent être comparées à la mesure d’un angle de 20 secondes sur un cercle de 25 pieds. — M. Stroud indique ensuite comment l’ap- pareil décrit ci-dessus peut être employé à la mesure des distances focales. Les miroirs sont légèrement mo- difiés et on fait glisser l'appareil sur un banc d'optique Jusqu'à ce qu'on obtienne la coïncidence des deux images. — M. Ackermann décrit quelques expériences curieuses. Si l'on souffle une bulle de savon sur les bords d'une coupe dont le fond est percé d'un trou et qu'on approche le trou d'une flamme de bougie, la flamme s'éteint immédiatement. Un bateau-joujou, muni d’une fausse poupe consistant en un diaphragme de toile, peut être mù en remplissant la poupe d'éther ou de tout autre liquide léger, miscible à l’eau. Le mouvement est dù aux différences de tension superfi- cielle qui se produisent à l'arrière du bateau. — M. v. Boys pense que, dans la première expérience, l'acide carbonique contenu dans la bulle de savon contribue pour beaucoup à faire éteindre la bougie. Le Directeur-Gérant : Louis Oxivier. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. ai 8° ANNÉE N° 22 30 NOVEMBRE 1897 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Élections académiques Élection à l’Académie des Sciences. — Au moment où paraitront ces lignes, l'Académie aura procédé à l'élection d'un membre dans la Section de Chimie, en remplacement du très regretté Schutzen- berger. La Section avait présenté dans l’ordre suivant les candidats : EuMre.ligne. : . . - M. Le Bel. EMPEisner.. MO Driltte { M. A. Colson. M. A. Etard. En 3° ligne et par | M. Hanriot. ordre alphabé-€ M. Joly. CN CSN ENT M. Jungfleisch. M. H. Le Châtelier. M. G. Lemoine. $ 2. — Nécrologie Savants récemment décédés. — Le Dr Ed- mond Drechsel, professeur de Chimie physiologique et de Pharmacologie à l'Université de Berne, est décédé le 22 septembre dernier, à la Station Zoologique de Naples, où il faisait des recherches sur la chimie des Invertébrés. Il avait été auparavant assistant de Ludwig et professeur à la Faculté de Médecine de Leipzig. Drechsel était connu par ses travaux de Chimie bio- logique. 11 a collaboré, pour cette branche, à deux ou- vrages classiques : le Handbuch der Physiologie de Hermann, et la Chemie de Beilstein. Dans ces dernières années, il avait donné une nouvelle théorie de la for- mation de l’urée dans l'organisme. Un autre savant, M. Ernest Scheering, est mort à Gôüttingue, le 2 novembre dernier, à l’âge de soixante- quatre ans. Il était professeur de Mathématiques à l'Uni- versité de cette ville et directeur du Département mé- téorologique à l'Observatoire. On lui doit de beaux mémoires sur Ja Physique mathématique. IL s'était, d'autre part, acquis des droits à la reconnaissance des nine par la publication des œuvres de auss, REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897. $ 3. — Physique L'inscription photographique des altitudes dans les ascensions des ballons - sondes. — On sait combien il est difficile, au cours des ascensions aéronautiques, de relever exactement les hauteurs atteintes. Deux causes d'erreurs peuvent intervenir pour altérer la correction des indications barométri- ques : d'une part, l’inertie des appareils, d'autre part et surtout ce fait que nous ne connaissons guère la loi sui- vant laquelle la marche du baromètre varie avec l’alti- tude dans les régions élevées de l'atmosphère. Pour affranchir de ces défauts les instruments ins- cripteurs qu'emportent avec eux les ballons-sondes, M. L. Cailletet, de l'Institut, a voulu créer un nouveau type d’enregistreur photographique qui permiît de cal- culer, après l'ascension, les hauteurs atteintes en cha- que poiut de la trajectoire du ballon, puis de comparer ces hauteurs aux indications du baromètre. L'appareil se compose (fig.1) d'une caisse de bois, sus- pendue à la partie inférieure du ballon, et à l'intérieur de laquelle (fig. 2) un mouvement d'horlogerie MH dé- vide, dans le sens horizontal, et fait poser, à de courts intervalles, une pellicule sensible. La face inférieure de la caisse porte en O une lentille qui voit le paysage terrestre et en concentre l'image sur la pellicule en $. La face supérieure de la caisse porte en B un baromètre anéroïde el, un peu au-dessous, en Z, une lentille qui concentre, sur la même pellicule, en S, l’image du ca- dran gradué et de l'aiguille de cet instrument. La pelli- cule étant transparente, l'image du cadran et de l'ai- guille se superpose à celle du paysage. On peut donc obtenir ainsi, après développement de la pellicule, une photographie analogue à celle dont notre fizure 3 repré- sente le schéma. La hauteur de prise de cette photogra- phie se calcule d’après les deux éléments suivants dont elle est fonction : 4° Le rapport entre une distance connue à terre et la reproduction de cette distance sur le phototype ; 2 La distance focale principale de l'objectif O. L'appareil est disposé de telle sorte que, toutes les deux minutes, la pellicule sensible vienne poser de- vant les lentilles O et Z pendant un temps très court, 22 890 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE durant lequel les obturateurs D et K sont découverts. Les obturateurs circulaires sont montés sur un axe actionné par un barillet. Le déclanchement simultané des obturateurs est obtenu par un levier L, qui com- mande aussi la mise en marche d’un barillet plus puis- sant que les précédents monté sur l’axe de la bobine réceptrice de la pellicule U. Ce levier L est animé d’un mouvement alternatif par la came C, dépendant du mouvement d'horlogerie MH. Bien entendu, le déclan- chement des obturateurs à été réglé par construction pour opérer entre deux expositions le changement de la pellicule impressionnée. Comme renseignements complémentaires, nous don- nerons les quelques détails suivants : l'objectif anas- tigmatique O est diaphragmé à f-20. Son foyer principal de 241 millimètres a été choisi pour diminuer autant que possible les déformations des rayons marginaux dues à la réfraction. L’obturateur D donne le 1/100 de seconde environ. L'objectif Z est un rectili- néaire grand angle de 95 mil- limètres de distance focale principale; il est protégé des rayons solaires par le tube P. Son obturateur K permet une exposition double de celle de D nécessitée par la position du cadran du baromètre, bien que celui-ci soit éclairé par une surface blanche collée sur le panneau supérieur de la cage. La pellicule a 180 millimètres de largeur ; les magasins T etU peuvent en contenir 10 mètres. La surface exposée vers l’ob- jectif O mesure 130 <180 mil- limètres. Pour déterminer sur chaque épreuve le retrait ou l’allon- gement qui peuvent se pro- duire à la fin des différentes manipulations photographi- ques, la glace G porte, gravés au diamant sur la surface en contact avec la pellicule, des traits qui sont reproduits sur un phototype. Enfin, pour terminer cette description, un bouton placé à l'extérieur de la cage arrête à volonté le mouvement d'horlo- gerie MH et, partant, les au- tres organes de l’enregistreur. L'appareil est suspendu sous le ballon ainsi que l'indique la figure 1, par quatre cordes réu- nies à un mousqueton engagé dans un anneau. L'accouplement du mous- queton et de l'anneau assure à l'appareil une parfaite verti- calité, et, si on veut bien remarquer que le ballon se déplace sensiblement avec le vent, on reconnaitra que les vues sont toujours prises dans d'excellentes con- ditions, surtout à de grandes hauteurs. Le mauvais temps de la saison n'ayant pas permis le lancement d’un ballon-sonde, l'appareil a été amarré pour son premier voyage sous la nacelle du Balaschoff monté par MM. Hermilte et Besancon, parti de l'usine à gaz de la Villette le 21 octobre à { heure, et atterri le même jour vers # heures dans les environs de Laval. La pellicule développée le surlendemain nous a donné une série de vingt-cinq vues consécutives, qui prouve que tous les organes de l’enregistreur avaient régulièrement fonctionné. Les indications du baromètre permettant de détermi- ner immédiatement l'échelle à laquelle les vues ont Fig. 1. — Appareil pour l'inscription photogra- DRIUe des altiludes, at- laché à la partie infé- rieure d'un ballon. été prises, il a été facile, en tenant compte de l'heure du départ et de l'orientation des ombres sur le terrain, de trouver rapidement sur la carte les surfaces qui sont ainsi photographiées. En dehors d'applications spéciales, les enregistreurs analogues pourront déterminer ainsi d'une facon très GELBIE Fig. 2. — Délails de l'appareil pour l'enregistrement photo- graphique des allitudes. — B, baromètre anéroïde; O, Z, objectils; D, K, obturateurs; MH, mouvement d'horlo- serie: C, came; L, levier de déclanchement;: S, pellicule ; T, U, bobines-magasins; G, glace maintenant la pellicule parfaitement plaue ; b, ce, barillets commandant les obtura- teurs; d, barillet commandant la bobine U; P, tube pro- tégeant l'objectif Z des rayons du soleil. précise les trajectoires verticales et horizontales et constituer un des meilleurs livres de bord. L. Gaumont. $S 4. — Agriculture La reprise d'un projet de Pasteur pour détruire le phylloxéra. — Notre grand Pasteur, peu après le succès de ses travaux sur la rage, eut l’idée d'appliquer les ressources de ses méthodes à la lutte contre le phylloxéra. Si l'on parvenait, disait-il à l’auteur de ces lignes, à découvrir une bactérie pa- thogène pour le funeste hémiptère, on pourrait cultiver CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 891 ce micro-organisme ef, en en répandant les cultures “dans le sol, atteindre l’insecte et le détruire, Avant sa mort, l'individu infesté propagerait la maladie parmi ses congénères, el il en résulterait, dans les champs, le développement d'une maladie mortelle au plus redoutable ennemi de la vigne. Cette pensée hantait quelquefois l'esprit de l’illustre savant, à ce point qu'un moment il caressa le projet de la mettre lui-même à exécution, avec l’aide de quelques dévoués collabo- rateurs. Mais les attaques contre la vaccination anlira- bique surgissaient de toutes parts, — car l'ignorance et Ja sottise sont partout, — et Pasteur duts'employer tout entier à les repousser. Puis vinrent, après le triomphe éclatant et définitif, et comme la rançon de toute une vie de labeur et de gloire, la maladie et le déclin des forces, qui interdirent à tout jamais l'espoir de nou- velles conquêtes. Pasteur vivant, aucun de ceux auxquels il avait confié sa pensé ne s'était senti l'audace de se livrer, sans sa direction effective, à la grande entreprise qu'il avait rêvée. Et jusqu'à présent même, aucun fait d'expé- rience n'avait été produit dans la di- rection indiquée par le Maître. Or, voici qu'un bac- tériologiste, M. L. Dubois, étudiant les micro-orga- nismes de la terre et du fumier, vient de trouver une bactérie pa- thogène pour cer- tains hémiptères et en particulier le phylloxéra. La bactérie nou- vellement décou- verte serait anaé- robie. Répandue sur le sol des vi- gnobles, elle dé- truirait rapide- ment les phyllo- xéras, et, après la mort de ceux-ci, se rencontrerail dans leurs cada- Ju2 & ment, tandis que les rayons X la franchissent sans perdre notablement de leur intensité. De plus, il reste acquis que les radiations exercent une action de nécro- biose toute superficielle!, ce qui concorde peu avec ce que l’on sait de la puissance de pénétration des rayons X. Enfin, si l’on interpose entre l’ampoule et le sujet une lame d'aluminium d'un demi-millimètre d'épaisseur, reliée au sol, — cette lame conduisant à la terre les ondes électriques qui tendent à jaillir sur le sujet, mais n'arrêtant que dans une infime proportion les rayons X, — on n'observe jamais d'accidents. Tous ces faits semblent montrer que les rayons X, isolés des diverses radiations qu'émet le tube de Crookes, n’ont que des effets nuls ou minimes sur l’or- ganisme ; il est facile de prouver qu'il en est de même des radiations lumineuses, Pour les radiations électriques, les recherches de MM. Danilewsky et J. de Tarchanoff ont démontré la possibilité d'actions physiologiques à distance; ces auteurs ont, en effet, obtenu, sous l'influence de ces radiations, des contractions dans la patte galvanos- copique de la grenouille ; . les rayons X isolés ne produisent au- cun effet sembla- ble. D'autre part, nous avons pu produire presque à volonté sur nous-même etsur un chien, les lé- sions désignées sous le nom d’é- rythème radiogra- phique, en appro- chant nos mains ou l'animal non plus de l’ampou- le, mais des fils qui y amènent le courant. Ces lé- sions consistent en vésicules d’hy- droa qui appa- raissent de six à vingt-quatre heu- res après l’expo- vres. Contentons- kig. nous aujourd'hui d'enregistrer le fait, qui mérite sans doute d'être vérifié, mais semble, dès à présent, gros de promesses pour notre Vic L. O. S 5. — Physiologie Les Actions physiologiques attribuées aux Rayons X leur sont-elles dues? —On connait les accidents qui surviennent à la suite de l'exposition des tissus vivants devant les tubes de Crookes; on connaît également les effets curatifs que nombre d'auteurs ont essayé de tirer des nouvelles radiations. Ces actions physiologiques ont été attribuées jusqu'ici par tous les auteurs aux rayons X. Les expériences que nous avons faites dans le service de M. le Docteur Mathieu, à l'hô- pital Andral, semblent prouver que les radiations élec- triques émises par le tube de Crookes sont les véri- tables agents des désordres observés. Tout d’abord, l'ampoule n’a jamais occasionné d’ac- cidents que lorsqu'elle était très rapprochée de la peau du sujet, 10 centimètres au plus. Or, c’est là la dis- tance à laquelle les effluves cessent de jaillir abondam- 4 Acad. des Sc., t. CXXV, n° 20, p. 190. 3. — Schéma d'une photographie enregistrée pendant l'ascension d'un ballon-sonde. sition; les vési- cules percent et laissent à leur place une ulcéra- tion de 5 à 10 millimètres de diamètre; elles ne guéris- sent guère qu’au bout de huit à dix jours; elles ne sur- viennent pas sur les parties protégées par l'écran d'aluminium. Si l’on inverse le courant dans l’ampoule, la produc- tion de rayons X cesse; les lésions se sont encore pro- duites lorsque nous avons approché nos mains; nous nous croyons donc en droit de conclure que ces lésions Sont causées par les radiations électriques. Nous avons observé, de plus, que, pour une intensité donnée du courant inducteur, les accidents se produisent d'autant plus aisément que la fréquence du trembleur est plus élevée. Donc, si l’on estime qu'avec la bobine et l'ampoule dont on dispose, on doive employer un courant inducteur de 5 ampères, par exemple, pour avoir une pénétralion suffisante, il vaudra mieux, pour éviler les accidents, utiliser ce courant avec un trem- bleur lent qu'avec un trembleur rapide, quitte à aug- menter la durée du temps de pose. Cette conclusion est 1 Cette conclusion repose sur les résultats négatifs obtenus dans le traitement de la tuberculose, les essais d'atténuation des cultures microbiennes, et enfin sur l'examen attentif des lésions causées par les tubes de Crookes. 892 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE d'accord avec l'impossibilité d'obtenir des accidents quand on aclionne l’'ampoule par une machine sta- tique, auquel cas les décharges dans l'ampoule sont assez espacées. ‘ L En pratique, il est plus simple d’interposer un écran d'aluminium d’un demi-millimètre d'épaisseur, relié au sol par une chaîne métallique; on pourra alors utiliser une source, un trembleur quelconques, et placer l’am- poule aussi près que l’on voudra. En résumé, nous n'avons certes pas voulu démontrer que les rayons X sont dépourvus d'actions physiolo- giques, mais nous croyons avoir prouvé que ces actions sont beaucoup moins importantes que celles des radia- tions électriques qui les accompagnent. Aussi ne devra t-on accepter comme dus aux rayons X, aussi bien en Physique qu'en Physiologie ou en Thérapeutique, que les effets pour l'obtention desquels on aura exclu les radiations électriques par l'écran d'aluminium. V. Balthazard, Ancien élève de l'Ecole Polytechnique. La Chaleur spécifique du Saug humain. — Plusieurs physiologistes ont déterminé la densité du sang humain à l’état de santé ou de maladie, mais on ne s'était pas préoccupé jusqu'à présent de mesurer d'autres constantes physiques de ce liquide. Récem- ment, M. W.-F. Lloyd s’est livré à la détermination de la chaleur spécifique‘, qualité qui peut présenter une grande importance en Physiologie et en Pathologie. Le sang était recu directement de la veine dans un récipient contenant un poids connu d’eau à une tem- pérature donnée. La température du sang était prise sur la personne qui l'avait fourni. On mesurait ensuite la température du mélange et le poids du sang ajouté. Ces données permettaient de calculer la chaleur spéci- fique qui, dans deux expériences, fut trouvée égale à 0,711 et 0,710. : La connaissance de la chaleur spécifique permet de calculer la quantité de chaleur nécessaire pour faire varier la température du sang entre cerlaines limites. Supposons que la température du sang d’un malade, pesant kilos, s'élève, en douze heures, de 37 à 40°. Le poids du sang du malade sera le treizième du poids du corps, soit 5 kilos; la quantité de chaleur nécessaire pour élever de 3° sa température sera : 5.000 X 0,71 X3 — 10.650 calories. Pour élever le corps entier à la même température, il faut une quantité de chaleur beaucoup plus grande. Cette chaleur provenant des réactions chimiques qui ont leur siège dans les tissus, on voit que, dans l'état fébrile, ces réaclions ac- quièrent une intensité considérable. $ 6. — Géographie Le prochain Voyage d'étude de la «Revue ». — Nous donnerons, dans la prochaine livraison, tous les détails concernant le voyage d'étude que la Revue organise, avec le concours de la Compagnie des Messa- geries maritimes, pour les vacances de Pâques 1898, à Constantinople et à Athènes. Départ de Marseille le 3 avril : retour le 24 avril. Pour satisfaire au désir que nous expriment de nom- breux touristes, de visiter à la fois la Grèce et Cons- tantinople, nous avons adopté l'itinéraire suivant : Le Paquebot se rendra directement de Marseille à 4 Brilish Medical Journal, n° 1920. Itea, d'où les touristes iront visiter les ruines de Delphes. La seconde étape sera Katakolo (Olympie); la troisième, Délos. De cette ile le navire se dirigera vers le Mont-Athos, l'une des merveilles de la Méditerranée orientale, où il est d'autant plus intéressant de s'arré- ter que les lignes ordinaires de navigation en four- nissent rarement l’occasion aux voyageurs. Le Paque- bot gagnera ensuite la côte d'Asie, pour permettre aux touristes de visiter les vestiges de l’ancienne Troie; puis il fera route vers Constantinople, où un arrêt de quelques jours s'impose. Au retour, on visitera Moudania et Brousse, et l’on ira ensuite à Athènes. Après séjour en cette ville, on tou- chera Nauplie pour aller à Argos, Tyrinthe et Mycénes, et l’on rentrera à Marseille. On peut s'inscrire dès maintenant à la Revue générale des Sciences, 34, rue de Provence, à Paris. Le nombre des places étant limité, la liste d'inscrip- tion sera close aussitôt que le nombre nécessaire aur& été atteint. Nous engageons vivement les personnes qui désirent s'iuscrire, à le faire au plus tôt. $ 7. — Enseignement Cours du Collège de France. — Les cours du Collège de France recommenceront le lundi 6 décem- bre ; voici le programme de la partie scientifique : Mécanique analytique et Mécanique céleste. Professeur : M. Macrice Lévy. M. Hapamarp, suppléant, traitera des « courbes qui satisfont aux équations différentielles de la. Dynamique, envisagées dans le domaine réel, les mardis et samedis à dix heures et demie. Mathématiques. M. Jorpan traitera de la théorie des équations différentielles, les jeudis et samedis à midi trois quarts. Physique générale et mathématique. Professeur : M. J. BertTrann. M. Marcez DePrEz, suppléant, traitera des méthodes et des instruments de mesure employés dans l'étude de phénomènes électriques, les mardis et vendredis à cinq heures. Physique générale et expérimentale. M. MAscarT eXpo- sera diverses questions d’Electricité et de Magnétisme, les mardis et samedis, à dix heures et demie. Chimie organique. M. BertHeLot traitera de la Ther- mochimie, les lundis et vendredis à dix heures et demie. Médecine. Professeur : M. A. D ARSONVAL. M. CHARRIN, remplaçant, étudiera les défenses de l'organisme, les mercredis et vendredis à cinq heures. Histoire naturelle des corps inorganiques. M. Fouqué analysera et commentera les principaux mémoires de Brôgger, les lundis et jeudis à neuf heures. Histoire naturelle des corps organises. Professeur : M. Marey. M. François-Frank, remplacant, exposera la physiologie pathologique du cœur, les mercredis et vendredis à trois heures trois quarts. Embryogénie comparée. Professeur : M. BazBiani. M. HenneGuy, remplacant, exposera les travaux récents sur la consütulion de la cellule et des éléments repro- ducteurs, etsur la fécondation, les mercredis et samedis à deux heures. Anatomie générale. M. Ranvier traitera de la structure de la peau et du mécanisme histologique de la cicatri- sation, les mercredis et vendredis à trois heures. Psychologie expérimentale et comparée. M. Tu. Risor traitera des conditions générales de la conscience et de l'inconscient, les lundis à trois heures et demie; les jeudis à trois heures et demie, il étudiera les diverses formes d'imagination. LIEUTENANT VOULET — LA JONCTION DU SOUDAN ET DU DAHOMEY (1896-1897) 893 LA JONCTION DU SOUDAN ET DU DAHOMEY (1896-1897) Les embarras diplomatiques de l'heure actuelle soulignent toute la portée de l'œuvre que la Mission Voulet vient d'accomplir dans la Boucle du Niger. Par: la soumission du Mossi et du Gowrounsi, le Daho- mey se trouve enfin relié au Soudan. L'événement intéresse trop manifestement l'avenir des intérêts francais en Afrique pour que la Revue puisse le passer sous silence. Après avoir rappelé les faits d'ordre mililaire et géographique qui ont, en ces dernières années, déter- miné notre situation dans cette partie du Continent noir, M. le Lieutenant Voulet a récemment précisé, dans une communicalion orale*, la facon dont cette situation vient d'être complétée et affermie. En même temps il a fait connaître les principales observa- tions de la Mission sur les pays qu'elle a explorés et les races humaines qui les habitent. La Revue croit répondre au désir de tous ses lecteurs en publiant l'extrait suivant de sa conférence. La DIRECTION. À la suite des campagnes du Colonel Humbert (1891-1892), du Colonel Combes (1892-1893) contre Samory, de celle enfin du Colonel Archinard (1892- 1893) contre Ahmadou Cheikou, nos possessions du Soudan francais se sont très étendues vers la KÉNÉDOUGOU En outre, depuis 1894, Tombouctou est occupée. Sur le litloral océanique, pour ne parler que de la région connue sous le nom de Boucle du Niger, nous possédons la Côte d'Ivoire, avec Grand-Bas- sam, et le Dahomey. Mais ces deux colonies sont séparées par le Gold-Coast anglais et le Togo alle- mand (fig. 2). Enfin, le Dahomey est séparé des Bouches du Niger par les établissements anglais du Lagos et les territoires de la Æoyal Niger Company. Dans ces conditions, la France a un intérêt de premier ordre à réunir en un ensemble cohérent toutes ses possessions de l'Ouest-Africain. Pour arriver à ce résultat, qui seul peut donner à notre nalion la prépondérance politique et commerciale en cette partie de l'Afrique, il faut, de toute néces- sité, que la Côte d'Ivoire et le Dahomey poussent le plus loin possible vers le nord leur hinterland, et barrent ainsi la route de l'intérieur aux colonies rivales; il faut que le Soudan français atteigne le centre de la Boucle, de facon à se rejoindre avec nos colonies de la Côte Atlantique. En raison de la présence de Samory dans l’ar- rière pays de la Côte d'Ivoire, ce mouvement d'ex- pansion et de liaison ne peut s'effectuer que dans deux directions seulement et les efforts ne peuvent provenir que du Soudan ou du Dahomey. C'est le sentiment très net de cette situation qui a dicté leur programme aux différentes Missions envoyées — = “3, Fa ee ( ous, SÉNEGADZ | ar Hay = GADIBIE ANGy/ NN LEZ Le QE on ND D) ven & à N LERRA LEONE Fig. 1. — Porlion du Soudan français. rive droite du Haut-Niger. Depuis lors nous occu- pons notamment (fig. 1) les bassins du Milo, du Dion et du Sankarani, le Kénédougou avec Ba- bemba, le fama de Sikasso, et le Macina avec Aguibou, auprès duquel est placé, dans sa capitale Bandiagara, un Résident Francais. 1 Conférence encore inédite, faite à la Société des Études coloniales et maritimes. Fig. 2. — Relalions de situalion géographique du Soudan français avec les autres possessions françaises el les colo- nies étrangères. — La partie ombrée est reproduite ci-après (fig. 7) à plus grande échelle, pour permettre aux lecteurs de suivre l'inéraire du Lieutenant Voulet. en ces régions depuis 1888. D'une part, les cam- pagnes mémorables du Capitaine Binger du Haut- Niger à Grand-Bassam (1890), du D° Crozat, du Capitaine Monteil dans le Mossi, et, d'autre part, les traités signés, du côté du Dahomey, par la Mis- 894 LIEUTENANT VOULET — LA JONCTION DU SOUDAN ET DU DAHOMEY (1896-1897) sion Decœur et la Mission Baud et Wermeersch !, nous permettaient, en 1895, de considérer nos droits à la possession des territoires de la Boucle du Niger comme à peu près assurés. Cependant, une nouvelle théorie, celle de l'occu- pation effective, que certains gouvernements euro- péens entreprennent de faire valoir, vint bientôt tout remettre en question. Au commencement de l’année 1896, on apprit de source certaine que les Anglais étaient résolus à diriger une action déci- sive contre le Gourounsi et le Mossi, et, par l’occu- pation de ces régions, à nous mettre en présence du fait accompli. Le danger était grand. L’Angleterre, maitresse au centre de la Boucle du Niger, c'était l'Afrique occidentale française coupée en quatre tronçons séparés à jamais. Il fallait à tout prix prévenir un Lel désastre, et se presser d'agir. Une Mission fran- çaise fut organisée en toute hâte, et dirigée, par ordre du Colonel de Trentinian, gouverneur du Soudan, sur Bandiagara, à 70 kilomètres est de Mopti, sur le Niger. Ordre lui fut donné devancer les Anglais à Ouagadougou et à Sati, capitale du Gourounsi. de Il En raison de la pénurie des effectifs des régi- ments de tirailleurs soudanais, et de la nécessité de maintenir à Bandiagara la compagnie de lirailleurs qui y tient garnison, les moyens dont on disposait élaient fort restreints. La Mission comprenait cinq Européens : 1° Le Lieutenant Voulet, Marine, chef de la Mission; 2° Le Lieutenant Chanoine, des Spahis; 3° Le D' Henric, de la Marine: 4° Les sergents Laury et Le Jariel, de l'Infanterie de Marine; 25 tirailleurs indigènes de Ja 16° compagnie ; 6° 10 spahis indigènes du 2° escadron; 1° 200 auxiliaires fournis par nos alliés Aguibou et Ouidi-Diobo, roi de Barani. Ces auxiliaires furent de l'Infanterie de De ! En 1890, ie Capitaine Binger parvint à Grand-Bassam, après avoir accompli une mission des plus fructueuses, du Haut-Niger au Golfe de Guinée par le Mossi et le Kong. La même année, le Docteur Crozat se rendit à Ouagadougou. En 1891, le Capitaine Monteil traversa le Mossi, au cours de sa belle exploration de Saint-Louis à Tripoli, par le Tchad. En 1895, le Commandant Destenave parvint à signer un traité avec le Yatenga; mais, arrivé à Yako, à quatre jours de marche de Ouagadougou, il erut devoir rétrograder devant l'hostilité des chefs. Du:côté du Dahomey, les efforts ont été tout aussi consi- dérables, La Mission Decœur se rendit au Gourma où fut conclu un traité de protectorat, puis à Say. MM. Baud et Wermeersch traversèrent tont le pays de Say à Grand- Bassam, et signèérent de nombreux traités, notamment à Gambaka, à Yarba, à Oua et à Bouna. instruits sommairement et armés du fusil 1874. Enfin, un petit groupe de trente cavaliers, enca- drés par les spahis, fut chargé du service de pro- tection. Plusieurs interprètes de bambara, de peulh et de mossi furent recrutés sur place, à Diénné et à Ségou. Le chef de la Mission disposait ainsi de 235 com- batlants, mais il ne fallait guère compter que sur une centaine d'hommes résolus, la plupart des auxiliaires n'ayant jamais vu le feu et ne possédant qu'une instruction rudimentaire. La Mission ne devant compter que sur ses pro- pres moyens, et cela durant plusieurs mois, il fal- lait apporter un soin tout particulier à l'organisa- lion du convoi. Ce convoi emportait : trois mois de vivres pour les cinq Européens (farine, riz, café, sucre, tafia, thé, sel); trois mois de sel (en barres de 25 kilos) pour les hommes et pour les chevaux; des médicaments pour les Européens et les indi- gènes; de nombreux objets de pansement; 4 ten- tes pour les Européens; une réserve de cartouches (240 par combattant, soit 240 X 235 — 56.400, en caisses de 504 cartouches); enfin, une petite caisse pour pétrir le pain et un petit four construit sur place, avec des caisses de fer-blanc pour le cuire, ainsi qu'un certain nombre de ballots d’étoffes du pays destinées à l'habillement des tirailleurs, et une cinquantaine de seaux en cuir pour puiser l’eau nécessaire aux hommes, aux chevaux et aux animaux du troupeau. Ainsi constitué, le convoi comprenait 200 char- ges de 25 kilos. 50 porteurs étaient chargés, sous la direction d'un tirailleur infirmier, du relève- ment des blessés sur le champ de bataille et du transport des blessés et des malades. Le personnel affecté au convoi se composait ainsi de 250 indi- gènes fournis par Aguibou. Un petil troupeau de 20 bœufs fut mis à la dis- position de la Mission. La consommalion journa- lière en viande, pour.un nombre de rationnaires s'élevant à 500 environ (combattants, porteurs, interprètes, guides, gardiens du troupeau, pale- freniers, etc.), nécessite l'abatage d’un bœuf; la Mission disposait ainsi de vingt jours de vivres en viande. Les indigènes consomment journellement 4 kilo de mil ou de riz indigène, les chevaux 5 kilos de mil. La consommation journalière en grains pour 500 hommes et 40 chevaux, devait absorber 7 ou 800 kilos. En conséquence, chaque homme em- porta cinq jours de vivres et chaque cavalier cinq jours également pour lui et son cheval. Au fur et à mesure de la marche en avant, les ressources du pays devaient fournir les grains nécessaires, et il devait être fait en sorte qu'un minimum de cinq jours de vivres fût constitué de facon constante, LIEUTENANT VOULET — LA JONCTION DU SOUDAN ET DU DAHOMEY (1896-1897) 895 afin de parer à toute éventualité pouvant résulter de la destruction systématique des approvisionne- ments locaux par l'ennemi. III Tout d'abord, il était bien évident que la Mission aurait à faire œuvre de guerre. En effet, l’expé- rience fournie par les Missions successives des Binger, des Crozat, des Monteil, par les Missions, plus récentes, de l’Administrateur Alby, du Com- mandant Destenave, et enfin du nègre anglais Fergusson, avait démontré péremptoirement l'im- possibilité absolue d'arriver à un résultat pratique et définitif autrement que par la démonstration éclatante, mais jamais faite encore, de la puissance de nos armes. Cela était d'autant plus évident que l’on devait se heurter, au Mossi, à une féodalité puissante, maitresse absolue du sol et des person- nes et qui, toujours victorieuse au cours des nom- breuses expéditions qu'elle avait dirigées dans la Boucle du Niger et jusqu'à Tombouctou, avait su triompher, durant plus de cinq siècles, de toutes les invasions, et considérait volontiers l’Européen comme un commerçant et un artisan, certes très remarquable, mais dépourvu de toute vertu guer- rière. La Mission devait avoir surtout à lutter contre une cavalerie nombreuse, intrépide, redoutable par son allant et éminemment propre aux surprises et aux attaques soudaines. Obligée de commencer les opérations en juillet, c'est-à-dire en pleine saison des pluies diluviennes, elle devait se trouver aux prises avec maints obstacles inconnus aux précé- dentes expéditions militaires, lesquelles n'avaient jamais opéré dans l'Ouest-Africain, pendant une saison où les conditions climatériques sont si mau- vaises. À cette époque, les cours d'eau forment des | marais étendus ou des torrents; les hautes herbes et les cultures atteignent des hauteurs considéra- | bles (5 ou 6 mètres), et tout le pays devient un immense océan de verdure, où la vue est falale- ment très bornée. Alors, les colonnes doivent mar- | cher à la file indienne, sur une interminable lon- | gueur, donc dans les conditions de résistance et d’attaque les plus défavorables. Enfin, l'explora- tion par l'infanterie ou la cavalerie étant à peu près impossible, l'ennemi presque invisible au mi- lieu de ces couverts impénétrables, les surprises sont toujours à redouter et presque fatales. Les Européens sont placés dans des conditions hygiéniques désastreuses; les indigènes eux-mêmes sont exposés à des affections diverses, au nombre desquelles il faut compter le terrible ver de Guinée et les ulcères phagédéniques, qui rendent le fan- tassin impropre à la marche pour plusieurs mois. Aussi, dès le deuxième mois des opérations, une trentaine de combattants furent indisponibles. Avant-garde 25 cavaliers etisechondinfie (L' Chenome) \ ee —200-—-——> Cavaliers Distance variable TZ © cecctRE Em © © ee ER- 07 06e 1 £ \ 1 = | " e = [ A À i à \ ! \ ! à Chef de la russ1on l [l . Docteur . l 1 1 1 [l 1 © | 1 ! 1 [e] | : +: l , — e c EE) 1 ] EU E | © Sergent} = © = RE 14 5 SR. © | Le lJeriel\| 5 e © © 1 = l D EE > d (rs 2] RRY ca | © ' SA S … DE [l © \A e l Î [ I il 1 I ; l l ( ! ll Î le] (l 1 = | Ë | [ e | o ° > Sergent Laury ° \ I N (l ! ! û = D { #=) l à E "a / ae ; \ = ! \ / \ e / e e Cavahers . L] e e e e Arniere-garde 10 cavahers armes de carabines Fig. 3. — Disposition de la marche dans la brousse. — 1° Le convoi marche sur le sentier et occupe 7 ou 800 mètres. A droite, les chevaux haut-le-pied, à gauche, le troupeau. Le convoi est encadré, à droite et à gauche, par une section marchant à une distance variable. — 2° Deux sections d'in- fanterie marchent en avant du chef de la Mission et pré- cèdent le convoi. — 3° Deux sections suivent le convoi. — 49 L'avant-garde, aux ordres du Lieutenant Chanoine, se compose de cayalerie et d'infanterie. Ainsi constituée, l'avant-garde est à même de briser une première résis- tance, ou d'offrir à l'ennemi un obstacle sérieux, circons- tance qui donnera au chef de la Mission le temps de prendre ses dispositions. — 5° L'arrière-garde (10 cava- Éers) est commandée par un brigadier du 2° escadron. Étant donné que le succès devait dépendre avant tout de la rapidité de la marche, puisqu il était bien 896 LIEUTENANT VOULET — LA JONCTION DU SOUDAN ET DU DAHOMEY (1896-1897) évident que l'arrivée des Anglais au Mossi ou à Sati serait venue réduire à néant tous nos efforts, il ne fallait point songer à n'avancer qu'après avoir assuré ses derrières, mais, au contraire, marcher de l'avant, toujours de l'avant. 11 était nécessaire, dès l'abord, de prévoir la situation difficile que créerait l'absence de toute communication avec le Soudan. C'eût été folie de laisser, tous les 80 ou 100 kilomètres un poste de 15 ou 20 hommes; ces postes n'auraient eu d'autre résullat que d'affaiblir la colonne principale ; ils auraient été anéantis, en raison même et de leur isolement au milieu de toute une région révoltée et de leur impuissance à se prêter un mutuel secours. ë . À Cavahers | 0 ci ” 1 Section © L] Avant-qarde Gros de ca LE | | L] © 1Secton | [HtSecton Ge | a Ze à, a L] ., a JSecti Convoi 1Secton 5 2. == — [07] 3 0 13 oO Ex SE 1 = [ El e le e e, Ne ñ iSection | Section ( L e L2 $ L2 L] L2 t + Cavalene d'arriere-garde | Fig. 4. — Formation prise pendant les halles. — Le convoi serre en masse. Les sections font face à l'extérieur. Le dispositif n'a plus que 300 mètres en longueur sur 200 mètres en largeur et se prête à une défensive facile. Pour parer à ces difficultés, furent prises les résolutions suivantes : Les 235 combattants indigènes de la Mission furent divisés en 215 fantassins armés du fusil Gras, et 20 cavaliers armés de la carabine. L'infanterie fut fractionnée en 7 groupes ou sec- tions de 28 hommes. Pour plus de facilité, et en raison de leur instruction sommaire, les tirailleurs combatlirent sur un rang. À la tête de chaque sec- lion fut placé un gradé indigène. La garde du convoi fut constituée par 15 tirailleurs. Enfin, au troupeau furent affectés, en outre d’une dizaine d'indigènes pasteurs, 5 cavaliers irréguliers et 5 tirailleurs. La cavalerie comprenait 45 hommes, dont 20 ar- més de la carabine, et 25 de la lance peulhe. Ce groupe, placé sous le commandement direct du Lieutenant Chanoine, fut chargé de couvrir la petite colonne. Dans la Boucle du Niger, il n'y a que des sentiers Poste de cav'® a Fig. 5. — Attaque d'un village. — Au début de l'action, une section reste postée sur chaque flanc et une section couvre l'arrière. Le convoi est protégé par sa garde. Enfin, une section est en réserve à côté du convoi. La cavalerie, moins quelques postes d'observation, est ras- semblée à l'intérieur d'un dispositif. — Si les attaques contre les flancs ne se produisent pas ou si elles Sont repoussées, les sections de flanc prolongent la ligne de bataille. — Le village occupé, toute la cavalerie, soutenue par deux ou trois sections, exécute la poursuite. très étroits, qui ne permettent que le passage d'un seul homme de front. La figure 3 et sa légende montrent la formation de lamarche adoptée chaque Be + 7? Fig. 6. — Disposilif de bivouac dans un village Mossi. — A, B, C, D, E, F, différents quartiers séparés du même village; 1, 2, 3, 4,5, 6, sections d'infanterie: 7, section de réserve; 8, bivouac de la cavalerie; 9, campement des Européens; 10, convoi à l'intérieur d'un groupe de cases. fois qu'il ne fut pas absolument impossible de marcher dans la brousse. À chaque halte, la Mis- sion élait disposée comme l'indique la figure 4. La figure à montre les dispositions prises en vue de l'attaque d’un village; et la figure 6, le mode de campement dans un village conquis. IE Le 30 juillet 1896, la Mission quilla Bandiagara (fig. 8), pour marcher directement sur Ouagadou- LIEUTENANT VOULET — LA JONCTION DU SOUDAN ET DU DAHOMEY (1896-1897) 897 prolégé aussi. Les contingents de Bakaré et d’El- Hadji (400 cavaliers, 1.000 fantassins) se joignent à la Mission. Le 10 août, la petite armée s'empare, après un engagement sérieux, du grand village de Sim, qui est à la tête de la révolte de cette partie du Yalenga. Nos pertes sont sérieuses : 20 hommes TETENE 50 7e ze — " —————"ÿ —_—*# — ————. — —_—— à ST Dinaougourou ê ARALAGAIE < a © ro © = : Ælribinda foro o J_f 7 | |." ie" Pankasse Ari g s 13 Se Le (ze /n7an Port a Zrihra ee Pr Fgoro £ SEE a ouilou Ë | Wabhiÿguvya}h | Honga Y | in T Saba Zrmsa : gÈù “ PFarani SAMU O Course anfire Nassah _ Yako À NES Boustourmo Es MÈ se 2 bc | Pilanga b é FF Mo ee N TES: Sequéle Zale } TE N | NA { S ss | 1 Lorie ae PE re \ | Hracadou£on % | 2 Vu * QE : } Tl2a bol CN DmbrsrquErt | À Ka h }a4 | 2 = Zenfodopo ; N \ | ) : Bobo-Przul250 (| r o DA À G Re Be _. 2 Carnbakha | £ nl eee ÆKata-moro A M P\O RS I, Liaba | 2r=en Sankhana cs ° Echelle RE he ñ o 510 30 +0 50 ro Bo 90 100 Kil } ua [Es À 0° Le CAS en Les 4° 3° Grave par F Porremans, 17. rue.S Sulpice Jarrs Fig. %. — Ilinéraire de la Mission Voulet au Mossi el au Gourounsi. — Cette carte est la reproduction à grande échelle de la partie ombrée de la figure gou, par le Yatenga et Yako. Le 8 août, après avoir parcouru 150 kilomètres, nos officiers arrivent à Tiou, à la frontière du Mossi (fig. 7). Bakaré, le naba du Yatenga, notre allié de 1895, chassé de ses États à l'instigation des nabas de Yako et de Ouagadougou, s'est réfugié chez Ma- madou El-Hadji, chef des Foulbé de Tiou, et notre 5] hors de combat. De plus, nous avons consommé 5.000 cartouches, c’est-à-dire environ le dixième de notre approvisionnement. Dans le but de dimi- nuer les pertes et aussi la consommation des muni- tions, il est décidé que l'ennemi sera poursuivi à outrance. Ainsi, il ne pourra que difficilement se rassembler, et opposer une résistance sérieuse. 898 LIEUTENANT VOULET — LA JONCTION DU SOUDAN ET DU DAHOMEY (1896-1897) C'est en exécution de cette manière de voir que sont livrés successivement les combats de Soulou et Pogoro, le 11 août; Soodi-Cissé, le 13; Barelgo, le 14; Rambi, le 15. Les adversaires de Bakaré réduits à l'impuis- sance, à la suite de ces défaites successives, il de- vient facile d'occuper Ouahigouya. C'est ainsi que le 17 août, Bakaré fait, à nos côtés, son entrée triomphale dans sa capitale, que naguère il avait dû quitter en fugitif. De Ouahigouya, la Missi on se rend à Goursi, la bien montés, que le Lieutenant Chanoine, dès lors à la tête de 75 cavaliers, est chargé de diriger et d'instruire. Le 1* septembre, la Mission n'est plus qu'à quelques kilomètres de Ouagadougou. Ce jour-là, nous sommes rejoints par un indigène que nous avions, depuis l’avant-veille, dépéché au naba Bocary. En cette circonstance, nous avons tenté l'impossible pour éviter l’effusion du sang. L’or- gueilleux naba n'y vit qu'une « nouvelle faiblesse » de la part de ces « Blancs », qui ne sont, dit-il, = Fig. 8. — Quartier des lirailleurs indigènes à Bandiagara. ville sainte du Yatenga (fig. 9), où notre allié Bakaré est intronisé solennellement le 24 août, comme naba du Yalenga. Celle cérémonie s'accomplit avec les rites que consacrent des coutumes séculaires. La preuve de l'intérêt que la France porte à ses alliés ainsi faite, Ja petite troupe continue sa marche vers Yako. Un indigène de Goursi est adressé au naba de Yako, pour assurer ce dernier de nos intentions toutes pacifiques à son égard. Cependant, le naba nous fait atlaquer à Samba, le 26 août. Le 27, Yako est enlevé de vive force. C'est en ce point que Bakaré et El-Hadji nous quittent, États assurer l'ordre dans leurs durant notre absence. pour Nous leur empruntons seulement 30 cavaliers que de bons «dioulas » (colporteurs indigènes). Notre parlementaire n’est pas reçu par le naba, qui le fait fustiger d'importance sur la place du marché, tandis que notre drapeau est arraché des mains de notre envoyé, et lacéré. Bientôt, de toutes parts, une immense multitude entoure. Plusieurs de nos tirailleurs sont blessés. Le combat, inévitable, s'engage. A six heures nous du soir, après avoir franchi un marigot défendu par l'ennemi, et traversé viclorieusement les nom- breux villages qui forment Ouagadougou, nous sommes maitres de toutes les positions, et le pa- villon tricolore flotte sur la demeure du naba, qui s'est enfui. Enfin, nous élions les maitres dans la capitale du Mossi, et nous y avions distancé les LIEUTENANT VOULET — LA JONCTION DU SOUDAN ET DU DAHOMEY (1896-1897 899 Anglais, qui (nous l'avons vu plus tard) ne devaient quitter Coumassie qu'en décembre. Quelque repos est donné à nos hommes, que cette marche ininterrompue de 400 kilomètres a fort éprouvés. Durant le séjour à Ouagadougou, de nombreuses reconnaissances de cavalerie et d'in- fanterie sont envoyées de jour et de nuit, dans un rayon de 4 ou 5 kilomètres du bivouac, afin de parer à toute éventualité. Le service de sécurité nocturne recoit une grande extension, et les Euro- péens prennent le quart de nuit. prème : Hamaria et Babä-To. Baba-To est le chef des Zabvemabi, venus avec Gadiari, vers 1860, pour ravager le pays. Hamaria est le chef des au- tochtones et représente l'élément nalional lutlant contre la domination étrangère. Baba-To, battu par son adversaire, s'est rendu dans le camp de Sarah-N'Ké-Mory, fils de Samory, établi à Sankana. Hamaria nous reçoit bien, et, le 19 septembre 1896, à Sati, est signé, avec tous les chefs Gou- rounga, un traité plaçant le Gourounsi en entier sous le protectorat de la France. Fig, 9. — Arrivée de la Mission à Goursi, la ville sainte du Yatenga. Le cinquième jour, le Lieutenant Chanoine, en- voyé en reconnaissance, a le bonheur de s'emparer d'un espion qui nous apprend que le naba a décidé de nous attaquer dans Ouagadougou, de tous les côlés à la fois. Celte attaque combinée doil se pro- duire le lendemain, à midi. Le lendemain (6 sep- tembre), nous avons à livrer un grand combat. Mais l'ennemi est baltu, poursuivi durant 8 kilomètres et mis en complète déroule. Cependant, il faut aller, sans perdre de temps, au Gourounsi. Après avoir, au prix des plus grosses difficultés, construit un pont sur le marigot de Kassini (marigot de 150 mètres de largeur, sur 3 mètres de profondeur), nous parvenons au Gou- rounsi. Deux chefs s'y disputent le pouvoir su- Mais les populations sont terrorisées par les sofas de Samory, qui, répandus partout, pillent et réquisitionnent au nom du terrible almamy. L'hu- manité, le bon renom de notre pays nous com- mandent à la fois de payer d'audace, en cette cir- Le Voulet une lettre très ferme à Samory, alors à Roualé, pour constance. Lieutenant adresse lui demander de respecter le Gourounsi, tandis que la marche en avant continue pour affirmer encore les termes mêmes de la leltre. Grâce au prestige acquis au Mossi, de notre attitude éner- gique, à d'autres circonstances peu connues aussi, 5 Samory donne l'ordre à son fils de rétrograder vers le Sud et de n'engager aucun conflit avec la Mission. En raison de cette heureuse circonstance, 900 LIEUTENANT VOULET — LA JONCTION DU SOUDAN ET DU DAHOMEY (1896-1897) et après avoir donné à nos nouveaux alliés une haute opinion de la France, la Mission peut retourner au Mossi, y achever l’œuvre commencée. Cependant, il faut songer à se rapprocher de Bandiagara, afin de renouveler les approvisionne- ments à peu près épuisés, el de renouer avec le Soudan des relations interrompues depuis plus de trois mois. Le 4% novembre, la Mission est de retour à Ouahigouya. De mauvaises nouvelles nous y attendent. Ouidi-Diobo, chef des Foulbé de Barani, celui-là même qui nous a fourni de nombreux d'assaut les villages de Diogoré (11 novembre), Ouellé (12 novembre), Boré (14 novembre), et Gassan (16 novembre), qui ont essayé d'arrêter notre marche au secours de Ouidi. Les villages précédents sont construits en pisé et entourés d’un tala (mur d'enceinte). C'est Karamoko, le marabout de Lanfiéra qui, déçu dans ses ambitions poritiques, a été l'instigateur de cette formidable révolte qui, un instant, faillit nous arrêter. Enfin, Karamoko est pris el passé par les armes. | Mais bientôt, nous recevons 25 tirailleurs de renfort, de nouveaux approvisionnements et Fig. 10. — Prière des Musulmans de la Mission et des Mahomélans alliés remerciant Dieu d'avoir donné la victoire aux troupes de la Mission. auxiliaires, se trouve dans une situation critique. Enfermé à Sourou (130 kilomètres sud-ouest de Ouahigouya) au milieu de tout un pays révolté contre son autorité, il y a trois mois qu'il lutte sans succès. De plus, un convoi de 10.000 car- touches destinées à la Mission est avec Ouidi. Ce chef me fait dire qu'il est à bout de ressources et que ses vivres sont à peu près épuisés. Marches for- cées, el, le 16 novembre, Ouidi est délivré (fig. 10). Mais ces opérations nous ont coûté des pertes sérieuses : 65 indigènes sont mis hors de combat, et les sergents Laury et Le Jariel sont blessés. Enfin, nous avons consommé 28.000 cartouches. En cinq jours, sans canon, nous avons dû enlever 30.000 cartouches. Le Colonel de Trentinian nous donne l’ordre d'occuper solidement Ouagadougou. Le 23 décembre, pour la troisième fois, nous sommes à Ouagadougou. Les populations, persuadées désormais que la France veut faire œuvre d'établissement durable au Mossi, veulent séparer leur cause de celle de leur chef, Partout nous lancops des proclamations en arabe pour engager les populations à accepter notre influence. Puis, pour détruire d’une façon définitive le prestige du naba Bokary, nous le poursuivons pendant plus de 450 kilomètres par- courus en quinze jours. Bientôt, le naba n'a plus personne autour de lui. à à. : LIEUTENANT VOULET — LA JONCTION DU SOUDAN ET DU DAHOMEY (1896-1897) 901 Un de ses frères, Kouka, élu par tous les chefs Mossi en grande assemblée générale comme naba au lieu et place de Bokary, vient au bivouae de la Mission et accepte notre autorité. Le 20 janvier, au milieu d’un immense concours de peuple, un traité plaçant le Mossi sous le protectorat de la France est signé à Ouagadougou par le naba, les dignitaires, les grands vassaux, l’almamy et les membres de la Mission. | Quelques jours plus tard, une expédition anglaise est signalée au Mampoursi, pays limitrophe du Mossi. Une lettre est adressée par courrier rapide au chef de cette expédition. Nous lui faisons con- naître : 1° La prise de possession par la France du Mossi el du Gouroumi; 2 Que, dans ces conditions, il doit s'arrèter au point où il est parvenu, et y attendre notre arrivée. Le 7 février, à Tenkodogo, nous sommes en présence de Sir Donald Stewart, résident de Cou- massie. Avec cet officier sont 100 lirailleurs du ré- giment du Gold-Coast et un Maxim-gun. Le 10 février 1897, est signé par les représentants de France et d'Angleterre, un accord aux termes duquel la Mission anglaise fait retour à Gambaka. A peu près vers la même époque, nous apprenons l'arrivée de la Mission Baud au Gourma. Cette Mission française avait élé assez heureuse pour devancer les missions allemandes parties du Togo. Le 17 février, à Tibya, non loin de la frontière du Mossi, les deux Missions francaises faisaient | leur jonction. | C'est ainsi que s’est accomplie, à travers la Boucle du Niger, la liaison définitive du Soudan et du Dahomey. La nouvelle de cet événement parvint à Porto-Novo vingt-cinq jours plus tard. | Les deux Missions Baud et Voulet opèrent de | concert durant plusieurs jours, puis se séparent. Le Lieutenant Voulet fut assez heureux pour pouvoir mettre à la disposition du Capitaine Baud environ 5.000 cartouches dont cet officier avait un certain besoin. Quelques jours plus tard, arrivaient au Mossi les troupes de remplacement et d'occupation (25 Euro- péens, 600 indigènes, et 4 pièces de montagne). L'œuvre de la Mission élait accomplie dans son ensemble, et les nouvelles contrées acquises à notre influence occupées d'une facon définitive. La Mission a duré dix mois (juillet 1896- avril 1897). Elle a parcouru 5.000 kilomètres, dont 4.000 d'itinéraires nouveaux. De nombreux rensei- gnements topographiques, géographiques et ethno- graphiques ont pu être recueillis, ainsi que trois ou quatre cents photographies. Au cours des opéralions, le Lieutenant Voulet, les sergents Laury et Le Jariel ont été blessés el 150 indigènes ont élé mis hors de combat. Les vides produits dans les rangs des combattants ont été comblés au moyen des porteurs du convoi, ins- truits en cours de route. Les dépensesn’ont pas dépassé vingl mille francs, les troupes ayant été nourries sur le pays. V En résumé, la Mission a réussi : 1° À faire triompher l'influence francaise au Mossi et au Gourounsi; 2° A placer ces deux pays sous le protectorat et sous la souverainelé absolue de la France (Traité du 19 septembre 1896 avec le Gourounsi, traité du 20 janvier 1897 avec le Mossi) ; 3° A protéger le Gourounsi contre les déprédations de Samory ; 4° À obliger une ewpédition anglaise, venue au Mossi, cinq mois après l'occupation de Ouagadougou par la Mission Voulel, à rétrograder à Gambaka (Accord écrit du 9 février 1897); 5° À établir, de concert avec la Mission Baud, la réunion définitive du Soudan et du Dahomey ; 6° Enfin, à procéder à l'occupation effective de ces régions jusqu'à l'arrivée des troupes d'occupation et de remplacement venues du Soudan. Actuellement, des postes français occupent : Bouna, dans la Boucle de la Volta; Oua, Bélélé- Asseydou, Gandiaga, à la frontière méridionale du Gourounsi; Pama, à la frontière du Mossi et du Gourma ; Niki et Boussa sur Niger, au Dahomey. Au Mossi, des postes occupent Ouagadougou, Koupéla, Yako, Ouahigouya; au Gourounsi, Sali, la capitale, et plusieurs autres points. Sur le Niger, en amont de Boussa, Ilo et Say sont occu- pés militairement. Enfin, Say est relié à Bandiagara par les postes de Dori et d'Aribinda. Les Anglais occupent indüment Gambaka et Yarba (Mampoursi), où le Capitaine français Baud a traité en 1894. La ligne demi-cireulaire : Bondoukou, Bouna, Oua, Asseydou, prolongée jusqu'à la nouvelle fron- tière entre le Togo et le Dahomey, indique, par conséquent, le minimum de nos possessions du côté de la Côte d'Or anglaise ; landis que la ligne Carnot- ville-Nikki-Boussa fixe le minimum de nos posses- sions vers le Lagos anglais. Lieutenant Voulet. 902 PH. GLANGEAUD — LES ANCIENS VOLCANS DE LA GRANDE-BRETAGNE LES ANCIENS VOLCANS DE LA GRANDE-BRETAGNE La Grande-Bretagne est, par excellence, un pays où l’on n’observe aucune manifestation volcanique. Mais si aujourd'hui le calme règne chez nos voi- sins, il n'en a pas été toujours ainsi. Leur pays a été, en effet, le siège, dans les temps passés et durant de longues périodes géologiques, d’une acli- vité éruptive comparable à celle qui, de nos jours, existe dans plusieurs régions du globe. Sur certains points de l'Angleterre, de l'Écosse et de l'Irlande, se sont édifiés, à des époques répétées, des volcans qui ne le cédaient en rien, comme étendue, aux plus grands volcans actuels. Depuis ces âges lointains où la Grande-Bretagne était un territoire volcanique, le temps a accompli son œuvre de des- truction. Les mouvements du sol ont détruit et l'érosion a raviné, démantelé les cratères qui avaient craché la flamme. Il en a élé de même des coulées de matières, jadis en fusion, qui s'étaient échappées de ces cratères et dont il ne subsiste plus que des masses rocheuses, dans lesquelles le passant ne peut voir, sans éducation géologique, les restes d'anciens volcans. On comprend les difficultés qui doivent se pré- senter, quand on veut reconstituer, à l'aide de documents aussi incomplels et aussi imparfaits, l’histoire volcanique d'un pays. Cette hisloire vient | cependant d'être faite, pour la Grande-Bretagne, par un grand savant, sir Archibald Geikie, direc- teur général du Service géologique de la Grande- Bretagne. Son livre, le premier de ce genre, est une étude admirable et constitue un des chapitres les plus attrayants de l’histoire de notre planète. M. Geikie publie, depuis longtemps, de remar- quables travaux sur les volcans de l'Angleterre et de l’Ecosse. En y joignant ceux de ses devanciers et de ses contemporains, qu'il a soumis à une critique éclairée, il a produit une œuvre d’analyse et de synthèse dont l'intérêt scientifique est consi- dérable. Aussi méritait-elie mieux qu'un compte rendu, nécessairement trop court. Je voudrais, dans cet arliele, esquisser à grands traits l’histoire des volcans de la Grande-Bretagne, en suivant le plus possible l’ordre adopté par M. Geikie dans son ouvrage, qui n’a pas moins de 900 pages, et qui est illustré de superbes similigravures, de croquis, de coupes, en grande partie nouvelles, et de plusieurs cartes en couleurs". L'auteur montre d’abord ce que c'est qu'un 1 The ancient volcänoes of Great Britain, by sir Arch. Geikie, general director of the Geological Survey, 2 vol. près de 1.000 pages de texte, avec 7 cartes et 557 figures. London, Macmillan and Co. Prix : 45 francs. | volcan, dans quelles conditions il se forme, les produits qu'il émet, et à quels caractères on peut reconnaitre les matériaux volcaniques. Les di- verses phases éruptives traversées par l'Angleterre et l'Ecosse sont ensuite passées en revue, et, dans un chapitre final, l’'éminent géologue expose les conclusions auxquelles il a été conduit. I. — CARACTÈRES DES VOLCANS. Qu'est-ce qu'un volcan? C'est un appareil com- posé d'un cône, d'un cratère émettant des coulées de matières en fusion (laves), qui s’épanchent à la surface du sol,et des produits de projection (kombes, lapillis, cendres), qui sont parfois transportés à des distances considérables. Les matières en fusion, provenant de l'intérieur de la terre, sont amenées à l'extérieur par un canal que l’on croyait jadis ey- lindrique, et qui, en réalité,est une fente rectiligne. Lorsqu'on considère un volcan actuel, on ne voit que la partie superficielle (cône, cratère, coulées); la parlie profonde qui échappe à nos regards est précisément constituée par ce conduit rectiligne, formant une cheminée (neck), qui peut se remplir après coup par les matières venant de l'intérieur (dyke) ou rester béante et vide. Il existe une assez grande différence entre les produits de projection et les laves constituant les coulées. Les premiers, projetés violemment à l'exté- rieur et refroidis brusquement, n'ont pas eu le temps de cristalliser; aussi sont-ils vitreux et très scoriacés; les secondes, étant soumises à un refroi- dissement beaucoup plus lent, en raison surtout de leur masse, subissent une cristallisation plus com- plète et ne sont bulleuses qu'à leur surface. Les roches qui remplissent le neck et forment le dyke se différencient des précédentes, en ce que les pro- duits volatils, ne pouvant s'échapper, sont mélan- gés intimement à la matière fondue, et réagissent sur elle en la modifiant d’une facon plus ou moins profonde. Parfois la matière fondue, qui arrive par des fentes, trouve dans les couches constituant l'écorce terrestre une telle résistance à vaincre, qu'elle ne peut que les soulever et les écarter. Elle s'accu- mule alors dans des poches qui ont reçu le nom de laccolites. De pareils réservoirs, remplis de matière ignée, se traduisent à l'extérieur par des bombe- ments. Comme il n'y a pas d'orifice de sortie pour les laves, il doit se produire des réactions extrême- ment vives entre les matières fondues des laccolites et les éléments minéralisateurs ; aussi les roches PH. GLANGEAUD — LES ANCIENS VOLCANS DE LA GRANDE-BRETAGNE 903 laccolitiques auront-elles le caractère des roches | des sills seront des roclres compactes, les roches formant les dykes. d'épanchement seront, au contraire, scoriacées. Enfin, si la matière fondue qui remplit la fente | On conçoit qu'il faille des dénudations parfois con- Fig. 4. — The « Yellow-Man », dyke volcanique de La côle de North Berwick (Ecosse). — Le dyke, constitué par une roche compacte, pointe au milieu des tufs volcaniques, dans lesquels il a été injecté. s'injecte entre les couches sédimentaires, on a des sidérables pour apercevoir les dykes, les sills et filons transversaux ou sills, dont les roches ressem- les laccolites, et qu'on ne puisse les observer que bleront beaucoup à celles des laccolites. Les roches | dans les volcans anciens. l 904 Les produits volcaniques éjectés à l'extérieur pourront être successivement constitués par des scories, des cendres, des coulées de laves. D’autres fois, le volcan n'aura émis que des substances meubles. Si le volcan présente une bouche centrale PH. GLANGEAUD — LES ANCIENS VOLCANS DE LA GRANDE-BRETAGNE Nous supposons que les éruptions se font à l'air; mais il arrive très fréquemment que les volcans sont situés au bord de la mer ou près de lacs. S'ils sont sous-marins ou sub-aériens, les matériaux vol- caniques seront mélangés ou alterneront avec des Fig.-2, — Dyke de basalle à slruclure prismalique radiée, ayant jadis rempli une cheminée volcanique. — Celle-ci est constituée par des tufs dont il ne reste plus qu'une portion représentée par le piton du côté droit de la figure; le reste a été enlevé par l'érosion. — Près de Saint-Andrews (Ecosse). et des cônes parasites, on aura le type du volcan vésuvien. Dans le cas où il existe une série de vol- cans le long de plusieurs lignes de fissures et que ces volcans entremélent et stratifient leurs pro- duits, on est en présence d'un plateau volcanique. Enfin, le type du puy volcanique est celui dont les monts d'Auvergne présentent de si beaux exemples. couches sédimentaires, ces dernières se déposant pendant les périodes de calme du volcan. D'autres cas peuvent se présenter, mais je n'ai voulu indi- quer que les principaux. Suivant le degré de cohésion offert par les produits volcaniques, l'érosion agira sur eux d’une manière plus ou moins efficace. Tandis qu’un cône PH, GLANGEAUD — LES ANCIENS VOLCANS DE LA GRANDE-BRETAGNE 905 de scories ou de cendres aura vite disparu sous l'action de la dénudation, un cône formé de lits de laves et de cendres résistera davantage. Dans le premier cas (fig. 1 et 2), l'ablation amènera rapi- dement au jour le dyke central, généralement constitué par une roche dure. Ainsi « déshabillé », il apparaîtra bientôt en saillie au milieu des for- mations environnantes, et témoignera seul, par sa présence, de l'existence d'anciens volcans en ce point. Dans un cas mixte, comme celui représenté par la figure 3, le cône volcanique est en partie con- servé, el il est encore possible de restaurer, d’une façon assez précise, l’ancien volcan; mais quand le temps aura agi longuement sur un appareil vol- canique, il n’en restera plus que des lambeaux. C'est alors que la sagacité et la science du géo- 1839, affirme ensuite d'une façon plus nette et plus hardie l'analogie de certaines roches d'Écosse avec des roches volcaniques : il démontre qu'elles avaient été en relalion avec des cônes et des cra- tères, el que, si ces appareils ne sont plus visibles c'est qu'ils ont été enlevés par l'érosion. Durant le demi-siècle qui s’est écoulé depuis cette découverte mémorable, la Géologie, qui venait d'être fondée définitivement comme science, avec William Smith, a fait des progrès considérables, et, dans la branche qui nous occupe, il est prouvé aujourd'hui qu'un très grand nombre de roches éruplives sont arrivées au jour au moyen d'appa- reils volcaniques. Quoique ébauchée en quelques points, l'étude du volcanisme dans les temps paléozoïques n'a été faite en Angleterre, avec détails, que durant ces Fig. 3. — Coupe à travers le Largo-Law (Écosse). — Cette figure représente deux cônes volcaniques accouplés qui ont dû être tour à tour les boucles d’un ancien volcan. Ces deux bouches ont rejeté des tufs, £ (dont on apercoit nettement la double inclinaison), constituant la plus grande partie de la colline. Les anciennes cheminées ont été remplies par des dykes basaltiques B B. Le plus haut cône est couronné par un gäteau basaltique qui devait former le fond de l’ancien cratère. En B! se trouve une coulée basaltique issue de l’un des cônes. Le pointillé de la figure indique le contour du volcan primitif. logue interviendront pour la reconstitution ,du volcan primilif. ; On me pardonnera cet exposé, mais j'ai voulu montrer la complexité du problème paléo-volea- nique et les difficultés que peut vaincre seule une observation très minutieuse. II. — LE PROBLÈME PALÉO-VOLCANIQUE. La découverte de volcans plus anciens que les volcans modernes ne date que de 1752, époque à laquelle un Français, Guettard, revenant d'Italie et passant par Clermont-Ferrand et Volvie, fut frappé de l'analogie des monts d'Auvergne avec le Vésuve. Desmarets donna un grand nombre de preuves établissant cette parenté. Quelques années plus tard, on signala également l'existence de volcans éteints sur les bords du Rhin (région de l'Eifel). A la fin du siècle dernier, on ne connaissait pas de volcans plus anciens. Mais le paléo-volcanisme allait faire bientôt de rapides progrès en Angle- terre, où les célèbres géologues Hutton et Playfair montraient l'étroite relation des roches trappéennes avec les roches volcaniques. Mac Culloch, en REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897. vingt dernières années, et gräce à l’activité des géologues du Survey anglais, à la tête desquels il faut placer Ramsay, puis sir Arch. Geikie. Dans plusieurs discours (Anniversary Address, Quarterley Journal, 1891-1892) qui firent une grande impression dans le monde des géologues, M. Geikie avait déjà exposé magistralement les idées et les découvertes de l'École anglaise. Le livre qu'il nous donne aujourd'hui est une synthèse remarquable et clairement écrite du paléo-volca- nisme dans la Grande-Bretagne. III. — VOLCANS DES TEMPS PRIMAIRES, $ 1. — Volcans Archéens. Il y a peu de temps, on n’admettait pas de roches volcaniques plus anciennes que le Silurien. Certains géologues anglais affirmèrent, les premiers, que le volcanisme datait non seulement des couches fossi- lifères les plus vieilles, mais qu'il s'était mani- festé à une époque antérieure, au moment de la formation des gneiss. Ces roches volcaniques, les plus anciennes que l'on connaisse, se trouvent en Écosse et dans les Hébrides. Au milieu des gneiss 22" 906 PH. GLANGEAUD — LES ANCIENS VOLCANS DE LA GRANDE-BRETAGNE qui constituent une partie de la côte de ces îles, se dressent de nombreux filons de roches basiques, alignés E-S-E — O-N-0 et découpant la contrée en tranches parallèles qui forment une série d’arêtes vers la côte. Les gneiss (Lewisien)\ — qui ont été considérés comme provenant de roches graniti- ques devenues schisteuses par dynamométamor- phisme — sont recouverts en plusieurs points, en stralification discordante, par les grès de Torridon, d'âge plus récent (Précambrien). Les filons consti- tués par des roches basiques (diabases, basaltes, péridotites), roches dont nous retrouverons les analogues dans la série moderne, ne pénètrent jamais dans les grès de Torridon; ils se sont donc formés à l’époque des gneiss. Des filons de roches acides (granulite, microgranulite, syénite) sont d'âge un peu plus récent, car ils coupent les pre- miers. On ne trouve, dans cette série variée de roches, ni tufs, ni cendres, ni phénomène de scorifica- tion; mais si, comme on l'admet, ces roches sont venues au jour par des volcans, les mouvements du sol et l'érosion ont dû faire disparaitre et enlever les parties superficielles, les cônes et les cratères, de sorte qu'il ne reste plus aujourd'hui que les cheminées, les dykes, les filons, par les- quels s'était faite l'ascension de la lave. L'orogra- phie de la région plaide en faveur de cette hypo- thèse, car la contrée est formée par une série de plaines dont les sommets montagneux ont été jadis arasés. $ 2. — Volcans Précambriens. Les géologues anglais signalent, en Écosse, de nombreux débris volcaniques dans les sédiments qui constituent, pour eux, la base du Précambrien, le Dalradien. Le Dalradien, qui recouvre le grès de Torridon, est constitué par des roches gneissiques (younger gneiss), dans lesquelles sont intercalées des roches amphiboliques variées (amphibolites, gneiss am- phiboliques, etc.) qui leur donnent une physiono- mie semblable à celles du Plateau Central de la France. M. Geikie considère les roches amphibo- liques comme des roches volcaniques. Pour ce savant, ce seraient des injections, au milieu de roches schisteuses, de roches telles que les diorites, qui auraient formé la série du Dalradien. Les lits d'amphibolite ne sont pas, en effet, si continus qu'ils le paraissent, car ils passent d’une couche à une autre; ce sont bien là les allures d’une roche intru- sive et non d’une roche sédimentaire. Les bancs amphiboliques se renflent parfois et prennent la forme d’un massif dont la roche constituante est une diorite, si on la considère isolément, mais qui se continue et passe directement aux roches am- phiboliques. Les amas dioritiques représenteraient des centres éruptifs, des agglomérats tels qu'on peut les observer au centre de l'Écosse, entre deux chaînons montagneux, le Ben Voirlich et le Ben y glo. De ces centres seraient issues des roches intru- sives et des roches d’épanchement, accompagnées de tufs, de lapillis et de cendres dont on constate l'existence en plusieurs points. Dans le Shropshire, à Wrekin, à Caradoc, une série de collines traversées par la Severn sont consliluées par des roches volcaniques acides el basiques, d'âge uriconien. Les roches acides for- ment la plus grande partie des collines; les roches basiques se présentent surtout en dykes et en filons. Les premières comprennent des microgranu- lites, des pechsleins, des rhyoliles, possédant une structure fluidale bien marquée, indiquant qu’elles ont dû couler à la manière des laves modernes. Elles présentent, d'ailleurs, la structure sphéroliti- que amygdalaire, et offrent, en beaucoup de points, des parties scoriacées. Elles sont également accom- pagnées d'une grande quantité de produits de pro- jection (blocs, lapillis, cendres) ne laissant aucun doute sur leur origine volcanique. On a même eu la bonne fortune de trouver les points où étaient siluées les bouches de sortie de la lave. L'alter- nance de lits de lave et de cendres permet de con- clure que dans ces volcans, comme dans les volcans actuels, il y avait eu des éruptions répétées à des intervalles de temps plus ou moins longs. Les roches basiques uriconiennes sont des dia- bases et de véritables basaltes. La région de Wrekin est, comme on le voit, des plus intéressantes par la variété des roches qu'elle présente et par leur caractère nettement volea- nique, quoique d'âge très ancien. Une variélé encore plus grande s’observe au centre de l'Angleterre, dans la région de Charnwood- forest (Leicestershire), où une série de monticules pointent au milieu d'un pays relativement plat. Ce sont, pour la plupart, des restes de cumulo-voleans, de dykes débarrassés, totalement ou en partie, des matériaux de projection qui les enveloppaient, par- fois en relalion avec des coulées et des produits de projection. Sur plusieurs de ces dykes, on a élevé des monu- ments, construit des chäteaux, qui dominent la plaine. Un tel paysage, dans lequel l'homme a édifié des habitations sur les cheminées d'anciens vol- cans, frappe vivement le voyageur, et une pensée se présente malgré soi à l'esprit : ces volcans ne se réveilleront-ils pas un jour? La région de Charnwood-forest comprend non seulement des roches granitiques, des syénites, mais aussi des microgranulites, des rhyolites, des perlites, et aussi des agglomérations de brèches à PH. GLANGEAUD — LES ANCIENS VOLCANS DE LA GRANDE-BRETAGNE 907 volcaniques, que M. Fouqué, dans son cours du Collège de France, comparait à celles de Saint- Michel, au Puy-en-Velay. J'ai un peu insisté sur les formations volcaniques _archéennes et précambriennes, afin de montrer . combien élait grand l'intérêt qu'elles présentent . tant au point de vue géologique proprement dit, qu'au point de vue géographique, puisque des ruines de volcans (les plus anciens que l’on con- uaisse) contribuent encore, malgré leur vétusté, à donner une physionomie particulière à une contrée. $ 3. — Volcans Cambriens. C'est dans le Pays de Galles que sont presque exclusivement localisées les éruptions cambriennes. La région de Saint-David, au sud, et le Caernar- vonshire, au nord, ont été le centre d’éruptions nombreuses à l'époque cambrienne. À Saint-Dawvid, plusieurs massifs de syénite etde granite paraissent constiluer la roche de profondeur du volcan, tandis que les coulées seraient représentées par des roches porphyriques et des felsites. Des roches d'intrusion plus ou moins vitreuses, des produits de projections accompagnent les coulées. Et de même qu'on l'a constaté en France à d’autres époques, les éruptions ont été alternativement acides et basiques; aussi trouve-t-on, dans le même point, des felsites sous forme de coulées, puis des porphyrites, des diabases à olivine, etc. accom- pagnés de tufs, les uns acides, les autres basiques. Une série éruptive analogue s'étend au nord du Pays de Galles, vers le Llyn Padarn, où elle forme un ensemble de collines traversées par des défilés extrêmement pittoresques. L'examen de tufs vol- caniques alternant avec des couches marines per- met de conclure que les volcans de cette région étaient tantôt sous-marins, tantôt sub-aériens. $ 4. — Volcans Siluriens. Durant le Silurien, les éruptions volcaniques furent moins localisées. Elles se continuèrent avec une intensité considérable dans le Caernarvonshire, où près de 2.500 mètres de tlufs furent rejetés. Cer- taines collines, comme le « noble Snowdon », qui a plus de 400 mètres d’élévation au-dessus de la plaine, sont formées presque uniquement par des tufs et des laves andésitives. Les laves de Glyder Fach n'ont pas moins de 500 mètres d'épaisseur. Des volcans s'édifièrent également dans la région de Trémadoe, qui, aujourd'hui encore, offre l'aspect d'un paysage volcanique. Dans le Cumberland, l'ile d'Anglesey, le Merio- netshire, le Shropshire, etc., s’ouvrirent de nom- breuses bouches volcaniques, les unes sous-ma- rines, les autres sub-aériennes. Partout on constate l'existence de brèches, de tufs, de coulées, en rap- ————————————————_ port plus ou moins étroit avec des necks. Dans le district des Lacs, les produits volcaniques s’éten- dent sur une surface de près de 1.500 kilomètres carrés. L'Écosse, l'Irlande, possédaient également des volcans à l’époque silurienne. Durant une partie du Silurien, la région anglaise présentait un grand nombre de bouches volcaniques, dont l'activité devait singulièrement animer le paysage. $ 5. — Volcans Dévoniens. Certains territoires bien distincts deviennent essentiellement volcaniques durant le Dévonien, surtout le Dévonien inférieur. Ce sont les îles Shetland, les Orcades, les comtés de Banf et d’'Ar- gill, le groupe des Cheviots; mais le plus important est celui de la « Midland Valley » de l'Écosse, située entre les Highlands et les South-Uplands, où l'on compte six grands centres éruptifs, s'étendant sur près de 300 kilomètres de long, et constituant au nord une véritable chaîne volcanique. À Édim- bourg, l'épaisseur des projections atteint 2,200 mè- tres, et la ville est dominée par un énorme neck, ancienne cheminée d’un volcan aujourd'hui dis- paru. Le groupe volcanique de la Clyde offre même un volcan central et des cônes adventifs, comme l’Etna. Les roches éruptives de cette époque compren- nent principalement des diabases et des porphy- rites ayant coulé à la surface du sol, ou ayant fait intrusion dans des sills. Les trachytes et les felsites sont beaucoup plus rares. $ 6. — Volcans Carbonifères. C'est encore dans le sud de l'Écosse que se con- centrent les efforts volcaniques pendant la période carbonifère. Les environs de Glascow, d'Édim- bourg, le plateau de Solway sont couverts de pro- duits volcaniques variés, datant de cette époque. M. Geikie les range en deux catégories : ceux qui forment les plateaux volcaniques sont constitués par des coulées, très étendues et très épaisses, de laves andésitiques alternant avec des tufs. Ces coulées sont en relation, souvent étroite, avec les anciennes cheminées volcaniques, les necks, qui se dressent au-dessus des plateaux, et sont constitués soit par des tufs, soit par des roches massives. De nombreux necks (fig. 1), coniques ou arrondis, s'alignent aussi dans le Berwickshire, sur d'assez vastes espaces. Les éruptions qui donnèrent naissance aux pla- teaux volcaniques de l'Écosse eurent lieu au com- mencement du Carbonifère (grès calcifère). Le centre de l’activité volcanique se déplaça ensuite vers le Firth of Forth, et les manifestations chan- gèrent de forme à l'époque du calcaire carbonifère. 908 Là s'édifièrent une multitude de puys, de cônes, qui ne fournirent que des tufs ou des coulées assez restreintes, mais, par contre, injectèrent dans les assises sédimentaires ces roches trappéennes si curieuses (fig. 4) qui, ramenées à la surface par la dénudation, forment aujourd’hui comme de gigan- tesques marches d’escaliers. Les dolérites, les basaltes, les labradorites, les péridotites et les porphyrites constituent la plu- part des roches éruplives de cette période, et res- semblent étonnamment aux roches tertiaires. Les PH. GLANGEAUD — LES ANCIENS VOLCANS DE LA GRANDE-BRETAGNE $ 7. — Volcans Permiens. C'est en Écosse, dans l'Ayrshire, le Nithsdale, l’Annundale et le bassin du Firth of Forth, que se terminent les éruplions primaires comprenant surtout des porphyrites. Des séries de dômes et de cônes qui représentent les anciens necks sont iso- lés en nombre de points et témoignent de l'activité volcanique dans cette contrée, à l’époque per- mienne. Sur la côte du Firth of Forth on en compte plus de 60. La figure 3 montre deux de Fig. 4. — Filon de trapp coupant les schistes carbonifères un peu à l'ouest de Saint-Monans Church. basaltes montrent souvent la structure columnaire, si fréquente dans les volcans tertiaires du Plateau Central de la France. Dans plusieurs parties de l'Angleterre, notam- ment dans le Northumberland, les roches intru- sives forment des sills d’une grande étendue. Tel est le Great Whin Sill, qui n'a pas moins de 120 kilomètres, et qui, avec une épaisseur va- riable, est intercalé, tantôt dans le calcaire car- bonifère, tantôt dans les schistes houillers, et s'étend souterrainement sur plus de 3.000 kilo- mètres carrés. Durant le houiller, les éruptions se continuèrent dans une partie de l'Angleterre et de l'Irlande, amenant au jour des orthophyres et des por- phyrites. ces cônes accouplés en relation avec des tufs et une coulée, et les figures 2 et5 représentent les dykes basaltiques columnaires qui constituaient le centre du neck. Une période de calme, d’ailleurs presque géné- rale à la surface du globe, règne en Angleterre pendant toute la durée des temps secondaires. IV. — VOLCANS TERTIAIRES. Mais dès l'Eocène se produit un réveil de l’acti- vité volcanique qui se continuera jusqu'au Miocène. Il se fait sentir sur la côte nord-est de l'Irlande et dans les îles qui bordent la côte occidentale de l'Écosse. Dans tout le sud de l'Écosse, depuis les Grampians jusqu'aux Cheviots, le nord de l’Angle- PH. GLANGEAUD — LES ANCIENS VOLCANS DE LA GRANDE-BRETAGNE 909 terre et de l'Irlande, c'est sous forme de dykes, très nombreux, alignés dans plusieurs directions (surtout nord-ouest, sud-est) que se présentent les toutes les roches sédimentaires antérieures au Tertiaire. Fig. 5. — Basalle prismalique ayant rempli l'ancienne cheminée d'un volcan permien, à Kineraig. — Cette! magnifique masse basaltique qui constitue les falaises d'Elie, dans le golfe du Forth (Ecosse), na pas moins de 50 mètres de haut. Elle ressemble beaucoup aux Orgues d'Espailly, près du Puy,en Auvergne, quoique d'âge beaucoup plus ancien. roches éruplives. Ces dykes constitués par des Lowters hills ont de 50 à 195 kilomètres de long. basaltes, des andésites et des dolériles,sont souvent Quant aux éruptions proprement dites qui débu- groupés en séries, se bifurquent parfois et coupent | tèrent à l'Éocène, elles produisirent de vastes cou- | Les dykes qui traversent les Cheviots et les 910 PH. GLANGEAUD — LES ANCIENS VOLCANS DE LA GRANDE-BRETAGNE lées de basalte et de dolérile qui occupent une surface totale de plus de 15.000 kilomètres carrés. Elles constituent le plateau d’Antrim au nord de l'Irlande qui, seul, n’a pas moins de 6.000 kilomètres carrés et qui est formé par des basaltes sur une épaisseur de plus de 300 mètres. Les îles de Skye et de Mull offrent également des plateaux basaltiques semblables à celui d’Antrim. Des lits de matériaux détritiques (que M. Geikie assimile à des dépôts fluviatiles) sont parfois inter- calés entre deux coulées de basalte. Les falaises amena la sortie d'énormes masses de roches ba- siques (principalement des gabbros), qui trouèrent les basaltes, et forment aujourd’hui des bosses irré- gulières rompant l’uniformité et la monotonie du paysage. Les gabbros arrivèrent surtout comme des masses intrusives, soulevant les basalles ou s'injectant entre les divers lits ou coulées de cette roche; de sorte que l’on observe parfois, comme dans l'ile de Mull, une « pile » de lits de basaltes alternant avec des lits de gabbros, ayant près de 100 mètres d'épaisseur. Dans d’autres cas (Nou- Fig. 6. — Dun Mon (Ile de Sanday). — L'érosion a singulièrement faconné, en certains points, le plateau basaltique de l'ile de Sanday. La figure en fournit un exemple des plus frappants. Elle représente une énorme colonne de 40 mètres de haut, constituée à la partie moyenne et à la partie supérieure par un basalte prismé, se rattachant au plateau basaltique de l'ile. Entre ces deux coulées basaltiques sont intercalés des conglomérats détritiques bien visibles à la base et sous la calotte supérieure de basalte. pittoresques de Sanday (fig. 6) présentent un bel | velles-Hébrides) le gabbro n’a pu sortir; il s’est exemple d'intercalalion de dépôts fluviatiles. L'ensemble des plateaux a un alignement nord- sud. Les roches qui les constituent ont dû arriver par des fissures qui ont laissé échapper des flots de lave sur de grandes surfaces; mais, par places ce- pendant, se dressent des cônes volcaniques parfois bien conservés (fig. 7) qui ont émis à leur tour des coulées et parfois des tufs. Enfin des dykes de roches basaltiques sont venus percer à leur tour des plateaux basaltiques. Après l'édification des grands plateaux basal- tiques survinl une nouvelle phase éruptive qui alors accumulé dans des poches ou laccolites que la dénudation a fait apparaître plus tard. C'est un cas analogue à celui qui a été constaté en Amé- rique, dans le sud de l'Utah. Les îles de Skye, de Rum, de Mull, etc., offrent un assez grand nombre de bosses de gabbros. Peu après l’éruption de ces roches basiques sur- vint celle de roches acides, semblables à celles des temps primaires, et ayant formé des mon- tagnes coniques ou arrondies rappelant les monts d'Auvergne, en particulier le Puy-de-Dôme. On peut également les comparer aux necks trachyti- PH. GLANGEAUD — LES ANCIENS VOLCANS DE LA GRANDE-BRETAGNE 911 ques du Velay. Les roches acides, peu fluides, visqueuses, « maussades », n'ont pu couler; aussi se sont-elles accumulées sur place en formant des intumescences. Elles comprennent des granites, des microgranulites, des syénites, des porphyres et des rhyolites, affleurant dans les iles de Skye, de Mull et aussi au nord-est de l'Irlande (Monts Mowne). Des filons, également de roches acides, à structure fluidale ou sphérolilique, sont associés aux dômes acides. Ils représentent les apophyses d’un magma acide n'ayant pu acquérir la structure grenue. Tandis que les- manifestations volcaniques prennent fin en Angleterre après ces dernières dernières éruptions miocènes ont donné des roches acides semblables à celles des lemps primaires. Et de même aussi, l'activité volcanique s’est mani- festée de la même façon à loutes les époques, en produisant des cônes volcaniques, des dômes, des filons accompagnés ou non de coulées, sub-aé- riennes, sous-marines ou intrusives, et, en général, de matériaux de projection. Ce sont ces faits que M. Geikie a mis si claire- ment en évidence dans le dernier chapitre de son beau livre. L'éminent géologue s’est honoré et a honoré la science française en dédiant son ouvrage à Fig. T. — Cratère Lac de *S Airde Beinne (Ile de Mull). — Ce lac est installé dans le cratère d'un ancien volcan. Il rap- pelle certains lacs d'Auvergne ayant la même origine. éruptions miocènes, elles se continuent avec une grande ampleur jusqu'aux temps préhistoriques dans le Plateau Central de la France. Si nous jetons un coup d'œil rapide sur l’en- semble des éruptions de la Grande-Bretagne, nous constatons qu'elles sont surtout concentrées en Écosse, entre les Grampians et les Cheviots, dans les îles occidentales de l'Écosse, à l’est de l'Irlande et à l’ouest du Pays de Galles. Ce qui frappe surtout quand on étudie leur cons- titution, c'est de rencontrer les mêmes types pélro- graphiques à l’époque silurienne et devant les temps tertiaires. Les roches granitiques ne sont pas l'apanage des temps primaires, comme on l'a cru longtemps, puisque nous venons de voir que les MM. Fouqué et Michel-Lévy, ces « deux distingués représentants de l'École française qui, à la suite de Desmarets, ont fondé l'étude des anciens vol- cans et ont fait faire à ces études tant de progrès ». Il est à souhailer que dans notre pays, où est né le paléo-vulcanisme, un travail synthétique, serr- blable à celui de M. Geikie, soit entrepris pour le développement d'une science qui comple des adeptes de plus en plus nombreux !. Ph. Glangeaud, Docteur ès sciences, Collaborateur au Service de la Carte géologique de la France. 1 Les figures qui accompagnent cet article sont extraites de l'ouvrage de M. Geikie. Les clichés nous ont été très obligeamment prêtés par l'éditeur, M. Macmillan. 912 JOSEPH CHAILLEY-BERT — LA MÉTHODE DANS LES ÉTUDES COLONIALES LA MÉTHODE DANS LES ÉTUDES COLONIALES LEÇON D'OUVERTURE DU COURS DE COLONISATION COMPARÉE A L'ÉCOLE DES SCIENCES POLITIQUES Il y a seulement quelques années, le titulaire d'un cours sur la colonisation se serait vu dans la nécessité de consacrer sa lecon d'ouverture à démontrer d’abord l'utilité des colonies. Si vous pouviez ouvrir un catalogue de littérature colo- niale, vous seriez frappés, en vous reportant à la période 1880-1890, de voir, exposé, développé, repris sous cent formes diverses, avec une chaleur el une insistance chez l’auteur qui permettent de calculer la résistance, l'entétement et parfois même l'irritation du lecteur, ce thème particulier : à quoi servent les colonies? Traité dans la presse et les livres, ce thème était repris dans les confé- rences et à la tribune. Il y avait tout un parti qui se refusait même à l'aborder. Parti complexe, d’ailleurs, et qui invoquait une variété d’argu- ments, conséquence de la variété de ses origines. C'étaient des patriotes qui n’admettaient pas qu'on songeàt à une plus grande France avant d’avoir reconstitué la France suffisante; c'étaient des savants qui avaient étudié la colonisation dans les livres d'histoire et soutenaient que la France ne peut mener de front une politique européenne et une politique d'outre-mer; c'étaient des démo- graphes qui, statistiques en main, démontraient que la natalité française décroit et ne saurait peupler les colonies quand elle ne suffit pas même à peupler la Métropole; c’étaient des financiers qui prétendaient que toutes les dépenses d'un pays fussent renfermées dans les limites du budget annuel, et qui condamnaient les colonies, grosses de crédits supplémentaires et menacantes d’em- prunts; c'étaient des industriels qui savent que chimiquement tout est dans tout, qu'un même produit peut se tirer de vingt substances difré- rentes et qui prévoyaient dans les matières pre- mières des colonies des concurrentes aux matières premières de la Métropole, concurrentes qu'il se- rait peut-être difficile d’écarter lorsqu'elles se présenteraient sous le couvert des couleurs natio- nales; c'était enfin un groupe formidable, inspiré presque uniquement par la politique, qui espérait accabler le parti adverse sous la question coloniale et avait adopté — argument suprême et qui ré- sume tous les autres — que le Français n’est pas colonisateur. Pas colonisateurs, ceux qui ont tiré de rien celte merveille de l’ancien régime, l’île de Saint-Domin- gue; pas colonisateurs, ceux qui ont laissé der- rière eux cette population franco-canadienne, si estimable, si laborieuse, dont les États-Unis eux- mêmes redoutent la concurrence sur le marché du travail ; pas colonisateurs, ceux qui ont, quoi qu’en puisse dire le grand administrateur et le grand écrivain, mon ami sir Alfred Lyall, inventé et inauguré aux Indes, sous Dupleix, la méthode grâce à laquelle les Anglais ont achevé peu à peu la conquête de toute la péninsule! Voilà cependant ce qu'on osait dire et imprimer. L’argument — cela est aujourd'hui hors de conteste — n’est pas sérieux. Personne ne l’admet, ni nos rivaux, ni nous-mêmes. Récemment, à Bruxelles, un profes- seur à l'Université d'Iéna, M. Anton, lisait, devant le Congrès Colonial, une étude sur la colonisation comparée de la France et de l'Angleterre au Ca- nada et c’est à nous qu'il décernait le prix, à cause de nos méthodes et de notre justice. La vérité, c'est qu'il importe, pour porter un jugement rationnel et équitable, de distinguer deux périodes dans notre histoire coloniale. Vers 1150, la France était la rivale heureuse de l'Angleterre, et l’on se demandait alors qui des deux serait la grande puissance colonisatrice de l'avenir. Plus tard, les nécessités de sa politique continentale l'ont forcée à sacrifier ses colonies. De son admirable empire d'outre-mer, elle n’a gardé que des bribes. Un siècle plus lard, sous l'impulsion de grands esprits pleins de prévoyance, Gambetta, Ferry, Paul Bert, d'autres encore, elle a repris sa politique coloniale, et elle a bien su conquérir et se constituer un domaine, mais elle n'a pas su l’administrer et le metire en valeur. Cette impuissance spéciale, et, je me hâte de le dire, temporaire, elle ne se l'avoue pas, elle ne s’en doute pas encore. Mais cela éclate aux yeux clairvoyants. Et les causes en sont faciles à distin- guer. Vous les pressentez déjà. La France, propriétaire aux siècles précédents d'un admirable empire colonial, était, dans le même temps, en possession d'excellentes méthodes de gouvernement et d'administration. Quand le moment sera venu, je vous exposerai, sous les chapitres respectifs, notamment ses procédés de peuplement et de législation et vous verrez: de quelle sagesse et de quelle prudence a fait preuve JOSEPH CHAILLEY-BERT — LA MÉTHODE DANS LES ÉTUDES COLONIALES 913 notre ancien régime. Cette sagesse et cette pru- dence, on la retrouve presque jusqu'à la fin de la monarchie; oui, même aux pires époques, même sous Louis XV, même après l'abandon de nos plus belles possessions, même quand la politique coloniale fut sacrifiée, l'administration coloniale survivait encore avec ses grandes traditions. Puis la Révolution survient, les conseils du roi sont dissous, de nouvelles classes dirigeantes surgissent, de nouveaux problèmes s'imposent et toute cette sagesse, toute cette expérience qui s'était comme -cristallisée dans les eorps professionnels, notam- ment au Conseil d'État et au Conseil du Roi, tout cela s'évapore, et ne laisse rien derrière soi. Les idées s’envolent, les traditions s'évanouissent, le passé ne trouve plus à qui léguer ses richesses, et le jour où, à cent ans de distance, nous entendons reprendre la politique coloniale, nous ne savons plus où nous appuyer : les méthodes séculaires sont désapprises. Voilà une première explication de nos tàtonne- ments actuels. En voici une seconde : Ces méthodes, ces traditions d'autrefois, quand bien même elles eussent persisté jusqu'à nous, il eût fallu les modifier. Car les domaines coloniaux du régime nouveau diffèrent des domaines de l’ancien régime plus encore que la France d’au- jourd’hui ne diffère de celle d’autrefois; nous n'avons plus à coloniser un Canada ni une Loui- ‘siane, habités par quelques tribus de Peaux-Rouges, ou à exploiter des Antilles, si peu peuplées au début, qu'il y fallut importer l'esclavage. Les pro- blèmes qui se posent dans notre nouvel empire colonial sont tout autres que ceux qui se posaient dans l'ancien; en sorte que tout est à reprendre de la base au sommet; tout est à rapprendre; quel- ques-uns disent même : tout est à improviser. Improviser : arrêtons-nous un instant à ce mot; ce n'est pas un mot de hasard, une expression de rencontre, c'est le résumé d'une doctrine. Celte doctrine a son excuse. Quand on a longtemps dé- siré une chose, on est pressé d'en jouir; tout ce qui retarde la jouissance semble une faute, tout ce qui la rapproche, une habileté ou un bonheur. La France, tardivement rentrée dans l'arène coloniale, ayant payé chèrement quelques-unes de ses con- quêtes, n'a pas voulu perdre une minute avant de les mettre en valeur. Examinons un peu comment elle a agi dans la plupart de nos possessions nou- velles : la Tunisie, le Tonkin, le Congo, etc... A peine la guerre terminée, on y a passé soudaine- ment à la colonisation; je veux dire qu'on a fait appel aux colons; on les a sollicités par des pro- messes et même par des faveurs, et l'on s'est, durant quelques années, bercé de l'espoir que la colonisation était effectivement en bonne voie et que l'on allait entrer dans l'ère des recettes. Sauf sur un point, —en Tunisie, — où l’on avait eu à la fois plus de prudence et plus de bonheur, on à jusqu'ici — comme il fallait s'y attendre — à peu près partout échoué. Pourquoi? Parce qu'on avait voulu improviser. On peut violenter les hommes, on ne violente pas les idées ni les faits : ils sont, ils demeurent, ils s'imposent. Or, dans les affaires coloniales, après la période de la conquête, doi- vent venir la période de la pacification, puis la période de l'outillage. Ces périodes, on peut les abréger à force de sagesse et d’habilelé, on ne peut pas les supprimer. Vous appelez les colons, ils ne viennent pas; s'ils viennent par hasard, ils s’en retournent; s'ils persistent, ils risquent leur fortune et même leur vie. L'inespéré succès de quelques-uns ne rompt pas la règle : elle existe, elle nous mène. . Que faut-il donc faire? Il faut, non pas impro- viser, mais édifier patiemment l'œuvre de coloni- salion. Très rarement, l'expérience le prouve, les entreprises coloniales réussissent du premier coup. Elles tàtonnent, périclitent et souvent s’effondrent, pour se relever après. Le succès leur vient quand les méthodes ont été dégagées, les mœurs façon- nées, les circonstances favorables préparées. Tant que cela n'existe pas, le succès est, à la rigueur, possible; il n’est pas probable. Et rien ne peut remplacer ces postulats du début, ni les expé- dients, ni ce que nous appelons l’art de se dé- brouiller, ni l'intelligence, ni le courage, ni l'ar- gent, ni même le bon sens, ni même la ténacité. Là où les conditions requises font défaut, l'échec est prochain. On l'a bien vu, par exemple, dans la colonisation du Canada anglais. Durant la période 1830-1860, le Canada, sans voies de communica- tion, avec un système de gouvernement très con- testable, attirait cependant, par sa salubrité et l'abondance des terres disponibles, nombre de colons, et des colons de la qualité la plus dési- Anglais et Écossais. Ils arrivaient, pleins de mais le terrain était ils travail- rable : courage et de résistance, mauvais, les circonstances contraires; laient et luttaient en vain. De guerre lasse, ils pas- s'établissaient aux États-Unis, saient la fontière, physiquement et poliliquement mieux outillés, et, du coup, les mêmes hommes, avec les mêmes qua- lités et les mêmes défauts, le milieu leur convenait, et eux-mêmes, après une expérience malheureuse, avaient mieux su s’y adapter: Et notons que cette règle est d'une application à peu près universelle. Ce ne sont pas seulement les humbles de fortune et d’esprit qui y sont sou- mis; tous doivent passer sous le commun niveau, les plus hauts et les plus considérables. Rien, et sur aucun terrain, ne peut suppléer la science et réussissaient : 91% l'expérience. Voici un homme d'un talent considé- rable, l'évêque Oglethorpe; voici un homme de génie, Locke; l'un pour la Caroline, l’autre pour la Géorgie, ils rédigent une constitution : leur cons- titution ne fonctionne pas; elle est très inférieure à ce qu'inventent, à ce qu'adaptent sur place les plus humbles des paysans, une fois dégrossis par un séjour de quelques années dans leur patrie d'élection. Conclusion : il faut s'adapter; il faut apprendre; ne nous flattons pas, ignorants, d'inventer, ou, savants, d'utiliser telles quelles nos connaissances importées d’ailleurs, j'entends de régions diffé- rentes des colonies. Étudions. IT Le malheur est que le champ des études est immense. Le colonisateur, l'étudiant, en quelque branche que ce soit, des questions coloniales, ne peut pas limiter à son gré le domaine de ses re- cherches. Tout se tient, tout s’enchaïne, tout s'im- pose à lui. Il ne saurait prétendre être informé de ceci et demeurer dans l'ignorance de cela. Gette sélection lui serait fatale : il doit avoir des clartés de tout. À tout le moins il convient qu'il se sache, faute de préparation spéciale, insuffisant, et insuf- fisant sur tous les points. Dans le bagage de con- naissances qu'il s’est constitué en Europe, pas une seule partie qui puisse être telle quelle transportée aux colonies. Tout doit subir une modification, une mise au point. La législation a besoin d’être adap- tée, et le gouvernement, et les méthodes finan- cières, la guerre, la marine, la médecine, l’agri- culture, le commerce, l’industrie, l'éducation, la religion même. Étudier les choses coloniales, c’est étudier l'encyclopédie. N’espérez pas vous en tirer à moins; ne croyez pas qu'il soit des connaissances tellement universelles qu'elles puissent, immuées, embrasser le globe entier; des sciences tellement exactes qu'elles trouvent leur immédiate applica- lion sous toutes les latitudes. Cela n’est point; sans doute, la science exacte en Europe est exacte sous les tropiques; mais l'art d'application de cette science doit se plier à des conditions autres et varier ses procédés. Il y a à modifier l'instrument, il y a à changer le tour de main. L'ingénieur comme le chirurgien, le jurisconsulte comme l'industriel, sont tenus de se plier aux nécessités du milieu. Il existe à Batavia un observatoire météorologique; ses instruments sont re qui existe de plus perfec- lionné à ce jour; le savant qui le dirige est un homme d'une conscience et d'une habileté recon- nues. Durant des années, il a invariablement man- qué certaines observations, faute d’un tour de main à acquérir. Il est en relations constantes avec ses JOSEPH CHAILLEY-BERT — LA MÉTHODE DANS LES ÉTUDES COLONIALES collègues des Indes anglaises, qu'il a trouvés aussi désappointés que lui-même; entre eux, ils appren- nent à corriger les méthodes importées d'Europe et à ajouter ou à retrancher le coefficient conve- nable. Ce qui est vrai en météorologie l’est dans toutes les branches. Tous les problèmes sont, aux colonies, posés, et doivent être résolus autrement qu'en Europe. Voilà une première difficulté que rencontre l'étude des choses coloniales : l'infinie variété des connaissances à acquérir. En voici une seconde : l’infinie variété des sources à consulter. La colonisation n’est pas un art né d'hier : il date de trois siècles; il ne s’est pas exercé sur un champ limité : le monde entier lui a servi d'expérience; il ne s'est pas révélé à un seul peuple : plusieurs, et des plus considérables, y ont été des apprentis ou des maîtres. En sorte que, pour étudier convena- blement les questions coloniales, avec quelque chance de profit et de certitude, il faut étudier le passé et le présent, la colonisation dans l’histoire et la colonisation dans la vie, et l'étudier chez la plupart des peuples et sur la plus grande surface de l'Univers. Et qu'on ne se laisse pas aveugler par les appa- rences présentes. Celui qui, voulant pénétrer dans les questions coloniales, imaginerait de les étudier dans l’époque contemporaine et de s’instruire seu- lement chez les peuples reconnus les plus habiles et les plus heureux, celui-là, assurément, ne dres- serait pas un plan mauvais: la colonisation anglaise et la colonisation hollandaise lui apporteraient des enseignements infiniment précieux; mais il dres- serait un plan incomplet. Il laisserait de côté les débuts si intéressants de la colonisation allemande et russe, et l'histoire, si pleine de leçons, de l’an- cienne colonisation française, espagnole, portu- gaise, avec les tentatives diverses des Scandinaves, pour ne rien dire de la colonisation grecque, ro- maine, vénilienne el génoise. Quelle erreur ce serait de croire que les peuples aujourd'hui entrés dans lombre n'aient pas de lumières à nous fournir, ou que les tard venus de la colonisation n’apporteront pas de solutions im- prévues aux problèmes déjà résolus par nous! A Java, dans le magnifique jardin de Builenzorg, quand vous demandez à voir les serres, c'est-à- dire le lieu de protection des plantes délicates, on vous fait voir des hangars où elles sont retirées à l'abri de la pluie. La serre, l’étuve européenne, c'est le jardin tout entier, inondé de soleil et baigné de vapeur. Solution imprévue pour le botaniste et l'horticulteur. De même, en malière coloniale; si, par exemple, en Russie, chez ce peuple si différent de nous et si jeune, vous vous informez comment on à réglementé et favorisé l’émigration, vous ET a JOSEPH CHAILLEY-BERT — LA MÉTHODE DANS LES ÉTUDES COLONIALES 915 verrez des règlements qui font tout pour la res- Pi bien que les émigrants russes ne quittent pas la terre de Russie et passent seulement de Rus- sie en Sibérie. Solution imprévue pour le colonisa- teur. En sens inverse, qui étudierait, nou pas les nouveaux colonisateurs, mais les anciens, y ren- contrerait des solulions, discutables peut-être, mais à coup sûr des plus intéressantes, de quel- ques-uns des plus gros problèmes coloniaux. La politique coloniale espagnole, par exemple, a été surtout une politique religieuse. Sommes-nous _bien sûrs qu'une politique religieuse agissante ne _vaille pas une politique religieuse indifférente? En Algérie, la France; aux Indes, l'Angleterre; en Insulinde, la Hollande, s’interdisent d'influen- cer les croyances religieuses de leurs sujets. Et, en face de l'Islam, l’abstention est au moins pru- _dente. Mais en face des autres confessions? Il ne seraït pas difficile de prouver que la religion est le - plus efficace véhicule de la morale, et que là où | nous avons apporté aux peuples conquis cet agent de régénération, pour contrebalancer tant d'agents de destruction venus à notre suite, là seulement nous avons pu les sauver de la ruine et même de la disparilion totale. En vain, on dira que cela est contraire à la li- berté de penser proclamée par nous. Ce qui est bon iei peut être mauvais là-bas. Et de cette vérité, les Espagnols ont fourni encore une preuve bien digne d'être méditée, quand ils ont, contrairement à toutes les habitudes européennes, adopté, pour les indigènes, le système de la minorité perpétuelle. Perpétuelle, c'est peut-être beaucoup, mais tempo- raire et ne cédant que devant des progrès consta- tés, résultats d'une lente éducation, cela semble sage. Et ceux qui savent ce que nous avons tenté en Algérie, quand, supprimant toutes les en- traves, c'est-à-dire toules les garanties, nous avons institué, sans succès d’ailleurs, avec l’état civil, la propriété individuelle, ceux-là ne me contrediront certes pas. Niles Hollandais non plus, eux qui ont dénié à leurs indigènes le droit d’aliéner leurs ter- res au prolit des Européens, des Arabes et des Chinois, et qui ne leur permettent même de les louer qu'avec l'agrément de l'Administration. Ainsi donc, l'étude des questions coloniales de- vrait, pour être féconde, porter sur tous les lieux, sur tous les temps, sur tous les peuples. Rien ne serait plus instructif. Voici, par exemple, les An- tilles. Il n'est pas une région sur laquelle on soit aussi bien documenté; il n’èn est pas d'aussi riche en enseignements de tous genres. Aucune ne per- mettrait de mieux dégager les effets de la régle- mentalion et de la liberté du commerce; aucune ne mettrait mieux en relief les phases successives et fatales de la deslinée des colonies tropicales. Voici encore la question de l'esclavage : quelle institution a plus profondément agi sur les mœurs et la vie des nations? Quelle révolution peut se comparer à l'admission et à la suppression de l’es- clavage ? Quelle étude passionnante au point de vue politique, économique, philanthropique ! Toute- fois, dans notre enseignement, il nous faut nous résigner à laisser de côlé des questions si attachan- tes. Nous sommes, nous devons être de notre épo- que et distribuer notre temps, selon l'importance, entre les choses du passé et celles du présent. III Ce sera là notre critérium pour délimiter notre domaine et arrêter notre programme. Avant d'en commencer l'étude il n’est pas superflu de déter- miner notre méthode. Cette méthode, à vrai dire, nous n'aurops pas à l'inventer : ce sera celle des sciences physiques et naturelles, non pas dans la série intégrale de leurs procédés (car certains procédés nous sont interdits, nolamment l'expé- rience instituée), mais dans leur procédé principal: l'observation, base des sciences biologiques, et qui, observation du présent et observation du passé, sera la base de la science coloniale. C'est dans cet esprit que nous aborderons l'étude de la colonisation, et cela nous conduira tout d'a- bord à prendre certaines précautions qui rendront nos travaux moins sujets à l'erreur et nous garde- ront des conclusions imprudentes. Je dis cela pour moi el je le dis pour vous. Je ne pourrai, dans le nombre de leçons qui m'est im- parti, agir puissament sur vos esprits par la science communiquée ; le besoin de clarté et de profondeur tout à la fois qui caractérise l'enseignement de cette École interdit au professeur d'aborder trop de sujets; il ne s'agit pas d'effleurer, mais de péné- trer ; par suite, le professeur omet, il est forcé d'o- mettre quantité de questions dont il lui est parfois difficile de déclarer qu'elles le cèdent en intérêt à celles qu'il a abordées. Son action est par là même diminuée. Mais, ni ici ni ailleurs, l’'éducateur ne doit prétendre tout enseigner; son rôle se borne à reconnaitre le domaine de la science, à le décrire dans son ensemble, à signaler l'importance des parties respectives, puis, à Lilre d'exemple, à étudier plus profondément une ou plusieurs de ces parties. Ce faisant, il vous aura rendus à peine plus savants; mais, à moins qu'il lui ait manqué la flamme communicalive, il vous aura rendus infini- ment plus eurieux et plus aptes à salisfaire vos curiosités. Les idées jelées, même en passant, germeront dans les esprits; quelque jour, à votre insu, s'éveilleront dans votre esprit des goûts, des désirs, des impatiences ; quelques-uns d'entre vous 916 voudront poursuivre seuls, et par des voies nou- velles, les études menées ici en commun sur la route accoutumée. C'est pour ceux-là (et puissent-ils être un jour nombreux ! à ces vocations suggérées je mesurerai, quant à moi, la portée de mon ensei- gnement), c'est pour ceux-là plus tard et pour nous- mèmes aujourd'hui, que je tiens à formuler quel- ques observations critiques sur nos procédés de travail. La science doit être abordée avec un esprit vrai- ment scientifique. Dans ma pensée, ces mots im- pliquent deux qualités : la sérénité de l'esprit et l'esprit de méthode. Pas de passion, pas de préju- gés, pas de préjugés nationaux, pas de préjugés de partis. Ne dénaturons pas; tächons, au con- traire, de pénétrer le sentiment d'autrui. Soyons des contradicteurs, s'il y a lieu, des adversaires jamais. Rendons-nous indépendants; ne nous lais- sons pas être prisonniers de nos opinions. Un savant n'a pas d'opinions. Il a des doutes ou il a des certitudes. Les doutes doivent le conduire aux hypothèses, puissant instrument d'investigation: ces hypothèses peuvent, après des observations nombreuses, s'élever à la dignité de règles et de principes. Mais avant de conférer à une pratique, mème prolongée, même heureuse, la qualification de règle ou de principe, soyons prudents. Gardons- nous de nous prononcer à la légère. Interrogeons, avant de conclure, à la fois le temps et l'espace, crainte parfois de prendre pour le terme d'abou- tissement ce qui n’est qu'un moment dans l’évolu- tion, ou pour une pratique définitive ce qui n'est que la réaction et, pour parler plus scientifique- ment, que la contre-épreuve d’une pratique anté- rieurement admise. Je veux illustrer ma pensée par un ou deux exemples. Un Européen quitte la Métropole et va se fixer aux colonies. Ses droits politiques sont ou seront déterminés par la loi. Si nous avons à faire la loi, comment la ferons-nous ? Consultez un colon fran- çais ou espagnol : il vous dira que les droits politiques font partie de l’état de l'homme et qu'en quelque lieu qu'il voyage ou qu'il séjourne, ces droits doivent lui rester acquis. Partant, citoyen francais en France, citoyen espagnol en Espagne, il prétend être citoyen dans les possessions d'outre- mer el y exercer lous les droits; de là, institution, dans les colonies, de conseils municipaux, de con- seils généraux, et représentation de ces colonies dans le Parlement ou aux Cortès. Et remarquez que cette thèse est défendable. Il yaeu et il y a présentement nombre de publi- cistes anglais, de Merivale à sir George Bowen et à sir Charles Dilke, qui la défendent et voudraient l'introduire dans l'Empire britannique. C'est celle, JOSEPH CHAILLEY-BERT — LA MÉTHODE DANS LES ÉTUDES COLONIALES mutalis mutandis, de l'ancien régime. Nos rois, à la suite de Richelieu, prétendant fonder de nou- velles Frances, les organisaient sur le plan de l’an- cienne. Les colons emportaient avec eux les insti- tutions de la patrie, la loi francaise, c’est-à-dire ordinairement la Coutume de Paris, avec le régime féodal et toute l’organisation, droits et devoirs, . qu'il comportait. Nous n'avons fait, à deux siècles de distance, que reprendre cette tradition. Avons-nous eu raison? C'est une question à dis- cuter plus tard. Mais, quelque respeet que nous ayons pour la tradition, disons tout de suite que les circonstances sont si différentes que la même solution ne devait pas pouvoir s'appliquer dans les deux cas. En regard de cette solution unifiée, met- tons la solution qui a prévalu en Angleterre. En Angleterre, comme chez nous, la thèse qui fut d'abord soutenue, était que l'Anglais, où qu'il soit, est et reste civis britannicus et, par conséquent, a droit à la franchise. Hobbes, à la vérité, démon- trait l'inanité de cette prétention, mais sa réfuta- tion ne fut admise par personne dans le monde polilique et, en conséquence, la théorie de ia fran- chise triompha partout et toutes les colonies recu- rent des constitutions uniformes, ou peu s'en faut, qui admettaient le citoyen anglais à l'exercice des droits politiques. Peu à peu cependant, une réac- tion se produisit. À la notion de droit se méêla la notion d'utilité; on se demanda si ce qui est avan- tageux ici est nécessairement avantageux là. Le respect des droits de l'individu se combina avec le souci du bien général, et, peu à peu, il se dégagea des solutions d'espèce. De là, cette variété, devenue classique, dans les constitutions anglaises, variété maintenue de nos jours aussi rigoureuse- ment que jamais. De là aussi, sur un terrain tout voisin de celui-ci, la fameuse phrase dans la cons- titution que Napoléon à Sainte-Hélène dictait au général de Montholon, un mois avant sa mort : Section VI — article unique : « Les colonies sont régies par des lois spéciales. » Vous voyez combien d'éléments et empruntés à combien d'époques et de nations différentes doi- vent être mis en présence, avant qu'on puisse son- ger à dégager une solution même relative. Même dans l'histoire coloniale d'une seule nation, on rencontre sur les points les plus importants des solulions nettement contradictoires, qui sont une cause nécessaire d'erreur, si l'on ne possède pas la connaissance de l’entier développement et des phases successives d'une même question. Voici, par exemple, un problème d'un intérêt primor- dial Quelle quantité de liberté et d'indé- pendance, dans le Gouvernement et l’'Adminis- tralion, la Métropole devra-t-elle laisser à ses colonies? Eh bien, l'Angleterre, qui a la première | . 4 ] | JOSEPH CHAILLEY-BERT — LA MÉTHODE DANS LES ÉTUDES COLONIALES 917 posé le problème, l'a, suivant les époques, résolu de bien des facons différentes. Au début, elle a permis à ses colonies de se gouverner comme elles l'entendaient, ne leur demandant que deux choses : accepter certaines restrictions commerciales et lui coûter le moins possible. Ç'a été le système du xvu° et du xvrn° siècles. Plus tard, elle l'a complè- tement renversé. Elle leur a laissé toute liberté sur le terrain économique, elle a consenti en leur faveur des sacrifices pécuniaires considérables, mais, en revanche, elle a retenu le droit de les gou- verner à sa guise. Ç'a été le système de la première moitié du xix° siècle. Enfin, aujourd'hui et depuis près de quarante années, elle leur a concédé de grandes libertés politiques et, dans l’ordre écono- mique, elle vise actuellement, par une entente inter- coloniale, par ce qu'on appelle fédération impériale, à assurer à toutes les parties de l'Empire britan- . nique, à l'exclusion du reste du monde, un traile- | ai ns. ment de faveur. Voilà, je l'espère, bien netlement dégagée, après ces exemples, l'une des premières règles critiques qui s'imposent à nous : ne pas nous laisser influencer par des décisions d'espèce, ne pas prendre pour des lois éternelles des solu- tions purement temporaires, pour des principes invariables des pratiques soumises encore l'expérience et à la discussion. à IV Il est une seconde règle qui n’est pas de moindre conséquence : se défier de ce qu'on appelle lauto- rité d'exemple. De ce qu'une nation, connue par ses succès dans les entreprises coloniales, aura préféré telle solution, il ne s'ensuit pas que celte solution puisse être recommandée ailleurs et en toute circonstance. C'est d'abord une grave erreur de méthode que de prétendre importer dans un pays donné les procédés adoptés par tel autre. Pour qu'ils soient applicables avec succès, il faut une grande ressemblance, presque l'identité dans les circonstances externes et internes. Or, cela ne se rencontre jamais. Le raisonnement dit a pari est ün raisonnement dangereux : on n'y doit recourir qu'avec prudence. A la raison de scrupule scientifique s’en joint une autre : la raison d'op- portunité. À vouloir guider la nalion par l'exemple des voisins, on risque d'indisposer Fopinion. On la met en défiance et en rébellion même contre les résultats les mieux prouvés; on l’écarte du chemin où l’on souhaite l'engager. Le Professeur Gneist, dans la préface de son grand ouvrage sur la Cons- litution anglaise, rapporte que les docteurs en droit constitutionnel avaient, à toujours vanter l'excellence de cette Constitution, exaspéré le Land- tag prussien et qu'à la fin on ne pouvait même plus prononcer le mot Angleterre sans soulever des ricanements ironiques : « Ah! oui, l'Angleterre, admirable, merveilleux, c'est entendu! » Le pré- judice qui résulterait pour nous d’un pareil état d'esprit, si nous commettions la faute de le provo- quer par d’imprudentes glorifications, serait consi- dérable. L'Angleterre et la Hollande et même d’autres nations ont beaucoup à nous enseigner et ce serait un grand malheur si, par l'excès d'inop- portunes louanges, cet enseignement devait nous ètre fermé ou nous devenir inutile. Pour parer à ce danger, le savant, le publiciste, l'étudiant, sans renoncer à introduire chez nous les procédés et la politique de nos concurrents, toutes les fois qu'ils y verront un avantage, devront s’efforcer de les légitimer par des raisons de logique et de- bon sens et non pas par la seule autorité de l'exemple invoqué. Il ne faudrait pas toutefois que la crainte de ce mal nous fit tomber dans un pire, qui s'appelle le chauvinisme. Le chauvinisme n’est pas, comme on affecte de le croire, un mal uniquement francais ; il est le mal de toutes les nations; il a un nom dans toutes les langues. C'est une sorte de complaisance du pays pour ses propres opinions, un aveugle- ment sur ses préjugés, une estime injustifiée de sa conduite et même de ses erreurs. Rien n’est plus contraire à l’étude sincère et réfléchie des choses. Dans ces problèmes de colonisation, où l’on est à peu près assuré de se heurter à l'exemple ou par- fois à la rivalité des étrangers, le chauvinisme serait le plus triste conseiller. Au premier rang de ceux qu'il appelle d'abord ses rivaux et bientôt ses adversaires, il rencontrera l'Angleterre. L’Angleterre, nation prodigieuse de hardiesse et de ténacité, et qui mérite, par de hautes qualités morales, son exceptionnelle for- tune, a deux tares qui pèseront sur le jugement défi- nitif que l'Histoire portera d'elle et qui influencent déjà l'opinion des contemporains : un amour im- modéré de ce qui n'appartient à personne et par- fois même de ce qui appartient à autrui, et une cer- taine ingéniosité perverse pour élayer sur le droit des prétentions iniques. Il en résulte que l'opinion du monde ne lui est pas favorable et que, défor- mant un vers célèbre, on peut dire avec quelque justesse que, sur le terrain extérieur et surtout colonial, tout peuple a deux ennemis, le sien et l’Angleterre. Ne permettons pas que ce jugement nous pousse à l’anglophobie et, ce qui est pire au point de vue scientifique, à une interprélation erronée, en ma- tière coloniale, des actes et des motifs d’agir de l'Angleterre. Veillons, au contraire, soigneusement sur nous-mêmes et rendons-lui une justice plus 918 exacle qu'à tout autre; sans quoi la science souf- frira de nos jugements passionnés et nous en souf- frirons nous-mêmes avec la science. Voici, par exemple, la grosse question de l'esclavage. La France a, la première, pris l'initiative de l'abolition de l'esclavage, mais c'est assurément l'Angleterre qui a mené la campagne abolitionniste avec le plus de persévérance. Or, les ennemis de l'Angleterre remarquent que cette abolition devait lui être moins préjudiciable qu'à aucune autre nation. Elle avait, pour son émigration d'hommes et de capi- laux, des territoires illimités : le Canada, l’Aus- tralie, le Cap, où le travail noir était inutile; là où l'emploi du nègre s'imposait, elle pouvait le rem- placer par des travailleurs empruntés à l’inépui- sable réserve de l'Inde. Aucune autre nation ne se trouvait dans une position aussi avantageuse. De là à conclure que l'Angleterre était guidée dans sa campagne abolitionniste par le désir surtout d'em- barrasser ses rivaux, il n'y a qu'un pas. Et un mi- nistre des Colonies, le comte Grey, dans son Ais- toire de la politique coloniale de lord John Russell, déclare positivement que l'Angleterre ne rit un tel acharnement à poursuivre l'abolition que parce qu'elle vit que les autres nations esclavagisles n'avaient pas suivi l'exemple donné par elle. Voilà une déclaration nette et des apparences rassurantes pour qui voudrait condamner l'Angleterre. Mais ce ne sont que des apparences. Ceux qui connaissent bien l’histoire el le tempérament anglais ne peuvent nier que celte longue campagne abolilionniste ait tenu au cœur de l'Angleterre, qu'elle-même en ait beaucoup souffert et qu’elle se soit décidée par des motifs de haute philanthropie, qui risquent de paraitre inconciliables avec l’àpreté de ses préten- tions, mais néanmoins sont très puissants dans ce pays, et purs de tout alliage de dissimulation ou d'hypocrisie. Au surplus, l'étude des questions coloniales, si elle pousse au développement du chauvinisme, apporte elle-même son correctif. Elle permet de dégager une vérité de l’ordre le plus satisfaisant, je veux dire l’étroite communauté d'intérêts qui relie, qu'elles le veuillent ou non, les nations colo- nisatrices. Cette communauté, l'économie politique déjà nous l'avait révélée, la science coloniale la rend manifeste. Prenez, par exemple, les nations colonisatrices qui ont des sujets musulmans. Bon gré mal gré, elles sont, dans une cerlaine mesure, solidaires les unes des autres. Sans doute, les mu- sulmans savent juger leurs maitres respectifs et, quand le pèlerinage de La Mecque les rassemble, ils se font, durant les longs entretiens du soir, part de leurs impressions. C'est ainsi que M. Snoucke- Hurgronje, le savant hollandais, conseiller du vice- roi pour les affaires indigènes, put, durant son JOSEPH CHAILLEY-BERT — LA MÉTHODE DANS LES ÉTUDES COLONIALES séjour à La Mecque, entendre ses compagnons de | voyage et d'étude classer les puissances euro- péennes islamistes par ordre de mérile et de sym- pathie :-la Russie d'abord, puis la Hollande, puis la France, puis l'Angleterre. Maïs si les plus clair- voyants font de ces distinctions, la masse n'en fait guère. Pour eux, tout l’Islam est ligué contre tout l'Occident el l'événement qui inquiète les cons- ciences sur un point ne peut les laisser indiffé- rentes sur d'autres. En sorte que toutes les puis- sances qui ont des sujets musulmans peuvent être et sont effectivement atteintes par la politique que suit chacune d'elles et ne peut prétendre s’en désintéresser. Il serait facile de signaler d’autres cas de cette solidarité forcée : dans la politique, par exemple, des Européens en Chine et dans tout l’Extrème- Orient, dans leur attitude, en Afrique, envers cer- taines races réparties entre les diverses domina- tions, etc.,elc. La science coloniale doit être in- formée de cette action réciproque et tenir pour fächeuse toute rivalité internationale qui prend la forme, plus ou moins nette, d’hostilité. A J'en aurais fini, avec ces indications prélimi- naires, qui s'adressent à moi autant qu'à vous- mêmes, si je ne croyais vous devoir un dernier conseil qui, celui-là, ne concerne plus que vous. Vous n'êtes presque plus des étudiants; plusieurs d’entre vous sont déjà entrés dans la vie; vous serez bientôt des citoyens, des administrateurs, des hommes d'État. Vous avez, vous aurez de plus en plus des idées et des convictions, vous les sou- liendrez, vous les défendrez; vous écrirez; vous connaitrez les joies de la recherche, le tourment de la forme et la fatigue délicieuse de la création. Je souhaiterais avoir pris sur vos esprits assez d'influence pour que votre activité se tournàt vers les choses coloniales. Je ne sais ce qu'en France produira d'ici un siècle le mouvement d'expansion aux débuts duquel nous assistons; mais, quoi qu'il advienne chez nous, soyez persuadés que rien dans le monde d'aussi considérable ne s’est produit depuis le xv° siècle. C'est un phénomène dont vous ne pouvez vous exagérer la portée. En marchant de ce côté, vous marchez à la lumière. À ceux d’entre vous qui écriront, je ne saurais trop conseiller d'écrire dans un esprit vraiment scientifique. Ne vous complaisez pas aux générali- sations imprudentes. N'allez pas grossir le nombre des thèses à affirmations, des manuels ambitieux ou des brochures à emporte-pièce. La littérature coloniale de la France est pauvre, elle est même indigente. Et cependant, si l'on mm tit L JOSEPH CHAILLEY-BERT — LA MÉTHODE DANS LES ÉTUDES COLONIALES 919 . comple les volumes au lieu de les peser, elle est innombrable. C'est que chacun a écrit de passion, au jour le jour, au gré de ses impressions ou de ses intérêts ; chacun a abrité son plaidoyer derrière des idées lancées on ne sait quand, venues on ne sait d'où et qui ont, malgré cet anonymat et peut- être à cause de cet anonymat, recu droit de cité et font autorité. Il importe, aujourd'hui que les colo- nies vont avoir une telle importance dans la vie nationale, de rejeter ce bagage frelaté, de contrôler les idées en circulation, de vérifier les règles, de peser les principes. Pour cela, il faut tout reprendre -ab ovo et aborder courageusement la méthode mo- - nographique, en s'interdisant d'ici à longtemps les conclusions générales. Le champ est vaste. Le monde et l'histoire s'offrent à vous. Décrire ce qui - est, sonder ce qui a été, relier aujourd'hui à aulre- - fois, rétablir la chaine des idées et des conceptions, faire le tableau des entreprises et des espérances, des déceptions et des résultats, montrer le présent sortant du passé, la science naissant de l'empy- risme, tenter, dans l'ordre de nos études, ce qu'a réalisé l’illustre Berthelot quand il a rattaché l'Al- - chimie à la Chimie, en un mot, préparer, avec ab- négation, les documents sur lesquels, dans un demi-siècle, dans un siècle peut-être, on échaffau- dera des généralisations sans doute encore préma turées, quel rôle fécond et quelle occasion de nobles jouissances ! Toutefois, avant de vous lancer, il convient d'as- ._surer votre direction et de vous munir de guides, j'entends de guides spirituels. La littérature colo- niale n'a peut-être pas de grands esprits qui lui appartiennent en propre; mais elle détache, des -œuvres complètes des plus grands hommes, cer- lains chapitres qui lui sont spécialement consa- crés. Lisez donc les chapitres spéciaux de la Poli- tique d’Aristote, de l’histoire grecque de Grote ou de Curtius, de l'histoire romaine de Mommsen ou de Duruy, lisez de Bacon le petit traité On plantations, lisez dans A. Smith Île chapitre consacré aux colonies; lisez même J.-B. Say, quoi- que le spectacle qu'il avait sous les yeux et le défaut de connaissances spéciales l'aient amené à des appréciations parfois erronées; lisez encore Stuart Mill et l'Ancien droit de sir Henry Maine, et l'ouvrage célèbre de Georges Cornewall Lewis, Governement of Dependencies, et celui de Heeren, History of the Political System of Europe and its Colonies ; et le livre utile de Merivale, Colonies and Colonisation, et celui, plus moderne et plein de faits, de M. Paul Leroy-Beaulieu. Ainsi munis,vous pour- rez vous aventurer parmi les bibliographies spé- ciales; ne craignez point de vous égarer, les grands génies, Aristote, Bacon et Adam Smith vous auront donné des directrices suffisantes. Allez de l'avant. Vous rencontrerez bier des obstacles dans vos recherches, bien des causes d'erreur. Les hommes politiques, qui ne voient jamais qu'un côté d'une question, les pamphlétaires, qui taisent toujours une partie de la vérité, les explorateurs, les marins, qui passent une heure ou un jour, examinent en cou- rantet parfois courent sans examiner et reviennent gonflés d'affirmalions audacieuses, comme s'ils avaient vécu des années dans le même lieu, — témoin l'illustre capitaine Cook et son erreur fatale à Botany-Bay en 1787, — tous sont autant d'ennemis de la sincérité et de l'exactitude de vos travaux. A vous de redoubler de vigilance et de pénétration. Vous vous heurterez encore à d’autres difficultés : en Angleterre, à une profusion de documents offi- ciels, d'où vous aurez peine à vous dépélrer ; en France, à une indigence de publications et à un secret des Archives qui n’est pas fait pour faciliter vos recherches, au moins dans la période contem- poraine. Peu importe, le vrai zèle scientifique triomphe de tout. En ce qui concerne la France, au reste, cet amour du mystère n’est qu'une maladie tempo- raire; nous en serons assurément bientôt guéris. Nous avons voulu tout cacher, tant que nous n'avions rien de satisfaisant à montrer. Mais voici qu'approche l'heure de la récolte; bientôt nous aimerons assez que l’on puisse compter nos gerbes. Dans les périodes antérieures et mème certaines parties de la période contemporaine, vous vous apercevrez que la France à été très peu connue et souvent, {rès souvent calomniée. Vous la ferez connaître et vous la vengerez. Allez au fond : notre pays a plus d’une page et plus d’un trait de caractère dont il peut être fier. Sans doute, il a manqué souvent de méthode et avancé à l’aveu- glette. Mais vous rencontrerez à chaque pas, et dans le passé et dans le présent, la trace de sa générosité. Sa politique envers les indigènes est ordinairement un modèle de bonté, si ce n’est un modèle de sa- gesse. Le’ ciel nous a fait une grâce : il ne nous à pas donné ce qu'on appelle la morgue; nous de- meurons presque insensibles aux questions de race: nous estimons que les créatures de Dieu se valent à peu près toutes, et, landis que d’autres au- ront eu pour mission de hausser le type moyen de l'humanité en ne laissant survivre que les mieux doués, la nôtre aura consisté à offrir aux plus faibles un peu de notre force, aux plus rudes un peu de notre grâce, aux moins séduisants un peu de notre amour. De tout ceci, vous constaterez l'effet à travers les âges et les lieux. L'étude de la colonisa- tion n’est pas faite pour attrister notre patriotisme. Joseph Chailley-Bert, Professeur à l'École des Sciences politiques, Secrétaire général de l'Union Coloniale française. dans 920 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques Andrade (Jules), Professeur-adjoint à la Facullé des Sciences de Rennes.— Leçons de Mécanique physique. — 1 vol. in-8° de 416 pages. (Prix : 10 fr.) Societé d'Editions scientifiques. Paris, 1898. En parcourant les premiers chapitres de ce volume, consacrés à une discussion détaillée des bases de la Mécanique rationnelle, le lecteur, préoccupé d'acquérir le plus vite possible les principes utilisables et d'abor- der les applications, sera tenté de repousser le livre avec quelque elfroi. Il aura tort, car un peu plus de persévérance lui aurait fait trouver, toute proche, une théorie assez complète de l'Hydrodynamique, de l'Elas- ticité et mème de la résistance des matériaux. À qui s'étonnerait de rencontrer, réunies en si peu de pages, des questions qui ne voisinent point d'ordi- naire aussi librement, l’auteur répondrait sans doute qu'il n’a pas voulu faire un cours de Mécanique pro- prement dite : son ouvrage s'adresse à ceux qui, sa- chant déjà la Mécanique, veulent réfléchir avec lui sur la facon dont elle à été construite, sur les hypothèses qu'elle exige, en général sur les questions qui touchent à d’autres sciences et restent ainsi un peu en dehors des études limitées à des programmes précis. Dans un article récent de ce cette Revue !, M. Poin- caré présentait les trois systèmes imaginés pour don- ner aux principes de la Mécanique une netteté satisfai- sante et montrait qu'aucun d'eux n'échappe à toute objection. M, Andrade fait au système classique des reproches d'une autre nature. Le point qui l’a frappé, ce sont les incertitudes inévitables dans la définition et la mesure du temps, l'impossibilité où nous sommes d'apercevoir autre chose que des mouvements relatifs et, comme conséquence, l'effort d’abstraction nécessaire pour en déduire les lois qui conviendraient aux mouve- ments absolus, en d’autres termes le manque de bases sensibles pour une conception claire de l’inertie. En reprenant une idée de Reech, M. Audrade explique comment il est facile d'éviter la plupart de ces difficul- tés. C’est l’objet de ses premières lecons. Les chapitres suivants contiennent les résultats prin- cipaux obtenus en Hydrodynamique, dans la théorie de l'Elasticité et de la résistance des matériaux. Au sujet des équations de l'Hydrodynamique, Cauchy a publié d'importants théorèmes, longtemps restés presque in- connus et remarqués seulement à une époque assez récente. L'auteur leur donne, avec raison, ‘une place dans son exposé. Le volume se termine par de nombreuses notes, dans lesquelles M. Andrade étudie notamment la stabilité de l'équilibre et ce qu'il appelle la composition des sta- bilités, enfin les rapports que le théorème relatif à la composition des forces concourantes peut avoir avec le postulatum d'Euclide. Au point de vue purement spéculatif et logique, il est évident que cette dernière question mérite d’être examinée. Elle l’a 6t6 déjà par plusieurs auteurs, notamment par Daviet de Foncenex etpar M. Genocchi (Mémoires de l'Académie Royale des Sciences de Turin, 1877). M. Andrade la reprend avec des procédés nouveaux et simples et conclut à l'indé- pendance des deux postulatum. En résumé, les personnes qui attachent quelque prix aux principes des Sciences, et sont curieuses de pailosophie naturelle, trouveront dans les Leçons de ! H. Poincaré : Les idées de Hertz en Mécanique dans la Revue du 30 septembre 1897. ET INDEX Mécanique physique de M. Andrade un ensemble aussi intéressant que varié. R. LiouviLLE, Ingénieur des Poudres et Salpêtres: Mach (Ernst), Professeur à l'Université de Vienne. Die Mechanik in ihrer Entwickelung, historisch- kritisch dargstellt. — 1 vol. in-12 de la Bibliothèque scientifique internationale, de 505 pages avec 250 figures. Brockhaus, éditeur. Leipzig, 1897. La Mécanique a ceci de particulier que les vérités dont elle s'occupe, entièrement fondées sur l'expé- rience, ont à la fois un caractère si précis et si général qu'elles prennent la forme de vérités mathématiques. Les maîtres n’en sont pas dupes, mais les élèves s’y trompent. Les vérités les plus générales leur sont ensei- gnées comme des axiomes presque abstraits, sur les- quels il suffit dès lors de construire un échafaudage dont la seule condition d'existence est une logique rigoureuse. Ce n'est pas sans peine que, plus tard, on arrive à reconnaître la véritable essence des principes de Ja mécanique. Mais s'il est une étude qui puisse faciliter l'intelligence plus complète de leur nature, c’est assu- rément celle de leur découverte, de leur développement, et des discussions auxquelles ils ont donné heu. C'est cette genèse des idées sur lesquelles est fondée la Mécanique que nous donne M. Mach, dans cet ouvrage rempli de documents historiques, classés logi- quement, soigneusement discutés, et formant faisceau autour des principes généraux qu'ils servent à étayer. L'ouvrage débute par l'étude de la Statique : le levier, le plan incliné, la composition des forecs, le principe des déplacements virtuels sont tour à tour discutés et rapportés à d'ingénieuses expériences imaginées pour les démontrer. La Dynamique nous amène aux travaux de Galilée, de Newton, d'Huyghens, au principe de l’action et de la réaction et à la notion de la masse. Les idées fondamentales sont alors acquises, le reste en est le développement logique, que l’auteur nous moutre dans un autre chapitre consacré aux lois plus spéciales de la conservation des quantités de mouve- ment, de la force vive, au principe de d’Alembert, à celui de la moindre action et au principe d'Hamilton. Ici, le livre pourrait être clos; les idées ont été suivies de leur origine à leur complet développement; mais il est intéressant d'indiquer les formes diverses sous les- quelles elles ont été mises. D'une part la conception élégante de la Mécanique analytique de Lagrange, d'autre part, ce qu'on pourrait nommer les verrues de celte science, les préoccupations mystiques, que deux siècles de travail réussirent seulement à déraciner. C’est ainsi que Otto de Guéricke, dans un livre paru à la fin du xvu® siècle, s'occupe de rechercher la position géographique du Ciel et de l'Enfer avant d'indiquer les résultats de ses recherches sur le vide. On est surpris, en revanche, de voir le rôle joué dès les débuts par des principes généraux que l’on serait tenté de croire postérieurs aux idées particulières. Ainsi, l'impossibilité du mouvement perpétuel, recon- nue dès le xvi° siècle, a servi à établir les lois du plan incliné, puis les principes de l'Hydrostatique. Tout cela est intéressant à titre de document sur:le développement général de l'esprit humain. La tendance actuelle de l’enseignement de la Méca- nique semble être un léger et salutaire retour à la con- ceplion expérimentale. Les lecteurs de l'excellent ouvrage de M. Mach en deviendront des adeptes fer- vents. Cu.-Ep. GUILLAUME, Physicien au Bureau international des Poids et Mesures. À BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 921 Bouasse (H.), Maître de Conférences à la Faculté des Sciences de Toulouse. — Sur la torsion des fils fins. — (Thèse pour le Doctorat de la Fuculté des Sciences de - Paris.) 1 vol. in-8° de 64 pages. Gauthier- Villars et fils, éditeurs. Paris, 1897. | 2° Sciences physiques Depuis longtemps déjà d'illustres géomètres ont édifié des théories de l'Elaslicité, et de nombreux expé- rimentateurs, qui comptent parmi les plus habiles, se sont attachés à résoudre quelques-unes des multiples questions que l’on rencontre dans ce sujet; cependant encore les constructions établies sur ce domaine s’ap- puient sur des fondements mal connus, et les bases . manquent de solidité. S'il est vrai que la Thermodyna- . mique permet de nos jours d'étudier d'une facon plus . synthétique un chapitre si important de la Physique, il n'en reste pas moins très important d'examiner de près les hypothèses sur la constitution des corps, qu'ad- mettent les théories mécaniques de l'Elasticité. C'est ce qu'a fait M. Bouasse dans son beau travail, pour un point particulier du moins, en étudiant, avec la pénétration d'un rare esprit scientifique, la torsion des fils fins. Commele ditl’auteur, son mémoire est un com- mentaire des recherches classiques de Coulomb sur le sujel.Par ses vues théoriques et par ses expériences, Cou- lomb avait été amené à conclure que « les parties inté- grantes d'un métal ont une élasticité qu’on peut regarder comme parfaite (c'est-à-dire que les forces nécessaires pour comprimer ou dilater ces parties intégrantes sont proporlionnelles aux dilatations ou compressions qu'elles éprouvent), mais qu’elles sont liées entre elles par la cohérence, quantité constante et absolument dif- férente de l'élasticité » ; et, ajoutait-il, ce qui prouve qu'il faut distinguer la cause de l'élasticité, de l'adhérence, c'est qu'on peut faire varier la cohérence à volonté par le degré de recuit, sans altérer pour cela l’élasticité. M. Bouasse à fait construire un appareil établi avec fous les soins que l’on sait apporter de nos jours aux instruments de haute précision; le fil à étudier est ins- tallé dans des conditions de parfaite stabilité, il est tou- jours fixé d'une facon identique, la mesure des couples de torsion se fail avec une sorte de dynamomètre bifi- laire, les rotations sout examinées optiquement. Pour recuire le fil, l’auteur se sert d'un courant électrique qui l’échauffe en le traversant; malheureusement il n'est guère possible de connaître la température à laquelle le fil a été ainsi porté (le passage du courant ne peut-il pas produire d’ailleurs d’autres modifications moléculaires?), el M. Bouasse énonce simplement le recuit du fil par l'intensité du courant en ampères et sa durée en secondes. On ne saurait ici suivre l’auteur dans le développe- ment logique de son mémoire, où l'expérience est guidée à chaque pas par de précises considérations mathéma- tiques; toutes les questions bien analytiquement posées sont étudiées avec ordre et méthode, et, en résumé, M. Bouasse arrive à celte conclusion, qu'au moins pour le platine, la seule manière de construire une théorie de l'Elasticité, applicable aux déformations petites, est d'introduire des liaisons non rigides entre les particules intégrantes (supposées parfaitement élastiques et dont les déformations sont proportionnelles au couple),et la variable indépendante temps. Le mémoire de M. Bouasse doit être considéré comme un premier chapitre d'une étude plus importante ; il est évident que des résultats trouvés seulement pour le pla- tine ne sauraient suffire à édifier une théorie générale ; des déformations autres que celles étudiées doivent aussi être examinées. Mais l’auteur nous promet une suite à son travail, et l'extrême finesse, la remarquable profondeur de vue dont il à fait preuve, nous per- mettent d'espérer qu'il fournira un jour une base solide pour la construction d'une théorie tout à fait satis- faisante de l’Elasticité. LUCIEN PoINCARÉ, Chargé de Cours à la Sorbonne. REVUE GENÉRALE DES SCIENCES, 1897. Seyewetz (A.), Chef des Travaux à l'Ecole de Chimie industrielle de Lyon, et Sisley (A.), Chimiste-coloriste. — Chimie des Matières colorantes artificielles (2, 3°, 4° et 5° fascicules), — 1 vol. in-8° de 822 pages. (Pric : 30 fr.) G. Masson et Ci, édileurs. Paris, 1897. Comme de nombreux auteurs se sont efforcés de le démontrer récemment, la Chimie en général et l’indus- trie des matières colorantes en particulier se trouvent en France dans un élat d'infériorité incontestée. Il est donc de notre devoir de signaler aux lecteurs de la Revue génerale des Sciences les efforts qui se font actuel- lement pour relever le niveau de cette industrie qui fut jadis une industrie nationale. Nous avons déjà parlé, lors de son apparition, du pre- mier fascicule du livre de MM. Seyewelz et sley, fasci- cule consacré aux matières azoïques. L'ouvrage, complet à l'heure actuelle, se compose de cinq livraisons for- mant un volume de plus de 800 pages. Au sujet des matières colorantes hydrazoniques, dont la tartrazine reste toujours le type, les auteurs insistent tout particulièrement et avec raison, selon nous, sur les analogies existant entre les hydrazines et les composés oxyazoiques. Rappelons, en parlant des colorants nitrosés du type de la chlorine, que MM. Seyewetz et Lumière en ont fait récemment une étude toute spéciale, montrant les pro- priélés développatrices du produit de réduction de la chlorine et appliquant ce dernier à la technique photo- graphique. Les dérivés de l'anthracène avec l’alizarine ou garance artificielle et les nombreux représentants des oxyqui- nones sont analysés avec de nombreux détails. On est frappé, à la lecture de ce chapitre, de voir que ces couleurs qui, en 1868, ne comptaient qu'un seul représentant, l’alizarine de Graebe et Liebermann, pos- sèdent actuellement toute la gamme des tons : du jaune (galloflavine) au rouge (alizarine) et au violet (cya- nines), au bleu (bleu d'anthracène) et au vert (céruléine). Cette série des couleurs surpassant en beauté, en solidité et en bon marché toutes les couleurs naturelles, a été le résultat du travail de moins de trente années! Tout un chapitre est consacré à l'indigo, dont la fa- brication synthétique est loin d’être aussi avancée que celle de la garance artificielle. On en fabrique cepen- dant de petites quantités sous le nom de sel d'indigo et d'indophore, et il est probable que d'ici à quelques an- nées le produit artificiel pourra-lutler avec succès contre le produit naturel. Comme nous l'avons déjà fait remarquer dans notre premier comple rendu, les auteurs emploient le sym- bole N pour l'azote, suivant en cela l'exemple du plus grand nombre. On verra par la lecture du chapitre traitant les colorants du groupe de la quinoneimine quelle simplification énorme entraîne la substitution de N à Az pour énoncer graphiquement les noyaux aziniques si compliqués. Nous ne pouvons que féliciter les auteurs de cette heureuse innovation en souhaitant que cet exemple soit suivi par les chimistes de la jeune Ecole. Les treize chapitres qui constituent celte imporlante publication sont tous traités suivant un ordre unique; les matières colorantes sont examinées au point de vue de leurs modes d’obtentions, de leurs propriélés et des relations existant entre ces propriétés et leur cons- titution. Chaque étude générale des divers chapitres est suivie d'un tableau descriptif des principales ma- tières colorantes de la classe, donnant, outre le mom commercial etscientilique, leur formule de constitution et mode d'obtention ainsi que les indications de litté- rature relative aux brevets, enfin les principaux carac- tères analytiques des couleurs. A la suite de chaque tableau, les auteurs ont donné dans ses moindres détails une préparation type conve- nablement choisie; ces préparations constituent des exercices pratiques parfaits pour le jeune étudiant. Dans le but de rendre plus faciles les recherches de Ds 22 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX littérature postérieure à la publication, les auteurs, de même que dans le Traité de Chimie organique de Beils- tein, ont inscrit la date exacte de la mise en pages au haut de chaque folio. L'ouvrage de MM. Seyewetz el Sisley est un ouvrage bien fait, rédigé avec soin et conscience, contenant de nombreux aperçus nouveaux, et dont la place est dési- gnée aussi bien dans la bibliothèque du savant que sur la table de laboratoire du chimiste ou du fabricant de matières colorantes. GEORGE-F, JAUBERT, Docteur ès sciences. 3° Sciences naturelles Gaubert (Paul), Attaché au Muséum d'Histoù'e natu- relle. — Minéralogie. (Collection de l'Histoire natu- relle de la France.) — 1 vol. in-16 de 260 pages avec 120 gravures et 18 planches en couleurs. (Prix : 5 fr.) Deyrolle fils, éditeurs, 46, rue du Bac. Paris, 1897. Le petit volume que nous présentons au lecteur ne saurait avoir la prétention de prendre place à côté des grands traités de Minéralogie, dont plusieurs excel- lents ont été publiés en langue francaise. IL s'adresse particulièrement aux personnes qui veulent s'initier aux études minéralogiques et connaître les minéraux francais. Aussi, la description des espèces ne comprend que les données relatives aux caractères extérieurs et les essais au chaluméau permettant de faire les déter- minations. Les propriétés optiques et cristallogra- phiques ont été à dessein laissées de côté. Des planches en couleur très bien réussies ajoutent à l'agrément du texte en donnant la représentation des minéraux les plus importants. Le livre de M. Gaubert propagera cer- tainement le culte de la Minéralogie dans notre pays, soit parmi les jeunes gens, soit parmi les personnes déjà versées dans d'autres branches de l’histoire natu- relle ; il contribuera peut-être ainsi à amener la décou- verte de nouveaux gisements francais. L. BourGEois, Répétiteur à l'Ecole Polytechnique. De Loverdo (Jean), Ingéniewr-Agronome. — Le Ver à soie. Son élevage. Son cocon. — 1 vol. in-18 de 212 payes avec figures, de l'Encyclopédie scientifique des Aide-Mémoire dirigée pur M. H. Léauté. (Prix : broché, 2 fr. 50; cartonné, 3 fr.) G. Masson et Gauthier-Villars, éditeurs. Paris, 1897. Voilà un petit livre comme il en faudrait beaucoup pour l'éducation de nos agriculteurs. On sait que le régime protecteur sous lequel nous vivons a fait déve- lopper, d’une manière qui devient inquiétante pour l'équilibre de notre budget, le système des primes qui entraine avec lui l’apathie et la routine chez les pro- ducteurs, Si, au lieu de ces primes, on répandait un peu plus l'instruction technique, ces mêmes produc- leurs n'auraient pas besoin d'une protection aussi lâcheuse pour leur dignité que pour le développement de l’industrie. Or, nous dit M. de Loverdo, « peut-être « la moitié de nos 160.000 éleveurs (de ver à soie) fran- « cais gouvernent encore ces insectes suivant les us « el coutumes d'autrefois; ils ne soupconnent même « pas qu'on puisse, au lieu de 30 ou 35 kilos de cocon « à l’once, en récolter 50 à 60 avec certains soins, mais « sans dépenses notablement supérieures à celles qu'ils « font déjà ». Le livre de M. de Loverdo est à la fois clair et instruc- tif. Dans une première partie, l'insecte est étudié aux diverses phases de son développement, et une deuxième partie de l'ouvrage est consacrée à l'élevage industriel du ver à soie, L'histoire du cocon et de ses produits lorme Ja troisième partie. Nous répétons qu'il serait bon de voir ces notions scientifiques répandues dans les milieux où se fait l'éducation du précieux insecte. Dr H. BEAUREGARD, Assistant au Muséum, Arthus (Maurice), Professeur de Physiologie et de Chimie physiologique à l'Université de Fribourg (Suisse). — Eléments de Chimie physiologique, 2° édition. — 4 vol. in-16 de 357 pages. (Prix : 4 fr.) G. Masson et Cie, éditeurs. Paris, 1897. ’ La Chimie occupe une place de jour en jour grandis- sante dans les préoccupations des biologistes, etrien ne trahit mieux cet état de choses que la multiplicité des ouvrages et, par-dessus tout, la faveur qui les accueille dans le public scientifique. À mesure que la Chimie physiologique se développe, la science s'enrichit de publications nouvelles. C'est ainsi que les Eléments de Chimie physiologique de M. Arthus, rapidement épuisés, viennent d'être édités à nouveau. L'auteur nous pré- vient qu'aucun remaniement fondamental n'a élé ap- porté à l’ouvrage,mais seulement quelques rectifications ou modifications de détail. On sait quel est l’écueil contre lequel viennent se briser la plupart des auteurs qui écrivent des traités de Chimie physiologique : physiologistes purs, ils ne parlent des choses de la Chimie qu'avec une compé- tence imparfaite; chimistes, ils donnent aux notions purement chimiques un développement que le sujet ne comporte pas el qui nuit aux données physio- logiques. M. Arthus à presque toujours su éviter ce double inconvénient, et nul peut-être n'était mieux placé que lui pour sortir avec avantage d'une pareille épreuve. Ses Eléments de Chimie physiologique ne constituent pas un traité didactique, au vrai sens du mot; ils ont été dépouillés de l'appareil rébarbatif des formules. Les cinq premiers chapitres, en particulier, contiennent un exposé, incomplet sans doute, mais très suffisant et dans tous les cas très clair, des généralités chimiques indispensables à l'intelligence du volume : les matières minérales, les graisses, les hydrates de carbone, les matières protéiques, les fermentations. À propos des albumines, on aimerait voir l’auteur un peu plus scep- tique sur les classifications dans ce groupe de corps; peut-être n'est-il pas assez convaincu de l'inanité des différenciations basées sur l’action des sels alcalins ou alcalino-terreux. A ces premiers chapitres fait suite une histoire du sang, où l'exposé de nos connaissances actuelles sur la coagulation est naturellement fort bien fait. La lym- phe, les exsudats el transsudats viennent après; puis le muscle, le foie, la bile, les tissus conjonctifs et nerveux, les aliments, le lait, les diverses sécrétions du tube digestif, entin l'urine. Peut-être l’histoire du foie et celle de la bile eussent-elles gagné à être rap- prochées des sécrétions gastrique et intestinales, tant sont étroits et multiples les liens qui rattachent le foie à la nutrition générale. Mais ce n'est là qu'une critique de détail. Les Eléments de Chimie physiologique n'ont pas la pré- tention d'apporter un exposé complet de la science, encore moins des nombreuses applications de la Chimie à la Pathologie ou à la Clinique; ils ne constituent pas davantage un précis didactique; mais ils résument en quelques pages vigoureusement ramassées et très clairement écrites, les notions chimiques nécessaires à tout étudiant en Physiologie. Nulle part on ne trouve aussi bien condensé cet enseignement aujourd'hui in- dispensable. Le succès d'une première édition épuisée en deux ans, présage de l'accueil réservé à la seconde par les biologistes et les médecins. D' L. HUGOUNENOQ, Professeur à la Faculté de Médecine de Lyon. Heckel (Edouard), Professeur à la Faculté des Sciences et Directeur de l'Institut colonial de Marseille. — Les Plantes médicinales et toxiques de la Guyane française. (Catalogue raisonné et alphabé- tique). 4 vol. in-8 de 96 pages. Protat frères, imprimeurs, Mûron, 1897. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ST INDEX 4° Sciences médicales Mason (\W\.-P.), Membre de la Sociélé Chimique américaine. — Water - Supply (Distribution d'eau considérée principalement au point de vue sanitaire). — 1 vol. in-8° de 503 pages. (Prix : 2%5 fr.) J. Wiley, éditeur. New-York, 1897. L'eau bue par les populations exerce une grande influence sur la mortalité et la propagation des épidé- mies lyphoïque et cholérique ; c’est ce que l’auteur prouve à l’aide de documents rassemblés, pour un grand nombre d'exemples, parmi les villes américaines, en comparant les états statistiques de mortalité et les régimes, composition et nature des eaux distribuées. Le livre est entièrement rédigé sur ce plan; c'est surtout un recueil de faits à l'appui d’une thèse; l'au- teur traite successivement des diverses espèces d'eaux utilisées pour l'alimentation de l’homme : eaux de pluie, de la fonte des neiges, de rivières, de drainage, de puits, ete... Parmi les chapitres relatifs à l'épuration des eaux, nous signalerons une étude des différents moyens mis en œuvre pour arriver à purifier les eaux de distribution; l'étude comprend une descriplion très complète des filtres de Londres, du procédé Auderson fagipuion de l'eau avec des ferrailles et oxydation à air de l'eau traitée), et donne quelques renseigne- ments sur l’épuration électrique, toute nouvelle et en- core à l’état embryonnaire. A mentionner encore un résumé des méthodes chi- miques et bactériologiques en usage pour se rendre compte de la valeur hygiénique d’une eau de boisson. Cet ouvrage peut rendre quelques services aux hygié- nistes en les mettant au courant de ce qui se passe en Amérique, pays de progrès où les ingénieurs, fondant des villes de toutes pièces, ont eu toute facilité pour ap- pliquer les dernières ressources de l’art sanitaire. M. Mouinié. Courmont (J.), Professeur agrégé à la Faculté de Mé- decine de Lyon, médecin des Hôpitaux. — Précis de Bactériologie pratique. — 1 vo/. in-16° de 476 pages avec 235 figures. (Collection Testut.) (Prix, relié : T fr.) O. Doin, éditeur. Paris, 1897. Voilà un livre bien francais par sa clarté, sa netteté, sa précision, en même temps que par son élégance et sa simplicité. Il veut être un Précis de Bactériologie : il justifie ce titre; mais, en outre, il contient une série de notions générales relatives aux grandes questions de l’immunité, des modes d'action des toxines, de Ja sérothérapie, si bien que ce Précis rend les services qu'on demande à un livre plus développé.— Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement. : telle est la raison des qualités de cet ouvrage : nul n'ignore la haute compétence de l’auteur. On rencontre trop souvent en médecine des hommes qui, appelés à s'occuper d'un sujet, se croient obligés de rédiger sans retard des volumes concernant ce sujet, d'écrire avant d'apprendre ; il en est d’autres, heureuse- ment, qui triturent, malaxent, épurent la matière avant de confectionner leur œuvre, qui s'instruisent avant d'écrire. Le travailleur de laboratoire trouvera, dans les pre- miers chapitres consacrés à la technique, tous les ren- seignements qu'exige une instruction pratique; il est difficile de rencontrer un groupement à la fois plus complet et plus sommaire, plus détaillé et plus clair. Les procédés de stérilisation, les différents modes de chauffage, de filtration, l'emploi des antiseptiques, les milieux de culture, naturels ou artificiels, liquides ou solides, comme le sang, le sérum, l'urine, le lait, les sérosités, etc., ou le blanc d'œuf, la pomme de terre, la gélatine, la gélose, le pain, ete., toutes ces notions occupent, dans ces pages, une place proportionnée à leur importance. — La description des étuves graudes ou petites, des thermo-régulateurs de pres- sion à gaz ou simplement métalliques, des brûleurs électriques ou à fermeture automatique, fait suite à celle de ces milieux de culture; elle est complétée par des considérations relatives au mode d'isolement des microbes. Le chapitre qui à trait aux anaérobies, aux procédés d'absorption de l'oxygène, à la mise en jeu de l'ébulli- tion, des corps oxydables, des gaz inertes, etc., contient des renseignements nulle part aussi parfaitement me- surés.Il est également impossible de résumer plus com- plètement les caractères d'une culture : odeur, couleur, gaz, ete.; ceux d’un microbe:forme, cils, colorations,elc. — C'est à ce sujet que l’auteur donne des détails sur les microscopes, sur les condensateurs, sur les modes d'inoculation, elc., ete. L'hygiéniste a sa part dans les pages qui concernent la répartition des infiniment petits dans les milieux liquides, dans l'air ou le sol; il goûtera à cette lecture la sagesse de la critique relative au séjour du bacille d'Eberth dans l’eau. Il n'est pas fréquent, semble-t-il, de lire des histo- riques écrits avec impartialité ; or, à cet égard, l'exposé des attributs des toxines mérite tout éloge. La part de l'Ecole de Lyon, qu'on pourrait encore, au point de vue qui nous occupe, appeler l'Ecole de Chauveau, se trouve magistralement mise en lumière.— L'idée des produits solubles, celle de la vaccination par addition, théorie soutenue contre la doctrine de la soustraction, longtemps mise en avant par Pasteur, for- ment le patrimoine de cette Ecole de Lyon, qui nous a, en outre, appris le rèle de l'élément quantité en matière de virus, aussi bien que celui de la porte d'en- trée : Chauveau, qui ne peut conférer le charbon bac- téridien aux moutons d'Algérie, réussit dans le cas où il triple les volumes introduits. D'un autre côté, il nous apprend que le mal offre les variétés d'aspect, de gravité, suivant la voie suivie par le moteur éliologique. C'est aussi à celte Ecole qu'on doit, en dehors de ce qui revient à Pasteur, les tentatives premières de vac- cination. — A cet égard, le chapitre xvi renferme une foule de documents traitant de l'immunité, des procédés d'atténuation par la chaleur, l'oxygène, les antisep- tiques, la lumière, le vieillissement, la dessiccation, les passages, ete. — Il n'est, d'ailleurs, que juste de dire que la science est redevable à l'auteur d'une partie de ces documents, en particulier de la notion des toxines prédisposantes à longue échéance. A côlé de l'homme de laboratoire, à côté de celui qui désire connaître les doctrines générales, le praticien, en parcourant les chapitres XVI, XVII, fait également sa moisson. — Courmont, en effet, expose les procédés à suivre pour déceler telle ou telle bactérie, dont la présence entraine le diagnostic : examen des germes, des cultures, des humeurs, du sérum, inoculation, etc. : lout est indiqué à propos de la tuberculose, de la morve, de la fièvre typhoïde, du choléra, etc., etc. J Le livre se termine par l'historique de la sérothérapie et sa mise en pratique. — Là encore on retrouve les marques d'une impartialité indiscutable. Certes, la crande découverte est, avec raison, attribuée à Behring et Kilasato, à eux, à eux seuls. Toutefois, les essais pratiques de Ch. Richet et d'Héricourt, du professeur Ch. Bouchard employant le premier le sérum seul, les données de Charrin et Roger, d'Arloing, de Cour- mont, etc., sur les propriétés des humeurs des vacci- nés, etc., toutes ces notions, véritables avant-coureurs, sont groupées à cette occasion. , L On le voit, le plan, bien conçu, est bien exécuté. — L'ouvragecommence — rappelons-le — par l'énuméra- tion des objets nécessaires à l'étude des bactéries; il vous indique où elles sont, ce qu'elles sont, comment on les cultive, comment on les isole, comment on les examine, comment on les inocule, comment on les atténue; il vous montre ce que font ces bactéries dans diverses maladies, par quels principes elles interviennent, par quels composés on les combat. . | Le fond et la forme de ce livre sont dignes de celui qui l'a signé. D' A. CHARRIN, Professeur remplaçant au Collège de France. © Lo ri ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 2 Novembre 1897. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Ch. André donne les résultats des observations de l’occultation du groupe des Pléiades par la Lune, faites à l'Observatoire de Lyon ie 13 octobre 1897. — M. L. Cruls adresse ses observations de la comète Perrine 1896 (2 nov.) faites à l'Observatoire de Rio-de-Janeiro. — M. H.-G. Zeu- then donne une nouvelle démonstration du théorème fondamental de la Géométrie projective : Si cinq des sommets d'un quadrilatère plan et complet se trouvent sur des droites données qui ne se rencontrent pas, le sixième sommet se trouvera sur une droite déterminée par les autres. — M. E. Goursat indique une méthode de détermination des intégrales d’une équation aux dérivées partielles par certaines conditions initiales. — M. C. Guichard étudie le problème de M. Bonnet sur les congruences et les réseaux et montre son rapport avec la recherche des surfaces isothermiques. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. J. Violle montre les ser- vices que l'ascension d'un ballon-sonde, pourvu d’un actinomètre, pourrait rendre à l’actinométrie. En effet, le ballon peut atteindre à des hauteurs trois ou quatre fois grandes comme le Mont-Blanc, où la pression est très faible et où il n'y a plus ni humidité, ni poussières. Dans ces conditions, l'étude de l'intensité et de la na- ture de la radiation solaire se ferait beaucoup mieux qu'à la surface de la Terre. — M. A. Leduc donne les formules qui représentent la compressibilité des gaz à diverses tempéralures et au voisinage de la pression atmosphérique. — M. H. Wilde indique la place de l’argon et de l'hélium dans ses familles naturelles d’élé- ments; d'après lui, l'argon, avec un poids atumique A, prendrait place entre l'azote et le silicium; l’hélium est peut-être un mélange dont les deux constituants for- meraient la tête de deux séries d'éléments. — MM. H. Moissan et P. Williams ont étudié la préparation et les propriétés des borures alcalino-terreux. Les trois mélaux alcalino-terreux : calcium, baryum et stron- tium, fournissent avec le bore des composés de for- mule BofR. Cette formule est identique à celle des azotures de Curtius. Ces combinaisons sont parfaite- ment cristallisées; elles rayent le rubis, possèdent une grande stabilité, ne décomposent pas l’eau froide comme les carbures et sont détruites surtout par les oxydants. Elles ne sont donc point comparables comme composition et comme propriétés aux carbures et aux siliciures alcalino-terreux. — M. R. Engel, étudiant les acides stanniques, conclut : 14° L'acide métastannique pur, isolé d’un métastannate ou du chlorure de métas- tannyle et desséché dans le vide sec, a la composition (Sn O°}5, 5H°0 (11 0/, d’eau). 2 L’acide stannique, isolé du chlorure stannique et essoré, a pour formule Sn0°. 4H°0 (22 0/, d’eau). 3° Le produit obtenu par dessicca- tion de l'acide stannique et nerenfermant plus que 8 °/« d’eau contient de l'acide métastannique et du stannate de métastannyle. — M. H. Baubigny emploie la fluo- rescéine pour la recherche de traces de brome dans un mélange salin; le bromure est décomposé par le permanganale de potassium et le sulfate de cuivre et le brome entraîné par un courant d'air sur un papier imbibé de flaorescéine; la teinte jaune passe immédia- tement au rose par suite de la formation d’éosine; on peut reconnaitre ainsi jusqu'à un milligramme de brome. — M. P. Freundler à constaté l'identité cristal- lographique des asparagines dextrogyre et lévogyre, conformément à la loi de Pasteur et contrairement aux récentes conclusions de M. Walden. — M. C. Gerber a vérifié la transformation des matières sucrées en huile dans les olives par l'étude du quotient respiratoire. Les olives présentent, lorsque la proportion de mannite diminue et que celle de l'huile augmente, un quotient supérieur à l’unité. Ce quotient est dû à la formation, dans l’olive même, de l'huile aux dépens de la mannite. 30 SCIENCES NATURELLES. — M. L. Daniel à étudié un procédé de greffe qu'il appelle greffe mixte et qui con- siste à laisser à demeure des pousses au sujet en sur- veillant leur développement et en empêchant, par une taille raisonnée, le sujet de tuer le greffon ; ce procédé doit être employé quand on veut réussir plus facile- ment des greffes entre plantes présentant des diffé- rences physiologiques marquées. — M. A. Prunet «a observé le développement du black-rot sur les divers organes de la vigne; ce sont les organes verts qui, à une certaine période du développement, sont atlaqués ; les grains peuvent être attaqués à tout âge. Ce sont donc les jeunes feuilles et les extrémités de sarments qui doivent être recouvertes de substances protectrices. — M.9J.-J. Andeer montre la présence des ostioles dans tous les organes. Si leur sécrétion est arrêtée ou, qu'au contraire, elle soit trop abondante, on voit se produire une série d’élats pathologiques. — M, Jules Welsch étudie les sables et grès à Sabalites andega- vensis de l’ouest de la France; il montre qu'ils sont d'origine marine ; ils appartiennent au Crétacé supérieur et non pas à l’époque tertiaire. La transgression séno- nienne est ainsi mise en évidence dans le sud-ouest du Bassin de Paris. Séance du 8 Novembre 1897. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — MM. Rambaud et Sy adressent leurs observations de la comète Perrine (oct. 1897), faites à l'Observatoire d'Alger, à l'équatorial coudé. — M. R. Baire établit les théorèmes suivants : Si une fonction de deux variables, déterminée dans une certaine région, est continue par rapport à chacune d'elles, il existe dans toute aire des points en chacun desquels la fonction est continue par rapport à l’en- semble des deux variables. Dans les mêmes conditions, la succession des valeurs prises par la fonetion sur æ—7y forme une fonction d’une variable qui est ponc- tuellement discontinue. — M. A. Liapounoff énonce deux théorèmes sur le potentiel de la double couche. — M. Mascart communique des copies des lettres de Maupertuis relatives à la mesure de la Terre, 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. Henri Becquerel montre que le phénomène de Faraday et le phénomène de Zeeman peuvent être expliqués par l'hypothèse d'un mouvement tourbillonnaire de l’éther lumiueux.Le phé- nomène de Faraday se prête, dès maintenant, à des véri- fications multiples; pour le phénomène de Zeemann, de nouvelles déterminations sont nécessaires. —M, André Broca a fait de nouvelles expériences très délicates relatives à l’action du champ magnétique sur un rayon polarisé ; il a constaté que cette action était nulle ou qu'en tout cas elle se produisait sans changement de période. — M. H. Pellat montre que, dans l'étude des transformations isothermes, on ne tient compte géné- ralement que du travail des forces extérieures, en négligeant les quantités de chaleur que le système doit prendre ou céder au milieu ambiant pour maintenir sa température constante. L'auteur ealeule l'erreur qui en résulle pour cerlains problèmes particuliers. — M. Abel Buguet montre que la dissémination et le retour des rayons X ont souvent pour effet de voiler au dos les plaques radiographiques; il est utile de les pro- ———_——_———_———_—_—_—_—_ | ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES : À téger par derrière au moyen d'une feuille de plomb. — M. A. Leduc à trouvé les formules qui donnent les volumes moléculaires et les densités des gaz en général à toute température et aux pressions moyennes. — M. H. Wilde communique sa table des éléments, dis- posée avec les poids atomiques en proportions multiples, — M. H. Wilde, en faisant jaillir des étincelles entre des électrodes de thallium dans l'oxygène pur, a ob- servé au spectroscope de nouvelles lignes ; deux d'entre elles (7760 et 7761) appartiennent à l'oxygène; une troisième (6955) appartient au thallium. L'auteur à, d'autre part, observé encore une nouvelle ligne rouge (6560), caractéristique du thallium.—- M. M. Berthelot a étudié l'influence de composés avides d'eau sur la combinaison de l'hydrogène avec l'oxygène. Le gaz chlorhydrique, le fluorure de bore, l'anhydride sulfu- reux, l’anhydride phosphorique à froid et jusque vers 280°, ont peu ou point d'action sur la combinaison des deux gaz. — M. R. Engel a observé l'action de l'acide azotique sur l'étain; avec de l'acide assez dilué, il se produit l'azotate stanneux ; avec de l'acide peu dilué ou concentré, il se produit de l'azotate slannique, qui se précipite si la concentration est forte. Mais les azotates ainsi formés se décomposent bientôt en présence de l’eau, et il se forme de l'acide stannique et un azotate basique. Si l’on fait bouillir, on obtieut de l'acide mé- tastannique et de l'acide parastannique. — M.H. Causse a conslaté que la phénylhydrazine, ou son chlorhydrate, en milieu acélique, est oxydée par l'acide arsénique avec formation d'azote, de phénol et d'acide arsénieux. La réaction est quantitative. On peut done, en titrant par l'iode l'acide arsénieux formé, déduire la quantité de phénylhydrazine. La réaction a lieu également avec les hydrazones. — M. J. Moitessier a obtenu de nou- elles combinaisons de phénylhydrazine avec les chlo- rures et sulfates de cobalt et de nickel; elles reufer- ment % ou 5 molécules de phénylhydrazine pour une molécule de sel. L'auteur a obtenu également des combinaisons de phénylhydrazine avec les sels de lithium. — MM. Camille Vincent et Delachanal ont observé que le ferment du sorbose, en se développant dans un milieu renfermant de la mannite, l'oxyde en donnant du lévulose. —- M. A. Collet, en faisant réagir les chlorures de chloracétyle et de bromacétyle sur le benzène monochloré ou monobromé, en présence du chlorure d'aluminium, à obtenu les dérivés dichlorés, dibromés ou chlorobromés de la méthylphénylcétone. — M. Alberda van Ekenstein a constalé que la carou- binose decouverte par M. J. Effront n’est autre chose que la d. mannose. La différence des pouvoirs rotatoi- res provient de ce que la caroubinose est impure et probablement mélangée avec une bihexose encore inconnue. — M. Th. Schlæsing fils a conslalté que l'argon n'a pas d'influence sur la végétation; les plan- tes cultivées dans une atmosphère exempte de ce gaz ne diffèrent pas des plantes normales. 3° SCIENCES NATURELLES, — M. Ch. Julien a observé, à l'Ecole de Grignon, une maladie redoutable pour les moutons, la strongylose; elle est due à la présence, dans la caillette, d'une infinité de petits vers néma- toides (Strongylus contortus) qui sucent le sany de leur hôte et le font périr par anémie. Le traitement a con- sisté en administrations de benzine et d'acide arsé- nieux, puis de purgalifs, puis de reronstiluants. La maladie a fini par disparaître. — M. Louis Mangin à constaté, chez les Sterculiacées, outre la formation nor- male de la gomme dans les canaux ou lacunes de la moelle et de l'écorce, la présence de canaux gommeux dans le bois, d’où la gomme s'échappe en abondance dès qu'on les coupe fransversalement. Cette gomme se forme aux dépens des membranes des cellules de bor- dure des canaux. — M. Joseph Perraud a noté les époques des invasions de black-rot dans le sud-est de la France en 1896 eten 1897; il montre que ces inva- sions sont étroitement reliées aux conditions climalé- riques. — M. E. Roze a constaté que la maladie du bulbe du safran connue sous le nom de (acon est due 925 au parasitisme du Pseudoëommis. La deslruelion du bulbe est favorisée par la présence d’Acariens du genre Tyroglyphus et d'une levure qui produit la fermentation alcoolique de Ja fécule, — M. C. Gerber, par l'étude des quotients respiraloires, montre que la formation des réserves oléagineuses des fruits et des graines a lieu aux dépens des matières sucrées. — M, N. Gré- hant a constaté que, chez le chien, le sang a fixé en deux heures la cinquième partie du volume d'oxyde de carbone qui avait cireulé dans les poumons. — M. Ch.- Am. Pugnat à trouvé que la fatigue se traduit dans les cellules nerveuses par une diminution de volume du corps cellulaire et du noyau, et par la disparition de la substance chromatique du protoplasma. — M. Joannes Chatin, en étudiant la selérotique de divers Sauriens, y a observé des formes variées du tissu carli- lagineux, mais qui présentent une incontestable pa- renté histique. — M. J.-J. Andeer décrit les ostioles du système cérébro-spinal. Louis BRUNET, ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 2 Novembre 1897. M. Trasbot fait remarquer, à l'occasion du rapport sur les épidémies, que la fièvre typhoide humaine et la fièvre lyphoide du cheval sont deux affections bien distinctes, n'ayant aucune liaison entre elles. — M. Berger lit le rapport sur le prix Godard. — M. J.-V. Laborde lermine sa communication sur les relations de la cirrhose du foie avec l'action du vin et de l'alcool. IL cherche à montrer d'abord que, dans l'alcoolisme proprement dit, en dehors de toule intervention du vin, le foie est toujours atteint de cir- rhose. Discutant ensuite les expériences de M. Lance- reaux, il constate que les doses de sels de potasse admi- nistrées par lui aux animaux en expérience n'élaient pas suffisantes; les sels de potasse se trouvent d'ailleurs en assez forte proportion, daus un certain nombre d'aliments que nous absorbons tous les jours, et on n’a pas remarqué jusqu'à présent qu'ils aient produit de la cirrhose. — M. Lancereaux communique des lettres de médecins de province qui affirment que la cirrhose est rare, dans les pays de vignobles, — où règne l’alcoo- lisme, — quand le vin absorbé est naturel. — M. le D' Penières lit un mémoire sur un nouveau traitement des tuberculoses chirurgicales. Séance du 9 Novembre 1897. M. Grancher lit le rapport sur le Prix Alvarenga, M. Marty celui du Prix Nativelle, M. Motet celui du Prix Herpin, M. Ch. Monod celui du Prix Laborie, SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 6 Novembre 1897. M. Bouchard communique ses recherches sur le dosage de l'azote et du carbone total éliminés aux dif- férentes heures du jour. — M. Rénon a soumis des lapins à des intoxications successives par toxique miuéral et toxiques microbiens (plomb, luberculine et toxine diphtérique). L'intoxicalion antérieure favorise l'intoxicalion suivante faite par un toxique différent. Les lésions des différents toxiques se superposent suc- cessivement daus les organes. — M. Thiroloix a cultivé un microbe retiré du sang d’un rhumatisant, puis la injecté à un lapin; celui-ci présente un souffle cardiaque des plus manifestes, — MM. A. Rodet et J. Nicolas ont injecté divers gaz dans le tissu cellulaire sous-cutané ou dans le périloine. L'air se charge d'acide carbonique, et S'appauvrit en oxygène. L'acide carbonique, au con- traire, se charge d'oxygène et d'azote. — MM. Lan- douzy et Griffon ont remarqué chez la souris, puis chez une femme, que le pouvoir agglutinant contre le bacille typhique passe de la mère à l'enfant par l'allai- tement. Le tube digestif, qui retient beaucoup de poi- sons et de toxines, laisse done passer la substance ag- glutinante. — M. Thomas est parvenu à faire parler un 926 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES enfant atteint d'aphasie motrice par sa méthode d'édu- cation de la parole. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 6 Novembre 1897. M. A. Cornu indique dans quelles conditions doit se faire l'observation correcte des phénomènes de M. Zeeman et en donne l'interprétation cinématique. Entre les ar- matures d'un électro-aimant, on place un tampon d'amiante imprégné de sel marin sur lequel l’on dirige le dard du chalumeau à gaz oxyhydrique. Cette source éclaire une fente, dont on observe les images dif- fractées données par un réseau de Rowland. Pour étu- dier l'effet produit perpendiculairement au champ, on place la fente au voisinage immédiat de la source et on dispose au foyer de l’oculaire une aiguille métallique perpendiculaire aux raies, que l’on observe à travers un prisme biréfringent de Wollaston. On à alors, au milieu du champ, deux plages, contiguës aux points où le diamètre de l'aiguille a une valeur convenable, dans lesquelles la lumière est polarisée respectivement parallèlement et perpendiculairement à la fente; en dehors de ces deux plages la lumière est naturelle. On voit d'abord une raie continue qui traverse tout le champ, mais quand on excite le champ magnétique, on voit, dans l’une des plages polarisées, apparaître deux raies équidistantes de la raie uuique qui subsiste, avec la position primilive, dans l’autre plage polarisée. Ainsi le champ magnétique décompose une vibration naturelle en trois vibrations rectilignes : l'une, qui conserve la période primitive, est polarisée perpendi- culairement à la direction du champ; les deux autres, qui sont polarisées parallèlement au champ, ont des périodes différentes, dont la demi-somme est égale à la période initiale. Si l’on observe l'effet produit dans le sens du champ magnétique, on forme l’image de la source lumineuse sur la fente au moyen d'une lentille achromatique placée dans le noyau creux d’une des bobines de l'électro-aimant et on ajoute à l’analyseur un mica quart-d'onde. On constate ainsi que, dans le seus du champ magnétique, se propagent deux rayons circulaires, de sens fcontraire, dont les périodes sont les mêmes que celles des deux rayons polarisés pa- rallèlement au champ magnétique; dans le cas précé- dent, tous les effets observés se renversent avec le champ. Si l’on remarque qu'une vibration lumineuse ne se propage que perpendiculairement à sa direclion, on voit immédiatement que les vibrations parallèles au champ magnétique se propagent sans perturbation ; dans le sens perpendiculaire, se propagent deux vibra- tions circulaires de période différente, dont on observe, perpendiculairement au champ magnétique, les seules composantes normales à la direction du rayon. Ce rai- sonnement suppose que l’on regarde, comme le faisait Fresnel, un rayon circulaire comme le résultat de la composition de deux vibrations reclilignes perpendicu- laires entre elles ; si l'on ajoute qu'une vibration rec- tiligne équivaut elle-même à deux vibrations circulaires de sens contraire et de même période et que, dans les idées d'Ampère, une ligne de force magnétique équivaut à l'axe d'un solénoïde dont le pôle austral est à la gauche du courant on arrive à cet énoncé : « L'action d'un champ magnétique sur l'émission d’une radiation tend à décomposer les composantes rectilignes vibra- loires susceptibles de se propager par ondes suivant des vibrations circulaires parallèles aux courants du solé- noide; les vibrations qui tournent dans le sens du courant du solénoïde sont accélérées, celles qui tournent en sens inverse sont retardées. » M. Cornu décrit ensuite des dispositifs qui permettent d'oblenir un ba- lancement rhythmé des raies observées, qui rend plus net les dédoublements; il ajoute que des expériences effectuées avec des prismes ont montré que, sous l’ac- tion du champ magnétique dans lequel elles prennent naissance, les vibrations subissent un changement de période, tandis qu'en traversant un milieu où se produit la polarisation rotatoire magnétique, elles n’éprouvent qu'une variation de ‘ongueur d'onde temporaire, — M. A. Broca a cherché à mettre en évidence l'in- fluence d'un champ magnétique sur la période d'un rayon circulaire. Lorsque Maxwell eut admis qu’un champ ma- gnétique est essentiellement constitué par un mouve- ment de rotation, et expliqué de la sorte la polarisation rotaloire magnétique, la théorie amena à penser que l'action de ce mouvement magnétique sur le mouvement lumineux avait pour effet de faire subir à la période vibratoire une variation dont le signe dépendrait du sens de rolation du rayon circulaire. Les expériences faites sur ce sujet par M. Tait restèrent sans résullat. M. Broca a repris les essais sur la liqueur de Thoulet (iodure de mercure dissous dans une solution aqueuse saturée d'iodure de potassium), avec un réseau de Rowland, en observant la diffraction rasante, pour avoir la dispersion maxima. Dans une expérience où l'on - Je 1 : 2 pourrait apprécier le 300 de la distance des deux raies D, on n’a observé aucun déplacement (rahissant un changement de période. M. Broca a ensuite, sur du verre platiné, d'après le procédé de Kundt, préparé du fer trausparent en déposant, par électrolyse d’un bain d'oxalate double de fer et de potassium, une couche de métal de 0,01 & environ, soit de la longueur d'onde des raies du sodium ; la théorie indiquerait un dé- placement de ces raies, qui les amènerait dans la région du triplet B du magnésium ; on n’a pas pu apercevoir le 1006 de ce déplacement calculé. Il reste done bien établi qu'un rayon circulaire qui traverse un milieu aimanté subit seulement une variation de longueur d'onde temporaire, sans changement de période, — M. Ducretet présente une bobine cloisonnée noyée dans un mélange de paraffine et de résine, et munie d'un interrupteur Foucaull pour expériences de longue durée. Le mercure occupe le fond d'un tube de petit diamètre, qui s’élargit ensuite en une cuvette contenant une épaisse couche d'alcool. C. Raveau. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 1% SCIENCES PHYSIQUES James Dewar, EF. R.S.,et.J.-A. Fleming, F.R. $S. : Note sur les constantes diélectriques de la glace et de l'alcool à de très basses températures. — Dans ces dernières années, divers savants ont pro- cédé à des déterminations précises des constantes dié- lectriques de l'eau et de la glace. Les méthodes employées sont de deux sortes. Les unes, directes, consistent à mesurer le changement de capacité qui se produit dans un condensateur, lorsqu'on substitue l’eau ou la glace à l'air comme diélectrique. Les autres consistent à faire passer des ondes électriques de l'air dans l’eau ou dans la glace, et à mesurer la réduction de longueur d'onde qui se produit; on en déduit l'indice de réfraction et l’on sait, d'après Maxwell, que la constante diélectrique est égale au carré de l'indice de réfraction. La première méthode a été employée en particulier par W. Nernst, qui a trouvé pour l’eau à 170 C. le résul- lat 80,0, et par F. Heerwagen, qui a trouvé dans les mêmes conditions 80,88. Par la seconde méthode, P. Drude a obtenu 80,2 à 17%, et Cohn et Zeeman 79,39, les longueurs d'onde variant de 70 à 560 centimètres. Bien que l'indice de réfraction semble varier légèrement avec la longueur d'onde, les résultats obtenus par l’une et l’autre méthode concordent parfaitement pour l'eau. Il n'en a pas été de même pour la glace jusqu'à pré- sent, M. E. Bouty a trouvé, par la première méthode, la valeur 78,8 pour la glace à — 23° C., et M. R. Blon- dlot, par la seconde méthode, la valeur 2,0 aux envi- rons de 0°, MM. Hopkinson et Wilson ont, d'autre part, établi que les résultats obtenus variaient considérable- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 927 ment suivant la période du courant employé. C'est pour jeter quelque lumière sur les causes de ces difré- rences, que les deux auteurs du présent mémoire ont eutrepris les expériences qui suivent : Les auteurs ont employé la méthode et les appareils dont ils s'étaient déjà servis pour la détermination de a constante diélectrique de l'oxygène liquide ‘. Le con- densateur se composait de trois tubes de cuivre con- centriques ; l'intérieur et l'extérieur étaient reliés et formaient l'une des armatures; le tube intermédiaire formait l'autre armature. Les espaces annulaires com- ris entre les armatures étaient remplis d'eau, qu'on aisait ensuite congeler. L'une des armatures était reliée à une batterie et à un galvanomètre; l'autre armature était en relation avec un interrupteur, changeant . 124 fois par seconde, et qui la réunissait tantôt au gal- vanomètre, tantôt à la-batterie, De cette facon, le gal- vanomètre était traversé par une rapide série de charges électriques, équivalant à un courant continu ; la déviation du galvanomètre mesurait la capacité du condensateur. La température était prise avec un ther- momètre à résistance de platine. La glace était d'abord » refroidie à —— 185°C. (correspondant à — 198° du ther- | momètre de platine) et la capacité du condensateur . mesurée; puis, on augmentait progressivement la tem- _péralure. Avant et après les expériences, on avait soin . de mesurer la capacité du condensateur en rempla- çant la glace par de l'air gazeux à — 1859 C. Voici les résultats obtenus : | TEMPÉRATURE en degrés du thermomètre CONSTANTE de platine diélectrique de la glace (= — 1859 C. — 130,1 (——120C.) Si l'on représente ces résultats par une courbe et qu'on la prolonge vers les basses températures, on constate qu'au zéro absolu la constante diélectrique ne serait pas éloignée de 2,0. On voit, d'autre part, que la valeur de la constante diélectrique de la glace à —185° C. pour une fréquence relativement faible (124 par seconde), n'est pas très différente de celle trouvée pour de la glace à 0° GC. par d'autres observateurs, utilisant les oscillations élec- triques avec des fréquences élevées (plusieurs millions par seconde). Avant d'arriver à des conclusions, il est nécessaire de mesurer la constante diélectrique de la glace et de l’eau à toutes les températures et avec toutes les fréquences. Les auteurs ont ensuite procédé aux mêmes détermi- nations avec de l'alcool éthylique congelé à — 185° C.; la constante diélectrique à cette température est 3,12. A la température ordinaire, d'autres observateurs avaient trouvé des nombres variant entre 25,7 et 30,5 par la méthode des condensateurs, et entre 6,6 et 26,7 4 Voir la Revue générale des Sciences du 15 mars 1897, p. 217 et suiv. * par la méthode de réfraction des oscillations, les lon- gueurs d'onde allant de 8 millimètres à 900 centimètres. Là encore, les déterminations intermédiaires demandent à Ôtre faites. Les expériences des auteurs leur ont permis, d'autre part, d'établir approximativement la résistance de la glace et de l'alcool congelé à diverses températures. Voici les valeurs obtenues pour la glace : TEMPÉRATURE en degrés du thermomètre RÉSISTANCE du condensateur à glace de platine en megohms _ —— 1850 C. 26200,0 — 5670,0 —t: 1570,0 — 126,0 1130,0 — 108,4 706,0 — 98,4 470,0 — 95,2 353.0 — 93,2 282,0 — 91,8 209,6 — S8S 118,0 — 88,2 91,4 — $6,3 65,5 — 84,4 53,4 — 823 16,3 — 75.0 13,4 — 70,1 42,8 Voici les valeurs observées pour l'alcool : TEMPÉRATURE en degrés du thermomètre de platine RÉSISTANCE du condensateur en megohms — 200,0 14500,0 — 490,0 45,0 — 186,5 9,7 — 168,0 1,0 Ces nombres ne doivent être considérés que comme approximatifs, mais ils sont suffisants pour donner une idée du mode de variation des résistances. 20 SCIENCES NATURELLES C. Sherrington, F. R. S.: Sur l'innervation réciproque des muscles antagonistes (3° partie). — M Sherrington avait antérieurement établique lorsqu'un des muscles moteurs de l'œil se contracte, le muscle antagoniste se relâche; il s’est attaché à montrer dans celte note que cette même corrélation se retrouve entre les museles antagonistes qui déterminent la flexion ou l'extension des segments des membres, au coude et au genou, par exemple. Si l'on fait chez le chat, par exemple, une section transversale de l'axe cérébro- spinal, au niveau des pédoncules cérébraux, certains groupes de muscles, et en particulier Îles muscles dorsaux de la queue et du cou et les muscles exten- seurs des membres, prennent, au bout d’un temps variable, une rigidité tonique. Les extenseurs du genou el du coude sont fortement contraclés, mais sans trem- blement et sans qu'il y ait des accroissements ou des relichements marqués de ces contractions. Si l'on sai- sitle membre et si l'on tente de fléchir de force le coude ou le genou, on rencontre une très forte résistance ; le triceps brachial ou l’'extenseur de la cuisse ne s'en Con- tractent que plusviolemment, et dès qu'on lâche la patte de l'animal, elle reprend brusquement sa position pre- mière de complète extension. Mais en dépit de cette rigidité, de cette sorte de contracture des extenseurs, on obtient très aisément la flexion du coude en exci- tant les doigts de la patte de devant ou la plante. Le triceps se relàche alors, tandis que le biceps se con- tracte. La contraction du biceps est inhibée et sa ten- sion disparait synchroniquement avec l'apparition de la contraction réflexe des muscles antagonistes. On peut aussi obtenir cette réaction inhibitrice par l'exci- tation mécanique d’un des nerfs digitaux ou l'excitation mécanique de la racine sensitive de l'un quelconque des nerfs cervicaux supérieurs. Les choses se passent ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES exactement de la même facon pour les membres pos- térieurs. Le même relâchement de la contraction des extenseurs peut être obtenu par l'excitation électrique des pédoncules cérébraux, lorsque cette excitation détermine, comme cela arrive quelquefois, la flexion du coude ou du genou. Ce fait et celui qui est rap- porté plus haut et qui montre que ce relâchement des extenseurs, synchrône à la contraction des fléchisseurs, peut être obtenu après ablation totale des hémisphères, prouvent que les centres supérieurs n'inlerviennent pas nécessairement dans le phénomène. M. Sherrington incline à penser que cette sorte de coordination del'in- pervation des muscles antagonistes qui agissent au ni- veau du coude ou du genou, est aussi bien mise à profit dans les mouvements d'origine corticale que dans les réflexes simples. Cette manière de voir est corroborée par le fait que cetle réaction peut être déterminée par l'excitation des fibres pyramidales des pédoneules cérébraux. Il est intéressant de noter que le triceps brachial et le quadriceps crural, qui sont de tous les muscles des membres les plus difficiles à mettre en action par des réflexes médullaires ayant leur origine dans la région même à laquelle ils appar- tiennent, sont ceux qui, lorsque la section transver- sale est faite au niveau de la protubérance ou au-dessus, présentent le plus nettement de la contraction tonique. La loi bien connue, établie par Sanders-Ezn, de l'inac- cessibilité des extenseurs du genou aux actions réflexes médullaires doit recevoir certaines limitations, mais tant que la section transversale est faile dans ia région méduilaire et alors même quelle n'isole pas une por- tion seulement de la moelle, mais la moelle tout entière du bulbe au filum terminal. Cette loi s'applique stric- tement aux excitations qui ont leur origine dans la région même constituée par ces muscles. Et il en est de même du triceps brachial. Mais si Ja section est faite au-dessus du bulbe, la règle de Sanders-Ezn ve se vérifie plus, et une excitation d'une patte de derrière pro- voque une extension du genou du même côté. Il en va de même pour le coude. La différence apportée dans la condition des muscles par le niveau auquel la section est pratiquée, est peut-être cependant moins fondamentale quil ne semble. Lorsqu’à la suite d'une section transversale supra-bulbaire la rigidité des ext-nseurs apparait au genou et au coude, l’excitabilité réflexe du triceps brachial et du quadriceps crural semble, à un certain poiut de vue, tout aussi difficile à mettre en jeu que lorsqu'on esl en présence d'un mécanisme purement médullaire. Les inhibilions réflexes qui font l'objet de cetle note, montrent cependant que l'accessibilité de ces muscles aux réflexes n’est pas en réalité grandement altérée : les connections physiologiques subsistent, mais la con- duction qui se fait à travers elle, est marquée d'un signe contraire, d'un signe moins au lieu d'un signe plus. Pour que l'excitation puisse avoir un effet, il faut qu'elle trouve dans le muscle une certaine quantité de contraction, un fonus déja existant. Lorsque la section est infra-bulbaire, le même nexus fonctionnel persiste, mais comme le tonus fait défaut, le jeu des inhibitions demeure invisible. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 12 Novembre 1897. M. J. Rose-Innes lit un mémoire sur les isothermes de l’éther. On sait que Ramsay et Young ont établi entre la pression et Ë température d’un gaz à volume constant la relalion p = 6t — a, où b et a sont des fonc- tions du volume seulement. L'auteur a trouvé les va- leurs de à et « pour un grand nombre de volumes, et a cherché à les relier par une formule empirique. IL em- ploie pour cela la méthode graphique. En portant les quantités (a V?) —1, contre Y— on obtient une courbe en forme de corne. L’extrémité de la courbe se trouve très près du volume critique. On sait, d'autre part, que la température à laquelle la pression obéit exactement à la loi des gaz parfaits pour un volume particulier est constante pour de grands volumes jusqu'à l'approche. du volume critique. L'auteur montre que pour le wo- lume critique cette température diminue légèrement. L'auteur donne la formule algébrique de la pression dans le cas de l’éther, comme il l'avait fait dans un mémoire précédent pour l'isopentane. — M. Ramsay pense que l’isopentane élait mieux désigné que l'éther pour l'établissement des formules, car c'est très proba- blement un liquide mono-moléculaire, tandis que l'éther forme des groupes moléculaires compliqués.— M.Perry ajoute qu'une formule empirique ne lui paraît pas pré- senter la même valeur qu'une formule basée sur des hypothèses physiques. — M. Rose-Innes répond qu'on n'a pas encore trouvé d'hypothèse applicable à une substance dont l’arrangement moléculaire est si com- pliqué que celui de l’éther. L'emploi de formules empi- riques à cinq constantes a d'ailleurs été justifié par Képler pour les orbites planétaires. — M. Johnstone Stoney conseille de reprendre l'étude de la question en construisant les courbes : y=N-à et y—av? — MM. F.-S. Spiers, F. Twyman et W.-L. Waters ont étudié la variation, avec la température, de la force. électro-motrice de la pile de Clark en forme d'H. Les quatre piles en expérience étaient placées dans un baïn d'huile et les forces électro-motrices mesurées par la méthode du potentiomètre; deux piles du type Muir- head servaient d’étalon. Les résultats ont été indiqués sous forme de courbes. ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE Séance du 1% Octobre 1897. 1° Scrences Paysiques. — M. L. Mach a étudié par une méthode optique les ondes aériennes qui se produisent lorsque de l'air, comprimé à 100 atmosphères, s'échappe d'un orilice. Les phénomènes observés se rapprochent de ceux qui accompagnent le trajet des projectiles ou la propagation des ondes sonores planes ; mais ils com- portent des particularités qui conduisent à modifier les théories actuelles. — M. I. Klemencic poursuit l'étude du retard magnétique. Il montre que l’aclion -magné- lique, qui se produit dans les deux à trois premières minutes après l'ouverture ou la fermeture du champ, diminue rapidement avec la force du champ dans le cas où la fonction de magnétisation croît plus vite que la » force du champ. Pour des champs faibles où, au con- traire, la magnétisation est proportionnelle au champ, le retard est constant. 20 SCIENCES NATURELLES. — M. Ad. Stener : Les sap- phirines de la mer Rouge. Séance du 21 Octobre 1897. 1° SciENGES MATHÉMATIQUES. — M. Edouard Mazelle : Rapport sur les tremblements de terre observés dans la région de Trieste les 15 juin, 3 août et 21 sep- tembre 1897. 20 SCIENCES NATURELLES. — M. J. Schaffer commu- nique la suite de ses travaux sur l'histologie des organes de l’homme. Ils sont divisés ainsi : IV. Langue. V. Ca- vité buccale et pharynx. 4° La structure des glandes linguales. 2° L'épithélium des canaux excréteurs des glandes. 3° Histologie du palais et de l’ovula. # Etude du pharynx et de ses glandes. 5° Phénomènes de trans- formation dans les glandes séreuses ef muqueuses. VI. Passage du pharynx à l’æsophage. VIL Passage de l’œsophage à l'estomac. Séance du 7 Novembre 1897. L'Académie élit comme membre d'honneur étranger sir Joseph Lister et comme correspondant étranger le professeur W. von Bezold.. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. 8° ANNÉE N° 93 15 DÉCEMBRE 1897 REVUE GÉNÉRALE LDES SCIENCE PURES ET APPLIQUÉES DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER LE VOYAGE D'ÉTUDE DE LA REVUE EN GRÈCE, AU MONT ATHOS ET À CONSTANTINOPLE (VACANCES DE PAQUES 1898) La Revue prépare, pour l’année 1898 : 4° Une croisière en Grèce, au mont Athos el à Constan- tinople ; 20 Un voyage en Norvège ; 3° Une croisière dans l'Adriatique (côte orientale de l'Italie, Illyrie, Da!- physique, les fiords et les glaciers, la biologie marine, les grandes pèches et les industries qui en dérivent, la marine marchande, la société scandinave, etc. Mais, indépendamment de l’ordre principal d'intérêt qui donne en quelque sorte sa caractéristique à chaque voyage, il importe Mmuatie, avecexcursions qu'en chacun, quelle en Busnie et Herzégo- que soit l'étude pré- vine) ; pondérante qu'il 4% Un voyage en comporte, les spé- Egypte. cialistes, — écono- mistes, naturalistes, Ces voyages sont, comme le savent n03 médecins, elc., —— lecteurs, destinés à puissent trouver sa- üisfaction à leur cu- faire connaitre à nos compatriotes les pays sur l'état phy- sique, économique et politique desquels nous avons le plus intérêt à ètre exac- tement renseigné Ils sont organisés de facon à permettre à tous les touristes de faire, sous la direc- tion et grâce au con- cours de savants au- torisés, l'étude des régions visitées. Chaque croisière répond à un genre particulier de euriosilé : il est bien évident, par exemple, qu'en Grèce et à Constantinople, vers lesquelles les récents conflits des deux peuples nous attirent, c'est le souci de l'art antique, l'étude des civilisations disparues qui prédo- mineront, tandis qu'en Norvège, l'attention se portera plus spécialement sur le monde actuel, sur la nalure REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897. Fig. 1. — Itinéraire de la Croisière. riosité profession- nelle et accroitre leur savoir techni- que. Nous réservant de dire, dans une prochaine livraison, les dispositions que la lievue prend en vue de ce résullat, nous indiquerons seulement aujour- d'hui l'intérèl prin- cipal de notre pro- chaine croisière. Permettre d'admirer et d'étudier dans un même voyage les principaux monuments et les plus intéres- sants souvenirs de la Grèce antique et de l'Empire d'Orient, faire suivre au touriste, depuis ses plus loin- {aines origines jusqu'à sa décadence, le développement de l'art hellénique, le montrer naissant et incertain encore dans les bijoux des tombes mycéniennes, épa- 39 Zo 930 LE PROCHAIN VOYAGE D'ÉTUDE DE LA “ REVUE” noui et glorieux dans les monuments de l'Acropole d'Athènes et l'Hermès de Praxitèle, profondément mo- difié et comme raidi par l’âge dans les basiliques de Byzance et de l’Athos, dans leurs mosaïques et leurs fresques, telle est la pensée qui a inspiré l'itinéraire de notre prochaine croisière ef lui a mérité l'approbation de notre Comité de Patronage *, auquel il a été soumis dans une récente réunion. Ce voyage sera dirigé par un savant hautement qua- lifié, M. G. Radet, ancien élève de l'Ecole française d'Athènes, professeur d'Histoire et d'Archéologie grec- ques à l'Université de Bordeaux. La compétence par- üculière de M. G. Radet dans toutes les questions rela- lives à l'Art et à la civilisation de l’ancienne Grèce le désigoait tout naturellement au choix de notre Comité de Patronage. Nous le remercions d’avoir bien voulu accepter de guider nos visites aux sanctuaires les plus réputés de l'Art antique, et de nous donner à bord, sous forme de conférences, l'enseignement requis pour rendre le voyage profitable à tous. Il va sans dire que, dans les courtes semaines des va- cances de Pâques, on ne saurait s’astreindre à l'itiné- raire qui permettrait de suivre rigoureusement selon l'ordre historique le développement de l’art grec; il ne serait pas possible de se rendre d’abord aux plaines où fut Troie et à Mycènes, de visiter ensuite Delphes, Olym- pie, Délos et Athènes, pour terminer par le mont Athos et Constantinople. On voit quelles allées et venues, quelles pertes de temps exigerait un semblable trajet. En faisant un peu tort à la chronologie et en dispo- sant les escales dans un ordre un peu différent, on a pu s’épargner tout sacrifice, ne laisser de côté aucun des points du programme, et même y ajouter une excursion à Brousse, « la vieille ville délicieuse », enfouie sous le feuillage. C’est aux premiers jours du printemps, saison char- mante en ces contrées méditerranéennes, que partira de Marseille le paquebot affecté par la Compagnie des Messageries Maritimes à cette croisière. Le navire se ren- dra d'abord dans le golfe de Corinthe et jettera l'ancre devant un petit port peu connu, Itéa. C'est de là que l’on monte à Delphes, le sanctuaire fameux d’Apollon Pythien. C'est à l'Ecole francaise d'Athènes que revient l'honneur d’avoir commencé les fouilles que son savant directeur, M. Homolle, a reprises en 1892 et conduites avec un succès que personne n'ignore. C'est là qu'ont été trouvés les fragments les plus considérables de mu- sique grecque notée que nous possédions, et, sans doute, la plupart des lecteurs de cette Revue ont entendu exécuter la transcription qu'en a faite M. Théodore Reinach. Parmi les monuments mis au jour au cours 1 Nous sommes heureux d'annoncer que M. Noblemaire, Ingénieur eu chef des Mines, Directeur de la Compagnie des Chemins de Fer de Paris-Lyon-Méditerranée, a accepté de faire partie du Comité de Patronage des Voyages d'étude de la Revue. Nous le remercions et du grand honneur et de l'aide très précieuse que nous apporte son concours. Le Comité de Patronage et d'Etude se trouve, par suite, ainsi Composé : Président : M. O. Gréarp, Vice-Recteur de l'Académie de Paris. — Vice-Président : M. A. Muxe-Evwarps, Directeur du Muséum. — Membres du Comilé : MM. BOUQUET DE LA GRye, Ingénieur en chef de la Marine; E. Bouréxors, Maitre de Conférences à l'Ecole Normale Supérieure; P. BROUARDEL, Doyen de la Faculté de Médecine de Paris; E. CHABRIER, Ad- ministrateur délégué de la Compagnie Générale Transatlan- tique; L. Granneau, Inspecteur général des Stations Agrono- miqu A. GRaANDibier, Président du Comité de Madagascar; S. Hazrox, Administrateur de la Compagnie Générale Trans- atlantique; E. Hauy, Professeur au Muséum; T. HomoLLe, Directeur de l'Ecole Française d'Athènes; E. LEVASSEUR, Professeur au Collège de France: G. Mono», Président de l'Ecole Pratique des Hautes Etudes; A. Musnier, Administ{ra- teur de la Compagnie des Messageries Maritimes; No8Le- MAIRE, Directeur de la Compagnie Paris-Lyon-Méditerranée ; O. Norr, Administrateur de la Compagnie des Messageries Maritimes; H. Léoxannon, Archiviste-Paléographe, Secré- laire du Comilé ; L. Orivier, Directeur de la Revue générale des Sciences. de ces fructueuses recherches, il faut surtout citer plu- sieurs des trésors où étaient déposées les offrandes con- sacrées au Dieu par les diverses nations helléniques : trésor des Siphniens, trésor des Béotiens, des Athéniens, des Sicyoniens, presque tous ornés de délicats bas- reliefs; après de longs siècles de sommeil, les statues enfouies dans le sol ont revu la lumière, et, dans le petit musée installé à Delphes même par M. Homolle, se dressent aujourd'hui des Apollons d’époques variées, un gracieux buste d'Antinoüs, avec lequel rivalise la statue d'un jeune athlète corinthien, une Victoire, trois carialides, l’Aurige enfin, un conducteur de char, en bronze, debout, tenant ses rênes, drapé dans sa longue tunique, d’une simplicité de lignes et d’une noblesse exquises. C’est un véritable pèlerinage que cette promenade à Delphes, tant il s’y rencontre, pour nous, de souvenirs classiques. Ici, c'est le portique que, dans leur recon- naissance, les Athéniens ont élevé à Apollon au len- demain de la victoire de Marathon; de cette fissure entre les roches Phædriades jaillit toujours la Fontaine Castalie, et, dominant le tout, le Parnasse dresse sa double cime, encore toute blanche de neige à cette époque de l’année. Du sanctuaire d’Apollon à Delphes, les touristes pas- seront au sanctuaire de Zeus à Olympie. Là, c'est aux frais de l'Allemagne que les fouilles ont été faites, par les soins du célèbre historien Curtius et de ses collabo- rateurs. Terminées en 1881, les résultats en sont uni- versellement connus, et il nous suffit de rappeler ici, parmi les principaux édifices dont les ruines ont été dégagées : l'Heraion ou temple de Hera,; le grand temple de Zeus, dans la cella duquel se dressait autrefois la statue chryséléphantine du maitre des Dieux, due au ciseau de Phidias ; le Metroon ou temple de Cybèle; toute la série des trésors ; l’exèdre d'Hérode Attieus; le Stade, où se disputaient les prix de ces jeux olym- piques célèbres dans tout le monde antique. C'est au musée surtout que les amateurs d'Art se précipite- ront avec impatience : ils savent que là se trouvent les frontons du temple de Zeus, le combat des Centaures et des Lapithes, et Pélops se préparant à la course des chars contre OEnomaüs, puis la Victoire de Pæonios, el, enfin, l'une des plus pures merveilles de la sculpture grecque, l’'Hermès de Praxitèle. De Katakolon, l'échelle de Pyrgos et d'Olympie, le navire, contournant le Péloponnèse, ira aborder à l'ile sainte de Délos, où Latone donna le jour à Apollon et Artémis. Ici toutes les fouilles ont élé exclusivement exécutées par les soins de l'Ecole française d'Athènes, par MM. Lebègue, Homolle, Hauvette-Besnault, Salomon Reinach, d’autres encore. Ces travaux ont permis de retrouver les soubassements des édifices de l'enceinte sacrée, où Téménos, temples d’Apollon, d'Artémis, d'Aphrodite, portique tétragone, portique des Cornes, sanctuaire des Taureaux, Trésors. — Du haut du Cynthe, on aperçoit le plan en relief de la cité, et, au loin, tout autour de l'ile, les Cyclades. Une pointe au nord mènera les touristes au mont Athos. Des sanctuaires antiques, ils passeront à l’un des sanctuaires les plus vénérés de la religion ortho- doxe. On ne saurait, en une journée, visiter tous les monastères épars aux flancs de la montagne et le long des côtes de Ja presqu'île : Lavra, à la pointe sud, Simo- petra, Xeropotamos, Rossicon, Xenophontos à l'ouest, Iviron, Stavroniketa, Pantocratoros, Vatopédi à l’est. Assemblages de constructions bizarrement entassées, de cloitres, de couvents, d'églises et de chapelles, on les aperçoit cà et là, avec leurs hautes murailles droites, leurs coupoles byzantines, émergeant à demi des fron- daisons vertes. Les plus importants ont leur échelle, quelques appontements en bois et des barques; lun d'eux possède même un yacht. Sur la côte occidentale, les touristes pourront visiter Rossicon, le grand cou- vent russe, tout un village monacal dans lequel se pressent une vinglaine d'églises. Tout après, Xeropo- tamos se dresse sur un grand rocher. De l’autre côté, LE PROCHAIN VOYAGE D'ÉTUDE DE LA # REVUE” 931 Vatopédi appelle l'attention, aussi bien par son impor- tance que par sa situation pittoresque, et son église rincipale, où Catholicon, est une des plus riches de ‘Hagion Oros. En une nuit, de la Montagne Sainte le bateau por- tera les touristes à l'entrée des Dardanelles, devant Koum-Kalé, souvent appelé Château d'Asie. A quelque distance dans l'intérieur des terres, s'élève la colline d'Hissarlik. De 1881 à 1882, Schliemann a exécuté là des fouilles, au cours desquelles il a cru découvrir les ruines de sept villes superposées. La seconde, au-des- sous de la surface actuelle du sol, serait l'{Hium Novum, la Nouvelle Troie de Strabon; beaucoup plus profon- dément enfouis se trouvent les débris d’une cité qui semble avoir été détruite par le feu; c'est ce que le savant allemand appelle la ville brûlée, et c'est en elle qu'il reconnaît l’Ilios d'Homère, incendiée par les Grecs vainqueurs, — opinion controversée, d’ailleurs, com- battue par d'érudits contradicteurs, qui placent la Troie de l’'Iiade plus loin au sud, près de Bounarbachi. Avant la fin de l'après-midi, le navire devra quitter Koum-Kalé pour traverser de jour le détroit des Darda- nelles. Ce n’est pas que le passage en soit particulière- ment difficile, mais, de par les traités, il ne doit être franchi qu'entre le lever et le coucher du soleil, et, si l’astze s'était éteint dans les flots de la mer Egée avant que le paquebot eût été soumis à certaines formalités devant Tehanak-Kalessi, force lui serait d'attendre là l'aube prochaine. Les touristes peuvent s'assurer que pareille mésaventure sera évilée, et le lendemain matin ils s'éveilleront devant le pelil port de Moudania, sur la rive asiatique de la mer de Marmara. Le temps n’est plus où des landaus plus ou moins délabrés étaient les seuls véhicules en usage pour se rendre à Brousse. Depuis de longues années, il existait bien une voie ferrée, mais si légèrement construite que jamais on n'avait osé y risquer une locomotive. Aujourd'hui, tout cela est changé : le chemin de fer, solidement établi, fonctionne régulièrement; les voyageurs seront transportés rapidement et sans avoir à débattre les prix avec des cochers généralement peu versés dans nos langues européennes “. Le site de Brousse est enchanteur. Bâtie sur les pre- mières pentes de l'Olympe de Bithynie, elle étage sur les collines ses maisons de bois sombre, encadrées dans “les grands arbres. Son bazar fait encore la joie des tou- ristes. Mais ils trouveront des jouissances d'art plus rares dans les mosquées et les furbés qui les avoisinent, et ils y verront des revêtements de faïences peintes, d'une rare élégance. Il suffit de rappeler ici les noms de “Yéchil-Djami, la fameuse mosquée verte, d'Oulou-Djami, dont le Mihrab présente un encadrement de faïences polychromes d'une richesse de couleur et de dessin qui rivalise avec ceux des plus beaux tapis d'Orient, et les turbés de la Mouradié-Djami, dont certains sont de purs bijoux, d'une exquise délicatesse d’ornementation. De Moudania à Constantinople, la distance est courte. Le bateau sera devant Stamboul au lever du soleil; puis, s'engageant dans le Bosphore, il le parcourra daus toute sa longueur jusqu'à l'endroit où s'ouvre la mer Noire. Là, rebroussant chemin, il reviendra vers le sud-ouest, permettant aux touristes d'admirer les rives éclairées à souhait par la lumière matinale, et, vers huit heures, il viendra s'arrêter enfin devant Constan- tinople. La ville se présentera ainsi aux regards dans _— 1 Rappelons, à cette occasion, que les touristes n'ont, en cours de route, à supporter aucune dépense imprévue au sujet du transport du bateau à terre et, sur terre, d'une ville à une autre. La Revue leur assure à forfait, c'est-à- dire pour une somme fixe payée d'avance, ce transport soit en barque, soit en voiture, chemin de fer, âne ou mulet sur tout l'itinéraire du voyage. Mais il est bien entendu que “toute monture, tout véhicule pris par le touriste, en dehors “de l'administration de la Revue, est à la charge du voya- peur Il en est ainsi, par exemple, de voitures qu'il peut “lui plaire de louer pour promenades à l'intérieur ou aux _ alentours des villes. son meilleur jour et sous Son plus pittoresque aspect Ce n'est pas un guide que nous prétendons faire ici, et l'on n'attend pas de nous que nous énumérions Îles curiosités de la cité de Constantin. Du haut de la tour. de Galata, le voyageur s'orientera lui-même, son plan à la main, ayant sous les yeux une des plus magui- fiques vues qu'il soit possible de rêver, Devant lui, la Corne d'Or; à l'extrême droite, le quartier de Kassim Pacha ; les cimetières verdoyants d'Eyoub; puis, en se tournant peu à peu vers la gauche, le Phanar et le mo- nument rougedtre du Patriarchat Grec, la mosquée Mehmedié, la Suleimanié el ses quatre minarets, le Seraskiérat et sa haute tour, le dôme bas de la Bajazi- dié Djami; en face du Grand Pont, en bas : la Yéni- Validé Djami; au-dessus, l'Osmanié Djami; puis, à gauche, la mosquée Ahmédié, flanquée de six minarets et dominant les bâtiments de la Sublime-Porte ; enfin, écrasée sous sa coupole aplatie, la masse de Sainte- Sophie, et, à la suite, les jardins et les monuments du vieux sérail, à l’extrème pointe de Stamboul. Au delà, dans les lointains, se prolilent les îles des Princes, à l’est le quartier de Top-Hané, le Bosphore et la côte d'Asie, où Scutari s'élève en amphithéâtre. La ville est grande et les courses longues. Aussi le bateau, servant d'hôtel flottant, restera-t-il quatre jours devant Constantinople. Le dernier jour sera un ven- dredi, et c'est à dessein que l’on a voulu que les touristes fussent ce jour-là à Stamboul. Le vendredi est pour les musulmans ce qu'est pour nous le dimanche. Le ven- dredi le Sultan se rend solennellement à la Mosquée ; dans l'après-midi, les derviches tourneurs de Péra donnent leur séance publique; nous conseillons au touriste de se rendre après, en caïque, aux Eaux- Douces d'Europe. C'est là que le vendredi se donnent rendez-vous les dames turques, qui viennent se pro- mener, s'asseoir sur les rives et babiller entre elles. Dans leurs costumes aux couleurs voyantes, sous leurs voiles mystérieux, elles forment des groupes charmants pour l'œil, mais où l'objectif du photographe jette un trouble subit, s’il est trop ostentiblement braqué. De Constantinople, revenons à la terre classique. Le bateau séjournant au Pirée, la visite d'Athènes sera des plus faciles. Pas plus que Constantinople, nous n'avons besoin de décrire ici la ville aimée de Pallas. Qui n'a présent à la mémoire le nom de chacun des monuments de l'Acropole : Propylées, Parthénon, Erechthéion, temple de la Victoire Aptère! Le souvenir seul d'Athènes les suscite à la pensée, et bien d'autres encore, le Théséion, si admirablement conservé, le Céramique etses stèles funèbres, la tour des Vents, etc. Dans le musée de l'Acropole, dans le Polytechnikon, au Musée National, se pressent les chefs-d'œuvre de l'Art grec, statues de toutes les époques, fragments de la frise du Parthénon, figurines de terre cuite, vases peints, — sans oublier l'admirable collection des objets trouvés dans les tombes de Mycènes et de Tirynthe et qui remontent à la plus loitaine antiquité héllénique. Ce sera par la visite mêmé d’Argos, de Mycènes et de Tirynthe que s’achèvera cette croisière au pays grec. Le paquebot se rendra à Nauplie, et, de là, par train spé- cial, les voyageurs iront : à Argos, dont l’Acropole porte encore le temple de Hera ; à Mycènes ensuite, où Schlie- maon à cru trouver le tombeau d'Agamemnon et le trésor d’Alrée, où se dresse, fermée par la Porte des Lions, une antique citadelle; à Tirynthe, enfin, dont l'Acropole est ceinte d’un mur cyclopéen, l'un des plus puissants de ceux qui ont résisté au temps. Nauplie sera la dernière élape de cette longue pro- menade, et de là le navire ramènera les touristes à Marseille. , Si, comme on doit l’espérer, le précoce printemps d'Orient veut bien leur sourire et leur donner une tra- versée douce, ils reviendront, avec un regrelsans doute pour ces pays d'art et de lumière, mais, l'âme sereine, heureux de rapporter en eux, pour les jours de tris- tesse et de labeur, une claire vision de beauté qui ne s’effacera jamais. La DIRECTION, 932 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE S 1. — Elections académiques Election à lFAcadémie des Sciences. — Comme nous l'avions indiqué dans la dernière livraison de la Revue, c'est le lundi 29 novembre qu'a eu lieu à l'Académie des Sciences, en remplacement du regretté Schutzenberger, l'élection d’un nouveau membre dans la Section de Chimie. Les candidats étant MM. Colson, Ditte, Etard, Han- riol, Joly, Jungfleish, Le Bel, H. Le Châtelier, Lemoine, etle nombre des votants 62, le premier tour de scrutin a donné : voix à M. Ditte. M. Le Bel. . Lemoine. Etard. . Le Chàtelier. . Jungfleisch. EC NO & I ND | Un second tour de scrutin, rendu nécessaire par ce ballottage, a élu membre de l'Académie M. Ditle, par 34 suffrages contre 21 donnés à M. Le Bel, 1 à M. Etard, et 1 à M. Lemoine. Le nouvel académicien s’est particulièrement voué à la Chimie générale et à la Chimie minérale. On lui doit de remarquables travaux sur les isoméries considé- rées dans leurs rapports avec la Thermochimie. En Chimie minérale, il s'est appliqué, avec le succès que lon sait, à l'étude des éléments rares et au perfec- tionnement des méthodes d'Analyse. M. Ditte est, depuis plusieurs années, professeur de Chimie à la Sorbonne, où il occupe la chaire illustrée par Henri Sainte-Claire Deville et Debray. $ 2. — Nécrologie E. S. Tarnier. — La mort du Professeur Tarnier est venue jeter le deuil dans la famille médicale. La Revue, dont l’émineut chirurgien citait les articles comme des modèles de « mise au point » des questions scientifiques, s'associe aux hommages qu'ont rendus à sa mémoire ses collègues de la Faculté, de l'Académie de Médecine et des Société savantes. M. le Dr Budin a rappelé, sur la tombe du Maitre, les sagaces observations qui, dès sa jeunesse, l'avaient conduit à admettre, dans la fièvre puerpérale, l'exis- tence d'un « poison », d'un « virus capable de se pro- pager », d'un « miasme contagieux ». Aussi, fait remarquer notre savant collaborateur, Tarnier, « après avoir montré la nécessité d'isoler les malades, fut-il un des premiers à accepter et à enseigner les bienfaits de l’antisepsie. Il fit plus : c’est à lui que nous devons l'usage, si justement répandu, du sublimé. Il a donc puissamment contribué à diminuer la mortalité des femmes en couches ». En Obstétrique chirurgicale, l’œuvre de Tarnier est considérable : tous les accoucheurs appliquent aujour- d'hui ses méthodes et font usage des appareils qu'il a imaginés ou perlectionnés, soit pour aider à l'extirpa- tion du fœtus, soit pour assurer la correction de l'em- bryotomie et sauver la mère quand s'impose le sacri- fice de l'enfant. Pour conserver la vie aux enfants nés avant terme, il inventa la couveuse qui, actuellement, a bien fait ses preuves et dont l'emploi se répand de plus en plus. De tel services méritent à Tarnier la reconnaissance de tous, et c’est justement que son nom restera vénéré non seulement dans le monde médical, où un unanime respect lui était acquis, mais aussi dans le grand public jusqu'auquel sa grande notoriété s'était étendue. $ 3. — Physique L'absorption de la lumière dans les corps fluorescents. — M. John Burke à présenté récem- ment à la Sociélé Royale de Londres le résultat d’une. expérience qui fournit une indication fort importante sur le mode d'action des corps doués de fluorescence, et conduira peut-être à élargir l'énoncé de la loi de Kirchhoff sur l'égalité des pouvoirs émissif et absor- bant. Voici l’une des formes de l'expérience de M. Burke. En avant d'une plaque photographique P (fig. 1)se trou- vent disposés deux cubes égaux de verre d’urane À etB placés de telle facon que, pour frapper la plaque, la lumière émanée de B soit obligée de traverser À, Une source $ de lumière, riche en radiations ultra-violettes, éclaire les cubes dans une direction parallèle à la plaque, qui est soustraite à l’action directe de la source. On fait une première im- pression en laissant agir la lumière excitatrice sur les deux cubes à la fois; puis, déplaçant la plaque, on pro- duit une deuxième image en éclairant les cubes séparé- ment pendant le même temps que dans la première expérience. Le résultat est qu'au développement on trouve toujours la deuxième impression plus intense que la première. L'explication la plus sim- ple de ce curieux phéno- mène consiste à admettre que le cube A absorbe la lumière émanée du cube B plus fortement lorsqu'il est lumineux que lorsqu'il est soustrait à toute excitation. Fig. 1 A première vue, celte RE propriété des corps fluores- cents semble une conséquence évidente de la loi de Kirchhoff, tout corps lumineux absorbant les radia- tions qu'il est susceptible d'émettre. Mais, en y regar- dant de près, on trouve que cette loi si importante et qui renferme tant de faits, n'eût pas permis de prédire le phénomène découvert par M. Burke. Cette loi nous dit, en effet, que tout corps possède, à une température donnée, un pouvoirémissif et un pouvoir absorbant égaux pour toutes les radiations qu'il émet. Or, nous voyons ici une catégorie de corps qui, saus que leur tempé- rature ail changé visiblement, modifient leur pouvoir absorbant par le seul fait que, pour une cause appa- remment différente d’une élévation de température, ils émettent momentanément, et sous l’action d'un exei- tant extérieur, des radiations qui s’éleignent en même temps que cesse l’excitation. Par celte excitation, la molécule n’a pas été modifiée d’une facon durable, elle n'est pas devenue susceptible de vibrer à l'unisson de la lumière qui lui parvient, mais si, par une cause ex- térieure, on lui donne ce mouvement vibratoire, alors, et seulement alors, elle devient un résonnateur pour la radiation identique à celle qu'elle émet, Une comparaison familière nous fera mieux saisir le mécanisme du phénomène. Supposons une onde so- nore arrivant sur un diapason réglé pour donner une autre note; l'onde passera sans être absorbée. Mais si l'on mène le diapason de manière à lui faire rendre un son identique à celui qui lui arrive, alors il agira à la ZE Te CASE CR Lars ait CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 933 manière d'un résonnateur et deviendra évidemment absorbant pour la vibration ambiante. Le diapason est ainsi susceptible d'absorber l'énergie vibratoire qui lui arrive non seulement lorsqu'elle correspond à sa vibra- tion naturelle, mais encore quand elle possède une période identique à celle de la vibration forcée qui lui est momentanément communiquée. Il en est probablement de même des molécules fluo- rescentes qui exécutent momentanément une vibration forcée, et deviennent, pour un temps, susceptibles d'ab- sorber des vibralions de même période. On cherchera peut-être à sauver l'énoncé habituel de la loi de Kirchhoff, en comparant les molécules fluo- rescentes clairsemées dans le verre d'urane, à des molécules quelconques douées d’une température fic- tive correspondant à leur état vibratoire. Cette exten- sion de la notion de température a déjà été tentée à propos de divers phénomènes lumineux différents de lPincandescence, mais on n’est guère arrivé jusqu'ici qu'à amonceler les difficultés sans parvenir à les ré- soudre. Il semble plus simple, pour le moment, de supprimer la notion de température de la loi de Kirchhof, trop gé- nérale pour être limitée par une idée qui devrait avoir un sens précis et restreint. Ch.-Ed. Guillaume, Physicien du Bureau international des Poids et Mesures. S 4. — Géologie et Paléontologie Les dernières découvertes de M. Ame- ghino. — M. Ameghino vient de publier sur les Mam- mifères de la Patagonie un nouveau Mémoire’, qui causera une grande et légitime surprise dans le monde des paléontologistes et des zoologisies. Nous n’en dirons, aujourd'hui, que quelques mots, nous réser- vant de revenir un peu plus tard sur les découvertes si importantes faites en Patagonie depuis quelques années. Dans son dernier travail, le savant paléontologiste . de Buenos-Ayres nous fait connaître l'existence d’une faune crétacée de Mammifères des plus curieuses. Il ne S'agil pas, comme on aurait pu s’y attendre, de petits Mammifères tels qu'on avait l'habitude d'en rencontrer dans le Jurassique, le Crétacé et même l'Eocène infé- rieur, mais de grandes formes, excessivement variées, puisque le nombre des espèces s'élève à 115 et qu'elles se distribuent en 18 sous-ordres formant une trentaine de familles et 70 genres. C’est tout un monde nouveau qui nous est révélé. Cette brillante découverte, qui suit d'assez près celles qu'avait faites M. Ameghino dans le Tertiaire de l'Ar- gentine, va modifier profondément bien des idées sur la phylogénie de certains groupes de Mammifères. Mais qu'importe que nous nous soyons trompés, si les nouvelles découvertes nous rapprochent davantage de la vérité! La région dans laquelle a été trouvée la faune cré- tacée comprend, de bas en haut, les formations sui- vantes : 4° Formation des grès bigarrés, sans fossiles, d'âge probablement crélacé et atteignant une épaisseur de plusieurs centaines de mètres ; 20 Formation guaranienne ou des grès rouges à Dino- sauriens, d'une épaisseur moyenne de 50 à 60 mètres. Ces grès présentent, à la base, des couches marines, à Liodon argentinus, d'une vingtaine de mètres d'épais- seur. La partie supérieure renferme de nombreux ossements de gigantesques Dinosauriens. Des couches argileuses surmontent ces grès supérieurs ou y sont intercalées à plusieurs niveaux. C'est daus ces couches (couches à Pyrotherium) qu'a été trouvée la faune décrite par M. Ameghino ; 4 FLORENTINO AMEGHINO : Mammifères crélacés de l’Argen- «line; deuxième contribution à la connaissance de la faune mawmalogique des couches à Pyrotherium. 39 Une Formation palagonienne ; 4° Une Formation santacruzienne ; 9° Une Formation Tehuelche ; La formation guaranienne paraît bien d'âge crétacé à M. Ameghino, car il a trouvé des ossements de Pyro- therium associés à ceux de Dinosauriens. Enfin, les poissons de ces couches semblent également appar- tenir, d'après M. Smith Woodward, à des formes cré- tacées typiques. Ce qui achève de rendre cette opinion vraisemblable, c'est le cachet d'ancienneté très mar- quée de l’ensemble de la faune. Jusqu'à plus ample information, nous nous range- rons à l'opinion de M. Ameghino. j Un fait qui à d’abord frappé ce savant, c'est que, tandis qu'en Europe, en Asie et dans l'Amérique du Nord, le nombre des Mammifères augmente de plus en plus de la base du Tertiaire jusqu'à nos jours, dans l'Argentine, le nombre des représentants de cette classe parait augmenter graduellement, au contraire, à mesure que l'on descend dans les couches plus an- ciennes, jusqu'au Crétacé {couches à Pyrotherium). C'est donc l'inverse de ce que l’on observe dans les autres continents. Le caractère le plus saillant de la faune crétacée de la Patagonie est la prédominance des Ongulés, qui constituent les trois quarts des espèces, tandis que les Edentés, qui donnent un cachet si spécial aux faunes mammalogiques tertiaires de l'Amérique du Sud, jouent ici un rôle tout à fait secondaire. Il faut surtout retenir ce fait, très important, c’est que les différents groupes étaient moins éloignés les uns des autres (et par suite moins différenciés) que dans les temps plus récents. Ils conservaient, spécialement dans la dentition, des caractères communs qui rendent très difficile, sinon impossible, la détermination de dents isolées. M. Ame- ghino ajoute qu'il s’est trouvé souvent embarrassé pour distinguer une molaire d'un Toxodonte de celle d'un Typotherium, où d'un Tillodonte, ou d'un Ancylopode, ou même d'un singe. Tous les Ongulés paraissent con- verger vers un lype unique, ce qui prouve qu'on est près d'une souche commune. On peut alors prévoir que, dans un étage inférieur, on ne pourra plus tracer la limite des différents sous-ordres d'Ongulés. «A cette époque reculée existaient déjà des Primates (Notopithecus, Eupithecus), alliés des Lémuriens et sur- tout des Adapis, mais tellement voisins de certains Ongulés (Archæophylus) du groupe des Protypothéridés, qu'ils se relient à ceux-ci d'une manière à peu près continue, tandis que, par la forme des molaires, ils se rapprochent des Ancylopodes et des Tillodontes. » Les Ongulés et les Onguiculés viennent également se confondre par deux lignes différentes en une souche commune. Au point de vue de la morphologie et de l'évolution des différentes parties du squelette, les faits révélés par M. Ameghino sont également des plus curieux. L'examen de la dentition des formes crétacées ne con- firme pas la théorie de la trituberculie et de la compli- cation graduelle, car la plupart des types ont des dents quadrangulaires qui ne deviennent triangulaires que plus tard. On a donc une simplification, au lieu d'une complication. : Par la conformation de leurs dents, les premiers Mammifères n'étaient ni omnivores, ni carnivores, ils avaient des molaires à pointes ou à crêtes mal définies, et les différents types des époques plus récentes ne se sont accentués que progressivement, Les grands plis des dents que l’on croyait résulter de l'enfoncement de la couche de l'émail seraient dus à une autre cause : le développement inégai des papilles des molaires. La théorie de la brachyodontie et de l'hypselondontie ne serait pas exacte, car les Mammifères crélacés étaient brachyodontes ou hypselodontes, suivant l'âge. Les dents des formes crétacées étaient généralement en série continue. Les intervalles dentaires n'ont été acquis que plus tard, etil est frappant de voir l'ancêtre 93% CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE des chevaux avec un crâne raccourci, sans diastème. Enfin, ces types primitifs n’offraient pas de différence entre les incisives, la canine et la première molaire. Les espèces crétacées élaient presque toutes pentadactyles el plantigrades, et le péroné venait s'appuyer largement sur le calcanéum, tandis que l’astragale était très oblique. C'est là un état très primitif de la patte, qui élait tordue en dehors, tandis que le relèvement et le renforsement de l’astragale correspondent au redresse- ment du membre. On voit, par ce rapide aperçu, les nombreux et impor- tants problèmes soulevés par la découverte de M. Ame- ghino. Tous les Mammifères crétacés de la Patagonie ont un cachet archaïque prononcé etils paraissent, sinon la souche des Mammifères, au moins des formes peu évo- luées qui doivent être assez voisines des types primitifs. C’est ainsi que la série des Equidés s'enrichit d’un type nouveau, le Notohippus, dont les pattes avaient cinq doigts et étaient conformées comme celles des Menisco- therium, tandis que les dents étaient en série continue, très serrée, que les incisives ressemblaient à la canine et à la première molaire et que l’astragale était très oblique. Quel chemin parcouru pour arriver aux che- vaux actuels! Nous n'ajouterons qu'un mot pour terminer ce compte rendu provisoire. C'est que les découvertes comme celles de M. Ameghino font époque dans l'histoire d'une science. Ph. Glangeaud, Docteur ès sciences, Collaborateur au Service de la Carte géologique de la France. $ 5. — Géographie et Colonisation Les travaux publics aux colonies : Les chemins de fer. — Une discussion s'est élevée sur ce sujet au dernier diner mensuel de l'Union Coloniale Française. Nous sommes doublement désireux d'en parler ici, d'abord à cause du sujet lui-même qui rentre dans le cadre de la Revue, et plus encore à cause des observations très suggestives auxquelles il a donné lieu. Les chemins de fer aux colonies! Il semble à M. Chail- ley-Bert, — chargé d'exposer le sujet de discussion, — qu'ils représentent à eux seuls la préface de toute colo- nisation. Ils sont, en effet, les meilleurs instruments de domination et de richesse. Après la période de conquête vient celle de la pacification. Pour le prompi achève- ment de l'une et de l’autre, la construction de lignes de chemins de fer parait indispensable. Que de vies épar- gnées, que d'argent économisé, si, dès les premiers mois de l'installation de notre protectorat à Mada- gascar, nous avions pris soin de créer des roules el plus tard une voie ferrée jusqu'à Tananarive! Au Tonkin, si à l'heure actuelle, après dix ans d'occupa- tion, la piraterie n’est pas encore complètement répri- mée, n’y voyons pas d'autre cause que l'insuffisance des voies de communication. Auxiliaire de la pacifica- tion et du maintien de l'ordre, la construction des chemins de fer aux colonies est aussi nécessaire au développement de la colonisation. Nul ne peut le mé- connaitre, et cependant combien peu nombreux et de faible étendue sont nos réseaux de chemins de fer coloniaux ! En Afrique, Algérie et Tunisie exceptées, en dehors du chemin de fer de Dakar à Saint-Louis (150 kilo- mètres), dont les défectuosités et les mécomptes ont fait l’objet d'une enquête prescrite par le Gouverne- ment, et du troncon de Kayes à Bafoulabé (100 kilo- mètres) dont le prix de revient n’a jamais pu être éta- bli, — nos voies de communication sont dans le même élat qu'avant notre arrivée dans le pays. Ce sont de simples sentiers ou mieux des pistes suivies par les indigènes. Pendant que les Anglais consacrent des sommes énormes en travaux d'utilité publique, qu'ils construisent actuellement deux chemins de fer destinés à nous ravir tout le profit de notre occupation au Sou- dan et mettent à exécution leur plan gigantesque de. réunir la colonie du Cap à l'Egypte par une voie ferrée, nous n'avons d'autre souci que celui d'augmenter les crédits affectés aux dépenses militaires et adminis{ra- tives. Au Congo, les Belges ont achevé leur chemin de fer de 400 kilomètres de Matadi au Stanley-Pool. Les Allemands viennent de commencer un chemin de fer dans leur colonie du sud-est africain, avec des crédits qui en assurent le prompt achèvement. Quant à nous, au contraire, ce que nous avons fait est bien peu. Dans l'ile de la Réunion, il existe un chemin de fer qui fait le tour de l’île; il a fallu, pour le terminer, dix ans de travail. Le service des obligations du port de Saint-Denis et de ce chemin de fer, dont l'utilité commerciale est médiocre, coûte à l'Etat près de 2.500.000 francs par an. Dans l'Inde francaise, une ligne de 42 kilomètres, concédée à une Compagnie anglaise, réunit Pondichéry aux lignes indiennes, et ce précieux hérilage de notre ancienne et plus riche colonie disparaitra bientôt, faute d’une ligne reliant la. capitale à Goudelour. En Indo-Chine enfin, le chemin de fer de 71 kilomètres qui relie Saïgon à My-Tho est tout ce qui subsiste d'un vaste projet de construction de voies ferrées concu par M. Le Myre de Vilers; ne parlons du Tonkin que pour mémoire, car nous esti- mons que les 105 kilomètres du railway à voie de 60 centimètres qui relie Phu-Lang-Thuong à Lang-Son, ne sont que l’amorce d’une ligne dont l’utililé ne sera prouvée qu'après achèvement complet du troncon qui reliera Lang-Son à la frontière de Chine à Dong-Dang. Voilà, très rapidement exposé, le bilan de nos efforts industriels accomplis depuis dix ans dans notre im- mense empire colonial. La comparaison avec les efforts de nos rivaux serait accablante pour nous, mais nous la dirons quelque jour. Mieux vaut bien connaitre le mal et ses causes, pour appliquer les remèdes appro- priés. Causes et remèdes ont été très rapidement étudiés . au cours de cette réunion. Pour M. Chailley-Bert, si les colonies sont dépourvues de routes et de chemins de fer, cela tient, en majeure partie, à ce que leur organisation politique et administrative les pousse, avec une force irrésistible, vers un fonctionnarisme qui absorbe toutes leurs ressources. Toutes les fois que la question d'un railway à construire dans une de nos colonies se pose, c’est à la Métropole qu'incombe le soin de faire face à la dépense; or, le Parlement, absorbé par la besogne écrasante des affaires métropolitaines, ne consacre à l'examen des questions de ce genre qu'une attention peu soutenue, lorsqu'il ne le rejette pas de parti pris. M. Etienne, qui a pris ensuile la parole, pense que nos colonies souffrent de l'absence, en France, d'un instrument de crédit, d’une banque coloniale dont les capitaux seraient consacrés aux grands travaux d’uti- lité publique. Sans doute, comme le souhaile M. Mer- cet, il conviendrait quelles actionnaires fussent avisés de la destination de leurs capitaux et aussi que les premières opérations fussent exécutées avec toutes les garanties désirables pour en assurer la rétribu- tion, Mais il est probable que le pays, bien préparé par une campagne de conférences coloniales, accueillerait favorablement la création d’un tel établissement de crédit. M. Charles-Roux regretle que le Gouvernement ne soit pas amené à dire nettement la liste des travaux les plus ursents à accomplir, et M. Siegfried prie l'Union Coloniale de préparer un tableau de comparaison de nos voies de pénétration, spécialement en Afrique, avee les voies de pénétration étrangères. — Nous revien- drons prochainement sur cette importante question des chemins de fer aux colonies. Joseph Godefroy. A. BROCA — LES VARIATIONS DE PÉRIODE DES RAIES SPECTRALES LES VARIATIONS DE PÉRIODE DES RAIES SPECTRALES Le travail publié, il y a un an environ, par M. Zeeman !, sur les changements produits dans l'émission de la flamme du sodium par le champ magnétique, a appelé l'attention des physiciens sur les phénomènes qui se passent dans ce champ. À cette occasion, les idées de M. Lorentz sur la théorie électromagnétique semblent avoir pris crédit auprès d’un grand nombre de physi- ciens. D'autres, au contraire, se sont élevés contre elles. Il nous semble intéressant, à propos de ce mouvement scientifique, d'étudier les circon- stances dans lesquelles la période d'une radiation peut changer, et de dire quelques mots au sujet des théories qui peuvent rendre compte des phé- nomènes. Depuis 1822, les radiations émises par un corps gazeux incandescent sont considérées par beaucoup de physiciens comme spécifiques. C'est à Herschell qu'on doit les premières idées neltes à ce sujet. Un fait semble cependant avoir longtemps arrêté la science sur ce point: c'est l'apparition, dans toutes les circonstances, de la raie jaune du s0- dium. Talbot, dans de nombreuses études sur les flammes colorées, se montre singulièrement préoc- cupé de la présence constante de cette raie. Aussi fallut-il attendre quarante ans, et arriver aux tra- vaux de Kirchhoff et Bunsen, pour acquérir une cer- litude scientifique sur la question. Actuellement, la spécificité des radiations simples, émises par une vapeur incandescente, est une des notions fonda- mentales de la Physique. Dans quelles limites ces radialions sont-elles constantes? sous quelles actions l’émission d’une source peut-elle changer? Telle est la question que nous allons examiner tout d’abord. Diverses conditions physiques peuvent influer sur la production du spectre d’une vapeur. Les plus essentielles sont la température et la pres- sion. Une première observation montre immédia- tement que les conditions de production ont la plus grande influence sur le spectre. Les lignes obtenues dans le chalumeau à gaz où dans l’are électrique sont souvent très différentes pour un même corps. Non seulement une même ligne ou bande y change d'éclat, mais des lignes nouvelles apparaissent ou disparaissent quand on passe de l’un à l’autre. Si on produit le spectre en excilant la luminescence de la vapeur dans un tube de 4 Voir la Revue générale des Sciences, t. VII, p. 298. Plücker, d'autres changements encore se produi- sent. Dans ces tubes eux-mêmes, suivant les condi- tions de l'expérience, un même gaz peut présenter deux spectres distincts. L'azole, par exemple, donne, suivant la pression dans les tubes, deux spectres absolument distincts. Certains physiciens les ont attribués à des corps composés qui se for- meraient; d'autres, à l'existence de divers états allotropiques. Il n’en est pas moins vrai que l’aug- mentation de température amène tous les corps gazeux à émettre un spectre continu. Cela a été montré par Frankland, Lockyer et Cailletet. L’aug- mentation de pression dans un tube à décharge exigeant une dépense plus grande d'énergie, la température est plus élevée et les modifications correspondantes se produiraient par ce seul fait, d'après Salet. Dans la flamme elle-même, quand la tempéra- ture s'élève, le spectre se complique. Gela a été vu par MM. Wolf et Deacon pour le sodium, par M. Mascart pour le thallium. Enfin, en 1896, MM. Jewell, Humphreys et Mobler, travaillant sous la direction de M. Rowland, ont établi un fait tout à fait inattendu. Ils ont fait jaillir l'arc électrique en vase clos, sous pression, el ils ont vu les raies des substances volatilisées dans l'arc se déplacer dans ces conditions. Quand on augmente la pression, les raies se déplacent vers le rouge; quand on les diminue, elles se dépla- cent vers le violet. Les déplacements ainsi obte- nus sont extrêmement faibles; ils sont cependent neltement mesurables, et les auteurs ont cru pou- voir avancer que le déplacement était proporlion- nel au produit de Ja dilatation linéaire de l'élément pris à l’état solide par la racine cubique du poids atomique. Pour un même élément, le déplacement est d'autant plus grand que la raie considérée est moins réfrangible. Le spectre du carbone fait exception à ces règles; de toutes ses raies, une seule subit par l'augmentation de pres- sion une varialion mesurable. Cela ainène l'auteur à cette conclusion intéressante, que la pression des diverses vapeurs dans l'atmosphère solaire est d'autant plus grande que le poids atomique en est plus élevé. Il y a donc superposilion des vapeurs dans l’ordre de leurs poids atomiques. Cette con- clusion est déduite des comparaisons des raies des différents mélaux dans l’atmosphère solaire et dans l'arc électrique. Ce dernier travail nous montre, pour la première fois, des raies spectrales se déplacant dans un sens déterminé sous une action physique; nous allons 936 A. BROCA — LES VARIATIONS DE PÉRIODE DES RAIES SPECTRALES voir tout à l'heure que c'est un phénomène du même genre qui a élé vu par M. Zeeman. Mais, avant d'aborder les travaux de ce savant, nous devons dire un mot de ceux qui l'ont précédé dans la voie qu'il a suivie, et qui ont aperçu une action du champ magnétique sur la lumière émise par une source. Une observation déjà ancienne de Chautard nous a appris qu'un tube de Plücker, placé dans un champ magnétique, subit, du chef de celui-ci, des modifications. Pour le soufre et le sélénium, le spectre diminue d'éclat. Pour le chlore et le brome, il augmente d'éclat, et en même temps des raies nouvelles apparaissent. Ilest probable que, dans ces conditions, les raies qui semblaient rester en place subissent une mo- dification de longueur d’onde. Je ne connais pas d'expériences tentées à ce sujet depuis le travail de M. Zeeman et avec les puissantes dispersions aujourd'hui alteintes. Il y aurait là peut-être le sujet d’une intéressante élude. En 1862, Faraday entreprit de rechercher l’action d’un champ magnétique sur une flamme: il ne trouva rien. Enfin, en 1885, M. Fiévez, cherchant, comme MM. Jewell, Humphreys et Mohler, des applications astronomiques, et songeant aux intenses champs magnéliques produits à la surface du Soleil, essaya l’action du champ magnétique sur la flamme du sodium. Il observa un élargissement des raies, et, en mème temps, un renversement, et même un double renversement; c'est-à-dire qu'il observa d'abord la présence d’une ligne noire au milieu de la ligne brillante élargie, puis l'apparition d'une ligne brillante au milieu de la ligne noire. Fiévez opérait normalement au champ; nous allons voir, d’après l'expérience de Zeeman, qu'il devait voir alors un triplet, qu'il inlerpréta par un double renversement, mais non un doublet. On ne sait done pas à quoi attribuer le renversement simple observé dans celte expérience. Peut-être une per- turbation malheureuse lui a-t-elle donné un pre- mier renversement, ce qui l'a lancé sur une mau- vaise piste. Il n’est pas question, dans le travail de Fiévez, de la polarisalion de la lumière émise dans le champ magnétique. Nous arrivons maintenant à la découverte finale, à celle qui nous a donné une notion scientifique précise de l’action d’un champ magnétique sur une source lumineuse. Les lecteurs de la /evue sont déjà au courant de la grande découverte de M. Zeeman par un article fait par lui-même !. Nous rappellerons seulement le fait principal. Dans l'observation normale aux lignes de force, une raie 1 Voyez : P. Zreman, L'Oplique el la lhéorie des Ions, dans la Revue générale des Sciences du 15 avril 1897. spectrale est transformée en un triplet quand le. champ magnétique et la dispersion sont suffi=. sants; les deux raies marginales sont polarisées. parallèlement, la raie centrale perpendiculaire= ment aux lignes de force. Cela veut dire que, pour la raie centrale, la vibration de Fresnel est dirigée suivant la ligne de force. Quand on observe dans le sens des lignes de forces, la raie D se dédouble en deux circulaires, l'une droite, l'autre gauche, de longueurs d'onde différentes. É Quand on ne prend pas de précaulions spéciales, on n'observe qu'un élargissement de la raie obser- vée. Pour l'observation tout à fait précise du phéno- mène, ilestbon d'utiliserles procédés de M. A. Cornu. Pour l'observation normale, ce physicien réalise deux plages polarisées à angle droit et superpo- sées, au moyen d'un prisme de Wollaston et d'une aiguille placée au plan focal de l’oculaire d’obser= vation. Dans ces conditions, on voit une ligne con- tinue quand le courant ne passe pas dans l’électro- aimant. Quand le courant passe, on voit deux lignes distinetes se former dans la plage polarisée paral- lèlement aux lignes de force, de part et d'autre de la posilion occupée antérieurement par la raie. Dans l'autre plage la raie ne change pas. En même temps que M. A. Cornu, M. A. Michelson reprenail la question. Ilemploya son célèbre appa- reil interférentiel, qui lui a permis de mesurer le mètre en longueurs d'onde, et d'établir ce fait remarquable, que les raies du spectre et celles du gaz n'élaient pas simples, en général, mais compor- taient un petit spectre continu, étalé sur une très petite région, mais présentant une réparlition d'énergie parfois très variable avec la longueur d'onde. Il arriva, lui aussi, à cette conclusion que le phénomène n’était pas dû à un simple étale- ment des raies, mais à la formation d'un doublet où d’un triplet, suivant le sens de l'observation. M. Michelson à cru trouver là une raison pour infirmer la théorie de Lorentz. Nous montrerons plus loin pourquoi nous ne partageons point son avis, tout en condamnant la théorie de Lorentz pour d'autres raisons. IT Nous venons de voir dans quelles condilions peub varier lalongueur d’une onde émise par une source. Des actions du même genre peuvent-elles se pro- duire en agissant sur le rayon lumineux lui-même, à distance de la source? Nous allons montrer 1 Voyez : Acsert À. MicneLsoN, Les Méthodes interféren- lielles en Métrologie et l'établissement d'une longueur d'onde comme unilé absolue de longueur, dans la Revue générale des Sciences du 30 juin 1893, p. 369 et suivantes. CR A. BROCA — LES VARIATIONS DE PÉRIODE DES RAIES SPECTRALES 937 qu'aucune action connue ne produit cet effet, malgré les apparences dues à la phosphorescence, à la fluorescence, au phénomène de Düppler- Fizeau. La réflexion, la réfraction, la polarisation, l'in- terférence, la diffraction, nous montrent que les ondulations lumineuses qui ont subirégulièrement ces actions, ont toujours la même longueur d'onde dans l'air, donc la même période. Quand une : radiation, au contraire, subit la réfraction, nous savons que sa longueur d'onde change. Il nous semble évident que la période est immuable, et les expériences de Foucault nous montrent bien que cette vue de l'esprit est exacte, puisqu'il trouve directement, pour le rapport des vitesses de pro- . pagation dans l'air et l'eau, l'indice de réfraction de ce dernier milieu. Nous avons donc la certitude expérimentale que lorsqu'une onde se propage en subissant seulement quelques-unes des actions sus-mentionnées, sa période est absolument im- muable. Cependant, quand une radiation se transmet à travers un milieu pondérable, il y a toujours absorption plus ou moins grande, et c'est à ce fait qu'est due la dispersion. La lumière absorbée est transformée presque toujours en chaleur, sauf dans le cas des substances sensibles, où il y à transformation directe en énergie chimique. Le corps s'échaufant rayonne, el il y a, par consé- quent, production de radiations ayant des longueurs d'onde différentes de la radiation excitalrice. D'autres corps présentent une propriélé plus par- ticulière encore. Pour eux, la radiation ne subit pas la transformation préalable en chaleur; une radiation déterminée se transforme en une autre, de longueur d'onde moindre, il est vrai, comme l'a montré Stokes, mais dont l'émission n'est pas causée par une élévalion de température du point . d . . . frappé. Ce sont les corps fluorescents. Dans cer- tains d’entre eux, l'énergie rayonnée est inférieure à l'énergie absorbée. Celle-ci s'emmagasine sous une forme dont nous n'avons aucune nolion, pour rayonner ensuile pendant un temps plus ou moins long. Les corps qui émeltent ainsi, après insola- lion, des radiations lumineuses, sont appelés phos- phorescents. M. H. Becquerel a montré que les sels d'uranium ont une propriété analogue pour des radiations intermédiaires entre Lullra violet et les rayons X. Mais ce sont là des propriétés qui n'ont aucune relalion avec la propagation même de l'énergie radiante. Gelle-ci est partiellement ou totalement absorbée en cerlains points, et les points corres- pondants deviennent l’origine d’une propagation nouvelle. Il y à une véritable transformation d'énergie, et propagation d'ondes nouvelles n'ayant de rapports ni comme période, ni comme phase, ni comme direction de propagation, avec la radia- tion excilatrice. IL n'y a donc pas changement de la période d'une radiation en ces points, ce nest plus la même radiation qui se propage. Les divers points d’une substance fluorescente émellent des vibrations sans relation de phase entre elles, même la source lumineuse excitatrice est un point. si Dans le phénomène de Düppler-Fizeau, nous voyons bien des raies spectrales se déplacer, mais c'est encore une action qui dépend de la relation entre les corps matériels, source et récepteur, les- quels ont un mouvement relatif. L'éther ne joue aucun rôle dans ce phénomène : il transmet seule- ment ce qu'il recoit, sans y apporter auvune modi- fication. Il était naturel de chercher si cette immuabilité de la période était bien absolue, et si le champ magnétique ne créait pas une exception. Les expé- riences de M. Zeeman donnent un corps à la doctrine tourbillonnaire de Thomson et Maxwell : il fallait chercher si de l'énergie cinélique de même nature que celle du mouvement lumineux ne pouvait pas se comporter autrement que les résistances passives dues à l'existence de matière inerte, si la loi de la conservation des périodes dans la propagation par onde était absolue. Les premiers qui se soient posé celte question sont Forbes, dont les idées furent soumises à la dis- cussion de Maxwell, et Tait, qui essaya, mais en vain, de voir le dédoublement d'un polarisé traversant un champ magnétique. À propos de ses expériences sur le phénomène de Zeeman, M. A. Cornu fit le même essai avec la liqueur de Thoulet, et le résultat fut également négatif. Avec les rotations spécitiques infiniment petites des corps mis en expérience, on pouvait se demander si deux rayons aussi peu différents et de mème origine ne réagiraient pas l’un sur l'autre, de manière à produire de la lumière, soit rectiligne, soit elliptique. En admettant, en effet, pour cause de la rotation du plan de polarisalion dans la liqueur de Thoulet, un effet de celle nature, on lrouve que l 2.000.000 Il n’est pas impossible qu'une synchronisation de la période serait altérée de de sa valeur. deux mouvements de même origine el aussi voi- sins puisse exister. J'ai essayé l'expérience, en donnant, par un artifice, à mon réseau une disper- sion suffisante, et j'ai eu un résultat négatif. Mais il existe un corps dont la rotalion est infini- ment plus grande: c'est le fer, qui donne une rola- tion de 50’ pour une épaisseur d'environ 0,01 mi- cron. Dans ces condilions, il ne saurait plus être question de l'explication précédente, mais on pou- 938 A. BROCA — LES VARIATIONS DE PÉRIODE DES RAIES SPECTRALES vait se demander si, à côté du changement de vitesse de propagation qui produit certainement la majeure partie du phénomène, il n’y avait pas une petite partie de l'effet due à un changement de période. J'ai alors fait des lames de fer transpa- rentes par voie électrolytique sur verre platiné, el j'ai pu, par des mesures précises, montrer qu’une circulaire traversant une lame de fer ne subissait aucun changement de période, ou que, si ce chan- gement de période existait, el si on admettait la synchronisation dont il a été parlé tout à l'heure, il ne pourrait pas produire plus de de la ro- 1 4.000 tation observée. Il me semble donc bien établi que, tant qu'un mouvement se propage par ondes, rien ne peut altérer sa période. Quand, au contraire, il y a en un point une transformation d'énergie causée par la présence d’un corps matériel et que, sous l’action de celte transformation, le corps matériel devient source lumineuse, toutes les varialions des agents physiques influent sur la lumière qu'il émet, que ce soit la température, la pression, ou le champ magnétique Dans cette manière de voir, l’éther lumineux nous apparait comme doué de la pro- priélé de transmettre des ondes, sans pouvoir être influencé par une cause quelconque, même par les plus violents phénomènes dont il est le siège. Gar- dons done celle conceplion à peu près suflisante pour fixer nos idées, mais croyons bien qu'elle n'est peut-être nécessaire que pour servir de sujet au verbe onduler. ITT Abordons maintenant l'étude des idées théoriques qui ont élé émises pour interpréter les phénomènes. Un premier fait à expliquer est l'existence de trois radiations polarisées rectilignement norma- lement au champ, alors qu'il n'y en à que deux parallèlement au champ, et polarisées circulaire- ment. Nous sommes ici en présence d’un fait para- doxal. Il semble qu'il y ait cinq radiations et que la propagation ne se fasse que dans une seule direc- tion pour chacune d'elles. Le principe de l’incom- oressibilité de l’éther va nous montrer que ces : I radiations peuvent se réduire à trois, de simples considérations cinématiques. La vibration matérielle parallèle aux lignes de force ne pourra, en effet, transmettre aucun mou- par vement ainsi orienté dans sa direction, car il serait longitudinal, ce qui est incompatible avec l'incom- pressibilité de l’éther. Dans les idées de Cauchy à la fin de sa vie, le mouvement doit être invanes- cent dans celle direction, et c'est ce que l’expé- rience vérifie. Quant aux deux mouvements circulaires propa- gés dans le sens des lignes de force, ils sont vus par la tranche pour un observateur qui regarde normalement aux lignes de force, et donnent lieu, par conséquent, à une vibration rectiligne. La com- posante normale ne peut d’ailleurs se propager. Il reste à se demander ce que peut être la sur- face de l’onde pour des vibrations de cette nature; la question est ouverte, peut-être n'est-elle pas près d'être résolue. Mais une conclusion de première importance me semble pouvoir être tirée de là : c'est que la vibration de la lumière polarisée est celle de Fresnel. En effet, la vibration dont la pé- riode est inaltérée est polarisée normalement aux lignes de force; elle ne se propage pas dans le sens des lignes de force, cela ne peut s'expliquer que si elle a cette direction. Les deux circulaires ont comme plan de vibration le plan normal aux lignes de force; leur plan de polarisation passe par les lignes de force; la vibration qu'ils transmettent est done forcément normale au plan de polarisa- tion. Ainsi se trouve vidée, il me semble, cette grosse question qui, de l'avis de tous les physi- ciens, depuis la discussion des expériences d'Otlo Wiener! par M. Poincaré?, nécessilait la découverte d'un phénomène d'ordre nouveau. Pour être ri- goureuse, cette démonstration exige que les deux circulaires et les deux rayons polarisés parallèle- ment aux lignes de force aient exactement la même période. Telles sont les idées cinématiques que l’on peut émettre au sujet des expériences de Zeeman. Nous sommes reslés jusqu'ici sur un terrain solide. Nous allons entrer maintenant dans lesidées dyna- miques, c'est-à-dire dans les essais tentés pour connaître la nature intime des choses. Dans cette question, comme dans toutesles autres, nous allons nous trouver dans l'incertitude. M. Zeeman a montré que son phénomène s'ex- pliquait par cerlaines formes d'équations obte- nues en considérant une molécule en mouvement comme animée d’un mouvement pendulaire simple doué d'une période propre, indépendant du mouve- ment des parties voisines, mais auquel s'ajoute un terme proportionnel à la vitesse. Ce dernier est dû à ce que la molécule considérée est chargée d'élec- tricilé, et que, étant en mouvement, elle doit, d'après les idées de Maxwell, être soumise à l'ac- tion d'un champ magnétique, le terme correspon- dant étant proportionnel à la force magnétique et à ! Sur les expériences de M. Otto Wiener, voyez l’article de M. L. Orvier : La confirmation expérimentale de la théorie de Fresnel, dans la Revue générale des Sciences, du 30 janvier 1891, t. Il, p. 64. ? Sur celte discussion, voyez la Revue annuelle de Phy- sique, par M. Gariec, dans la Revue générale des Sciences du 30 juin 1891, t. 11, p. #15 et suivantes. | A, BROCA — LES VARIATIONS DE PÉRIODE DES RAIES SPECTRALES o 939 la vitesse de la molécule chargée, que nous appel- lerons dès lors un ion. _ Dans ces idées, nous considérons chaque point . de la flamme comme le siège d’un mouvement mo- léculaire constamment entretenu par la transfor- mation d'énergie qui produit le phénomène, et sur lequel le mouvement des parties voisines n’a qu'un effet négligeable. Celà est la traduclion de ce fait expérimental que les ondes issues des divers points d'une flamme sont incohérentes. Quant à l’exis- tence de l'ionisation dans la flamme, elle me sem- ble découler des deux faits expérimentaux sui- vants : 1° les gaz de la flamme déchargent les corps électrisés; 2° le passage des gaz de la flamme dans un ozoniseur leur enlève cette pro- priété (Villari). Cela est tout à fait indépendant des théories électrodynamiques de M. Lorentz. Celles- ci me semblent inacceptables pour bien des rai- sons. Elles remplissent l’espace de trois ou quatre fluides ou matières différentes. Elles admeltent l’existence d'ions chargés en tous les points de l’espace. C'est au transport des ions dans les con- ducteurs que serait dû le courant électrique. C'est à leur déplacement dans le diélectrique que serait dû le courant de déplacement. Cela me semble inadmissible, puisque nous savons, par le théo- rème de Poynting, que le flux d'énergie est nor- mal au conducteur, et qu'il lui est transmis à tra- vers le diélectrique ambiant. Le conducteur est un lieu de consommalion d'énergie, mais une expli- calion dynamique rationnelle du courant électrique ne doit pas être cherchée dans un phénomène lon- gitudinal. De plus, pour M. Lorentz, les ions exis- tent partout. Le phénomène de Zeeman devrait donc se produire au lieu de celui de Faraday quand un rayon polarisé traverse un champ ma- gnétique. L'expérience a moniré quil n’en est rien. Quant à l'objection de M. Michelson, dont nous avons parlé, c'est la suivante. Selon lui, la théorie de M.Lorentz exigerait un élargissement des raies et non une scission nelte. C'est, en effet, ce qu'avait observé M. Zeeman, mais la théorie qu'il donne nécessite au contraire l'existence de radiations distinctes. La critique de M. Michelson est donc sans fondement. La théorie de M. Lorentz relati- vement aux phénomènes électrodynamiques me semble d’ailleurs suffisamment infirmée par l'ex- périence de Faraday, mais il me semble aussi qu'elle est applicable au cas de M. Zceman où une source d'énergie donne précisément à la molécule et d'une manière fugitive, cette propriété électrique qui la transforme en un ion, utilisant ainsi, d'une manière tout à fait analogue à ce qui se passe dans la pile, l'énergie non compensée de la réaction chimique. Mis, ne croyons pas cependantavoir l'explication précise du phénomène. Il présente, en effe!, une anomalie bien vue par MM. Egoroff el Giorgewski, neltement observée par M. A. Cornu : c'est que toutes les raies d'une même flamme ne subissent pas le phénomène. Il semble que les raies spontané- ment renversables soient les seules à le présenter. C'est là le point délicat de la question, celui qu'il faut approfondir maintenant pour se faire une idée vraiment nette du phénomène. Je ne veux pas terminer cet article sans dire un mot des idées qu'a suggérées à M. H. Becque- rel la comparaison des phénomènes de Zeeman et de Faraday. M. H. Becquerel calcule la pé- riode du mouvement tourbillonnaire du champ magnélique en admettant qu'il s'ajoute algébrique ment à la vibration naturelle dans le phénomène de Zeeman. Il trouve alors 6,36 X 10° tours par seconde pour un champ égal à l'unité C. G. S. Passant alors au phénomène de Faraday, il s'appuie sur ce fait que la période d’une ondula- lion transmise est immuable, mais que la réac- lion élastique d'un milieu dépend de la vitesse relative des moléculesparrapportau milieu.Si done le milieu a une rotation propre,un rayon circulaire droit et un gauche de même période auront deux vitesses différentes de propagation, qui devront différer avec la vitesse du faisceau sans champ ma- gnétique de quantités égales. C'est là ce que M. A. Cornu a établi en 1884. M. Becquerel déduit de ce fait la vitesse de rotation 6,64. 10°, en coïn- cidence remarquable avec la première. Il y aurait bien là une difficulté si l’on cherchait à se rendre compte des faits par des hypothèses moléculaires, car nous ne pouvons concevoir des tourbillons sans discontinuités. Peut-être l'image dynamique du phénomène ne sera-t-elle jamais contentons-nous de ce que donne l'expérience, et, sans chercher à nous faire une image trop précise et par conséquent fausse des faits, disons seule- ment : Le champ magnétique est caraclérisé par un vecteur de la nature d’une rotation, de même accessible : que le rayon lumineux circulaire, et ces deux vec- teurs représentent des quantilés de même nature. Il serait imprudent d’aller plus loin. André Broca, Préparateur de Physique à la Faculté de Médecine de Paris. 940 HENRI SCHIRMER — LA PÉNÉTRATION COMMERCIALE AU SOUDAN CENTRAL LA PÉNÉTRATION COMMERCIALE AU SOUDAN CENTRAL Il s'est fait dans le public, à l'égard des colonies tropicales de la France, une évolution bien intéres- sante. Le public a commencé par ignorer d’elles à peu près tout, sauf l'existence. Puis, lorsqu'il les a découvertes, à la suite d'une énergique propagande, il s'est contenté pendant quelque temps d'admirer en bloc les « Indes Noires », et d'applaudir de con- fiance à la « conquête du Tchad ». Aujourd’hui sa curiosité va plus loin. L'accueil fait aux notices substantielles publiées par divers recueils — et no- tamment par la Aevue générale des Sciences — dé- montre qu'il a pris goût à l'information précise. Que sait-on, après tout, de ces acquisitions nou- velles saluées par les uns comme la grande pensée du siècle, et auxquelles d’autres témoignent une invincible défiance? Qu'y a-t-il de positif et d’hy- pothélique dans ce qu'on nous raconte de leur ri- chesse présente? Parmi leurs produits connus, les- quels peuvent être vendus sur nos marchés avec bénéfice, et quel chemin prendre pour les y faire venir? Voilà ce qui intéresse bien plus que les discussions théoriques. En un mot, ce qu'on de- mande, c'est cet ensemble de renseignements pra- tiques que, depuis près d'un sièele, la presse bri- tannique à coutume de servir à ses lecteurs. Le Soudan a déjà inspiré à cet égard plus d’une étude intéressante. Mais, — élait-ce que l’auteur croyait d'avance à l'excellence de telle entreprise? — presque toujours l'enquête a tourné au panégyrique. Essayons de faire, en ce qui concerne le Soudan central, acte d'inventaire impersopnel el précis. I. — LES PRODUITS DU SOUDAN CENTRAL. L'histoire n’a pas réuni en une deslinée commune tous les pays de la zone soudanienne. Dans l'Ouest, un peuple pasteur, pris d’un élan de prosélytisme et de conquête, s'est imposé aux Noirs et a groupé au- tour d’une même suzeraineté religieuse ces royau- mes foullas que se partagent aujourd’hui la France, l'Angleterre et l'Allemagne. A l'Est, le Sennar, le Kordofan et un instant le Dar-Fôr, ont subi la loi des maitres du Nil. Autour du Tchad ont subsisté indépendantes, flanquées au Sud de tribus païennes sans cohésion et sans histoire, les trois vieilles monarchies du Soudan central. I ne sera question ici que de la partie réservée à l'influence francaise par les conventions avec l'Allemagne et le Congo. C’est, après le désert, la région d'Afrique dont la carte est la moins chargée d'itinéraires. Denham, en 1824, n'a fait que contourner le Tchad jusqu'à son extrémité sud. Barth, cet observateur si sûr, a dû arrêter sa pointe à Massegna, capitale du Ba- guirmi. Il n’en reste pas moins notre meilleur in- formateur sur ce pays, car Nachligal, le seul qui y ait pénétré après lui, a exploré dans des condi- tions particulièrement défavorables : trouvant le roi en fuite devant une armée du Ouadaï, il Va suivi chez les païens dans la zone des forèts et des marécages, el n'a presque rien vu du Baguirmi proprement dit. Plus tard, il a lraversé à loisir le Ouadaï et le Dar-Fôr; malheureusement il est mort avant d’avoir rédigé cette partie de son grand ou- vrage, etses notes, qu'on a publiées, eussent gagné à être commentées avec ses souvenirs. Au Sud, trois itinéraires seulement, Dybowski, Maistre et Clozel; dans l'Est, Potagos, sincère, mais brouillé avec la topographie, quelques lignes de Purdy et le récit du capitaine Hanolet jettent seuls quelque lumière sur la région mystérieuse que se départagent les affluents du Chari et du Nil. Quels sont les produits utiles notés par ces divers observateurs ? 1. Les plumes d'autruche. — Elles constituent une ressource d’une abondance et d’une valeur certaines. Au temps de Nachtigal, le Ouadaï était le pays du Soudan qui en fournissait le plus, et les autruches sauvages élaient nom- breuses dans les districts semi-déserts du Nord. Aujourd'hui encore, les plus belles plumes du monde viennent des sleppes ouadayennes et de chez les Zoghaoua, au nord du Dar-Fôr!. En 1855, l'élevage des aulruches était pratiqué au Baguirmi (Barth). 2. Les cuirs. — Le bétail est la principale ri- chesse du Ouadaï et du Dar-Fôr. Bœufs à bosse, chameaux, chevaux, moutons et chèvres fournis- sent des quantités de cuirs, lannés à l'aide de l'Acacia nilolica avec une habileté qui leur a donné une réputation particulière sur les marchés d'E- gypte et de Tripolilaine. À cette abondance de ma-" tüière première il faut ajouter les animaux sauvages, antilopes, hippopotames, crocodiles, qui pullulent au Kanem sur les rives du Tchad. 3. La cire. — La cire mérite une mention, car les abeilles abondent dans les steppes du Soudan septentrional. 1 Nous devons ce renseignement à l'obligeance de M. Forest. On a pu voir des échantillons magnifiques de plumes du Ouadai à l'Exposilion de Lyon en 1894. HENRI SCHIRMER — LA PÉNÉTRATION COMMERCIALE AU SOUDAN CENTRAL 941 … 4. L'ivoire. — L'ivoire n’est plus aujourd'hui, à Bai dire, un produit du Kanem, du Ouadaï et du Dar-Fôr : abstraction faite des marécages du Tchad, l'éléphant est devenu très rare dans ces régions ‘septentrionales du Soudan. C'est au Sud, dans la zone moins peuplée des grandes savanes de hautes herbes et des forêts vierges qui enveloppent de leur nappe sombre les fleuves et les bas-fonds, aux pays Sara, Sokoro el Boua dépendant du Baguirmi, ‘au Dar-Rouna et au Dar-Fertit situés au sud du Ouadaï, que se rendent chaque année les expédi- tions de chasse organisées par les musulmans du Nord. Au début de ce siècle, lorsque le cheikh Mohammed-el-Tounsi fit ce séjour au Ouadaï, dont le D’ Perron a traduit la relation curieuse, le sul- Lan avait le monopole de ces chasses fructueuses. En 1874, il recevait la moilié de l’ivoire apporté _dans ce pays. Une partie de l'ivoire du Baguirmi se vend, d'autre part, sur les marchés du Bornou. C’est en général de l'ivoire dur (d’éléphants de plaine ou de marécage), dont le prix est en moyenne inférieur d'un tiers à celui de l'ivoire doux des pays rocheux. 5. La gomme. — Le voyageur, qui, venant du Nord,marche du désert vers le Tchad, observe dans la végétation une gradalion curieuse. D'abord la steppe d'herbe, que Denham comparait à une lande d'Angleterre. Puis les arbres épineux se multiplient, se rapprochent, finissent par donner à la steppe l'aspect d’un parc : on est dans la zone des mimo- sas, qui précède les cultures. Là, comme au Séné- gal, l'Acacia Verek et l'Acacia Seyal laissent suinter -des gercures de leur écorce la gomme arabique, qui continue à être recherchée pour une foule d'in- dustries, malgré la concurrence de la dextrine. Suivant une ligne oblique, sans doute en rapport “avec l'extension de la mousson pluvieuse, la zone des acacias gagne au Sud à mesure qu'on s'éloigne “de l'Atlantique : Nachtigal l’a trouvée au centre même du Ouadaï, Purdy au sud du Dar-Fôr jusqu'à Hofrat-en-Nahas, Felkin au bord du Bahr-el-Arab ; elle comprend donc la majeure partie du Soudan central à l’est du Tchad’. La production de gomme y est donc sans doute considérable, mais elle ne peut être évaluée encore. Nachligal se borne à citer les acacias gommifères parmi d'autres espèces ob- servées dans la même zone (Acacia nilotica, Ac. albida, Ac. mellifera, etc.), et la gomme, s'il s'en est récolté, est allée se confondre avec celle du Kor- dofan, le grand producteur du Soudan oriental. La gomme copal, dont Staudinger a vu des échan- 1 On sait que les acacias gommiers se trouvent à l’état sporadique jusque dans le Soudan méridional; mais la qua- lité de la gomme est toujours inférieure. tillons au Sokoto septentrional, n'a pas encore été signalée dans ces régions. 6. Autres produits végétaux. — La liane à caout- chouc (Landolphia) a été reconnue par Dybowski et Maistre sur le Chari supérieur (plaine du Gribingui). L'arbre à beurre (Butyrospermum Parkii Don.), est signalé au sud du 10° parallèle et forme vers 8° et 6° de latitude des forêts entières. La malière grasse de son amande possède à peu près la valeur de l'huile de palme et sert surtout à la fabrication du savon et des bougies ; la sève coagulée à l'air four- nit une gomme analogue au caoulchouc, mais qui n'a pas encore fait ses preuves dans l'industrie. Le coton pousse sauvage dans les clairières des forêts du Chari, et des émigrés bornouans en ont introduit la eullure au Baguirmi et au Ouadaï. En ce qui concerne l'espèce, on en est encore réduit aux conjectures. Il est probable qu'on a affaire à une des deux espèces suivantes, qui portent le nom bornouan de koulkoutton au Fezzän : le Gossy- pium vilifolium Lmk.(en arabe kotn-bernaouï, coton du Bornou), également indigène dans la vallée du Nil, et Le Gossypium herbareum L. (en arabe kotn- fezzani, coton du Fezzän), mais qui est aussi, d'après Staudinger, l'espèce cultivée au Sokoto. Ce sont des cotons à courte soie. L'ouate des fruits du bombax (£riodendron anfractuosum D. C.), dont on rembourre les matelas qui servent de cuirasse à la cavalerie bornouane, n'est citée ici que pour mémoire, puisque ses fibres sont trop peu résis- tantes pour être transformées en fils. L'Achour (Asclepias gigantea, Calotropis procera BR. Br.), une des plantes caractéristiques du Soudan septentrional, à des graines duvetées d’une soie très brillante, qui ne semble pas justifier les espé- rances fondées sur elle : d'après les expériences rapportées par M. Lecomte, ses fibres ont le tort de se briser facilement. Des bois d'industrie on ne peut dire encore grand’chose, si ce n’est que l'ébène devient fréquent au sud du Dar-Fôr (Purdy). L'indigo, spontané au bord du Tchad (Denham), est cullivé par des émi- grés bornouans au Baguirmi et au Dar-Fôr, mais seulement pour la consommation locale. Nachtigal signale au Baguirmi une racine qui donne une riche couleur de safran. 1. Plantes alimentaires. — Les cultures alimen- taires, sorgho, mil, maïs venu d'Égypte !, sorgho à sucre, sésame, arachides, sont partout réduites au minimum. Pourquoi l'indigène produirait-il davan- tage ? Aucune de ces denrées ne lui est demandée 4 Chez les Tebous, au Bornou, au Sonrhaï on l'appelle « l'égyptien » (masar, masarmi, masarhamé). 922 HENRI SCHIRMER — LA PÉNÉTRATION COMMERCIALE AU SOUDAN CENTRAL par les marchands du dehors, et un excédent de récoltes ne ferait qu'ailirer sur lui les razzias du suzerain ou des populalions voisines. Seule l’occu- pälion européenne, en offrant au nègre plus de dé- bouchés et plus de sécurité et de justice, peut lui donner l'intérêt au travail. Le riz sauvage (Oryza punclata) pousse dans les parties inondées du Ba- guirmi. Le caféier semble indigène entre l'Ouban- gui et le Chari supérieur (Dybowski). C'est une va- riété du Libéria, c'est-à-dire un plant qui recherche les plaines humides au sol latéritique, et qui craint les longues saisons sèches ; aussi n'est-il pas si- gnalé dans le Soudan musulman du Tchad. Quant au caféier d'Abyssinie, il ne semble pas s'être avancé si loin dans l’ouest. 8. Ressources minérales. — L'énuméralion est vite faite : à part le fer, si commun dans les laté- rites africaines, le nombre des gisements reconnus se réduit à rien. Sur la frontière orientale de la ré- gion qui nous occupe, les indigènes exploitent les riches mines de cuivre de Hofrat-en-Nahas; elles ont été visitées par Purdy pour le compte du Gouver- nement égyptien, quin'en a d’ailleurs pas tiré parti. Telles sont les ressources connues de la zone francaise du Soudan centrak Si c'était tout, ce se- rait assez peu de chose. Mais qu'y a-t-il à droite et à gauche de ces fils ténus qui représentent les iti- néraires des voyageurs? On ne peut juger du nombre des plantes utiles par l'usage restreint qu'en fontles indigènes, pas pius que l'absence d’ex- ploitation n'indique celle de minéraux exploitables. D'ailleurs, d’où vient l'or qui sert au Dar-Fôr à faire les anneaux des femmes, et qui s’exportait jadis, soit en Egypte par la route de Kobé à Siout, soit en Cyrénaïque par le Ouadaï ? Ce ne peut être le métal que recueillentles Nouba du Kordofan mé- ridional, et qui prenait tout naturellement la voie du Nil. Fresnel, dans ce curieux Mémoire sur le Ouadaï dont il avait réuni les éléments en interro- geant les pélerins de La Mecque, et dont Nachtigal et Rohlfs ont plus d’une fois vérifié l'exactitude, signale, d'autre part, des montagnes très riches en cuivre chez les païens du sud; Burckhardt, voya- geant sur le Haut-Nil, avait entendu dire la même chose, mais ni le cheikh El Tounsy, ni Nachtigal n'ont rien rapporté de pareil! Or, nous savons, par Purdy, qu'autour des mines de Hofrat-en-Nahas « le pays est platet l'horizon n’est borné par aucune montagne ». Les informateurs de Fresnel et Burck- hardt ont-ils donc fait erreur, où n’y a-t-il pas d’au- tres mines au sud du Ouadaï ? Il serait bien risqué de répondre. Lorsqu'en la seule année 1896, dans des régions relativement connues, on a découvert la houille au nord-ouest du lac Nyassa, et l'or près du fleuve Counène, comment juger le Soudan cen- tral, dont les parties les plus intéressantes, les zones de dislocation et d'activité éruptive, sont pré- cisément celles où pas un Européen n'a mis le pied ? IT. — COMMUNICATIONS AVEC LE SOUDAN GENTRAL. Mais, à supposer qu'un pays renferme un grand nombre de produits utiles, cela ne suffit pas pour qu'il devienne immédiatement une possession de grande valeur. Il faut aussi qu'on ait avantage à transporter ces produits sur les marchés où ils se consomment. Or, il n'est pas un de ces produits du Soudan central qui ne se trouve également dans l'une ou l’autre de nos colonies africaines. On n'ira done les chercher si loin que si l’on a intérêt à le faire, si leur prix de vente reste rémunérateur, en dépit du chemin qu'ils auront dû faire. C'est done, en définitive, une question de transport. Ce qui se passe en Afrique le démontre bien. C'est parce qu'il disposait de la voie relativement navigable du Chiré-Zambèze que le Nyassaland a pris l'avance sur les autres colonies de l'Afrique orientale, et quintuplé ses exportations de café de 1894 à 1896 !. C'est grâce aux lagunes et aux ri- vières flottables du Congo français et de la Côte d'Ivoire que l'exploitation des bois y a pris, d'une année à l’autre, un essor qui se chiffre par millions de francs; c’est la situation insulaire de San Thomé, non moins que son climat et la fertilité de son sol, qui a permis, en vingt-cinq ans, de porter de 2 à 19 millions la production de café et de cacao de l'ile, et qui fait qu’on y paie aujourd'hui 250 francs le droit de défricher un hectare de forêt vierge, et qu'un syndicat anglo-belge a offert 6 millions d’une propriété vendue 400.000 francs il y a vingt ans! Et, en regard de ces chiffres prestigieux, mettons maintenant le commerce de l'immense bassin du Haut-Congo, où, après dix ans d'admirables efforts, d'une continuelle dépense d'énergie et d'hommes, l'exportation est toujours encore réduite à l’ivoire et au caoutchouc, c'est-à-dire aux deux seuls ar- ticles qu’elle comportait à l'origine! Et c’est seule- ment en prévision de l'achèvement du chemin de fer, condition sine qua non d'exporlations nouvelles, que les Belges se sont décidés à transporter sur le Haut-Fleuve la culture du café et du cacao, qui avait réussi sur le Congo inférieur! De même au Congo français, où une Sociélé française a fait reconnaitre, avec une précision scientifique à la- quelle M. Marcel Bertrand a rendu hommage ?, des gisements de plomb et de cuivre, de teneur très riche, dans le bassin du Haut-Niari, cette Société n'est-elle pas obligée de s'avouer que « ces gise- Exportation de 1894 : 74.000 kilos; de 1896 : 350,000 kilos. ? Voir la Revue gén. des Sciences, n° du 15 novembre 1894. HENRI SCHIRMER — LA PÉNÉTRATION COMMERCIALE AU SOUDAN CENTRAL 913 ients sont trop loin de la côte pour être actuelle- ent exploités »? L'or lui-même, que certains lacers du Haut-Sénégal fournissent à raison de % et 15 grammes par mètre cube !, n'est-il pas esté dédaigné de l’industrie européenne, faute lune voie économique pour y amener le matériel ? Voilà ce dont il faut nous souvenir, lorsqu'on nous arle des richesses qui nous attendent dans ’Afrique intérieure! Sans doute, il n'en sera pas loujours ainsi. On eut prévoir l'époque où les produits des côtes tro- Ces routes sont aujourd'hui au nombre de sept. Trois mènent à travers le désert, trois partent de l'Atlantique, et la septième du Nil. A. Voies transsahariennes. — La plus orientale de ces routes — de Bengazi au Ouadaï (fig. 1) — n'existe, en quelque sorte, qu'en dépit de la Nature. Tracée, pour des motifs politiques, à travers cet effroyable désert libyque où, suivant le proverbe arabe, on ne trouve pas de quoi se faire un cure- dents, elle comprend, entre autres, deux étapes de = Ghadames audila Timas. > @ es en 7 VE our #? —— PA P — Asiou / EE — \ sis de Er > EUR — ») Le = 21 ZE a 2 D | | NN X I) | glass Légende ___ Route de caravane -- Voies navigables — Chemin de fer Fig. L.— Schéma des voies d'accès au Soudan central. (La côte orientale de l'Afrique, au sud de la mer Rouge n’a pas ét: figurée.) picales ne suffiront plus à à la consommalion uni- verselle, où la zone tempérée, surpeuplée, deman- dera aux fertiles plaines de l'Afrique centrale les récoltes de la céréale la plus féconde qui soit au monde, ce sorgho que Schweinfurth appelle le pain de l'avenir. Peut-être aussi les Soudanais arrive- ront-ils, comme ies Indes et une partie de la Chine, à demander exclusivement au coton indigène de quoi se vêtir.. Mais ce sont là des perspeclives lointaines, et aujourd'hui la question n'est pas là. Elle se pose ainsi : Avons-nous vraiment intérêt à faire le commerce de ces produits du Soudan -central?, étant données les routes qui y mènent? .: 1 Voir le rapport de M. Barrat dans la Revue Coloniale du 5 août 1596. 2 On cite souvent l'avantage d'offrir à notre industrie de huit et de douze jours de marche, sans eau et sans nourriture pour les chameaux. Pour franchir les 400 kilomètres qui représentent la première, Rohlfs dut ne meltre àses chameaux que les deuxtiers d'une charge, et les faire marcher nuit et jour pendant quatre jours et dix heures, sans s'arrèler autrement que pour les repas. Aucun Européen n'a encore fait la seconde partie de la roule, au sud des oasis de Koufra. Les deux autres voies, par le Fezzän et par l'Aïr, sont relativement moins pénibles, bien qu'il soit rare qu'on ne laisse pas en arrière des cha- meaux tombés de fatigue sur le chemin; mais au- cune de ces routes de caravane ne constitue une nouveaux consommateurs; mais, comme ils ne peuvent payer leurs achats qu'au moyen de ces mêmes produits, la question revient toujours au même. 944 HENRI SCHIRMER — LA PÉNÉTRATION COMMERCIALE AU SOUDAN CENTRAL voie d'exportalion au sens moderne. La preuve à été faile par les caravaniers indigènes, commer- cants d’une habileté et d'une endurance incompa- rables, qui en ont tiré assurément tout le parti pos- sible : or, de tous les produits du Soudan, les seuls qu'ils exporlent sont l'ivoire, les plumes d’au- ruche et un peu de cire et d’indigo. Le lent cha- meau de charge exclut tout ce qui ne renferme pas une certaine valeur sous un faible volume. Et encore, tels sont les frais de transport, les droits de passe, les pertes de toute sorte au cours de ce dispendieux voyage, qu'à la moindre difficulté sup- plémentaire, les marchands sont toujours portés à restreindre ou à suspendre leurs opérations. C'est ainsi qu'à la suite de la baisse qui, depuis 1891, a ramené de 28 francs à 16 francs le prix moyen du kilo d'ivoire, les importations d'ivoire soudanais en Europe sont Lombées, d'après les mer- curiales !, de 61.000 kilos à 32.000 en 1896. Qu'est cela, en présence de l'énorme quantité d'ivoire (553.000 kilos) importée d'Afrique en Europe? Et encore sont compris dans ce chiffre les envois des caravanes qui portent l’ivoire des mahdistes à la mer Rouge. D'après les rapports consulaires, les exportations d'ivoire de Tripoli sont tombées à 695.000 francs en 1893, à 600.000 francs en 1894, à 392.000 en 1895. Il serait inexact d'imputer cette décroissance continue à la conquête du Bornou par Rabah, puisque, d'après les mêmes rapports consulaires, la route de Kouka est abandonnée depuis 1893. D'ailleurs, on ne voit pas pourquoi l'ivoire n'aurait pas pris les autres routes. En réa- lité, l'ivoire dur importé coûteusement par le désert supporte de moins en moins la concurrence des grands arrivages maritimes : en présence de l’'abaissement des prix, le commerce transsaharien ne « rend » plus. Les plumes elles-mêmes n'ont figuré, en 1895, que pour 900.000 francs dans les sorties de Tripoli, et c’est seulement cette année que la mode à amené une reprise. Le troisième article, les peaux tannées, achetées uniquement par l'Amérique comme matière première entrant en franchise, avail atteint, en 189%, la valeur de 1 million de francs : des faillites ont ramené les achats américains à 700.000 franes l'année sui- vante. Aucun aulre pays ne trouve avantage à par- ticiper à ce commerce. Quant à la gomme, elle ne figure même plus dans les statistiques transsaha- riennes. Comment y trouverait-elle place, alors que celle du Sénégal se vend 50 centimes le kilo à Médine, et qu'à ce prix on n'a même pas avantage ? Gitées par M. Ad. Buyl dans le Mouvement géographique, du 17 janvier 1897. Voir aussi l'article de M. Caustier dans la lievue du 30 octobre 1897, notamment la figure 9, à en faire venir par pirogue de Tombouctou !? Pour le marchand saharien, la vraie, la bonne marchandise, c'est toujours encore le noir. A l'ivoire encombrant et lourd, aux plumes de valeur ins= table, il préférera toujours cette denrée vivante qui se transporte toute seule, et qu'il est sûr de revendre le triple et le quadruple de ce qu'elle lui a coûté. Nous avons réuni ailleurs? les principaux témoignages qui établissent que ce commerce con= tinue en secret au Sahara. Rappelons seulement deux faits encore. Le plus clair du revenu des rois du Soudan musulman a toujours été fourni par des esclaves razziés dans le Sud et vendus aux mar- chands du Nord; la seule différence était que les uns envoyaient des fonctionnaires razzier officielle- ment, tandis que les autres (Dar-Fôr) délivraient des permis de chasse. Rabah, le sultan actuel du Bornou, a été à bonne école : il a servi de lieute- nant à celui qui fut le roi des négriers, Ziber. Il n'est pas difficile de deviner en quelle monnaie il paie la poudre et les armes des bandes qu'il a amenées du Bahr-el-Ghazal. Voici, d'autre part, qui est significatif. En 1894, M. Foureau apprenait chez les Touareg l’arrivée à Ghât de deux indigènes du Souf, Qu'allaient-ils chercher si loin, dans ce dan- gereux voyage? Des plumes? de l’ivoire? de Ia poudre d’or à introduire secrètement en Algérie 24 Ils faisaient une contrebande plus lucrative. Ils sont revenus au Souf ayant échangé leurs mar-M chandises contre un peu d'ivoire el une trentaine de noirs. —- En admettant qu'à la suite de l'entrée en franchise accordée à certains articles destinés à l'Extrème-Sud, nos négociants algériens et tuni- siens arrivent à prendre leur part du commerce par caravanes (ce qui, à notre avis, ne sera possible que si nos troupes sahariennes font la police sur le parcours), ils ne pourront, en tout cas, faire mieux que les Tripolitains, et ils opéreront même dans des conditions plus défavorables, puisqu'ils auront des employés payés, quand les autres se servent d'esclaves, et qu'ils n'achèteront pas l’article qui rapporte le plus : le noir. 2. Voie du Niger-Bénoué. — Des routes diverses qui relient le Soudan central à l'Atlantique, la plus directe est celle du Niger-Bénoué. Elle offre un avantage bien rare en Afrique : une voie fluviale sans caltaractes. Coulant au fond d’une profonde coupure ouverte entre les plateaux de l'Adamaoua, la Bénoué, au point où elle prend la direclion de l'Ouest, n’est déjà plus qu'à environ 250 mèlres au- dessus de la mer. De novembre à avril, les eaux ! Rapport de M. Vidal, percepteur de l'Oussourou à Tom- bouctou, Revue Coloniale, 14 janvier 1897. ? La traite des esclaves et les nations européennes en Afrique,-Bull. de la Socièlé de Géogr. de Lyon, mai 1896. HENRI SCHIRMER — LA A PÉNÉTRATION COMMERCIALE AU SOUDAN CENTRAL 945 sont trop basses pour qu'en amont d'Ibi la naviga- tion soit facile, même avec des bateaux plats; mais, de juin à décembre les vapeurs de rivière, et 4 août à septembre les navires de 800 tonnes el 7 pieds de cale remontent sans difficulté NE 4er à Garoua, à une quarantaine de kilomètres de frontière franco-allemande. Qu'on pense à ce - | coûte une charge portée à dos de chameau ou à - dos d'homme, et l'on appréciera l° iéporiance d'une | voie pareille ouverte durant six mois! et où il suffit d'un petit vapeur monté par deux ou trois hommes pour amener à la côte en quelques semaines autant de marchandises que 200 porteurs en plusieurs mois! Voilà quelques années à peine que les va- _ peurs anglais viennent régulièrement à Yola, el déjà leur exportation d'ivoire égale celle des cara- Bifara Macdona/a 1990 F Selonrensaignements LE x al *=4/La “Ton. Maistre Ÿ gene in sage \ Pa ne FA é = x Légende * a ; Fraise Rencosllemé: : FA ____Itnérare Mastre + FE Fig. 2. — Région entre la Bénoué el le Logone, d'après M. Mizon. vanes, en dépit des traditions séculaires et de la résistance du puissant parti arabe qui domine à Kano et Kouka. Seulement la navigation s'arrête en decà de la frontière française. À quoi nous servi- rait cetle grande artère fluviale, et d’avoir obtenu le libre transit en Lerritoire allemand si, pour ame- ner à quai les peaux, les bois, les récoltes de la zone française, il fallait recourir à ce mode primi- lif de porlage à dos d'hommes ou de bêles qui, en quelques marches, mangerait tous les bénéfices de l'opération? La voie du Niger-Bénoué ne peut vrai- ment profiter à la zone française que si elle se rac- corde à d’autres voies de communication facile dans l’intérieur. On à pu croire un moment que la Nature avait fait tous les frais de ce raccord. Dans la région qui sépare 1 Les nombreux échouages des missions Flegel et Mizon, … sur lesquels on s’est appuyé pour déclarer la Bénoué inna- …— vigable, ne provenaient que de l'absence d'une bonne carte de pilotage, la Compagnie du Niger teuant la sienne secrète, - M. Mizon, après avoir fait ses relevés lui-même, a pu navi- ; guer à raison de 11-14 milles à l'heure depuis Yola jusqu'à - la mer. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897, ‘velles donnent bien lieu de croire la Bénoué du Logone (fig. 2), le grand affluent du Chari, Barth et Vogel ee rencontré une nappe d’eau qui, au dire des indigènes, communiquait d'une part avec ce fleuve et de l’autre avec un tri- butaire permanent de la Bénoué, le Magyo Kebbi. Et le géographe anglais Hutchinson voyait déjà les navires porter les produits britanniques au Tchad. il a fallu en rabattre depuis. Les informations nou- qu'une série de marigots — Mayo Léré, lac de Léré, Toubouri — Fier ot de là jusqu'au Logone, mais le Magyo Kebbi est à sec de janvier à juin, et,s'il est navi- gable, c'est pendant une quinzaine de jours’. Il reste à savoir où recommence la navigation de l’autre côté, c'est-à-dire à reconnaître le reste du trajet indiqué par les indigènes, ainsi que le Logone et le Chari lui-même. Car nous ignorons de même — il importe de le remarquer — ce que peut valoir pour le commerce celle vaste ramure fluviale qui s'étale sur les cartes du Soudan central. Jouera- t-elle le rôle des 15.000 kilomètres de voies navi- gables qui ont facilité la prise de possession de l'Afrique congolaise ? Les investigations des voya- geurs portent jusqu'ici sur des portions de cours beaucoup trop restreintes pour donner autre chose que des probabilités. Espérons que la mission Gen- til aura la gloire de rapporter une certitude et de résoudre le plus intéressant problème hydrogra- phique que l'Afrique ait réservé à l'avenir. Mais, en attendant qu'on ait fixé les limites du réseau navi- gable du côté du Chari comme du côté du Niger, et qu'on ait reconnu la région intermédiaire, il est impossible de prévoir ce que pourrait être ce Niger-Bénoué en tant que débouché du Soudan central. 3. Voie du Congo francais. — On peut en dire autant de la pénétralion par le Congo français, si ce n’est qu'elle comporte actuellement deux zones de portage au lieu d’une. La première est celle qui sépare le Congo navigable de la mer; on la tra- verse par deux routes : la route belge bien connue, à laquelle se substitue graduellement le chemin de fer, et la voie française du Niari, mise en valeur par la Société d'Etude et d'Exploitation du Congo fran- cais. Elle comporte aujourd’hui (fig. 3) : 1° un bief inférieur navigable pour les petits navires calant depuis l'embouchure du fleuve jusqu'à Kakamoeka ou Mandji; 2° une route de portage de Mandji à Loudima, qui tourne les rapides du Niari; 3° un second bief navigable pour vapeurs calant 1%,20, de Loudima à Biédi; # une seconde routede terre (125 kilomètres) de Biédi à Brazzaville. Malgré 2 mètres 1 Ce ne serait pas à dédaigner, si on pouvait faire passer un vapeur de la Bénoué au Chari sans le démonter en route ; mais cela ne supprimerait pas le portage pour le commerce. 994 946 HENRI SCHIRMER — LA PÉNÉTRATION COMMERCIALE AU SOUDAN CENTRAL tous ces transbordements, cette voie du Niari a été jusqu'ici la moins coûteuse, mais la terminaison du chemin de fer de Matadi à Léopoldville va donner à la route belge une supériorité évidente. On peut garder des doutes sur les bénéfices réser- vés aux actionnaires d’une entreprise qui à déjà englouti tant de millions, mais il est impossible de ne pas rendre hommage à la clairvoyance des pro- moteurs de la colonisation congolaise, qui ont vu dans le chemin de fer la condition sine qua non de la réussite, et à la décision avec laquelle ils ont passé du raisonnement à l’action. Et il serait à souhaiter, soil dit en passant, que notre Gouverne- Bayanga, et pendant quatre (d'août à novembre) jusqu'à Bania sur le 4° parallèle; la crue de l'Ou- bangui, plus précoce, porte dès juillet les bateaux au delà des écueils de Zongo infranchissables aux eaux basses, d'où ils remontent jusqu'à la Tomi, au delà du 5° de latitude nord. Mais au delà, c'est la route de terre, et l'inconnu, ou peu s'en faut. M. Clozel a dû franchir à pied 250 kilomètres en droite ligne‘et s'élever à 950 mètres d’allitude pour aller de la Sanga à la Ouom, affluent présumé navigable du Logone. La même distance, en pays un peu moins accidenté (altitude maxima de la route : 700 mètres), sépare la Tomi du Gribingui, Légende —— Ronte de caravane AE VMaes navigables = — Cherun de fer LE A Comba BRAZZAVILLE = Fig. 3. — Voies commerciales de la région du Congo inférieur. ment compril aussi qu'il est des sacrifices néces- saires, et donnàât son concours à la construction du chemin de fer du Niari à Brazzaville, étudié, le fait est à noter, sur l'initiative d’une Société fran- çaise, et sans lequel tout le trafic du Haut-Congo ira au Congo belge, tandis que notre territoire restera inexploité! Mais la question n'a pas la mème importance en ce qui concerne le commerce du Soudan central: le fait dont il faut tenir compte est la substitution prochaine d'un chemin de fer au portage entre le Slanley-Pool et la mer. La seconde zone de portage est celle qui sépare la Sanga et l'Oubangui des branches méridionales du Chari. Grâce aux persévérants efforts des mis- sions françaises, on est à peu près fixé sur les limites de la navigation dans les deux rivières congolaises : la Sanga permet aux vapeurs calant 50 centimètres de remonter pendant huit mois à reconnu navigable par M. Maistre. Il est vrai qu'on ne peut juger de l’hydrographie d'un pays d'après un ou deux itinéraires, mais l'expérience faite ré- cemment sur la Nana-Naéné par M. Gentil, ne permet pas jusqu'ici d'espérer que cette distance puisse être réduite. Ainsi, même en escomplant l'achèvement du chemin de fer du Congo inférieur, on se heurte encore à une zone de portage assez large pour faire obstacle à l'exploitation du Sou- dan central. 4. Voie du Nil. — Reste la route orientale, mo- mentanément fermée au commerce, mais dont l'importance a été considérable. Aux échanges entre le Soudan central et l'Afrique méditerra- 1 Qui se réduiraient à environ 150 kilomètres au cas où l'on utiliserait le bief supérieur de la rivière en tournant les chutes de Bania. HENRI SCHIRMER — LA PÉNÉTRATION COMMERCIALE AU SOUDAN CENTRAL néenne la voie du désert n'a, en effet, pas suffi: de tout temps un grand nombre de marchands du Ouadaï ont préféré se joindre aux gens du Dar-Fôr qui prenaient le chemin du Nil. Ils n'y trouvaient d'ailleurs qu'une route de caravanes un peu moins pénible que les autres. Le grand Nil nourricier qui traverse triomphalement le désert n’est pas une voie navigable. Les barques du Caire s'arrêtent à la cataracte d'Assouan. En transbordant les mar- chandises, par le petit chemin de fer qui tourne aujourd'hui les chutes, on peut encore remonter près de 400 kilomètres, jusqu'à Ouadi-Halfa; mais, à partir de là,les roches grises et noires qui, en maint endroit, brisent le miroir des eaux, rendent la plupart du lemps toute navigation dangereuse ou impossible au moins jusqu'à Abou-Hamed. L'an dernier, les canonnières anglaises ont dû altendre jusqu'à la mi-août que la crue leur permit de franchir la deuxième et la troisième cataracte, qui restent alors accessibles pendant deux mois au plus. C'est seulement vers Khartoum que le fleuve devient libre d'obstacles : là commence alors ce magnifique bief de 1.400 kilomètres, où l'on ne trouve d’autres barrages que les grands roseaux du Nil. A la nécessité d'attendre le court passage de la crue, à la peine de haler les barques à la cor- delle, au danger de les voir échouer à la descente dans les chenaux aux interminables détours qui, d'Abou-Hamed à Korosko, augmentent de près de 600 kilomètres le parcours du fleuve, les mar- chands soudanais ont donc préféré la voie de terre, el n'ont pas hésité à s'éloigner parfois du Nil. Les uns, faisant presque la traversée saharienne, allaient hardiment par les oasis égyptiennes re- joindre le Nil navigable à Siout : c'était la « route des quarante jours de marche », parcourue deux ou lrois fois par an. La plupart gagnaient Khar- toum, puis Berber, d'où ils allaient à Souakim, ou bien descendaient à Korosko, en coupant par les puits de Mourad la grande bouele du Nil. La majeure partie des gommes, des dents d’élé- phant, des plumes venues avant 1886 du Soudan en Europe ont ainsi passé par la voie du Nil. C'est ce qui résulte des chiffres suivants relatifs à cette année 1886, — la dernière dont nous possédions les statistiques : Exportations failes en 1886 par la voie de l'Egypte. Gomme. . .. 4.800.000 francs Ivoire. . . 2.100.000 — Plumes. 1.800.000 — Il est difficile de dire quelle part revient aux pro- duits du Soudan central, les statistiques n'ayant pas distingué les provenances. Mais la très grande majorité des plumes ont dû venir du Ouadaï et du 947 Dar-Fôr. Pour l'ivoire, le rapport du colonel Ste- wart! évaluait à 63.000 livres (environ un million et demi de francs) la valeur des dents exportées du Bahr-el-Ghazal et de la province de l'Equateur ; or, comme il en vient très peu du Kordofan et du Sennar, c'est le bassin du Chari qui a dû fournir presque tout le reste. — Chose curieuse ! l'état de guerre actuel n'a pas tué entièrement ce trafic : des gommes, des plumes ? et de l'ivoire vont encore — en secret — à la mer Rouge, tant le commerce a de peine à délaisser cette voie du Nil! Mais qu'elle est loin de répondre aux exigences du commerce moderne ! IIT. -— INSUFFISANCE DES CONNAISSANCES ACTUELLES POUR CRÉER DES ROUTES. En somme, si le Soudan central est resté ce qu'il est, —le domaine exclusif du trafiquant arabe, — c'est qu'il n'y a pas de route naturelle qui nous permette de l’exploiter. A l'Est comme au Nord, au Sud et à l'Ouest, la voie de commerc2 moderne reste à créer. Aussi n'est-il pas étonnant qu’on ait parlé de chemin de fer. Seulement, comme en pays tro- pical les voies ferrées coûtent très cher, comme elles doivent souvent servir à créer les ressources avant de servir à les transporter, etque le climat ne permet pas d'espérer, comme en Afrique australe, l'immigration intensive et la plus-value rapide des terrains concédés, encore faut-il ne les construire qu'à bon escient. Or, est-il une seule ligne dans ce cas parmi les voies de pénétration au Soudan central? Le Transsaharien? Mais est-il permis d'é- valuer les frais d'établissement d'un chemin de fer d’Ouargla au Tchad, alors que sur une bonne partie du parcours, à partir d'Inziman Tikhsin, le pays n’a encore été décrit par aucun Européen, et qu'aux points où l’on croise un ilinéraire, comme celui de Barth dans l'Aïr, il est impossible d'en rien déduire en ce qui concerne le tracé futur? Il faudrait au moins une reconnaissance prélimi- naire, comme celle de l'ingénieur Béringer au sud d'Ouargla, ou, mieux encore, un levé topographi- que comme ceux des missions du Génie au Congo francais et au Niger *. Il serait tout aussi illusoire d'évaluer le coût éventuel des lignes destinées à compléter la Bé- noué, l'Oubangui ou le Nil. Ce qu'elles ont de commun, ce sont les frais inévitables en des ré- gions où l'inondation envahit périodiquement les 1 Report on the Soudan, Parliamentary Papers Egypt. no 11, 1883. 2Je dois ce M. Jules Forest. 3 Voyez à ce sujet la Revue du 15 novembre 1894, page 186 et celle du 15 décembre 1896, page 1075. dernier renseignement à l’obligeance de Le] o 948 plaines, où les pentes sont ravagées par les pluies, où les termites font disparaitre Le bois, où le climat amène une hausse correspondante des salaires, où enfin la base d’opéralion serait une rive égale- ment malsaine et dépourvue de l’oulillage usité en pareil cas. Mais cette conslalation faite, com- ment évaluer leur prix de revient respectif? On ne sait même pas si dans la Haute-Bénoué il y aurait avantage à construire un canal ou un chemin de fer. La pénétration commerciale par le Nil soulève également plus d'un problème. Souakim, port malsain, inaccessible aux grands navires, pourrait d'autant moins servir de tête de ligne, que les marchandises resteraient grevées des taxes de passage à Suez. Il faudrait d'abord prolonger le chemin de fer égyptiende Girgeh par HENRI SCHIRMER — LA PÉNÉTRATION COMMERCIALE AU SOUDAN CENTRAL coupa court à ce trafic illicite en fondant sur le Nil sa station du Sobat, et le cours du Babhr-el-Arab est resté inconnu. Quelle sera un jour l'importance de celte longue rivière, que Purdy a trouvée pleine d’eau au milieu de la saison sèche (fig. 4), et dont l’origine est si loin dans l'ouest? Qui sait s'il n'y a pas là, au point de vue commercial, comme une autre Bénoué dans l’est de la zone sou- danaise? La reconnaissance du Bahr-el-Arab est un des principaux desiderata de l'exploration française, maintenant que notre zone d'influence s'étend jusqu'aux confins du Nil. Mais eût-on les éléments nécessaires pour cal- culer les frais d'établissement de ces voies de commerce, il faudrait encore savoir où l’on au- rait intérêt à } aboutir. Ii | importe de le Korosko jus- /] répéter, si qu'à Abou- MS nous ne vou- Hamed, ren- Fay UN ENTER» ON tons pas nous dre la navi- k Timo (CERLÉEE exposer à une gation facile )) désillusion entre ce point S amère : cette et Khartoum, és. immense z0- supprimer ou É ne française, transformer _ n'est pas uni- 1 £ Djebël Hadid ! (Mines de fer) ! l'Etat mah- diste, avoir le rer libre transit D 2 {vlage) 2 par l'Egypte et le Nil. La réalisation Frenene = — gone FT, d'une partie de ces projets semble du reste pro- chaine. Les Anglais, obéissant à des considéra- tions militaires, relèvent déjà la section d'Ouadi- Halfa à Abou-Hamed, et l'on peut prévoir le jour “Holrah-en Nahas age { Mines de cuvre] où une voie de communicationrapidereliera Alexan- | drie à Khartoum. Mais il resterait alors à suppri- mer la lente traversée du Kordofan, une de ces steppes maudites où la fièvre menace dès qu'il est tombé un peu de pluie, où le reste du temps les plantes sont sans ombre et se hérissent d’épines el de dards, où les hommes, presque aussi inaborda- bles, accueillent volontiers l'étranger par ces mots : « Pourquoi venez-vous dans notre pays ? Nous n'allons pas dans le vôtre! » Il est vrai qu'au moyen des voies fluviales on pourrait peut-être avancer plus près du Soudan central. En 1875, alors que Ziber-Pacha était mai- tre du Bahr-el-Ghazal, des barques descendaient son affluent le Bahr-el-Arab avec des chargements d'esclaves à destination de Khartoum. Mais Gordon 7/(passe à une Journée au Sud # / de Hofrahvenant de l'Ouest) Fig. 4. — Cours supérieur du Balu:-el-Arab, d'après Purdy. formément riche, et nous ne pouvons dire jusqu'ici où s'y trouve la véritable richesse, ni quels cou- ranis com- merciaux S'y dessineront un jour. Les indications fournies par le commerce indigène sont à cet égard de nulle valeur. Indifférent au temps, dédaigneux des voies rapides, l’indigène reste des mois en route, et suit les itinéraires les plus bizarres — par raison de sécurilé, désir de passer à la cour d'un roi nègre, ou encore par une considération religieuse, ou simplement par tradition. Certaines routes du Sou- dan sont restées ce qu'elles étaient à l’origine, lorsqu'on vit partir pour La Mecque les premières troupes de pèlerins noirs. Dès lors, comment escompter au profit de telle telle route, le tonnage des exportations futures d'un pays aussi imparfaitement con- nu? Lorsque M. Rolland évalue, par exemple, à 5.000 Lonnes le transport assuré au Transsaharien par les « vastes forêts caoutchoutières d'une ri- chesse incalculable » qui s'étendent dans la région du Tchad, il oublie que la présence’ du caoutchouc ou en mi dt mines ane HENRI SCHIRMER — LA PÉNÉTRATION COMMERCIALE AU SOUDAN CENTRAL 949 est probable, mais que pas un voyageur n'en a en- core fait une certitude. Est-il plus prudent de comp- ter sur un transport annuel de 2.000 (onnes « d'i- voire, de plumes, d'indigo et de matières tinctoriales de prix », lorsque l'Afrique tout entière ne livre aujourd'hui à l'Europe que 600.000 kilos du pre- mier de ces produits? Sur quoi repose enfin l’im- perturbable confiance avec laquelle on envisage la culture en grand du coton autour du Tchad? L'exemple du Transcaspien n'est pas tout à fait probant. Les Russes ont trouvé au Turkestan un coton de bonne qualité, dont ils avaient fait l'é- preuve, et la main-d'œuvre d'une des populations les plus industrielles du monde; comment affirmer qu'il en sera ainsi, sous un climat qui n’est pas le même, quand pas une balle de coton du Ouadaï ou du Baguirmi n'estencore venue en Europe,et qu'on n'est fixé ni sur la qualité de l'espèce, ni sur celle de la main-d'œuvre; lorsque, d'autre part, les essais de culture en grand ont échoué par deux fois au Sénégal; lorsque ni l’Algérie, ni la Réunion, ni la Guyane n'ont pu tirer profit d’une culture qui re- venait trop cher, et que l'Egypte seule, avec son limon merveilleux et son fellah incomparable, a pu lutter de bon marché avec les fourmilières de l'Inde et la furie d'activité américaine? Peut-on espérer du moins entre Ouargla et le Tchad un trafic local assez intense pour suppléer à l'insuffisance des autres transports? Ces popula- tions touareg comptent parmi les plus pauvres qui soient au monde; on ne leur connait jusqu'ici qu'une véritable ressource : le sel. Ce n'est pas assez pour attribuer aux nomades faméliques qui gravitent autour d’Asiou et d'Amguid une capacité annuelle d'achat de 8.000 tonnes de marchandises. Avec quoi les paieraient-ils? Il est donc impossible d'affirmer qu'au point de vue financier, un transsaharien n'irait pas à un dé- sastre, — aujourd'hui du moins, car les observa- tions qui précèdent n'ont pas d'autre rôle que de marquer la limite actuelle de notre savoir. Le jour où l’on découvrirait au désert une de ces richesses qui appellent l'exploitation immédiate, — telles que la houille ou ces nitrates qui, sous un climat analogue, ont fait la fortune de la province de Tarapaca, — la question changerait de face. Et qui peut dire aujourd'hui qu'il n'existe rien de pareil dans les vastes espaces compris entre les itiné- raires ? Un exemple montreracombierilest prudent de s'abstenir d’affirmalions en pareille matière. Lorsqu’en 1353 le grand voyageur Ibn Batoutah, las _de courir le monde, revint de Gagho au Maroc pour y finir ses jours, il passa par une ville nommée Takedda, qui était alors un des grands marchés du Sahara méridional. On y exploite, dit-il, des mines de cuivre, dont le produit est exporlé au Gober et au Bornou, lequel est à quarante jours de marche. Or ces mines, célèbres au moyen age, sont absolu- ment oubliées de nos jours. Barth, qui à recueilli à Agadès tant d'informations précieuses, n'y a même pas noté une (radition, un souvenir relatif à cette Takedda mystérieuse, dont il est impossible de retrouver la place avec les vagues indications d'Ibn Baloutah et d'Ibn Khaldoun. C’est d'après une simple simililude de noms qu'il l'idenlifie avec Teguidda, endroit signalé à cinq jours dans l’ouest- sud-ouest d'Agadès. Peu de pays sont aussi ignorés el nous ménagent peut-être autant de surprises que ces contrées du Sahara méridional situées à l’ouest de l'Aïr. IV.— ConcLusIoNs. Il faut donc attendre, avant de parler de canaux et de chemins de fer, que nos prospecleurs aient passé au Sahara et au Soudan central. Celte cons- tatation n'a rien de désobligeant pour nos vail- lants explorateurs : ils avaient autre chose à faire. Nous venons d'assister à quelque chose d'unique dans l’histoire : la course aux traités, l'élan des na- tions européennes se ruant sur les pays d'Afrique sans maitre, ne cherchant qu’une chose : le plus de titres à produire pour le partage final. Dans cet ac- cès de fièvre, ona pris tout, parce qu'on n'avait pas le temps de choisir. Mais à exalter indistine- tement toutes ces acquisitions nouvelles, notre littérature coloniale risquerait de devenir la plus dangereuse des lectures. Les puissances coloniales possèdent aujourd'hui sous les tropiques beaucoup plus de lerres qu'elles ne peuvent en mettre actuel- lement en valeur. A l'investigation méthodique de nous dire s'ilse trouve au Soudan central un de ces terriloires qui valent la peine qu'on les ouvre de suite au commerce à coups de millions, et, en cas d'affirmative, quelle route il convient de choisir pour ce grand effort. La France, qui compte tant de grands noms dans l'histoire des explorations scientifiques, saura trouver les hommes nécessaires à cette tâche. En attendant, elle ne se désintéresse d'aucune des routes du Soudan central. Tandis que M. Gentil descend le Chari, la mission Liotard a occupé Meschra-er-Rek sur le Bahr-el-Ghazal, à quelques lieues du point où le mystérieux Babr-el-Arab s’'embranche sur la voie du Nil. Henri Schirmer, Professeur de Géographie à l'Université de Lyon 950 E. PEYRUSSON — L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS DE L'INDUSTRIE DE LA PORCELAINE L'LTAT ACTUEL ET LES BESOINS DE L'INDUSTRIE DE LA PORCELAINE DURE EN FRANCE PREMIÈRE PARTIE : FABRICATION I. — ORIGINES DE L'INDUSTRIE DE LA PORCELAINE DURE. La fabrication de la porcelaine dure est im- plantée en France depuis la découverte du kao- lin de Saint-Yrieix-la-Perche, qui eut lieu en 1765, car les essais antérieurs de Guetlard avec le kaolin d'Alençon n'avaient pas donné de bons ré- sullats, et les différentes tentatives des Hannong n'avaient abouti à aucune fabrication sérieuse, faute de kaolin, qu'on était obligé de faire venir d'Allemagne. Seulement, ces tentatives avaient pré- paré la question. La Manufaclure royale de Sèvres fabriquait alors cette magnifique porcelaine tendre, si douce à l'œil et qui, par la fusion de sa couverte à basse température el par sa composition alcaline, se pré- tait admirablement à la décoration et à l’incorpora- tion des couleurs, mais qui était loin de présenter la dureté nécessaire aux objets usuels. Aussi cher- chait-on avec ardeur à produire une porcelaine aussi dure que celle dont la fabricalion avait été établie à Meissen, dès 1709, avec les formules de Bœltcher el le kaolin d’Aïie. Dès 1761, la Manufac- ture de Sèvres avait même acheté à Hannong fils le secret de celte fabrication, secret qu'on n'avait du reste pu utiliser, faute de kaolin. La découverte d’un kaolin approprié, découverte faite par M"° Dar- net, femme d'un chirurgien de Saint-Yrieix, arri- vait donc juste à point pour combler les vœux des chercheurs, et presque immédiatement Macquer, Darcet, Guettard et Lauraguais parvinrent à créer la porcelaine dure, dont la fabrication fut définiti- vement installée à Sèvres en 1768 par Macquer. IT. — COMPOSITION ET CARACTÈRES DE LA PORCELAINE DURE. La porcelaine dure française est une poterie d’un blane éclatant et d'une demi-translucidité, qui est la conséquence du ramollissement de la pâte, si bien que la lumière la pénètre en s'y réfléchissant, et que, suivant l'expression des artistes, la pièce se meuble des objets qui l'environnent et acquiert ainsi une profondeur de pierre précieuse. DES OBJETS A CUIRE Une des propriétés caractéristiques de notre porcelaine est d'être composée d'une pâte et d'une couverte ayant une grande analogie, puisque toutes deux dérivent de la pegmalite. Celle roche, formée d'un mélange de quartz eb de feldspath, produit, en effet, le meilleur kaolin par la décomposition de son feldspath. Celui-ci perd son silicate alcalin (l'élément fusible), et, lorsque celte décomposilion est faite en quantité voulue, le kaolin ainsi produit, uni au quarlz et à une pro- portion de feldspalh non décomposé, constitue un mélange qui peut représenter à peu près exacte- ment la composilion de la päte à porcelaine. De semblables mélagges se trouvent fréquemment dans les carrières de kaolin et sont employés tels quels sous le nom de caillouteuses, dont on dis- tingue plusieurs variétés. La pâte peut donc être représentée par de la pegmatite à feldspath en grande partie décomposé, tandis que la couverte est conslituée par celte même pegmatite non alté- rée, c'est-à-dire ayant conservé le silicate alcalin qui lui donne la propriété de fondre en un verre transparent à une tempéralure qui ramollit sim- plement la pâte. De cette analogie de composition entre la pâle et la eouverte résulte un accord très grand entre ces deux parties. Accord qui est encore augmenté par la cuisson, pendant laquelle la couverte, en fon- dant, pénètre dans la pâte, laquelle ne subit qu'un ramollissement, si bien que ces matières se soudent, pour ainsi dire, l’une à l’autre, dans la zone inter- médiaire où elles se pénètrent, de façon à former un (out aussi homogène que possible. C'est pour cela que la porcelaine dure ne présente jamais ces gercures ou tressaillures de la couverte qu'on observe généralement sur les poteries dont l'émail et la pâte, ayant des compositions très différentes, ont des coefficients de dilatation également diffé- rents; dans ces poteries se forment des fentes où s'accumulent des saletés qui arrivent à dégager une mauvaise odeur. Enfin, ces gerçures peuvent gar- der des germes de fermentations ou des germes morbides, comme l'a démontré l’auteur du présent arlicle, et risquent ainsi de contribuer à la pro- pagation des maladies contagieuses. RE 7 E. PEYRUSSON — L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS DE L’INDUSTRIE DE LA PORCELAINE 951 $ 1. — Composition de la pâte cuite. On peut représenter les décompositions dont le feldspath est le siège par les formules suivantes, dans lesquelles MO représente l'ensemble des alcalis ou autres proloxydes qui entrent dans la constitution de la roche. Soit : MOAPO* 6 SiO® un feldspath ! qui peut se dédoubler en absorbant deux molécules d'eau et former : ALO® 2Si0? 2H20 + MO 4Si0? ; Kaolinite. mais ce silicate MO.4S0? peut lui-même se dédou- bler : MO 4Si02 = MO 3S102 + SiO*, Cette dernière substance s'unit à la kaolinite. — En somme, la réaction générale est représentée par l’équalion : MOALOS 6Si02-E 2 H20 — A120*2 Si0?2 H20 + Si02+MO3SiO®. Il n’est pas possible de donner une formule exacte et unique de la porcelaine dure, dont la composi- tion varie dans chaque fabrique de pâte. Cependant ces variations sont assez faibles si l’on considère seulement les pâtes fabriquées en Limousin et même l’ensemble de la fabrication industrielle. Mais, si l'on compare ces produits à ceux de la Manufacture de Sèvres, on constate une différence notable, qui ressort d'une façon très nette de la comparaison des formules, qu'on peut représenter : par MO 3A120* 9Si0? pour les porcelaines de Sèvres ; MO 3ALO*15Si02 — — — industrielles. Comme on le voit, ces dernières sont beaucoup plussiliceuses que celles dela Manufacture de Sèvres. Cet excès de silice est, sans doute, un inconvénient au point de vue de la fragilité; mais il présente, en revanche, le grand avantage de rendre les produits plus blancs et plus translucides, qualité très recher- chée du public. Celui-ci a la malheureuse habitude d'apprécier la porcelaine d’après sa transparence, même quand il s’agit de plats et d’assieltes, pour lesquels, cependant, la translucidité semble une qualité bien secondaire. $ 2. — Composition de la couverte. La couverte de la porcelaine française est com- posée de pegmatite. Pour indiquer par des for- mules simples la différence qui existe entre la couverte de la porcelaine de Sèvres et celle de la 1 Les feldspaths sont des silicates multiples résultant de mélanges de plusieurs silicates unis au silicate d'alumine. MO, dans ces formules, représente l'ensemble des protoxydes K20.Na20.MgO CaO.FeO, qui constituent ce que Bischoff désigne sous le nom de flux dans ses formules de fusibilité ; il représente la partie fondante. fabrication industrielle, on peut représenter la première par la formule : MOAËO® 7Si0*, landis que la seconde serail : MOAÏËO® 9 à 10 Si0*, ce qui montre que la couverte de la porcelaine pro- duite par l'industrie a, comme la pâte, un exeès de silice !. $ 3, — Degré de dureté. Mais la qualité dominante de la porcelaine dure francaise, celle qui la distingue le plus des pro- duits similaires, celle qui a le plus contribué à sa réputation, est certainement sa dureté, dont il n’est pas inutile de faire ressortir l'importance. Pour apprécier cette qualité en minéralogie, on a adopté une échelle de dureté de Mohr, à laquelle on compare tous les corps de la Nature, et qui est représentée par les dix corps suivants, dont chacun peut rayer celui qui le précède : 1° {alc; 2 gypse; 3° calcile ; 4 fluorine ; 5° apatite ; 6° orthose; T'quurtz; 8° topaze ; 9 corindon; 10° diamant. En comparant la dureté de ces différents corps à celle de l'acier, on constate qu'une pointe d'acier bien trempé raie tous ceux qui précèdent l'orthose, tandis que ceux qui viennent ensuite raient l’acier et font feu au briquet. Or, il se trouve que précisé- ment la couverte de la porcelaine dure française est constituée par un mélange d'orthose et de quartz; c'est-à-dire d’une roche qui a la dureté de l'acier — l'orthose — et d’une roche un peu plus dure — le quartz. — Ce mélange représente la pegma- üte indiquée précédemment comme base de la cou- verte, et qui, fondue, résiste très bien à l'acier et fait feu au briquet. Mais il est évident que, si l’on diminuait même très peu cette dureté, elle devien- drait immédiatement égale ou même inférieure à celle de l'acier. Or, cette propriété de résister à l'acier est évi- demment de premier ordre pour ‘une poterie-em- ployée aux usages domestiques et, en particulier, pour la platerie. Qu'on songe, en effet, à la vigueur de l'effort que fait le poignet pour couper un mor- ceau de viande ayec des parties teadineuses et os- seuses; qu'on réfléchisse que les couteaux dont on se sert sont en acier et souvent bien affilés, el l’on comprendra que la dureté représentée par ce mé- lange d'orthose et de quartz est absolument indis- pensable pour résister au tranchant des couteaux 1 Ces formules ne différent des formules vraies que par la proportion de l'alumine, qui est un peu plus grande par suite d'un commencement d'alteration de la pegmatile qui lui à fait perdre une petite quantité de silicate alcalin. Les formules des couvertes de porcelaines dures peuvent en somme, êlre représentées par : MO 1 à 1,25 A0", 9 à 10Si0*, 952 E. PEYRUSSON — L'ÉTAT ACTUEL ET LES = BESOINS DE L'INDUSTRIE DE LA PORCELAINE et que toutes les autres poteries, porcelaines ten- dres, faïences de toutes sortes, dont la couverte est moins résistante que celle de la porcelaine dure, devront toutes être rayées à l'usage, et fini- ront fatalement par présenter ces mosaïques noires, formées précisément par ces petites coupures dans lesquelles se loge la saleté, et qu'on observe sur toutes les faïences faisant un service, car il est im- possible de les nettoyer. C'est donc là un point capital qui sépare la por- celaine dure de toutes les autres poteries el qui établit pour elle une supériorité incontestable et de premier ordre. À ce point de vue, la porcelaine française doit être classée la première, car sa cou- verte est plus dure que celle de toutes les autres. On comprend donc combien il serait imprudent, nous ne dirons pas de sacrifier cette qualité, mais ‘y porter la plus petite atteinte, car la plus faible concession sur ce point ferait perdre à notre por- celaine tout ce qui fait sa supériorilé. Voilà pour- quoi il serait néfaste d'écouter les conseils des arlistes qui demandent qu'on modifie la couverte actuelle de façon à la rendre plus facilement déco- rable, ce qui ne pourrait se faire, ou, du moins, ce qu'on ne cherche à faire qu'en la rendant plus tendre. Le résultat qu'on obtiendrait ainsi serait de transformer un produit de première utilité en simple article de fantaisie, et, du reste, nous montrons, à la fin de cet article, que ce changement est inutile. On voit par ce qui précède combien est justifiée la réputalion dont jouit notre porcelaine francaise dans le monde entier. Sa blancheur immaculée, sur laquelle on aperçoit la plus petile souillure ; sa salubrité, qui résulle de sa composition, dans la- quelle n’entrent que les roches les plus pures de la Nature; sa beauté, provenant de sa translucidilé ; et, enfin, sa dureté et son inaltérabilité qui la rap- prochent des pierres précieuses, en font une pote- rie incomparable et l’un des produits les plus remarquables de l'industrie humaine. IIT. — Cnoix DES MATIÈRES PREMIÈRES ET FORMATION DE LA PATE. Les matières premières employées dans la fabri- cation de la porcelaine francaise sont : le kaolin, le quartz, le feldspath et quelquefois la chaux sous forme de carbonate et en petite quantité. La por- celaine de la Manufacture de Sèvres en contient 0/ 5 6 90 $ 1. — Qualités du Kaolin. La kaolinile (APO*2Si0?2 H?0) résulte, comme il a été dit, de la décomposition des feldspathe MOAPO"G6Si0?, dans lesquels M peut représenter du potassium, du sodium, du calcium, seuls ou mélangés. Ces feldspaths constituent la partie la plus importante des roches granitiques, porphy- riques el gneissiques, qui, par conséquent, peu- vent toutes produire du kaolin par dédoublement du feldspath qu'elles contiennent. Très souvent le kaolin se trouve en place, c'est-à-dire mélangé encore avec les éléments qui constituaient la roche composée dans laquelle était le feldspath, par exemple, avec du quartz el du mica dans les gra- nils décomposés, et alors on sépare le kaolin par décantalion, en délayant la roche dans l’eau, qui entraine le kaolin plus léger et laisse déposer le quartz et le mica. Le kaolin de Saint-Yriex, qui a été la cause de la fondation de cette industrie, résulte de la décom- position d'une pegmalite très pure, qu'on trouve en place à des degrés très différents de décompo- sition, et forme ce qu'on désigne, dans l’industrie des pâtes à porcelaine, sous le nom de caillou- teuses!. Ces mélanges de kaolin, quartz et feidspath non décomposé peuvent entrer directement dans la composilion des pâtes à porcelaine, et l’on prétend même que les matériaux unis ainsi naturellement donnent des produits plus beaux que les mélanges correspondants formés avec des éléments d’origine différente. Le quartz et le feldspath qui entrent dans la composition des pâtes y sont introduits sous forme de pegmalile, qui contient ces deux éléments; mais on y ajoute un excès de quartz, surlout pour les pâtes destinées à l'industrie qui sont, comme il a été dit, beaucoup plus siliceuses que celles de la Manufacture de Sèvres et qui correspondent à la formule : MO 3 AIOS 15 S10?, Chacun de ces différents éléments — feldspath, quartz et kaolin — a un rôle particulier. Ainsi, tandis que le quartz joue le rôle de matière dégrais- sante et contribue à diminuer le retrait du kaolin, le feldspath, en se vitrifiant, communique la trans- lucidité à la masse. Les transformations qui se produisent dans la pâle à porcelaine pendant la cuisson ont élé étudiées par MM. H. Behrens, G. Wagner et Hussak, et l'examen microscopique a démontré qu'en somme la masse translucide qui constitue la porcelaine est formée par la dissolu- tion du quartz et du kaolin dans le feldspath fondu. Celles-ci sont dites caillouleuses dures lorsque le cail- lou qui reste mélangé au kaolin est du quartz et que tout le feldspath a été décomposé. Si, au contraire, il reste une partie de feldspath non décomposé, la caillouteuse est dite caillouleuse tendre. Enfin, on désigne encore ces roches sous le nom de caillouleuses grasses, lorsque la proportion de kaolin qu'elles contiennent est suffisante pour les rendre douces et onctueuses au toucher; elles sont dites caillou leuses maigres dans le cas contraire. 2 ma à hé nc mérite ia mithotthtmiamenasts cennérdee de. à E. PEYRUSSON — L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS DE L'INDUSTRIE DE LA PORCELAINE 953 Mais, ce qu'on n'a peut-être pas fait suffisam- ment ressortir, c'est le rôle que joue la propriété spéciale que possède le kaolin de passer par une longue période de ramollissement avant de fondre. Si tous les corps fondent par la chaleur, il s'en faut -que le passage de l’état solide à l’état liquide s'effectue pour tous dans les mêmes conditions : ainsi, tandis que les uns, comme la généralité des métaux, les sels, la glace, ete., deviennent liquides d'une façon presque brusque, il est d’autres subs- tances, — dont les corps gras offrent un exemple frappant, — qui, sous l'influence de la chaleur, se ramollissent peu à peu el passent de l'état solide à l’état liquide par gradalion continue. Or, le kaolin possède celle propriété à un très haut degré. Il a une période de ramollissement très étendue et il reste à l'état pàleux pendant un long espace de tempéralure. C'est ainsi qu'il se laisse pénétrer par le feldspath en fusion, de facon à être transformé -en une masse laiteuse et translucide qui constitue la porcelaine, lout en conservant la rigidité qui -mainlient la forme de la pièce. C'est pour cela -qu'on peut faire, par exemple, des tasses qui ne sont guère plus épaisses qu'une coque d'œuf, même en y comprenant la couche de couverte qui est à l'intérieur et celle qui est à l'extérieur; la très petite quantité de kaolin qui se trouve dans la pellicule de pâte formant la partie centrale, suffit pour soutenir la pièce pendant la période du -ramollissement. C’est, du reste, aussi pour cette ison que l'ancienne porcelaine lendre, qui était “composée avec des silicales artificiels, était d'une réussite si difficile, parce qu'à la période de ramol- lissement, qu'il fallait cependant atteindre pour avoir la translucidité, les matériaux fondaient “brusquement, et les pièces s’affaissaient. 4 $ 2. — Préparation de la pâte. La préparation de la pâte se fait dans des moulins à eau où les matériaux arrivent des carrières, les uns à l'état brut, comme le quartz ella pegmalite, tandis que le kaolin a été préparé sur le lieu d'extraction même, par lévigalion ou sédimentation. En Limou- sin, où l'on prépare non seulement les pâtes con- sommées dans le pays, mais une grande quantité qui est expédiée soit aux fabriques des autres ré- gions de la France, soit à l'Étranger, on emploie souvent des caillouteuses telles qu'elles sont extraites des carrières, lorsque — ce qui arrive souvent — elles se trouvent à un grand état de pureté et résultent de la décomposition sur place de la pegmalite même. Les usines dans lesquelles se fait la préparation des pâtes sont toutes hydrauliques et, par consé- -quent, situées sur des cours d'eau d'une certaine importance, car il est indispensable que la force nécessaire pour les broyages revienne à très peu de frais. k\ Le quartz et la pegmatite (Petuntse des Chinois, ou caillou à émail) sont lavés pour leur enlever la terre qui s'y trouve mélangée, passés au concas- seur, qui les réduil en fragments de la grosseur de grains de blé, et broyés dans des tonneaux ou tines dont le fond est garni d’une pierre meulière fixe sur laquelle tourne une seconde meule au moyen d'un arbre verlical mis en mouvement par des engrenages!, Il est reconnu que le broyage à l'eau et le broyage de toutes les matières réunies donnent un bien meilleur résultat que le broyage fait à sec et, partant, sur les éléments séparés. Dans le premier cas, en effet, les matières sont beaucoup plus intimement unies et forment une masse plus homogène, Après un broyage de vingt-quatre heures, la pâte préparée est passée, à l'état de bouillie claire, à travers des tamis qui séparent les parties plus grosses que les mailles, les numéros des tamis étant 120, 140 ou 160, suivant la qualité des pâtes. Depuis quelques années certaines usines font ‘ circuler la pâle entre les branches d'un électro- aimant qui attire et retient les parcelles de fer pro- venant des engrenages et des autres parties métal- liques avec lesquelles la pâte a élé en contact; puis la matière broyée s'écoule dans une cuve où toutes les parties sont maintenues mélangées par un agi- tuteur, et où une pompe puise la päte pour l’en- voyer dans les filtres-presses qui séparent l'eau et isolent la partie solide sous forme de pâte molle contenant environ 20°/, d'humidité. C'est ainsi que celle päle est livrée aux fabriques du pays; mais lorsqu'on doit l'expédier au loin, on la fait sécher sur des claies. La pourriture des pätes, très pratiquée en Chine pour les améliorer, a pour effet de les rendre plus blanches, plus solides au feu, plus plastiques et, par conséquent, plus faciles à faconner ; enfin, elle permet d'éviter certains défauts de fabrication, comme les fentes, qui se produisent moins avec les pâtes pourries qu'avec les pales neuves. Ce phéno- mène bizarre n’a pas encore recu d'explication satisfaisante, bien qu'il soit démontré que la fer- mentation putride des malières organiques conte- nues dans l'eau joue un rôle très important. Les eaux marécageuses, en effet, et les jus de fumier favorisent beaucoup celte pourriture. Il semble bien démontré, ainsi que le disent Brongniart et Salvetat, que la matière organique réduit les sulfates en sulfures, qui agissent, à leur tour, sur le fer contenu dans les pâtes : d'où ré- ! La charge des meules, qui ont environ 0®,80 de diamètre, est de 100 kilos de matière; elles absorbent à peu près une force d'un demi-cheval. 951 E. PEYRUSSON sulle la formation de sulfure noir qui explique la | que, calibre en fer qui sert, par exemple, à faire coloration des pàtes pourries. Ce sulfure de fer se transforme ensuite en sulfate soluble, qui est éli- miné avec l'eau, ce qui amène le blanchiment de la päte. De plus, pour Brongniart, le dégagement de gaz qui se produit pendant la fermentation pu- tride contribue au mélange des éléments qui com- posent la pète et peut expliquer l'augmentation de la plasticité. Mais il est une cause qui doit fata- lement produire l'augmentation de plaslicilé et de solidité au feu, qu'on constate pour les pâtes pourries : c’est l'altération du feldspath contenu dans ces pâtes, sous l'influence du broyage, de l'humidité et du temps. Le dédoublement qui se produit dans la Nature par la transformation du feldspath en kaolin, doit forcément se produire sur le feldspath qui se trouve dans la pâte à l’état de poudre impalpable : d’où augmentation de la proportion de kaolin et, par conséquent, de la plasticité de la pâle et de sa résistance au feu. Quoi qu'il en soit, la pourriture des pâtes n'est pour ainsi dire plus utilisée, et, au sortir des filtres- presses, les pâtes subissent simplement le mar- chage et le battage avant d’être employées. La pre- mière opération, le marchage, se faisait jadis au pied sur une aire en bois garnie de zine où l'ou- vrier marcheur piélinait la pàle de façon à aug- mentler son homogénéilé. Aujourd'hui celte opéra- tion se fait au moyen d’une machine formée de deux troncs de cône à cannelures, qui, en roulant, pétrissent la päle. Le battage est ainsi nommé parce que cette opéralion est effectuée par des hommes qui battent la pâle en gros fragments sur des tables recouvertes de zine, dans le but de chasser l'air qu'elle peut contenir et qui, au feu, occasionnerait des boursouflures. Ce batlage se fait aussi très souvent au moyen d'une machine analogue à la machine à marcher. IV. — FAçONNAGE DES PIÈCES. La pàle, ainsi préparée, est remise à l'ouvrier en balles de grosseur variée suivant les objets à fa- conner, et le faconnage se fait soit par tournage, soit par moulage. Nous parlerons ensuile du cou- lage, qui tend à prendre une grande extension. $ 1. — Tournage. Le tournage. qui est le mode de façonnage de beaucoup le plus ancien, se divise lui-même en deux opéralions : l'ébauchage et le tournassage, et s'exécute sur le tour à potier à peu près lel encore qu'il étail jadis. L’ébauchage consiste à donner à la päle la forme grossière de l’objet qu'on veut façonner en la comprimant avec les doigts pendant la rotalion du tour, en s’aidant, au besoin, de l’esté- L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS DE L'INDUSTRIE DE LA PORCELAINE: l'intérieur des objets creux d'une facon régulière Ensuite on laisse sécher la pièce de façon que la pàle acquiertune certaine fermeté, puis on procède au lournassage. Cetle opération consiste à ramener l'objet à la forme voulue en trillant la pâte et en= levant tout ce qui est en trop au moyen d'instru- ments appelés tournussins. Mais ce mode de façon nage ne permet de faire que des pièces rondes” puisqu'il est produit par la rotalion du tour. . e $ 2. — Moulage. Le moulage se fait au moyen de moules en plâtre qui portent en creux les parties qui doivent être en relief sur les objets à fabriquer, et réciproque= ment. Il se divise en moulage à la balle et moulage à la croûte, suivant que la pâte qu'on applique exactement sur le moule est sous forme de balle o sous forme de lame d'épaisseur bien régulière, désignée sous le nom de croûte. Dans les deux cas le plälre, par sa porosité, absorbe l'humidilé de I päte, la dessèche surperficiellement et la fait se déprendre du moule. C'est le système de fabrications qui a subi dans ces dernières années les plus gran- des modifications et améliorations. C’est, en effet, sur le moulage que sont basées les machines ima- ginées par M. Faure pour remplacer la main de l'homme. La pâte à porcelaine est très sensible et laisse ressortir au feu, lorsqu'elle se ramollit, tou- tes les pressions qu’elle a recues dans le façonnage; elle ne peut donc être travaillée par les moyens! simples utilisés pour la päle à faïence, et il a fallu imaginer des machines spéciales avec lesquelles on commence généralement par faire une croûte bien uniforme et qui s'adapte ensuite sur le moule définilif, pour arriver à introduire le faconnage mécanique dans la fabrication de la porcelaine. Jusqu'à ces dernières années, cette industrie était, en effel, restée très primitive à ce point de vue. $ 3. — Coulage. Ce procédé de fabrication repose sur la propriélé qu'ont les moules en plàtre d'absorber l’eau dans laquelle la päte à porcelaine est délayée, si bien que, si l'on vide dans un moule en plâtre de la barbotine (c'est-à-dire de la pâte à porcelaine dé- layée dans une grande quantité d’eau), le plâtre absorbera une partie de cette eau, et une proportion correspondante de la pate s'attachera aux parois du moule; la quantité d'eau absorbée et de pâte « ainsi déposée va done en croissant avec le temps. Lorsqu'on juge que la couche de pâle est assez épaisse, on vide la barbotine qui reste dans le moule, et, au bout de peu de Lemps, par le fait du relrait que prend la pâte en se desséchant, la cou- che de pâte qui élait adhérente au plâtre se déla- PEYRUSSON — L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS DE L'INDUSTRIE DE LA PORCELAINE 955 Che et reproduit très exactement la pièce que re- résente le moule. Ce procédé de façonnage est done très simple et ne nécessite aucune habileté de a part de l'ouvrier, qui n'a plus qu'à vider de la arboline. Cependant il était jusqu'à ces temps erniers peu employé dans l’industrie, et un très etit nombre de maisons avaient imité l'installation aite à la Manufacture de Sèvres pour fabriquer par oulage ces vases de deux mètres de haut u'il serait impossible de façonner autrement, et our lesquels il faut employer l'air comprimé ou le ide. Du reste, ce mode de fabrication était, en omme, dispendieux parce que les moules, qui doi- ent absorber beaucoup d’eau, élaient très vite étériorés. Mais plusieurs causes tendent à mettre ce procédé en faveur. D'abord où a appliqué un moyen assez bizarre pour diminuer l'usure des moules et qui consiste à employer de la barbotine très épaisse au lieu de barbotine claire, ce qui fait que le plâtre n'absorbe plus cette quantité d'eau exagérée qui le détériorait; mais celle manière ’opérer n'a élé possible qu'à la suite de l’applica- lion d'un fait inexpliqué, qui est le suivant. Si l'on prend de la barbotine très épaisse, ayant à peu près “Ja consistance du miel, et si l’on y ajoute tout sim- plement un ou deux centimètres cubes d’une solu- “tion de silicate de soude par kilo presque immédiatement la barbotine devient aussi liquide que si l'on y avait ajouté cinq ou six cents “grammes d'eau. Quel est l'effet qui s'est produit et comment cette quantilé insigniliante de silicate de soude a-t-elle pu entrainer une liquéfaction aussi importante ? La chose n'a pas été expliquée. Il est “probable que c'est la propriété plastique du kaolin qui est modifiée, mais pourquoi ? et comment ? Quoi qu'il en soit, ce procédé rend beaucoup plus pratique le faconnage par coulage en permettant “de tirer un plus grand nombre d'exemplaires avec “in même moule; de plus, les pièces fabriquées “ainsi éprouvent un retrait beaucoup moindre que celui que produit le coulage ordinaire, ce qui est encore un avantage important. Enfin, ce procédé tend à être adoplé par les fabricants qui peuvent faire fabriquer ainsi par des manœuvres des arti- cles pour lesquels ils ont des difficultés à établir des prix avec leurs ouvriers porcelainiers, et celte considéralion contribuera certainement beaucoup à augmenter l'emploi de ce mode de façonnage. IL y à encore quelques autres procédés de fabri- cilion spéciaux, comme celui des fleurs en porce- “laine, lesquelles peuvent être produites non seule- ment par le moulage, mais aussi au moyen de pâle “sommée qu'on lravaille avec l'ébauchoir, landis “que les feuilles peuvent être moulées dans le creux “(le la main, dont les sillons représentent les ner- vures. de pâle, On voit également de petites statuelles ornées de broderies et de dentelles qui sont obtenues en trempant dans de la barbotine claire des dentelles et broderies en tissus, brülées ensuite par le feu; ces dentelles laissent sur les objets sur lesquels on les avail appliquées la reproduction du tissu en porcelaine. Enfin, lorsque les objets sont fabriqués en plu- sieurs parties, comme cela arrive, par exemple, pour les eafetières, dont les becs et les anses sont confectionnés à part, il faut réunir toutes ces par- ties et les coller les unes aux autres, ce qui se fait simplement au moyen de barboline. Cette opération a reçu le nom de garnissage. S 4. — Dégourdi. Les pièces ainsi préparées sont mises à sécher pour leur faire perdre l'humidité qu'elles contien- nent en grande quantité, puis on leur fait subir une première cuisson, qui est désignée sous le nom de dégourdi. Cette cuisson se fait dans l'élage su- périeur du four qu'on nomme le globe et qui reçoit la chaleur perdue de l'étage inférieur où se fait la vraie cuisson. — La température du globe est très variable, suivant les places, mais on peut l’estimer à 1.000 environ : elle transforme les pièces en une matière fragile, très poreuse, absorbant leau avec grande avidité et happant fortement la langue. N. — GLAGÇURE. C'est dans cet état que les pièces sont mises en glacure ou émaillées. Si la porcelaine esl cuile sans couverte, comme cela arrive très souvent pour les bustes, les sta- tuettes, les médaillons, elle constitue ce qu'on appelle le biscuit. La pâte cuite ainsi seule est blanche, translucide, non poreuse, mais elle ne possède pas le brillantet le vernis de la porcelaine qui résultent de la glaçure. SA $ 1. — Nature de la couverte. Cette glaçure ou couverte est constituée, comme nous l'avons vu précédemment, par de la pegmatite pour la porcelaine dure française. La pegmatite qui est employée seule à la Manufacture de Sèvres, a la composition suivante, d'après l'analyse qui en a été faite par M. Vogt en 1581 : Silice 70,6% Alumine. 16,87 Oxyde de fer 0,73 Chaux . A NE Ale Par AE 1,31 Magnésie APM EUR Ce 00:20 POTASS ES Rte ra EN 7 CE 4,22 Soude . . MN ec 4,97 Eau et matières volatiles. LR MODE 956 ÆE. PEYRUSSON — L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS DE L'INDUSTRIE DE LA PORCELAINE C'est donc un mélange de quartz avec de l’albite et de l’orthose constituant un silicate multiple, doué, par conséquent, d’une fusibilité plus grande que les roches pures correspondantes. En Limousin, où l’on fabrique de la couverte pour presque toutes les usines de porcelaine de France, on emploie la pegmatile addilionnée d’en- viron 45 °/, de quartz et une petite quantité de tesson (débris de porcelaine broyés).Celte couverte ne laisse done rien à désirer au point de vue de la dureté, qui est supérieure à celle des couvertes étrangères faites de quartz et de tesson avec addi- tion d'une proportion de sel de (chaux, carbonate, sulfate, fluorure), qui varie de 11 à 17 °/,. $ 2. — Mise en couverte. Le seul procédé de mise en couverte utilisé pour la porcelaine dure, du moins en France, est le pro- cédé par immersion qui se pratique de la facon sui- vante. La couverte préparée, est délayée avec de l'eau de facon à former une bouillie claire ayant une densité d'environ 1,40. L'ouvrier émailleur doit alors plonger, rapidement el avec adresse, chaque pièce dégourdie dans ce liquide; la pièce absorbe l'eau en vertu de sa porosité, et la matière so- lide, que cette eau tenait en suspension, et qui constitue la couverte, se dépose à la surface couche régulière et d'une épaisseur uni- forme si chaque partie est bien restée le même temps dans le liquide. Celle opération exige, en effet, une grande habitude et une grande habi- lelé de l'ouvrier, car il doit faire en sorte que la partie qui pénètre la première dans le bain soit aussi celle qui en sorte la première, sans quoi la couche de couverte serait plus épaisse sur les points qui seraient restés le plus longtemps immergés. On enlève, avec une lame ou une brosse, la glacure des parties qui ne doivent pas en avoir, telles que les dessous des pieds, les gorges qui reçoivent les couvercles, etc. La place des doigts de l’ouvrier n'ayant pu prendre de glacure, on y pose la cou- verte avec un pinceau. On peut oblenir des épais- seurs différentes suivant la concentralion du bain, le degré de cuisson du dégourdi et l'épaisseur de la en pièce. Pour empêcher la couche du dépôt d'être trop forte, on peut passer une éponge imbibée d'eau sur l'objet avant de le tremper. On termine celte opération par des retouches qui ont pour but d'enlever à la lame les bavures, et de régulariser l'épaisseur. Le procédé de mise en couverle par insu/fflation, que les Chinois emploient le plus habituellement, a été préconisé à la Manufacture de Sèvres par M. Ch. Lauth pour la pose des couvertes coloriées sur la porcelaine nouvelle; mais, comme sur la porcelaine dure, on n’a employé, jusqu'à ce jour, que les couvertes bleues et un peu un fond écaille, qui s'appliquent au pinceau, à plusieurs couches et sur la porcelaine déjà cuite. On n'a pas utilisé le procédé par insufflation dont nous n'avons done pas à parler plus que des procédés par arrosement et par saupoudration utilisés dans la fabrication d certaines poteries. $S à 3. — Encastage. Les pièces en porcelaine doivent alors subir la cuisson, pour laquelle on doit les mettre dans des sortes d’étuis en argile que l'on nomme gazelles: Cette précaution est indispensable non seulement pour pouvoir empiler les objets dans le four, mais aussi parce que ces pièces, dont la couverte doit fondre et la pâte se ramollir sous l’action du feu; ont besoin d'être soutenues bien régulièrement pour ne pas gauchir et se déformer; enfin, elles doivent être protégées contre les cendres et la fumée qui les délérioreraient, surtout pendant la période de fusion. Ces gazelles sont fabriquées par les mêmes procé= dés que la porcelaine. On empioic pour cela de l’ar= gile réfractaire mélangée à une forte proportion de débris de vieilles gazettes pulvérisées (ciment). Cette addition a pour but de diminuer le retrail de l'ar= gile etde l'empêcher de se fendre et de se déformer: On place d'abord dans la gazette une plaque par= faitement plane (rondeau), faite avec la même pâte que la gazette, et c'est sur cette plaque que l'on pose l'objet en porcelaine. Cet encastage doit se faire avec de grandes précautions; le rondeau doit être très propre, l'ouvrier doit poser les pièces sans détériorer la glaçure et bien horizontalement.n Sur cette gazelte on eu dispose une seconde, puis. une troisième, et ainsi de suite, jusqu à ce qu'il en résulte une pile de 40 ou 50 centimètres, que l'on porte ensuite dans le four. H Cet encastage ettoutes les précautions qu'il exigem représentent un des facteurs importants du prix. de revient de la porcelaine dure, car il en résulte un manœuvrage très dispendieux et le matériel sem détériore très rapidement. , Il faut cependant qu'il soit préparé avec soin eb « que l'argile soit pure et bien travaillée, sans quoi les pièces en porcelaine, qui cuisent dans ces gazeltes, risqueraient fort d'être détériorées soit par des déformations, soit par des grains, petites parties ferrugineuses qui fondent pendant la euis- son et tombent sur les objets sous forme de gout- | telettes qui constituent des taches et détériorents les objets. Cette partie de la fabrication n’a pas, à" proprement parler, été améliorée. Cependant las régularisalion de la cuisson par l'emploi des nou-m veaux fours, dont nous parlerons dans un second arlicle, a eu pour conséquence de diminuer la ÉMILE PICARD — REVUE DE QUELQUES TRAVAUX MATHÉMATIQUES RÉCENTS 957 : 4 “casse des gazeltes qui était jadis produite par les coups de feu et les inégalités de température dont on constalait les effets dans les anciens fours. Dans un prochain arlicle nous traiterons de la cuisson et de la décoration de la porcelaine dure 1 J'ai fait à plusieurs reprises, dans ce journal, une revue sommaire de quelques travaux mathé- maliques récents!. Je vais encore aujourd'hui faire un peu au hasard une promenade à travers les Mathématiques, sans chercher le moins du monde à être complet, et en laissant de côlé, autant que “possible, les théories dont j'ai déjà parlé dans les articles précédents. | | il On ne peut s'empêcher d'être frappé du nombre -de publicalions parues dans ces dernières années “se rapportant à la philosophie du nombre. Quel- ques-unes d’entre elles ont été disculées de main -de maitre dans cette Revue?. Je n'y reviendrai pas, “ne me sentant ni le goût ni la compétence pour “parler de questions aussi subtiles que celles que traite dans sa thèse M. Couturat*. Je veux seule- ment faire quelques remarques sur l'intérêt que de telles spéculations peuvent présenter pour les “progrès des Mathématiques. IL est des mathémati- “ciens, un peu méfiants, qui ne voient pas sans inquiétude cette invasion philosophique, malgré “les grands noms dont elle peut se recommander. Iis pensent que cette débauche de logique est peu favorable à l'esprit d'invention, et que, si elle est “bonne pour les hommes mûrs, elle risque d’être “dangereuse pour les jeunes chercheurs qui ont besoin d'avoir de l'audace et ne doivent pas craindre constamment de voir le sol s'effondrer sous léurs pas. Ces mêmes mathématiciens s'inté- ressent seulement aux travaux qui renferment des faits analytiques ou géométriques nouveaux et aux méthodes qui augmentent la puissance de l'Analyse mathématique; ils ne s’étonnent pas, d'ailleurs, comme M. Tannery, que certaines par- ties des Mathématiques s'appliquent à quelque el nous essaierons aussi d'exposer les conditions économiques et sociales de celte industrie. E. Peyrusson, Professeur de Chimie industrielle à l'Ecole nationale d'Art décoratif à Limoges. REVUE DE QUELQUES TRAVAUX MATHÉMATIQUES RÉCENTS chose, car il leur semble qu'à l'origine elles ont eu précisément un but pratique, les Mathéma- tiques appliquées ayant, sans paradoxe, précédé les Mathématiques pures. Je ne dissimulerai pas que j'ai des sympathies pour ces mathématiciens, en faisant cependant quelques réserves. Leur point de vue, outre qu'il ne fait pas à l'Art une place suffisante, est, en même temps, trop étroit; il se pourrait que la crainte de la Scolastique les éloignàät de spéculations! qui auront un jour de l'importance pour le développement des Mathéma- tiques posilives. Il y a lieu de faire une distinction. Certaines questions sont manifestement d’un intérêt pure- ment philosophique et n'auront jamais la moindre utilité pour les Mathématiques,comme,par exemple, de savoir si la priorilé appartient au nombre ordi- nal où au nombre cardinal. Mais, dans d'autres cas, il faut apporter plus de réserve; il semble qu'il en soit ainsi pour la Théorie des ensembles de M. Cantor. Le lecteur trouvera les points essentiels de celte doctrine dans l'article de M. Tannery cité plus haut. Mes mathémaliciens de tout à l'heure vont me demander de citer quelque exemple, qui nait pas été bâti pour la circons- lance, et où se présentent naturellement les en- sembles de M. Cantor. Certaines des fonctions introduiles en Analyse par M. Poincaré sous le nom de fonelions fuchsiennes permettent de ré- pondre à celte question. On a là un type de fonc- tions d'une variable complexe, uniformes dans tout le plan, ayant sur une circonférence une infinité de points singuliers, sans avoir cependant la circon- férence comme ligne singulière; aucun de ces points singuliers n'est isolé, leur ensemble forme sur la courbe un ensemble parfait. Voici donc une question se rattachant à la théorie des équations différentielles linéaires ordinaires, où vient s'offrir 4 Voyez à ce sujet la Revue du 30 novembre 1890, t. I, p. 102 et suiv., et du 15 novembre 1892, t. II, p. 725 et suiv., du 30 décembre 1894, p. 945 et suiv. ? Voir l'article de M. J. Tannery sur l'In/fini mathémalique (Revue générale des Sciences du 28 février 1897). 3 J. Couturat. De l'Infini malhémalique. 1896. ‘ Nous ne parlons ici que des spéculations philosophiques relatives au nombre. Pour celles qui concernent la nature de l'espace, elles ont donné une vive impulsion à la Théorie des formes quadratiques de différentielles et à la Théorie des groupes de transformations; mais c’est là un sujet que nous avons traité dans une revue précédente. 958 ÉMILE PICARD — REVUE DE QUELQUES TRAVAUX MATHÉMATIQUES RÉCENTS naturellement un ensemble parfait non continu. Il est à présumer que, dans l’élude d’autres fonctions ou d'autres équations différentielles, s'introduira nécessairement la considération de ces multipli- cités fort étranges au premier abord. Citons encore un second exemple d'une nature toute différente : dans un récent mémoire, M. Hadamard vient d'étu- dier les lignes géodésiques des surfaces à courbures opposées ayant un nombre limité de nappes infi- nies ‘. Il établit que les tangentes aux lignes géodé- siques passant par un point de la surface, et restant à distance finie, forment un ensemble par- fait non continu. Ce résullat est intéressant au point de vue de la disposition des lignes géodé- siques de la surface ; il montre qu'il existe des lignes géodésiques se rapprochant d’une géodé- sique fermée déterminée, puis abandonnant celle-ci pour se rapprocher d'une autre, puis passant à une troisième, el ainsi de suite indéfiniment. Ces deux exemples suffiront pour montrer l'intérêt que pourra présenter dans des questions classiques la Théorie des ensembles. Toul cela, sans doute, promet aux géomètres de belles difficultés, mais les sciences mathématiques partageront probable- ment dans l'avenir, avec bien d'autres sciences, le privilège de la complication. Espérons seulement que des homune de génie viendront, de loin en loin, donner, au moins pour un temps, l'illusion de la simplicité. IT Les mathématiciens qui ne se piquent pas de philosophie, peuvent donc avoir à tirer parti de spéculations qui tout d'abord semblent très éloi- gnées de leurs sujets habiluels de recherches. Si cerlain esprit philosophique, dans les Mathéma- tiques, conduit à piétiner sur place, il en est un autre plus actif qui est la condition nécessaire du progrès et nous pousse à sortir des cadres où nous serions tentés de nous renfermer. Ainsi, quelques analystes veulent systémaliquement réduire l’Ana- lyse à l'étude des fonclions dites analytiques, c'est-à-dire développables en série de Taylor; c’est, ce me semble, une vue trop étroite. L'idée de fonc- lion, c’est-à-dire de dépendance entre plusieurs, quantités est autrement vaste, et nous ne devons pas négliger de la creuser, autant qu'il nous est possible, dans toute sa généralité. Mais, dira-t-on, les fonctions usuelles sont analytiques; indiquez- nous quelques questions où il y ait intérêt à se placer à des points de vue aussi généraux. Il suffit, pour répondre, de se reporter aux théorèmes rela- üfs à l'existence des intégrales des équations diffé- rentielles; dans ces questions, c'est en cherchant 4 C.R. Acad. des Sc. de Paris, t. CXXIN, n° %. des modes de démonstrations qui ne soient pas limités aux fonctions analyliques, que l’on est arrivé à avoir des déterminations des intégrales dans le champ le plus étendu : le point de vue le plus général donne, pour les applications, les meil- leurs résullats. Dans un autre ordre d'idées, la Théorie des fonctions analytiques conduit elle= même à la considération des fonctions non ana- lytiques, comme il arrive fréquemment pour les séries entières qui restent continues sur leur cercle de convergence. Citons encore un fait remarquable signalé, il y a peu de temps, par M. Borel : ce géo- mètre forme une équation aux dérivées partielles du second ordre où ne figurent que des fonctions analytiques, et, cherchant les solutions pério- diques de cette équation, il trouve une seule solu- Uon qui n'est pas analytique. Il est fort curieux de voir apparaitre ainsi nécessairement une telle solution dans un problème dont toutes les données sont analytiques, et tout porte à penser que pa- reille circonstance pourra se présenter ailleurs, en Physique mathématique par exemple, où l'on ne voit pas du tout pourquoi ne devraient figurer que des fonctions analytiques. Nous ne quitterons pas l'avant-garde des Mathé- maliques en disant un mot des séries divergentes. Elles commencent à se relever du discrédit qui les avait frappées; seuls, les astronomes les em- ployaient avee confiance et ne s’en trouvaient d'ailleurs pas mal. La littérature mathématique de ces dernières années les réhabilile beaucoup; M. H. Poincaré avait déjà montré l’intérèt que pré- sentait la considération des séries divergentes dans la théorie des équations linéaires, et comment on pouvait représenter asymptoliquement leurs inté- grales à l’aide de telles séries. M. Borel vient de publier un mémoire très suggestif sur les séries divergentes sommables, où il étend la notion de limite, et indique comment on peut définir dans des cas très étendus la somme d'une série diver- gente; il a appliqué ces considérations à l'étude des fonctions représentées par des séries entières. Il est probable que le rôle des séries divergentes est appelé à s'étendre beaucoup dans l'avenir. ITI La Théorie des fonclions analytiques continue à faire l'objet de nombreuses recherches; on doit cependant s'attendre à ce que les progrès de quel- que importance vont maintenant y être plus lents. La moisson depuis vingt ans a élé extrêmement abondante, et sur bien des points on est arrêté aujourd'hui par des difficultés considérables. Ces difficultés prennent de plus en plus un caractère arithmétique, et les rapports entre la Théorie des { ÉMILE PICARD — REVUE DE QUELQUES TRAVAUX MATHÉMATIQUES RÉCENTS 959 : RE EH onctions et la Théorie des nombres vont, sans E. devenir de plus en plus étroits. . Les séries entières, c'est-à-dire les séries ordon- nées suivant les puissances croissantes d'une va- riable, jouent un rôle capital en Analyse. M. Hada- mard à donné, pour la recherche des points ‘singuliers d'une telle série situés sur le cercle de “convergence, une méthode d'une grande impor- “tance. En l'appliquant aux fonctions entières (séries enlières convergentes dans tout le plan), il a pu obtenir la loi de distribution des racines d'une telle fonction, quand on connait la loi des coefficients. Ces résullats méritent de devenir classiques; ils viennent d'être utilisés par M. Von Mangoldt, M. de la Vallée-Poussin et M. Hadamard lui-même pour une élude très approfondie d'une transcen- dante célèbre introduite par Riemann dans la théone des nombres premiers. Les méthodes de M. Hadamard ont été aussi employées par M. Fabry pour l'étude des séries entières qui ne sont pas susceptibles de s'étendre au delà de leur cerele de convergence. On peut regarder comme probable, d'après ces recherches, que, loin d'être l'exception, ce cas est, en quelque sorte, le cas général; il est curieux que l’on ait eu autrefois à se donner beau- coup de mal pour trouver des exemples d'une circonstance aussi fréquente. On sait que, dans le voisinage d’un point singu- lier essentiel isolé, une fonction uniforme prend un nombre infini de fois toute valeur donnée, une exception seulement étant possible pour deux va- leurs particulières au plus. Comme cas particulier, il résulte de là qu'une fonction entière qui ne de- vient égale à deux constantes données que pour un nombre limité de posilions de la variable, est nécessairement un polynome. M. Borel à réussi à donner de ce dernier théorème une démonstration directe, qui avait été longtemps cherchée en vain, sans recourir, comme on avait dû le faire, à la théorie des fonctions elliptiques modulaires. On ne peut dire que sa démonstration doive être considé- rée comme élémentaire, car elle exige des raison- nements fort délicats, mais elle est extrêmement intéressante et elle conduit à des généralisations étendues, en montrant l'impossibilité de certaines identités. M. Painlevé poursuit ses belles recherches sur la Théorie analytique des équations différentielles d'ordre supérieur au premier. Elles présentent de très graves difficultés, dont la plus importante est l'existence possible de points singuliers essentiels mobiles. M. Painlevé étudie spécialement les équa- tions différentielles algébriques dont l'intégrale générale n'admet qu'un nombre fini de valeurs autour des points eritiques mobiles. Bornons-nous au second ordre; la manière dont les constantes arbitraires figurent dans l'inlégrale générale joue un rôle capital. M. Painlevé élucide complètement la nalure de l'intégrale quand on peut choisir les constantes de manière que l’une d'elles entre algé- briquement, et ii montre que l’on est ramené à des types connus d'équations. Si les deux constantes entrent d’une manière transcendante, de quelque façon qu'on les choisisse, la question est beaucoup plus difficile; c'est le seul cas qui pourrait donner des transcendantes vraiment nouvelles. Sur ce point, M. Painleyé n'a pas achevé ses recherches, mais, quelles que doivent ètre leurs conclusions dernières, les analystes admireront la pénétration dont témoignent maintes pages du volume, dans lequel le profond géomètre a rassemblé les leçons qu'il fut invité, en 1895, à faire sur ces matières à l'Université de Stockholm". L'étude des équations différentielles, en suppo- sant que les variables restent réelles, continue à faire l'objet de nombreux mémoires, tant dans la théorie des équations différentielles ordinaires que dans la théorie des équations aux dérivées par- tielles. Mais je dois abréger, el je me bornerai à citer un mémoire de M. Liapounoff, dans lequel l’éminent géomètre russe répond à une question posée depuis longtemps sur le mouvement d'un système dans le voisinage d'une posilion d’équi- libre. On sait que,quand il y a une fonclion des forces, la position d'équilibre d'un système maté- riel est stable, si, pour cette position, la fonction des forces est maxima. Quant aux positions d'équi- libre, pour lesquelles cette dernière condition n'est pas remplie, on les regardait généralement comme instables, mais leur instabililé n'avait jamais été démontrée. M. Liapounoff l’établit en particulier pour le cas, que l'on peut appeler général, où la non-existence du maximum de la fonction des forces se reconnait par les termes du second ordre. De telles recherches sont, d’ailleurs, en connexion étroite avec les travaux de M. H. Poincaré sur la forme des courbes définies par des équations diffé- renlielles. IV La Théorie des équations aux dérivées partielles, restée longtemps stationnaire, a fait dans ces der- nières années de sérieux progrès, parliculièrement sous l'influence du grand ouvrage de M. Darkoux sur la Théorie des Surfaces, où des problèmes géo- métriques variés conduisent à de telles équations. De nombreux mémoires avaient été consacrés à la démonstration générale de l'existence des inté- 1 P. PaIxLEvÉ : Leçons sur la théorie analytique des équa- lions différentielles, professées à Stockholm en 1895, A. Her- mann, éditeur, Paris, 1897. 960 ÉMILE PICARD — REVUE DE QUELQUES TRAVAUX MATHÉMATIQUES RÉCENTS grales d'un système d'équations aux dérivées par- ? tielles. M. Riquier, el ensuite, sous une forme plus précise, M. Delassus, sont arrivés à lever les diffi- cullés qui subsistaient encore, et l'on peul mainte- nant, dans tous les cas possibles, se rendre compte du degré de généralité des solutions. Il faut, d'ail- leurs, bien préciser, dans ces questions, ce qu'on sntendra par degré de généralité. Il figure, dans l'intégrale générale d'une équation aux dérivées partielles, des fonctions arbitraires. Les géomètres, au commencement de ce siècle, considéraient, par exemple, comme ayant un plus grand degré de généralité une intégrale dépendant de deux fonc- tions arbitraires qu'une intégrale dépendant d'une seule fonelion arbitraire. Cela est vrai à un certain point de vue, au point de vue analytique, mais il en est autrement au point de vue arithmélique, et on peut dire qu'un nombre fini quelconque de fonctions arbitraires n’ont pas un plus grand degré de généralité qu'une seule fonction arbitraire, tout au moins si les fonctions sont analytiques; car c'est se donner dans les deux cas une suite simple- ment infinie de coefficients. Aussi s’explique-t-on que M. Borel ait pu établir que toutes les intégrales analytiques d’une équation linéaire d'ordre quel- conque aux dérivées partielles peuvent être obte- nues à l’aide d'une formule ne renfermant qu'une fonetion arbitraire. Il y a certainement, au point de vue qui nous occupe, une grande différence entre les équalions dont toutes les intégrales sont analytiques et celles qui admettent des intégrales non analytiques. 11 y a donc quelque intérêt à être assuré que toutes les intégrales d’une équation aux dérivées partielles sont analytiques; on peut indi- quer aujourd'hui des classes étendues d'équations jouissant de cette propriété. La Théorie des équalions aux dérivées partielles du second ordre à deux variables indépendantes a fait, comme on sait, au commencement de ce siècle, l’objet des travaux d'Ampère. Pendant de longues années, il n'a élé rien ajouté d'essentiel à ces mé- moires célèbres. En 1870, M. Darboux publia un mémoire renfermant des vues profondes et origi- nales, qui est fondamental dans l’histoire de cette Théorie. Depuis cette époque, divers géomètres ont développé des méthodes se rapprochant plus ou moins de celle de M. Darboux. Dans un ouvrage considérable !, M. Goursat a rassemblé et comparé les méthodes proposées, en y ajoulant ses recher- ches personnelles sur ces questions difficiles. Il a pu parlager les équations du second ordre en qua- tre grandes classes, el l'examen de certains cas 4 E. Gounsat : Leçons sur l'intégration des équations aux dérivées partielles du second ordre à deux variables indé- pendante:. À. Hermann, éditeur, Paris, 1896. particuliers l'a conduit à une classe nouvelle d'é- quations intégrables. Les recherches de M. Goursat jettent une vive lumière sur les travaux d'Ampère, dont plus d'un point, malgré tant d'années, élaib resté obscur. Arrétons-nous seulement sur une question importante, à laquelie on avait fait des. réponses diverses. Ampère définit de la manière suivante l'intégrale générale d'une équation aux, dérivées partielles : pour qu'une intégrale soit gé- nérale, il faut qu'il n’en résulle entre la fonction et ses dérivées à l'infini que les relations exprimées par l'équation donnée et par les équations quon. en déduit en la différentiant. Les travaux de Cau- chy et de ses successeurs conduisent à une autre définition de l'intégrale générale : en se bornant au second ordre et à deux variables, une intégrale dépendant d'éléments arbitraires sera générale, si elle correspond à une surface que l’on puisse faire passer par une courbe arbitraire, la loi de varia- tion des plans tangents le long de celte courbe étant elle-même arbitrairement donnée. Y a-t-il identité entre la définition d'Ampère et celle de Cauchy? Les avis étaient partagés; M. Goursat montre bien nettement qu'une intégrale peut être générale au sens d'Ampère, sans êlre générale au sens de Cauchy. W Il nous faudrait maintenant suivre les travaux se rapportant à l'Algèbre supérieure et à la Théorie des nombres, mais cesonldes sujets bien abstraits pour trouver longuement place ici. De nombreux mémoi- res ont été consacrés à la Théorie des substitutions: Nous pouvonssignaler en France un intéressant ra vaildeM.Maillet,couronnél'année dernière par lAca= démie, mais c'est surtout en Allemagne et en Amé- rique que l'effort des chercheurs s’est porté de ce côté. On sait qu'on entend par substitulion effectuée sur un certain nombre de lettres l'opéralion per- mettant de passer d'une permutation de ces lettres à une autre. Un ensemble de substlitutions forme un groupe quand, en les combinant entre elles, on obtient toujours des substitulions du même ensem- ble; le nombre des substitutions de celui-ci s'ap- pelle l’ordre du groupe. C’est un problème, depuis longtemps posé, que la recherche de toutes les substitutions d'un ordre donné. Lesdernierstravaux des algébristes allemands et américains ont nola= blement étendu nos connaissances sur ce sujet. Pour donner au moins quelques énoncés, rappe= lons qu'on appelle groupe résoluble où métacyclique un groupe appartenant à une équation résoluble par radicaux, groupe dont l'étude est relativement facile. M. Frobenius a démontré que tout groupe dont l'ordre décomposé en facteurs premiers ne renferme que des facteurs à la première puissance, ÉMILE PICARD — REVUE DE QUELQUES TRAVAUX MATHÉMATIQUES RÉCENTS 964 est résoluble, et la même propriété appartient aux groupes dont l'ordre estdelaformepgz,en désignant par p et g deux nombres premiers, et par « un entier positif quelconque. Ces résultats sont dignes de re- marque : ils montrent combien sontrares, au moins pourlesordresinférieurs,les groupes non résolubles. On serait tenté de croire que lanotion,en apparence si étendue, de groupe de substitutions est beaucoup plus restreinte qu'il ne semble au premier abord. C'est un peu aussi la même pensée qui se présente à l'esprit pour la célèbre Théorie des groupes de transformation de M. Sophus Lie, quand on étudie son développement dans ces derniers temps. Ce n'est qu'après de longues recherches, que nous pouvons le plus souvent juger de l'étendue de nos conceptions. Dans la Théorie des nombres, les problèmes re- laüifs aux approximations et à la Théorie arithmé- tique des formes comptent parmi les plus attrayants et les plus difficiles. C’est à ces problèmes que M. Hermite a consacré autrefois quelques-uns de ses plus beaux travaux. Dans ces dernières années, deux géomètres allemands, M. Minkowski et M. Hurwitz, ont été d’une manière particulièrement brillante les continuateurs de M. Hermite. Dans un volume intitulé « Geometrie der Zahlen », M. Min- kowski vient de développer une méthode géomé- trique profonde, qui l’a conduit à des résultats extrêmement généraux sur la Théorie des formes.Il oblient en particulier les résultats de M. Hermite sur les formes quadratiques, mais avec des limites plus étroites d'approximation. Pour citer un exem- ple, considérons une forme quadratique à n va- riables, restant toujours positive et différente de zéro (sauf, bien entendu, pour les valeurs zéro don- nées à toutes les variables), et dont les coefficients sont des quantités réelles quelconques; quand les variables prennent des valeurs entières qui ne sont pas toutes nulles, la forme a évidemment un mini- mum dont, pour un grand nombre de questions, il est important d’avoir une limite supérieure. M. Hermite avait trouvé une limite de la forme Yn VD, où D désigne le discriminant de la forme et y, une quantité purement numérique ne dépen- dant que de l’entier n. M. Minkowski retrouve une limite de même forme, mais où le coefficient y, est plus petit que celui de M. Hermite. Les principaux résultats de M. Minkowski ont été démontrés par M. Hurwitz à l'aide de méthodes purement arith- métiques, sans aucune considération géométrique. Dans le même ordre d'idées, on doit aussi à cet éminent géomètre bien des résullats d’une grande élégance relatifs aux approximalions numériques. VI Cette revue, bien sommaire et bien incomplète, donnera une idée de l’activité des mathématiciens. Denombreusestentatives ont été faites avec bonheur dans des direclions variées, et des théories générales ont été élaborées dont l’avenir montrera sans doute de plus en plus la fécondité. On pouvait même, il y a quelques années, s’alarmer de cet entrainement un peu trop général vers des théories nouvelles, car il est souvent plus facile de se poser de nou- veaux problèmes que de réaliser un progrès sérieux dans des questions depuis longtemps ouvertes. Il semble bien qu'il y ait eu dans ces derniers temps une réaction salutaire. Plusieurs questions long- temps négligées ont été reprises avec succès en profitant des progrès accomplis ailleurs; on en a vu plus haut de nombreux exemples. Emile Picard, de l'Académie des Sciences. Professeur d'Analyse supérieure à l'Université de Paris. REVUE GENÉRALE DES SCIENCES, 1897. 962 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques Desaint (L.). — Sur quelques points de la théorie des fonctions. — (Thèse pour le Doctorat de la Fa- culté cles Sciences de Paris.) — 1 vol. in-8° de 74 pages, Gauthier- Villars, éditeur. Paris, 1897. Le jeune mathématicien qui vient de conquérir bril- lamment le grade de docteur avait déjà communiqué à l’Académie des Sciences plusieurs résultats relatifs à la théorie des fonctions, et qu'on retrouve dans sa thèse. C’est un sujet qu'il aime et où il a déjà pris une place importante. Son travail est un des exemples les plus frappants de ce que peut produire une idée simple et juste. Le point de départ, est en effet, celui-ci : lorsque plusieurs vec- teurs de même origine sont dirigés dans un plan d'un même côté d’une droite, leur somme est un vecteur quinest pas nul et qui, est lui aussi, dirigé du même côté de la droite. Celte remarque est tellement évidente qu'elle ne constitue pas un théorème, à proprement parler. Il est probable que beaucoup l'ont faite depuis longtemps; mais personne, avant M. Desaint, n’en avait tiré parti, comme il vient de le faire si habilement. Les applications intéressantes qu'il tire de ce prin- cipe ont été divisées par lui en deux parties. La pre- mière a pour titre : « Sur la distribution des zéros des fonctions uniformes. » Elle débute par un théorème fondamental concernant une série de fractions ra- tionnelles et délimitant la région qui peut contenir les zéros de la fonction ainsi considérée. La démonstration de cette proposition s'établit avec une extrême simpli- cité, grâce au principe rappelé précédemment. Les conséquences développées sont relatives aux fonctions algébriques et aux surfaces d'intégration des intégrales doubles. Plusieurs fonctions, étudiées par M. Poincaré et par M. Homèn, font notamment l’objet d’un examen tout spécial. L'auteur passe ensuite aux fonetions déterminées par des intégrales définies multiples, établit un certain nombre de théorèmes, ef retrouve par sa méthode cer- tains résultats de M. Darboux, de Weierstrass et de Laguerre, dont il donne des généralisations. La seconde partie de la thèse est intitulée: «Sur la distribution des valeurs de la variable qui font prendre à une fonction une valeur donnée uw. » Après avoir démontré quelques propositions géné- rales, M. Desaint en fait application à l'étude des fonc- tions entières, en se placant au même point de vue que M. Picard, et termine par l'étude des valeurs d'exclu- sion de ce dernier. On sent que celte seconde partie a élé fort abrégée, l’auteur devant nécessairement se restreindre. Du reste, ainsi que l’a très justement fait remarquer M. Poincaré au cours de la soutenance, l'idée direc- trice qui à inspiré tout ce travail se prêterail encore à bien d’autres applications, et il faut encourager l’auteur à persévérer dans cette voie, car il n’a pas la prétention d'avoir épuisé le sujet. Dans les limites où il a dû se tenir, son travail actuel constitue l’une des contributions les plus intéressantes à la théorie des fonctions, dont cette partie de la science mathématique ait été enrichie depuis quelques années. Je suis heureux de pouvoir, en terminant, féliciter de son succès le jeune géomètre, que j'ai connu et suivi depuis son enfance, et qui semble destiné à un brillant avenir scientifique. C.-A. LAISANT, Docteur ès-sciences. ET INDEX 2° Sciences physiques Perrin (Jean) — Rayons cathodiques et Rayons de Rôntgen. (Thèse pour le Doctorat de la Faculté des w Sciences de Paris.) — 1 brochure in-8° de 64 pages avec figures. Gauthier- Villars et fils, éditeurs. Paris, 1897. Voici la première thèse sur les rayons X, ce ne sera sans doute point la dernière, car les problèmes phy- siques que pose la découverte de Rôntgen et qui ne sont point résolus apparaissent de plus en plus nom- breux et bien dignes de tenter l’activité des cher- cheurs. Le travail de M. Perrin restera, non seulement parce qu'il aura été le premier en date, mais encore et sur- tout parce qu'il renferme des résultats très importants; il se divise en deux parties distinctes: dans la pre- mière, l'auteur décrit ses expériences, faites en 1895, sur les rayons cathodiques; dans la seconde, il relate ses recherches effectuées après la publication du cé- lèbre mémoire de Rontgen. Nous avons, dans cette Revue même ‘, rendu compte des expériences faites par Lenard sur les rayons catho- diques en 1894, et nous avons exposé alors les consé- quences qu'elles nous paraissaient entraîner; deux théories se trouvaient en présence pour expliquer les faits connus : la théorie de l'émission, défendue par les physiciens anglais, la théorie des ondulations, soutenue plus spécialement par les Allemands et qu'avait adop- tée Hertz, entre autres. Les résultats obtenus par Lenard semblaient exclusivement favorables à la seconde manière de voir. Toutefois, les partisans de l'émission ne désarmèrent point. J.-J. Thomson, parti- culièrement, fit une juste critique de certaines expé- riences de Lenard et montra que les difficultés n'étaient pas toutes écartées. C'est à ce moment que M. Perrin réalisa une expérience fort élégante el qui apporta aux débats un fait nouveau très important, dont toute théorie devra désormais tenir compte. La théorie de l'émission repose tout entière sur l’'hypo- thèse d'une électrisation des rayons; plusieurs essais infructueux avaient déjà été tentés pour la mettre en évidence. M. Perrin réussit, d’une facon très simple, à montrer que les rayons X sont électrisés négativement, On ne saurait, certes, conclure de cette expérience que la théorie de l’émission est désormais prouvée; si l'électrisation des rayons s’interprète d’une facon plus simple dans le langage classique, en considérant que les rayons cathodiques sont constilués par des projec- tiles matériels électrisés, il ne parait nullement impos- sible, en revanche, de concevoir, même dans l'état actuel de nos connaissances, que des vibrations puissent transporter de l'électricité. Sur ce point, nous ne sau- rions partager l'opinion de M. Perrin; il est vrai que c'est là une pure question de sentiment, et les hypo- thèses mécaniques que nous nous plaisons à imaginer pour expliquer les phénomènes de la Physique sont, sans doute, et demeureront toujours les unes aussi bien que les autres fort éloignées de la réalité. Ainsi préparé par ses études sur les rayons catho- diques, M. Perrin se trouva, lorsqu'éclala la nouvelle de la découverte de Rôntgen, en mesure d'étudier les nouveaux rayons. Avec une graude activité scienti- fique, il se mit à l'œuvre et il fut l’un des premiers, en France, à reproduire les expériences fondamentales du physicien de Würzburg; il relate sommairement dans son mémoire ses premiers essais, mais la partie vrai- 1 Revue générale des Sciences, 15 octobre 1894, BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 963 ment originale de cette seconde moitié de son travail, se rapporte à l'étude de l'action que les rayons X exercent sur les corps électietrisés.. Cette action, connue de Rüntgen, fut découverte de nouveau vers le même temps et d'une façon indépen- dante par de nombreux physiciens : Benoist et Hurmu- zeseu, H. Dufour, Righi, J.-J. Thomsonetc...; maisellene fut pas, tout d'abord, bien comprise. C’est J.-J. Thom- son, puis Righi qui expliquèrent que la décharge des corps électrisés est surtout attribuable aux gaz qui, traversés par les rayons, se comportent, à certains gards, comme des électrolytes. Mais M. Perrin a, le premier, réalisé une expérience simple, entièrement démonstrative, qui rendait désormais toute discus- sion impossible, et expliquait toutes les particularités observées. Il montra que les rayons peuvent déchar- rer, sans les rencontrer, des corps électrisés situés ans un gaz en repos, et que tout se passe, en somme, comme si, là'où des rayons traversent un gaz, apparais- saient des charges égales et contraires, puis que ces charges se mouvaient sous l'influence du champ le long des tubes de force qui les contiennent, jusqu'à ce qu'elles rencontrent un conducteur qu ‘elles déchargent ou un isolant solide ou liquide qu'elles chargent. Dans le cas où les surfaces chargées sont elles-mêmes rencontrées et que ces surfaces “sont métalliques, un second effet, l'effet métal, s'ajoute au premier. M. Perrin a étudié avec beaucoup de soins toutes les circonstances du phénomène; il a tiré de ses expé- riences des conséquences très intéressantes, montrant, par exemple, comment elles permettent de fixer une unité de quantité pour les rayons Rôntgen, ou com- ment elles conduisent à la mesure des différences apparentes de potentiel au contact de deux métaux. Ce travail, très soigné, fait le plus grand honneur au jeune physicien. M. “pe rrin aura contribué, pour une grande part, à nous faire bien connaitre cette propriété importante des rayons Rüntgen, qui fournissent un moyen si commode pour oblenir l'ionisation des gaz. Les lecteurs de la Revue qui ont lu le remarquable article de M. Guillaume sur Les rayons X et la Dissocia- tion ? comprendront l'intérêt qui s'attache à une telle étude. Outre ses propres expériences, M. Perrin discute dans sa thèse les principaux travaux relatifs aux rayons cathodiques et aux rayons de Rüntgen. Aussi, son mémoire, écrit avec une grande clarté, parfaite ment ordonné et très documenté, constitue-t- il, à l'heure présente, l'un des livres les ‘plus intéressants qui aient été écrits sur ces questions si curieuses. LUCIEN PoINCARÉ, Chargé de Cours à la Sorbonne. Loppé (E.), Ingénieur des Arts et Manufactures. — Les Accumulateurs électriques.— 1 vol.in-18 de204puges uvec 47 figures de l'Encyclopédie scientifique des Aide- Mémoire publiée sous la direction de M. H. Léauté, de l'Institut. (Prix : broché, 2 fr. 50; cartonné, 3 fr.) Gauthier- Villars et G. Masson, éditeurs. Paris, 4897. M. Loppé a résumé dans ce petit ouvrage les confé- rences qu'il professe à l'Ecole supérieure d'Electricité de Paris : c'est dire qu'il s’est attaché à y rassembler d'une manière aussi complète que possible les données pratiques nécessaires à de futurs ingénieurs électri- ciens, qui, de quelque côté qu'ils se dirigent, ont bien des chances d’avoir une ou plusieurs batteries d'accu- mulateurs à installer où à surveiller. Après un court rappel des lois de l'Electrochimie (qui, à l'Ecole d'Elec- tricité, fait l'objet d’une autre série de conférences spé- ciales), l’auteur donne la définition et la classification des accumulateurs, en étudie le groupement et les em- . plois. Puis il aborde l'étude du plus important d'entre eux, l'accumulateur au plomb. La théorie chimique en est complexe, et n’est peut-être pas encore bien fixée; on trouvera dans l'ouvrage de M. Loppé, au moins les ! Dans la Revue du 15 juillet 1897, éléments de la discussion; au reste, bien plus que cette théorie, ce sont les variations des divers éléments me- surables qui intéressent le praticien : force électromo- trice, résistance intérieure, densité de l’électrolyte ; tous ces points sont soigneusement étudiés dans cette partie, qui forme, à proprement parler, le corps de l’ou- vrage et se termine par des renseignements pratiques sur la conduite et ra io d'une batterie. Le reste du volume est consacré aux autres {types d’accumula- teurs, aux appareils accessoires et aux mesures. P. Janer, Chargé de Cours à la Faculté des Sciences de Paris, Directeur du Laboratoire central et de l'Ecole supérieure d'Electricité. 3° Sciences naturelles Roos (L.), Directeur de la Station œænologique de l'Hérault, — L'Industrie vinicole méridionale. — 1 vol. in-12, de 326 p. avec 50 figures et 5 planches. (Prix : 5 fr. 50.) C. Coulet, éditeur à Montpellier, et G. Masson, éditeur à Paris. 1898. Les stations œnologiques, de fondation relativement récente, ont déjà rendu des services importants. Les expériences nombreuses qui y ont été faites ont mon- tré jusqu'à quel point les indications scientifiques pou- vaient être utiles pour venir aider la pratique dans tout ce qui concerne la fabrication et la conservation du vin. Le nouveau livre de M. Roos, L'Industrie vinicole méridio- nale, a été conçu dans cet esprit, et il recevra certai- nement dans le public viticole méridional un accueil bien mérité. L'industrie viticole étant au premier chef une indus- trie de fermentation, l’auteur consacre tout un chapitre à la fermentation alcoolique et vinique, où les descrip- tions sont complétées par des figurestrès nettes repré- sentant des levures de différentes sortes. Le chapitre second comprend l'étude du raisin, c'est-à-dire ce qui concerne sa maturation et sa com- position, en examinant plus spécialement les variétés cultivées en grande culture dans le midi de la France. Le mode opératoire de la vendange, la correction du mot et l'influence de l’époque de la cueillette des rai- sins sur la qualité du vin, sont l’objet d’un développe- ment contenant de précieux renseignements pratiques. Enfin, la vinification proprement dite et, plus spécia- lement, tla vinification en rouge sont étudiées de la facon la plus complète. L'opportunité de l’égrappage et du foulage, l’aération de la vendange, l'influence de la température sur les fermentations, etc. ;,sont présentées sous une forme d'autant plus originale que l’auteur donne la description d'appareils enregistreurs qui sont dus entièrement à son habileté. L'acidification, le plà- trage, le phosphatage et l'emploi des levures sélec- tionnées sont traités sous une forme des plus intéres- santes. L'auteur termine par un exposé sur la vinification en blanc, l’utilisation des sous-produits (mares, lies et tartres), et les soins à donner aux vins, insistant d'une facon toute particulière sur le chauffage, le fil- trage, le collage et le traitement des vins malades. Ce léger apercu montre suffisamment que le livre L'Industrie vinicole méridionale, est un ouvrage c omplet et qu'il justifie pleinement le titre que lui a donné l’auteur. J.-M. GuiLLON, Directeur de la Station Viticole de Cognac, Fauvel (Pierre), Préparateur à la Faculté des Sciences de Caen. — Recherches sur les Ampharétiens. — (Thèse pour le Doctorat de la Faculté des Srierces de Paris.) — 4 vol. in-8° de 212 pages avec 11 planches. (Extrail du Bull. scient. du Nord de la France, tome XXX.) Imprimerie L. Danel. Lille, 1897. Ce travail est l'étude monographique d'une petite famille d'Annélides Polychètes, du groupe des Séden- taires, renfermant des espèces assez rares, de petite taille, qui habitent des tubes enfoncés verticalement 96% dans la vase. M. Fauvel à surtout étudié l’'Ampharete Grubei et l Amphicteis Gunneri, qu'il à pu avoir vivants en assez grand nombre à Saint-Vaast-la-Hougue et à Naples. \ L'Ampharele Grubei, jusqu'ici connu seulement dans les mers septentrionales (sauf un exemplaire trouvé en 4863 par Claparède à Saint-Vaast), a apparu brusque- ment à Saint-Vaast,au printemps de 1895, en très grande abondance, couvrant de ses tubes la surface des vases à zostères; depuis ce temps, les individus paraissent diminuer de nombre et de taille. L'hiver rigoureux de 1894-1895 a été sans doute la cause de l'arrivée à la côte de nombreuses larves de cet Ampharete, qui doit vivre normalement dans la Manche, à une certaine profondeur, mais n'y a pas encore été découvert. Les Ampharete vivent très bien dans un cristallisoir dont le fond est garni d'une couche de sable fin, ce qui a per- mis à M. Fauvel d'observer la formation du tube, édifié au moyen des tentacules buccaux et des sécrétions muqueuses du lobe céphalique et des boucliers ven- traux, comme chez les Térébelles. Je ne résumerai pas la description minutieuse et un peu tirée en longueur de la morphologie et de l’ana- tomie des Ampharétiens étudiés par M. Fauvel; somme toute, ils ressemblent beaucoup à des Térébelliens, et n'en diffèrent que par des détails de minime impor- tance morphologique (quatre paires de branchies anté- rieures au lieu de trois paires, tentacules buccaux rétractiles dans l’œsophage, position un peu différente des néphridies et du diaphragme thoracique, etc.); aussi M. Fauvel se range à l'opinion généralement admise, et considère les Térébelliens et les Ampharé- tiens comme deux branches issues d’une souche com- mune. Quelques points plus intéressants ou critiques sont cependant à mentionner : dans la chaîne nerveuse ven- trale de la région thoracique, il existe deux canaux neuraux discontinus (tubes géants ou neurocorde des auteurs), qui sont bien nettement les prolongements des cellules géantes des ganglions ventraux, comme Leydig, Spengel et Rohde l'ont admis contre Cunnin- gham. , Dans l'épithélium cylindrique de l’œsophage et de l'estomac, M. Fauvel trouve, de place en place, des élé- ments très allongés, à base renflée, dont le contenu granuleux est colorable par l'hématoxyline, le bleu de méthylène ef la safranine; il est très probable que ce sont des cellules muqueuses (qui présentent, comme on sait, une affinité caractéristique pour les colorants sus-indiqués), et je ne vois pas pourquoi M. Fauvel en fait des Grégarines ; elles ne ressemblent pourtant guère à des parasiles. Chez tous les Ampharétiens (sauf Melinna), le sang de l'appareil vasculaire est coloré en vert intense, saus doute par de la chlorocruorine analogue à celle du sang vert des Sabelles, Serpules et Chlorémiens ; Melinna seul à le sang rouge. Le sang vert renferme, comme il est de règle chez les Aunélides à sang coloré, de petits amibocytes auxquels M. Fauvel donne à diverses reprises, par inattention sans doute, le nom d’hématies. Sur les vaisseaux branchiaux, à l'endroit où ils pas- sent de la cavité de la branchie dans la chambre tho- racique antérieure, M. Fauvel signale des « glandes : lymphatiques» répondant aux pigmentirte Lymphdrtüsen, décrites par Meyer chez Melinna, précisément dans la même situation. Quelques détails histologiques ou phy- siologiques à leur sujet n'auraient peut-être pas été superflus, étant donné l'intérêt que présentent ces organes encore si mal connus; sont-ce des chlorago- gènes, comme les cellules pigmentées de Melinna, ou bien de vrais organes lymphoïdes, comme les organes globulisènes juxtanéphridiens des Térébelles? Le vaisseau dorsal renferme chez tous les Ampharé- tiens un corps cardiaque, sorte de cylindre de coloration très foncée qui flotte dans le sang; ce corps cardiaque est constitué par des cellules allongées, disposées radia- lement, et renfermant d'innombrables granulations; à BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX sa base, il s'insère par deux racines sur la face dorsale de l'æsophage, à son point de jonction avec l'estomac, juste au point où le cœur prend naissance du sinus sanguin péri-intestinal ; les cellules épithéliales de l’æso- phage se continuent sans interruption avec les cellules du corps cardiaque, qui n’est donc ici, comme chez Siphonostoma, qu'une évaginaiion de l'intestin, et non pas une dépendance de la paroi du vaisseau dorsal, comme Salensky et Cunningham l’admettent pour d’autres Sédentaires. M. Fauvel attribue au corps car- diaque un rôle mécanique, à titre d’organe de soutien et de renforcement du cœur, et d'appareil valvulaire fermant l’orifice des artères branchiales pendant la systole (opinion émise aussi par Schaeppi pour l'Ophe- lia); de plus, le corps cardiaque est un organe d'épu- ration du liquide vasculaire, fixant sous forme de pig- ment brun les produits d’excrélion de celui-ci, ainsi que l’ont admis autrefois Claparède et Eisig : cette hypo- thèse est maintenant, d’ailleurs, à peu près démontrée par G. Schneider, qui a reconnu chez les Terebellides et Peclinaria que le corps cardiaque éliminait le saecha- rate de fer injecté dans le cœælome (voir mon travail sur Les globules sanguins et les organes lymphoïles des Inverté- brés, Archives d’Anatomie microscopique, t. 1, 1897). Les produits sexuels commencent à se former en septembre, se développent pendant tout l'hiver, et sont rejetés au dehors de mars à juin suivant les espèces ; les œufs passent par les néphridies postérieures seules et sont pondus un à un, au hasard, sans former de ponte figurée. L. Cuévor, Chargé du Cours de Zoolome à la Faculté des Sciences de Nancy. 4° Sciences médicales Bourges (H.), Préparateur du Laboratoire d'Hygiène à la Faculté de Médecine de Paris. — L'Hygiène du Syphi- litique. — 1 vol. in-12 de 294 pages de la Bibliothèque d'Hygiène thérapeutique. (Prix: 4 fr.) G. Masson et Ce, éditeurs. Paris, 4897. L'ouvrage débute par l'histoire générale et la distri- bution géographique de la syphilis. On ne sait encore l'origine exacte de cette affection, que l'épidémie célè- bre des dernières années du xv° siècle mit au rang des pires fléaux. Il semble que les anciens la connaïis- saient, mais, à cette époque, elle prit une telle exten- sion, une telle gravité, qu'elle absorba l'esprit des méde- cins et qu'on lui rattacha d'autres maladies venériennes, comme la chancrelle et la blennorrhagie qui, jusque-là, en avaient été distinguées. Cette confusion regrettable dura jusqu'à nos jours. La syphilis se transmet toujours par contagion. Les modes de cette contagion sont très variés. Cette maladie n’est pas aussi «vénérienne » qu'on a pris l'habitude de le penser. Actuellement, elle est répandue sur tout le globe, et principalement dans les contrées où la population est la plus dense, où elle forme des foyers compacts, dans les pays où le contact avec les nations civilisées est le plus intime. La syphilis est si fréquente que tous les ans, à Paris, 5 à 8.000 personnes gagnent la vérole (Mauriac) ! Elle s'observe surtout dans la première période de lac- tivité sexuelle, entre 16 et 30 ans. Les petits enfants lu paient un lourd tribut, car ils la gagnent de leurs ascen- dants, soit par hérédité, soil par contagion directe. Chez les vieillards, la maladie revêt souvent un carac- tère de malignité spécial. Les hommes sont les princi- paux agents de transmission de la maladie. Les prosti- tuées la communiquent souvent, mais moins que les autres maladies. Avec une épouse infidèle au contraire, on risque davantage de prendre la syphilis que la blennorrhagie ou la chancrelle. Le facteur moral le plus nel de la propagation de la syphilis est l’oisiveté et partant la débauche. Tous les contacts, quels qu'ils soient, avec un sujet syphilitique ou un objet souillé du virus morbide peuvent engendrer le mal. Le baiser familial, les suc- cions pratiquées sur des plaies, l'allaitement, sont des BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 965 causes de contamination bien connues. Les épidémies de syphilis vaccinale sont tristement célèbres. M. Bour- ges rapporte à ce propos une multitude de faits de syphilisation par contagion indirecte, qu'il est utile de connaître : transfert du virus par des instruments divers, lancettes, scarificateurs, crayons, appareils de chirurgie, rasoirs, objets de toilette, aiguilles, seringues, effets d'habillement, linges de bain, cuillers, biberon, bou- teilles, pipes, cigares, jouets, cannes, etc. Morale: On ne doit jamais se servir des affaires d'autrui. Le virus syphilitique peut être transmis par le chan- ere primitif et les accidents secondaires ; plus tard, à la période tertiaire, la contagion est moins facile, mais toujours possible: Il est certain que la syphilis est une maladie parasitaire, mais on n’en connaît pas encore l'agent causal. Ê Le microbe de Lutsgarten n’est pas universellement admis comme le bacille spécifique de la syphilis. Les recherches de contrôle de Sabouraud n’ont pas abouti à établir sa présence constante dans les lésions syphi- litiques. Jamais d’ailleurs ce bacille n'a pu être cultivé en séries. La médecine expérimentale dans cette affection n'apporle pas de données concluantes, car la syphilis ne semble pas être transmissible aux animaux. Jus- qu'ici, seuls, Klebs, puis Martineau, ont rapporté des cas d'inoculation expérimentale au singe, les autres espèces animales étant réfractaires. L'importante question de la transmission de Ja syphi- lis par l'hérédité a été traitée par M. Bourges dans un chapitre de discussion critique intéressant. L'auteur montre bien la différence à faire entre l'hérédité des maladies infectieuses et l'hérédité des maladies dyscra- siques. C’est dans la première catégorie qu'il faut ran- ger l’hérédité syphilitique. Celle-ci ne se manifeste pas fatalement, mème si les deux générateurs sont alteints. Dans cette hérédité double, qui est de beaucoup la plus favorable à la transmission du virus, la statistique de ee Fournier montre que les descendants sont frappés dans la proportion de 92 °/, ; ils meurent 68, 5 “fois °/o. Quand la mère seule est atteinte, elle procrée des enfants dont les 8#°/, sont ou seront malades et les 60 °/, meurent. Quand le père seul est syphilitique, la proportion baisse beaucoup : 37 °/, des rejetons sont frappés, 28 °/, meurent. Mais on ne peut établir de loi fixe dans la régularité de la transmission héréditaire de la syphilis. On observe toutesdes variétés possibles. On voit des syphilis graves êtré suivies de grossesse normale et de progéniture saine; des syphilis bénignes être fatales à toute génération ; et encore des enfants sains naître entre des grossesses dont les produits ont été infectés. M. Bourges montre combien il faut être réservé dans l'appréciation des cas où la maladie est réputée avoir sauté une génération et s'être manifestée sur les petits enfants en laissant indemnes les produits directs d’un aïeul contaminé. Une femme saine peut être contagionnée, non direc- tement par son mari malade, mais par l'enfant qu’elle a concu de lui, alors qu'il ne présentait aucun acci- dent contagieux. Tel est È cas curieux qu'on nomme syphilis conceptionnelle. I e virus syphilitique traverse alors le placenta pour s'épandre dans le sang maternel par la marche inverse qu'il suit lorsqu'une mère, saine au moment de la conception, n’est atteinte de vérole que dans le cours de sa grossesse, Dans la syphilis conceptionnelle, l'accident initial manque et les phé- nomènes secondaires éclatent d'emblée. Quelquefois la syphilis reste absolument latente : la mère saine donne le jour à un enfant hérédo- syphilitique dont elle ne peut plus prendre la maladie : c’est ce qu'on appelle la loi de Baumès ou de Colles. L'individu une fois atteint de syphilis, à quelque pé- riode de la maladie qu'il soit arrivé, ne peut plus être infecté par une nouvelle vérole. On peut lui inoculer le virus syphilitique; l'inoculation sera négative et ne reproduira pas de chancre. Les observations de réin- fection syphilitique vraie sont d'une extrème rareté. Cette immuuité à une nouvelle atteinte est acquise dès que la dissémination du virus primitif dans l'organisme est suffisante, c’est-à-dire au bout d'un temps variable, mais toujours relativement court. L'immunité contre la syphilis peut aussi être donnée par les parents syphilitiques à leurs enfants : ceux-ci, alors, ne pré- sentént jamais de lésions; ils sont réfractaires à la vérole; ils sont vascinés. M. Bourges, après avoir exposé et judicieusement discuté les théories et faits précédents, consacre la seconde partie de son livre à l'hygiène du syphilitique. Il décrit les soins à prendre pour éviter de contracter la maladie et les précautions dont le syphilitique doit s'entourer pour préserver les autres de son mal. La question du mariage est une des plus graves. M. Bourges adopte entièrement la règle de conduite que M. le Pro- fesseur Fournier à magistralement tracée. Un syphili- tique ne doit se marier que s’il réunit toutes les condi- tions suivantes : ne présenter aucune manifestation morbide; avoir la syphilis depuis trois ou quatre ans au moins ; être indemne de tout accident syphili- tique depuis deux ans; n'avoir eu qu'une syphilis bénigne, sans localisation grave; avoir suivi un traite- ment méthodique et suffisant. On sait que les cas de propagation de la syphilis d'un enfant à une nourrice étrangère, ou récipro- quement, entrainent les plus graves responsabilités. Les moyens d'éviter ces accidents sont clairement étudiés dans un chapitre spécial. Un enfant né de parents syphilitiques à ou n’a pas de manifesta- tions morbides. Celles-ci tardent quelquefois à appa- raître jusqu'au sixième mois : aussi, bien que né en apparence sain, ce nouveau-né est suspect. Un tel enfant doit prendre le sein maternel ou, à son défaut, être soumis à l'allaitement artificiel. Si, par erreur, il a été confié à une nourrice étrangère et qu'il vienne à présenter des manifestations syphilitiques, il faut con- sidérer deux cas : 1° la nourrice est encore saine : on suspend alors l'allaitement, mais on garde la nourrice jusqu'à ce qu'un temps suffisant (deux à trois mois) soit écoulé pour que l'incubation de la maladie se fasse. Si, après cette période d'observation elle reste saine, on la place ailleurs; 2° la nourrice est contaminée ; on lui laisse alors le nourrisson. Inversement, un enfant sain non syphilitique peut être confié à une nourrice dont la vérole passe ina- perçue. Dans ce cas, dès que la maladie se manifeste, on cesse l'allaitement, mais on garde la nourrice, car il y a de grandes chances pour que l'enfant soit conla- gionné. Si le nourrisson mis temporairement à l’allai- tement artificiel ne présente rien au bout de quelques semaines, on peut le confier à une autre nourrice. S'il a pris la syphilis, on le rend à la nourrice qui l’a conta- gionné (c'est le meilleur moyen de le traiter). Dans les cas de suspension de l'allaitement, pour ne pas laisser tarir le lait, on trait arlificiellement la nourrice ou bien on la fait têter par des petits chiens. Ce qu'on sait de la propagation de la syphilis par la vaccination jennérienne montre péremptoirement qu'il ne faut se servir que du vaccin animal et que l'opération doit être pratiquée avec des vaccinostyles, petits instruments dont la valeur insignifiante permet qu'on les jette dès qu'ils ont servi à un seul individu. A ces discussions de la plus haute portée font suite des conseils sur l'hygiène individuelle du sspotane et physique et morale, surles cures hydrominérales et quelques considérations sur les règlements sanitaires. Le livre de M. Bourges, très complet sous son pelit format, plein d° idées justes et de notions intéressantes, est à la portée de tout esprit quelque peu cultivé. La plupart des livres de médecine « démontent » le patient qui commet l’ imprudence d'y chercher des explications sur son mal : celui-ci, composé avec le bon sens et le lumineux jugement qui caractérisent l'auteur, ne doit donner que du reconfort aux malades qui le lisent, et par cela même apporte une aide précieuse au méde- cin qui les soigne. D' A, LÉTIENNE. 966 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 15 Novembre 1897. La Section de Chimie présente la liste suivante de candidats pour la place laissée vacante par le décès de M. Schützenberger : 1° M. A. Le Bel; 2° M. Ditte; 39 MM. A. Colson, Etard, Hanriot, Joly, Jungfleisch, H. Le Châtelier, G. Lemoine. 40 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Loewy décrit l’ob- servation de l'essaim des Léonides faite à l'Observatoire de Paris dans les nuits du 13 au 14 et du 14 au 15 no- vembre 1897. Les circonstances ont été particulièrement défavorables; toutefois, la chute d'étoiles filantes ne paraît pas avoir été abondante. — M. Hansky lail connaître les résultats de l'observation du même groupe d'étoiles à l'Observatoire de Meudon. Quelques étoiles faibles ont été vues. — M. J. Janssen fait remarquer que l'apparition sur laquelle on comptait a fait presque totalement défaut. — M. Maurice Hamy indique les principes mécaniques qui lui ont permis de réaliser un bain de mercure à couche épaisse à l'Observatoire de Paris. On sait que ce bain est l'appareil idéal pour ob- tenir la direction absolue de la verticale. — M. Le Roy présente un mémoire sur l'intégration des équations dle la Chaleur. Il démontre d'abord des théorèmes d’exis- tence par des méthodes imitées de celles qui servent à l'établissement du principe de Dirichlet. II fait voir en- suite la possibilité de construire des séries de solutions simples qui fournissent une expression analytique ex- plicite des solutions générales, conformémentaux idées de Lamé.— M. Ernest Duporegq étudie le déplacement le plus général d'une droite dont tous les points décrivent des trajectoires sphériques. —M. Erik Schou démontre le théorème suivant sur les fonctions entières : Si une fonction entière de æ croît comme la fontion e"(iæ1, on aura, en désignant par p, le module de sa p°”* racine, V (sg) > log (s—1)p, s désignant un nombre positif plus grand que 2. — M. André Broca démontre les trois théorèmes suivants sur la transmission d'énergie à distance : 4° Dans le régime permanent, aux points où il n'y à pas de trans- formation d'énergie, le vecteur E (qui représente la quantité d'énergie qui passe par unité detemps par l'unité de surface normale au flux E) est réversible; il est irré- versible aux points où il y a transformation d'énergie ; 2 Ja condition nécessaire et suflisante pour qu'une force, en une région, dérive d’un potentiel, est que les axes de l'ellipsoïde de variation de cette force autour de chaque point de cette région coincident avec les direc- tions auxquelles ils correspondent; 3° pour le cas con- traire, il faut qu'il y ait, en ce point, transformation d'énergie ou régime variable. L'auteur applique ces théorèmes à la polarisation rotatoire magnétique. 2 SCIENCES PHYSIQUES. — M. A. Leduc a calculé les coefficients de dilatation des gaz dans diverses condi- tions, d’après les données de ses expériences sur leur densité et leur compressibilité, et en s'appuyant sur la notion d'états correspondants. — M. F.-M. Raoult étudie l'influence de la surfusion sur le point de con- sélation des dissolutions de chlorure de potassium et de sucre de canne. Pour le chlorure de potassium, les abaissements moléculaires de congélation ceroissent quand la dilution augmente; pour le sucre de canne, ils diminuent. — M. M. Berthelot a constaté que l'hydrogène décompose l'acide sulfurique concentré à 286° en quelques heures, à froid au bout de quelques mois. L’acide sulfurique étendu n'est pas réduit par l'hydrogène à froid. — M. M. Berthelot établit que le mercure est attaqué à froid par le gaz chlorhydrique, lorsque celui-ci est mélangé à de l'oxygène; la présence d'eau ralentit légèrement la réaction. Il en est de même pour la plupart des autres métaux. Les lois de la Thermochimie sont conformes à l’ensemble de ces réactions. — Le même auteur a constaté que l'acide sulfurique au maximum de concentration attaque le mercure à froid avec formation de sulfale de mercure et d'anhydride sulfureux. Si l'acide renferme une petite dose d'eau, la réaction n’a plus lieu. — M. A. Besson, en faisant réagir une petite quantité d’eau sur le trichlorure de phosphore, a obtenu un oxychlo- rure POCI, qui reste dissous dans le trichlorure en excès et peut en être retiré après distillation. C’est un corps solide, hyalin, très hygroscopique. — M. O. Bou- douard a continué l'étude des sels de cérium. Par cris- tallisation fractionnée du sulfate et de l’acétate, et par traitement à l’eau oxygénée, l’auteur a séparé des parties de poids atomiques différents, Il se confirme donc que l’oxyde de cérium est probablement aecom- pagné d’une autre terre à poids atomique plus faible. — M. José-Rodriguez Mourelo a préparé du sulfure de strontium au moyen du gaz sulfhydrique et de la strontiane ou du carbonate de strontium. Suivant la température à laquelle on opère la réaction, on obtient des produits doués de propriétés différentes. —MM. À. et P. Buisine ont montré que les eaux de désuintage des laines, après fermentation, renferment une série d'acides gras volatils, allant de l'acide acétique à l'acide caprique. Ces acides pouvant recevoir des applications industrielles, il serait naturel de les extraire, Les auteurs montrent qu'on peut y arriver simplement par distillation dans un courant de vapeur, après avoir ajouté de l'acide sulfurique à la solution primitive. — M. A. Desgrez à constaté qu'en présence de levure de bière la potasse réagit sur le chloroforme pour donner, non plus de l'acide formique, mais les deux compo- sants de corps, l'oxyde de carbone et l’eau. La levure de bière est étrangère à cette réaction, qui a lieu en présence de beaucoup d'autres corps. Le chloral et le bromoforme se décomposent de la même facon. — M. Paul Lemoult a préparé l’argent-cyanamide CAZAg° en faisant réagir une solution aqueuse de cyanamide sur une solution ammoniacale de nitrate d'argent. L'auteur a déterminé la chaleur de formation, qui est de — 52 calories. Ce chiffre est d'accord avec les pro- priétés explosives du composé. — M. Olivier de Raul- ton a découvert, dans la pellicule enveloppe du grain d'avoine, le glucoside vanillique; ce corps constitue le principe stimulant de l'avoine. Il se retrouve dans les racines de chiendent (Triticum repens). — M. Balland a aualysé les diverses variétés francaises de sarrasin; l'amande est très assimilable: elle offre à l'alimentation les mêmes principes nutritifs que le blé. 30 SCIENCES NATURELLES. — M. E.-L. Bouvier a étudié les Crabes de la famille des Dorippidés. IIS se rattachent aux Dromidés de la sous-famille des Dynoméniens; ils s’en sont éloignés par des modifications portant essen- liellement sur les organes respiratoires. — MM. Mau- rice Caullery et Félix Mesnil ont découvert un type nouveau d'organisme parasitaire des Grégarines qu'ils nomment Metchnikovella. Ils en ont observé les états successifs et ne lui ont pas trouvé d’affinités précises avec d’autres organismes inférieurs. — M. L. Dubois décrit une bactérie anaérobie qui semble être patho- gène pour le phylloxera. — M. Molliard, en étudiant des plants de chanvre, a constaté que le milieu peut agir sur la détermination du sexe du chanvre à partir obemenstitnt tte um ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES de la graine. Contrairement à la théorie admise, la transformation des fleurs mâles en fleurs femelles s'opère, en ce cas, dans des conditions désavanta- geuses pour le développement de l'appareil végétatif. — M. Dassonville étudie l'action des sels minéraux sur la forme et la structure du Lupin. La présence de sels dissous dans l’eau augmente le nombre et le dia- mètre des vaisseaux et retarde leur lignification. Elle détermine la formation d'un anneau fermé de bois, augmente le nombre des fibres péricycliques, mais retarde leur sclérification. — M. &. Rodier à employé avec suceès le carbure de calcium contre le black-rot. — M. A. Gaudry présente une note sur la dentition des ancêtres des Tapirs et ajoute que les Mammifères lui paraissent avoir eu, à l’origine, des dents molaires moins compliquées et plus petites que de nos jours. — M. Guillery adresse une note relative aux mesures à adopter pour la préservation des nourrices, dans les établissements où l'on recoit des enfants qui peuvent être atteints de syphilis. Séance du 22 Novembre 1897. 1° SGIENGES MATHÉMATIQUES. — M. J. Janssen fait sa- voir qu'à San Francisco on n'a pas observé d'étoiles lilantes extraordinaires à l’occasion de la rencontre de l’essaim des Léonides. Le fait est important, car on approche du maximum de 1899. — M. $. Luce adresse une photographie d'étoiles filantes, obtenue à Varsovie dans la nuit du 2 novembre (ancien style).— M. A. Lia- pounoff éludie certaines questions se rattachant au problème de Dirichlet, en particulier le problème de la distribution de l'électricité à la surface d'un conducteur soustrait à toute influence extérieure. — M. G. Ricei fait remarquer, à propos d'une note de M. Drach, qu'il a déjà donné la solution du problème des systèmes complètement orthogonaux dans un espace quelconque. — M. Jules Beudon montre l'application de la théorie des groupes infinis de transformation à l'intégration des équalions aux dérivés partielles. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. À. Crova décrit un appareil très portatif destiné à l'enregistrement de l'intensité calorifique de la radiation solaire. Il se compose d'un actinomètre thermo-électrique monté équatorialement et d'un enregistreur de l'intensité du courant. L'appa- reil, essayé à Montpellier et à Meudon, a fonctionné cet été sur le Mont-Blanc dans de bonnes conditions. — M. A. Guébhard a enregistré par la photographie les effluves émanées de pôles thermiques. Elles ont été obtenues en appliquantsur la face verre d'une plaque, la base de petits cylindres remplis d'eau chaude ou de glace. La plaque, légèrement voilée, était développée dans un bain de diamidophénol.— MM.Ph.-A.GuyeclM'°E. As- ton ont étudié les anomalies de certains corps actifs vis- à-vis des lois qui relient le pouvoir rotatoire à la tempé- ralure. Ainsi, pour l'alcool amylique primaire, le pou- voir rotaloire décroit lorsque la température s'élève, pour se relever vers le point d'ébullition et à l'état gazeux. Les auteurs expliquent l’'anomalie par le fait qu'aux différentes températures les molécules sont plus ou moins polrmérisées el ont des pouvoirs rolatoires différents suivant le degré de polymérisation. — M. Berthelot fait remarquer que les carbures d'hy- drogènes monomères (isothérébentène, styrolène) ont un pouvoir rotaloire plus fort que leurs polymères (métathérébentène, métastyrolène). Ces faits sont à rapprocher des explications de M. Guye.—M.R. Mail- hat décrit divers perfectionnements apportés à un anémomètre système Bourdon, en vue d'obtenir un meilleur enregistrement, — M. Paul Lemoult a pré- paré le chlorocyanamide C*Az# (Az H°}°CI par réaction du chlorure cyanurique sur une solution ammoniacale Set à fait quelques déterminations thermochimiques sur ce corps. — M. Th. Schloesing à recherché la cause de la moindre activité de la nitrification dans les terres fortes, à éléments très fins. Dans bien des cas, il l'a attribuée non au manque d'air, mais au manque d’eau. En effet, l’eau contenue dans le so] est répandue à l'état 967 de couche mince sur les éléments; si ceux-ci so: { très fins, ils offrent une très grande surface, et la couche d'eau peut devenir si mince qu'elle entraine une gêne dans l'alimentation des microbes. En rajoutant de l'eau, le travail de ces derniers reprendra done. L'auteur à constaté expérimentalement le fait sur plusieurs terres. — MM.Rémy el Contremoulins présententun appareil destiné à déterminer d'une manière précise, au moyen des rayons X, la présence des projectiles dans le crâne. — M. Marey ajoute que cet appareil à déjà rendu de grands services. Il a permis d'extraire plusieurs balles du crâne avec la plus grande sûreté sur le vivant. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. W. Palladine à étudié l'influence de diverses substances sur la formation de la chlorophylle. Des feuilles étiolées de fève et de hari- cot ont été placées à la surface de solutions d'hydrates de carbone ; la formation de chlorophylle a été favorisée. L'oxygène en excès esl également nécessaire à la for- malion de ce corps. ; Séance du 29 Novembre 1897. M. Ditte est élu membre de la Section de Chimie en remplacement de M. Schutzenberger. 1° SGIENGES MATHÉMATIQUES. — MM. Rambaud et Sy adressent leurs observations de Ja nouvelle planète Villiger (19 novembre 1897) faites à l'Observatoire d'AI- ser, à l’équatorial coudé. — M. Lagrula a discuté les deux importantes occultations des Pléiades par la Lune observées à Lyon le 23 juillet etle 13 octobre derniers. Il en a déduit le demi-diamètre et la parallaxe de la Lune à sa distance moyenne et les corrections à appor- ter aux coordonnées des tables de Hansen, corrigées des nombres de Newcomb. — M. Jean Mascart à em- ployé la méthode des moindres carrés pour révéler la présence d'erreurs systématiques daus la détermina- tion de la position exacte du nadir. — M. J. Guil- laume adresse ses observations du Soleil, faites à l'Observatoire de Lyon (équatorial Brunner) pendant le troisième trimestre 1897. La surface totale des taches à augmenté d'environ un tiers. Les groupes de facules ont diminué de moitié environ dans l'hémisphère bo- réal. — M. H.-G. Zeuthen signale une lacune interve- nue dans la démonstration d’un de ses théorèmes sur les droites qui rencontrent trois droites fixes. — M. X. Stouff donne la valeur des coefficients dans l'équation aux périodes.—M. L. Crelier donne une représentation nouvelle des fonctions bessélienues O"(x) et S'{r), qui permet de déduire d’une facon simple et rapide quatre de leurs propriétés principales. Deux des formules établies conduisent à des sommations intéressantes. — M. H. Poincaré analyse un mémoire de M. Le Roy sur l'intégration des équations de la Chaleur. Dans la première partie, l'auteur étudie les équations de l’équi- libre thermique au point de vue de la généralisation du principe de Dirichlet; dans la seconde, il étudie les fonctions qui sont des potentiels de simple couche ; la troisième partie est consacrée au refroidissement des corps solides. — M. J. Schweitzer à construit des moulins à meules métalliques présentant de grands avantages. Les meules sont assujetties à tourner dans un plan tout à fait horizontal et à rester parfaitement parallèles entre elles. Elles sont pourvues de canne- lures dont le profil est approprié au travail qu'elles sont destinées à exécuter. 20 SciENCES PHYSIQUES. —M.R. Swyngedauw explique une expérience de M. Jaumann par la proposition sui- vante : Pour un excitateur dissymétrique à boules iné- gales, le potentiel explosif statique dépend du pôle qui est en communication avec le sol; il est le moins élevé si le pôle de plus grand rayon de courbure est au sol. — M. A. Cotton indique un procédé simple pour cons- tater le changement de période de la lumière du sodium dans uo champ magnétique. Si l’on place l’une devant l’autre deux flammes de sodium, les bords de la pre- mière apparaissent noirs (car ils absorbeut la lumière de la flamme placée derrière). Si l’on fait agir le champ magnétique sur la seconde flamme, il modifie la pé- 968 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES riode, supprime l'absorption et fait disparaître le bord noir. — M. Ponsot a mesuré directement la pression et la hauteur osmotique de solutions très étendues de sucre de canne. Pour les solutions très étendues, le coefficient à de la relalion de van t'Hoff est égal l'unité. On doit rejeter l'hypothèse de la dissociation du sucre dans ses solutions aqueuses étendues. La constante cryoscopique de l’eau est égale à 18,70. — M. J. Vallot et M®° Gabrielle Valot ont étudié l'in- fluence de la chaleur et de l'altitude sur la décomposi- tion de l'acide oxalique par la lumière solaire. L’acti- nisme chimique augmente rapidement avec la hauteur. La chaleur se joint également à la lumière pour aug- menter la décomposition, mais c’est la lumière qui produit l'effet prépondérant. — M. H. Moissan indique une nouvelle méthode de préparation des carbures au moyen du carbure de calcium et des oxydes soumis à une haute température. Dans certains cas, le métal de l’oxyde est mis en liberlé et peut être séparé ou com- biné à d’autres corps présents. Mais, en général, le mé- tal de l’oxyde s’unit au carbone pour former un carbure défini el cristallisé. C’est le cas de l'aluminium, du manganèse, du chrome, du molybdène, du tungstène, du titane et du silicium.— M. Paul Lemoult a préparé divers isocyanurates alcooliques sur lesquels il à fait plusieurs déterminations thermochimiques. Les résul- tats obtenus le conduisent à donner à l'acide cyanuri- que la constitution suivante : IT 0 N V4 Az—C NC O—=C Az — II N 74 Az —C 4 NS H () — M. Amand Valeur à fait quelques déterminations thermochimiques sur les quinones et hydroquinones. La différence entre les chaleurs de formation de deux quinones (toluquinone et quinone) est plus considérable qu'entre les hydrocarbures dont elles dérivent(toluène et benzine). — M. À. Matrot a constaté que l'oxydation naturelle à l'air de la sorbose en sorbite est due à une levure, le Mycoderma vini, qu'il a isolée du jus de sorbes. — M. A. Leclère décrit une méthode d'analyse des sili- cates naturels, basée sur leur fusion avec de l’oxyde de plomb. On empêcherait ainsi le passage de la silice par l’état gélatineux. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. Lécaillon a étudié le développement du feuillet germinatif chez certains Coléoptères. Le stade blastula n° y apparait pas; le stade gastrula succède immédiatement à la segmentation et n'offre pas d’invagination typique; il ne se forme pas de mésendoderme, mais simplement un mésoderme par invagination ou par prolifération ectodermique; l’ento- derme est employé uniquement à digérer les réserves vitellines et ne fournit pas l’épithélium intestinal moyen, lequel est d’origine ectodermique. — M. Bruc- ker établit que le rouget de l’homme, qui produit l’érup- tion de boutons appelée érythème automnal, est la larve du Trombidium gymnopterorum. — a constaté que le Nostoc punctiforme fabrique de la matière organique à l’aide de l'acide carbonique aérien et de l'azote libre lorsqu'il est ensemencé dans une solution nutritive additionnée de microbes fixateurs d'azote, mais à la condition d’être régulièrement éclairé. A l'obscurité, il fabriquera encore de la matière verte. — M. G. Weiss montre comment les expériences de M. Dubois sur la caractéristique d’excitation des nerfs et des muscles s'accordent avec sa propre manière de voir. — MM. Marichelle et Hémardinquer ont enre- gistré photographiquement les inscriptions phonogra- phiques des sons vocaux. Les voyelles se distinguent des autres sons vocaux par un ensemble de caractères invariables dont les auteurs poursuivent l'étude. — M. Raoul Bouilhaec |. MM. R. Lépine et B. Lyonnet ont injecté, chez le chien, uue culture très virulente de bacille d'Eberth dans une anse d’inteslin isolée par le procédé de Thiry. Un des chiens est mort de péritonite au bout de quelques jours; l’autre a continué à se bien porter et a élé sacrifié au bout de vingt-quatre jours. Les deux animaux présentaient un pouvoir agelutinant considé- rable du sérum. — M. F. Garrigou adresse deux radio- graphies du thorax d'une netteté particulière. —M. Jules Laurent a étudié l'absorption des matières organiques par les racines. Les plantules de maïs peuvent absorber du glucose ou du sucre interverti qui est utilisé ensuite par la plante développée. — M. A. Prunet montre qu'on obtient le résultat le plus avantageux dans la lutte contre le black-rot lorsque la vigne a été traitée un mois avant l'apparition de la maladie. Lorsque la maladie éclate sans qu'il y ait eu de traitement préa- lable, un traitement fait dans la période aiguë prévient contre l'invasion suivante. — M. Stanislas Meunier à étudié une méléorite tombée le 9 avril 1891 à Indarck. Elle est de couleur noire; l'auteur attribue ce fait à une transformation de la substance grise ordinaire des mé- téorites par la chaleur développée pendant la chute. — M. E.-A. Martel a étudié la source d’eau potable du village de La Sauve (Gard), sortant au bas d’un plateau calcaire sur lequel sont bâties les maisons du village. I! a établi que les immondices du village traversent faci- lement le calcaire et viennent contaminer l'eau de là source. Ce fait explique les épidémies qui ont régné dans le village. Louis BRuNer. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 16 Novembre 1897. L'Académie procède à l'élection d'un membre titu- laire dans la Section de Pharmacie. M. Bourquelot est élu par 62 voix sur 70 votants. — M. Guignard lit le rapport sur le prix Buignet, M. Magnan celui du prix Civrieux, M. Delorme celui du prix du baron Larrey, M. Péan celui du prix Daudet. — M. L. Dubar (de Lille) a pratiqué, il y a six ans et demi, chez une fillette de . dix ans atteinte d’ostéo-arthrite tuberculeuse, des sreffes osseuses hétéroplastiques dans l'articulation du poignet droit. Il présente aujourd'hui une photographie radiographique montrant comment le poignet s'est re- constitué à la suite de la greffe. — M. Lancereaux annonce que les D" Boix et Létienne ont adressé à tous les médecins de France un questionnaire sur l’étio- logie de la cirrhose. Les réponses apporteront certaine- ment la lumière sur cette question. — M. le D' Le Da- many lit un mémoire sur la bactériologie etla pathogénie des pleurésies séro-fibrineuses. — M. le D' Hartmann présente deux malades sur lesquelles il à pratiqué des résections de l'estomac pour néoplasme. Séance du 23 Novembre 1897. M. Landouzy fait remarquer, à propos de la commu- nication de M. Le Damany, qu'il a le premier démontré la pathogénie tuberculeuse de la pleurésie séro-fibri- neuse, dite a frigore. — M. Laborde lit le rapport du prix Bourceret, M. Mégnin celui du prix Barbier. — M. le Dr Tuffier lit un mémoire sur la gastro-entéros- tomie dans les rétrécissements non cancéreux du pylore. Séance du 30 Novembre 1897. M. le Président annonce le décès de M. Tarnier et M. P. Budin donne lecture du discours qu'il a prononcé à ses obsèques. — La séance est levée en signe de deuil. Mr SOCIETE DE BIOLOGIE Séance du 13 Novembre 1897. MM. Grimbert el Ficquet ont isolé un nouveau fer- ment, le bacillus tartricus, qui décompose les tartrates en acide acétique, acide succinique, acide carbonique et hydrogène. — MM. J. Courmont et Doyon citent un mémoire de M, Marie qui vient à l'appui de leur ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES théorie de la fermentation des produits solubles mi- crobiens, M. Marie a constaté que la toxine tétanique injectée au lapin a disparu de l'organisme au bout de dix-sept heures; elle s’est done combinée et transformée au contact des plasmas cellulaires, — M. Raïchline à constaté que le dermographisme est un symptôme fré- quent dans le tabès; il est surtout prononcé au tronc et au dos. — M. R. Quinton a injecté à des chiens des quantités considérables d’eau de mer, allant jusqu'aux Si centièmes de leur poids. Ils n'ont éprouvé aucun accident, — M. Castaigne a observé la réaction agglu- tinante chez un enfant dont la nourrice avait eu la fièvre typhoïde. En interrompant l'allaitement, la réac- tion agglutinante disparut. — M. Féré a constaté que le réflexe pharyngien réapparaît quelquefois chez les épileptiques soumis au traitement bromuré.— M. Cour- mont a recueilli un strepto-bacille chez un cobaye ino- culé avec les fongosités d’une arthrite du coude. M. Yvon est élu membre de la Société. Séance du 20 Novembre 1897. MM. Triboulet et Coyon ont trouvé, à l'autopsie d’un enfant rhumatisant, un microbe anaérobie ana- logue à celui signalé par M. Achalme et M. Thiroloix. Il se développe dans le lait et le fait fermenter. C'est peut-être l'agent spécifique du rhumatisme articulaire. — M. Vaquez conseille de stériliser au préalable les solutions salines servant à dissoudre les globules rouges, car les micro-organismes qui y pullulent détrui- sent les globules. — M. Péron a injecté de l'alcool à des cobayes auxquels il avait préalablement enlevé en partie le foie. L'intestin supplée le foie dans l’élimina- tion du toxique et se gangrène localement. — M. J. Hobbs signale le cas d’une jeune femme qui suc- coba au choléra nostras. L'examen bactériologique des selles y révéla la présence du coli-bacille, qui fut re- trouvé à l’autopsie dans plusieurs organes. — M. Féré a fait sur des poules des greffes cutanées d’embryon de poulet, qui ont continué à se développer. — M. Verdun (de Toulouse) adresse une note sur les dérivés de la quatrième fente branchiale chez le chat. Elle donnerait naissance au thymus. — MM. Abelous et Guiard envoient une note sur l’action anti-coagulante du foie des écrevisses sur le sang. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance du 12 Novembre 1897. M. Desgrez a reconnu que, même à froid, en con- tact avec une solution étendue de potasse, le chloro- forme donne de l'oxyde de carbone et de l’eau et non de l'acide formique, comme on l’admettait antérieure- ment. La réaction marche également avec l’hydrate de chloral et avec le bromoforme; par contre, l'iodoforme, le méthyl et le phénylchloroforme ne donnent nais- sance à aucune réaction du même genre. La lumière active cette réaction. On peut appliquer aux recherches toxicologiques du chloroforme cette facile décomposi- tion avec formation d'oxyde de carbone. — M. Tanret rappelle qu'en 1874, il a publié une note sur la décom- position de l'hydrate de chloral. Il avait constaté que le permanganate de potasse, agissant sur une solution alcaline d'hydrate de chloral, donne de l’oxyde de carbone. — M. Muttelet, par réaction du chlorure de beuzoyle paranitré sur les orthodiamines monosubsti- tuées : f NNAzHe -R représentant un radical gras ou aromatique, ou sur à dérivés nitrés de ces orthodiamines : A /AER \r / ele A202 ENS 969 a obtenu les nitroamidines Suivantes, isomères de celles qu'il avait décrites antérieurement : R . | » PAVALN Pi NAN Nepal C.C‘HA70® C.C9H AZ? N/Naz/ 42027 V/Naz/ | R M. Le Bel a reconnu que la matière rouge qui colore la Monas okenii est de la carotine. Il se propose de poursuivre l'étude de cette sulfuraire. — M. Tanret a constaté que certains lichens, comme Pelligera canina et Lobaria pulmonaria, renferment de la chitine. Ceci vient à l'appui de la théorie qui considère les lichens comme résultant de la symbiose d'une algue et d’un champignon; en effet, la partie correspondant à une algue contient de la chlorophylle, et la partie fongique, de la chitine. — MM. Labbé et Flateau ont étudié de nouveaux dérivés cristallisés, permettant de distinguer le géraniol et le citronnellol. — L'analyse d'aiguilles métalliques, trouvées dans les fouilles d'Abydos, a per- mis à M. Friedel d’y reconnaître la présence de 92 2/4 de cuivre et de 8 °/, d'étain. Il a également analysé une substance qu'il a reconnue être un savon calcaire. C’est, probablement, un fard à base de carbonate de chaux et d'une matière grasse qui, suivant le processus ordi- naire, s'est transformée en acide gras, puis combinée au calcaire. E. CHARoN. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES J.-A. Fleming, F. R. S., et J. Dewar, F. R.S.: Sur les constantes diélectriques de quelques élec- trolytes congelés à la température de l'air liquide ou au-dessus. — Les auteurs rappellent d’abord les dif- ficultés inhérentes au condensateur qu'ils employaient dans leurs précédentes expériences sur la constante diélectrique de la glace ‘. L'eau, en se congelant, aug- mente de volume et déforme le condensateur; à une température plus basse, la glace se contracte et le con- tact entre le diélectrique et la surface métallique fait défaut. Les auteurs ont done cherché à construire un condensateur qui réalisät les quatre conditions sui- vantes : 4° Ne pas se déformer par l'expansion du dié- lectrique au moment de la congélation; 2° permettre la contraction subséquente du diélectrique due au re- froidissement, sans que le contact du diélectrique et de la paroi du condensateur se rompe; 3° être assez com- pact pour être placé dans un gros tube à air liquide; 4 être rigide, maniable et possédant un isolement suf- fisant. Le condensateur que nous allons décrire répond, aussi bien que possible, à ces quatre condi- tions. Il se compose, en principe, de deux enveloppes métalliques tronconiques, isolées l’une de l’autre par des baguettes d’ébonite, glissant à frottement doux dans des trous pratiqués dans les deux enveloppes, permettant ainsi un certain mouvement de l’enve- loppe interne. De la sorte, lorsqu'un diélectrique liquide est introduit entre les deux enveloppes et soumis à la congélation, l'expansion qui se produit fait simplement monter le cône intérieur; dans la contraction subsé- quente, ce cône s’abaisse par son propre poids et reste en contact avec le diélectrique. La température du dié- lectrique congelé est mesurée par un thermomètre à fil de platine, placé à l'intérieur du cône interne. Dans les expériences, le condensateur est suspendu par des cordes de soie dans le bain d'air liquide. Les deux cônes sont réunis au galvanomètre, à la batterie et à l'interrupteur comme les auteurs l'ont déjà indi- qué dans une communication antérieure. Au moyen de deux commutateurs appropriés, le galvanomètre peut être placé dans le circuit de charge ou le circuit de décharge. 1 Voir la Revue générale des Sciences du 15 mars 1897. 970 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES Les expériences consistaient à remplir le condensa- teur de l’électrolyte à examiner et à le congeler en im- mergeant le condensateur dans l'air liquide. On relevait alors le condensateur dans l'air gazeux froid situé au- dessus de l'air liquide; l’électrolyte se réchauffait petit à petit jusqu'à son point de fusion. Pendant ce temps, on mesurait d'instants en instants la capacité, la résis- tance et la température, en ayant soin de main- tenir constants le voltage du courant et le nombre de vibrations de l'inter- rupteur. Les mêmes me- sures étaient faites en rem- plaçant l'électrolyte con- gelé par de l'air gazeux comme diélectrique. Un certain nombre de correc- tions, provenant de la ca- pacité des pièces acces- soires du condensateur ont été apportées ensuite aux mesures. Les expériences ont por- té sur un grand nombre d’électrolytes et sur quel- 100 © © S 4o Constantes d electriques Chlorure de er. sol.sats | -200°? -150° 50° ques liquides organiques. Température en degrès Les résultats ont été por- du thermomètre de platine. és sous forme de courbes Fig. 1. — Courbes montrant dans les figures 1, 2 et 3. Pour les électrolytes, l'al- lure générale des courbes est la suivante : aux bas- ses températures, la cons- tante diélectrique est faible et la courbe est horizon- tale ou peu inclinée. A une certaine température, cette courbe se relève brusquement et la constante diélectrique prend des valeurs de plus en plus grandes. La résistance de l’électrolyte, au contraire, considérable la variation de la cons- lante diélectrique des élec- brolyles avec la température. Constantes drielectriques z.o + L | ÉD here iles + Temperature en degres du! thermomètre de FT -200° -190° -100° 1502. 0° Fis. 2. — Courbes montrant la variation, avec la tempéra- ture de la constante diélectrique, de quelques solutions el liquides congelés. à la température de l'air liquide, diminue rapidement quand la température s'élève. La figure 3, en particu- lier, montre l'influence de la concentration sur la valeur de la constante diélectrique. En résumé, les auteurs croient pouvoir tirer de leurs expériences les conclusions suivantes : 1e Les électrolytes congelés aux basses températures agissent comme diélectriques, alors même qu'à l’état liquide et en solution aqueuse ils possèdent une très haute conductibilité électrolytique, 29 À des températures situées un peu au-dessous de leur point de fusion, ces électrolytes ont des constantes diélectriques de grande valeur, et de l’ordre de celle de la glace ou de l’eau à 0° C. 3° Au contraire, la plus grande partie de ces électro- lytes ont des constantes diélectriques assez faibles (voisines de 3) à la température de l’air liquide. 4° Certaines solutions aqueuses de potasse caustique ont une constante diélectrique assez forte à la tempéra- ture de l'air liquide, mais l'allure de la courbe permet de prévoir qu'elle se réduit considérablement à une température un peu plus basse. 5° Les électrolytes congelés aux basses (empératures ont un très grand pouvoir isolant, mais ils recouvrent très rapidement leur conductibilité quand la tempéra- 12 $ 100 à : 80 Ÿ UE $ 60 : & 0 S 20 -200° -150° -100° -30° o° Temperature en degres du thermomètre de platine. Fig. 3. — Courbes montrant la variation de la constante dié- lectrique des soluhons alcalines à diverses concentrations. ture s'élève, et déjà bien au-dessous de leur point de fusion. 6° Il est probable qu’au zéro absolu tous les électro- lytes deviennent des corps parfaitement non conduc- teurs de l'électricité ou ayant une résistance infinie. Leur constante diélectrique s'y réduirait à une valeur située entre 2 et 3, et représentant celle du vide prise comme unité. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Communications reçues pendant les vacances. M. O. Forster publie les résultats de ses recherches sur les éthers de la camphoroxime. Il décrit spéciale- ment l'éther méthylique, l’éther benzylique et les dérivés acétylés et benzoylés dont il donne les cons- tantes physiques et les propriétés optiques. — MM. Ju- lius Berend Cohen et H. Thornton Calvert ont trouvé que si l’on fait réagir le trioxyde d'azote ou le peroxyde d'azote en solution chloroformique sur l'alcool benzy- lique, il se produit une élimination d'eau avec forma- tion des composés C'HSCHAz*0* et C'A*CHAz*°0!, corps instables qui se décomposent facilement en benzal- déhyde avec séparation de bioxyde d'azote dans le premier cas et de trioxyde dans le second. — Dans une deuxième communication, MM. J.-B. Cohen et M.-W. Harrisson exposent la découverte d’une méthode fort simple pour la préparation des aldéhydes corres- pondant aux alcools ortho et paranitrobenzylique. Elle consiste à traiter cet alcool par une petite quantité | de peroxyde d'azote en présence de l'air. — Les mêmes | auteurs étudient ensuite l’action des amines aroma- va | ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 2 974 tiques sur l'anhydride diacétyltartrique. — MM. W.-J. Sell et F.-W. Dootson décrivent toute une série de « dérivés de l'acide citrazinique, entre autres : l'acide 4 | | | | chlorhydroxyisonicotinique, l'acide dichlorisonicoti- nique, le chlorure de l'acide tétrachloré, l'acide afæ'f tétrachlorisonicotinique, les tétra et pentachlorpyri- dine, enfin la pentachlorpicoline. — MM. J.-T. Hewitt et F.-G. Pope : Sur la condensation du chloral et de la résorcine. — M. B.-S. Bull à pu préparer le ben- zoate et le nitrate de la &-oxycellulose. Ces corps sont robablement des hexadérivés d’une substance ayant a formule empirique C‘H*70%, — M, David-S. Jor- dan à réalisé une nouvelle synthèse du phloroglu- cinol, en faisant agir le sodium finement pulvérisé dans le benzène sur l’acétone dicarboxylate d’éthyle. — MM. Francis-R. Japp, F. R. S., et A. Findlay continuent leurs recherches sur la constitution de la phénantrone. — M. A.-G. Perkin : Principes colo- rants contenus dans les différents tannins. —MM. F.-R. Japp et Alfred Tingle : Note sur les dérivés obtenus en faisant réagir l'ammoniaque et la phénylhydrazine sur l’aÿ-dibenzoyleinnamène. — MM. A.-G. Perkin et H.-W. Martin : Constitution et dérivés de la cotoine et de la phlorétine. M. A.-G. Perkin à préparé et étudié les corps suivants dérivés de l’azobenzène et du phloroglucinol : le phloroglucinoltrisazobenzène C°H°0* (C‘HSA7), le phloroglucinol-o-trisazoanisol et le phloro- glucinol-disazobenzène-m-azonitrobenzène. — MM. Ad- dyman Gardner et G.-B. Cockburn Action du peutachlorure de phosphore sur la fenchone. — M. C.-H.-G. Sprankling : Note sur l'acide kétolacto- nique et ses homologues. ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM Séance du 30 Octobre 1897. 49 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J.-C. Kapteyn s'occupe de /a vitesse du système solaire à travers l'espace et de la parallaxe moyenne des étoiles de grandeur diffé- rente. Eu 1892, M. Kempf, de Potsdam (Astron. Nachrich- ten, n° 3150), a déduit, des vitesses de 51 étoiles dans la direction du rayon visuel déterminées par M. Vogel, la vitesse À de notre système solaire dans la forme h—12,3 + 3,0 en kilomètres par seconde. À en juger par l'erreur probable qui s'élève à peu près à un quart de la quantité principale, ce résultat n’est pas satisfai- TABLEAU I GRANDEUR photo- P'ARALLAXE de lumière 010749 0.0530 0,0375 0,0265 0,0187 0,0132 0,009% 0,0066 0,0047 0"04%45 0"4010 0,0315 0,0223 0,0157 0,0141 0,0079 0,0056 0,0039 0,0028 Do Sossecccoce CROIRE CE NE © &S co =J O1 2 ND = sece U,0063 sant. L'auteur déduit, à partir des mêmes données, une nouvelle valeur qui mérite plus de confiance. Soit £ la vitesse dans le rayon visuel, en kilomètres par seconde, d'une étoile quelconque, comptée positivement si l'étoile s'éloigne; soit de même À la vitesse du système solaire dans la direction de l'Apex aux coordonnées &— 2760, à — 34°; soit À la distance angulaire de l'étoile et » la vitesse mesurée avec laquelle l'étoile et le sys- tème solaire s’écartent l'un de l'autre. Alors on à ù — t — h cos À. D'après la méthode de Kempf les quan- “tités { sont considérées comme des erreurs d'observa- tion, ce qui n’est permis-que dans le cas d'un nombre considérable d'observations. En se servant du résultat antérieur $—1,86 h + 0,02 k, où $ représente la vitesse linéaire moyenne des étoiles (voir la communication de mai 1895, Rev. gén. des Sc., L. VI, p. 648), on trouve RE Sr t= 55—0,93h +0,01 h, où { indique la valeur moyenne des projections des vitesses des étoiles sur le rayon visuel. En substituant cette valeur de { dans les équa- tions v—t{— hcosX, on trouve une valeur plus exacte de k; cette valeur donne à son tour une valeur plus exacte de f, etc. Ainsi l’on trouve k—16,7 + 1,15 et s—31,1+2,2 ou bien en distances solaires par an h— 3,53 + 0,24 et s—6,57 + 0,46. A l’aide de ces for- mules, M. Kapteyn trouve pour les parallaxes des étoiles de grandeur différente les valeurs du Tableau F. La grandeur visuelle est empruntée à Argelander (Durchmusterung); la dernière colonne donne la dis- tance, en années de lumière, correspondant à la paral- laxe de l'avant-dernière colonne. Ces résultats ne s'ac- cordent guère avec les valeurs qu'on tire de la formule empirique de Gyldèn (Astron. Nachrichten, n° 3258, 1894). D'après l’auteur, les valeurs à peu près deux fois plus grandes de Gyldèn sont obtenues en ne tenant pas assez compte de l'influence des mouvements pro- pres des étoiles. Un meilleur contrôle se trouve dans la comparaison avec les résultats se rapportant aux étoiles dont la parallaxe n’a pas été déterminée à cause d'un mouvement propre excessivement grand (par MM. Elkin, Gill et Pritchard). 20 Sciences PHYSIQUES. — M. H.-A. Lorentz : L'éther prend-il part au mouvement annuel de la Terre? Remarques à propos d'un mémoire récent de M. A.-A. Michelson. Dans l’Amer. Journ. of Science, série 4, t. II, p. 475 (4897), M. Michelson a décrit une expérience d'interfé- rence, par laquelle on aurait peut-être pu découvrir une différence de vitesse entre deux couches horizon- tales de l’éther. Le résultat négatif de cette tentative est en accord avec l'hypothèse que le mouvement de l'éther, si toutefois il existe, est irrolational, c’est-à- dire que les composantes de la vitesse sont égales aux dérivées partielles d’une certaine fonction des coor- données. C’est une des hypothèses sur lesquelles M. Lo- rentz a fondé sa théorie de l’aberralion, hypothèses qu'on peut résumer de la manière suivante : A. Les corps transparents contiennent de l'éther qui peut se mouvoir librement à travers la matière pondérable. A la surface de séparation de deux milieux transparents il y a continuité des composantes de la vitesse de l'éther. B. Le mouvement de l’éther est irrotational, C. L'entrainement des ondes lumineuses par les corps transparents est isotrope et déterminé par le coefficient bien connu de Fresnel. Dans les Archives néerlandaises (t. XXI, p. 103, 1887) l'auteur a démontré que ces hypo- thèses suffisent à l'explication de l’aberration et de plusieurs phénomènes qui s'y rattachent; il parvient ainsi à une théorie qui peut être regardée comme une modification de celle qui avait été proposée par M. Stokes. En effet, ce savant avait admis l'hypo- thèse B, mais, de plus, il avait supposé D. A la surface terrestre la vitesse de l’éther est égale à celle de la planète. Or, cette dernière hypothèse étant en contra- diction avec B, il était nécessaire de l’abandonner et de joindre à B les hypothèses A et C. Selon l’auteur on n'a à choisir qu'entre la théorie, ainsi modifiée, de M. Sukes et celle de Fresnel (absence de tout mouve- ment de l’éther) qui, du reste, y #st comprise comme un cas particulier. Dans chacune de ces deux théories, il faut encore introduire une nouvelle hypothèse, si l'on veut rendre compte du résultat négatif de l'expé- rience que M. Michelson a exécutée en 1881 (Amer. Journ. of Science, série 3, t. XXII, p. 120) et qu'il à répétée en 1887 avec le concours de M. Morley (Amer. Journ. of Science, série 3, t. XXXIV, p. 333). Cette hypo- thèse, aussi énoncée par M. Fitz-Gerald, peut être expri- 972 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES mée en ces termes : E. Soient /, et !, deux dimensions perpendiculaires entre elles du corps solide (laiton ou pierre) qui, dans ces expériences, a servi de support à l'appareil interférentiel, et supposons que ces lignes aient la même longueur, si le corps est en repos par rapport à l'éther environnant. Alors, si le corps vient à se déplacer à travers ce, milieu avec une vitesse p dans la direction de {,, le rapport des longueurs de 4, et l, ge 2 : 5 deviendra À, V élant la vitesse de la lumière dans l’éther. — M.J.-D. van Der Waals communique, de la part de M. P. Zeeman, la troisième partie de son travail sur les doublets et les triplets dans le spectre produit par un champ magnélique extérieur (voir Rev. gén. des Sc., t. VIII, p. 764 et 803). L'auteur a réussi à photographier les phénomènes relatifs à l'aetion d’un champ magnétique sur les radiations. Pour l'étude quantitative ultérieure du phénomène, il était très dési- rable d’avoir sur un négatif les deux raies extérieures du triplet. Or, en employant un réseau concave de Rowland de six pieds de foyer et en interceptant, au moyen d'un nicol, la lumière de la raie médiane du triplet, on a obtenu des négatifs d'une grande netteté qui se prêtent très bien aux mesures. Citons, comme exemple, le fait que, pour une des raies bleues du cad- mium, la distance des composantes était 0,191 milli- mètres dans le second spectre. Combinant ce nombre avec les autres données de l'expérience, on trouve, pour le rapport de la charge e et de la masse » de l'ion, le produit de 2,4 et de 107, nombre assez rapproché de celui trouvé récemment pour le sodium. — M. H. Kamer- lingh Onnes présente la thèse de M. E. van Everdingen : Mesures du phénomène de Hall et accroissement de la résistance dans le champ magnétique (en hollandais). — M. A.-P.-N. Franchimont, en poursuivant ses recher- ches concernant l’action de l'acide azotique sur les méthylamines, à fait réagir cet acide sur la méthylni- tramine. Au-dessous de 0° il se produit presque quan- titalivement du protoxyde d'azote et de l’azotate de méthyle, ce qui, selon lui, s'explique plus facilement par ia formule CH,.AzH.A70, que par CH,.Az— Az— OH. USA 0 En outre, il a trouvé que la méthylnitramine ne fournit pas une coloration violette, bleue ou verte avec le per- chlorure de fer, quoiqu’elle puisse donner dans cer- taines circonstances un sel ferrique rouge et brun. — Ensuite M. Franchimont communique, au nom de M. P. Romburgh (du Jardin botanique de Buitenzorg, île de Java), une étude : Sur les produits volatils des plantes des tropiques. Les recherches, entreprises dans le but de trouver de nouvelles essences, portent sur plus de 900 espèces. Elles montrent que l'alcool méthy- lique se présente très fréquemment et que l’acétone n’est pas rare non plus. Aussi le salicylate de méthyle se trouve bien souvent. Ordinairement l’auteur a dis- üllé un kilogramme de feuilles avec de l’eau et réduit le produit d'environ 600 centimètres cubes à 10 centi- mètres cubes par une distillation répétée. Le perchlo- rure de fer servait à démontrer le salicylate de méthyle. Jamais une coloration jaune par la potasse ne faisait conclure à la présence d’aldéhyde salicylique. Le sali- cylate de méthyle se présentait en 18°/, des plantes examinées. En quelques espèces l’auteur a retrouvé l'acide cyanhydrique dont la présence avait été cons- tatée par M. Greshoff, etc. — M. H.-W. Bakhuis Rooze- boom communique des recherches de M. E.-C.-J. Mohr sur les cristallisations qu'on obtient des dissolutions AzH,CI + FeCl,. Outre le sel double connu FeCl,.2A7H, CI.H,0 (D,) il à obtenu FeCl,.AzH,CI(D,) et 2FeCl,.AzH, CL.4H,0 (D,). On s’est servi avec succès d’une nouvelle méthode d'évaporation des dites dissolutions en un micro-exsiccateur maintenu à température constante sous le microscope par un courant d’eau chaude. Le sel D, à la particularité de se former dans des dissolu- tions qui ne contiennent que des traces minimes de AzH,CI. Quant au sel D, il y a des solutions qui le dé- posent d’abord pour le redissoudre, si la concentration augmente, phénomène qui rappelle la condensation rétrograde dans les systèmes formés de vapeur et de liquide. Qutre les sels doubles, on peut obtenir encore des cristaux mixtes réguliers, mais présentant des ano- malies optiques. La forme sous laquelle ils contiennent le fer reste encore dans l'obscurité; la probabilité est du côté du sel D, non régulier, D, qui est régulier étant exelu à plus d’un titre. — Ensuite M. Roozeboom pré- sente, au nom de M. E. Cohen, une communication sur la cause des irrégularités que montre l'élément Weston, qui se forme en substituant Cd à Zn dans l'élément Clarke. Cette cause à été trouvée dans une transfor- mation que subit le sulfate cadmique solide dans sa solution saturée à 13°C., transformation qui fait naître des irrégularités en abaissant la température. Une rechauffe à 15°C. pendant une demi-heure suffit cepen- dant pour remettre l'élément dans l’état normal. Ea dite transformation est constatée par voie dilatomé- trique, électrique etpar l'étude des dissolutions saturées. P. H. Scnoure. ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE Séance du 11 Novembre 1897. 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. F. Mertens : Sur une fonction de la théorie des nombres. — M. R. Dau- blebsky von Sterneck : Recherches empiriques snr la variation de la fonction dans l'intervalle de 0 à 150.000. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. H. Benndorf critique un travail de M. A. Campelti sur la facon dont se comporte un isolateur tournant dans un champ magnétique. L'auteur montre que les phénomènes de ralentissement observés par Duane ne doivent pas être attribués, comme le prétend M. Gampetti, à la polarisation diélec- trique. L'erreur provient d'une fausse transformation des unités électriques dans les formules de M. Cam- petti. En réalité, la force de la polarisation diélectrique est plusieurs billions de fois plus petite que la force mécanique de l’isolateur. Il faut donc chercher une autre explication. 39 SCIENCES NATURELLES. — M. A. Nalepa décrit une nouvelle série d'insectes produisant les galles : Erio- phyes (s. Phyloptus) annulatus, granulatus, psilonultus, Trimerus cristatus et rhyncotrix. Séance du 18 Novembre 1897. 1° SCIENCES PHYSIQUES. —- M. E. Strassmann, en fai- sant réagir l’aldéhyde isovalérique sur l'acide cyanacé- tique, a obtenu un nitrile-acide non saturé C*HAzO®. Traité par la potasse, il donne de l’aldéhyde valérique, de l'acide malonique et de l’ammoniaque. Chauffé, il perd CO? et se transforme en un nitrile C'HMAZ. — M. J. Herzig discute les formules de constitution de la morine et des dérivés flavoniques. — MM. J. Herzig et E. Schiff éludient les constituants de la résine de gaïac. L'acide de la résine de gaïac contient deux groupes méthoxyle et deux groupes hydroxyle. 2° SCIENCES NATURELLES. — M. C. Diener décrit les formations équivalentes au Permien et au Carbonifère dans l'Himalaya. Il s'est servi en partie des matériaux du Service géologique de l'Inde, en partie de ceux qu'il a recueillis au cours d'une exploration de ce massif en 1892. Le Carbonifère supérieur est représenté par les Barus Beds ou Zewan Beds du Cachemire; les cou- ches à Productus trouvées au Cachemire, à Spiti, à Painkhanda et au Johard, sont les équivalents de Ja formation permienne. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. 8° ANNÉE NS 30 DÉCEMBRE 1897 19 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES DIRECTEUR : ET APPLIQUÉES LOUIS OLIVIER CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Solennités académiques La séance anniversaire de la Société Royale de Londres. — Le 30 novembre dernier, la Société Royale de Londres a tenu sa séance te versaire annuelle. Le président, lord Lister, à pro- noncé le discours d'usage. Il a d’abord rendu He aux savants, membres de la Société, disparus durant le cours de cette année : Sylvester, Du Bois Reymond, Weierstrass, Des Cloizeaux, Sachs, Heidenhain, etc. Puis il a rappelé les travaux les plus importants des mem- bres de la Société; il faut citer, en particulier, ceux de MM. Fleming et Dewar sur les propriétés électriques et magnétiques de la matière aux basses températures; les recherches de M. Gardiner sur l'histologie de la pa- roi cellulaire; celles du D° Copeman sur la vacci- nation. On sait que ce dernier savant se croit autorisé à affirmer que l'addition de glycérine à la lymphe vac- cinale y provoque, au bout d'un certain temps, la disparition des microbes, sans altérer, en aucune façon, le pouvoir vaccinant de la lymphe. Lord Lister a accordé, à cette occasion, un hommage ému à la mémoire de Pasteur. Ayant assisté, à Noël 1896, à la translation des cendres de l'auguste Maître, il s’est fait un devoir d'évoquer ce souvenir, et c'est-en un langage rempli de bienveillance envers la science française qu'il a parlé de la souscription ou- verte à la Société Royale pour participer à l'érection du monument de Pasteur à Paris. La somme recueillie par la Société s'élève au chiffre de 21.500 francs. La moitié de cette somme est venue de l'Inde, Depuis deux ans sévit en cette contrée le terrible fléau que l'on sait, évidemment justiciable des méthodes pasto- riennes. Et c'est un sentiment de gratitude envers la doctrine du Maitre, dont l'Inde commence à éprouver les bienfails, qui a suscité chezelle la volonté d'affirmer, de facon si éclatante, sa reconnaissante admiration. Lord Lister a fait remarquer à ce sujet que le D' Haff- kine et le Dr Yersin, tous deux disciples de Pasteur, poursuivent actuellement à Bombay le cours de leurs travaux sur la peste. Il espère que le succès de leurs efforts apparaîtra nettement dès qu'on aura eu le temps REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897, de préparer aux Indes le sérum qui s’est montré véri- tablement curateur dans les mains de Yersin, à Canton. L'illustre président a proclamé ensuite les noms’cdes lauréats de la Société : La Médaille Copley est décernée cette année à M. A7- brecht von Kolliker, professeur à l'Université de Wurt{z- bourg, membre étranger de la Société, pour ses beaux travaux sur l'Embryologie, l'Histologie et l’Anatomie comparée. La première Médaille Royale est accordée au Profes- seur Andrew Russel Forsyth, dont on connaît les recher- ches profondes sur plusieurs problèmes des Mathéma- tiques supérieures. Le titulaire de la deuxième Médaille Royale est le Lieulenaut Sir Richard Shachey. De ses nombreux voyages en Asie, et particulièrement aux Indes et au Tibet, ce savant a rapporté d’intéressants documents sur la Géographie physique et botanique, sur la Géologie et la Météorologie de ces régions. La Médaille Davy est déc ernée au docteur John Hull Gladstone. 11 serait difficile de donner en quelques li- anes une idée du nombre et de l'importance des tra- vaux que ce savant a produits depuis quarante-neuf ans sur diverses queslions de Chimie, de e Physique el de Chimie physique. Ses déterminations des équiva- lents de réfraction des éléments sont connues de tous. Pour la première fois vient d’être décernée la é- daille Buchanan. Le titulaire est Sir John Simon, très honorablement connu par ses travaux sur la science sanitaire, en particulier sur les remèdes à apporter à la condition des classes indigentes de Londres. La Société a procédé comme suit au renouvellement de son bureau pour 1898 : Président : lord Lister; trésorier : sir John Evans; secrétaires : MM. Michael Foster et Aïthur William Rücker ; secrétaire étranger : sir Edward Frankland. Enfin, à l’occasion de son anniversaire, la Société Royale a élu quatre membres d'honneur étrangers. Ce sont : MM. Henri de Lacaze-Duthiers (de Paris) ; J.-H. van’t Hoff (Hollande); W. Pfeffer et F, Zirkel (de Lei- pzig). Aussitôt après l'élection de M. le Professeur Henri de 2% 974 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE Lacaze-Duthiers, le bureau de la Société nous a fait l'honneur de nous informer de cet événement, pensant avec raison qu'avec les zoologistes de tous les pays la France devait se réjouir de l'éclatant hommage ainsi rendu à notre illustre compatriote. $S 2. — Nécrologie A. Joly. —- La Chimie vient de perdre l’un de ses plus dévoués adeptes en la personne de M. Joly, professeur- adjoint à la Sorbonne et maître de conférences à l'Ecole Normale Supérieure. M. Joly a été ravi à la science après quelques jours de maladie. Tous les chimistes ont appris avec tristesse cette fin prématurée du distingué savant, enlevé dans toute la force de l'âge et en pleine activité scientifique. On doit à A. Joly d'importantes recherches sur le Niobium et le Tantale, dont il a déterminé, avec une remarquable précision, les densités de vapeur, et pré- paré les chlorures à l’état pur. C’est ce travail, présenté comme thèse à la Faculté des Sciences de Paris, qui lui valut le grade de docteur. Son attention continua, par la suite, de se porter sur les éléments peu com- muns et un peu négligés des chimistes. Dans cet ordre d'idées, il a poursuivi avec fruit une longue suite d'in- vestigations sur les métaux de la mine de Platine, spécialement sur le Ruthénium et les composés nitrosés de ce dernier corps. Ce travail mérite d'être cité comme un modèle de patience, de finesse et de précision. II fut bientôt suivi de recherches délicates et habilement conduites sur les acides hypophosphoriques. Comme professeur, M. Joly laisse le souvenir d'un maître dévoué à ses élèves et dont l’enseignement élait particulièrement goûté de ceux qui préfèrent, à l'éclat de la parole et à la séduction des théories nouvelles, l'exposé clair et scrupuleusement exact des faits que révèle l'expérience. Cornevin, — M. Cornevin, professeur à l'Ecole Vétérinaire de Lyon et membre correspondant de l'Académie de Médecine, est mort ce mois-ci. Cette perte d’un savant dont le nom restera attaché à l'édification des doctrines microbiennes, est vivement ressentie par les physiologistes et les agronomes, les uns el les autres ayant pu apprécier la portée théorique et l'uti- lité pratique de ses découvertes. Il suffit de rappeler, pour la gloire de Cornevin, les admirables recherches qu'il fit, en collaboration avec MM. Toussaint, Arloing et Thomas, sur le charbon symptomatique, et, en ces derniers temps, ses belles études sur les poisons des végétaux et sur le lait. De tels travaux doivent assurer à qui les a accomplis la reconnaissance du monde pensant. L’explorateur Zintgraff. — Le 5 décembre 1897 est mort à Ténériffe l'un des hommes qui ont le plus ardemment propagé en Allemagne les idées d'expansion coloniale : l'explorateur Zintgraff. Il était né à Dusseldorf en 1858, et, comme tant d’autres Allemands qui se sont sur le lard improvisés coloniaux, il avait commencé par faire des études de droit, et avait quitté l'Université d'Heidelberg avec le grade de docteur. Aussitôt que des idées nouvelles de conquête afri- caine commencèrent à se développer dans son pays, Zintgraff s'empres sa d'y adhérer, et les répandit avec zèle. Il fut l'un es ouvriers de la première heure de l’œuvre de la colonisation allemande. En 1884, il prenait pied en Afrique pour la première fois, en qualité de membre de l'expédition Chavanne au Congo. Mais bien- tôt son attention fut attirée sur le Cameroun, que Nach- tigal avait acquis en 1885 au nom de l'Empereur Guil- laume. Dès lors, la carrière de Zintgraff fut décidée. C'est à explorer le Cameroun, à le faire connaître, à le mettre en valeur, qu'il consacra son intelligence et son énergie. Get homme dont les yeux d’enfant et d’adolescent s'étaient posés sur les paysages doux et un peu fades de la Westphalie et de la vallée du Neckar, s'était pris d’un amour singulier pour ce coin de terre d'Afrique, où tous les phénomènes naturels, chaleur, pluie, végétation, présentent un caractère extrême. En 1887, Zintgraff explora les rivières qui aboutissent à la côte. Il accomplit son plus grand voyage de 1888 à 1890. Parti de Cameroun, il se dirigea vers le nord, en fondant des postes, et arriva à la fin de mai 1889 à Ibi sur la Bénoué. Aucun explorateur n'avait encore tra- versé le pays qui s'étend de Cameroun à Donga, car c'était en ce point que, venu du nord, Flegel s'était arrêté. En arrivant à Takum (à 100 kilomètres de la rive gauche de la Bénoué), Zintgraff entendit parler d'Euro- péens établis au nord. Quand il vit en tas des bouteilles de gin vides et, au sommet d'une hutte, un flacon de cognac qu'un indigène avait eu l’idée bizarre de dresser en l'air comme un épi, il eut la certitude d’avoir atlein- le territoire où la Royal Niger Company exerce son ac- tion. D'Ibi, il ne revint pas directement vers le sud, mais, accomplissant un grand détour vers l’est, il attei- + Voyage de Zintgraff dans l'Hinterland du Cameroun en 1888-90. =. Æ° Porremans Se: Fig. 1. — Itinéraire de Zintgraff en Afrique. gnit Yola. Le principal résultat géographique de ce voyage fut la découverte de grandes plaines herbeuses qui, de la côte, s'élèvent peu à peu jusqu'à 1.400 où 1.500 mètres d'altitude. Il fut en contact avec deux sortes de populations : avec les Balis et les Bufas d’une part, encore sauvages, et presque nus, puis, plus au nord, avec les Haoussas, bien vêtus, coiffés du turban, armés d'épées,et déjà parvenus à un certain degré de civilisation. En 1891, Zintgraff tenta une nouvelle exploration dans l'hinterland du Cameroun, mais sans succès. Pendant les dernières annèes de sa vie, il s'efforca surtout de meltre la colonie en valeur. Il vantait la fa- cilité avec laquelle les plantes tropicales — cacao, café, tabac — poussaient sur la côte. Il écrivait : « Le Cameroun ne manque pas de contrées propices aux plantations. Les conditions de culture s’y présentent même si favorablement que je m'étonne que les An- glais, si pratiques, se soient laissé souffler ce coin de terre, dont la valeur ne leur était cependant pas inconnue. » Quand il revenait en Allemagne, il cherchait à faire partager ses convictions à ses compatriotes et à déter- miner les capitalistes à risquer un peu de leur avoir dans les plantations du Cameroun. Ses séjours prolongés en Afrique avaient altéré sa : CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE *santé : il sentait le besoin de repos et s'élait établi à Ténériffe dans l'espoir de se remettre. Si, en mourant, il n'a pas laissé la colonie dans l’état de prospérité qu'il avait rêvé, il a dû, pourtant, se rendre celle justice qu'il n'avait pas travaillé en vain. “Quand, il y a douze ans, Nachtigal prenait pied dans le -pays, le Cameroun était un nom sur la carte d'Afrique, et rien de plus. Maintenant, c'est une colonie euro- -péenne, on connait partiellement le pays qui s'étend “derrière le rivage. Zintgraff a contribué au développe- ment de l’une ainsi qu'à l'exploration de l’autre. Ses dix années de travail n'auront donc été inutiles ni à son pays ni à la science. Henri Dehérain. $ 3. — Physique A propos des expériences de M. P. Zeeman. Lettre de M. André Broea. — Au moment où la dernière livraison de la Revue était, selon l'expression technique, « en imposilion », nous avons recu de M. André Broca les corrections de son article sur la variution de p'riode «des raies spectrales, et une im- portante addition, qu'il était alors impossible d’effec- Luer. Aussi avons-nous sollicité de lui la lettre suivante, où se trouve développée la discussion qui lui permet d'éclairer d'un jour nouveau l’une des questions les plus délicates de l'Optique *. LA DirEcrION. « Je reviens sur un point de mon récent article relatif à la vibration de la lumière polarisée. J'y ai avancé, pour des raisons expliquées ci-dessus, une conclusion inexacte, ou du moins incomplète. Dans l'expérience de M. Zeemau, l'onde qui ne change pas de période dans l'observation normale aux lignes de force ne se propage pas dans le sens de celles-ci. Au premier abord, il semble que, le mouvement ne se propageant pas dans le sens des lignes de force, cela est dû à la propriété de l'éther de ne pas transmettre les vibrations longitudinales. La plan de polarisation de cette vibra- tion étant normal aux lignes de force, on en conclut que la vibration est celle de Fresnel. « Ayant soumis ces idées à M. Potier avant la récep- tion des épreuves, j'avais ajouté sur celles-ci les idées qu'il m'avait émises. La correction n'ayant pas été faite, je les donne aujourd'hui. « La constitution d'une onde plane polarisée ne pré- sente rien de diflicile à comprendre. Quand la propa- gation est sphérique, il n’en est plus ainsi. Le calcul meatre que deux constitutions de l'onde sont compa- tibles avec la théorie de l’élasticité. Dans les deux, il y a une direction pour laquelle dans les deux sens l'amplitude est nulle; pour l’une les vibralions sont méridiennes par rapport à cette direction, pour l'autre elle sont équatoriales. Si nous considérons par consé- quent l'onde qui ne change pas de période dans le phénomène de Zeeman, ses propriétés peuvent s'expli- quer aussi bien par une vibration de Neumann que par une vibration de Fresnel. « Mais si nous ne savons rien de précis sur la vibra- tion de l’éther, nous avons une ‘donnée sur celle de la source. En admettant la théorie assez certaine de l'ionisation, la vibration matérielle non altérée ne peut être que parallèle aux lignes de force. « Ceci ue préjuge rien sur la forme du mouvement transmis à l’éther, car deux cas peuvent se produire : ou bien l'éther est simplement entrainé par la matière, ou bien à un mouvement d’un ion isolé correspond dans l'éther un mouvement de torsion. Dans les deux cas la Symétrie est respectée. En effet, la seule condition de symétrie à remplir est que la direction du déplacement matériel soit le seul vecteur caractérisant le mouvement de l'éther. Un vecteur peut représenter deux choses : une direction ou une rotation. Dans le premier cas on 1 C'est par erreur que, parmi les titres de M. Broca, nous avons, sur la couverture de la Revue, inscrit : « Docteur ès sciences », au lieu de « Docteur en médecine ». 975 aurait la vibralion de Fresnel, dans le second celle de Neumann. « Abordons la question dans la théorie électro- magnétique de la lumière. La théorie des ions nous apprend que la force électrique de la pertubalion de la source estsuivant la ligne de force du champ magnétique qui agit sur la lumière. Or nous savons d'ailleurs que c'est elle qui est perpendiculaire au plan de polarisa- lion, cela est solidement établi, Donc la théorie des ions émise par Zeeman est bien conforme aux fails connus, mais elle ne permet en rien de juger du fond de la question. La force électrique est-elle telle qu'il se pro- duit dans sa direction le véritable déplacement d’une véritable matière, pour employer une expression de M. Poincaré, ou ce phénomène se produit-il dans la direction de la force magnétique? Nous n'en savons pas plus à ce sujet que par le passé; peut-être rien de semblable ne se passe-t-il. Nous connaissons la forme des équations qui régissent les phénomènes électriques et lumineux, nous ne savons pas les noms qu'il faut donner aux grandeurs qui s’y trouvent pour nous former une idée exacte du fond des choses. « C’est là un fait bien reconnu; mais, sans chercher à aller aussi loin, je voudrais insister un peu sur une autre face du problème. Les expériences de M. Otto Wiener ont montré que la plaque photographique n'était sensible qu'à l’un des deux vecteurs. Dans les ondes stationnaires où les nœuds de l’un coïncident avec les ventres de l’autre, la plaque photographique indique des franges. Mais nous ne savons pas lequel des deux vecteurs produit l'impression photographique. « Une question physiologique est connexe. Quel est celui des deux vecteurs qui impressionne l'œil, ou peut- être quels sont les attributs de la sensation qui sont dus à l’un ou à l’autre vecteur? La question ainsi posée est, pour les raisons déjà dites, insoluble, mais il n’est peut-être pas impossible d'espérer savoir un jour si l'œil est sensible aux deux vecteurs, ou à un seul, ou sensible différemment à l’un et à l’autre. La vision des franges de Fresnel ne prouve rien, car les maxima el les minima des deux espèces de vecteurs sont super- posés. Il faudrait arriver à voir des ondes analogues à celles de M. Otto Wiener. Il y aurait là un beau pro- blème physiologique à résoudre, mais qui ne nous avancerait en rien pour les idées mécaniques à nous faire du fond des choses. « Quoique les expériences de M. Zeeman soient im- puissantes à résoudre ces questions, qui sont peut-être insolubles, elle nous montrent cependant pour la pre- mière fois une onde sphérique lumineuse où la pro- pagation de l'énergie est différente suivantlesdirections, onde que la théorie permettait de prévoir, et qui est identique à l'onde de l’excilateur de Hertz. « Pour les ondes circulaires dans le sens des lignes de force, et polarisées dans la direction normale, une analyse tout à fait analogue à celle qui vient d'être indiquée montre que les deux vibrations sont égale- ment admissibles ; elles ne permettent donc pas d'aven- cer le problème. André Broca, Préparatewr de Physique à la Faculté de Médecine de Paris » $S 4. — Métallurgie La coulée centrifuge appliquée au dureis- sement de la surface des moulages d’Acier — On connait les propriétés de la fonte trempée, c’est:- à-dire de la fonte refroidie à la coulée par le contact des parois métalliques du moule dans lequel elle est versée. Dans une très savante étude publiée l'an dernier dans la Revue ‘, M. Pourcel a montré en effet qu'un fer fortement carburëé * en fusion prend les caractères de ! Livraison du 30 mai 1896. 2 Malgré la grande affinité du fer pour le carbone, le métal n’en peut guère absorber plus de 4 à 5 °/,, en supposant que d'autres corps ne vienneut pas modifier ce point de saturation. 976 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE la fonte blanche où de la fonte grise, suivant qu'il se solidifi- rapidement ou lentement. Or, la fonte blanche, dans laquelle le carbone est invisible à l'œil nu, est dure, résistante à l'outil, mais fragile au choc, tandis que la fonte grise, où le carbone apparait à l’état libre sous forme de lamelles de graphite disséminées dans la masse, est tendre, se laisse entamer par l'outil, mais résiste parfaitement aux chocs. Si nous prenons comine exemple un cylindre de laminoir en fonte trempée, la table, étant coulée dans un moule métallique, c’'est-à- dire refroidie rapidement, présente à sa surface une zone de fonte blanche, qui passe successivement à la teinte truitée (mélangée de gris et de blanc), puis à la teinte grise, au fur et à mesure que l'on s'éloigne de la surface ; au contraire la fonte des tourillons, coulée dans le sable étuvé et par conséquent refroidie lentement, est uniformément grise. Sur des prises effectuées respec- tivement aux bords de la table et des tourillons, les dosages de carbone donnent des résultats analogues aux suivants ! : TABLE TOURILLONS Carbone total"; 3,20 2,84 Graphite 0,19 41,93 On voit que dans la fonte le refroidissement rapide s'oppose presque absolument à la formation du graphite et que, par suile, la coulée en moule métallique, ou, comme l'on dit, en coquille, donne le moyen de durcir d’une facon progressive les surfaces des pièces telles que roues, cylindres, projectiles, blindages ete., moulées en fonte. Les avantages au point de vue de la résisiance que orésente maintenant l'acier doux coulé expliquent sa substitution presque générale à la fonte dans les moulages. Toutefois, ce nouveau métal contenant à à Il 5 : peine la 10 parlie du carbone existant dans la fonte, il n’est pas possible de lui appliquer le système de la coulée en coquille, dont nous venons de parler, si lou veut obtenir des pièces durcies à la surface. Pour résoudre ce problème el produire des mou- lages d'acier mixte, c'est-à-dire d'acier partiellement dur et partiellement doux, M. Hutb, ingénieur civil à Gelsenkirchen, propose d'utiliser la force centrifuge au moment de la coulée du métal. Supposons qu'il s'agisse de couler en acier une roue de chemin de fer: le moule étant animé d'un mouvement rapide de rotation, on commence par couler de l'acier dur, qui vient se pla- cer à la circonférence dudit moule, que l'on achève de remplir ensuite avec de l'acier doux. Le corps de la roue est donc en acier doux et la jante en acier dur. Il résulte de l’expérience que la liaison des deux qualités de métal est parfaitement intime et que la partie durcie, dont on est libre de choisir l'épaisseur, ne diminue pas progressivement de dureté comme dans la fonte trempée. En outre, la coulée centrifuge rend les moulages d'acier compacts et bien venus, si faible que soit leur épaisseur, — résultat difficile à atteindre avec la coulée ordinaire en raison du caractère réfrac- taire de l'acier. La roue de chemin de fer est un des moulages dans lesquels l'emploi d'un mélal hétérogène trouve son ap- plicatiou la plus utile : le corps de roue constitué par de l'acier doux est assuré contre toute rupture au choc, andis que le cercle de roulement, possédant une grande dureté, résiste à l'usure; bien plus, le boudin, ne s'ai- guisant plus dans les courbes, attaque beaucoup moins le rail, ce qui en prolonge la durée. Le procédé se recommande également pour la fabri- calion des cylindres de moulins, des roues de broyeurs, des mächoires de concasseurs : s'adaptant bien à ja coulée des moulages minces, il donne des pièces dont le corps est en acier doux très résistant, laudis que les 1 Analyse de M. Ledebur (Manuel de la Métallurgie du fer). bords sous forme de dents entlaillées et tranchantes sont en acier très dur. On peut donc augmenter la puissance des outils avec moins de risques de rup- ture. Nous citerons, en terminant, les bandages de chemins de fer comme pièces susceptibles d'être obtenues par la coulée centrifuge des deux quantités d'acier. Dans ce cas les moulages en acier mixte coulés sous forme de couronnes sont laminés et les produits résultants, très durs à la surface de roulement et très doux à lin- térieur, résistent à la fois à l’usure et au choc lorsqu'ils sont en service, tout en présentant de grandes facilités pour le tournage qui précède le montage sur roues. Emile Demenge, Ancien élève de l'Ecole Polytechnique. U $S 5. — Géographie et Colonisation La culture du Manioc dans le Bassin médi- terranéen. — Au moment où la Tunisie se préoc- cupe d'introduire sur son sol la culture du Manioe, il semble utile de prémunir le colon contre les déboires auxquels cette tentative risquerait de le conduire, s'il la praliquait d'abord sur trop grande échelle. Nous ne pensons pas, en effet, que le climat de la Régeuce convienne à la végétation du Manioc. Pendant un grand nombre d'années, cette plante ‘ a été expéri- mentée au Jardin d’Essai d'Alger, et elle y a révélé des exisences auxquelles il serait très difficile de satisfaire dans la culture champêtre. Mème dans un jardio, il lui faut, en hiver, la meilleure exposition à la chaleur, le meilleur abri contre le froid, et, en tous temps, les terres les plus perméables et les plus profondes, une abondante fumure, car elle épuise vite le sol, enfin, pendant toute la période estivale, une irrigation copieuse et régulièrement assurée. Le commencement des intempéries et des froids de novembre altère rapidement les tiges; ensuite, le refroi- dissement du sol et l'humidité hivernale ne permettent pas de faire passer sans danger la souche en pleine terre, d'une année à l’autre. Aussi, dans nos expé- riences, la conservation de la plante devenait fort difficile; elle exigeait des artifices dispendieux. Nous coupions les liges avant la fin de leur croissance, en automne, pour les soustraire aux premiers abaisse- ments de température et aux orages de grêle de novembre; puis, nous les empilions, dans une caisse, en lits horizontaux séparés par des couches de sable sec et fin. Au printemps suivant, il y avait un déchet, mais les Liges demeurées saines constituaient pourtant la majorité. Nous les multipliions par bouturage, en en faisant des troncons de 8 à 13 centimètres. Ce sont là des manipulations d’horticulteur, non de cultivateur. Et il ne semble pas rémunérateur d’'accor- der de tels soins, sur le litloral méditerranéen, à un végétal dont la valeur nutritive est très inférieure à celle du blé, lequel, sur ce mème littoral, donne de si belles cultures. Partout où, dans ces régions, on à tenté de cultiver le Manioc, en Italie, en Espagne, en Algérie, même en Tunisie, — car il y a eu quelques essais à la Soukra, près de Tunis, — on n'a éprouvé que des déceptions. À mon sens, la culture de cette plante n'a sa raison d'être que dans les régions tropi- cales, où les céréales ne viennent pas; mais elle est sans iutérèt dans les pays de blés durs. Certaines variétés de pommes de terre donneraient certainement, dans le Sud-Algérien et en Tunisie, de meilleurs et de plus économiques rendements en matière féculente, que les deux espèces de Manioc jusqu'à présent expérimen- tées. Ch. Rivière, Directeur du Jardin d'Essai à Alger. 1 Soitle Maniohot ulilissima, soit le M. Aipi ou Manioc doux, préférable parce qu'il est dépourvu d'acide cyanhydrique. ee 108 Qu'elle soit animale ou végétale, la vie résulte de l'accomplissement d'une suite de fonctions harmo- niquement liées entre elles et concourant à la con- servation de l'être tout entier. Les organes : mus- eles, glandes, cœur, estomac, centres nerveux, etc., sont les instruments de ces fonctions, et celles-ci s’exécutent grâce aux modifications intimes, très profondément cachées, dont les cellules spécifiques de ces organes sont elles-mêmes le siège. Une longue habitude nous a faits au spectacle, banal en apparence, de l'animal vivantet fonction- nant: il ne nous étonne pour ainsi dire plus; mais qu'il est mystérieux et singulier! Nous savons que la matière est inerte, incapable de modifier en rien son état de repos ou de mouvement, et nous voyons cependant, dans l'animal, cette matière inerle s'animer de mouvements propres, sans qu'intervienne aucune cause physique apparente qui explique le phénomène. L'animal vit dans un milieu où il rayonne et perd sans cesse le calo- rique qu'il possède ; néanmoins, sa température se maintient à peu près constante. Il est formé de substances instables, putrescibles, el nous cons- tatons que les substances qui le composent résistent, durant la vie, aux altérations naturelles qui les atteignent après la mort. L'animal s’'alimente des malières les plus diverses et, avec elles, il construit des organes toujours semblablement composés et où l’on ne saurait retrouver la plupart des principes mêmes de l'aliment. À l'inverse des machines ordi- naires, l'animal revient spontanément à son type primitif, refait certains de ses organes quand on l'en a privé; bien plus, il est apte, dans certaines con- ditions, à reproduire des êtres semblables à lui et doués des mêmes organes. Ses fonctions peuvent, il est vrai. se troubler, et la discordance peut suc- céder à l'harmonie, mais, en vertu d'une force cachée, celle-ci tend à se rélablir, et la nature médicatrice reproduit généralement l'état normal, la santé. Voilà les mystères, ou du moins, les étonnantes constatations dont il importe de bien se pénétrer en abordant le problème de la vie. Montrer qu'il en est toujours ainsi et dire que les forces vitales agissent autrement que les forces inanimées n'est pas donner une explication de ces faits surpre- nants: tous nos efforts doivent tendre à les ratta- 1 Première leçon du Cours de Chimie biologique, faite à la Faculté de Médecine de Paris Le © novembre 1897. ARMAND GAUTIER — LE ROLE DE LA CHIMIE BIOLOGIQUE EN MÉDECINE 1 OM LE ROLE DE LA CHIMIE BIOLOGIQUE EN MÉDECINE‘ cher logiquement aux autres faits physico-chi- miques où mécaniques avec lesquels ils ne sont probablement qu’en apparence contradictoires. Nous verrons, qu'en effet, lous les phénomènes matériels de la vie sont soumis aux lois méca- niques et chimiques, el que c’est une erreur phi- losophique et scientifique de prétendre les ex- pliquer en invoquant des forces animiques ou vitales agissant dans l'être tout entier (AZarthez) ou dans chacun de ses organes (Van Helmont). C'est à l'identification des causes qui président chez les êtres vivants aux phénomènes sensibles et mesurables avec celles qui agissent sur la matière brute, que sont arrivés les physiolo- gistes et les chimistes, et ce n’est pas l’une des moindres conquêtes de notre époque que d'avoir banni de l'explication des phénomènes de la vie accessibles à nos sens l'intervention de préten- dues forces animées. Grâce à cette conquête, la Bio- logie est enfin entrée dans le cadre des sciences proprement dites; la Médecine n'est plus une science de constat, vivant d'un amas de faits, d'observations pratiques ou de recettes, données très précieuses sans doute, mais souvent sans liaison logique entre elles et sans portée; la Méde- cide de notre temps est devenue une science acces- sible à l’expérimentation et aux vérifications de laboratoire. Entrée depuis moins d'un siècle dans cette voie, ses progrès ont été rapides, surprenants; je n’en veux pour preuve que les découvertes des Flourens, des Frerichs, des Brown-Séquard, des CI. Bernard... ces illustres prédécesseurs de notre immortel Pasteur. Sans doute, le but suprème de la Médecine, c'est de rétablir la santé du malade; mais pour le trai- ter faut-il encore le connaitre. C’est à l'amphi- théâtre et aux laboratoires de Physiologie ou de Chimie qu'on apprend à lire dans les organes, à interroger leur fonctionnement, à le déduire de l'analyse des tissus et des sécrétions. Pour bien juger du désordre qui fait la maladie, il convient de connaitre d'abord l'ordre et les lois du fonc- tionnement normal. Le scalpel, le microscope et le laboratoire deviennent ainsi les auxiliaires indis- pensables, les lumières brillantes de la Pathogénie et de la Clinique. Ceux qui, les premiers, éclairèrent la Médecine moderne, furent les médecins naturalistes, anato- mistes etmicrographes des xvi°,xvn° et xvin° siècles. En décrivant exactement les organes, en essayant d’en comprendre la structure et les relations, Vésale, Harvey, Willis, Riolan, Meckel, Malpighi, Ruysch, 978 ARMAND GAUTIER — LE ROLE DE LA CHIMIE BIOLOGIQUE EN MÉDECINE Winslow, Morgagni, Leuvenhoek, Haller, etc., furent des iniliateurs. Mais, dans ce rôle d’ana- tomo-physiologistes ou de naluralistes contem- plaleurs, ces grands esprits ne pouvaient que cons- tater la forme des organes et leurs rapports, le cours du sang et des humeurs, la structure de quelques parenchymes. Or, quel génie, en examinant une montre en mouvement, pourrait démêler les raisons cachées qui font mouvoir uniformément ses rouages et lui permettent de marquer l'heure, s'il n'avait, pour s'éclairer, la notion de l'élasticité et celle de l'isochronisme des oscillations pendu- laires ? Et quel observateur sagace arriverait à pénétrer les causes des mouvements intestins d'une cité, telle que Paris, s’il se bornail à exa- miner ses citoyens parcourant les places et les rues, sortant ou entrant dans ses édifices, sans qu'il connût les motifs et les intérêts, cachés à ses yeux, qui réunissent ces habilants et les font agir ainsi dans le sens de leur commune conservation ? Aussi désarmé que ces deux observateurs serait celui qui bornerait à l’Anatomie, à l'Histologie, ou même à la Clinique, l'étude de la Médecine, et qui penserait qu'un pur empirisme peul suffire, au lit du malade, à lui procurer pelit à petit les éclair- cissements el l’aide nécessaires. Il faut donc, après l’Anatomie, qui nous fait connaitre l'animal inerte et sans vie, étudier l’ani- mal en action, en action de vie normale, puis enfin essayer de découvrir les forces cachées qui excilent ses fonctions. En possession de ces données fon- damentales, il sera possible, logiquement, d’abor- der l'examen du malade, de tenter de démèler les mécanismes qui ont provoqué l'état patholo- gique, et d'agir sur eux pour ramener la santé. Il Les premières données positives sur les forces cachées qui président au fonctionnement des êtres vivants datent de l’époque où Lavoisier découvrait les sources de la chaleur animale (1777). Ce grand esprit venait d'établir la composition de l'air et de donner l'explication du phénomène, resté jusqu’à lui si mystérieux, de la production de la chaleur et du feu. Il démontra bientôt que l'animal vit et s'échauffe, en se consumant à la façon d'une bougie qui brûle, absorbant l'oxygène de l’air el rejetant proporlionnellement l’eau et l'acide carbonique formés. Peu d'années avant, le même savant avait dis- tingué el défini les corps simples. IL avait établi l’invariabilité de leur nature et de leur poids, quelles que soient les réactions auxquelles ils sont soumis au cours de leurs diverses combinaisons au laboratoire, aussi bien, pensait-il, que durant leur transport et leurs réactions à travers l'être vivant. Désormais, grâce à lui, disparaissait le mys- tère de l’origine de la chaleur animale. Ainsi s'éla- blissait -aussi, sur des preuves expérimentales, celte donnée importante que la vie ne saurait pro- duire aucun élément nouveau ni le détruire, et que la loi de l'invariabilité du poids des éléments — quelles que soient leurs réactions — s'applique aussi bien aux êtres vivants qu'aux corps bruts. Au cours de la première moitié de notre siècle, Robert Mayer et Sadi Carnot découvrirent les lois” de la transformation de la chaleur en énergie mécanique ; Helmol!z et Clausius définirent le prin- cipe de la conservation de l'énergie. Ces données furent aussitôt appliquées aux êtres vivants. On sait aujourd'hui que, non seulement leur chaleur, mais leurs mouvements, aussi bien que tous leurs actes mécaniques ou physiques les plus intimes, sont des formes diverses de cette énergie, latente ou potenlielle, qu’ils emmagasinent avec leurs ah- ments, source unique de l’activité de toutes leurs fonclions. Les anatomistes et histologistes du commence- ment de ce siècle avaient observé que les organes sont composés de tissus variés et chacun de ceux-ci de cellules spécialisées par leur forme et souvent aussi par leur fonctionnement propre. Mais dans ces tissus, dans ces cellules, quels sont les organes cachés, les agents primitifs de ces fonctionnements divers ? Il était réservé à Chevreul de montrer, de 1812 à 1823, que les cellules des êtres vivants sont construites grâce à la juxtaposition de prineipes organiques où minéraux spécifiques, espèces chi- miques obéissant à la loi des proportions définies de Proust, et subissant, à travers les organes, des transformations semblables à celles que ces mêmes corps subissent dans nos laboratoires. Plus tard, M. Berthelot démontrait que les principes définis de la plante ou de l'animal n'étaient pas des édi- fices spéciaux aux êtres vivants et que seuls ils pouvaient former. Il fit voir que les prétendues forces vilales qui, erovait-on, avaient associé les éléments de ces principes définis, pouvaient être remplacées par ces forces brutes dont dispose habituellement le chimiste ; qu’on peut, en un mot, construire artificiellement, par synthèse totale, la plupart des substances qu'on retire généralement des végélaux ou des animaux. En un mot, ïül élablit que les substances animales ou végétales ne sont pas nécessairement des produits de 1a vie et que celle-ci n'imprime pas aux matériaux des organes une marque originelle, un type vital qui leur soit propre. Plus tard, le même savant démontrail que, quel que soit Le cycle des transformations passagères que | | subissent ces diverses substances, que ces (rans- ARMAND GAUTIER — LE ROLE DE LA CHIMIE BIOLOGIQUE EN MÉDECINE formations se fassent àn vitro ou qu'elles se passent |, au sein de l’économie vivante, pourvu que les sys- tèmes initial et final soient les mêmes, il en résulte | toujours une quantité de chaleur ou d'énergie inva- riable, posilive ou négative, indépendante des réactions intermédiaires qui ont pu se produire, et dont la mesure résulte uniquement de l'état initial et de l'état final. Cet important principe permet de calculer aujourd'hui l'énergie dont | dispose l'animal ou la plante au bout d'un cycle de transformation dont on ne peut conslater sou- vent que les états primitif et définilif et quelles que soient les multiples réactions passagères des sys- tèmes successifs intermédiaires qui peuvent rester entièrement inconnues. Désormais, les phénomènes physico-chimiques observés chez les êtres vivants étaient donc démontrés soumis aux lois qui régissent les corps bruts : l’énergie dont disposent les animaux pou- vait être calculée d'après les quantités de chaleur apparues au calorimètre lorsqu'on y fait passer la même matière d'un même système primitif à un même élat final. Lavoisier, R. Mayer, etc..., nous avaient révélé la source de l'énergie vitale, et Ber- thelot nous apprenait à en faire exactement la mesure, pourvu que, l'état de l'animal restant le même, son mode d'alimentation et l'ensemble de ses excrétions nous fussent connus. Mais de cetle énergie l'animal dispose suivant ses besoins, l'utilisant en partie pour l'entretien de sa température qui reste presque invariable, s'en servant pour mouvoir ses organes et produire du travail, provoquant des changements chimiques dans les principes dont il est composé, excitant ou arrêtant le cours du sang et des diverses sécré- tions, etc., en un mot employant celle énergie à l'entretien de ses diverses fonctions. De cette partie mystérieuse du problème de la vie, les physiologistes n'ont encore, il est vrai, donné qu'une demi-solution. On sait seulement, comme l'ont établi les beaux travaux de Ch. Bell, de Flou- rens, de Müller et surtout de CI. Bernard, qu'à ce partage harmonieux de l'énergie entre les or- ganes, préside le système nerveux, dont les cen- tres multiples régissent chacune des fonctions spéciales. | C'est ainsi que peu à peu des solutions exactes, | vérifiables par l'expérience et la mesure, des don- nées numériques précises, se sont, en Biologie, subsliluées à l'inconnu, au mystère, aux hypothèses vilalistes. Aujourd'hui, l'Anatomie, la Physiologie expérimentale et les sciences physico-chimiques sont devenues les bases solides et sûres sur les- quelles repose la science de la vie, les sources où la Médecine moderne s’est entièrement revivi- fiée. 979 [I Il restait pourtant un éclaircissement fondamen- tal, indispensable, à oblenir. Les organes, nous ie savons désormais, fonctionnent en vertu des lois physico-chimiques inéluelables. [ls sonteux-mêmes construits sur un type invariable et, sauf les cas d'altérations traumatiques brutales, d'intoxicalions chimiques, d'insuffisance d'aliments, etc., en un mot, sauf les condilions où se produisent des mo- dificalions malérielles sensibles qui altèrent visi- blement ces organes où empêchent leur fonction- nement, le désordre pathologique, la genèse de la maladie reste incompréhensible. Déjà au xvn° siècle, Van Helmont, par une vue profonde de l'esprit fondée sur de vagues analo- gies, avait comparé la fièvre à une fermentation. A peu près vers la même époque, un physicien alchimiste, le P. Kircher, émettait l'opinion que l'air est un milieu apte à laisser vivre et à nous transmettre des animalcules microscopiques innom- brables qui, en pénétrant dans nos organes, deviennent la cause directe des maladies épidé- miques. Il fallut attendre le génie de Pasteur pour donner quelque créance à ces idées et trouver enfin la démonstration définitive, expérimentale, de ce qu'il y avait de réel dans ces hypothèses. Grâce à lui, nous savons, à celte heure, que l'air, l'eau et les aliments sont, en effet, des milieux qui transportent une foule d'êtres vivants. Lorsque, par les aliments, l'air respirable ou par effraction de la peau ou des muqueuses, ils pénètrent dans nos humeurs, quelques-uns de ces microbes peuvent s'y développer, y pulluler à l'infini, pro- duire des alléralions nutritives diverses, ou se- créter des poisons redoutables qui, en intoxiquant l’économie, font apparaitre l’état pathologique. C’est ainsi que se sont peu à peu élevées à l'état de sciences proprement dites la Biologie et la Pa- thogénie expérimentales. Ses plus illustres fonda- leurs, pour rapprocher iei leurs noms, ce sont: Harvey, Lavoisier, Ch. Bell, Robert Mayer, Che- vreul, Berthelot, CI. Bernard, Pasteur..., des phy- siologistes, des physiciens, des chimistes, dans tous les cas des savants imbus des principes des sciences exactes, imprégnés de l'esprit de la méthode rationnelle, qui consiste à déduire de quelques faits bien observés la notion de leurs causes directes probables, les hypothèses qui sem- blent en donner l'explication, puis à tirer de celles-ci un certain nombre de conséquences logi- ques, contrôlables et mesurables exactement, et dont la vériticalion expérimentale, si elle réussit, devient la preuve, la garantie provisoire de l’exac- titude de la théorie. De ce contrôle généralisé, répélé, varié dans toutes les conditions imagi- 980 ARMAND GAUTIER — LE ROLE DE nables, naît pour l'esprit la certitude de la cause invoquée, puis la possibilité de remonter, de cause en cause, à ces lois générales qui président à un nombre infini de phénomènes ne paraissant d'abord avoir entre eux aucune relation. C'est ainsi qu'ont raisonné les grands esprits que j'invo- quais tout à l'heure pour créer la Médecine expé- rimentale moderne. Qu'on ne vienne done pas dire : la Médecine aux médecins, la Science aux savants ! À ce compte, ni Lavoisier, ni Bichat, ni Cl. Bernard, ni Helmoltz, ni Pasteur, qui ne furent ni des médecins prati- ciens ni même des médecins, n'auraient été dignes d'être écoutés dans nos Écoles! Les générations de médecins qui voient cette fin de siècle tirent cependant leurs succès pratiques des doctrines de ces illustres fondateurs. Créant la science biolo- gique expérimentale, en contribuant à en faire disparaitre les hypothèses mystérieuses, en rédui- sant les causes des phénomènes à la nolion des forces naturelles, en nous faisant connaitre les mécanismes qui président aux diverses fonctions, ou qui, les troublant, provoquent la maladie, ces grands esprits ont fait de la Médecine une science de plus en plus exacte et digne de ce nom. Elle prospérera, comme toutes les autres sciences, plus encore peut-être par l’expérimentation que par lobservation. Si j'en juge par l'origine des pro- grès qu'elle a faits en ce siècle, progrès sortis sur- tout des laboraloires, ses découvertes sont desti- nées à nous élonner encore plus au siècle prochain. IV L'Anatomie et même l'Histologie sont choses à peu près faites. Je ne pense pas que ce soit de ce côté que doivent venir les grandes conquêtes de la Médecine future. L'œuvre de Pastenr est là pour montrer que c'est vers l'étude des microbes patho- gènes que doivent converger les efforts. Mais ces microbes eux-mêmes agissent par leurs sécrétions, : la nature de celles-ci est du domaine de la Chi- mie biologique. D'autre part, les microbes qui nous atteignent par leurs produits vénéneux, leurs ferments ou leur effrayante pullulation, ne sont pas les seuls facteurs de la maladie. Nos lissus, nos organes sont com- posés de cellules vivant en colonies et fonction- nant, ainsi que j'ai essayé de l'établir, d'une facon qui n'est pas foncièrement différente de celle des cellules microbiennes. Celles-ci, en agissant sur les cellules de nos tissus, provoquent en elles une réaction de défense, et, comme l'ont établi Behring el Roux, un contre-poison qu’elles opposent au poison microbien. D'où dérive ce poison, quelle est sa nature, comment se produil-il à partir des LA CHIMIE BIOLOGIQUE EN MÉDECINE principes constitutifs dela cellule normale? Autant de questions que la Chimie éclaircira un jour. Enfin, les célèbres constalalions de Brown-Séquard sur le rôle important que jouent les sucs versés dans la circulation par les glandes closes, nous montrent encore tout l'intérèt pratique que l’élude, à peine commencée, de ces sécrétions, de ces ferments, de ces sues d'organes offre à la Médecine pratique. Laissant de côté l'histoire des microbes, qui n’est pas de mon domaine, et celle de leurs sécrétions toxiques et de leurs ferments, que j'ai précédem- ment développée, nous étudierons celte année les cellules spécifiques des tissus, fonctionnant et se modifiant sous l'influence des besoins de l’orga- nisme, fournissant tantôt la chaleur et la force, comme le tissu musculaire, le flux excitant et diri- geant, comme le tissu nerveux ; fabriquant les diverses sécrétions, comme les glandes; consti- luant des réserves calorifiques, comme les cellules adipeuses ou hépatiques, ele. Bien différent du rôle du physiologiste ou de l'histologiste, le rôle du chimiste biologiste ne consiste pas dans l'enregistrement et le constat des fails et de leurs relations les plus prochaines. C’est dans ces transformations moléculaires, invisibles à l'œil même armé du microscope le plus puissant, qu'il doit chercher les causes premières qui entre- tiennent la vie des organes, aussi bien que celles qui troublent leur fonctionnement. C’est au mécanisme moléculaire fondamental, à la source même de ces phénomènes généraux que constatent le physio- logiste et le physicien, que seule la Chimie nous permet de remonter. Après les tissus, nous ferons l'étude du sang, des urines et des autres humeurs de l’économie. Enfin, je me propose d'analyser encore cetle année les fonctions nulritives, en commencant par la di- gestion, désirant poursuivre les transformalions de la matière alimentaire à travers les organes où elle s’assimile pour se transformer ensuile en pro- duits intermédiaires ou résidus d'élimination, grâce à une série de mécanismes généraux qui Consli- tuent ce que nous savons, à celte heure, de plus précis sur le fonctionnement vital. L'Anatomie nous fait voir la structure générale du corps, la place qu'y occupe chaque organe, chaque vaisseau, chaque filet nerveux, ete. Elle rend l'animal comme transparent. La Physiologie nous montre les organes en action, excitant, sécrélant, échauffant, mettant le corps en mouve- ment, recevant les sensations du dehors et réagis- sant suivant la nalure de ces impressions. Prenant le problème à ce point précis, la Chimie biolo- gique a pour objet de nous faire pénétrer le fond des choses par l'examen des mécanismes cachés qui provoquent les effets constalés par le " PEYRUSSON — L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS DE L'INDUSTRIE DE LA PORCELAINE 981 gane, ceux, par exemple, grâce auxquels les prin- dans l'estomac grâce au suc sécrélé par les glandes ; mais il ne saurait, analysant à fond ce phénomène, séparer et examiner le rôle de chacun des agents spécifiques qui y concourent. Il observe que l'ali- ment digéré, absorbé par les villosités de l'intestin, est porté aux divers organes où il s'assimile, pour disparaîlre ensuite. Là s'arrête son rôle. Le chi- miste retire du suc gastrique ses agents efficaces, l'acide propre et le ferment; il montre ce qui revient à chacun d'eux dans la digestion de l’ali- ment, les produits formés, et ceux, tout différents, qui viennent s'assimiler dans chaque cellule spéci- fique de nos tissus. Il sépare ces produits les uns des autres; il constate leurs rapports de composi- tion, ou leur différence, avec les principes de l'ali- ment ingéré et avec ceux qui sortent de l'organe en activité; de cetle comparaison il déduit les mécanismes des réactions intervenues dans l'or- . cipes albuminoïdes fondamentaux des protoplasmes sont passés à l’état de sucres, de graisses, de bases azotées complexes et finalement d'urée, d’eau et d'acide carbonique. Du bilan de chacune de ces transformations le chimiste peut, en chaque cas et pour chaque élat, calculer la quantité d'énergie dont dispose l'animal. Enfin, de la nature et de la mesure de ces mulalions, il peut conclure à l'état normal où anormal, souvent même aux moyens de conserver la santé ou d'y revenir par des voies rationnelles et prévues. Seule la Chimie biologique peut donner ces éclaircissements à la Médecine et concourir ainsi puissamment aux progrès de l'avenir. Armand Gautier, Membre de l'Académie des Sciences, Professeur à la Faculté de Médecine de Paris, L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS DE L'INDUSTRIE DE LA PORCELAINE DURE EN FRANCE: DEUXIÈME PARTIE : CUISSON ET DÉCORATION Après la préparation des pièces par modelage ou moulage, deux opéralions principales lerminent la fabrication : la cuisson et la décoration. I. — Cuisson. $ 1. — Disposition des fours. Les fours destinés à la cuisson de la porcelaine sont tous circulaires, — du moins en France, — car on sait qu'en Chine ils sont rectangulaires. Les nôtres ont la forme des fours àréverbères, et repré- sentent des cylindres creux dont la partie supé- rieure est surmontée d'un dôme, dans l'axe duquel s'élève la cheminée. Il ne se fait plus de fours à trois élages, el tous sont à deux étages, dont l'inférieur est le labora- toire, où se fait la cuisson, tandis que le supérieur, désigné sous le nom de globe, est destiné à faire subir le premier feu, ou dégourdi. Ces fours sont chauffés par des foyers extérieurs, accolés au bas du laboratoire, et nommés alandiers. Le nombre de 1 Voyez la première partie dans la Revue du 15 décembre dernier, . VIII, pages 940 et suiv. | ces foyers varie nécessairement suivant les dimen- sions du four, et suivant qu'il doit être chauffé au bois ou au charbon, ce dernier système exigeant un plus grand nombre d'alandiers. A l'intérieur, le laboratoire communique avec le globe, qui est à la parlie supérieure, et auquel il envoie l'excès de chaleur qu'il dégage, d'abord par la cheminée cen- trale, puis par les carnaux, ouvertures disséminées dans la voûte de séparation, de façon à régulariser le tirage. Depuis une vingtaine d'années, un grand pro- grès à élé réalisé dans ces appareils de cuisson, si bien qu'on est arrivé à obtenir d'aussi beaux pro- duits avec les fours au charbon qu'avec les fours au bois, qui, du reste, ont à peu près complètement disparu. Le petit nombre qu’il en reste est spécia- lement destiné à la production du gros bleu de cobalt, connu sous le nom de bleu de Sèvres, el qui se développe d'une façon plus régulière au bois qu'au charbon. Ce perfectionnement à été produit par les fours à flamme renversée, qui sont à peu près les seuls employés actuellement. Avec les anciens fours, à flamme directe, la flamme, au sortir de l’alandier, 982 E. PEYRUSSON — L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS DE L'INDUSTRIE DE LA PORCELAINE traversail directement le four, pour se rendre à la cheminée et aux carnaux, qui la conduisaient au globe par le chemin le plus court. Il en résultait, on le comprend, une utilisation très imparfaite de la chaleur, et une répartition très inégale de la température; de plus, le coup de feu s’exerçait sur- tout dans la partie inférieure du laboratoire, et, comme celte partie supporte en même temps la charge de tout ce qui garnit le haut du four, cette double action de chaleur excessive et de pression contribuait beaucoup à détériorer le matériel, et même la porcelaine. Dans les nouveaux fours à flamme renversée, la cheminée et les carnaux qui Sont à la partie supérieure du laboratoire sont bou- chés pendant la cuisson, et le tirage se fait, au con- traire, par des carnaux qui sont en sous-sol, et qui envoient la flamme dans le globe, au moyen de cheminées placées dans l'épaisseur de la paroi du four et entre les alandiers. Dans ces condilions, la flamme, en sorlant du foyer, est dirigée par un massif et par sa tendance naturelle vers la voûte du four, où, ne trouvant pas d’issue, elle est obligée de redescendre dans les carnaux du sol qui font l'appel; elle fait donc dans le four un beaucoup plus long parcours, ce qui la rend plus efficace. Elle a encore l'avantage d'être répartie plus uni- formément, et enfin elle n'exerce plus l'action excessive sur le bas du four qui supporte la charge. C'est donc un grand progrès qu'ont réalisé les fours à flamme renversée, car aux améliorations qui viennent d'être indiquées, on peut encore ajouter que, par celte meilleure répartition de la flamme, ils ont permis d'augmenter les dimensions de ces appareils : on en construit maintenant qui ont 120 mètres cubes de capacité. $ 2. — Marche de la cuisson. La cuisson se fait en deux périodes. La première, dite pelil feu, a pour but de chauffer lentement l’intérieur du four, de facon à bien faire évaporer toute humidité provenant de la couverte, des calles ou fragments de gazettes, enduits de terre à gazelle humide, qui séparent et maintiennent les files de gazelles qui sont empilées dans le four. Après vingt-quatre ou trente heures d’un petit feu, qui correspond au rouge vif, on passe à la période de. grand feu, qui élève graduellement et régulière- ment la température jusqu'à 1.450° à 1.5507, Mal- heureusement, du reste, pour la cuisson de la por- celaine, on n'a pas encore adopté les nouveaux pyromèêtres de MM. Mesuré et Nouel, et de M. H. Le Chatelier, qui rendent de si grands services à d’autres industries. L'appréciation de la température se fait toujours par l’ancien procédé des montres, sortes de tasses fabriquées avec la même pâte et la même couverte que les pièces qui garnissent le four, et qu'on relire du feu de temps à autre, pour contrôler la marche de la cuisson. Les montres pyrométriques de Séger ne sont employées que dans un très petit nombre de fabriques. La cuisson des grands fours dure de soixante à soixante-dix heures en moyenne, et doit être con- duite de façon que l'atmosphère soit réductrice pendant la période de fusion de la couverte, sans quoi la porcelaine aurait une teinte jaune, qui se- rail produite par la peroxydation du fer. Après la cuisson, on laisse refroidir le four pen- dant vingt-quatre ou quarante-huit heures, et on procède au défournement, puis au choix de la por- celaine. Cette dernière opération a pour but de faire un triage suivant la réussite, en divisant par catégories les pièces plus ou moins défectueuses, qui sont classées en « premier choix », « deuxième choix », « inférieur », « bon rebut », « rebut ». C'est, du reste, la principale cause du prix de la porcelaine, car les pièces qui ont des défauts, petits ou grands, sont toujours relativement nom- breuses, et elles subissent, de ce fait, une dépré- cialion importante, qui augmente d'autant le prix de revient de la porcelaine de choix. D'autre part, il faut noter qu'en même temps que la fabrication de la porcelaine est plus difficile dans toutes ses parties, on est beaucoup plus exigeant pour celle poterie que pour toutes les autres, et la . : - © plus petite tache la fait repousser. Il faut tenir” compte, cependant, que, lorsque la tare se borne à une petite souillure, le plus souvent on l’enlève à la roue, et la pièce est utilisée pour le décor: on s'arrange de facon à faire recouvrir et à cacher le défaut, qui, en somme, ne présente aucun incon- vénient. Malgré Lous les avantages qu'offrent les grands fours à flamme renversée, il n'est pas certain que l'avenir n’est pas, au contraire, réservé aux fours de petite dimension, qui auraient une importante supériorilé sur les grands : 1° Pour étudier les différents genres de cuisson: 2° Pour essayer des composilions variées néces- silant une cuisson spéciale qu'il est impossible d'essayer dans des fours qui contiennent pour plusieurs milliers de francs de marchandises ; 3° Pour la cuisson des couleurs de four, qui n'auraient pas à supporter soixante ou soixante- dix heures de feu; 1° Pour obtenir des cuissons faites à volonté, soit en flamme oxydante, soit en flamme réduc- trice. Toutes ces questions sont intimement liées à l'avenir et aux améliorations de la porcelaine, et, par conséquent, plaident en faveur des petits fours. tenté sm re <> E. PEYRUSSON — L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS DE L'INDUSTRIE DE LA PORCELAINE 983 Mais, de plus, il n'est pas certain que ce ne sera pas avec ces pelits fours qu'on réalisera la plus grande économie dans la cuisson. Sans doute, plus un four est petit, plus il consomme proportionnel- lement de combustible; mais cet inconvénient serait largement compensé par la possibililé, avec les petits fours, de récupérer la chaleur perdue en l'ulilisant à chauffer un deuxième four dont la cuisson serait ensuite vite terminée. Ce serait, du reste, le genre de four qui permettrait d'employer les gazogènes de Benier, Taylor, Mendheim, Sie- mens et autres, utilisés déjà dans nombre d'indus- tries. i C'est en nous basant sur ces considérations que, dès 1886, lors de l'exposition qui eut lieu à cette époque à Limoges, nous avions fait metlre au con- cours celle question des petits fours, qui fut alors l'objet d'essais arrêtés au premier insuccès. Depuis, la question à été reprise par la maison Théodore Haviland, où on a construit une batterie de six petits fours destinés à marcher à feu continu en utilisant la chaleur perdue. Dans la même maison on construit actuellement un four au gaz, à feu continu, au sujet duquel i] serait prématuré de donner des renseignements. Mais on ne doit pas moins louer l'iniliative de celte maison, qui a déjà à son actif l'introduction des moufles à feu continu, et la féliciter de compenser ainsi avantageusement la prudence locale par les qualités de l'esprit américain. Il. — DÉcoRraTIoN. $ 1. — Procédés courants. La question de la décoration de la porcelaine est d'une importance capitale et mérite, comme on va le voir, la plus sérieuse atlention. On sait déjà que les couleurs qui servent à orner les porcelaines sont des couleurs minérales, for- mées d'oxydes et sels métalliques qui résistent à des températures élevées. C’est ainsi qu'on ob- lient : 1° Les bleus, avec des silicates, borates et alu- minates de cobalt; 2° Les verts, avec des silicales et borates de cuivre ou de l'oxyde de chrome ; 3° Les jaunes, avec de l'oxyde d'urane, de l’anti- moniate et des chromates de plomb ; 4 Les rouges, avec du peroxyde de fer; >" Les roses et rubis, avec du pourpre de Cassius modifié par du chlorure d'argent; 6° Les gris, avec du plaline divisé ou certains mélanges de couleurs ; 1° Les bruns et marrons, avec du manganèse en combinaisons variées; 8 Les noirs, avec de Liridium et avec des mé- langes de cobalt, fer, manganèse. Parmi ces composés, ceux de cuivre, antimoine, plomb, argent, ne peuvent être employés que pour la décoration au feu de moufle, car ces corps sont réduits et volatilisés au feu de four. Le pourpre de Cassius lui-même disparait en ne laissant qu'une faible teinte rose. On sait également que ces ma- tières colorantes peuvent être appliquées de deux façons différentes à la décoration de la porcelaine. D'après un premier procédé qui esl, on peut dire, à peu près le seul employé jusqu'à ce jour, ces composés colorés sont mélangés ou fondus avec ce qu'on appelle du fondant, qui n’est autre chose qu'une sorte de cristal de composition appropriée à chaque couleur. Ce fondant, très fusible, est des- tiné à produire l'adhérence de la matière colorante avec la porcelaine et à lui communiquer le vernis. Ces sortes de couleurs sont cuites dans des moufles à une température relativement basse (900 à 1.000) comparativement à celle de la cuisson de la porcelaine et de la fusion de la cou- verte, et il en résulle que cette dernière ne se laisse pas pénétrer par la couleur, qui semble sim- plement rapportée sur la porcelaine et n'acquiert pas ce fondu qui seul fait le charme de la décora- lion céramique. De plus, la couverte de la porce- laine a un coefficient de dilatation supérieur à celui des cristaux qui sont la base des couleurs de moufle et cette différence de dilatabilité les fait écailler et fendiller lorsque ces couleurs sont em- ployées un peu épaisses. Par conséquent, on ne peut les mettre en relief, comme les émaux chi- nois, par exemple, et on est obligé de les poser très minces, ce qui fait qu'elles glacent mal et qu'elles sont dépourvues de l'éclat que donne le vernis. Ce mode de décoralion de la porcelaine au feu de moufle présente d'autres inconvénients que le manque d'éclat, qui sont encore plus importants. Ces couleurs, composées de matière colorante incorporée à environ 8Ù Cle cristal, sont assez facilement altérables, lorsqu'elles sont euiles sur la porcelaine, et il en résulte qu'à l'usage elles ne tardent pas à être délériorées, ce qui défraichit singulièrement le décor el atténue, dans une forte proportion, les qualités de aureté et d'inallérabilité de celte poterie. On ne peut insister sur l'insalubrilé qui résulte de la présence du plomb dans le cristal qui sert de fondant aux couleurs, car les parties colorées sont toujours très méme réduites: mais, si le consommateur ne court, par ce fait, que peu de risques, il n'en est pas de même des ouvriers et ouvrières qui manipulent ces cou leurs, surtout à l'état de poudre sèche, lorsqu'il faut préparer les feuilles de chromo-lithographie qui 984 E. PEYRUSSON — L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS DE L'INDUSTRIE DE LA PORCELAINE constituent le mode de décoration de beaucoup le plus employé aujourd'hui. C’est, en effet, la poudre de ce cristal toujours très plombifère, qui sert de base aux fondants des couleurs de moufle, qui a occasionné et occasionne encore des cas de satur- nisme souvent mortels, assez fréquents chez les poudreuses. On risque d’absorber le plomb par les peintures, lesétamages, l’eau, ele., ete. ; et c’est un poison tellement actif qu'il importe de s’en préser- ver par tous les moyens, car nombre d'accidents qu'il provoque sont encore ral connus". Il est cependant un autre mode d'emploi des malières colorantes qui ne présente aucun des inconvénients signalés; ce mode consiste à mé- langer simplement ces oxydes et sels colorants avec de la pâte à porcelaine et à appliquer ces cou- leurs sur les pièces crues ou dégourdies et avant la mise en couverte, ce qui a fait donner à ce mode de décor le nom de décoration sous émail. Dans ce cas, le glacé est donné par la couverte qui recouvre la couleur, el, par conséquent, le décor possède les mêmes qualités de dureté et de salubrité que la porcelaine elle-même. Malheureusement, ce pro- cédé offre d’autres inconvénients qui en limitent considérablement l'emploi. D'abord, les matières colorantes qui résistent à la température du feu de four sont reslreintes à un très petit nombre ; de plus, ces malières ne donnent qu'une gamme de tons tristes et sombres qui, malgré la vogue des tons neutres, ne satisfont pas les artistes, et encore moins le publie ordinaire. En outre, dans la pra- tique, ce mode de décoration présente des difficul- tés qui le rendent presque impossible à employer industriellement: iloblige à opérer sur le dégourdi de la porcelaine, qui est d'une grande fragilité et, par conséquent, ne se prêle que très difficilement à l'emploi de moyens de décoration mécaniques, tels que l’impression, par exemple. De plus, la porosilé du dégourdi présente une grande difficulté de travail, qui n’est qu'alténute par des subter- fuges tels que l’engommage. Enfin, ce procédé com- porle lous les risques de la fabrication augmen- Lés d’un nouveau passage au globe. Aussi est-il très dispendieux, et, bien que connu et employé depuis 1848, il n’a jamais pu être appliqué qu'à la production de pièces d'exposition ou d'objets de grand luxe, et son avenir peut êlre considéré comme fermé. 4 Ayant eu malheureusement de nombreuses occasions de reconnaitre combien sont graves et fréquents les acci- dents occasionnés par ces couleurs, j'ai cherché à y remédier en supprimant complètementle plomb dans ces préparations et en le remplacant par du bismuth, qui est absolument inolflensif. Seulement il faut créer ainsi toute une palelte nouvelle et cela demande du temps, car il faut qu'elle soit aussi belle que la palette aux fondants à base de plomb, qui a été perfectionnée depuis plus d’un siècle. Cependant, j'es- pire qu'avant peu l'industrie pourra l’adopter. On ne doit pas, du reste, s'étonner du peu de vi- vacité qui caractérise ces pâtes colorées, lorsqu'on sait qu'elles sont composées, presque toutes, de simples mélanges de pâte avec les matières colo- rantes. Les quelques couvertes colorées obtenues de la façon la plus primitive par le mélange avec la couverte des oxydes et sels colorants, ne donne aussi que peu de tons el ne représente qu'une faible ressource pour la décoration sous forme de fonds unis ou ombrés par des reliefs ménagés dans la pâte !. La porcelaine dure a donc le gros défaut de pré- senter des difficultés spéciales à la décoration aussi bien au feu de moufle qu'au feu de four; et cetle imperfeclion du décor a une telle impor- tance qu'elle est une cause de dépréciation sérieuse de la porcelaine dure malgré toutes les qualités et toute la supériorité du blanc. Telle est la raison de la guerre que lui ont déclarée les ar- Listes, qui prélendent que la porcelaine dure est impossible à décorer et qu'il faut la changer en lat- tendrissant pour lui faire mieux accepter le décor. En effet, en abaissant la température de cuisson de quelques centaines de degrés, certains composés minéraux, comme ceux de cuivre, d'or, ele., peu- vent fournir des tons très éclatants; d’autres, qui sont décomposés au feu de four de porcelaine dure, résistent à une température inférieure; enfin, la couverte plus fusible permet l'incorporation des couleurs de moufle et la fusion intime de ces deux parties, fusion qui constituele principal charme dela décoration céramique. Au contraire, avec la porce- laine dure, la grande différence de fusibilité entre la couverte el la couleur fait qu'il ne se produit qu'une juxtaposition de ces deux parlies, juxtaposition sèche et sans agrément. L'importance du sujet ressort d'une façon évi- dente de ce qui se fait à la Manufacture de Sèvres depuis une quinzaine d'années, ainsi qu'à la fabrique royale de Prusse de Carlottemburg. Il faut bien, en effet, que cette question de décoration soit consi- dérée comme capitale, et les difficultés de décorer la porcelaine dure comme insurmontables, pour qu'on en soit arrivé à patronner l'abandon de cette porcelaine et à sacrifier même celte qualité de dureté qui, nous l'avons vu, est de première impor- tance et représente le plus grand mérite de notre 1 Si née , en effet, on se reporte aux formules qui ont été don- pour la pâte : 1 MO 3 AIO" 15 Si0*, et pour la couverte : MO AËO® 9à 10 Si0*, on comprend qu'en se bornant à ajouter des oxydes ou sels colorants à ces compositions, on obtiendra invariablement des silicates de tonalité régulière et généralement terne. à ste héé, E. PEYRUSSON — L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS DE L'INDUSTRIE DE LA PORCELAINE 985 produit national. Or, nul n'ignore que toutes les nouvelles porcelaines sorties de ces manufac- tures en ces dernières années, sont précisément dans ce cas. Elles présentent, sans doute, de grandes facilités de décoration, mais ellesont perdu la qualité de résister à l'acier, si bien que les inventeurs eux-mêmes ont dû renoncer à les subs- tituer à notre porcelaine dure pour les usages domestiques et qu'ils n’en préconisent l'emploi que restreint et limité aux articles de fantaisie. D'ail- leurs, depuis longtemps déjà, ces articles colorés ne se faisaient guère plus qu'en faïence, la porce- laine dure n'ayant pu rivaliser d'éclat avec les couleurs de poteries tendres. Mais, à ce sujet, il est un point qu'il faut établir : c'est le peu d'im- portance de la production des porcelaines d'orne- mentation comparativement à celle de la porce- laine usuelle. On évalue à 43 millions de francs la produclion totale de la porcelaine à Paris, en Limousin, dans le Berry, en Champagne et dansles quelques petites fabriques disséminéessur différents points de notre territoire. Or, on peut admettre que, sur cette somme, une très pelite partie seule- ment représente les articles de fantaisie, dont la fabrication — et c'est certainement un malheur — a été presque complètement abandonnée. Cest donc faire la part belle que d'admettre sur ce chiffre de 43 millions une proportion de 3 millions pour ces produits, alors que les 40 millions restant représentent la porcelaine appliquée aux objets usuels. Par conséquent, lorsqu'on s'inquiète uni- quement de l'amélioration de ces quelques articles spéciaux, en laissant complètement dans l'oubli la grande masse de la production, on est à côté de la vérité et surtout à côté de l’utilité. L'application la plusrationnelle et la plus impor- tante de la porcelaine dure est évidemment le ser- vice de table, la platerie, la toilette et autres objets d’un usage journalier, pour lesquels la porcelaine dure a une supériorité incontestable de propretéet de salubrité. Ces produits doivent être lavés, frottés chaque jour sans subir aucune altération, comme cela arrive trop facilement lorsque ces articles sont décorés avec des couleurs de moufle. Voilà Les objets qu'il faut trouver moyen de déco- rer en leur conservant toutes leurs qualités : tel est le problème qu'il faut résoudre et qui-présente un intérêt autrement important que celui de la pro- duction de quelques objets d’étagère ou de fantai- sie. Du reste, ce problème, une fois résolu, per- metlrait l'application de la décoration aux objets artistiques eux-mêmes. La question est donc extrè- mement importante et, s’il est possible d'indiquer une solution salisfaisante, on pourra excuser l’au- teur du présent article de parler ici de ses travaux personnels sur le sujet, travaux qui, bien que peu appliqués encore, ont été cependant consacrés par de nombreuses récompenses. $ 2. — Progrès à réaliser. Ce n’est pas, comme on le dit, la haute tempéra- ture de cuisson de la porcelaine qui détruit les tons vifs qu'on peut obtenir en combinant les oxydes et sels métalliques aux matériaux appropriés. Ces combinaisons sont d'ordre spécial et on peut s’en faire une idée nette d’après ce que produit l'oxyde de cobalt, qui est noir, mais qui, calciné avec de l’alumine, qui est blanche, donne du bleu; tandis qu'avec de la magnésie, également blanche, il donne du rose, et qu’enfin, avec de l’oxyde de zinc, blanc comme l'alumine et la magnésie, il produit du vert. L'oxyde de chrome est dans le mème cas, donnant du rose avec les bases ci-des- sus, des tons bruns avec d’autres, du vert-olive avec la silice, et enfin un très beau vert frais avec la glucine, ainsi que je l’ai démontré le premier. L'urane, le titane, le tungstène, le fer, le platine, le manganèse et nombre d’autres métaux fournis- sent des composés analogues, vifs de ton, et qui ne sont pas détruits par la chaleur, même à Ja tempé- ture des fours à porcelaine. Presque tous ces pro- duits, il est vrai, sont décomposés lorsqu'on les emploie à la décoration au feu de four par le pro- cédé habituel d'application us émail; mais cela tient d'abord à ce que ces matières colorantes sont simplement mélangées à de la pâte à porcelaine, suivant les formules connues, puis beaucoup à ce que ces produits, placés ainsi entre la pâte qui se ramollit et la couverte qui fond par-dessus, en les pénétrant, sont décomposés et transformés en silicates qui ont des tons ternes et dans lesquels les influences des bases incolores ont moins d'ac- tion sur la tonalité. J'ai donc pensé que, pour arriver à un résultat, il fallait changer la manière d’opérer et meltre les composés colorés à l'abri des influences de la pète et de la couverte. Pour alteindre ce but, il suffirait de placer les couleurs sur la porcelaine déjà cuite. Sans doute il ÿ aurait ainsi contact entre la couverte et la partie de la couleur qui serait appliquée dessus et même la pénétrerait; mais la partie supérieure resterait pure de tout mélange, et, dans ces conditions, on pourrait obtenir des produits très variés, très vifs, en faisant intervenir les composés nouveaux et en les engageant dans des combinaisons étudiées par des substitutions dans les formules de couvertes de composés de même fonction. Ces produits de- vaient avoir de plus la glaçure, la fusibilité et la dilatabilité voulues pour bien s'accorder avec la couverte sur laquelle iis devraient reposer et que même ils devraient pénétrer. Telles sont les bases eur lesquelles a été établie une palette de cou- 986 E. PEYRUSSON — L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS DE L'INDUSTRIE DE LA PORCELAINE leurs cuisant au feu de four et douées de beaucoup de fraicheur et de vivacité de ton. l Ce procédé présente encore d’autres avantages | qui ont fini par être reconnus et appréciés par certains fabricants. D'abord, en opérant ainsi sur la porcelaine déjà cuite, on supprime toutes les difficullés spéciales que présente la décoration sur le dégourdi et on peut utiliser les moyens et pro- cédés qu'on emploie habituellement pour le décor ordinaire au feu de moufle. De plus, on peut em- ployer la porcelaine d'un choix inférieur, par suite de taches qu'on dissimule sous le décor; on peut même sauver certaines pièces dont les défectuo- sités peuvent disparaitre par une seconde cuisson. Enfin, il est maintenant reconnu que les pièces décorées risquent beaucoup moins par ce procédé que lorsque la décoration est sous émail, attendu que cette porcelaine, déjà cuite et ayant déjà subi le retrait, n'éprouve plus d’altérations par une seconde cuisson. On a reproché à ce procédé d'’obliger à faire passer la porcelaine une seconde fois au four, mais on à fini par reconnaitre que cet inconvénient est insignifiant puisqu'il ne représente, en somme, qu'une très faible différence de dépense entre le coût d'une deuxième cuisson au four et le prix d’une cuisson au grand feu de moufle, et que les avan- lages qu'il présente dans l'application sont, au con- traire, considérables, Ce procédé de décor au feu de four, sur porcelaine déjà cuite, est, du reste, celui qui est employé pourles fonds bleu de Sèvres, mais il a élé jusqu'à ce jour à peu près limité à la production des fonds. À la Manufacture de Sèvres on a également employé, dans les mêmes condi- tions, un fonds écaille dont l'usage a été très limité. Mais la question qui se pose est celle de pouvoir faire la décoration polychrome avec netteté, et surtout avec éclal et vivacité de ton, puisque ce manque de tonalité est le principal reproche qu'on adresse à la décoration au feu de four, sur ou sous émail. Or, les couleurs, employées dans les condi- tions que je viens d'indiquer, sont douées, à un très haut degré, de cette qualité céramique qui pro- duit la sympathie du dessous et du dessus, puisque, pendant celte seconde cuisson, elles fondent avec el on peut dire dans la couverte. Avec cela on oblient des tons très vifs en jaune, rose, rouge- pourpré, bleu, vert, marron, brun, qui n’ont plus du tout le caractère triste qu'on reproche à la dé- | coration au feu de four. De plus, la pratique de ce genre de décor ne comporte aucune des difficultés de la décoralion sous émail. IL est done permis de déclarer que le problème de la décoration de la porcelaine dure au feu de four est complètement résolu industriellement par ce procédé, et cela non seulement sans attendrir la porcelaine, mais, au contraire, en employant des couleurs plus inalté- rables, ayant elles-mêmes toutes les qualités de la porcelaine dure et qui sont tout à fait comparables aux pierres précieuses, dont elles se rapprochent par leur composition, par leur dureté el leur inal- térabilité. Elles ont encore l'avantage de pouvoir cuire dans les fours au charbon et de très bien s'harmoniser avec le blanc éclatant de la porcelaine dure, ce que ne font pas les couleurs de moufle. Ce mode de décoration éprouve des difficultés à entrer dans la pratique surtout pour la raison sui- vante. Ces couleurs sont, on le comprend, essen- tiellement différentes des couleurs de moufle à base de fondants plombeux, en particulier au point de vue de la densité. Elles sont aussi beaucoup plus variées entre elles par leur composition à éléments très différents. Il en résulte qu'elles exigent un apprentissage spécial, ne fût-ce que pour apprendre à quelle épaisseur chacune d'elles demande à être employée. Or, ilest très difficile d'obtenir des dé- corateurs l'étude persévérante que cela comporte. On veut employer ces couleurs comme celles de moufle et on se laisse décourager si on ne réussit pas du premier coup. Pour la cuisson, on n’est pas habitué à cuire des couleurs dans les fours, et les enfourneurs auraient besoin d'apprendre à connaitre la place qui convient avec encore plus de soin que les moufleliers, qui opèrent dans des appareils cent fois plus petits. Tout cela exigerait de la volonté et de la persé- vérance, et comme ce mode de décoration n’est pas demandé par le publie, qui l'ignore, ainsi que tous les avantages qu'il présente par sa solidité, sa salu- brité, ele., le seul amour du progrès n’est pas suf- fisant pour faire soutenir l'effort qui serait nécessaire pour implanter dans la pralique ce mode de déco- ration. — C'est ce qui explique la réussite de ce genre de décor dans quelques maisons où les pa- trons ont pris la chose à cœur, comme dans les fabriques Boisbertrand, Theilloud et Dorat, et Alluand. Quelques autres cherchent à adopter ce système de décoration au moyen de la chromo- lithographie. Enfin, il est bien certain que c'est le mode de décoration de la porcelaine qui s'imposera et le seul auquel est réservé l'avenir, car il réalise le plus grand progrès. $ 3. — Dorure. La dorure sur la porcelaine dure est particuliè- rement belle et vibrante. Elle est obtenue de diverses facons qui donnent des résultats diffé- rents. Pour les articles communs, on emploie ce qu'on appelle l'or brillant, qui est une préparation à base de baume de soufre, dans laquelle l'or est incorporé, et qui est délayée dans des liquides dis- E. PEYRUSSON — L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS DE L'INDUSTRIE DE LA PORCELAINE 987 ‘solvants, comme l'essence de lavande, de façon à former une solulion sirupeuse à la consistance requise pour l'emploi. Cette solution, appliquée directement sur la porcelaine, est séchée et cuite au feu de moufle, après lequel la dorure sort brillante et sans autre préparation à subir. * Dans les autres procédés, l'or est employé à l'état métallique, en poudre, résullant d'une précipila- tion par réduclion, qui peut être produile par le sulfate ferreux ou par l’azolate mercureux. La | poudre obtenue est bien lavée, puis broyée à l'eau et à l'essence, et employée délayée à l'essence grasse comme à l'ordinaire. . Le sulfate ferreux donne un or plus dense qui, par conséquent, à l'application, est plus épais et produit une dorure plus solide, d'autant plus qu'elle exige un feu plus élevé pour cuire; mais, en revanche, avec elle une quantité d'or déter- minée ne permet de faire que beaucoup moins d'ouvrage (il {ire moins, suivant l'expression con- sacrée); aussi celte dorure est-elle notablement plus chère que la dorure ordinaire à l’azolate mer- cureux, de beaucoup la plus employée. Au moyen de la précipitation par l’azotale mer- cureux, le précipité d'or est plus ténu et, par con- séquent, permet de dorer une plus grande quantité d'objets avec une dose donnée d'or. Pour faire adhérer cet or à la porcelaine, on le mélange à de l’oxyde de bismuth, qui attaque très vivement les silicates de la couverle et produit l'adhérence. Cette dorure est donc très solide et on peut la brunir à l’agate au sortir des moufles, car elle est alors terne et mate, mais cette résistance au frotte- ment n'empêche pas l'humidité d’avoir une action très vive et, de ce fait, cette dorure n'est malheu- reusement pas résistante à l'usage. TROISIÈME PARTIE : CONDITIONS SCIENTIFIQUES, ÉCONOMIQUES ET SOCIALES DE LA PRODUCTION L'industrie de la porcelaine était restée à l'état primilif jusqu'à ces dernières années : l'extraction de la terre, sauf dans deux ou trois exploitations nouvelles, se fait encore de la façon la plus élémen- taire ainsi que la préparation des pâtes. Cependant, dans ces derniers temps, des modifications très grandes ont été apportées à la fabrication par le _faconnnage mécanique et par le coulage. Le perfec- tionnement des fours a aussi réalisé une améliora- lion notable et, enfin, l'application de la chromo- lithographie a effectué un progrès très important pour la décoration. Mais que de choses encore à faire! Quel champ pour l'initiative des fabricants, s'ils voulaient aller de l'avant, soit en particulier, soit collectivement, ce qui vaudrait encore mieux, au moyen de leur syndicat, s'ils voulaient faire vraiment des sacrifices pour l'étude de certaines questions ! C'est, en effet, par suile d’un faux raisonnement que, dans cette industrie, on compte sur la Manu- facture de Sèvres pour résoudre les problèmes industriels, car l'État ne peut entretenir, à ses frais, des manufactures de recherches pour les indus- tries. Celle de Sèvres a toujours eu pour but spé- cial de produire des objets d'art, pour maintenir le bon renom de l'industrie francaise, objets, du reste, qui servent à faire des cadeaux nationaux, indispensables sous tous les régimes. Mais, pour la porcelaine, — comme pour la faïence, la métallurgie, la verrerie, les tissus, tein- tures et toutes les industries, en somme, — il faut “que ce soient les manufacturiers eux-mêmes qui fassent les efforts dont, mieux que personne, du resle, ils devraient connaitre la direclion au point de vue de l'intérêt et de l'utilité. I. — RECHERCHES SUR LA PATE ET LA COUVERTE. Les recherches devraient avoir d'abord pour objet la composition de la pâle, qui se fait encore par le simple mélange de produits du sol, sans formule arrêtée, alors que cette composition devrait corres- pondre à une formule fixe. Si cette manière d’opé- rer à pu se maintenir, cela lient à la régularité de composilion des carrières dans lesquelles on extrait tous ces matériaux. Cependant, les travaux si re- marquables des Bischoff, Séger et H. Le Chatelier sur les argiles pourraient, dans l’industrie qui nous occupe, êlre appliqués avec avantage. On peut signaler une mesure très simple, qui améliorerait la fabrication d’une façon notable : ce serait de faire subir aux pâtes des modifications de composition en rapport avec les objets à fabri- quer, en faisant varier, par exemple, la proportion de l’alumine dans la formule donnée ci-dessus. Actuellement, on n’emploie dans les fabriques que deux sortes de pâtes : l’une, dite püte ordinaire, pour les objets courants, et l'autre, désignée sous le nom de pate blanche, destinée à la fabrication des objets de luxe; la différence entre ces deux pâtes réside surtout dans la blancheur et la pureté des matériaux qui les composent. Cependant, on faciliterait singulièrement la fabrication de cer- tains articles en modifiant dans les pâtes la fusibi- lité, la solidité et le retrait; et, comme exemple, on pourrait ainsi beaucoup aider à la production 988 E. PEYRUSSON — L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS DE L'INDUSTRIE DE LA PORCELAINE de la porcelaine architecturale, qu'on ne peut réussir avec les pâles ordinaires. Pour la couverte, il serait déplorable de dimi- nuer sa dureté, puisque nous avons vu que c'est la qualité qui représente la principale supériorité de la porcelaine française; mais on pourrail cepen- dant lui donner une glacure plus limpide et se rapprochant davantage de celle de l’ancienne por- celaine tendre de Sèvres. Il faudrait aussi lui donner une dilatabilité qui se rapprochàt de celle des couleurs et émaux de moufle, ce qui faciliterait l'application des émaux en épaisseur. Les travaux de MM. H. Le Chatelier et Emilio Damour sur la dilatabilité des pâtes et couvertes seraient d'un grand secours pour établir des com- posilions rationnelles. II. — EXAMEN PHYSIQUE ET CHIMIQUE DU COMBUSTIBLE. Le combustible devrait être étudié au point de vue de sa pureté (absence de pyrites) et à celui de son pouvoir calorifique, car, à l'heure actuelle, on achèle le charbon sans aucun contrôle, et c’est seu- lement par l'usage qu'on s'aperçoit de l'insuffisance ou des défauts d’une houille ou d’une briquette. Il y aurait la plus grande utilité à étudier les gazogènes déjà connus, ou même à provoquer des recherches dans cette voie, que nombre d'ingé- nieurs désirent aborder. On pourrait ainsi résoudre du même coup la question de la cuisson au gaz et celle de la cuisson à feu continu. Il serait pour la cuisson d’une très grande utilité d'employer les pyromètres, el en particulier celui de M. H. Le Chatelier, qui a fait ses preuves dans diverses industries, auxquelles il a rendu de très grands services, et qui permettrait, tout au moins, un contrôle de celte opération, qui est capilale dans la fabrication, et qui est actuellement com- plètement abandonnée à des enfourneurs qui n’ont d'autre guide que la pratique. Comme on le voit, c’est sur presque toutes les opérations que comporte la fabrication de la por- celaine qu’il y a des perfectionnements de grande importance à réaliser, et il importe qu'on se melte à l'œuvre sans retard, car il est impossible de con- tinuer la manière de faire acluelle. Il est tout à fait inadmissible, en effet, que les pâles et couvertes continuent à être préparées d’une façon aussi pri- milive, et que le fabricant de porcelaine ignore le plus souvent la composition des malériaux qu'il emploie, alors qu'il faudrait adapter la pâte aux objets à fabriquer. Il faut absolument que le con- trôle de la cuisson devienne plus sérieux et qu'on diminue l'énorme déperdilion de chaleur qui se fait acluellement, Toutes les autres industries du feu sont deve- nues scientifiques en adoplant les méthodes de. laboratoire pour réduire les pertes au minimum et pour assurer la régularité de leur fabrication ;. il faut que l’industrie de la porcelaine se décide à entrer dans celte voie, car, dans peu de temps, il pourrait être trop tard!. IIT. — RÔLE DU DESSIN. Au point de vue artistique, la porcelaine fran- çaise, malgré la défectuosilé de la décoration au feu de moufle, tient cependant une place hono- rable dans la Céramique appliquée aux objets usuels, gràce surtout à l'initiative de la maison Haviland, qui demande ses modèles de formes et de dessin à des artistes de grand mérite. Il est indispensable qu'on fasse des efforts sé- rieux pour réaliser tous les progrès possibles dans cette voie, car la nécessité où nous sommes de vendre plus cher que nos concurrents étrangers nous met dans l'obligation de produire meilleur ets plus beau. À Limoges, on a le grand avantage d’avoir une Ecole nationale d'Art décoratif, qui peut produire tous les sujets nécessaires comme modeleurs et comme dessinateurs. Malheureusement, les fabri-" cants l'ont, pour ainsi dire, en suspicion, et n’en tirent pas, à beaucoup près, tous les avantages qu'elle pourrait leur rendre. Envisageant la ques- lion à un point de vue trop terre à terre, ils vou- draient qu'elle fût une sorte d'école d’apprentis- sage où ils trouveraient des sujets dressés d'avance à l'entrainement commercial et pouvant leur rendre des services immédiats. Cependant, en examinants les choses avec impartialité, ils devraient com-« prendre que ce n’est pas le rôle d'une école de l'Étal; et, du reste, ils peuvent constater que presque tous ceux qui arrivent à s'imposer, comme chefs d'atelier ou comme sujets marquants, sortent de cette École, qui exerce ainsi une influence plus« heureuse et beaucoup plus étendue qu'on ne le dit M Grâce à elle, on aurait pu développer le côté artis= tique dans des conditions exceptionnelles, en fai" sant venir chaque année, rien que pendant un“ pelit nombre de jours, un des grands artistes dem l'École de Paris, qui.aurait pu être alternative-M ment un professeur d'Architecture, de seu ou de Peinture. Ces artistes pourraient, dans une série de conférences, donner, tour à tour, un en-« seignement très profitable à la généralité des fabri- | 1 Ce cri d'alarme ne paraitra pas exagéré lorsqu'on saura que, si on consultait les registres des cours de Chimie qui ont été professés à Limoges par différents professeurs, registres sur lesquels les auditeurs doivent se faire inscrire, on serait certainement étonné de la peine qu'on aurait à y trouver des noms de céramistes. E. PEYRUSSON — L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS DE L'INDUSTRIE DE LA PORCELAINE 989 cants, des directeurs, et même aux peintres ordi- naires, qui certainement les suivraient, si l'exemple leur était donné de haut. L'épreuve, nous le savons, a élé tentée, et même avec persévérance, de la part des Maïilres, car M. de la Roque, l’éminent archi- tecte, professeur à l’£eole d'Art décoratif de Paris, est venu faire, à plusieurs reprises, des confé- rences à Limoges, mais sans trouver le succès qu'il méritait, par suite de l'indifférence regret- table de ceux pour lesquels ces conférences avaient élé organisées. M. Léon Vidal, le très distingué el très dévoué vulgarisateur des différents procédés de reproduction mécanique, a également fait un cerlain nombre de lecons, mais il a dû y renon- cer, découragé par l'abandon des principaux inté- ressés. Il serait certainement dangereux, pour ceux-ci, de persister dans celte manière de faire, et les fabricants doivent se pénétrer de leur res- ponsabilité et des devoirs que leur impose la con- servalion d'une industrie qui est, on peut dire, la principale ressource du pays, et dont l'avenir inté- resse toute la population. Puisqu'il est malheureu- sement certain que le Limousin est, pour beaucoup de raisons, dans de mauvaises conditions écono- miques de production de la porcelaine, c’est bien le moins qu'on ne néglige pas les avantages qui peuvent servir de compersation, et au premier rang desquels il faut placer toutes les ressources que peut fournir l’£cole nationale d'Art décoratif, qui a, du reste, donné de nombreuses preuves de la qualité de son enseignement dans les concours el les expositions. Il est donc bien permis de re- gretler que des moyens d'action aussi précieux soient ainsi délaissés par ceux qui pourraient le mieux en proliter. IV. — SITUATION ÉCONOMIQUE. Les qualités de premier ordre qui constituent la supériorité de la porcelaine française sur tous les produits similaires devraient assurer le déve- loppement sans limite de celte fabrication et on pourrait avoir pleine confiance dans l'avenir de celte industrie s'il n'y avait pas lieu de s'inquiéter, à son sujet, de la crise sociale que nous traversons el qui menace de ruiner toute l'industrie française. Le péril auquel nous faisons allusion a déjà été exposé dans la /evue générale des Sciences à l'occa- sion des études publiées sur les différentes indus- La fabricalion de la porcelaine dure se trouve dans des conditions spéciales qu'il convient d'indiquer, les conséquences de la crise actuelle pouvant être particulièrement graves. Il faut, en elfet, évaluer à plus de la moilié de la production lexportalion de la Etats-Unis, à eux seuls, en absorbent plus d'un tries. porcelaine; les REVUE GENÉRALE DES SCIENCES, 1897. tiers, grâce à la marque Haviland. Or, nous nous trouvons, sur les marchés étrangers, en concur- rence avec des adversaires particulièrement redou - tables et auxquels on ne songe pas assez. Ce sont d’abord les Allemands qui, depuis 1870, nous font une guerre industrielle sans merci et qui produisent, en quantité considérable, une porce- laine un peu moins dure et moins belle, mais à des prix bien inférieurs, ce qui lui fait donner la préférence pour beaucoup d'articles. Mais nous sommes menacés d'un danger bien plus grand, dont on ne se préoccupe pas encore et qui, brusquement, demain, nous fera peut-être un tort considérable. Ce péril vient du Japon, qui est déjà entré dans la lutte industrielle avec une énergie remarquable el qui peut, très vite, nous supplanter, au moins sur les marchés d'Amérique. La Chine elle-même semble secouer sa torpeur et vouloir entrer dans la lice. Or, il faut tenir compte que, dans ces pays, lout est à bon marché et que les ouvriers, très habiles, travailient avec ardeur pour quelques sous par jour. Avec cela leur éducation artistique est extrêmement avan- cée, et, en Céramique, ils sont encore nos maitres pour certains procédés de fabrication. Ils com- mencent à s'occuper sérieusement des débouchés extérieurs, el il est évident que plus sera grande la différence entre leurs prix el les nôtres, plus vile supplanteront sur les marchés étrangers. Dans ces conditions il est certain que la division entre ceux qui devraient défendre cette magnifique industrie devient criminelle, d'autant plus que l’antagonisme aigu qui a été créé entre les patrons et les ouvriers porcelainiers pro- vient presque uniquement de dissenliments fac- N'y a-t-il pas lieu d'être étonné lorsqu'on voit avee quelle facilité on fait crier : ils nous lices. A bas le ca- pilal! et: À bas les patrons! par des ouvriers qui gagnent > ou 6 francs et plus par jour, alors que, sans ce capital et ces patrons, ils'seraient obligés d'aller travailler les champs dans des conditions bien inférieures? La chose semble encore plus ex- traordinaire lorsqu'il s'agit d'un produit comme la porcelaine, qui doit évidemment être classé parmi les objets de luxe dont la consommation serait vite arrèlée par la disparition des fortunes et le nivel- lement social qu’on réclame. Il ne saurait ici ètre question, on le comprend, de prendre parti dans un débat d'ordre politique ; c'est le seul souci de conserver cetle industrie au pays qui doit nous inspirer, car elle fait vivre, rien qu'en Limousin, plus de 20.000 personnes. A ce point de vue, de grands devoirs incombent tout particulièrement aux palrons : ce sont eux qui devraient toujours être les promoteurs des ré- formes justes. Ils auraient peut-être été mieux ins- y = + 990 E. PEYRUSSON — L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS DE L'INDUSTRIE DE LA PORCELAINE » pirés en n’altendant pas une grève pour accorder aux manœuvres une petite augmentation, qui n’a pas une grande importance, el qui est, en somme, assez justifiée, de même qu'il pourrait être avan- tageux de ne pas attendre une nouvelle crise pour régulariser certains tarifs de façonnage pour les- quels un ancien préjugé fait encore maintenir des différences choquantes. V. — CONDITIONS SOCIALES DU TRAVAIL. Mais les ouvriers se croient-ils justes et habiles en déclarant cette guerre acharaée aux patrons? Ne voient-ils pas qu'en somme, ces patrons, qu'on leur représente comme des parasiles, vivant de leur travail, ils pourraient, au contraire, les consi- dérer comme leurs employés à eux? Ne faut-il pas que ces patrons aillent chercher les commandes pour les occuper, assumant toute la responsa- bilité, obligés de veiller à tout et de tout diriger à leurs risques et périls, car ces bénéfices à propos desquels on leur débile tant d’exagérations, les pa- trons ne les ont que lorsque tout est payé et à la condition qu'ils soient en excédent, ce qui n’ar- rive pas toujours. Tel grand fabricant, très intelli- gent, très bon administrateur, fait de beaux inven- taires, mais c'est à la condition d’aller chercher au loin et de trouver de l'ouvrage pour ses ouvriers pour une somme de huit à dix fois supérieure à celle de ses bénéfices. Est-il donc raisonnable de considérer comme un parasite cet homme auquel on doit, dans une très grande mesure, le maintien de la fabrication de la porcelaine en Limousin? Et les ouvriers qui vivent de cette industrie et qui travaillent chez lui le croient-ils inutile et vou- draient-ils le voir remplacé par un de ces grands orateurs qui leur prèchent la guerre sociale et qui cachent leurs utopies sous des fleurs de rhéto- rique? Si les ouvriers sont déraisonnables dans l'établissement des prix de façon, ne voient-ils donc pas qu'en dehors du danger général que cela fait courir à l'avenir de l’industrie, il en résulte pour eux un risque immédiat de perdre leur travail? N'ont-ils donc pas compris que les difficultés avec les ou- vriers sont les causes qui déterminent le plus sûre- ment les patrons à s'outiller mécaniquement? Ne s'apercoivent-ils done pas que leurs exigences contribuent à donner une grande impulsion au coulage qui peut être pratiqué par le premier venu et qui permet de se passer d'eux ? Enfin, bien que cela puisse sembler une naïveté, on peut croire qu'il n’est pas inutile de leur expli- quer qu'en somme, lorsqu'ils entravent l'industrie par haine des patrons, ils en souffrent eux-mêmes bien plus que les fabricants dont les bénéfices ne sauraient être comparés à leurs salaires. Dans tous les cas, tout le monde devrait comprendre les dan- gers de celte situation, car il est impossible de défendre l’industrie sans l'union complète de ceux qui y travaillent comme producteurs où comme vendeurs.Ces derniers, en effet, ont absolument besoin de sécurité et de confiance dans le lende- main pour chercher des débouchés et prendre des commissions sans les restrictions qu'inspirent for- cément les menaces de grève. Sans doute, il faut que les patrons soient rai- sonnables de leur côté, et on doit pouvoir espérer qu'ils ne se solidariseraient pas avec celui d’entre eux qui voudrait exploiter les ouvriers. Mais ceux-ci devraient également comprendre que le rôle des patrons n’est pas aussi insignifiant qu'on le dit. Ils en ont un exemple absolument remarquatle dans ce qui se passe à la verrerie ouvrière d'Albi. N'est-il pas étrange, en effet, que le formidable effort qui à été fait pour cette entreprise n'ait pas abouti à un meilleur résultat? Toute celte force du prolélariat mise en mouvement, tous ces syndicats, toutes ces sociétés coopératives de consommation, toute cette puissance réunie n'a pas suffi à soutenir cette fabrique qui, cependant, est de petite impor- tance. Est-il sérieux d’accuser quelques mauvaises volontés d’avoir annihilé tous ces efforts et de se plaindre d’avoir rencontré de la concurrence, sur- tout lorsqu'il s'agit d'un produit pour lequel notre industrie se défend mal contre la concurrence belge? Est-ce que cela ne démontre pas lout ce qu'a à faire un patron placé dans les mêmes conditions et privé de tous ces concours? Cet exemple n'a-t-il pas fait aussi réfléchir les ouvriers sur l'obligation d'une règle dans la con- duite d’une affaire et l'impossibilité de laisser à chacun la liberté d'agir à sa guise, sans règlement? Enfin, l'intérêt général est le seul en jeu ici, ebsi les ouvriers pensent que les bénéfices de direction sont trop élevés, ils ont un moyen simple de les garder : c'est de fonder une coopérative de produc- tion, qui serait aussi facile à constituer pour la fabrication de la porcelaine que pour la verrerie, car on pourrait aisément trouver une fabrique à louer, et, avee la cuisson au charbon, il faut beau- coup moins de capilaux qu'à l'époque de l'associa- lion, où la cuisson se faisait au bois. En cas de succès en pelit, les ouvriers peuvent ètre certains que les capitalistes ne leur refuseraient pas leur argent, car Lous les gens de cœur applaudiraient à leur succès et, en somme, la seule chose qui im- porte, c'est que l'industrie ne se déplace pas el qu'elle continue d'assurer leurs salaires à tous les travailleurs qui vivent d'elle actuellement. E. Peyrusson, Professeur de Chimie industrielle à l'Ecole nationale d'Art décoratif de Limoges. ARMAND VIRÉ — LA FAUNE SOUTERRAINE L-] e = LA FAUNE SOUTERRAINE La faune souterraine n'a atliré que depuis peu de temps l'atlention des biologistes. Les anciens naturalistes semblent ne s’en être pas préoccupés. Cependant, en 1768, Laurenti, dans son Synopsis Reptilium emendata, décrivait un singulier animal trouvé par lui dans une grotte de Carniole, le Pro- Leus sanguineus, el signalait quelques-uns des carac- ières les plus remarquables de ce batracien. On sail aujourd'hui que ce Protée, une fois adapté à la vie cavernicole, paraît aveugle et tout décoloré : en réalité, ses yeux mais très réduits el ca- chés sous la peau: en outre, celle-ci, de noiràtre qu'elle était au jour, n'of- fre plus, après adaplation aux lé- nèbres, qu'une teinte blanc-rosé. Jusqu'à une date dont à peine trenteannéesnous séparent, c'est à des faits de cette sorte, passim el non co- ordonnés, que se bornèrent, en matière de faune souterraine, les observalions des zoologistes. Si quelques-uns, s'a- venturant parfois dans les cavernes, en rapporlaient des êtres curieux, l'intérêt qu'ils y attachaient élait surtout d'enrichir de sujets rares le groupe d'animaux dont ils faisaient collection. Des souterrains célèbres, notamment aux États- Unis, en Autriche et dans les Pyrénées, furent subsistent, recueillis dans ce but l'objet de fructueuses explorations; mais c'élaient là plaisirs d'amateurs isolés. L'in- térêt philosophique d'observations sur les orga- nismes cavernicoles n’apparut qu'après la victoire de Darwin, au moment où la doctrine transfor- miste, qui devait révolutionner les sciences natu- relles, commenca à se vulgariser. Depuis lors, beaucoup de bons esprits ont cher- Fig. 1. — Cascade extérieure de la grotte de Baume-les-Messieurs (Jura). ché à éclairer par l’élude de la faune souterraine le grand problème de l'adaptation des formes vivantes au milieu physique qui les entoure. On a reconnu, en effet, que beaucoup d'animaux décou- verts dans la profondeur des cavernes appartien- nent à des espèces représentées sous un tout autre aspect à la surface du sol, et l’on a pu, au moins en cerlains cas, suivre diverses phases de la trans- formalion que subissent peu à peu les générations à mesure que, s'é- loignant du grand jour, elles s'ac- commodent pro- gressivement à une obscurité croissante pourar- river à l'absence complète de lu- mière, Parmi les sa- vants qui, par leurs trouvailles, ont le plus préparé la voie aux études de ce genre, iül n’est que juste de ciler: Lucante, Lu- cas, Abeille de Per- rin, F. de Saulcy, Piochard dela Bru- lerie, Eugène Si- mon, Bédel et Mar- tel, pour la France: Packard, Tell- kampf, pour l'A- mérique;Schiôüdte, Schmidt et Jo- seph, pour l'Eu- rope Centrale. Et, quant aux zoologistes qui se sont livrés à l’obser- vation systématique des animaux cavernicoles en vue d’une étude d'ensemble sur l'influence du mi- lieu, il convient de citer surtout le regretté Georges Pouchet, M. R. Moniez, professeur à la Faculté de Médecine de Lille, et M. Ollo Hamann, professeur à l'Université d'Iéna. Nous nous sommes efforcé, pour notre part, d'apporter à la discussion du sujet quelques élé- ments nouveaux. Comme il n’est pas encore pos- sible de dégager des monographies publiées sur la question tout l'enseignement qu'elles compor- tent, on nous excusera si, dans l'exposé qui va 992 ARMAND VIRÉ — LA FAUNE SOUTERRAINE suivre, nous nous appuyons principalement sur nos travaux personnels !. Nous les avons faits sur- tout dans les catacombes de Paris?, dans quelques souterrains des environs, et dans des cavernes du Jura, du Plateau Central et des Pyrénées”. Aux animaux que nous avons trouvés, nous avons eu soin de comparer ceux qu'ont bien voulu rapporter à notre inlention, des cavernes du Plateau Central, M. le Professeur Lannelongue et M. Martel: de celles de l'Ardèche, M. le D' Raymond, et qu'a bien voulu étudier M. Argod Valon: du Lot, des Baléares et du Montserrat, l'intrépide spéléologiste M. Martel. I. — VARIÉTÉ DES HABITANTS DES CAVERNES. Lorsqu'on pénètre dans une grolle, on est sou- Fig. 2. — Entrée de la grotte de Baume-les-Messieurs (Juru). vent importuné, à l'entrée, par le vol des chauves- souris et des mouches; mais bientôt, pour peu que l’antre soit profond, on n'y aperçoit plus rien, et, — si l'on est poète, — il sémble qu'on s'aventure dans l« empire de la Mort ». Nul bruit autre que celui 1 M. Hamann a fait paraitre, l'an dernier, sur les ani- maux des cavernes, un travail considérable, à l'importance duquel il n'e-f que juste de rendre hommage (Eurnpaische Hôhlenfauna. Eine Darstellung der inden Hohlen Europes lebende Thierwelt, Tena, 1896). Malgré tout l'intérêt de cette savaute publication, nous ne lui ferons que peu d'emprunts, désirant nous en tenir le plus” possible aux laits que nous avons pu observer de nos yeux. 2 Quelques anis ont bien voulu m'aider dans l’exploralion minutieuse des catacombes de Paris. A l'étranger, MM. Ap- pelbeck (cavernes de la Bo:n'e); van Beneden (Belgique), Carpenter (Irlande): Gestro (Itilie), Parker, Rotler, Kraus, etc. # Ces recherches ont porté sur plusieurs régions en 1894, 1895, 1896 et 1897. Dans le Jura, je citerai les grottes de Baume-les-Messieurs (fig. 1 et 2), près Lons-le-Saunier, d'Ar- bois, des Nans, d'O:selles, des sources du Dessoubre, de de l’eau qui ruisselle et semble le murmure d'ane foule lointaine, nul mouvement ne viennent rap- peler l'agitation du dehors. Il ne faut cependant pas un examen bien long pour reconnaître que, là comme sur terre, la vie pullule : de nombreuses espèces animales s'y ébattent et s'y reproduisent, malgré une absolue etconstante obscurité. L'explo- rateur ne peut se défendre de cet étonnement naïf que les ténèbres qui ralentissent sa marche ne génent en rien les ébals des nombreux Staphylins qui courent sur le sol, la stratégie des Araignées qui, embusquées dans leurs toiles, guettent dans la nuit, du haut des voûtes, les Coléoptères, les petites mouches dont elles feront leur päture. Des Myriapodes, des Thysanoures aux formes élranges serpentent ou sautent cà et là : Iules et Fig. 3. — Intérieur de la grolte de Montmahoua (Jura). Polydesmides (fig. 4), rongeant quelque débris de bois, Podurelles semblables à de petites puces blanches, Campodes aux longues soies, Pseudo- scorpions (fig. 5), sont hôtes ordinaires de ces sombres demeures. Montmahoux (fig. 3), d'Arlay, ete.: dans le Plateau Central ut les Cévenne:, le beau Puits de Padirac, découvert par Martel, et qui va sans doute être rendu accessible aux tou- ristes cet été même, Dargilan, le Tindoul de la Vayssière, Bramabiau, Lautaret prés Vals-les-Bains, le Bois de Païolive, l'aven Armand, le plus beau goullre de France, découvert celle année même: dans les Pyrénées, Betharran, Labas- tide, ete.:; enfin les catacombes de Paris et les souterrains- refuges de Naours (Somme). J'adresserai ici mes remercie- ments à tous les collaborateurs qui mont aidé dans mes recherches : MM. Edmond Renauld, G. de Roton., Martel, Dr Raywond, Dr Chevrot, Küss, Guerillot, E. Parisot, L. Mez waio, abbé Danicourt, Campan, Ritler, Besques, Dollfus, E. Simon, E. Chevreux, Brôllmann, inc à ti mms.) the te ARMAND VIRÉ — LA FAUNE SOUTERRAINE 9£3 Non moins intense est la vie dans les eaux : si, parmi les cavernicoles, le nombre des espèces aqualiques est moindre, chacune est représentée par des mullitudes d'individus. De pàles Crevel- lines forment, en général, le fond de cette popula- tion; c'est plaisir de les voir ramper sur le côté au contact du roc ou s'élancer brasquement de la pro- fondeur à la surface du rivulet. À défaut des algues microscopiques dont elles se nourrissent quand ces menues plantes trouvent à se développer dans l'ar- gile du lit, les Crevettines dévorent les petits Ase/- lus blanés qui pullulent en certaines eaux, où ils vivent de Copépodes aveugles, qui,eux-mêmes, font leurs délices des Infusoires, en général très abon- dants dans les ruisseaux souterrains. . On-voil qe.ce sont les Invertébrés qui dominent dans les cavernes. Les Vertébrés n'y sont repré- sentés que bien rarement el seulement par leurs #1) Fig. #. — Polydesmide des soulerrains-refuges de Naours. — A, antennes: T, segment céphalique: P, poils tactiles. . ss .. . o ae (Longueur : 15 millimètres. formes inférieures : en Amérique, notamment, d’après Packard, dans les groltes du Kenlucky, de l'Indiana, de Californie et de Cuba, on a trouvé des poissons de petites dimensions, blanes et aveugles. Cette classe d'êtres n'est pas représentée dans les cavernes d'Europe. Elle exislerait, suivant le même auteur, dans quelques grottes d'Asie et d'Afrique. Dans une classe voisine, celle des Batraciens, on ne connait guère que deux c27ernicoles : une Cœæci- lie et le Protée de la Carniole, dont nous avons parlé au début de cet article et qui exislerait aussi en Crimée. Cette rareté des Vertébrés, celle absence com- plète des Vertébrés supérieurs dans les souterrains, s'explique sans doute par l'absence, en de telles demeures, de nourriture végétale. C'est seulement, en effet, au bord des grottes, non dans la profon- deur, que se montrent les plantes phanérogames et même les cryplogames vasculaires; si les spores de ces dernières, transporlées par les Insectes et les Myriapodes, germent parfois dans les cavernes, le développement du végétal ne s'y achève pas. La quantilé de matière nutritive ainsi offerte aux ani- maux cavernicoles est insignifiante. Les Champi- gnons mêmes ne trouvent pas, en ces parages, d'aliments suffisants pour évoluer : ils demeurent toujours rares dans les grottes, du moins à quelque distance de l'entrée. Ho] Cette extrème rarelé, souvent cette complète absence de nourriture végétale dans les souterrains posent au biologiste un problème bien curieux : celui du cycle de la vie dans les cavernes. Com- ment et par quels êtres se lrouve ramenée à l'acide carbonique, à l'ammoniaque el à l'eau la substance des animaux cavernicoles, et comment se fait, en l'absence de toute lumière et de chlorophylle, la synthèse de la malière organique? C'est là une Fig. 5. — Pseudo-scorpion des soulerrains du Muséum Ce Paris. — A, a, appendices buccaux: CA, chélicères : P, poils tactiles. (Longueur : 8 millimètres.) grosse question de philosophie naturelle, à la solu- tion de laguelle l'étude de la faune souterraine promel sans doule de contribuer. Il serait pré- maluré, disons même impossible, de l’aborder aujourd'hui. Pour celte raison, nous ne nous occu- perons, dans cette étude, que des animaux. Il est remarquable que ces habitants des sou- terrains, quel que soit le groupe zoologique au- quel ils se rapportent, présentent tous une sorte de physionomie commune : d'organismes cavernicoles. l’aspect sui generis Nous considérerons tout d'abord leurs caractères, puis nous les com- parerons aux formes intermédiaires exposées à des degrés divers d’obscurité. II. — CAVERNICOLES TOTALEMENT SOUSTRAITS A LA LUMIÈRE. En général, l'obscurilé produit la dépigmenta- tion de la peau, entraine la disparition des organes 994 ARMAND VIRÉ — LA FAUNE SOUTERRAINE de la vision, mais développe, au contraire, à un très haut degré certains sens, notamment le toucher. $ 1. — Coloration du tégument. La dépigmentation du système cutané, bien que très fréquen- te chez Îles cavernicoles , varie énormé- ment d'inten- sité suivant la classe d'êtres considérée, et lon ne peut même pas af- firmer qu'elle soit absolu- ment cons- tante. D'après M. Eug. Si- mon, l'un des plus sagaces observateurs des Arachni- des, ces ani- maux sem- blent conser- ver presque indéfiniment leur morpho- logie et leurs couleurs pen- dant des sé- ries de géné- ralions écou- lées dans l’obseurité (fig. 6) : les Arai- gnées des cham- bres intérieures des pyramides d'Égypte ne se sont, pour ainsi dire, pas modifiées dépuisl'époquedes Pharaons, et ce n'est que dans les extrème- ment anciennes grottes qu'on les trouve altérées par l’obs- curité. IL semble qu'il en soit de même, quoique à un moindre degré, des Myriapodes et des Coléop- tères. Parmi les Coléoptères de la belle collection des Insectes cavernicoles du Muséum, et parmi ceux que j'ai recueillis, je n’en ai point trouvé un seul qui fût décoloré complètement. Fig. 6.— Arachnide cavernicole (Ischyropsalis) du gouffre de Padirac (Lot). — Y, yeux; pig, cône chitineux; Ch, chélicères. (Longueur : 15 millimètres.) Fig. 7. — Nipharçqus Virei Chevr. des cavernes du Jura. — A, antennes: a, antennules; pa, pattes masticatrices et nageuses; br, pattes respira- toires ; app. abd., appendices abdominaux; cerci. (Longueur : 3 à 6 cent.) Chez tous les autres animaux, on peut dire que la coloralion de la peau est une très rare exception. La dépigmen- tation mani- feste une in- tensité extré- me chez Îles Crustacés : dans les cata- combes de Paris, dans les souter- rains pro- fonds, même dans de vieil- les caves, on trouve ces animaux tout décolorés. Si l'on s'en em- pare et qu'on les fasse vivre à la lumière, on constate leur retour partiel à leur ancien type. Ce relour est parfois d’une rapidilé sur- prenante : c'est ainsi qu'un amphi- pode, le Æi- pharqus Virei Che- vr. (fig. 7), espèce cavernicole com- plètementincolore, a manifesté sous mes yeux, après un mois d'exposition à la lumière, des re- pigmentations par- tielles. $ 2. — Vision. Il est rare qu'on ne découvre pas la trace de l'œil chez les cavernicoles le plussouvent l'œil existe chez ces anhnaux, mais très réduit et inca- pable de servir à la collection d'une impression lumineuse : il est décoloré, blanc, presque amor- phe; le nerf optique n'y existe presque plus, et il semble parfois que ce qui reste du système ner- ARMAND VIRÉ — LA FAUNE SOUTERRAINE 995 Leur cécité a pour compensation un développe- ment extraordinaire du tact. Non seulement ce sens possède, là où il existe, une remarquable veux ophlalmique ne soit plus destiné qu'à inner- } acuilé, mais un grand nombre d'organes particu- ver quelques points tactiles apparus à ja place de l'œil. La fonction vi- suelle est alors anéantie, et le tégument géné- ral recouvre complètement les derniers vestiges de’ ce qui, chez l'an- cêtre, avait été un œil vérita- ble. La cécité est absolue. On s'est demandé si, malgré cet état habituel, lescavernicoles aveugles se- raient pourtant capables d’être impressionnés par les rayons lumineux. Quelques ex- périences len- tées dans ce but ont semblé dé- celer une sorte de vague sen- sibilité à ces rayons. Mais probablement il s'agit là de sensibilité à la chaleur et non pas de percep- tion optique. Chez les caver- nicoles même pourvus d'un reste d'yeux, je n'ai jamais ob- servé de réac- tion bien marquée à la lumière, Malgré l'absence de vision, les cavernicoles vont Fig. 8. — Carabique de: grottes du Jura.— À, antennes; b, segments de l'antenne; Y, yeux décolorés, mais conservant encore leur morphologie externe; P, baguettes (Longueur : 12 millimètres.) tactiles roides; p, poils tactiles souples. \\ liers lui sont af- fectés : il étend son champ d’ac- tion à une gran- de partie, quel- quefois à la majeure partie du légument. L'antenne (fig. 8), organe du tact par excel- lance, voit aug- menter le nom- bre de ses arti- cles (b); sa lon- gueur et sa mo- bilité (fig. 7,8, 9,13, sont ainsi accrues et elle peuttàter à plus grande distan- ce et avec plus de sensibilité le sol el les parois des grottes. Mais, il ya plus: elle se couvre de nombreux poils tactiles, qui n'existent pas ou n’exis- tent que d’une facon rudimen- taire chez les espèces vivant à l'air libre. L'œillui-même, comme nous l'avons vu toul à l'heure, per- dant sa fonc- tion optique, se transforme en organe de lact! Toute la sur- face de l'animal (fig. 4,5,6,8,9, | 142, 13) se hérisse d'une infinilé de poils souples (p) | servant au toucher, et aussi de baguettes (P, fig. 8) $ 3. — Tact. | fines, mais roides, qui vibrent au moindre contact et dont la longueur égale parfois celle du corps el viennent et trouvent facilement leur chemin. | lui-même. De ce fait, une bestiole longue ou large de 996 ARMAND VIRÉ — LA FAUNE SOUTERRAINE un centimètre, par exem- frappe tout d'abord l'ob- ple,possède un champ lac- tile de deux centimètres derayon.Mais ce champ se trouve encore accru par suile de l'allongement, souvent considérable, que prennent les organes lo- comoteurs.Cettelongueur des membres donne, d’au- tre part, à l'animal, la pos- sibilité de parcourir très curieux que d'observer la course rapide de certains Thysanoures ou celle des rapport, l'un des caver- nicoles les mieux doués. blanc, aveugle, long de rapidement de grands es- 8 à 10 millimètres, mais nCest la cequi ex= Me è ‘OUV i pages Gest À à .. Fig. 9. — Campodea slaphylinus (figure schématique). — net de poils ÉHOSERE plique cette extrême agi- À, antennes: P, poils tactiles; FE, cerci ou appendices d'antennes et de fourches he , . : anaux; /p, fausses pattes ou vésicules exsertiles. (Lon- ; lité des cavernicoles qui 5 JP Cr BAD millimetres:) anales dont la longueur Fig. 41. Fig. 10. Fig. 12. Fig. 10. — Campodea slaphylinus du dehors (Bois de Meudon). Antennes et pattes courtes, cerci peu allongés. Fig. Al. — Cumpodea staphylinus du dehors. (Plate-bandes du Muséum.) — Il y a déjà exagération de la longueur des appendices du corps. Fig. 12, — Campodeastaphylinus souterrain, correspondant à la forme C. Cookei de Packard.—Antennes, paltes et cerciallongés”. 1 Noir Bullelin du Muséum d'Histoire naturelle, 1897, vo 3, page 85. Le Campodea staphyllinus Westroend et ses variétés cavernicoles, par Armand Viré. servateur. Rien de plus Campodes. Le Campodea staphylinus Westwood: (fig. 9 à 13) 1est,-sous ce C'est un petit Campode ——" ARMAND VIRÉ — LA FAUNE SOUTERRAINE * dépasse parfois celle du corps. Si l'on s'en ap- proche doucement, si l'on lient la bougie assez éloignée pour que la chalèur de la flunme ne l’affecte pas, on Je voit s'avan- cer avec pré- ‘caution, mou- voir ses an- tennes et ses fourches aller- nativement en haut et en bas, à droite et à gauche, et re- muer la tête comme pour prendrele vent. Si quelque cho- se leffraie, il fait le mort, puis, rien ne bougeant plus, il recommence le même ma- nège, tout d'un coup se préci- pite sur une proie à sa por- lée, champi- gnon où moi- “issure, s’en { $ 4. — Ouïe et odorat. En différents points du corps des cavernicoles, notamment sur les antennes et les antennules, on remarque des organites Ke spéciaux : ce % sont, d'une e) part, des poils extrémement mobiles, que les ondes so- nores font en- \ Le trer en vibra- À tion et quisem- * blent destinés à les colliger He MIO) PRES d'autre part, des bätonnels, dits olfaclifs, sortes de tiges grèles se ter- iinant en la- mes ovales et allongées (fig. Xe 15). À la base * de chacun de appareils D € ces saisit preste- * aboulit un fin ment, puis s'en ss ramuscule ner- “a avec (ran- 7 veux qui ne quillité, dans À laisse aucun une fente du Hem Campodea slaphylinus soulerrain, corres- 42 doute sur le sé qu see Eu AUD pee nn benne lan " rôle sensoriel L'abri d'un cail- | de la vie cavernicole. (Caverne de Dargilan, Lozère.) qui leur est im- ou, consom- parti. mer paisiblement le butin qu'il a fait. Se , Ë f cut EE ne) Fig. 14 Hie-115: is. 44. — Extrémilé de l'antennule de l'Asellus aqualicus aérien (d'après Leydig).— p, poils tactiles: A, A, batonnets olfactifs ; chit, enveloppe chitineuse: 7, nerf olfactif. Big. 15. — Bätlonnet olfactif de l'Asellus aqunlicus des ca- » tacombes de Paris. — tn, terminaison nerveuse à la base _de l'organe: gl, glomérules mobiles : chit, enveloppe chi- ineuse; à la partie supérieure, pore. Ces organes, rudimentaires chez les individus qui évoluent à la lumière (fig. 14), sont très développés chez les cavernicoles. Un coup d'œil sur les figu- FL en R/ us 1 ? À 7 Fig. 16. — Poil lactile de l'antennule de l'Asellus aquaticus des catacombes de Paris. D, base de l’antennule; B, tige des poils : p,p,p, poils tuctiles. res 14 et 17 permet de juger de ce contraste. Ces figures sont relatives à l'Asellus aquaticus, espèce que l’on rencontre à la fois dans les ruisseaux de 998 ARMAND VIRÉ — LA FAUNE SOUTERRAINE la surface du sol et de la profondeur des cavernes; la figure 14 représente, d’après Leydig, l'antennule du type aérien normal, la figure 17 celle d’un exemplaire que j'ai recueilli dans les catacombes de Paris. On voit que la première n'offre qu'à l'élat rudimentaire les organites auditifs et olfac- tifs, très développés sur la seconde. Le Stena- sellus caecus Dollfus, recueilli au Puits de Padirae, présente encore une exagéralion des mêmes phé- nomènes (fig. 18). Si accusés que soient parfois ces deux sortes d'organes, on ne doit cependant se prononcer qu'avec une extrème prudence sur leur fonction. Il est toujours délicat de préciser la sensation à la- quelle ils sont affectés, pour cette raison que les Fig. 17. — Asellus aqualicus des catacombes. — À gauche, antenne et antennule; D, premier segment de l'antenne; A, A, organes olfactifs de l'antennule; B, poils tactiles. — A droite, extrémité de l'antennule vue à un très fort gros- sissement. À, A’, bitonnets olfactifs: p, poils tactiles ; cn, cellules nerveuses; chil, enveloppe chitineuse. La figure 15 représente A’ plus grossi. perceptions des Invertébrés sont peut-être moins différenciées que les nôtres, incomparablement plus confuses, et peut-être aussi tout autres que celles que nous éprouvons. III. — FORMES DE TRANSITION. Le lecteur a déjà pu remarquer qu'à l’exceplion de l’Asellus dont j'ai parlé tout à l'heure, les ani- maux que nous avons jusqu'ici considérés sem- blent se rapporter à des espèces étrangères à la faune de la surface. Dès lors se pose ce problème : Ya-t-il des espèces cavernicoles, irréductibles aux espèces de la faune aérienne, du moins dans l’état acluel de l’évolution, ou bien tous les individus cavernicoles, quel que soit leur costume, se rap- porlent-ils à des espèces actuellement représen- | tées par des Lypes normaux à la surface du sol Ilest très difficile de donner à cette question une réponse univoque. On sait bien que quelques espèces aériennes ont, comme l'Asellus, des re- présentants dans les grottes, représentants très reconnaissables, quoique très modifiés par la vie à l'obscurité. Mais dès que l’on examine des animaux à type cavernicole accentué, aveugles, à corps blanc el à longs membres recouverts d’une forêt de poils tactiles, en un mot tout différents, quant à l'aspect et à la morphologie externe, des orga- nismes de la surface, il est de prime abord impos- sible de les rappor- : ter à une espèce | / connue. On leur à donc donné provi- | / soirement des noms spéciaux de genres et d'espèces. Mais il importe que ces noms ne fassent pas illusion ef ne nous empêchent pas de rechercher leur gé- néalogie. Ce raccord, si je puis dire, des es- pèces cavernicoles aux espèces acrien- nes peut, dans cer- tains cas, être éta- ; bli. Nous connais- Ë + sons, en effet, un Ne certain nombre d’In- vertébrés qui, habi- tant à la fois les cavernes naturelles exemples de toute lumière et les vieux souterrains artifi- ciels, constituent en quelque sorte une faune inter- médiaire entre celle de l'air libre et celle des grottes totalement sombres. Or,ces organismes nous offrent toute une série de transitions entre les types de la surface et ceux de la profondeur ; ils peuvent donc nous servir à relier les uns aux autres. Quand on poursuit une telle étude, on demeure parfois stupéfait d’être conduit, par une chaîne ininterrom- pue de modificalions croissantes, des espèces nor- males aux formes les plus aberrantes que la vie cavernicole ait réussi à façonner. Tous les entomologistes connaissent ces élégants Coléoptères de la faune superficielle qu'on appelle les /rechus. C'est un genre bien défini, bien connu, qui a ses caractères propres, et sur laulonomie et la délimitation duquel tous les spécialistes sont / N Fig. 18. — Poil tactile de l'anten- nule du Stenasellus cœcus Dal- Jus, du gouffre de Padirac (Lot). B, tige du poil; p,p, ramifica- tions du poil composé. Re ARMAND VIRÉ — LA FAUNE SOUTERRAINE 999 accord. Lorsqu'on commença à faire des recher- ches dans les cavernes, en particulier dans celles es Pyrénées, on y trouva une autre tribu de Co- éoptères, à caractères tout différents, — au moins e prime abord, —et qu'on nomma Anophthalmus. it venue à personne. Or, on a trouvé depuis des individus à caractères in- termédiaires, et lon a éussi à surprendre plu- sieurs phases principales des lentes modifications qui ont transformé les Trechus en Anophthalmus. Ceschangements,qu'on le remarque bien, ne s'o- pèrent pas en un jour: ce n'est pas dans le court es- pace de temps requis pour idée d'identifier ces Insectes aux Z'rechus ne se- : à \ venons de décrire : chez eux, en effet, l'œil, au lieu de commencer par s'alrophier, se fragmente pour se préparer à disparaitre (fig. 19). Je possède quelques exemplaires où cet organe n'est plus représenié que par un petit nombre de laches rougeâtres. Mais ces éléments sont insuffisants pour m'auloriser à décrire, d'une facon con- tinue, la marche du phé- nomène. Toutefois, nous en savons suffisamment l'allure pour pouvoir con- sidérer comme dérivés de la faune superficielle cer- lains Crustacés caverni- coles, dont nous ne con- naissons que l’état ultime d'adaptalion aux ténè- bres. Tel est le cas du Ai- pharqus Virei (fig. 49, à l'évolution de l'individu Fig- 19. — fransformalion de l'œil chez les animaux des gauche) que j'ai découvert se = ; cavernes. — Au milieu, Gammarus fluvialtilis ({ype : C qu'ils ont lieu; il leur aérien). L'œil est normal. — À droite, Gammarus (Ni- d'abord dans la grotte des > : pharqus puteanus), type des lieux sombres. L'œil est Snebocinréc CP] faut, ROUES accomplir, réduit à Lie taches rougeätres. — A gauche, Nipharqus Planches (LE d Arbois), toute une suile de géné- rations soumises à l'in- Virei, complétement adapté à L'œil n'existe plus. Il est remplacé par une glande. l'obscurité absolue. puis dans beaucoup de ca- vernes de la mème région, fluence croissante de l'obseurité. C’est en s'aceu- | et que M. Chevreux à bien voulu me dédier. Tout mulant constamment dans le même sens que ces changements deviennent perceptibles et arrivent enfin à transfigurer l'organisme. le corps de l'animal est blane; certains exemplaires | portent, à la base des antennes, de grosses laches | rouges, que j'ai d'abord été tenté de prendre pour Jeles ai suivis chez l'Anophthalmus Mayeti,espèce | des yeux, mais qui sont de nature glandulaire. très répandue dans la grotte de Saint- 4} Marcel - d'Ardèche. EN . Le début de la trans- formation est mar- qué par l'apparilion Koch, Plaleau, tous les explorateurs de la faune souterraine avaient autrefois commis même er- PE Clones reur au sujet du des poils tactiles. ormcique (Gammarus putea- Ces poils se déve- nus. L'histologie loppent peu à peu semble établir l’ab- à mesure que se pro- sence absolue d'œil longe l’évolution de à fonclion visuelle la race à l'abri de actuelle chez ces toute lumière. Long- animaux. Mais il est temps après l'appa- possible que les rilion des premiers Fig. 20. — Cæcospheroma Virei, Dallfus, enroul” en baule. (Longueur : points rouges qui, poils, l'œil, qui était noir, devient fuligi- neux, puis de plus en plus päle jusqu'à décolora- tion complète du globe oculaire; celui-ci diminue graduellement de volume et finit par disparaitre complètement. Mêmes phénomènes s'observent chez les Ca- rabiques, les Thysanoures, beaucoup d'autres Insectes et la plupart des Crustacés. Cependant, chez les Thysanoures et les Crustacés le processus de la destruction de l'œil diffère de celui que nous 3 millimètres). T, tète (constituée par le plus petit segment du corp=). chez quelques d'une espèce voisine, le Nipharqus puteanus, coïncident exemplaires avec l'emplacement ordinaire des yeux en repré- sentent, quant à l'anatomie, les derniers débris. Si, comme il est prohable, ces deux espèces viennent à être identifiées, ce sont les dernières étapes de la destruction de l'œil qu’elles nous per- meltront de saisir. [l serait à désirer que les z0olo- gisles s'allachassent à la recherche de ces formes | de transilion. 1000 J. MACHAT — LES RÉSULTATS DE LA MISSION LYONNAISE EN CHINE NO RS mn A CA EAN TC ONE El demander s'il n'y aurait pas chez certains d’entre Chose curieuse, les.« espèces » cavernicoles aqua- tiques, que l’on n’a pas pu jusqu'à présent rattacher à des espèces de la faune superficielle, semblent beaucoup moins éloignées des genres marins que des genres représentés dans nos fleuves et nos ruisseaux superficiels. C'est pourtant dans des eaux douces qu'elles habitent. Tel est le cas du genre Cæcosphæroma, qui à été créé en 1896 par M. Adrien Dollfus pour de curieux petits Crustacés (fig. 20) que j'ai recueillis dans la grotte de Baume- les-Messieurs, du Sfenasellus coecus Dollfus, que j'ai trouvé dans l'abime de Padirac, du Sphero- mides Raymondi, récolté par le D° Raymond dans les cavernes de l'Ardèche, et d'un sphacromien nouveau recu de la Côte-d'Or, et recueilli M. Galimard. On est en droit de se dexander d'où viennent ces animaux. Sont-ce des descendants des espèces que nous voyons autour de nous, telle- ment modifiés par le milieu des cavernes qu'on ne les reconnait plus? Ne seraient-ce pas des sortes de témoins d'espèces tertiaires ou qualernaires dispa- rues de notre faune subaérienne par suite des changements de climats, et restées semblables à elles-mêmes depuis les âges géologiques dans le milieu constant ou lentement modifié des cavernes? Problèmes non eucore résolus. par De plus, certains animaux, voisins des eaverni- coles, il est vrai, mais vivant à l'air libre, sont aveugles comme des cavernicoles, alors que dans les mèmes genres on lrouve de nombreuses espèces pourvues d'yeux. Il y a là un mélange, au moins apparent, des caraclères aériens et souterrains qui donne à réfléchir, un enchevêtrement de types qui n'est sans doute pas fortuit; l'on est amené à se | eux la trace d'un double phénomène : 1° Enfouissement du type normal dans cavernes et perte graduelle des caractères aériens! 2° Sortie des cavernes, récupération d'une partie des caractères aériens. Mais alors, pourquoi cette récupération ne serait- elle que partielle ? Comme on le voit, on se heurte à chaque pas, dans ces études relativement nou- velles, à des questions actuellement insolubles. Dans un ordre d'idées moins générales, bien d'autres queslions attendent encore une solution. Le temps nécessaire, par exemple, pour faire perdre à une espèce ses caractères du dehors et lui faire acquérir ses caractères d'espèce caverni-« cole, nous est totalement inconnu. | Les modifications observées sur le tube digesLifn de quelques Crustacés, les variations de taille entre les différents individus adultes d'une même espèce, sont autant de problèmes à résoudre. Il y aurait grand intérêt pour la philosophie naturelle à attaquer l'étude de ces questions par voie d'expérience. Aussi, l'éminent directeur du Muséum, M. A. Milne-Edwards, a-t-il récemment décidé la création, au Jardin des Plantes, d'un laboratoire affecté à l'expérimentation sur les cavernicoles et à l'examen histologique de ces ani- maux. Des grotles artificielles offrant divers degrés d'obscurilé sont actuellement disposées ou en voie d'aménagement, à l'effet d'y observer l'influence. qu'exerce sur les organismes de surface la raré- faction de la lumière, et le processus du retour des Lypes cavernicoles aux formes ordinaires de Ia faune superficielle. Armand Viré, Attaché au Muséum. LES RÉSULTATS DE LA MISSION LYONNAISE L'histoire générale de celle fin du xIx° sièele res- tera marquée, en même lemps que par le partage de l'Afrique, par la lutle des grandes nations eivi- lisées pour lexploitalion de la Chiüe, pays neuf, mais le plus peuplé et, vraisemblablement, le plus riche du monde. Cette lulte elle-même, chaque Jour plus aiguë, et si grosse de conséquences éco- nomiques, vient de provoquer, du côté français, un effort de l'initiative privée passé bien trop ina- percu parmi le vain retentissement des scandales qui se disputent chez nous l'attention publique. Une Mission de onze de nos concitoyens vient de en délail, pendant deux ans (sep- tembre 189%5-octobre 1897), l'Indo-Chine francaise parcourir EN CHINE et les provinces méridionales de Chine. Organisée, à l'instigalion de la Chambre de Commerce de Lyon, par les Chambres de Commerce de Lyon, Marseille, Bordeaux, Lille, Roubaix et Roanne, elle a procédé à une vaste et méthodique enquête, commerciale et scientifique, dont les principaux résultats, publiés par son admirable chef, M. Henri Brenier, sont de nature à éclairer les destinées de notre pays en Extrême-Orient ". 1H. Brenrer : Rapport général sur l'origine, les lravaux el Les conclusions de la Mission lyonnaise d'exploration com= merciale en Chine, Lyon, in-4°, 4897. — Les itinéraires pars courus par la Mission atteignent 16.000 kilomètres, dont 8.000 levés en coutrées inconnues ; 117 rapports spéciaux des différents membres sont annoncés J. MACHAT — LES RÉSULTATS DE LA MISSION LYONNAISE EN CHINE Il _ Sur l'Indo-Chine francaise elle-même, la Mission renier avait peu à découvrir, encore que ses membres aient réussi, sur beaucoup de points, à ixer notre conduite coloniale dans les parages de a mer de Chine (fig. 1). Tout d’abord, celte vérité déjà vieille a élé confirmée, que, de nos colonies 1001 la Chine, pourra se détourner vers la France et affranchir notre industrie du tribut payé à l'Italie et au Céleste-Empire. Les charbons de Hong-Kay et de Kébao, exportés dans la proportion de 100.000 tonnes, feront concurrence en Extrème- Orient à ceux du Japon et d'Australie, avant que les mines chinoises, très loin de la mer, soient abondamment exploitées. Des essais de culture du = 4 = À | = Æ 1 =: ——— FEES — SE = | | | ‘ : } ——— —} | SIGNES CONVENTIONNELS k Chemin de fer projeté..." | ze existant #0» Htinéraires de la NEssion | : En F 2 id flurriales… Lette re ] — : ; 0 me CE È Fig. 1.— Itinéraire de la Mission Lyonnaise dans la presqu'ile indo-chinoise. l'Orient, le Tonkin est ou deviendra la plus riche par son sol varié, son climat sain et l'abondante main-d'œuvre dont il est pourvu. Mais de grands efforts y sont encore nécessaires. La récolte du riz - y pourra être doublée par des irrigations dans le -sud du Della, et l'exportation de cette céréale pour a Chine, qui dépasse déjà 6.000 tonnes, augmen- era encore quand on la défendra contre l’agiotage. Les vers à soie, dont l'élevage est concentré aulour de Nam-Dinh, donnent 900.000 kilos de matière lextile, dont la vente, bien restreinte du côté de coton à Than-Hoa, du café, du tabac et du jute ont donné de bons résultats. Les bois enfin sont très riches. L'Annam peut voir s'accroitre sa prospérilé par des plantations nouvelles de thé, de café, de canne à sucre (exportation par Tourane, 8.000.000 francs), mais surloul par l'aménagement de ses forêts : magnifiques, qui donnent le caoutchouc, la canelle el plusieurs huiles végétales. Le pays, chaud et humide, du delta du Mékong (Cochinchine et Cambodge), où les limons et l'eau 1002 J. MACHAT — LES RÉSULTATS DE LA MISSION LYONNAISE EN CHINE se disputent le sol, deviendra de plus en plus le grand centre d'exportation du riz nécessaire aux populeuses provinces chinoises !; et l'on y a lenté avec succès, dans les parties sèches, la culture et l'utilisation industrielle du coton (usine Praire, à Pnom-Penh). Mais toutes les exportations de l'Indo-Chine fran- caise et certaines importalions, même venant de France, passent par le grand entrepôt anglais de Hong-Kong, parce que notre pays n’est pas suffi- samment relié à l'Indo-Chine, surtout n’a pas encore tiré parti de la situation privilégiée du Tonkin pour pénétrer directement en Chine par le sud-est. C'était, en effet, le but principal de la Mission Brenier, — heureusement atteint d'ailleurs, — que d'établir la valeur exacte du Tonkin, région vitale de notre [ndo-Chine, comme lieu de transit vers les provinces encore en partie fermées du sud-est de la Chine, surtout vers le Yun-Nan et le Kouang-Si. Le Song-Koï, navigable jusqu’à la ville chinoise de Man-Hao, est la voie directe de la mer au Yun-Nan, incomparablement plus courte et plus facile que le Mékong et la Salouen, dont le Prince Henri d'Or- léans a traversé naguère les vallées supérieures si tourmentées?; Man-Hao a été ouverte aux Français par un traité d'avril 1886, et le 20 juin 1897 nous avons obtenu la concession d’un chemin de fer de Man-Hao à Yun-Nan-Fou. Quant à la route tonki- noise vers le Kouang-Si, elle est consliluée par le chemin de fer déjà construit de Bac-Ninh à Lang- Son, qu'un traité de février 1896 nous a permis de prolonger jusqu'à Lan-Tchéou, ville ouverte du Kouang-Si, plus tard jusqu'à Nan-Ning-Fou. En concurrence avec ces deux chemins français, sont deux autres, moins naturellement aisés, plus longs en tous cas, dont les issues sont occupées par la Grande-Bretagne : installés à Mandalay (Birmanie) en 1885, les Anglais l'ont aussitôt reliée à Rangoun par des rails qui doublent l’Iraouaddy navigable, puis ils ont signé avec les Etats Chans et la Chine (4 février 1897) des traités leur permettant l’allon- gement de cette voie jusqu'à Bah-Mo et Ta-li-Fou (Yun-Nan); ils peuvent, d'autre part, par Hong- Kong et le Si-Kiang navigable, ou en organisant des portages de la ville ouverte de Pak-Koï (Kouang- Toung) à Nan-Ning, sur un affluent également pra- ticable du Si-Kiang, pousser leurs marchandises et leurs négociants jusqu'à Pé-Sé, dans le Kouang-Si. Or, la Mission Brenier a constaté qu'il faut nous hâter si nous ne voulons pas, malgré les avantages de la double voie du Tonkin, être devancés par nos 1 Exportation annuelle, 560.000 tonnes. ? Voir aussi les explorations sur le Mékong, de Doudart de Lagrée et Garnier (1866-1868), des Drs Harmand (1871), Néis (1883), de MM. de Lanessan, Monnier, Madrolle, et de nombreux officiers francais. rivaux sur les marchés du sud-est de la Chine Man-Hao est, sans doute, plus près de Yun-Nan Fou, et, en réalité, de la mer que Ta-i-Fou et mêm Pé-Sé!, Mais tels sont les droits généraux de tram sit par le Tonkin (jusqu'à 20 °/, ad valorem), qu déjà les cotonnades, lainages, huiles minérales d provenance britannique inondent le Kouang-Si e le Yun-Nan, et que le quart du commerce de Birmanie se fait avec la Chine. 11 faudrait au plu vite construire un chemin de fer le long du Song Koï, jusqu'à Lao-Kay, et réduire les droits?. IT Les provinces du sud-est de la Chine, Yun-Na et Kouang-Si, forment, avec le Koui-Tchéou et le Sé-Tehouan, un ensemble physique et économiqu de régions accessibles aussi par le Yang-Tsé-Kiang, qui est navigable jusqu'en amont de Tchouug-Kin (Sé-Tchouan) (fig. 2). La densité de population n'y est pas, en général, comparable à celle des opu lentes plaines qui entourent la presqu'ile de Chan= Toung (Kiang-Sou ou Fo-Kien):le sol ne s'y coms pose pas de fertiles alluvions; le climat y est plus dur; surtout, la mise en valeur, relardée par de récentes et horribles guerres civiles, n'y à guère dépassé l'agriculture. Mais déjà la concurrence la plus àäpre est engagée entre les Européens pour exploiter ces pays. Partie de Yun-Nan-Fou, la Mission Brenier, qui était allée établir son quartier général à Tchoung-King, à relevé le passage d’ex= ploraleurs japonais, allemands et anglais dans les contrées voisines. De toute cette Chine du sud-est, qui nourrit 66 millions d'habitants, les provinces voisines du Tonkin ne sont pas les plus riches. Le Yun-Nan à un climat salubre, mais un sol difficile, des ressources restreintes à l’opium, au charbon, au cuivre et à l'argent, une population de 9 millions d'âmes seulement sur une surface égale à la moitié de la France, et aucune agglomération urbaine très considérable en dehors de Yun-Nan-Fou (100.000 âmes). Le Koui-Tehéou avee ses 5 millions d'habi= Ltants, le Kouang-Si (7 millions) se trouvent à peu près dans les mêmes conditions; et une partie de ces provinces est déjà entrée, d’ailleurs, dans la sphère d'activité de Hong-Kong et Pak-Koï. Au moins pouvons-nous espérer nouer, à travers le Yun-Nan et le Koui-Tchéou, d’utiles rapports avec le riche Sé-Tchouan. Cette province, moins grande que Ja France. a plus de 40 millions d'habitants, avec des centres de plusieurs centaines de mille âmes, comme ! De Manhao à Yun-Nan-Fou, 11 jours, contre 22 de Pé-Sé et 28 de Bah-Mo au même endroit. 2 Voyez : Gasron Rouvige : Le Yun-Nan et les routes qui y mènent, Revue de Géographie, 1896. La =) y L) Jun-lir + Céofuartan f/158 à fe De otre AR so : ÿ Te PEA Per en [7 S EU AE à a yangfs ce aa À 2 EN: v-Hiai AE ee Nankin ù ee FHOUÉ I /: . . p É ES ges pNgan-Kin = Jared ; Ü u-T EE "Ain 4 A RS | : oitchedii fe ré Nän-Tcha ne: Tchané(=Cha : AN : e nee : e Cung-tehés < Ê Pao-hinff. É (a À FOU- LA F * Se - ñ x + + H = # Ar #e al”, Fe CA as Ÿ A\ AE # N D O - Ci il \]l il ru 100° Grapé par FE Borremans, 17, rue SÉSudpice- Parës. Fig. 2. au commerce européen SIGNES CONVENTIONNELS : Capitale de Province. * Ville de 1classe- © © o Æ © ‘ Douanes £ =» , Chemins de fer existants. projetés. HSE de la Mission —— /outes de terre et dermer emuus —— id. fluwials.) — Ilinéraire de la Mission Lyonnaise au Tonkin et en Chine. — Les villes soulignées d'un trait plein sont ouvertes ; les villes soulignées d’un trait interrompu sont le siège d'un résident francais. 100% Tchoung-King. Par ses terrains, de grasses allu- vions dans les vallées, par son climat même, elle se rapproche, surtout à l'est, des conditions des pays de la Chine orientale; mais aucun ne l'égale peut-êlre pour la variété, sinon pour l'abondance des produils, quoique la mise en valeur du sol y soit encore imparfaile. Elle a des forèis de bam- bous, un vaste bassin houiller, presque vierge en- core, de 250.000 kilomètres carrés, des mines de sel et de pétrole vers Tse-liou-Psin, de l'or dans les montagnes de l'ouest. D'immenses rizières, des plantations de müriers, de colza, de ramie, de cannes à sucre, de pavots, de colon, se voient par- tout, principalement dans la région, striée de rivières, de Tchen-Tou. Des industriels japonais et allemands y ont installé des filalures pour la soie. Les caravanes du Tibet y portent les laines, les pelleteries, le muse; par la voie du Yang-Tsé, sil- lonnée de jonques, le trafic, qui fournit la moilié de la soie vendue à Canton, dépasserail, d’après les douanes impériales, 50 millions de franes Le Hou-Pé et le Hou-Nan, également riches, sont les lieux de transit des produits du $e-tchouen, vers l'est, en particulier le Hou-Pé, où les parages des grandes villes contiguës de Han-kéou, Ou-tchang et Hanyang, sont un centre commercial et indus- triel (filatures, briques de thé), d’une densité d'ha- bitants exceptionnelle. Or, Tchung-King n'est pas plus loin d'Haïphong, par Lang-tchéou, que de Chang-Haï; et le commerce francais peut ainsi avoir des prétentions jusqu'au cœur de la Chine. Une croisière dans les mers de Chine, au cours de laquelle ont été vues Tien-Tsin, Pékin, Chang-Haï et Hong-Kong, a permis enfin à la Mission lyonnaise de compléter ses renseignements sur la géographie économique de l'Empire, sur son avenir et sur les positions respectives occupées par les rivaux quis'en disputent l'exploitation. Fait capital, cette exploita- tion commence seulement. Soit par ignorance de l'Europe, des Européens et de leurs marchandises, soit par manque de mise en valeur industrielle des ressources de leur pays, soit par défaut d'issues pour le trafic intérieur jusqu'à ces derniers temps”, soit par la faute d'enlraves multipliées au com- merce, comme l'odieuse complication de leurs douanes, leur apathie, leur hostilité envers les blanes, leur langue même, —les 360 millions de Chinois qui peuplent les provinces en dehors de la Mandchourie, du Gobi, du Turkestan et du Tibet semblent rester presque réfractaires encore à l’éta- blissement de rapports réguliers avec les Puissances civilisées. 1 Beaucoup de marchandises passent par les douanes pro- viaciales ou « likins ». 2 Les seuls chemins de fer chinois construits sont ceux J. MACHAT — LES RÉSULTATS DE LA MISSION LYONNAISE EN CHINE de Tien-Tsin à Pékin et à Chang-Haï-Kouen. C'est encore l'Angleterre qui, malgré la positior fausse où l’a placée sa duplicité pendant la guerre sino-japonaise, entretient le plus de commerce av la Chine: sur une importation de 202.590.000 taël 135.900.000 reviennent à la Grande-Bretagne el Hong-Kong, c'est-à-dire huit fois plus qu'aux Indes orientales où au Japon, établi maintenant à For mose (traité de Simonosaki, 17 avril 1895), et don la marine comuie l'industrie se développent si vile dix fois plus qu'aux Etats-Unis. Pour lexporlation Hong-Kong el l'Angleterre tiennent de même tôle, avec 65 millions de taëls, contre 11 environ pour le Japon, autant pour les Etats-Unis, et poux la Russie, qui vient d'obtenir la concession d'une voie ferrée de Nertchinsk à Vladivostok par Ja Mandchourie (août 1897) ?, et a établi en Corée une sorte de condominium avec le Japon. Le pavillon anglais reste plus fréquent dans les ports d l'Extrème-Orient, mème que le pavillon chinois Il est en tous cas plus répandu que celui des Alle mands devenus, en ces dernières années, malgré les Japonais et les Scandinaves, les « rouliers » de ces mers, avec leur nombreuse flotte de cargo boals, à laquelle ils viennent de donner, dans le baie de Kiao-Tchaou (Chan-Toung), un point d ravilaillement, définitif à ce qu'il semble. Il y a, enfin, en Chine même, 363 maisons de commerce anglaises, contre 99 allemandes, 87 japonaises €& 40 américaines. Malgré les efforts de ses soldats et de ses négo= ciants, la France n'a encore, au contraire, qu'un | rang des plus modestes parmi les clients de I Chine : nous importons dans ce pays pour 5 mil lions de francs environ (surtout des tissus de soie), et nous lui achetons de la soie, du thé et des peaux pour 80 millions. Nous avons pourtant de beaux alouls en main dans la grave partie engagée : la situalion de notre Indo-Chine, où le Tonkin consli- tue une base d'opération si solide, les traités men= tionnés plus haut, par lesquels la Chine nous & ouvert ses provinces du sud, et nous y a comme conduits par la main. Nos consuls sont installés à Muong-Tsé et à Tchoung-King, nos missionnaires de la Société des Missions Étrangères parcourent depuis longtemps, avec un inlassable courage, les pays impériaux du sud-est, el l'on à vu récemment, au passage de la Mission Brenier, une colonie de vingt-deux Français paisiblementréunie à Tchoung- King, dans une capitale où les Européens étaient, il y a quelques années encore, en perpétuel danger pour leur vie. Que l'on ne néglige pas, entin, la politique S ï Fr. 80. 2 Cette voie est destinée à remplacer le tronçon du Prans- sibérien par l'Oussouri et l'Amour. Voir sur celte question : | 1 Valeur moyenne du taël : » R. Pixox : Qui exploitera la Chine? Revue des Deur-Mondes 15 septembre 1897. \ ( 1 | LOUIS OLIVIER — LE MICROPHONOGRAPHE de notre alliée russe en Chine : cette politique est terrienne comme la nôtre, et s'appuie sur l'œuvre gigantesque commencée, en 1891, par la pose à Nladivostok des premiers rails du Transsibérien; dans quelques années, le Transsibérien sera relié à Pékin, et un syndicat franco-belge a obtenu la con- cession d'une ligne de Pékin à Han-Kéou. Ce ne sera pas un mince mérite pour les membres conscien- 1005 cieux et patriotes de la Mission Brenier d'avoir dé- montré par quels moyens nous devons avec énergie nous pousser dans l'intérieur de la Chine, en lais- sant le Japon, l'Angleterre et l'Allemagne s'en disputer les ports et la mise en valeur industrielle. J. Machat, Agrégé d'Histoire et de Géographie. LE MICROPHONOGRAPHE ET SES APPLICATIONS A L'ÉDUCATION DES SOURDS-MUETS, e Le 19 de ce mois a eu lieu, chez M. et M" Eugène Pereire, une séance scientifique consacrée à la des- cription et à l'essai d'un appareil tout nouveau, dont les applications semblent grosses de pro- messes pour un prochain avenir. L'instrument, appelé microphonographe, consiste en une combinaison du microphone et du phono- graphe. Il vient d'être inventé par M. F. Dussaud, docteur ès sciences, professeur de Physique à l'École de Mécanique de la ville de Genève. L'au- teur l’a imaginé dans l'espoir d'arriver à produire des sons particuliers, susceptibles d'exciter et, pour ainsi dire, d'amorcer le phénomène de l’au- dition chez les sourds. Ensuite, M. F. Dussaud, notre distingué collaborateur M. George F. Jau- bert, et M. Berthon, administrateur de la Société industrielle des Téléphones, ont combiné le micro- phonographe d’abord avec le téléphone, puis avec le cinématographe; ils sont ainsi arrivés, d'une part, à enregistrer à très grande distance les sons du téléphone, d'autre part à compléter, par la re- production des sons et de la parole, les scènes ani- mées que représente le cinématographe. Les résultats dès à présent obtenus offrent un haut intérêt. Ils ont été exposés pour la première fois, il y a douze jours, par M. le D' Laborde, M. le D: Gellé et M. Berthon devant un petit nombre de notabilités scientifiques, gracieusement réunies à cet effet chez M. et M"° Pereire. M. le D'° Laborde, membre de l'Académie de Mé- decine et chef des travaux physiologiques à la Faculté de Médecine de Paris, est venu dire les faits d'ordre physiologique qui ont conduit M. F. Dus- saud à penser qu'une amplification suffisante des ondes sonores par le microphone permettrait peut-être de réveiller chez les sourds et les sourds- muets, puis de développer chez eux, le sens de l’ouïe. En donnant à ces déhérités de la Nature la notion du son, il serait plus facile de leur faire REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897. A LA TÉLÉPHONIE ET A LA CINÉMATOGRAPHIE articuler nettement les mots que la lecture sur les lèvres (méthode visuelle de J. R. Pereire) leur apprend à prononcer. L'événement étant venu confirmer de la facon la plus éclatante cette prévision théorique, M. le D'Gellé, médecin auriste à la Salpêtrière, à indiqué les observations cliniques d'où ressort la possibi- lité d'introduire, au moyen du microphonographe, dans le cerveau des jeunes sourds-muets, la per- ceplion du son, et, comme conséquence, la ten- dance motrice à le répéter sous forme articulée, c'est-à-dire à parler. L'appareil Dussaud, duquel on attend cette révo- lution, ou mieux qui l’a déjà commencée, a été décrit ensuile par M. Berthon, qui a exposé aussi les résultats de l'accouplement du microphono- graphe avec le téléphone et le cinématographe. Après quoi, une série de très curieuses et très concluantes expériences ont été faites sur plusieurs adolescents choisis parmi les pensionnaires les plus sourds de l’Institution nationale des Sourds- Muets. I. — ConNFÉRENCE DE M. LE D' LABORDE. M. le D' Laborde a retracé, avec son éloquence habituelle, la vie de Jacob-Rodrigues Pereire, mort en 17179, arrière-grand-père du président actuel de la Compagnie générale Transatlantique, et auquel on doit la méthode du parler sur les lèvres, aujour- d'hui employée à l'éducation des sourds-muets. H a montré que le microphonographe est le complé- ment le plus précieux de cette méthode : la Phy- siologie nous enseigne, en effet, qu'il suffit de provoquer le fonctionnement du centre cérébral perceptif des sons et celui de ses annexes pour susciter le fonctionnement d’un autre centre, celui de la mémoire auditive, et donner du même coup l'impulsion à l'influx nerveux qui commande et 24** 1006 règle l'émission des sons articulés. Les deux centres cérébraux qui, amoindris chez le jeune sourd- muet au point de demeurer inactifs, menacent de s'atrophier de plus en plus chez lui, commencent, au contraire, à se régénérer dès qu'on parvient à les faire entrer en exercice, si bien que finalement ils arrivent à se reconstituer en partie. La fonction, disent les physiologistes, crée l'organe. M. Laborde a développé ces considérations en mettant sous les yeux de ses auditeurs le schéma de l'excitation des divers centres de substance grise de l'encéphale. Il a résumé, à ce sujet, les belles LOUIS OLIVIER — LE MICROPHONOGRAPHE l'entrée en fonction d’un nerf ou d’un centre per- ceptif dépend non seulement de l'intensité, mais aussi de la nature de l’excitant. Pour un même nerf, pour un même centre nerveux, la forme dela douleur, ce que l’on pourrait appeler la qualité de la douleur, varie suivant que l'excitation du nerf a lieu par pincement mécanique, brûlure, ou corro- sion au moyen d'un acide. De ce que la voix hu- maine et même les bruits ordinaires, ceux du mar- teau et de l'enclume, n’affectent pas tel sourd-muet, on ne saurait conclure à l'impossibilité de lui faire entendre des ondes sonores émises dans des condi- Fig. 1. — Expérience avec le microphonographe sur un sourd-muet âgé de quarante ans, qui n'avail jamais entendu ni un son musical niun son articulé et qui manifeste nettement la perceplion auditive de l'un et de l'autre. recherches expérimentales de Fitz et Hirtzig, Fer- rier, elc., les observations cliniques de Bouillaud, Broca, Charcot, etc., qui ont conduit à reconnaitre la spécificité fonctionnelle de chacun de ces centres ; les uns sont affectés à la perception d'un ordre particulier de sensations, d’autres à l'inscription, à la conservation, enfin à la coordination des images sonores, visuelles, tactiles, etc... Le processus du fonctionnement des centres cérébraux nous étant dévoilé, — du moins dans la mesure que nous ve- pèce, à trouver le moyen d'exciler soit le nerf | nons d'indiquer, — le problème se réduit, en l’es- | acoustique, soit le centre sensilif, engourdis et comme éleints chez le sourd-muet. Or, — et c’est de celle observation qu'est parti M. Dussaud, — tions différentes. Voilà pourquoi M. Dussaud à voulu créer un appareil qui produisit des sons par- ticuliers, susceptibles d'amplification presque indé- finie. Là est le secret de son succès. Le micropho- nographe ébranle, en effet, soit le nerf acoustique, soit le centre perceptif des sons chez des sourds- muets en qui ces organes, sans être compiètement détruits, étaient jusqu'à présent restés inerles. Ce résultat, dit, en terminant, M. Laborde, a Léauté, membre de l’Académie directeur de la Société industrielle des Téléphones, a entrepris de construire et de répandre l'appareil de M. Dussaud. paru si considérable que M. H. des Sciences et Plusieurs instruments, récemment sorlis des ate- liers de cette Société, ont déjà pu èlre éprouvés sous LOUIS OLIVIER — LE: la direction de M. Laborde et avec le concours de deux spécialistes ‘très autorisés : M: Debax, direc- teur, et M: Dubranle, censeur de l'Institution na- tionale des Sourds-Muets, à Paris; et ces praticiens se sont montrés chauds partisans de la nouvelle invention. II. — CoNFÉRENCE DE M, LE D' GELLÉ. M. le D' Gellé a fait observer que le microphono- graphe permet de répéter indéfiniment un même son avec la même intensité, la même hauteur et le mêmé timbre: C'est là‘un grand avantage lorsqu'il s'agit d'in!ro- duire un son dans la mé- moire et del'y fixer. Mais l'appareil se prête aussi à la production de sons variés, graves ou aigus, fai- bles ou inten- de que l'opéra- teur peut, par tâätonnement, arriver à {rou- ver celui qui impressionne le plus le sujet très ses, sorle enexpérience. C'estàaces qua- lités que M. Gellé à attri- .. Fig. bué les résul- tats auxquels à il est parvenu en appliquant l'instrument, au traite- ment de plusieurs enfants en bas âgé qui étaient complètement sourds et, par conséquent, muets. Il:a constaté, dans ces circonstances, ‘le: réveil non seulement de l'’ouïe, mais encore de. foyers connexes de ceux où les sensations auditives sont perçues et enregistrées. Il a été frappé, en’ouùtre, de l'excitation consécutive du centre de Broca, exeilation précieuse entre toutes, qui se mañi- festa, chez un enfant très intelligent, par des tén- tatives pour imiter les mouvements. de la bouche qui parle: et reproduire la sensation sonore. Chez un petit enfant de quatrième lecon les sons furent percus et les inter- trois ans et. demi, dès: la valles de silence nettement distingués. Le mot « papa :, prononcé d'abord d'une voix sourde et rauque par le bébé, sortit large et bien timbré 2, — Sourd-muet eñntendant pour la première fois, au moÿen du microphono- graphe, un chant (la Marseillaise) el battant spontanément la mesure. MICROPHONOGRAPHE 1007 après qu'on l'eût, en plusieurs séances, répété avec le mordant les nuances qgraduées, les forte, les piano_qui exercent l'appareil auditif, l'assouplis- senl'et sollicitént l'attention du sourd. Depuis lors, la mère de cel enfant remarque qu'ilrecherche la source des bruits, répond à l'appel: de-sonenom, que lui:nrème ne prononce pas encore; quoique mé sourd,:il dit maintenant très bien le mot « papa», que le D' Gellé a conseillé de répéter souvent à son dreille au moyen du microphonographe;, en ayant soin de désigner en même lemps le -pèré, pour apprendre au bébé le sens du mot. L'enfant re= connait maintenant ce mot, il le reproduit, il le comprend ; c'est l'excita- tion de l'ouie qui a fait cela. Seuls, en effet, le chemin de l'oreille, l’ex- citation acous- üque condui- sent à un (el résullat : ce sont les voies naturelles de la dynamogé- nie cérébrale. On sait que, pour porter ses fruits, Lou- te méthode d'éducation exigé un exer- ré cice prolon mais meure surpris: de l'avance considérable ( T on de- — cinq ans ‘au moins — que l'emploi du micro- phonbgraphe peut donner. C'est:là un gain impor- lant, Si l’on veut: bienconsidérer que l'organe qui ne fonctionne pas estsfatalement condamné à s'af- faiblie de plus en plus: L'adjonction de la nouvelle méthode à celle de J.-R. Pereire offre donc sur cette dernière employée seule une évidente supériorité. M. Gellé conclut que: 1° Zes exercices acoustiques au moyen du micro- phonographe à endent possible l'éducation des sourds- muets des la plus tendre enfance; -29 L'excitation du nerf auditif et des foyers ner- veux de l'ouie manifeste Su supéi iorilé sur tout autre prôcédé«d'éducation, parce qu'elle suit les voies nalu- relles du développem vit de la faculté du langage el conduit directement et à ressusciler l'audition et à pro- voqut Tr l'émission de lu parole. 1008 III. — CoNFÉRENCE DE M. BERTHON. M. Berthon a ensuite décrit le microphono- graphe et indiqué les résultats qu'on obtient en l’associant au téléphone et au cinématographe. Le microphonographe est un répétilewr de sons (partie gauche de la fig. 3), constitué par un tam- bour phonographique qui actionne, par l'entremise d'un style, un microphone. Si, après avoir par la parole impressionné, suivant le procédé ordinaire, la surface sensible de ce tambour, on le fait tour- ner autour de son axe, le son qu'il émettait dans les conditions de reproduction usuelles, se trouve LOUIS OLIVIER — LE MICROPHONOGRAPHE puissant mécanisme d'horlogerie où par une ma- chine dynamo-électrique. Dès que le courant ve- nant du microphone actionne l’électro-aimant du : téléphone, la plaque vibrante de celui-ci entre en vibration, et le style fixé au centre de la plaque grave en conséquence la surface de cire. Cette disposition permet d'enregistrer, avec une parfaite netteté, des sons même très faibles, tels que ceux de la parole chuchotée ou les bruits de la respiration humaine. Répétant et variant les expériences de cette sorte faites par M. Dussaud, M. George F. Jaubert est arrivé, au moyen d’un microphone de son invention {modification du type Répétiteur des sons. Enregistreur des sons. Fig. 3. — Expérience de télémicrophonographie entre Paris el Lille. — Répélileur des sons : ABC, rouleau de cire; G, axe, du phonographe, autour duquel tourne le rouleau de cire; D, microphone; E, levier de manœuvre pour abaisser le microphone; H, axe autour duquel se déplace le microphone; IK, fils émanés des pôles du microphone. — Enregis- treur des sons : T, téléphone; P, plaque vibrante du téléphone portant un style inscripteur; MNO, surface de cire: R, axe du phonographe; S, axe autour duquel se déplace le téléphone. considérablement amplifié (ou restitué avec un | de Hugues), à inscrire les rythmes de la marche de meilleur rendement) grâce au microphone qui le recueille et le transmet à un récepteur télépho- nique. C'est ce téléphone que lon place contre l'oreille du sourd. Si, laissant maintenant de côté celte application à la guérison de la surdi-mutité, nous essayons de nous servir du microphonographe pour trans- mettre les sons à grande distance et avec une intensité inusitée, il nous suffira, pour réussir, d'envoyer le courant du microphone dans un appa- reil approprié. Cet appareil, nommé enregistreur des sons (partie droite de la fig. 3), est une sorte de téléphone, dont l'électro-aimant commande un burin qui grave un cylindre de cire analogue à celui du phonographe. Ge cylindre est mû par un plusieurs insectes, marche caractérisée par les cadences les plus bizarres et les plus diverses. Peut-être ces infimes bestioles trouvent-elles dans ce rythme des sensations agréables ; on se laisse aller à songer qu’en leurs longs et savants défilés les fourmis observent probablement une cadence analogue à celle qui règle notre pas militaire. L'hypothèse n'étant pas actuellement susceptible de vérification, tenons-nous-en strictement aux faits, et voyons tout ce que déjà nous pouvons tirer des appareils jusqu'à présent construits. Con- sidérons à cet effet les résultats qu'on obtient à très grande distance du lieu d'émission du son en reliant, par un simple fil téléphonique, le répétitewr (microphonographe) à l'enregisteur (récepteur). LOUIS OLIVIER — LE MICROPHONOGRAPHE 1009 Cette association des deux appareils constitue le télémicrophonographe (fig. 3), dû à la collaboration de MM. Berthon, Dussaud et Jaubert. Elle permet d'expédier un message téléphonique très loin du point de départ et de l'enregistrer automatiquement au poste d'arrivée. Cette inscription est précieuse, car, se conservant indéfiriment, l'empreinte donne la possibilité de reproduire le message autant de fois qu'on le désire. Le destinataire est-il absent quand le message arrive, peu imporle puisque, dès qu'il rentrera, il lui sera facile d'en prendre connaissance. g Le système a été essayé le 6 octobre dernier, sur petite échelle, en présence de M. Boucher, ministre de l'Industrie et du Commerce. Tel a été le résultat, que, le 21 novembre, on l'a établi entre Paris et Lille (distance : 250 kilomètres). On a pu, purlant, à Paris, devant le répétiteur des sons, envoyer par fil téléphonique un message qui s'est inscrit lout seul au poste récepteur à Lille. Ré- ponse a été donnée de la même facon, de Lille à Paris. Actuellement les deux phonogrammes nous permettent de restituer, quand bon nous semble, les deux conversations. On voit, sans qu'il soil besoin d'y insister, toute l'importance de l’inven- Lion : en cas de contestation sur les conversations échangées, il suffit de produire les deux phono- grammes pour rétablir exactement ce qui s’est dit. Mais, ce n’est pas encore tout ce que le micro- phonographe peut donner. M. Eugène Péreire et M. George F. Jaubert ont eu l’idée de le combiner avec le cinématographe. En réalisant cette asso- ciation, MM. Berthon, Dussaud et Jaubert ont créé un appareil extraordinaire, le cinémicrophono- graphe, qui vient enfin nous donner cette sensa- lion, — pressentie et attendue du publie, — d’un accord complet entre les gestes et les paroles des acteurs que nous montre le cinématographe. Il ne manque plus que les couleurs pour qu'il y ait iden- tité apparente, confusion absolue entre la scène vécue et la scène reproduite. Qu'on le remarque bien, il s’agit là d’un résultat déjà acquis. Le cinémicrophonographe représente — non pas un mythe en suspension dans l'imagi- nation des chercheurs, — mais bien une réalilé vivante, agissante et parlante. Il existe et fonc- lionne de la facon que nous venons de dire dans les ateliers de la Société industrielle des Télé- phones, où bientôt tout Paris, après nos lecteurs, pourra le voir et l'entendre. Désireux de surpasser en 1900 le panorama fameux que Poilpot avait affecté, en 1889, à l'Ex- position de la Compagnie générale Transatlantique, M. Eugène Pereire se propose d’édilier un pavillon où se dérouleront, d'une façon saisissante pour l'ouie et la vue, les principaux événements dont les grands navires sont le théâtre. On verra le port de la Joliette à Marseille, le bateau levant l'ancre, et l'on entendra en même temps les conversations des badauds assistant au démarrage du paquebot, les adieux des passagers, le cri déchirant de la sirène annonçant le moment du départ. Dans d'autres scènes, on représentera la vie à bord, la salle des machines avec leur bruit strident, la passerelle du capitaine, dont on entendra les ordres, l'effort et le chant des matelots hissant l'ancre au cabestan, le grincement de la chaine sur les galets, etc., etc. On montrera non seu- lement nos principaux ports, Marseille, le Havre, Bordeaux, Saint-Nazaire, les appontements de Pauillac, où s'embarquent les troupes pour Ma- dagascar, mais aussi les ports éloignés des pays d'outre-mer, où vont les navires de la Compagnie. On montrera Fort-de-France, où les grands pa- quebots font du charbon; non seulement on y verra les négresses portant sur leur tête les lourds pa- niers d'osier chargés du précieux combustible, mais on entendra de temps en temps la cadence de leur chant bizarre, etc., etc. Dans la même séance, les touristes des voyages d'étude de la Revue générale des Sciences pourront se recon- naître, se voir et s'entendre, refaisant la croisière qui aura immédiatement précédé l'ouverture de l'Exposition. L'accomplissement de ce programme est confié par la Compagnie générale Transatlantique aux trois créateurs du cinémicrophonographe : MM. Ber- thon, Dussaud et Jaubert. Louis Olivier. 1010 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques Cranz (Carl), Professeur de Physique à l'Ecole Réale supérieure de Stuttgard. — Compendium der theore- tischen ausseren Ballistik. — {| vol. in-8° de 512 pages avec 110 figures. (Prix : 25 fr.) B.-G. Teubner, éditeur. Leipzig, 1897. L'auteur de cet ouvrage n’est ni physicien de métier, ni manifestement sis il n'a fait d'expériences personnelles ni sur la balistique de laboratoire, ni sur le champ de tir. En revanche, il a lu tout ce qui a trait à son sujet dans toutes les langues, et en donne un résumé fort bien fait. On ne cherchera pas, dans son ouvrage, des idées très nouvelles ou des faits inédits, comme dans l’œuvre d’un balisticien militant; mais on sera à peu près cerlain que toutes les expériences de quelque intérêt y sont consignées, et que chacune occupe un espace proportionné à son importance. Ce Compendium est, d’ailleurs, aussi attrayant que puisse l'être un ouvrage essentiellement documentaire. Il débute par un court aperçu partant de Tartaglia, pour aboutir aux plus modernes balisticiens. On ne retrouvera plus, au cours de l'ouvrage, que ceux dont les travaux ont encore un rapport assez intime avec la balistique actuelle. Tartaglia fut peut-être le premier expérimentateur en balistique. Il établit la relation entre l'angle d’élévation et la portée maxima, et, après avoir erré quelques années sur la forme de la trajec- toire, déclara, contrairement aux idées admises, que cette ligne s'écarte d'une droite dès le point de départ. Il était réservé à Galilée de montrer que la trajectoire d'un projectile est parabolique. Newton, Bernouilli, Euler développèrent successivement les calculs relatifs à la résistance de l'air, et tracèrent à la balistique sa vraie voie. C'est de là que part l’auteur pour donner, dans les premiers chapitres, les notions élémentaires sur la tra- jectoire dans le vide et dans l'air, en même temps qu'un résumé très complet des expériences de toutes sortes sur la résistance de l’air. Dès lors, le problème n'apparaît plus sous une forme simple : nous voyons la loi de la résistance de l'air représentée par des formules multiples, et l'équation de la trajectoire revêtir autant de formes diverses. On ne cherchera plus à donner, d'un seul coup, la solution complète de tous les problèmes balistiques, mais on aura recours aux méthodes approchées de Didion et de la célèbre Commission de Metz, qui servent de base aux procédés plus parfaits de Siacci, de Braccialini, de Hojel et enfin de Vallier. Jusqu'ici, on a cherché surtout la relation entre la vitesse du projectile et la résistance de l’air. Nous arri- vons au problème plus difficile encore de la forme du projectile, au sujet de laquelle les calculs élémentaires donnent des résultats absolument erronés. L'air ne se réfléchit pas sur les corps en mouvement, il y glisse, et c'est ce glissement dont l'expérience seule permet de déterminer l'effet. Puis viennent des questions plus délicates encore, celles de la dérivation et de la stabi- lité du projectile. L'étude des déviations du projec tile sphérique dues à sa rotation ramène à des expériences un peu oubliées, mais fort intéressantes de jet de bombes excentrées, et que l’on faisait, à volonté, tomber en avant ou en arrière du mortier, suivant la position du centre de gravité au départ. La! théorie de ces déviations a été transportée, par quelques esprits superficiels, sur le projectile oblong des armes rayées. Malheureusement | pour eux, la dérivation se produit en sens inverse de ce qu'indique cette idée par trop simpliste. D'ailleurs l'idée du mouvement conique avec pré- pondérance au début dans le sens de la rayure n’est pas, s-mble-til, à la portée de tous les artilleurs. L'au- teur — il faut bien rire un peu — reproduit l'opinion de deux capitaines prussiens qui, dans un manuel à l'usage des élèves-officiers, donnent comme raison de la dérivation le supplément de gravitation sur la partie droite du projectile, qui a une tendance à tomber plus vite que l’autre et entraine le tout latéralement! Le mouvement normal du projectile étant complète- ment étudié, l’auteur passe aux expériences de ir, après avoir donné les lois des écarts fortuits. Après un intéressant chapitre sur l’action destructive et la pénétration des projectiles, il décrit les appareils auxi- liaires de la Balistique, les procédés de mesure des vitesses, depuis la cible tombante de Debooz, expéri- mentée à Rennes en 1854, jusqu'aux chronographes délicats employés aujourd’ hui. Cette rapide esquisse suffira peut-être pour caracté- riser l'intéressant ouvrage de M. Cranz, dans lequel les artilleurs retrouveront un exposé très complet de la science avec laquelie ils ont le plus de contact, tandis que les mécaniciens et les physiciens y verront l'exemple d’une discipline encore dans l'enfance à cause de son extrême complexité, consistant en un singulier mélange de données précises fondées sur la Mécanique rationnelle, et de lois approximatives et empiriques, dans le maniement desquelles la prudence est la meil- leure des politiques. Cu.-En. GUILLAUME, Physicien au Bureau International des Poids et Mesures. 2° Sciences physiques Ariès (E.), Chef de bataillon du Génie. — Chaleur et Energie. — | vol. in-16 de 168 pages de l'Encyclopédie scientifique des Aide-Mémoire publiée sous la direction de M. H. Léauté, de l'Institut. (Prix : broché, 2 fr. 50; cartonné, 3 fr.) Gauthier-Villars et G. Masson, éditeurs. Paris, 1897. Le petit livre de M. le commandant Ariès résume les principes de la Thermodynamique sous une forme peu répandue encore, mais que les lecteurs de la Revue générale des Sciences connaissent par les remarquables ar- ticles de M. G. Mouret sur la science de l'Energie, l'En- tropie, etc.‘ Dans ces articles, au milieu de considéra- tions philosophiques du plus haut intérêt, M. G. Mouret a neltement fait ressortir l'indépendance des principes relatifs à la chaleur. C'est également le point de vue adopté par M. le commandant Ariès, qui sépare sou livre en deux parties, la première relative à la Chaleur, la seconde relative à l'Energie. Dans la première partie, M. Ariès expose, sans le secours de formules mathématiques, les quatre prin- cipes qu'il considère comme les lois fondamentales de la science de la Chaleur. Les trois premiers sont des énoncés, sous une forme spéciale, des lois ancienne- ment connues sur les phénomènes thermiques. Le qua- trième, que M. Ariès propose de substituer au principe de Carnot-Clausius, s’énonce de la façon suivante : « Une machine thermique irréversible ne peut fonc- lionner avec une seule source de chaleur sans lui cé- 1 Voyez G. Mourer : L'Entropie, sa mesure et ses varia- tions, dans la Revue du 30 octobre et celle du 30 novembre 189, et G. Mourer : Le Facteur thermique de l'évolution, dans la Revue du 30 décembre 1895. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX der de la chaleur. » De ces principes M. Ariès déduit les lois des transformations réversibles et irréversibles, les propriétés du cycle de Carnot; il développe égale- ment la notion de l'entropie et arrive au théorème de Clausius sur l'augmentation de l'entropie. Dans la deuxième partie, M. Ariès, appliquant son quatrième principe aux machines thermiques, — qu'il ramène à deux types, machines à une source, consom- mant toujours du travail, et machines à deux sources, pouvant soit produire, soit consommer du travail, — en déduit, comme corollaires, le principe de Carnot et le principe de l'équivalence. Introduisant ensuite la notion de l'énergie, il énonce le principe de la conservation de l'énergie, qu'il consi- dère comme une conséquence du principe de l’équiva- lence et de l'hypothèse qu'un système peut toujours être ramené d’un état à un autre par lequel il a passé antérieurement. Enfin, ilarrive à compléter son premier énoncé sous la forme suivante : « Une machine thermique irréver- sible ne peut fonctionner avec une seule source de chaleur sans lui céder de la chaleur et sans consommer du travail. » M. Ariès considère que ce principe peut servir de base fondamentale à la science de l'énergie et il en réduit la loi de dissipation de l'énergie. Un quatrième chapitre est consacré à la traduction analytique des principes développés dans les chapitres précédents; on y trouve l'exposé des propriétés des fonctions caractéristiques de Massieu et de fonctions analogues, et l'application de ces formules à quelques cas particuliers. La principale originalité de l'exposé de M. Ariès con- siste donc à fonder la Thermodynamique sur un prin- cipe unique, à condition, il est vrai, de recourir à la considération d'un zéro absolu, tandis qu'en général on a recours à deux principes distincts. C'est là un point intéressant et qui suffit à recommander la lecture de cet ouvrage comparativement avec les articles de M. G. Mouret et les traités de M. Lippmann et de M. Poin- caré. G. Carry, Docteur ès sciences. Chappuis (James), Professeur de Physique à l'Ecole Centrale des Arts et Manufactures, et Berget (Al- phonse), Attaché au Laboratoire des Recherches phy- siques à la Sorbonne. — Cours de Physique (à l'usage des candidats aux Ecoles spéciales). — 1 vol. in-8° de 700 pages avec 465 figures. (Prix : 41 fr.) Gauthier- Villars et fils, éditeurs. Paris, 1898. Le nouveau Cours de Physique que viennent de publier MM. Chappuis et Berget est destiné aux élèves des classes de Mathématiques spéciales ; l'ouvrage a été spécialement composé dans ce but : les auteurs ne se sont donc point contentés d'extraire de leur excellent traité de Physique générale les chapitres répondant aux programmes des grandes écoles du Gouvernement. Tout en se conformant à ces programmes, MM. Chap- puis et Berget n'ont pas craint de rajeunir l’exposé de bon nombre de matières en tenant leurs lecteurs au courant des recherches récentes et en reléguant à l’his- torique les travaux qui, malgré leur mérite, ont perdu de leur importance et encombrent inutilement la mé- moire des candidats. Signalons seulement, pour être bref : l'introduction de la notion de champ dès le début de la pesanteur, la théorie des phénomènes capillaires exposée par l'élégante méthode de M. Lippmann, un exposé, fort bien résumé et aussi complet qu'il peut l'être dans un ouvrage de cetle nature, des travaux récents relatifs à la statique des fluides, ete., ete. Pas une seule note au bas des pages; l'attention du lecteur n'est jamais distraite du texte, dont la matière est assez judicieusement choisie et groupée pour que toutes les parties soient, pour ainsi dire, également importantes. Je lis dans la préface des éditeurs la phrase sui- vante : « La partie mathématique, dont souvent la pré- dominance voulue travestit la Physique en lui ôtant son IO11 caractère de science expérimentale, a été ramenée à de justes limites ; » à ce mérite, qui n'est pas de peu d'importance, les auteurs ont joint celui de la clarté par laquelle se distinguait déjà leur traité de Physique générale; dans ces conditions le nouvel ouvrage de MM. Chappuis et Berget ne peut que rendre à l’ensei- gnement des services qui lui assurent un succès égal à celui qu'a eu le premier. Enfin, il serait parfaitement superflu d'insister sur la valeur typographique du nouveau traité de Physique : il suffit de rappeler qu'il sort des presses de MM. Gau- thier-Villars. E.-H. AvaGar, Correspondant de l'Institut. Thomas (V.), Préparateur de Chimie appliquée à la Faculté des Sciences de Paris. — Contribution à l'étude de quelques Sels métalliques halogénés. (Thèse pour le Doclorat de la Faculté des Sciences de Paris.) — 1 brochure in-8° de 90 pages. Gauthier- Villars et fils, éditeurs. Paris, 1897. Dans ce travail, M. Thomas s’est proposé d'étendre et de préciser nos connaissances actuelles relativement à la combinaison des oxydes d'azote avec les sels haloïdes. Le sujet était intéressant et pouvait conduire à des conclusions théoriques importantes, touchant la structure moléculaire probable de ces composés : l'auteur ne semble pas l'avoir compris ainsi, et, soit qu'il ait négligé ce côté de la question, soit qu'il n'ait pas réussi à l’élucider, ce dont il ne nous prévient pas, il se borne à nous donner des formules brutes ou d'al- lure dualistique qui sont loin de satisfaire l'esprit. Comment, par exemple, devons-nous envisager les corps 4Sn0*, Az°05; SnO?, 3Sn0OBr°, Az?05 et 3SnCl*, SnOCE, Az°05, dans lesquels nous voyons 4 atomes d'étain tétravalent unis à une molécule d’anhydride azotique? Sont-ce des combinaisons moléculaires, des anhydrides mixtes ou de vérilables sels? L'auteur sem- ble se ranger à cette dernière opiniou, puisqu'il appelle le composé 3SnClt, SnOCË, Az°05 un chloroazotate ; mais alors, quelle valence faut-il attribuer à l'étain dans ce groupement Sn‘O$ où l'oxygène peut être presque en- tièrement remplacé par du chlore ou du brome”? Même difficulté pour le corps 5 (ou 6) Fe?Cl‘, AzO que M. Thomas appelle un chlorure nitrosé et dans lequel nous voyons la valence du fer changer de parité, et enfin pour les combinaisons instables des sels haloïdes du fer avec le bioxyde d'azote, que l’auteur représente par les formules Fe?Cls, 2Az0 ; 3 Fe?Br*, 4Az0; Fe?Br', AzO et 5Fe°l*, 4Az0, pour la seule raison qu'entre cer- taines limites de températures la quantité de bioxyde d'azote prise par les sels ferreux correspond à celle qui s’y trouve exprimée. Mais, ainsi que M. Thomas lui- même nous l’apprend, la richesse en azote de ces com- posés varie presque du simple au triple, suivant qu'on les a préparés à — 5° ou à + 20°; pourquoi alorsn'avoir pas appuyé leurs formules, ainsi qu'on le fait d'ordi- naire, par une étude préalable de leur dissociation ? A part ces critiques, que l’auteur, je le répète, aurait pu éviter en se les faisant à lui-même, nous trouvons dans la thèse de M. Thomas une somme de travail consi- dérable, justifiée par une masse de données historiques et analytiques. A signaler un certain nombre de corps nouveaux, dont quelques-uns sont cristallisés, par exem- ple les chlorures ratrosés ou nitrés 2Fe°Cl°, Az0 ; Fe*Clf, Az0 ; Fe?CIf, AzO ; BIC, AzO?; SnCl*, AzO® ; Fe?CIS, 24z0° et 2Fe*Cl', AzO®, enfin une étude spéciale de l'absorp- tion du bioxyde d'azote par les sels ferreux, qui conduit l'auteur à cette conclusion, assez paradoxale en appa- rence, que le chlorure ferreux possède en dissolution un poids moléculaire plus faible qu'à l'état de vapeur L. MAQUENNE, Maître de Conférences à la Sorbonne. Coupin (H.), Docteur ès sciences. — Ce qu'on peut voir avec un petit Microscope. — 1 vol. in-18 de 120 pages avec 10 planches. (Priæ : 2 fr.) Ch. Mendel, éditeur. Paris, 1897. 1012 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 3° Sciences naturelles Martel (E.-A.). — Irlande et Cavernes anglaises. — 1 vol. in-8° de 404 pages avec 121 gravures, 18 plans et coupes el 3 planches hors texte. {Priæ : 6 fr.) Dela- grave, éditeur. Paris, 1897. M. Martel continue, avec une ardeur infatigable, la série de ses brillantes découvertes. Les explorations dans les grottes sont particulièrement difficiles, dan- gereuses, et aléatoires pour les résultats. Pour une grotte intéressante, combien faut-il en visiter qui n’of- frent aucun intérêt! C’est en les explorant par centaines que M. Martel est arrivé aux déductions générales théo- riques qui ont apporté un appoint considérable aux études géologiques. Cette fois, l'auteur nous conduit en Angleterre et en Irlande, mais il ne s’est pas borné aux recherches dans les cavernes. Il à été tout surpris de rencontrer un pays éminemment curieux et pittoresque et il a formé le projet de le faire connaître au public francais. Son livre est une description géographique et archéologique de tout ce qu'on rencontre d'intéressant dans une région qui n'est que rarement visitée, et qui mérite le voyage. Les explorations parfois fort émouvantes des grottes, qui forment le fond de l'ouvrage, y sont enchàs- sées au milieu de descriptions, écrites d’une plume alerte, de tout ce qu'on trouve d’intéressant dans la contrée. Collines, vallées, lacs, falaises, dolmens, ruines, sculptures antiques, inscriptions, sources, roches cu- rieuses, monuments cyclopéens, spécimens d’architec- ture ou d'orfèvrerie ancienne, blocs erratiques, allées couvertes, marmites de géants, chaussées basaltiques, arches naturelles, tout cela est décrit tour à tour et figuré par une multitude de photographies fort bien reproduites qu doublent l'intérêt du livre. Cet ouvrage montre que l’auteur sait voir et apprécier les beautés qu'il rencontre, malgré les préoccupations de ses re- cherches difficiles et dangereuses. J. VXrcoT, Directeur de l'Observatoire du Mont-Blane. Andreaseh (Fr.), Adjoint à l'Etablissement impérial d'enseignement de l’industrie du Tannage à Vienne. — Gährungsercheinungen in Gerbbrühen (LES rer- MENTATIONS EN TANNERIE.) — 1 brochure in-16 # 108 pages. Extrait de la « Fachzeitschrift der Gerber » Vienne, 1897. Au point de vue pratique, les phénomènes de fer- mentation qui se passent dans les fosses de tannerie peuvent être divisés en deux classes : les uns normaux et concourant utilement au résultat cherché par le tanneur, les autres anormaux et plus ou moins préju- diciables. Parmi les fermentations Re la plus impor- tante est la fermentation acétique. L'acide acétique est toujours produit en deux temps : d'abord, transforma- tion du sucre des matières tannantes en alcool par les levures alcooliques, puis combustion de cet alcool par les bactéries acétiques. Vient ensuite la fermentation lactique. L’acide l’actique est fabriqué aux dépens du sucre et d’autres hydrates de carbone par certaines bactéries, etaux dépens du sucre seul par les levures lactiques. Cette fermentation lactique normale se dé- veloppe surtout dans les jus riches en azote, apporté soit par les matières tannantes, soit par les peaux. A côté de ces microorganismes dont le rôle est utile, se rencontrent aussi des bactéries qui peuvent parfois devenir nuisibles. L'invasion de ces bactéries reconnait plusieurs origines : tantôt c’est l'addition dans la fosse de vieux jus provenant des opérations antérieures, tantôt c’est introduction de peaux ayant passé par des fosses infectées; l’air et l'eau, les écorces, mais sur- tout les peaux imprégnées de matière sébacée et souil- lées d’excréments, en apportent aussi leur contingent. Ces bactéries s'adaptent plus ou moins à la réaction acide des jus ainsi qu'à la présence du tannin; leur fa- culté d'adaptation à ces conditions est toutefois moins grande que celle des levures, de sorte qu’elles domi- nent surtout dans les bains vieux et affaiblis. Elles dis- solvent une partie des matières azotées des peaux et leur font perdre du poids, mais elles ne les èndomma- gent sérieusement que lorsque les jus deviennent alca- lins. Les bactéries en question décèlent leur présence par la formation d'acide butyrique qui, dans les fosses marchant bien, ne se rencontre jamais qu'à l'état de traces. Il n’est pas rare non plus d'observer la fermen- tation visqueuse. Le tannin n’est attaqué que par les moisissures. Au contraire, les éléments peu solubles des matières tan- nantes et, en particulier, les substances colorantes, sont altirés par l’action combinée de l'air et des aci- des organiques. La conclusion pratique qui se dégage de ces recher- ches, c’est qu'il y aurait avantage à enrichir les jus, dans lesquels les éléments fermentescibles se trouvent en quantité insuffisante, par l'addition de glucose et de levure alcoolique, ou bien d'alcool tout formé qui se transformerait rapidement en acide acétique. La fer- mentation lactique normale pourrait également être favorisée par l'addition de levure lactique et de subs- tances nutritives convenablement choisies. Ce travail très étendu et très consciencieusement fait, dont notre analyse ne donne qu'un aperçu fort abrégé, vient de l'Institut fondé à Vienne, il ya quelques an- nées, spécialement en vue de soumettre à des recher- ches scientifiques les différentes branches de l’industrie du cuir. On regrette seulement de n’y trouver aucune mention des travaux antérieurs tels que celui de MM. Ch. Colin et L. Benoit. Cu. RÉPIN, Attaché à l'Institut Pasteur. 4° Sciences médicales De Fleury (Dr Maurice), Ancien interne des Hôpitaux. — Introduction à la Médecine de l'Esprit. — 1 vol. in-8° de 477 pages. (Prix : 7 fr. 50.) Félix Alcan, édi- teur. Paris, 1897. Dans cet ouvrage tout est original, le fond, la forme et même le titre. A première vue on est frappé de l'étrangeté des chapitres, dont on ne saisit pas tout d'abord le lien. Mais dès que l'on commence à lire ces pages d’un style particulièrement attrayant, l’auteur vous conduit avec tant d'habileté à travers un dédale de faits, synthétisés avec art, que le sujet traité se dé- roule suivant les lois de la logique la plus limpide. Il nous fait pénétrer au début à la Salpêtrière, et, suivant en cela l'enseignement de Charcot, il expose, à l’aide de faits précis et d'observations caractéris- tiques, les phénomènes de l'hypnotisme tels qu'ils se présentent actuellement. A toutes les époques, quel- ques observateurs, avaient été frappés par ces phéno- mènes à peine entrevus. Mais l'esprit humain ne s'accom- mode guère d'une lueur, et, devant l'impossibilité de connaître la vérité, il la fabrique. Puis il oublie aussitôt ses droits d'auteur, et le produit de son imagination devient un dogme sacré pour lequel il se fait tuer quelquefois, mais plus souvent il aime mieux faire brûler les autres. Aussi est-ce avec la plus extrême prudence que Charcot à pénétré dans ce sanctuaire, y apportant la méthode scientifique avec la rigueur expérimentale. Et lorsque par l’expérimentation il reproduisait, à l’aide de quelque malade, devant un auditoire d'élèves, ces phénomènes étranges, qui avaient bouleversé l'esprit des foules, il éprouvait lui-mème quelque appréhen- sion en présence de l'édifice qu'il ébranlait et des horizons nouveaux qu'il entr'ouvrait. M. Maurice de Fleury était l'un de ses jeunes dis- ciples, et, avec l'ardeur des premiers efforts, il péné- trait sur ce terrain nouveau : il avait été lui-même suggestionné par l’enseignement du maitre. Telle est l’origine de son Introduction à la Médecine de l'Esprit. Reproduire par l'hypnotisme les faits BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX psychologiques, les analyser, les dissocier, rechercher leurs causes, leurs effets, c'est ouvrir un champ nou- veau à la méthode expérimentale. M. M. de Fleury n'hésite pas à appliquer à la Psycho- logie cette méthode qui est la gloire de la science mo- derne, et d'emblée il pénètre dans le domaine de la pratique en étudiant la justice. La démonstration de la responsabilité des criminels atténuée ou abolie par l'hérédité, le milieu, l'alcool, les malformations et la débilité native, est venue jeter le trouble dans l'âme des magistrats. « Philosophique- ment, dit M. de Fleury, on ne saurait être plus res- pousable des lésions et des troubles fonctionnels de son cerveau, que du mauvais fonctionnement de son cœur ou de son poumon. Les criminels ne sont préci- sément que des malades de la volonté, puisque leur volonté a été trop débile, trop paraysée pour repousser leurs impulsions mauvaises. » Si cette considération était définitivement établie, le rôle du juge serait orienté tout différemment de ce qu'il est aujourd'hui. Il serait plus conforme à la réa- lité : au lieu de s'inspirer de l'idée barbare de ven- geance et du droit de punir, le devoir de la préser- vation sociale guiderait ses décisions. Dès lors il pourrait atténuer la peine de celui qu'il croit curable, et appliquer la peine de mort à ceux qu'il considère comme inguérissables et dont l'exemple lui parait ca- pable de déterminer la contagion psychique des indi- vidus déjà déséquilibrés et que la crainte retient. Les magistrats ne font, il est vrai, qu'appliquer les lois, mais, s'élevant au-dessus d'une application souvent étroite et cruelle, ils doivent considérer que leur rôle de préservateur social ne se borne pas à punir, mais souvent à relever un caractère qu'un accès de débilité de la volonté a momentanément fait déchoir. M. M. de Fleury indique la principale source de la criminalité en France : c'est l'alcoolisme. Or, l'Etat n'est nullement désarmé contre cette grande cause de dégénérescence; mais il faut avant tout qu'il cesse de spéculer lui-même sur l'alcool pour ses finances et de s'en servir comme un séducteur politique électoral. Dans son chapitre sur les médecins et la littérature, M. de Fleury se montre sous Le jour d’un liltérateur éru- dit et d'un esprit critique des plus fins. IL aborde cette question, si souvent débattue, des rapports du talent et de la folie. 11 analyse l’état psychologique de nos plus illustres littérateurs et il conclut en disant : « Presque tous ceux que nous connaissons, les plus exaltés, les plus lyriques, les plus martyrs de leur œuvre, les plus tourmentés par la vie, ne sont que des neurasthéniques, des déséquilibrés, comme tous les civilisés à l’extrème. Leur raison ne sombrera pas. Beaucoup d'entre eux, au sortir des méditations sublimes, trouvent encore assez de lucidité calme pour très bien mener leurs affaires. » Ceite étude le conduit à rechercher les causes de cette fatigue dont souffrent aujourd'hui tant d’ « intel- lectuels ». Toute excitation excessive de l’un ou l’autre de nos sens aboutit au total à de l'épuisement durable. La fatigue insuffisamment réparée, c'est là l’origine de la neurasthénie, « la mère de la] dégénérescence héré- ditaire ». M. de Fleury ne se borne pas à indiquer les sources du mal, il pénètre sur le terrain de la Théra- peutique et il montre comment, selon lui, on peut pré- venir le mal et même le guérir. Le repos, l'entraînement et la stimulation méthodique des centres nerveux, tels sont les points importants de son traitement. La deuxième partie de l'ouvrage est consacrée à une 1013 « morale médicale » et l'auteur s'attaque d'emblée à la mère de tous les vices en montrant que la paresse n'est en réalité qu'une forme de névropathie aisément cura- ble par des procédés médicaux. Il démontre par des exemples assez piquants que l’on rencontre la paresse chez des esprits où l'on s'attendrait le moins à la trou- ver : J.-J, Rousseau, Gœthe, Darwin, Balzac, etc. Quand un esprit élevé souffre de cet épuisement rapide qui caractérise la paresse, il s'en affecte, et la tristesse devient chez lui la face adjacente de cette mème névropathie. La recherche de la tension arté- rielle est l'expression objective des sentiments, et, dans un tableau fort curieux, M. de Fleury établit l'échelle avec des chiffres précis, correspondant aux différents « états de l'âme »; Ja fureur et la colère occupent les échelons les plus élevés; aux plus inférieurs on trouve la timidité, la tristesse, la fatigue, la paresse, la crainte, la terreur. — La thèse soutenue par M. de Fleury acquiert tout son éclat dans l'étude de lintoxi- cation amoureuse et la thérapeutique de l'amour. Il faut lire tous ces développements empreints d'une grande originalité, où l'amour sentimental rentre dans un sous-chapitre de la toxicologie au même titre que l'alcool, l'éther, l'opium, le tabac, le haschisch, la mor- phine, la cocaïne, etc. Quant à la colère, elle dépend d'une dilatation très intense des petites artères du cerveau, et elle est justi- ciable d'un traitement dirigé dans cet ordre d'idées. J'ai d'ailleurs entendu mon savant maître le professeur Potain, raconter que des individus, à la suite d’un accès de colère, étaient restés atteints du goitre exophtalmi- que. — M. de Fleury termine son ouvrage par une es- quisse de ce qu'il appelle la morale moderne, dans laquelle les modifications de l'état physique occupent une place fort importante; il ajoute qu'il s'est contenté de contribuer à asseoir les fondations d’un édifice qu'il faudra des siècles pour bâür et qui jamais ne sera fini. Puis, dédiant son livre à ses confrères de la profession médicale, il termine par cette phrase de sobre élo- quence : « Puisse-t-il communiquer aux médecins qui voudront bien le lire, un peu d'enthousiasme pour leur mission magnifique, et leur donner en même temps que Ja conscience de leur pouvoir, le sentiment intime de tout ce qu'il y a de grand à être bon, à vouloir remorquer un peu la lente humanité dans son évolu- tion, imperceptible et perpétuelle pourtant, vers le minimum de douleur, de laideur, de désordre, où parait tendre l'Univers. » Dr MAURICE SPRINGER. 5° Sciences diverses Kums (D: A.). — Les Choses naturelles dans Ho- mère. — 4 vol. in-8° de 196 pages. (Prix : 5 fr.). J.-E. Buschmann, éditeur à Anvers, et F. Alcan, éditeur à Paris, 1897. M. le Dr A. Kums a eu la bonne pensée de recueillir dans les œuvres d'Homère toutes les allusions faites aux connaissances scientifiques de son temps, et il a ainsi composé un volume plein d'intérêt, qui n ous ren- seigne sur les idées que les Grecs se faisaient alors de la Nature. Les érudits y trouveront d'importants documents sur la Météorologie, sur les bêtes sau- vages que chassaient les guerriers eux-mêmes, sur les animaux employés à la garde des maisons el aux tra- vaux agricoles, enfin sur les pratiques médicales en vigueur à l'époque de la guerre de Troie. 101% ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER CADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 6 Décembre 1897. 1° SGIENCES MATHÉMATIQUES. — M. F. Rossard adresse ses observations de la planète (DL) Charlois (1897, nov. 23), faites à l’équatorial Brunner de l'Observatoire de Toulouse. — M. Jean Mascart poursuit l'application de la méthode des moindres carrés à la recherche des erreurs systématiques, spécialement dans les observa- tions astronomiques (détermination du nadir, ete.). — M. Maurice Hamy, comme suite à ses recherches sur le développement approché de la fonction perturbatrice, étudie la valeur asymplotique de certaines intégrales définies qui renferment un facteur élevé à une haute puissance. — M. Emile Picard recherche si certaines intégrales doubles peuvent jouer un rôle, dans la théo- rie des surfaces algébriques, analogue à celui que jouent les intégrales abéliennes de seconde espèce dans l'étude des courbes. — M. C. Guichard montre que deux réseaux O qui ont la même équation aux dérivées partielles sont associés. — M. P.-H. Schoute indique comment on peut déterminer les focales planes d'une courbe plane à un ou plusieurs axes de symétrie. — M. H. Riquier démontre l'existence d'intégrales dans certains systèmes différentiels. — M. Michel Frolow adresse une note sur l'égalité à deux angles droits de la somme des angles d'un triangle rectiligne. —M. Bas- sot à étudié la stabilité de la Tour Eiffel. Pour cela, il a comparé, pendant un certain nombre de jours, la po- sition du paratonnerre à celle d’un repère fixe, et il a constaté que le sommet de la tour est soumis à un mouvement de torsion dû aux agents atmosphéri- ques et aux dilatations inégales. Toutefois la position moyenne du sommet n'a subi aucun déplacement ap- préciable entre le mois d'août 1896 et le mois d'août 1897. 29 SCIENCES PHYSIQUES. — MM. Crova et Hansky dé- crivent les observations actinométriques qu'ils ont faites sur le Mont-Blanc au moyen du nouvel actinographe de M. Crova. On à obtenu, dans des circonstances peu fa- vorables, des valeurs de la constante solaire égales à 3,4 calories. Il est permis de penser qu'on arrivera à dépasser 4 calories. — M. V. Crémieu a observé la production et la propagation des vibrations à trajectoire elliptique dans les gaz. Il se servait de fils de quartz très minces suspendus, dont l'extrémité libre décrivait toutes les courbes prévues; les mouvements vibratoires étaient produits par deux diapasons. — M. Edouard Branly a repris ses études sur la conductibilité élec- trique des substances conductrices discontinues, à pro- pos de la télégraphie sans fil. La limaille doit être très line et comprimée légèrement jusqu'à ce qu'elle de- vienne un peu conductrice; elle est ainsi prête à ser- vir; un choc la ramène à son état primitif, On peut également utiliser un mélange de limaille conductrice et de corps isolant. -- M. G. Sagnac poursuit son étude sur la transformation des rayons X par les métaux. Les rayons X se diffusent sur les métaux polis sans réflexion régulière appréciable. Les rayons secondaires, qui émanent des mélaux frappés, se propagent rectili- snement, sans diffraction et réfraction sensibles. Ils ne se réfléchissent pas sensiblement et se diffusent sur de nouveaux miroirs à la facon des rayons X eux-mêmes. — M. Virgilio Machado a observé, dans les tubes de Crookes, une ombre circulaire située en face de la ca- thode et délimitant une région tronconique où il n'y aurait pas de rayons cathodiques. — M. Louis Besson donne la description d'un appareil qui permet de déter- miner mécaniquement la direction moyenne du vent, connaissant sa fréquence dans les seize directions principales. — M. A. Leduc montre qu'en comparant les densités observées pour les gaz à diverses tempéra- tures avec les densités calculées par sa méthode, on peut en déduire s’il y a dissociation ou polymérisation. Il semble ainsi que le chlore vers 1400° commence à se dissocier. — M. A. Colson a continué ses études sur le déplacement des acides fixes dans les sels par des acides gazeux. Ainsi le gaz chlorhydrique décompose les phosphates normaux, le gaz sulfhydrique see, le sulfate d'argent. Mais, dans ces cas, l'acide phosphori- que ou l'acide sulfurique mis en liberté se décomposent ou réagissent sur l'acide gazeux et la réaction devient irréversible. — M. A. Joannis a préparé un sulfate cuivreux en faisant réagir du cuivre sur du sulfate de cuivre en solution et en faisant passer un courant d'oxyde de carbone. Ce gaz favorise la réaction en se combinant au sulfate cuivreux formé; ce corps n’a pu être encore isolé. — MM. Wyrouboff et A. Verneuil, au sujet de la récente communication de M. 0. Bou_ douard, pensent que les différences de poids atomique trouvées pour le cérium par ce savant proviennent d'impuretés, et qu'après s'en être débarrassé, on trou- vera un poids atomique ie et unique pour les cériums de toute provenance. — M. Marcel Delépine a constaté que l'aldéhydate d’ammoniaque est l'hydrate d'une nouvelle base, l'éthylidène-imide (CH%—CH — AzH}, en- core inconnue, et qu'il a préparée. — M. H. Causse montre que les orthophénols ont la propriété de former avec l’oxyde d'antimoine des substances pouvant être considérées commeles dérivés d'un radical (C°H*0?—Sb) ou antimonyle-pyrocaléchine. Ce radical fixe les halo- gènes pour donner des combinaisons caractéristiques. Cette réaclion permet de séparer les orthodérivés de leurs isomères. — M. G. Patein a étudié la nature des combinaisons de l’antipyrine avec les aldéhydes. 1° L'u- nion se fait par le carbone; c’est le seul mode de com- binaison. Jamais elle ne se fait par l'azote. 20 Dans ces combinaisons, qui sont de véritables dérivés du mé- thane, l'atome d'azote uni au méthyle a perdu la faculté de s'unir au chloral et aux phénols. 3° Le chloral, aldéhyde trichlorée, ne peut s'unir à l’antipyrine que par l'azote et jamais par le carbone, comme les aldéhy- des non substituées. — M. J.-W. Pickering a constaté que, si l'on chauffe des nucléo-albumines en tube scellé avec du chlorure de calcium anhydre, on obtient des substances cristallisées de constitution inconnue. Si l'on chauffe ces cristalloïdes pendant quatre heures, en tube scellé, avec du perchlorure de phosphore, et que l'on sépare le produit de la réaction par l'ammoniaque, on obtient des substances colloïdales qui, par leurs propriétés chimiques et physiologiques, ne peuvent être distinguées des colloïides de synthèse de Grimaux. — M. L. Guéroult annonce que les résultais (rès favora- bles, obtenus par la substitution partielle de l'acide métastannique au plomb dans la potée d’étain servant au polissage du cristal, se sont continués jusqu'à pré- sent. À Baccarat, les accidents saturnins ont complè- tement disparu. 39 SCIENCES NATURELLES. — M. L. Ranvier décrit les premières modifications qui surviennent dans les cel- lules fixes de la cornée, au voisinage des plaies de cette membrane. La plaie se recouvre de cellules épithéliales provenant du glissement de l’épithélium antérieur cir- convoisin ; puis les cellules fixes émettent des prolon- gements bourgeonnants du côté des lèvres de la plaie. — MM. J. Kunstler el P. Busquet pensent que les formations diverses comprises sous la dénomination ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES générale de grains rouges pourraient avoir pour lien commun un phénomène particulier de diffraction, sans présenter aucune autre valeur morphologique com- mune. — M. P. Mégnin établit quil y a un grand nombre d'espèces de rougets; ils ne sont pas répartis uniformément et attaquent indifféremment les divers Mammifères. — M. S. Jourdain a étudié le développe- ment du Trombidium holosericeum ; il présente les phases suivantes : 1° larve embryonnaire se constituant à l'intérieur de la coque de l'œuf et privée de mouve- ment; 2° larve proprement dite, hexapode, libre, para- site; 3° nymphe fixée ; 4 octopode sexué. — M. H. de Lacaze-Duthiers présente un ouvrage intitulé : « Les manuscrits de Léonard de Vinci; de l’Anatomie. » Il fait remarquer, à celte occasion, combien élaient pro- fondes pour l'époque (1510) les connaissances anato- miques du grand artiste, connaissances qu'il devait uni- quement à sesdissections personnelles. — M. Alexandre Poehl résume les effets physiologiques et thérapeu- tiques de la spermine, tels qu'ils découlent des expé- riences faites depuis plusieurs années par un grand nombre de médecins. La spermine excite les phéno- mènes d'oxydation et favorise ainsi l'élimination, sous forme de produits inoffensifs, des divers déchets orga- niques. Toutefois, les auto-intoxications intestinales ne sont pas sensiblement influencées par la spermine. — MM. A. Desgrez et M. Nicloux ont constaté que le chloroforme peut se décomposer dans l'organisme en donnant naissance à de l’oxyde de carbone. La fixation de ce gaz sur l'hémoglobine expliquerait certains acci- dents consécutifs à l’anesthésie. — M. C. Phisalix a trouvé qu'il existe dans le venin de frelons une substance qui a la propriété d'immuniser les animaux contre le venin de vipère. Cette substance n’est pas détruite par un chauffage à 120°; elle est en partie retenue par le filtre; elle est soluble dans l'alcool; ce n'est pas une matière albuminoïde, ni un alcaloïde. — MM. Bergonié et Carrière comparent les résultats qu'ils ont obtenus par l'emploi des méthodes cliniques ordinaires et de ‘examen fluoroscopique dans les épanchements pleuré- tiques. — M. V. Oméliansky décrit un bacille, se pré- sentant sous forme de bâtonnets droits excessivement ténus, et qui se développe sur la cellulose pure en pro- duisant une fermentation qui rentre dans le cadre des fermentations butyriques. — M. Henri Devaux à élu- dié la respiration des gros troncs d'arbre el a constaté qu'elle se fait par des lenticelles, généralement aussi largement ouvertes que celles des rameaux. Les lichens appliqués sur les écorces ne les ferment pas sensible- ment. — M. E. Roze a trouvé que la maladie des chà- taignes est due au double envahissement du fruit par le Pseudocommis vitis et l'Aspergillus glaucus, lequel est favorisé par l'humidité. — M. C.-Eug. Bertrand décrit un charbon à gaz trouvé dans le Northern Coal Field de la Nouvelle-Galles du Sud. Il diffère du Kerosene shale en ce qu'il contient beaucoup moins de gélose. — MM. Ernest Chantre et C. Gaillard décrivent la faune du gisement sidérolithique éocène de Lissieu (Rhône). Elle comprend des restes de Carnassiers, de Pachydermes, de Lémuriens. — M. Duclaux montre que la contamination des puits, sigoalée par M. Martel pour les terrains calcaires fissurés, se produit égale- ment dans lesterrains perméables et poreux, avec celte différence pourtant que la nitrification peut parfois intervenir et détruire les matières organiques apportées par l'eau avant qu'elles aient atteint la nappe souter- raine des puits. Séance du 13 Décembre 1897. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. H. Poincaré com- munique quelques considérations nouvelles sur les périodes des intégrales doubles. — M. C. Guichard indique de nouvelles propriétés des réseaux conjugués ou harmoniques à des congruences, qui lui permettent de déduire de chaque congruence des congruences ana- logues dans l’espace à n dimensions. — M. J. Le Roux étend aux équations linéaires aux dérivées partielles 0 1015 d'ordre supérieur quelqués-unes des propriétés des équations du second ordre; il indique une forme ana- lytique des intégrales, — M. Riquier applique la mé- thode des fonctions majorantes à certains systèmes différentiels, — M. E. Vessiot communique une double généralisation des équations de Lie. — M. P. Painlevé étudie quelques cas d'instabilité dans le voisinage d’une position d'équilibre où la fonction de forces n'est pas minima. Sa méthode lui permet d'aflirmer l'instabilité de l'équilibre dans des cas où les forces ne dérivent pas d'un potentiel. — M. Raoul Bricard a étudié le dépla- cement d'un plan dont tous les points décrivent des lignes sphériques, dont les centres appartiennent aussi à un plan. La solution du problème est un système articulé formé de deux plans, dont les points sont réu- nis deux à deux par des tiges rigides. — M. W. Stekloff donne la solution du problème de la distribution de l'électricité et du problème de C. Neumann pour les surfaces convexes ayant la courbure finie et déterminée. — MM. J. Perchot et W. Ebert décrivent une nouvelie méthode pour déterminer la verticale. L'instrument dont ils se servent est un miroir argenté flottant sur un bain de mercure. Le plan déterminé par le fil du micro- mètre d'une lunelte et le centre optique de l'objectif est perpendiculaire au miroir quand le fil coïncide avec son image. La moyenne des lectures obtenues en faisant les coincidences pour deux positions du miroir, à 180° l'une de l'autre, détermine la verticale. — M. Lœwy présente la « Connaissance des Temps pour 1900 » et | « Annuaire du Bureau des Longitudes pour 1898 » et indique les principales améliorations appor- tées à la composition de ces deux volumes. 29 SCIENCES PHYSIQUES. M. J. Janssen décrit ls travaux exécutés en 1897 à l'Observatoire du Mont- Blanc; ils se rapportent principalement à la détermina- tion de la constante solaire et à des analyses d'air. — M. Georges Méker a conslaté que, si l’on incorpore du platine finement divisé à un mélange fondu de bro- mure et de sulfate d'ammonium, le métal est attaqué et il se produit du bromoplatinate d'ammonium rouge qu'on peut ensuite isoler. — M. A. Besson à obtenu de l’oxyde phosphoreux P°0 en faisant réagir à chaud PCI sur H*PO*; ce corps prend également naissance par oxydation directe du phosphore dans certaines cir- constances. — M. C. Matignon a constaté que le car- bure de sodium possède une activité chimique remar- quable, incomparablement plus grande que celle du carbure de calcium. Les actions qu'il provoque sont presque toujours très violentes; le carbure est alors décomposé partiellement avec mise en liberté de chai- bon, et le sodium intervient dans la réaction comme s’il était libre. — M. A. Béhal a isolé de l'huile lourde que l'on obtient en distillant le goudron de bois, une série de cétones cycliques. 11 les enlève au mélange qui les contient par une solution aqueuse saturée d'acide chlorhydrique. Il les sépare en les transformant en oximes, puis en dérivés benzoylés. — MM. H. Im- bert et A. Astruc ont constaté les faits suivants : L'acide glycérophosphorique est acide à l'héliantine et à la phénolphtaléine. Si, à un volume déterminé d'acide, on ajoute une quantité exactement suffisante de solu- tion de soude pour neutraliser à l'héliantine, on cons- tate que le liquide est encore acide à la phtaléine. La neutralisation n'a lieu qu'après addition d'un volume égal de la solution de soude. Les auteurs basent sur ces faits un procédé de dosage rapide et rigoureux de l'éther acide dont il s'agit. — MM. H. Imbert et G. Be- lugou ont mesuré les chaleurs de neutralisation de l'acide glycérophosphorique. Les quantités de chaleur dégagées par l'addition d'une première, puis d'une seconde molécule d'alcali, sont à peu près les mêmes que pour l'acide phosphorique. — M. Œchsner de Co- ninck a constaté que les enfants rachitiques éliminent, par leurs urines, une quantité considérable de chaux. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. L. Ranvier décrit les premières modifications des nerfs dans les plaies simples de la cornée. Les fibrilles qui ont été séparées, 1016 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES par la section, de leurs cellules nerveuses d’origine ont été mangées par les cellules épithéliales qui les avoi- sinent. Celles qui se trouvent encore en rapport de con- tinuité avec leurs cellules d’origine végètent avec une rapidité et une activité que rien ne pouvait faire pré- voir. —- M. J.-J. Andeer à découvert dans le péritoine, sous la couche épithéliale dans laquelle s'ouvrent les oslioles, un tissu microtubulifère, qui donne naissance aux microcyles. Les microcytes, envoyés dans la circu- lation générale, se transforment en grande partie en globules sanguins. — M. C. Phisalix a reconnu que les sels biliaires exercent, vis-à-vis du venin de vipère, la même neutralisation chimique que la bile entière. Dans les deux cas, cette propriété est délruite par un chauffage à 1209 pendant vingt minutes. Ils possèdent aussi une action vaccinante, mais non anlitoxique. La cholestérine pure immunise aussi contre le venin de vipère. — M. Ed. Spalikowsky a recherché les En- tozoaires dans la population de la Normandie; il con- clut que l’helminthiase y est relativement très fré- quente. — M. Ad. Chatin continue l'étude de Ja signification du nombre et de la symétrie des faisceaux libéro-ligneux du pétiole dans la mesure de la perfec- tion des végétaux. — M. Paul Parmentier étudie la notion de l'espèce en Botanique; d’après lui, ce doit être l'ensemble des végétaux, appartenant à la même division phylétique, qui possèdent tous les mêmes caractères morphologiques et anatomiques exprimés à des degrés différents. — M. H. Ricome a constaté que les divers rameaux de beaucoup d'inflorescences pré- sentent entre eux des différences anatomiques. Dans les rameaux dont la direction est voisine de la verticale, la symétrie est normale. Dans les rameaux très inclinés par rapport à la verticale, cette symétrie est plus ou moins troublée : les tissus d’assimilation, de soutien et même les tissus vasculaires offrent une structure bila- térale. — M. L. de Launay donne quelques indica- tions sur la géologie des iles de Mételin et de Lemnos dans la mer Egée. Louis BRUNET. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 7 Décembre 1897. M. le Président annonce le décès de M. Cornevin, correspondant national. — L'Académie procède à l’élec- tion d'un membre dans la Section de Physique et Chimie médicales. M. Pouchet est élu. — M. Laveran présente un rapport sur un travail de M. Lapeyrère, ayant pour objet la purification de l’eau de boisson du soldat en campagne. L'auteur se sert d'une poudre renfermant de la chaux vive, de l’alun, du carbonate de soude et du permanganate de potasse. La purifica- lion s'opère soit dans un filtre de poche, soit dans un bidon-filtre, dont la matière filtrante, — qui est du mol- leton de laine à longs poils des Pyrénées ayant subi di- verses préparations, — réduit le permanganate en excès dans l’eau. Le rapporteur constate qu'on arriverait aux inèmes résultats avec le permanganate seul. — M. Roux lit le rapport sur le Prix Audiffred. — M. Péan a prati- qué l'extraction de deux projectiles ayant pénétré dans l'intérieur du crâne, d'après les indications données par le procédé radiographique de M. Mergier. Gelui-ci consiste à placer entre l'objet à radiographer et la plaque deux ils métalliques dont on note la position. En la compa- rant avec leur projection sur l'épreuve radiographique, on à ainsi des points de repère. — MM. Hennecart et Pillot ont diagnostiqué par la radiographie un corps étranger métallique, non soupconné, daus l’annulaire droit, et l'ont extirpé. — M. le D' Gilles de la Tourette lit un travail sur le traitement du tabès par l’élongation de la moelle. — M. le D° Kraus donne lecture d’un mémoire sur la voix eunochoïde. — M. le D' Garnault a observé des accidents rhumatoïdes très graves, à la suite de cinq injections de sérum antidiphtérique dans le traitement d’un cas d'ozène parasyphilique. — Heide lit un mémoire sur un nouvel appareil pro- thétique. Séance du 1% Décembre 1897. Séance publique annuelle pour 1897. M. Cadet de Gassicourt donne lecture du rapport général sur les prix décernés en 1897. — M. le Président proclame le résultat des concours de 1897 et les prix proposés pour 1898, 1899 et 1900. — M. J. Bergeron prononce l'éloge de Joseph Caventou. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 27 Novembre 1897. M. Bloch a constaté que les traumatismes, faibles ou forts, exercés sur la peau, déterminent une congestion paralytique des capillaires des points lésés; cet état congestif augmente ensuite la sensibilité de la peau. — MM. Widal et Sicard ont remarqué que, chez les animaux à sang froid (grenouille, tortue, crocodile), qui résistent à de très fortes doses de toxines, les hu- meurs acquièrent rapidement après l'injection des pro- priétés agglutinantes. Le pouvoir agglutinant est done bien une réaction d'infection. — MM. Dastre et Flo- resco ont trouvé du fer dans le foie d'un grand nombre d'Invertébrés; comme ces animaux n'ont pas de sang, on peut conclure qu'une partie au moins du fer qui se trouve dans le foie des Vertébrés ne provient pas de la destruction des hématies. — M. Gérard a constaté que la salive des épileptiques contient plus de matières salines que la salive normale, et a un pouvoir saccha- rifiant plus grand. — M. Bousquet à rencontré, dans un cancer de l'estomac du cheval, des corps ressem- blant à des Spozoaires. Séance du 4 Décembre 1897. M. C. Phisalix a remarqué que le venin de frelon, inoculé à petites doses au cobaye, lui confère une forte immunité contre le venin de vipère. La matière vacci- nante du venin n'est pas détruite par un chauffage à 120° pendant vingt minutes. Cette substance est so- luble dans l'alcool; ce n'est ni un albuminoïde, ni un alcaloïide. — M. Yvon a étudié l'élimination du soufre et de la magnésie dans les urines, Administrés en na- ture et à l’état insoluble, ils s’éliminent plus lentement, mais en proportion plus considérable que si on les ingère simultanément sous forme de sulfate de ma- gnésie soluble. — MM. Bar et Mercier ont constaté, dans les urines de trois femmes éclamptiques, la pré- sence d'une albumine particulière, soluble dans de pe- tites quantités d'acide acétique. Cette albumine est abondante avant et pendant les abcès, puis disparaît peu à peu. — M. Hallion annonce qu'on peut injecter impunément à des chiens de l'eau de mer, ramenée à l'isotonie du sérum sanguin, tandis que les injections de sérum artificiel (solution saline) sont toxiques à partir d'un certain point. — M. Dejerine a observé une vieille femme, qui succomba à un cancer de l'utérus, et qui présentait un zona ophtalmique avec paralysie faciale périphérique. Les branches périphériques du facial présentaient les marques d'une névrite intense. — M. d'Hardivillers adresse une note sur le dévelop- pement des bronches dans l'embryon de mouton. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance du 26 Novembre 1897. M. H. Moissan communique les expériences exécu- tées avec M. J. Dewar sur la liquéfaction du fluor. — M. Carnot a isolé un certain nombre de combinaisons bien définies, formées dans les aciers après introduction de phosphore, d'arsenic, de silicium, de chrome et de manganèse. On arrive à ce résultat en attaquant les aciers soit par les acides étendus, soit par le chlorure de cuivre. — M. Delépine, en abandonnant dans le vide sur l'acide sulfurique de l’aldéhydate d'ammo- niaque, a obtenu l'éthylidèneimine CH* — CH = AzH. L'auteur a fait l'étude thermochimique des deux corps et a déterminé leur poids moléculaire par la méthode nn. Lu ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES EE —————— eryoscopique et par la densité de vapeur. En solution, ces corps correspondent à des composés de poids molé- culaire triple où quadruple. La densité de vapeur de l'éthylidèneimine est normale ; celle de l'aldéhydate cor- respond à un produit dissocié en eau etimine. —MM.WYy- rouboff et Verneuil constatent que leurs recherches ont précisé la question de l'identité du cérium. Ils re- marquent que M. Boudouard, qui a publié récemment ses résultats, donne comme poids atomiques de divers cériums des nombres variant entre 88,6 et 93,3, chiffres notablement plus près de 92,7 que ceux qu'avait don- nés antérieurement M. Schutzeuberger. MM. Wyrouboff et Verneuil, ayant constaté que l’eau oxygénée précipite intégralement l’acétate de cérium, critiquent le procédé de fractionnement de M. Boudouard fondé sur la préci- pitation partielle par cet agent. — M. Ponsot présente ses recherches osmotiques sur les solutions de sucre et fait remarquer la concordance de ces résultats avec ceux de M. Raoult. Séance du 10 Décembre 1897. M. Tanret, président de la Société, fait l'éloge de M. Joly et énumère les nombreux et beaux travaux de chimie minérale du savant éminent dont la Société déplore la perte. — M. A. Colson, en continuant ses recherches sur les réactions, a été amené à étudier l'action de l'acide carbonique sur les phosphates et celle de l'hydrogène sulfuré sur le sulfate d'argent. Dans ce dernier cas, l'action secondaire de l'hydrogène sulfuré sur l'acide sulfurique déplacé donne de l'acide sulfureux et empêche de se rendre compte de la marche exacte de la transformation du sulfate en sulfure. — M. O. Boudouard répond aux critiques de MM. Wyrou- boff et Verneuil sur ses déterminations du poids ato- mique du cérium. Il maintientses chiffres en attendant de nouvelles expériences. —M. Wyrouboff, en son nom et en celui de M. Verneuil, maintient également que le poids atomique du cérium pur est certainement très voisin de 92,7. — M. Mouneyrat a constaté que le bromure d'aluminium en présence du brome est un bromurant énergique ; il a pu ainsi passer du tétrabromé- thane à l'hexabromure de carbone et du pentachloré- thane au tétrachloréthanedibromé. Il a constaté de plus que ces réactions s'expliquent par la formation inter- médiaire de chaines éthyléniques sous l'influence du chlorure ou du bromure d'aluminium. Ainsi le penta- chloréthane en présence de chlorure d'aluminium seul donne le bichlorure de carbone CCE = CCE, et le bro- mure d'aluminium en présence du bromure d'éthylène donne de l’acétylène. E. CHARON. SECTION DE NANCY Séance du 15 Décembre 1897. Dans le tome I du 2 Supplément du Dictionnaire de Wurtz (p. 1506), M. A. Haller a signalé la préparation de l'éther bromocyanacétique, Tiquide bouillant à 4129 sous une pression de 20 millimètres, et son action sur l'éther cyanacétique sodé. Il se forme dans ces conditions le même dérivé C!‘H!°A7°0* que celui qui prend naissance quand on traite par une solution ben- zénique ou éthérée d'iode de l’éther cyanacétique iodé pulvérisé. Ce composé cristallise en cristaux nacrés fondant à 420-1210 et paraît se former d’après l'équation: CAz CAZz ÉNaCOO CH : * Le COOC2H5 CHNaCOOCH5 Dee en l — COOCHS Poe TAz * Ce corps serait donc de l’éther dicyanomaléique ou dicyanofumarique et prendrait naissance dans les mêmes conditions que le dicyanostilbène, obtenu par MM. Abbott Michael et Jeanprêtre dans l'action de 'éthylate de soude sur le cyanure de benzyle chloré. 1017 Dans un récent mémoire 4rès remarquable de M. Nef! sur la chimie du méthylène, l'auteur signale des re- cherches en cours d'exécution sur le même sujet. I Fait, en outre, observer que le bromure de cyanogène, en agissant sur les éthers acétoacétique, malonique et cya- nacélique sodés, se comporte tout autrement que le chlorure de cyanogène et donne naissance à l'acide cyanhydrique et aux éthers diacétosuccinique, acéty- lénetétracarbonique et dicyanofumarique. Qu'il nous soit permis de rappeler à cette occasion qu'en présence du camphre sodé, l'iodure de cyanogène se comporte encore autrement et donne naissance à du camphre iodé. — M. Favrel : Sur le cyanoxalute de méthyle. Le cyanoxalate d'éthyle a été sigoalé par MM. Ossi Kowski et Barbaglia, qui n’ont donné ni le mode de préparation ni l'analyse de ce corps. Il paraît d'ailleurs ne pas avoir été préparé dans un état absolument pur. Le cyanoxa- late de méthyle peut être obtenu à l'état de pureté et cristallisé. Il suftit de faire réagir au bain-marie pen- dant douze heures du cyanure d'argent sec sur la pro- portion équimoléculaire de chloroxalate de méthyle dissous dans la moitié de son poids de benzine. Le résidu, traité par l’éther anhydre, fournit, par évapora- tion, des cristaux qui, après purification, fondent à 67-70°. Le cyanoxalate de méthyle est décomposé par l’eau en acide cyanhydrique et acide oxalique. La phé- nylhydrazine, au lieu de donner avec ce corps l'hydra- zone correspondante, fournit l’hydrazide CSS — AZI — AzH — C— | COOCH avec départ d'acide cyanhydrique. Cette hydrazide fond à 148-149° et est identique à celle obtenue par l’action du chloroxalate de méthyle sur la phénylhydrazine. — M. Férée, ayant préparé une centaine de grammes d'amalgame de calcium solide, à 13 °/, de calcium, a repris les expériences de M. Maquenne®* sur l'azoture de calcium. En chauffant ce produit dans un courant d'azote pur, il obtient une masse grisätre, amorphe, devenant incandescente lorsqu'on projette sur elle quelques gouttes d'acide chlorhydrique ou d'acide sul- furique étendu. La constitution moléculaire de ce pro- duit correspond à Az?Ca*. En effet, deux dosages du Ca ont donné les nombres 80, 450 et 80, 580, et deux do- sages d'azote 18, 22; les nombres théoriques pour Az:Ca* sont respectivement 80, 081 et 18, 92. A. HALLER. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 1° SCIENCES PH YSIQUES Lord Kelvin,{F. R. S., Magnus Maelean et Alexander Galt : Electrisation de l'air, de la vapeur d’eau et d’autres gaz.— Le présent mémoire donne la description complète d’une longue série d'ex- périences poursuivies pendant trois ans, dont les pre- mières avaient déjà été communiquées à la Société Royale et analysées ici même, Les auteurs avaient montré que l'air s’électrise lorsqu'on y fait lomber des gouttes d’eau. Ils ont mesuré cette électrisation par trois méthodes : 1° Observation de l’état d'électrisation d’une substance recevant une quantité d'électricité égale et de signe contraire à celle prise par l'air. V 20 Observation de l’électrisation d'un vase métallique isolé dans lequel on introduit de l'air électrisé ou du- quel on en relire. 3° Observation de l'électricité prise à l'air par le filtre électrique. La première méthode a été employée dans les expé- riences déjà décrites. Elle a montré que l'air et d'autres gaz s’électrisent lorsqu'on les fait barboter à travers 1 Annalen der Chemie, t. 298 (1897), p. 258-260, 2 Bulletin de la Soc. chimique de Paris, 1892, p. 366 3 Voyez la Revue du 30 avril 1895, page 396. 1018 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES de l'eau ou à travers des solutions salines, acides ou alcalines. L'électrisation de l'air ayant barboté dans l’eau pure est négative. La deuxième méthode a permis de déterminer, en valeur absolue, la quantité totale d'électricité produite dans une masse donnée d'air électrisé, et aussi la plus grande électrisation qui puisse être communiquée à une grande quantité d'air par des pointes reliées à une machine électrique. Dans l'air, les auteurs ont trouvé 3,7 D 1674 unités électrostatiques C.G.S. par c.c. comme densité électrique maximum; mais avec une flamme d'hydrogène électrisée, on a trouvé une densité de 22 X 107# unités C.G.S. dans l'air. La troisième méthode n'a pas donné de très bons résultats. 2° SCIENCES NATURELLES Shelford Bidwell, F. R. S. : Sur les images ultérieures négatives qui suivent une brève excita- tion de la rétine. — Dans un précédent mémoire, l'auteur a montré que, lorsque l’image d’un objet clair placé sir un fond sombre se forme soudainement sur la rétine, l’objet apparaît généralement entouré, pen- dant un dixième de seconde environ, d'un bord rouge. L'apparition de ce bord rouge peut être expliquée en supposant une affection sympathique momentanée des fibres nerveuses rouges qui avoisinent les bords de la tache lumineuse projetée sur la rétine. Mais il arrive que, dans certains cas, l'illumination étant très intense, la couleur du bord change; il est tantôt bleu-vert, tantôt rouge au dehors et bleu-vert en dedans. La cou- leur bleu-verte est simplement due à l’image ultérieure négative du rouge, et elle est souvent plus perceptible que la couleur rouge qui l'a produite. Les expériences qui ont amené l’auteur à cette conclusion présentent certains côtés remarquables que nous allons signaler. L'auteur se servait de l'appareil suivant. Dans un disque de carton, on découpait un secteur de 45°; la moitié de la surface restante était recouverte de papier blanc, l’autre de velours noir. Le disque tournait de facon à ce que le secteur enlevé füt précédé par le noir et suivi par le blanc; il était éclairé par une lampe de 25 bougies, dont on pouvait faire varier la distance. Aïe expérience. — Une carte de visite avec lettres noires était placée derrière le disque illuminé par devant, la lampe étant située à 60 centimètres. Quand le disque fait six tours par seconde, les lettres noires apparais- sent rouges. Mais si on approche graduellement la lampe, les lettres changent et prennent un éclat ar- genté ou métallique. Quand la lampe est très près du disque, le rouge a disparu et a été remplacé par une teinte vert-bleu. 2e expérience. — La carte de visite porte des lettres rouges et noires. Eu faisant tourner le disque à une certaine vitesse, toutes les lettres deviennent d'un rouge uniforme. Si l’on approche la lampe, elles apparaissent d’une teinte vert-bleu, qui est plus iutense pour les lettres écrites à l’encre rouge. 3e expérience. — On a fait remarquer que la teinte vert-bleu est la couleur complémentaire du rouge, et que, dans les cas précédents, cette teinte doit être con- sidérée comme l’image ultérieure négative du bord rouge. Il parait cependant impossible qu'après une excitation qui dure au maximum un cinquième de seconde, il puisse se développer une image secondaire, dont l'intensité est telle qu'elle recouvre l'impression primaire. L'expérience a cependant confirmé cette manière de voir. Si des cartes colorées sont examinées à travers le secteur ouvert du disque tournant, elles apparaissent avec leur couleur complémentaire, assez pâleilest vrai. Bien plus, si deux moitiés d'une carte sont colorées avec deux couleurs complémentaires, ces deux couleurs apparaissent renversées lorsqu'on les regarde à travers le disque tournant. 1 Voir la Revue générale des Sciences du 15 mai 1897, t. NIIT, p. 397-398. 4° expérience. — Si de grosses bandes noires sont peintes sur un fond blanc et placées derrière le disque tournant, elles apparaissent, lorsqu'on les examine à la lumière du soleil, comme blanches sur un fond gris. Toutes ces expériences peuvent s'expliquer par la théorie de la vision de Young-Helmholtz. Le seul fait nouveau à retenir est celui-ci. L'action de la lumière, après une période d'obscurité (qui n'excède pas un vingtième de seconde), peut diminuer la sensibilité des fibres nerveuses de la rétine dans un espace de temps assez court pour que, si la lumière est colorée, sa cou- leur ne soit pas perçue consciemment. Les expériences indiquent clairement l’origine du bord bleu-vert. Les bords colorés produits par des changements soudains d’illumination sont done attri- buables, à l’origine, à l’action sympathique des fibres nerveuses rouges de la rétine. Sir Richard Quain, F. R.S.: Sur le mécanisme de la production du premier bruit du cœur. — On sait que l’action du cœur est accompagnée par l'émis- sion de certains bruits, qu'on décrit communément sous le nom de premier bruit et second bruit du cœur. Ces bruiis, qui étaient connus bien avant que Laënnec eût découvert le stéthoscope, ont été comparés aux sons produits par l’articulation des mots lubb-dup. Ils ont été étudiés avec intérêt par les biologistes, les patholo- gistes et les cliniciens, et par ces derniers surtout, car les modifications produites par la maladie dans le carac- tère de ces bruits sont une aide précieuse pour la diag- nose et le traitement des affections du cœur. L'explicalion du mécanisme de ces phénomènes a été recherchée et formulée par beaucoup d'observa- teurs. Le second bruit est le résultat de la tension subite des valvules semi-lunaires, causée par la résistance que ces valvules offrent au courant rétrograde du sang de l'aorte et de l'artère pulmonaire dans les ventricules, après la cession de la systole, Ce bruit est analogue à celui qui se produit lorsqu'on tend brusquement une ‘ pièce de ruban. La cause du premier bruit esl, au contraire, encore un sujet de discussions. Plusieurs explications ont été données du phénomène. Le professeur Michael Foster a résumé les difficultés en face desquelles on se touve en montrant le nombre de phénomènes qui ont lieu simultanément avec la systole du ventricule et le pre- mier bruit. Ce sont les recherches que l’auteur a faites dans le but de jeter quelque lumière sur cette question controversée, qui constituent le fonds du présent mé- moire. Ce mémoire est divisé en quatre parties, dont aous nous bornerons à citer les conclusions. Dans la première partie, l'auteur montre, en se basant sur l'étude du cœur normal et du cœur malade, que la fermeture des valvules auriculo-ventriculaires n’est pas la cause du premier bruit du cœur. Dans la seconde partie, on voit également que la source de ce bruit ne doit pas être recherchée dans la contraction musculaire des parois du cœur durant la systole. Dans la troisième partie, l’auteur démontre que la cause du premier bruit est due au choc du sang, chassé par l’action des parois musculaires des ventricules, . contre l'obstacle formé par les colonnes de sang de l'artère pulmonaire et de l'aorte qui pressent sur les valvules semi-lunaires. Enfin, dans la quatrième partie, l'auteur montre que des bruits ressemblant au premier (et au second) bruit du cœur peuvent être produits artiticiellement et con- formément aux conclusions précédemment énoncées. Pour cela, on prend le cœur d'un animal et on réalise expérimentalement avec des tubes de caoutchouc les gros vaisseaux artériels et veineux qu'on remplit d'eau à la place de sang, Si, alors, on comprime périodique- ment le ventricule, on observe le premier bruit du cœur comme on l'a indiqué dans la troisième partie. L'auteur pense que cette explication du premier bruit, si différente de celles jusqu'alors admises, sim- ACADÉMIES ET SOCIËÈTÉS SAVANTES 1019 plifiera plus qu'elle ne compliquera le diagnostic des maladies du cœur. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 26 Novembre 1897. M. Rollo Appleyard étudie les défauts des fils de maillechort et de platinoïde dont on se sert en électri- cité; ils peuvent provenir de deux causes : de la fabri- cation métallurgique de l’alliage et du traitement subsé- quent du fil. L'auteur à examiné plusieurs milliers de bobines ayant fonctionné dans un grand nombre de pays. Parmi celles qui ont séjourné sous les tropiques, un grand nombre présentent des cassures des fils, à l’intérieur comme à l'extérieur; chez d’autres, les fils sont encore très bons. Les défauts ne proviennent donc pas du mode de fabrication de la bobine, mais de la qualité du fil employé; on se trouve donc en présence d'une simple question de métallurgie. Lorsqu'on exa- mine la cassure des fils, on apercoit des noyaux de métal sombre, des crevasses, des fissures. On est con- duit à supposer que, pendant la solidification de l’al- liage, le phénomène de la liquation s’est produit; la tension à varié dans toute la masse, et le passage à la filière à occasionné des ruptures aux points faibles. L'auteur conclut en demandant aux métallurgistes anglais de porter une attention toute spéciale sur la fabrication des alliages qui sont utilisés en électricité. — M. Ayrton appuie les remarques de M. Appleyard. Il fait remarquer que beaucoup de bobines sont actuel- lement construites avee un alliage appelé manganin, qui a donné de très bons résultals. Maïs cet alliage vient d'Allemagne. — M. S.-P. Thompson signale un autre alliage employé en Allemagne, le constantin. — M. W. Watson attire l'attention sur les essais faits au Reichanstalt allemand et relatifs au maillechort et au platinoïde. On a trouvé que les alliages contenant du zinc sont sujets à des variations de résistance; il faut donc éviter l'introduction de zinc dans les soudures. Le vernis shellac est le meilleur protecteur pour les bo- bines; on le dissout dans l'alcool et, après l'avoir appliqué, on chauffe la bobine pendant plusieurs heures à 140%. L'auteur décrit un thermostat qui permet de réaliser celle opération. Séance du 10 Décembre 1897. M. Albert Campbell exécule quelques expériences intéressantes. Deux sphères de cuivre, d'environ un pouce de diamètre, sont suspendues du même point par des fils égaux. L'une d'elles est lancée de façon à décrire une orbite circulaire. La seconde sphère, par- tant de l’état de repos, prend graduellement part au mouvement de la première et décrit aussi une orbite circulaire. La première sphère revient peu à peu au repos et le phénomène inverse a lieu. Cette alternance se répète jusqu'à ce que toute l'énergie ait été consom- mée dans les fils. Une autre expérience est destinée à montrer la faible conductibilité du verre par la chaleur et sa dilatation. Un long tube est fixé par une extrémité dans une position verticale. Si l’on chauffe un des côtés du tube, le verre se recourbe et l'extrémité libre se déplacé sur une échelle divisée. — M. A. Campbell décrit ensuile ses compensateurs de température pour piles-étalons. Ils ont pour but de donner une différence de potentiel toujours constante entre deux points quelle que soit la température de l'enceinte. L'un des systèmes ressemble à un pont de Wheatstone, dont deux bras opposés sont en cuivre, les deux autres en manganin. — M. Swinburne rappelle que c'est lui qui a donné autrefois l’idée de se servir de fils de diffé- rents métaux, ayant des coefficients de température différents. — M. J. Rose-Innes étudie la méthode absolue de gradualion des thermomètres de Lord Kelvin. On sait que les gaz, traversant un robinet po- reux, produisent un abaissement de température. Lord Kelvin à montré que, pour chaque gaz, pris à la même température initiale, le refroidissement est proportion- nel à la différence de pression des deux côtés du robi- net. En outre, pour chaque gaz, le refroidissement par unité de différence de pression varie approximative- ment comme l'inverse du carré de la température abso- lue. Mais celte loi, bonne pour l'air, passable pour l'acide carbonique, ne convient pas pour l'hydrogène. Pour l'hydrogène, il y a un échauffement qui croît avec la température. M. Rose-Innes propose une formule empirique, contenant deux constantes « et 6, caracté- ristiques pour chaque gaz. Si T est la température ab- solue, le refroidissement est représenté par œ Cette relation comprend les cas de l'air, de l'acide carbonique et de l'hydrogène et permet de les traiter ensemble. L'auteur en déduit ensuite la correction thermodynamique à apporter à un thermomètre à gaz à pression constante et à un thermomètre à volume constant. 11 trouve enfin la valeur absolue du point de congélation de l'eau. —M. S.-P. Thompson montre, d’après la formule empirique, qu'à une certaine tempé- rature le refroidissement n’a plus lieu; ce fait pour- rait être vérifié expérimentalement. — M. Baynes pense qu'avant d'adopter la formule pour l'hydrogène, il serait bon de faire de nouvelles expériences sur la facon dont la chaleur spécifique à température cons- tante dépend de la température. ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM Séance du 30 Octobre 1897 (suite). 19 Sciences PHYsiQuEs. — M. J.-M. van Bemmelen fait la communication d’un travail de M. E. Klobbie : Sur les équilibres dans le système éther-eau-acicde malo- nique. L'auteur a étudié la solubilité réciproque de l'éther éthylique et de l'eau jusqu'à 100° C. et il a rec- tifié quelques dates erronées qui se trouvent dans la littérature sur ce sujet. La solubilité de l'acide malo- nique dans l’eau et dans l’éther a été poursuivie jusqu'au point de fusion de l'acide (132°C.). Enfin le système « eau-éther-acide » a procuré un isotherme (15°C.) qui Acide Fig: 4: est l'un des types dont M. Schreinemakers (voir Rev. gén. des Sc., t. VIII, p. 804) a donné l’aperçu dans sa théorie thermodynamique des systèmes de trois com- posantes dont deux sont des liquides. Cet isotherme est tracé (voir la fig. 1) dans la coupe transversale d'un prisme triangulaire équilatéral. Il se compose de deux courbes distinctes. La branche P qui contient les points conjugués (concentrations) des deux couches liquides en équilibre aboutit de part et d'autre en a et bau même côté du triangle équilatéral. Tout sys- {ème dont la composition s'exprime par un point situé dans la partie du triangle incluse par la branche P 1020 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES et ce côté du triangle, se scindera en deux couches liquides dont les compositions sont indiquées par deux points conjugués de P. Les points de l’autre branche Q représentent les compositions des systèmes liquides homogènes en équilibre avec l'acide solide; elle se ter- mine aux points e 2t d dans les autres côtés, qui font connaître les solubilités de l'acide dans l’eau et dans l'éther purs. Ainsi en ajoutant peu à peu de l'acide malonique à un mélange quelconque d’eau et d’éther, on observera d’abord l'existence de deux couches liquides, puis l'une des couches disparaïtra, le système devenant homogène; enfin l'acide ne se dissoudra plus et restera solide. L'isotherme laisse prévoir la conduite de toute combination des trois composantes à la tem- pérature de 15°C., ce qui donne à l’auteur l’occasion d'y rattacher une discussion sur le « coefficient de par- tage » et d'en déduire quelques conseils pour la pra- tique du laboratoire. 29 SGrENCES NATURELLES. — M. A.-A.-W, Hubrecht pré- sente un mémoire de M. G.-C.-J. Vosmaer : On the relrograde development of the blood-vessels in the omentum of the rabbit (Sur le développement rétrograde des vaisseaux sanguins dans l’omentum du lapin). Dans le grand épiploon de lapins nouveau-nés, on observe sans peine des vaisseaux sanguins contenant des cor- puscules de sang qui ne se trouvent pas en communi- cation avec d'autres vaisseaux sanguins, Ils se présen- tent sous plusieurs formes et montrent souvent la structure d'un réseau. Les descriptions les plus an- ciennes de ces « cellules vasoformatives » sont dues à Ranvier (1874). Plus tard, Spuler (1892) a prétendu que les cellules vasoformatives de Ranvier, au lieu d’être des formations de la nature elle-même, sont des pro- duits d'une dissection mal exécutée. L'auteur, se mé- fiant d’attacher foi à cette opinion de Spuler, s'est donné beaucoup de peine à faire des dissections avec toutes les précautions possibles. Il décrit sa méthode et fait connaître ses résultats, entièrement opposés à ceux de Spuler, seulement en partie d'accord avec Ranvier, à l’aide de quatre planches qui montrent l’omentum d’un lapin nouveau-né, d’un lapin àgé d'un jour, de quatre jours et de huit jours appartenant à la même portée. — M. B.-J. Stokvis présente un tirage à part de son mémoire : Ueber die Bedeutung der Biuret- reaction im Menschenharn (Sur la signification de la réaction du biuret dans l'urine humaine). — Ensuite M. Stokvis présente la thèse de M. J. Keyzer : Sur l'hématoporphyrine dans l'urine de l'homme (en alle- mand). Dans ces dernières années on à trouvé, dans l'urine normale de l’homme, une matière colorante, l’'hématoporphyrine, qui forme une hématine cristalli- sable, exempte de fer. D'abord M. Keyzer a examiné les différentes méthodes de séparation de l'hématopor- phyrine, quant à leur facilité d'exécution et leur eflica- cité; d’après lui la méthode de Sailtet est à préférer. Il a trouvé ensuite que la matière colorante en question disparaît chez l'homme normal quand il se nourrit de viande blanche et ne prend pas de légumes, mais qu'elle reparaît aussitôt qu'il s'est nourri de viande saignante ou de viande blanche et de légumes. Ainsi il parait qu'elle peut être formée dans le corps animal aussi bien à l'aide de la matière colorante du sang qu'à l’aide de la matière colorante du règne végétal, aussi bien par l'hémoglobine que par la chlorophylle. Cela est en accord avec le résultat de MM. Schunck et Marchlewski d’après lequel la phylloporphyrine tirée de la chlorophylle et l'hématoporphyrine tirée du sang sont identiques. En outre M. Keyzer a examiné l'urine de malades sur la teneur en hématoporphyrine. Il a constaté la présence de cette matière en 74 °/, des 121 cas examinés, dans des quantités excessives dans les cas de colique de plomb, de malades fébricitants, d’affections de foie, de déviations dans la sécrétion bi- liaire, etc., au contraire dans des quantités minimales dans les cas de leucémie, de maladies des reins, etc. — Enfin M. Stokvis présente la thèse de M. J.de Hartog Jr. : La démonstration de la meplone dans l'urine (en allemand). Tandis que l'urine de l'homme normal ne contient .ni albumine, ui albumose, ni peptone, on prétend avoir trouvé de l’albumose et de la peptane dans l'urine exempte d’albumine dans quelques cas pathologiques où l’albumose n'aurait pu se former aux dépens de l’albumine dans l'urine elle-même en dehors de l'organisme. Après avoir montré que la méthode or- dinaire pour constater la peptonurie (précipitation de la peptone prétendue par l'acide phospho-wolframique, solution du précipité dans l'eau ou en des alcools, addition de sulfate de cuivre ou de la soude) ne mérite pas de confiance et que la réaction du biuret donne les mêmes phénomènes soi-disant décisifs pour l'urobiline qui ne mauque pas d'être présente, l’auteur a cherché d’abord une méthode qui permît de démontrer la pré- sence de peptone à côté d’urobiline. Il y réussit (en éloignant l’urobiline, contenue dans le précipité obtenu à l’aide de l'acide phospho-wolframique, par des lavages d'abord avec de l'alcool et ensuite avec de l'alcool en un acide, et en examinant le résidu avec de l’alcali). Cette méthode appliquée à 50 cas a fait trouver de l’albumose ou de la peptone en 4 seulement. Mais ces urines étaient {outes des urines albumineuses, de ma- nière qu'il est probable que la peptone s’y est formée après. Ainsi l’auteur croit que la peptonurie patholo- gique n'existe pas. P.-H. Scuoure. ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE Séance du 2 Décembre 1897. 1° SCIENCES PHYSIQUES. — M. J. Pollak a préparé l'é- ther diméthylique de la phloroglucine, puis son dérivé benzoylé, au moyen duquel il a obtenu de l'hydroco- toine. Il a préparé ensuite l’acétylhydrocotoine, et il conclut que l'hydroxyle libre de lhydrocotoine se trouve en position ortho par rapport au carbonyle. 20 SCIENCES NATURELLES.— M. V. Schiffner communique la première partie d'un travail sur les plantes qu'il a recueillies pendant un voyage à Java et Sumatra en 1893 et 1894. Il traite des Marchantiacées et des Jungerman- niacées. — M. Steindachner donne des nouvelles de l'expédition envoyée dans la Mer Rouge sur le Po/a. La plus grande profondeur observée a été de 2.030 mètres. Les grandes profondeurs sont très pauvres en animaux. Mais les parties supérieures sont plus riches et l’expé- dition ramènera une magnifique collection de poissons, de coraux et de crustacés. L'auteur donne, en outre, quelques indications sur la formation des iles Camaran. Séance du 9 Décembre 1897. M. le Président annonce la mort de M. Daublesky von Sterneck, membre de l’Académie. SGiENGES MATHÉMATIQUES, — M. G. Jager étudie la question de la résistance que les corps mobiles éprou- vent dans les liquides et dans Les gaz. Il montre d’abord que, dans un liquide incompressible, sans frottement, un corps mobile stationnaire, possédant un potentiel de vitesse, n'éprouve aucune résistance. Il considère ensuite la valeur de la résistance lorsqu'il y à frotte- ment. — M. S. Wellisch, en partant des lois fondamen- tales de la mécanique et de la physique, a cherché à obtenir des formules permettant de calculer l’âge des phénomènes cosmiques : formation de la Terre, de la Lune et des planètes à partir de la nébuleuse centrale, commencement de leur solidification, épaisseur de l'écorce terrestre, etc. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassetie. TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES CONTENUES DANS LE TOME VIII DE LA REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES (DU 15 JANVIER AU 30 DÉCEMBRE 1897) I. — ARTICLES ORIGINAUX Astronomie et Météorologie. BiGourpax (G.). — Revue annuelle d'Astronomie . . 3 Boys (C. Vernon). — La Constante de la gravitation. . GuizauE (Ch.-Ed.). — Remarques sur la loi de New- OO NE LU LA PUS Be RENNES AR OUONC PMTAMEURS ne SAINT-Romas (J.). — Sur la nature de l'attraction newlonienne. La loi de Newton considérée comme une nécessité logique . . . . . ., Botanique et Agronomie, DERÉRAIN (P.-P.). — Revue annuelle d’Agronomie . . . Hégent (A. — La culture du Bananier et le com merce des Bananes, . . . .. RO Te V5 Erano (A.). — Revue annuelle de Chimie PUCES HaLLEr (A.). — L'industrie chimique. L'Enseignement 1" partie : Fabrication des objets à cuire. . . . 3° partie : Conditions scientifiques, économiques pre (. de. — Le renouveau de la Pathologie cellu- FU RESPARRIEES CRATMIGICI MENACE ne ASE nl A EN Le Pie . REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897. 3179 109 751 341 406 150 190 Enseignement, FLAMANT (A.). — L'Institut de Technologie de l'Etat de Messachusets à Boston, SO CON te FORCRAND (R. de). — Les Instituts scientifiques et les NOUVENES UNIV NE ER GUYE (Ch.-Eug.). — L'Ecole Polytechnique fédérale de AUPICDE Pen mue NUS EEE HALLER (A.). — L'Enseignement chimique et les Univer- SUN EME CS RENE D'OR CE MON OS à Scxwog (M.). — La Méthode scientifique en Commerce ÉHENSITAUS ETES PM ENNROnE SESRRren CN Géographie et Colonisation. Causrier (E.). — Trafic et industrie de l'Ivoire . . 1 0 Cuaizcey-Berr (J.). — La Méthode dans les études colo- niales. Lecon d'ouverture du cours de Colonisation comparée à l'Ecole des Sciences politiques. . . . Eseruin (Ph.). — Le Musée colonial de Marseille. 001 Macuar (J.). — Les résultats dela Mission lyonnaise en CHINE REA Es AN POUR SE ere PEscE (G.-L.). — L'Expédition polaire du D' Fridtjof Nansen Mathématiques. Borez (Em.). — Congrès international des Mathémati- ciens. Première session : PoIxcaRË (H.). — Les idées de Hertz sur la Mécanique. — Les rapports de l'Analyse et de la Physique Mécanique appliquée et Génie civil. BrizLié (H.). — La Construction des Torpilles et des Torpilleurs. 339 957 134 857 TannerY (J.). — De l’Infini mathématique. . . . . . . 129 177 254 1022 TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES Mocu (G.). — Artillerie et Budget. . . . . . . . : . c PÉRISSÉ (Liens -col.). — Les Obus perforants . Wirz (Aimé). — L'état actuel et les besoins de l'Indus- trie des moteurs à gaz et à pétrole en France. . . XXX... (Colonel). — La question actuelle de l’Artillerie de’campagne; Nat. ete Physiologie. Bixer (A.). — Sur la Circulation cepnsre et les Phé- , nomènes Vaso- ha SES — re rôle de la Chimie biologique en Médecins HUE Janet (D' Pierre). — Le troisième Congrès interna- tronaltdeNPsSYCholo ie ERP EN NEC Marcer (Dr William). — Les différentes Formes de la RESpir ation NUMAINC NE. Dee Physique. Boca (A.). — Les Variations de période des Raies spec- A M AN A GUILLAUME (Ch. Ed) }. — Les Rayons X et la Dissociation. LAVERGNE (G.). — Les Applications de l'Electricité à AIPAMUIELLE Se ee IC ee Orivier (L.). — Le Microphonographe et ses applic ations à l'Education des sourds-muets, à la Téléphonie ct aMaCINÉMEOETSPN EEE EEE . 1005 Poincaré (Lucien). — Revue annuelle de Physique . . 413 ZeEmaNx (P.). — L'Optique et la Théorie des ions . . . 298 Zoologie et Anatomie. Beaur£GARD (H.). — Revue annuelle d'Anatomie. . . . 669 KoeuLer (R.). — Revue annuelle de Zoologie . . . . , 266 LaBgé (A.). — L'Hétéromorphose en Zoologie. . . . . 589 LARBALÉTRIER (A.). — L'Elevage du Porc en France. . . 618 Perrier (E.). — Le Mécanisme de la complication organique Chez les animaux... 321 ViRË (Armand). — La Faune souterraine . . . . . . * 991 Revues annuelles. BEAUREGARD (H.). — Anatomie. . . . . . . . . = feNe Mb Bicourpan (G.). — Astronomie . . . . 508 DEHÉRAIN (P.-P.). — Agronomie . . . . . : 65 ETARD A") IC NIMIE DURE NC CT TRE 593 FRÉDÉRICONE) ESPhYSI0IORIE NE 861 HAREMANNI(H == Chirurgie CN 151 HAUGE.). == "GÉé0lOLIE MR RE 154 KoEnLEr (R.). — Zoologie. . . . . . MERS oo à © 266 LÉTIENNE (A.). — Médecine . de pi PICARDIE) = MAathÉMALIQUE CNE 957 Porvcaré (L.). — Physique. . . . . 0 à il Il. — ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELLES Borssonxas (A.).— L'Électricité à DE nationale suisse de Genève. Cozsox (R.). — La Phosphorese ence et la Fluorescence en Photographie. DEMENGE (E.). — Relations entre les propriétés méca- niques des Fers et Aciers et leur CHNRCENER chi- NERO 6 0, of.0 De dE UT E. H. — Les Fiacres élec triques à Paris. X. (colonel). — L'Usine Krupp, ses déve pRonenS sa PuISSan CE aCuelle MERE ER 113 — Les Etablissements Armstrong, leur ‘origine, ‘leur situation actuelle te OCR CR EE 219 — Les Usines d’Artillerie américaines : Bethlehem, Midvalesetc.sus LAS EM CEE 879 La Division décimale du temps et de la circonfé- TENCE ee ee cie eee RTE 309 IT. — BIBLIOGRAPHIE 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES Mathématiques ArreLz (P.) et Lacour (E.) — Principes de la Théorie des fonctions elliptiques et Applications. . . . . Auroxxe (L.). — Sur les Pôles des fonctions uniformes à deux variables indépendantes. . . . . Brancur (Luigi). — Vorlesungen über Differenlial-Geo- ROM to Von CCD Oil ce e Woo EseruañD (D: V.). — Die Grungebilde der ebenen Geo- metrie, 1er volume. RON ee re CIN a à & Fôrpz (A.). — Die Geometrie der Wirbelfelder . : GE (E.). — Lecous sur l'intégration des équations aux dériv ées partielles du second ordre à deux va- riables indépendantes. — I. Problème de Cauchy; caractéristiques ; intégrales intermédiaires. Grassmanx (H.) et Frrpricn Encez. — Gesammelte mathematische und physikalische Werke, 12" vo- lume, 2° partie : Die Ausdehnungslehre von 1862. LazLemaAND (Ch.). — Notes sur le rôle des erreurs systé- matiques dans les nivellements de précision et sur le degré destabilité despiquets-"""""…. — Note sur l'erreur de réfraction dans le nivellement géométrique. . - . . . LiLrENTHAL (R. von). — Grundlagen einer Krümmungs- lehre der Curvenscharen. Mankorr ie — Differenzenrechnung. . Meyer (W. Fr.). — Sur les Progrès de la Théorie des ne Projectifs SR CRC RE PETERSEN (Julius). — Théorie des équations algébriques. 356 Prcarp (E:). — l'raité d'Analyse, IT. 514 Rare (L.). — Lecons sur les applications géométriques de l'Analyse (Eléments de la théorie des courbes et des surfaces). . SCHLESINGER (L.). —Handbuch der Theorie der linearen differential Gleichungen, 2° volume, 1°" fascicule. SSL — res Scaugert (Hermann). — Table de logarithmes à 5 dé- cimales lent allemand) "NACRE CRE . 389 SrauL (Hermann). —_ Theorie der Abel'schen Functionen. 531 Sruru (Dr Rudolf). — Traité synthétique des figures du ÉD et du second degré dans la Géométrie linéaire. — III. Les complexes du second degré (en aleMantl SE CNE Le CROIS Astronomie et Météorologie AxGor (A.).— Les Aurores polaires. . . . . : . . S44 BaizLaun (B.). — Cours d'astronomie. {I. Astronomie sphérique. — Mouvements dans le système solaire. Eléments géographiques. Eclipses. Astronomie MOUErN EC LI TE CE 599 Liconpès (Lt-Col. R. du).—Formation mécanique du Sys- tèmerduemonde M ME NEC CT CRE 591 NEumanN (Dr C.). — Allegemeine Untersuchungen über + das Newton'sche Princip der Fernwirkungen mit besonderer Rücksicht auf die electrischen Wir- küngen SEC NERO 33 Vazor (J.).— Annales de l'Observatoire “météorolo- gique du Mont-Blanc. . . . . . . . . OU TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES Thermodynamique, Mécanique générale et Mécanique appliquée ANDRADE (J.). — Lecons de Mécanique physique. . . 920 ARMENGAUD aîné (M.). — Le Vignole des Mécaniciens. Etudes sur la construelion des Machines, 3° édi- AOU AC TASCICUIE AT CP RE MALE. 351 BouL (V. von). — Appareils et machines pour le Calcul mécanique appliqué à toutes les opérations ma- MTÉMATIUESL A Det ce ee MM fete ee te 115 Cnawz (Carl). — Compendium der theor etischenausseren RalStiRe be 1 - . 4010 Duneu (P.). — Traité élémentaire de Méce canique chi- mique fondée sur la Thermodynamique, tome I. 310 Fanman (D.). — Les Automobiles. . . . . . . . . . . AT Guépox (Pierre et Yves). — Manuel pratique du Con- ducteur d'automobiles . . . . . . . . . . 618 HATON DE LA GOUPILLIÈRE, — Cours d'Exploitation des RUES OT SE RE CPE SAME QT 436 KOENIGS (G.) }. — Lecons de Cinématique : Cinématique ARE ENS Re ee Mer R Er 629 Macau (Ernst). — Die Mechanik in ihrer Entwickelung, historisrh- kritisch CNED RUE EE 920 Mancaanp (E.). = Nouvelle “théorie des Pompes centri- fuges. Etude théorique et pratique. . . . . 351 ManécuaL (H.). — Les Tramways électriques. 301 Tairurter (C.). — La Traction électrique. . . . . . . 718 2° SCIENCES PHYSIQUES Physique Ariès (E.). — Chaleur et Energie. 1010 Cuaepuis (J.) et BenGet (A.). — Cours de Physique. 1011 Jour (H.). — Ce qu'on peut voir avec un pEuL Mi- Croscope. . . . . - . + : + - : 1011 Dauzen (B.-C.) et PaiLcorT (R.). — Traité de M: anipu- IROnSnUe PRYSIQUE. RC rer: 515 Dumont (A.). — Les Electromoteurs et leurs applica- TS a ee een en al etPa Vas ee Ve 0199 Fagry (Ch.). — Les Piles électriques. 5 151 Le Vernier (U.). — Les applications de l Electrolyse à à RON GNOME Re 195 Lorré (F.). — Transformateurs de tension à courants alternatifs. Free PR de ST PE ter ct M ec 597 — Les Accumulateurs électriques OO COR Ve 1 963 Mascarr (E.) et Jouer (J.). — Lecons sur l'Electri- cité et le Magnétisme. I. Phénomènes généraux et IR PR TT I DE CON D 73 Maruras (E.). — Sur l'étude calorimétrique complète HS RHERNTeSISAÎUTÉS EL MEN Ne Met RO e 311 SrenuelL (Robert). — La Reproduction des couleurs par la superposition des trois couleurs simples. 164 Voice (W Sr on — Kompendium der theoretischen Physik. 1. Mechanik starrer und nichtstarrer Kœær- per. Wi del hre. II. Eléktricilät und Magne- tismus Optik. 475 Wurz (Aimé). — Cours supérieur de > Manipulations ‘de RTE Re CRC OR EU CEE See 630 Chimie Anru (G.). — Recueil de Procédés de dosage pour l'analyse des Combustibles, des Minerais de fer, des Fontes. des Aciers et des Fers. . . . . . . . 390 BARILLOT- (E. }. — La Distillation des Bois. . . . . . 16 Bénaz (A.). — Traité de Chimie CHERE d'après les Théories IMOUeRNeS AE II SRE S45 Bertugcor (M.). — Thermochimie, Lois numériques etidonnées expérimentales . =... "0 ssl Borcuers (D° W.). — Elektro-Metallurgie. Die Gewin- nung der Metalle unter Vermittlung der electris- MHenStromies, ee TA 2 eus | es 242 Bourroux (L.). — Le Pain et la Panitication. 679 Evaro. — Les nouvelles Théories chimiques. . . . . 882 FErREIRA DA SILVA (A.-J.). — Tratado de Chimica elementar, t. I. Chimica mineral . . . . . . . . 116 ‘Gaurier (Armaod) et Arruus (M.). —Lecons de chimie biologique, normale et pathologique. . . . . . . 418 Hauzer (A.) et Müzcen (P.-Th.). — Traité élémentaire deChimnie. 1.Chimie minérale. I. Chimie erERnIqne 212 HexrteT (H.). — Les Gaz de l’'Atmosphère. . . , . . . 515 Joannis (A.). — Cours élémentaire de Chimie. . , . . 437 — Cours élémentaire de Chimie (suite) . , . . . . . 558 1023 Le Cuarezter (H.). — Recherches sur la Dissolution , 600 LexoBce (E.). — La Théorie atomique et la Théorie dualistiques AE ART CREME. CAL N 3 12 Livacne (A.).— Vernis et Huiles siccatives . . . 75 Mancoroy (G.). — Loi des équivalents et Théorie nou- velle de Ja CIE re 600 Mixer (Ad.). — Electro- métallurgie. Voie humide et voie sèche. Phénomènes électro- -thermiques. 678 Moissax (H.). — Le Fourélectrique . . . . . . . . . 757 OEscnxer dE ConiNck. — Cours de Chimie organique. Supplément. Melhfascicule-s NN EC RE 119 Osrwazn (Wilhelm). — Elektrochemie. 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S83 Botanique et Agronomie Axpreascu (Fr.). — Les Fermentations en Tannerie (en alleMaAn) ES ER EC EE 1012 DESMOULINS (A.).— Procédés de Conservation des den- réeseMPTOANES AS TICOIES EE 602 Errera (Léo) et LauRENT (E.). — Planches de Physio- loge ven tale EE RE NC EE 2171 GétarD | R.). — La Botanique à Ly on ‘avant la Révolu- ODA D Mr RIT 276 Guiserr (J.) et Gurcuener (CLÉS ). — Atlas de Biologie végétale, lerfascicule "IVe ER 516 HECkEL (E.). — Les Plantes médicinales et toxiques de la Guyane francaise. 922 Kayser (E.\. — Les Levures. Caractères s morphologiques et physiologiques. Applications des levures sélec- ti0nn6es PRE RER ER EE 166 LARBALÉTRIER (A.). — Les Résidus industriels employés COUDE Engrais. [. Industries minérales et anima- les. IL. Industries végétales. 21 10508 Roos Li) — L'industrie : vinicole méridionale. 00e et des animaux Arréar (L.). — Mémoire et Imagination. Peintres, Mu- siciens, Poètes et Orateurs . Se ArrTuus (M.). — Eléments de Chimie physiologique Ce Bazbwix (J. -M.). — Mental Developpement in the Child and the Race. Methods and Processes. . . Brervzrer (J.-J. van). — Eléments de Psychologie hu- MAINE" PNR EE - Bixer (A.). — L'Année psychologique . : BourxE (G.-C.). — On the structure and affinities of He- liopora cœrulea-Pallas, with some observations on the structure of Xenia and Heleroxenia. . : . Decace (Yves) et Hérowarp:— Traité de Zoologie con- crète I. La Cellule et les Protozoaires. . . . ... . Ducraux (E.): — Pasteur. Histoire d'un esprit. : . . . Düvaz (Mathias). — Précis d'Histologie. : . . . . . . | Zoologie, Anatomie et Physiologie de l'Homme 102% TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES Ennéer (D L.). — Lecons sur la Structure des organes du système nerveux central de l'Homme et des Animaux (en allemand}. . . - - + - . . : Hirr (G.). — Les Localisations cérébrales en Psycho- logic ei EN ES EC RCE int (J.). — La Fatigue et la Respiration élémentaire dur muscle UE NE NPENTE EE E NEES KœuLer (R.). — Les Résultats scientifiques de la Cam- pagne du Caudan dans le Golfe de Gascogne. . . Loverno (J. de). — Le Ver à soie. Son élevage, son COCOON SRE RO 0e HN Te DD dite GET Perrier (E.). — Traité de Zoologie. IV. Vers (suite). Mollusques NN Prenx (D'). — Abstammung, Alter und Entwickelung der Lepidopteren . . . . - . - Mn Lace ; Sucugrer (A.). — Des Hybrides à l’état sauvage. Règne animal.“ Classe des Oiseaux "MN. 4° SCIENCES MÉDICALES Chirurgie, Gynécologie, Ophtalmologie Bazy (Dr). — Maladies des voies urinaires. Séméiologie. Duvray (S.). — Cliniques chirurgicales de l'Hôtel-Dieu. Fucns (E.). — Manuel d'Ophtalmologie. . . . . . © Le Fort (Léon). — OEuvres. III. Chirurgie. . Lorexz (A.).— Pathologie et Traitement de la Luxation congénitale de la Hanche. . Tee ee Médecine, Hygiène, Microbiologie médicale Boroter (H.). — Précis d'Electrothérapie . . . Bources (H.). — L'Hygiène du syphilitique. Broco (L.) et JACQUET (L:): — Précis élémentaire de Dermatologie. V. Dermatoses d’origine nerveuse. Formulaire. . . . ; nique médicale) . . CowBy 1. — Traité des — Thérapeutique et l'Enfance. Formulaire . . . Courmonr. — Précis de Bactériologie pratique. . . . . DALLEMAGNE (J.). — Les Théories de la Criminalité . . Dezrau (G.). — Hygiène et Thérapeutique thermales . Duuas (G.). — Les Etats intellectuels dans la Mélan- TER an TR a IE UN OM OM A ÉA, on 0,0 Eurers (E.).—/L'Ergotisme.... Fceury (M. de). — Introduction à la Médecine de l'Es- Garrer-Borssière. — L'Enseignement de l'Anti-alcoo- lisme. Hygiène. Législation francaise et étrangère. Gaucuas (Dr). — Deux ans de fonctionnement d'une crèche. Étude d'Hygiène infantile. . . . . . . . . Gayer (Dr). — Guide sanitaire à l'usage des Officiers de lP'ArméeNcolonial ES - CE RTC TNO RE Lecraix. —Des Anowmalies de l'instinct sexuel et en par- ticulier de l'inversion du sens génital. . . . . . . Lesars (F.}. — Le Lavage du sang . . . . . . . . . . Leruce (M.). — Anatomie pathologique. Cœur, vais- SEAUXS POUMONSE ES ee eee ce Lyon (G.). — Traité élémentaire de Clinique thérapeu- TUE EN NN TE te RE Mason (W.-P.). — Les Distributions d'eau au point de que sanitaire (en anglais). Le ee Meuxier (H.). — Du Rôle du système nerveux dans l'In- fection de l'appareil broncho-pulmonaire. . . . . Proust (A.) et Marureu (A.). — L'Hygiène de l'Obèse. . Rocer (G.-H.).— Des Applications des sérums sanguins au Traitement des maladies . . . . . - RorasceuiLo (H. de). — Quelques observations sur l'ali- mentation des nouveau-nés et de l'emploi raisonné du lait stérilisé Sonné-Morer. — Eléments d'Analyse chimique médi- cale appliquée aux recherches cliniques. . . . . . Srerr (E.-L.). — OEuvres complètes : Syphilis. Prostitu- tution. Études médicales diverses (traduit du russe) Tourouse (E.). — Euquête médico-psychologique sur les rapports de la supériorité intellectuelle avec la névropathie. I. Emile Zola Trirar (A.). — La Formaldéhyde et ses applications la Désinfection des locaux contaminés Vreizanb. — L'Urive humaine. Urines normales, anor- males, pathologiques, avec une préface de M. Ar- mand Gautier : à à 5° SCIENCES DIVERSES Granpe ExcycLoréniE, inventaire raisonné des Sciences, des Lettres et des Arts. — 56e livraison . — 564 et 565° livraisons PE © Kuus (Dr A.). — Les choses naturelles dans Homère . Mexrz (J.-T.). — A History of the european Thought in the nineteenth century (1° volume) 439 632 1013 Thèses pour le Doctorat présentées à la Faculté des Sciences de Paris (1896- 1897), et analysées dans la Revue en 1897. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES Beuvox (J.). — Sur les Systèmes d'équations aux déri- vées partielles dont les caractéristiques dépendent d'un nombre fini de paramètres . . . Desanr. — Sur quelques points de la Théorie des fonctions. A SéDIe Haure (M.). d'une courbe plane algébrique Leau (L.). — Etude sur les Equations fonclionnelles à à une ou plusieurs variables. . . .- - - - . . . . Sueuar (P.-J.). — Sur le problème général de l'inversion et sur une classe de fonctions qui se ramènent à des fonctions à multiplicateurs. . . . . Tuypaur (A.). — Sur la Déformation du paraboloïde et sur quelques problèmes qui s'y rattachent. . . . . 2° SCIENCES PHYSIQUES (PHYSIQUE ET CHIMIE) Bouasse (H.). — Sur la torsion des fils fins. . . . . . CuawceL (F.). — Contribution à l'étude des Propylamines normales et de leurs dérivés. . . . . . . . . . . Corrox (A.). — Recherches sur l'Absorption et la dis- persion de la Lumière par les milieux doués du pouvoir rotatoire. . . . . . . . . : : +. Guincuant (J.). — Etude sur la Fonction acide dans les dérivés méthéniques et méthiniques . . . . . - . Guvor (A.). — Etude de quelques homologues de la Diphénylanthrone (Thèse de NanCv) Re HoupaiLce (F.). de la vapeur d'eau dans l'atmosphère et du Coeffi- cient de frottement de la vapeur d'eau. . . . . . KLogg (T.). — Nouvelles synthèses au moyen de l’éther CYANACÉTIQUE. Ne CE TE Lesreau (R.). — Recherches sur les Epidibromhydrines et les composés propargyliques. . . . . . - . - - Manceau (E.). — Sur le tanin de la Galle d'Alep et de la Galle “de Chine... Perrin (J.). — Rayons cathodiques et Rayons ‘de Rünt- DEN. ne a 5 ee le RCI CIS CRE Poxsor (A.). — Recherches sur la Congélation des solu- tions aqueuses étendues. . . . . . . - - . A Senris (H.). — Tension superficielle de l'eau et des so- lutions salines:e 201.20 NON Tuouas (V.). — Contribution à l'étude de quelques sels métalliques halogénés . . . . - . - + - Tuomas-Mamert (A.). — Sur quelques amino-acides non SAÉUTÉS eee ere NL ENS Vicouroux (E.). — Le Silicium et les Siliciures métal- liquesi ts 0e CR EN RES VizLarD (Paul). — Etude expérimentale des Hydrates de Gaz ME PRE 5 à | — Etude des gaz liquéfiés: : Ce Waiss (Pierre). — Recherches sur l'Aimantalion de la Magnétite cristallisée et de quelques alliages de fer et d'antimoine. . . . : - « + + . + . co 3° SCIENCES NATURELLES Carxor (P.). — Recherches sur la Mécanique de la pig- mentation re CR TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES 1025 ENS 213 312 439 963 631 516 ACADÉMIE ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER Académie des Sciences de Paris Séances des 14 [2 re SE HN E=E= IRD -I1S 0 È 12 19 décembre janvier février mars avril mai juin juillet août septembre Octobre novembre décembre 1896 Académie de Médecine Séances des 15-22-29 TE e] — 12-19-26 — 2-J-16 — 23 — $-15-22-29 6-13 — 20 21 décembre janvier f Eee mars avril mai juin juillet 189 1897 des plantes grasses. Rs ue els) Lasorne (J.). — Recherches physiologiques sur une moisissure nouvelle, l'Eurotiopsis Gayoni . . . . . 846 LanGLois (P.). Sur les fonctions des Capsules surrénales. 417 Loisez (G.). — Formation et évolution des éléments du Tissu élastique. . . . . RARE ion 631 SapriN-TRourrx (M.). — Recherches histologiques sur la famille des Urédinées . . . . . .. APTE, CHACE 601 Tswerr (Michel). — Etudes de Physiologie cellulaire (Thèse de Genève). De nee nee CN ONE 516 Séances des 3 août — 685 — 10-17-24-31 — mA AT PER 123 — 1-14 septembre — : . := er ou TE) — 21-28 — Net Gi 799 — 5-12 octobre Mn CASE ER 848 — 19-26 — LE 886 — 2-9 novembre — 925 — 16-23-30 — ne LM RU DE Lo 968 — HAE MATECEMPIEN RL EN CEE 1016 Société de Biologie Séances des 5-12-19 décembre 14896 . . . . . .. S0 — 26 us = Na y 81 — 9 Janvier MST 0 PRE 81 — 16 — = EN NS Ne 165 — 23-30 — Oo Moubra 169 — 6-13-20-27 février US 6 oi à D 0 281 — 6-13-20 mars = ‘Ho opte d € ab —— 21 — M ENG NS 6 fo À . 398 — 3 avril ES Eu BG 0 395 — 10 —= SN ER 412 = qor mai — 481 —= 8-15 — ONDES Été A 00 521 — 22 — RS RTS 605 — 29 _ — 606 — 5-12 juin — 606 = 19-26 — =", 635 Æ 3 juillet SERRE 636 = 10-17 —= LOS ete te 685 — 24-31 = — 123 — 2-9-16 octobre — 848 — 23-30 — NN en 886 — 6 novembre — 925 — 13 _— — 968 — 20 — — 969 — 21 — — 1016 — 4 décembre — 1016 Société française de Physique Séances des 18 décembre 1896 — 15 janvier 1897 _ 5 février — = 19 = = — 5 mars == — 19 = _— 2 avril — — 7 mai — a 91 RE e: — 4 juin = : 18 2 = — 2 juillet — = 16 = = — 6 novembre — Société Chimique de Paris Séances des 2 NOVeNDre M A18960. 4 2e 0-6 RS _ 2 décembre OT er en ON D) = 11 — MGR RS D St — 8 JANVIE CR TROT EEE 82 1026 TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES Séances des 22 janvier AUBOITEMENTAENCAENE 282 | Séances des 29 octobre 1897 888 — 12 février NT RE RUE 283 — 12 novembre — 928 — 26 — -— 317 — 26 — — 1019 — 152 mars — 442 — 10 décembre — 1019 —— 26 — — 481 — 9 avril — 481 Le RE ue 14-98 mai “r 607 Societe de Chimie de Londres — 1 juin — 685 — 25 — DURS MCOMMUNICA TION EME NS NE NE ANSE 82 — 9 juillet UN RC ep)" Séanceldu 3 décembre 1896 UNE S3 COMMUNICATIONS RENE NE EC HN ACONMUNICALIONSE ERP CRE 172 Séances des 12 novembre 1897 969 | Séance du 21 janvier 1897 283 —- 26 _ — IDE IS COMMUNICAIOISERE EEE ERES 360 — 10 décembre — 1017 | Séances des 5 mars 1897 _. — 31 = — 524 SECTION DE NANCY — 1er avril — 024 ae ù ; ÉNe — 29 — - 564 Séances des 20 janvier 1897 82 1E 6 nai ds 564 _ 17 février — 170 E 2( = me 608 _ 17 février (suite) — 216 “e QE Ts = 17 Mare 859 | à ae VS ce au 96 AS a 592 ‘ommunications . . + 0 c Le — 26 mai (suite) — 607 Tue ON RE 6 GENS — 15 décembre — 1017 Académie des Sciences d'Amsterdam Société Royale de es ne Te Séances des 23. novembre ISERE 39 Communications. 82 = 2 janvier 1897 . 123 = 192 — 30 — — 219 Æ 917 — 21 février — 399 Feu 317 21 mars =" LS SERRE 483 = 397 | Communications. . . . . . 127 RAR ET ANR PE IS TON 112 = 763 fn 481 - RP SE di Aa ce 803 NT D a UE AE EAU 593 | Séances des 25 septembre 1897 S51 ee BF9 _ 30 octobre = ie RER ER 7 EST RERO PARE ES PRE RE 636 — 30 octobre (suite) — . . : .. … 1019 == 686 9 Ti Fe Académie des Sciences de Vienne = ste Séances des 3-10 décembre 1896 . . 10 Le 886 _ 17 — TEE S% ae 926 — 7 janvier 1897 8% Le 969 — 14-21 = — 172 Æ 1017 mt 11718 février — 284 | — AIS mars 2 se REC 400 —_ er avril — 400 Société de Physique de Londres — 8 — — 524 _ 6-13 mai — 524 Communications . D a LE MEN 170 — 20 — — 608 Séances des 22 janvier 41897 171 — 3 juin — 608 — 12 février — 283 — 18 — 640 — 26 — — 320 — qiex juillet — 640 Communications. . AR A ON EE à 359 — 8 — — 688 Séances des 12-26 mars 1897 398 — 15 — _ 728 —= 9 avril — 399 — 1 octobre _ 851 = 1% mai — 523 — 14-21 — — 928 = 28 — —_ 607 — 1 novembre — 928 = 11 juin — 639 — 11-18 — — 972 — 25 — = 640 — 2-9 décembre RE © à 1020 Botanique et Agronomie | DemexGe (E.). — La Coulée centrifuge appliquée au Durcissement de la surface des moulages d' acier. 975 B. R. — Découverte d’'Anthérozoïdes chez les Gymno- ErarD (A.). — Le nouvel élément annoncé par M. G.- SDETMES ER 325 Bouchet turn ur MEIEER S5ù LARBALÉTRIER (A.). — Le dosage de l'azote dans les FReunpLer (P.). — L'Enseignement pratique de la Chi- terres et les engrais; simplification de la méthode nie appliquée de la Faculté des Sciences de l'Uni. de fRijelda blesse tes dE TE ENERE rUeR 175 versité de:Paris 10. MEME 568 L. O. — Lareprise d’ un projet dePasteur pour détruire Guicaarp (M.). — Le rôle des Carbures métalliques dans JePhVIIORET A EE 890 la nature, 4440: RL ET NP 3 Morinié (M.). — La valeur agricole du « Tout à ï égout » » 611 — Un prétendu « « Nouvel Elé ment » : le Lucium . . 4126 — Vinification rationnelle par l'emploi des levures GuiLLAUME (Ch.-Ed.). — La notion de « Solulion so- pures, après stérilisation des moûts de raisin. 87 lide » . . 643 HéLrer (H.). — ‘Sur la fin prochaine de la Chimie expé- Haas rimentale PR Cr ne 0 Lo è 3 Chimie L. O0. — La Con-titution des Corps phosphorescents . 643 ï M. G. — Un nouveau ferment du sang : la Lipase. 126 Dawour (E.). — Le rôle de la Science et des Labora- Orrvier (L.). — La Science dans l'industrie des Parfums toires industriels dans les usines céramiques . . . 362 en Allemagne . ATEN So Lo fe 2 AN MANS D TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES Oravier (L.). — Création à Rouen d'un Laboratoire de chimie pour l'enseignement de la Teinture et de l'Impression. RéPIN. — Fermentation ace par action diasta- ic Wine (A.) et Ocrvien (L.). Chimie. La Lipase végétale. . . . . . HT La Revue de Physique et de Chimie 2 06 Dotations scientifiques NUS ER RGNENR A DOM ET € BAaUOns Sclentibques: … : 4-1 SM lee Application de l'Acétylène à l'Analyse chimique . . Nouvel appareil pour la Diagnose rapide du Potas- sium Création d'un Laboratoire international pour l analyse HANARECS ELIAPSTACIETS + He NL CT De Une nouvelle Classe de substances oxy dantes : les Per- CHRHPDOAIESE NT A ct Le Es ete duc MEN d'agrnLe BiUblisation de l'Alominium.. : -. 1.2" 0" Sur les Procédés de raffinage et d'épuration des Jus D PRE LS fé OPA Se PAR LA OP GE 7 Comité de Consultations industrielles. . 125, 289, 488, Sur la Préparation industrielle de l’Aldéhyde formique. Distinctions et Solennités Scientifiques JAUBERT (G.-F.). — Le Jubilé de M. Cannizzaro . Le Cinquantenaire académique de M. Faye. . Elections à l'Académie des Sciences de Paris (MM. Filhol et Sebert). . La Médaille d'or de la Société industrielle du nord de la France (M. Moissan). Elections à la Société Royale de Londres (MM. G ;. Lipp- mann, A. Heim, Mittag-Leffler, Schiaparelli) . Elections à l'Acalémie des Sciences de Berlin (MM. Ray- leigh et Ramsay). Election à l'Académie des Sciences de Paris (M. Violle). Elections à la Société Royale de Londres (MM. W illiard Gibbs et Wisliscenus) Election à l'Académie des Sciences de Berlin (M. Dar- boux Sp Election à l'Académie des Sciences de Paris (M. G. Bonnier) Ste Mans) Lee Daton à la Société Royale d'Edimbourg (M. Ama- La Médailte d'or de la Société Astronomique de Lon- dres (M. Barnard) ; La Médaille Bessemer (Sir F.-A. Abel)... La Médaille d'or de la Société de Géographie de Saint- Pétersbourg (M. Moureaux). . . . . . . . . Election à l'Académie des Sciences de Paris (M. Radau). Elections à l'Académie des Sciences de Turin et à l'Aca- démie des Sciences de l'institut de Bologne (M. Em. Picard). . : Le Cinquantenaire ‘de H.-C. Sorby. . La Médaille d'or de la Société géologique de Londres (Miss Ogilvie Te Et Election à la Société des Sciences de Haarlem (M. Mois- Se nu ce Uri el d ei Pure Election à à la Société des Sciences de Haarlem (M. E.-H. LORD RUES ER Elections à l'Académie des Sciences de Paris (HMS Hatt et de Lapparent). . . . . . . . .. — DETRIERS AL EES DD ee. Lee ee 20 = ue le Election de l'Académie des Sciences de Paris (succes- sion de M. Schutzenberger). . . . . . . Election à l'Académie des Sciences de Paris (M. Ditte). La séance anniversaire de la Société Royale de Londres. Electricité Industrielle Benrurer (A. — Le Chemin de fer électrique de Ja Jungfrau. . . . . Courtois (G.). — Nouvel appareil “enregistreur Càbles sous-marins. pour G.-L.-P. — Exposition internationale d'électricité à ORNE AS TRE Sr. NE ANT ur Mc sit ; Ungax (E.). — L'Elertrodialyse des Jus sucrés . . . Nouveaux appareils de Chaulfage électrique. Les nouveaux Accumulateurs Tudor. . . Le système de Traction électrique sur les lignes de la Madeleine à Courbevoie, Neuilly et Levallois. Les Automobiles électriques . . . . . . .. Fe Nouveau Voltmètre d'étalonnage. . Emploi des Gadoues à la roduction de l'Electricite. Les Fiacres électriques à Londres. . . . . . . . . 12 DU IDR 1027 Génie civil AunouiN (L.). — La Navigation de la Loire. . . . . 222 Brunet (L.). — Le Frein électro- “PAenMEIqnE de ie Chap EL EC RE RE 42 G.-L. P. — Installation de Torpilleurs sous- -marins dans les flancs des croiseurs et des cuirassés . . , . . 526 LaurioL (P.). — Le Pavage en bois. . . . . . . 1 Ouvier (L.). — Les Navires de guerre de la Marine allemande. . . a SO TNT Ah, RS PARENT 222 — La Revue de Mécanique APR ARS TE MEN 221 — La Réfection du cours de la Loire. . . 445 PénarD (J.). — L'Enseignement professionnel des Ma- MONTE en RS pan Go . CARE PEsce (G.-L.). — Le Travailleur sous-marin, . . 322 Congrès internalional des Naval Architects and Marine Engineers. RL Ler 2 LO MO M LTD En 1: 22000609 _. Fabrication des Galets en MENTON TE à 0 765 Les Travaux du port de Marseille... :: : . : : : . | 805 AUEOMODISEO CPR EC ENT HE Géographie et Golonisation Deuérain (H.). — La descente du Niger par la Mission HOUSSE RE CRE Fo Es 88 — Le Bulletin du Comité de Madagascar. net 643 Goprrkoy (J.). — La Kabylie et le peuple kabyle . 225 — Le port ESS Ar PARC RE QE 325 AUNSISRRE EE Ne ë 365 — Le Mouvement colonial en Allemagne à En CS A 489 — Le Mouvement colonial en France . . . . . . . . 527 — Les travaux publics aux Colonies : les Chemins de eo er mn tr 0e MO un TRE M As USE Léonarpox (H.-L.). — Les Voyages d'études de la « Revue ». Aux Capitales de la Baltique et en RUSSE MOMIE RO EN RNES PnENE LR 6 ES Macnar (J.). — La France dans le détroit de Bab-el- Mandeb ; Cheikh-Saïd . HE: din 280 ML Ta TRES 0 LEO RPM TL EN TRUE 4A4T Maprozze (Cl). — Haï-Nan et les influences étran- D'ÉTES ET Jo re Re DIR UE Cl 3 Privar r-DESCHANEL (P. je __ L'acclimatation du ! l'agasaste en Algérie et en Tunisie. . . . . . 89 RIVIÈRE (C.). — Culture du Manioc dans le Bassin MÉCITELTAN CNE NN EE RTC 976 Rocques (X.). — Les Conserves de viandes destinées aux administrations de la Guerre et de la Marine. 404 VOYAGES D'ÉTUDES DE LA @ REVUE ». . . . . . . . . . 401 — Voyage en Egypte. . . . . . . .. . . .:. . . . 446 — Voyage aux Capitales de la Baltique et en Russie. 485 — —= — — 525 — Voyage au pays des Croisés : Syrie et Palestine. 565 — Voyage en Russie et aux Capitales de la Baltique. Livres aire ON MINT ARR 569 — Voyage au pays des Croisés : Syrie et Palestine Livrestal liner pee, RATES CNP ENRERIEREE 612 Voyage aupays des ICrOISESE MC 64% — — = 131 — = == 766 Constantinople etATENES ER EEE 892 — Voyage en Grèce, au Mont Athos et à Constanti- nople (vacanceside Paques, 1898)". 929 La Femme aux Colonies . 128 La traversée de l'Asie septentrionale par la Mission Cha FAN ON EE CRC 128 Education scientifique des Voyageurs naturalistes. . . 289 L'utilisation des cataractes du Nil comme force MOÉTICE NT NE M CRT Le 326 Peut-on domestiquer l'éléphant d'Afrique? . . . 326 Un cäble anglais à travers le Pacifique . 365 Deux nouvelles écoles à Madagascar . . . . . . 366 La question du Cheikb- Saïd sun IMAGE VATE Etudes coloniales mises au Concours A MATE EIS Expéditions au pôle Sud. 60 La culture du Girofier dans les Colonies francaises. USD Les cultures coloniales à la Réunion . 767 L'Exposition internationale des Pêc hes à © Bergen COMBO EN NCR REE Lits METRE Projet de càäble pour l'Islande . . . . . . . . 768 Géologie et Paléontologie GLaxceaun (Ph.). — Les dernières découvertes de Mi Amerbino PAR CENT EE RCRTE 933 IHauG (E.)., — Les nouvelles cartes géologiques . . . . 403 1028 L'existence de l'Homme à l'époque glaciaire en Amé- MIO UE ne de ere Ne UE EE NC TT Découverte d'un Scombéroïde fossile . . . . . . . . . Nécrologie AD Rudolf Heidenhan ere Bassor (Col.\. — Antoine d’Abbadie. . .. . : . - . | DEnéRAIN (H.). — Antoine d'Abbadie. . . . . . . . . . Explorateur ZI ter AE EEE Etarn (A.). — P. Schützenberger. - - +: . … : . |. . JAUBERT (G.-F.). — Alfred, Nobel . "2" . TACROTAAS FA DesCIoIzeAUx NC DÉTDENNEU AS) MOT VAN PE RER EN CU PrcarD (E.). — Karl Weierstrass”. =... 0 |. — James dosèpl DUREO ose lo aie RE 012100 Franz Baur, Er Gatke, E. À. B. Lundgren, Hermann von Nôrdlinger, A. À. van Bemmelen, Auguste Streng, Salvatore Trinchese, Sylvester, Antoine AA bpadie ete PAS eSATA Discours sur Pasteur à la Société chimique de Londres. Dr Magitot, Léon de Pasquier, Descloizeaux. . . . . . AR Éresenids LC EU TEE. UNE Edm. Drechsel, Ernest Scheering. . - . .. . . . . . ES TAROT AS MT EE CNE AU USE AT EEE: ANTOINE PE M AT ME Er elle à COMEVIN 2 RENE R ERTENERN MEURMEN ÉACS Physique BRILLOUIN (M.). — Origine, variations et perturbations de l’Electricité atmosphérique RER RD ed Broca (A.). — Lettre à propos des expériences de MST AE ol co Neo do Halc'oe 6€ 0 CHaARPyY (G.). — Recherches nouvelles sur les Aciers AUNNICKE LA RENE EN LEE PEN Gauuoxr (L.). — L'inscription photographique des alti- tudes dans les ascensions des Ballons-sondes. que AUME (Ch.-Ed.). l'étude des corps Opaques Peer LExorce (E.). — Nouveau procédé de détermination de la densité des corps pulvérulents (méthode du DO) 6 Votre dr datolsen dia go died a 60 MESIN (G.). — Sur la loi de Newton . . . . . . . . . Raveau (C.). — L'Exposition de la Société française de PER Ch ot 6 nf 0 tokio: oo Mb oios 0 MIO ne mEyperphosphorescence EP TR EU Ce Sur quelques Propriétés des Gaz faradisés. Expériences de lord Rayleigh sur les ondes sonores. . La transmission des signaux à travers l'espace par les radiations électriques OM DOME LOU oi 0 Nbr do Un nouveau Voltmètre d'étalonnage. . . . . . . . . . Sciences Médicales et Physiologie Bazrnazarp (V.). — Les Actions physiologiques attri- buées aux rayons X leur sont-elles dues? . . . . . TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES Fonroynont (M.). — Du sérodiagnostic de la fièvre typhoïde et du procédé de M. Widal . . . . . . : GuicuarD (M.). — Le Phosphonsme te GuicLaume (Ch. Ed.) — Le minimum perceptible de l'Audition Re eee OR ERPRORAERRREE LAnsoLes — Morphologie et culture du Bacille de la este Te ONE NE RE EC ET CE . MaugrAc (P.). — Application thérapeutique des rayons RODISEN EN SEEN RAT RC ENCRES MAURANGE ((r.). — Le Suc pulmonaire. . . . . . . . Moznié (M.). — La question du lait à Paris. . . . . . — La désinfection des locaux. Un TRE — Le traitement des ordures dans les grandes villes. — L'adduction des eaux du Loing et du Lunain à Paris Re CRETE ER Ozrvier (L.). — Nouvel emploi du Choléra des Poules pour détruire les lapins en Australie. . . . . . . Traitement opératoire de la gibbosité du Mal de Pott. Nouvelle application de la Radiographie à la Méde- CIM 6 done RUN OUT VO TE NPRIEEE Création d'un Laboratoire de médecine expérimentale auColléce de France PNR ERP La”Guissonides viandes MMM COR EN RE Nouvelle théorie de l'Action des substances antiseptiques et des poisons La Chaleur spécifique du Sang humain . . . . . . . Universites, Congrès et Concours CuaRRiN (A.). — Le Congrès médical de Moscou. . . . OLIVIER (L.). — La British Association au Canada . . . L'herbier Lloyd La section des Sciences à l'Exposition internationale de’Bruxelles en MST RENE RE Recherches scientifiques mises au concours par l'Aca_ démie Royale de Belgique "tee Donations aux Universités Congrès international de Médecine de Moscou en 1897. Congrès international d'Hygiène et de Démographie de Madrid'en 1898-% TM RER EEE Association francaise pour l'avancement des Sciences (Congrès de Saint-Etienne) Donations aux Universités Congrès international de Géologie de Saint-Pétersbourg. Congrès pour l'étude de la Tuberculose. . . . . . . . Concours ouvert par la Société industrielle de Mul- house Association française pour l'avancement des Sciences (Congrès de Saint-Etienne) La question des Etudiants étrangers à la Faculté de médecine de Paris NN ON TERRE Le discours de M. Meslin sur l'Energétique, à la ren- trée solennelle des Facultés à Montpellier. . . . . Cours du Muséum d'Histoire naturelle en 1897-1898. Cours du Collège de France." Zoologie DELAGE (Y.). — Sur la méthode d'exposition en Zoo- logie ASSET EEE Exploration de la Faune marine de la côte sud-afri- Caine, 2 20e sitter + renoue CORRE L'Index à fiches du Conciliuun bibliographicum . 127 806 128 TABLE ALPHABÉTIQUE DES A A. B., 351. A. D., 853. A. L., voir À. Lestienne. - Abadie, 635. Abbadie (A. d'}, 285, 355. Abelous, 166, 313, 357, 605, 969. Abney (W. de W.), 171., 802. Abraham, 282, 393, 396, 562, 635. Achalme, 357. Achard, 357, 441. Ackermann, 888. Adamkievicz, 400. Addyman Gardner, 971. Ader, 604. Agafonoff, 410, 634. Aguiar (Alberto d'), 219, 317, 480. Aignan, 518, 603, 847. Aimable, 172. Aimé, 119. Albarran, 395, 636. Alberda van Ekenstein, 124, 925. Albert Ier, prince de Monaco, 31. Albrecht, 524, 608. Alvernhe, 354. Amagat, 2178, 312, 316, 358, 630, Amaudrut, 168. Andeer, 316, 561, 1016. Andor Ferenczy, 851. Andrade (J.), 561, 603, 722, 920. André (Ch.), 683, 924. André (G.), 82, 215, 283, 356, André (d'), 760. Andreasb, 284, 1012. Angot (A.), 518, 600, 603, Antheaume, 605. Apert (E.), 848. Apostoli, 604, 683. Appell (P.), 31, 168, Appleyard, 170, 398, Archambault, 885. Ariès, 1010. Arloing, 81, 560, 606, 683, 684. Armengaud aîné (M.), 351. Armstrong (H.E.), 84, 163. Arpad von Degen, 608. Arneth (A. von), 851. Arréat (L.), 390, 758. 1041. 562, 643, 848, 924, 925, 442. Q%1 S44. 219, 604. ; 1019. Arsonval (d'). 518, 603. Arth (G.), 170, 390, 633. Arthaud, 169. Arthus, 478, 922. Aston (Mie E.), 161, Astruc, 521, 1015. Athanasiu, 606, 636. Atkinson, 283. Aubel (E. van), 220, 725. Aubert (E.), 214. Auché, 636, 886. Audoin, 223. Auffret, 121. Aumale (duc d’), 518. Autonne (L.), 120, 351, 156, 195, 843, 881. Ayrton. 1019. 389, 415, 618, 1. Les noms imprimés en caractères gras sont ceux des auteurs des articles ori- ginaux. nes chiffres gras reportent à ces ar- ticles B. R., 325. Babes, 280, 394, 441. Babinski, 636. Bach, 480. Bagard, 78. Bailhache, 314. Baillaud (B.), 393, 599. Baire, 924. Baker (Julian L.), 283. Bakhuis Roozeboom, 804. Baldwin (J. M.), 680. Ball (John), 84. Balland, 79, 80, 120, 356, 160, 885, 966. Balthazard, 606, 685, 892. Baly, 171. Balzer, 886. Bamberger, 608, 640. Bapst, 520. Bar, 1016. Barbier, 561, 636. Bardet, 603. Bardier, 281, 442. Baretge, 168. Bariduer, 317. Barillot (E.), 76, 520. Barlow (W.), 398. Barr, 888. Barré, 280, 521, 886. Barrier, 169. Barrois QE A496 à 503, Barthe (L.), 682. Barthe de Sandfort, 634. Barthélemy, 78. Barton, 171. Bassot (Colonel), Bataillon, 604. Battandier, 722, 799. Baubigny, 315, 924. Baynes, 1019. Bazy (Dr), 394, 439, 605. Beaulard, 725. 286, 1011. Beauregard (H.),80, St, 166. à 67%, 683, 197, 922. Béchamp, 481, 686, 726, 799. Becke, 172, 400. Beckel, 886. Beckit-Burnie, 359. Becquerel (H.), 282, 314, 394, 5 924. Béhal (A.), 442, 845, 1015. Behrens, 552. Belugou, 1015. Bemmelen (J. M. van), 220. Bemmelen (W. van), 399. Benedikt, de Vienne, 685. Benedikt Sporer, 851. Benndorf, 972. Benoist, 78, 120, 282, 395. Benoît, 170, 562. Bentéjac, 121. Bérard (L.), 38. Berend Cohen (J.), 970. Berg, 38. Berger (E.), 636, 848, 925. Berger (P.), 351, 635. Bergeron (J.), 38, 1016. Berget (A), 1014. Bergonié, 79, 636, 684, 1015. Berlioz, 562. 316, 440, 480, 518, 561, 635, 60%. et co on ©e (2) tres 513,669 | AUTEURS ‘ Bloch | Bernard, 520, 634, 646, 758. Bernardières (de), 603. Bernes, 722. Berthelot (M.), 316, 356, 442, 518, 520, 847, SS1, 924, 966, 967. Berthier, 73. Bertin, 603. Bertin-Sans, 635. Bertrand, 684. Bertrand (C. E), 603, 1015. Bertrand (G.), 518, 603, 607, 7:51. Berwerth, 472. Besançon, 119, 279, 520. Besson (A.), 190, 279, 356, 393, 966, 1015, Besson (L.), 1014. Beudon (J.), 356, 389, 682, 967. Bevan (J. E.), 83, 163. Bevan Lean, 762. Bezançon, 607. Bezold (von), 928. Bianchi (Luigi), 718. Biarnès, 351. Bickel, 356. Biervliet (J.-J. van), 797. Bigot (A.), 462 à 468, 722. Bigourdan (COTE, 119 M0; 215,355, 508 à 513, SSà. Binder, 284, 524. Binet (A.), 60 à 63, S0, 555. Bioche, 633. Blaise, 38, 119, 283, 442, 685. Blake, 83. Blakesley, 283, 639. Blanc (G.), 314, 355, Blanchard (E.), 635. Blanchard (R.), 121, 52 Blanquinque, 121. Blau, 284. Blitz, rs 38, 190, 215, 278, 283, 561, 683, 684, 519, 603, 167. 603. 1, 60. A.-M.), 80, 1016. Bloch (Dr M.) 605. Blocq (D'), 317. Blondel, 562, 682. Bück (Fritz), 608. Bohl (V. von), 115. Bohn (G.), 160, 847 Bohr (Christian), 219. Boinet, 521. Boirivant, 635, Bois-Reymond (Em. du), 41. Boisseau du Rocher, 161. Boissonnas, 32. Boix, 80, 968. Bolam, 83. Boltzmaun, 84. Bone (A.), 83. Bonnafy, 561. Bonne (C.), 635. Bonnefoi, 393. Bonnier (G.), 314, Bonnier (P.), 169, Bonytand, 37. Borchers (D W.), Bordage, 168, 279, Bordas, 315. Bordas (F.), 37, 81, 168, 169. Bordas (L.), 80, 219, 39%, 684. Bordier (Dr H. js BYITÉ Borel (Emile), TR 16, 283 à 789. Borgmen, 440. Bose (Jagadis Chunder); 722 315. 395. 212. 6 33. 356, 396, 523 1030 TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS Bossert, 167. Callandreau (0.), 167, 557, 560. Collet (A.), 38, 481, 684, 722, 925. Bouasse (IL.), 921. Calvert (H.-T.), voir Thornton Calvert. | Collet (J.), 519. Bouchard, 37, 79, 81, 440, 481, 519, 561, | Calot (Dr), 38, 605. Collie, voir Norman Collie. 606, 848, 925. Camichel, 634, 725. Colson (A.), 18, 119, 282, 253, 315, 1014, Bouchardat, 357, 634. Campbell, 1017. 1017. Boucheron, 281, 395. Campos, 636. . Colson (R.), 309, 560. Boudouard, 315, 966, 1017. Camps, 161. e Combe, 562. Boulfard, 356. Camus, 168, 169, 395, 683, 685, 723. Comby (J.), 71. Bouffé, 633. Cannizzaro, 1. Coni (Emilio), 357. Bongaud, 521. Cantacuzène, 684. Contejean (Ch.), 80, 81, 174, 281. Bouilhac, 968. Capitan, 81, 358, 636, 723. Contremoulins, 168, 967. Boulanger (A.), 518. SE (Lazar), 400. Cook, 444, Boulart, 636. Cardamatis, 441. Coppet | (L.-C. de), 841. Boullerot, 168. Carles, 119, 799. Cordes, 886. Bouman, 483. Carnot (Ad.), 635, 682, 683, 1016. Coret, 120. Bouquet de la Grye, 440. Carnot (P.\, S0, 438, 521, 605. Coruevin (Ch.), 39%, 974, 1016. Bourcet, 38. Carpentier, 396. Cornil, 357, 605. Boureau, 358. Carrasquilla (D' Juan de Dios), 799. Cornu (A.), 38, 396, 885, 926. Bourges (H.), 964. Carrière, 683, 1015. Cornu (M.), 314, 356. Bourgeois (L.), 481, 631, 922. Carrion, 281. Cosserat (E di 393, 518, 60%, 629, 682. Bourgeois (R.), 355. Carron de la Carriè re, 654. Cosserat (F.), 629 Bourget, 60%. Cartan, 560, 561. Cottet, 846. Bourgoin, 280. Casalonga, Be 355. Cotton (A.), 389, 967. Bourlet (C.), 218, 604. Casamian, 760. Cotton (E.), 393, G82. Bourne (G. 26) Caspari, 121, 603. Cotton (F.-J.), 84 Bourquelot, 481, 521, 968. Castaigne, 969. Coudon, 634. Bousquet, 1016. Catois, 167. Counillon, 79. Boussinesq, 560, 561, 603, 604, 633, 634, Caullery (M.), 80, 634, 847, 966. Coupin (H.), 312, 1011. 682. Causse, 167, 315, 518, GS6. 925, 1014. Courmont, 281, 357, 606, 923, 968, 969. Boutroux (L.), 679, 799. Caustier (E.), 809 à S31. Courtade, 723. Bouty, 278. Cavalier, 119. Courtillier, 80. Bouveault, 120. Caventou, 38. Courtois, 611. Bouvier 81, 356, 517, 966. Cayeux, 496. Coyon, 969. Boys (G. Vernon), 46 à 54, 283, 320, Cazeneuve (P:), "18, 120, 279,393 519; Cranz (C.), 1010. 888. 604, 635. Crelier, 961. Branca, 81. Cazin, 759. Crémieu, 1014. Branly, ar Celier, 760. Cristiani, 848. Brault (J.), 81. Chabaud, 635, 847. Croft, 171. OT 631. Chabert, 480. Croisier, 723. Breton, 279. Chabrié, 80, 81. Crompton(Holland), voir Holland Crom- Bricard, 1015. Chailley-Bert J.), 942 à 949. plon. Brillié (11.\, 19% à 189, 234 à 259. Chancel (F.) Crookes (W.), 44 Brillouin (M.), 642, 683. Chantemesce, 169, 685. Croquevielle, 280 Brioschi, 3 Chantre, 560, 1045. Cross, 83. Broca (A.), 81, 119, 169, 281, 316, 356, | Chantre !A.), 1011 Crossley, 360, 967. 395, 4522,1633, 1924 9926093514 939. Chapsal, 42. Crova, 1014. 966, 975. Charabot, 481. Cruls, 722, 924. Brocq (L.), 77. Charon (E:), 39, 82, 317, 442, 481, 607, Cuénot (L.), 35, 37, 438,634, 682,124, Brooke (Arthur), 360. | 726, 800, 969, 1017. 96%. Brouardel, 395. 441, 521, 605. Charpentier, 38. Cyon (E. de), 633, 760. Browne (H. T.), 172, 283, 608. Charpentier (A.), 216, 278, 279. Czapek, 284. Brucker, 968. Charpy (G.), 35, FD 487, 12%) 1011: Czinner, 128. Brumpt, 605. Charrin (A.), 80, 214, 281, 358, 442, 519, Brun, 846. 521, 606, GS3, 6e ), 113, 133, 88%, 923. Brunet (L.), 38, 43, 80, 120, 168, 216 Chassevant, 723. D 280, 351, 394. 480, 5 521, 561, 635, 723. Chatin (A.), 19, 520, 561, 722, 760, 847 160, 799, 848, 886, 925, 968, 1016. 1016. Dalby, 398. Brunet, de Bordeaux, SL! | Chatin (J.), 356, 301, 441, 634, 925. | Dallemagne (J.), 517. Brunkes (Bernard), 515. Chattavay, 83, 24, 63: | Damien (B.-C.), 515. Brunner (K.), 284, 688. Chauliaguet ( (Que J.), 603. Damour (E.), 36%. Bruno-Bardach, 400. Chauveau (A.), 179, 80, 316, 355. | Daniel, 440, 92%. Bryan, 171. Chauveaud (G:), 841. | Danilewsky, 603, 605. Budin, 562, 968. Chauvel, 605, 723, 799. Danion, 315. Budischovsky, 355. Chauvet, 219, 317. Darboux, 480, 604, 629. Buguet (A.), 118, 722, 924. Chavannaz, 636. Darzens, 58, 216, 316, 355, 358. Buisine (A). 966. Chesneau, 31. Dassonville, 605, 967. Buisine (P.), 966. Chevastelon (R.), 603, 683. Dastre, S1, 119, 169, 357, 123, 885. 1016: Buisson, 635. Chipault, 121, 280, 395, 442, 605, 723. Daublebsky von Sterneck "R. ),° 284, Bull (B. S.), 974. . Cholfat, 280, 315. 972, ne Burdel , de Vierzon, 280. Choquet, 81. David, 78, 31%, 521. Bureau, 314. Chree, 171. | Davis 8) 886. Burian, 688. Chuard, 560. Davis (W.-A.), 84 Burot, 280, 605, 685. Chudeau {R.), 213. Davy (L.), 684. Busquet. 79, 818, 1014. Cjulik (D. van), 123. | Debierre, 39%. Bussard, 634. Ciado, 759. Debove, 441, 684. Butte, 169, 279. Claisse, 80 169. | Debrou, 635. Clare de Brereton Evans, 84, #11. Déchery, 605. Claude (G.), 355. Dechevrens, 60%. C Claude (H.), 606, 636. Décombe, 518, 724. Cloëz, 440. Deeley, 83. Cabannes, 886. Clos, 394. Defaeyz, 178. Cadet de Gassicourt, 38, 723, 1016. Clozier, 280, 605, 760. Dehérain (H.), 89,165, 288, 601, 643, 975. Cadot, 395, Cochon (J.), 167. Dehérain (P. -P), 635 à 23, 215, 683, Caillet, 799. Cockburn, 608, 971. 684, 799. Cailletet (J.), 315, 358. Cohen (E.), 764, 972. Dejerine, 281, 357, 606, 636, 685, 1016. Cailletet (L.), 885. Cohen (J. Berend), 970. Delachanal, 925. Cain (John C.), 83. Colard, 37. Delacroix, 521. Caldecott, 564. Coiin (Léon), 280, 411. Delage (Yves), 165, 115. TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS 1031 Delagenière, 685. Delassus, 78. Delauney, 119, 168, 31 Delbet, 281. Delépine, 215, 282, 394, 604, 633, 682, 686, 726, 800, 1014, 1016. Delezenne, 169, 356, 521. Delfau (G.), 166. Delore (X.), 684. Delorme, 121, 968. Delsol, 78 Demars, 441. Demenge (Emile), 350, 976. Demerliac, 119, Démichel, 170. Demosthen, de Bucharest, 120 Demoulin (A.), 519. Denigès, 358. Déperet, 605. Déprez (Marcel), 847. Derlon, 760, Deroubaix, 521. Desaint, 215, 393, 962. Descloizeaux, 361, 486, 518. Desgrez, 685, 966, 969, 1015. Deslandres (H.), 167, 355, 356, 480, 561, 122: Desmoulins (A.), 602. Destot, 38, 519. Devaux, 1015. Dévé (capitaine), 216. Dewar (J.), 217, 460 et 464, 560. 636, 847, 926, 969, 1016. Dianoux, #41. Diener, 284, 972. Dieulafoy, 357, 394, 395, 441, 521, S86. Dijken, 220. Dini, 122. 5, 355, 393, 440. Ditte {A.), 18, 79, 967. Divers, S2, 83. Dixon (A.-E.), de 283. Dixon (H.-B.\, 564. Dobbié. 564. Dollfus (A.), 635. Domelli, 606. Domingos Freire. 886, Dommer F.), 367 à 378. 694 à 698. Dongier, 19, ; 170, 683. Dootson, DA. Dôrfler (Ignaz), 608. Doumer, de Lille, 8S6. Douvillé, 604. Douxami, 439. Doyen, 441, 605, 548. Doyon (M.), 169, 281, 635. Drach, SS5. Druault, 723. Druce Lander, 53. Dubar, 968. Dubois, 635. Dubois (E.), 220, 280, 400. Dubois (L.), 966. Dubois (L.), de Reims, 394. Dubousquet, 722 Ducla, 278, 394, Duclaux (E. , 16, Ducretet (E.), 603, 926. Ducru, 39, 760. Dugas, 841. Dugast (J. Dubem (P Dumas (G. Dumetz, 760. Dumont (G.), 195. Dumont (J.), 518, 719, 799. Dumontpallier, S1,481, 521. Duplay (S.), 759. Dupont, 215, 633. Duporcq (E.), 315, 966. Dupuy, SI. Durègne, 519. Durrant, 172. Dussaud, 38 Dutoit, 683. Duval (Mathias), 312, 561. Dymond, 360. no à 783. E: H:5132: E: U:, 631. Eberhard (Dr V.), 436. Eberlin Ph.), S64 à 566. Ebert, 1015. Ebner (von), 284. Eddington, 762 Edinger (Dr L.), 99. Edwards, 83 Effront, 634, 635, 68%. Eginitis, 119, 682. Egoroff, 393, 481, 634. Eblers (Dr E.), 36. Ehrmann, 521. Elder, 283. Eldick (A. van), Emich, 84. Engel (F.), 629. Engel (R.), S1, 393, 199, 924, 925. Engelmann, 220. Enriquez, 81. Epstein (Boleslas), 356. Eriksson, 314. Ermenghem (van), 281. Errera (L.),.211. Etaix, 800. Etard (A.), 213, 317, 526, 603, 855, 882. Everdingen (E. van), 728, 803, 972. Exner, 172. Eykman, 764. 164, S03. 593 à 598, F Fabry (Ch.), 167, 215, 606, 731. Fabre (E.), 120. Farabeuf, 121. Farman (D.), 415. Faurie, 633. Fauvel (P.), 886, 963. Favé (Général), 278. Favrel, 1017. Faye (H.), %1, 167, 215, 394, 480, 520. Fehr (H.), 33, 436, 415, 156, 195, 813, 881. 557, 629, 78, Fenon, 31. Féré (Ch. ), 80, 281, ,; 481, 606, 685, 848, 886, 969. Férée, 82, 359, 607, 1017. Fernet, 280, 605. Ferran, 858. Ferrand, 760. Ferraris (Galileo), 174. Ferraud (A.), 843. Ferreira da Silva (A.-J.), 116 Ferrière, 722. Festing, 283. Findlay, 971. Ficquet, 968. Finger, 851. Fiquet (E.), 603. Filhol, 120. Fischer, 356. Fitzgérald, 122. Flahault, 217, 516, 631. Flamant (A.), S34 à 837. Flateau, 969. Fleming, 217, 636, 639, 926, 969. Fletcher, 283. Fleurent, 119, 480, 847. Fleury (M. de), 1012. Floresco N. ), 119, 723, 885, 1016. Foä (E.) ë Fockeu | (H.), Folie, 682. Fontoynont (M.), Füppl, 843. Forcrand (R. de), 520, 614% à 617%, 635. Forel, 519, 633. Forster, 360, 970. Fortly, 162. Fouquet, 520. 631. 4109 à 112. Fournier-(J.), 167, 278, 358. Fournier (L.), 81, 685, 886. Foveau de Courmelles, 355, 394. 520. 569, 635, 724. Franchimont, 220, 399, 804, 972. Francis (F.-E.), 444. Francois-Franck, 169, 685. Frankel, 688. Frankland | (Percy), 83, 284. Frédéricq (L.), 867 à S78. Frémont, 219, 8417. French (William), 360. Freund (Moriz), 688. Freundler, 317, 520, Friedel (C), 356, 969, Friesendortf, 756. Friswell, 763. Froidevaux (H.), 165. Frolow, 1014. Fron, 122. Fuchs (E.), 159 56), 607, 924. G G.-L. P., voir G.-L. Pesce. G. R., 84 Gaches- rule (Me le D'), 280. Gaillard (A.), 722, 886. Gaillard (C.), 561, 4045, Gain, 682, Gal, 168. Gallois, 606. Galt, 1017. Galtier-Boissière (Dr), 632. Galton, 639. Gardner (J.-A.), 608. Gardner (J.-H.), 83. Garnault, 58, 1016. Garnett, 399. Garnier, 358, 481, 606, 636. Garnier, de Nancy, 281. Garnier (J.), Le Garrigou (F.), 356, 968. Garrigou- Lagrange (P.), 440. Gassmann, 79, 684. Gaubert (P.), 922, Gauchas (Dr), 681. Gaudet, 520. Gaudry (A.), 885, 967. Gaumont, 889. Gautier (Armand), 119, 291 à 297, 313, 478, 519, 520, 560, 561, 655, 92% à 9814. Gautier (H.), 215. Gautier (L.), 275. Gautier (P.), 31. Gayet (D'), 354. Gayon, 634. Gayot, 39%, Geay, 316. Gegenbauer, 123. Gellé, 281, 886. Gendereu Stort (A. Géuin, 315. Genouville, 723. Genvresse, 481, 799. George (Henri), 684. GRDrEIe sky, RE 634. Gérard E}, 378, 2, 4016. Gérard (R.) 216. Gérard-M: chant, SU Gerber, 12 Germozzi, 722. G. H. van), 481. , 924, 925: Gernez, Ghon, , 608. Giard, $0, 358, 636. Gilbert, 80, 81, 169, 281, 358, 481, 521, 606, 636, 683, 886. Gilles, 444, 762. Gilles de la Tourette, 412, 1016. Giltay, 483. Ginestous, 37. Ginsberg, 562. Girard ( Er 119, G ladstone (. He pan (Ph. ), 934. 440, 480. 32 316, 902 à 944, 1032 TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS Glasenapp (S. de), 561. Glénard, 441. Gley (E ne SU, 81, 281, 478, 683, 684, 123. Glover, 723. Glücksmann, 640, 688. Godart, 442. Godefroy (J.), 225, 326, 365, 528, 93 Godin, 636. Goldenstein (Dr), 357 Goldschmiedt, 658. Gonnessiat, 480. Gossot, 520. Gouget, 395. Gouirand, 38. Gould, 119. Goulding, 444. Gourfein, 682. Goursat (E ;: 90, 561, Goutal, 63! FER 683. Gouvea (de), 280. Gouy, 520. Graby, 219. Graelte, S51. Gramont (A. de), 167, Grancher, 925. Grand, 395, 481. Grand'Eury, 603. Grandmaison (de), 848. Granger, 78, 161, 315, 440. Granier, 394. Grasset, 561, 605. Grassmann (Hermann), 629. Gravier (Ch.), 516. Gray (A. A.), 607. Gray (Th.), 608. Green (A.-G.), 83. Gréhant, 357, 394, 396, 520, 521, Grélot, 684. Grenet, 81, 169. Griffiths, 604. Gritlon, 606, S48, 886, 925. Grimbert, 968. Groller (M. von), 851. Gros, 355, 605, 685. Grübenmann, 172, Gruuer, 436. Gruvel, 216. Guébhard, 723, 125, vuédon (Pierre), 678. Guédon (Yves), 678. Guéneau, 38. Guépin, 441, 723. Guerbet, 634. Guerchgorine, 168. Guérin, 684. Guerlain, 215. Guéroult, 1014. Guggenheimer, 2 Guiard, 968. Guibert (J.), 516. Guichard (C.), 356, 101%, 1015. Guichard (M.), 3, 856. Guignard, 121, 280, 968. Guillaume (Ch.-Ed.), 34, 53 à 122, 167, 110, 216, 281, 282, 3814 DLEA 393, 522, 529 à 534, 569, 633, 643, 683, 24, 020, 933, 1010. Guillaume TL ), 314, 633, SAT, 967. Guillemet, 516. Guillemin, 216. Guillemonat, 81. Guillery, 967. Guillon, 963. Guinard (L.), Guüinard (U.), : Guinchant (J.), Guiraut, 281. Guldberg, 847. Gundlag, 885. Guntz, 78, 82, 662, 683. 925. 967. 18, 634. 519, 847 126, 634, 635, 684, 723. [22] 218, 281, 167, 359. Gutton, 88 Guye (Ch.-Eug.), 102 à 409. Guye (Ph.-A.), 78, 167, 168, 967. 395, 123. Guyon, 80, 167, 314, 1 522, 683, 684. 57 Guyot (A.), 34, 170, 685, à Haber, 688. Hada, 83. Hadamard, 212, 315, Haddon, 604. Haga (H.), 220. Haga (T.), 82, 53. Haller (A.), 82, 164, 170, 212, 217, 226G à 234, 359, 390, 522, 683, 684, 846, 883, 1017. Hallion, 80, 81, 1016. Hallopeau, 37, 280, 799. Hambly, 172. Hamburger, 40, 399, 728, Hammerschlag, 728. Hamy (De E.-T.), 601. Hamy (Maurice), 355, 393, 600, 843, 966, 1014. 633, 682; 685. 80%. Hanes, 444. Hanriot, 38, 82, 168, 169, 607, 685. Hansky, 966, 1014. Hardivillers (d’), 1016. Hardivillier, 684. Harley (Vaughan), 637. Harris Morris, 172, 283. Harrisson, 970. Hartley, 284, 360. Hartmann (11), 254 à 255, 968. Hartog (J. de), 1020. Haschek, 172, 524, 688. Hasenührl, 172. Hater Price (Thomas, 284. Haton de la Goupillière, 436. Hatt, 603, 60%. Haug (E.), 117, 154 à 162 604, 699 à 305. Haure (M.), 351. Hayem, 250, 521. Heape (W.), 849 393, 395, 442, 404, ATT, Hébert {A.), 555, 561, 602, 603, S3% à S412. Heckel | 922. Heen | a AT Heide, 1016. Heidenhain (R.), 853 Heim, 603. Heine, 167. Held, 82 Hélier, 3, 481, 519, 520, Heller, 54. Hémardinquer, 968. Hemmy, 360, 444. Hemptiune (A. de), Henderson (G.-G.), Henderson (J.-B.), Hennecart, 1016. Henrich, 284. Henriet (H. Henry (Ch.); Henry (P.), 167. Hermite, 279, Hérouard (E.), Hervieux, 120, Herzig, 640, Hess (Alb.), 561, 685. 760. 608. 170. 520. 314, 165. 281, 972. 30). HEHnIentES de Nantes, 38. 395, 562, 848. Hewitt, Heycock, 444, 564. Hibbert, 762. Hillmayr, 84%. Hirth (G.), 758. Hobbs, 886, 969. Hæk, $52. Hoffa, 395. Hottert, 283. Holland (T.-I.), 83. Holland Crompton, 608. Hollard, 37, 604. Hopkinson, 482. Horstman-Fenton, 414, Houdaille (F.), 756. Houzel, 562. Hubert (E. d'), Hubrecht, 40. Huchard, 441 162, 971. nue 213. Huggios (sir William), 847, 881. Huggins (Mme), 887. Hugh Ramage, voir Ramagr. Hugounenq, 117, 281, 419, 922. Hugues, so Hummel, Anne 33. Huot, 605. Imbert, 521, 635, 1013. Inwards, 171. Jaccoud, 38. Jackson (Percy G.), 360. Ro Pope (William), 83, 172, 608. Jacquemin, 635. Jacquet (Lucien), 77, 169, 277, Jager, 688, 1020. Jahnke, 847. Janet (Ch), 119, 316. Janet (Dr Pierre), 22 à 2%, 517, 963. Jannettaz, 6179, 751. Janssen (J.), 278, 966, 967, 1015. Janssens, de Bruxelles, 357. Japp (F. Robert), 360, 971. Jarry, 215, 480. Jaubert (G.-K.), 1, 75, Jaubert (J.), 603, 604. Jaumano, 640. Javal, 481, 723. Jay, 607. Jean (Jules), 75. Jenkins, 64. Joannis (A.), 4317, Jobin, 216, 125. Jocelyn Field Thorpe, 444. Johnstone Stoney, 283, 928. Jolly, 847. Joly (A.), 974, 1047. Jonuesco, 886. Jonquières (de), 278. Jordan (David S.), 83, 971. Jorissen, 40. Josué (Otto), 80, SI, 685. Joteyko (J.), 36. Joubert (J.), 33. Joubin, 168. Jourdain, 31, Jowett, 608. Judd (John W.), 443 Julien (Ch.), 925. Julius, 123. Jumelle, 633. Just, 688. 219: 438, 922. 558, AOL£. 169, 357, 358, 442, 167, 1015. K Kablukov, 561. Kamerlingh Onnes, 220. Kann, 524. Kapteyn, 123, 763, 971. Kay (Sidney A.), 444. Kayser (E.), 166. Keloin (lord), 1047. Kelsch, 38, SES. Kerner von Marilaun, 84. Kervilly (de), 277. Keyser, 1020. Kilian, 315, 439, 634. Kirmisson, 280. Kirpal, 688. Klein, 519. Klemencic, 400, 928. Klippel, 281. Klobb, 216, 437, 607. Klobbie, 1019. Knopfer, 685. Knopslich-Rowel, 851. Knott, 481. TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS 1033 Knudsen, 37. Kochs, 606. Koehler (R.), 266 à 233, 720. Koenigs (G.), 629. Kohlbrugzge, 40. Kohn (G.\, 640. Kohn (L.), 400. Korda (D.), 395, 725. Korteveg, 763. Kraus, 1016. Krauss, 561. Kreidl, 400. Krüger, 123. Kuderoatsch, 851. Kuenen, 640. Kuhn. 314. Kums (A), 1013. Kunckel d'Herculais, 218. Kuntzler, 19, 216, 1014. L L. B., 600. L. O., voir L. Olivier. Labbé, 969. Labbé (A. 589 à 593. Labbé (L.), 441. Labergère, 355. Laborde (J.-V.), 38, 169, 280, 521. 683, 846, 886, 925, 968. Laboulbène, 395, 562. Lacaille, 442. Lacaze-Duthiers (de). 634, 1015. Lacroix (A.). 219, 385, 487, 604, 683. Lacompte (C.), 758. Lacour (E.), 274. Laffargue (J.), 795. Lafont, 635. Lagatu, 604. Lagrula, 966. Laïsant (C.-A.), 74, 630, 962. Lallemand (Ch.), 162, 480, 520, 603. Lambert, de Nancy, 281. Lampa, 84. Lance, 394. Lancereaux, 277, 605, 160, 848. 925, 963. Landelle, 80. Landolph, 635, 886. Landouzy, 127, 521, 925, 968. Landsiedl (Anton), 640. Lang (V. von), 172. Langlois (P.), 280, 477, 606, 636. Lannelongue, 394, 441, 635. Lannois, 441. Lapersonne (de), 395, 481, 759. Lapeyrère, 760, 1016. Lapicque (L.), 518, 521, 636. Lapparent (A. de), 80, 525, 604, 633. Lapworth, 83, 762. Larbalétrier (A.), 176, 558, 648 à 623. Lasne, 726. Laubry, 886. Launay (L. de), 116, 355, 356. 535 à 544, 6035, 684, 1016. Laurence (W.-T.), 444. Laurent (E.), 271. Laurent (H.), 756. Laurent (J.), 968. Lauriol (P.), 2. Lauth, 519. Laval, 280. Laveran, 120, 281, 358, 441, 521, 605, 685, 123, 199, 848, 886, 1016. Laverde, 848. Lavergne (Gaston), 633. Lavergne (Gérard), 164, 475, 544 à 556, 678, 719. Leathem, 886. Leau (L.}, 195. Le Bel, 722, 969. Le Bon (G.), 393, 440, 520, Le Cadet, 393, 847. Lécaillon, 968. Lecarme (J.), 278. Lecarme (L.), 218. Lecercle, 683, 885, 886. Léchalas (M.-C.), 645 à 652. Lechappe, 79. Le Chatelier ([.), 44 à 22, 44, 52, 170, 216, 282, 396, 481, 519, 600, 685. Leclere du Sablon, 38, 635. Leclère, 968. Lecomte (I1.), 168 à 474. Lecoq de Boisbaudran, 120, 561, 604. Lecornu, 560, 682. Le Damany, 968. Le Dantec (K.), 634. Le Dentu, 357, 481. Leduc (A.), 215, 684, 722, 885, 924, 925, 966, 1044. Leduc (S.), 724. Lee (miss Alice), 482. Lees, 762. Lefas, 281. Lefèvre, 317, 7123. Le Fort, 439. Léger (E.), 481, 682. Léger (L.), 4#1, 480, 606, 683, 684. Léger (L.-J.), 86. Legrain (M.), 602. Le Hello, 441. Lejars (Dr F.), 439, 636, 398. Lejeune, 603. Lelieuvre, 718. Lemaistre, 481. Lémal, 519. Lémeray, 560, 847. Lemoine, 558, 886. Lemoine, de Lille, 481. Lemoine (G.), 606, 847, S85. Lemoult, 78,119, 966, 967, 968. Lenoble, 80. Lenoble (E.), 312, 643. Léonardon, 644. Lépine (R.), 968. Leplat, 759. Lereboullet, 357. Le Roux, 37, 120, 1015. Le Roy, 18, 633, 966, 967. Le Roy de Méricourt, 685, 760. Le Roy des Barres, 760. Lesage, 818. Lescœur, 39. Leser, 561. Lespieau (R.), 37, 18, 515. Létienne (Dr A.), 36, 17, 214, 313. 321, 341 à 34%, 681, 721, 798, 965, 968. Letts, 83. Letulle (M.), 117, 793. Levaditi, 394, 441. Levat, 168, 760. Leveau, 682. Le Verrier (U.), 212, 795. Lévi-Civita, 281, 604. Lévy (A.), 480, Lévy (L.), 351. Lheureux, 633. Liapounotf, 78, 925, 967. Liburnau (Lorenz von), 400, 728. Lieben, 851. Liechtenstein (Prince Henri de), 84. Liétard, 521. Ligondès (Lieutenant-colonel R., 279, 557. Lilienthal (R. von), 795. Lindet, 316, 683. Ling, 283. Linossier, 441, 481. Lioret, 358. Liouville (R.), 311, 520, 920. Lippmann (G.), 120. Lister (sir Joseph), 928. Littieton (F.-R.), 83. Livache (A.), 75, 633. Liveing, 886. Liversidge, 360. Liznar, 851. Lloyd (J.), 45. Lloyd (Lorenzo L.), 360. Lloyd Snape (H.), 360. Lobry de Bruyo, 124. Lockhart Gillespie, 761. Lodge (0.), 886. Læw (Oscar), 83. Lœvy (M), 119, 278, 279, 519, 560, 561, 604, 682, 966, 1045. Loisel (G.(, 631. Londe (A.), 280, 561. Longuet, S0. Loppé (F.), 55 Lorentz (H.-A.), Lorenz (A.), 846. Lorié, 220. Lorrain, 281. Louguinine, 561. Loverdo (J. de}, 922. Lowry, 162. Loyer, 283, 317. Luc, 357. Lucas, 39, Lucas (W.), 399. Lucas-Championnière (J.), 394, 685, 886. Luce (S.), 966. Ludimar Hermann, 724. Lugeon, 120, 394. Lukat, 718. Lumière (A.), 604. Lumiére (L.), 60%. Lumsden, 360. Luys, 78, 521, 723, 848. Lyon (G.), 313. Lyonnet, 968. 39, 163, 803, 851, 971. M. G., voir (Guichard Marcel. Mac-Cleliand, 800. Mac-Connell, 444. Mach (E.), 920. Mach (L.), 928. Machado (Virgilio), 1014. Machat (J.), 290, 4148, 4000 à 10053. Mache, 688. Maclean (Magnus), 1017. Madrolle (CL), 4. Magalhaes (P.-S. de), 605. Mager, 84. Magitot, 215, 316, 357, 361, 441, 481. Magnan, 968. Maiïlhat, 967. Maillet, 278. Mairet, 37, 80, 121. Malaquin, 79, 419. Malcolm-Warton, 83. Malherbe, 357. Mallard, 38. Mallet, 360. Malosse, 722, 799. Malpeaux (L.), 425 à 435. Maltézos, 519, 520. Maly, 400. Manceau (E.), 751. Manen, 560. Maneuvrier, 167. Mangenot, 351. Mangin, 216, 519, 606, 925. Mannaberg, 524. Manouvriez, 351. Maquenne, 312, 437, 515, 558, 196, 1011. Marage, 81, 394, 724, Maragliano, 606. Marboulin, 480. Marcet (Dr William), 299 à 30%. Marchal, 636. Marchand (E.), 351. Marchis, 315, 683, 760. Ur Marchoux, 684. «ul LU 4 4 S Maréchal (H.), 351. S'O0°$# Marécaux, 561. SH o Marey, 966. D È nec < Margaret Dougal, 83. s < Margerie (Emm. de) 477,444 LIBR A R Y Markoff (A.), 156. æ. \ Mariani, 80. =, bei." | Mariaud, 395. \c ce 44 Marches, “se NA AS=- Q Marie (C.), 800. PY Es Marie 1; 355. ISERE E Marillier (L.), 391, 559, G02, 681, 759, 798. 1031 TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS Marinesco ([G.). 39%, 685, 723. Marotte, 355, 634. Marqfoy (G.), 600. Marsden, 56%. Marsh, 83, 608. Marshall Ward, 638. Martel (E.-A.). 19,521, 603,883, 880 1012. Martin (K.), 852. Martin (W.), 606, Martin-Dürr, 356. Martinand, 315. Marty, 168, 925. Mascart (E.), 33, 92#. Mascart (J.), 961, on Mason (W.-P.), 923. Masson, 82, 161. Mathias (E.), 311. Mathieu (A.), 721. Mathieu (L:), 122. Matignon (C:.), 393, 481, 518, 1015: Matignon (J.-J.), 121, 799. Matrot, 968. Matruchot, 79 Matthews, 360. Maubrac, 88. Maumené, 161, Maupertuis; 92%. Maurange (G.), 225, Maurel, “81, 169, 280, Mayet, 80. Maze, 215. Mazelle, 851, 928. Mégnin (P.), 121, 469, 357, Mehmke, 756. Méker, 1015. Melikian, 18. Melnikoff-Rasvedenkoff, 168. Ménard (Dr), 521, Ménard (J.,, 605. Menegaux, 167. 971. 317, 199. 439,159, 8406: 12 23. Mengin, 356. Nde), 19. Mercier, ie Mermet Re , 355, 481. Mermet (P.), 81. Mertens, 100, 60S, 972. Méry, 281. Merz (J. 2) ), GU2. Meslin, 175. Mesnil (F.), 80, 68%, 847, 966. Mestre, 316. Metchnikoff, 636, Metz (G. de), 634. 760. Metzner, 31, 19, 604, 634. Meunier (F.), 276. Meunier (H.), 169, 88. Meunier (J.), 520. Meunier (Stanislas), 19, 80, 519, 633, 968. Meyer (Hans), 640. Meyer (St.), 688. Meyer W.-Fr.), 415. Meyer- Wildermann, 608. Michaëlis, 483. Michel (A.), 31. Michel-Lévy, 63%. Mierzejwsky (J. de), 685. Milhaud, 602. Millar, 172, 283. Miller, 633. Minet (Ad.), 678. Minguin, 18, 82, 119, 359, 522 Mirallié, 656. Mirinny, 215. Moch |Gaston), 90 à 104. Mohr, 972. Moissan (IL), 283, 556, 393, 460 et 164, 560, GU0, 684, 157, 847, 924, 968, 1016. Moitessier (J.), 560, 561, 633, 682, SS6, 925, Mojsisovics (E. von), 284. Molinié (M.), 116, 365, 446, 516, 6114, 806, 923. Moll, 220. Mollard, 685. 106 à 115, 124, 968. ;, 968, 481, 1016. Molliard, 966. Monfet, 684. Mongour, 636. Monnier, 723. Monod (Ch.), 395, 605, 925. Montel (Enrico de), 468. Moore, 762. Morat, 480, Moreau, 319. Morris, 523. Morton, 399. Morvan, 394. Mossé, 281. Mosso, 281. Motet, 38, 925. Moty, 80, 799. Mouchet, 121, 395. Mouneyrat, 605, 726, 1017. Moureaux, 119. Mourelo (J.-R.), Moureu (Ch.), 279, Mourlot, 393. Moussard, 161. Moussu, 168, 169. Moutard, 355. Moutier, 208 Mouton, 723. Mulder, 12 Müller (F.), 52 Müller (P. Th.) Mumby, 564. Munier-Chalmas, 604. Muntz, 2179, 315. Murmann, 8%, 284. Muttelet, 635, 683. Myers, 564. 635. 520, 603, 560, 633, 63%. HAS, 317, 684%. 24, 608. 170, 726. 799. 96$. Nagel. 84. Nalepa, Napias, Nepveu, 561. Nestler, 928. Netter, 606. Neumann (| Neville, 444, Nichols, 529, Nicloux, 317, Nicolas (J.), Nittis (J. de), Nivière, 799. Nobécourt, 723. Nobel (A..), 1. Nocard, 521, Norman Collie (J.), Dr C.), 33 56%. 606, 925. 684, 685. 360, 524, 672 (o) Obermayer (Colonel Alb. von), 524. Ocagne (M. d'), 78, 115, 275, 475. OElsnilz, 271. OEschner de Coninck, 167, 393, 220, 634, 719, 1015. Ogilvie (Maria-M.), 317. Olivier (L.) ou L. O. 365, 611, 632, 669, 1009. Ollier, 519, 524. Omélianski, 1015 Osmond, 519, 560. Ostwald (F.), 636. Ostwald (W:), 415. O’Sullivan, 83. Otto Marius), 119; Oudemans, 40, 123, Oudin, 78, 604. 3, 81, 168, P1 96: PAT 851 Paillot (R.), Painlevé, 120, 682, 1015. 515: 167, 168, 514, 799. 966. $0, SO à a 153, 358.685. 345, 222,.288, 891, 100% à 560, 099: 316, 603, Palladine, 966. Pallet, 314. Panas, 38, 441. Pannekoek, 219. Pantel, 314, 316. Paquier, 604. Parker, 608. Parmentier, 281, 1016. Pascheies, 172. Passy (Jacques, 393. Pasteau, 723. Patein, 168, 4014. Paturel, 38. Paulesco, 605. Péan, 421, 357, 441, 521, 605, 635, 685, 968, 1016. Pearson (Karl), Péchard, 634. Pekelharing, 220. Pélabon, m, 278, 356. Pellat (H.), 119, 216, 278, 395, 924. Pellé, 136. Pellet (A.), 315, 393, 061, 603, 683, 655. Pellissier (G.), 719. Penières, 925. Pérachaud, 636. Perard, 854. Perchot, 119, 1015. Percy Franklaud voir Frankland. Perdrix, 38. Pereyaslawzewa (Mlle Sophie), 685, 122. Pérez, 683. Périer, 121, 395. Périssé (Lt-col.), A94 à 496. Perkin (A.-G.), 83, 283. 360, 608, Perkin junior | W.-H.), 83, #44. Permann, 82. Pernter, 172. Péron, 358, 969. Pérot (A.), 167, 215, 606. Perraud, 925. Perrier (L.), $0, 32% à 338, 751. Perrigot, 440, 519. Perrin (A.), 634, 635. Perrin (Jean), 314, 315, 395. 962. Perrodil (C. de), 600. Perrotin, 218, 355. Perry, 283, 560, 640, 928. Pesce (G.-L.) ou G.-L. P., 22 265, 324, 521. Petersen, 756. Petit (F.), 78 Petit (H.), 359. 482, 638. 971. 4, 2591à Petit (L.-H.), 490 à 202. Petit (P.), 149, 315,722: Pétrovitch, 314, 519, 603. Peyrusson (E.), 950 à 935%, 981 à 9S7, 987 à 990. Pfaundler, 524, 688. Pfob, 640. Phisalix (C.), 79, 81, 442, 606, 635, 685, 123, 1015, 1016. Phocas, 886. Picard (E.), 37, 168, 314, 315, 339 et 340, 514, 633, 682, 690, 957 à 961, 101%. Picaud, 394. Pickering (Spencer). 608. Pickering (J.-W.), 562, 1014. Piéri, 79. Pigeon (L.), 116, 431, 558, 882. Pilliet, 169, 281, 723, 848. Pillot, 1016. Pinard, 120, 561, 605, 635. Pinerua, 215, 440. Pionchon, 633. Pirro (G. di), 37. Pissavy, 605. Pitt, 762. Place, 220. Pück, 608. Poehl, 1015. Poincaré (H.), 37, 78, 393, 561, 604, 234à 743,857 à SGL, S85, 967, 1015. Poincaré (L.), 116, 311, 352, 389, 443 à A24, 719, 756, 921, 963. Pokrychkine (Mc), 636. TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS 1035 Polaillon, 280. Pollak, 604, 640, 1020. Pollock, 170. Pomel, 79, 441, 605. Pomeranz, 8$, 688. Pompilian (Mile), 520. Poncet, 38, 685, 760. Ponsot (A.), 282, 311, 317, 560, 607, 125, 800, 96$, 1017. Pouchet, 1016. Pope (F LAN 971. Pope (W.-J.), voir Jackson Pope. Porak, 562. Porcher, 123. Portier, 79. Pospichil, S4. Potain. 120, 395. Potier (A.), 316, 356. Pouget, 604, 633. Prehn (D'\, 276. = Prenant, 281, 632. Prévost, 120. Pribram, 640, 688. Price (T.-H.) 284. Price (W. -A.), 399. Prillieux, 314, 321. Privat-Deschanel, 89. Proust (A.), 121, 721. Prud'homme, 685. Prümium, 756. Prunet, 168, 848, 924. Prunier, 518, 560. Pugnat, 925. Puiseux, 167, 355, 519, Purdie, 83. 968. 560. Q Quain (Sir Richard), Quénisset, 394. Quénu, 80. Quinton, 38, 39%, 818, 1017. 969. RSA 557. Rabaud, 685. Rabaut, 686. Rabl (Hans), 5: Rabot (Ch.), 8 Raczkowski | Radau, 285, 3 Radiguet, 167, SEA (C.), 420. Ray (L.), Raïchline, 969. Railliet, 38, S1, Ramage (Hugh), Rambaud, 79, 634, Ramond, S1. Ramsay ( W... Ranvier (L.), 37 Raoult, 440, 966. Raulton (Olivier de Ravaz, 38. - de), 31. 168. 636. 284, 360. 924, 967. 82, 397, 398, SOI, 928. , 966. Raveau (C.), 122, 170, 216, 359, 396. 488, 607, 725, 926. Ray dues ee 847. Ray (P.-C.) Rayet, 19. Rayleigh (Lord), 360. Reclus (P.), 280, 357, 395, 441, 605. Regaud, 81, 685, Regnard, 215. Regnault, 123. Reïck, 851. Reid (Clément), 443. Remlinger, 636, 886. Rémy, 168, 169, 967. Renan, 167. Renault, 314, 561. Renaut, 521. Rendu, 521, 605, 635. Rénon, 169, 281, 395, 442, 3, 848, 925 Renou, de Saumur, 394. Renwick, 444, 762, 6$6, 19,219, 314, 101%, 1015, Répin (Ch.), 324, 680,705 à 34%3.1012, Rethi, 284, 60S. Retlerer, SL, 358, Rettie, S3. Reverdin, Révil, 480. Revis, 172. Reynaud, 685. Reynier, 723. Ribaut, 355. Ricei, 967. Richard (Jules), 37. Richelot, 395. 120. Richer, 561. Richet (Ch.), 119, 169, 281, 316,356, 395, 442, 481, 634, 636. Ricome, 1016. Heat 885. Rint, 5 Éroien “315, 1014, 1015. Risien Russell, 523. Rivals, 278, 440, 480, 847 Rivière Ch), 976. Rivière (E.), 394. Rivière (G.), 314. Rivière (P.), 480. Roberts-Austen, S3. Robin, 169, 441, 521, 562. 723, SSG. Rocques (X.), 76, 88, 405. Rodet, 925. Rodger, 360. Rodier, 966. Roger, 636, 685, 848. Roger (E.), 168. Roger (G.-H.), 81, 166, 357. Romau, 604. Romanet, 120. Romburgh (P. van), 399, 932. Romme (Dr R.), 384 à 385. Roos (L.), 480, 963. Rose-Innes, 82, 1019. Rosenstiehl, 82, 283, 316, 481. Rossard, 120, 634, 722. 885, 10614. Rothschild (H. de, 5303 à 508, S46. Rouché (J.),, 530 à 35SS, G24 à 628, 653 à 688. Roule (L.), 519. Rousseau, 81. Roussel, 317. Rousselets 316. Routier (N.), 35 Rouvier, 316. Rouville (E. de), 59. 1, C05. Roux (E.), 121, 280. 605, 636, 1016. Roux (J.), 606, 685. Roze (E.), 19, 168, 280. 356. 520, G05, 634, 122, 199, 925, 1015. Roze (L.), 315. Roze (T.). 1723. Rubens, 522. Rudd, 171. Ruhemaun, 360, 444 Rullières, 636. Russel, 564. S Sabatier (Armand), 394, 480. Sabatier (P.), 11, 218, 355, 603, 635, 682, 684, 726. ; Sabrazès, 169, 480, 636, SS6. Sacerdote, 684, 722. Sagnac, 110, 682, 683, 725, 1014. Saint-Romas J., 379 à 35814. Sakurai, 83. Salmon, 169. Salvert (F. de), 518. Saode Bakhuysen (IL.-G. 123, 399, 483. Sanderval (de), 279. Saporta (A. de), 719. Sappin-Trouffy (M, Sarrau, 278. Sauvageau, 312, 602. Schalter, 400, 928. Scheimpflug, 688. Schenk (F.), 728 van de), 39, 601. Schenk (S.), 284. Schering, 167. Schitf, 972. Schiffner, 10 a Schirmer | H.), 940 à 9 49. Schlagdenhauffen, S85. Schlemuller, LEA Schlesinger (L.). Be Schlæsine fils ‘Th.), 2 15, 634, Schnabel (€, }1978 Schou, 966. Schoute (P.-H.), 39, 40, 124, 220, 400. 484, 728, 764, 804, 852, 972, 1014, 1020. Schreinemakers, 804. Schræder van der Holk, 40 Schrotter (H. von), 84. Schubert (IH.), 389. Schulten (A. de), 79. Schuster, 172, 800. Schütz, 640. Schützenberger, 125. Schwartz, 172. Schweitzer, 967. Schwindier (E. von), 688. Schwob (M.), 202 à 208. Scott (Alexauder), 4#%. Searle, 640. Sébert (général), 215. Segond, 121. Seguy, 394, 885. Seidel, 400. Sell; :974> Senderens, 39, 355, 603, Sentis (H.), 719. Serbanesco, 120, 520. Sérieux, 392. Serrant, 314. Serret, 123, 160, 199. Seyewetz(A.), 921. Shelford Bidwell, 171. Shenstone, 283. Sberriogton, 126, Sicard, 81, 281, Siebenrock, 640. Siertsema, 39, 124, 764. Siethoff, 220. 925, 966. 315, 525, 605, 607, 633 283, 397. 1018. 802, 850, S87, 927. 1016. Silva (Wenceslau da), 279, 317, 480. Simart, 682. Simon (Louis), 81, S47. Simonin, 604, 848. Sisley (A.), 921. Skraup, 688. Smith (C.), 83, 163. Smith (E. . 64. Smits, 123. Snape, voir Lloyd Snape. Socolow (Serge), 393. Sonnié-Moret, 11 Sonstadt, 84. Sorel, 394. Souillart, 518. Soulié, de Toulouse, Souques, 481. Soury, 36. Spalikowsky, 60%, 1016. Spencer Pickering. voir Pickering. Spencer Wells (sir), voir We//s. Sperk (E.-L.), 211. Spiers, 928. Spiller, 608. Spitaler (Rudolf), Sprankling, 971. Springer, 520, 1013. Stahl (Herman). 551. Stanley Kipping, 83, S#. Stanton, 801. Steenstrup, 631. Steindachner, 608, Steiner, 524, Steinheil (Robert, Steinlechner, 400. Stekloff, 78, 1015. Stener, 728, 928. Stern,83. Stevens, Stodolkiewitz. Stokes (sir G.-G. 261. 172, 608$. 1020. 164. 524, 763. 119. , 683. 1036 TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS Stokla, 38. Stokvis, 1020. Stolz, 640. Storch (Carl), 524. Stouff, 967. Strassmann, 922. Straus, 80. Stroud, 170, 888. Sturm (D' Rudolf), 618. Suchar (P.-J.), 718. Suchetet (A.), 796. Sudborough, 360. Sully Thomas, 635. Suringar, 852. Surion, 636. Surmay, 123. Swan, 848. Swinburne, 1019. Swinton, 686, 760. Sydney Young, 444. T Tacchini, 215; 122: Tainturier (C.), 718. Tangl, 282. Tannery (Jules), 429 à 140. Tanret, 38, 82, 283, 314, 317, 125, 126, 800, 969, 1017. Tardy, 607. Tarnier, 968. Tarry, 760. Tassilly, 518, 885. Tatin, 634. Teguor, 519. Teisserenc de Bort, 604. Teissier, 218, 281. Tempère, 219. Termier, 216, 355. Terre, 604. Terson, 848. Thévenin, 79. Thiercelin, 80. Thierry (E.), 81. Thierry (Maurice de), 314. Thiroloix, 351, 848, 925. Tholozan, 722, 723. Thomas (A.), 81, 925. Thomas (G.-L.), 444. Thomas (V.), 278, 1011. Thomas-Mamert (A.), 437. Thompson, 283, 398, 399, 1019. Thomson, 171. Thornton Calvert (H.), 970. Thorpe, 360, 763. Thoulet, 219. Thraen, S51. Threlfall, 170. Thybaut (A.), 881. Tiddens, 399, 727. Tieghem (Ph. van), 355, 356,394, 440. 480. Tilden, 442. Tingle, 971. Tissot (J.), 79, 80. Titherley, 360. Tittel, 400. Tixier, 283, 684. Tollenaar, 124. Tombeck, 480, 633. Touche, 603. Toulouse (E.), 636, 391. Trasbot, 925. Travers (Morris W.), 397, 482, S01. Triboulet, 848, 969. Trillat (A.), 354. Trouessart, 81, 722, 723, 886. Truchot (P.), 141 à 4149, 630, 343 à 751. Truffaut, 561. Tschermak, 167, 172. Tscherning, 723. Tswett (Michel), 516. Tuffier (Dr), 121, 605, 968. Tuma, 640, 688. Tumilirz, 608. Tutton, 284, 608. Twyman, 928. Uhlig, 524. Ulzer, 400. Urbain (E£.), 362, 120. Urbaïn (G.), 81, 355. Ursalovitch, 440. V Vacher, d'Orléans (D'), 395, 605. Vaffier, 683. Valenza, 81, 723. Valeur, 968. Vallin, 280, 317, 848, 886. Vallot (J.), 480, 600, 968, 1012. Vallot (Mme Gabrielle), 968. Valude, 281, 723. Vaquez, 118, 169, 606, 969. Varet (Raoul), 520. Varnier, 561. Vaschide, 80, 559, 636. Vaschy, 37, 18, 168, 215. Vaughan Harley, voir Harley| Vaughan). Veau, 169. Veillon, 357. Vénukoff, 394, 520, 603, 63%. Verbeek, 400, 484. Verdien, 969. Verneuil, 560, 564, 607, 1014, 1047. Vernon Boys (C.), voir Boys C. V. Vessiot, 1015. Vèzes, 8#1. Viala, 120. Viard, 120. Vicaire, 19. Vieillard, 313. Vieille, 518. Vignon {Léo), 560, 722, 799. Vigouroux (E.), 34. Viguier, 841. Villar, 280. Vitlard (Paul), 352, 396, 562, 607, 683. Villari, 316, 682. Villavecchia (V.), 756. Ville, 560. , Villiers, 603, 604, 685. Vincent (Camille), 925. Vincent (J.-H.), 320. Violle (J.), 278, 219, 560, 924. Virchow, 633. Viré (Armand). 635, 886, 9914 à 4000. Vires, 37, 80, 121. Vivien, 480. Voigt (Waldemar), 475. Vordermann, 764. Vosmaer, 1020. Voulet (Lieutenant), 893 à 904. Vries (G. de), 399. Vries (J. de), 39, 125. Vuillemin, 441. W Waals (J.-D. van der), 39, 127, 851. Wade, 726. Wælsch, 400, 847. 216, 399, Wagner, 400. Walker (James), 172, 360, 444. Walker (G.-T.), 726. Wallerant, 215. Wannebroucq, 280. Ward, voir Marshall Ward (H.). Waters, 928. Watson, 523, 1019. Watteville (Ch. de), 219. Weber, 121. Weber (E. von), 560. Wegscheider, 254, 524, 640, 688, 851. Wehlin, 636. Weichselbaum, 40. Weidel, 640. Weierstrass, 173, 314. Weinek, 40, 524. Weisberg, 39. Mess (G.), 42, 449, 481, 517, 560, 124, Do. Weiss (P.), 352. Wellisch (S.), 1020. Wells (sir Spencer), 280. Welsch, 924. : Wenzel, 851. Whitehead, 639. Widal, 44, 84, 169, 281, 723, 1016. Wiesner, 284. Wijhe (J.-W. van), 124. Wilde, 634. Wilde (A.), 288. Wilde (H.), 393, 726, 924, 995: Wilderman, voir Meyer-Wilderman. Willey, 761. Williams (miss Katharine), 524. Williams (P.), 924. Wilson (C.-T.-R.), 800. Wilson (E.). 482. Wilson (W.-E.), 122. Wilson Hake (H.), 763. Wind, 84, 128, 803. Winter (J.), 18, 393, 126, 199. Witz (Aimé), 449 à 460, 630. Wolf, 79. Wolff (C.), 682. Woltering, 220. Wulf, 688. Wyndham R. Dunstan, 444. Wynne, 763. Wyrouboff, 560,561, 607, 1014, 1017. Wyssokowitz, 636. X X... (Colonel), 113, 210, 880. XXX.. (Colonel), 289 à 294. Y Y... Y... (Lieutenant-colonel), 354. Yersin, 121. Young, 172, 360, 762. Yvon, 636, 969, 1016. Z Zabolotny, 636. Zanietowski, 400. Zaremba, 316, 480. Zeeman (P.), 39,298, 604, 764, 803,972. Zehenter, 284. Leiller (R.), 5 à 44, 314. Zenger, 722. Zeuthen, 924, 967. Zindler, 608. Zintgraff, 974. Zograf (Nicolas de), 167, 168. Zuber, 357, TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES CONTENUES DANS LES ARTICLES ORIGINAUX, LES ACTUALITÉS SCIENTIFIQUES & INDUSTRIELLES LA BIBLIOGRAPHIE, LA CHRONIQUE & LA CORRESPONDANCE A ABEL'SCHEN FUNCTIONEX. — Theorie der — . ABSORPTION DE LA LUMIÈRE. — L'— dans les corps ‘fluo- rescents . . SA Acanocécinies. — Recherches anatomiques ‘ sur les Galles. Etude de quelques diptérocécidies et — . ACCuMULATEURS. — Les nouveaux — Tudor. a — Les — électriques . in JO AcéryLèe. — Production industrielle et utilisation pratique de | —. POSTE — Applicalion de l— à l'Analyse chimique. — Le Carbure de calcium et l'—. Les Fours élec- triques . — L'Eclairage à RE 5 Acer. — Les Théories de la trempe del ë AGIERS AU NICKEL. — Recherches nouvelles sur ‘les —. ADbucTION DES Eaux. — L'— du Loing et du Lunain à Paris. . RÉ TENTE AGRONOMIE — Revue annuelle d—. AimanraATION. — Recherches sur 1— de la magnétite cristallisée et de quelques alliages de Fer et d'Autimoine ALDÉHYDE FORMIQUE. — Sur la Préparation industrielle de l— . AREAS RO CE ALUMINIUM. — ‘L'utilisation de l— : : AMINO-ACIDES. — Sur quelques — non saturés . AMMONIAQUE. — La Fabrication de l— . — L'—, ses nouveaux procédés de fabrication et ses applications. — L'industrie de l— caustique, ‘de l— liquéñée et des Sels ammoniacaux . : : AMPHARÉTIENS. — Recherches sur les — . AwaLyse. — Leçons sur les Applications géométriques de l'— (Eléments de la théorie des Courbes et des Surfaces) . . : — Traité d—, t. init — Les Rapports de l— et de la Physique mathé- matique ANALYSE CHIMIQUE MÉDICALE. — Eléments d — appliquée aux recherches cliniques . ; ANATOMIE. — Revue annuelle d—. ANATOMIE PATHOLOGIQUE. Cœur. Vaiss LME Dors ANNÉE PSYCHOLOGIQUE. — L'— Anrménozoïnes. — Découverte d'— chez les Gym- nospermes . GAL ANTI-ALCOOLISME. — L' Enseignement ‘de = Uygiève. Législation francaise et étrangère . . APPAREIL BRONCHO-PULMONAIRE. — Du rôle du Système nerveux dans l'infection de 1 — . APPLICATIONS DE L'ÉLECTRICITÉ, — Les — à l'Artillerie. APPLICATIONS DE L'ELECTROLYSE. — Les — à la Métal- lurgie. 3 ARGENTAURUN. STEP" É ARTILLERIE et Budget . . — Les Applications de l'Electricité à 1 — : — La Question actuelle de l'— de campagne. ASTRONOMIE. — Here annuelle d'— .. — Cours d'—, t. II. Astronomie sphérique. Mouve- ments dans É système solaire. Eléments géogra- phiques. Eclipses. Astronomie moderne. . . ATTRACTION NEWTONIENNE.— Sur la nature de l—. La loi de Newton considérée comme une nécessité logique. . — Sur la nature de l'—! La loi de Newton ‘considérée comme un résultat d'expérience =... AuprTIox. — Le minimum PORC ApHBIEn ETES AURORES POLAIRES. — Les —. 5 E AUTOMOBILES. — Les — électriques. ———— 1. Les chiffres gras renvoient aux articles originaux. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1897. AUTOMOBILES. — Les —. . . .. AUTOMOBILISME. AVANCEMENT DES SCIENCES. — Association francaise | pour l'— (Congrès de Saint-Etienne). — Association francaise AUDE l— (Congrès de Saint- Etienne) .- . . DRAACT ER n BAGILLE DE LA Pesre. — Morphologie et Culture du — BACTÉRIOLOGIE. — Précis de — pratique BauistiKk. — Compendium der theoretischen ausseren. BALLONS-SONDES. — L'Inscription photographique des Altitudes dans les ascensions des —. BananiEr. — La Culture du — et le Commerce des Bananes ï : : BIBLIOGRAPHIES GÉOLOGIQUES. — ‘Catalogue des — : Biococie véGéTALE. — Atlas de —, 1er fascicule. BIOxXYDE DE BARYUM. — Le Raffinage en sucrerie et la Fabrication du —. 0 BOTANIQUE. — La — à Ly on avant la Révolution à BnirisH ASSOCrATION. — La — au Canada . C CagLe. — Projet de — pour l'Islande. — Ün — anglais à travers le Pacifique . CABLES Sous-MaRINS. — Nouvel appareil enregistreur pour — Cacaover. — La Culture du — dans les colonies fran- caises CALCUL MÉCANIQUE. — Appareils et Machines pour Te + appliqué à toutes les RTS RÉEL DE CanniZzARO. — Le Jubilé de M. : Cap. — Du — au lac Nyassa . . - VE CAPSULES SUKRÉNALES. — Surles Fonctions des — . . CARBURE DE CALCIUM. — Le —etl'Acétylène. Les Fours électriques . . CARBURES MÉTALLIQUES. — Le Rôle. des — - dans la na ture DE CARTES GÉ OLOGIQUES. — Les nouvelles — . : Cararacrtes ou Nic. — L'utilisation des — comme force motrice. : Caupax. — Les Résultats scientifiques de la cunpague du — dans le golfe de Gascogne . . CAVERNES ANGLAISES. — Irlande et —. . : CELLULE NERVEUSE. — L'Histopathologie de la— : CERCLE SAINT-SIMON . : NS Céréaes. — Concours sur les Variétés de nos — . CuaLeur et Energie . d tx CHAMPIGNON DE COUCHE. — “La Culture du — É Caaure ÉLECTRIQUE. — Nouveaux Appareils 1e Cuziku-Saïn. — La France dans le détroit de Bab-el- Mandeb. — La Question de. ; Cuico. — Mental dev eloppement i in the — and the Race. Methods and 'PrOCESSeS PR PE CHimICA MINÉRAL. — Tratado de Chimica elementar. t. 1. — Dur SDS Caine. — QG ours élémentaire de — — Cours élémentaire de —(suite). CHiMIE APPLIQUÉE. — L'enseignement pratique de la — de la Faculté des Sciences de l'Université de Paris. CuiMIE BIOLOGIQUE. — Lecons de — normale et Le logique. . : : : — Le rôle de la - _'en médecine : 5 CAIMIE EXPÉRIMENTALE. — Sur la fin prochaine de la — CHIMIE MINÉRALE. — Traité élémentaire de Chimie : I. —. IL. Chimie organique . . . 20° 691 1038 TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES CHIMIE ORGANIQUE. — Traité élémentaire de Chimie : I. Chimie minérale. II. à — Cours de —. Supplément, 1er fascicule. — Traité de — d'après les théories modernes. Il. CHIMIE PHYSIOLOGIQUE. — Eléments de — . Came pure. — Revue annuelle de — . CumurGre. — OEuvres de Léon Le Fort. III. — Revue annuelle de — . . CuocérA DES PouLEs. — Nouvel emploi du — ‘pour dé- truire les lapins en Australie . dE CnémariQuEe. — Lecons de — : Cinématique théorique. CINQUANTENAIRE. — Le — académique de M: Faye. « - — Le — de H.-C. Sorby. CIRCULATION CAPILLAIRE. — Sur la — et les phénomènes vaso-moteurs . . . . : CLINIQUE THÉRAPEUTIQUE, — ! Traité ‘élémentaire de - —. CLINIQUES CHIRURGICALES de l'Hôtel-Dieu . - COECFICIENTS D'ORDRE ÉLEVÉ. — Sur la valeur approchée des — dans les développements CNVSÉDIC APRES CoLLÈGE DE FRANCE. — Cours du —. . COMPLEXES DU SECOND DEGRÉ. — Traité synthétique des figures du premier et du second degré dans la Géométrie linéaire. III. Les — (en allemand). COMPLICATION ORGANIQUE. — Le mécanisme de la — chez les animaux. . . COMPOSÉS PROPARGYLIQUES. — Recherches sur les Epidi- bromhydrines et les — . . ro Concuium BtBLioGRAPmICUM. — L'Index à fiches du —. CONDUCTEUR D'AUTOMOBILES. — Manuel pratique du —. CONGÉLATION DES SOLUTIONS AQUEUSES. — Recherches sur la — étendues . . . MARS ot € Concrès mévicau. — Le — de Moscou . . . . : CONSERVATION DES DENRÉES ET PRODUITS AGRICOLES. — Pro- CÉDÉSIAER EU : ConsERvES DE vianpe, — Les — destinées aux adminis- trations de la Guerre et de la Marine . CONSTRUCTION DE MACHINES. — Le Vignole des mécani- ciens. Etude sur la —, 3e édition, 1er fascicule. CONSULTATIONS INDUSTRIELLES. — Comité de —. 495$ 289, 488, Corps wLUORESCENTS. — L'absorption de la lumière dans iles 1, 2 os ea ete de Cou Me OE Corps PHOSPHORESCENTS. — La Constitution des : Corps PULVÉRULENTS. — Nouveau procédé de détermi- nation de la densité des —. (Méthode du flacon). Cours DE LA Loire. — La réfe chien du —. cle CrimINALITÉ. — Les théories de la — : d CRisrALoGRArIA oPrica.— Introduccion al estudio dela — CUISSON DES VIANDES. — La — . = CULTURES COLONIALES. — Les — à la Réunion. ê CURVENSCHAREN. — (Grundlagen einer Krümmungslehre COR TNA PSN re D Danomey. — La Jonction du Soudan et du — (1896-97). Découvertes pe M. AmEeGuino. — Les dernières — . . DÉFORMATION DU PARABOLOÏDE. — Sur la — et sur ques ques problèmes qui s’y rattachent. . . Démocrarnte. — Congrès international d'Hyg iène et de — de Madrid en 1898 . . . . Etude sur la DÉRIVÉS MÉTHÉNIQUES ET MÉTHINIQUES. fonction acide dans les —. DERMATOLOGIE. — Précis élémentaire de —. de V. Der- maltoses d'origine nerveuse. Formulaire. DÉSINFECTION DES LOCAUX. — La — . Dramantrs. — Les — du Cap. D'IFFERENTIAL-GEOMETRIE. — Vorlesungen über DIFFERENTIAL GLEICHUN — Handbuch der linearen —. 2e vol., 1er fasc . DIFFERENZENRECHNUNG. DINOSAURIENS. — Les — . . DIPHÉNYLANTHRONE. — Etude de quelques homologues dent Dierérocécinies. — Recherches anatomiques sur les Galles. Etude de quelques -— et Acarocécidies Dissozurion. — Recherches sur la —. . . . . . . DISTILLATION DES BOIS. — La —. . DISTRIBUTIONS D'EAU. — Les — au point de vue sani- taire ( en anglais) . . . DiviSION DÉ férence. . Ô 1 DONATIONS AUX UNIVERSITÉS nas : Waccs DOSAGE DE L'AZOTrE. — Le — dans Îles terres ‘et les en- grais ; simplification de la méthode de Kjeldahl. DOTATIONS SCIENTIFIQUES. Ce 224 22%, MALE. — La — du temps et de la circon- 212 719 845 922 593 439 51 365 629 41 321 60 313 159 843 892 678 22% 515 855 618 311 132 602 10% E ECOLE POLYTECHNIQUE FÉDÉRALE DE ZURICH. — L'— , . . ELEcriows à l'Académie des Sciences de Paris (MM. Fil- hol et Sebertj. . . — à la Société Royale de Londres (MM. G. Lippmann, A. Heim, Mittag-Lœæffler et Schiaparelli) . . . — à l'Académie des Sciences de Berlin (MM. Ray- leigh et Ramsay) . — à l'Académie des Sciences de Paris (M. Violle). : — à la Société Royale de Londres (MM. Williard Gibbs et Wislicenus) . PE __ à l'Académie des Sciences de Berlin M. Dar- boux). oc __ à l'Académie des Sciences de Paris (M. G. Bon- nier). È —_ à la Société Royale d'Edimbourg (M. Amagat) . : — à l'Académie dés Sciences de Paris (M. Radau). — à l'Académie des Sciences de Turin et à l’Acadé- mie des Sciences de l'Institut de Bologne ME Em. Picard) . : — d'un savant français à la Société des Sciences de Haarlem (M. Moissan). — à la Société hollandaise des Sciences de Haarlem (M. E.-H. Amagat). . . — à l'Académie des Sciences de Paris (MM. Hatt et de Lapparent). . . 2 ESENIRIPRERE — à l'Académie des Sciences de Paris (succession de M. Schutzenberger) . . ec _—_ à l'Académie des Sciences (M. Ditte) ou ELecrriciTé. — Lecons sur l'— et le Magnétisme. I. Phénomènes généraux et théorie . . . : — Exposition internationale d'— à Turin en 1898. ELECTRICITÉ ATMOSPHÉRIQUE. — Origine, variations et perturbations de l— . . Bi © © ELECTRODIALYSE. — L'— des jus sucrés. . : ELECTROMÉTALLURGIE. — Voie humide et voie sèche. Phénomènes électro-thermiques . à Erecrromoreurs. — Les — et leurs applications 0 ELECTROTHÉRAPIE. — Précis d'—. af ELEKTROCHIMIE. — Ihre Geschichte und Lehre. : . . - ELEKTROMETALLURGIE. — Die Gewinnung der Metalle unter Vermittlung des electrischen Stromes . ELépnanr. — Peut-on domestiquer l— d'Afrique? . ExerGérique. -— Le Discours de M. Meslin sur l — à la rentrée solennelle des Facultés à MonRqss 0 ENERGIE. — Chaleur et — : ENSEIGNEMENT CHIMIQUE. — L'= et les ‘Universités . UE EPIDIROBANDENTE — Recherches sur les — et les Composés propargyliques . . . AA EQUATIONS ALGÉBRIQUES. — Théorie des - —. EQUATIONS AUX DÉRIVÉES PARTIELLES. — Lecons sur l'in- tégration des — du second ordre à deux variubles indépendantes. 1. Problème de Cauchy; caracté- ristiques ; intégrales interméliaires. — Sur les systèmes d'— dont les caractéristiques dé- pendent d'un nombre fini de paramètres . . . EQUATIONS FONGTIONNELLES. — Etude sur les — d’ une ou plusieurs variables. . . . Equivarenrs. — Loi des — et théorie nouvelle de la Chimie . + LICE ERGODSME. IE NEED EE ÉTABLISSEMENTS ARMSTRONG. — Les —, leur situation actuelle. . . . ETHER CYANACÉTIQUE. — Nouvelles synthèses au moyen Jens 3 ASE PRE ETUDES COLONIALES mises au CONCOUTS . . — La méthode dans les —. Lecon d'ouverture du Cours de colonisation compärée à l'Ecole des Sciences politiques . . SEMONNTECRE ETUDES HISTORIQUES ET GÉOGR: APHIQU ES. leur origine, ÉruDrANTS ÉTRANGERS. — La Question des — à ‘la Fa- culté de médecine de Paris. . . EurorEan Taoucur, — À History of the — in the nine- teenth century (12° vol.) Eurortopsis GAvonr. — Recherches “physiologiques sur une moisissure nouvelle, l— . . EXISTENCE DE L'HOMME. — L'— à l'époque glaciaire en Amérique. g © EXPÉDITION POLAIRE DU Dr “FndTior NANSEN. Expériences DE M. P. ZEEMANN. — Lettre à propos des — à sr) CRE EXPLOITATION DES MINES. — Cours Gi PATES EXPOSITION INTERNATIONALE DE BRUXELLES. — La Section des Sciences à l'— en 1897 . . EXPOSITION NATIONALE SUISSE DE GENÈVE. à l—. RS rt © L'Electricité TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES 1039 F ImPREssION. — Création à Rouen d'un laboratoire de Chimie pue l'Enseignement de la Teinturerie et ; Ep 62 FAUNE MARINE. — FRS de la — de la côte sud- ne CHIMIQUE, — L'— -: L'Enseignement chimique africaine . D NON RC AT et les Universités. . . < 226 FAUNE SOUTERRAINE. — La — + < + 99 | IxousTRIE vINICOLE. — L'— méridionale. 963 Faye. — Le Cinquantenaire ‘académique ‘de M. 3 Al INFINT MATHÉMATIQUE. — De l'—. . . 429 FEMME AUX COLONIES. — La —. Ê 198 | nsmincr sexuëL. — Des anomalies de l'— eten parti- FERMENTATION ALCOOLIQUE par action diastasique. 324 culier de l'inversion du sens génital. 602 FERMENTATIONS EN TANNERIE. — Les — (en allemand). 1012 | Ixsrrrur DE TECHNOLOGIE. — L'— de l'Etat de Mac d Fers Et AGIERs. — Relations entre les propriétés its chusetts à Boston . EAU 831 caniques des — et leur composition PRiDIAns: 318 | INSTITUTS SCIENTIFIQUES. — les — etNlest Fou elles FIACRES ÉLEGTRIQUES. — Les — à Paris . à 32 Universités . . - 613 — Les — à Londres. 690 | Ixvanraxrs ProsEcrIrS. — Sur les progrès de la Théorie Fièvre rvenoïdr. — Du séro-dis ignostic de la — et du des 475 pracédéde M Widal :- NN 0. 44 | Iyveas ox. — Sur le Problème général de l'— et sur Fis rixs. — Sur la Torsion des —. 921 une Classe de fonctions qui se ramènent à des Fruor. — La liquéfaction du —. - 460 fonctions à multiplicateurs . . 718 FLUORESCENCE. — La Phosphorescence et la — en pho- INVERSION DU SENS GÉNITAL. — Des Anomalies de l'ins- tographie 308 tinct sexuel et, en particulier, de 1—. 602 FONCTIONS ELLIPTIQUES. — Principes de la théorie des InLAnpe et Cavernes anglaises: . a Nate 1012 — et Applications. 214 | Ivoire. — Trafic et Industrie de l— 809 FonmaLnénype. — La — et ses Applications à la désin- : ë fection des locaux contaminés. : 354 FOUR ÉLECTRIQUE. — Le — 6 151 Fours ÉLECTRIQUES. — Le Carbure de ‘calcium et 1 ‘Acé- J tylène. Les —. . . . . . . 600 , FREIN ÉLEGTRO-PNEU MATIQUE. — Le — de M. C hapsal. 42 ACT — Le Chemin de fer électrique de la — 729 us SUCRÉS. — L'Electrodialyse des —. 361 — Sur les procédés de Raffinage et d'Epuration des— 166 G Gapoues. — Emploi des — à la POAUCHON de l'élec- K ÉD CTO RE n omr ele le Ge ie dener vie 527 Gaurrs. — La Fabrication des — en papier 5 nou 6 165 | Kapvrir. — La — etle Peuple kabyle. . . 295 GaLLes. — Recherches anatomiques sur les —. Etude L PER METRE de quelques Diptérocécidies et Ac arocécidies. 631 GAZDE L'ATMOSPHÈRE. — Les — one 515 (AZ FARADISÉS. — Sur quelques Propriétés des — 361 L Gaz Liquériés. — Etude FARÉRDENAIS 0 des s Hlydrates de gaz. Etude des —. . . ; . 352 | LABORATOIRE INTERNATIONAL. — Création d'un — pour Géouoie. — Revue annuelle de —. 154 l'analyse des Fers et des Atciers. - "#4. 527 — Congrès international de — de Saint- Pétershourg. 569 | LABORATORIA CHIMICO CENTRALE DELLE GABELLE “oc QUE 756 Géowérrie. — Die Grungebilde der ebenen —. 1er vol. 436 | Lac nyassa. — Du Cap au —. me 353 Ginorzier. — La Culture du — dans les Colonies fran- Larr, — La question du — à Paris MON ANS 176 caises. : 132 — Quelques observations sur l'alimentation des nou GLaciers. — Les Variations de longueur des — dans veau-nés et de l'emploi raisonné du — stérilisé. 846 les régions arctiques et boréales (1re partie). 883 | Larrs DITS MATERNISÉS. — Les —. Leur fabrication et GRaINEs. — Recherches sur l’Absorption et le Rejet leur emploi dans l'allaitement mixte et artificiel. 503 de l'eau par les —. . . . . . . . . . . . . . . . 312 | Lapins EN Ausrrazie. — Nouvel emploi du Choléra des GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — La —. Inventaire raisonné des poules pour détruire les — 365 Sciences, Ds Lettres et des Arts. 561€ livraison . ee LEPIDOPTEREN. — Abstammung, Alter und Entwickelung SAONE MOGHENIVIAISONS OR US RUN Ce 2 der —. . 276 Gravrrarion. — La Constante de la — . . 46 | Levunes. — Les — Caractères morphologiques et “phy- GuIDE SANITAIRE à l'usage des officiers de l'armée co- siologiques. Applications des — sélectionnées. . 166 LOREIC LEE A © © © - à +. 35% | Lirase. — Nouveau ferment du sang. La —. PE — La — végétale . . Te à ‘ ) LIQUIDES SATURÉS. — Sur l'étude “calorimétrique com- 0 H lète des, —... à “ne Loc Met CÉRÉBRALES. — Les - — en “psychologie. 158 Haï-van et les Influences étrangères. . 2 | Locarrrames. — Table de — à 5 décimales EE alle- Hancue. — Pathologie et traitement de la luxation mand) : NAS ever ft congénitale de Tes VUE 846 | Lor ne NEWTON. — Remarques SUR SIN 5 HeuroPorA CoERULEA PALLAs. — On {he structure and Sins : - 174 affinities of —, with some observations on the — Sur la vature de l'attraction new tonienne. rat structure of Xenia and Heteroxenia. . . . . . 25 considérée comme une nécessité logique. .. 379 Hexgrer Lcoyr. — L'— : Se CN ÉTNRRERS 15 — Sur la nature de l'attraction newtonienne. La — PE nROoMO PAUSE Len Zoologie. 5s9 considérée comme un résultat d'expérience. 381 HisroLocre. — Précis d'— ; 912 | Lucrux. — Un prétendu « nouvel élément » : le —. . 126 HouÈre. — Les Choses naturelles dans — : ee US HUILES SICCATIvES. — Vernis et — SR ra T5 Hysrines. — Des — à l'état sauvage : Règne animal. M I. Classe des Oiseaux. . . 196 HYDRATES DE Gaz. — Etude expérimentale des —. Etude : Mapacascar. — Un explorateur inconnu de — au des Gaz liquéfiés . RE 352 vue siècle : Francois Martin 165 HyGtèNE et Thérapeutique thermales. . . 3 166 Do no clles A ER EP A nt E 366 — Congrès international d — et de Démographie ‘de DATE milan Gui Coane Fee 643 Madrid en 1898. : 366 Macnérisme. — Lecons sur l' Electricité et ‘le —. T "Phé- pee INFANTILE. 2 peux ans de fonctionnement nomènes généraux et théorie . . . . : - + + + » 33 pate Son Bud E AD 2 de Ma En — Traitement cpératoiren ‘de la gibbosité Æ MALADIES DE L “ENFANCE. — Traité des- — + 17 Thérapeutique et prophylaxie des —. Formulaire. 11 Û Mx ANIFESTATIONS DE LA V1E.— Les — dériv ent-elles toutes 5 des forces matérielles? . . . UE IMAGINATION. — Mémoire et —. Peintres, Musiciens, Maroc. — La culture du — dans le Bassin méditerra- Poètes et Orateurs. . SE OM ES è 390 néen . NE RE MR 976 TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES 1040 MANIPULATIONS DE PHYSIQUE. — Traité de —. 551 — Cours supérieur de —. . 630 Mécanique. — Revue de — . : T2 MARINE ALLEMANDE. — Les navires de guerre de la —. 292 MARINE ENGineers. — Congrès international des « Naval architects and — » . . 609 MARINS PÊCHEURS. — L'enseignement professionnel des — . , « 853 MATHÉMATICIENS. — - Congrès international des —. Pre- mière session : Zurich, août 1897 . . 783 MATIÈRES COLORANTES ARTIFICIELLES. — Chimie des — (2e, 30, 4e, 5e fascicules). HE 921 MÉCANIQUE. — Les idées de Hertz sur la — 234 MÉCaANIQUE CHIMIQUE. — Traité élémentaire de — fondée sur la Thermodynamique, t. I. 310 Mécanique paysiQue. — Lecons de — 920 MEcnanik. — Die — in ihrer Entwiekelung, “historisch- kritisch dargestellt . . . PEUR :920) MÉDAILLE BESSEMER. — La — (sir F.-A. Abel). | 221 Méparcze D'or. — La — de Ja Société industrielle du Nord de la France (M. Moissan). . 85 — de la Société astronomique de Londres (M. Bar- nard). 221 — dela Société de géogr ‘aphie ‘de Saint- Pélersbourg (M. Moureaux) . . 221 — de la Société géologique de Londres (miss Ogilvie). 321 MÉDECINE. — Revue annuelle de — 3411 — Congrès international de — de Moscou en 1897. 366 MÉpecNE DE L'Esprit. — Jntroduction à la —. 1012 Méo E EXPÉRIMENTALE. — Création d'un laboratoire de — au Collège de France . SOA Mécancozre. — Les états intellectuels dans la —. . 539 Méxorre et Imagination. — Peintres, Musiciens, Por tes et Orateurs ô PCs 00 Méraucunore. — Traité théorique ‘et pratique ee: Cuivre, Plomb, Argent, Or (traduit de l'allemand). 275 — Les applications de l'Electrolyse à la —. . a TEE) MÉTHODE SCIENTIFIQUE. — La — en commerce et en in- dustrie. . 202 Macrornonocrarne. — Le — et ses applic alions à l'édu- cation des sourds-muets, à la Téléphonie et à la en fce ë . 1005 Microscope. — Un nouveau — pour l'étude des corps opaques. oxe 45 — Ce qu'on peut voir avec un petit — . 1011 MINÉRAL -OGIE. 922 Mixes D'or. — Les — du Transvaal. 116 Mission CHarrANION. — La traversée de l'Asie septen- trionale par la — PR UI28 Mission Hounsr. — La descente du Niger par Vo 858 — Les résultats de la — en Chine.4000 A PÉTROLE. — L'état actuel ct les MISSION LYONNAISE. MOTEURS A GAZ ET besoins de l'Industrie des — en France . . . . . 449 MouLAGES p’ACIER. — La Coulée centrifuge Spies au durcissement de la surface des —. . . . 974 MOUVEMENT COLONIAL. — Le — en Allemagne. RMI ASI — Le — en France. 527 Muscre.— La Fatigue et la respiration élémentaire du — 36 CoLonraz. — Le — de Marseille . . S61 x. — Cours du — d'Histoire naturelle eu 1197-98. 808 N NAVIGATION. — La — de la Loire. . 292 — La — de la Garonne et du Rhône. Comparaison de ces fleuves avec la Loire. 5 NÉVROPATHIE. — Enquêle médico- psychologique sur les rapports de la supériorité intellectuelle avec la — I. Emile Zola. 391 NEwWTON’SCHE PRiNCIP. — Allgemeine uutersuchungen über das — der Fernwirkungen mit besonderer Rücksicht auf die electrischen Wirkungen. 5 33 NÉCROLOGIE. —l Alfred Nobel... "5. MM EN NU [l — Emile du Bois-Reymond. . 41 — George Ville . EE 125 — Karl Weierstrass . 173 — Charles Contejean. 474 — Galileo Ferraris. . . 174 — Franz Baur, Henri Gatke, E. À B. Lundgren, Her: wann von Nôrdlinger, À. À. von Bemmelen, Au- guste Streng, Salvatore Trinchese, Sylvester, Antoine d'Abbadie. . DL EURE 22 1 — Antoine d'Abbadie. . 285 — Morvan. : 321 — Discours sur Pasteur à la Socicté ‘chimique ‘de Londres. RE EG OR ee, UN NécroLoGie. — Dr Me Léon de RASE Descloi- ZeAUX: MA o : Descloizeaux . . De Schutzenberger. K. R. Fresenius. James Joseph Sylvester . Rudolf Heidenhain . Edm. Drechsel, Ernest Scheering. E. S. Tarnier . MCE A. Joly . Cornevin . . L'explorateur Zintgraff. . Die CT CITE NIVELLEMENT GÉOMÉTRIQUE. — Note sur l'erreur de ré- fraction dans le — . . . LE en à NIVELLEMENTS DE Précision. — Notes sur le rôle des erreurs systématiques dans les — et sur le degré de stabilité des piquets. NOUvEL ÉLÉMENT. — Le — annoncé par M. G.-G. Bou- cher . ; NOUVELLES UNIVERSITÉS. — Les Instituts scientifiques CLASS ERNEST 1 NAT [e] OBÈsE. — L'Hygiène de l' — SHONTAE OBSERVATOIRE MÉTÉOROLOGIQUE DU Moxr- BLANC. NL nales de l'— Ve HE è à Osus PERORANTS. es = ; OEUVRE MATHÉMATIQUE DE E. GALOIS. — Lr: = l'occaz sion de la réédition de ses Mémoires . OEUVRES DE GRASSMANN. — Gesammelte mathematische und physikalische Werke, 1er vol., Ausdehnungslehre von 1862. . OEUVRES COMPLÈTES DE SPERK. — Syphilis, ‘Prostitution, Etudes médicales diverses (traduit du russe). QAPEE SONORES. — PRDÉneReeae de lord Raylaish sur es —. . go OPHTALMOLOG IE. 2e partie, Die _ Manuel de Oerique. — L' — et la théorie des ions. . . Orpures. — Le traitement des — dans les grandes villes . 5: SCC P Paix. — Le — et la Panification. Û Parrumerte. — Industrie de la — en France : ire Partie. Extraction des produits naturels . 2e Partie. Fabrication des essences artificielles. 3e Partie. Préparation et écoulement des ‘proie de consommation. . — Remarques sur le rôle de la Chimie en — . Parroms. — La science dans l'industrie des — en AL- lemagne RE 0 2 à PASTEUR. — Histoire d'un ‘esprit. Dee ParnoGénE. — Lecon de — appliquée (clinique mé- dicale) ; PATHOLOGIE CELLUL: AIRE. — Le renouveau ‘de la — . PAvAGE EN Bois. — Le — à ë Pècnes. — L'Exposition internationale des — à Ber- gen en 1898. : PERCARBONATES. — Une nouvelle classe de ‘substances oxydantes : les —. LT LS MSP RER Pesre. — La lutte actuelle ‘contre la - — PHÉNOMÈNES VASO-MOTEURS. — Sur la circulation | capit laire et les — . RE . Paosenates. — Les — qd Algérie ns à PuospnonescENCE. — La — et la Fluorescence en Pho- tographie. MANGONETOEE 0 MODE. Ac: à Paosphorisue. — Le — : PHYLLODOCIENS. — Recherches ‘sur les — PayLLoxerA. — La reprise d'un pro eRe de Pasteur pour détruire le — PHYSIOLOGIE. — Revue annuelle de — . PuvysSloLOGIE CELLULAIRE. — Etude de —. . PHYSIOLOGIE VÉGÉTALE. — Planches de —. Paysique. — Revue annuelle de — . — Cours de — . ï PHYSIQUE ET DE CHIMIE. — Revue de - — PHYSIQUE MATHÉMATIQUE. — Les rapports de l Analyse et de la — . PIGMENTATION. — “Recherches sur la “Mécanique ‘de la — . UNIT PILES ÉLEC TRIQUES — Les — .. 321 600 A94 339 438 757 me Sd TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES 1041 PLANTES MÉDICINALES ET TOXIQUES. — Les — de la Guyane SOCIÉTÉ RARE DE MERDE — Concours ouvert ERA ETES ENT es 0 1022 para: 644 PLANTES OLÉAGINEUSES HERB: \cé . — La culture ‘des — SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES. — _ ‘La séance anniv ersaire — en France . c 425 de la — .. 6 MERE 973 Pors DE WEIERS" mass. — Recherches sur les — d'une Sozurion soupe, — La notion de — : . . . .. 643 courbe plane algébrique. . . . Jo1 | Sopnisue. — Science et — en Chimie 288 Porsoxs. — Une nouvelle théorie de l'action des subs- Soupax. — La jonclion du — et du Dahomey (1896- tances Antiseptiques et des —. . . . . . 806 ARR EE HU S93 PôLe Sup. — Expéditions au — . 691 — La pénétration commerciale au — central. : : : 940 PÔLES DES FONCTIONS UNIFORMES. — Sur les — à deux va- SUBSTANCES ANTISEPTIQUES. — Une nouvelle théorie de riables indépendantes. . . 843 l'action des — et des poisons. 806 Powrss cexrriruGes. — Nouvelle théorie des —: Etude SUC PULMONAIRE. — Le — . é . 00 224 théorique et pratique . . . LEO ELA 351 | Sucs PLASMATIQUES DE Bucnxer. — La nouvelle tuber- Porc. — L'Elevage du — en France . . 618 culine de Koch et la théorie des — . . 384 Poncecanvr. — L'état actuel et les besoins de l industrie SUPÉRIORITÉ INTELLECTUELLE. — Enquête médico- =psy- de la — dure en France : chologique sur les rapports de la — avec là 1e partie : Fabrication des objets à cuire . . . . . 950 névropathie. 1. Emile Zola . : 391 29 partie : Cuisson et décoration . . +: + + DSL | Sypmrrique. — L'Hygiène du — LS 96% 3e partie : Conditions scientifiques, économiques SYSTÈME DU MONDE. — Formation mécanique du — 521 et sociales de la production. . . . . . . . . . . 987 | SysrèmME NERVEUX cENTRAL. — Lecons sur la structure Porr DE ManseiLze. — Les travaux du —. . . . . . . 805 des organes du — de l'Homme et des Animaux Porr DE Srax. — Le — . 325 (en allemand). 35 Porassiun. — Nouvel L'appareil pour la diagnose rapide du. . 403 Pouvoir ROTATOILE. — ‘Recherches ‘sur l'absorption et T la Ann de la Lumière par les milieux doués du —. DC ROSE UE 389 Préazres. — Le Problème des — . 699 | Tacasaste. — L'acclimatation du — en Algérie et en PROCÉDÉS DE DOSAGE. — Recueil de procédés de dosage JUNISIE EE 89 pour l'Analyse des combustibles, des minerais de Tax. — Sur le — de la Galle d' Aiep et de la Galle fer, des fontes, des aciers et des fers : 390 de Chine. 151 PROPYLAMINES NORMALES. — Contribution à l'Etude des Tenrure. — Création à Rouen d'un laboratoire de — et de leurs dérivées . . . 558 Chimie pour l'Enseignement de la — et de l'Im- PROVINCES BOTANIQUES. — Les — de la fin ‘des temps pression 3 Se DE e te primaires. . . 5 | Teurs Primammes. — Les provinces botaniques de la PsvenoLote. — Le troisième Congrès international de fin des — . 5 2 22 | Texsron SUPERFICIELLE de l’eau et des solutions salines. 719 = Eléments de — humaine. . 197 | TERRAINS SÉDIMENTAIRES. — Recherches de M. Cayeux sur les — du Bassin de Paris et de la Belgique . 496 TERRAINS TERTIAIRES. — Etude sur les — du DAS R de la Savoie et de la Suisse. . . 139 THEORETISCHEN Paysik. — Kompendium der — I. Me- chanik starrer und nichtstarrer Kærper, Waerme- Race. — Mental Developpement in the Child and the lehre. II. Elektricitaet und Magnetismus. Optik. 47 —. Methods and Processes 680 TuéortE ATOMIQUE. — La — et la Théorie dualistique. 312 RADIATIONS ÉLECPRIQUES. — La transmission des signaux Tuéorte DUALISTIQUE. — La Théorie atomique et la—. 312 à travers l’espace par les — 567 | THÉORIE DES FONCTIONS. — Sur quelques points de RanioGraAPule, — Nouvelle le application de la — à la mé- ET RE RS OM CL OS roi ea ou RUN decine - 404 | TuéoriE DES 10Ns. — L'Optique et la — 298 RarriNAcE ex sucuerte, — Le — et la fabrication du TuéORIES CHIMIQUES. — Les nouvelles — . . 882 Bioxyde de baryum . . G94 | TaérapeuTiQue. — Hygiène et — thermales. 166 Rares sPECrRALEs. — Les variations de période des —, 93% | Tuenmocurme. — Lois numériques et données expéri- RAYONS CATHODIQUES et Hire de Rôntgen. . . 962 mentales . . . . ae SL Rayoxs DE RGNTGEN. ADREEQR “thérapeutique DARSSALE RL EN ET DE des — . 88 | Tissu ÉLAsSTIQUE. — Formation et évolution des élé- — Rayons cathodiques et — Eve 962 ments du — : 631 Rayons X. — Technique médicale des —. 118 | Tonricces. — La construction des — et des torpil- — Les — et la Dissociation. 529 leurs Mspartie. 1-11 CE Ê 177 — Les Actions physiologiques attribuées aux — leur DEpar bee res Last ASE ON CP NT EC EE sont-elles dues?. . 891 | Torrireurs. — La construction des torpilles et des —. RECRERCHES SCIENTIFIQUES mises au concours par l'Aca- ire partie. 1237 démie Royale de Belgique. 5 366 2e partie. é 234 REPRODUCTION DES COULEURS. — La — par la superpo- — Installation de — sous-marins dans les flancs des sition des trois couleurs simples. 16% croiseurs et des cuirassés. . . à c 526 RÉSIDUS INDUSTRIELS. — Les — employés comme en- Tour 4 L'Ecour. — La valeur agricole AU ee RO rais. 1. Industries minérales et animales. Il. In- TRACTION ÉLECTRIQUE. — Le système de — sur les CUS ITNERMÉSÉTAleS En. CR CU ON NOUS lignes de la Madeleine à Courbevoie, Neuilly et RESPIRAUION HUMAINE. — Les différentes formes de OO CS ie prono 02 DORE MEN DS, ed 299 — La —. .. ë 5 71 TRAMWAYS ÉLECTRIQUES. - 351 TrANSFORMATEURS de tension à courants alternatifs. 557 s TRANSMISSION DES SIGNAUX. — La — à travers l'espace par les radiations électriques. 567 TRAVAILLEUR SOUS-MARIN. — Le —. de 322 SAG EMBRYONNAIRE. — Recherches sur le — des plantes TRAVAUX MATHÉMATIQUES. — Revue de quelques —. . . 95 grasses. . 213 | TRAVAUX PUBLICS AUX COLONIES. — Les — : Les Chemins SANG. — Le lavage du — : 198 de fer. PR NO TR RSS — La Chaleur spécifique du — humain. 892 | Torercuuve DE Roc. — La nouvelle — et la théorie Screxce et Sophisme en Chimie . : 288 des sucs plasmatiques de Buchner. 3S4 ScoMBÉROÏDE FOSSILE. — Découverte d'un — : : 40% | Tuorreucose. — La lutte contre la —. 199 SELS MÉTALLIQUES. — Contribution à l'étude de le quelques — Congrès pour l'étude de la —. 64% — halogénés. 1011 SÉRUNS SANGUINS. — Des applic ations des — au traite- ment des maladies . HRENE 166 u SIAM. — Au — . . 575 365 Siicruw. — Le — et les siliciures métalliques eee 34 Hour FRANÇAISE DE PHysiQue. — L'Exposition de Uréninées. — Recherches histologiques sur la Famille RE = es Re = dolce 487 des —. . - et la 601 1042 TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES URINE HUMAINE. — L'—. Urines normales, anormales, VOYAGES D'ÉTUDES DE LA « REVUE ». — Voyage au pays HAROÏOPTQUES EN PE ET CD RES des Croisés ASyrielet Palestine FR CN Usine Kaupr. — L'—, ses développements, sa puis- — Voyage aux capitales de la Baltique et en Russie. Sancetactuelle. 4 MENU Re UE 113 Livres d'nee NON NE RET ENNEE USINES CÉRAMIQUES. — Le rôle de la Science et des — Voyage au pays des Croisés : Syrie et Palestine Laboratoires industriels dans les —. . . . . . . 362 Livresra inerte EN ASE ER USINES D'ARTILLERIE AMÉRICAINES. — Les —; Bethlehem, — Voyage aux capitales de la Baltique et en Russie. Midvale. ete. 4 RON ERNEST ER 879 — Voyage au pays des Croisés. … 1 : ae — Voyage au pays des Croisés. . . . . . . . . — Leretour du « Sénégal » ramenant le xoyase ste études v de la « REVUE » au pays des Croisés. — Voyage à Constantinople et Athènes. — Voyage en Grèce, au mont Athos et à Constanti- Vareur D'EAU. — Mesure du coefficient de diffusion de nople (Vacances de Piques 1898) EP EREE la — dans RRmopRère et du coefficient de frot- VOYAGEURS NATURALISTES. — Education scientifique tementide la = MSN A PR EN ER 756 CCE à: - Ver À SOI. — Le — Son élevage, son cocon . : . . 922 Vernis et huiles siccatives. . . : . - . . . . . .. 15 Vieruue-CasriLe. — Contribution à l'étude géologique W de la —. SE FER TE one 213 VINIFICATION RATIONNELLE par l'emploi des levures, WinBELrELDER. — Die Geometrie der — . . . . . < après stérilisation des moûts de raisin. . . . . . 87 VOIES URINAIRES. — Maladies des —. Séméiologie. 439 Voucaxs. — Les anciens — de la Grande- Bretagne. 902 Z Vozruèrre. — Nouveau — d'étalonnage . . . . 466 — Un nouveau — d'étalonnage. 567 | ZooLocie. — Traité de — concrète. I. La Cellule et les VOYAGES D'ÉTUDES DE LA « REVUE ». 401 Protozoaires . . A — Voyage en Egypte. . . .. 446 — Sur la méthode d' exposition CRIER — Voyage aux capitales de la Baltique eten Russie. 485 — Revue annuelle de —. . Et 5 < — Voyage aux capitales de la Baltique et en Russie. 528 — Traité de — IV. Vers (suite). Mollusques Oo © ERRATA P. 119, au lieu de Malaquin, lire Malaguin (A.). p.490; tableau sont donnés pour 10.000 et non pour 1.000. P. 191, à la fin de la deuxième colonne, au lieu de: les chiffres des décès de tuberculose portés au « Les spores des bacilles peuvent ensuite germer », lire: « Les germes morbides peuvent ensuite proliférer ». P. 683, au lieu de Chavastelon, lire Chevastelon (R.). P. 797, col. 2, ligne 4, au lieu de Foler, lire Forel. 565 269 612 643 644 731 166 892 929 289 843 165 175 266 757 P. 797, col. 2, ligne 48, au lieu de psychologie, lire physio- logie. PARIS LOUIS MARETHEUX, IMPRIMEUR l, RUE CASSETTE, IPS FE æ re RCE + 3 4 1 3 . L L : LOTIR SE